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01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html
  A001000057 

 Article IV. Premiere violation des Saintes Escritures faitte par les reformateurs, retranchans plusieurs pieces d'icelles 76.

  A001000058 

 Article V. Seconde violation des Escritures par la regle que les reformeurs produisent pour discerner les Livres sacrés d'avec les autres, et de quelques menus retranchemens d'iceux qui s'en ensuivent.

  A001000063 

 Article X. De la prophanation des Escritures par la facilité qu'ilz prætendent estre en l'intelligence de l'Escriture 87.

  A001000066 

 Que c'est que nous entendons par Tradition Apostolique.

  A001000083 

 Article VI. Par l'ordre avec lequel les Evangelistes nomment les Apostres.

  A001000090 

 Article XIII. Confirmation de tout ce que dessus par les noms que l'ancienneté a donnés au Pape.

  A001000100 

 Article IV. Conclusion de toute ceste 2 e partie par un brief recueil de plusieurs excellences qui sont en la doctrine catholique, au pris de l'opinion des heretiques de nostre aage.

  A001000113 

 Article V. De quelques autres lieux, par lesquelz la priere, l'aumosne et les saintes actions pour les trespassés sont authorisees.

  A001000114 

 Article VI. De quelques lieux de l'Escriture par lesquelz il est prouvé que quelques pechés peuvent estre pardonnés en l'autre monde.

  A001000115 

 Article VII. De quelques autres lieux, desquelz par diversité de consequences on conclud la verité du Purgatoire 171.

  A001000132 

 Ayant continué quelque piece de tems la prædication de la parole de Dieu en vostre ville, sans avoyr esté ouÿ des vostres que rarement, par pieces et a la desrobbëe, pour ne laysser rien en arriere de mon costé, je me suys mis a reduyre en escrit quelques principales raysons, que j'ay choysi pour la plus part des sermons et traittés que j'ay faict cy devant a vive voix pour la defence de la foy de l'Eglise.

  A001000132 

 J'eusse bien desiré d'estr'ouÿ, aussy bien que les accusateurs, car les parolles en bouche sont vives, en papier elles sont mortes: « La [1] vive voix, » dict saint Hierosme, « a je ne sçay quelle secrette vigueur, et le coup est bien plus justement porté dans le cœur par la vive parolle que par l'escrit.

  A001000132 

 » Qui a faict escrir'au glorieux Apostre saint Pol: Comme croiront celuy qu'ilz n'ont point ouÿ? et comm'ouyront ilz sans predicateur? La foy est par l'ouÿr, et l'ouÿr par la parole de Dieu.

  A001000133 

 On verra par la que si je desavoüe mill'impietés qu'on impos'aux Catholiques, ce n'est pas pour m'eschapper de la meslëe, comme quelques uns ont dict, mais pour suyvre la sainte intention de l'Eglise: puysque je le metz en escrit a la veüe de chacun, et sous la censure des superieurs, asseuré que je suys quilz y trouveront beaucoup d'ignorance, mays non point, Dieu aydant, d'irreligion et contrarieté aux declarations de l'Eglise Romaine.

  A001000135 

 Et pour vray je croyois que, comme vous ne receves point de loy pour vostre creance que de l'interpretation de l'Escriture qui vous semble la meilleure, vous voudries encor ouÿr celle que j'y apporterois, c'est a dire, de l'Eglise Apostolique Romaine, laquelle vous n'aves jamais veüe cy devant que barbouillee, toute desfiguree et contrefaitte par l'ennemy, qui sçavoit bien que si vous l'eussies veüe en sa pureté vous ne l'eussies jamais abandonnëe.

  A001000135 

 Or je les vous addresse et presente de bon cœur, esperant que les occasions [4] qui vous destournent de m'ouÿr, n'auront point de force pour vous empecher de lire cest escrit, vous asseurant, au reste, que vous ne lires jamais escrit qui vous soit donné par homme plus affectionné a vostre service spirituel que je suys.

  A001000136 

 Mays sur tout je vous prie, que vous ne layssies jamais entrer en vos espritz autre passion que celle de nostre Sauveur et Maistre Jesuchrist, par laquelle nous avons estés tous rachetés, et serons sauvés s'il ne tient a nous, puysqu' il desire que tous les hommes soient sauvés, et viennent a cognoissance de la verité.

  A001000143 

 .. Je suys neantmoins tres content et trouve bon d'escrire quelques principales raysons que j'ay choysi entre les autres, par lesquelles je vous feray voir a descouvert que vous estes du tout hors du train que les Apostres ont suyvi pour se rendre a la Hierusalem cœleste.

  A001000143 

 Ayant deja continué quelques moys la prædication de la parole de Dieu en vostre ville, sans me voir escouté des vostres que fort rarement, et par pieces, a la desrobbëe, affin de ne laisser rien en arriere de mon costé, je me suys mis a reduyre par escrit une partie des remonstrances et traittés que j'ay faict a vive voix en chaire, pour la defence de la creance ancienne de l'Eglise contre les accusations qu'on vous a si souvent representëes cy devant contre icelle.

  A001000143 

 J'eusse bien desiré que mes raysons eussent esté ouÿes, aussy bien comme les allegations des accusateurs, câr les paroles en bouche sont vives, en papier elles sont mortes: « La vive voix, » dict [1] S t Hierosme, « a je ne sçay quelle secrette vigueur, et le coup est tousjours plus justement assigné dans le cœur par la vive parolle que par l'escriture.

  A001000143 

 » Outre ce que, Comme croyra-lon celuy qu'on n'a point ouy? et comm'ouyra-on sans prædicateur? La foy s'acquiert par l'ouÿe de la parole de Dieu.

  A001000144 

 Dequoy j'ay encores besoin par ce que quelques uns des vostres, quand ilz voyent que je ne parle pas en chaire comm'on introduysoit les Catholiques, disans mille blasphemes contre Dieu, forcés d'advoüer la verité que je preche, pour se flatter disent que je ne parle pas a la papiste.

  A001000144 

 Il asseurera chacun que je ne dis rien a Tonon que je ne veuille bien qu'on sache, si besoin estoit, a Necy et a Rome; dequoy ont besoin d'estr'asseurés ceux qui ne me tiennent pas pour Catholique par ce que je dis: que nos œuvres ne sont pas meritoires sinon entant quelles sont taintes au sang de N. S.; que le cors de N. S. est substantiellement, reellement et veritablement sous les especes de pain et de vin au tres st S. de Sac. de l'Eucharistie, mays non pas charnellement; que les Saints ont un'excellence beaucoup plus grande et de plus eminent calibre que les mortelz mondains, mays quelle n'a point d'autre proportion avec l'excellence divine que de la creature au Createur, du finy a l'infini; et semblables verités: c'est adire, que je presche la doctrine Catholique.

  A001000144 

 On connoistra que si je desavoüe mill'impietés quon impose aux Catholiques, je ne le fays pas pour m'eschapper de la meslëe, comme quelques uns ont pensé, mays pour suivre la sainte intention de l'Eglise: puysque le mettant par escrit je le propose a chacun, et m'en sousmetz a la censure des superieurs, laquelle y trouvera sans doute beaucoup d'ignorance, mays, Dieu aydant, point d'irréligion ou contrarieté aux declarations de l'Eglise Cathol., Ap. et Rom. [3].

  A001000146 

 Et pour vray je croyois que, comme vous n'asujettisses a personne vostre creance, si non a l'interpretation de l'Escriture Sainte qui vous semble la meilleure, vous voudries encores ouÿr celle que j'y apporterois, c'est adire, celle de l'Eglise Cat. Ro., laquelle vous n'aves jamais veüe cy devant que barbouïllëe et defigurëe par les ennemis; car si vous l'eussies veu en sa pureté jamais vous ne l'eussies abandonnëe.

  A001000146 

 Je vous puys bien asseurer, car il est vray, que jamays vous ne lires escrit qui vous soit addressé par homme plus affectionné a vostre service spirituel que je suys; et je puys dire que jamays je ne recueilliray commandement avec plus de courage, que je fis celluyla de M. le R me Ex mo Evesque, quand il m'ordonna, sur le bon playsir de son Altesse de laquell'il me mit la lettre en main, de venir icy pour vous apporter la sainte Parole de Dieu, comme sachant ne vous pouvoir faire plus ni de plus signalé service que celluy la, duquel dépend vostre Paradis.

  A001000161 

 Les deux autres sortes de scandales s'appellent scandales passifz, mays les uns, scandales passifz ab extrinseco, les autres, ab intrinseco: car entre les personnes qui sont scandalizëes, les unes le sont par les mauvaises actions d'autruy, et sont celles qui reçoivent le scandale actif, mettans leur volonté en butte aux scandaleux; les autres le sont par leur propre malice, qui, n'ayans point d'occasion d'ailleurs, s'en bastissent et forgent en leur propre cerveau, et se scandalizent eux mesmes d'un scandale [8] qui est tout de leur creu.

  A001000161 

 Qui scandalize autruy manque de charité vers le prochain, qui se scandalize soymesme manque de charité vers soymesme, et qui est scandalizé par autruy manque de force et de courage.

  A001000162 

 Que sil se trouve des gens qui veuillent dire le contraire, il ne leur restera plus sinon de maudire leur Sauveur par [10] sa propre parolle: Malheur par qui vient le scandale.

  A001000163 

 J'ay dict tout cecy, Messieurs, pour vous faire connoistre d'ou vient ceste grande dissention de volontés au faict de la religion, que nous voyons estre par my ceux qui font profession en bouche du Christianisme.

  A001000163 

 Or j'ay dict que leur scandale est purement ou presque purement passif..... Car on sçait bien que l'occasion de leur division et escart quilz pretendent avoir, c'est l'erreur, l'ignorance, l'idolatrie, quilz disent estr'en l'Eglise laquelle ilz ont abandonnee; et d'ailleur c'est chose toute certaine que l'Eglise en son cors general ne peut estre scandaleuse et est inscandalisable, comme son Espoux, qui luy communique par grace et assistence particuliere ce qui luy est naturel en proprieté: car en estant le chef il addresse ses pas au droit chemin, l'Eglise c'est son cors mistique, et par ce il prend a soy l'honneur et le mespris qui luy est faict; dont on ne peut dire quelle donne, prenne ou reçoive aucun scandale.

  A001000164 

 Ce que je feray en deux façons: premièrement, par certaines raysons generales; 2, en des exemples particuliers que je proposeray sur les principales [12] difficultés comme par maniere d'essay.

  A001000170 

 Car, quand a ceux qui les donnent, ilz ni ont point d'autre necessité que par la supposition et resolution quilz ont faict eux mesmes de vivre meschamment et vitieusement; ilz pourroyent silz vouloient, par la grâce de Dieu, n'infecter pas ny empunayser le monde des puantes exhalations de leurs pechés, mays estre bonn'odeur en Jesuchrist: le monde neantmoins est tant remply de pecheurs, qu'ores que plusieurs s'amendent et soyent remis en grace, il en demeure tousjours un nombre infiny qui rend tesmoignage qu' il est impossible que scandale n'advienne: malheur, au reste, par qui vient le scandale.

  A001000170 

 Ceste necessité, pourtant, quil y a au monde d'y voir des scandales, ne doit point servir d'excuse a qui par sa mauvayse vie les donne, ou qui les reçoit de la main du scandaleux, ni a celuy [7] qui de sa propre malice les va recherchant et procurant a soy mesme.

  A001000171 

 Les Capharnaites [9] se scandalizent ilz pas a bon escient sur les paroles de Nostre Seigneur, au recit de S t Jan, qu'ilz appellent parolle dure et non recevable? Mays a quel propos? par ce que N. S. est si bon que de les vouloir nourrir de sa chair, par ce quil dict des parolles de vie æternelle; et contre cette douceur ilz se pugnent.

  A001000172 

 Le Filz de Dieu estoit venu pour paix et benediction, et non pas pour malheur aux hommes; sinon que quelque enragé osast rejetter sur Nostre Seig r sa sainte parole: V æ homini illi per quem scandalum veniet, et le voulut condamner par sa loy propre a estre jette en mer la pierr'au col.

  A001000172 

 N. S. estoit vray Sauveur, venu pour esclairer tout homme, et servir de lumiere pour la revelation des Gentilz et la gloire d'Israel; ce pendant Israël en prend l'occasion de son ignominie: voila pas grand malheur? Et quand il est dict quil est mis a la ruyne de plusieurs, il le faut entendre quand a l'evenement, non quand a l'intention de la divine Majesté; comme l'arbre de science du bien et du mal n'avoit rien dequoy apprendre a Adam le bien ni le mal, l'evenement pourtant luy donna ce nom la, par ce qu'Adam, y prenant du fruict, essaya le mal que luy apportoit sa desobeissance.

  A001000174 

 Comme ceux qui regardent le col d'une colombe, le voyent changer en autant de diversités de couleurs comm'ilz changent de postures et de distances, ainsy ceux qui considerent la Saint'Escriture, par laquelle comme par un col nous recevons la nourriture celeste, y voyent, ce leur semble, toutes sortes d'opinions, selon la [14] diversité de leurs passions.

  A001000179 

 .. Nous pouvons prattiquer si exactement l'enseignement de Plutarque, quon doit retirer utilité de son hayneur, que le peché mesme, nostre capital ennemy et le sauverain mal du monde, nous peut remettr'en connoissance de nous mesmes, en humilité et contrition, et la cheute de l'homme de bien le faict marcher par après plus droit et plus advisé: tant est veritable la parole de S t Pol: Nous sçavons que toutes choses aydent a bien a ceux qui ayment Dieu..

  A001000180 

 N'est-ce pas donq une chose estrange, que pouvans proufiter en toutes choses, pour mauvayses quelles soyent, nous convertissions tout a nostre perte? Que si du mal seulement nous prenons le mal, ce ne seroit pas grand [15] merveille, car c'est ce qui s'y presente de prime face; si des choses indifferentes et neutres nous nous servions en mal, la nature n'en seroit pas tant outragee, puysque ce sont armes a toutes mains: et neantmoins la couardise seroit tousjours grande, si, pouvans changer toutes choses en bien, par un'alchimie si aysëe et de si peu de frais, ou une seul'estincelle de charité suffit, nous avions le courage si lasche de demeurer en misere et nous procurer le, mal.

  A001000191 

 Par l'honneur pastoral, Rome, siege de Pierre,.

  A001000192 

 Est chef de l'univers; ce qu'elle n'a par guerre.

  A001000193 

 Et par armes reduict a sa sujettion,.

  A001000194 

 Ores lui est acquis par la religion..

  A001000196 

 Je garde la place de prouver la foy par miracles, apres les Regles de la Foy, qui sera comme une sixiesme regle, mays non ordinaire ains extraordinaire; laquelle les adversaires n'ont point, quoy quilz en eussent besoin a faute des autres quilz mesprisent.

  A001000199 

 Est il pas plus honnorable de conceder a la puyssance de Jesuchrist le pouvoir faire le S t Sacrement, comme le croit l'Eglise, et a sa bonté le vouloir faire, que non pas le contraire? sans doute que c'est la plus grande gloire de N. S.; et par ce que nostre cerveau ne le peut comprendre, pour seconder nostre cerveau omnes quærunt quæ sua sunt, non quœ Jesu Christi..

  A001000208 

 Il faut commencer le chapitre des Conciles par les paroles de S t Leon, Epist.

  A001000213 

 v. 24: Pour ce que nous avons entendu qu'aucuns partis d'entre nous vous ont troublés par aucuns propos, renversans vos ames, ausquelz n'en avions point donné charge. S'ilz eussent donné charge, bien, mais vouloir enseigner sans charge.

  A001000242 

 Mays comme pouvies vous croire ces nouvelles si tost, que sans leur faire monstrer leur charge et commission bien authentiquëe, vous commençates de premier abord a ne reconnoistre plus ceste Reyne pour vostre princesse, et a crier par tout que c'estoit un'adultere? Ilz couroyent ça et la semer ces nouvelles, mays qui les en avoit chargés? On ne se peut enrooler sous aucun [22] capitaine sans l'adveü du prince chez lequel on demeure: et comment fustes vous si promps a vous enrooler sous ces premiers ministres, sans sçavoir si vos pasteurs qui estoyent en estre l'advoüeroient? mesme que vous sçavies bien quil vous sortoit hors de l'estat dans lequel vous esties nés et nourry.

  A001000250 

 Et qu'est ce dire que tout le Christianisme a failly, toute l'Eglise erré, et par tout la verité s'estr'esvanouÿe, sinon dire que N. S. a abandonné son Eglise, a rompu le sacré lien de mariage quil avoit contracté avec elle? Et vouloir mettr'en avant un'Eglise nouvelle, n'est ce pas vouloir bailler a ce sacré et saint Espoux une seconde femme? C'est ce que les ministres prætenduz de l'Eglise ont entrepris, c'est ce dequoy ilz se sont vantés; ceste persuasion estoit le but de leurs presches, de leurs desseins et de leurs escritz.

  A001000250 

 Le grade quilz demandoyent estoit d'Embassadeurs de Jesuchrist N. S.; l'entreprise quilz proposoyent estoit de declairer un divorce juré entre N. S. et l'ancienne Eglise son Espouse, et traitter et passer par paroles de præsent, comme legitimes procureurs, un second et nouveau mariage avec ceste jeune garçe, de meilleure grace, ce disoyent ilz, et mieux advenante que l'autre.

  A001000251 

 Car si N. S. les avoyt envoyés, ou c'eust esté mediatement ou immediatement: nous appelions mission faicte mediatement, quand nous sommes envoyés de qui en a le pouvoir de Dieu, selon l'ordre quil a mis en son Eglise, et telle fut la mission de S t Denis en France par Clement, et de Timothëe par S t Pol.

  A001000251 

 L'immediate mission se faict lhors que Dieu commande luymesme, et baille charge sans l'entremise de l'ordinayre authorité quil a mis es prælatz et pasteurs de l'Eglise, comme fut envoyé S t Pierre, et les Apostres, qui receurent de la [23] propre bouche de N. S. ce commandement: Alles par tout le monde, et præches l'Evangile a toute creature, et celle de Moyse vers Pharao et le peuple d'Israel.

  A001000252 

 Et premierement quand a la mission ordinaire et mediate, ilz nen ont du tout point; car ce quilz en sçavent avancer, c'est, ou bien quilz sont envoÿés par les peuples et princes seculiers, ou bien quilz sont envoÿés par l'imposition des mains des Evesques qui les firent prestres, dignité a laquelle il faut quen fin ilz aÿent recours, quoy quilz la mesprisent en tout et par tout..

  A001000254 

 Comme alleguent ilz donques la mission par les peuples et princes, qui n'a point de fondement en l'Escriture?.

  A001000255 

 Ainsy fut ordonné Timothee, et mesmes les sept Diacres, quoy que proposés par le peuple Chrestien, furent ordonnés par l'imposition des mains des Apostres.

  A001000255 

 Si donques ilz ont estés envoyés par les seculiers, ilz ne sont pas envoyés a l'Apostolique ny legitimement, et leur mission est nulle..

  A001000256 

 Or Aaron fut consacré et ordonné par les mains de Moyse, qui fut prestre luy mesme, selon la sainte parole de David, Moyse et Aaron sont entre ses prestres, et Samuel entre ceux qui invoquoyent son nom, et quil est mesme touché en l'Exode, sous ces motz, Adjointz aussy avec toy Aaron pour m'exercer l'estat sacerdotal.

  A001000257 

 En fin, qui est moindre est beny par le plus grand, comme dict S t Pol: les peuples donques ne peuvent pas envoyer les pasteurs, car les pasteurs sont plus que les brebis, et la mission ne se faict pas sans benediction.

  A001000259 

 Par ce que le peuple ou le magistrat qui l'apella estoit ou Catholique ou non: s'il estoit Catholique, 1.

  A001000265 

 Plusieurs, donques, de nostre aage, voyans leur chemin couppé de ce costé la, ilz se sont jettés d'autre de l'autre, et disent que les premiers maistres reformateurs, Luther, Bucer, Œcolampade, ont estés envoyés par les Evesques qui les firent prestres, puys ceux cy ont envoyés les autres suyvans, et vont ainsy enchainant leur mission a celle des Apostres.

  A001000266 

 Veritablement c'est parler françois et realement, que de confesser que leur mission ne peut estre coulëe des Apostres a leurs ministres, que par la succession de nos Evesques et par l'imposition de leurs mains: la chose est telle sans doute.

  A001000267 

 Ilz prechent choses contraires a l'Eglise en laquelle ilz ont estés ordonnés prestres: ou, donq, ilz errent, ou l'Eglise qui les a envoyés, et, par consequent, ou leur eglise est fause ou celle de laquelle ilz ont pris la mission.

  A001000269 

 Luther, Œcolampade ou Calvin n'estoyent pas evesques; comme donques pouvoyent ilz communiquer aucune mission a leurs successeurs de la part de l'Eglise Romaine, qui proteste en tout et par tout quil ni a que les Evesques qui puyssent envoyer, et que cela n'appartient aucunement aux simples prestres? en quoy saint Hierosme mesme a mis la difference qui est entre le simple prestre et l'Evesque, en l'epistre ad Evagrium; et saint Augustin et Epiphane mettent Aerius en conte avec les hæretiques par ce quil tenoit le contraire..

  A001000273 

 .. Voicy leur plus asseurëe retraitte, laquelle, par ce quell'est commune a toutes sortes d'heretiques, merite d'estre attaquee a bon escient, et ruynee sans dessus dessous.

  A001000273 

 Ces raysons sont si vives, que les plus asseurés des vostres ont pris party ailleurs qu'en la mission ordinayre, et ont dict quilz estoyent envoyés extraordinairement de Dieu, par ce que la mission ordinaire avoit esté gastëe et abolie, quand et quand la vraÿe Eglise,.. sous la tirannie de l'Antichrist.

  A001000273 

 Mettons donques nostre dire par ordre, pour voir si nous pourrons forcer ceste leur derniere baricade..

  A001000274 

 Et vous me connoisses, et sçaves d'ou je suys, et ne suys point venu de par moy mesme.

  A001000274 

 Je dis, donques, 1., que personne ne doit alleguer une mission extraordinayre qui ne la prouve par miracles.

  A001000274 

 La mission de saint Jan Baptiste, quoy qu'elle ne fut du tout extraordinaire, ne fut elle pas authentiquëe par sa conception, sa nativité, et mesme par sa vie tant miraculeuse, a laquelle Nostre Seigneur donna si bon tesmoignage? Mays quand aux Apostres, qui ne sçait les miracles quilz faysoyent et le grand nombre d'iceux? leurs mouchoirs, leur ombre servoit a la prompte guerison des malades et a chasser le diable: Par les mains des Apostres estoyent faitz beaucoup de signes et merveilles parmi le peuple: et que ce fut en confirmation de leur prædication, saint Marc le dict tout ouvertement, es dernieres paroles de son Evangile, et saint Pol, aux Hebreux.

  A001000274 

 Mays aussy, pour donner authorité a sa mission, il met en avant ses miracles, ains atteste que, sil n'eust faict des œuvres que nul autre n'a faict parmi les Juifz, ilz n'eussent point eu de peché de ne croire point en luy; et ailleurs il leur dict: Ne croyes vous pas que mon Pere est en moy et moy en mon Pere? au moins croyes le par les œuvres.

  A001000275 

 Et c'est ce que saint Pol enseigne, quand il ne veut que personne s'attribue l'honneur pastoral sinon celuy qui est appelle de Dieu, comm'Aaron: car la vocation d'Aaron fut faitte par l'ordinaire, Moyse, si que Dieu ne mit pas sa sainte parole en la bouche de Aaron immediatement, mays Moyse, auquel Dieu fit ce commandement: Parle a luy, et luy metz mes paroles en sa bouche; et je seray en ta bouche et en la sienne.

  A001000275 

 Et comme pourroit estre le trouppeau uny, conduict par deux pasteurs, incogneuz l'un a l'autre, a divers repaires, a divers huchemens et redans, et dont l'un et l'autre voudroit tout avoir? Ainsy seroit l'Eglise, sous diversité de pasteurs ordinayres et extraordinaires, tirassëe ça et la en diverses sectes.

  A001000275 

 Et comment? immediatement et mediatement tout ensemble: immediatement, en son Baptesme et en sa Transfiguration, avec ceste voix: Cestuyci est mon Filz bien aymé auquel j'ay pris mon bon playsir, escoutes le; mediatement, par les [33] Prophetes, et sur tout par David es lieux que saint Pol cite a ce propos des Psalmes: Tu es mon Filz, je t'ay engendré aujourdhuy, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedec.

  A001000275 

 Et de faict, ou me monstrera on jamais une vocation legitime extraordinaire qui n'aÿe esté receüe par l'authorité ordinayre? Saint Pol fut appellé extraordinairement, mays ne fut il pas approuvé et authorisé par l'ordinaire, une et deux fois? et la mission receüe par l'authorité ordinaire est appellëe mission du Saint Esprit.

  A001000275 

 Et par tout la vocation est perceptible: la parole en la nuëe fut ouÿe, et en David ouÿe et leüe; mais saint Pol, voulant monstrer la vocation de Nostre Seigneur, apporte les passages seulz de David, par lesquelz il dict Nostre Seigneur avoir esté clarifié de son Pere, se contentant ainsy de produyre le tesmoignage perceptible, et faict par l'entremise des Escritures ordinaires et des Prophetes receuz..

  A001000275 

 Et quoy? Nostre Seigneur est il divisé, ou en luy mesme ou en son cors qui est l'Eglise? Non, pour vray, mays, au contraire, il ni a qu' un Seigneur; lequel a basti son cors mistique avec une belle varieté de membres tres bien agencés, assemblés et serrés comtement, par toutes les joinctures de la sousministration mutuelle; de façon que de vouloir mettr'en l'Eglise ceste division de troupes ordinayres et extraordinaires, c'est la ruyner et perdre.

  A001000275 

 La mission de saint Jan Baptiste ne se peut pas bien dire extraordinaire, parce quil n'enseignoit rien contre l'eglise Mosaique, et par ce quil estoit de la race sacerdotale: si est ce neanmoins que la rareté de sa doctrine fut avouëe par l'ordinayre magistrat de l'eglise Judaique, en la belle legation qui luy fut faicte par les prestres et levites, la teneur de laquelle præsuppose une grande estime et reputation en laquelle il estoit vers eux; et les Phariseens mesmes, qui estoyent assis sur la chaire de Moise, ne venoyent ilz pas communiquer a son baptesme tout ouvertement, [32] sans scrupule? c'estoit bien recevoir sa mission a bon escient.

  A001000275 

 Nostre Seigneur mesme, qui estoit le Maistre, ne voulut il pas estre receu de Simeon qui estoit prestre, comm'il appert en ce quil benit Nostre Dame et Joseph, par Zacharie prestre, et par saint Jan; et mesmes pour sa Passion, qui estoit l'execution principale de sa mission, ne voulut il pas avoir le tesmoignage prophetique du grand Prestre qui estoit pour lhors? 4.

  A001000275 

 que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech.

  A001000276 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A001000276 

 [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A001000283 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaïque, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A001000284 

 Il y en avoyt en Ramatha, en Bethel, en Hiericho ou Elisëe habita, en la montaigne d'Ephraim, en Samarie; Elisëe mesme fut oint par Helie; la vocation de Samuel fut recogneùe et advouëe par le grand Prestre, et en Samuel recommença le Seigneur a s'apparoistre en Silo, comme dict l'Escriture, qui [36] faict que les Juifz tiennent Samuel comme fondateur des congregations prophetiques.

  A001000284 

 On pense que toutes les vocations des Prophetes ayent esté extraordinayres et immediates: chose fause; car il [y] avoit des colleges et congregations de Prophetes reconneuz et advoüés par la Sinagogue, comme on peut recueillir de plusieurs passages de l'Escriture.

  A001000287 

 Mays si quelquefois ilz ont faict chose qui eut quelque visage d'extraordinaire pouvoir, incontinent les miracles se sont ensuyvis: tesmoin Elie, qui dressant un autel en Carmel selon l'instinct quil en avoit eu du Saint [37] Esprit, et sacrifiant, monstra par miracle quil le faisoit a l'honneur de Dieu et de la religion Juifve..

  A001000289 

 .. Le bon enfant Samuel, humble, doux et saint, ayant esté apellé par trois fois de Dieu, pensa tousjours que ce fut Heli qui l'eut appellé, et a la 4 me seulement s'addressa a Dieu, comm'a celuy qui l'appeloit.

  A001000289 

 Il a semblé par trois foys a vos ministres que Dieu les eust appellé: 1.

  A001000289 

 Non, non, qu'ilz..... Samuel fut appellé troys fois de Dieu, et selon son humilité il pensoyt que ce fut une vocation d'homme, jusques a tant qu'enseigné par Heli il conneust que c'estoit la voix divine.

  A001000289 

 Vos ministres, Messieurs, produysent trois vocations de Dieu: par les magistratz seculiers, par les Evesques, et par la voix extraordinaire; ilz pensent que ce soyt Dieu qui les aÿe apellé en ces troys façons la.

  A001000289 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouÿs parler, [en] Hieremie: Ne veuilles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A001000289 

 par les peuples et magistratz, 2.

  A001000289 

 par nos Evesques, 3.

  A001000289 

 par sa voix extraordinaire.

  A001000299 

 Les adversaires, voyans bien qu'a ceste touche leur doctrine seroit reconneüe de bas or, ont tasché par tous moyens de nous divertir de ceste preuve invincible que nous prenons es marques de la vraÿe Eglise, et partant ont voulu maintenir que l'Eglise est invisible et imperceptible, et par consequent irremarquable.

  A001000300 

 Ceste theologie est [tant] imaginaire et damnatoire, que les autres ont mieux aymé dire que durant ces mill'ans l'Eglise n'estoit ni visible ni invisible, mays du tout abolie et estoufëe par l'impieté et l'idolatrie..

  A001000300 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A001000301 

 Ayes patience, au nom de Dieu; nous irons par ordre et briefvement, monstrant la vanité de ces opinions..

  A001000301 

 celuy de la triomphante remplira le ciel, non la terre seulement, et ne s'eslevera pas au tems des autres royaumes, comme porte l'interpretation de Daniel, mais apres la consommation du siecle; joint que d'estre taillé de la montaigne sans œuvre manuelle appartient a la generation temporelle de Nostre Seigneur, selon laquelle il a esté conceu au ventre de la Vierge, engendré de sa propre substance sans œuvre humayne, par la seule benediction du Saint Esprit.

  A001000302 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A001000302 

 » Or c'est a bonne rayson que l'on [a] apelé le peuple Chrestien Eglise ou convocation, par ce que [le] premier benefice que Dieu faict a l'homme pour le mettr'en grace, c'est de l'appeller a l'Eglise; c'est le premier effect de sa prædestination: Ceux quil a prædestinés il les [42] a appellés, disoit saint Pol aux Romains; et aux Collossiens: Et la paix de Christ tressaute en vos cœurs, en laquelle vous estes appelles en un cors.

  A001000303 

 J'ay dict avant tout que c'estoit une sainte compaignie ou assemblëe, par ce que la sainteté interieure..

  A001000305 

 Comme se peut entendre tout cecy d'une Eglise invisible? ou la chercherait on pour luy faire les plaintes, pour converser en icelle, pour la regir? Quand ell'envoyoit saint Pol, elle le recevoit, quand il la confirmoit, il y constituoit des prestres, il l'assembloit, il la saluoit, il la persecutoit, estoit par figure ou par foy seulement et par esprit? Je ne crois pas que chacun ne voye clerement que c'estoit effectz visibles et perceptibles de part et d'autre.

  A001000305 

 Nostre Seigneur et Maistre nous renvoÿe a l'Eglise en nos difficultés et dissentions; saint Pol enseigne son Timothee comm'il faut converser en icelle, il fit apeller les Anciens de l'Eglise Myletayne, il leur remonstre quilz sont constitués du Saint Esprit pour regir l'Eglise, il est envoyé par l'Eglise avec saint Barnabas, il fut receu par l'Eglise, il confirmoit les Eglises, il constitue des prestres par les Eglises, il [43] assemble l'Eglise, il salue l'Eglise en Cæsaree, il a persecuté l'Eglise.

  A001000307 

 Esaïe, parl'ainsy d'elle: Ce vous sera une voÿe droite, si que les folz ne s'egareront point par icelle; faut il pas bien qu'elle soit descouverte et aysee a remarquer, puysque les plus grossiers mesmes s'y sçauront conduyre sans se faillir?.

  A001000307 

 L'Escriture atteste par tout qu'elle se peut voir et connoistre, ains qu'ell'est conneue.

  A001000307 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, affin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A001000308 

 En fin, Zuingle, Œcolampade, Luther, Calvin, Beze, Muscule, sont visibles, et quand aux derniers il y en a plusieurs qui les ont veu, et neantmoins ilz sont appellés pasteurs par leurs sectateurs.

  A001000308 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A001000308 

 On voyt donq les pasteurs, et par consequent les brebis..

  A001000312 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A001000312 

 La Sinagogue par qui persecutëe? par les Egiptiens, Babiloniens, Madianites, Philistins, tous peuples visibles; l'Eglise, par les payens, Turcs, Mores, Sarrasins, hæretiques, tout est visible.

  A001000312 

 Les anciens Juifz comm'entroyent ilz sur le roole du peuple de Dieu? par la circoncision, signe visible; nous autres, par le Baptesme, signe visible.

  A001000312 

 Les anciens par qui gouvernés? par les prestres Aaroniques, gens visibles; nous autres, par les Evesques, personnes visibles.

  A001000312 

 Les anciens par qui prechés? par les Prophetes et docteurs, visiblement; nous autres, par nos pasteurs et prædicateurs, visiblement encores.

  A001000314 

 Premierement, Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le cors et l'ame: ainsy l'Eglise son Espouse a deux parties; l'une interieure, invisible, qui est comme son ame, la foy, l'esperance, la charité, la grace; l'autre exterieure et visible comme le cors, la confession de foy, les louanges et cantiques, la prædication, les Sacremens, [le] Sacrifice: ains tout ce qui se faict en l'Eglise a son exterieur et interieur; la priere interieure et exterieure, la foy remplit le cœur d'asseurance et la bouche de confession, la prædication se faict exterieurement par les hommes, mays la secrette [47] lumiere du Pere cæleste y est requise, car il faut tousjours l'ouyr et apprendre de luy avant que de venir au Filz; et quand aux Sacremens, le signe y est exterieur mays la grace est interieure, et qui ne le sçait? Voyla donq l'interieur de l'Eglise et l'exterieur.

  A001000314 

 Son plus beau est dedans, le dehors n'est pas si excellent: comme disoit l'Espoux es Cantiques: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au dedans; Le miel et le laict sont sous ta langue, c'est a dire en ton cœur, voyla le dedans, et l'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens, voyla le service exterieur; et le Psalmiste: Toute la gloire de ceste fille royale est au par dedans, c'est l'interieur, Revestue de belles varietés en franges d'or, voyla l'exterieur..

  A001000317 

 De mesme, quand saint Pierre appelle l'Eglise mayson spirituelle, c'est par ce que tout ce qui part de [48] l'Eglise tend a la vie spirituelle, et que sa plus grande gloire est interieure, ou bien par ce que ce n'est pas une mayson faitte de chaux et sable, mays une mayson mistique de pierres vivantes, ou la charité sert de ciment..

  A001000320 

 I a il rien de plus foible au monde que ce fantosme de rayson? Les Apostres n'ont ilz pas creu Nostre Seigneur estre ressuscité, et l'ont ilz pas veu? Par ce que tu m'as veu, dict il luymesme a saint Thomas, tu as creu; et pour [49] le rendre croyant il luy dict: Voys mes mains, et apporte ta main et la metz dans mon costé, et ne soys plus incredule mais fidele: voyes comme la veüe n'empesche pas la foy, mays la produict.

  A001000330 

 Et Nostre Seigneur nous enseigne il pas, qu'estans offensés par quelqu'un de nos freres, apres l'avoir repris et corrigé par deux fois en deux diverses façons, [51] nous le deferions a l'Eglise? Dis le a l'Eglise; que s'il n'entend l'Eglise, quil te soit comme ethnique et publicain.

  A001000330 

 On ne peut icy s'eschapper, l'argument est inevitable; il s'agit d'un nostre frere qui ne soit ni payen ni publicain, mais sous la discipline et correction de l'Eglise, et par consequent membre de l'Eglise, et neantmoins n'est pas inconvenient quil soit reprouvé, acariastre et obstiné.

  A001000334 

 Or quell'absurdité seroit ce, je vous prie, si les seulz esleuz estoyent de l'Eglise? il s'ensuyvroit ce qu'ont dict les Donatistes, que nous ne pourrions pas connoistre nos prælatz, et par consequent ne leur pourrions rendre l'obeissance: car, comme connoistrions nous si ceux qui se diroyent prælatz et pasteurs seroyent de l'Eglise? puysque nous ne pouvons connoistre qui est prædestiné et qui non d'entre les vivans, comm'il se dira ailleurs; et s'ilz ne sont de l'Eglise, comme y peuvent ilz tenir le lieu de chefz? ce seroit bien un monstre des plus estranges qui se peut voir que le chef de l'Eglise ne fut de l'Eglise.

  A001000335 

 Je conclus tout ce discours par les comparaisons Evangeliques qui monstrent clairement toute ceste verité.

  A001000338 

 Ainsy l'Eglise militante est tousjours glorieuse et victorieuse sur les portes et puyssances infernales, quoy que plusieurs des siens, ou s'esgarant et mettant en desordre, comme vous aves faict, demeurent en pieces et perdus, ou par des autres accidens y sont blessés et y meurent.

  A001000338 

 Les meurs dependent de la volonté, la doctrine, de l'entendement: en l'entendement de l'Eglise jamais ny entra fauseté, ni en la volonté aucune meschanceté; elle peut par la grace de son Espoux dire comme luy: Qui d'entre vous, o conjurés ennemys, me reprendra de peché? Et ne s'ensuit pour tant pas qu'en l'Eglise il ni ayt des meschans; resouvenes vous de ce que j'ay dict ailleurs.

  A001000342 

 Mays quelle difficulté trouve l'on en tout cela? nous confessons que les brebis prædestinëes entendent la voix de leur pasteur, et ont toutes les proprietés qui sont descrittes en saint Jan, ou tost ou tard, mays nous confessons aussy qu'en l'Eglise, qui est la bergerie de Nostre Seigneur, il ni a pas seulement des brebis ains encores des boucz; autrement, pourquoy seroit il dict qu'a la fin du monde, au jugement, les brebis seront separëes, sinon par ce que jusques au jugement, pendant que l'Eglise est en ce monde, ell'a en soy des boucz avec les brebis? certes, si jamais ilz n'avoyent estés ensemble, jamais on ne les separeroit: et puys en fin de conte, si les prædestinés sont apellés brebis aussy le sont bien les reprouvés, tesmoin David: Vostre fureur est courroucëe sur les brebis de vostre parc; [57] J'ay erré comme la brebis qui est perdüe; et ailleurs, quand il dict: O vous qui regentes sur Israel, escoutes, vous qui conduyses Joseph comm' une oüaille: quand il dict Joseph, il entend les Josephois et le peuple Israelitique, parce qu'a Joseph fut donné la primogeniture, et l'aisné baille nom a la race.

  A001000344 

 De mesme ce que saint Jan dict, Ilz sont sortis d'entre nous, mays n'estoyent pas d'entre nous, ne faict rien a propos, car je diray, comme dict sainct Augustin: ilz estoyent des nostres ou d'entre nous numero, et ne l'estoyent pas merito, c'est a dire, comme le mesme Docteur: « Ilz estoyent entre nous et des nostres par la communion des Sacremens, mays selon la particuliere proprieté de leurs vices ilz ne l'estoyent pas; » ilz estoyent ja heretiques en leur ame et de volonté, quoy que selon l'apparence exterieure ilz ne le fussent pas.

  A001000345 

 En fin, voicy un argument qui sembl'estre assorti de forme et de figure: « Celuy n'a Dieu pour pere qui n'a l'Eglise pour mere », chose certayne; de mesme, qui n'a Dieu pour pere n'aura point l'Eglise pour mere, tres certain: or est il que les reprouvés n'ont point Dieu pour pere; donques ilz n'ont point l'Eglise pour mere, et par consequent les reprouvés ne sont en l'Eglise.

  A001000345 

 O combien de serviteurs, puys je dire avec l'Ecclesiaste, ont estés veuz a cheval, et combien de princes a pied comme valetz; combien d'animaux immondes et de corbeaux en cest'Arche ecclesiastique; o combien de pommes belles et odoriferantes sont sur le pommier vermoulues au par dedans, qui neantmoins sont attachëes a l'arbre et tirent le bon suc de tige.

  A001000345 

 Que si on veut dire que les reprouvés n'ont point Dieu pour pere par ce quilz ne seront point heritiers, selon la parole de l'Apostre, S'il est filz il est hæritier, nous nierons la consequence; car non seulement les enfans sont en l'Eglise, mays encores les serviteurs, avec ceste difference, que les enfans y demeureront a jamais comm'heritiers, les serviteurs non, mays seront chassés quand bon semblera au Maistre.

  A001000345 

 Tous les fideles baptizés peuvent estre apellés filz de Dieu pendant quilz sont fideles, sinon qu'on voulut oster au Baptesme le nom de regeneration ou nativité spirituelle que Nostre Seigneur luy a baillé; que si on l'entend ainsy, il y a plusieurs reprouvés enfans de Dieu, car combien y a il de gens fideles et baptizés qui seront damnés, lesquelz, comme dict la Verité, croyent pour un tems, et au tems de la tentation se retirent en arriere: de façon qu'on niera tout court ceste seconde proposition, que les reprouvés ne soyent enfans de Dieu; car estans en l'Eglise ilz peuvent estr'appellés enfans de Dieu par la creation, redemption, regeneration, [59] doctrine, profession de foy, quoy que Nostre Seigneur se lamente d'eux en ceste sorte par Isaie, J'ay nourry et eslevé des enfans et ilz m'ont mesprisé.

  A001000358 

 Les Apostres n'ont pas remis l'Eglise a vie, mays la luy [ont] conservëe par leur ministere apres que Nostre Seigneur l'eust [64] establie; qui donques dict que l'ayant trouvé morte il l'a resuscitëe, a vostr'avis merite il pas d'estr'assis au trosne de temerité? Nostre Seigneur avoit mis le saint feu de sa charité au monde, les Apostres avec le souffle de leur prædication l'avoyent accreu et faict courir par tout le monde: on dict quil estoit estaint par mi les eaux d'ignorance et d'iniquité; qui le pourra rallumer? le souffler ni sert de rien, et quoy donques? il faudroit peut estre rebattre de nouveau avec les clouz et la lance sur Jesuchrist, pierre vivante, pour en faire sortir un nouveau feu, ou s'il suffira que Calvin ou Luther soient au monde pour le rallumer? Ce seroit bien de vray estre des troysiesmes Helies, car ni Helie ni saint Jan Baptiste n'en firent onques tant; ce seroit bien laysser tous les Apostres en arriere, qui porterent bien ce feu par le monde, mays ilz ne l'allumerent pas.

  A001000358 

 « O voix impudente, » dict saint Augustin contre les Donatistes, « l'Eglise ne sera point par ce que tu ni es point? » Non, non, dict saint Bernard, « les torrens sont venus, les vens ont soufflé et l'ont combattue, elle n'est point tumbëe par ce qu'ell'estoit fondëe sur la pierre, et la pierre estoit Jesus Christ.

  A001000360 

 Je veux conclure ceste preuve avec saint Augustin, et parler a vos ministres: « Que nous apportes vous de nouveau? faudra il encor une foys semer la bonne semence, puysque des qu'ell'est semëe elle croit jusqu'à la moysson? Si vous dites estre par tout perdue celle que les Apostres avoyent semëe, nous vous respondons: lises nous cecy es Saintes Escritures, ce que pour vray vous ne lires jamais que premierement vous ne nous monstries estre faux ce qui est escrit, que la semence [65] qui fut semëe au commencement croistroit jusqu'au tems de moyssons.

  A001000367 

 Aaron, sauverain Prestre, n'adora il pas le veau d'or avec tout son peuple? Responce: Aaron n'estoit encores pas sauverain Prestre ni chef du peuple, ains le fut par apres; et n'est pas vray que tout le peuple idolatrast, car les enfans de Levi n'estoyent ilz pas gens de Dieu? et se joignirent ilz pas a Moyse?.

  A001000368 

 Responce: Helie n'estoit pas seul en Israel homme de bien, puysquil y en avoit 7000 hommes qui ne s'estoient pas abandonné a l'idolatrie, et ce qu'en dict le Prophete n'est que pour mieux exprimer la justice de sa plainte; et n'est pas vray qu'encor que tout Israel eut manqué l'Eglise pourtant eut esté abolie, car Israel n'estoit pas toute l'Eglise, ains en estoit desja separé par le schisme de Hieroboam, et le royaume de Juda en estoit la meilleure et la principale partie; c'est d'Israel non de [66] Juda, aussy, de quoy Azarie prædit quil seroit sans prestre et sacrifice..

  A001000369 

 Qui ne sçait la plainte de David: Il ni a celuy, mesm'un tout seul, qui face bien? et qui ne sçait de l'autre costé quil y eut plusieurs gens de bien de son tems? Ces façons de parler sont frequentes, mays il n'en faut faire conclusion particuliere sur un chacun; davantage, on ne prouve pas par la que la foy eut manqué en l'Eglise, ni que l'Eglise fut morte, car il ne s'ensuit pas, si un cors est par tout malade donques il est mort.

  A001000369 

 Responce: Ce sont des façons de parler, et de detester le vice d'un peuple avec vehemence; et encores que les prophetes, pasteurs et prædicateurs usent de ces generales façons de parler, il ne les faut pas verifier sur chaque particulier, mays seulement sur une grande partie, comm'il appert par l'exemple d'Helie, qui se plaignoit d'estre seul, et neantmoins il y avoit encores 7000 fideles.

  A001000378 

 Mays qui ne voit que tout ce passage respire la fin du monde et la persecution de l'Antichrist? le tems y estant determiné expressément de trois ans et demy, et en Daniel aussy; et qui voudroit par quelque glosse estendre ce tems que l'Escriture a determiné, contrediroit tout ouvertement a Nostre Seigneur, qui dict quil sera plus tost accourcy, pour l'amour des esleuz.

  A001000379 

 Esaïe, qu'on lisoit hier, cria: Il y aura es derniers jours un mont præparé, mayson du Seigneur, sur le couppeau des montaignes, et toutes s'y couleront a la file: Qu'y a il de si apparent qu'une montaigne? mays il se faict des montz inconneuz par ce quilz sont assis en un coin de la terre.

  A001000379 

 Qui se perd et s'esgare de cest mont? qui choque et se casse la teste en iceluy? qui ignore la cité mise sur le mont? mays non, ne vous esmerveilles pas quil soit inconneu a ceux cy qui haissent les freres, qui haissent l'Eglise, car, par ce, vont ilz en tenebres et ne sçavent ou ilz vont, ilz se sont separés du reste de l'univers, ilz sont aveugles de mal talent.

  A001000381 

 Le Pere luy avoit donné en heritage beaucoup de gens, par ce quil avoit livré sa vie a la mort, et avoyt esté mis au rang des meschans hommes et voleurs, mays ceux cy luy amaigrissent bien son lot, et roignent si fort sa portion qu'a grand peyne durant mill'ans aura il eu certains serviteurs secretz, ains n'en aura du tout point eu; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestien, et qui aves estés en la vraye Eglise: ou vous avies la vraye foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, pourquoy la celies vous aux autres? que n'en laissies vous des memoyres? que ne vous opposies vous a l'impieté, a l'idoletrie? ou si vous ne sçavies pas que Dieu a recommandé a un chacun son prochain? certes, On croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir le salut il faut faire la confession de sa foy, et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et par ce j'ay parlé? O miserables encores, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre; si ainsy est, vous estes es tenebres extérieures.

  A001000381 

 Mays si au contrayre, o Luther, o Calvin, la vraye foy a tousjours esté publiëe et continuellement præchëe par tous nos devanciers, vous estes miserables vous mesmes, qui en aves une toute contraire, et qui pour trouver quelque excuse a vos volontés et fantasies, accuses tous les Peres ou d'impieté s'ilz ont mal creu, ou de lascheté s'ilz se sont teuz.

  A001000387 

 O combien d'Absalons se sont trouvés en nostr'aage, qui, pour seduyre et destruyre les peuples de l'obeissance de l'Eglise et des pasteurs, et solliciter les courages chrestiens a rebellion et revolte, ont crié par toutes les advenues d'Allemaigne et de France: il n'y a personne constitué de Dieu pour ouyr les doutes sur la foy et les resouvre; l'Eglise mesme, les magistratz ecclesiastiques, n'ont point de pouvoir de determiner ce quil faut tenir en la foy et ce que non; il faut chercher autres juges que les prælatz, l'Eglise peut errer en ses decretz et regles..

  A001000390 

 N'est ce pas a dire que la verité est soustenue fermement en l'Eglise? ailleurs la verité n'est soustenue que par intervales, ell'en tumbe souvent, mays en l'Eglise ell'y est sans vicissitude, immuablement, sans chanceler; bref, stable et perpetuelle.

  A001000391 

 Je conclus, donques, que quand nous voyons que l'Eglise universelle a esté et est en creance de quelqu'article, soyt que nous le voyons expres en l'Escriture, soyt quil en soit tiré par quelque deduction, ou bien par Tradition, nous ne devons aucunement conteroller ni disputer ou douter sur iceluy, ains prester l'obeissance et l'hommage a ceste celeste Reyne que Nostre Seigneur commande, et regler nostre foy a ce niveau.

  A001000397 

 Calvin se voudroit bien couvrir par une distinction, disant que l'Eglise peut errer en choses non necessaires au salut, non es autres, mays Beze confesse librement qu'ell'a tant erré [77] qu'elle n'est plus Eglise; et cela n'est ce pas errer en choses necessaires au salut? mesme quil avoüe qu'hors l'Eglise il ni a point de salvation.

  A001000398 

 Mays on ne se peut eschapper de ce costé la: car, quell'Eglise i avoit il au monde il y a deux cens, trois cens, quatre cens et cinq cens ans, sinon l'Eglise Catholique Romayne, toute telle qu'ell'est a præsent? il ni avoit point d'autre sans doute; donques, c'estoit la vraÿe Eglise et neantmoins erroit, ou il ni avoit point de vraÿe Eglise au monde: et en ce cas la encores est il contraint d'avoüer que cest aneantissement estoit venu par erreur intolerable et en choses necessaires a salut, car, quand a ceste dissipation de fideles et secrett'Eglise quil cuyde produire, j'en ay desja asses faict voir la vanité cy devant; outre ce que quand ilz confessent que l'Eglise visible peut errer, ilz violent l'Eglise a laquelle Nostre Seigneur nous adresse en nos difficultés, et que saint Pol apelle colomne et pilier de verité, car ce n'est [78] que de la visible delaquelle s'entendent ces tesmoignages, sinon qu'on voulut dire que Nostre Seigneur nous eust renvoyé a parler a une chose invisible, imperceptible et du tout inconneüe, ou que saint Pol enseignat son Timothëe a converser en un'assemblëe delaquelle il n'eut aucune connoissance..

  A001000399 

 Mays n'est ce pas violer tout le respect et la reverence deüe a ceste Reyne espouse du Roy celeste, d'avoir ramené sur ses terres quasi toutes les troupes que cy devant, avec tant de sang, de sueurs et de travaux, ell'avoyt par solemnelle punition bannies et chassées de ses confins, comme rebelles et conjurées ennemyes de sa coronne, j'entens, d'avoir remis sus pied tant d'heresies et fauses opinions que l'Eglise avoit condamnees comme entreprenans la sauverayneté sur l'Eglise, absoulvans ceux qu'ell'a condamnés, condamnés ceux qu'ell'avoit absoutz? Voyci des exemples..

  A001000400 

 Quoy quilz nient le mot ilz suyvent la chose et le cors de cest'hæresie, si hæresie se doit appeller, non atheisme; de quoy tant de doctes hommes les convainquent par leurs propres paroles que je ne m'y amuseray pas..

  A001000404 

 Encores croyoyent ilz qu'un mauvais homme ne peut baptiser; Wiclef en disoit tout autant, que j'apport'en jeu par ce que de Beze le tient pour un glorieux reformateur.

  A001000407 

 Le recit en est faict par [80] le Concile Gangrense, in præfatione, ou pour ces raysons il fut anathematisé et condamné.

  A001000409 

 Aerius, au recit de saint Augustin, nioit la priere pour les mors, les jeunes ordinaires, et la superiorité de l'Evesque par dessus le simple prestre; vos ministres nient tout cela..

  A001000413 

 Berengaire volut dire le mesme long tems apres, et fut condemné par trois Conciles, aux deux derniers desquelz il abjura son hæresie..

  A001000424 

 Combien de fois et en combien de lieux, l'Eglise, tant militante que triomphante, et au Viel et au Nouveau Testament, soit appellëe mayson et famille, il me semblerait tems perdu d'en vouloir faire recherche, puisque cela est tant commun es Escritures que ceux qui les ont leües n'en douteront jamais, et qui ne les a leües, incontinent quil les lira, il trouvera quasi par tout ceste façon de parler.

  A001000433 

 Saint Luc nous monstre bien que saint Pierre est ce serviteur, car, apres avoir raconté que Nostre Seigneur avoit dict par advertissement a ses disciples: Beati servi quos cum venerit Dominus invenerit vigilantes; amen, dico vobis, quod præcinget se, et faciet illos discumbere, et transiens ministrabit illis, saint Pierre seul interrogea Nostre Seigneur: Ad nos dicis hanc parabolam an et ad omnes? Nostre Seigneur, respondant a saint Pierre, ne dict pas: Qui putas erunt fideles, comm'il avoit [dit] beati servi, mais, Quis putas est dispensator fidelis et prudens, quem constituit Dominus super familiam suam ut det illis in tempore tritici mensuram? Et de faict, Theophylacte dict que saint Pierre fit ceste demande comme ayant la supresme charge de l'Eglise, et saint Ambroise, l. 7.

  A001000440 

 Vous me dires, ouy, mais Nostre Seigneur n'est pas mort, et d'abondant il est toujours avec son Eglise, pourquoy donques luy bailles vous un vicaire? Je vous respons que n'estant pas mort il n'a poinct de successeur, mais seulement un vicaire, et d'abondant, quil assiste vrayement a son Eglise en tout et par tout de sa faveur invisible, mais, affin de ne faire pas un cors visible sans un chef visible, il luy a encores voulu assister en la personne d'un lieutenant visible, par le moyen duquel, outre les faveurs invisibles, il administre perpetuellement son Eglise en maniere et [forme] convenable a la suavité de sa disposition..

  A001000442 

 Il dict in fundamentis, a cause qu'encores les autres Apostres estoyent fondements de l'Eglise: Et murus civitatis, dict l'Apocalipse, habens fundamenta duodecim, et in ipsis duodecim, nomina duodecim Apostolorum Agni, et ailleurs, Fundati super fundamenta Prophetarum et Apostolorum, ipso summo lapide angulari Christo Jesu, et le Psalmiste, Fundamenta ejus in montibus sanctis; mais entre tous il y en a un lequel par excellence et superiorité est apellé pierre et fondement, et c'est celuy auquel Nostre Seigneur a dict: Tu es Cephas, id est, Lapis..

  A001000458 

 Jesus Christ, est il divisé? Non, pour vray, car il est Dieu de paix non de dissention, comme saint Pol enseignoit par toutes les eglises.

  A001000458 

 L'Eglise n'est qu'un cors, duquel tous les fidelles sont membres, jointz et liés ensemble par toutes les jointures; il n'y a qu'une foy et un esprit qui anime ce cors.

  A001000464 

 Nos entendemens ne s'esgarent point les uns des autres en leurs creances, ains se maintiennent tres estroittement unis et serrés ensemble par le lien de l'authorité superieure de l'Eglise, a laquelle chacun se rapporte en toute humilité, et y appuie sa foy comme sur la colomne et fermeté de verité; nostre Eglise Catholique n'a qu'un langage et un mesme parler par toute la terre..

  A001000464 

 Qu'on coure tout le monde, et par tout on verra mesme foy es Catholiques; que s'il y a quelque diversité d'opinion, ou ce ne seroit pas en chose appartenant a la foy, ou tout incontinent que le Concile general ou le Siege Romain en aura determiné, vous verres chacun se ranger a leur definition.

  A001000466 

 Ne sçaves pas que l'un de vos plus grans ministres dict a Poissy que le Cors de Nostre Seigneur estoit « aussi loin de la cene que la terre du ciel »? et ne sçaves pas encores que cela est tenu pour faux par plusieurs des autres? l'un de vos maistres n'a il pas confessé dernierement la realité du Cors de Nostre Seigneur en la cene, et les autres la nient ilz pas? Me pourres vous nier, qu'au fait de la [95] justification vous soyes autant divisés entre vous autres comme vous Testes d'avec nous? tesmoin l' Anonyme disputateur.

  A001000467 

 En l'article de la toute puissance de Dieu, comment est ce que vous y estes divisés? pendant que les uns nient qu'un cors puisse estre, voire par la vertu divine, en deux lieux, les autres nient toute puissance absolue, les autres ne nient rien de tout cela.

  A001000468 

 Ceste unité de langage est en nous un vray signe que nous sommes l'armee du Seigneur, et vous ne pouves estre reconneus que pour Madianites, qui ne faites en vos opinions que criailler et hurler chacun a sa mode, chamailler les uns sur les autres, vous entr'esgorgeans et [97] massacrans vous mesmes par vos dissentions, ainsy que dict Dieu par Isaïe: Les Egyptiens choqueront contre les Egyptiens, et l'esprit d'Egypte se rompra: et saint Augustin dict que « comme Donatus avoit tasché de diviser Christ, ainsy luy mesme par une journelle separation des siens estoit divisé en luy mesme.

  A001000481 

 Et de faict, quand Nostre Seigneur partit de ce monde, il promit que l'Eglise seroit suivie de miracles: Ces marques, dict il, suivront les croyans: en mon nom ilz chasseront les diables, ilz parleront nouveaux langages, ilz osteront les serpens, le venin ne leur [99] nuira point, et par l'imposition des mains ilz gueriront les malades.

  A001000482 

 Mais voyons un peu pourquoy le pouvoir des miracles fut laissé en l'Eglise: ce fut sans doute pour confirmer la predication evangelique; car saint Marc le tesmoigne, et saint Pol, qui dict que Dieu donnoit tesmoignage a la foy qu'il annonçoit, par miracles.

  A001000483 

 Au tems des Apostres [100] se firent infinis miracles, vous le sçaves bien; apres ce tems la, qui ne sçait le miracle recité par Marc Aurele Anthonin, faict par les prieres de la legion des soldatz Chrestiens qui estoyent en son armee, laquelle pour cela fut appellee Fulminante? Qui ne sçait les miracles de saint Gregoire Thaumaturge, saint Martin, saint Anthoyne, saint Nicolas, saint Hilarion, et les merveilles [qui arrivèrent] aux Theodose et Constantin? dequoy les autheurs sont irréprochables, Eusebe, Rufin, saint Hierosme, Basile, Sulpice, Athanase.

  A001000483 

 Pourquoy voules vous, donques, que la mesme Eglise cesse maintenant d'avoir des miracles? quelle rayson y auroit il? Pour vray, ce que nous avons tousjours veu, en toutes sortes de saisons, accompagner l'Eglise, nous ne pouvons que nous ne l'appellions proprieté de l'Eglise: la vraye Eglise donques faict paroistre sa sainteté par miracles.

  A001000492 

 En Meliapor on a trouvé une croix, incise sur une pierre, laquelle on estime avoir esté enterree par les Chrestiens du tems de saint Thomas: chose admirable neantmoins veritable, presque toutes les annees, environ la feste de ce glorieux Apostre, ceste croix-la sue abondance de sang, ou liqueur semblable au sang, et change de couleur, se rendant blanche pasle, puys noire, et tantost de couleur bleue resplendissante et tres aggreable, en fin elle revient a sa couleur naturelle; ce que tout le peuple voit, et l'Evesque de Cocine en a envoyé une publique attestation, avec l'image de la croix, au saint Concile de Trente.

  A001000495 

 Alhors donq, par l'opposition de vrays miracles, les illusions de l'Antichrist seront descouvertes, et comme Moïse fit en fin confesser aux magiciens de Pharaon, Digitus Dei est hic, ainsy Helie et Enoch feront en fin que leurs ennemis dent gloriam Deo cœli.

  A001000496 

 que les miracles de l'Antichrist ne sont pas telz que ceux que nous produisons pour l'Eglise, et partant ne s'ensuit pas que, si ceux la ne sont pas Marque d'Eglise ceux cy ne le soyent pas aussi; ceux la seront monstrés faux et combattus par des plus grans et solides, ceux cy sont solides, et personne n'en peut opposer de plus asseurés.

  A001000497 

 Vous diries volontiers que les Donatistes ont faict miracles, au rapport de saint Augustin; mais ce n'estoyent que certaines visions et revelations, desquelles ilz se vantoyent sans aucun tesmoignage: certes, l'Eglise ne peut estre prouvee vraye par ces visions particulieres; au contraire, ces visions ne peuvent estre prouvees ou tenues pour vrayes sinon par le tesmoignage de l'Eglise, [104] dict le mesme saint Augustin.

  A001000499 

 Il est aysé aux apprentifz d'un mestier de s'equivoquer en leur premier essay; on faict souvent courir certains bruitz parmi vous pour entretenir le simple peuple en haleyne, mais n'ayans point d'autheur ne doivent avoir point d'authorité: outre ce que, au chassement du diable, il ne faut tant regarder ce qui se faict, comme il faut considerer la façon et la forme comme on le faict; si c'est par oraisons legitimes et invocations du nom de Jesus Christ.

  A001000508 

 La prophetie est un tres grand miracle, qui consiste en la certaine connoissance que l'entendement humain a des choses sans experience ni aucun discours naturel, par l'inspiration surnaturelle; et partant, tout ce que j'ay dit des miracles en general doit estre employé en cecy: mays, outre cela, le prophete Joël predict qu' au dernier tems, c'est a dire, au tems de l'Eglise evangelique, comme interprete saint Pierre, Nostre Seigneur [108] respandroit sur ses serviteurs et servantes de son Saint Esprit, et qu'ilz prophetiseroient; comme Nostre Seigneur avoit dict: Ces signes suivront ceux qui croiront.

  A001000509 

 L'Ange dict, en l'Apocalipse, que le tesmoignage de Nostre Seigneur c'est l'esprit de prophetie: or, ce tesmoignage de l'assistance de Nostre Seigneur n'est pas seulement donné pour les infidelles, mais principalement pour les fidelles, ce dict saint Pol; comme donques diries vous que Nostre Seigneur l'ayant donné une fois a son Eglise il le luy leva par apres? le principal sujet pour lequel il luy a esté concedé y est encores, donques la concession dure tousjours.

  A001000516 

 Nous sçavons que les Sybilles furent comme les prophetesses des Gentilz, desquelles parlent presque tous les Anciens; Balaam aussi prophetisa, mais c'estoit pour la vraye Eglise; et partant leur prophetie n'authorisoit pas l'eglise; en laquelle elle se faisoit, mais celle pour laquelle elle se faisoit: quoy que je ne nie pas qu'entre les Gentilz il n'y eust une vraye Eglise de peu de gens, ayans la foy d'un vray Dieu et l'observation des commandemens naturelz en recommandation, par la grace divine; tesmoin Job en l'ancienne Escriture, et le bon Cornelius, avec ces autres soldatz craignans Dieu, en la nouvelle.

  A001000523 

 C'est cela mesmie qui avoit esté predict par Isaïe: Que l'eunuque ne dise point, voicy je suis un arbre sec, parce que le Seigneur dict ainsy aux eunuques: qui garderont mes Sabbatz, et choisiront ce que je veux, et tiendront mon alliance, je leur bailleray, en ma mayson et en mes murailles, une place et un nom meilleur que les enfans et les filles, je leur bailleray un nom sempiternel qui ne perira point. Qui ne voit icy que l'Evangile va justement joindre a la prophetie? Et en l'Apocalipse, ceux qui chantoyent un cantique nouveau, qu'autre qu'eux ne pouvoit dire, c'estoyent ceux qui ne s'estoyent point souillés avec les femmes, parce qu'ilz estoyent vierges; ceux la suivent l'Aigneau ou qu'il aille.

  A001000523 

 Il y a des eunuques qui sont ainsy nés du ventre de leur mere, il y a aussi des eunuques qui ont esté faitz par les hommes, et il y a des eunuques qui se sont chastrés eux mesmes pour le royaume des cieux; qui potest capere, capiat.

  A001000524 

 Il veut que nous apprenions de luy l'humilité, et il s'humilioit, non seulement a qui il estoit inferieur entant qu'il portoit [113] la forme de serviteur, mais encores a ses inferieurs mesmes; il desire donques que, comme il s'est abaissé non jamais contre son devoir mais outre le devoir, ainsy nous obeissions volontairement a toutes creatures pour l'amour de luy: il veut que nous renoncions a nous mesmes par son exemple, mais il a renoncé si fermement a sa volonté qu'il s'est sousmis a la croix mesme, et a servi ses disciples et serviteurs, tesmoin celuy qui le trouvant estrange luy disoit: Non lavabis mihi pedes in æternum.

  A001000535 

 Je ne doute point que si vous avies hanté les congregations des Chartreux, Camaldulenses, Celestins, Minimes, Capucins, Jesuites, Theatins, et autres en grand nombre esquelles fleurit la discipline religieuse, vous ne fussies en doute si vous les devries appeller anges terrestres ou hommes celestes, et ne sçauries quoy plus admirer, ou en une si grande jeunesse une si parfaicte chasteté, ou parmi tant de doctrine une si profonde humilité, ou entre tant de [118] diversité une si grande fraternité; et tous, comme celestes abeilles, menagent en l'Eglise et y brassent le miel de l'Evangile avec le reste du Christianisme, qui par predications, qui par compositions, qui par meditations et oraisons, qui par leçons et disputes, qui par le soin des malades, qui par l'administration des Sacremens sous l'authorité des pasteurs..

  A001000537 

 Que voules vous? le Maistre y avoit semé la bonne semence, mais l'ennemy y a sursemé la zizanie; cependant l'Eglise, au Concile de Trente, y avoit mis bon ordre, mais il est mesprisé par ceux qui le devoient mettre en execution, et tant s'en faut que les docteurs Catholiques consentent a ce malheur, qu'ilz tiennent estre grand peché d'entrer en ces monasteres ainsy desbordés.

  A001000544 

 Ce grand Pere Vincent le Lirinois, en son tres utile Memorial, dict que sur tout on doit avoir soin de croire « ce qui a esté creu par tout [toujours, de tous.

  A001000546 

 Mays quant a vostre eglise, on l'appelle par tout huguenote, calvinique, zuinglienne, heretique, pretendue, protestante, nouvelle ou sacramentaire; vostre eglise n'estoit point devant ces noms, ni ces noms devant vostre eglise, parce qu'ilz luy sont propres: personne [121] ne vous appelle Catholiques, vous ne l'oses pas quasi faire vous mesmes.

  A001000558 

 Car vostre obéissance a esté divulguee par tout le monde; lhors que saint Pol, en une prison libre, y semoit l'Evangile; lhors qu'en icelle saint Pierre gouvernoit l'Eglise ramassee en Babylone; lhors que Clement, si fort loué par l'Apostre, y estoit assis au timon; lhors que les Cesars prophanes, comme Neron, Domitien, Trajan, Anthonin, massacroyent les Evesques romains, et lhors mesme que Damasus, Siricius, Anastasius, Innocentius y tenoyent le gouvernail apostolique: mesme au tesmoignage de Calvin, car il confesse librement qu'en ce tems la ilz ne s'estoient encores point esgarés de la doctrine evangelique.

  A001000558 

 Or sus donques, quand fut ce que Rome perdit ceste foy tant celebree? quand cessa elle d'estre ce qu'elle estoit? en quelle saison, sous quel Evesque, par quel moyen, par quelle force, par quel progres, la religion estrangere s'empara elle de la cité et de tout le monde? quelles voix, quelz troubles, quelles lamentations engendra elle? hé, chacun dormoit il par tout le monde pendant que Rome, Rome, dis je, forgeoit de nouveaux Sacremens, nouveaux Sacrifices, nouvelles doctrines? ne se trouve il pas un seul historien, ni grec ni latin, ni voisin ni estranger, qui ayt mis ou laissé quelques marques en ses commentaires et memoires d'une chose si grande? ».

  A001000558 

 « Vous nous confesses, et n'oseries faire autrement, que pour un tems l'Eglise Romaine fut Sainte, Catholique, Apostolique: lhors qu'elle merita ces saintes loüanges de l'Apostre: Vostre foy est annoncee par tout le monde.

  A001000560 

 L'an 1517 Luther commença sa tragedie, l'an 34 et 35 on en joua un acte par deça, Zuingle et Calvin furent les deux principaux personnages.

  A001000560 

 Voules vous que je cotte par le menu comment, par quelz succes et actions, par quelles forces et violences, ceste reformation s'empara de Berne, Geneve, Lausanne et autres villes? quelz troubles et lamentations elle a engendrés? vous ne prendries pas playsir a ce recit, nous le voyons, nous le sentons: en un mot, vostre eglise n'a pas 80 ans, son autheur est Calvin, ses effectz, le malheur de nostre aage.

  A001000561 

 Or, si Tertullien, ja de son tems, atteste que les Catholiques debouttoyent les heretiques par leur posteriorité et nouveauté, quand l'Eglise mesme n'estoit qu'en son adolescence ( Solemus, disoit il, hæreticos, compendii gratia, de posterioritate præscribere ), combien plus d'occasion avons nous maintenant? Que si l'une de nos deux eglises doit estre la vraye, ce tiltre demeurera a la nostre qui est tres ancienne, et a vostre nouveauté, l'infame nom d'heresie.

  A001000568 

 Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur: Si je suis une fois eslevè de terre j'attireray toutes choses a moy? a il pas esté levé en croix? et comme donques auroit il laissé aller l'Eglise qu'il avoit attiree, a vau de route? comme auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher? Le diable, prince du monde, avoit il esté chassé avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans, pour par apres revenir maistriser mille ans? voules vous evacuer en ceste sorte la force de la Croix? voules vous si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre une alternative entre luy et le diable? Pour vray, quand un fort et puissant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surmonte, il luy leve les armes et le despouille.

  A001000573 

 Nostre Seigneur avoit mis le feu de sa charité au monde, les Apostres avec le souffle de leurs predications l'avoyent estendu et faict courir par l'univers: on dict qu'il estoit esteint par l'eau de l'ignorance et superstition; qui le pourra rallumer? le souffle n'y sert de rien; il faudroit donques peut estre [128] rebattre de nouveau avec les clouz et la lance sur Jesus Christ, pierre vivante, pour en faire sortir un nouveau feu? sinon que l'on veuille mettre Luther et Calvin pour pierre angulaire du bastiment ecclesiastique.

  A001000575 

 « Que nous dites vous de nouveau? » dict saint Augustin, « faudra il encores une fois semer la bonne semence, puysque des qu'elle est semee elle croist jusqu'a la moisson? Que si vous dites que celle que les Apostres avoyent semee est par tout perdue, nous vous respondrons, lises nous cecy es Saintes Escritures, et vous ne le lires jamais que vous ne rendies faux ce qui est escrit, que la semence qui fut semee au commencement croistroit jusqu'au tems de moissonner.

  A001000585 

 Que si vous ne voules pas de premier abord abandonner les livres de vos maistres, et n'aves point [130] les yeux sillés d'une trop excessive passion, si vous regardes de pres les Centuries de Magdebourg, vous n'y verres autre par tout que les actions des Catholiques; car, dict tres bien un docte de nostre aage, « s'ilz ne les y eussent recueillies ilz eussent laissé mille et cinq cens ans sans histoire.

  A001000590 

 Or, qui voudroit par quelque glosse estendre ce tems que l'Escriture a determiné, contrediroit au Seigneur qui dict qu'il sera plustost accourci, pour l'amour des esleuz.

  A001000591 

 Qui se perd et s'esgare de ce mont? qui choque et se casse la teste en iceluy? qui ignore la cité mise sur le mont? mays non, ne vous esmerveilles pas qu'il soit inconneu a ceux cy qui haïssent les freres, qui haïssent l'Eglise, car, par ce, vont ilz en tenebres et ne sçavent ou ilz vont, ilz se sont separés du reste de l'univers, ilz sont aveugles de mal talent »: c'est saint Augustin qui a parlé..

  A001000593 

 Mays si, au contraire, o Calvin et Luther, la vraye foy a tousjours esté publiee par l'antiquité, vous estes miserables vous mesmes qui, pour trouver quelque excuse a vos fantasies, accuses tous les Anciens ou d'impieté s'ilz ont mal creu, ou de lascheté s'ilz se sont teuz.

  A001000599 

 L'universalité de l'Eglise ne requiert pas que toutes les provinces ou nations reçoivent tout a coup l'Evangile, il suffit que cela se fasse l'une apres l'autre; en telle sorte neantmoins que l'on voye tousjours l'Eglise, et qu'on connoisse que c'est celle la mesme qui a esté par tout le monde ou la plus grande partie, affin qu'on puisse dire: Venite ascendamus ad montem Domini.

  A001000600 

 Or l'Eglise au tems des Apostres jetta par tout ses branches, chargees du fruict de l'Evangile, tesmoin saint Pol; autant en dict saint Irenee en son tems, qui parle de l'Eglise Romaine ou Papale a laquelle il veut que tout le reste de l'Eglise se reduise « pour sa plus puissante principauté.

  A001000602 

 « Par l'honneur pastoral, Rome, siege de Pierre,.

  A001000603 

 Est chef de l'univers; ce qu'elle n'a par guerre.

  A001000604 

 Ou par armes reduict a sa sujettion,.

  A001000605 

 Ores lui est acquis par la religion; » [135].

  A001000607 

 Au tems de Gratien, Valentinien et Justinien, il y avoit par tout des Catholiques Romains, comme on peut voir par leurs lois.

  A001000607 

 Du tems de saint Gregoire il y avoit par tout des Catholiques, ainsy qu'on peut voir par les epistres qu'il escrit aux Evesques presque de toutes nations.

  A001000607 

 Mais elle est encores maintenant estendue sur toute la terre, en Transylvanie, Pologne, Hongrie, Bohesme et par toute l'Allemagne, en France, en Italie, en Sclavonie, en Candie, en Espagne, Portugal, Sicile, Malte, Corsique, en Grece, en Armenie, en Syrie, et tout par tout: mettray je icy en conte les Indes orientales et occidentales? Dequoy qui voudroit voir un abregé, il faudroit qu'il se trouvast en un Chapitre ou assemblee generale des religieux de saint François appellés Observantins: il verroit venir de tous les coins du monde, viel et nouveau, des religieux a l'obeissance d'un simple, vil et abject; si que ceux la seulz luy sembleroyent suffire pour verifier ceste partie de la prophetie de Malachie: In omni loco sacrificatur nomini meo..

  A001000608 

 Au contraire, Messieurs, les pretendus ne passent point les Alpes de nostre costé ni les Pyrenees du costé d'Espagne, la Grece ne vous connoist point, les autres trois parties du monde ne sçavent qui vous estes, et n'ont jamais ouÿ parler de Chrestiens sans sacrifice, sans autel, sans sacerdoce, sans chef, sans Croix, comme vous estes; en Allemagne, vos compaignons lutheriens, brensiens, anabaptistes, trinitaires, rognent vostre portion, en Angleterre, les puritains, en France, les libertins: [136] comme donques oses vous plus vous opiniastrer de demeurer ainsy a part du reste de tout le monde a guise des Luciferiens et Donatistes? Je vous diray, comme disoit saint Augustin a l'un de vos semblables, daignes, je vous prie, nous instruire sur ce point, comme il se peut faire que Nostre Seigneur ayt perdu son Eglise par tout le monde, et qu'il ayt commencé de n'en avoir qu'en vous seulement.

  A001000608 

 Que si vous dites que vostre eglise a desja esté catholique au tems des Apostres, monstres donques qu'elle estoit en ce tems la, car toutes les sectes en diront de mesme; comme enteres vous ce petit bourgeon de religion pretendue sur ce saint et ancien tige? faites que vostre eglise touche par une continuation perpetuelle l'Eglise primitive, car si elles ne se touchent, comment tireront elles le suc l'une de l'autre? ce que vous ne feres jamais.

  A001000614 

 Peut estre dires vous, a la fin, que cy apres vostre Eglise estendra ses ailes, et se fera catholique par la succession du tems.

  A001000615 

 Or ceste fecondité de belles nations de l'Eglise se faict principalement par la predication, comme dict saint Pol: Per Evangelium ego vos genui: la predication donques de l'Eglise doit estre enflammee: Ignitum eloquium tuum Domine; et qu'y a il de plus actif, vif, penetrant et prompt a convertir et bailler forme aux autres matieres que le feu? [138].

  A001000621 

 Telle fut la predication de saint Augustin en Angleterre, de saint Boniface en Allemagne, de saint Patrice en Hibernie, de Willibrord en Frize, de Cyrille en Bohesme, dAdalbert en Pologne, dAstric en Hongrie, de saint Vincent Ferrier, de Jean Capistran; telle la predication des Freres fervens, Henry, Anthoyne, Louis, de François Xavier et mille autres, qui ont renversé l'idolatrie par la sainte predication, et tous estoyent Catholiques Romains..

  A001000622 

 Prenes garde a ce que dict saint Jude: Malheur, ce dict, a ceux qui perissent en la contradiction de Coré; Coré estoit schismatique: ce sont des souilleures a un festin, banquetans sans crainte, se repaissans eux mesmes, nuees sans eaux qui sont transportees ça et la aux vens; ilz ont l'exterieur de l'Escriture, mays ilz n'ont pas la liqueur interieure de l'esprit: arbres infructueuses de l'automne; ilz n'ont que la feuille de la lettre, et n'ont point le fruict de l'intelligence: doublement mortz; mortz quant a la charité par la division, et quant a la foy par l'heresie: desracinés, qui ne peuvent plus porter fruict; flotz de mer agitee, escumans ses [139] confusions de desbatz, disputes et remuemens; planetes errantes, qui ne peuvent servir de guide a personne, et n'ont point de fermeté de foy mays changent a tous propos.

  A001000641 

 Il importe donques infiniment de sçavoir quelles sont les vraÿes Regles de nostre creance, car on pourra aysement connoistre par la l'heresie d'avec la vraye Religion, et c'est ce que je pretens faire voir en ceste seconde Partie..

  A001000641 

 Nous en avons donques, et personne ne le nie, mays les seducteurs en produysent de telles quilz les puyssent faulser et plier a leurs intentions, affin qu'ayans les regles en main ilz se rendent recommandables, comme par un signe infallible de leur maistrise, sous pretexte duquel ilz puyssent former une foy et religion telle qu'ilz l'ont imaginee.

  A001000642 

 J'ay beau sçavoir que la Parole de Dieu est infallible, que pour tout cela je ne croiray pas que Jesus est le Christ Filz de Dieu vivant, si je ne suys asseuré que ce soit une parole revelee par le Pere celeste, et quand je sçauray cecy, encor ne seray je pas hors d'affaire, si je ne sçai comm'il le faut entendre, ou d'une filiation adoptive, a l'Arrienne, ou d'une filiation naturelle, a la Catholique..

  A001000643 

 Il faut donques, outre ceste premiere et fondamentale Regle de la Parole de Dieu, un'autre seconde Regle par laquelle la premiere nous soit bien et deuement proposee, appliquee et declairee; et affin que nous ne soyons sujetz a l'esbranslement et a l'incertitude, il faut [144] que non seulement la premiere Regle, a sçavoir, la Parole de Dieu, mays encor la seconde, qui propose et applique ceste Parole, soit du tout infallible, autrement nous demeurons tousjours en bransle et en doute d'estre mal regles et appuyés en nostre foy et croyance; non ja par aucune defaute de la premiere Regle, mays par l'erreur et faute de la proposition et application d'icelle.

  A001000644 

 C'est donq Dieu seul qui regle nostre croyance Chrestienne, mais avec deux instrumens, en diverse façon: i. par sa Parole, comm'avec une regle formelle; 2.

  A001000644 

 Or, comme Dieu revela sa Parole et parla pieça par la bouche des Peres et Prophetes, et finalement en son Filz, puys par les Apostres et Evangelistes, desquelz les langues ne furent que comme plumes de secretaires escrivans tres promptement, employant en ceste sorte les hommes pour parler aux hommes, ainsy, pour proposer, appliquer et declairer ceste sienne Parole, il emploÿe son Espouse visible comme son truchement et l'interprete de ses intentions.

  A001000644 

 par son Eglise, comme par la main du compasseur et regleur.

  A001000646 

 L'Eglise, qui est la Regle d'application, ou elle se declaire en tout son cors universel, par une croyance generale de tous les Chrestiens, ou en ses principales et nobles parties, par un consentement de ses pasteurs et docteurs; et en ceste derniere façon, ou c'est en ses pasteurs assemblés en un lieu et en un tems, comm'en un Concile general, ou c'est en ses pasteurs divisés de lieux et d'aage mays assemblés en union et correspondance de foy, ou bien, en fin, ceste mesm'Eglise se declaire et parle par son chef ministerial: et ce sont quattre Regles explicantes et applicantes pour nostre foy, l'Eglise en cors, le Concile general, le consentement des Peres et le Pape; outre lesquelles nous ne devons pas en rechercher d'autres, celles ci suffisent pour affermir les plus inconstans..

  A001000647 

 Mays Dieu, qui se plait en la surabondance de ses faveurs, voulant ayder la foiblesse des hommes, ne laisse pas d'adjouster par fois a ces Regles ordinaires (je parle des l'establissement et fondation de l'Eglise), une Regle extraordinaire, trescertaine et de grand'importance; c'est le Miracle, tesmoignage extraordinaire de la vraye application de la Parole divine..

  A001000648 

 En fin, la Rayson naturelle peut encor estre ditte une Regle de bien croire, mays negativement, et non pas affirmativement; car qui diroit ainsy, telle proposition est article de foy donques ell'est selon la rayson naturelle, ceste consequence affirmative seroit mal tiree, puysque presque toute nostre foy est hors et par dessus nostre rayson; mays qui diroit, cela est un article de foy donques il ne doit pas estre contre la rayson naturelle, la consequence est bonne, car la rayson naturelle et la foy estans puysees de mesme source et sorties d'un mesm'autheur, elles ne peuvent estre contraires..

  A001000649 

 Au reste, qui voudroit reduire toutes ces regles en une seule, diroit que l'unique et vraye Regle de bien croire c'est la Parolle de Dieu, preschëe par l'Eglise de Dieu..

  A001000650 

 Or, j'entreprens icy de monstrer, clair comme le beau jour, que vos reformateurs ont violé et forcé toutes ces Regles (et il suffiroit de monstrer quilz en ont violé l'une, puysqu'elles s'entretiennent tellement que qui en viole l'une viole toutes les autres); affin que, comme vous aves veu en la premiere Partie qu'ilz vous ont levés du giron de la vraye Eglise par schisme, vous connoissies en ceste seconde Partie quilz vous ont osté la lumiere de la vraye foy par l'heresie, pour vous tirer a la suitte de leurs illusions.

  A001000659 

 Par ce que, comm'on voit le vulgaire admirer les cometes et les feux erratiques, et croire fermement que ce soyent des vrays astres et vives planetes, tandis que les plus entenduz connoissent bien que ce ne sont que flammes qui se vont coulant en l'air le long de quelques vapeurs, pendant quil y a dequoy les nourrir, lesquelles neantmoins laissent toujours quelques mauvays effectz, et n'ont rien de commun avec ces astres incorruptibles que ceste grossiere clairté; ainsy les miserables peuples de nostr'aage, voyans certaines chaudes cervelles s'enflammer a la suite de quelques subtilités humaynes, par ce quilz y voyoient quelques lueurs de l'escorce de la Parole de Dieu, ilz ont creu que c'estoyent des verités cælestes et sy sont amusés, quoy que les gens de bien descouvroyent et tesmoignoyent que ce n'estoyent que des inventions terrestres, et qui bien tost se dissiperoyent, ne layssans autre memoyre d'elles que le ressentiment des malheurs qui les suyvent..

  A001000662 

 Or, je me tiendray tousjours sur une mesme demarche, car je monstreray, pnt, que les Regles que je produis sont vraÿes Regles, puys, comme vos docteurs les ont violëes: et par ce que je ne pourrois pas aysement prouver que nous autres Catholiques les avons gardé tres étroittement, sans faire des grandes interruptions et digressions, je reserveray ceste preuve pour la troysiesme Partie, qui servira encores d'une tres solide confirmation pour toute la seconde Partie.

  A001000673 

 Je sçai bien, Dieu merci, que la Tradition a esté devant tout'Escriture, puysque mesm'une bonne partie de l'Escriture n'est que Tradition reduitte en escrit avec un'infallible assistence du Saint Esprit; mays parce que l'authorité de l'Escriture est plus aysement receüe par les reformateurs que celle de la Tradition, je commence par cest endroit, pour faire un'entree plus aysee a mon discours..

  A001000683 

 L'Escriture Sainte est tellement Regle de la foi Chrestienne, que nous sommes obligés par toute sorte d'obligation de croire tresexactement [148] tout ce qu'elle contient, et de ne croire jamais ce qui luy est tant soit peu contraire; car, si Nostre S r mesme y a renvoyé les Juifz pour redresser leur foy, il faut que ce soit un niveau tresasseuré.

  A001000683 

 Les Sadducæens erroyent, par ce quilz ne sçavoyent pas les Escritures; ilz eussent mieux faict d'y estr'ententifz, comme a un flambleau esclairant es obscurités, selon l'advis de S t Pierre, lequel ayant luymesme ouy la voix du Pere en la Transfiguration, se tient neantmoins pour plus asseuré es tesmoignages des Prophetes qu'en ceste sienne experience.

  A001000687 

 Certes, quand un notaire a expedié un contract ou autr'escriture, personne n'y peut remuer, oster, adjouster un seul mot sans estre tenu pour faulsaire: voicy l'Escriture des testamentz de [150] Dieu, expediee par les notaires a ce deputés; comme la peut on altérer tant soit peu sans impieté?.

  A001000688 

 Ilz mettoyent le point apres l'erat, au lieu de le mettr'apres le Mot; ce qu'ilz faysoyent de peur d'estre convaincuz par ce texte que le Verbe est Dieu: tant il faut peu pour alterer ceste sacree Parole..

  A001000688 

 Nostre Seigneur met en conte les iota, voire les seulz petitz pointz et accens de ces saintes paroles; combien donques est il jaloux de leur integrité? Les Ephrateens disoyent sibolleth, sans oublier pas une seule lettre, mais par ce quilz ne prononçoyent pas asses grassement, les Galaadites les esgorgeoyent sur le quay du Jordain.

  A001000696 

 Les Saintes Escritures ne sont ce pas le vray testament de Dieu æternel, bien scelé et signé en son sang, confirmé par la mort? que sil est ainsy, combien se faut il garder d'y remuer aucune chose? « Le testament, » dict ce grand Ulpien, « est une juste sentence de nostre volonté de ce que quelqu'un veut estre faict apres sa mort.

  A001000696 

 Quand un testament est confirmé par la mort du testateur, il ny faut adjouster, diminuer ni changer en façon que ce soit; qui le feroit seroit tenu pour un faulsaire.

  A001000696 

 » Nostre S r, par ses Saintes Escritures, nous monstre ce quil nous faut croire, esperer, aimer et faire, et ce par une juste sentence de sa volonté: si nous y adjoustons, levons ou changeons, ce ne sera plus la juste sentence de la volonté de Dieu; car Nostre S r ayant adjusté l'Escriture a sa volonté, si nous y adjoustons du nostre nous ferons la sentence plus grande que la volonté du testateur, si nous en ostons nous la ferons plus courte, si nous y changeons nous la rendrons bossue, et ne pourra plus joindre a la volonté de l'autheur ni n'en sera plus la juste sentence.

  A001000697 

 Nostre S r met en conte jusques au moindr'accent, au moindr'iota de l'Escriture, combien donques punira il ceux qui violeront leur integrité? Mes freres, dict S t Pol, je parle selon l'homme, mays personne ne mesprise le testament confirmé d'un homme, ni n'ordonne outre cela; et pour monstrer combien il importe de laisser l'Escritur'en sa naiveté, il met un exemple: Abrahæ dictæ sunt promissiones et semini ejus; non dicit, et seminibus, quasi in multis, sed quasi in uno, et semini tuo, qui est Christus: voyes vous, je vous prie, la variation du singulier au plurier combien ell'eust gasté le sens? Les Ephrateens disoyent sibollet, et n'oublioient pas une seule lettre, mays par ce quilz ne le prononçoyent pas asses grassement, les Galaadites les egorgeoyent sur le quai du Jordain.

  A001000704 

 Ceux ci furent canonisés par le grand Sinode ou se trouva Esdras et y fut scribe, et jamais personne ne douta de leur authorité qui ne fut tenu peremptoirement heretique, comme nostre docte Genebrard va deduysant en sa Chronologie.

  A001000704 

 Et quand a ceux ci il y [a] grand'apparence, au dire du mesme docteur Genebrard, qu'en l'assemblëe qui se fit en Hierusalem pour envoyer les 72 interpretes en Ægipte, ces Livres, qui n'estoyent encores en estre quand Esras fit le premier canon, furent alhors canonisés, au moins tacitement, puysqu'ilz furent envoyés avec les autres pour estre traduitz; hormis les Machabees, qui furent receuz en un'autr'assemblee par apres, en laquelle les præcedens furent derechef approuvés: mays comme que ce soit, par ce que ce second canon ne fut pas faict si authentiquement que le premier, ceste canonisation ne leur peut acquerir un'entiere et indubitabl'authorité parmi les Juifz, ni les esgaler aux Livres du premier rang..

  A001000705 

 Ainsy fut dressé au Concile de Cartage la mesme liste des [155] Livres canoniques qui a despuys tousjours esté en l'Eglise Catholique, et fut confirmee au sixiesme general, au grand Concile de Florence en l'Union des Armeniens, et en nostr'aage au Concile de Trente, et fut suivie par saint Augustin.

  A001000713 

 ; du Testament Nouveau, 4 Evangiles, selon S t Mathieu, S t Marc, S t Luc et S t Jan, les Actes des Apostres par S t Luc, 14 Epistres de S t Pol, aux Romains, deux aux Chorinthiens, aux Galathes, aux Ephesiens, aux Philip., aux Collos., deux aux Thessalo., deux a Timot., a Tit., [154] a Philem., aux Hebreux, deux de S t Pierre, 3 de S t Jan, une de S t Jaq., une de S t Jude et l'Apocalipse.

  A001000714 

 Avant le tems du Concile de Chartage ilz ne furent pas tous proposés pour canoniques par aucun decret de l'Eglise generale, mays y en a quelques uns de l'authorité desquelz les Anciens Peres ont douté; a sçavoir, d'Hester, Baruc, Thobie, Judith, la Sapience, l'Ecclesiastique, les Machabëes, l'Epistr'aux Hebrieux, celle de S t Jaques, la 2.

  A001000715 

 Mays l'Eglise mesme, comme se peut elle resoudre qu'un Livre soit canonique?.. car elle n'est plus conduite par nouvelles revelations, mays par les anciennes apostoliques, esquelles ell'a l'infallibilité d'interpretation; que si les Anciens n'ont pas eu revelation de l'authorité d'un Livre, comme donques la peut elle sçavoir?.. Elle considere le tesmoignage de l'antiquité, la conformité que ce Livre a avec les autres ja receuz, et le commun goust [156] que le peuple Chrestien y prend: car, comm'on peut connoistre quell'est la propre viande et prouffitable des animaux quand on les y voit prendre goust et s'y nourrir saynement, ainsy quand l'Eglise voit que le peuple Chrestien savoure volontiers un Livre pour canonique, et y faict son prouffit, elle peut connoistre que c'est une pasture propre et saine aux espritz chrestiens; et comme, quand on veut sçavoir si un vin est de mesme creu qu'un autre, l'on les apparie, regardant si la couleur, l'odeur et le goust est pareil en tous deux, ainsy quand l'Eglise a bien consideré un Livre avoir le goust, l'odeur et la couleur, la sainteté du stile, de la doctrine et des misteres, semblable aux autres canoniques, et que d'ailleurs ell'a le tesmoignage de plusieurs bons et irreprochables tesmoins de l'antiquité, elle peut declairer le Livre pour frere germain des autres canoniques.

  A001000716 

 Nous [sommes] en ce faict de pareille condition; car Calvin, et les bibles mesme de Geneve, et [157] les Lutheriens, reçoivent plusieurs Livres pour saintz, sacrés et canoniques qui n'ont pas esté advoüez par tous les Anciens pour telz, et desquelz on a esté en doute: si l'on en a douté ci devant, quelle rayson peuvent ilz avoir pour les tenir asseurés et certains maintenant? sinon celle qu'avoit S t Augustin, Ego vero Evangelia non crederem nisi me Catholicæ Ecclesiæ commoveret authoritas; ou comm'il dict ailleurs: Novum et Vetus Testamentum in illo Librorum numero recipimus quem sanctæ Ecclesiæ Catholicæ tradit authoritas..

  A001000723 

 Le Droit Canon « en profere son jugement »; 6. et la Glose, « qui dict qu'on les lit mais non point en general, comme si elle vouloit dire que generalement par tout ne soyent point approuvés.

  A001000723 

 Voyci leurs principales raysons, ainsy que j'ay peu recueillir de la vielle præface, faicte devant les Livres prætenduz apocriphes imprimés a Neufchastel, de la traduction de Pierre Robert, autrement Olivetanus, parent et amy de Calvin, et encores de la plus nouvelle, faitte sur les mesmes Livres par les professeurs et pasteurs pretenduz de l'eglise de Geneve, l'an 1588.

  A001000724 

 Et quand a la premiere: estes vous d'avis de ne recevoir pas ces Livres par ce quilz ne se trouvent pas en Hebreu ou Caldee? receves donques Tobie, car saint Hierosme atteste quil l'a traduit de Caldee en Latin, en l'epistre que vous cités vous mesme, qui me fait croire que vous n'estes guere gens a la bonne foy; et Judith, pourquoy non? qui a aussi bien esté escrit en Caldee, comme dict le mesme saint Hierosme, au Prologue; et si saint Hierosme dict quil n'a peu trouver le 2.

  A001000724 

 Puys donques que vous rejettes esgalement ces Livres escritz en Hebreu et Caldee avec les autres qui ne sont pas escritz en mesme langage, il vous faut chercher un autre prætexte que celuy que vous aves allegué, pour racler ces Livres du canon: quand vous dittes que vous les rejettes par ce quilz ne sont escritz ni en Hebreu ni en Caldee, ce n'est pas cela, car vous ne rejetteries pas, [160] a ce conte, Tobie, Judith, le premier des Machabees, l'Ecclesiastique, qui sont escritz ou en Hebreu ou en Caldee.

  A001000724 

 des Machabees en Hebreu, qu'en peut mais le premier? receves-le tousjours a bon conte, nous traitterons par apres du second.

  A001000725 

 Laissés vous donq entendre, et dittes quilz sont apocriphes par ce que vous n'en pouves pas estre vous mesme le traducteur sur l'original, et que vous ne vous pouves fier au jugement du traducteur: il ni aura donq [161] rien d'asseuré que ce que vous aures conterollé? monstres moy ceste regle d'asseurance en l'Escriture.

  A001000726 

 Quand a ce que vous dittes que ces Livres que vous appelles apocriphes ne sont point receuz par les Hebreux, vous ne dittes rien de nouveau ni d'important; saint Augustin proteste bien haut: « Libros Machabeorum non Judæi sed Ecclesia Catholica pro canonicis habet: Non les Juifz, mais l'Eglise Catholique tient les Livres des Machabees pour canoniques.

  A001000726 

 » Dieu merci, nous ne sommes pas Juifz, nous sommes Catholiques: monstres moy par l'Escriture que l'Eglise Chrestienne [162] n'aye pas autant de pouvoir pour authoriser les Livres sacrés qu'en avoit la Mosaïque: il ni a en cela ni Escriture ni raison qui le monstre..

  A001000727 

 Peut estre voules vous dire qu'anciennement quelques Catholiques douterent de leur authorité; c'est selon la division que j'ay faitte ci dessus: mais quoy pour cela? le doute de ceux la a il peu empecher la resolution de leurs successeurs? est ce a dire que si on n'est pas tout au premier coup resolu, il faille tousjours demeurer en bransle, incertain et irresolu? A l'on pas esté pour un tems incertain de l'Apocalipse et d'Ester? vous ne l'oseries nier, j'ay de trop bons [163] tesmoins; d'Ester, saint Athanase et saint Gregoire Nazianzene, de l'Apocalipse, le Concile de Laodicee: et néanmoins vous les receves; ou receves-les tous, puysqu'ilz sont d'esgale condition, ou n'en receves point, par mesme rayson.

  A001000731 

 Certes, tous les Livres de la Saint'Escriture ont esté corrompuz par les anciens ennemis de l'Eglise, mais, par la providence de Dieu, ilz sont demeurés francz et netz en la main de l'Eglise comm'un sacré depost, et jamais on n'a peu gaster tant d'exemplaires quil n'en soit asses demeuré pour restaurer les autres..

  A001000731 

 Et ces falsifications que vous allegues ne sont en point de façon suffisantes pour abolir l'authorité de ces Livres, par ce qu'ilz ont esté justifiés et espurés de toute corruption avant que l'Eglise les receut.

  A001000732 

 Mays vous voules sur tout que les Maccabees nous tumbe des mains, quand vous dittes qu'ilz ont estés corrompuz; or, puysque vous n'avances qu'une simple affirmation, je n'y pareray que par une simple negation..

  A001000734 

 Prenes garde, pour Dieu, que vostre jugement ne vous trompe; pourquoy, je vous prie, apelles vous faucetés ce que toute l'antiquité a tenu pour articles de foy? que ne censures vous plus tost vos fantasies, qui ne veulent embrasser la doctrine de ces Livres, que de censurer ces Livres, receuz de si long tems, par ce quilz ne secondent pas a vos humeurs? parce que vous ne voules pas croire ce que ces Livres enseignent, vous les condamnes; et que ne condamnes vous plustost vostre temerité, qui se rend incredule a leurs enseignemens?.

  A001000742 

 Maintenant, comme se pourroit tenir une bonne ame de donner ouverture a l'ardeur d'un saint zele, et d'entrer en une chrestienne cholere, sans peché, considerant avec quelle temerité ceux qui ne [158] font que crier, l'Escriture, l'Escriture, ont mesprisé, avily, prophané ce divin testament du Pere Eternel, comm'ilz ont falsifié ce sacré contract d'une si celebre alliance? Comm'oses vous biffer, o ministres calvinistes, tant de nobles parties du sacré cors des Bibles? Vous ostes Baruch, Thobie, Judith, Sapience, l'Ecclesiastique, les Machabëes; pourquoy demembres vous ainsy la S te Escriture? qui vous a dict quilz ne sont point sacrés? L'on en doute en l'ancienne [159] Eglise: et n'a on pas douté en l'ancienne Eglise d'Hester, de l'Epistr'aux Hebreux, de celle de S t Jaques, de S t Jude, de la seconde de S t Pierre et des deux dernieres de S t Jan, et sur tout de l'Apocalipse? que ne rayes vous aussy bien ceux ci que vous aves faict ceux la? Dites franchement que [ce que] vous en aves faict, ce n'a esté que pour contredire a l'Eglise: il vous fachoit de voir es Machabees l'intercession des Saintz et la priere pour les trepassés, l'Ecclesiastique vous piquoit en ce quil attestoit du liberal arbitre et de lhonneur des reliques; plus tost que de forcer vos cervelles, et les adjuster a l'Escriture, vous aves violé l'Escriture pour l'accommoder a vos cervelles, vous aves retranché la ste Parole pour ne retrancher point vos fantasies; comme vous laveres vous jamais [160] de ce sacrilege? Aves vous dégradé les Machabees, l'Ecclesiastique, Tobie et les autres par ce que quelques uns des Anciens ont douté de leur authorité? pourquoy receves vous donques les autres Livres, desquelz on a douté autant que de ceux ci? Que leur pouves vous opposer autre, sinon que leur doctrine vous est mal aysëe a concevoir? ouvres le cœur a la foy, et vous concevres aysement ce dont vostre incredulité vous prive; par ce que vous ne voules pas croire ce qu'ilz enseignent, vous les condamnes, condamnes plus tost vostre temerité, et receves l'Escriture.

  A001000743 

 Je dis l'Eglis'ancienne, par ce que le Conc.

  A001000743 

 pro canonicis habet. Que dires vous a cela? que les Juifz ne les avoient pas en leurs cathalogues? S t Augustin le confesse, mais estes vous Juifz ou Chrestiens? et si vous voules estre appellés Chrestiens, contentes vous que l'Eglise Chrestienne les reçoive: la lumiere du S t Esprit s'est elle estainte avec la Sinagogue? N. S. et les Apostres n'ont ilz pas eu autant de pouvoir que la Sinagogue? Et bien que l'Eglise n'ait pas pris l'authorité de ses Livres de la bouche des Scribes et Pharisiens, suffira il pas qu'elle l'ait prise du tesmoignage des Apostres? Or, il ne faut pas penser que l'ancienn'Eglise et ces tres anciens Docteurs eussent pris la hardiesse de mettre ces Livres au roole des canoniques si elle n'en [162] eust eu quelque advis par la Tradition des Apostres et leurs disciples, qui pouvoyent sçavoir en quel rang le Maistre mesme les tenoit; sinon que pour excuser nos fantasies, nous accusions de prophanation et sacrilege ces tant sts et graves Docteurs, avec toute l'Eglise ancienne.

  A001000747 

 Voicy leur protestation en la Confession de foy presentee au Roy de France par les François pretendus reformés: apres qu'ilz ont mis en liste, en l'Article troisiesme, les Livres qu'ilz veulent recevoir, ilz escrivent ainsy en l'Article quatriesme: « Nous connoissons ces Livres estre canoniques et regle tres certaine de nostre foy, non tant par le commun accord et consentement de l'Eglise, que par le tesmoignage et persuasion interieure du Saint Esprit, qui les nous faict discerner [167] d'avec les autres livres ecclesiastiques.

  A001000747 

 » Quittans donques le champ des raysons precedentes pour se mettre a couvert, ilz se jettent dans l'interieure, secrette et invisible persuasion qu'ilz estiment estre faicte en eux par le Saint Esprit..

  A001000748 

 Or, a la verité, c'est bien procedé a eux de ne vouloir s'appuyer en cest article sur le commun accord et consentement de l'Eglise; puysque ce commun accord a canonisé l'Ecclesiastique, les [Livres des] Machabees, tout autant et aussitost que l'Apocalipse, et neantmoins ilz veulent recevoir [celuy ci] et rejetter ceux la: Judith, authorisé par le grand premier et irreprochable Concile de Nicee, est biffé par les reformeurs; ilz ont donques rayson de confesser qu'en la reception des Livres canoniques, ilz ne reçoivent point l'accord et consentement de l'Eglise, qui ne fut onques plus grand ni plus solemnel qu'en ce premier Concile.

  A001000748 

 Pourquoy disent ilz donques, qu'ilz ne reçoivent pas les Livres sacrés « tant par le commun accord de l'Eglise que par l'interieure persuasion »? puysque le commun accord de l'Eglise n'y a ni rang ni lieu.

  A001000748 

 « Nous connoissons, » disent ilz, « ces Livres estre canoniques, non tant par le commun accord de l'Eglise: » a les ouÿr parler, ne diries vous pas qu'au moins en quelque façon ilz se laissent guider a l'Eglise? Leur parler n'est pas franc: il semble qu'ilz ne refusent pas du tout credit au commun accord des Chrestiens, mais que seulement ilz ne le reçoivent pas a mesme degré que leur persuasion interieure, et neantmoins ilz n'en tiennent aucun conte; mais ilz vont ainsy retenus en leur langage pour ne paroistre pas du tout incivilz et desraysonnables.

  A001000754 

 En un mot, c'est a l'Eglise generale que le Saint Esprit addresse immediatement ses inspirations et persuasions, puys, par la prædication de l'Eglise, il les communique aux particuliers; c'est l'Espouse en laquelle le laict est engendré, puys les enfans le succent [170] de ses mammelles: mays vous voules, au rebours, que Dieu inspire aux particuliers, et par leur moyen a l'Eglise, que les enfans reçoivent le laict, et que la mere soit nourrie a leurs tetins; chose absurde..

  A001000754 

 Puys, quelle rayson y a il que le Saint Esprit aille inspirant ce que chacun doit croire a des je ne sçay qui, a Luther, a Calvin, ayant abandonné sans aucune telle inspiration les Conciles et l'Eglise tout entiere? Nous ne nions pas, pour parler clairement, que la connoissance des vrays Livres sacrés ne soit un don du Saint Esprit, mays nous disons que le Saint Esprit la donne aux particuliers par l'entremise de l'Eglise.

  A001000755 

 Hé de grace, pourquoy permettra on plus tost a Calvin de racler la Sapience ou les Maccabees, qu'a Luther de lever l'Epistre de saint Jaques ou l'Apocalipse, ou a Castalio, le Cantique des Cantiques, ou aux Anabaptistes, l'Evangile de saint Marc, ou a un autre, le Genese et l'Exode? si tous protestent de l'interieure revelation, pourquoy croira l'on plustost l'un que l'autre? Ainsy ceste Regle sacree, sous prætexte du Saint Esprit demeurera des reglee, par la temerité de chaque seducteur..

  A001000755 

 Or, si l'Escriture n'est violee et sa majesté lezee par l'establissement de ces interieures et particulieres inspirations, jamais elle ne fut ni sera violëe; car ainsy la porte est ouverte a chacun de recevoir ou rejetter des Escritures ce que bon luy semblera.

  A001000756 

 Es misterieuses parolles de l'Eucharistie, ne veut on pas esbranler l'authorité de ces motz, Qui pro vobis funditur, par ce que le texte grec monstre clairement que ce qui estoit au calice n'estoit pas vin, mais le sang du Sauveur? comme qui diroit en françois, Ceci est la coupe du nouveau testament en mon sang, laquelle sera respandue pour vous; car en ceste façon de parler, ce qui est en la coupe doit estre le vray sang, non le vin, puysque le vin n'a pas esté respandu pour nous, mais le sang, et que la coupe ne peut estre versee qu'a rayson de ce qu'elle contient.

  A001000756 

 L'ennemy est fin; s'il la vouloit arracher tout a coup il donneroit l'alarme; [171] il establit un moyen certain et infallible pour la lever piece a piece tout bellement, c'est ceste opinion de l'interieure inspiration, par laquelle chacun peut recevoir ou rejetter ce que bon luy semble: et de faict, voyes un peu le progres de ce dessein.

  A001000757 

 Pour vray, nous serions tres mal asseurés si nous appuyions nostre foy sur ces particulieres inspirations interieures, que nous ne sçavons si elles sont ou furent jamais que par le tesmoignage de certains particuliers; [174] et supposé qu'elles soyent ou ayent esté, nous ne sçavons si elles sont du vray ou faux esprit; et supposé qu'elles soyent du vray esprit, nous ne sçavons si ceux qui les recitent les recitent fidellement ou non, puys qu'ilz n'ont aucune marque d'infallibilité.

  A001000764 

 Et comme se peuvent faire tant de versions, par si differentes cervelles, sans la totale eversion de la sincerité de l'Escriture?.

  A001000772 

 C'est une bien grande licence a ceux qui traduysent, de sçavoir quilz ne seront point conterollés que par ceux de leur province mesme; chaque province n'a pas tant d'yeux clairvoyans comme la France et l'Allemaigne.

  A001000772 

 Le vin qu'on a beaucoup versé et reversé s'esvente et perd sa force, la cire estant maniee change couleur, la monoÿe en perd ses caracteres; [179] croyes aussy que l'Escriture Sainte, passant par tant de divers verseurs, en tant de versions et reversions, ne peut qu'elle ne s'altere.

  A001000772 

 Mays qui ne voit le stratageme? il ni a rien au monde qui passant par plusieurs mains ne s'altere, et perde son premier lustre.

  A001000773 

 Ces peuples, donques, avoyent accoustumé de dire les Psalmes en Hebrieu, et neanmoins l'Hebreu n'estoit plus leur langue vulgaire, ainsy qu'on peut connoistre de plusieurs paroles dites en l'Evangile par Nostre Seigneur, qui estoyent siriacques, que les Evangelistes ont gardees, comme Abba, Haceldema, Golgotha, Pascha et autres, que les doctes tiennent n'estre pas hebraiques pures mais siriaques, quoy qu'elles soient appellees hebraiques par ce que c'estoit le langage vulgaire des Hebreux des la captivité de Babiloyne.

  A001000773 

 Mays disons candidement; ne sçavons nous pas que les Apostres parloyent toutes langues? et que veut dire quilz n'escrivirent leurs Evangiles et Epistres qu'en Hebrieu, comme saint Hierosme atteste de l'Evangile de saint Matthieu, en Latin, comme quelques uns pensent de celuy de saint Marc, et en Grec, comm'on tient des autres Evangiles; qui furent les trois langues choysies, des la Croix mesme de Nostre Seigneur, pour la prædication du Crucifix? Ne porterent ilz pas l'Evangile par tout le monde, et au monde ny avoit il point d'autre langage que ces trois la? si avoit a la verité, et neanmoins ilz ne jugerent pas estre expedient de diversifier en tant de langues leurs escritz: qui mesprisera donques la coustume de nostre Eglise, qui a pour son garand l'imitation des Apostres?.. Dequoy nous avons une notable trace et piste en l'Evangile: car le jour que Nostre Seigneur entra en Hierusalem, les troupes alloyent criant, Osanna filio David; benedictus qui venit in nomine Domini; osanna in excelsis; et ceste parole, Osanna, a estëe laissëe en son entier parmi les textes grecz de saint Marc et saint Jan, signe [180] que c'estoit la mesme parole du peuple: or est il que Osanna, ou bien Osianna (et l'un vaut l'autre, disent les doctes en la langue), est une parole hebraique, non siriacque, prise, avec le reste de ceste louange la qui fut donnëe a Nostre Seigneur, du Psalme 117.

  A001000774 

 Mays je vous advise que le saint Concile de Trente ne rejette pas les traductions vulgaires imprimëes par l'authorité des ordinaires, seulement il commande qu'on [181] n'entreprene pas de les lire sans congé des superieurs; ce qui est tres raisonnable, pour ne mettre pas ce couteau, tant affilé et tranchant a deux costés, en la main de qui s'en pourrait esgorger soymesme, dequoy nous parlerons cy apres; et partant il ne trouve pas bon que chacun qui sçait lire, sans autr'asseurance de sa capacité que celle quil prend de sa temerité, manie ce sacré memorial.

  A001000774 

 « Ni n'est certes rayson, » me souviens je avoir leu en un essay du S r de Montaigne, « de voir tracasser, » entre les mains de toutes personnes, « par une salle et par une cuysine, le saint Livre des sacrés misteres de nostre creance; ce n'est pas en passant et tumultuairement quil faut manier un estude si serieux et venerable; ce doit estre un'action destinee et rassise, alaquelle on doit tousjours adjouster ceste præface de nostr'office, Sursum corda, et y apporter le cors mesme, disposé en contenance qui tesmoigne une particuliere attention et reverence.

  A001000780 

 Le Concile defend aussy que les services publiqs de l'Eglise ne se facent pas en vulgaire, mays en langue reglëe, chacun selon les anciens formulaires approuvés par l'Eglise.

  A001000781 

 L'unité et la grand'estendue de nos freres requiert que nous disions nos publiques prieres en un langage qui soit un a toutes nations; en ceste façon nos prieres sont universelles, par le moyen de tant de gens qui en chaque province peuvent entendre le Latin; et me semble en conscience que ceste seule rayson doit suffire, car, si nous contons bien, nos prieres ne sont pas moins entendues en Latin qu'en François.

  A001000781 

 Pour y apprendre la doctrine? mays certes, la doctrine ne s'en peut tirer si quelqu'un n'a ouvert l'escorce de la lettre, dans laquelle est contenue l'intelligence; ce que je deduyray tantost en son lieu: la predication sert a ce point, non la recitation du service; en laquelle la Parole de Dieu est non seulement recitëe, mays exposëe par le pasteur.

  A001000787 

 La seule insuffisance de l'autheur, qui n'estoit qu'un ignorant, la lasciveté de laquelle il tesmoigne par ses escritz, sa vie tes prophane et qui n'avoit rien moins que du Chrestien, meritoit qu'on luy refusast la frequentation de l'eglise; et neanmoins son nom et ses psalmes sont comme sacrés en vos eglises, et les chante l'on parmi vous autres comme s'ilz estoyent de David: la ou, qui ne voit combien est violëe la sacrëe Parole? car le vers, sa mesure, sa contrainte ne permet pas qu'on suyve la proprieté des motz de l'Escriture, mais y mesle l'on du sien pour rendre le sens parfaict et comble, et a esté necessaire a cest ignorant rimeur de choisir un sens la ou il y en pouvoyt avoir plusieurs.

  A001000787 

 Mays entre toutes les prophanations, il me semble que cellecy se faict voir a travers des autres, qu'es temples, publiquement et tout par tout, aux champs, aux boutiques, on chante la rimaillerie de Marot comme Psalmes de David.

  A001000788 

 Et quand a ceste façon de faire chanter indifferemment, en tous lieux et en toutes occupations, les Psalmes, qui ne voit que c'est un mespris de religion? N'est ce pas offencer la Majesté divine, de luy parler avec des paroles tant exquises comme celles des Psalmes sans aucune reverence ni attention? dire des prieres par voye d'entretien, n'est ce pas se mocquer de Celuy a qui on parle? Quand on voit, ou a Geneve ou ailleurs, un garçon de boutique se jouer au chant de ces Psalmes, et rompre le fil d'une tres belle priere pour dire, Monsieur, que vous plaict il? ne connoist on pas bien qu'il faict un accessoire du principal, et que ce n'est sinon pour passetems quil chante ceste divine chanson, quil croit neantmoins estre du Saint Esprit? Ne faict il pas bon voir ces cuysiniers chanter les Psalmes de la Pœnitence de David, et demander a chasque verset le lart, le chapon, la perdrix? « Ceste voix, » dict des Montaignes, « est trop divine pour n'avoir autre usage que d'exercer les poulmons et plaire aux oreilles.

  A001000788 

 » Je confesse qu'en particulier tous lieux sont bons a prier et toute contenance qui n'est pas peché, pourveu qu'on prie d'esprit, par ce que Dieu voit l'interieur, auquel gist la principale substance de l'orayson; mays je crois que qui prie en publiq doit faire demonstration exterieure de la reverence que les paroles propres quil profere demandent; autrement il scandalize le prochain, qui n'est pas tenu de penser quil ayt [186] de la religion en l'interieur, voyant le mespris en l'exterieur..

  A001000789 

 Je tiens, donques, que tant pour chanter comme Psalmes divins ce qui est bien souvent fantasie de Marot, que pour le chanter irreveremment et sans respect, on peche tressouvent, en vostre tant reformëe eglise, contre ceste parole, Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum in spiritu et veritate oportet adorare: car, outre ce qu'en ces psalmes vous attribues au Saint Esprit bien souvent les conceptions de Marot, contre la verité, la bouche aussy crie, par mi les rues et cuysines, o Seigneur, o Seigneur, que le cœur ni l'esprit n'y sont point, mays au traffiq et au gain; et, comme dict Isaïe, vous vous eslances de bouche vers Dieu, et le glorifies de vos levres, mays vostre cœur est bien loin de luy, et vous le craignes selon les commandemens et doctrines des hommes.

  A001000789 

 Pour vray, cest inconvenient de prier sans devotion arrive bien souvent aux Catholiques, mais ce n'est pas par l'adveu de l'Eglise, et je ne reprens pas maintenant les particuliers de vostre parti, mais le cors de vostre [église,] laquelle par ses traductions et libertés met en usage prophane ce qui devroit estre en tres grande reverence..

  A001000797 

 Ne voyla pas un beau sens et rare? mays la rayson estoit encores plus belle, par ce qu'a l'entendre autrement ce seroit contre nature, et qu'il faut interpreter l'Escriture par l'Escriture, ou nous trouvons que Nostre Seigneur n'en fit pas de mesme quand le serviteur le frappa: c'est le fruict de vostre triviale theologie.

  A001000806 

 Qui ne voit quil ne parle pas des offices solemnelz en l'eglise, qui ne se faysoyent que par le pasteur, mays des cantiques qui se faysoyent par le don des langues, quil vouloyt estre entenduz; car, de vray, ne l'estans pas, cela detournoyt l'assemblëe et ne servoit de rien.

  A001000806 

 Vous verres que pour cela il ne veut pas qu'on diversifie le service en toutes sortes de langages, mais seulement que les exhortations et cantiques qui se faysoyent par le don des langues soyent interpretés, affin que l'eglise ou on se trouve sache que l'on dict: Et ideo, qui loquitur lingua, oret ut interpretetur.

  A001000807 

 Populus hic labiis me honorat, cor autem eorum: cela s'entend de ceux qui chantent et prient, en quel langage que ce soit, et parlent de Dieu par maniere d'acquit, sans reverence et devotion; non de ceux qui parlent un langage a eux inconneu mays conneu a l'Eglise, et neanmoins ont le cœur ravi en Dieu..

  A001000810 

 Se mocqueroit [192] on pas du malade qui voudroit chercher sa santé en Hipocrate sans l'ayde du medecin? ou de celuy qui voudroit chercher son droit en Justinien sans s'addresser au juge? Cherchez, luy diroit on, vostre santé, mais par le moyen des medecins; et vous, cherchez vostre droit et le procurez, mais par les mains du magistrat.

  A001000812 

 Voyes vous comme le peuple oyoyt la leçon publique de l'Evangile, et ne l'entendoit pas, sinon ce mot, Confiteor tibi, Pater? qu'il entendoit par coustume, par ce qu'on le disoit tous au commencement de la Messe, comme nous faysons maintenant: c'est sans doute que la leçon s'en faysoit en Latin, qui n'estoit pas leur langage vulgaire..

  A001000814 

 Ce grand amy de Dieu, saint François, a la glorieuse et tressainte memoyre duquel on celebroit hier par tout le monde feste, nous monstroit un bel exemple de [194] l'attention et reverence avec laquelle on doit prier Dieu.

  A001000829 

 L'Escriture donques est Evangile, mais nom pas tout l'Evangile, car les Traditions sont l'autre partie: qui enseignera donques outre ce qu'ont enseigné les Apostres, maudict soit il; mays les Apostres ont enseigné par escrit et par Tradition, et tout est Evangile.

  A001000830 

 Et ny a pas seulement Tradition des ceremonies, et de certain ordre exterieur arbitraire et de bienseance, mays, comme dict le saint Concile, en doctrine qui appartient a la foy mesme et aux mœurs; quoy que, quand aux Traditions des mœurs, il y en a qui nous obligent tres étroittement, et d'autres qui ne nous sont proposëes que par conseil et bienseance, et cellescy n'estans observëes ne nous rendent pas coulpables, pourveu qu'elles soyent approuvëes et prisëes comme saintes, et ne soyent mesprisëes.

  A001000830 

 Nous appelions donques Tradition Apostolique la doctrine, soit de la foy soit des mœurs, que Nostre Seigneur a enseignëe de sa propre bouche ou par la bouche des Apostres; laquelle n'estant point escritte es Livres canoniques, a esté ci devant conservëe jusqu'a nous comme passant de main en main, par continuelle succession de l'Eglise: en un mot, c'est la Parole de Dieu vivant, imprimëe non sur le papier mais dans le cœur de l'Eglise seulement.

  A001000839 

 Et quand a la fin il leur dict, Cætera cum venero disponam, il nous laysse a penser quil leur avoyt enseigné plusieurs choses bien remarquables, et neanmoins nous n'en avons aucun escrit ailleurs: sera il donq perdu pour l'Eglise? non certes, mais est venu par Tradition, autrement l'Apostre ne l'eust pas envié a la posterité et l'eust escrit..

  A001000839 

 Si c'estoit en la seconde des Corinthiens, on pourroit dire que par ses commandemens il entend ceux de la premiere, quoy que le sens y seroit forcé (mays a qui ne veut marcher tout ombre sert), mays cecy est escrit en la premiere; il ne parle pas d'aucun Evangile, car il ne l'appelleroit pas præcepta mea: qu'estoit ce donques sinon une doctrine Apostolique non escritte? cela nous l'appelions Tradition.

  A001000840 

 Je vous demande, quand leur dict il ces choses quil avoit a leur dire? pour vray, ou ce fut apres sa resurrection les 40 jours quil fut avec eux, ou par la venue du Saint Esprit; mais que sçavons nous que c'est quil comprenoit sous ceste parole, Multa habeo, et si tout est escrit? il est bien dict quil fut 40 jours avec eux, les enseignant du royaume des cieux, mays nous n'avons ni toutes ses apparitions ni ce quil leur disoit en icelles.

  A001000853 

 » A la marge il met cest advertissement, quil a mis quasi par tout le texte: « L'interpretation de l'Escritture ne se doit puyser d'ailleurs que de l'Escritture mesme, en conferant les passages les uns avec les autres, et les rapportant a l'analogie de la foy; » et en l'Epistre au Roy de France: « Nous demandons qu'on s'en rapporte aux Saintes Escrittures canoniques, et que, sil y a doute sur l'interpretation d'icelles, la convenance et le rapport qui doit estre tant entre les passages de l'Escriture qu'entre les articles de la foy en soyent juges.

  A001000853 

 » Il y reçoit « les Peres, avec tout autant d'authorité quilz se trouveront de fondement es Escrittures; » il poursuit: « Quand au point de la doctrine, nous ne sçaurions appeller a aucun juge non reprochable qu'au Seigneur mesme, qui a declaré tout son conseil touchant nostre salut par les [Apostres] et [203] Prophetes.

  A001000854 

 Amen, amen, disons nous; mais nous ne demandons pas comment on doit interpreter l'Escriture, mays qui sera le juge: car, apres avoir conferé les passages aux passages et le tout au Simbole de la foy, nous trouvons que par ce passage, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunt; et tibi dabo claves regni cælorum, saint Pierre a esté chef ministerial et supreme œconome en l'Eglise de Dieu; vous dites, de vostre costé, que ce passage, Reges gentium dominantur eorum, vos autem non sic, ou cest autre (car ilz sont tous si foibles que je ne sçay pas lequel vous peut estre fondemental), Nemo potest aliud fundamentum ponere, etc., conferé avec les autres passages et a l'analogie de la foy, vous faict detester un chef ministerial: nous suyvons tous deux un mesme chemin en la recherche de la verité de ceste question, a sçavoir, sil y a en l'Eglise un vicaire general de Nostre Seigneur, et neantmoins je suys arrivé en l'affirmative, et vous, vous estes logés en la negative; qui jugera plus de nostre different?.. Certes, qui s'addressera a Theodore de Beze, il dira que vous aves mieux discouru que moy, mays ou se fondera il en ce jugement, sinon sur ce quil luy semble ainsy, selon le præjugé quil en a faict il y a si long tems? et [204] quil dise ce quil voudra, car qui l'a establi juge entre vous et moy?...

  A001000859 

 Il y a neanmoins tresgrande difference entre les premieres Regles et celle cy; car la premiere Regle, qui est la Parole de Dieu, est Regle infallible de soy mesme, et tres suffisante pour regler tous les entendemens du monde, la seconde n'est pas proprement Regle de soymesme, mays seulement entant qu'elle applique la premiere, et qu'elle nous propose la droitture contenue en la Parole sainte: ainsy qu'on dict les loix estre une regle des causes civiles; le juge ne l'est pas de soy mesme, puysque son jugement est obligé au reglement de la loy, neantmoins il est, et peut tresbien estre appellé, regle, par ce que l'application des loix estant sujette a varieté, quand il l'a une fois faicte il faut s'y arrester.

  A001000865 

 S'il faut courir fortune d'errer, qui n'aymera mieux la courir a la suite de sa propre fantasie, que de s'esclaver a celle de Calvin ou Luther? chacun donnera liberté a sa cervelle de courir a l'abandon ça et la, par les opinions tant diverses soyent elles, et de vray, peut estre rencontrera il aussy tost la verité qu'un autre.

  A001000872 

 Ceux donques qui voudroyent que l'Empereur eust ceste authorité, n'ont point de fondement en l'Escriture ni en la rayson; [211] car, quelles sont les causes principales pour lesquelles on assemble les Conciles generaux, sinon pour reprimer et repouser l'heretique, le schismatique, le scandaleux, comme loups de la bergerie? ainsy fut faicte ceste premiere assemblëe en Hierusalem pour resister a certains de l'heresie des Pharisæens: et qui a charge de repouser le loup sinon le berger? et qui est berger que celuy a qui Nostre Seigneur dict, Pasce oves meas? trouves que semblable charge fut donnée a Tibere? Qui a l'authorité de repaistre le troupeau a l'authorité d'assembler les bergers, pour cognoistre quelle pasture et quelles eaux sont saines aux ouaïlles; cela est proprement assembler les pasteurs in nomine Christi, c'est a dire, par l'authorité de Nostre Seigneur, car qu'est ce autre chose assembler les estatz au nom du prince que les convoquer par authorité du prince? et qui a cest'authorité que celuy qui comme lieutenant a receu les clefz du royaume des cieux? Qui fit dire au bon pere Lucentius, Evesque vicaire du Saint Siege apostolique, que Dioscorus avoit eu tresgrand tort d'avoir assemblé un Concile sans l'authorité Apostolique: Sinodum, dict il, ausus est facere sine authoritate Sedis Apostolicæ, quod nunquam rite factum est, nec fieri licuit; et dict ces paroles en la pleyne assemblee du grand Concile de Calcedoyne.

  A001000872 

 Et de vray, ce sont les pasteurs qui ont charge d'instruire le peuple, et de prouvoir a son salut par les resolutions des doutes qui surviennent touchant la doctrine Chrestienne; les empereurs et les princes y doivent avoir zele, mais selon leur ministere, qui est par voÿe de justice, de police et de l'espëe, qu' ilz ne portent pas sans cause.

  A001000872 

 Il est neanmoins necessaire que si la ville ou l'assemblëe se faict est sujette a l'Empereur, ou a quelque prince, et qu'on veuille faire quelque cueillette publique pour les frais d'un Concile, que le prince chez lequel on s'assemble ayt donné licence et authorisé l'assemblëe, et les cueillettes doivent estre avouëes par les princes riere les estatz desquelz elles se font: et quand l'Empereur voudroit assembler un Concile, pourveu que le Saint Siege y consentit pour rendre la convocation legitime... Telles ont esté les assemblëes de quelques Conciles [212] tres authentiques, et celle qu'Herodes commanda en Hierusalem, pour sçavoir ubi Christus nasceretur, a laquelle les prestres et scribes consentirent; mays qui la voudroit tirer en consequence, pour attribuer l'authorité aux princes de commander les convocations, auroit autant de rayson que de tirer en consequence sa cruauté sur saint Jan Baptiste et le meurtre sur les petitz enfans..

  A001000872 

 qui l'assembla: et nous trouverons quil fut assemblé par l'authorité mesme des pasteurs: Conveneruntque Apostoli et seniores videre de verbo hoc.

  A001000873 

 Il succede que nous remarquions, en ce premier Concile chrestien qui fut faict par les Apostres, qui y fut apellé Convenerunt, dict le texte, Apostoli et presbiteri videre de verbo hoc; les Apostres et les prestres, en un mot, les gens d'Eglise: la rayson le vouloit, car le vieux proverbe est par tout bon, Ne sutor ultra crepidam, et le mot du bon pere Hosius, rapporté par saint Athanase, quil escrivit a l'empereur Constantius, Tibi Deus imperium commisit, nobis quæ sunt Ecclesiæ concredidit.

  A001000875 

 Ainsy despuys, le successeur de saint Pierre, Evesque de Rome, a tousjours præsidé aux Conciles par ses legatz.

  A001000875 

 Au Concile de Calcedoyne, il ny a rien qui ne crie tout par tout que les legatz du Saint Siege Romain ny aient præsidé, Pascasinus et Lucentius; il ny a que d'en lire les actes..

  A001000875 

 Au Concile de Constantinople, quoy quil ny fut pas ni aucun legat pour luy, par ce quil traittoit la mesme cause avec les Evesques occidentaux a Rome qui estoit traittëe a Constantinople par les orientaux, qui ne s'estoyent peu joindre qu'en esprit et deliberation, si est ce que par les lettres que les Peres de part et d'autre s'envoyerent, Damase, Evesque de Rome, est reconneu pour legitime chef et præsident.

  A001000875 

 Au Concile de Nicëe, les premiers qui souscrivent ce sont Hosius, evesque, Vitus et Modestus, prestres, envoÿés par le Saint Siege: et de vray, quelle occasion pouvoit faire que deux prestres souscrivissent devant les Patriarches, si ce n'eust esté quilz estoyent en lieutenance du supreme Patriarche? Que quand a saint Athanase, tant s'en faut quil y præsidast, quil ny fut pas assis ni ne souscrivit point, comme n'estant que diacre pour l'heure; et le grand Constantin non seulement ny præsida pas, ains s'assit au bas des Evesques, et ny voulut point estre comme pasteur mays comme brebis.

  A001000877 

 Reste le consentement, reception et execution des decretz du Concile, qui fut faicte, comm'elle se doit encores faire a present, par tous ceux qui y assistent, dont il fut dict: Tunc placuit Apostolis et senioribus, cum omni Ecclesia, eligere viros ex eis, etc.; mays quand a l'authorité en vertu delaquelle la promulgation du decret de ce Concile-la fut faicte, elle ne fut sinon des gens ecclesiastiques: Apostoli et seniores fratres, iis qui sunt Antiochiæ, Syriæ et Ciliciæ; l'authorité des brebis ny est point cottëe, mais celle la seulement des pasteurs.

  A001000884 

 C'est la mesm'Eglise, aussy chere au celest'Espoux qu'elle fut alhors, en plus de necessité qu'elle n'estoit alhors; quelle rayson y a il quil ne luy fist la mesme assistence quil luy fit alhors en pareille occasion? Consideres, je vous prie, l'importance de ces motz Evangeliques, Si quis Ecclesiam non audierit, sit tibi tanquam etnicus et publicanus; [216] et quand peut on jamais ouyr plus distinctement l'Eglise que par la voix d'un Concile general, ou les chefz de l'Eglise se trouvent tous ensemble pour dire et deduyre les difficultés? le cors ne parle pas par ses jambes ni par ses mains, mays seulement par son chef; ainsy, comme peut l'Eglise mieux prononcer sa sentence que par ses chefz? Mays Nostre Seigneur s'explique: Iterum dico vobis, quia si duo ex vobis consenserint super terram de omni re quamcumque petierint, fiet illis a Patre meo qui in cælis est; ubi enim sunt duo vel tres congregati in nomine meo, ibi sum in medio eorum.

  A001000884 

 L'authorité donques des Conciles doit estre reverëe comme appuyëe sur la conduitte du Saint Esprit; car, si contre ceste heresie pharisaique, le Saint Esprit, docteur et conducteur de son Eglise, assista l'assemblëe, il faut croire encores qu'en toutes semblables occasions il assistera encores les assemblees des pasteurs, pour, par leur bouche, regler et nos actions et nos creances.

  A001000887 

 Athanase dit que Mot Domini per æcumenicam Niceæ Sinodum manet in æternum; saint Gregoire Nazianzene, parlant des Apollinaristes, qui se ventoyent d'avoyr estés avoüés par un Concile Catholique, Quod si vel nunc, dict il, vel ante suscepti sunt, hoc ostendant et nos acquiescemus; perspicuum enim erit eos rectæ doctrinæ assentiri, nec enim aliter se res habere potest; saint Augustin dict que la celebre question du Baptesme, meüe par les Donatistes, fit douter plusieurs Evesques, donec, plenario totius orbis Concilio, quod saluberrime sentiebatur etiam remotis dubitationibus firmaretur; Defertur, dict Ruffin, ad Constantinum [218] sacerdotalis Concilii (Nicæni) sententia; ille tanquam a Deo prolatam veneratur, cui si quis tentasset obniti, velut contra divina statuta venientem in exilium se protestatur acturum. Que si quelqu'un pensoit, pour produire des analogies, des sentences de l'Escriture, des motz grecz et hebreux, quil luy fust permis de remettre en doute ce qui a desja esté determiné par les Conciles generaux, il faut quil produise des patentes du ciel bien signëes et scelees, ou quil die que chacun en peut autant faire que luy, et que tout est a la merci de nos subtiles temerités, que tout est incertain et sujet a la diversité des jugemens et considerations des hommes.

  A001000893 

 .. comme traitte il le grand Concile de Nicee? par ce que le Concile defend estre receuz au ministere clerical ceux qui se sont taillés eux mesmes, et defend quand et quand aux Ecclesiastiques de tenir en leurs maysons [219] autres femmes que leurs meres et leurs seurs, hic prorsus, dict Luther, non intelligo Spiritum Sanctum in hoc Concilio. Et pourquoy? An debebit episcopus aut concionator illum intolerabilem ardorem et æstum amoris illiciti sustinere, et neque conjugio neque castratione se ab his periculis liberare? An vero nihil aliud est negotii Spiritui Sancto in Conciliis, quam ut impossibilibus, periculosis, non necessariis legibus suos ministros obstringat et oneret? Il n'excepte point de Concile, ains tient asseurement qu'un curé seul peut autant qu'un Concile: voyla l'opinion de ce grand reformateur..

  A001000894 

 » Mays, mon Dieu, quand cessera on de brouiller? les Conciles, apres toute consultation, espreuve faite a la sainte pierre de touche de la Parole de Dieu, jugent et determinent d'un article; si apres tout cela il faut un'autre espreuve avant qu'on reçoive ceste determination,.. n'en faudra il encores une autre? qui ne voudra espreuver? et quand finira on jamais? apres l'espreuve faite par le Concile, de Beze et ses disciples veulent encores espreuver; et qui gardera a un autre d'en demander autant?.. pour sçavoir si l'espreuve du Concile a esté bien faite, pourquoy n'en faudra il une troysiesme pour sçavoir si la seconde est fidelle? et puys une quatriesme pour la troysiesme? tout sera a refaire, et la posterité ne se fiera jamais a l'antiquité, mays ira roulant et mettant ores dessus ores dessous les plus saintz articles de la foy en la roüe de l'entendement.

  A001000895 

 Des plus doctes ministres de Losanne, ces annëes passëes, l'Escriture et l'analogie de la foy en main, s'opposent a la doctrine de Calvin touchant la justification; de soustenir l'effort de leurs raysons point de nouvelles, quoy qu'on face trotter certains petitz livretz morfonduz, sans goust ni pointe de doctrine: comme les traitte l'on? on les persecute, on les faict absenter, on les faict menasser; a quel propos cela? par ce quilz enseignent une doctrine contrayre a la profession de foy de nostr'eglise.

  A001000895 

 Mays, je vous prie, si l'espreuve faite par un Concile general n'est asses authentique pour arrester le cerveau des hommes, comme l'authorité d'un quidam le pourra faire? Voyci une grand'ambition.

  A001000895 

 Que ne laissoit on a chacun faire son espreuve? [221] si celle de Nicee n'a pas peu arrester vos cerveaux, pourquoy voules vous par vos discours mettre un arrest aux cerveaux de vos compaignons, aussi gens de bien que vous, aussi doctes et pertinentz? Connoisses l'iniquité de ces juges: pour donner liberté a leurs opinions ilz avilissent les anciens Conciles, et veulent par les leurs brider celles des autres; ilz cherchent leur gloire, connoisses-le bien, et tout autant quilz en levent aux Anciens, ilz s'en attribuent..

  A001000896 

 Que veut dire que vous ne tenes conte de la realité du Cors de Nostre Seigneur au Saint Sacrement, que vous appelles superstition le tres saint Sacrifice qui se faict par les prestres, du mesme precieux Cors du Sauveur, et que vous ne voules point mettre difference entre l'Evesque et le prestre? puysqu'en ce grand Concile tout y est si expressement non ja defini mays presupposé comme chose toute notoire en l'Eglise.

  A001000897 

 Et neanmoins, Nostre Seigneur fit cest honneur a la sacrificature d'Aaron, que non obstant toute la mauvaise intention de ceux qui la possedoyent, le grand Prestre prophetisa et prononça une sentence tres certayne, Quia expedit ut unus moriatur homo pro populo, ut non tota gens pereat; ce quil ne dict pas de luy mesme et a cas, mays prophetiquement, dict l'Evangeliste, par ce quil estoit Pontife de ceste annëe la. Ainsy voulut Nostre Seigneur conduire ceste Sinagogue et l'authorité sacerdotale avec un remarquable honneur a la sepulture, pour luy faire succeder l'Eglise Catholique et le sacerdoce Evangelique; et la, ou la Sinagogue prit fin, qui fut en la resolution de faire mourir Nostre Seigneur, l'Eglise fut fondëe par ceste mort mesme: Opus consummavi quod dedisti mihi ut faciam, dict Nostre Seigneur aprës la cene, et en la cene Nostre Seigneur avoit institué le nouveau testament, si que le viel, avec ses ceremonies et son sacer [224] doce, perdit ses forces et ses privileges, quoy que la confirmation du nouveau ne se fit que par la mort du testateur, comme parle saint Pol.

  A001000897 

 Mays tout cecy s'entend des vrays Conciles, ou generaux, ou provinciaux advoüés par les generaux ou par le Siege Apostolique: tel que ne fut pas celuy des 400 prophetes assemblés par Achab; car il ne fut ni general, car ceux de Juda n'y furent point apellés, ni bien congregé, car il n'y eut point d'authorité sacerdotale, et ces prophetes n'estoyent pas legitimes et pour telz reconneuz par le roy de Juda, Josaphat, quand il dict: Non est hic propheta Domini, ut interrogemus per eum? comme sil eust voulu dire que les autres n'estoyent pas prophetes du Seigneur.

  A001000897 

 Quand aux decretz de la doctrine de la foi, ilz sont invariables; ce qui est une fois vray, l'est en eternité; aussi les Conciles appellent Canons ce quilz en determinent, par ce que ce sont Regles inviolables a nostre creance.

  A001000897 

 Tel ne fut pas nomplus l'assemblëe des prestres contre Nostre Seigneur, qui ne tint aucune [223] forme de Concile, mays fut une conspiration tumultuaire et sans aucune procedure requise,.. et laquelle tant s'en faut qu'elle eust asseurance en l'Escriture de l'assistence du Saint Esprit, qu'au contrayre elle en avoit esté declairëe privëe par les Prophetes; et de vray, la rayson vouloit que le Roy estant præsent les lieutenans perdissent l'authorité, et le grand Prestre præsent, la majesté du vicayre fut ravalëe a la condition des autres.

  A001000898 

 J'ay voulu lever occasion a ces deux objections qu'on faict contre l'infallible authorité des Conciles et de l'Eglise; les autres s'iront resoulvant cy apres, es essays particuliers que nous ferons de la doctrine Catholique: il n'y [a] chose si certayne qui n'ait des oppositions, mays la verité demeure ferme et glorieuse par les assautz de ses contraires.

  A001000920 

 Sil change Jacob en Israel, la rayson est en realité sur le champ: Par ce que si tu as esté puyssant contre Dieu, combien plus surmonteras tu les hommes? Si que Dieu, par les noms quil impose, ne marque pas seulement les choses nommëes, mays nous instruit de leurs qualités et conditions: tesmoins [229] les Anges, qui ne portent point de noms que selon leurs charges, et saint Jan Baptiste, qui porte la grace en son nom quil annonça en sa prædication; ce qui est ordinaire a ceste sainte langue des Israelites.

  A001000921 

 Mays quel nom luy donne il? nom plein de majesté, non vulgaire ni trivial, mays qui ressent sa superiorité et authorité, semblable a celuy d'Abraham mesme: car, si Abraham fut ainsy appelé par ce quil devoit estre pere de plusieurs peuples, saint Pierre a receu ce nom par ce que sur luy, comme sur une pierre ferme, devoit estre fondëe la multitude des Chrestiens; et c'est a ceste ressemblance que saint Bernard appelle la dignité de saint Pierre, « Patriarchat d'Abraham.

  A001000921 

 » Quand Isaïe veult exhorter les Juifz par l'exemple d'Abraham leur tige, il apelle Abraham, pierre: Attendite ad petram unde excisi estis, attendite ad Abraham patrem vestrum; ou il faict voir que ce nom de Pierre rapporte fort bien a l'authorité paternelle..

  A001000923 

 Mays je vous adviseray que Nostre Seigneur n'a pas changé le nom de saint Pierre, mays a seulement joint un nouveau nom a l'ancien quil avoit; peut estre affin quil se resouvint en son authorité de ce quil estoit de son estoc, et que la majesté du second nom fust attrempëe par l'humilité du premier, et que si le nom de Pierre le nous faisoit reconnoistre pour chef, le nom de Simon nous avisast quil n'estoit pas chef absolu, mays chef obeissant, subalterne et maistre valet.

  A001000924 

 Mays nous voicy en difficulté: car on accorde bien que Nostre Seigneur ait parlé a saint Pierre et de saint Pierre jusques icy, et super hanc petram, mays que par ces paroles il ne parle plus de saint Pierre.

  A001000924 

 Or, je vous prie, quelle apparence y a il que Nostre Seigneur eust faict ceste grande præface, Beatus es Simon Bar Jona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in cælis est; et ego dico tibi, pour ne dire autre sinon, quia tu es Petrus, puys, changeant tout a coup de propos, il allast parler d'autre chose? Et puys, quand il dict, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, ne voyes vous pas quil parle notoirement de la pierre delaquelle il avoit parlé præcedemment? et de quell'autre pierre avoit il parlé que de Simon, au quel il avoit dict, Tu es Pierre? Mays voicy tout l'equivoque qui peut faire scrupule a vos imaginations; c'est que peut estre penses vous que comme Pierre est maintenant un nom propre d'homme, il le fut aussy alhors, et que Petrus ne soit pas la mesme chose que petra, et que, partant, nous passions la signification de Pierre a la pierre, par equivocque du masculin au feminin.

  A001000925 

 Certes, la [version] latine a asses d'autres argumentz pour faire connoistre que ceste pierre n'est autre que saint Pierre, et partant, pour accomoder le mot a la personne a qui on le bailloit pour nom, qui estoit masculine, il luy a baillé une terminayson de mesme, a l'imitation du Grec, qui avoit mis, Tu es πέτρος, et super hanc τῇ πέτρᾷ; mays il ne reussit pas si heureusement en Latin qu'en Grec, par ce qu'en Latin, Petrus ne veut pas dire petra, mays en Grec πέτρος et petra n'est qu'une mesme chose; comme en François rocher et roche [est le mesme,] toutefois, s'il me failloit approprier ou l'un ou l'autre a un homme, je luy appliqueroys plus tost le nom de rocher que de roche, pour la correspondance du mot masculin a la personne masculine.

  A001000927 

 .. Les François appellent, mayson, l'edifice et la famille encores; par ceste proportion que, comme une mayson n'est autre qu'un assemblage de pierres et autres materieux faict avec ordre, dependance et mesure, ainsy une famille n'est autre qu'un assemblage de gens, avec ordre et dependance les uns des autres.

  A001000928 

 Par ces paroles, Nostre Seigneur monstre la perpetuité et immobilité de ce fondement.

  A001000929 

 Par ces parolles, Nostre Seigneur monstre que les pierres qui ne sont posëes et arrestëes sur ce fondement ne sont point de l'Eglise, ni [n'appartiennent] a cest edifice..

  A001000935 

 Si donques, disent ilz, tous les douze Apostres sont fondemens de l'Eglise, comment attribues vous ce tiltre a saint Pierre en particulier? et si saint Pol dict que personne ne peut mettre autre fondement que Nostre Seigneur, comme oses vous dire que par ces paroles, Tu es Pierre, et [235] sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, saint Pierre ayt esté estably pour fondement de l'Eglise? que ne dites vous plustost, dict Calvin, que ceste pierre sur laquelle l'Eglise est fondëe n'est autre que Nostre Seigneur? que ne dites vous plustost, dict Luther, que c'est la confession de foy que saint Pierre avoit faict? Mays a la verité, ce n'est pas une bonne façon d'interpreter l'Escriture, que de renverser l'un des passages par l'autre, ou l'etirer par une intelligence forcëe a un sens estrange et mal advenant; il faut y laisser tant qu'on peut la naifveté et suavité du sens qui s'y presente.

  A001000936 

 En fin, interpretons passage par passage.

  A001000937 

 Saint Pierre est fondement non fondateur de toute l'Eglise, fondement, mays fondé sur un autre fondement qui est Nostre Seigneur, fondement de la seule Eglise Evangelique, fondement sujet a succession, fondement de la [237] militante non de la triomphante, fondement par participation, fondement ministerial, non absolu, enfin administrateur et non seigneur, et nullement fondement de nostre foy, esperance et charité, ni de la valeur des Sacremens.

  A001000938 

 Au contraire, puys que Nostre Seigneur a dict en particulier et en termes particuliers a saint Pierre ce qui est dict par apres en general des autres, il faut conclure qu'il y a en saint Pierre quelque particuliere proprieté de fondement, et quil a esté luy en particulier ce que tout le college a esté ensemble.

  A001000939 

 Ainsy furent ilz fondemens de l'Eglise avec luy egalement, quand a la conversion des ames et par doctrine, mays quand a l'authorité et gouvernement ilz le furent inegalement, puysque saint Pierre estoit le chef ordinaire non seulement du reste de toute l'Eglise mays des Apostres encores; car Nostre Seigneur avoit edifié sur luy toute son Eglise, de laquelle ilz estoyent non seulement parties, mays les principales et nobles parties.

  A001000939 

 Et c'est ainsy que s'entend le lieu de l'Apocalipse; car les douze Apostres sont apellés fondemens de la celeste Hierusalem, par ce que ce ont esté les premiers qui ont converty le monde a la religion Chrestienne, qui a esté comme jetter les fondements de la gloire des hommes et la semence de leur bienheureuse immortalité.

  A001000939 

 Mays le lieu de saint Pol semble ne s'entendre pas tant de la personne des Apostres que de leur doctrine; car il n'est pas dict que nous soyons suredifiés sur les Apostres, mays, sur le fondement des Apostres, c'est a dire, sur la doctrine quilz ont annoncëe: ce qui est aysé a reconnoistre, puysqu'il ne dict pas seulement que nous sommes sur le fondement des Apostres, mays encores des Prophetes, et nous sçavons bien que les Prophetes n'ont pas autrement estés fondemens de l'Eglise Evangelique que par leur doctrine.

  A001000939 

 Sunt quidem, dict saint Bernard parlant a son Eugene, et nous en pouvons autant dire de saint Pierre par mesme rayson, sunt alii cæli janitores et gregum pastores, sed tu tanto gloriosius quanto differentius nomen hæreditasti..

  A001000939 

 Voyons seulement a quelle rayson generale tous les Apostres sont apellés fondemens de l'Eglise: et c'est par ce que ce sont eux qui par leur prædication ont planté la foy et doctrine Chrestienne; en quoy sil faut donner prærogative a quelqu'un des Apostres, ce sera a celuy la qui disoit: Abundantius illis omnibus [238] laboravi.

  A001000945 

 .. Il fache tant aux adversaires qu'on leur propose le siege de saint Pierre comme une sainte pierre de touche, a laquelle il faille faire l'espreuve des intelligences, imaginations et fantasies quilz font es Escrittures, quilz renversent le ciel et la terre pour nous oster des mains les expresses parolles de Nostre Seigneur par les......

  A001000946 

 Et bien que saint Pierre ne fut pas encor chef et prince de l'Eglise, ce qui luy fut seulement conferé apres la resurrection du Maistre, il suffit quil estoit desja choisy pour tel et quil en avoit les erres; comme aussi les Apostres n'avoyent pas encores le pouvoir Apostolique, cheminans toute ceste benite compaignie plus comme disciples avec leur regent, pour apprendre les profondes leçons quilz ont par apres enseignëes aux autres, que comme Apostres ou envoyés, ce quilz firent despuys, lorsque le son de leur voix retentit par tout le monde.

  A001000946 

 Que sil est permis d'aller ainsy devinant sur des paroles si claires, il ny aura rien en l'Escriture qui ne se puysse plier a tous sens: quoy que je ne nie pas que saint Pierre en cest endroit ne parlast en son nom et de toute l'Eglise, quand il fit ceste noble confession; non ja comme commis par l'Eglise ou par les disciples (car nous n'avons pas un brin de marque de ceste commission en l'Escriture, et la revelation sur laquelle il fonde sa confession avoit esté faite a luy seul, sinon que tout le college des Apostres eut nom Simon Barjona), mays comme bouche, prince et chef des autres, selon saint Chrysostome et saint Cyrille, et « pour la primauté de son apostolat, » comme dict saint Augustin.

  A001000947 

 Mays on me demandera quelle difference il y a entre la promesse que Nostre Seigneur faict icy a saint Pierre de luy donner les clefz, et celle quil fit aux Apostres par apres; car, a la verité, il semble que ce n'estoit que la mesme, par ce que Nostre Seigneur explicant ce quil entendoit par les clefz, il dict: Et quodcumque ligaveris super terram erit ligatum et in cælis, et quodcumque solveris, qui n'est autre que ce quil dict aux Apostres en general, quæcumque alligaveritis.

  A001000947 

 Si donques il promet au general ce quil promet a saint Pierre en particulier, il ni aura point de rayson de dire que saint Pierre soit plus qu'un des autres par ceste promesse..

  A001000948 

 Je respons qu'en la promesse, et en l'execution de la promesse, Nostre Seigneur a tousjours præferé saint Pierre, par des termes qui nous obligent a croire quil a esté chef de l'Eglise..

  A001000949 

 Et quand a la promesse, je confesse que par ces parolles, et quodcumque solveris, Nostre Seigneur n'a rien plus promis a saint Pierre quil fit aux autres par apres, quæcumque alligaveritis super terram, etc.; car les paroles sont de mesme substance et signification en tous deux les passages.

  A001000949 

 Je confesse aussy que par ces paroles, et quœcumque solveris, dites a saint Pierre, il explique les præcedentes, tibi dabo claves; mays je nie que ce soit [242] tout un de promettre les clefz et de dire quodcumque solveris..

  A001000950 

 A la verité, quand l'Escriture veut ailleurs declairer une sauveraine authorité, elle a usé de semblables termes: en l'Apocalipse, quand Nostre Seigneur se veut faire connoistre a son serviteur, il luy dict: Ego sum primus et novissimus, et vivus et fui mortuus, et ecce sum vivens in secula seculorum; et habeo claves mortis et inferni; qu'entend il par les clefz de la mort et de l'enfer, sinon la supreme puyssance et sur l'un et sur l'autre? et la mesme quand il est dict de Nostre Seigneur, Hæc dicit sanctus et verus, qui habet clavem David, qui aperit et nemo claudit, claudit et nemo aperit, que pouvons nous entendre que la supreme authorité en l'Eglise? et ce que l'Ange dict a Nostre Dame, Dabit illi Dominus sedem David patris ejus et regnabit in domo Jacob in æternum? le Saint Esprit nous faysant connoistre la royauté de Nostre Seigneur ores par le siege ou trosne, ores par les clefz..

  A001000952 

 Ainsy Nostre Seigneur promettant les clefz a saint Pierre, luy remet l'authorité ordinaire, et luy donne cest office en proprieté, duquel il declaire l'usage quand il dict, Quodcumque, etc.; or, par apres, quand il faict la promesse aux Apostres, il ne leur donne pas les clefz ou l'authorité ordinaire, mays seulement les authorise en l'usage quilz feront, et en l'exercice des clefz.

  A001000952 

 Et a la verité, il fut convenable que les Apostres, qui devoyent par tout planter l'Eglise, eussent tous plein pouvoir et entiere authorité d'user des clefz et pour l'exercice d'icelles; et fut tres necessaire [245] encores que l'un d'entr'eux en eust la garde par office et dignité, ut Ecclesia quæ una est, comme dict saint Cyprien, super unum, qui claves ejus accepit, voce Domini fundaretur..

  A001000952 

 Et quelle difference y a il? certes, toute telle quil y a entre la proprieté d'une authorité et l'usage: il se peut bien faire qu'un roy vivant, il ait ou la reyne ou son filz qui ait tout autant de pouvoir que le roy mesme a chastier, absoudre, donner, faire grace; il n'aura pourtant pas le sceptre, mays l'usage seulement; il aura bien la mesm'authorité, mays nom pas quand a la proprieté, ains seulement quand a l'usage et l'exercice; tout ce quil aura faict sera faict, mays il ne sera pas chef ni roy, ains faudra quil reconnoisse que son pouvoir est extraordinaire, par commission et delegation, au lieu que le pouvoir du roy, qui ne sera point plus grand, sera ordinaire et par proprieté.

  A001000955 

 Mays les paroles suivantes rendent tout cecy tres evident; car quelque Protestant pourroit dire quil a prié pour saint Pierre en particulier pour quelque autre respect que l'on peut imaginer (car l'imagination fournit tousjours asses d'appuy a l'opiniastreté), non par ce quil fut chef des autres, et que la foy des autres fut maintenue en leur pasteur: au contraire, Messieurs, c'est affin que, aliquando conversus confirmet fratres suos; il prie pour saint Pierre comme pour le confirmateur et l'appuy des autres, et cecy qu'est ce, que le declairer chef des autres? On ne sçauroit, a la verité, donner commandement a saint Pierre de confirmer les Apostres, qu'on ne le chargeast d'avoir soin d'eux; car, comme pourroit mettre ce commandement en faict, sans prendre garde a la foiblesse ou fermeté des autres pour les affermir et rasseurer? N'est ce pas le redire encor une fois fondement de l'Eglise? sil appuÿe, rasseure, affermit ou confirme les pierres mesme fondamentales, comme n'affermira il tout le reste? sil a charge de soutenir les colomnes de l'Eglise, comme ne soustiendra il tout le reste du bastiment? sil a charge de repaistre les pasteurs, ne sera il pas sauverain pasteur luy mesme? Le jardinier qui voit les ardeurs du soleil continuelles sur une jeune plante, pour la præserver de l'assechement qui la menace, ne porte de l'eau sur chasque branche, mais ayant bien trempé la racine croit que tout le reste est en asseurance, par ce [247] que la racine va dispersant l'humeur a tout le reste de la plante: ainsy Nostre Seigneur ayant planté ceste saint'assemblëe de Disciples, pria pour le chef et la racine, affin que l'eau de la foy ne manquast point a celuy qui devoit en assaisonner tout le reste, et que par l'entremise du chef, la foi fust tousjours conservëe en l'Eglise; il prie donques pour saint Pierre en particulier, mays au prouffit et utilité generale de toute l'Eglise..

  A001000965 

 C'est que par trois fois Nostre Seigneur luy recharge de faire office de pasteur, luy disant, p nt, Pasce agnos meos, 2 nt, oviculas, 3 nt oves; non seulement affin de rendre ceste [253] institution plus solemnelle, mays pour monstrer quil luy donnoit en charge non seulement les peuples, mays les pasteurs et Apostres mesme, qui, comme brebis, nourrissent les agneaux et brebiettes, et leur sont meres..

  A001000965 

 Maintenant, il est aysé a voir quelle authorité Nostre Seigneur baille a saint Pierre par ceste parole, Pasce oves meas; car, a la verité, 1.

  A001000968 

 Ni ce que saint Pol est apellé l'Apostre des Gentilz, et saint Pierre, des Juifz; par ce que ce n'estoit pas pour diviser le gouvernement de l'Eglise, ni pour empecher l'un ou l'autre de convertir et les Gentilz et les Juifz indifferemment, mays pour leur assigner les quartiers ou ilz devoyent principalement travailler a la [254] predication, affin que chacun attaquant de son costé l'impieté, le monde fust plus tost rempli du son de l'Evangile..

  A001000976 

 Preuve cinquiesme: Par l'exhibition de ces promesses.

  A001000982 

 Mais, sur tout, l'authorité qui est donnee a S t Pierre par ces paroles, Pasce oves meas, est si generale qu'elle s'estend sur tous les fideles mortelz, et le commandement y est si particulier quil ne s'addresse qu'a S t Pierre.

  A001000995 

 Il C'est chose bien digne de consideration en ce faict, que jamais les Evangelistes ne nomment les Apostres ensemble avec saint Pierre, quilz ne le mettent tousjours au haut bout, tousjours en teste de la troupe: ce qui ne peut estre faict a cas et fortune; tant par ce que c'est une observation perpetuelle es Evangiles, et que ce ne sont pas quatre ou cinq fois quilz sont nommés ensemble, mays tres souvent ou tous ou une partie, qu'aussi qu'es autres Apostres, les Evangelistes [257] n'observent point d'ordre: Duodecim Apostolorum nomina sunt hæc, dict saint Mathieu: primus Simon, qui dicitur Petrus, et Andreas frater ejus, Jacobus Zebedæi et Joannes frater ejus, Philip pus et Bartholomœus, Thomas et Mathœus publicanus, Jacobus Alphœi et Thaddœus, Simon Cananœus, et Judas Iscariotes qui tradidit eum. Saint Marc met saint Jaques second, saint Luc le met troysiesme; saint Mathieu met......

  A001000996 

 Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblëes, ce que nous lisons es Evangiles, et de vray [est] il encor plus certain que si nous l'avions veu; quand nous verrions par tout saint Pierre le premier, et tout le reste pesle mesle, ne jugerions nous pas que les autres sont esgaux et compaignons, et saint Pierre, le chef et cappitaine?.

  A001000996 

 Quand les Evangelistes [258] nomment tous les Apostres ensemble, ailleurs, il ni a du tout point d'observation, sinon en saint Pierre qui va devant par tout.

  A001000997 

 Mays, outre cela, bien souvent quand les Evangelistes parlent de la compaignie Apostolique, ilz ne nomment que Pierre, et mettent les autres en conte par accessoire et suite: Prosecutus est eum Simon, et qui cum illo erant.

  A001001000 

 Et quand aux autres privileges, qu'on me les cotte par ordre, on n'en trouvera point de particuliers en saint Pierre que ceux qui le rendent chef de l'Eglise.

  A001001000 

 Mais qu'est cecy, je vous prie? dire que saint Pierre fut le plus viel de la troupe, c'est chercher a credit une excuse a l'opiniastreté: on voit les raysons toutes cleres en l'Escriture, mays par ce qu'on est resolu de maintenir le contrayre, on en va chercher avec l'imagination ça et la.

  A001001000 

 On respond a cecy que si les Evangelistes ont nommé saint Pierre le premier, ç'a esté par ce quil estoit le plus avancé en aage entre les Apostres, ou pour quelques privileges qui estoyent en luy.

  A001001001 

 Preuve sixiesme: Par l'ordre avec lequel les evangelistes nomment les apostres.

  A001001004 

 Or sus, imaginons que nous voyons, es champs, es rues, es assemblees, ce que nous lisons es Evangiles, et de vray il est encor plus certain; quand nous verrions par tout et en toutes occasions S t Pierre marcher le premier, et tout le reste pesle mesle, ne jugerions nous pas que les autres sont esgaux et compaignons, et S t Pierre, le chef et cappitaine?.

  A001001005 

 Mays, outre cela, bien souvent quand les Evangelistes parlent de la compaignie des Apostres, ilz ne nomment que Pierre, et mettent les autres en conte par accessoire et suite: Prosecutus est eum Simon, et qui cum illo erant.

  A001001025 

 Dites maintenant, en conscience, comme pouvoit Nostre Seigneur tesmoigner plus vivement son intention? l'opiniastreté ne voit goutte parmi tant de lumieres? Saint André vint le premier a la suite de Nostre Seigneur, ce fut luy qui y amena son frere saint Pierre, et saint Pierre præcede par tout; que veut dire cela, sinon que l'avantage que l'un avoit en tems, l'autre l'avoit en dignité?.

  A001001026 

 C'est luy qui le premier proposa de faire un Apostre; qui n'estoit pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité, mays saint Pierre, enseignant l'Eglise, monstre, et que Judas avoit perdu son apostolat, [265] et quil en failloit un autre en sa place, contre l'ordinaire de cest'authorité, qui continue es autres apres la mort, et delaquelle ilz feront encor exercice au jour du jugement, lhors quilz seront assis autour du Juge, jugeans les douze tribus d'Israel..

  A001001029 

 Faut il donner commencement a l'usage du glaive spirituel de l'Eglise, pour chastier le mensonge? c'est saint Pierre qui assigne le premier coup, sur Ananie et Saphire: de la vient la haine que tous les menteurs [266] portent a son Saint Siege, par ce que, comme dict saint Gregoire, Petrus mentientes verbo occidit..

  A001001032 

 Le bon cappitaine italien Cornelius est il prest a recevoir la grace de l'Evangile? on le renvoÿe a saint Pierre, affin que par ses mains fust dedié et beny le Gentilisme.

  A001001034 

 Qu'est ce a dire cecy? que n'alloit il aussi bien pour voir le grand apostre et si signalé saint Jaques, que saint Pierre? par ce qu'on regarde les gens en teste et en face, et saint Pierre estoit le chef de tous les Apostres..

  A001001043 

 Qui lira attentivement les Escritures verra par tout ceste primauté de S t Pierre..

  A001001053 

 Dites maintenant, en conscience, comme pouvoit Nostre S r tesmoigner plus vivement son intention et nostre creance? se peut il faire que l'opiniastreté ne voye goutte parmi tant de lumieres? S t André vint le premier a la suite de N. S., ce fut luy qui amena S t Pierre son frere, mays ce dernier venu precede par tout; que veut dire cela, sinon que l'avantage que l'un avoit en tems, l'autre l'avoit en dignité?.

  A001001054 

 Il a le premier soin de la restauration et creüe de la compaignie Apostolique, comme chef et general: c'est luy qui le premier propose de faire un nouvel Apostre; qui ne fut pas un trait de petite authorité, car les Apostres n'ont pas tous eu des successeurs, et par la mort n'ont pas perdu leur dignité, mays S t Pierre, enseignant l'Eglise, monstra, et que Judas avoit perdu son apostolat [265] et qu'il en failloit un autre en sa place, contre l'ordinaire de ceste authorité, qui continue es autres apres la mort, et de laquelle ilz feront exercice au jour du jugement, lhors qu'ilz seront assis autour du Juge, jugeans les douze tribus d'Israel..

  A001001057 

 Faut il donner commencement a l'usage du glaive spirituel pour chastier le mensonge? c'est S t Pierre qui assigne le premier coup, sur Ananie et Saphire: de la vient la haine que les faux [266] docteurs portent a son Saint Siege et succession, par ce que, comme dict S4 Gregoire, Petrus mentientes verbo occidit..

  A001001060 

 Est il tems de recueillir la moysson du paganisme? c'est a saint Pierre auquel s'addresse la revelation, comme au chef de tous les ouvriers et l'econome de la metairie: ainsy, quand le bon cappitaine italien Cornelius fut prest a recevoir la grace de l'Evangile, on le renvoya a S t Pierre, affin que par ses mains le Gentilisme fust consacré et dedié.

  A001001062 

 Saint Paul confesse quil est venu expres en Hierusalem voir [267] S t Pierre, et demeura quinze jours pres de luy; il y vit bien S t Jaques, mays ce fut par accessoire.

  A001001071 

 Par la preseance et preeminence de ces trois sieges, l'Eglise ancienne a asses tesmoigné qu'elle tenoit saint Pierre pour son chef, qui les avoit fondés; autrement, que ne mettoit elle encor en semblable rang le siege d'Ephese, fondé par saint Pol, confirmé et affermi par saint Jan, ou le siege de Hierusalem, auquel saint Jaques avoit conversé et præsidé?.

  A001001071 

 Que quand a celuy de Constantinople et de Hierusalem, qui lira ces Conciles verra la difference en laquelle on les tient d'avec ces trois autres, fondés par saint Pierre; non que le Concile de Nicëe parle du siege de Constantinople, car Constantinople n'estoit encores rien en ce tems la, n'ayant esté eslevëe que par le grand Constantin, qui la dedia et nomma l'an 25 de son Empire, mays le Concile de Nicëe traitte du siege de Hierusalem, et celuy de Calcedoine, de celuy de Constantinople.

  A001001071 

 Que veut dire que l'Eglise ancienne n'a jamais tenu pour sieges patriarchaux sinon ceux de Rome, d'Alexandrie et d'Antioche? on peut faire mille fantasies, mays il ni a point d'autre rayson que celle que produit saint Leon, par ce que saint Pierre a fondé ces trois sieges ilz ont estés appellés et tenus pour patriarchaux; comme tesmoignent le Concile de Nicëe et celuy de [269] Calcedoyne, ou on faict grande difference entre ces trois sieges et les autres.

  A001001096 

 Preuve huitiesme: Par le tesmoignage de l'Eglise.

  A001001100 

 Donques, par la preseance et preeminence de ces trois sieges, l'Eglise ancienne a asses tesmoigné qu'elle tenoit S t Pierre pour son chef, qui en estoit le fondateur; autrement, que ne mettoit elle en semblable rang le siege d'Ephese, fondé par S t Pol, continué par S t Jan, ou celuy de Hierusalem, ou S t Jaques avoit presidé?.

  A001001100 

 Et partant le Concile de Nicee et celuy de [269] Calcedoyne ont faict une grande difference entre ces trois sieges et les autres, et quand a celuy de Constantinople et Hierusalem, qui lira ces Conciles verra bien qu'il n'y a point de comparaison; non que le Concile de Nicee parle du Siege de Constantinople, car Constantinople n'estoit encores rien en ce tems la, n'ayant esté eslevee que par le grand Constantin, qui la dedia et nomma l'an 25 de son Empire, mays le Concile de Nicee traitte du siege de Hierusalem, et le Concile de Calcedoine, de celuy de Constantinople.

  A001001100 

 Que veut dire que l'Eglise ancienne n'a jamais tenu pour sieges patriarchaux sinon celuy de Rome, d'Alexandrie et d'Antioche? on peut faire mille fantasies, mays il ni a point d'autre rayson que celle que dict S t Leon, par ce que S t Pierre a fondé ces trois sieges.

  A001001112 

 L'Eglise donques fut laissee en terre par son Sauveur et Espoux avec un chef visible, vicaire et lieutenant du Maistre et Seigneur; l'Eglise donques doit estre unie en un chef visible ministerial.

  A001001116 

 J'ay fermement prouvé cy dessus que l'Eglise Catholique estoit une monarchie, en laquelle un chef ministerial gouvernoit tout le reste: ce n'a donq pas esté saint Pierre seulement qui en a esté le chef, mais faut que comme l'Eglise n'a pas manqué par la mort de saint Pierre, ainsy l'authorité d'un chef n'y ait pas manqué; autrement elle ne seroit pas une, ni au train auquel son fondateur l'avoit mise..

  A001001124 

 Ce n'a pas esté S t Pierre seulement qui a esté chef de l'Eglise, mais comme l'Eglise n'a pas defailli par la mort de S t Pierre, ainsy l'authorité d'un chef n'y a pas manqué; autrement l'Eglise ne seroit plus une, ni au train auquel Nostre Seigneur l'avoit mise..

  A001001125 

 Je vous prie, si les [274] Apostres, a l'entendement desquelz le S t Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puissans, avoyent besoin de confirmateur et pasteur pour la forme et entretenement visible de leur union, et de toute l'Eglise, combien plus maintenant en avons nous necessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise? et si les volontés des Apostres, si fermement liees par la charité, eurent besoin d'une liaison exterieure de l'authorité d'un chef, combien plus par apres, quand la charité s'est tant rafroidie, a l'on eu besoin de ceste liaison d'une authorité et d'un magistrat visible? Que si, comme dict S t Hierosme, au tems des Apostres Unus inter omnes eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio, combien plus maintenant, pour la mesme rayson, est il necessaire qu'il y ait un chef en l'Eglise? La bergerie Chrestienne doit durer en unité visible jusqu'a la consummation du monde, donques l'unité de gouvernement exterieur y doit demeurer encores, et personne n'a l'authorité de changer la forme d'administration que Nostre Seigneur y a mise: dont il s'ensuit notoirement que S t Pierre a eu des successeurs, en a encores, et en aura jusqu'a la fin du siecle.

  A001001130 

 On ne succede qu'a celuy qui cede et quitte sa place, soit par deposition ou par la mort; qui faict que Nostre Seigneur est tousjours Chef et sauverain Pontife de l'Eglise, et auquel personne ne succede, par ce quil est tousjours vivant, et n'a cedé ou quitté ce sacerdoce [ou] pontificat, quoy quil l'exerce en partie par ses ministres et serviteurs icy bas en l'Eglise militante: [276] mays ces ministres et lieutenantz, tout tant quil y a de pasteurs, peuvent ceder et cedent, soit par deposition ou par la mort, leurs offices et dignités..

  A001001131 

 Reste a sçavoir comm'il a faict ceste cession, comm'il a quitté ce sien pontificat, si c'est ou par deposition faicte entre vivantz, ou par la mort naturelle; puys on verra qui luy a succedé et par quel droit..

  A001001132 

 Et d'un costé, personne ne doute que saint Pierre n'ait continué en sa charge toute sa vie; car ceste parole de Nostre Seigneur, Pasce oves meas, luy fut non seulement une institution en ceste supreme [277] charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n'avoit point d'autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cest autre, Prædicate Evangelium omni creaturæ, a quoy les Apostres vacquerent jusques a la mort.

  A001001132 

 Pendant donques que saint Pierre vesquit ceste vie mortelle, il n'eut point de successeur, et ne deposa point sa charge, ni n'en fut point deposé; car il ne le pouvoit estre sinon par l'heresie, qui n'eut jamais acces chez les Apostres beaucoup moins chez leur chef, sinon que le Maistre de la bergerie l'en eust levé, ce que non..

  A001001133 

 Ce fut donques la mort qui le leva de ceste sentinelle et de ce guet general quil faisoit, comme pasteur ordinaire, sur toute la bergerie de son Maistre: mays qui succeda en sa place? Et quand a ce point, toute l'antiquité est d'accord que c'est l'Evesque de Rome, avec ceste rayson: saint Pierre mourut Evesque de Rome, donques l'evesché de Rome fut le dernier siege du chef de l'Eglise, donques l'Evesque de Rome, qui fut apres la mort de saint Pierre, succeda au chef de l'Eglise, et, par consequent, fut chef de l'Eglise.

  A001001133 

 Il eut bien, a la verité, un siege en Antioche, mays celuy qui l'eut apres luy n'eut pas le vicariat general, par ce que saint Pierre vesquit long tems apres, et n'avoit pas deposé ceste charge; mays ayant choisi Rome pour son siege, il en mourut Evesque, et celuy qui luy succeda, luy succeda simplement, et s'assit en son siege qui estoit siege general de tout le monde et de l'evesché de Rome en particulier, si que l'Evesque de Rome demeura general lieutenant en l'Eglise et successeur de saint Pierre: ce que je vais prouver maintenant si solidement qu'autre que les opiniastres n'en pourra douter.

  A001001141 

 On ne succede qu'a celuy qui quitte et cede sa place, soit par deposition ou par la mort; qui faict que N. S. est tousjours Chef et sauverain Pontife de l'Eglise, auquel personne ne succede, par ce quil est tousjours vivant, et n'a cedé ou quitté son sacerdoce ou pontificat, quoy quil l'exerce en partie par ses ministres et serviteurs icy bas en l'Eglise militante, outre ce quil a une authorité si excellente qu'elle n'est pas en tout communicable: [276] mays ces ministres et vicaires cedent necessairement leurs offices et dignités, ou par deposition ou par la mort..

  A001001142 

 Reste a voir comme il a quitté et cédé son pontificat, si c'est ou par deposition faicte entre vivans, ou par la mort naturelle; puys on verra qui luy a succedé et par quel droit..

  A001001143 

 Et d'un costé, c'est chose certaine que S t Pierre a continué en sa charge toute sa vie; car ceste parole de N. S r, Repais mes brebis, luy fut non seulement une institution en ceste supreme [277] charge pastorale, mais un commandement absolu, qui n'avoit point d'autre limitation que par le terme de sa vie, non plus que cestuy la, Prædicate Evangelium omni creaturæ, a quoy les Apostres vacquerent jusques a la mort.

  A001001143 

 Pendant donques que S t Pierre vesquit ceste vie mortelle, il n'eut point de successeur, et ne ceda ou quitta point sa charge, ni n'en fut point deposé; car il ne le pouvoit estre que par l'heresie, laquelle n'eut jamais acces chez les Apostres beaucoup moins chez leur chef, sinon que le Maistre de la bergerie l'en eust levé, ce que non..

  A001001144 

 Il eut un siege en Antioche, mays celuy qui l'eut apres luy n'eut pas le vicariat general, par ce que S t Pierre vesquit longuement apres, qui n'avoit quitté ceste charge generale; mays ayant choisi Rome pour son siege, il en mourut Evesque, et celuy qui luy succeda, luy succeda simplement et purement, et s'assit en son siege, qui estoit siege de l'evesché de Rome et de tout le monde, si que l'Evesque de Rome demeura general lieutenant en l'Eglise pour Nostre Seigneur, et successeur de S t Pierre: ce que je vais prouver si fermement, qu'autre qu'un opiniastre n'en pourra douter.

  A001001144 

 Voicy sa rayson: S t Pierre mourut Evesque de Rome, Rome donques fut le dernier siege du chef de l'Eglise, l'Evesque donques de Rome, qui fut apres la mort de S t Pierre, succeda a S t Pierre, et, par consequent, [278] fut chef de l'Eglise.

  A001001150 

 Mays je n'ay que faire de combattre toutes ces negatives par le menu, puysque, quand j'auray bien preuvé que saint Pierre a esté et est mort Evesque de Rome, j'auray suffisamment prouvé que l'Evesque de Rome est successeur de saint Pierre; outre ce que tous mes raysons et mes tesmoins portent en termes expres que l'Evesque de Rome a succedé a saint Pierre, qui est mon intention, delaquelle neantmoins reussira une claire certitude que saint Pierre a esté a Rome et y est mort..

  A001001161 

 3, quand les legatz du Saint Siege veulent porter sentence contre Dioscorus, ilz disent en ceste façon: Unde sanctissimus et beatissimus magnæ et senioris Romæ Leo, per nos et præsentem sanctam Sinodum, una cum ter beatissimo et omni laude digno beato Petro Apostolo, qui est petra et crepido Ecclesiæ Catholicæ, nudavit eum tam episcopatus dignitate quam etiam ab sacerdotali alienavit ministerio. Notes un peu ces traitz: que le seul Evesque de Rome le prive par ses legatz et par le Concile, que ilz joignent l'Evesque de Rome avec saint Pierre; car ilz monstrent que l'Evesque de Rome tient le lieu de saint Pierre..

  A001001162 

 Le Sinode d'Alexandrie, ou estoit Athanase, en sa lettre a Fcelix 2 d, dict merveilles a ce propos, et entr'autres choses raconte, qu'au Concile de Nicëe on avoit determiné quil n'estoit loisible de celebrer aucun Concile sans l'authorité du Saint Siege de Rome, mays que les canons qui avoyent estés faictz a ce propos avoyent estés bruslés par les hæretiques arriens.

  A001001162 

 a esté cité par Gratien il y a 400 [ans], et par Isidore il y en a 900, et le grand Pere Vincent Lirinois en faict mention il y a environ mill'ans: ce que je dis par ce que tous les canons du Concile de Nicëe ne sont pas en estre, n'en estant demeuré que vingt; mays tant de graves autheurs en citent tant d'autres outre les vingt que nous avons, que nous avons a croire ce que disent ces bons Peres Alexandrins cy dessus, que les Arriens en ont faict perdre la pluspart..

  A001001179 

 Au grand Concile de Calcedoine, quand les legatz du Saint Siege veulent porter sentence contre Dioscorus, ilz disent en ceste façon: Unde sanctissimus et beatissimus magnce et senioris Romœ Episcopus Leo, per nos et præsentem sanctam Sinodum, una cum ter beatissimo et omni laude digno B. Petro Apostolo, qui est petra et crepido Ecclesiœ Catholicœ, nudavit eum tam episcopatus dignitate, etc. Notes un peu ces traitz: que le seul Evesque de Rome prive Dioscorus de son evesché, qu'il le prive par ses legatz et par le Concile, qu'ilz joignent l'Evesque de Rome avec S t Pierre; car ilz monstrent par la que l'Evesque de Rome tient le lieu de S t Pierre..

  A001001180 

 Le Sinode d'Alexandrie, avec son Athanase, en la lettre a Fælix 2d, dict merveilles a ce propos, et entre autres raconte qu'au Concile de Nicee il n'estoit pas loisible de celebrer aucun Concile sans l'authorité du Siege de Rome, mays que les canons qui avoyent esté faictz a ce propos avoyent esté bruslés par les Arriens.

  A001001180 

 a esté cité par Gratien il y a 400 ans, et par Isidore il y en a 900, de quoy le grand Pere Vincent Lirinois faict mention il y a environ mille ans: ce que je dis par ce que tous les canons du Concile de Nicee ne sont pas en estre, n'en estant demeuré que 20, mays tant de graves autheurs en citent plusieurs autres outre les 20 que nous avons, que nous devons croire ce que disent ces bons Peres Alexandrins cy dessus, que les Arriens en ont faict perdre la pluspart.

  A001001187 

 Il ny a point de question ou les ministres s'exercent si fort pour combattre l'antiquité qu'en cellecy, car ilz taschent, a force de conjectures, præsomptions, dilemmes, explications et par tous moyens, de monstrer que saint Pierre ne fut onques a Rome; sauf Calvin, qui voyant que c'estoit dementir toute l'antiquité, et que cela n'estoit pas requis pour son opinion, se contente de dire qu'au moins saint Pierre ne fut pas long tems Evesque a Rome: Propter scriptorum consensum, non pugno quin illic mortuus fuerit, sed Episcopum fuisse, præsertim longo tempore, persuaderi nequeo.

  A001001188 

 Les discours que l'on faict au contraire sont plus ennuyeux que difficiles, et par ce que qui aura le vray discours de la vie de saint Pierre devant les yeux, aura asses dequoy respondre a toutes ces objections, j'en diray briefvement ce que j'en crois estre plus probable; en quoy je suyvray l'opinion de ces excellents theologiens, Gilbert Genebrard, Archevesque d'Aix, en sa Chronologie, et Robert Belarmin, Jesuite, en ses Controverses, qui suivent de pres saint Hierosme et Eusebe, in Chronico..

  A001001189 

 Mays sortant de prison bien tost apres par la conduitte de l'Ange, il vint ceste mesme annëe la, qui estoit la 2 de de Claudius, a [289] Rome, ou il posa son siege quil tint environ 25 [ans], pendant lesquelz il ne layssa de visiter plusieurs provinces selon le besoin de la chose publicque Chrestienne, mays entr'autres, environ l'an 18 de la Passion et Ascension du Sauveur, qui fut le 9.

  A001001189 

 Nostre Seigneur donques monta au ciel l'annëe 18 de Tibere, et commanda a ses Apostres quilz arrestassent en Hierusalem douze ans, selon l'ancienne tradition de Thraseas martir, nom pas certes tous mais quelques uns, pour verifier la parole ditte par Isaïe et comme semble vouloir inferer saint Pol, et saint Barnabas, car saint Pierre fut en Lydde et Joppé avant que les [288] douze ans fussent escoulés, si que il suffisoit que quelques Apostres demeurassent en Hierusalem pour tesmoignage aux Juifz.

  A001001189 

 Puys, Claudius estant mort, saint Pierre s'en revint a Rome, recommençant son premier train d'enseigner et visiter par fois diverses provinces, la ou, en fin, Neron le poursuivant a mort avec son compaignon saint Pol, pour s'eschapper, selon les saintes importunations des fideles, il voulut sortir de nuict de la ville, et rencontrant pres la porte Nostre Seigneur, il luy dict: Domine, quo vadis? Seigneur, ou alles vous? Jesus Christ respondit: Je viens a Rome, pour y estre derechef crucifié; responce laquelle saint Pierre conneut bien viser a sa croix: de façon qu'apres avoir esté cinq ans environ en Judëe, 7 ans en Antioche, 25 ans a Rome, l'annëe 14 de l'empire de Neron il fut [290] crucifié les pieds contremont, et au mesme jour saint Pol eut la teste tranchee..

  A001001190 

 Au reste, saint Epiphane peut avoir eu [occasion] de douter de l'election de saint Clement faite par saint Pierre, faute d'en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que Tertullien, Damase, Rufin et autres aient eu occasion de n'en douter point; qui faict parler ainsy sans resolution, touchant ce faict, a saint Epiphane, et par contraire rayson faict si fermement asseurer a Tertullien, plus ancien, que, Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat.

  A001001190 

 Mays avant que mourir, empoignant par la main son disciple saint Clement, il le constitua son successeur; charge a laquelle saint Clement ne voulut pas entendre ni en faire exercice qu'apres la mort de Linus et Cletus, qui avoyent estés coadjuteurs de saint Pierre en l'administration de l'evesché Romaine; si que, qui voudra sçavoir pourquoy quelques autheurs anciens mettent le premier au rang, apres saint Pierre, saint Clement, et quelques autres, saint Linus, je luy feray respondre par saint Epiphane, autheur digne de foy, et voicy ses paroles: Nemo miretur quod ante Clementem Linus et Cletus episcopatum.

  A001001190 

 Mays quand a moy, je me range volontiers, et avec rayson ce me semble, au parti de ceux qui asseurent: par ce que douter de ce qu'un homme de bien et d'entendement asseure resolument, c'est dementir le diseur; au contrayre, asseurer ce dont un autre doute, n'est que confesser que le douteux ne sçait pas tout, ce [292] quil a confessé premieement luy mesme doutant, car douter n'est autre que ne sçavoir pas fermement la verité d'une chose..

  A001001190 

 Parce donques que saint Clement avoit esté choisy par saint Pierre, comme luy [291] mesmé tesmoigne, et que neanmoins il ne voulut pas accepter la charge avant la mort de Linus et Cletus, les uns, en consideration de l'election faite par saint Pierre, le mettent le premier en rang, les autres, eu esgard au refus quil en fit et a l'exercice quil en laissa a Linus et Cletus, le mettent le 4 e.

  A001001191 

 Maintenant, ja que par ce petit discours de la vie de saint Pierre, qui est tres probable, vous aves veu que saint Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a Rome, mays y ayant son siege n'a pas layssé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité negative des Epistres de saint Pol n'auront plus acces en vos jugemens; car, si on dict que saint Pol ait escrit a Rome et dés Rome, et quil n'ait point faict de mention de saint Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure saint Pierre ny estoit pas alhors.

  A001001199 

 Les ministres s'exercent infiniment en ceste question pour combattre l'antiquité, et taschent, a force de conjectures, presomptions, dilemmes, explications et par tous autres moyens, de monstrer que S t Pierre ne fut onques a Rome.

  A001001200 

 Toutes les fantasies que l'on faict au contraire peuvent estre rejettees par le vray discours de la vie de S t Pierre; j'en diray donques icy ce qu'il me semble de plus probable, suivant l'advis de Gilbert Genebrard, Archevesque d'Aix, et de Robert Belarmin..

  A001001201 

 Donques N. S r monta aux cieux l'an 18 de Tibere, et commanda a ses Apostres quilz arrestassent en Hierusalem 12 ans, selon l'ancienne tradition de Thraseas martir, nom pas certes tous mais quelques uns, pour verifier la parole ditte par Isaïe comme semble vouloir inferer S t Pol, et S t Barnabas, dont S t Pierre fut en Lydde et Joppé [288] avant que les 12 ans fussent escoulés, si que il suffisoit que quelques Apostres demeurassent en Hierusalem pour tesmoignage aux Juifz.

  A001001201 

 Puys, Claudius estant mort, S t Pierre s'en revint a Rome, recommençant son premier train d'enseigner et visiter par fois diverses provinces, la ou, en fin, Neron le poursuivant a mort avec son compaignon S t Pol, incité par les fideles de s'eschapper, il voulut sortir de nuict de la ville, mays rencontrant pres la porte Nostre Seigneur, il luy dict: Domine, quo vadis? Seigneur, ou alles vous? a quoy Nostre Seig r respondit: Je vais a Rome, pour y estre l'autre fois crucifié: Vado Romam iterum crucifigi; responce laquelle saint Pierre conneut bien viser a sa croix: de façon qu'apres avoir esté environ 5 ans en Judee, 7 ans en Antioche, 25 ans a Rome, l'annee 14 de l'empire de Neron il [290] fut crucifié les pieds contremont, et le mesme jour S t Pol eut la teste tranchee..

  A001001201 

 Puys, sortant de prison bien tost apres par la conduitte de l'Ange, il vint la mesme annee, qui estoit la 2 de de Claudius, a Rome, ou [289] il posa son siege quil tint environ 25 ans, pendant lesquelz il visita plusieurs provinces selon le besoin de la chose publicque Chrestienne; entre autres, environ l'an 18 de la Passion et Ascension du Sauveur, qui fut le 9.

  A001001202 

 Au reste, S t Epiphane peut avoir eu doute de l'election de S t Clement, faute d'en avoir eu des preuves suffisantes, et se peut faire encores que Tertullien, Damase, Rufin et autres aient eu occasion de n'en douter point; qui faict parler ainsy S t Epiphane touchant ce faict, et par contraire rayson [Tertullien assure que], Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat.

  A001001202 

 Mays quand a moy, je me range volontiers, et avec rayson ce me semble, au parti de ceux qui asseurent et affirment: par ce que douter de ce qu'un homme de bien et d'entendement asseure resolument, c'est dementir le diseur; au contraire, asseurer ce dont un autre doute, n'est que confesser que le douteux ne [292] sçait pas tout, ce quil a confessé luy mesme doutant, car douter n'est autre chose que ne sçavoir rsolument la verité..

  A001001202 

 Or, avant que mourir, il empoigna par la main son disciple S t Clement, et le constitua son successeur; a quoy S t Clement ne voulut pas entendre ni en faire exercice qu'apres la mort de Linus et Cletus, qui avoyent estés coadjuteurs de S t Pierre en l'administration de l'Eglise Romaine; partant, qui veut sçavoir pourquoy quelques autheurs anciens mettent en rang S t Clement apres S t Pierre, et quelques autres, S t Linus, je luy feray respondre par S t Epiphane: Nemo miretur quod ante Clementem Linus et Cletus episcopatum assumpserunt, cum sub Apostolis hic fuerit contemporaneus Petro et Paulo, nam et illi contemporanei Apostolorum fuerunt; sive igitur adhuc ipsis superstitibus a Petro accepit impositionem manuum episcopatus, et eo recusato remoratus est, sive post Apostolorum successionem a Cleto Episcopo hic constituitur, non ita clare scimus. Parce donques que S t Clement avoit esté choisi par [291] S t Pierre, et que neanmoins il ne voulut pas accepter la charge avant la mort de Linus et Cletus, les uns, en consideration de l'election faite par S t Pierre, le mettent le premier en rang, les autres, eu esgard au refus quil en fit et a l'exercice quil en laissa a Linus et Cletus, le mettent le 4 e.

  A001001203 

 Maintenant que par ce petit discours vous aves veu que S t Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a eRome, mays y ayant son siege n'a pas laissé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité negative des Epistres de S t Pol n'auront plus acces en vos jugemens; car, si on vous dict que S t Pol ait escrit a Rome et dés Rome sans faire mention de S t Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure S t Pierre ny estoit pas alhors.

  A001001269 

 Mays a quoy faire, dire un si gros mensonge? Phocas vivoyt au tems de saint Gregoire le Grand, et tout tant que j'ay allegué d'autheurs sont plus anciens que saint Gregoire, hormis saint Bernard, lequel j'ay allegué aux Livres [299] De Consideratione, par ce que Calvin les a pour si veritables quil luy semble que la verité mesme y ait parlé..

  A001001272 

 Ce nom estoit commun aux Evesques, tesmoin saint Hierosme, qui appelle ainsy saint Augustin, en une epistre, au bout: Incolumem te tueatur Omnipotens, domine vere sancte et suscipiende papa; mays il a esté rendu particulier au Pape, par excellence, a cause de l'universalité de sa charge, dont il est appellé au Concile de Calcedoine, « Pape universel, » et « Pape, » tout court, sans addition ni limitation; et ne veut dire autre ce mot que ayeul ou grand pere:.

  A001001281 

 Confirmation de tout ce qui a esté dict cy dessus par les noms que les anciens ont donnés au Pape.

  A001001321 

 A quoy faire, je vous prie, un si gros mensonge? Phocas vivoit au tems de S t Gregoire le Grand, et tous les autheurs que j'ay allegués sont plus anciens que S t Gregoire, hormis S t Bernard, lequel [299] j'ay allegué aux Livres De Consideratione, par ce que Calvin les reçoit en credit..

  A001001324 

 Ce nom estoit commun a tous les Evesques, tesmoin S t Hierosme, qui appelle ainsy S t Augustin en une epistre: Incolumem, dict il au bout, tueatur te Omnipotens, domine vere sancte et suscipiende papa; mays il a esté rendu particulier au Pape, par excellence, a cause de la generalité de sa charge, dont il est appellé au Concile de Calcedoine, « Pape universel, » et « Pape » simplement, tout court, sans addition ni limitation; et ne veut dire autre ce mot que ayeul ou grand pere:.

  A001001329 

 Nous l'appelions par fois Sa Sainteté, mais S t Hierosme l'appelloit desja ainsy: Obtestor Beatitudinem tuam, etc., Beatitudini tuæ, id est, Cathedræ Petri, communione consocior.

  A001001335 

 En saint Jan, ce fut luy qui dict pour tous: Domine, ad quem ibimus? verba vitæ æternæ habes, et nos credimus et cognovimus quia tu es Christus, Filius Dei. Ce fut luy, en saint Mathieu, qui, au nom de tous, fit comme chef ceste noble confession: Tu es Christus, Filius Dei vivi. Il demanda pour tous, Ecce nos reliquimus omnia, etc. En saint Luc: Domine, ad nos dicis hanc parabolam an et ad omnes? C'est l'ordinaire que le chef parle pour tout le cors, et ce que le chef dict, on le tient dict par tout le reste.

  A001001335 

 Ne voyes vous pas qu'en l'election de saint Matthias c'est luy seul qui parle et determine? Les Juifz demanderent a tous les Apostres: Quid faciemus viri fratres? saint Pierre seul respond pour tous: Pænitentiam agite, etc. Et c'est a ceste rayson que saint Chyrsostome et Origene l'ont appellé Os et verticem Apostolorum, comme nous avons veu cy dessus, par ce quil souloit parler pour tous les Apostres; et le mesme saint Chrysostome l'appelle Os Christi, par ce que ce quil dict pour toute l'Eglise et a toute l'Eglise, comme chef et pasteur, ce n'est pas tant parole humaine que de Nostre Seigneur: Amen, dico vobis, qui accipit si quem misero, me accipit; dont ce quil disoit et determinoit ne pouvoit estre faux.

  A001001336 

 Ainsy quand saint Pierre fut mis au fondement de l'Eglise, et que l'Eglise fut asseurëe que les portes d'enfer ne prævaudroyent point contre elle, ne fut ce pas asses dire que saint Pierre, comme pierre fondamentale du gouvernement et administration ecclesiastique, ne pouvoit se froisser et rompre par l'infidelité ou erreur, qui est la principale porte d'enfer? car, qui ne sçait que si le fondement renverse, si l'on y peut porter la sappe, que tout l'edifice renversera?.. Et quoy? si le pasteur mettoit ses brebis es pasturages venimeux, le parc se perdroit il pas incontinent? Les brebis vont suyvant le pasteur; s'il erre, tout se perd.

  A001001339 

 Saint Bernard apelle le Pape un autre « Moise en authorité »: or, combien grande fut l'authorité de Moise il ni a personne qui l'ignore, car il s'assit et jugea de tous les differens qui estoyent parmi le peuple, et de toutes les difficultés qui survenoyent au service de Dieu; il constitua des juges pour les affaires de peu d'importance, mays les grans doutes estoyent reservés a sa connoissance; si Dieu veut parler au peuple, c'est par sa bouche et par son entremise.

  A001001341 

 Je vous prie, si en l'ombre il y avoit des illuminations de doctrine et des perfections de verité en la poitrine du Prestre, pour en repaistre et raffermir le peuple, qu'est ce que nostre grand Prestre n'aura pas? de nous, dis je, qui sommes au jour et au soleil levé? Le grand Prestre ancien n'estoit que vicaire et lieutenant de Nostre Seigneur, nomplus que le nostre, mays il semble quil præsidoit a la nuict, par ses illuminations, et le nostre præside au jour, par ses instructions; ministeriellement tous deux, et par la lumiere du Soleil de justice, lequel, bien quil soit levé, est neanmoins voilé a nos yeux par nostre propre mortalité, car le voir face a face ordinairement [307] n'appartient qu'a ceux qui sont delivrés du cors qui se corrompt..

  A001001341 

 Que si le grand Præstre portoit le Rational du jugement en la poitrine, ou estoyt le Urim et Thummim, doctrine et verité comme interpretent les uns, ou les illuminations et perfections comme disent les autres, qui n'est presque qu'une mesme chose, puysque la perfection consiste en verité et la doctrine n'est qu'illumination, penserons nous que le grand Præstre de la Loy nouvelle n'en ayt pas encores les effectz? a la verité, tout ce qui fut concedé de bon a l'ancienne Eglise et a la chambriere Agar, aura esté donné en beaucoup meilleure façon a Sara et a [306] l'Espouse: nostre grand Præstre donques a encores le Urim et Thummim en sa poitrine. Or, soit que ceste doctrine et verité ne fust autre que ces deux motz escritz au Rational, comme semble croire saint Augustin, et Hugues de saint Victor l'asseure, ou que ce fust le nom de Dieu, comme veut Rabbi Salomon, au récit de Vatable et Augustin Evesque d'Eugubbium, ou que ce fussent les seules pierres du Rational par lesquelles Dieu tout puyssant reveloit ses volontés au Prestre, comme veut ce docte homme François Ribera, la rayson pour laquelle le grand Præstre avoyt au Rational sur sa poitrine la doctrine et la verité, estoit sans doute par ce que judicabat judicii veritatem; mesme que par le Urim et Thummim les prestres estoyent instruitz du bon plaisir de Dieu, et leurs entendemens esclairés et perfectionnés par la revelation divine, comme le bon de Lyra l'a entendu, et Ribera l'a asses suffisamment prouvé, a mon advis: dont quand David voulut sçavoir sil devoit poursuivre les Amalecites, il dict au Præstre Abiathar, Applica ad me ephod, ou, le superhumeraire; ce quil fit sans doute pour reconnoistre la volonté de Dieu au Rational qui y estoit joint, comme va deduysant doctement ce docteur Ribera.

  A001001343 

 Quid etiam actione firmastis, nisi scientes quod per omnes provincias de Apostolico fonte petentibus responsa semper emanent? Præsertim quoties fidei ratio ventilatur, arbitror omnes fratres et coepiscopos nostros non nisi ad Petrum, id est, sui nominis et honoris authorem, referre debere, velut nunc retulit vestra dilectio, quod per totum mundum possit omnibus ecclesiis in commune prodesse. Voyes vous l'honneur et le credit auquel estoit le Siege Apostolique vers les Anciens les plus doctes et saints, voire mesme vers les Conciles entiers? on y alloit comme au vray Ephod et Rational de la nouvelle Loy: ainsy y alla saint Hierosme, du tems de Damasus, auquel, apres avoir dict que l'Orient rompoit et mettoit en pieces la roubbe, entiere et tissue par dessus, de Nostre Seigneur, et que les renardeaux gastoyent la vigne du Maistre, Ut inter lacus contritos, dict il, qui aquam non habent, difficile ubi fons signatus et hortus ille conclusus sit possit intelligi, ideo mihi Cathedram Petri et fidem Apostolico ore laudatam censui consulendam, etc..

  A001001344 

 En fin, qui mesprisera l'authorité du Pape, remettra sus les Pelagiens, Priscilliens et autres, qui n'ont estés condamnés que par les Conciles provinciaux avec l'authorité du Saint Siege de Rome..

  A001001344 

 Je n'aurois jamais faict si je voulois produire les belles sentences que les Anciens ont dictes sur ce faict; qui voudra, les lise fidellement cottëes au grand Catechisme de Pierre Canisius, ou elles ont estëes estendues au long par Busæus.

  A001001344 

 Mays qui ne sçait que tous les anciens hæretiques taschoyent a se faire avouer par le Pape; tesmoins les Montanistes ou Cataphryges, qui deceurent tellement le Pape Zephyrin (sil faut croire a Tertullien, nomplus celuy d'autrefois mays devenu hæretique en son faict propre) quil lascha des lettres de reunion en leur faveur, lesquelles neantmoins il revoca promptement par l'advis de Praxeas.

  A001001344 

 Saint Ambroise tient pour une mesme chose, communicare et convenire cum Episcopis [309] Catholicis et convenire cum Ecclesia Romana; il proteste de suivre en tout et par tout la forme de l'Eglise Romaine.

  A001001345 

 Il dict par apres que ces raysons sont insolubles, et que toute l'Escriture y vient battre.

  A001001345 

 La 3 e, par ce quil ne faut pas resister a Dieu qui nous veut presser et charger de plusieurs princes, selon le dire de Salomon en ses Proverbes.

  A001001345 

 La 6 e, par ce que tous les fidelles le croyent ainsy, entre lesquelz il est impossible que Nostre Seigneur ne soit: or il faut arrester avec Nostre Seigneur et les Chrestiens en tout et par tout.

  A001001345 

 Mays je ne puys laisser en arriere ce que ce grand archiministre escrivit l'an 1519, en certaines autres [310] Resolutions d'autres propositions; car, en la 13 me, non seulement il reconnoit l'authorité du Saint Siege Romain, mays la prouve par 6 raysons quil tient pour demonstrations: je le mettray en sommaire.

  A001001352 

 Ainsy disons nous quil faut avoir recours a luy non comme a un docte homme, car en cela il est ordinairement devancé par plusieurs [312] autres, mays comme au chef et Pasteur general de l'Eglise, et, comme tel, honnorer, suivre et embrasser fermement sa doctrine, car alhors il porte en sa poitrine le Urim et Thummim, la doctrine et verité..

  A001001353 

 Et comment est ce que le Saint Esprit conduict l'Eglise, sinon par le ministere et office de prædicateurs et pasteurs? mays si les pasteurs ont des pasteurs encores, ilz les doivent suivre; ainsy tous doivent suivre celuy qui est le supreme pasteur, par le ministere duquel nostre Dieu veut conduire, non les aigneaux seulement et brebiettes, mays les brebis et meres des aigneaux, c'est a dire, non les peuples seulement, mays les autres pasteurs encores, celuy qui succede a saint Pierre qui eut ceste charge, Pasce oves meas.

  A001001353 

 Et ne faut pas nomplus penser qu'en tout et par tout son jugement soit infallible, mays lhors seulement quil porte sentence en matiere de foy ou des actions necessaires a toute l'Eglise; car es cas particuliers, qui dependent du faict humain, il y peut errer sans doute, quoy que nous autres ne devions le contreroller en cest endroit qu'avec toute reverence, submission et discretion.

  A001001353 

 Le Saint Esprit est conducteur de l'Eglise, il la conduict par son pasteur; qui donques ne suit le pasteur, ne suit pas le Saint Esprit..

  A001001353 

 Les theologiens ont dict tout en un mot, quil peut errer in quæstionibus facti, non juris, quil peut errer extra Cathedram, hors la chaire de saint Pierre, c'est a dire, comme homme particulier, par escritz et mauvais exemples, mays non pas quand il est in Cathedra, c'est a dire, quand il veut faire une instruction et decret pour enseigner toute l'Eglise, quand il veut confirmer les freres comme supreme pasteur, et les veut conduyre es pasturages de la foy: car alhors ce n'est pas tant l'homme qui determine, resoult et definit, que c'est le benit Saint Esprit par l'homme, lequel, selon la promesse faicte par Nostre Seigneur a ses Apostres, enseigne toute verité a l'Eglise, ou, comme dict le Grec et semble que l'Eglise l'entende en une collecte de Pentecoste, conduict et meyne son Eglise en toute verité: Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem, ou, deducet vos in omnem veritatem.

  A001001354 

 Ainsy est conduit le troupeau Chrestien par le Saint Esprit, mays sous la charge et conduite de son pasteur; lequel, neanmoins, ne court pas a la volëe, mays selon la necessité convoque les autres pasteurs, ou en partie ou generalement, regarde soigneusement la piste des devanciers, considere le Urim et Thummim de la Parole de Dieu, entre devant son Dieu par ses prieres et invocations, et s'estant ainsy diligemment enquesté du vray chemin, se met en campaigne hardiment et faict voile de bon cœur: heureux qui le suit et se range a la discipline de sa houlette, heureux qui s'embarque en son navire; car il repaistra de verité, il surgira au port de la sainte doctrine..

  A001001354 

 Mays le grand Cardinal Toletus remarque tresbien a propos sur ce lieu, quil n'est pas dict, portabit Ecclesiam in omnem veritatem, mays, deducet, pour monstrer que quoy que le Saint Esprit esclaire a l'Eglise, si veut il qu'elle use de la diligence requise a tenir le bon chemin; comme firent les Apostres, qui ayans a respondre sur une question d'importance, debattirent de part et d'autre, conferant les Escritures ensemble, ce qu'ayans faict diligemment, ilz conclurent par le Visum est Spiritui Sancto et nobis, c'est a dire, le Saint Esprit nous a esclairé, et nous avons marché, il nous a guidé, nous l'avons suivi jusques a ceste verité; il faut employer les moyens ordinaires pour la recherche de la verité, et neanmoins reconnoistre la treuve et l'abord en icelle de l'assistence du Saint Esprit.

  A001001355 

 Ainsy ne faict il jamais commandement general a toute l'Eglise es choses necessaires, qu'avec l'assistence du Saint Esprit, lequel ne manquant mesme pas aux especes des animaux es choses necessaires, par ce quil [314] les a establies, ne manquera pas aussi au Christianisme en ce qui luy est necessaire pour sa vie spirituelle.

  A001001356 

 Imprimis, Sanctissima Sedes, crepa et non frangere ob novam istam salutationem, in qua nomen meum primo et in supremo loco pono. Et apres avoir recité la bulle contre laquelle il escrivoit, il commence par ces ciniques et vilaines paroles: Ego autem dico, ad Papæ et bullæ hujus minas, istud: qui præ minis moritur, ad ejus sepulturam compulsari debet crepitibus ventris.

  A001001370 

 Affin que Moyse fust creu, il [Dieu] luy donna le pouvoir des miracles; Nostre Seigneur, dict saint Marc, confirmoit ainsy la prædication Apostolique; si Nostre Seigneur n'eust faict tant de miracles, on n'eust pas peché de ne le croire pas, dict le mesme Seigneur; saint Pol tesmoigne que Dieu confirmoit la foy par miracles: donques le miracle est une juste rayson de croire, une juste preuve de la foy, et un argument pregnant pour persuader les hommes a creance; car si ainsy n'estoit, nostre Dieu ne s'en fut pas servi.

  A001001370 

 Tu es Deus qui facis mirabilia, dict David au Dieu tout puyssant, donques ce qui est confirmé par miracles est confirmé de la part de Dieu; or Dieu ne peut estre autheur ni confirmateur du mensonge, ce donques qui est confirmé par miracles ne peut estre mensonge, ains pure verité..

  A001001371 

 Et affin de couper chemin a toutes fantasies, je confesse quil y a des faux miracles et des vrais miracles, et qu'entre les vrays miracles il y en a qui font argument evident que la puyssance de Dieu y est, les autres, non, sinon par leurs circonstances.

  A001001371 

 Les miracles que l'Antichrist fera seront tous faux, tant par ce que son intention sera de decevoir, que par ce que une partie ne seront qu'illusions et vaynes apparences magiques, l'autre partie ne seront pas miracles en nature mays seulement miracles devant les hommes, c'est a dire, ne surpasseront pas les forces de nature, mays pour estre extraordinaires sembleront miracles aux simples.

  A001001371 

 Or plusieurs playes sont mortelles en presence de quelques medecins, et incurables, qui [319] ne le seront pas en præsence des autres qui sont plus suffisans et ont quelque remede plus exquis; ainsy la plaïe sera mortelle selon le cours ordinaire de la medecine, mays le diable, qui a plus de suffisance en la connoissance des vertus des herbes, odeurs, minerales et autres drogues, que les hommes, fera ceste cure la par l'application secrette des medicamens inconneuz aux hommes: et semblera miracle a qui ne sçaura discerner entre la science humayne et diabolique, entre la diabolique et divine, en ce que la diabolique devance l'humayne de grande traitte, et la divine surpasse la diabolique d'une infinité; l'humayne ne sçait qu'une petite partie de la vertu qui est en nature, la diabolique sçait beaucoup davantage mays dans les confins de nature, la divine n'a point d'autre limite que son infinité.

  A001001372 

 Car, ramener la privation en son habitude, le non estre a l'estre, et donner les operations vitales aux hommes, sont choses impossibles a toutes les puyssances humaynes, ce sont des coups du sauverain [320] Maistre; lequel quand puys apres il luy plaict faire des cures par sa toute puyssance, ou des mutations es choses, ne laysse pas de les faire reconnoistre pour miraculeuses, quoy que la nature secrette en peut faire tout autant, parce qu'ayant faict ce qui surpasse nature, il nous a ja rendus asseurés de sa qualité et de la valeur de la [merveille]: ainsy que quand un homme a faict un chef d'ceuvre, quoy quil face puys apres plusieurs ouvrages communs, on ne laisse pas de le tenir pour maistre..

  A001001372 

 Cela apert par ce que j'ay dict; et par exemple, les merveilles que firent les magiciens d'Egipte estoyent, quand a l'apparence exterieure, toutes semblables aux miracles que faysoit Moise, mays qui considerera les circonstances, connoistra bien ayseement que les uns estoyent vrays miracles, les autres faux, comme le confesserent les magiciens quand ilz dirent: Digitus Dei est hic.

  A001001373 

 Il estoit raysonnable qu'estant la foy de choses qui surmontent nature, elle fust averëe par œuvres qui surpassent nature, et qui monstrent que la prædication ou parole annoncëe part de la bouche et authorité du Maistre de nature, le pouvoir duquel n'est point limité, lequel se rend par le miracle comme tesmoin de la verité, soussigne et met son sceau a la parole portëe par le prædicateur.

  A001001373 

 Il semble que les miracles ne soyent pas necessaires, mays ilz le sont a la verité; et n'est pas sans cause que la suavité de la divine providence en fournit a son Eglise en toutes les saysons, car en toutes saysons il y a des heresies, lesquelles bien qu'elles soyent suffisamment rabbatues, voire a la capacité des moindres, par l'antiquité, majesté, unité, catholicisme, sainteté de l'Eglise, si est ce que chacun ne sçait pas priser ces « doüaires, » comme parle Optatus, a leur vraye [321] valeur, chacun n'entend pas et ne penetre pas ce langage: mays quand Dieu parle par œuvres, chacun l'entend, c'est une parole commune a toutes nations; comme l'escriture d'une sauvegarde n'est conneüe d'un chacun, mays si on y voit la croix blanche, les armes du Prince, chacun connoit que le tesmoignage et l'authorité sauveraine y court..

  A001001379 

 Il ni a presqu'article de nostre Religion qui n'ait esté approuvé de Dieu par miracle.

  A001001379 

 Les miracles qui se font en l'Eglise, monstrans ou est la vraye Eglise, font suffisante preuve de toute la creance de l'Eglise; car Dieu ne porteroit jamays tesmoignage a une eglise qui n'eust la vraÿe foy et fust errante, idolatre, trompeuse: mays ceste bonté supreme ne s'arreste pas la; elle a confirmé presque tous les pointz de la foy Catholique par tres illustres miracles, et, par une speciale providence de Dieu, nous trouvons que quasi sur tous les articles esquelz nous sommes en different avec les ministres, Nostre Seigneur a rendu tres illustre tesmoignage de la verité que nous prechons, par miracles irreprochables.

  A001001380 

 .. Que dites vous? si vous me demandes qui a faict ce miracle, je vous respondray par les propres paroles de Nostre Seigneur: Cæci vident, claudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt, mortui resurgunt, pauperes evangelizantur... Quelle foy l'a demandé? la foy que le Pape est successeur de saint Pierre, et en a l'eminente authorité.

  A001001380 

 Par quelles actions a il esté obtenu? par le tressaint Sacrifice de la Messe, et par la realité de l'exhibition du Cors de Nostre Seigneur en la bouche du patient.

  A001001380 

 Qui raconte ceste histoire? un tressaint et docte personnage, par l'aveu mesme des adversaires qui le font le dernier bon Pape.

  A001001381 

 Ainsy nous prechons la realité du Cors de Nostre Seigneur et de son Sang au Sacrement de l'autel: Nostre Seigneur l'a authorisé par la miraculeuse experience quil en fit voir a un Juif et une Juifve qui assistoyent a la messe de saint Basile, tesmoin saint Amphilochius qui vivoit environ l'an 380.

  A001001381 

 Une femme aussy qui avoit petri le pain qu'on devoit consacrer, venant a la sainte Communion, comm'elle vit saint Gregoire, tenant non plus le pain mais le tressaint Sacrement, venir a elle pour la communier, et dire, Corpus Domini Nostri Jesu Christi custodiat animam, etc., elle se prit a rire; saint Gregoire l'interroge pourquoy elle rioyt, elle respond que c'estoit parce qu'elle avoit petri le pain duquel saint Gregoire avoit dict que c'estoit le Cors de Nostre Seigneur; saint Gregoire impetra par prieres que la sainte Eucharistie apparut au dehors ce qu'elle estoit au dedans, dont ceste pauvre femme fut reduite a la foy, et tout le peuple confirmé: c'est une histoire racontëe par le bon Paulus Diaconus..

  A001001384 

 Nous prechons que c'est non seulement Sacrement, mais Sacrifice: et saint Augustin, parlant d'un lieu inhabitable par la violence des espritz malins, qui estoit a Hesperius, au territoire Fussalense, Perrexit unus, dict [il], ex presbiteris, obtulit ibi Sacrificium Corporis Christi, orans quantum potuit ut cessaret illa vexatio, Deoque protinus miserante cessavit.

  A001001385 

 aff., en faict un long discours; saint Gregoire Nazianzene en raconte un tres certain miracle, en la conversion de saint Cyprien par l'intercession de Nostre Dame..

  A001001387 

 Nous produisons le signe de la Croix contre le diable: et saint Gregoire Nazianzene tesmoigne que Julien l'Apostat, en un sacrifice faict aux idoles, voyant le diable, s'y signa de ce signe; le diable s'en fuit, le sorcier et magicien dict a l'apostat que le diable s'en fuyoit non par crainte mais par abomination; [325] Abominationi, dict il, illis fuimus, non terrori.

  A001001387 

 Vincit quod pejus est. Eusebe faict foy des merveilles que Dieu a faict par ce saint signe au tems de Constantin le Grand..

  A001001388 

 En nos eglises nous avons des vases sacrés: et saint Chrysostome raconte que Julien, oncle de Julien empereur, avec un certain tresorier, les desroba et prophana, mays Julien mourut incontinent, rongé par les vers, le tresorier creva sur la place..

  A001001389 

 Nous faysons conte du saint Chresme dont on oint les baptisés pour la sainte Confirmation: et saint Optatus Milevitain raconte que la phiole ou ampoulle du saint Chresme estant jettëe par les Donatistes sur des pierres, non defuit manus angelica quæ ampullam spiritali subvectione deduceret; projecta casum sentire non potuit..

  A001001390 

 Nous confessons humblement nos pechés aux superieurs ecclesiastiques: et saint Jan Climacus raconte que comme une personne tres vicieuse confessoit ses fautes, on vit un grand et terrible, qui rayoit d'un livre de contes les pechés, a mesure que cestuy ci les confessoit; par ce, dict le mesme Climacus, que la confession bien delivre de l'eternelle confusion..

  A001001392 

 Nous y avons de l'eau beniste et du pain benit: mays saint Hierosme raconte que plusieurs pour guerir les malades prenoyent du pain benit par saint Hilarion; et saint Gregoire dict que saint Fortunat guerit un homme qui en une cheute de cheval s'estoit rompu la jambe, par la seule aspersion de l'eau benite.

  A001001393 

 Et plus bas il dict: Neque aliter Martirum operibus inviderent, nisi fidem in iis fuisse eam quam isti non habent judicarent, fidem illam Majorum traditione firmatam, quam dæmones ipsi negare non possunt, sed Arriani negant: non accipio a diabolo testimonium sed confessionem. Quelles circonstances ne rendent ces miracles irreprochables? une partie sont restitutions des operations vitales, qui ne se peut faire par autre puyssance que la divine; le tems auquel ilz se sont faitz estoit tout voysin a celuy de Nostre Seigneur, l'Eglise toute pure et sainte; il ni avoit point d'Antichrist au monde, comme dient les ministres; [327] les personnes par la priere desquelles ilz se faysoyent, tres saintes; la foy qui en estoit confirmëe estoit generale et tres Catholique; les autheurs qui les recitent, tres asseurés..

  A001001393 

 Les Arriens nioyent [le miracle sur] l'aveugle qui fut gueri par l'atouchement du bord du drap qui couvroit les reliques de saint Gervais et Protais, et disoyent quil n'avoyt pas esté gueri; saint Ambroise respond: Negant cæcum illuminatum, sed ille non negat se sanatum.

  A001001394 

 Ce grand saint Augustin tesmoigne avoir veu, sur les reliques saint Gervais et Protais a Milan, un homme aveugle recouvrer la veüe; une femme a Carthage avoir esté guerie d'un cancer par le signe de la Croix qu'une femme nouvellement baptizëe luy fit; Hesperius, un sien familier, avoir chassé les espritz qui infestoyent sa mayson, avec un peu de terre du Sepulchre de Nostre Seigneur, et ceste terre despuys transportëe a l'eglise, un paralitique y estant apporté avoir esté soudain gueri; une femme en une procession ayant touché a la chasse saint Estienne d'un bouquet, et de ce bouquet s'estant frottëe les yeux, avoir recouvré la veüe qu'elle avoit pieça perdue; et plusieurs autres miracles ou il dict luy mesme avoir assisté.

  A001001409 

 Dieu est autheur en nous de la rayson naturelle, et ne hait rien de ce quil a faict, si que, ayant marqué nostre entendement de ceste sienne lumiere, il ne faut pas penser que l'autre lumiere surnaturelle quil depart aux fidelles, combatte et soit contraire a la naturelle; elles sont filles d'un mesme Pere, l'une par l'entremise de nature, l'autre par l'entremise de moyens plus hautz et eslevés, elles donques peuvent et doivent demeurer ensemble comme seurs tres affectionnëes.

  A001001418 

 Quand Luther, en la præface de l' Assertion des articles condamnés par Leon, dict que « l'Escriture est tres aysëe, intelligible et claire a chacun », et que chacun y peut connoistre la verité, et discerner entre les sectes et opinions quelle est la vraye, quelle est la fausse, dites, je vous prie, combat il pas la propre experience de tout le monde? et quand vous aves creu ceste sottise, connoisses vous pas tout ouvertement le contraire? Je ne sache homme si versé qui osast jurer, sil a point de conscience, quil sçait le vray sens, je ne dis pas de toute l'Escriture, mays de quelque partie d'icelle; et si, n'ay je jamais veu homme entre vous qui entende le sens d'un chapitre tout entier..

  A001001420 

 Et quand Luther dict que le croire, esperer, aymer ne sont pas operations et actions de nostre volonté, mais pures passions sans aucune activité de nostre volonté, ne perd il pas tout en un coup le croire, l'esperer, l'aymer, et les change en estre creu, esperé et aymé, et combat le cœur de l'homme, qui connoist [333] bien que c'est luy qui croit, ayme, espere, par la grace de Dieu?.

  A001001422 

 Et quand on dict que nous pechons « incités, poussés, necessités, par la volonté, ordonance, decret et predestination de Dieu, » n'est ce pas blasphemer contre toute rayson et contre la majesté de la supreme bonté? Ah, voyla la belle theologie de Zuingle, Calvin et Beze: At enim dices, dict Beze, dices, non potuerunt resistere Dei voluntati, id est, decreto: fateor; sed sicut non potuerunt, ita etiam noluerunt.

  A001001432 

 C'est une voix pleyne de fast et d'ambition entre vos ministres, et qui leur est ordinaire, quil faut interpreter l'Escriture et esprouver les expositions par l'analogie de la foy.

  A001001432 

 Ilz ont rayson, pour vray, quand ilz disent quil faut interpreter l'Escriture et esprouver les expositions d'icelle par l'analogie de la foy, mays ilz ont tort quand ilz ne font point ce quilz disent.

  A001001433 

 Si l'analogie de la foy est sujette a vos glosses et opinions, il le faut dire franchement, affin qu'on sache vostre intention; ainsy ce sera interpreter Escriture par l'Escriture et par l'analogie, le tout adjusté a vos interpretations et conceptions..

  A001001433 

 Si on demande comm'il se peut faire que le mesme cors de Nostre Seigneur soit en deux lieux, je diray que cela est aysé a Dieu, suyvant le dire de l'Ange, Non est impossibile apud Deum omne Mot, et le confirmeray par la rayson de la foy, Credo in Deum Patrem omnipotentem; mays si vous glosses, et l'Escriture et l'article de foy mesme, comme confirmeres vous vostre glosse? a ce conte la il ny aura point de premier principe sinon vostre cervelle.

  A001001434 

 L'Eglise, qui estant sainte ne peut induire a l'erreur, estant catholique n'est pas astreinte a ce miserable siecle, mays doit avoir son estendue en long des les Apostres, en large par tout le monde, en profondité jusqu'au Purgatoire, en hauteur jusqu'au ciel, a sçavoir, toutes nations, tous les siecles passés, les Saints canonizés et nos ayeulz desquelz nous avons esperance, les Prelatz, les Conciles recens et anciens, tout par tout chantent Amen, amen, a ceste sainte creance.

  A001001434 

 Le Saint Esprit, par l'operation duquel il a esté conceu et est né d'une Vierge, pourra bien encores avec son operation fayre ceste admirable besoigne de la Transubstantiation.

  A001001434 

 Son ascension me faict monter a ceste foy; car si son cors penetre, s'esleve par sa seule volonté, et se place sans place a la dextre du Pere, pourquoy ne sera il encor ça bas ou bon luy semble, sans y occuper autre place qu'a sa volonté? Ce qu' il sied a la dextre du Pere, me monstre que tout luy est sousmis, le ciel, la terre, les distances, les lieux et les dimensions: ce que de la il viendra juger les vivans et les morts, me pousse a la creance de l'illimitation de sa gloire, et que partant sa gloire n'est pas attachëe au lieu, mays ou quil soit il la porte avec soy; dont au tressaint Sacrement il y est sans laysser sa gloire ni ses perfections.

  A001001437 

 Ah, vous disies que vous joindries vostre negative avec l'analogie par le fil de l'Escriture; ou est cest'Escriture, qu'un cors ne puysse estre en deux lieux? voyes un peu comme vous mesles la prophane apprehension d'une rayson purement humaine avec la sacree Parole.

  A001001437 

 Monstres moy le fil avec lequel vous couses ceste negative avec ceste affirmative: par ce qu'un cors ne peut estre en deux lieux.

  A001001438 

 Voyla vostre analogie; a sçavoir mon, qui a mieux travaillé, ou vous ou moy? Si on vous laisse interpreter la descente de Nostre Seigneur aux enfers, du [340] sepulcre, ou de l'apprehension de l'enfer et peyne des damnés, la sainteté de l'Eglise, d'une Eglise invisible et inconneüe, son universalité, d'une Eglise secrette et cachëe, la communion des Saintz, d'une seule bienveuillance generale, la remission des pechés, d'une seule non imputation, quand vous aures ainsy proportionné le Simbole a vostre jugement, il sera quand et quand bien proportionné au reste de vostre doctrine; mays qui ne voit l'absurdité? le Simbole, qui est l'instruction des plus simples, seroit la plus obscure doctrine du monde, et devant estre regle a la foy, il auroit besoin d'estre reglé par une autre regle; In circuitu impii ambulant.

  A001001439 

 Le Simbole seul ne dict rien a descouvert de la Consubstantialité, des Sacremens, et autres articles de la foy, mays comprend toute la foy radicalement et fondamentalement; principalement quand il nous enseigne de croire l'Eglise estre sainte et catholique, car par la il nous renvoÿe a ce qu'elle proposera.

  A001001445 

 Par exemple, ny a il pas plus de misericorde d'exhiber la realité de son Cors pour nostre viande, que de n'en donner que la figure, commemoration et manducation fiduciaire? n'est ce pas plus de justifier l'homme embellissant son ame par la grace, que sans l'embellir le justifier par une simple connivence ou non imputation? n'est ce pas une plus grande faveur de rendre l'homme et ses œuvres aggreables et bonnes, que de tenir seulement l'homme pour bon sans quil le soit en realité? n'est ce pas plus d'avoir layssé sept Sacremens pour la justification et sanctification du pecheur, que de n'en avoir laissé que deux, dont l'un ne serve de rien et l'autre de peu? n'est ce pas plus d'avoir laissé la puyssance d'absouvre en l'Eglise, que de n'en avoir point laissé? n'est ce pas plus d'avoir laissé une Eglise visible, universelle, signalëe, remarquable et perpetuelle, que de l'avoir layssé petite, secrette, dissipëe, sujette a corruption? n'est ce pas plus priser les travaux de Nostre Seigneur, de dire qu'une seule goutte de son sang suffisoit a racheter le monde, que de dire que s'il n'eut enduré les peynes des damnés il ni avoit rien de faict? la misericorde de Dieu n'est elle pas plus magnifiëe, de donner a ses Saintz la connoissance de ce qui se faict cy bas, le credit de prier pour nous, se rendre exorable a leurs intercessions, les avoir rendu glorieux des leur mort, que de les faire attendre et tenir « en suspens », comme parle Calvin, jusqu'au jugement, les rendre sourds a nos prieres et se rendre inexorable aux leurs? Cecy se verra plus clair en nos essais..

  A001001458 

 Car, par supposition, faysons que jamais il ny eust Eglise, ni Concile, ni Pasteurs, ni Docteurs, des les Apostres, et que l'Escriture Sainte ne contient que les Livres quil plaict a Calvin, Beze et Martyr d'avouer, quil ny a point de Regle infallible pour la bien entendre, mays qu'elle est a la merci des conceptions de quicomque voudra maintenir quil interprete l'Escriture par l'Escriture et par l'analogie de la foy, comme on veut entendre Aristote par l'Aristote et par l'analogie de la philosophie; confessons seulement que ceste Escriture est divine, et je maintiens devant tous juges equitables que, si non tous, au moins ceux d'entre vous qui avoyent quelque connoissance et suffisance sont inexcusables, et ne sçauroyent garentir leur religion de legereté et temerité.

  A001001458 

 Ce que je crois estre si certain, que chacun le peut sçavoir et connoistre, mays de monstrer cecy par le menu, ce ne seroit jamais faict; il suffira bien, ce me semble, de le monstrer en quelques principaux articles..

  A001001459 

 ; par lesquelles ilz vouloyent protester: Mot Domini Manet In Ætternum.

  A001001459 

 C'est donques ce que je pretens faire en ceste troysiesme Partie, ou j'attaqueray vos ministres sur les Sacremens en general, et en particulier sur celuy de l'Eucharistie, de la Confession et Mariage, sur l'honneur et invocation des Saintz, sur la convenance des ceremonies en general, puys en particulier, sur la puyssance de l'Eglise, sur le merite des bonnes œuvres et la justification, et sur les indulgences; ou je n'employeray que la pure et simple Parole de Dieu, avec laquelle seule je vous feray voir, comme par essay, vostre faute si a descouvert, que vous aures occasion de vous en repentir.

  A001001459 

 Et toutefois, je vous supplie que si vous me voyes combattre, abattre et en fin surmonter l'ennemy avec la seule Escriture, vous vous representies alhors ceste grande et honnorable suite de Martyrs, Pasteurs et Docteurs, qui ont tesmoigné par leur doctrine et au prix de leur sang que la doctrine pour laquelle nous combattons maintenant estoit la sainte, la pure, l'Apostolique, qui sera comme une surcharge de victoire: car, quand nous nous trouverions en pareille fortune avec nos ennemis, par la seule Escriture, l'ancienneté, le consentement, la sainteté de nos autheurs nous feroit tousjours triompher.

  A001001459 

 » Mays comme le chef respondit au chef, ainsy pouvons nous faire, nous autres membres, aux membres: nostre Chef repousa leur chef avec les passages mesme de l'Escriture; repousons les en semblable façon, et par des consequences solides et naifves, deduites de la Sainte Escriture, monstrons la vanité et piperie avec laquelle ilz veulent couvrir leurs conceptions des paroles de l'Escriture..

  A001001460 

 C'est ce que je pretens icy, mays briefvement; et [348] proteste que je produyray tresfidelement tout ce que je cuyderay estre de plus apparent de leur costé, puys par l'Escriture mesme les convaincray, affin que vous voyes que quoyque et eux et nous manions et nous armons de l'Escriture, nous en avons neanmoins la realité et droit usage, eux n'en ayant qu'une vayne apparence par maniere d'illusion; ainsy que non seulement Moise et Aaron, mays encores les magiciens animerent leurs verges et les convertirent en colœuvres, mays la verge d'Aaron devora les verges des autres.

  A001001469 

 Or, puysque les prætendus reformateurs, pour la plus part, quoy que ce ne soit sans gronder, layssent ce mot en usage par mi leurs livres, [350] amusons nous aux difficultés que nous avons avec eux sur les causes et les effetz des Sacremens, et voyons comm'ilz y mesprisent l'Escriture et les autres Regles de la foy..

  A001001475 

 Commençons par ici: l'Eglise Catholique tient pour forme des Sacremens, des paroles consecratoires; les ministres pretendus ont voulu reformer ceste forme, disans que les paroles consecratoires sont charmes, et que la vraye forme des Sacremens estoit la prædication.

  A001001475 

 Que si neanmoins l'un devoit estre forme de l'autre, le Baptesme seroit plustost forme de la predication, que la predication, du Baptesme; puysque la forme ne peut preceder, ains doit survenir a la matiere, et que la prædication precede le Baptesme, et le Baptesme survient par apres sur la prædication: dont saint Augustin n'auroit pas bien dict, quand il disoit: Accedit Mot ad elementum, et fit Sacramentum; car il eust plustost deu dire: Accedit elementum ad Mot.

  A001001475 

 Que si saint Hierosme, suyvant le sens mistique, veut que la prædication soit une sorte d'eau purifiante, il ne s'oppose pourtant pas aux autres [351] Peres, qui ont entendu le lavoir d'eau estre le Baptesme precisement, et la parole de vie, l'invocation de la tressainte Trinité, affin d'interpreter le passage de saint Pol par l'autre de saint Mathieu: Enseignes toutes gens, les baptisans au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

  A001001476 

 Les voyci: Qui crediderit et baptizatus fuerit; voyes vous la creance qui nait en nous par la prædication, separëe du Baptesme? ce sont donq deux choses distinctes, la prædication et le Baptesme.

  A001001476 

 Nostre Seigneur fit bien un admirable sermon apres la cene, recité par saint Jan, mays ce ne fut pas pour le mistere de la cene, qui estoit ja complet.

  A001001477 

 Luther respond que les enfans ressentent [des] mouvemens actuelz de la foy par la prædication: c'est violer et dementir l'experience et le sentiment mesme.

  A001001479 

 Mays je veux finir par ceste signalëe sentence de saint Augustin: Potuit Paulus significando prædicare Dominum Jesum Christum, aliter per linguam suam, aliter per epistolam, aliter per Sacramentum Corporis et Sanguinis ejus: nec linguam quippe ejus, nec membranas, nec atramentum, nec significantes sonos lingua editos, nec signa litterarum conscripta pelliculis, Corpus Christi et Sanguinem dicimus; sed illud tantum quod ex fructibus terræ acceptum, et prece mistica consecratum, rite sumimus. Que si saint Augustin dict, Unde tanta vis aquæ ut corpus tangat et cor abluat, nisi faciente verbo? non quia dicitur, sed quia creditur, nous ne disons rien au contraire: car, a la verité, les paroles de benediction et sanctification avec lesquelles on forme et parfaict les Sacremens, n'ont poinct de vertu sinon estant proferëes sous la generale intention et creance de l'Eglise; car si quelqu'un les disoit sans cette intention, elles seroient dites voirement, mais pour neant, par ce que, non quia dicitur, sed quia creditur.

  A001001485 

 Tout cecy se dict a credit, sans produire autre que certaines consequences sans Parole de Dieu, par forme de chicanerie.

  A001001486 

 Or, comme pourroit on mettre difference entre les actions sacramentelles estant faites en vertu du commandement qui les rend pregnantes, et ces mesmes actions faites a autre fin? Certes, la difference n'y peut estre que par l'intention avec laquelle on les emploÿe; il faut donq que non seulement les paroles soyent proferëes, mays proferëes avec intention de faire le commandement de Nostre Seigneur, en la Cene, Hoc facite, au Baptesme, Baptizantes eos in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti..

  A001001487 

 Or, n'est il pas dict simplement, Hoc facite, mays, facite in meam commemorationem; et comme peut on faire ceste sacrëe action en commemoration de Nostre Seigneur, sans avoir l'intention d'y faire ce que Nostre Seigneur a commandé, ou du moins ce que les Chrestiens, disciples de Nostre Seigneur, font? affin que, sinon immediatement, au moins par l'entremise de l'intention des Chrestiens ou de l'Eglise, on face ceste action en commemoration de Nostre Seigneur.

  A001001488 

 Que sil se trouve es histoires que certains baptesmes faitz par jeu ont estés approuvés, il ne le faut trouver estrange, par ce qu'on peut faire en jeu plusieurs choses et neanmoins avoir l'intention de faire veritablement ce qu'on a veu faire; mays on appelle jeu tout ce qui se faict hors de saison et de discretion, quand il ne se faict pas par malice ou sans volonté.

  A001001501 

 L'Eglise Catholique a esté accusee, en nostre aage, de superstition en la priere qu'elle faict pour les fideles trespassés, d'autant qu'en icelle elle suppose deux verités que l'on pretend n'estre point, a sçavoir, que les trespassés soient en peyne et indigence, et qu'on les puisse secourir: or les trespassés, ou ilz sont damnés ou sauvés; les damnés sont en peyne, mais irremediable, et les sauvés sont comblés de tout playsir; de façon qu'aux uns manque l'indigence, aux autres le moyen de recevoir secours, et par ce n'y a lieu de prier Dieu pour les trespassés..

  A001001502 

 Mais certes, il deut suffire a tout le monde pour faire juste jugement sur ceste accusation, que les accusateurs estoyent des personnes particulieres, et l'accusé estoit le cors de l'Eglise universelle: et neanmoins, parce que l'humeur de nostre siecle a porté de sousmettre au contreroole et censure d'un chacun toutes choses, tant sacrees, religieuses et authentiques puissent elles estre, plusieurs personnes d'honneur et de marque ont prins le droit de l'Eglise en main pour la defendre; estimans [362] ne pouvoir mieux employer leur pieté et sçavoir, qu'a la defense de celle-la par les mains de laquelle ilz avoyent receu tout leur bien spirituel, le Baptesme, la doctrine Chrestienne et les Escritures mesme.

  A001001502 

 N'avons nous pas rayson, tous tant que nous sommes de domestiques et enfans de l'Eglise, de nous porter pour appellans, et nous plaindre de la partialité des juges, laissans a part, pour ceste heure, l'incompetence d'iceux? Donques nous appelions des juges non instruitz a eux mesmes instruitz, et des jugemens faictz partie non ouye, a des jugemens partie ouye, supplians tous ceux qui voudront juger sur ce different, de considerer nos allegations et probations d'autant plus attentivement, qu'il y gist, non de la condamnation de la partie accusee, qui ne peut estre condamnee par ses inferieurs, mays du damnement ou sauvement de ceux mesmes qui en jugeront..

  A001001508 

 Donques par le Purgatoire nous entendons un lieu ou les ames, pour un tems, sont purgees des taches et imperfections qu'elles emportent de ceste vie mortelle..

  A001001508 

 Et quand au sang de Nostre Seigneur, nous reconnoissons tellement la vertu d'iceluy, que nous protestons par toutes nos prieres que la purgation des ames, soit en ce monde soit en l'autre, ne se faict que par son application; plus jaloux de l'honneur deu a ceste pretieuse medecine que ceux qui, pour la [364] priser, en mesprisent le saint usage.

  A001001508 

 Nous sommes d'accord que le sang de nostre Redempteur est le vray purgatoire des ames, car en iceluy sont nettoyees toutes les ames du monde; dont saint Pol l'appelle, aux Hebreux, premier, purgationem peccatorum facientem: les tribulations aussi sont certains purgatoires, par lesquelz nos ames sont rendues pures comme l'or est affiné en la fournaise; Ecclesiastici 27, Vasa figuli probat fornax, justos autem tentatio tribulationis: la penitence et contrition est encores un certain purgatoire; dont David dict, au Psal. 50, Asperges me, Domine, hyssopo, et mundabor: on sçait bien aussi que le Baptesme, auquel nos pechés sont lavés, peut estre appellé purgatoire, et tout ce qui sert a la purgation de nos offenses; mays icy nous appelions Purgatoire, un lieu auquel, apres ceste vie, les ames lesquelles partent de ce monde avant qu'estre parfaictement espurees des souilleures qu'elles ont contractees, ne pouvant rien entrer en Paradis qui ne soit pur et net, sont arrestees pour y estre nettoyees et purifiees.

  A001001508 

 Nous soustenons donques que l'on peut prier pour les fideles trespassés, et que les prieres et bonnes actions des vivans les soulagent beaucoup et leur sont prouffitables; parce que tous ceux qui meurent en la grace de Dieu, et par consequent du nombre des esleus, ne vont pas tous de premier abord en Paradis, mays plusieurs vont au Purgatoire, ou ilz souffrent [363] une peyne temporelle, a la delivrance de laquelle nos prieres et bonnes actions peuvent ayder et servir.

  A001001514 

 Ceste mesme opinion des Petrobusiens fut suivie par les Vaudois, sur l'annee 1170, comme recite Guidon en sa Somme; et quelques Grecz furent soupçonnés en cest endroit, de quoy ilz se justifierent au Concile de Florence, et en leur apologie presentee au Concile de Basle.

  A001001514 

 [365] En fin, Luther, Zuingle, Calvin et ceux de leur parti ont du tout nié la verité du Purgatoire, car quoy que Luther, in Disputatione Lipsica, dict qu'il croyoit fermement, ains sçavoit asseurement, qu'il y avoit un Purgatoire, si est ce que par apres il s'en dedict, au livre De abroganda missa privata.

  A001001517 

 Elle a prouvé que plusieurs ames avant qu'arriver en Paradis passoient par un lieu de peyne, qui ne peut estre que le Purgatoire..

  A001001519 

 Par plusieurs autres passages, avec diversité de consequences toutes neanmoins bien a propos; en quoy l'on doit d'autant plus deferer a nos Docteurs, que les passages qu'ilz alleguent maintenant ont esté apportés a ce mesme propos par ces grans Peres anciens, sans que pour defendre ce saint article nous soyons allés forger de nouvelles interpretations: qui monstre asses la candeur avec laquelle nous cheminons [366] en besoigne, la ou nos accusateurs tirent des consequences de l'Escriture qui n'ont jamais esté pensees cy devant, ains sont mises tout de frais en œuvre pour seulement combattre l'Eglise..

  A001001527 

 Ce lieu est apporté en preuve du Purgatoire par Origene, homilia 25 in Numeros, et par saint Ambroise, sur le Psal. 36, et au sermon 3 sur le Psal. 118, ou il expose par l'eau, le Baptesme, et par le feu, le Purgatoire..

  A001001528 

 Ceste purgation, faicte en esprit de jugement et de bruslement, est entendue de Purgatoire par saint Augustin, au 1.

  A001001530 

 En Zacharie, 9: Tu autem, in sanguine testamenti tui, eduxisti vinctos tuos de lacu in quo non est aqua. Le lac duquel sont tirés ces prisonniers n'est que le Purgatoire, duquel Nostre Seigneur les [368] delivra en sa descente aux enfers; ne se pouvant entendre du Limbo, ou estoient les Peres avant la resurrection de Nostre Seigneur, dans le sein d'Abraham, par ce que la il y avoit de l'eau de consolation, comme l'on peut voir en saint Luc, 16; dont saint Augustin, en l'epistre 99, ad Evodium, dict que Nostre Seigneur visita ceux qui estoient aux tourmens des enfers, c'est a dire, au Purgatoire, et quil les en delivra: dont il s'ensuit quil y a un lieu ou les fideles sont tenus prisonniers, et duquel ilz peuvent estre delivrés..

  A001001531 

 Nous sçavons bien qu'ilz l'entendent de la purgation qui se fera a la fin du monde par le feu et conflagration generale, la ou seront purgés les reliquatz des pechés de ceux qui se trouveront vivans; mais nous ne laissons pas d'en tirer un bon argument pour nostre Purgatoire, car, si les personnes de ce tems la ont besoin de purgation avant que de ressentir l'effect de la benediction du Juge supreme, pourquoy est ce que ceux qui meurent avant ce tems n'en auront encores besoin? puysqu'il s'en peut trouver qui auront a la mort quelque reliquat de leurs imperfections.

  A001001531 

 Saint Irenee a ce propos, au chap. 29. livre 5, dict que parce que l'Eglise militante devra monter alhors au celeste palais de son Espoux, et qu'il n'y aura plus tems de purgation, les fautes et dechets d'icelle seront incontinent purgés par ce feu qui precedera le jugement..

  A001001531 

 chap.: Et sedebit conflans et emundans argentum; et purgabit filios Levi, et colabit eos quasi aurum et argentum, etc. Ce lieu est exposé d'une peyne purifiante par Origene, homil. 6 sur l'Exode, par saint Ambroise, sur le Psal. 36, par saint Augustin, livre 20 de la Cité de Dieu, chap. 25, et saint Hierosme, sur ce lieu.

  A001001539 

 Le feu par lequel l'architecte se sauve, ipse autem salvus erit, sic tamen quasi per ignem, ne se peut entendre d'autre que du feu de Purgatoire; car, quand lApostre dict qu'il se sauvera, il exclud le feu de l'enfer auquel personne ne se peut sauver, et quand il dict qu'il se sauvera par le feu, et qu'il parle de celuy seulement qui a suredifié le bois, la canne, le chaume, il monstre ne parler du feu qui precedera le jour du jugement, puysque par iceluy passeront, non seulement ceux qui auront suredifié de ces matieres legeres, mays encores ceux qui auront suredifié l'or, l'argent, etc..

  A001001539 

 Le jour du Seigneur duquel il est parlé, s'entend le jour du jugement, lequel en l'Escriture a accoustumé d'estre appellé jour du Seigneur; en Joël, 2, Veniet dies Domini, en Sophonie, 1, Juxta est dies Domini: puys, par ce qu'y est adjousté, dies Domini declarabit, car c'est a ceste journee la que se declareront toutes les actions du monde: en fin, quand l'Apostre dict, quia in igne revelatur, il monstre asses que c'est le dernier jour du jugement; en la seconde des Thessaloniciens, 1, I n revelatione Domini nostri Jesu Christi de cælo, cum Angelis virtutis ejus, in flamma ignis, au Ps.

  A001001540 

 37, saint Gregoire, Rupert et les autres y sont tout expres; et des Grecz, Origene, en l'homelie 6 sur Exode, Œcumene sur ce passage, ou il allegue saint Basile, et Theodoret rapporté par saint Thomas en l'opuscule premier, Contre les Grecz..

  A001001540 

 Toute ceste interpretation, outre ce qu'elle s'apparie tres bien avec le texte, est encores tres authentique pour avoir esté suivie, d'un commun consentement, par les anciens Peres.

  A001001541 

 On respond que c'est une elegante façon de parler par la confrontation de ces deux feux, car voicy le sens de la sentence: le jour du Seigneur sera esclairé par le feu qui le precedera, et comme ce jour la sera esclairé par le feu, ainsy ce mesme jour par le jugement esclaircira le merite et le defaut de chaque œuvre; et comme chaque œuvre sera esclaircie, ainsy les ouvriers qui auront ouvré avec imperfections seront sauvés par le feu du Purgatoire.

  A001001542 

 Il suffit que de ce passage on conclud ouvertement, que plusieurs qui prendront possession du royaume du Paradis passeront par le feu: or ce ne sera pas le feu d'enfer, ni le feu qui precedera le jugement; ce sera donques le feu de Purgatoire.

  A001001542 

 Je respons qu'il y a de la similitude en ce passage, car l'Apostre veut dire que celuy duquel les œuvres ne sont pas du tout solides, sera sauvé comme l'architecte qui s'eschappe du feu ne laissant pas pour cela de [372] passer par le feu, mays un feu d'autre calibre que n'est le feu qui brusle en ce monde.

  A001001542 

 On dira encores qu'il n'est pas dict qu'il sera sauvé par le feu, mays comme par le feu, et que partant on ne peut pas conclure le feu du Purgatoire en verité.

  A001001543 

 Et voyla quand aux lieux par lesquelz on peut remarquer qu'apres ceste vie il y a un tems et un lieu de purgation..

  A001001550 

 Cest argument est si bien faict, que pour y respondre nos adversaires nient l'authorité du Livre des [373] Machabees, et le tiennent pour apocriphe: mays a la verité ce n'est qu'a faute d'autre response; car ce Livre icy a esté tenu pour authentique et sacré par le Concile de Carthage 3, au canon 47, et par Innocent 1, en l'epistre ad Exuperium, et par saint Augustin, l. 18 de la Cité de Dieu, chap. 36, duquel voicy les paroles: Libros Machabæorum non Judæi sed Ecclesia pro canonicis habet, et le mesme saint Augustin, au l. 2 De doctrina Christiana, chap. 8, et Gelase, au decret des Livres canoniques qu'il fit en un Concile de 70 Evesques, et plusieurs autres Peres qu'il seroit long a citer.

  A001001552 

 La premiere, c'est qu'ilz disent la priere avoir esté faicte pour monstrer la bonne affection qu'ilz avoyent a l'endroit des defuncts, non pas qu'ilz pensassent les defuncts en avoir besoin; mays l'Escriture y contredict par ces paroles, ut a peccatis solvantur..

  A001001553 

 Ainsy l'Apostre prouve la resurrection des cors par l'immortalité de l'ame, quoy qu'il se peut faire que l'ame soit immortelle sans la resurrection des cors: voicy comme il y a, en la 1.

  A001001553 

 Ilz objectent que c'est un manifeste erreur de prier pour la resurrection des morts avant le jugement, car c'est presupposer, ou que les ames resuscitent et par consequent meurent, ou que les cors ne resuscitent pas si ce n'est par l'entremise des prieres et bonnes actions des vivans, qui seroit contre l'article, Credo resurrectionem mortuorum: or, que ces erreurs soyent presupposés en ce lieu des Machabees, il appert par ces paroles: nisi enim eos qui ceciderant resurrecturos speraret, superfluum videretur et vanum pro defunctis orare. On respond que en cest endroit ilz ne prient pas pour la resurrection ni de [374] l'ame ni du cors, mays seulement pour la delivrance des ames; en quoy ilz presupposoyent l'immortalité de l'ame, car, s'ilz eussent creu que l'ame fust morte avec le cors, ilz n'eussent point pris de soin de leur delivrance; et par ce que, parmi les Juifz, la creance de l'immortalité de l'ame et de la resurrection des cors estoient tellement jointes ensemble que qui nioit l'une nioit l'autre, pour monstrer que Judas Machabeus croyoit l'immortalité de l'ame il dict qu'il croyoit la resurrection des cors.

  A001001553 

 des Corinthiens, 15: Quid mihi prodest si mortui non resurgunt? comedamus et bibamus, cras enim moriemur; or il ne s'ensuivroit aucunement qu'il fallust s'abandonner ainsy, encores qu'il n'y eust point de resurrection, car l'ame qui demeureroit en estre souffriroit la peyne deùe aux pechés, et recevroit le guerdon des vertus; saint Pol donques, en cest endroit la, met en conte la resurrection des morts pour l'immortalité de l'ame, par ce que, de ce tems la, qui croyoit l'un croyoit l'autre..

  A001001556 

 De maniere qu'en l'ancienne Eglise la coustume estoit desja entre les saintes personnes, d'ayder par prieres et saintes actions les ames des trespassés, qui suppose clairement la foy d'un Purgatoire..

  A001001557 

 Il appert donques par ces paroles de saint Pol, que la priere, jeusne et autres saintes afflictions se faisoyent louablement pour les defuncts; or, ce [377] n'estoit pour ceux de Paradis, qui n'en avoyent besoin, ni pour ceux d'enfer, qui n'en pouvoyent recevoir le fruict, c'est donques pour ceux de Purgatoire: ainsy l'a exposé, il y a 1200 ans, saint Ephrem en son Testament, et les Peres qui ont disputé contre les Petrobusiens..

  A001001557 

 Ni ne faudroit pas dire que le baptesme duquel parle saint Pol soit seulement un baptesme de tristesses et de larmes, non de jeusnes, prieres et autres actions, car avec ceste intelligence sa conclusion seroit tres mauvaise: il veut conclure que si les morts ne resuscitent point, et si l'ame est mortelle, qu'en vain s'afflige l'on pour les morts; mais, je vous prie, n'auroit on pas plus d'occasion de s'affliger par tristesse pour la mort des amis s'ilz ne resuscitent point, perdant toute esperance de jamais les revoir, que s'ilz resuscitent? Il entend donques des afflictions volontaires que l'on faisoit pour impetrer le repos des defuncts, lesquelles sans doute on prattiqueroit en vain si les ames estoyent mortelles, ou que les morts ne resuscitassent point; en quoy il se faut souvenir de ce qui a esté dict cy dessus, que l'article de la resurrection des morts et celuy de l'immortalité de l'ame estoyent conjoincts tellement ensemble en la creance des Juifz, que qui advouoit l'un, advouoit l'autre, et que qui nioit l'un, nioit l'autre.

  A001001564 

 Certes, quand Nostre Seigneur eut dict a Pilate, Regnum meum non est de hoc mundo, en saint Jan, 18, Pilate fit ceste conclusion: Ergo Rex es tu? laquelle fut trouvee bonne par Nostre Seigneur, qui y consentit; ainsy quand il dict qu'il y a un peché qui ne peut estre pardonné en l'autre siecle, il s'ensuit tres bien, donques il y en a d'autres qui peuvent estre remis.

  A001001564 

 Il ne faut donques pas croire que saint Mathieu eust exprimé l'intention de Nostre Seigneur par ces paroles, neque in hoc sœculo neque in alio, si en l'autre il n'y peut avoir remission; on se moqueroit de celuy qui diroit, je ne me marieray ni en ce monde ni en l'autre, comme s'il entendoit qu'en l'autre monde l'on peut se marier.

  A001001564 

 Je sçay bien que nos adversaires taschent par diverses interpretations de parer a ce coup icy, mays il est si bien porté qu'ilz ne s'en peuvent eschapper; et de vray il vaut bien mieux avec les Peres anciens entendre proprement, et avec toute la reverence que l'on [379] peut, les paroles de Nostre Seigneur, que pour fonder une nouvelle doctrine les rendre grossieres et mal agencees.

  A001001564 

 Or, qu'il y ait des pechés qui se pardonnent en l'autre monde, nous le prouvons, premierement, par le passage de saint Mathieu, au 12.

  A001001565 

 Qui ne voit qu'en saint Luc 12, la comparaison est tiree non d'un homicide, ou de quelque criminel qui ne peut avoir esperance de son salut, mais d'un debiteur qui est mis en prison jusques a payement, lequel estant faict, incontinent il est mis dehors? Voicy donques l'intention de Nostre Seigneur: que, pendant que nous sommes en ce monde, nous taschions par la penitence et ses fruictz de payer, selon la puissance que nous en avons par le sang du Redempteur, la peyne a laquelle nos pechés nous ont obligés; puysque, si nous attendons la mort, nous n'en aurons pas si bon conte au Purgatoire, ou nous serons traittés a la rigueur..

  A001001566 

 Tout cecy semble avoir esté dict par Nostre Seigneur mesme en saint Mathieu, 5, quand il dict: Qui irascitur fratri suo, reus erit judicio, qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio, qui dixerit fatue, reus erit gehennæ ignis. Icy il s'agit de la peyne qu'on doit recevoir par le jugement de Dieu, comme il appert par ces paroles, reus erit gehennæ [381] ignis; et neanmoins il n'y a que la troisiesme sorte d'offense qui soit punie par l'enfer; donques au jugement de Dieu, apres ceste vie, il y a des autres peynes, qui ne sont pas eternelles ni infernales; ce sont les peynes de Purgatoire.

  A001001567 

 Ainsy est exposé ce passage par saint Ambroise, et par saint Augustin, [382] l. 21 de la Cité de Dieu, chap. 27; mais la parabole de laquelle use Nostre Seigneur est trop claire pour nous laisser douter de ceste interpretation, car la similitude est prise d'un econome lequel, estant desmis de son office et appauvri, demandoit secours a ses amis, et Nostre Seigneur apparie l'estre desmis a la mort, et le secours demandé aux amis, a l'ayde que l'on reçoit, apres la mort, de ceux auxquelz l'on a faict l'aumosne; ceste ayde ne se peut recevoir par ceux qui sont en Paradis ou en enfer, c'est donques par ceux qui sont en Purgatoire..

  A001001577 

 1, can. Visum est, au Concile d'Orleans 2, c. 14; en Allemagne, au Concile Wormatiense, c. 80; en [384] Italie, au Concile 6 sous Symmachus; en Grece, comme on peut voir en leurs Sinodes recueillies par Martin Bracarense, c. 69: et par tous ces Conciles vous verres que l'Eglise tient pour authentique la priere pour les trespassés, et par consequent le Purgatoire.

  A001001577 

 Et par apres, ce que par parties elle avoit defini, elle l'a defini en son cors general, au Concile de Latran sous Innocent 3, c. 66, au Concile de Florence, ou se trouverent toutes nations, sess.

  A001001584 

 Mays cecy ne faict rien a nostre propos, car il est vray que saint Augustin dict qu'on peut douter du feu et de la qualité d'iceluy, mays non pas du Purgatoire: or, soit que la purgation se face ou par feu ou autrement, soit que le feu aye mesmes qualités que celuy d'enfer ou non, si est ce quil ne laysse pas d'y avoir une purgation et un Purgatoire; il ne met pas donques en doute le Purgatoire, mais la qualité d'iceluy; ce que ne nieront jamais ceux qui verront comm'il en parle au c. 16 et 24 du mesme Livre de la Cité, et au livre De cura pro mortuis agenda, et en mille autres lieux.

  A001001584 

 Mays comment est ce que les Peres n'ont pas creu a bon escient le Purgatoire, puysqu'Aerius, comme j'ay dict cy devant, a esté tenu pour hæretique par ce qu'il le nioyt? C'est pitié de voir l'audace avec laquelle Calvin traitte saint Augustin par ce quil pria et fit prier pour sa mere, sainte Monique, et pour tout prætexte apporte que saint Augustin, l. 21 Civit., c. 26, semble douter du feu de Purgatoire.

  A001001584 

 Tous les anciens Peres l'ont creu, et attesté que c'estoit la foy Apostolique; voicy les autheurs que nous en avons: entre les disciples des Apostres, saint Clement et saint Denis; apres, saint Athanase, saint Basile, saint Gregoire Nazianzene, Ephrem, Cyrille, Epiphane, Chrysostome, Gregoire Nyssene, Tertullien, Cyprien, Ambroise, Hierosme, Augustin, Origene, Boece, Hilaire, c'est a dire, toute l'antiquité, mesme devant douze centz ans que tous ces Peres ont vescu: desquelz il m'eust esté tres aysé d'apporter les tesmoignages, qui sont recueillis exactement es livres de nos Catholiques, au livre de Canisius, en son Catechisme, de Sanderus, De visibili Monarchia, de Genebrard, en sa Chronologie, de Bellarmin, en sa Controversie du Purgatoire, de Stapleton, en son Promptuaire; mays sur tous qui voudra voir au long et fidellement cités les passages des Peres anciens, quil prenne en main l'œuvre de Canisius reveu par Busæus.

  A001001584 

 § 10, ou il dict ainsy: Ante 1300 annos usu receptum fuit ut precationes fierent pro defunctis, et par apres adjouste: sed omnes, fateor, in errorem abrepti fuerunt; nous n'avons donq que faire de chercher le nom et le lieu des anciens Peres pour prouver le Purgatoire, puysque, pour se mettre en conte, Calvin les met en zero.

  A001001590 

 12, de laquelle Nostre Seigneur dict que les hommes reddent rationem in die judicii; il en faut rendre conte; l'autre merite le conseil, c'est a dire merite qu'on delibere s'il sera condamné ou non (car Nostre Seigneur s'accommode a la façon de parler des hommes); le 3 me seul est celluyla qui sans doute infalliblement sera damné: donques le p r et le 2 d sont pechés qui ne rendent [388] pas l'homme coulpable de la mort æternelle, mais d'une correction temporelle; et partant si l'homme meurt avec iceux, par accident ou autrement, il faut quil subisse le jugement d'une peyne temporelle, moyennant laquelle son ame estant purgëe il ira au Ciel avec les Heureux.

  A001001590 

 Voicy deux invincibles raysons du Purgatoire: la 1., il y a des pichés legers au pris des autres et qui ne rendent pas l'homme coulpable de l'enfer; si donq l'homme meurt en iceux que deviendra il? le Paradis ne reçoit rien de souillé, Apoc. 21, l'enfer est une trop criminelle peyne, il n'est pas deu a son piché; il faut donques advouer quil arrestera en un Purgatoire, ou estant bien esmondé il ira par apris au Ciel.

  A001001590 

 c.: Qui irascitur fratri suo, reus erit judicio; qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio; qui dixerit fatue, reus erit gehennæ ignis. Qu'est ce, je vous prie, d'estre coulpable de gehenne du feu, sinon estre coulpable de l'enfer? or ceste peyne n'est deüe qu'a ceux qui appellent fatue: ceux qui montent en cholere et ceux qui expriment leur cholere par parole non injurieuse et diffamatoire, ne sont pas en mesme rang; ains l'un merite le jugement, c'est a dire, que sa colere soit mise en jugement, comme la parolle oyseuse, Mat.

  A001001591 

 rayson est qu'apres le pardon du peché demeure en partie la peyne deiie a icelluy, comme par exemple, 2.

  A001001602 

 Les personnes qui ont reconnu ces escris sont: Monsieur le Marquis de Lulin, gouverneur de la province de Chablays, laquelle province est une des provinces converties par le grand François de Sales, le R. P. Prieur des Chartreux de Ripaielle, Monsieur Serafin, channoinne de S t Pierre de Genaive, agé de 80 annés, Monsieur Jannus, Prieur de Brans en Chablays, Monsieur Gard, channoinne de Notre Dame de l'eglisse Collegialle d'Annessi, Monsieur François Favre, qui a servi de cambrier 20 annés le dit Serviteur de Dieu.

  A001001616 

 Je le declaire par ce que j'ay veu ledict Bien-heureux diverses fois et de ses escripts.

  A001001641 

 Par commandement du dict Seigneur,.

  A001001648 

 En foy de quoy nous avons dicté la presente declaration a nostre secretaire, par nous signée, et par luy contresignée, et sellée de nos Armes..

  A001001648 

 Nous, François Delapesse Viallon, Seigneur dudit lieu, des Serrieres et de Sainct Marcel, prestre, Docteur es Droictz, Conseiller de S. A. R. et Maistre ordinaire en la Souveraine Chambre des Comptes de Savoye, Declarons avec serment, avoir veu soigneusement le traicté de la Primauté de sainct Pierre et des Marques de la vraye Esglise, contenant quinze cayers en feuillies; les douze premiers desquels sont tous escriptz de la main du Venerable Evesque de Geneve, François De Sales, que nous estimons Bienheureux, sauf le respect que nous devons au Sainct Siege, et les trois derniers sont escriptz par un sien secretaire dont nous ne recognoissons pas l'escriture, mais seulement qu'en divers endroitz il y a de la main dudit Venerable Prelat, par continuation ou correction.

  A001001667 

 De plus, avoir veu trois aultres cayers escripts par aultre main, sauf trois pages bien par nous recogneues estre escriptes par la main dudict feu Reverendissime Evesque, lesquels cayers traictent aussy desdictes controverses.

  A001001677 

 De plus, avoir veu trois aultres cayers escripts par aultre main, sauf trois pages par nous recognues estre escriptes par la main dudict feu Reverendissime Evesque, lesquels cayers traictent aussi desdites controverses.

  A001001687 

 Attestons encor avoir veu trois autres cayers escritz par autre main que la siene, a la reserve de trois pages par nous reconues avoir esté escriptes par la propre main du dict François De Sales, lesquelz cayers traictent aussy de semblables controverses contre les heretiques.

  A001001722 

 Je sous signé, Atteste, qu'en l'année 1658, feu Monsieur l'Evesque de Genéve, Charles Auguste de Sales, mon frere, faisant sa visite dans la parroisse de la Thuille, trouva dans nostre chasteau dudit lieu, sous les ruines d'une vieille archive, un petit coffre de sappin fort simple, dans lequel Saint François de Sales, mon oncle, avoit mis les Lettres et autres papiers du Pape, des Nonces et des Princes, concernant sa Mission Apostolique pour la conversion du Chablais, et entr'autres plusieurs cayers écrits de la main du Saint, des matieres de controverses et refutation des erreurs de Calvin, et que le Bien-heureux faisoit imprimer en feüilles volantes, et les distribuoit toutes les semaines secretement dans les familles, pour les instruire des veritez de nostre sainte Foy, d'autant qu'il estoit deffendu par les ministres et Seigneurs heretiques, à tout le peuple, d'aller oüyr le predicateur Apostolique-Romain.

  A001001722 

 L'Escrit susdit fut reconnu et attesté par les anciens parents et amis du B. Saint François de Sales, qui connoissent tres bien son caractere, et moy mesme l'ay tenu et reconnu; l'original en fut envoyé, par plus grand respect et témoignage de verité, à nostre Saint Pere Alexandre VII, et luy fut presenté par le Reverend Pere André de Chaugy, Religieux Minime, Procureur de la Cause de la Canonisation de Saint François de Sales, apres neantmoins en avoir fait tirer une coppie deuëment et fidellement collationnée sur l'original, pour la faire [398] imprimer aprés avoir pris le soin requis en tel cas pour la distinction des chapitres et autres choses.

  A001001733 

 En effet, entre autres papiers tres-authentiques, il s'y rencontra quelques cahiers, petit in folio, tous escrits de la propre main dudit Saint François de Sales, et d'autres de main estrangere, mais corrigez et annotez par luy, par lesquels cayers il fut reconnu que c'estoit des traittez de controverse, composés par ce grand Saint au temps de sa Mission dans le Chablais, et qu'il distribuoit par feuilles aux peuples, apres que les magistrats heretiques leur eurent fait deffence d'aller aux predications du Papiste Romain; lequel traitté fut inseré entre les Actes dudit procez et produit dans ladite partie de la compulsation, pour que la Cour de Rome y eust tel égard que de raison, comme un ouvrage tres-excellant pour la deffense de la Sainte Eglise Romaine.

  A001001733 

 En foy de quoy j'ay signé le present escrit, à Paris, ce 31 May 1669, et aposé le petit cachet ordinaire permis par ma Régle..

  A001001733 

 J'ay eu l'honneur de le tenir, de le faire inserer esdits Actes dudit Procez Remissorial, et outre ce, d'en faire extraire une coppie fidelle, pour estre un jour donnée au public, ainsi qu'il a esté par moy reconnu.

  A001001733 

 La compulsation et production en estant faite, il fut jugé à propos d'en envoyer l'original à nostre Saint Pere le Pape Alexandre VII, aprés toutes fois en avoir fait attester et reconnoistre la verité du caractere, par personnes celebres, et contemporains dudit Saint François de Sales, qui furent: le sieur de Blancheville, Premier President du Senat de Chambery, ledit Seigneur Charles Auguste de Sales, son neveu, les sieurs Jay et Bébin, Officiaux et Grands Vicaires de [399] l'Evesché de Genéve, et autres; et il est tres-vray qu'il fut reconnu estre de la composition et propre écriture dudit Saint François de Sales.


02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html
  A002000022 

 Chapitre V. Preuve quatriesme: par autres passages de l'Escriture.

  A002000023 

 Chapitre VI. Preuve cinquiesme: Preuve cinquiesme: par le sousterrement et conservation de la Croix 25.

  A002000026 

 Chapitre IX. De la vertu de la Croix tesmoignee par les Anciens: preuve huitiesme.

  A002000027 

 Chapitre X. De l'honneur de la Croix tesmoigné par les Anciens: preuve neufviesme.

  A002000041 

 Chapitre XIII. Combien l'on doit priser la Croix par la comparaison d'icelle avec le Serpent d'airain.

  A002000042 

 Chapitre XIV. De la punition de ceux qui ont injurié l'image de la Croix, et combien elle est haïe par les ennemis de Jesus Christ.

  A002000087 

 Par un confrere d'Annessi 151.

  A002000098 

 L'enfer qui n'a pas asses de charbon ni de fumee pour la noircir, produit neanmoins par fois quelques uns de ses barbouillés, qui, voilés du beau manteau de l'Escriture, jettent devant les yeux des simples gens certains brouïllartz de divers discours, pour faire paroistre au travers d'iceux ceste sainte Croix aussi noire et souille qu'elle fut onques.

  A002000098 

 La Croix aussi estoit de soy toute couverte d'ignominie, et signe infortuné de malediction; mays des lhors que Pilate, estant indubitablement touché d'en haut, comme a remarqué saint Ambroise, eut mis sur icelle l'inscription sacree, Jesus Nazarenus Rex Judæorum, elle fut rendue toute sainte et venerable par ce tiltre asseuré de son annoblissement.

  A002000098 

 Lhors les noires marques de son infamie furent du tout effacees par le sang sacré de l'Aigneau, [1] auquel ayant trempé la premiere elle en est demeuree pour jamais claire et blanche: comme font les estoles des Bienheureux, qui n'ont tiré leur blancheur que de ce — mesme vermeil.

  A002000098 

 Son desseinest de combattre pour l'honneur de la Croix blanche, qui est l'enseigne que Dieu a pieça confiee a la serenissime mayson de Savoye, a laquelle si la valeur chrestienne des devanciers n'eust acquis ce bon heur, il luy seroit meshuy tres justement deu, pour le saint zele que Vostre Altesse a tous-jours eu a la sainte foy et a la memoire de la Croix: mays particulierement quand elle a procuré si vivement, quoy que tres doucement, le restablissement de la Religion Catholique en ses balliages de Thonon et Ternier, se baignant dans un saint ayse d'y voir par tout replanter les saintz Estendartz de salut.

  A002000124 

 Autant en fait l'Eglise icy bas, par ces solemnelles conclusions de tous ses [6] offices: Gloire soit au Pere, au Filz et au Saint Esprit.

  A002000124 

 C'est ce que font eternellement les Bienheureux la haut, jettans leurs couronnes aux piedz de Celuy qui est assis au throsne, avec ceste reconnoissance: O Seigneur, nostre Dieu, vous estes digne de prendre la gloire, l'honneur et la vertu; car vous aves tout créé, et tout est et a esté créé par vostre volonté.

  A002000124 

 C'est donques la seule creature intelligente qui est chargee de rendre a Dieu et payer le devoir d'honneur qui luy est deu par toute creature.

  A002000124 

 L'honneur et gloire ne logent pas parmi les creatures pour y sejourner et vivre, mays seulement par maniere de passage: leur propre domicile c'est la divinité, comme aussi c'est le lieu de leur naissance.

  A002000124 

 L'univers et chaque piece d'iceluy, pour petite qu'elle soit, a ce commun devoir d'honnorer son Createur, dequoy les Saintz les somment et sollicitent si souvent et si chaudement par tant d'exhortations et cantiques, que leurs livres en sont pleins; mais la façon de faire cest hommage est differente.

  A002000124 

 Les creatures intelligentes le font en leur propre personne; tout le reste le fait par l'entremise des intelligences, comme par leurs procureurs.

  A002000125 

 Pour vray, ces verités sont si evidentes et asseurees qu'elles n'ont besoin que d'estre bien entendues; car faudroit-il refuser de faire honneur aux peres et meres, aux roys et magistratz, pour dire que toute gloire et honneur appartient a un seul Dieu? L'honneur de Dieu seroit deshonnoré par cest honneur, et ce respect offenseroit sa jalousie.

  A002000126 

 Ilz rendent tout honneur a Dieu, parce, disent-ilz, qu'il a tout creé et que tout est par sa volonté.

  A002000126 

 Mais je remarque au contraire: que c'est trop retrancher de l'honneur deu a Dieu, d'en lever le civil et politique; car si la rayson avancee par les Bienheureux est raysonnable, pour vray, non seulement tout honneur religieux, mays aussi tout honneur politique doit estre rendu a Dieu seul.

  A002000126 

 Or, je vous prie, Dieu est-il pas l'autheur et principe de l'ordre politique? Les roys regnent par luy... et par luy les princes maistrisent.

  A002000126 

 Quelle exemption donques peut avoir l'ordre politique et civil, par laquelle tout son honneur ne doive estre rendu a Dieu, puysqu'il en prend son origine?.

  A002000127 

 Cependant saint Paul n'est pas de cest advis: Soyes sujetz, dit-il, par la necessité, non seulement pour l'ire, mais aussi pour la conscience.

  A002000128 

 Car, comme les magistratz politiques president es choses civiles, aussi font les pasteurs es ecclesiastiques; et le mot de pasteur porte aussi bien son respect que celuy de roy, quoy que ce ne soit par l'ordre politique..

  A002000128 

 Nous devons honneur et respect aux superieurs ecclesiastiques, quelz qu'ilz soyent; et quel honneur peut-ce estre sinon religieux et conscientieux, puysque la qualité pour laquelle on les honnore n'a autre [9] cause ni sujet que la religion et conscience? Les offices et maistrises ecclesiastiques sont toutes autres que les politiques; elles tendent a diverses fins et par divers moyens.

  A002000129 

 Disons un mot de l'honneur deu aux Saintz: quelle condition defaut-il aux habitans de ceste heureuse Hierusalem pour ne devoir estre honnorés par nous autres mortelz? Pour vray, le moindre d'eux excelle de beaucoup le premier d'entre nous (comme Nostre Seigneur dit de saint Jean); ilz sont nos superieurs couronnés de gloire, constitués sur tous les biens de leur Seigneur, amis indubitables et plus proches courtisans d'iceluy, qui partant nous doivent estre tres honnorés aussi bien qu'a David.

  A002000129 

 Ilz sont nos citoyens et patriottes, jointz avec nous par beaucoup plus de charité que nous ne sommes entre nous autres.

  A002000129 

 On ne peut invoquer celuy avec lequel on n'a point d'accointance ni de commerce, ou qui ne nous entend pas; mays on le peut bien aymer, par consequent honnorer, car l'un ne va pas sans l'autre.

  A002000130 

 Voyla le dire de mon ennemy asses desfait: je vay maintenant proposer la verité par ordre.

  A002000133 

 Ilz ne luy portent pas l'honneur qu'ilz tiennent de luy, mais le luy rapportent par le moyen d'un autre infiniment plus grand qu'ilz luy portent, le reconnoissans pour leur principe et createur.

  A002000141 

 Or je dis de plus, que non seulement on peut donner honneur et gloire a Dieu seul et tout ensemble a quelque creature, comme a la Croix, mays que pour bien rendre a Dieu l'honneur qui luy est deu il est force d'honnorer religieusement quelques creatures, et particulirement la Croix; c'est a dire que pour bien honnorer Dieu, non seulement l'on peut, mais l'on doit honnorer la Croix: et c'est l'autre fondement de ma Defense, lequel se prouvera par beaucoup de raysons particulieres, mais en voyci la source et l'origine..

  A002000142 

 Et saint Jean, au contraire, par l'estat qu'il fait d'une des moindres appartenances de Nostre Seigneur, monstre combien il en honnoroit la personne.

  A002000142 

 L'honneur doit estre mesuré par son objet qui est la perfection et excellence; mays plus une excellence est parfaitte, ou une perfection excellente, plus elle se communique a tout ce qui luy appartient ou depend d'elle; plus donques un honneur est excellent, plus s'estend-il et communique a toutes les appartenances de son objet.

  A002000142 

 Mays le plus excellent honneur est celuy par lequel on honnore tant une chose, que pour son respect on honnore encor toutes ses appartenances et dependances, selon les degrés qu'elles tiennent en ce rang.

  A002000143 

 Voyes-vous comme l'accroissement de la foy et de l'honneur de Jesus Christ fait croistre l'honneur et [14] estime de ses Saintz et de ce qui depend d'eux? Ainsy saint Gregoire de Tours voulant raconter un miracle que je reciteray ci apres, il y fait ceste preface: « En ce tems ci Jesus Christ est aymé d'une si grande dilection par une entiere foy, que de celuy, la loy duquel les peuples fidelles retiennent es tables de leur cœur, ilz en affigent aussi par les eglises et maysons l'image, peinte en des tableaux visibles, pour une remembrance de vertu.

  A002000144 

 C'est bien une autre philosophie que celle des novateurs qui, pour mieux honnorer Jesus Christ, selon leur advis, rejettent les croix, images, reliques et autres appartenances d'iceluy, ne voulans qu'aucun honneur leur soit donné, par ce, disent-ilz, que Dieu est jaloux.

  A002000144 

 Mays quelle jalousie pourroit avoir le soleil ou le feu de voir qu'on tint pour plus lumineux et chaud ce qui les approcheroit de plus pres? Ne se tiendroyent-ilz pas pour beaucoup plus mesprisés si l'on disoit le contraire, les privans de la vigueur qu'ilz ont de respandre et communiquer leurs belles qualités? Aussi, tant s'en faut que Dieu soit jaloux si l'on attribue quelque vertu excellente ou sainteté, et par consequent quelque honneur, aux creatures, que plustost seroit-il jaloux si on la leur levoit, puysque on le priveroit d'une des principales proprietés de sa bonté, qui est la communication.

  A002000144 

 Or, seroit-ce refuser a Dieu l'honneur et l'amour qui luy est deu, si on ne l'aymoit et honnoroit si parfaitement, que par la l'on n'aymast et honnorast encores toutes les choses qui luy appartiennent, chacune en son rang et degré.

  A002000144 

 Par contraire rayson, ce seroit offenser Dieu et sa [16] jalousie, qui priseroit, aymeroit ou honnoreroit autre chose que sa divine Majesté d'honneur egal et pareil a celuy qui luy est deu; comme le sujet et vassal offenseroit son souverain, de prester fidelité et hommage, de mesme sorte et façon que celle qu'il luy doit, a quelque autre seigneur ou prince..

  A002000145 

 Mais l'Eglise cheminant par le droit milieu de la vente, sans pencher ni a l'une ni a l'autre des extremités, donne a Dieu un honneur supreme, souverain et unique; fertile neanmoins et fecond, et qui en produit plusieurs autres pour les choses saintes et sacrees, qui est contre les schismatiques et contre les payens et idolatres.

  A002000146 

 J'ay voulu prendre l'air de mon discours de si loin pour bien descouvrir l'estat et le vray point du different que j'ay avec l'autheur du petit traitté contre lequel je fais ceste Defense, lequel a mon advis est cestuy cy: Si ainsy est que la Croix soit une appartenance religieuse de Jesus Christ, luy doit-on attribuer quelque honneur [17] ou vertu dependante et subalterne? Et par les fondemens generaux que j'ay jettés cy devant il appert asses de la verité de la foy Catholique touchant ce point; et neanmoins, toute ceste Defense n'est employee a autre qu'a la confirmer et faire des preuves particulieres de cest article: Qu'il faut attribuer honneur et vertu a la Croix..

  A002000153 

 Si ay-je quelquefois rompu mon chemin pour rechercher mon adversaire par tout ou il s'alloit desrobbant devant la verité.

  A002000154 

 II. Je proteste aussi que si j'eusse jugé les simples gens qui sont deceuz ou nourris en leurs abus par le traitté de mon adversaire et autres semblables, autant.

  A002000156 

 Qu'il faut « concevoir la toute-puissance de Dieu par ce qui nous apparoist de la volonté d'icelui, suivant ce qui est dit au Pseaume: Dieu a fait tout ce qu'il a voulu.

  A002000156 

 » Pour Dieu, quel blaspheme, que Dieu ne puisse sinon ce qu'il a declairé vouloir; mays au contraire, Dieu n'a onques declairé qu'il voulust qu'un chameau entrast par le trou d'une aiguille, ou que les enfans d'Abraham fussent suscités des pierres, et toutefois il le peut faire, ainsy que l'Escriture temoigne.

  A002000157 

 C'est donq le mesme de dire que Jesus Christ a beu la couppe de l'ire de Dieu et a souffert des peynes infinies, et dire qu'il a eu crainte pour le salut de son ame: or la crainte presuppose probabilité en l'evenement du mal que l'on craint: si donques Nostre Seigneur eut crainte de son salut, il eut par consequent probabilité de sa damnation.

  A002000160 

 Je sçay qu'un bon excusant pourroit tirer toutes ces propositions a quelque sens moins inepte que celuy qu'elles portent de prime face, mais il feroit tort au traitteur qui l'entend comme il le dit; et n'est pas raysonnable que l'on reçoive a aucune sorte d'excuse celuy, lequel va pinçant par le menu tous les motz des hymnes et oraisons ecclesiastiques, pour les contourner a mauvais sens, contre la manifeste intention de l'Eglise.

  A002000163 

 Il fait dire au placquart que saint Athanase a escrit « que Dieu a fait predire le signe de la Croix par Ezechiel; » chose fausse..

  A002000169 

 Mais est-il pas playsant quand il attribue une certaine vieille rime françoise aux Heures de l'usage de [24] Rome? Pour vray, un si grand nombre d'impertinences manifestes, avec cent autres telles (que je n'ay voulu cotter par le menu), en si peu de besoigne comme est le traitté, me fait croire que l'autheur ne peut estre sinon quelque arrogant pedant, ou quelque ministre hors d'haleyne et morfondu, ou si c'est quelque homme d'erudition, la rage et passion luy en aura levé l'usage; et de vray il fit ceste besoigne fort a la haste, et ne se bailla gueres de loysir apres la sortie des placquars..

  A002000170 

 Estans arrivés au lieu destiné, et le saint Estendart arboré, le Reverend Pere Esprit de Baumes (lequel avec le Pere Cherubin de Maurienne et le Pere Antoyne de Tournon, Capucins, faisoyent les predications des Quarante Heures), estant monté pres de la croix, fit une bonne et courte remonstrance touchant l'honneur et erection des croix, après laquelle l'on distribua plusieurs feuilles imprimees, sur le mesme sujet, dressees par quelque bon religieux.

  A002000170 

 Or il la propose luy mesme en ceste sorte: « Necessité nous est imposee de parler de l'abus insupportable commis touchant la Croix, afin que tous apprennent comment il se faut munir contre le poison de l'idolatrie que le diable vient à vomir derechef en ce temps et en ce voisinage, se servant du bastellage de certains siens instrumens qui, et par paroles et par escrits, taschent à rebastir l'idolatrie, comme les murs de Jericho qui par la voix des trompettes de Dieu sont tombez, dés bon nombre d'annees en ces quartiers.

  A002000171 

 C'est cela qui l'eschauffa a faire ce beau traitté, voyant que non seulement les paroles et les escritz, mays aussi ces grans exemples de pieté dissipoyent les nuages et brouillas que ceux de son parti avoyent opposés a la blanche clairté de la Croix pour en empescher la vraye veuë, et a cuydé pouvoir encor troubler l'air et offusquer les yeux des simples gens par son traitté.

  A002000171 

 Cependant c'est une imposture ce que dit le traitteur, l'honneur et reverence de la Croix (qu'il nomme faussement idolatrie) avoir esté abattue au lieu ou ces Quarante Heures furent celebrees et ces placquars divulgués, car l'exercice Catholique y a tousjours esté maintenu a la barbe de l'heresie, avec un aussi grand miracle comme est celuy par lequel Dieu contient le vaste et fluide element de l'eau dedans les bornes et limites qu'il luy a assignees, qui ne se peuvent outrepasser.

  A002000172 

 Or je me nomme au contraire, non pour l'obliger a aucun respect (car a l'adventure que le rang [27] auquel je suis en ceste Eglise Cathedrale le mettra en humeur de me traitter plus mal), mais affin que s'il est encor a Geneve, d'ou son traitté est sorti, il sçache ou il trouvera son respondant s'il a quelque chose a demesler avec luy touchant ce different; l'asseurant qu'il ne me trouvera jamais que très bien affectionné a son service par tout ou il ne sera pas mal affectionné au Crucifix et a la Croix.

  A002000173 

 Au reste c'est a vous, Messieurs mes Confreres, que j'addresse mon advertissement, non que je ne souhaitte qu'il soit leu de plusieurs autres, mais, parce que vous vous estes dediés par une particuliere devotion a l'honneur du tres saint Crucifix et de sa Croix, vous estes aussi obligés de sçavoir plus particulierement rendre conte et rayson de cest honneur.

  A002000174 

 Si trouveres-vous encor icy quelques belles pieces de poesie et versions des vers des anciens Peres que je cite, lesquelles sont parties de la main de Monsieur nostre President de Genevois, AntoyneFavre, l'une des plus riches ames et des mieux faittes que nostre aage ayt portées, et qui par une rare condition sçait extremement bien assortir l'exquise devotion dont il est animé avec la singuliere vigilance qu'il a aux affaires publiques.

  A002000175 

 Combattons, Messieurs, tous ensemble sous la tres [29] sainte enseigne de la Croix, non seulement crucifians la vanité des raysons heretiques par l'opposition de la sainte et saine doctrine, mais crucifians encor en nous le viel Adam avec toutes ses concupiscences: affin que renduz conformes a l'image du Filz de Dieu, lhors que cest Estendart de la Croix sera planté sur les murailles de la Hierusalem celeste, en signe que toutes les richesses et magnificences d'icelle seront exposees au butinement de ceux qui auront bien combattu, nous puissions avoir part a ces riches despouïlles que le Crucifix promet pour recompense a la violence de ses soldatz, qui est le bien de l'heureuse immortalité.

  A002000185 

 Donques le mot de croix, selon l'usage des Chrestiens, signifie par fois les peynes et travaux necessaires pour obtenir le salut, comme au lieu que je viens de citer; par fois aussi, il signifie une certaine sorte de supplice duquel on chastioit jadis les plus infames malfaiteurs; et autres fois, l'instrument ou gibbet sur lequel ou par lequel on exerçoit ce tourment.

  A002000185 

 La croix et son nom estoit horrible et funeste, jusqu'à ce que le Filz de Dieu, voulant mettre en honneur les peynes et travaux et le crucifiement, sanctifia premierement le nom de croix, si que en l'Evangile il se trouve presque par tout en une signification honnorable et religieuse: Qui ne prend sa croix, disoit-il, et ne vient apres moy, n'est pas digne de moy.

  A002000186 

 Si que, voulant monstrer que les passages des anciens Peres cités es placquars ne sont pas bien entenduz, il parle en ceste sorte: « Quelques passages des Anciens y sont alleguez, mais hors et bien loin du sens des autheurs; car, quand les Anciens ont parlé de la Croix, ils n'ont pas entendu de deux pieces traversantes l'une sur l'autre, ains du mystere de nostre redemption, dont le vray sommaire et accomplissement a esté en la Croix, mort et passion de Jesus Christ; et cest equivoque ou double signification de croix, n'estant apperceuë par les sophistes, fait qu'ils errent et font errer.

  A002000188 

 Et c'est ce que saint Pol enseigne, quand il ne veut que personne s'attribue l'honneur pastoral sinon celuy qui est appelle de Dieu, comm'Aaron: car la vocation d'Aaron fut faitte par l'ordinaire, Moyse, si que Dieu ne mit pas sa sainte parole en la bouche de Aaron immediatement, mays Moyse, auquel Dieu fit ce commandement: Parle a luy, et luy metz mes paroles en sa bouche; et je seray en ta bouche et en la sienne. Que si nous considerons les paroles de saint Pol, nous apprendrons mesme, 5.

  A002000188 

 Et comment? immediatement et mediatement tout ensemble: immediatement, en son Baptesme et en sa Transfiguration, avec ceste voix: Cestuyci est mon Filz bien aymé auquel j'ay pris mon bon playsir, escoutes le; mediatement, par les [33] Prophetes, et sur tout par David es lieux que saint Pol cite a ce propos des Psalmes: Tu es mon Filz, je t'ay engendré aujourdhuy, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedec.

  A002000188 

 Et par tout la vocation est perceptible: la parole en la nuëe fut ouÿe, et en David ouÿe et leüe; mais saint Pol, voulant monstrer la vocation de Nostre Seigneur, apporte les passages seulz de David, par lesquelz il dict Nostre Seigneur avoir esté clarifié de son Pere, se contentant ainsy de produyre le tesmoignage perceptible, et faict par l'entremise des Escritures ordinaires et des Prophetes receuz..

  A002000188 

 Nostre Seigneur mesme, qui estoit le Maistre, ne voulut il pas estre receu de Simeon qui estoit prestre, comm'il appert en ce quil benit Nostre Dame et Joseph, par Zacharie prestre, et par saint Jan; et mesmes pour sa Passion, qui estoit l'execution principale de sa mission, ne voulut il pas avoir le tesmoignage prophetique du grand Prestre qui estoit pour lhors? 4.

  A002000188 

 que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech. Je vous prie, penses a ce trait.

  A002000188 

 « Que par le sang de la Croix de Christ nostre paix a [32] sans scrupule? c'estoit bien recevoir sa mission a bon escient.

  A002000189 

 Et de vray, si l'extraordinaire devoit abolir l'ordinaire, comment sçaurions nous quand, a qui, et comment, nous nous y devrions ranger? Non, non, l'ordinaire est immortelle pendant que l'Eglise sera ça bas au monde: Les pasteurs et docteurs quil a donnés une fois a l'Eglise doivent avoir perpetuelle succession, pour la consummation des Saintz, jusques a ce que nous nous rencontrions tous en l'unité de la foy, et de la connoissance du Filz de Dieu, en homme parfaict, a la mesure de l'aage entiere de Christ; affin que nous ne soyons plus enfans, flotans et demenés ça et la a tous vens de doctrine, par la piperie des hommes et par leur rusëe seduction.

  A002000189 

 Voyla le beau discours que faict saint Pol, pour mons trer que si les docteurs et pasteurs ordinaires n'avoient perpetuelle succession, ains fussent sujetz a l'abrogation des extraordinaires, nous n'aurions aussi qu'une foy [34] et discipline desordonnee et entrerompue a tous coupz, nous serions sujetz a estre seduictz par les hommes qui a tous propos se vanteroyent de l'extraordinaire vocation, ains, comme les Gentilz, nous cheminerions (comme il insere apres) en la vanité de nos entendemens, un chacun se faysant accroire de sentir la motion extraordinaire du Saint Esprit: dequoy nostre aage fournit tant d'exemples, que c'est une des plus fortes raysons qu'on puysse præsenter en cest'occasion; car, si l'extraordinaire peut lever l'ordinair'administration, a qui en laisserons nous la charge? a Calvin, ou a Luther? a Luther, ou au Pacimontain? au Pacimontain, ou a Blandrate? a Blandrate, ou a Brence? a Brence, ou a la Reyne d'Angleterre? car chacun tirera de son costé ceste couverte de la mission extraordinaire.

  A002000196 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaique, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A002000197 

 Il y en avoyt en Ramatha, en Bethel, en Hiericho ou Elisëe habita, en la montaigne d'Ephraim, en Samarie; Elisëe mesme fut oint par Helie; la vocation de Samuel fut recogneüe et advouëe par le grand Prestre, et en Samuel recommença le Seigneur a s'apparoistre en Silo, comme dict l'Escriture, qui [36] faict que les Juifz tiennent Samuel comme fondateur des congregations prophetiques.

  A002000197 

 On pense que toutes les vocations des Prophetes ayent esté extraordinayres et immediates: chose fause; car il [y] avoit des colleges et congregations de Prophetes reconneuz et advoüés par la Sinagogue, comme on peut recueillir de plusieurs passages de l'Escriture.

  A002000200 

 Mays si quelquefois ilz ont faict chose qui eut quelque visage d'extraordinaire pouvoir, incontinent les miracles se sont ensuyvis: tesmoin Elie, qui dressant un autel en Carmel selon l'instinct quil en avoit eu du Saint [37] Esprit, et sacrifiant, monstra par miracle quil le faisoit a l'honneur de Dieu et de la religion Juifve..

  A002000202 

 .. Le bon enfant Samuel, humble, doux et saint, ayant esté apellé par trois fois de Dieu, pensa tousjours que ce fut Heli qui l'eut appellé, et a la 4 me seulement s'addressa a Dieu, comm'a celuy qui l'appeloit.

  A002000202 

 Il a semblé par trois foys a vos ministres que Dieu les eust appellé: 1.

  A002000202 

 Non, non, qu'ilz..... Samuel fut appellé troys fois de Dieu, et selon son humilité il pensoyt que ce fut une vocation d'homme, jusques a tant qu'enseigné par Heli il conneust que c'estoit la voix divine.

  A002000202 

 Vos ministres, Messieurs, produysent trois vocations de Dieu: par les magistratz seculiers, par les Evesques, et par la voix extraordinaire; ilz pensent que ce soyt Dieu qui les aye apellé en ces troys façons la.

  A002000202 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouys parler, [en] Hieremie: Ne veuïlles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A002000202 

 par les peuples et magistratz, 2.

  A002000202 

 par nos Evesques, 3.

  A002000202 

 par sa voix extraordinaire.

  A002000214 

 Les adversaires, voyans bien qu'a ceste touche leur doctrine seroit reconneüe de bas or, ont tasché par tous moyens de nous divertir de ceste preuve invincible que nous prenons es marques de la vraÿe Eglise, et partant ont voulu maintenir que l'Eglise est invisible et imperceptible, et par consequent irremarquable.

  A002000215 

 Ceste theologie est [tant] imaginaire et damnatoire, que les autres ont mieux aymé dire que durant ces mill'ans l'Eglise n'estoit ni visible ni invisible, mays du tout abolie et estoufëe par l'impieté et l'idolatrie..

  A002000215 

 Mays ilz vont par deux chemins a ceste leur opinion de l'invisibilité de l'Eglise; car les uns disent qu'ell'est invisible par ce qu'elle consiste seulement es personnes esleües et prædestinëes, les autres attribuent cest'invisibilité a la rareté et dissipation des croyans et fidelles: dont les premiers tiennent l'Eglis'estre en tous tems invisible, les autres disent que cest'invisibilité a duré environ mill'ans, ou plus ou moins, c'est a dire, des saint Gregoire jusqu'a Luther, quand la papauté estoit paysible parmi le Christianisme; car ilz disent que durant ce tems la il y avoit plusieurs vrais Chrestiens secretz, qui ne descouvroyent pas leurs intentions, et se contentoyent de servir ainsy Dieu a couvert.

  A002000216 

 Ayes patience, au nom de Dieu; nous irons par ordre et briefvement, monstrant la vanité de ces opinions..

  A002000216 

 celuy de la triomphante remplira le ciel, non la terre seulement, et ne s'eslevera pas au tems des autres royaumes, comme porte l'interpretation de Daniel, mais apres la consommation du siecle; joint que d'estre taillé de la montaigne sans œuvre manuelle appartient a la generation temporelle de Nostre Seigneur, selon laquelle il a esté conceu au ventre de la Vierge, engendré de sa propre substance sans œuvre humayne, par la seule benediction du Saint Esprit.

  A002000217 

 L'assemblëe des Juifz s'appelloyt Sinagogue, celle des Chrestiens s'appelle Eglise: par ce que les Juifz estoyent comm'un troupeau de bestail, assemblé et entroupelé par crainte, les Chrestiens sont assemblés par la Parole de Dieu, appellés ensemble en union de charité par la prædication des Apostres et leurs successeurs; dont saint Augustin a dict: « L'Eglise est nommee de la convocation, la Sinagogue, du troupeau; par ce qu'estre convoqué appartient plus aux hommes, estr'entroupelé appartient plus au bétail.

  A002000217 

 » Or c'est a bonne rayson que l'on [a] apelé le peuple Chrestien Eglise ou convocation, par ce que [le] premier benefice que Dieu faict a l'homme pour le mettr'en grace, c'est de l'appeller a l'Eglise; c'est le premier effect de sa prædestination: Ceux quil a prædestinés il les [42] a appellés, disoit saint Pol aux Romains; et aux Collossiens: Et la paix de Christ tressaute en vos cœurs, en laquelle vous estes appelles en un cors. Estr'apellés en un cors c'est estr'apellés en l'Eglise; et en ces similitudes que faict Nostre Seigneur en saint Mathieu, de la vigne et du banquet avec l'Eglise, les ouvriers de la vigne et les convies aux noces il les nomme apellés et convoqués: Plusieurs, dict il, sont apellés, mays peu sont esleuz.

  A002000218 

 J'ay dict avant tout que c'estoit une sainte compaignie ou assemblëe, par ce que la sainteté interieure ....

  A002000220 

 Comme se peut entendre tout cecy d'une Eglise invisible? ou la chercheroit on pour luy faire les plaintes, pour converser en icelle, pour la regir? Quand ell'envoyoit saint Pol, elle le recevoit, quand il la confirmoit, il y constituoit des prestres, il l'assembloit, il la saluoit, il la persecutoit, estoit par figure ou par foy seulement et par esprit? Je ne crois pas que chacun ne voye clerement que c'estoit effectz visibles et perceptibles de part et d'autre.

  A002000220 

 Nostre Seigneur et Maistre nous renvoÿe a l'Eglise en nos difficultés et dissentions; saint Pol enseigne son Timothee comm'il faut converser en icelle, il fit apeller les Anciens de l'Eglise Myletayne, il leur remonstre quilz sont constitués du Saint Esprit pour regir l'Eglise, il est envoyé par l'Eglise avec saint Barnabas, il fut receu par l'Eglise, il confirmoit les Eglises, il constitue des prestres par les Eglises, il [43] assemble l'Eglise, il salue l'Eglise en Cæsaree, il a persecuté l'Eglise.

  A002000222 

 Esaïe parl'ainsy d'elle: Ce vous sera une voye droite, si que les folz ne s'egareront point par icelle; faut il pas bien qu'elle soit descouverte et aysee a remarquer, puysque les plus grossiers mesmes s'y sçauront conduyre sans se faillir?.

  A002000222 

 L'Escriture atteste par tout qu'elle se peut voir et connoistre, ains qu'ell'est conneue.

  A002000222 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, ajfin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A002000223 

 En fin, Zuingle, Œcolampade, Luther, Calvin, Beze, Muscule, sont visibles, et quand aux derniers il y en a plusieurs qui les ont veu, et neantmoins ilz sont appellés pasteurs par leurs sectateurs.

  A002000223 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A002000223 

 On voyt donq les pasteurs, et par consequent les brebis..

  A002000227 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A002000227 

 La Sinagogue par qui persecutëe? par les Egiptiens, Babiloniens, Madianites, Philistins, tous peuples visibles; l'Eglise, par les payens, Turcs, Mores, Sarrasins, hæretiques, tout est visible.

  A002000227 

 Les anciens Juifz comm'entroyent ilz sur le roole du peuple de Dieu? par la circoncision, signe visible; nous autres, par le Baptesme, signe visible.

  A002000227 

 Les anciens par qui gouvernés? par les prestres Aaroniques, gens visibles; nous autres, par les Evesques, personnes visibles.

  A002000227 

 Les anciens par qui prechés? par les Prophetes et docteurs, visiblement; nous autres, par nos pasteurs et prædicateurs, visiblement encores.

  A002000229 

 Premierement, Nostre Seigneur avoit en son humanité deux parties, le cors et l'ame: ainsy l'Eglise son Espouse a deux parties; l'une interieure, invisible, qui est comme son ame, la foy, l'esperance, la charité, la grace; l'autre exterieure et visible comme le cors, la confession de foy, les louanges et cantiques, la prædication, les Sacremens, [le] Sacrifice: ains tout ce qui se faict en l'Eglise a son exterieur et interieur; la priere interieure et exterieure, la foy remplit le cœur d'asseurance et la bouche de confession, la prædication se faict exterieurement par les hommes, mays la secrette [47] lumiere du Pere cæleste y est requise, car il faut tousjours l'ouyr et apprendre de luy avant que de venir au Filz; et quand aux Sacremens, le signe y est exterieur mays la grace est interieure, et qui ne le sçait? Voyla donq l'interieur de l'Eglise et l'exterieur.

  A002000229 

 Son plus beau est dedans, le dehors n'est pas si excellent: comme disoit l'Espoux es Cantiques: Tes yeux sont des yeux de colombe, sans ce qui est caché au dedans; Le miel et le laict sont sous ta langue, c'est a dire en ton cœur, voyla le dedans, et l'odeur de tes vestemens comme l'odeur de l'encens, voyla le service exterieur; et le Psalmiste: Toute la gloire de ceste fille royale est au par dedans, c'est l'interieur, Revestue de belles varietés en franges d'or, voyla l'exterieur..

  A002000232 

 De mesme, quand saint Pierre appelle l'Eglise mayson spirituelle, c'est par ce que tout ce qui part de [48] « et qu'és choses supernaturelles Dieu y besongne par vertu miraculeuse non attachee à signe ni à figure.

  A002000232 

 Mays jamais Catholique ne dit cela. Nous disons seulement que la Croix, comme plusieurs autres choses, a une vertu assistante qui n'est autre que Dieu mesme, qui, par la Croix, fait les miracles quand bon luy semble en tems et lieu, ainsy qu'il le declaira luy mesme de sa robbe quand il guerit ceste pauvre femme; car il ne dit pas: j'ay senti une vertu sortie de ma robbe, mays, j'ay apperceu une vertu sortir de moy; et tout de mesme n'avoit-il pas dit: qui est-ce qui a touché ma robbe? mays plustost, qui est-ce qui m'a touché? Comme donq il advoüa que toucher sa robbe par devotion c'est le toucher luy mesme, aussi fait-il sortir de luy la vertu necessaire a ceux qui touchent sa robbe.

  A002000232 

 » Et semblables autres paroles respandues en tout son traitté, par ou il veut faussement persuader que nous attribuons a la Croix une vertu en elle mesme, independante et inherente.

  A002000240 

 D'avantage, Dieu est par tout, mays la ou il comparoist avec quelque particulier effect il laisse tous-jours quelque sainteté, veneration et dignité.

  A002000240 

 Jacob ayant veu Dieu et les Anges en Bethel, combien tient-il ce lieu pour honnorable? L'Ange qui apparut a Josué, es campaignes de Hiericho, luy commanda de tenir ce lieu-la pour saint, et d'y marcher a piedz nudz par reverence.

  A002000242 

 Helisee garda soigneusement le manteau de Helie, et le tint pour honnorable instrument de miracle: pourquoy n'honnorerons-nous le bois duquel Nostre Seigneur [52] s'affeubla au jour de son exaltation et de la nostre? Que dires-vous de Jacob qui adora le bout de la verge de Joseph? n'eust-il pas honnoré la verge et sceptre du vray Jesus? Hester baysa le bout de la baguette d'or de son espoux, et qui empeschera l'ame devote de bayser par honneur la baguette du sien? Je sçai la diversité des leçons que l'on fait sur le passage de saint Paul, mais aussi sçai-je que celle-la de la Vulgaire est la plus asseuree et naïfve, mesme estant rapportee et confrontée avec ce qui est dit d'Hester; aussi est-elle suivie par saint Chrysostome..

  A002000244 

 La Croix a esté l'Autel du sacrifice de nostre Redempteur, comme va descrivant saint Paul en l'epistre aux Hebreux; dont il dit, aux Colossiens, que Nostre Seigneur a tout pacifié par le sang de sa Croix.

  A002000244 

 Le bois de la Croix a eu des qualités qui le rendent bien venerable; c'est qu'il a esté le siege de la Royauté de Nostre Seigneur, comme dit le Psalmiste: Dites es nations que le Seigneur a regné par le bois, ainsy que lisent les Septante, saint Augustin, saint Justin le Martyr, et saint Cyprien qui remarque que l'escriteau qui fut mis sur le bout de la Croix, en Hebreu, Grec et Latin, declaira que alhors se verifioit le mistere [53] predit par David; dont les Juifz, en haine des Chrestiens, avoyent raclé le mot a ligno, comme dit Justin.

  A002000245 

 La ou la distinction, si mal par vous menagee, de la croix supplice et de la croix instrument de supplice, ne vous sçauroit sauver; car la crucifixion ne se fait pas par l'affixion au supplice, mays a la croix ou gibbet.

  A002000245 

 Mays quand il n'y auroit autre que ce qu'elle est la vraye enseigne, le vray ordre et vrayes armoiries de nostre Roy, seroit-ce pas asses pour la rendre venerable? Les coquilles, toysons et jarretiers sont en honneur quand il plait aux princes les prendre pour enseigne de leur ordre: combien sera plus respectable la Croix du Roy des roys, qu'il a prise pour son enseigne? Dequoy voicy la preuve tiree de l'Escriture, que le traitteur a laissee par non sçavance.

  A002000246 

 Ainsy l'espee de Goliath estoit horrible aux Israëlites, pendant qu'elle estoit au flanc de ce geant, laquelle par apres fut amie et prisable es mains du roy David.

  A002000246 

 Ce palais est honnorable, puysque le Roy y a logé et l'a retenu par l'escriteau de son saint et venerable nom.

  A002000246 

 on l'enferreroit par son dire propre, quand il loue infiniment la mort, les passions et les souffrances de Nostre Seigneur, et a rayson; mays si les propres douleurs et afflictions sont aymables et louables, pourquoy rejettera-on les instrumentz d'icelles, s'il n'y a autre mal en eux que d'avoir esté instrumentz? Le filz ne peut avoir en horreur le gibbet de son pere, s'il a en honneur la mort et souffrance d'iceluy; pourquoy rejetteroit-il les outilz de ce qu'il honnore? 2.

  A002000253 

 Ce traitteur, oubliant ce qu'il a dit icy, ailleurs parle en ceste sorte: « Nous ne nions pas que, pour authorizer la predication de l'Evangile rejettee alors par les payens ayans la vogue presque par tout le monde, Dieu n'ait fait des miracles au nom de Jesus Christ crucifié.

  A002000253 

 Et c'est ce que Athanase declare au commencement de son livre contre les idoles, qu'apres la venue de la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, et que par ceste marque toutes deceptions des diables sont chassees.

  A002000253 

 J'ay monstré cy devant combien la Croix a de vertu, et combien nous avons de devoir de l'honnorer, par les consequences tirees a droit fil des saintes Escritures, ou, comme vous aves veu, je n'ay pas eu beaucoup de peyne a respondre aux argumens de ma partie, puysque ayant fait toutes ses propositions negatives, protestant de ne vouloir rien croire que ce qui est escrit, il n'a toutefois produit qu'un passage de l'Escriture, employé en un sens tres impertinent.

  A002000253 

 Maintenant donques, nous entrons en une seconde maniere de prouver la vertu et l'honneur de la Croix, c'est a sçavoir, par le tesmoignage de ceux, par l'entremise desquelz et l'Escriture et tout le Christianisme est venu jusques a nous, c'est a dire des anciens Peres et premiers Chrestiens, avec lesquelz le traitteur fait semblant d'avoir eu grand commerce, tant il discourt a playsir de ce qu'ilz ont dit.

  A002000253 

 Mays, laquelle sera vraye, sinon celle que non seulement saint Athanase a proferee, ains est enseignee par Jesus Christ et les Prophetes, et creüe par toute l'ancienneté? [59].

  A002000253 

 » Accordes, je vous prie, cest homme avec soy mesme. Pour prevenir, dit-il, l'idolatrie, Dieu veut la Croix de son Filz estre cachee; par la marque de la Croix toutes deceptions des diables sont chassees: la Croix abolit l'idolatrie; la Croix est cause de l'idolatrie.

  A002000254 

 Pour vray tous les Prophetes ont predit qu'a la venue de Nostre Seigneur, par sa Croix et passion, les idoles seroyent abolies: Et non memorabuntur ultra, il n'en sera plus memoire, dit Zacharie.

  A002000257 

 Mays quant a ce qu'il adjouste de la sepulture d'Adam, il monstre combien il a peu de connoissance des Anciens, car la plus grande trouppe d'iceux a soustenu que la Croix fut plantee sur la sepulture d'Adam; voicy comme saint Augustin en parle: « Hierosme prestre a escrit qu'il a appris asseurement des anciens et plus vieux Juifz, qu'Isaac, de volonté, a esté immolé la ou despuys Jesus Christ a esté crucifié... Et mesme par le rapport des Anciens, l'on dit qu'Adam, le premier homme, fut jadis enseveli au lieu ou la Croix est fichee, et que partant on l'appelle le lieu de Calvaire (ou du test), parce que le chef du genre humain fut enseveli en ce lieu-la.

  A002000258 

 « Item, » dit-il, « veu que les disciples et Apostres de Jesus Christ ont esté espars durant la mort d'icelui, et qu'apres son ascension ils ont esté prohibez de parler au nom de Jesus Christ, que Jerusalem peu apres a esté reduite à totale extremité et ruine, quelle apparence y a-il qu'elle ait esté adonc serree et honoree par ceux qui ont adheré à Jesus Christ? » Un enfant verroit cette ineptie: l'Eglise a esté persecutee, donq elle n'a pas serré la Croix.

  A002000259 

 Ni ne disons pas que ces mesmes ennemis ne l'ayent peu jetter en mer; au contraire nous disons qu'ilz l'ont peu jetter dans la mer, nonobstant la distance qui est entre le port de Japhet et la ville de Hierusalem, ou avec peyne ou sans peyne, par le moyen des rivieres qui l'eussent regorgee dans la mer.

  A002000260 

 Le seul saint Hierosme devroit suffire pour faire mieux appris ce traitteur; voyci ses paroles en l'epistre a Paulinus: « Des le tems d'Adrian jusques au regne de Constantin, l'idole de Jupiter a esté reveree par l'espace de presque cent quattre-vingtz ans sur le lieu de la resurrection de nostre Sauveur, par les Gentilz; et de mesme en ont-ilz fait a celle de Venus qui estoit eslevee en marbre sur la montaigne de la Croix, les autheurs de la persecution se persuadans que par ce moyen ilz enleveroyent de nostre estomac la foy de la resurrection et de la Croix, s'ilz venoyent a polluer les lieux saintz par leurs idoles.

  A002000261 

 Qui sera donq si desesperé que de mettre en doute ceste histoire tesmoignee par tant de graves autheurs, et tous voysins des tems dont ilz ont parlé, pour bailler credit a ce contrediseur qui, sans rayson, apres douze [64] cens ans, les vient impudemment desmentir? Mais, ce dit le traitteur, « tels contes ne servent sinon à aneantir la Croix de Christ.

  A002000262 

 « La saincte histoire, » replique le traitteur, « nous enseigne bien une autre façon qu'ont tenue les ennemis de la Croix, en ce qu'ils ont rejetté la predication de l'Evangile... » Voyla pas une belle rayson? Je confesse que celle-la est une autre façon qu'ont tenue les ennemis de la Croix, mais il ne s'ensuit pas qu'ilz n'ayent tenu encor celle qui est recitee par ces anciens Peres; car l'une n'est pas contraire a l'autre, mays s'entresuivent..

  A002000263 

 Et de fait, comme auroit-il dit que par la Croix toute l'adoration des images a esté ostee, luy qui, es Questions qu'il a escrittes a Antiochus, dit par expres ces paroles: « Certes, nous adorons la figure de la Croix composee de deux bois »? Je sçai bien que le traitteur se voudra couvrir de la commune opiniastreté avec laquelle les Reformeurs veulent maintenir qu'idole et [65] image n'est qu'une mesme chose; mais certes, c'est une trop grande ineptie, car par la on pourroit dire que Jesus Christ est une idole, puysqu'il est appellé disertement image de Dieu en l'Escriture.

  A002000265 

 Ce sont donques les parolles de saint Paulin: « Donques, » dit-il, « la Croix du Seigneur si long tems couverte, cachee aux Juifz au tems de la Passion, et qui ne fut point descouverte aux Gentilz, qui sans doute creuserent et tirerent beaucoup de terre pour l'edification du temple qu'ilz avoyent dressé sur le Mont de Calvaire, n'a-elle pas esté cachee par la main de Dieu, a ce que maintenant elle fust trouvee quand elle a esté religieusement cherchee? ».

  A002000266 

 Constan., cap. XXIX, et de Theodoret, lib. I, cap. XVII, la ou parlant de la conservation du sepulchre et autres saintz lieux du Calvaire il dit ainsy: « Car, que la remembrance de la tres sainte Passion ait esté si longuement accablee de terre, ainsy par l'espace de tant d'annees inconneuë, jusques a ce que le commun ennemi de tous ayant esté exterminé elle apparut a ses serviteurs, pour vray cela surpasse toutes sortes d'admirations.

  A002000273 

 Aussi ne s'accorde sainct Ambroise avec les autres historiens, car il dit que ceste Croix fut cognue au titre d'icelle, et les autres disent que ce fut par la [69] « guerison miraculeuse d'une femme.

  A002000274 

 Eusebe dit: « Avertie par des divines [71] visions.

  A002000274 

 Or l'invention de la Croix est celebree par tant de graves et saintz Peres, comme une œuvre pieuse et sainte: comme donques n'y a-il point de tesmoignage que Dieu l'aye voulue? Tesmoigner qu'une œuvre est sainte, c'est tesmoigner que Dieu la veut.

  A002000274 

 » Divino inspirata consilio, dit Paulinus: « Inspiree par le conseil divin.

  A002000275 

 Mais en sa Chronique, traduitte par saint Hierosme, il tesmoigne si ouvertement ceste invention que rien plus: « Heleine, » dit-il, « mere de Constantin, advertie par des divines visions, trouva pres de Hierusalem le tres heureux bois de la Croix, auquel le salut du monde fut pendu.

  A002000276 

 Il est vray, comme dit saint Ambroise, que la Croix de Nostre Seigneur fut conneuë par le tiltre; mais par ce que le tiltre estoit separé de la Croix, comme dit Sozomene, elle n'estoit pas encores du tout asses evidemment reconneuë, dit Ruffin.

  A002000276 

 On commença donques a la [72] connoistre par le lieu de l'affixion du tiltre; c'est ce que rapporte saint Ambroise: puys on la reconneut encores mieux, et plus parfaitement, par les miracles que Dieu fit a l'attouchement de ce saint bois; car Heleine ayant trouvé trois croix aupres du sepulchre, et ne pouvant reconnoistre a plein laquelle estoit la sainte et sacree, Macaire, Evesque de Hierusalem, fit une fort belle priere a Dieu, recitee par Ruffin, pour obtenir un signe par lequel on peust discerner la Croix de Jesus Christ.

  A002000281 

 Or le traitteur fait semblant d'ignorer tout cecy; et quant au premier usage, qui est de representer la Passion, il en parle en ceste sorte: « Si par le mot de croix nous entendons les souffrances que le Fils de Dieu a portees en son corps et en son ame, ayant esté rempli de douleurs, comme dit Esaye, chap. 53, et ayant esté contristé en son ame jusques à la mort, voire ayant beu la coupe de l'ire de Dieu, à cause dequoy il a crié: mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? il est certain que telles souffrances [75] ne se peuvent representer, car nos sens ne les sauroyent comprendre; mais par la foy nous entendons qu'elles sont infinies et indicibles, pourtant nous disons en nostre symbole que nous croyons que Jesus Christ a souffert, qu'il a esté crucifié, mort et enseveli, et est descendu aux enfers: que si cela est indicible, il est aussi irrepresentable.

  A002000282 

 Les choses invisibles de Dieu se voyent de la creature du monde par les choses faites.

  A002000282 

 Si par les souffrances de Nostre Seigneur, il entend la valeur et merite d'icelles, il dit vray qu'elles sont infinies; mais il s'explique mal les appellant souffrances, douleurs, tristesses, couppe de l'ire de Dieu et abandonnement d'iceluy: il faudroit plustost les appeller consolation et douce eau salutaire, de laquelle les abbreuvés n'auront jamais plus soif.

  A002000284 

 Autrement, ni Dieu, ni sa gloire ne sont pas du tout indicibles, car ilz seroyent incroyables, puysque nous ne croyons que par l'ouÿe..

  A002000284 

 Et est encores inepte, ce traitteur, s'il veut dire que les souffrances mesmes sont infinies, par ce que boire l'ire de Dieu et estre abandonné d'iceluy est un mal infini; il semble neanmoins que ce soit son intention, [77] quand il dit que le Sauveur a beu la couppe de l'ire de Dieu, et met entre les articles de la Passion la descente aux enfers, ce que sans doute il rapporte a la crainte que Calvin attribue a Jesus Christ, disant qu' « il eut peur et crainte pour le salut de son ame propre, redoutant la malediction et ire de Dieu.

  A002000285 

 Les choses sont representees par leurs effectz, par leurs ressemblances, par leurs causes, et en fin, par tout ce qui en resveille en nous la souvenance; car tout cela nous rend les choses absentes comme presentes..

  A002000285 

 Or, ces inepties sont mises en avant par le traitteur, d'autant qu'il pense que pour representer une chose il la faille ressembler de toutes pieces, ce qui est sot et ignorant; car les plus parfaittes images ne representent [78] que les lineamens et couleurs exterieures, et neanmoins on dit, et il est vray, qu'elles representent vivement.

  A002000286 

 » Et plus bas, parlant de l'invention de la Croix, il dit « que les Juifz l'eussent abolie s'ilz l'eussent trouvee, et n'eussent peu souffrir, » ce sont ses paroles, « qu'en la Croix [79] demeurant en estre, la Passion de celuy-la fust honnoree, duquel ilz ne peuvent supporter la resurrection estre reveree, laquelle a esté prouvee par le sepulchre vuide, les sceaux en estans levés.

  A002000286 

 » Et saint Paulin, en l'epistre a Severe, luy envoyant une petite piece d'une partie de la Croix: « Que vostre foy, » dit-il, « ne soit point restrecie, vos yeux charnelz voyans peu de chose; mays que, par la veuë interieure, elle voye en ce petit peu toute la vertu de la Croix, pendant que vous penses voir ce bois-la auquel nostre salut, auquel le Seigneur de majesté, estant cloué, fut pendu, tout le monde tremblant, et vous resjouisses avec crainte.

  A002000287 

 Combien de saintes resolutions de mieux vivre a l'advenir, et de saintz desplaysirs et regretz de la vie passee prit-on a ceste occasion? Certes, la simple veuë d'un bois n'eust pas eu ce credit, si, par la, la toute puissante Passion du Sauveur n'eust esté vivement representee.

  A002000287 

 Mays, s'il m'est permis de parler par experience, quelle devotion vit-on s'allumer parmi les deux Confrairies d'Annessi et de Chambery, lhors qu'estans allees en procession a Aix, elles eurent ce bien d'y voir la sainte piece du bois de la Croix, laquelle y est conservee; personne ne se peut tenir de pleurer et souspirer vers le ciel a la veuë de ce pretieux gage.

  A002000290 

 Les Anciens, ayans consideré les raysons que nous avons tirees cy devant de l'Escriture Sainte pour l'honneur et vertu du bois de la sainte Croix, et ayans esté asseurés de grand nombre de miracles que Dieu avoit fait en iceluy et par iceluy, ilz l'ont employé comme une defense et rempart contre toutes sortes d'adversités..

  A002000292 

 en ce qu'elle avoit esté revelee a Heleine par divines revelations; 2.

  A002000292 

 en ce que, par l'attouchement d'icelle, la maladie incurable de ceste dame avoit esté guerie, et un homme mort ressuscité.

  A002000294 

 De la est advenu « que tout le monde s'est efforcé d'avoir de ce bois, si que ceux qui en ont quelque peu l'enchassent en or et le mettent en leur col, estans par la beaucoup honnorés, et magnifiés, et munis, et contregardés, quoy que ç'ayt esté le bois de condamnation.

  A002000294 

 » Et ailleurs, parlant de la Passion: « Si je la niois, » dit-il, « le Calvaire duquel nous sommes tous proches me convaincra, le bois de la Croix me convaincra, lequel des ici a esté espars en tout l'univers par petites pieces.

  A002000295 

 Tout ceci se rapporte a ce que saint Paulin en dit plus expressement escrivant a Severe, la ou ayant dit qu'on ne pouvoit voir la piece de la vraye Croix qui estoit en Hierusalem sinon par le congé de l'Evesque, il continue en ceste sorte: « Par la seule faveur duquel on a ce bien, d'avoir des petites piecettes et particules de ce bois sacré pour une grande grace de foy et benediction, laquelle Croix mesme, ayant une vive vigueur en une matiere insensible, elle preste des ce tems la et fournit de son bois aux desirs presque tous les jours infinis des hommes.

  A002000296 

 » Ainsy, luy mesme raconte, que voyant brusler a Nole par un embrasement presque incroyable une mayson qui estoit vis a vis de l'eglise de saint Felix, il s'eslança contre le feu, et l'esteignit par la vertu d'une piece de la Croix qu'il tenoit..

  A002000326 

 Par le bois de la Croix brusle de telle sorte?.

  A002000329 

 Par le seul bois, pourveu que de la Croix il sorte.

  A002000331 

 Evagrius recite que la ville d'Apamee estant reduitte a l'extremité par le siege de Cosroës, les habitans prierent leur Evesque, nommé Thomas, de leur monstrer une piece de la Croix qui estoit la.

  A002000332 

 Ce n'est donq pas merveille si saint Ambroise, parlant du clou de la Croix, dit que « c'est un remede pour le salut, et que par une puissance invisible il tourmente les diables »; et saint Cyrille, que jusques a son tems le bois de la Croix qui estoit en Hierusalem guerissoit les maladies, chassoit les diables et les charmes.

  A002000339 

 Or cecy a esté tesmoigné en l'ancienneté par plusieurs moyens:.

  A002000340 

 Saint Chrysostome nous a tesmoigné qu'on enchassoit les autres en or, et les pendoit-on au col par honneur; saint Gregoire Nissene nous a dit que sainte Macrine en portoit une dans une croix d'argent.

  A002000340 

 par les lieux honnorables dans lesquelz ilz logeoyent les pieces de la Croix.

  A002000340 

 » Et le mesme Paulin mit par honneur, en une belle eglise de Nole, une piece de la Croix avec les reliques des Saintz, dans le maistre autel, avec ces vers:.

  A002000364 

 Nous arriva jadis, par le devot bienfait.

  A002000377 

 Par les pelerinages que l'on faisoit en Hierusalem pour visiter la sainte Croix.

  A002000378 

 Par l'adoration solemnelle de ceste mesme Croix qui estoit en Hierusalem; « laquelle, » et ce sont les paroles de saint Paulin, « l'Evesque de ceste ville la produit [90] toutes les annees a Pasques pour estre adoree du peuple, luy estant le premier a l'honnorer: Episcopus urbis ejus quotannis, cum Pascha Domini agitur, adorandam populo princeps ipse venerantium promit.

  A002000379 

 Mays il y a bien plus, car, auparavant mesme que la Croix fust trouvee par Heleine, les Chrestiens monstroyent en quel honneur ilz avoyent la Croix, honnorans mesme le lieu ou elle avoit esté plantee; ce qui est touché par tous les autheurs, mays beaucoup plus expressement par Sozomene qui dit « que les ennemis de la Croix avoyent dressé un temple a Venus, dans lequel ilz avoyent mis l'idole d'icelle a ceste intention, que ceux qui adoreroyent Jesus Christ en ce lieu-la semblassent adorer Venus, et que, par longueur de tems, la vraye cause vint en oubli pour laquelle les hommes venerent ce lieu-la.

  A002000392 

 Car personne (quoy qu'on voulust par tous moyens combattre contre cecy) ne le sçauroit nier: dont le bois de la Croix et sa veneration a esté presignifié par la Sibile.

  A002000393 

 Comme, de la memoire de nos peres, le roy des Abassins envoya par honneur un pareil present au roy Emmanuel de Portugal, par Matthieu, Armenien, son embassadeur, comme un gage de la fidelité de son alliance.

  A002000393 

 Parce que les Anciens estimoyent de beaucoup s'entre honnorer quand ilz se donnoyent les uns aux autres des pieces de la Croix par present, comme nous avons veu d'Heleine et de Constantin, de sainte Meleine et de Paulin et de Sulpice.

  A002000394 

 Les Anciens ont honnoré la Croix luy attribuans plusieurs noms honnorables: comme Heleine et saint Ambroise l'ont appellee « Estendart de salut, Triomphe de Jesus Christ, Palme de la vie eternelle, Redemption du monde, Espee par laquelle le diable a esté tué, Remede de l'immortalité, Sacrement de salut, Bois de verité; » saint Paulin l'appelle « Defense de la vie presente, gage de l'eternelle, chose de tres grande benediction; » Macaire, Evesque de Hierusalem, l'appelle « Bois bien heureux, Croix qui a esté pour la gloire du Seigneur; » Justinien l'Empereur, « sacrum Christianorum Signum: Signe sacré des Chrestiens; » et le grand saint Cyrille, au recit du traitteur mesme, l'appelle « Bois salutaire », et ailleurs, « Trophee du Roy Jesus; » Eusebe, « Bois tres heureux; » Lactance, « Bois venerable.

  A002000395 

 C'est l'advis (ce me semble) [93] de saint Chrysostome, au sermon de la Croix et du larron, et de saint Cyrille en ses Catecheses, et de saint Ephrem au livre De la vraye penitence, chap. III, IV; et a esté predit par la Sibile disant:.

  A002000407 

 Saint Chrysostome proteste « que si quelqu'un luy donnoit les sandales et robbes de saint Pierre, il les embrasseroit a bras ouvertz et les mettroit comme un celeste don dans le plus creux [94] de son cœur »; combien eust-il plus honnoré la Croix de son Redempteur? Et saint Augustin, lequel recite que plusieurs miracles s'estoyent faitz avec un peu de la terre du Mont de Calvaire apportee par Hesperius l'un de ses familiers, et entre autres qu'un paralytique y estant apporté avoit esté soudain gueri, et qu'il avoit mis ceste terre-la honnorablement en l'Eglise: quel respect eust-il porté a la Croix de Nostre Seigneur? Certes, il n'eust pas fait tant de diversions pour effacer la memoire des miracles que Dieu fait en icelle, et luy refuser un juste honneur, comme fait le traitteur, tout au long de son escrit..

  A002000431 

 Si par elle tu veux prendre un jour sa couronne.

  A002000441 

 La Croix de mon Sauveur tout par tout environne;.

  A002000454 

 « Fais, Dieu, que par ta Croix nous mourions tous au monde,.

  A002000463 

 C'estoit une tres honnorable persuasion que les Anciens avoyent de la sainte Croix, qui les faisoit ainsy saintement philosopher sur icelle; par ou l'on peut voir que, quand le traitteur dit que les Anciens ne faisoyent autre honneur a la Croix que de la couronner simplement de fleurs, ce n'est que faute d'en sçavoir davantage.

  A002000463 

 Mays c'est une temerité trop excessive, qu'il mesure les choses par son sçavoir.

  A002000463 

 Par les palmes et par le sang il figuroit la Royauté de Nostre Seigneur; par l'aigneau qu'il mettoit sous la Croix il representoit Nostre Seigneur, qui, estant immolé [100] sur l'autel de la Croix, a levé les pechés du monde.

  A002000463 

 Saint Paulin mettant la couronne de fleurs sur la Croix vouloit dire, comme il tesmoigne par ses vers, que par la Croix nous obtenons la couronne de gloire; par les colombes il signifioit que le chemin du ciel, qui a esté ouvert par la Croix, n'estoit que pour les simples et debonnaires; autres fois, par la trouppe de colombes il entendoit la trouppe des Apostres, qui en leur simplicité ont annoncé par tout la parole de la Croix.

  A002000468 

 Et saint Justin le Martyr traittant avec Triphon, Tertullien avec Marcion, et saint Cyprien avec tous les Juifz, ont estimé de faire un bon et ferme argument, produisans les figures de l'Ancien Testament pour l'honneur et reverence de la Croix: pourquoy ne pourrois-je raysonner sur un mesme sujet, par pareilles raysons, avec un traitteur qui se dit estre Chrestien? Or, la briefveté a laquelle je me suis lié, ne me permet pas de prendre le loysir qu'il faudroit pour faire un si grand amas; aussi lira-on avec plus de fruit ce que j'en pourrois dire es autheurs que j'ay des-ja cités, et en Jonas d'Orleans, en saint Gaudence sur l'Exode, et en la Theogonie de Cosme Hierosolymitain.

  A002000468 

 Je remarque que les estendartz et enseignes se faisoyent jadis en forme de croix, en sorte que le bois auquel pendoit le drapeau traversoit sur l'autre, comme l'on voit aujourd'huy en nos gonfanons; tesmoin le Labare des Romains, et Tertullien en son Apologetique; si que le Serpent, estant mis sur un estendart, estoit par conséquent sur un bois traversier.

  A002000468 

 Voyci donques ou je pourrois cotter la premiere image de la Croix: car puysqu'il est ainsy, qu'une chose pour estre image d'une autre doit avoir deux conditions, l'une qu'elle ressemble a la chose dont elle est image, l'autre qu'elle soit patronnee et tiree sur icelle, le Serpent d'airain, estant dressé en semblable forme que la Croix, et ayant esté figuré, par la prevoyance de Dieu, sur icelle, ne peut estre sinon une vraye image de la Croix.

  A002000469 

 » Et apres avoir remonstré qu'en la religion des Romains on honnoroit et prisoit des pieces de bois qui estoyent peu differentes de la Croix, et que les faiseurs d'idoles se servoyent d'instrumens faitz en forme de croix pour faire les mesmes idoles; item, qu'ilz adoroyent les victoires, et que le dedans de leurs trophees (c'est a dire les instrumens sur lesquelz on portait les trophees) estoyent en forme de croix; item, que la religion des Romains, estant toute militaire, veneroit les enseignes et estendartz, juroit par iceux, et les prisoit plus que tous les dieux, et que les voyles ou drapeaux des estendartz n'estoyent que comme des manteaux et vestemens des croix, il conclud disant: « Je loue ceste diligence; vous n'aves pas voulu consacrer des croix nues et descouvertes, ou sans ornement.

  A002000470 

 Autant en dit, et beaucoup plus clairement, Justin le Martyr en sa seconde Apologie, la ou ayant monstré que sans la figure de la Croix l'on ne peut rien faire, et d'avantage, que les trophees et masses que l'on portait devant les magistratz avoyent quelque ressemblance de la Croix, et que les Gentilz consacroyent les images de leurs empereurs defunctz par la figure de la Croix, il conclud en fin en ceste sorte: « Puys donques, que par bonnes raysons tirees mesmes de la figure, nous faisons tant que nous pouvons ces choses avec vous, nous serons desormais sans coulpe.

  A002000470 

 » Justin donques confesse qu'en matiere de faire des croix, nous ne faisions rien moins que les Gentilz, quoy que ce fust avec diversité d'intentions, ce qu'il va déduisant par apres fort doctement et au long.

  A002000472 

 Que si, au contraire, ce ne fut point par advertissement de Dieu, ni pour aucune vision, que Constantin fit dresser son Labare et plusieurs autres croix, mais plustost par rayson d'estat, qui est l'opinion laquelle aggree plus au traitteur, a sçavoir, que « d'autant, » ce sont ses parolles, « qu'il avoit freschement esté eslevé à la dignité imperiale, par la volonté des gens de guerre qui l'avoient preferé aux descendans de Diocletian, il advisa que le moyen de se maintenir en ceste dignité contre ses competiteurs et debateurs seroit de se faire ami des Chrestiens, que Diocletian avoit persecutez à outrance, et à ceste occasion il fit eriger des croix avant mesme qu'il fust Chrestien »; je prendray le traitteur au mot en ceste sorte:.

  A002000475 

 Et comme l'Apostre qui planta la foy parmi ces peuples y porta quant et quant l'usage de la Croix, ainsy Dieu, voulant en ces derniers tems y replanter encores la mesme foy, leur a voulu recommander l'honneur de la Croix par un signalé miracle, tel que nous avons recité.

  A002000475 

 Que s'il est arrivé en quelques annees que ce miracle ne se soit point fait, les habitans de ces contrees, enseignés par l'experience, se tiennent pour menacés de quelque grand inconvenient.

  A002000482 

 Or ceste image, comme il apparut par la relation qu'en fit le Chrestien auquel elle estoit, en presence de l'Evesque du lieu, avoit esté faitte de la main propre de Nicodeme qui la laissa a Gamaliel, Gamaliel a saint Jacques, saint Jacques a saint Simeon, Simeon a Zachee, et ainsy de main a main elle demeura en Hierusalem jusques au tems de la destruction de ladite ville, qu'elle fut transportee au royaume d'Agrippa, ou se retirerent les Chrestiens de Hierusalem par ce qu'Agrippa estoit sous la protection des Romains.

  A002000482 

 Voyla le recit qu'en fait saint Athanase, par lequel l'on peut connoistre que ceste image la estoit l'image du Crucifix, tant parce qu'il eust esté mal aysé au Juif qui accusa celuy qui l'avoit en sa mayson, de reconnoistre si soudainement que c'estoit l'image de Jesus Christ si ce n'eust esté qu'il estoit peint en crucifié, qu'aussi parce que les Juifz n'eussent sceu representer la crucifixion de Nostre Seigneur tant par le menu, comme ilz firent, sinon sur l'image d'un crucifix.

  A002000483 

 Dedans la Liturgie de saint Chrysostome, selon la version d'Erasme, le prestre est commandé, se retournant vers l'image de Jesus Christ, de faire la reverence; ce que, non sans cause, les plus judicieux rapportent a l'image du Crucifix; car, quelle representation de Jesus Christ peut-on mettre plus a propos dedans l'eglise, et mesme vers l'autel, que celle du Crucifix? Qui verra de bon œil le carme que Lactance a fait de la Passion de Nostre Seigneur, connoistra qu'il a esté desseigné sur le rencontre que l'on fait de l'image du Crucifix qui est ordinairement au milieu de l'eglise, en laquelle il fait parler Nostre Seigneur, par un style poetique, a ceux qui entrent dedans l'eglise.

  A002000483 

 « Par ce, » dit-il, « que chacun ne connoist pas les lettres ni ne s'addonne a la lecture, nos Peres ont advisé ensemble que ces choses, c'est a dire les misteres de nostre foy, nous fussent representés comme certains trophees es images pour soulager et ayder nostre memoire; car bien souvent, ne tenans pas par negligence la Passion de Jesus Christ en nostre pensee, voyans l'image de la crucifixion de Nostre Seigneur nous revenons a souvenance de la Passion du Sauveur, et nous prosternans nous adorons, non la matiere, mays Celuy qui est representé par l'image.

  A002000484 

 Quand le grand Albuquerque faisoit fortifier Goa, ville principale des Indes orientales, comme l'on abattoit certaines maysons, on rencontra dedans une muraille une image du Crucifix, en bronze, par laquelle on eut tout a coup connoissance que la religion Chrestienne avoit jadis esté en ces lieux-la, quoy qu'il n'y en eust plus de memoire, et que ces Chrestiens anciens avoyent en usage l'image du Crucifix.

  A002000486 

 Au demeurant, ce que le traitteur adjouste que l'on y met l'image de Nostre Dame « comme si elle avoit esté « compagne des souffrances de nostre Sauveur et qu'elle « eust fait en partie la redemption du genre humain, » cela, dis-je, vient de son goust qui est corrompu par la defluxion d'un'humeur aigre et chagrine, avec laquelle ces reformeurs ont accoustumé de juger les actions des Catholiques; car, qui fut jamais le Catholique qui ne sceut que nous n'avons autre Sauveur ni Redempteur qu'un seul Jesus Christ? Nous mettons tres souvent la Magdeleine embrassant la Croix; que n'a-il dit que par la nous la croyons estre nostre redemptrice? Ces gens ont l'estomac et la cervelle gastés, ilz convertissent tout en venin.

  A002000486 

 Certes, on trouve presque par tout en l'Evangile ou il est parlé de Nostre Dame, qu'elle estoit avec son Filz et auprès d'iceluy, et sur tout en sa Passion; ce ne seroit donq pas hors de rayson de la peindre encores aupres de luy en la Croix, non ja comme crucifiee pour nous, mays comme [114] celle de laquelle on peut dire, beaucoup plus proprement que de nul autre: Christo confixa est Cruci: Elle est clouee a Jesus Christ en la Croix.

  A002000493 

 Ce que appercevant le traitteur, affin de rendre douteuse l'histoire de ceste grande apparition, il devise en ceste sorte: « Combien que les historiens Chrestiens parlent d'une apparition de croix en l'air avec ces mots: Surmonte par ceci, si est-ce que Zosimus, historien Payen, qui vivoit de ce temps-la et qui a esté tres-exact recercheur des faits de Constantin, n'en a fait mention aucune.

  A002000493 

 Mais pour vray, l'apparition faitte a Constantin le Grand a esté, non sans cause, la plus celebree et fameuse parmi les Chrestiens, d'autant que par icelle Dieu toucha le cœur de ce grand Empereur pour luy faire embrasser le parti Chrestien, et fut comme un saint signe de la cessation du deluge du sang des Martyrs, duquel jusques a ceste heure-la toute la terre regorgeoit; et qu'au demeurant, ceste croix monstree a Constantin fut le patron d'un monde de croix, qui du despuys ont esté dressees par les empereurs et princes chrestiens.

  A002000493 

 » Voyla son dire, par lequel il çuyde effacer l'apparition de la sainte Croix faitte a Constantin, et ce par deux moyens: l'un, opposant aux histoires chrestiennes l'authorité de Zosimus payen; l'autre, monstrant qu'il y a contrarieté sur ce fait entre les autheurs chrestiens.

  A002000495 

 Car, dressant la guerre contre Maxence, il commença (comme il est vraysemblable) a douter a part soy quel evenement auroit ceste guerre, et quel secours il pourroit appeller, dont estant en ce souci il regarda par vision le signe resplendissant de la Croix au ciel; et les Anges assistans pres de luy, ja tout esbloui de la vision, luy dirent: En ceci, o Constantin, tu vaincras.

  A002000495 

 Laquelle chose Eusebe, surnommé Pamphile, asseure avoir ouÿe de la bouche propre de l'Empereur qui l'affirmoit par serment, a sçavoir, qu'environ midi, le soleil commençant un peu a decliner, tant l'Empereur mesme que les gens d'armes qui estoyent avec luy avoyent veu le signe de la Croix resplendissant au ciel, formé de la splendeur d'une lumiere, auquel estoit ceste inscription: Surmonte par ceci.

  A002000495 

 « Combien que plusieurs autres choses soyent arrivees a cest empereur Constantin, par lesquelles estant induit il commença d'embrasser la religion Chrestienne, nous avons toutefois appris qu'une vision qui luy fut divinement presentee l'a principalement induit a ce faire.

  A002000496 

 Constantin, tant loué par nos devanciers, autheur du repos de l'Eglise, « Prince des princes chrestiens, » comme l'appelle saint Paulin, « tres grande lumiere de tous les empereurs qui furent onques, tres illustre precheur de la vraye pieté, » comme l'appelle Eusebe, subira en fin finale (si Dieu le permet) les censures et reproches de ces Chrestiens reformés, lesquelz, pires que des chiens, cherchent de souiller les plus pures et blanches vies des Peres du Christianisme.

  A002000497 

 Mays outre ces deux fois recitees par Eusebe, Nicephore tesmoigne que deux autres fois la mesme Croix apparut a Constantin; une fois, a la guerre contre les Bisantins, avec ceste inscription: Tu vaincras tous tes ennemis en ce mesme signe; l'autre fois, en la guerre contre les Scythes.

  A002000497 

 Premierement, que par la l'Empereur fut induit a embrasser vivement le parti Catholique, comme par un signe certain que Dieu approuvoit la Croix, et en la Croix tout le Christianisme; si que l'approbation de la Croix et du Christianisme ne fut qu'une mesme chose.

  A002000497 

 Secondement, combien que Dieu voulust que Constantin reconneust ses victoires de sa liberalité, si voulut-il qu'il sceust que ce seroit par l'entremise du signe de la Croix.

  A002000498 

 « Ces saintz jours, » dit-il, « de la sainte Pentecoste, environ l'heure de tierce, une tres grande croix formee de lumiere apparut au ciel sur la tres sainte montaigne de Golgotha, estendue jusques au saint mont d'Olivet, veuë non par une ou deux personnes, mais monstree tres clairement a tout le peuple de la cité; et non, comme peut estre quelqu'un penseroit, courant hastivement selon la fantasie, mais tout ouvertement reconneuë par plusieurs heures sur terre, avec des splendeurs brillantes surpassans les rayons du soleil, [120] car si elle eust esté surpassee par iceux, certes elle eust esté offusquee et cachee.

  A002000498 

 » Puys, poursuivant, il dit « qu'a cest aspect, tant les Chrestiens que les payens commencerent a louer Jesus Christ, et reconnoistre que la tres religieuse doctrine des Chrestiens estoit divinement tesmoignee du ciel par ce signe celeste, duquel, lhorsqu'il fut monstré aux hommes, le ciel s'en resjouissoit et glorifioit beaucoup.

  A002000498 

 » Sozomene en dit de mesme, et tesmoigne que la nouvelle fut incontinent espanchee par tout, par le rapport des pelerins qui, de tous les coins du monde, abordoyent en Hierusalem pour y faire leurs devotions..

  A002000499 

 Au contraire, le maistre devineur presageoit par la que la religion Chrestienne seroit comme estouffee pour ne point croistre davantage, d'autant que le signe de la croix estoit comme enfermé, borné et limité par le cercle de la couronne; tant le diable sçait faire ses affaires en toutes occasions.

  A002000499 

 Un jour, Julien l'apostat regardant les entrailles d'un animal pour faire quelque devination en icelles, luy apparut une croix environnee d'une couronne; dont partie des devins tout espouvantés disoyent que, par la, l'on devoit entendre l'accroissement de la religion Chrestienne et son eternité, d'autant que la Croix estoit le signe du Christianisme, et la couronne estoit signe de victoire et d'eternité; encores parce que la figure ronde n'a ni commencement ni fin, mais est par tout conjointe en elle mesme.

  A002000500 

 L'horreur d'un si terrible accident s'espancha par toute la ville, de façon que de tous costés plusieurs vindrent sur le lieu voir que c'estoit; et voicy que les merveilles redoublans, un grand feu sortit de la terre, lequel s'attachant aux preparatives faites pour le Temple et aux outilz des ouvriers, ne cessa point qu'il ne les eust consommés a la veuë de tout le peuple.

  A002000500 

 Si survint un troisiesme miracle; car la nuit ensuivant apparurent des croix de rayons lumineux sur les vestemens de tous les Juifz, lesquelz, tant ilz estoyent obstinés, voulans effacer le lendemain ces saintes images de leurs habitz par lavement et autres moyens, il ne leur fut onques possible, et par la plusieurs se firent Chrestiens; mays outre tout cela, un grand cercle apparut au ciel, dedans lequel estoit une croix tres resplendissante.

  A002000500 

 Une autre fois, le mesme Julien voulant que les Juifz sacrifiassent, ce qu'ilz ne vouloyent faire sinon au lieu du Temple ancien de Hierusalem, il se delibera de le leur faire dresser, contribuant des grandes sommes du thresor imperial; et ja les materiaux estoyent apprestés pour rebastir, quand saint Cyrille, Evesque de Hierusalem, predit que l'heure estoit arrivee en laquelle seroit verifiee la prophetie de Daniel, repetee par Nostre Seigneur en son Evangile, a sçavoir, que pierre sur pierre ne demeureroit au temple de Hierusalem: dont la nuit ensuivant, la terre trembla si fort en ce lieu-la, [121] que toutes les pierres de l'ancien fondement du Temple furent dissipees ça et la; et les materiaux ja preparés, avec les edifices prochains, tous fracassés.

  A002000502 

 De nostre tems, lhors que le grand capitaine Albuquerque estoit du costé de l'isle Camarane, une grande croix pourpree et tres resplendissante apparut au ciel du costé du royaume des Abassins, laquelle fut veuë par toute l'armee des Portugois qui estoit en ces contrees la, avec une incroyable consolation; et dura l'apparition quelque piece de tems, jusques a tant qu'une blanche nuee la cacha aux yeux de ceux qui, pleurans de joye, ne se pouvoyent saouler de voir ce saint et sacré signe de nostre Redemption.

  A002000502 

 Dequoy Albuquerque envoya bien tost apres, par escrit, une bien asseuree attestation a son maistre Emmanuel, roy de Portugal.

  A002000503 

 En la sedition que Pansus Aquitinus esmeut contre Alphonse roy de Congi, son frere aisné, un peu apres que la foy Catholique fut semee par les Portugois en ces pays la, l'on vit une grande multitude de soldatz rebelles fuir devant une petite poignee de personnes qui accompagnoyent le Roy; dequoy le general de l'armee de Pansus rendant rayson, il asseura qu'au commencement de l'escarmouche apparurent, autour du Roy, des hommes d'une façon plus auguste que l'ordinaire, marqués du signe de la Croix et environnés d'une tres claire lueur, combattans tres asprement; dont les soldatz de Pansus estans espouvantés, avoyent pris tout aussi tost la fuite, et que par la reconnoissant qu'il n'y avoit point d'autre Dieu que celuy des Chrestiens, il prioit qu'on le baptizast avant qu'on le fist mourir (comme il pensoit que l'on feroit), ayant esté pris prisonnier.

  A002000504 

 Or certes, les Portugois n'avoyent point de capitaine ainsy paré, qui leur fit connoistre que c'estoit une vision divine par laquelle Dieu les avoit voulu secourir, et quant et quant espouvanter et rompre leurs ennemis..

  A002000505 

 L'interpretation qu'on y veut apporter, de dire que lhors apparoistra le signe du Filz de l'homme, c'est a dire le Filz de l'homme mesme, qui par sa majesté se fera regarder de toutes partz comme une enseigne, est trop forcee et estiree; on voit a l'œil qu'elle ne sort pas ni ne coule des motz et paroles de l'Escriture, mais d'un prejugé auquel on veut accommoder les saintes paroles; c'est une conception qui ne suit pas l'Escriture, mais qui la veut tirer apres soy.

  A002000513 

 A ceste cause ils apposoient la Croix en toutes choses et en tous lieux comme une marque honorable, par laquelle ils monstroient en effect qu'ils vouloient avoir part à l'opprobre de Christ dont ils se glorifioient; et pourtant Chrysostome dit que telle enseigne honoroit plus que toutes les coronnes et diademes ne pouvoient faire.

  A002000513 

 Mais cependant ils n'attribuoient rien à la seule Croix ou au seul signe d'icelle, car Constantin faisoit recognoissance de la victoire à lui advenue, non à la [126] Croix, ains à Christ; car aussi il fit escrire sur les croix, par lui erigees, ces trois mots: Jesus Christ surmonte; tant s'en faut qu'il ait fait des prieres à la Croix: et Helene adora le Roy et non le bois; car c'eust esté un erreur Payen et vanité meschante, dit sainct Ambroise.

  A002000513 

 escrit que par tout on portoit la Croix pour testifier du triomphe de Christ.

  A002000514 

 Que pourroit-on mieux dire a la Catholique? et que disons-nous autre sinon qu'il faut honnorer la Croix pour la protestation de nostre foy, qu'il la faut decorer d'autant plus que ses ennemis la mesprisent, qu'il la faut apposer en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, qu'elle honnore plus et, par consequent, est plus honnorable que tous les diademes et couronnes, qu'il la faut mettre sur les couronnes et sceptres, que c'est un arbre beau et luisant orné de la pourpre du Roy et plus resplendissant que les astres? Et qu'ay-je protesté cy devant sinon qu'il ne faut rien attribuer a la seule Croix et au seul signe d'icelle, qu'elle ne vaut sinon comme outil sacré et saint instrument de la vertu miraculeuse de Dieu, que la Croix n'est rien si elle n'est Croix de Jesus Christ, que sa vertu ne luy est pas adherente mais assistante, c'est a sçavoir, Dieu mesme? Si Constantin a surmonté en la Croix, suivant la divine inscription, In hoc signo vinces, ç'a esté par Jesus Christ agent principal et premier; s'il a surmonté par la Croix, ç'a esté en Jésus Christ comme en la vertu assistante de la Croix.

  A002000520 

 Si donques le traitteur tenoit parolle, et demeuroit ferme a confesser qu'en ceste maniere peuvent les Chrestiens honnorer la Croix, et sur tout que par tout on portast la Croix pour tesmoigner du triomphe de Christ, comme il confesse que l'on faisoit anciennement au recit de Theodoret, et qu'on l'apposast en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, je confesserois de mon costé, avec tous les Catholiques, qu'il auroit bien entendu la vertu de la Croix et la maniere de l'honnorer, et que, comme il s'est vanté, il auroit preché Jesus Christ crucifié.

  A002000524 

 Il avoit dit que les Anciens apposoyent la Croix en toutes choses et en tous lieux comme une marque honnorable, et qu'on la portoit par tout pour testifier du triomphe de Christ, et bien tost apres il fait dire aux mesmes Anciens, par la bouche d'Arnobe, ces paroles: « Nous n'honorons ni ne desirons d'avoir des croix.

  A002000525 

 Cependant, il me laisse a prouver par ordre que la Croix peut et doit estre apposee aux choses sacrees et notamment au temple, qu'elle est honnorable d'un honneur religieux, que les Anciens l'ont desiree et honnoree, et qu'elle est un remede salutaire au genre humain, ce qu'il trouve encores mauvais.

  A002000526 

 Et pour commencer: « Bien souvent, » dit saint Jean Damascene, « ne nous ressouvenans pas (et ce par negligence) de la Passion de Jesus Christ, voyans l'image de la crucifixion d'iceluy nous revenons en memoire de sa Passion.

  A002000527 

 Et du viel tems, lhors que l'on renversa en Alexandrie les idoles de Seraphis plantees par toutes les portes, fenestres, posteaux et murailles, on mit en leur place le signe de la Croix, au recit de Ruffin, et lhors fut verifié ce qu'Esaye predit: En ce jour-la, l'autel du Seigneur sera au milieu de la terre d'Egypte, et le tiltre du Seigneur pres le terme d'icelle, et sera en signe et en tesmoignage au Seigneur Dieu des armees en la terre d'Egypte.

  A002000563 

 Et non seulement on ne la fuit pas, mays est desiree et aymee, chacun en fait conte, elle reluit par tout et est eparse es murailles des maysons, aux sommetz, es livres, es cités, es rues, es lieux habités et inhabités.

  A002000563 

 Mais des-lhors que l'Eglise fut delivree des tyrannies, on vit la Croix par tout celebree « es maysons, es places, es solitudes, [134] es chemins, es montaignes, es vallees, en la mer, es navires, es isles, es lictz, es vestemens, es armes, aux chambres et couches nuptiales, es banquetz, es vases d'argent et d'or, es margarites, es peintures des murailles, es cors des animaux malades, es cors possedés par les diables, es guerres, en paix, es jours, es nuitz, es assemblees des delicatz mondains, es rangz des moynes, tant chacun va a l'envy d'avoir ce don admirable pour soy.

  A002000570 

 Les Ariens avoyent composé des himnes et chansons pour leur secte, et les faisoyent chanter alternativement en leurs processions, sur tout aux solemnités, Dimanche et Samedi; saint Chrysostome douta que, par ce moyen, quelques uns de son peuple ne fussent attirés (plusieurs se laissent aller a ces delicatesses exterieures sans sonder le merite et le fonds de l'affaire, tesmoins les pseaumes de Marot), et partant il dressa son peuple a semblable [137] maniere de chanter, et dans peu de tems les Catholiques surpasserent en ceci les heretiques, non seulement en nombre, mais en appareil; car les images et enseignes de la Croix, faites d'argent, precedoyent avec des flambeaux allumés, et l'eunuque de l'Imperatrice avoit charge de fournir aux despens et faire dresser des psalmes et himnes: c'est Sozomene qui fait ce recit ici.

  A002000571 

 Ainsy les Empereurs ont mis ordre par leurs loys, que la Croix fust portee es processions par les deputés a ce faire, et puys rapportee en un lieu decent et honneste; cela me fait bailler aux parolles de saint Chrysostome le sens que j'ay dit.

  A002000571 

 Qu'advint-il? La contagion environne de toutes pars la cité, mais arrivant justement jusques au lieu ou la procession avoit esté, comme si elle eust veu la les bornes et limites de son pouvoir, non seulement elle n'osa pas entrer dedans, mais encor ce qui estoit des-ja d'infection fut par ce moyen repoussé: saint Gregoire de Tours, qui vivoit il y a pres de mill'ans, en est mon autheur.

  A002000571 

 Une grande peste pressoit un jour l'Allemaigne, tout le voysinage en estoit espouvanté; les habitans de Reims en Champagne recourent a Dieu avec l'intercession de saint Remy, prennent un parement du sepulchre d'iceluy, allument force cierges et flambeaux, avec des croix font une procession solemnelle et generale par tous les coins de la ville, chantans des himnes et cantiques sacrés.

  A002000572 

 Ainsy elle reluit en la Table sacree, ainsy en l'ordination des prestres, ainsy encor de rechef es Cenes mistiques avec le Cors de Jesus Christ; on la void celebrer par tout... » Qui ne void donq combien expressement saint Augustin et saint Chrysostome tesmoignent que la Croix estoit employee a tout, et sur tout es choses saintes et sacrees, qui n'estoyent pas estimees pour telles si elles n'estoyent signees de la Croix.

  A002000572 

 Ce signe est un rempart pour les amis et une defense contre les ennemis; par le mistere de ceste Croix les ignorans sont catechisés, par le mesme mistere la fontaine de la regeneration est consacree, par le mesme signe de la Croix les baptisés reçoivent les dons de grace; par l'imposition des mains avec le caractere de la mesme Croix on dedie les basiliques, on consacre les autelz, on parfait les Sacremens de l'autel; avec l'entremise des parolles du Seigneur, les prestres et levites sont par ce mesme promeuz aux Ordres sacrés, et generalement tous les Sacremens ecclesiastiques sont parfaitz en la vertu d'iceluy.

  A002000572 

 Comment donq ne sera-il rien signifié de bon par ce que les mauvais font, puysque par la Croix de Christ que les mauvais ont faite, tout bien nous est marqué et signé en la celebration de ses Sacremens.

  A002000572 

 Partant, portons avec grande affection la Croix au dedans des maysons et es murailles (vous voyes qu'il parle du signe et image de la Croix), et es fenetres, et au front encores, et en l'esprit, car cela est le signe de nostre salut... » Et peu apres, parlant encores de la Croix, il dit ainsy: « Laquelle il ne faut pas simplement former avec le doigt au cors, mays premierement en l'esprit avec une grande foy; car si tu l'imprimes en ceste sorte en ta face, pas un des meschans demons, voyant la lance par laquelle il a receu la playe mortelle, ne t'osera attaquer.

  A002000572 

 Saint Chrysostome en avoit dit au paravant tout de mesme en ceste sorte: « Portons d'un cœur joyeux la Croix de Jesus Christ comme une couronne, car toutes les choses qui profitent a nostre salut sont consumees par icelle; car, quand nous sommes regenerés la Croix de Jesus Christ y est, quand nous sommes repeuz de la tres sacree viande, quand nous sommes colloqués pour estre consacrés en l'Ordre, par tout et tous-jours ceste enseigne de victoire nous assiste.

  A002000572 

 « En fin, » dit-il, « qui est le signe de Jesus Christ que chacun connoist, sinon la Croix de Jesus Christ? lequel signe s'il n'est appliqué ou au front des croyans, ou a la mesme eau par laquelle ilz sont regenerés, ou a l'huile par lequel ilz sont chresmés, ou au sacrifice duquel ilz sont nourris, rien de tout cela ne se parfait a droit.

  A002000572 

 » Il repete le mesme ailleurs, disant: « Ceste maudite et abominable marque de dernier supplice, a sçavoir la Croix, a esté faite plus illustre que les couronnes et diademes, car le chef n'est point tant aorné par une couronne royale comme par la Croix, qui est plus digne que tout honneur; et de celle qu'au paravant on aborrissoit, on en [140] herche si curieusement la figure si que l'on la trouve par tout, vers les princes, sujetz, hommes, femmes, vierges, mariees, serfz, libres; a tout coup chacun se signe d'icelle, la formant en nostre tres noble membre, car on la figure tous les jours en nostre front comme en une colomne.

  A002000573 

 Aussi es preparatoires de la Liturgie ou Messe de saint Chrysostome, traduitte par Leo Tuscus, le diacre doit, avec une lancette, faire le signe de la Croix sur le pain a consacrer, et quand ce vient a la celebration il est ordonné que l'on mette les pains sur l'autel en forme de croix; ce que mesme Nicolas Cabasile espluche par le menu en l'exposition de la Liturgie.

  A002000573 

 Mais remarquons que saint Chrysostome dit separement que la Croix « reluit en la Table sacree », et tantost apres « qu'elle reluit de rechef en la Cene mistique avec le Cors de Jesus Christ; » car il semble par la qu'il veuille dire que la Croix estoit non seulement [141] a l'Autel ou Table sacree (suivant ce qu'il est commandé aux prestres, en sa Liturgie, de faire la reverence se retournans vers l'image de Jesus Christ, et que saint Paulin recite d'avoir mis l'image de la Croix pres l'autel, comme j'ay dit cy devant), mais encor que l'image et figure de la Croix estoit empreinte en la tres sacree viande de l'Eucharistie.

  A002000574 

 Mays ayant monstré le contraire quant a l'image de la Croix, je puis dire: Hé je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres, Chrysostome, Augustin, Paulin, eussent mis en usage une chose qu'ilz eussent conneu estre inutile et pernicieuse? Mays le mieux est qu'ilz tesmoignent non seulement de leur fait, ains aussi de la prattique du Christianisme de leur aage; ainsy Justinien l'Empereur fit ceste loy: « Que l'Evesque, consacrant une eglise ou monastere, consacre [143] le lieu a Dieu par oraison, fichant en iceluy le signe de nostre salut (nous entendons la vrayement adorable et honnorable Croix); ainsy qu'il commence l'edifice mettant un si bon et propre fondement.

  A002000574 

 Or, je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres eussent privé a leur escient l'Eglise d'une chose qu'ilz eussent conneu luy estre utile et salutaire? » Les pauvres huguenotz avoyent esté apprins comme cela par le pere de leur reformation; on leur a monstré mille fois que c'estoit une fauseté, et que es cinq cens, voire es trois cens premieres annees, il y avoit des images es eglises: ilz dient neanmoins, autant impudemment que jamais, que l'ancienneté ne mettoit point des images aux eglises.

  A002000574 

 [142] Calvin avoit dit que « si l'authorité de l'Eglise ancienne a quelque vigueur entre nous, nous notons que par l'espace de cinq cens ans ou environ, du tems que la Chrestienté estoit en sa vigueur et qu'il y avoit plus grande pureté de doctrine, les temples des Chrestiens ont esté netz et exemptz de telle souilleure »; il parle ainsy des images de Jesus Christ et des Saintz, et peu apres il dit que « si on compare un aage avec l'autre, l'integrité de ceux qui se sont passés d'images, merite bien d'estre prisee au pris de la corruption qui est survenue despuys.

  A002000575 

 Le traitteur, pour ne sembler estre du tout muet, nous oppose qu'Epiphanius « passant par un village nommé Anablatha, estant entré en un temple ou pendoit un voile teint et peint ayant une image comme de Jesus Christ ou de quelque sainct, il mit en piece ce voile, d'autant que cela estoit contre les Escritures; comme cela se lit plus au long en son epistre translatee par sainct Hierosme.

  A002000575 

 Mais que peut tout cela contre les images de la Croix et du Crucifix qui representent au vray la Passion de Nostre Seigneur, ainsy qu'elle est descritte en l'Evangile? Si un evesque trouvoit dans quelque eglise de sa charge l'image d'un Crucifix qui representast Nostre Seigneur non cloué mais attaché avec des cordes sur la croix, comme l'on voit par la faute des peintres, en plusieurs images, le bon et le mauvais larron penduz en ceste sorte, feroit-il pas son devoir de dechirer et rompre telle image? et faudroit-il dire pourtant qu'il rejettast l'usage des images propres et bien faittes?.

  A002000575 

 Que ceste derniere piece d'epistre, citee par le traitteur, n'est aucunement de saint Epiphane, ains un agencement estranger; comme il appert en ce que le sens de l'epistre estoit du tout bien achevé sans ceste piece-la, que ceste piece est hors de propos, qu'elle ne ressent aucunement la phrase de saint Epiphane ou de saint Hierosme, et que les Iconoclastes, citans tous les tesmoignages qu'ilz peurent des anciens Peres, et nommement de saint Epiphane, ainsy qu'il est deduit au second Concile de Nicee, ne produisirent jamais ceste piece de l'epistre traduitte par saint Hierosme.

  A002000576 

 De pareille force est le tesmoignage du Concile Elibertin, cité par le traitteur, auquel il est dit « qu'en l'eglise on ne doit point avoir de peintures, afin que ce qui est honoré et adoré ne soit peint és parois.

  A002000576 

 » Car je dis premierement, que telle occasion peut naistre en quelque province par laquelle on devra defendre que les images ne soyent point es eglises, comme si les infidelles, Maures, Turcz et heretiques ravageoyent les temples, brisoyent les images et les outrageoyent en mespris de ce qu'elles representent, il ne serait que bon de leur en lever toute commodité et occasion.

  A002000581 

 Constantin, comme dit Sozomene, dressa son Labare en forme de croix parce que la coustume estoit que les soldatz fissent reverence a cest estendart, a fin que, par la, peu a peu ilz fussent accoustumés, par la continuelle veuë et veneration de la Croix, a rejetter le paganisme et embrasser la foy de Jesus Christ.

  A002000581 

 Et saint Basile, beaucoup plus ancien, parlant de Jesus Christ, de sa Mere, de ses Apostres, Prophetes et Martyrs, il dit qu'il « honnore les histoires de leurs images et qu'il les adore tout ouvertement, car, » dit-il, « cecy estant baillé par les saintz Apostres, il ne le faut pas defendre, mays en toutes nos [148] eglises, nous dressons leurs histoires.

  A002000581 

 Or ces grans personnages vivoyent en la fleur de l'Eglise, dont saint Thomas et saint Bonaventure ont dit l'honneur de la Croix et des autres images estre une tradition Apostolique; car, voyans qu'il a commencé tout aussi tost que le Christianisme, et que si l'on remonte d'aage en aage dans le tems des Apostres on en trouvera une observation perpetuelle, ilz se sont tenuz en la regle de saint Augustin qui porte, que « l'on croit tres justement que ce que l'Eglise universelle tient, et n'est institué par les Conciles mais a tousjours esté observé, n'a point esté baillé sinon par l'authorité Apostolique.

  A002000581 

 Voyons comme on se gouvernoit [147] alhors touchant l'honneur de la Croix, et nous trouverons que les payens appelloyent les Chrestiens, par injure, « religieux et devotz de la Croix: religiosos Crucis.

  A002000581 

 » Et la mesme est recitee l'epistre du bienheureux pere Nylus au Proconsul Olympiodorus qui vouloit bastir un temple, par ou il luy conseille de mettre l'unique et seule image de la Croix au lieu sacré vers l'orient.

  A002000582 

 » Aussi le traitteur confesse que les meschans eussent esté « honorez par tel supplice, » dont le bienheureux Prince des Apostres, saint Pierre, devant estre crucifié, pria que ce fust les piedz contre-mont s'estimant indigne d'estre crucifié en mesme maniere que son Maistre, comme [149] dit saint Hierosme, et saint Dorothee le touche.

  A002000593 

 « O Croix, il fut ta paix, et par sa chair si digne.

  A002000602 

 Et par vive rayson le portant fait paroistre.

  A002000614 

 Que Jesus, par ses roys, soit pour Dieu reputé;.

  A002000631 

 Mays a quoy, je vous prie, visoit la bravade que les payens faisoyent aux Chrestiens, recitee par Minutius Felix au huitiesme Livre joint a ceux d'Arnobe: « Voicy des supplices pour vous, et des tormens et des croix, non plus pour adorer mays pour souffrir »? n'estoit-ce pas une presupposition de l'honneur que les Chrestiens faisoyent a la Croix qui leur faisoit avancer ces parolles: Ecce vobis supplicia, tormenta, et jam non adorandæ sed subeundæ cruces? En voyla bien asses pour convaincre le traitteur, qui a bien osé dire que du tems de la pure et primitive Eglise on n'a dressé ni veneré la Croix, ou bien, qui revient tout en un, qu'il ne luy faut porter aucun honneur religieux; car, a quel autre honneur se peut rapporter ce que j'ay produit jusques icy? [153].

  A002000638 

 Et afin qu'il ne semble qu'on leur face tort par tels propos, voici les mots [154] dont ils usent quand ils benissent le bois de la Croix: Seigneur, que tu daignes benir ce bois de la Croix, à ce qu'il soit remede salutaire au genre humain, fermeté de foy, avancement de bonnes œuvres, redemption des ames, defense contre les cruels traicts des ennemis; item: Nous adorons ta Croix; item: O Croix qui dois estre adoree, o Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as merité de porter le talent du monde, doux bois, doux cloux, portans doux faix, sauve la presente compagnie assemblee en tes louanges; item: Croix fidele, arbre seule noble entre toutes, nulle forest n'en porte de telle en rameaux, en fleur et en germe; le bois doux soustient des doux cloux et un faix doux.

  A002000638 

 Les choses sont allees si avant que la Croix a esté ise és temples; a esté saluee par ces mots: O Crux ave, c'est à dire, Croix bien te soit, qui sont propos ineptes; 2. et incontinent invoquee en disant: Auge piis justitiam reisque dona veniam, c'est à dire, augmente la justice aux bons et donne pardon aux coulpables; 3.

  A002000644 

 Par ta vertu, par ta puissance,.

  A002000646 

 Et m'ottroye par ton plaisir.

  A002000649 

 Pareilles inepties et blasphemes se commettent autour de la lance, de laquelle saincte lance la feste se celebre le Vendredi apres les octaves de Pasques, et lui est addressee la priere suivante: Bien te soit fer triumphal, qui entrant en la [155] poictrine vitale ouvre les huis du ciel; heureuse lance, navre-nous de l'amour de celui qui a esté percé par toi.

  A002000650 

 Je responds donques au traitteur, a de Beze, et a leurs semblables, cottant par ordre les griefz qu'ilz ont peu pretendre en cest endroit et les raysons pour lesquelles ilz ne sont recevables..

  A002000650 

 Voyla les subtiles recerches que fait ce playsant traitteur pour convaincre les Catholiques d'estre « foret cenez, rendus punais par l'idolatrie et plus stupides que le bois », car c'est ainsy qu'il nous traitte.

  A002000651 

 Ilz trouvent mauvais que l'on parle a la Croix, qu'on la salue, et beaucoup plus qu'on l'invoque, puysqu'elle n'a ni sentiment ni entendement; mais a ce conte il se faudroit moquer des saintz Prophetes, qui en mille endroitz ont addressé leurs paroles aux choses insensibles: O Cieux jettes la rosee d'en haut, et que les [156] nues pleuvent le Juste, que la terre s'ouvre et qu'elle germe le Sauveur; O cieux, oyes ce que je dis; J'invoque a tesmoins le ciel et la terre; Benisses, soleil et lune, le Seigneur; Loues-le, soleil et lune; Qu'as-tu, o mer, qui te fasse fuir, et toy, o Jordain, que tu sois retourné arriere? Saint André ne vit pas si tost la croix en laquelle il devoit estre crucifié qu'il s'escrie saintement: « O bonne Croix qui as receu ton ornement des membres de mon Seigneur, long tems desiree, soigneusement aymee, cerchee sans relasche, et en fin preparee a mon esprit desireux, reçois-moy d'entre les hommes et me rends a mon Maistre, affin que celuy-la me reçoive par toy, qui par toy m'a racheté.

  A002000657 

 Quand Josué demande au soleil qu'il cesse son mouvement, c'est prier Dieu qu'il l'arreste; quand nous demandons a la Croix qu'elle pardonne aux pecheurs, c'est prier le Crucifié qu'il nous pardonne par sa Passion; et si les paroles semblent mal addressees quant a leur propre signification, elles sont neanmoins redressees par l'intention de ceux qui les proferent, et n'y a aucune messeance, parce que ces façons de parler sont ordinaires, familieres et bien entendues de ceux qui ne sont pas chicaneurs et mal affectionnés..

  A002000657 

 Voicy un exemple signalé: Josué desire que le soleil et la lune s'arrestent et parent au milieu de leur carriere; a quoy, je vous prie, s'addresse-il pour en avoir l'effect? Quant a l'intention, pour vray, il fait sa requeste a Dieu: Tunc locuutus est Josue Domino, in die qua tradidit Amorrhæum in conspectu filiorum Israël: Alhors Josué parla au Seigneur, en la journee que Dieu livra l'Amorrheen a la veuë des enfans d'Israël. Voyla son intention qui va droit a Dieu, mais quant a ses paroles elles n'arrivent que jusques au soleil et a la lune: Dixitque coram eis: Sol, contra Gabaon ne movearis, et luna contra vallem Aialon: Et dit devant iceux: O soleil, n'avance point contre Gabaon, et toy, o lune, contre la vallee d'Aïalon. Voyla les paroles qui sont dressees au soleil et a la lune, et voicy [158] l'effect qui ne part que de la main de Dieu: Stetit itaque sol in medio cæli, et non festinavit occumbere spatio unius diei; non fuit postea et antea tam longa dies, obediente Deo voci hominis: Donques le soleil s'arresta au milieu du ciel et ne se coucha point par l'espace d'un jour; onques auparavant ni apres, jour ne fut si grand, Dieu obeissant ou secondant a la voix de l'homme.

  A002000658 

 J'ay donques asses respondu a la plainte que fait le traitteur touchant la salutation et invocation de la Croix, et, par consequent, a ce qu'il peut alleguer de la priere faite en la rime françoise qu'il dit estre es Heures « faites a l'usage de Rome.

  A002000665 

 Je dis qu'on bayse asses par honneur le prince et le roy quand on bayse le bout de [162] son manteau ou de son sceptre, ains on ne bayse pas autrement les mains aux souverains que baysant leurs manteaux; l'honneur fait a telles appartenances se rapporte a ceux de qui elles sont.

  A002000666 

 Ilz nous reprochent la benediction de la Croix; mais, ou ilz trouvent mauvais qu'on la benie, et je leur oppose saint Paul, qui dit que toute creature est sanctifiee par la parole de Dieu et par l'oraison; ou ilz trouvent mauvais les tiltres que l'on baille a la Croix en ceste benediction et en plusieurs autres parties de nos offices, et lhors je leur oppose toute l'antiquité.

  A002000666 

 » En la premiere homelie de la Croix et du larron, il l'appelle « substance de toute joye spirituelle et eslargissement abondant de tous biens; » en la seconde, il l'appelle « nostre soleil de justice, » et ailleurs, « espee par laquelle Jesus Christ a rompu et anéanti les forces du diable.

  A002000666 

 » Saint Ephrem l'appelle « pretieuse et vivifiante, vainqueresse de la mort, esperance des fidelles, lumiere de l'univers, huissiere du Paradis, exterminatrice des heresies, fermeté de la foy, grande et salutaire defense et gloire perpetuelle des bien sentans et leur rempart inexpugnable: » ce dernier tiltre luy est encor baillé par le grand saint Antoyne.

  A002000667 

 Dieu envoya son Filz affin que le monde fust sauvé par iceluy; saint Paul fut fait tout a tous affin qu'il sauvast tous: voyla des parolles bien pareilles quant a l'escorce, mays leur sens est bien different l'un de l'autre.

  A002000667 

 Les paroles des gens de bien et sages sont tousjours prises sagement et en bonne part, par les gens de bien: qu'y a-il de meilleur et de plus sage que l'Eglise? c'est une malice expresse de tirer a un sens blasphematoire ses paroles, qui peuvent avoir un sens bienseant et sortable sans forcer la commune et ordinaire maniere d'entendre.

  A002000667 

 Y a-il mot de plus grande signification que le mot de Dieu, qui signifie le souverain Estre et l'Infini? neanmoins par fois le Saint Esprit l'accourcit tant qu'il le fait joindre aux creatures: J'ay dit, vous estes dieux; Dieu se trouve en l'assemblee des dieux, or au milieu il juge les dieux; Je t'ay constitué Dieu de Pharao.

  A002000668 

 Et a ce propos, quand j'ay veu Illyricus ou Simon Goulart, au Catalogue des tesmoins de leur verité pretendue, apres avoir cité saint Chrysostome attribuant a la Croix plusieurs beaux tiltres, adjouster par forme de commentaire: Encomia Crucis Chrysostomus suo more canit, signo quod signatæ rei convenit tribuens; ista vero postea pontificii non sine blasphemia et idolatria ad signum ipsum retulerunt; [166] c'est a dire: « Chrysostome, a sa façon, chante les louanges de la Croix attribuant au signe ce qui convient a la chose signifiee, mais par apres les papaux ont rapporté ces choses au signe mesme, non sans blaspheme et idolatrie; » quand j'ay veu cela, dis-je, j'ay admiré la vehemence de ceste passion qui ne permet aux novateurs de prendre en bonne part de l'Eglise Catholique les mesmes motz et les mesmes parolles qu'ilz prennent bien en bonne part de la bouche de saint Chrysostome.

  A002000669 

 En fin ce seroit bien en cest endroit ou auroit lieu la distinction tant prechee par le traitteur, de la croix tourment et de la croix instrument de tourment, car bien souvent, louant la Croix, on n'entend pas parler du seul bois ou signe de sa Croix, ains encores des tourmens et peynes que Nostre Seigneur a souffertz.

  A002000670 

 Que c'est un nom bien appliqué, car en cest endroit adoré ne veut dire autre que veneré et honnoré; or qui ne sçait que les jours [167] esquelz se sont faites quelques saintes actions, ou bien ceux esquelz on en fait memoire, sont par tout en l'Escriture appellés tres saintz, tres celebres et venerables? Le Dimanche est appellé jour du Seigneur pour ce qu'il est dedié a Dieu; saint Augustin l'appelle venerable, comme Lactance et saint Chrysostome appellent de mesme le jour de Pasques; pourquoy ne sera venerable le Vendredi dedié a Dieu en honneur de la Passion? 3.

  A002000671 

 Or combien soit ancienne la celebration du Vendredi, et sur tout du Vendredi Saint, a l'honneur de la Croix, saint Chrysostome en tesmoignera: « Commençons aujourd'huy, mes tres chers, » dit-il, « a precher du trophee de la Croix; honnorons ceste journee, ains soyons plustost couronnés en celebrant ce jour, car la Croix n'est point honnoree par nos paroles, mays nous meriterons les couronnes de la Croix par nostre fidelle confession; aujourd'huy la Croix a esté fichee et le monde a esté sanctifié.

  A002000671 

 » Et plus bas: « Ainsy saint Paul mesme a commandé que l'on celebrast feste [168] pour la Croix, adjoustant la cause en ceste sorte: Par ce que Jesus Christ nostre Pasque a esté immolé pour nous.

  A002000671 

 » Sozomene tesmoigne que Constantin le Grand, long tems avant saint Chrysostome, « a veneré le jour du Dimanche comme celuy auquel Jesus Christ ressuscita des mortz, et le Vendredi comme celuy auquel il fut crucifié; car il porta beaucoup d'honneur a la sainte Croix, tant pour le secours receu par la vertu d'icelle en la guerre contre les ennemis, qu'aussi pour la divine vision qu'il eut d'icelle.

  A002000679 

 Encor desplait-il au traitteur que nous appellions la Croix remede salutaire: les Anciens l'ont ainsy appellee, et Dieu, par mille experiences, en a rendu tesmoignage.

  A002000679 

 Entre autres, en la bataille qu'il gaigna sur Maxence, il reconneut que Dieu l'avoit tres favorablement assisté par l'enseigne de la Croix; car estant de retour d'icelle, apres qu'il eut rendu graces a Dieu, il fit poser des escriteaux et colomnes en divers endroitz, esquelz il declairoit a un chacun la force et vertu du signe salutaire de la Croix; et, particulierement, il fit dresser au fin milieu d'une principale place de Rome sa statue tenant en main une grande croix, et fit inciser en caracteres [172] qui ne se pouvoyent effacer ceste inscription latine:.

  A002000679 

 Non seulement autour de la croix qui apparut a Constantin estoyent escrittes ces parolles, Surmonte par ceci, mais Nostre Seigneur luy commanda qu'il fist faire une pareille croix pour s'en servir comme d'une defense en bataille, dont il fit dresser son Labare, richement esmaillé, en ceste forme-la, duquel il se servoit comme d'un rempart contre tout l'effort de ses ennemis, et sur ce patron fit faire plusieurs autres croix qu'il faisoit tousjours porter en teste de son armee.

  A002000686 

 C'est a dire: « J'ay delivré vostre cité du joug de tyrannie par cest estendart salutaire, marque de vraye force, et ay restabli en son ancienne splendeur et grandeur le Senat et Peuple Romain, le remettant en liberté.

  A002000687 

 Ce qu'ayant entendu l'Empereur, s'il voyoit quelque partie de son armee s'affoiblir et allanguir en quelque endroit, il commandoit que l'on y logeast ceste enseigne salutaire comme un secours asseuré pour obtenir victoire, par l'ayde de laquelle la victoire fut soudainement acquise, d'autant que les forces des combattans, par une certaine vertu divine, estoyent beaucoup affermies.

  A002000687 

 De mesme, les Scythes et Sauromates qui avoyent rendu tributaires les empereurs precedens, furent reduitz sous l'Empire par Constantin, qui dressa contre eux ceste mesme enseigne triomphante, se confiant en l'ayde de son Sauveur; et partant il vouloit que sur les armes on gravast le signe du Trophee salutaire, et qu'on le portast en teste de son armee: c'est encor un recit d'Eusebe..

  A002000687 

 Une autre fois, combattant contre Licinius, ayant au front de son armee l'estendart de la Croix, il multiplioit tousjours les trophees de sa victoire, car par tout ou ceste enseigne fut veuë, les ennemis prenoient la fuite et les vainqueurs les chassoyent.

  A002000688 

 Combien de merveilles furent faittes par l'image du Crucifix en la ville de Berite au rapport de saint Athanase? Apres la mort de Julien l'apostat, se fit un si grand tremblement de terre que la mer sortant de ses propres bornes, il sembloit que Dieu menaçast le monde d'un deluge universel; les citoyens d'Epidaure, estonnés de cela, accoururent a saint Hilarion, qui pour lhors estoit en ce païs la, et le mirent au rivage, ou, tout, aussi tost qu'il eut fait trois signes de Croix au sable, la mer qui s'estoit tant enflee, demeura ferme devant luy, et apres avoir fait grand bruit se retira petit a petit en elle mesme: saint Hierosme en est le tesmoin..

  A002000689 

 Les habitans d'une certaine ville du Japon, ayans apprins par l'experience et par les Portugois qui y estoyent que la Croix servoit de grand remede contre les diables, firent dresser des croix en presque toutes leurs maysons, avant mesme qu'ilz fussent Chrestiens, au rapport du grand François Xavier.

  A002000689 

 » La rayson de leur retraitte est parce que, comme dit saint Cyrille, « quand ilz voyent la Croix ilz se resouviennent du Crucifix, ilz craignent Celuy qui a brisé la teste du dragon; » « et si la veuë seule d'un gibbet, » dit saint Chrysostome, « nous fait horreur, combien devons-nous croire que le diable ayt de frayeur quand il voit la lance par laquelle il a receu le coup mortel »? Je ne veux pas oublier a dire que parmi les barbares des Indes, long tems avant nostre aage, on trouva ceste marque de l'Evangile; nos croix y estoyent en diverses façons en credit, on en honnoroit les sepultures, on les appliquoit a se defendre des visions nocturnes et a les mettre sur les couches des enfans contre les enchantemens..

  A002000691 

 La robbe et la Croix appartiennent premierement a Nostre Seigneur, voyla la source de leur dignité; que si par apres il s'en sert a miracle, c'est un ruisseau de ceste source.

  A002000691 

 Si donq on me demande pourquoyj'honnore l'image de la Croix, j'apporteray ces deux raysons: parce qu'elle est une remembrance de Jesus Christ crucifié, et parce que Dieu fait bien souvent des merveilles par icelle, comme par un outil sacré; mais la premiere rayson est la principale et sert de rayson a la seconde, car la Croix ne represente pas la Passion parce que Dieu fait miracles par icelle, mais au contraire Dieu se sert plustost de la Croix pour faire des miracles que de plusieurs autres choses, parce que c'est l'image de sa Passion.

  A002000691 

 » Voyla pas une ignorance lourde? Le formel et premier fondement pour lequel la Croix est honnorable c'est la representation de Jesus Christ crucifié, que toutes les croix font autant l'une que l'autre; mays outre cela il y a des autres particulieres et secondes raysons qui rendent une croix plus honnorable et desirable que l'autre: si non seulement elle represente Nostre Seigneur, mays a esté touchee par iceluy ou par ses Saintz, ou a esté employee a quelque [177] œuvre miraculeuse, certes elle en sera d'autant plus honnorable, mays quand ni l'un ni l'autre ne se rencontreroit, l'image de la Croix ne laisseroit pourtant d'estre sainte a cause de sa representation.

  A002000692 

 Ainsy Constantin vit autour de la seule croix qui lui apparut au ciel ces motz: Surmonte par ce signe; mais cela ne s'entendoit pas seulement de la [180] croix particuliere qui estoit au ciel, ains encor des autres pareilles.

  A002000693 

 Cependant, Picard que vous appelles saint par moquerie, l'estoit a bon escient pour le zele qu'il avoit au service de Dieu; la Sorbonne vous desplait tous-jours, aussi est-ce un arsenal infallible contre vos academies. Et n'est pas vray que les croix de Rome soyent plus saintes que les autres, comme vous dites en gossant, car elles n'ont point d'autre qualité que celles des autres provinces, ni ne sont le siege de la sainteté plus que les autres; leur sainteté c'est le rapport qu'elles ont a Jesus Christ, lequel elles representent ou qu'elles soyent, et ne sont point le siege du Pape (duquel sans doute vous avies envie de parler, o petit traitteur, si un peu de [182] honte de sortir ainsy hors de propos ne vous eust retenu pour ce coup), du Pape, dis-je, lequel estant appellé Sainteté pour l'excellence de l'office qu'il a au service de Jesus Christ en l'Eglise, se tient neanmoins pour bien honnoré d'honnorer le seul signe de ceste premiere, absolue et souveraine Sainteté qui est Jesus Christ crucifié.

  A002000693 

 Et quoy? si le cors est tormenté par le demon affin que l'esprit du possedé soit sauvé (comme parle l'Apostre), voudries-vous que l'exorcisme ou la priere empeschast cest effect? Vous erres, n'entendans ni les Escritures ni la vertu de Dieu.

  A002000693 

 Mais quant aux exorcismes « du tant sainct et renommé docteur Picard et autres Sorbonistes » ou du « moine de sainct Benoist mené à Rome par le cardinal Gondy » qui ne peurent sortir leur effect, ainsy que dit le traitteur, ce n'est pas grand' merveille; l'oraison de saint Paul ne valut rien moins pour n'avoir obtenu le bannissement de cest esprit charnel; l'oraison obtient les miracles, mais non pas tousjours ni infalliblement, et ne faut pour cela mespriser sa vertu.

  A002000699 

 C'est une estrange grace, personne ne se confond, personne ne se donne honte pensant que ç'a esté l'enseigne d'une mort maudite; au contraire, chacun s'en tient pour mieux paré que par les couronnes, joyaux et carquans, et non seulement elle n'est point fuie, mais elle est desiree et aymee, et chacun est soigneux d'icelle et par tout elle resplendit.

  A002000700 

 Est-il raysonnable que ce traitteur qui, a plusieurs passages de saint Augustin, ne respond autre sinon que les livres allegués ne sont pas de saint Augustin, sans autre rayson sinon qu'Erasme et les docteurs de Louvain l'ont ainsy jugé, est-il raysonnable, dis-je, qu'il soit receu a produire un huitiesme livre d'Arnobe Contre les Gentilz, puysque c'est chose asseuree qu'Arnobe n'en a escrit que sept? A l'adventure que le traitteur ne sçavoit pas ceci; mais un homme si aigre et chagrin a censurer les autres, ne peut estre excusé par l'ignorance, laquelle ne sert qu'aux humbles.

  A002000700 

 « Arnobe, » dit-il, « qui vivoit l'an 330, livre VIII Contre les Gentilz, refutant ceste calomnie comme si les Chrestiens eussent adoré les croix (lesquelles ilz faisoyent en l'air a fin d'estre reconneuz par ceste profession exterieure d'avec les payens), respond en ceste sorte: Nous n'honnorons ni desirons les croix, vous voirement qui consacres des dieux de bois, adores par fortune des croix de bois comme parties de vos dieux.

  A002000700 

 » Or je remarque que ces deux livres reformés ont ceste contrarieté, que ce que le petit traitteur applique aux croix [185] materielles, le Catalogue l'assigne au signe fait en l'air, mays ilz n'ont qu'une intention, de contredire a l'Eglise: l'un ne veut confesser ce qui est presupposé en l'objection des payens, a sçavoir, que les Chrestiens eussent si anciennement des croix en matiere subsistante, et l'autre, le confessant, veut monstrer par la qu'il ne les faut point honnorer.

  A002000701 

 Ne les mettons pas en ces dissentions, baillons a leur dire un sens commode par lequel ilz ne s'offensent point les uns les autres, accommodons-les ensemble s'il se peut faire, et demeurons avec eux; c'est la vraye regle de bien lire les Anciens..

  A002000703 

 Si ne veux-je pas laisser a dire quel est l'autheur de ce huitiesme Livre que le traitteur a cité, qui est certes [189] digne de respect, car c'est Minutius Felix, advocat romain, lequel en cest endroit imite, voire mesme presque es paroles, Tertullien et Justin le Martyr, ne se contentant pas d'avoir respondu que les Chrestiens n'adoroyent ni ne desiroyent les croix a la façon qu'entendoyent les payens, mays par apres fait deux choses: l'une, c'est qu'il rejette l'accusation des Gentilz sur eux mesmes, monstrant que leurs estendars n'estoyent autre que des croix dorees et enrichies, [et que] leurs trophees de victoire non seulement estoyent des simples croix mays representoyent en certaine façon un homme crucifié: Signa ipsa et cantabra et vexilla castrorum, quid aliud quam auratæ cruces sunt et ornatæ? trophæa vestra victricia non tantum simplicis crucis faciem verum et affixi hominis imitantur; l'autre chose qu'il fait c'est de monstrer que le signe de la Croix est recommandable selon la nature mesme, alleguant que les voyles des navires et les jougz estoyent faitz en forme de croix, et qui plus est, que l'homme levant les mains au ciel pour prier Dieu representoit la mesme croix; puys conclud en ceste sorte: Ita signo crucis aut ratio naturalis innititur, aut vestra religio formatur. Tant s'en faut donques que Minutius rejette la Croix ou son honneur, sinon comme nous avons dit, qu'au contraire il l'establit plustost; mais le traitteur, qui n'a autre souci que de faire valoir ses conceptions a quel prix que ce soit, n'a pris qu'un petit morceau du dire de cest autheur qui luy a semblé propre a son intention.

  A002000708 

 L'Eglise me dit que j'honnore la Croix, il n'y a huguenot si affilé qui peut monstrer que l'Escriture le defende; mais l'Escriture, qui recommande tant l'Eglise, recommande asses les croix dressees en l'Eglise et par l'Eglise..

  A002000709 

 Je dis, avec Nicephore Constantinopolitain, qu'il est [193] commandé d'honnorer la Croix « la ou il est commandé d'honnorer Jesus Christ; d'autant que l'image est inseparable de son patron, n'estant l'image et le patron qu'une chose, non par nature mais par habitude et rapport, et que l'image a communication avec son patron, de nom, d'honneur et d'adoration, non pas a la verité egalement mais respectivement.

  A002000709 

 » La verge de Moyse, d'Aaron, l'Arche de l'alliance et mille telles choses, ne furent-elles pas tenues pour saintes et sacrees et par consequent pour honnorables? ce n'estoyent toutefois que figures de la Croix; pourquoy donq ne nous sera honnorable l'image de la Croix? Disons ainsy: n'est-ce pas avoir en honneur une chose, de la tenir pour remede salutaire et miraculeux en nos maux? mais quel plus grand honneur peut-on faire aux choses que de les avoir en telle estime et recourir a elles pour telz effectz? or, les premiers et plus affectionnés Chrestiens avoyent ceste honnorable croyance de l'ombre de saint Pierre, neanmoins leur foy est loüee et ratifiee par le succes et par l'Escriture mesme, et cependant l'ombre n'est autre qu'une obscurité confuse et tres imparfaitte image et marque du cors, causee non d'aucune reelle application, mais d'une pure privation de lumiere.

  A002000710 

 Dont nous recueillons du moindre au plus grand: si les images en general, et specialement celle de la Croix, ne se font point par l'ordonnance de Dieu ains par l'outrecuidance et desfiance des hommes (qui ont pensé que Dieu ne les voyoit ni oyoit sinon qu'ils eussent telles images devant leurs [195] sens), voire des images introduites depuis je ne sçay combien de temps, combien doivent-elles estre mises au loin? De faict, quand les choses deviennent en tel poinct qu'elles n'ont peu estre commencees par tel et mesme poinct, c'est chose manifeste qu'il les faut oster, comme Ezechias a osté le serpent à cause qu'il n'a peu estre dressé au commencement pour estre encensé; et à cause de l'abus survenu touchant icelui il a bien fait de l'oster du tout.

  A002000710 

 Et estant advenu qu'alors le peuple lui faisoit des encensemens, c'est à dire l'adoroit, quoi qu'il eust esté fait par Moyse et eust esté conservé par l'espace de 735 ans, Ezechias le rompit et brusla.

  A002000710 

 Icelui avoit esté basti par le commandement de Dieu, pourtant ce n'estoit pas une idole, car, combien que par la Loy generale Dieu eust defendu de faire image de chose qui fust au ciel, en la terre, ni és eaux sous la terre, si est-ce que n'estant astreint à sa Loy ains estant au dessus d'icelle, il a peu dispenser, comme de faict il a dispensé lui-mesme de sa Loy, et a commandé de faire ce serpent qui a esté figure de l'exaltation de Jesus Christ eslevé en croix, comme lui-mesme le tesmoigne en sainct Jean, chap. 3.

  A002000710 

 La rayson est considerable, comme je vay faire voir par les repliques que j'opposeray a ce qu'en dit le traitteur, lequel, avec un grand appareil, produit ce mesme Serpent d'airain contre nous affin qu'il nous morde, en ceste sorte: « Mais ce qui est allegué du 21.

  A002000710 

 » Et peu apres: « Or voyons ce qui est advenu: depuis « adonc jusques au temps du bon roi Ezechias, c'est à dire par l'espace d'environ 735 ans, il n'a point esté parlé de ce serpent d'airain.

  A002000711 

 I. Vous dites, o traitteur, que le Serpent d'airain a esté fait par le commandement de Dieu qui l'a dit a Moyse; mays je dis que les croix se font par le commandement de Dieu qui le suggere a l'Eglise et le luy a enseigné par la tradition apostolique: vous me monstreres que Dieu a parlé a Moyse, je vous monstreray qu'il enseigne et assiste perpetuellement l'Eglise en façon qu'elle ne peut errer..

  A002000713 

 En bonne foy, faire ce Serpent estoit-ce une dispense du commandement prohibitif de ne faire aucune image? vous le dites ainsy; or, la jouissance des dispenses doit estre limitee par le tems et la condition pour laquelle on l'accorde, car la cause estant ostee il ne reste plus d'effect: le peuple donq, estant arrivé sain et sauve en la terre de promission, ne pouvoit plus prendre aucun fondement en l'Escriture de garder ceste image, puysque la cause de la dispensation estoit ostee: partant, confesses que ceste image demeura honnorablement parmi le peuple, sans aucune parole de Dieu escritte, [197] un grand espace de tems.

  A002000713 

 III. Vous dites que « depuis adonc jusques au temps du bon roi Ezechias, c'est à dire par l'espace d'environ 735 ans, il n'a point esté parlé de ce serpent d'airain.

  A002000714 

 Apres que l'on a offert et dedié l'encens a Dieu, on le jette vers le peuple, non pour le luy offrir, mays pour luy faire part de la chose sanctifiee; on en jette vers les autelz, mays c'est a Dieu, comme a celuy qui est adoré sur l'autel; on en jette vers les reliques et memoires des Martyrs, mays c'est a Dieu, en action de graces de la victoire qu'ilz ont obtenue par sa bonté; on en jette es temples et lieux de prieres pour exprimer le désir que l'on a que l'oraison des fideles monte a Dieu comme l'encens: en quoy un grand personnage de nostre aage a parlé un peu bien rudement, disant que l'encens est offert aux creatures; ce sont inadvertances qui arrivent quelquefois aux plus grans, ut sciant gentes quoniam homines sunt.

  A002000714 

 Dont nous concluons au rebours de ce que vous aves fait, petit traitteur: si les saintes images en general, et specialement celle de la Croix, sont dressees par l'ordonnance de l'Eglise et par consequent de Dieu, quoy que vituperees par l'outrecuidance et defiance des hommes (qui ont cuidé que Dieu ne les pouvoit ni voir ni ouÿr sinon qu'ilz eussent renversé telles images), voire des images receües despuys un tems immemorable, combien doivent-elles estre retenues et conservees? Ezechias fit bien d'abattre le Serpent d'airain parce que le peuple idolatroit en iceluy; Moyse, Josué, Gedeon, Samuel et David firent bien de le retenir pendant que le peuple n'en abusoit pas: or l'Eglise, ni les Catholiques par son consentement, n'abusa onques de la Croix ni autres images; il les faut donques retenir.

  A002000714 

 En ce qu'anciennement l'encensement estoit tant conditionné qu'il [199] falloit qu'il fust offert par les Prestres et Levites, et qu'il fust bruslé sur le feu de l'autel au seul Temple de Hierusalem, ou estoit l'autel du parfum destiné a cest usage; ailleurs il n'estoit pas loysible, comme vous confesses vous mesme: Nadab et Abiu se trouverent mal d'avoir fait autrement.

  A002000714 

 en ce que l'encens est une offrande propre a Dieu, comme il est aysé a deduire de l'Escriture, et toute l'ancienneté l'a noté sur l'offrande faitte par les roys a Nostre Seigneur, d'or, d'encens et de myrrhe; l'encens, disent-ilz tous, est a Dieu.

  A002000721 

 Chose admirable, qu'aucun ne peut douter estre advenue par la vertu divine: le sang sortit abondamment du coup qui avoit esté donné a l'image; ce meschant ne s'en appercevant point jusques a ce qu'entrant dans sa mayson, esclairé a la lumiere du feu, il se voit fort ensanglanté; tout esperdu il serre en un coin ceste image et n'ose plus toucher ce qu'il avoit si meschamment desrobbé.

  A002000721 

 Dieu a tesmoigné combien il a aggreable l'image du Crucifix et de la Croix, par mille chastimens qu'il a miraculeusement exercés sur ceux qui par fait ou parolle ont osé injurier telle representation.

  A002000721 

 Je laisse a part mille choses a ce propos, et entre autres l'histoire du cas advenu en Berite, recité par saint Athanase, duquel j'ay fait mention ci dessus.

  A002000723 

 Le vilain Persan Xenaïas avec tous les Mahometains ont par tout renversé les croix.

  A002000724 

 Donques les images, ayans perdu leur forme et par consequent la representation, elles ne sont plus venerables, mais cela s'entend quand elles n'ont point d'autre qualité honnorable sinon la representation et le rapport a leur modelle, comme il arrive ordinairement.

  A002000735 

 Ainsy la vertu de religion, qui a pour sa propre et naturelle occupation de rendre a Dieu autant que faire se peut l'honneur qui luy est deu, tire au service de son dessein les actions vertueuses, les dressant toutes a l'honneur de Dieu; elle se sert de la foy, constance, temperance, par le bien croire, le martyre, le jeusne: c'estoyent desja des actions vertueuses et bonnes d'elles mesmes, la religion ne fait que les contourner a sa particuliere intention qui est d'en honnorer Dieu.

  A002000735 

 Le signe de la Croix est une ceremonie Chrestienne, representant la Passion de Nostre Seigneur par l'expression de la figure de la Croix faitte avec le simple mouvement.

  A002000735 

 Les actions indifferentes demeureroyent inutiles si la religion ne les employoit; estans employees par icelle, elles deviennent nobles, utiles et saintes, et partant capables de recompense et du denier journalier.

  A002000736 

 Venons a l'Evangile: combien y voit-on de ceremonies en nos Sacremens, en la guerison des aveugles, ressuscitation des mortz, au lavement des piedz des Apostres? L'huguenot dira qu'en cela Dieu a fait ce qu'il luy a pleu, qui ne doit estre tiré en consequence par nous autres; mais voicy saint Jean qui baptise, saint Paul qui se tond en Cenchree selon son vœu, il prie les genoux en terre avec l'Eglise Miletaine: toutes ces actions estoyent d'elles mesmes steriles et infructueuses, mays estans employees au dessein de la religion, elles ont esté ceremonies honnorables et de grand poids..

  A002000737 

 Or je dis ainsy: que le signe de la Croix de soy-mesme n'a aucune force, ni vertu, ni qualité qui merite aucun honneur, et partant je confesse « que Dieu n'opere point par seules figures ou characteres, » comme dit le traitteur, et qu' « és choses naturelles la vertu procede [213] de l'essence et qualité d'icelles, és supernaturelles Dieu y besongne par vertu miraculeuse non attachee à signe ou figure; » mays je sçai aussi que Dieu, employant sa vertu miraculeuse, se sert bien souvent des signes, ceremonies, figures et caracteres, sans pourtant attacher son pouvoir a ces choses la. Moyse touchant la pierre avec sa verge, Helisee frappant sur l'eau avec le manteau d'Helie, les malades s'appliquans l'ombre de saint Pierre, les mouchoirs de saint Paul ou la robbe de Nostre Seigneur, les Apostres oignans d'huile plusieurs malades (choses qui n'estoyent aucunement commandees), que faisoyent-ilz autre que des pures ceremonies, lesquelles n'avoyent aucune naturelle vigueur et neanmoins estoyent employees pour des effectz admirables? Faudroit-il dire pour cela que la vertu de Dieu fut clouee et attachee a ces ceremonies? Au contraire, la vertu de Dieu, qui employe tant de sortes de signes et ceremonies, monstre par la qu'elle n'est attachee a aucun signe ni ceremonie..

  A002000738 

 J'ay dit en fin que tout cela se faisoit par un simple mouvement, pour forclore les signes permanens, engravés et tracés en matieres subsistantes, desquelles j'ay parlé au Livre precedent..

  A002000738 

 J'ay dit qu'elle representoit par l'expression de la figure de la Croix, pour toucher la difference avec laquelle le signe de la Croix d'un costé, et l'Eucharistie de l'autre, representent le mistere de la Passion: car l'Eucharistie le represente principalement a rayson de la totale identité de celuy lequel y est offert et de celuy qui fut offert sur la Croix, qui n'est qu'un mesme Jesus Christ; mais le signe de la Croix fait le mesme exprimant la forme et figure de la Passion.

  A002000738 

 J'ay dit que ceste ceremonie estoit Chrestienne; d'autant que la Croix et tout ce qui la represente est folie aux payens, et scandale aux Juifz, lesquelz, comme a remarqué le docte Genebrard alleguant le Rabby Kimhi, l'ont en telle abomination, que mesme ilz ne la veulent pas nommer par son nom, mays l'appellent stamen et subtegmen, estaim et trame, qui sont les filetz que les tisserans croisent en faisant leur toile.

  A002000738 

 Les payens et autres infideles ont quelquefois usé de ce signe, mais par emprunt, non comme d'une ceremonie de leur religion ains de la nostre; et d'effect le traitteur confesse que le signe de la Croix est une marque de Chrestienté.

  A002000739 

 On porte premier la main en haut vers la teste en disant, Au nom du Pere, pour monstrer que le Pere est la premiere Personne de la sainte Trinité et principe originaire des deux autres; puys on la porte en bas vers le ventre, en disant, et du Filz, pour monstrer que le Filz procede du Pere qui l'a envoyé ça bas au ventre de la Vierge; et de la, on traverse la main de l'espaule ou partie gauche a la droite, en disant, et du Saint Esprit, pour monstrer que le Saint Esprit, estant la troisiesme Personne de la sainte Trinité, procede du Pere et du Filz, et est leur lien d'amour et charité, et que par sa grace nous avons l'effect de la Passion.

  A002000739 

 Par ou l'on fait une briefve confession de trois grans misteres: de la Trinité, de la Passion, et de la remission des pechés, par laquelle nous sommes transportés de la gauche de malediction a la dextre de benediction.

  A002000743 

 Nous recognoissons donc qu'anciennement ceste coustume de se signer au front a esté introduite; par qui et comment, il ne conste pas.

  A002000743 

 » Et plus bas: « Il a esté declaré ci-dessus qu'entendoient les Anciens par ce signe, assavoir le tesmoignage exterieur de la foy Chrestienne.

  A002000748 

 Il dit fort gentilement qu'on ne sçait « par qui ni comment » ceste coustume de se signer a esté anciennement introduitte: la ou je luy replique, avec saint Augustin, que « Ce que l'Eglise universelle tient, et n'a point esté institué par les Conciles mais a tousjours esté observé, est tres bien creu n'avoir esté baillé sinon par l'authorité apostolique »; et avec saint Leon, qu' « Il ne faut pas douter que tout ce qui est receu en l'Eglise pour coustume de devotion, ne provienne de la tradition apostolique et de la doctrine du Saint Esprit.

  A002000748 

 » Voyla la regle avec laquelle les Anciens [221] jugeoyent des coustumes ecclesiastiques, selon laquelle le signe de la Croix, qui a tousjours esté observé en l'Eglise, et ne sçait-on par qui ni comment il a esté institué, doit estre rapporté a l'institution apostolique.

  A002000754 

 » Saint Chrysostome: « La Croix reluit par tout, es lieux qui sont et ne sont habités.

  A002000754 

 » Tertullien: « A tout acheminement et mouvement, a toute entree et sortie, en nous vestant, en nous chaussant, aux bains, a la table, quand on apporte la lumiere, entrans en la chambre, nous asseians, et par tout ou la conversation nous exerce, nous touchons nostre front du signe de la Croix.

  A002000755 

 Or, quoy que les Anciens ayent rendu si general le signe de la Croix pour tous les rencontres et actions de nostre vie, comme une briefve et vive oraison exterieure par laquelle on invoque Dieu, si est-ce que je diray seulement comme elle a esté employee aux benedictions, consecrations, Sacremens, aux exorcismes, tentations, et aux miracles.

  A002000761 

 Ç'a esté une solemnelle observation aux Juifz et Chrestiens de prier par l'eslevation des mains, ains c'est une ceremonie tant naturelle que presque toutes nations l'ont employee, comme pour reconnoissance que le ciel est le domicile de la gloire de Dieu; tesmoin celuy qui disoit:.

  A002000769 

 Ne voit-on pas la diversité des affections en la contenance du Publicain et Pharisien? Par ou sont mises a neant les parolles produittes par le traitteur contre les saintes ceremonies:.

  A002000769 

 On peut donq bien prier par des ceremonies.

  A002000769 

 Pour vray, l'essence de la priere est en l'ame, mais la voix, les actions et les autres signes exterieurs, par lesquelz on explique l'interieur, sont des nobles appartenances et tres utiles proprietés de l'oraison; ce sont ses effectz et operations.

  A002000769 

 Saint Antoyne, estant entré dans la grotte de saint Paul premier hermite, « vit le cors de ce Saint, sans ame, les genoux pliés, la teste levee ét les mains estendues en haut; et de prime face estimant qu'il fust encor vivant et qu'il priast, il se mit a faire le mesme; mais n'appercevant point les souspirs que le saint Pere souloit faire en priant, il se jette a le bayser avec larmes, et conneut que mesme ce cors mort du saint homme, par ce devot maintien et religieuse posture, prioit Dieu auquel toutes choses vivent et respirent.

  A002000770 

 Voulant rendre rayson de ce que l'Escriture ne tesmoigne point expressement des miracles faitz par le bois de la Croix, au lieu de [228] dire que c'est parce que ces miracles-la ont esté faitz long teins apres que le Nouveau Testament fut escrit, qui est la vraye et claire rayson, il se met a dire en ceste sorte: « Certes, il semble qu'il n'y ait eu autre raison sinon que Dieu n'a pas voulu arrester les hommes à telles choses terriennes; comme aussi sainct Paul nous enseigne par son exemple que nous ne devons point cognoistre Jesus Christ selon la chair, 2.

  A002000774 

 Et « je ne sçai comment, » dit saint Augustin, « ces mouvemens du cors ne se pouvans faire sinon que l'esmotion de l'esprit precede, et de rechef ces mouvemens estans faitz au dehors perceptiblement, l'esmotion invisible et interieure en croist, si que l'affection du cœur qui a precedé a produire ces mouvemens exterieurs croist et s'augmente par ce qu'ilz sont faitz et produitz.

  A002000774 

 Les ceremonies sont-elles contraires a l'esprit et verité, pour bannir l'un par l'establissement de l'autre? Qui chargea Abraham, Aaron, Moyse, David, saint Paul, saint Pierre et mille autres, de prier les mains levees et les genoux en terre? et cela les empeschoit-il de prier en esprit et verité, ou d'estre vrays adorateurs? C'est une ignorance effrontee de tirer les Escritures a des sens tant ineptes; c'est une impieté formee, non pas une pieté reformee.

  A002000774 

 » Une ame bien esmeuë est esmeuë par tout, en la langue, aux yeux, aux mains.

  A002000775 

 Si parce que saint Paul nous enseigne de ne connoistre pas Jesus Christ selon la chair il ne se faut amuser a la Croix, ni a semblables choses terriennes, pourquoy fait-on conte de la mort et Passion de Jesus Christ, qui n'appartiennent qu'a sa chair et pour le tems de sa mortalité? Que voules-vous dire, o traitteur? Qu'il ne faut connoistre Jesus Christ selon la chair? Si vous entendes selon vostre chair ou celle des autres hommes, je le confesse absolument; mais vous seres inepte de rejetter, par la, la Croix, car la Croix n'est ni selon vostre chair ni selon la mienne, elle luy est contraire et ennemie.

  A002000777 

 Les fumees et traces ne retirent pas le bon chien de la queste, mais l'y eschauffent et animent; ainsy esventant en la Croix, en la Creche, au Sepulchre, les passees et alleures de mon Sauveur, tant plus suis-je esmeu et affectionné a ceste benite recherche, il me tire par la apres soy comme par l'odeur de ses onguens.

  A002000783 

 Puysqu'on peut prier par les saintes et legitimes ceremonies, pourquoy ne priera-on pas par le signe de la Croix, sainte et Chrestienne ceremonie? Mays parlons pour ce coup de la benediction des creatures qui a accoustumé d'estre faitte en l'Eglise, laquelle n'est autre qu'une priere et bon souhait par lequel on demande a Dieu quelque grace et bienfait pour la creature sur laquelle on a quelque advantage ou superiorité, car c'est sans contradiction que ce qui est moindre est beni par le meilleur.

  A002000786 

 Le fracas de ceste cheute fut ouÿ par toute la ville, laquelle s'assemblant a ce spectacle et voyant la fuite du malin, se mit a louer Dieu tout puissant.

  A002000786 

 Or combien ceste coustume aye esté prattiquee en l'ancienne Eglise, en voici des preuves certaines: « Toutes choses qui profitent a nostre salut sont consommees par la Croix, » dit saint Chrysostome; saint Denis, parlant de ceux qu'on consacroit: « Or, » dit-il, « l'evesque benissant imprime en chacun d'iceux le signe de la Croix; » saint Cyprien atteste que « sans ce signe il n'y a rien de saint; » ainsy saint Hilarion benit avec la main ceux qui luy amenerent un gentilhomme françois de la cour de l'Empereur pour estre delivré du malin esprit; et Ruffin nomme une douzaine d'hermites « par les mains, » dit-il, « desquelz il eut cest honneur d'estre beni; » saint Augustin, ayant visité un malade chez lequel il trouva l'Evesque du lieu, « ayant, » dit-il, « receu la benediction de l'Evesque, nous nous retirasmes; » ce fut sans doute par le signe de la Croix, « sans lequel il n'y a rien de saint.

  A002000786 

 Un bon personnage, nommé Joseph, voulant bastir une eglise [240] en la ville de Tiberias, a quoy il avoit besoin d'une grande quantité de chaux, fit faire environ sept fourneaux; les Juifz empeschent par sorceleries que le feu ne se puisse allumer ni ne brusle, ce qu'appercevant Joseph, il prend un vase plein d'eau, et devant tous (car une grande trouppe de Juifz estoyent la a voir ce que feroit ce bon homme), criant fort haut, il fait de sa propre main la Croix sur icelle, et invoquant le nom de Jesus, il dit: « Au nom de Jesus de Nazareth, que mes peres ont crucifié, que vertu soit faitte en ceste eau pour rejetter tout charme et enchantement fait par ces gens.

  A002000786 

 Un certain simple homme print charge de le faire, et creusant sous les principales colomnes l'une apres l'autre mettoit du bois dessous pour les appuyer, puys y voulut mettre le feu affin que les colomnes tombassent, mays le diable, en forme horrible et noire, venoit empescher la force et prise du feu; ce qui fut soudain rapporté a Marcel Evesque du lieu, lequel courant en l'eglise, fit apporter de l'eau, laquelle ayant mise a l'autel, prosterné en terre il prioit nostre doux Seigneur qu'il ne laissast pas faire plus grand progres a l'impieté, et faisant le signe de la Croix sur l'eau, il commande a Equitius, son diacre, qu'il coure et aille arrouser le feu, de ceste eau benite, ce qu'il fit; et soudain le diable, qui ne pouvoit souffrir la force de ceste eau, s'enfuit, et le feu allumé par l'eau son contraire comme si c'eust esté huile, s'attache au bois et en peu de tems le consomme, si que les colomnes n'ayans plus leur appuy cheurent et tirerent a ruyne apres elles toutes les autres avec ce qu'elles portoyent.

  A002000786 

 » Aves-vous veu, traitteur, faire l'eau benite par le signe de la Croix? Theodoret en est mon autheur.

  A002000787 

 Car voicy son projet: s'il leur pouvoit persuader d'honnorer ces idoles, sa cause s'en alloit gaignee; s'ilz s'y rendoyent difficiles, il pouvoit prendre occasion de se venger d'eux comme de perturbateurs des coustumes romaines, qui auroyent par ce refus offensé et la Republique et l'Empereur.

  A002000787 

 Eux, ayans descouvert la tromperie qu'on leur avoit faitte, sortans aux places et rues crioyent par tout lamentablement qu'on les avoit trahis, qu'ilz n'avoyent commis le paganisme qu'avec les mains et que leur cœur en avoit tous-jours esté tres esloigné, et venans a l'Empereur jettent a ses piedz l'argent qu'il leur avoit donné, luy demandans la mort en punition du crime qu'ilz avoyent commis, quoy qu'ignoramment.

  A002000787 

 Julien l'Apostat fit peindre aupres de sa statue (laquelle estoit en la place publique selon la coustume) l'image de Jupiter, comme venant du ciel, luy apportant la couronne et pourpre qui sont les habitz imperiaux; item, Mars et Mercure vis a vis de luy, le regardans comme pour tesmoigner qu'il estoit homme et vaillant et bien disant; affin que par la, sous pretexte de l'honneur qu'on avoit decreté aux Empereurs, il forçast tacitement les sujetz a honnorer les idoles peintes avec l'image d'iceluy.

  A002000787 

 Or, aucuns de ceux qui avoyent fait cest acte par ignorance et inconsideration se trouvans le soir a table, beuvans les uns aux autres selon la coustume, invoquoyent Jesus Christ sur leur breuvage et faisoyent le signe de la Croix; un de ceux qui estoyent assis leur dit, comme ilz osoyent invoquer Jesus Christ et faire son signe, veu qu'ilz l'avoyent renié peu au paravant.

  A002000787 

 Quelques uns, descouvrans la ruse, refuserent tout a fait de commettre ceste impieté; les autres, plus simples, firent ce qu'on leur commandoit, sans autre malice; les autres, ou par avarice ou par crainte, se laisserent aller a ce peché.

  A002000788 

 Et de plus, mal est prins bien souvent a ceux qui ont mesprisé de faire ce saint signe avant que de manger et boire: tesmoin la religieuse qui mangea une laittue, et le religieux qui beut sans faire le signe de la Croix, qui furent aussi tost saisis du malin. Le traitteur fait deux reproches a ces tesmoignages: l'un, « Qui ne void, » dit-il, « que c'est fable? » L'autre: « Sainct Paul dit [244] que la viande nous est sanctifiee par la Parole de Dieu, et par la priere, et ne parle point du signe de Croix, ne d'autre.

  A002000788 

 » Il a tort, car ces recitz n'ont rien d'impossible, rien d'inepte, et partent d'une bouche honnorable; c'est de saint Gregoire le Grand qui vaut mieux que tous ces reformés, en doctrine et authorité: sera-il donq permis au premier venu de desmentir ainsy les Anciens? Au demeurant, le dire de saint Paul, que les viandes sont sanctifiees par la priere, confirme ce que nous avons dit; car, parce que le signe de la Croix est une priere briefve, aysee, vigoureuse et ordinaire es benedictions des viandes, dire qu'a faute de faire la Croix le diable saisit un religieux et une religieuse, c'est a dire que ce fut a faute de faire ceste priere la, qui estoit la plus aysee et familiere, et a plus forte rayson autre quelcomque; bien qu'encores soit-il vray que le signe de la Croix a une particulière force contre les diables, outre celle qui est commune a toute priere, comme nous verrons cy apres.

  A002000794 

 Le costé du Sauveur, percé par la lance sur la Croix, fut la vive source de toutes les graces dont les ames sont arrousees par les saintz Sacremens; nos Anciens l'ont ainsy remarqué.

  A002000795 

 Saint Chrysostome: « Ainsy la Croix reluit en la [246] Table sacree, es ordinations des prestres, ainsy de rechef avec le Cors de Jesus Christ es Cenes mistiques; » et ailleurs, parlant de la Croix: « Tout ce qui profite a nostre salut est consommé par icelle; car estans regenerés, la Croix y est, quand nous sommes nourris de la tres sacree viande, lhors que nous sommes establis pour estre consacrés en l'Ordre, par tout et tousjours ceste enseigne de victoire nous assiste.

  A002000795 

 » Saint Augustin: « Si ce signe n'est appliqué ou au front des croyans, ou a l'eau mesme par laquelle ilz sont regenerés, ou a l'huile avec lequel ilz sont ointz de chresme, ou au sacrifice duquel ilz sont nourris, rien de tout cela n'est deüement parfait.

  A002000795 

 » Saint Denis Areopagite tesmoigne que le chresme estoit versé dans le baptistere en forme de croix, comme nous faisons encor maintenant; et traittant de la sainte Onction: « L'evesque, » dit-il, « commençant l'onction par le signe de la sainte Croix, laisse l'homme aux prestres pour estre oint par iceux par tout le cors »; parlant des saintz Ordres: « Or, » dit-il, « a chacun d'iceux le signe de la Croix est [247] imprimé par l'evesque benissant.

  A002000800 

 » Voyla a la verité une belle rayson produitte par les propres motz de saint Augustin.

  A002000801 

 Le traitteur reconnoist ceste rayson comme partie de saint Augustin et de Lactance, et tout aussi tost y joint ceste censure: « Quoi que ce soit, ç'a esté une façon introduite par imitation et exemple Judaique, et non par commandement: or, jamais on ne se doit fonder sur le seul exemple des hommes, ains sur les reigles [250] generales tirees du commandement de Dieu.

  A002000801 

 Les Israelites avoient commandement de Dieu de faire ce qu'ils ont fait sur leurs surseuils, mais les Chrestiens n'ont point esté commandez de se signer sur le front; aussi en est procedé un erreur tres-pernicieux, né premierement de simplicité, accreu depuis par ignorance, et à present debattu par opiniastreté, d'attribuer au bois de la Croix ce qui est propre au seul Crucifié.

  A002000801 

 » Ce sont encor paroles de saint Augustin, par lesquelles il monstre que, comme les enfans d'Israël marquoyent du sang de l'aigneau Pascal les posteaux et sursueilz de leur domicile pour estre garantis de l'extermination, ainsy les Chrestiens sont signés au front, comme au sursueil de tout l'homme, du signe du sang et de la Passion de l'Aigneau qui leve les pechés du monde, pour estre en asseurance contre tous les ennemis de leur salut.

  A002000803 

 Et quoy? ne seroit-ce pas honnestement et par ordre d'estre assis, debout, ou du tout prosterné en terre? Pourquoy n'est-ce pas honnestement fait de se signer au front? Quel commandement avoyent Isaac et Jacob de benir leurs enfans? saint Jean de porter des habitz si grossiers, habiter es desertz et non en la mayson de son pere, ne boire ni vin ni cervoise, ne manger que locustes et miel sauvage, et porter ceste ceinture de peau? quant a sa ceinture il imitoit son Helie, mays sans commandement; et cependant ce sont choses que les Evangelistes ont estimees remarquables, aussi les ont-ilz remarquees.

  A002000803 

 Mays, [251] je vous prie, voyes ceste consequence: tout se face honnestement et par ordre, donques il faut s'agenouiller en priant.

  A002000803 

 Ou est-il commandé de prier le genouïl en terre? Pour vray, Calvin ne l'a onques sceu trouver en autre lieu que la ou l'Apostre dit: Tout se face honnestement et par ordre.

  A002000803 

 Quand Helisee frappoit sur les eaux avec le manteau de son maistre, quel commandement en avoit-il? n'estoit-ce pas pour imiter ce que son maistre avoit fait peu auparavant? Lever et imposer les mains pour benir, comme nous avons ja remarqué cy dessus, ou fut-il commandé? et neanmoins la prattique en est tesmoignee par toute l'Escriture..

  A002000804 

 De ce genre est (affin que je cotte de premier ce qui est le premier et tres vulgaire) que nous signons du signe de la Croix ceux qui ont mis leur esperance en Jesus Christ: qui l'a enseigné par escrit? » Aves-vous ouÿ, petit traitteur, ce grand et ancien maistre, comme il tient l'observation de se signer au front pour toute commandee, quoy qu'elle ne soit expressement escritte? Que luy sçauries-vous opposer, sinon qu'il est homme, a vostre accoustumee? Et certes il est homme, mais tres chrestien et tres entendu en la loy Evangelique, regentant en l'Eglise au tems de sa plus grande pureté.

  A002000804 

 Je le confesse, mais je dis qu'on peut aussi prier en celle ci, aussi bien que levant les mains et les yeux; et puysque aux generaux commandemens de prier [252] Dieu, confesser la foy et faire profession de sa religion, le signe de la Croix n'est point forclos, pourquoy est-ce qu'on l'en forclorra? Calvin, confessant qu'on ne sçauroit monstrer par aucun texte expres que jamais enfant fut baptisé par les Apostres, dit neanmoins tout hardiment que « toutefois ce n'est pas a dire qu'ilz ne les ayent baptisés, veu que jamais n'en sont exclus quand il est fait mention que quelque famille a esté baptisee.

  A002000804 

 puysque le signe de la Croix est une profession de foy et invocation du Crucifix, il est asses commandé de se signer au front par tout ou il est commandé de faire profession de foy et invoquer Jesus Christ.

  A002000804 

 » On ne peut pas, diray-je a mesme, monstrer expressement que l'oraison qui se fait par le signe de la Croix soit expressement commandee, toutefois ce n'est pas a dire qu'elle ne le soit, veu que jamais elle n'est excluse quand il est commandé de prier.

  A002000805 

 Au reste, c'est une playsante gradation que celle que fait cest homme, disant que l'erreur d'honnorer la Croix est « né de simplicité, accreu par ignorance et debattu maintenant par opiniastreté.

  A002000805 

 » Car par la il attribue a nostre aage la science et connoissance avec opiniastreté, aux predecesseurs une simple ignorance, et aux plus anciens Chrestiens une simplicité ignorante, puysqu'autre simplicité ne peut causer l'erreur: la ou, au contraire, ces Anciens si clairvoyans seroyent bien plus inexcusables d'avoir donné commencement a l'erreur, s'il y en avoit, que nous qui en serions les sectateurs beaucoup moins entenduz et sçavans; ce seroit nous qui errerions par simplicité et ignorance a la suite des Anciens.

  A002000806 

 III. La troisiesme rayson, de se signer au front, est ainsy touchee par saint Hierosme: « Le prestre de l'ancienne Loy portoit une lame de tres fin or attachee a sa tiare, pendant sur le front, en laquelle estait gravé, Sanctum Domino: Saint au Seigneur; [256] et devoit tousjours avoir cest escriteau sur le front affin que Dieu luy fust propice.

  A002000806 

 » Pour monstrer donq que les Chrestiens, estans un royal sacerdoce, sont saintz au Seigneur par le sang du Sauveur, au lieu de la lame d'or ilz portent le signe de la Croix sur le front..

  A002000807 

 Voici encor d'autres raysons, marquees par l'ancien Origene et saint Chrysostome.

  A002000813 

 Dieu appella l'homme qui estoit vestu de lin, dit le prophete Ezechiel, et qui avoit l'escritoire de l'escriveur sur ses reins, et le Seigneur luy dit: Passe par le milieu de la cité au milieu de Hierusalem, et marque de Thau les frons des hommes qui gemissent et souspirent pour toutes les abominations qui se font au milieu d'icelle.

  A002000813 

 Voyons donques par le menu ce qu'il en dit, et l'examinons..

  A002000815 

 II. Apres que le traitteur a ainsy colloqué son opinion touchant la version de ce lieu, il poursuit ainsy: « Vrai est que Theodotion et l'interpretation Vulgaire ont retenu le mot de Thau, le prenant materiellement comme on parle aux escholes, sur quoi plusieurs ont [260] philosophé à leur plaisir: car, comme le mesme sainct Hierosme escrit, les uns ont dit que par la lettre Thau, qui est la derniere de l'alphabet Hebrieu, estoient signifiez ceux qui avoient une science parfaite; les autres ont dit que par la mesme lettre estoit entendue la Loy, qui en Hebrieu est appelee Thorah, duquel mot la premiere lettre est Thau; et finalement le mesme sainct Hierosme, laissant le charactere dont a usé le Prophete, a recherché le charactere des Samaritains, et dit que Thau, entre les Samaritains, a la ressemblance d'une croix, mais il ne peint point la figure de ce Thau des Samaritains; et pourtant icelui, sentant que ce sien dire estoit recerché de trop loin, adjouste, incontinent apres, une autre exposition, c'est assavoir, que comme la lettre Thau est la derniere en l'alphabet, ainsi par icelle estoient representés les gens de bien estans de reste de la multitude des mal vivans.

  A002000817 

 C'est tres mal parlé de dire que plusieurs ont philosophé sur cela « à leur plaisir », entendant des anciennes considerations faittes sur ceste Prophetie; car ces anciens et graves espritz n'ont pas manié les Escritures a leur playsir, mais leur playsir par l'Escriture.

  A002000818 

 Aussi, quoy que saint Hierosme produise plusieurs sens, si ne sont-ilz pas contraires, mais peuvent tous joindre ensemble sur celuy que saint Hierosme estime le plus sortable, et lequel est plus doux et naïf: car le comble de connoissance, signifié par la fin et comble des lettres, qui est Thau, gist a sçavoir et prattiquer la Loy, laquelle est encor signifiee par Thau, d'autant que le mot Thorah, qui signifie la Loy, se commence par Thau.

  A002000818 

 Or la Loy ne s'observe que par le reste et petit nombre des bons, et ce en vertu de la Croix et mort du Sauveur, le signe de laquelle est sur leur front, exprimé par la lettre Thau hebraïque.

  A002000819 

 Il proteste ouvertement que c'est son opinion, car, apres avoir allegué les deux premieres, il produit la troisiesme ainsy: « Mais affin que nous venions a nos affaires, par les anciennes lettres des Hebreux, desquelles jusques a ce jourd'huy les Samaritains se servent, la derniere lettre Thau a la ressemblance de la Croix, laquelle est peinte au front des Chrestiens et signee par la frequente inscription faite avec la main.

  A002000820 

 Et par ceci l'on void combien le traitteur a ou d'ignorance ou de malice, quand il dit que saint Hierosme a laissé le caractere dont a usé le Prophete, pour rechercher le caractere des Samaritains.

  A002000821 

 « Mais soit, » dit-il, « que la lettre Thau ait esté peinte en charactere Hebrieu, ou en charactere Samaritain par une seule figure, il est aisé à voir qu'il y a peu de similitude à une croix entiere: [264] car le charactere Hebrieu est fait ainsi, ﬨ, et le charactere Samaritain ainsi, T, qui n'est pas la vraye figure d'une croix, car il y defaut la partie du dessus, où estoit fiché l'escriteau ou titre de la croix, comme l'a bien remarqué Lypsius, au chap. 10.

  A002000826 

 La ou je dis que [comme] Thau veut dire un signe et une lettre particuliere, ressemblante a la Croix, si la Prophetie s'entend d'un signe absolument, il faudra tousjours le rapporter a iceluy de la Croix, a cause de l'excellence d'iceluy, comme j'ay dit ci devant; et de plus, ce signe estant exprimé par un mot qui a en teste et en sa premiere lettre la figure de la Croix, et non seulement [266] cela, mais signifie encor un certain seul caractere qui a semblance de croix, nous sommes tousjours plus contrains, par la consideration de tant de circonstances, a prendre ce signe de la Prophetie pour celuy de la Croix.

  A002000828 

 Premierement il appert par ce qui est recité au huictieme et neufvieme chapitres d'Ezechiel, que tout ce qui est là dit, a esté representé en vision mentale, tellement que la chose n'a esté reellement faite.

  A002000829 

 C'est donc hors de raison que ce qui a esté dit pour un certain temps et lieu, et pour certaines personnes, soit destourné et assigné ailleurs que n'a jamais esté l'intention de l'Esprit de Dieu qui a parpar la bouche d'Ezechiel.

  A002000830 

 Et ceste parole, Vous ne briseres pas un os d'iceluy, est entendue de Jesus Christ par saint Jean, et neanmoins elle fut ditte immediatement de l'aigneau Pascal.

  A002000830 

 Je pourrois en alleguer plusieurs autres, mais voyla [270] presque la fleur des Anciens, mesmement Origene, saint Chrysostome et saint Hierosme pour les langues et proprietés des motz de l'Escriture: comme est-ce donques que le traitteur a osé si mal traitter nostre rayson tiree d'Ezechiel, laquelle a esté si bien traittee par ces doctes et anciens maistres?.

  A002000830 

 Saint Chrysostome: « Au nombre de 300, le mistere de la Croix est demonstré; la lettre T est la marque de trois cens, dont il est dit en Ezechiel: et tu escriras au front des gemissans Thau, et quicomque l'aura escrit sur luy ne sera point tué; car quicomque a l'estendart de la Croix en son front, celuy-la ne peut estre blessé par le diable.

  A002000830 

 » Saint Cyprien: « Qu'en ce signe de la Croix soit le salut a tous ceux qui en sont marqués au front, Dieu le dit par Ezechiel: Passe par le milieu de Hierusalem, et tu marqueras le signe sur ceux qui gemissent; » ( et notabis signum, dit-il).

  A002000831 

 Puys donq que les Juifz ne furent point marqués de Thau, comme veut le traitteur, je conclus que pour bien verifier ceste vision, il faut que les Chrestiens, Israëlites spirituelz, en soyent marqués, c'est a dire, de la Croix, signifiee par le Thau..

  A002000832 

 VII. Neanmoins, le traitteur poursuit ainsy: « Or donc, le vrai sens du passage d'Ezechiel est, que Dieu declare que lors que ce grand jugement seroit exercé sur la ville de Jerusalem, ceux seulement en seroient exemptez qui seroient marquez par l'Esprit de Dieu; et ceste façon de dire est prinse de ce qui se lit au chap. XI. d'Exode, où... il est commandé aux Israelites de mettre du sang de l'Agneau sur le surseuil de leurs habitations, afin que l'Ange voye la marque de ce sang et passe outre sans offenser les Israelites.

  A002000835 

 Pour vray, le suc de nostre bon heur est d'estre ointz et marqués [273] au cœur par nostre Maistre, mais le signe exterieur est encor requis, puysqu'on ne le peut mespriser sans rejetter l'interieur; et est rayson, puysque nos deux pieces sont a Jesus Christ, l'interieure et l'exterieure, qu'elles portent aussi toutes deux sa marque et son inscription.

  A002000835 

 Que les marqués de l'Apocalipse nous asseurent de plus fort, car ce sont ceux qui, pour protestation de leur foi et invocation du Sauveur, auront esté signés du signe de la Croix, comme ont dit les anciens interpretes; autres ne sont esleuz que ceux qui auront confessé de bouche, de cœur, par signes et par œuvres, autant qu'ilz pourront, avec l'Apostre, qu'ilz n'ont autre gloire qu'en la Croix de Jesus Christ.

  A002000841 

 Apres que le traitteur a tasché d'establir sa marque invisible d'Ezechiel par les marques des esleuz dont il est parlé en l'Apocalipse, il allegue en fin pour son intention la marque de la beste.

  A002000841 

 L'Antechrist, cest homme de peché, ceste beste farouche, voulant renverser piece a piece la discipline et Religion Chrestienne par l'opposition d'observations contraires a celles des fidelles, entre [275] autres il fera signer ses serviteurs d'un signe, et fera imprimer un caractere en eux: l'Apocalipse le dit ainsy; mays a sçavoir mon, si ce signe sera visible ou perceptible.

  A002000842 

 Que si l'Antechrist, comme singe, voulant faire et contrefaire le Christ, marquera ses gens au front, et par la les obligera a ne se point signer de la Croix, comme dit Hippolite, combien affectionnement devons-nous retenir l'usage de ce saint signe, pour protester que nous sommes Chrestiens et jamais n'obeirons a l'Antechrist? Les ministres avoyent enseigné leurs huguenotz que les couronnes des ecclesiastiques estoyent les marques de la beste, mais voyans qu'ilz ne pouvoyent porter une plus expresse marque de beste que de dire cela, puysque [278] d'un costé, la plus grande partie des papaux (qu'ilz appellent) ne la portent pas, et saint Jean tesmoigne que tous les sectateurs de la beste porteront sa marque, et d'autre costé, que ceux qui ne portent pas la couronne clericale ne laissent pas de trafiquer, et qu'au contraire le traffic est prohibé a ceux qui la portent, cela les a fait jetter a ceste interpretation, que la marque de la beste devoit estre invisible: c'est tousjours marque de beste, ou d'opiniastreté bestiale, comme je viens de monstrer..

  A002000842 

 Qui ne voit ici separee l'obeissance d'avec la marque? et qui ne suivra plustost ces Anciens non passionnés, que ces novateurs tout transportés du desir d'establir leurs fantasies par quelque pretexte des Escritures? 5.

  A002000843 

 Les folz vont tousjours par les extremités.

  A002000843 

 Voyla dix raysons de faire et recevoir la Croix au front, tant au Baptesme et Confirmation qu'es autres occasions, a la suite de toute l'ancienne Eglise: dont saint Ambroise fait dire a la bienheuree sainte Agnes, que Nostre Seigneur l'avoit marquee en la face a fin qu'elle ne receust autre amoureux que luy; et saint Augustin, sur saint Jean: « Jesus Christ n'a pas voulu qu'une estoille fust son signe au front des fideles, mais sa Croix: par ou il fut humilié il est par la glorifié; » et Victor d'Utique descrivant le supplice fait a Armagaste, il dit que le tourment luy avoit tellement estiré le front, que la peau ne ressembloit qu'aux toiles d'araignes, tant elle estoit mince et estendue: « Le front, » dit-il, « sur lequel Jesus Christ avoit planté [279] l'estendart de sa Croix.

  A002000843 

 » Coustume, laquelle, comme elle est du tout mesprisee par les huguenotz, aussi estoit-elle superstitieusement observee par les Isins, heretiques Indois, qui non contens de faire simplement le signe de la Croix au baptesme de leurs enfans, le leur impriment sur le front avec un fer chaud.

  A002000849 

 Lactance: « Comme iceluy, » (Jesus Christ) « vivant entre les hommes, chassoit tous les diables par sa parole, ainsy maintenant ses sectateurs chassent ces mesmes espritz infectz, et par le nom de leur Maistre et par le signe de la Passion.

  A002000849 

 Saint Athanase: « Tout art magique est repoussé par le signe de la Croix, tout enchantement est levé.

  A002000849 

 Saint Augustin: « Si par fois l'ennemy veut dresser des embusches, que le racheté sçache qu'avec le mot du Symbole et l'estendart de la Croix il luy faut aller au devant.

  A002000849 

 Saint Chrysostome: « Il a appellé prix la Croix; laquelle il ne faut pas simplement [282] former du doigt au cors, mais, a la verité, premierement en l'ame; car, si en ceste façon tu l'imprimes en ta face, pas un des diables n'osera t'attaquer, voyant la lance par laquelle il a receu le coup mortel.

  A002000849 

 Saint Martial, disciple de Nostre Seigneur: « Ayes tous-jours en esprit, en bouche et en signe, la Croix du Seigneur auquel vous aves creu, vray Dieu et Filz de Dieu; car la Croix du Seigneur est vostre armeure invincible contre Satan, heaume defendant la teste, cuirasse conservant la poitrine, bouclier rabattant les traitz du malin, espee qui ne permet que l'iniquité et embusches diaboliques de la meschante puissance s'approchent d'elle; par ce seul signe la victoire celeste nous a esté donnee, et par la Croix le Baptesme a esté sanctifié.

  A002000849 

 » Et bien tost apres: « Vienne qui cherche l'experience de ces choses, a sçavoir, de la pompe des demons, de la tromperie des devinemens et merveilles de la magie, qu'il use du signe de la Croix (qu'ilz pensent estre ridicule) nommant seulement Jesus Christ: il verra par iceluy chasser les diables, les devins se taire, et toute magie et enchantement se destruire.

  A002000851 

 Lactance raconte que quelques Chrestiens, assistans a leurs maistres qui sacrifioyent aux idoles, faisans le signe de la Croix chasserent leurs dieux, si qu'ilz ne peurent figurer leurs devinations dans les entrailles de leurs victimes; ce qu'entendans les devins, ilz irritoyent ces seigneurs, a la sollicitation des demons, contre la Religion Chrestienne, et les induisoyent a faire mille outrages aux eglises: dont Lactance ayant conclud contre le paganisme pour la Religion Chrestienne, il dit en ceste sorte: « Mais les payens disent que ces dieux ne fuyent pas devant la Croix par crainte, mais par haine.

  A002000851 

 Ouy, comme si quelqu'un pouvoit haïr sinon celuy qui nuit ou peut nuire; ains [284] il estoit seant a la majesté de ces dieux de punir et tourmenter ceux qu'ilz haïssoyent, plustost que de fuir; mays d'autant qu'ilz ne peuvent s'approcher de ceux esquelz ilz voyent la marque celeste, ni nuire a ceux que l'Estendart immortel contregarde comme un rempart inexpugnable, ilz les faschent et affligent par les hommes, et les persecutent par les mains d'autruy; ce qu'a la verité, s'ilz confessent, nous avons gain de cause.

  A002000852 

 Julien, apprentif en ce mestier, demeure tout esbahi » de voir les diables vaincus par la Croix; le maistre sorcier le tance, et, contournant le fait a son advantage, luy dit: Ne penses pas, je vous prie, qu'ilz ayent eu peur; « ilz ont prins en abomination ce signe, non pas qu'ilz en ayent esté espouvantés.

  A002000853 

 Saint Gregoire le Grand raconte qu'un Juif, se trouvant une nuit en un temple d'Apollo ou plusieurs diables estoyent assemblés comme tenans conseil, s'estant signé de la Croix, il ne peut onques estre offensé par iceux; d'autant, disoyent-ilz, que « c'est un vaisseau vuide, mays il est marqué.

  A002000855 

 Et parlant de l'exemple de Julien l'Apostat, il dit que l'exemple d'un tel miserable ne doit estre allegué pour establir une doctrine en l'Eglise, cartel exemple n'est pas louable... tellement qu'on peut bien faire ceste conclusion: puis que Julian l'Apostat et semblables ont fait ce signe et en ont esté, comme on dit, secourus, il est apparent que cela ne procede de Dieu, ains qu'il est venu de Satan qui l'a de plus en plus voulu troubler et enlacer, par le juste jugement de Dieu.

  A002000855 

 » 3. Que si ces effectz sont faitz « par la force de Jesus Christ, ç'a esté moyennant l'invocation du Nom d'icelui et non par un signe; que si ç'a esté par mauvais moyen, un charme aura esté chassé par un contre-charme... Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes; lequel Satan, se voyant deschassé de son fort par Jesus Christ, a basti un autre fort contre le mesme Jesus Christ, en employant à tel effect la simplicité des Chrestiens... et en fuyant devant la Croix il a fait comme ceux qui reculent pour plus avancer.

  A002000856 

 J'oppose que, puysqu'il s'est peu faire que les merveilles faittes a la Croix ayent esté faittes par la force de Dieu, pour engraver la pensee de la mort et passion de nostre Sauveur au cœur des hommes, comme le traitteur confesse, il a eu tort et s'est monstré trop passionné d'aller rechercher une autre cause de ces miracles, car celle ci est plus a l'honneur de Dieu et au salut des hommes que non pas de dire que le diable en a esté l'autheur, comme le mesme traitteur dit par apres.

  A002000856 

 leur contrarieté, incertitude et doute; il ne sçait a qui bailler l'honneur de ces evenemens: « Si c'est par la force de Jesus Christ... si c'est [288] par mauvais moyens... Il s'est peu faire que pour engraver une plus profonde pensee de la mort et passion de Jesus Christ... Que si ç'a esté Dieu donnant efficace d'erreur à Satan pour decevoir les hommes... » Quelz embarrassemens: monstre-il pas, avec ces irresolutions, qu'il est bien empesché, et qu'il va sondant le guay pour essayer s'il pourra trouver quelque response? 2.

  A002000857 

 Ah, traitteur, vous rendres un jour conte [292] de ces vaines subtilités, par lesquelles vous destournes toutes choses a vostre impieté..

  A002000857 

 Et de vray, qu'y aura-il de resolu au monde s'il est loysible de bailler ces sens aux miracles et actions extraordinaires? sera-il pas aysé a l'obstination d'attribuer la resuscitation des mortz mesmes aux illusions diaboliques? Mays qu'estoit-il besoin au diable de faire le fin avec Julien l'Apostat, nomplus qu'avec le Juif duquel saint Gregoire le Grand fait le recit? qu'eust-il pretendu par ceste simulation, avec des gens qui luy estoyent des-ja tout voués? que pouvoit-il acquerir davantage sur Julien, qui l'adoroit et descendoit pour se rendre a luy? Notes, je vous prie, le mot de saint Gregoire Nazianzene, quand il dit que Julien eut recours « au viel remede », c'est a sçavoir, a la Croix, remede qu'il avoit appris du tems qu'il estoit Catholique.

  A002000858 

 Quelle finesse seroit-ce au diable de fuir devant la Croix? puysque par ceste fuite les siens entrent en defiance de son pouvoir, et les bons en sont consolés, comme font foy tant de Peres, qui tous reprochent au malin et a ceux de son parti ceste sienne fuite, et Julien qui en fut tout esbranlé, et le Juif converti.

  A002000859 

 En fin, tant d'autres miracles se sont faitz par le signe de la Croix, outre la fuite des malins, qui ne se peuvent rapporter a aucune simulation ou stratageme d'iceluy, qu'on ne doit pas nomplus le croire de ceux ci.

  A002000859 

 Les merveilles advenues par le Serpent d'airain furent divines, quoy que le peuple en print occasion d'idolatrer: il faudroit donq corriger l'abus et retenir l'usage, comme on fait non seulement des choses bonnes et saines, telles que la Croix, mais des nuisibles et venimeuses, 11.

  A002000867 

 Je ne vois pas que vous puissies respondre a ce tesmoignage de la vertu de la Croix; car si vous dites que le diable fit cela pour faire le matois, saint Amphiloche vous remonstre que, par ce miracle, les Catholiques furent consolés et plusieurs Ariens se convertirent: quel advantage donques eust recerché le diable en cest affaire? et je vous remonstre que vous n'aves pas asses d'honneur pour rendre suspect saint Basile de magie ou sorcelage, ni saint Amphiloche de mensonge ou fadaise.

  A002000867 

 Les Ariens eurent la sentence pour aggreable, mays les Catholiques murmuroyent qu'elle estoit trop favorable aux Ariens, et qu'elle avoit esté proferee par crainte de l'Empereur.

  A002000867 

 Saint Basile reçoit ceste charge, et fit ceste ordonnance inspiré sans doute du ciel, que l'eglise fust bien fermee, et cachetee ou seellee tant par les Ariens que par les Catholiques; puys, que les Ariens employent trois jours et trois nuitz en prieres, et viennent par apres a l'eglise, que si elle s'ouvroit pour eux ilz en demeureroyent maistres pour jamais; si moins, les Catholiques veilleroyent une nuit, apres laquelle ilz iroyent a l'eglise, psalmodians avec la Litanie, et si elle s'ouvroit pour eux ilz en demeureroyent possesseurs perpetuelz, si elle ne s'ouvroit, qu'elle fust aux Ariens.

  A002000867 

 » Ce que faisant le peuple, saint Basile [297] les signant et benissant, il commande que l'on face silence, et signant par trois fois les portes de l'eglise, dit: « Beni soit le Dieu des Chrestiens es siecles des siecles, Amen.

  A002000867 

 » Le peuple repliquant, « Amen », en vertu de l'oraison les verroux et serrures se desfont, et les portes, comme poussees par quelque vent impetueux, s'ouvrent soudainement.

  A002000868 

 C'est estre insensé, car qui dit jamais qu'aucune guerison ou miracle, fait ou par le signe de la Croix ou autrement, doive estre rapporté a autre qu'a Dieu seul, qui est le Dieu de toute consolation? Nostre different gist a sçavoir si Dieu employe le signe de la Croix a faire des miracles par les hommes, puysque c'est chose hors de doute qu'il employe bien souvent plusieurs choses aux effectz surnaturelz.

  A002000868 

 Le traitteur dit que non, et ne sçait pourquoy nous disons qu'ouy et le prouvons par experience; est-ce pas ineptie de repliquer que c'est Dieu qui fait ces miracles, puysqu'on ne demande pas qui les fait, mais comment et [299] par quelz instrumens et moyens? C'est Dieu qui la guerit, et pouvoit la guerir sans la renvoyer a l'autre femme qui la signa; il ne veut pas, mais la renvoye a ces moyens desquelz il se veut servir.

  A002000868 

 Un bon huguenot, au contraire, l'eust fait enterrer bien avant, et ce, par zele de la pureté reformee; mais ces grandes ames anciennes se contentoyent de la pureté formee..

  A002000868 

 Une dame Carthaginoise avoit un chancre au tetin, mal, selon l'advis d'Hippocrate, du tout incurable; elle se recommande a Dieu, et, s'approchant Pasques, elle est advertie en sommeil d'aller au baptistere et se faire signer de la Croix par la premiere femme baptisee qu'elle rencontreroit: elle le fait, et soudain elle est guerie.

  A002000869 

 Or, j'ay dit qu'en ces occasions la Croix avoit vertu comme une oraison fort vigoureuse, dont il s'ensuit que les choses signees ont une particuliere sainteté, comme benites et sanctifiees par ce saint signe et par ceste celebre oraison, extremement pregnante, pour estre instituee, approuvee et confirmee par Jesus Christ et par toute son Eglise.

  A002000869 

 Ou je ne puis oublier le Livre de Mathias Flaccus Illyricus, augmenté a Geneve, intitulé Cathalogus testium veritatis, lequel, par une authentique impudence, citant saint Anthoine contre nous en son rang, dit qu'il a leu sa vie et n'a pas trouvé qu'il ayt employé le signe de la Croix.

  A002000869 

 Saint Martin protestoit de percer toutes les esquadres des ennemis et les outrepasser, pourveu qu'il fust armé du signe de la Croix; saint Laurent guerissoit les aveugles par iceluy; Paula mourant, se signa la bouche de la Croix; saint Gordius martyr, devant aller au tourment en la ville de Cesaree, il y alla joyeusement s'estant muni du signe de la Croix, dit saint Basile.

  A002000869 

 Si que les Anciens faisoyent grande profession de prier Dieu levans les bras haut en forme de croix, comme il appert de mille tesmoignages, mays sur tout de celuy que j'ay produit de l'ancien Origene, cy dessus: par ou, non seulement ilz faisoyent comme un perpetuel signe de Croix, mays mortifioyent encores la chair, imitans Moyse qui surmonta Amalech lhors qu'il prioit Dieu en ceste sorte, figurant et presageant la Croix de Nostre Seigneur qui est la source de toutes les faveurs que peuvent recevoir nos prieres.

  A002000883 

 Voicy purement sa conclusion: « Nous devons estre poussés a venerer l'image de la Croix et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir a la memoire du benefïce de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire, Amen.

  A002000884 

 Par ou le traitteur est asses convaincu de calomnie, quand il nous accuse de bailler des compaignons a Dieu.

  A002000891 

 L'amour est causé par la connoissance de quelque bonté, l'honneur par la connoissance de l'excellence de la [305] bonté.

  A002000891 

 La seule determination de la volonté, par laquelle on tient en conte et respect une personne selon l'apprehension qu'on a de sa bonté, est celle la en laquelle gist la vraye essence de l'honneur.

  A002000891 

 Si donq je dis que l'honneur est une protestation ou reconnoissance, je l'entends, non de celle qui se fait par les apparences exterieures, autrement les Anges et espritz ne sçauroyent honnorer, mays de celle qui se passe en la volonté qui se resoult d'estimer une personne selon son merite, car ceste resolution est la vraye et essentielle forme de l'honneur..

  A002000902 

 Que s'il est dit qu'ilz jettent leurs couronnes aux piedz de Celuy qui sied au throsne, bien que leur adoration soit exprimee par une action exterieure si ne se doit-elle pas entendre que de l'esprit; car, comme leurs couronnes et felicités sont spirituelles, aussi l'hommage, reconnoissance et sousmission qu'ilz en font, n'est que purement spirituelle..

  A002000906 

 Flechir le genouïl, voire se prosterner en terre, est une action indifferente et n'a aucun bien ni aucun mal que par l'objet auquel on la dresse, c'est de l'intention dont elle procede qu'elle a sa difference de bonté ou de malice.

  A002000906 

 Quand donq le traitteur dit que les Catholiques font ces actions exterieures aux reliques, images et Croix, il dit vray en certaine façon; mais, pour conclure par la que les Catholiques sont idolatres, il luy reste a prouver que les images, reliques et Croix sont des idoles, ce qu'il ne sçauroit faire ni luy ni ses partisans, je les en desfie.

  A002000906 

 » « Cela, » dit-il, « se void par la façon de parler de l'Escriture, qui par « le flechissement de genoux designe l'idolatrie, comme il appert par la response faite à Elie, 1.

  A002000907 

 Il faut donq conclure indubitablement que la vraye et pure essence de l'adoration gist en l'action interieure [313] de la volonté, par laquelle on se sousmet a celuy qui est adoré; et que la connoissance, action de l'entendement, precede la sousmission comme fondement; au contraire, l'action exterieure suit la sousmission comme effect et dependance d'icelle.

  A002000913 

 Par contraire rayson, les choses irraysonnables ne peuvent adorer, a cause de leur extreme bassesse, car elles sont privees de connoissance, et par consequent de volonté et reconnoissance.

  A002000914 

 Mays quant a la passive, les seulz damnés en sont du tout et simplement privés, par ces raysons: l'excellence de leur nature ne tend a aucune bonté, ains est irrevocablement contournee au mal; or, tout honneur tend a la vertu et honnesteté; leur excellence est accablee et estouffee par l'extreme misere et vileté.

  A002000920 

 Mais ce seul passage de Paralipomenon suffisoit: Benedixit omnis ecclesia Domino Deo patrum suorum; et inclinaverunt se et adoraverunt Deum, et deinde Regem: Toute l'eglise benit le Seigneur Dieu de leurs peres; et s'inclina et adora Dieu, et par apres le Roy. Voyla le mot d'adoration employé pour l'honneur fait a Dieu et aux creatures..

  A002000921 

 Neanmoins, encor que le mot d'adoration signifie non seulement la reverence deuë a Dieu, mais encor celle qu'on doit aux creatures, si est-ce qu'il panche un peu plus et est plus sortable a signifier la reverence deuë a Dieu; c'est pourquoy les Anciens ont par fois dit sans difficulté qu'on pouvoit adorer les creatures, et par fois ilz ont fait scrupule de l'advouer, principalement lhors qu'ilz ont eu affaire avec les chicaneurs et heretiques.

  A002000921 

 Par exemple, saint Hierosme proteste: « Je suis venu en Bethleem, et ay adoré la creche et berceau du Seigneur »; et ailleurs: « A Dieu, o Paula, et ayde par prieres ton devot serviteur.

  A002000921 

 » Neanmoins le mesme nie en autres occasions qu'on puisse adorer ni servir par devotion aucune creature: « Nous ne servons ni adorons les Seraphins, ni aucune chose qu'on puisse nommer en ce siecle ou en l'autre.

  A002000922 

 » Et plus bas il introduit les Juifz, se lamentans de l'honneur qu'on fait a Nostre Seigneur, en ceste sorte: « Nous avons crucifié Celuy que les roys adorent *, voyla que mesme le clou d'iceluy est en honneur, et ce que nous luy avons planté pour sa mort est un remede salutaire, et, par une certaine vigueur invisible, tourmente les demons.

  A002000924 

 Saint Epiphane, traittant avec les devotz des louanges de sainte Marie Mere de Dieu (car le sermon est ainsy intitulé): « Je vois, » dit-il, « qu'elle est adoree par les Anges.

  A002000925 

 Et que toutefois ce mesme mot panche un peu plus et est plus duisant a signifier l'honneur deu a Dieu seul, consideration qui a meu les Anciens d'employer a l'ordinaire autres paroles que celle d'adoration pour signifier la reverence deuë aux Saintz et autres creatures, ou s'ilz n'y ont employé d'autres motz ilz ont limité celuy d'adoration par quelque moderation.

  A002000925 

 » Et le Concile de Trente suivant ce train, « Adorons, » dit-il, « Jesus Christ, et venerons les Saintz par les images que nous baysons »; il employe [319] pour Nostre Seigneur le mot d'adorer, et pour les Saintz celuy de venerer..

  A002000926 

 Ainsy, au devis qui se passa entre Nostre Seigneur et la Samaritaine, le mot d'adorer, qui y est mis tout court sans autre addition, signifie non seulement l'adoration deuë a Dieu seul, mais la plus excellente de toutes celles qui se font a Dieu, qui est le sacrifice, comme prouvent plusieurs grans personnages, par raysons inevitables..

  A002000926 

 Si que l'adoration estant la supreme sorte d'honneur, elle est particulierement propre a la supreme excellence de Dieu; et si bien elle peut estre attribuee aux creatures, c'est par une tant esloignee proportion et analogie, que si, par quelque evidente circonstance, on ne reduit la signification du mot d'adoration a l'honneur des creatures, elle panchera tous-jours [320] a l'hommage deu a Dieu, suivant le viel proverbe des logiciens, le mot equivoque ou qui signifie deux diverses choses, estant mis tout seul a part soy sans autre declairation, est tous-jours prins en sa signification plus digne et fameuse: analogum, per se sumptum, stat pro famosiori significato.

  A002000934 

 Item, donq, une mesme action peut estre faitte par adoration, et la mesme sans adoration; et partant on ne sçauroit tirer consequence de l'egalité des adorations par l'egalité des actions exterieures, ni la difference aussi.

  A002000934 

 Nostre cors n'a pas tant de plis ni de postures que nostre ame, il n'a point de plus humble sousmission que de se jetter a terre devant quelqu'un; mais l'ame en a une infinité de plus grandes, de maniere que nous sommes contraintz d'employer les genuflexions, reverences et prostrations corporelles indifferemment, ores a l'honneur souverain de Dieu, ores a l'honneur inferieur des creatures; nous nous en servons comme des jettons, ores pour dix, ores pour cent, ores pour mille, laissans a la volonté de bailler diverse valeur a ces signes et maintiens exterieurs, par la diversité des intentions avec lesquelles elle les commande a son cors.

  A002000934 

 [324] Le traitteur, qui met l'essence de l'adoration en la genuflexion et autres actions externes, comme font tous les schismatiques de nostre aage, est obligé par consequent de dire, que, la ou il y a pareille prostration ou reverence exterieure il y a aussi pareille adoration.

  A002000938 

 Il touche donq a la volonté de donner et l'essence et les differences aux adorations; mais quelz moyens tient-elle a les leur donner? Deux principalement: le premier est par la diversité des excellences pour lesquelles elle adore les choses, a diverses excellences il faut divers honneurs; le second est par la diversité des façons avec lesquelles les excellences pour lesquelles on adore sont participees et possedees par les objetz adorables, car, comme il y a diverses excellences, aussi peut-on participer diversement et en plusieurs manieres une mesme excellence..

  A002000940 

 Si elle est surnaturelle, il luy faut une adoration moyenne, qui ne soit ni purement humaine ou civile, car l'excellence n'est ni humaine ni civile, ni aussi divine ou supreme, car l'excellence a laquelle elle se rapporte est infiniment moindre que la divine et est tousjours subalterne; et peut-on bien appeller ceste adoration, religieuse, car nous ne nous sousmettons aux choses surnaturelles que par l'instinct de la religion pieuse, devote, ou conscientieuse, mais particulierement on l'appelle dulie entre les theologiens: car iceux, voyans le mot grec de dulie s'appliquer indifferemment au service de Dieu et des creatures, et qu'au contraire le mot de latrie n'est presque employé qu'au service de Dieu seul, ilz ont appellé adoration de latrie celle qu'on fait a Dieu, et celle qu'on fait aux creatures surnaturellement excellentes, adoration de dulie; et pour mettre encores quelque difference en l'honneur des creatures, ilz ont dit que les plus signalees s'honnoroyent d'hyperdulie, les autres de l'ordinaire et generale dulie.

  A002000944 

 Mays Dieu, qui n'est capable d'autre excellence que de l'independante, n'est capable d'autre adoration que de l'independante; la maniere d'avoir la perfection avec dependance et d'ailleurs que de soy, est trop basse et vile pour Dieu, et beaucoup plus la maniere de l'avoir par imputation ou relation; ces menus honneurs ne sont pas sortables pour une excellence infinie..

  A002000944 

 Ou elle l'aura en soy, mays non pas de soy, comme ont plusieurs hommes et les Anges, qui ont reellement en eux les bontés et vertus pour lesquelles on les honnore, mays ilz ne les ont pas d'eux mesmes, ains par la grace de Dieu; et partant, l'honneur qui leur est deu est a la verité absolu, mays non pas supreme ni independant, ains subalterne et dependant, car, comme ilz tiennent leur excellence de Dieu, aussi l'honneur qu'on leur fait a rayson d'icelle doit estre rapporté a Dieu: de ceste sorte d'adoration n'est capable que la creature intelligente et vertueuse, car autre que celle-la ne peut avoir la vertu en soy, qui est l'excellence pour laquelle on honnore.

  A002000944 

 Ou la chose adorable n'aura reellement, ni de soy ni en soy, l'excellence pour laquelle on adore, mays seulement par une certaine imputation et relation, a cause de l'alliance, appartenance, ressemblance, proportion et rapport qu'elle a avec la chose qui en soy mesme a l'excellence et bonté; et lhors l'adoration deuë aux choses pour ce respect est appellee respective, rapportee ou relative: de laquelle sont capables toutes les creatures, tant raysonnables qu'autres, hormis les miserables damnés, qui n'ont autre rapport qu'a la misere, laquelle offusque en eux tout ce qui y peut estre demeuré de leurs naturelles facultés.

  A002000944 

 Ou la chose que nous adorons a l'excellence, pour laquelle nous adorons, en soy mesme et de soy mesme, et l'adoration absolue et independante, souveraine et supreme luy sera deuë: c'est Dieu seul qui est capable [329] de cest honneur, parce qu'il est seul en soy, de soy et par soy mesme excellent, ains l'excellence mesme.

  A002000945 

 Et neanmoins, les creatures intelligentes sont encor capables de cest honneur relatif aussi bien que de l'absolu subalterne; ainsy puis-je considerer saint Jean, ou comme tres saint personnage, et par la je l'honnore d'honneur absolu quoy que subalterne, ou comme proche parent de Nostre Seigneur, et par la je l'honnore d'un honneur relatif et rapporté.

  A002000945 

 L'honneur, donques, souverain et supreme est deu a Dieu, non seulement pour la perfection infinie qui est en luy, mais encor pour la maniere avec laquelle il l'a, car il l'a de soy mesme et par soy mesme.

  A002000951 

 Par exemple, je veux mettre en comparaison l'image du prince avec le filz d'un amy: si je considere la qualité des excellences pour lesquelles j'honnore et l'un et l'autre, j'honnoreray plus l'image du prince que le filz de l'amy (je suppose que ce filz ne me soit respectable que pour l'amour du pere), parce que l'image du prince appartient a une personne qui m'est plus honnorable; mais si je considere le rang et degré d'appartenance que chacune de ces choses tient a l'endroit des excellences pour lesquelles on les honnore, j'honnoreray beaucoup plus le filz de mon amy que l'image du prince, car, bien que je prise plus le prince que le simple amy, si est-ce que l'image appartient incomparablement moins au prince que le filz a l'amy.

  A002000953 

 Pour vray, il ne les faut jamais appeller adorations simplement et sans bonnes limitations, car, si le mot d'adoration panche plus a signifier l'honneur deu a Dieu seul que le subalterne, et que partant il ne doit pas estre employé a signifier le subalterne sinon qu'il soit borné par quelque addition, combien moins le faut-il mettre en usage pour signifier les adorations relatives et imparfaittes, sinon qu'on aye limité la course de sa signification a la mesure de l'honneur qu'on veut nommer..

  A002000954 

 Il faut donq accourcir encor ces deux noms par quelque addition; mais ou prendra-on ceste addition? Il la faut chercher en la qualité de l'excellence a laquelle vise l'adoration: si elle vise a l'excellence divine, il la faut appeller adoration relative de latrie, car l'honneur qui a pour son sujet la Divinité est appellé latrie; si elle vise a l'excellence surnaturelle creée, on l'appelle adoration relative de dulie, ou hyperdulie, selon le plus et le moins de l'excellence, car ainsy appelle-on l'honneur deu aux excellences surnaturelles; si l'adoration vise a une excellence purement humaine, elle se nommera adoration relative humaine, ou civile..

  A002000954 

 Il ne suffit pas d'appeller une de ces adorations adoration relative ou imparfaitte, car par ces paroles on ne mettroit aucune difference entre elles: toutes ont [333] part a ce nom d'adoration relative comme a leur genre, ceste estoffe leur est commune; elles sont toutes de ceste espece d'honneur qu'on appelle adoration, et toutes de ceste espece d'adoration qu'on appelle relative.

  A002000955 

 Ainsy faut-il parler des reliques, images ou instrumens des Saintz, laissant chaque chose en son grade; car, a la verité, les reliques, comme les clouz, la vraye Croix, le saint Suaire, mentent plus d'honneur relatif de latrie que ne font les images ou simples Croix de Nostre Seigneur, d'autant qu'elles appartiennent a Nostre Seigneur par une relation plus vive et estroitte que les simples remembrances..

  A002000955 

 Qui voudra encor plus particulariser ces adorations, selon le divers rang de rapport et appartenance que la chose qu'il en veut honnorer tient a l'endroit de l'excellence a laquelle il vise, il le pourra faire aysement disant, par exemple: j'honnore telle chose d'adoration de latrie respective, comme relique, ou image, ou memorial, ou instrument de Jesus Christ.

  A002000956 

 L'homme en peinture est homme, un homme mort est homme, mais non pas simplement homme, ains homme par proportion, representation et relation: de mesme, l'honneur deu a l'image et au cors de cest homme, s'il est simplement homme, sera humain, non absolument, mays par proportion et relation; s'il est homme saint, l'honneur sera de dulie, mays respective et relative; si c'est l'image de Jesus Christ, l'honneur sera de latrie, mays respective.

  A002000957 

 La rayson est parce que, selon la regle des logiciens, le mot qui signifie deux ou plusieurs choses, l'une principalement et directement, l'autre par similitude et proportion, estant mis a part seul et sans limitation il signifie tousjours la chose principalement signifiee: analogum per se sumptum stat pro famosiori significato.

  A002000957 

 Que si j'ay tousjours dit qu'il ne falloit pas mesme dire simplement qu'on adoroit les creatures, sinon qu'on y employast des circonstances qui restreignissent la signification du mot adorer, d'autant qu'il panche plus a l'honneur de Dieu qu'a celuy des creatures, combien plus ay-je rayson de dire qu'il ne faut jamais mettre en usage le mot seul de latrie pour aucun autre honneur que pour celuy de Dieu seul, puysque ce mot de latrie a esté particulierement choisi et destiné a ceste seule signification, et ne peut meshuy avoir autre usage sinon par proportion et extension.

  A002000964 

 Ainsy donne-on le pain au pauvre en aumosne, et au prestre en oblation; l'un et l'autre don vise et tend a Dieu, mays differemment: car l'aumosne vise a Dieu comme a sa fin, et a pour son objet le pauvre, l'oblation vise a Dieu comme a son propre objet, quoy qu'elle soit receuë par le prestre..

  A002000964 

 Il est neanmoins imparfait et relatif, d'autant qu'il n'a pas Dieu pour son objet entant que Dieu se considere en soy mesme ou en sa propre nature, mais seulement entant qu'il est representé et reconneu en ses appartenances et dependances, par la relation et rapport qu'elles ont a sa divine Majesté.

  A002000964 

 L'honneur de la Croix et autres appartenances de nostre Sauveur a pour son objet Nostre Seigneur mesme, qu'il considere et reconnoit en ces choses insensibles par la relation qu'elles ont a luy, si qu'on appelle raysonnablement cest honneur-la, latrie relative.

  A002000964 

 La reverence que saint Jean portoit aux soliers de Nostre Seigneur, s'estimant indigne de les porter, estoit une sainte affection de latrie, mais de latrie relative, par laquelle il adoroit son Maistre, non en sa propre personne, mais en ceste basse et abjecte appartenance.

  A002000964 

 Or, l'honneur de la Vierge et des Saintz a pour son objet leur propre excellence, qui se trouve reellement en leurs personnes, et partant il a son propre nom de dulie et hyperdulie, bien qu'il se rapporte par apres a Dieu comme a sa fin et a son principe.

  A002000971 

 Tel fut l'honneur que l'antiquité rendoit a la Croix, souhaittant d'en avoir les petites pieces qui en furent esparses par tout le monde, au rapport de saint Chrysostome et saint Cyrille; pareil a celuy que saint Jean portoit aux soliers de Nostre Seigneur, qu'il s'estimoit indigne de manier, pareil a celuy qu'Helisee deferoit au manteau d'Helie, qu'il gardoit si cherement, et saint Athanase a celuy de saint Anthoine, et egal a celuy que tous les Chrestiens portent au tres saint Sepulchre de Nostre Seigneur, predit par le prophete Esaye en termes expres..

  A002000972 

 A ceste façon d'adorer et considerer la Croix, se rapportent presque toutes les plus solemnelles parolles, louanges et ceremonies qui se prattiquent en l'Eglise Catholique a l'endroit de la Croix; mais entre autres, tout le saint et devot hymne composé par le bon Theodulphe, ancien Evesque d'Orleans; voyons-le en toutes ses pieces, latin et françois:.

  A002000972 

 On considere aussi la Croix, non ja comme elle est a ceste heure, separee de son Crucifix, en guise de relique, mays comme elle fut au tems de la Passion, lhors que le Sauveur estoit cloué en icelle, que ce pretieux arbre estoit chargé de son fruit, que ce therebinthe ou myrrhe distilloit de tous costés en gouttes du sang salutaire; et en ceste consideration nostre ame honnore la vraye Croix du mesme honneur qu'elle honnore le Crucifix, non tant (a parler proprement) relativement, comme plustost consequemment et par participation ou redondance.

  A002000972 

 Or cela n'est pas tant adorer que coadorer, par accident et consequent, la robbe ou la Croix.

  A002001017 

 Le flanc par la lance percé;.

  A002001023 

 Que Dieu, par le bois qui le serre,.

  A002001029 

 Par l'attoucher de chair si digne..

  A002001046 

 Ne disons-nous pas ordinairement: il appella cinquante cuirasses, cinquante lances, cent mousquetz, cent chevaux? n'appellons-nous pas, l'Enseigne d'une compaignie, celuy qui porte l'enseigne? Si parlans des chevaux nous entendons les chevaliers, si par les mousquetz, [342] lances, cuirasses, nous entendons ceux qui portent les mousquetz, lances et cuirasses, pourquoy par la Croix n'entendrons-nous bien le Crucifix? Ne parlons-nous pas souvent du Roy de France et du Duc de Savoye sous les noms de Fleur de lis et Croix blanche, parce que ce sont les armes de ces souverains Princes? pourquoy ne parlerons-nous du Sauveur sous le nom de la Croix, qui est sa vraye enseigne? C'est donq en ce sens qu'on s'addresse a la Croix, qu'on la salue et invoque; comme aussi nous nous addressons au siege et y appelions, pour dire qu'on appelle a celuy qui sied au siege.

  A002001046 

 Qui ne voit qu'en toutes ces parolles on considere la Croix comme un arbre auquel est pendant le pretieux fruit de vie, Createur du monde, comme un throsne sur lequel est assis le Roy des roys? C'est de mesme quand l'Eglise chante ce que le petit traitteur nous reproche: « O Croix qui dois estre adoree, ô Croix qui dois estre regardee, aimable aux hommes, plus saincte que tous, qui seule as mérité de porter le talent du monde; doux bois, doux cloux portans doux faix... » C'est la version du traitteur, qui n'est pas, certes, trop exacte; le latin est plus beau: O Crux adoranda, o Crux speciosa, hominibus amabilis, sanctior universis, quæ sola digna fuisti portare talentum mundi; dulce lignum, dulces clavos, dulcia ferens pondera... Et ailleurs: Crux fidelis, inter omnes arbor una nobilis, nulla silva talem profert, fronde, flore, germine; dulce lignum, dulces clavos, dulce pondus, sustinet; qui est une piece de l'hymne composé par le bon pere Fortunatus, Evesque de Poitiers.

  A002001050 

 D'autre part, il y a des signes qui ne representent ni signifient aucune chose naturellement, mays par l'institution et volonté des personnes, comme quand anciennement les commissaires de guerre ou contrerolleurs mettoyent le Thita, Θ, pour signe de mort, et le Thau, T, pour signe de vie:.

  A002001050 

 Il y a deux sortes de signes: car les uns representent et signifient naturellement, par la dependance, appartenance, rapport ou proportion qu'ilz ont a l'endroit des choses representees par iceux; ainsy les fumees et lesses des cerfz et sangliers, ou leurs foyes et traces, sont signes naturelz des bestes qui les ont jettees et faittes, par la dependance et rapport qu'elles ont avec icelles; ainsy la fumee est signe du feu, et l'ombre du cors.

  A002001054 

 ou quand Raab mit une cordelle rouge pendue a sa [344] fenestre, pour marque de la sauvegarde que les Israëlites devoyent a sa mayson: car quelle convenance ou proportion y a-il entre les choses signifiees et telz signes, qui se puisse dire naturelle? Je ne dis pas que ces signes ayent esté institués sans rayson ni mistere, mays je dis que de leur nature ilz n'avoyent aucun rapport a ce qu'ilz signifioyent, et qu'il a esté besoin que, par l'institution humaine, ilz ayent esté assignés et contournés a cest usage; la ou les signes naturelz, sans l'entremise d'aucune institution, par la naturelle liaison et proportion qu'ilz ont avec leurs objetz, ilz les signifient et representent..

  A002001057 

 Autres fois on honnore l'ambassadeur en guise du roy, de l'honneur propre au roy, et lhors, a proprement parler, c'est le roy qui est honnoré en son ambassadeur, et non pas l'ambassadeur mesme, parce que proprement l'ambassadeur n'est pas le roy, il tient seulement lieu pour le roy, et le represente par la fiction et supposition que les hommes en font.

  A002001057 

 Car, qui ne voit en ceste celebrité le triomphe deferé non a l'image, mays a Nostre Dame representee par l'image? et de plus, ceste image representer la Vierge, non d'une simple representation selon sa portee naturelle, mays d'une representation instituee [347] par la fiction et estimation arbitraire des hommes? Ainsy voit-on ordinairement les effigies et images deshonnorees pour les malfaiteurs qu'on ne peut attrapper: on pend et brusle leurs representations en leur place, comme si c'estoit eux, et lhors le deshonneur ne se fait pas a l'image proprement, mays au malfaiteur au lieu duquel elle est supposee; aussi ne dit-on pas, on a pendu l'image de tel ou tel malfaiteur, mays plustost, on a pendu tel et tel en effigie, d'autant que telles executions ne se font sur les images sinon entant qu'en icelles on tient, par la fiction du droit, les malfaiteurs estre chastiés, desfaitz et punis..

  A002001057 

 Il y en a d'autres non moins a propos; comme celuy qui est recité par Nicetas Choniates, au Livre cinquiesme des gestes de l'empereur Manuel Comnenus, de l'image de Nostre Dame assise sur un char triomphal d'argent doré, et menee parmi la ville de Constantinople, en reconnoissance de la victoire obtenue sur les Pannoniens par l'Empereur, a la faveur de l'intercession de la glorieuse Vierge.

  A002001057 

 On ne sçauroit dire que telz honneurs soyent proprement portés aux statues, ains aux princes representés par les statues, non d'une representation naturelle, mays d'une representation arbitraire, feinte, et imaginee par l'institution des hommes.

  A002001057 

 Par exemple: l'ambassadeur du roy est aucunes fois honnoré comme ambassadeur, et lhors il est luy mesme honnoré a proprement parler; car aussi, a proprement parler, il est ambassadeur, qui est la qualité pour laquelle on l'honnore, bien que ce soit en contemplation d'autruy, a sçavoir, du roy.

  A002001057 

 Voyons maintenant si l'image de la Croix de Jesus Christ peut avoir quelque autre usage honnorable, par le choix et institution du peuple Chrestien, outre celuy qu'elle a de sa nature.

  A002001058 

 Et c'est ainsy, pour revenir au point, que l'image de la Croix, outre la naturelle qualité qu'elle a de representer Jesus Christ crucifié, qui la rend honnorable d'un honneur de latrie imparfaitte, outre cela, dis-je, elle peut estre destinee et mise en œuvre par le choix et fiction des hommes a tenir le lieu et la place du Crucifix, ou plustost de la vraye Croix entant que jointe au Crucifix: et consideree en ceste sorte, l'honneur et reverence qu'on luy fait ne vise proprement qu'au Crucifix, ou a la Croix jointe au Sauveur, et non a l'image de la Croix, qui n'a autre usage, en ce cas, que de prester son exterieure presence pour recevoir les actions exterieures deuës au Crucifix, au lieu et place d'iceluy qu'elle represente et signifie, et cela sert a l'exterieure protestation de l'adoration que nous faisons au Crucifix..

  A002001058 

 Les images, donques, outre leur faculté naturelle qu'elles ont de representer les choses desquelles elles sont images, par la convenance et proportion qu'elles ont avec icelles, peuvent estre employees a une autre representation et lieutenance par la fiction et institution des hommes.

  A002001059 

 Et l'autre Apostre, aisné de saint Pierre: « Je te salue, o Croix, qui as esté dediee au cors de Jesus Christ, et ornee par les perles de son cors; o bonne Croix, qui as pris ta beauté et ton lustre des membres du Seigneur », et ce qui suit, au recit des prestres d'Achaïe.

  A002001061 

 Au demeurant, les pieces du vray bois de la Croix, telles que nous les avons aujourd'huy, estans mises en forme de croix (comme est la sainte Croix d'Aix en Savoye), outre les sortes d'honneur qu'elles meritent par maniere de reliques, peuvent avoir tous les usages de l'image de la Croix.

  A002001061 

 De mesme, le signe de la Croix fait par le mouvement a tous les usages des images de la Croix, et par consequent part a tous les honneurs; et outre cela il a encor pour son particulier et ordinaire honneur d'estre une briefve et puissante oraison, a rayson dequoy il est tres venerable.

  A002001068 

 Les images des Cherubins, lions, vaches, pommes-graines, palmes, Serpent d'airain, sont approuvees en l'Escriture; les enfans de Ruben, Gad et Manassé firent la semblance de l'autel de Dieu, et leur œuvre est approuvee; les Juifz monstrent a Jesus Christ l'image de Cesar, et il ne la rejette point; l'Eglise a eu de tous tems l'image de la Croix, ainsy que j'ay monstré au second Livre; par nature, on fait la similitude de soy mesme aux yeux des regardans, en l'air, en l'eau, au verre, et la peinture est un don de Dieu et de nature.

  A002001069 

 Que si les eglises sont maysons du Roy des roys, les ornemens y sont fort convenables; le temple est image du Paradis, pourquoy n'y logera-on les portraitz de ce qui est en Paradis? quelles plus saintes tapisseries y peut-on attacher? Et outre tout cela, ceste interpratation, tant prisee par les novateurs, ne joint aucunement a l'intention de la loy qui veut rejetter toute idolatrie; car, ne peut-on pas avoir des idoles et idolatrer hors les temples aussi bien que dans iceux? Certes, l'idole de Laban ne laissoit pas d'estre idole, encor qu'elle ne fust en l'eglise ou Temple, ni le veau d'or aussi.

  A002001070 

 III. Autres ont dit que par ceste defense les autres ressemblances ne sont rejettees, sinon celles qui sont faittes pour representer immediatement et formellement Dieu selon l'essence et nature divine.

  A002001071 

 Ainsy le buisson ardent et semblables apparences n'estoyent pas images de Dieu, mais signes d'iceluy; et tous les portraitz des choses spirituelles ne sont pas tant portraitz de ces choses-la, comme des formes et apparences par lesquelles ces choses-la ont esté manifestees.

  A002001071 

 On ne rejette pas nomplus les images ou figures mistiques, comme d'un aigneau pour representer le Sauveur, ou de colombes pour signifier les Apostres, car ce ne sont pas images des choses qu'elles signifient, nomplus que les motz, ou les lettres, des choses qu'elles denotent; elles representent seulement, aux sens exterieurs, des choses lesquelles, par voye de discours, remettent en memoire les choses mistiquement signifiees par quelque secrette convenance.

  A002001071 

 Or telles images, a proprement [354] parler, doivent representer aux sens exterieurs la forme et figure des choses dont elles sont images, par la similitude qu'elles ont avec icelles: mais le sens exterieur n'est pas capable d'apprehender par aucune connoissance la nature de Dieu, infinie et invisible; et quelle forme ou figure peut avoir similitude avec une nature qui n'a ni forme ni figure, et qui est nompareille? Ce qui soit dit sans rejetter les images esquelles on represente Dieu le Pere en forme d'un viellard, et le Saint Esprit en forme de colombe ou de langues de feu; car elles ne sont pas images de Dieu le Pere, ou du Saint Esprit, a proprement parler, mais sont images des apparences et figures par lesquelles Dieu s'est manifesté, selon l'Escriture, lesquelles apparences et figures ne representoyent pas Dieu par maniere d'images, mais par maniere de simples signes.

  A002001073 

 IV. Voici donques en fin la droitte et chrestienne intelligence de ce commandement, deduitte par ordre le plus briefvement et clairement que je sçauray:.

  A002001074 

 L'idolatrie gist en deux sortes d'actions: les unes sont interieures, par lesquelles on croit et reconnoit pour Dieu ce qui n'est pas Dieu; les autres sont exterieures, par lesquelles on proteste de l'interieur par les inclinations et sousmissions exterieures.

  A002001074 

 Or, les actions interieures d'idolatrie sont defendues par ces paroles: Tu n'auras point d'autres dieux devant moy; les exterieures sont rejettees par les suivantes: Tu ne te feras point d'idole, ni similitude quelconque, tu ne les adoreras point ni serviras; lesquelles deux prohibitions, ne visans qu'a un mesme but de rejetter toute idolatrie, ne font qu'un seul commandement constitué de deux parties.

  A002001075 

 Mais si quelqu'un veut debattre que la prohibition de n'avoir autre que le seul vray Dieu soit un commandement separé de l'autre defense, Tu ne te feras aucune idole ou semblance quelconque, pour ne m'amuser a le convaincre par vives raysons que je pourrois produire a ce propos, je me contenteray qu'il m'accorde, que la prohibition de ne faire aucune similitude et de les adorer n'est qu'un mesme et seul commandement (ce que, certes, on ne peut nier en aucune façon, sinon que, contre la pure et expresse Escriture, on veuille faire plus de dix commandemens en la Loy, et qu'on veuille lever a ces loys le nom de Decalogue).

  A002001076 

 Voyla le vray suc de ce commandement, ce qui se peut connoistre evidemment par les grans advantages que ceste interpretation tient sur toutes les autres, car:.

  A002001077 

 Or, ce qui est dit ici par reduplication de negative, Tu ne feras aucune idole, ni semblance quelconque, tu ne les adoreras ni serviras, est mis au Levitique purement et simplement, ainsy que nous le declairons, en ceste sorte: Vous ne vous feres aucune idole et statue, ni dresseres des tiltres, ni mettres aucune pierre insigne en vostre terre pour l'adorer.

  A002001080 

 L'idolatrie [intérieure] ne consiste pas a se representer en l'ame les creatures par les especes et images intelligibles, mais seulement a se les representer comme divinités; tout de mesme, l'idolatrie exterieure ne consiste pas a se representer les creatures par les ressemblances et images sensibles, mais seulement a se les representer comme divinités: si que, comme le commandement, Tu n'auras autres dieux devant moy, ne defend point de se representer interieurement les creatures, aussi la prohibition, Tu ne te feras similitude quelconque, ne defend pas de se representer exterieurement les creatures, mais de les representer pour Dieu en les adorant et servant; c'est cela seul qui est defendu, tant pour l'interieur que pour l'exterieur..

  A002001082 

 Car la Croix, prinse en la façon que la prennent les Catholiques, ne peut estre ni idole ni sujet d'idolatrie, tant s'en faut qu'elle le soit, idole n'estant autre que la representation d'une chose qui n'est point de la condition qu'on la represente, et une image fause, comme dit le prophete Habacuch, et l'apostre saint Paul: or, la Croix represente une chose tres veritable, c'est a sçavoir, la mort et Passion du Sauveur; et ne la fait-on pas pour l'adorer et servir, mais pour adorer et servir en icelle et par icelle le Crucifix, suivant le vray mot de saint Athanase: Qui adorat imaginem, in illa adorat ipsum Regem.

  A002001082 

 De mesme, que l'on honnore la Croix en tout et par tout, puysqu'on ne l'honnore que pour tant plus honnorer Dieu; que toute la veneration qu'on luy porte est relative et dependante, ou accessoire, a l'endroit de la supreme adoration deuë a sa divine Majesté; que ce n'est qu'une branche de ce grand arbre: cela n'est en façon quelconque defendu, puysque ceste semblance et figure n'est pas employee a l'action pour laquelle les similitudes sont prohibees, qui est l'idolatrie.

  A002001082 

 Si que, non seulement le vray usage des sacrees et saintes images n'est aucunement defendu, mais est commandé et comprins par tout ou il est commandé d'adorer Dieu et d'honnorer ses Saintz, puysque c'est une legitime façon d'honnorer une personne, d'avoir fait son image et portrait pour le priser selon la mesure et proportion de la valeur du principal sujet.

  A002001086 

 Les enfans d'Israël estoyent des-ja saisis de la terre de promission, les lotz et portions avoyent esté assignés a une chacune des tribus, si que le grand Josué estima de devoir congedier les Rubenites, Gadites, et la moitié des Manasseens, lesquelz, ayans des-ja prins et receu le lot de leur partage au dela du Jordain, avoyent neanmoins assisté en tout et par tout au reste des enfans d'Israël, pour les rendre paisibles possesseurs de la part du païs que Dieu leur avoit promis, comme se rendans evictionnaires les uns pour les autres.

  A002001094 

 Donques, les deux tribus et demy, d'une part, furent recherchees comme suspectes de schisme, a cause de la remembrance de l'autel qu'elles avoyent erigee, et nous, de l'autre costé, sommes chargés d'idolatrie et accusés de superstitions pour les images de l'autel de la Croix, que nous dressons et eslevons par tout.

  A002001097 

 II. Il y a encor une autre difference, entre le sujet de l'accusation faitte contre les deux tribus et demy par le reste d'Israël, et de celle que les novateurs font contre nous, laquelle est bien remarquable.

  A002001097 

 L'erection des remembrances et similitudes servit d'occasion a l'une et a l'autre accusation: a l'une, l'erection de la similitude de l'autel de la Loy, a l'autre, l'eslevation de la remembrance de l'autel de la Croix; mays il y a cela a dire entre l'une et l'autre erection, que l'erection de la similitude de l'autel de la Loy estoit une œuvre notoirement nouvelle, qui, partant, meritoit bien d'estre consideree comme elle fut avec un peu de soupçon, et que l'approbation d'icelle fust precedee d'un bon examen; mays l'erection de la similitude de l'autel de la [365] Croix, prattiquee de tous tems en l'Eglise, portoit par son antiquité une ample exemption de toute censure et accusation..

  A002001099 

 se sont de plein saut jettés aux foudres, tempestes et gresles de calomnies, injures, reproches, diffamations, et ont armé leurs langues et leurs plumes de tous les plus poignans traitz qu'ilz ont sçeu rencontrer entre les despouïlles de tous les anciens ennemis de l'Eglise, et tout aussi tost les ont dardés avec telle furie, que nous serions des-ja perduz, si la verité divine ne nous eust tenuz a couvert sous son impenetrable escu (je laisse a part la guerre temporelle suscitee par ces evangelistes empistolés par tout ou ilz ont eu acces); 2. et a leur pretendue reformation n'ont employé que la prophane audace des brebis contre leurs pasteurs, des sujetz contre leurs superieurs, et le mespris de l'authorité du Grand Prestre evangelique, lieutenant de Jesus Christ; 3.

  A002001103 

 Les dix tribus, lesquelles, par tant de prerogatives et raysons, avoyent le droit de [367] correction, n'eurent pas si tost ouÿe la declairation de l'intention des deux tribus et demy, qu'ilz la reçoivent amiablement et, sans presser d'aucune replique ni recharge la response et excuse des accusés, se reposent tout entierement sur leur parole.

  A002001111 

 Nos saintes excuses, ou plustost nos saines declairations, qu'ilz devroyent recevoir pour le repos et tranquillité de leur tant inquietee conscience, sans plus s'effrayer et tremousser en la vanité des songes qu'ilz font sur la pretendue idolatrie de la Croix, c'est cela mesme qu'ilz rejettent et abhorrissent le plus, et l'appellent « Endormie », par mespris et desdain.

  A002001111 

 que nous ne faisons l'image de la Croix pour representer la Divinité, mais en signe de trophee pour la [368] victoire obtenue par nostre Roy, pour tesmoignage du grand miracle par lequel la vie s'estant rendue mortelle, elle rendit la mort vivifiante, et pour reduire en memoire l'incomprehensible benefice de nostre Redemption.

  A002001119 

 C'est la ou doivent nicher toutes nos esperances, et de nostre amendement et de la conversion des devoyés, laquelle il faut aussi ayder par voye de remonstrance et instruction, car Dieu l'a ainsy establi.

  A002001120 

 Des lhors, par une suite perpetuelle, les Talmudistes, Samaritains, Mahometains, Wiclefistes, et semblables pestes du monde, ont continué ceste contradiction a l'endroit du saint Estendart, quoy que sous divers pretextes.

  A002001120 

 Les Apostres, Disciples et premiers Chrestiens, voyans les heretiques estimer la croix indigne de Jesus Christ, mirent en tout et par tout l'usage du signe de la Croix, pour s'honnorer eux mesmes en Jesus Christ, et Jesus Christ en la Croix.

  A002001120 

 Nous adorons ce que nous sçavons, or nous sçavons Jesus Christ en Croix et la Croix en Jesus Christ; c'est pourquoy je fais fin par cest abregé et de la doctrine Chrestienne et de tout ce que j'ay deduit jusques a present, protestant avec le glorieux predicateur de la Croix, saint Paul (mais faites, mon Dieu, que ce soit plus de cœur et d'actions que d'escrit et de bouche, et qu'ainsy je face la fin de mes jours): Ja n'advienne que je me glorifie, sinon en la Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A002001137 

 Encor quil sache que les placquars quil veut combattre, ne demandent autr'honneur pour la Croix que a cause de la representation quelle fait de Nostre Seigneur, et par consequent un honneur respectif et qui se rapporte ailleurs, si ne laisse-il pas de dire, pag 5 et 6, que ces placquars contiennent choses idolatriques, que nos precheurs prechent l'idolatrie..

  A002001139 

 il nous veut prendre par un autre biais: « Quand il est question d'honneur religieux ou conscientieux, ce sont choses non accordantes de donner tout honneur a un seul Dieu et a son Filz, et en departir une portion a aucun homme, ou a la Croix materielle, ou a creature qui soit.

  A002001139 

 » Par ou il semble vouloir dire, qu'encor que nous adorions Jesuschrist et le reconnoissions pour seul Dieu avec le Pere et le S t Esprit, nous ne laissons pas d'estr'idolatres disans: Seigneur nous adorons ta Croix, qui sont, dit-il, paroles blasphematoires..

  A002001141 

 Car voicy la resolution du placquart: « Nous devons estre poussés a venerer l'image de la Croix et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir a la memoyre du benefice de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire, Amen.

  A002001141 

 » Aussi n'estoit ce pas le dessein de l'autheur des placquars sinon de rendre conte, par l'escrit quon distribua a Annemasse, de la devote erection de la Croix que nostre Confrerie y fit, laquelle n'estoit pas une piece de la vraye Croix, mais seulement un'image d'icelle..

  A002001142 

 Or, bien que d'avoir descouvert le mensonge c'est asses l'avoir refuté, si est ce neanmoins, que par ce que ce traitteur produit ceste doctrine comm'absurde, je veux ici, autant que la briefveté que j'ay entreprins de suivre me le permet, proposer au vray la resolution Catholique touchant lhonneur de la Croix..

  A002001143 

 23, et David commande que l'on adore l'escabeau des piedz de Dieu par ce quil est saint, c'est a dire, l'Arche de l'alliance.

  A002001143 

 Par ou lon void que le mot d'adorer s'employe pour toute sorte de reverence qui se fait a Dieu, aux Anges, aux hommes saintz, aux hommes non saintz, et aux creatures inanimees; mais ce seul lieu de Paralipom.

  A002001144 

 C'est pourquoy, adorer, simplement pris et absolument, signifie en l'Escriture adorer Dieu, Jo. 4; et par mesme rayson les Anciens ont quelquefois fait difficulté de l'appliquer a lhonneur des creatures, quoy quilz sceussent que cela se pouvoit faire.

  A002001144 

 Comme par exemple, S t Hierosme, l. 2.

  A002001144 

 Danielis, in hæc verba, Et statuam quam fecisti non adoramus: Cultores Dei imagines adorare non debent. Et lib. contra Vigilantium: Quis Martires adoravit? quis hominem putavit Deum? Voyes vous comm'il prend le mot d'adorer pour un honneur par lequel on estime la chose adoree estre Dieu?.

  A002001144 

 Dequoy la rayson est par ce que l'adoration n'appartient pas egalement a Dieu et aux creatures, il y a a dire de l'infinité: l'adoration donques deüe a Dieu est si excellente en comparaison de celle que l'on fait aux creatures, que, ni ayant presque point de proportion, l'adoration des creatures n'est presque pas adoration au pris de celle que l'on fait a Dieu.

  A002001149 

 Et c'est a ceste consideration que bien souvent les Anciens ont employé d'autres motz plus generaux pour signifier la reverence dette aux Saintz et autres creatures, ou s'il ny ont pas employé d'autres motz ilz ont limité le mot d'adoration par quelque addition.

  A002001149 

 Et de vray, puysque le mot d'adorer ne signifie autre que l'action par laquelle une personne honnore un'autre en reconnoissance de quelqu'advantageuse excellence qu'ell'y pens'estre, l'adoration joint beaucoup mieux a lhonneur deu a Dieu qu'a celuy que l'on rend aux creatures; car quand elle s'adress'a Dien, elle prend toute l'estendue et desploye toute sa force sans estre contrainte ni limitee a certain ply ou mesure, comme ell'est quand on l'adress'aux creatures.

  A002001151 

 On cest'excellence, de laquell'on rend tesmoignage par l'honneur, est advantageuse a celuy que nous honnorons, sur nous, et lhors nous le pouvons, ains devons, adorer, puysque la rayson veut que nous nous reconnoissions et faisions profession d'estr'inferieurs a ceux qui ont quelque advantage d'excellence et eminence sur nous.

  A002001151 

 Or cest'excellence peut estre de deux sortes: car, ou c'est un'excellence qui ne rend celuy qui la possede advantageux ou superieur sur celuy qui le veut honnorer, et lhors il ni a lieu que pour le simpl'honneur et ne se peut former aucun'adoration; tel est l'honneur que s'entreportent les gens de bien les uns aux autres, comme, par exemple, S t Basile a S t Gregoire Naz., tesmoin Eustratius sur le p r chapitre du 9 des Ethiques, selon le dire de l'Apostre: Honore invicem prævenientes, Ro.

  A002001151 

 de Civit., dit que les hommes sont appellés colendi et venerandi, si autem multum addideris, et adorandi, cité par S t Thomas, 2 2.

  A002001154 

 Il faut sçavoir qu'en l'adoration parfaitte, 3 actions se rencontrent: l'une de l'entendement, par laquelle l'on connoit l'excellence de la personne qu'on adore; l'autre de la volonté, par laquelle on se sousmet et fait on reverence a la personne qu'on adore; et la troysiesme par les signes exterieurs du cors.

  A002001154 

 est la principale et formelle: car la premiere est bien souvent sans adoration, comm'es Diables, qui, reconnoissans la majesté de Dieu, ne l'adorent pourtant pas ains s'opposent tant quilz peuvent a son excellence, et ceux desquelz parle S t Pol, Rom. 1, qui, connoissans Dieu ne l'ont pas glorifié comme Dieu; la troysiesme peut estre faitte par mocquerie et hipocrisie; la seule seconde est tousjours vraÿe adoration..

  A002001155 

 Il s'ensuit que l'adorer appartient a la seule creature connoissante, car pour reconnoistre un'excellence et se sousmettre volontairement a icelle par quelque protestation, ne peut se faire sans intelligence et libre volonté.

  A002001158 

 On honnore la viellesse par ce qu'elle tesmoigne l'experience, et l'experience apporte la prudence; on honnore les riches par ce que la richesse est signe d'industrie et est instrument de beaucoup de vertuz, comme de la liberalité et magnificence; on honnore les magistratz par ce quilz representent Dieu et la republique; on honnore les moindres officiers des princes, et leurs couronnes, sieges, sceptres, par ce que ce sont signes et appartenances de leur authorité; on honnore la science par ce qu'ell'est instrument de beaucoup de bien, signe de diligence et acheminement de bien faire, comm'on deteste l'ignorance par contraires raysons.

  A002001158 

 Parlons des choses sacrees: on honnore les eglises, les vases sacrés, par ce quilz sont instrumens de la religion et service de Dieu; on honnore les images, comme le Serpent d'airain et le Coffre de l'alliance, par ce quilz representent N. S. et quilz sont des acheminemens..

  A002001160 

 il se peut faire qu'une chose appartenante a un ami nous fera simplement resouvenir de celuy a qui ell'appartient, et partant sera cause par ce souvenir qu'elle reveille en nous, que nous honnorerons celuy a qui ell'appartient; et lhors, si l'on dit que nous honnorons ceste chose la, ce sera parler fort improprement, car toute nostre intention s'addresse a l'amy, et non a la chose qui luy appartient, laquelle, ayant remis l'amy dedans nostre memoyre, luy quitte la place en sortant elle mesme, de façon que bien souvent nous ne pensons plus a elle, tant s'en faut que nous l'honnorions.

  A002001161 

 Et par ce sembler pourra bien estr'esmeu a baiser et la roubbe et la chaire et l'image, sans estre pour cela trompé, puisquil ne juge pas la chos'estre presente, mays l'imagine comme presente; et l'imagination, n'estant qu'une premiere apprehension, n'affirme ni nie rien, et cependant ne laisse pas d'esmouvoir l'affection.

  A002001172 

 C'est l'Achilles des novateurs, il la faut donq faire pour par apres la desfaire.

  A002001173 

 Premierement, je ne doute point que ceste prohibition ne soit une piece et appartenance du premier commandement, qui porte: Tu n'auras point de dieux estrangers devant moy, et partant je ne conte pas ceste prohibition pour second commandement, mais pour une partie du premier, auquel est [379] defendue l'idolatrie tout entiere: car l'idolatrie parfaitte git en deux sortes d'actions, interieures et exterieures; les interieures sont defendues par la premiere partie de ce premier commandement, qui porte: Tu n'auras point de dieux estrangers devant moy; les exterieures sont rejettees par les paroles suyvantes: Tu ne te feras aucun idole ou statue, et ce qui s'ensuit.

  A002001174 

 Que si neanmoins quelqu'un veut opiniastrement debattre que la seconde defense proposee en ce premier chef des commandemens, Tu ne te feras aucune statue, et ce qui suit, soit un commandement a part et separé, qui face non une seconde partie du premier commandement, mais un second commandement de la premiere Table, pour ne m'entretenir hors de mon dessein a le convaincre par rayson, je diray seulement qu'au moins ne sçauroit on nier que la defense de ne faire aucune similitude ou statue ne soit un mesme commandement avec ce qui s'ensuit: Tu ne les adoreras ni serviras, et n'aÿe rapport a ce premier point: Tu n'auras aucuns dieux estrangers devant moy.

  A002001176 

 Or ceste opinion est du tout barbare, combattue par l'authorité de l'Escriture, de l'Eglise et de la nature.

  A002001176 

 Par nature on fait l'image de soymesme aux yeux de ceux qui nous voyent, es verres, es eaux, en l'air, et la peinture est un don de Dieu et de nature.

  A002001177 

 C'est une opinion nouvelle, vaine et hæretique, suivie par un grand tas de schismatiques et chicaneurs, mais ell'est plus notoirement contraire a l'Escriture que la precedente, et non moins a l'Eglise de Dieu et a la nature.

  A002001178 

 Il y en a d'autres qui ont dit que, par ceste prohibition, autres images ou similitudes n'estoyent defendues sinon celles qui servent de representer Dieu selon la nature de sa Divinité: et je m'y accorde simplement et purement, s'ilz rejettent les images qu'on feroit pour representer la propre forme et essence Divine immediatement; car Dieu estant infini et invisible il ne sçauroit estre representé par les choses visibles immediatement et formellement.

  A002001178 

 Les images donq qu'on fait de Dieu, des Cherubins et Anges, ou des ames, ne sont pas tant images de ces choses la, comme des formes et apparences par lesquelles ces choses-la ont esté manifestees.

  A002001178 

 Mais je dis outre tout cela que la force de la prohibition, de ne faire similitudes de quoy que ce soit, portee au commandement de Dieu, n'est pas suffisamment deduitte par ceste consideration.

  A002001178 

 Que si on parle des images et figures mistiques, comme d'un aigneau pour représenter Nostre Seigneur, de colombes pour representer les Apostres, ce ne sont non plus images des choses qu'elles représentent mistiquement que les motz sont images des choses quilz signifient, et les lettres des motz quelles denotent; car elles ne représentent pas ces choses la aux sens, comme font les images, mais des objetz tout differents par lesquels, avec beaucoup de discours, on se représente les choses mistiquement signifiees.

  A002001178 

 Quelle forme peut avoir aucune convenance avec Celuy qui n'a aucune forme? Et toutes les images que l'on fait de Dieu le Pere et du Saint Esprit ne servent a autre qu'a representer les figures et formes sous lesquelles et par lesquelles il s'est manifesté selon l'Escriture, lesquelles formes et figures ne représentoyent pas Dieu selon sa Divinité par maniere d'images et statues de Dieu, mais par maniere de simples signes.

  A002001178 

 Si donques on dit que le commandement de Dieu rejette les images qui seroyent faittes pour représenter au sens exterieur la Divinité, comme c'est le propre des images de représenter leurs propres objetz, je suys de cest advis-la, laissant neanmoins le bon usage des images qui représentent les apparitions Divines, ou quelque proprieté de sa Divine Majesté par quelque misterieuse et secrette signification.

  A002001188 

 Dieu, par Ezechiel Prophete, au 9.

  A002001188 

 S. Chrysostome, du mesme temps, en l'homelie Que Jesus Christ est Dieu, traicte admirablement de la gloire de ce signe, et atteste comme tous Sacremens estoyent faicts et parachevez par iceluy, et dit qu'il s'en faut servir, en ces termes: Crux in fronte nostra quasi in columna quotidie figuratur.

  A002001188 

 de la Cité de Dieu, c. 8, il atteste, qu'une femme fut guerie d'un chancre mortel par la vertu du signe de la Croix.

  A002001194 

 1: Pacifiant par le sang de sa Croix, c'est à dire, respandu en icelle comme sur un autel; vraye eschelle à son Royaume, selon sainct Jean, 12. et Philipp., 2; instrument de sa victoire et de son triomphe, selon sainct Paul, Coloss. 2.

  A002001194 

 Des que nostre Seigneur Jesus Christ, pour nous rachepter de l'eternelle damnation, souffrit la tres-amere mort de la Croix, on ne doit douter que ce tresgrand benefice de nostre redemption, vivement representé par la Croix, trophee et banniere du Sauveur, instrument de nostre redemption, lict de justice et autel du souverain sacrifice, n'oblige aussi à la veneration d'icelle; non pour raison du bois, ou de la matiere, mais à cause de ce qu'elle signifie.

  A002001194 

 Dont Esaye, c. 53, pour monstrer la noblesse de ceste mort, dit: Il a esté offert, par ce qu'il l'a voulu; conforme au dire de Jesus Christ en S. Jean, 10.

  A002001194 

 Par laquelle nous devons estre poussez à venerer l'image de la Croix, et la dresser par tous les lieux celebres, pour nous esmouvoir à la memoire du benefice de la mort et Passion de nostre Dieu et Sauveur, auquel soit honneur et gloire.

  A002001194 

 Pource religieusement les enfans de ce tresdoux Seigneur honnorent ce sainct Estendard de la Croix, que les adversaires appellent gibet, grandement different des autres par excellence.

  A002001194 

 chap.: Je mets mon ame, nul ne me l'oste, comme estant ceste mort ordonnee par l'eternel conseil de Dieu, és Actes des Apostres, c. 2.

  A002001194 

 de la Vie de Constantin, que l'Empereur Constantin dressa son estendard en forme de croix, et il estoit veneré là, et la Croix en iceluy, par toute l'armee imperiale.

  A002001194 

 » Bois qui apporta, certes, douleur et ignominie au Sauveur, mais si honnorable et glorieux que le Sainct Esprit l'a fait celebrer par plusieurs figures et propheties au vieil Testament.

  A002001200 

 Ces paroles sont appliquees formellement par S t Hierosme a l'adoration de la Croix..

  A002001223 

 J'ay receu par les mains de Monsieur le President Favre vostre livre de la Croix, mais sans aucune lettre, dont j'ay esté esbâhy pource que je pensoy avoir response à celle que je vous escrivis sur l'impression de vostre livre.

  A002001234 

 Mais s'il estoit en terre humainement conversant en la cité de ce monde terrestre, tesmoin et auditeur des sacrileges, blasphemes, impietés et horribles discours que les obstinez adversaires de Dieu et de son Eglise unique, Catholique, Apostolique et Romaine, vomissent et desgorgent verballement en leurs synagogues et par escrit en leurs livrets diffamatoires contre l'adoration de la saincte Croix, ce grand Docteur des Gentils se transformeroit volontiers au flebile et pleureux Heraclite pour la compassion qu'il prendrait de ces blasphemateurs..

  A002001235 

 L'Archiministre de Geneve, pour eterniser sa puante memoire, a esté si impudent et effronté menteur que d'avoir publié un livre satyricque intitulé, Admonitio de Reliquiis; en la pag. 7, au § Jam ad præcipuas Domini Reliquias, il a escrit que toute la doctrine que l'Eglise tient sur la doctrine de la Croix est diabolique, reprouvee, et refutee par le Pere sainct Ambroise comme superstition ethnique et payenne.

  A002001236 

 Si ceux de Geneve vouloyent confesser la verité, ils trouveroyent, aux cayers et registres de leur maison de ville, les noms, surnoms, d'aages, qualitez et demeurances de ceux qui firent la revolte et defection et forfaits; [et les] supputateurs du temps que les autheurs et instruments de l'apostasie ont vescu apres, [verraient qu'] ils ne furent triennaux possesseurs de leurs impietés et meschancetez; la memoire desquels et de tous les leurs, ascendants, descendants et collateraux, dans les trois ans fut esteincte et faillie, et justo Dei judicio; et si l'on pouvoit recouvrer un livret qui en a esté fait par le feu Cardinal Sadolet, intitulé: Prodigiosissima portenta civitatis Genevæ, post repudiationem et abdicationem Catholicæ et Orthodoxæ religionis, l'on y liroit des choses tres espouvantables et tres-veritables..

  A002001237 

 Car de cognoistre Dieu par l'esprit seulement [ne suffit pas], sinon que par mesme moyen l'on cognoisse le Fils de Dieu estre venu pour nostre redemption in carne; et sic inseparabiliter debemus agnoscere, et divinitatem et humanitatem, ut habeamus vitam æternam: vieille heresie tiree de Triphonis antro; contra quem le Pere sainct Augustin ayant disputé, combattu, et gagné la caverne de Dieu, ita posteritati scripsit, in suo tract. De fide et symbolo: Solet quosdam offendere, vel ipsos gentiles vel hæreticos, quod credamus assumptum terrenum Christi corpus in cælum; ut dicant terrenum aliquid in cælo esse non posse: nostras enim Scripturas non noverant, nec sciant quomodo dictum sit: Seminatur corpus animale, surget corpus spiritale..

  A002001237 

 Donques Beelzebuth, prince des diables, parlant et escrivant par luy, se couvrant de l'authorité de S. Paul, in hæc verba prorupit: Testatur enim se post Christi resurrectionem amplius ipsum non agnoscere secundum carnem; admonens his verbis quicquid in Christo carnale fuit oblivioni tradendum et missum faciendum, ut in eo secundum spiritum quærendo et possidendo omnem operam locemus.

  A002001237 

 Mais à fin que nul se laisse ensorceller au venin vomy par ledict Calvin audict livre intitulé, Admonitio de Reliquiis, operæ præcium esse duxi, de rapporter l'execrable blaspheme desgorgé par ledict Calvin en la premiere page.

  A002001237 

 Nunc igitur causari præclarum esse aliquod habere monumentum, tum Christi, tum sanctorum ejus, quid aliud est quam inane tegumentum, fucandæ stultæ nostræ cupiditatis causa, quærere, quæ nullum in ratione fundamentum habet? Calvin par ces [413] meschantes parolles dit, que les Chrestiens ne se doivent souvenir et faire aucun compte de la chair et de toute l'humanité de Jesus Christ; contre infinis textes du nouveau Testament: Jean 6, Amen, dico vobis, nisi manducaveritis carnem filii hominis et biberitis ejus sanguinem non habebitis vitam in vobis, et quæ sequuntur.

  A002001239 

 L'imposteur et trompeur a voulu dire que si tous les morceaux de la saincte Croix estoyent amassez et reduicts en un gros monceau, il y auroit la charge et voyage d'un navire; et encores que ladicte Croix pouvoit estre portee par un seul homme, que trois cents ne seroyent forts et puissants pour la porter; que les superstitieux [414] ont prins ce pretexte de controuver que les pieces qui en sont esté levees n'ont partant diminué ni amoindri le poids et gros corps de ladicte Croix..

  A002001240 

 Que quelques pieces que l'on prenne et ayent prins, retroactis seculis, de la saincte Croix, elle n'est point diminuee ni amoindrie, c'est une tres-veritable verité receuë de l'Eglise et approuvee des saincts Peres et Docteurs, et n'a oncques esté contredicte et par les heretiques.

  A002001241 

 Mais, finalement, considerant la Croix entant qu'elle represente la figure de Jesus Christ crucifié, et entant que par l'attouchement des saincts membres de son corps precieux elle a esté baignée et arrousée de son sang: alors la devons adorer de la mesme adoration que nous adorons Nostre Sauveur Jesus-Christ, que noz maistres et anciens Peres Docteurs que convenienti vocabulo appellant adorationem Latriæ; [415] et à ceste raison nous parlons à la Croix et la prions comme le Sauveur: O Crux, ave, spes unica; O Crux benedicta.

  A002001242 

 La Croix peut estre dite la clef du Paradis, car par icelle le ciel fut ouvert: Velum, templi scissum est... a summo usque deorsum.

  A002001242 

 La premiere est la dignité et noblesse: car par l'attouchement du corps et effusion du sang de Nostre Sauveur, la Croix a esté rendue tres-digne et tres-noble; ainsi le tesmoigne l'Eglise: Crux fidelis inter omnes, arbor una nobilis, etc. La seconde est la saincteté qui est par le moyen dudict attouchement: car tout ainsi comme le Sauveur par l'attouchement de sa tres-pure et tres-nette chair a baillé et conferé la force et vertu regenerative aux eaux, ita, contactu suæ carnis, il a sanctifié le bois de la Croix; ainsi nous enseigne nostre Mere l'Eglise: O Crux splendidtor cunctis astris, in mundo celebris, hominibus multum amabilis, sanctior universis.

  A002001242 

 Par la Croix sont esté faicts et se font journellement infinis miracles; tellement que sainct Jean Chrisostome, comme ravi en extaze de la vertu de la saincte [416] Croix, homil. 13.

  A002001242 

 Quant aux deux festes instituees par l'Eglise au culte et devotion de la Croix, il n'y a abus, erreur ou superstition; pource que les trois choses pour lesquelles toutes les festes sont instituees et celebrees y concurrent.

  A002001286 

 L'amour, honneur et respect que je porte à la saincte Croix, mesmes en ceste saincte sepmaine de Passione, m'ont conduit à ceste prolixité; pour tesmoigner à tous les fidelles Catholiques, que quiconque voudra veoir la Panthologie de la saincte Croix devroit avoir, lire et faire son proffit de ce livre sainctement et doctement composé par le R. P. François de Sales, Prevost de l'Eglise catholique et Cathedralle de Geneve.

  A002001352 

 Semblable à un Orphé qui par un doux langage.

  A002001362 

 Puis que tu fais germer par ta tres-douce haleine.

  A002001487 

 Raviva par sa mort nostre mourante vie; [423].


03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html
  A003000018 

 Chapitre V. Qu'il faut commencer par la purgation de l'ame.

  A003000060 

 Par maniere d'election et choix du Paradis.

  A003000064 

 Par maniere d'election et choix que l'ame fait de la vie devote.

  A003000074 

 Seconde partie de l'Introduction contenant divers advis pour l'eslevation de l'ame a Dieu par l'orayson et les sacremens 39.

  A003000153 

 Chapitre XV. Confirmation et esclaircissement de ce qui a esté dit par un exemple notable.

  A003000155 

 Qu'il faut chaque annee renouveller les bons propos par les exercices suivans.

  A003000183 

 Qu'il faut commencer par la purgation de l'ame - Chap.

  A003000233 

 Meditation 9 - Par maniere d'election, et choix du Paradis.

  A003000237 

 Meditation 10 - Par maniere d'election, et choix que l'ame fait de la vie devote.

  A003000341 

 Je ne puis, certes, ni veux, ni dois escrire en cette Introduction que ce [5] qui a des-ja esté publié par nos predecesseurs sur ce sujet; ce sont les mesmes fleurs que je te presente, mon Lecteur, mais le bouquet que j'en ay fait sera different des leurs, a rayson de la diversité de l'ageancement dont il est façonné..

  A003000341 

 La bouquetiere Glycera sçavoit si proprement diversifier la disposition et le meslange des fleurs, qu'avec les mesmes fleurs elle faisoit une grande varieté de bouquetz, de sorte que le peintre Pausias demeura court, voulant contrefaire a l'envi cette diversité d'ouvrage, car il ne sceut changer sa peinture en tant de façons comme Glycera faisoit ses bouquetz: ainsy le Saint Esprit dispose et arrange avec tant de varieté les enseignemens de devotion, qu'il donne par les langues et les plumes de ses serviteurs, que la doctrine estant tous-jours une mesme, les discours neanmoins qui s'en font sont bien differens, selon les diverses façons desquelles ilz sont composés.

  A003000342 

 Il est vray que cela est malaysé, et c'est pourquoy je desirerois que plusieurs y employassent leur soin avec plus d'ardeur qu'on n'a pas fait jusques a present; comme, tout foible que je suis, je m'essaye par cet escrit de contribuer quelque [6] secours a ceux qui d'un cœur genereux feront cette digne entreprise..

  A003000342 

 Mon intention est d'instruire ceux qui vivent es villes, es mesnages, en la cour, et qui par leur condition sont obligés de faire une vie commune quant a l'exterieur, lesquelz bien souvent, sous le pretexte d'une pretendue impossibilité, ne veulent seulement pas penser a l'entreprise de la vie devote, leur estant advis que, comme aucun animal n'ose gouster de la graine de l'herbe nommee palma Christi, aussi nul homme ne doit pretendre a la palme de la pieté chrestienne tandis qu'il vit emmi la presse des affaires temporelles.

  A003000343 

 Mais ce n'a toutefois pas esté par mon election ou inclination que cette Introduction sort en public: une ame vrayement pleine d'honneur et de vertu ayant, il y a quelque tems, receu de Dieu la grace de vouloir aspirer a la vie devote, desira ma particuliere assistance pour ce regard; et moy qui luy avois plusieurs sortes de devoirs, et qui avois long tems auparavant remarqué en elle beaucoup de disposition pour ce dessein, je me rendis fort soigneux de la bien instruire, et l'ayant conduitte par tous les exercices convenables a son desir et sa condition, je luy en laissay des memoires par escrit, affin qu'elle y eust recours a son besoin.

  A003000344 

 Mais tout cela je l'ay fait sans nulle sorte presque de loysir; c'est pourquoy tu ne verras rien icy d'exacte, ains seulement un amas d'advertissemens de bonne foy que j'explique par des paroles claires et intelligibles, au moins ay-je desiré de le faire.

  A003000346 

 Cela fait, pour la conduire plus avant, je luy monstre deux grans moyens de s'unir de plus en plus a sa divine Majesté: l'usage des Sacremens par lesquelz ce bon Dieu vient a nous, et la sainte oraison par laquelle il nous tire a soy; et en ceci j'employe la seconde Partie.

  A003000346 

 Et finalement, en la cinquiesme Partie, je la fay un peu retirer a part soy pour se rafraischir, reprendre haleine et reparer ses forces, affin qu'elle puisse par apres plus heureusement gaigner païs et s'avancer en la vie devote..

  A003000346 

 Regardant donq en tout ceci une ame qui, par le desir de la devotion, aspire a l'amour de Dieu, j'ay fait cette Introduction de cinq Parties, en la premiere desquelles je m'essaye, par quelques remonstrances et exercices, de convertir le simple desir de Philothee en une entiere resolution, qu'elle fait a la parfin apres sa confession generale par une solide protestation, suivie de la tressainte Communion, en laquelle, se donnant a son Sauveur et le recevant, elle entre heureusement en son saint amour.

  A003000347 

 Les anciens Evesques et Peres de l'Eglise estoyent pour le moins autant affectionnés a leurs charges que nous, et ne laissoyent pourtant pas d'avoir soin de la conduitte particuliere de plusieurs ames qui recouroyent a leur assistance, comme il appert par leurs epistres; imitans en cela les Apostres qui, emmi la moisson generale de l'univers, recueilloyent neanmoins certains espis plus remarquables avec une speciale et particuliere affection.

  A003000348 

 C'est une peyne, je le confesse, de conduire les ames en particulier, mais une peyne qui soulage, pareille a celle des moissonneurs et vendangeurs, qui ne sont jamais plus contens que d'estre fort embesoignés et chargés; c'est un travail qui delasse et avive le cœur par la suavité qui en revient a ceux qui l'entreprennent, comme fait le cinamome ceux qui le portent parmi l'Arabie heureuse.

  A003000348 

 On dit que la tigresse avant retreuvé l'un de ses petitz, que le chasseur luy laisse sur le chemin pour l'amuser tandis qu'il emporte le reste de la littee, elle s'en charge pour gros qu'il soit, et pour cela n'en est point plus pesante, ains plus legere a la course qu'elle fait pour le sauver dans sa tasniere, l'amour naturel l'allegeant par ce fardeau.

  A003000350 

 Alexandre fit peindre la belle Campaspé, qui luy estoit si chere, par la main de l'unique Apelles; Apelles, forcé de considerer longuement Campaspé, a mesure qu'il en exprimoit les traitz sur le tableau en imprima l'amour en son cœur, et en devint tellement passionné, qu'Alexandre l'ayant reconneu et en ayant pitié la luy donna en mariage, se privant pour l'amour de luy de la plus chere amie qu'il eust au monde: « En quoy, » dit Pline, « il monstra la grandeur de son cœur, autant qu il eust fait par une bien grande victoire.

  A003000359 

 Celuy qui est adonné au jeusne se tiendra pour bien dévot pourveu qu'il jeusne, quoy que son cœur soit plein de rancune; et n'osant point tremper sa langue dedans le vin ni mesme dans l'eau, par sobrieté, ne se feindra point de la plonger dedans le sang du prochain par la mesdisance et calomnie.

  A003000360 

 Ainsy les pecheurs ne volent point en Dieu, ains font toutes leurs courses en la terre et pour la terre; les gens de bien qui n'ont pas encor atteint la devotion volent en Dieu par leurs bonnes actions, mais rarement, lentement et pesamment; les personnes devotes volent en Dieu frequemment, promptement et hautement.

  A003000360 

 Bref, la devotion n'est autre chose qu'une agilité et vivacité spirituelle par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous par elle, promptement et affectionnement; et comme il appartient a la charité de nous faire generalement et universellement pratiquer tous les commandemens de Dieu, il appartient aussi a la devotion de les nous faire faire promptement et diligemment.

  A003000365 

 Mais comme Josué et Caleb protestoyent que non seulement la terre promise estoit bonne et belle, ains aussi que la possession en seroit douce et aggreable, de mesme le Saint Esprit, par la bouche de tous les Saintz, et Nostre Seigneur par la sienne mesme nous asseure que la vie devote est une vie douce, heureuse et amiable..

  A003000368 

 Contemplés l'eschelle de Jacob (car c'est le vray pourtrait de la vie devote): les deux costés entre les-quelz on monte, et ausquelz les eschellons se tiennent, representent l'orayson qui impetre l'amour de Dieu et les Sacremens qui le conferent; les eschellons ne sont autre chose que les divers degrés de charité par lesquelz l'on va de vertu en vertu, ou descendant par l'action au secours et support du prochain, ou montant par la contemplation a l'union amoureuse de Dieu.

  A003000368 

 Or voyes, je vous prie, ceux qui sont sur l'eschelle: ce sont des hommes qui ont des cœurs angeliques, ou des Anges qui ont des cors humains; ilz ne sont pas jeunes, mais ilz le semblent estre, parce qu'ilz sont pleins de vigueur et agilité spirituelle; ilz ont des aisles pour voler, et s'eslancent en Dieu par la sainte orayson, mais ilz ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une sainte et amiable conversation; leurs visages sont beaux et gais, d'autant qu'ilz reçoivent toutes choses avec douceur et suavité; leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont tout a descouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et leurs actions n'ont aucun dessein ni motif que de plaire a Dieu.

  A003000374 

 La devotion doit estre differemment exercee par le gentilhomme, par l'artisan, par le valet, par le prince, par la vefve, par la fille, par la mariee; et non seulement [19] cela, mais il faut accommoder la prattique de la devotion aux forces, aux affaires et aux devoirs de chaque particulier.

  A003000380 

 Quoy que vous cherchies, dit le devot Avila, « vous ne treuveres jamais si asseurement la volonté de Dieu que par le chemin de cette humble obeissance, tant recommandee et prattiquee par tous les anciens devotz.».

  A003000382 

 L'ami fidelle est un medicament de vie et d'immortalité; ceux qui craignent Dieu le treuvent. Ces divines paroles regardent principalement l' immortalité, comme vous voyes, pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cet ami fidelle qui guide nos actions par ses advis et conseilz, et par ce moyen nous garantit [23] des embusches et tromperies du malin; il nous sera comme un tresor de sapience en nos afflictions, tristesses et cheutes; il nous servira de medicament pour alleger et consoler nos cœurs es maladies spirituelle; il nous gardera du mal, et rendra nostre bien meilleur; et quand il nous arrivera quelque infirmité, il empeschera qu'elle ne soit pas a la mort, car il nous en relevera..

  A003000384 

 Or, ce doit tous-jours estre un Ange pour vous: c'est a dire, quand vous l'aures treuvee, ne la considerés pas comme un simple homme, et ne vous confies point en iceluy ni en son sçavoir humain, mais en Dieu, lequel vous favorisera et parlera par l'entremise de cet homme, mettant dedans le cœur et dedans la bouche d'iceluy ce qui sera requis pour vostre bonheur; si que vous le deves escouter comme un Ange qui descend du ciel pour vous y mener.

  A003000384 

 Traittes avec luy a cœur ouvert, en toute sincerité et fidelité, luy manifestant clairement vostre bien et vostre mal, sans feintise ni dissimulation: et par ce moyen, vostre bien sera examiné et plus asseuré, et vostre mal sera corrigé et remedié; vous en seres allegee et fortifiee en vos afflictions, moderee et reglee en vos consolations.

  A003000390 

 La purgation et guerison ordinaire, soit des cors soit des espritz, ne se fait que petit a petit, par progres, d'avancement en avancement, avec peyne et loysir.

  A003000390 

 Les Anges ont des aisles sur l'eschelle de Jacob, mais ilz ne volent pas, ains montent et descendent par ordre, d'eschellon en eschellon.

  A003000391 

 Mais aussi, de l'autre costé, n'est-ce pas un extreme danger aux ames lesquelles, par une tentation contraire, se font accroire d'estre purgees de leurs imperfections le premier jour de leur purgation, se tenans pour parfaittes avant presque d'estre faittes, en se mettant au vol sans aisles? O Philothee, qu'elles sont en grand peril de recheoir, pour s'estre trop tost ostees d'entre les mains du medecin! Ha, ne vous levés pas avant que la lumiere soit arrivee, dit le Prophete; levés vous apres que vous aurès esté assis: et luy mesme pratiquant cette leçon et ayant esté des-ja lavé et nettoyé, demande de l'estre derechef..

  A003000392 

 Or, les imperfections et pechés venielz ne nous sçauroyent oster la vie spirituelle, car elle ne se perd que par le peché mortel; il reste donques seulement qu'elles ne nous facent point perdre le courage: Delivre-moy, Seigneur, disoit David, de la coüardise et descouragement.

  A003000396 

 Et ayant ainsy preparé et ramassé les humeurs peccantes de vostre conscience, detestes-les et les rejettes par une contrition et desplaysir aussi grand que vostre cœur pourra souffrir, considerant ces quatre choses: que par le [28] peché vous aves perdu la grace de Dieu, quitté vostre part de Paradis, accepté les peynes eternelles de l'enfer et renoncé a l'amour eternel de Dieu..

  A003000398 

 Parlant donq d'un renouvellement general de nostre cœur et d'une conversion universelle de nostre ame a Dieu, par l'entreprise de la vie devote, j'ay bien rayson, ce me semble, Philothee, de vous conseiller cette confession generale.

  A003000407 

 Ainsy, quand le penitent ne hait le peché que par une legere, quoy que vraye contrition, il se resoult voyrement bien de ne plus pecher, mais quand il le hait d'une contrition puissante et vigoureuse, non seulement il deteste le peché, ains encor toutes les affections, dependances et acheminemens du peché.

  A003000407 

 Or, le premier motif pour parvenir a cette seconde purgation, c'est la vive et forte apprehension du grand mal que le peché nous apporte, par le moyen de laquelle nous entrons en une profonde et vehemente contrition; car tout ainsy que la contrition, pourveu qu'elle soit vraye, pour petite qu'elle soit, et sur tout estant jointe a la vertu des Sacremens, nous purge suffisamment du peché, de mesme quand elle est grande et vehemente, elle nous purge de toutes les affections qui dependent du peché.

  A003000418 

 Dieu vous a fait esclore de ce rien, pour vous rendre ce que vous estes, sans qu'il eust besoin de vous, ains par sa seule bonté..

  A003000423 

 O mon grand et bon Createur, combien vous suis-je redevable, puisque vous m'estes allé prendre dans mon rien, pour me rendre par vostre misericorde ce que je suis.

  A003000424 

 Mays helas, mon Createur, au lieu de m'unir a vous par amour et service, je me suis rendue toute rebelle par mes desreglees affections, me separant et esloignant de vous pour me joindre au peché, n'honnorant non plus vostre bonté que si vous n'eussies pas esté mon Createur..

  A003000426 

 Je veux changer de vie et suivre des-ormais mon Createur, et m'honnorer de la condition de l'estre qu'il m'a donné, l'employant tout entierement a l'obeissance de sa volonté par les moyens qui me seront enseignés, et desquelz je m'enquerray vers mon pere spirituel..

  A003000454 

 Je vous supplie, o Dieu, d'avoir aggreables mes souhaitz et mes vœux, et de donner vostre sainte benediction a mon ame, a celle fin qu'elle les puisse accomplir par le merite du sang de vostre Filz respandu sur la Croix, etc..

  A003000466 

 Combien de fois vous a-il donné ses Sacremens? combien de fois, des inspirations, des lumieres interieures, des reprehensions pour vostre amendement? combien de fois vous a-il pardonné vos fautes? combien de fois, delivree des occasions de vous perdre ou vous esties exposee? Et ces annees passees, n'estoyent ce pas un loysir et commodité de vous avancer au bien de vostre ame? Voyes un peu par le menu combien Dieu vous a esté doux et gracieux..

  A003000472 

 Ha donq, Philothee, retires vostre cors de telles et telles voluptés, rendes-le sujet au service de Dieu qui a tant fait pour luy; appliques vostre ame a le connoistre et reconnoistre, par telz et telz exercices qui sont requis pour cela; employés soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu.

  A003000477 

 Pries-le qu'il vous fortifie, pour les prattiquer fidellement par le merite de la mort de son Filz; implorés l'intercession de la Vierge et des Saintz..

  A003000488 

 Penses combien il y a que vous commencés a pecher, et voyes combien des ce premier commencement les pechés se sont multipliés en vostre cœur; comme tous les jours vous les aves accreus contre Dieu, contre vous mesme, contre le prochain, par œuvre, par parole, par desir et pensee..

  A003000489 

 Et par ces deux pointz vous verrés que vos coulpes sont en plus grand nombre que les cheveux de vostre teste, voyre que le sable de la mer..

  A003000490 

 Consideres a part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general lequel s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyes donq combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous, vous aves abusé contre le Donateur; singulierement, combien d'inspirations mesprisees, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003000521 

 O mes chers amis, mes cheres alliances, permettes-moy que je ne vous affectionne plus que par une amitié sainte, laquelle puisse durer eternellement; car, pourquoy m'unir a vous en sorte qu'il faille quitter et rompre la liaison?.

  A003000525 

 Remercies Dieu de ces resolutions qu'il vous a donnees; offres les a sa Majesté; supplies la derechef qu'elle vous rende vostre mort heureuse par le merite de celle de son Filz.

  A003000539 

 Ce souverain Juge, par son commandement redoutable et qui sera soudain executé, separera les bons des mauvais, mettant les uns a sa droite, les autres a sa gauche; separation eternelle, et apres laquelle jamais plus ces deux bandes ne se treuveront ensemble.

  A003000542 

 Consideres la sentence contraire des bons: Venes, dit le Juge; ah, c'est le mot aggreable de salut par lequel Dieu nous tire a soy et nous reçoit dans le giron de sa bonté; benis de mon Pere: o chere benediction, qui comprend toute benediction! possedés le royaume qui vous est preparé des la constitution du monde.

  A003000569 

 Espouvantés vostre ame par les paroles d'Isaïe:O mon ame, pourrois-tu bien vivre eternellement avec ces ardeurs perdurables et emmi ce feu devorant? veux-tu bien quitter ton Dieu pour jamais?.

  A003000583 

 Consideres en fin quel bien ilz ont tous de jouir de Dieu qui les gratifie pour jamais de son amiable regard, et par iceluy respand dedans leurs cœurs un abisme de delices.

  A003000600 

 Vous estant colloquee ainsy par imagination, et mise a genoux devant vostre bon Ange:.

  A003000603 

 Et encores que l'un et l'autre soit ouvert pour vous recevoir, selon que vous le choisirés, si est-ce que Dieu, qui est appareillé de vous donner, ou l'un par sa justice ou l'autre par sa misericorde, desire neanmoins d'un desir nompareil que vous choisissies le Paradis; et vostre bon Ange vous en presse de tout son pouvoir, vous offrant de la part de Dieu mille graces et mille secours pour vous ayder a la montee..

  A003000604 

 Voyes les Saintz qui vous exhortent, et un million de saintes ames qui vous convient doucement, ne desirans que de voir un jour vostre cœur joint au leur, pour loüer Dieu a jamais, et vous asseurans que le chemin du Ciel n'est point si malaysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, treschere amie; qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montees, il verra que nous sommes venues en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003000617 

 Imagines-vous d'estre derechef en une rase campagne, avec vostre bon Ange toute seule, et a costé gauche, vous voyes le diable assis sur un grand throsne haut eslevé, avec plusieurs des espritz infernaux aupres de [54] luy, et tout autour de luy, une grande troupe de mondains qui tous a teste nuë le reconnoissent et luy font hommage, les uns par un peché, les autres par un autre.

  A003000617 

 Voyes comme ilz sont tous sans repos, sans ordre et sans contenance; voyes comme ilz se mesprisent les uns les autres et comme ilz ne s'ayment que par des faux semblans.

  A003000618 

 Regardes generalement par tout, vous les verres tous en une contenance sainte, douce, amiable, qu'ilz escoutent Nostre Seigneur, et tous le voudroyent planter au milieu de leur cœur.

  A003000619 

 Vous aves meshui quitté Satan avec sa triste et malheureuse troupe, par les bonnes affections que vous aves conceuës, et neanmoins vous n'estes pas encor arrivee au Roy Jesus, ni jointe a son heureuse et sainte compaignie de devotz, ains vous aves esté tous-jours entre l'un et l'autre..

  A003000621 

 Le Roy crucifié vous appelle par vostre nom propre: Venes, o ma bien aymee, venes affin que je vous couronne..

  A003000625 

 Et me convertissant a vous, mon doux Jesus, Roy de bonheur et de gloire eternelle, je vous embrasse de toutes les forces de mon ame, je vous adore de tout mon cœur, je vous choisis, maintenant et pour jamais, pour mon Roy, et par mon inviolable fidelité je vous fais un hommage irrevocable; je me sousmetz a l'obeissance de vos saintes lois et ordonnances..

  A003000630 

 Ouvrés donq bien vostre cœur pour en faire sortir les pechés par la confession; car a mesure qu'ilz en sortiront, le pretieux merite de la Passion divine y entrera pour le remplir de benediction..

  A003000630 

 Quand vous les aures faites, alles courageusement en esprit d'humilité faire vostre confession generale; mais, je vous prie, ne vous laisses point troubler par aucune sorte d'apprehension.

  A003000631 

 Prenes, par apres, en main la protestation suivante, laquelle sert de conclusion a toute vostre contrition, et que vous deves avoir premierement meditee et consideree; lises-la attentivement et avec le plus de ressentiment qu'il vous sera possible..

  A003000635 

 Je soussignee, constituee et establie en la presence de Dieu eternel et de toute la cour celeste, ayant [58] consideré l'immense misericorde de sa divine bonté envers moy, tresindigne et chetifve creature, qu'elle a creée de rien, conservee, soustenue, delivree de tant de dangers, et comblee de tant de bienfaitz; mais sur tout ayant consideré cette incomprehensible douceur et clemence avec laquelle ce tresbon Dieu m'a si benignement toleree en mes iniquités, si souvent et si amiablement inspiree, me conviant a m'amender, et si patiemment attendue a penitence et repentance jusques a cette N. annee de mon aage, nonobstant toutes mes ingratitudes, desloyautés et infidelités par lesquelles, differant ma conversion et mesprisant ses graces, je l'ay si impudemment offencé; apres avoir encor consideré qu'au jour de mon sacré Baptesme je fus si heureusement et saintement voüee et dediee a mon Dieu pour estre sa fille, et que, contre la profession qui fut alhors faitte en mon nom, j'ay tant et tant de fois si malheureusement et detestablement profané et violé mon esprit, l'appliquant et l'employant contre la divine Majesté; en fin, revenant maintenant a moy-mesme, prosternee de cœur et d'esprit devant le throsne de la justice divine, je me reconnois, advouë et confesse pour legitimement atteinte et convaincue du crime de leze majesté divine, et coulpable de la Mort et Passion de Jesus Christ, a rayson des pechés que j'ay commis, pour lesquelz il est mort et a souffert le tourment de la croix, si que je suis digne, par consequent, d'estre a jamais perdue et damnee..

  A003000636 

 Mais helas, si par suggestion de l'ennemi ou par quelque infirmité humaine, il m'arrivoit de contrevenir en chose quelconque a cette mienne resolution et consecration, je proteste des maintenant, et me propose, moyennant la grace du Saint Esprit, de m'en relever si tost que je m'en apercevray, me convertissant derechef a la misericorde divine, sans letardation ni dilation quelconque..

  A003000642 

 O Dieu, Philothee, que voyla un contract admirable par lequel vous faites un heureux traitté avec sa divine Majesté, puisqu'en vous donnant vous mesme a elle, vous la gaignés et vous mesme aussi pour la vie eternelle! Il ne reste plus sinon que, prenant la plume en main, vous signies de bon cœur l'acte de vostre protestation, et que par apres vous allies a l'autel, ou Dieu [61] reciproquement signera et scellera vostre absolution et la promesse qu'il vous fera de son Paradis, se mettant luy mesme par son Sacrement comme un cachet et sceau sacré sur vostre cœur renouvellé.

  A003000648 

 Vous descouvrirés donq, ma chere Philothee, qu'outre les pechés mortelz et affections des pechés mortelz, dont vous aves esté purgee par les exercices marqués ci devant, vous aves encores en vostre ame plusieurs inclinations et affections aux pechés venielz.

  A003000651 

 Ainsy le peché veniel ne tue pas nostre ame, mais il gaste pourtant la devotion, et embarrasse si fort de mauvaises habitudes et inclinations les puissances de l'ame, qu'elle ne peut plus exercer la promptitude de la charité, en laquelle gist la devotion; mais cela s'entend quand le peché veniel sejourne en nostre conscience par l'affection que nous y mettons.

  A003000661 

 Je m'en vay donq maintenant donner des advis et proposer des exercices par le moyen desquelz vous purgerés vostre ame des affections dangereuses, des imperfections et de toutes affections aux pechés venielz, et si asseurerés de plus en plus vostre conscience contre tout peché mortel.

  A003000661 

 On a bien treuvé le moyen de changer les amandiers amers en amandiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le [67] suc; pourquoy est-ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs? Il n'y a point de si bon naturel qui ne puisse estre rendu mauvais par les habitudes vicieuses; il n'y a point aussi de naturel si revesche qui, par la grace de Dieu premierement, puis par l'industrie et diligence, ne puisse estre dompté et surmonté.

  A003000661 

 Or, quoy qu'elles soyent comme propres et naturelles a un chacun, si est-ce que par le soin et affection contraire on les peut corriger et moderer, et mesme on peut s'en delivrer et purger: et je vous dis, Philothee, qu'il le faut faire.

  A003000661 

 Par exemple, sainte Paule, selon le recit de saint Hierosme, avoit une grande inclination aux tristesses et regretz, si qu'en la mort de ses enfans et de son mari elle courut tous-jours fortune de mourir de desplaysir: cela estoit une imperfection et non point un peché, puisque c'estoit contre son gré et sa volonté.

  A003000666 

 L'orayson mettant nostre entendement en la clarté et lumiere divine, et exposant nostre volonté a la chaleur de l'amour celeste, il n'y a rien qui purge tant nostre entendement de ses ignorances et nostre volonté de ses affections depravees: c'est l'eau de benediction qui, par son arrousement, fait reverdir et fleurir les plantes de nos bons desirs, lave nos ames de leurs imperfections et desaltere nos cœurs de leurs passions.

  A003000667 

 En fin, les enfans a force d'ouïr leurs meres et de begayer avec elles, apprennent a parler leur langage; et nous, demeurans pres du Sauveur par la meditation, et observans ses paroles, ses actions et ses affections, nous apprendrons, moyennant sa grace, a parler, faire et vouloir comme luy..

  A003000667 

 Il est la lumiere du monde, c'est donques en luy, par luy et pour luy que nous devons estre esclairés et illuminés; c'est l'arbre de desir a l'ombre duquel nous nous devons rafraischir; c'est la vive fontaine de Jacob pour le lavement de toutes nos souïlleures.

  A003000667 

 Mais sur tout je vous conseille la mentale et cordiale, et particulierement celle qui se fait autour de la vie et Passion de Nostre Seigneur: en le regardant souvent par la meditation, toute vostre ame se remplira de luy; vous apprendrés ses contenances, et formerés vos actions au modelle des siennes.

  A003000668 

 Il faut s'arrester la, Philothee, et croyes-moy, nous ne sçaurions aller a Dieu le Pere que par cette porte; car tout ainsy que la glace d'un miroüer ne sçauroit arrester nostre veuë si elle n'estoit enduite d'estain ou de plomb par derriere, aussi la Divinité ne pourrait estre bien contemplee par nous en ce bas monde, si elle ne se fust jointe a la sacree humanité du Sauveur, duquel la vie et la mort sont l'objet le plus proportionné, souëfve, delicieux et prouffitable que nous puissions choisir pour nostre meditation ordinaire.

  A003000668 

 Sa vie et mort a esté disposee et distribuee en divers pointz pour servir a la meditation, par plusieurs autheurs: ceux que je vous conseille sont [70] saint Bonaventure, Bellintani, Bruno, Capilia, Grenade, Du Pont..

  A003000671 

 Commencés toutes sortes d'oraysons, soit mentale soit vocale, par la presence de Dieu, et tenes cette regle sans exception, et vous verres dans peu de tems combien elle vous sera prouffitable.

  A003000675 

 Que si en toute la journee vous ne pouves la faire, il faut reparer cette perte, multipliant les oraysons jaculatoires, et par la lecture de quelque livre de devotion, avec quelque penitence qui empesche la suite de ce defaut; et, avec cela, faites une forte resolution de vous remettre en train le jour suivant..

  A003000679 

 C'est pourquoy je vous presente une simple et briefve methode pour cela, en attendant que, par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont esté composés sur ce sujet, et sur tout par l'usage, vous en puissies estre plus amplement instruite.

  A003000679 

 Mais vous ne sçaves peut estre pas, Philothee, comme il faut faire l'orayson mentale; car c'est une chose laquelle, par malheur, peu de gens sçavent en nostre [73] aage.

  A003000680 

 Il veut dire qu'il n'y pensoit pas; car au reste il ne pouvoit ignorer que Dieu ne fust en tout et par tout.

  A003000680 

 Le premier gist en une vive et attentive apprehension de la toute presence de Dieu, c'est a dire que Dieu est en tout et par tout, et qu'il n'y a lieu ni chose en ce monde ou il ne soit d'une tres veritable presence; de sorte que, comme les oyseaux, ou qu'ilz volent, rencontrent tous-jours l'air, ainsy, ou que nous allions, ou que nous soyons, nous treuvons Dieu present.

  A003000681 

 Le second moyen de se mettre en cette sacree presence, c'est de penser que non seulement Dieu est au lieu ou vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie et anime de sa divine presence, estant la comme le cœur de vostre cœur et l'esprit de vostre esprit; car, comme l'ame estant respandue par tout le cors se treuve presente en toutes les parties d'iceluy, et reside neanmoins au cœur d'une speciale residence, de mesme Dieu estant tres present a toutes choses, assiste toutefois d'une speciale façon a nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et saint Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons et sommes en Dieu.

  A003000682 

 Si que nous pouvons bien dire avec l'Espouse: Le voyla qu'il est derriere la paroy, voyant par les fenestres, regardant par les treillis..

  A003000692 

 Par exemple, si vous voules mediter Nostre Seigneur en croix, vous vous imaginerés d'estre au mont de Calvaire et que vous voyes tout ce qui se fit et se dit au jour de la Passion; ou, si vous voules, car c'est tout un, vous vous imaginerés qu'au lieu mesme ou vous estes se fait le crucifiement de Nostre Seigneur, en la façon que les Evangelistes le descrivent.

  A003000693 

 Or, par le moyen de cette imagination, nous enfermons nostre esprit dans le mystere que nous voulons mediter, affin qu'il n'aille pas courant ça et la, ne plus ne moins que l'on enferme un oyseau dans une cage, ou bien comme l'on attache l'espervier a ses longes, affin qu'il demeure dessus le poing.

  A003000697 

 Ayant donq enfermé vostre esprit, comme j'ay dit, dans l'enclos du sujet que vous voules mediter, ou par l'imagination, si le sujet est sensible, ou par la simple proposition, s'il est insensible, vous commencerés a faire sur iceluy des considerations, dont vous verrés des exemples tout formés es meditations que je vous ay donnees.

  A003000702 

 Or, je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustés une resolution speciale en cette sorte: or sus donques, je ne me piqueray plus de telles paroles fascheuses qu'un tel et une telle, mon voysin ou ma voysine, mon domestique ou ma domestique disent de moy, ni de tel et tel mespris qui m'est fait par cestui-ci ou cestui-la; au contraire, je diray et feray telle et telle chose pour le gaigner et adoucir, et ainsy des autres.

  A003000702 

 Par ce moyen, Philothee, vous corrigerés vos fautes en peu de tems, la ou par les seules affections vous le feres tard et malaysement.

  A003000702 

 Par exemple, la premiere parole que Nostre Seigneur dit sur la Croix respandra sans doute une bonne affection d'imitation en vostre ame, a sçavoir, le desir de pardonner a vos ennemis et de les aymer.

  A003000706 

 En fin il faut conclure la meditation par trois actions, qu'il faut faire avec le plus d'humilité que l'on peut.

  A003000706 

 La seconde, c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons a Dieu sa mesme bonté et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Filz, et, conjointement avec icelles, nos affections et resolutions.

  A003000706 

 La troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons a Dieu et le conjurons de nous communiquer les graces et vertus de son Filz, et de donner la benediction a nos affections et resolutions, affin que nous les puissions fidellement executer; puis nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis et autres, employans a cela l'intercession de Nostre Dame, des Anges, des Saintz.

  A003000707 

 [82] Ceux qui se sont promenés en un beau jardin n'en sortent pas volontier sans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les odorer et tenir le long de la journee: ainsy nostre esprit ayant discouru sur quelque mystere par la meditation, nous devons choisir un ou deux ou trois pointz que nous aurons treuvés plus a nostre goust, et plus propres a nostre avancement, pour nous en resouvenir le reste de la journee et les odorer spirituellement.

  A003000709 

 Il faut donq par tous moyens s'essayer de les prattiquer, et en chercher les occasions petites ou grandes: par exemple, si j'ay resolu de gaigner par douceur l'esprit de ceux qui m'offencent, je chercheray ce jour la de les rencontrer pour les saluer amiablement; et si je ne les puis rencontrer, au moins de dire bien d'eux, et prier Dieu en leur faveur..

  A003000710 

 Au sortir de cette orayson cordiale, il vous faut prendre garde de ne point donner de secousse a vostre cœur, car vous espancheriés le baume que vous aves receu par le moyen de l'orayson; je veux dire qu'il faut garder, s'il est possible, un peu de silence, et remuer tout doucement vostre cœur, de l'orayson aux affaires, retenant le plus long tems qu'il vous sera possible le sentiment et les affections que vous aures conceuës.

  A003000712 

 Ce que je dis non seulement pour les autres affections, mays aussi pour l'action de graces, l'offrande et la priere qui se peuvent faire parmi les considerations; car il ne les faut non plus retenir que les autres affections, bien que, par apres, pour la conclusion de la meditation, il faille les repeter et reprendre.

  A003000717 

 S'il vous arrive, Philothee, de n'avoir point de goust ni de consolation en la meditation, je vous conjure de ne vous point troubler, mais quelquefois ouvrés la porte aux paroles vocales: lamentes-vous de vous mesme a Nostre Seigneur, confesses vostre indignité, priés-le qu'il vous soit en ayde, baysés son image si vous l'aves, dites-luy ces paroles de Jacob: Si ne vous laisseray-je point, Seigneur, que vous ne m'ayes donné vostre benediction; ou celles de la Chananee: Ouy, Seigneur, je suis une chienne, mais les chiens mangent des miettes de la table de leur maistre. Autres fois, prenes un livre en main, et le lises avec attention jusques a ce que vostre esprit soit resveillé et remis en vous; piqués quelquefois vostre cœur par quelque contenance et mouvement de devotion exterieure, vous prosternant en terre, croisant les mains sur l'estomach, embrassant un crucifix: cela s'entend si vous estes en quelque lieu retiré..

  A003000718 

 Que s'il plaist a la divine Majesté de nous parler et s'entretenir avec nous par ses saintes inspirations et consolations interieures, ce nous sera sans doute un grand honneur et un playsir tres delicieux; mais s'il ne luy plaist pas de nous faire cette grace, nous laissans la sans nous parler, non plus que s'il ne nous voyoit pas et que nous ne fussions pas en sa presence, nous ne devons pourtant pas sortir, ains, au contraire, nous devons demeurer la, devant cette souveraine Bonté, avec un maintien devotieux et paisible; et lhors infalliblement il aggreera nostre patience, et remarquera nostre assiduité et perseverance, si qu'une autre fois, quand nous reviendrons devant luy, il nous favorisera et s'entretiendra avec nous par ses consolations, nous faysant voir l'amenité de la sainte orayson.

  A003000725 

 Par exemple, si je prevoy de devoir traitter de quelque affaire avec une personne passionnee et prompte a la cholere, non seulement je me resouldray de ne point me relascher a l'offenser, mais je prepareray des paroles de douceur pour la prevenir, ou l'assistance de quelque personne qui la puisse contenir.

  A003000725 

 Prevoyes quelz affaires, quelz commerces et quelles occasions vous pouves rencontrer cette journee-la pour servir Dieu, et quelles tentations vous pourront survenir de l'offenser, ou par cholere, ou par vanité, ou par quelque autre desreglement; et, par une sainte resolution, preparés-vous a bien employer les moyens qui se doivent offrir a vous de servir Dieu et avancer vostre devotion; comme au contraire, disposes-vous a bien eviter, combattre et vaincre ce qui peut se presenter contre vostre salut et la gloire de Dieu.

  A003000726 

 Et comme si vous tenies vostre cœur en vos mains, offrés-le avec tous vos bons desseins a la divine Majesté, la suppliant de le prendre en sa protection et le fortifier pour bien reussir en son service, et ce par telles ou semblables paroles intérieures: O Seigneur, voyla ce pauvre et miserable cœur qui, par vostre bonté, a conceu plusieurs bonnes affections; mais helas, il est trop foible et chetif pour effectuer le bien qu'il desire, si vous ne luy departes vostre celeste benediction, laquelle a cette intention je vous requiers, o Pere debonnaire, par le merite de la Passion de vostre Filz, a l'honneur duquel je consacre cette journee et le reste de ma vie.

  A003000727 

 Mais toutes ces actions spirituelles se doivent faire briefvement et vivement, devant que l'on sorte de la chambre s'il est possible, affin que, par le moyen de cet exercice, tout ce que vous feres le long de la journee soit arrousé de la benediction de Dieu; mais je vous prie, Philothee, de n'y manquer jamais.

  A003000731 

 Comme devant vostre disner temporel vous ferés le disner spirituel par le moyen de la méditation, ainsy avant vostre souper il vous faut faire un petit souper, au moins une collation devote et spirituelle.

  A003000731 

 Gaignes donq quelque loysir un peu devant l'heure du souper, et, prosternee devant Dieu, ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerés par une simple consideration et œillade interieure), rallumés le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations et eslancemens amoureux que vous ferés sur ce divin Sauveur de vostre ame; ou bien en repetant les pointz que vous aures plus savourés en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymeres mieux..

  A003000737 

 Cet exercice ici ne doit jamais estre oublié, non plus que celuy du matin; car par celuy du matin vous ouvres les fenestres de vostre ame au Soleil de justice, et par celuy du soir, vous les fermes aux tenebres de l'enfer..

  A003000742 

 Rappelles le plus souvent que vous pourres parmi la journee vostre esprit en la presence de Dieu par l'une des quatre façons que je vous ay remarquees; regardes ce que Dieu fait et ce que vous faites: vous verres ses yeux tournés de vostre costé, et perpetuellement fichés sur vous par un amour incomparable.

  A003000744 

 C'est l'exercice que faisoit le roy David parmi tant d'occupations qu'il avoit, ainsy qu'il le tesmoigne par mille traitz de ses Pseaumes, comme quand il dit: O Seigneur, et moy je suis tous-jours avec vous. [92] Je vois mon Dieu tous-jours devant moy.

  A003000744 

 Resouvenés vous donq, Philothee, de faire tous-jours plusieurs retraittes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmi les conversations et affaires; et cette solitude mentale ne peut nullement estre empeschee par la multitude de ceux qui vous sont autour, car ilz ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre cors, si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul.

  A003000751 

 Aspires donq bien souvent en Dieu, Philothee, par des courtz mais ardens eslancemens de vostre cœur: admires sa beauté, invoques son ayde, jettes-vous en esprit au pied de la Croix, adores sa bonté, interroges-le souvent de vostre salut, donnes-luy mille fois le jour vostre ame, fiches vos yeux interieurs sur sa douceur, tendes-luy la main, comme un petit enfant a son pere, affin qu'il vous conduise, mettes-le sur vostre poitrine [94] comme un bouquet delicieux, plantes-le en vostre ame comme un estendart, et faites mille sortes de divers mouvemens de vostre cœur pour vous donner de l'amour de Dieu, et vous exciter a une passionnee et tendre dilection de ce divin Espoux..

  A003000753 

 Plusieurs ont ramassé beaucoup d'aspirations vocales, qui vrayement sont fort utiles; mais par mon advis, vous ne vous astreindres point a aucune sorte de paroles, ains prononcerés ou de cœur ou de bouche celles que l'amour vous suggerera sur le champ, car il vous en fournira tant que vous voudres.

  A003000754 

 A quoy mesme toutes choses les invitent, et n'y a creature qui ne leur annonce la louange de leur Bienaymé; et, comme dit saint Augustin apres saint Anthoine, tout ce qui est au monde leur parle d'un langage muet mais fort intelligible en faveur de leur amour; toutes choses les provoquent a des bonnes pensees, desquelles par apres naissent force saillies et aspirations en Dieu.

  A003000754 

 En fin, comme ceux qui sont amoureux d'un amour humain et naturel ont presque tous-jours leurs pensees tournees du costé de la chose aymee, leur cœur plein d'affection envers elle, leur bouche remplie de ses louanges, et qu'en son absence ilz ne perdent point [95] d'occasion de tesmoigner leurs passions par lettres, et ne treuvent point d'arbre sur l'escorce duquel ilz n'escrivent le nom de ce qu'ilz ayment; ainsy ceux qui ayment Dieu ne peuvent cesser de penser en luy, respirer pour luy, aspirer a luy et parler de luy, et voudroyent, s'il estoit possible, graver sur la poitrine de toutes les personnes du monde le saint et sacré nom de Jesus.

  A003000754 

 Et voyci quelques exemples: Saint Gregoire, Evesque de Nazianze, ainsy que luy mesme racontoit a son peuple, se promenant sur le rivage de la mer, consideroit comme les ondes s'avançans sur la greve laissoyent des coquilles et petitz cornetz, tiges d'herbes, petites huistres et semblables brouilleries que la mer rejettoit, et par maniere de dire crachoit dessus le bord; puis, revenant par des autres vagues, elle reprenoit et engloutissoit derechef une partie de cela, tandis que les rochers des environs demeuroyent fermes et immobiles, quoy que les eaux vinssent rudement battre contre iceux.

  A003000756 

 Un levreau pressé des chiens accourut sous le cheval de ce saint Prelat, qui pour lhors voyageoit, comme a un refuge que le peril eminent de la mort luy suggeroit; et les chiens clabaudans tout autour n'osoyent entreprendre de violer l'immunité a laquelle leur proye avoit eu recours; spectacle certes extraordinaire, qui faisoit rire tout le train, tandis que le grand Anselme, pleurant et gemissant: Ha, vous ries, disoit-il, mais la pauvre beste ne rit pas; les ennemis de l'ame, poursuivie et mal menee par divers destours en toutes sortes de pechés, l'attendent au destroit de la mort pour la ravir et devorer, et elle, toute effrayee, cherche par tout secours et refuge; que si elle n'en treuve point, ses [97] ennemis s'en moquent et s'en rient.

  A003000757 

 » Et voyant une autre fois un petit aignelet mange par un pourceau: Hé, petit aignelet, dit il tout en pleurant, que tu representes vivement la mort de mon Sauveur..

  A003000758 

 Ce grand personnage de nostre aage, François Borgia, pour lhors encores duc de Gandie, allant a la chasse faisoit mille devotes conceptions: « J'admirois, » disoit il luy mesme par apres, « comme les faucons reviennent sur le poing, se laissent couvrir les yeux et attacher a la perche, et que les hommes se rendent si revesches a la voix de Dieu.

  A003000761 

 Or, en cet exercice de la retraitte spirituelle et des oraysons jaculatoires gist la grande œuvre de la devotion: il peut suppleer au defaut de toutes les autres oraysons, mais le manquement d'iceluy ne peut presque point estre reparé par aucun autre moyen.

  A003000765 

 Je ne vous ay encor point parlé du soleil des exercices spirituelz, qui est le tressaint, sacré et tres-souverain Sacrifice et Sacrement de la Messe, centre de la religion chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere ineffable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement a nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003000766 

 L'orayson faitte en l'union de ce divin Sacrifice a une force indicible, de sorte, Philothee, que par iceluy, l'ame abonde en celestes faveurs comme appuyee sur son Bienaymè, qui la rend si pleine d'odeurs et suavités spirituelles, qu'elle ressemble a une colomne de fumee de bois aromatique, de la myrrhe, de Vencens et de toutes les poudres du parfumeur, comme il est dit es Cantiques.

  A003000767 

 Les chœurs de l'Eglise triomphante et ceux de l'Eglise militante se viennent attacher et joindre a Nostre Seigneur en cette divine action, pour, avec luy, en luy et par luy ravir le cœur de Dieu le Pere et rendre sa misericorde toute nostre.

  A003000767 

 Tous-jours les Anges en grand nombre s'y treuvent presens, comme dit saint Jean Chrysostome, pour honnorer ce saint mystere; et nous y treuvans avec eux et avec une mesme intention, nous ne pouvons que recevoir beaucoup d'influences propices par une telle societé.

  A003000768 

 Si, par quelque force forcee, vous ne pouves pas vous rendre présente a la celebration de ce souverain Sacrifice, d'une presence reelle, au moins faut-il que vous y porties vostre cœur pour y assister d'une presence spirituelle.

  A003000769 

 Despuis la Communion jusques a la fin, remercies sa divine Majesté de son Incarnation, de sa vie, de sa Mort, de sa Passion et de l'amour qu'il nous tesmoigne en ce saint Sacrifice, le conjurant par iceluy de vous estre a jamais propice, a vos parens, a vos amis et a toute l'Eglise; et vous humiliant de tout vostre cœur, receves devotement la benediction divine que Nostre Seigneur vous donne par l'entremise de son officier..

  A003000769 

 Despuis le Pater noster jusques a la Communion, efforces-vous de faire mille desirs de vostre cœur, souhaittant ardemment d'estre a jamais jointe et unie a nostre Sauveur par amour eternel.

  A003000769 

 Despuis que le prestre est a l'autel jusques a l'Evangile, considerés la venue et la vie de Nostre Seigneur en ce monde, [101] par une simple et generale consideration.

  A003000770 

 Mais si vous voules pendant la Messe faire vostre meditation sur les mysteres que vous ailes suivant de jour en jour, il ne sera pas requis que vous vous divertissies a faire ces particulieres actions; ains suffira qu'au commencement vous dressies vostre intention a vouloir adorer et offrir ce saint Sacrifice par l'exercice de vostre meditation et orayson, puisqu'en toute meditation se treuvent les actions susdites, ou expressement ou tacitement et virtuellement.

  A003000774 

 Vous sentirés mille douceurs de devotion par ce moyen, comme faisoit saint Augustin, qui tesmoigne en ses Confessions que oyant les divins Offices au commencement de sa conversion, son cœur se fondoit en suavité, et ses yeux, en larmes de pieté.

  A003000775 

 Entres volontier aux confrairies du lieu ou vous estes, et particulierement en celles desquelles les exercices apportent plus de fruit et d'edification; car en cela vous ferés une sorte d'obeissance fort aggreable a Dieu, d'autant qu'encor que les confrairies ne soient pas commandees, elles sont neanmoins recommandees par l'Eglise, laquelle, pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enroolent, donne des indulgences et autres privileges aux confreres.

  A003000780 

 Les saintes ames des trespassés qui sont en Paradis avec les Anges et, comme dit Nostre Seigneur, esgales et pareilles aux Anges, font aussi le mesme office, d'inspirer en nous et d'aspirer pour nous par leurs saintes oraysons.

  A003000780 

 Ma Philothee, joignons nos cœurs a ces celestes espritz et ames bienheureuses; comme les petitz rossignolz apprennent a chanter avec les grans, ainsy, par le sacré commerce que nous ferons avec les Saintz, nous sçaurons bien mieux prier et chanter les louanges divines: Je psalmodieray, disoit David, a la veuë des Anges..

  A003000780 

 Puisque Dieu nous envoye bien souvent les inspirations par ses Anges, nous devons aussi luy renvoyer frequemment nos aspirations par la mesme entremise.

  A003000781 

 Honnores, reveres et respectes d'un amour special la sacree et glorieuse Vierge Marie: elle est mere de nostre souverain Pere, et par consequent nostre grand'mere.

  A003000788 

 Et souvenés-vous que Nostre Seigneur recueille les paroles que nous luy disons en nos prieres, a mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la predication..

  A003000790 

 Car bien que beaucoup des actions des Saintz ne soyent pas absolument imitables par ceux qui vivent emmi le monde, si est-ce que toutes peuvent estre suivies ou de pres ou de loin: la solitude de saint Paul premier ermite est imitee en vos retraittes spirituelles et reelles, desquelles nous parlerons, et avons parlé ci dessus; l'extreme [107] pauvreté de saint François, par les prattiques de la pauvreté telles que nous les marquerons, et ainsy des autres.

  A003000794 

 Nous appelions inspirations tous les attraitz, mouvemens, reproches et remords interieurs, lumieres et connoissances que Dieu fait en nous, prevenant nostre cœur en ses benedictions par son soin et amour paternel, affin de nous resveiller, exciter, pousser et attirer aux saintes vertus, a l'amour celeste, aux bonnes resolutions, bref, a tout ce qui nous achemine a nostre [108] bien eternel.

  A003000795 

 Ainsy Dieu voulant faire en nous, par nous et avec nous, quelque action de grande charité, premierement, il nous la propose par son inspiration; secondement, nous l'aggreons; tiercement, nous y consentons; car, comme pour descendre au peché il y a trois degrés, la tentation, la delectation et le consentement, aussi en y a-il trois pour monter a la vertu: l'inspiration, qui est contraire a la tentation, la delectation en l'inspiration, qui est contraire a la delectation de la tentation, et le consentement a l'inspiration, qui est contraire au consentement a la tentation..

  A003000797 

 Le playsir qu'on prend aux inspirations est un grand acheminement a la gloire de Dieu, et des-ja on commence a plaire par iceluy a sa divine Majesté; car si bien cette delectation n'est pas encor un entier consentement, c'est une certaine disposition a iceluy.

  A003000798 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux; car si estans inspirés et nous estans pleus en l'inspiration, nous refusons neanmoins par apres le consentement a Dieu, nous sommes extrêmement mesconnoissans et offençons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003000801 

 Or, a tout cecy sert merveilleusement de bien prattiquer l'exercice du matin et les retraittes spirituelles que j'ay marquees cy dessus; car par ce moyen, nous nous preparons a faire le bien, d'une preparation non seulement generale, mais aussi particuliere..

  A003000806 

 Confesses vous humblement et devotement tous les huit jours, et tous-jours s'il se peut quand vous communieres, encor que vous ne senties point en vostre conscience aucun reproche de peché mortel; car par la Confession vous ne recevres pas seulement l'absolution des pechés venielz que vous confesserés, mays aussi une grande force pour les eviter a l'advenir, une grande lumiere pour les bien discerner, et une grace abondante pour reparer toute la perte qu'ilz vous avoient apportee.

  A003000807 

 Plusieurs se confessans par coustume des pechés venielz et comme par maniere d'ageancement, sans penser nullement a s'en corriger, en demeurent toute leur vie chargés, et par ce moyen perdent beaucoup de biens et prouffitz spirituelz.

  A003000808 

 Et bien, accuses-vous de cette particularité et dites: ayant veu un pauvre necessiteux, je ne l'ay pas secouru comme je pouvois, par negligence, ou par dureté de cœur, ou par mespris, selon que vous connoistres l'occasion de cette faute.

  A003000808 

 Ne faites pas seulement ces accusations superflues que plusieurs font par routine: je n'ay pas aymé Dieu tant que je devois; je n'ay pas prié avec tant de devotion que je devois; je n'ay pas cheri le prochain comme je devois; je n'ay pas receu les Sacremens avec la reverence que je devois, et telles semblables: la rayson est, parce qu'en disant cela vous ne dires rien de particulier qui puisse faire entendre au confesseur l'estat de vostre conscience, d'autant que tous les Saintz de Paradis et tous les hommes de la terre pourroyent dire les mesmes choses s'ilz se confessoyent.

  A003000808 

 Par exemple, vous vous accuses de n'avoir pas cheri le prochain comme vous devies; c'est peut estre parce qu'ayant veu quelque pauvre fort necessiteux, lequel vous pouvies aysement secourir et consoler, vous n'en aves eu nul soin.

  A003000809 

 Par exemple, ne vous contentés pas de dire que vous aves menti sans interesser personne; mais dites si ç'a esté ou par vaine gloire, affin de vous loüer et excuser, ou par vaine joye, ou par opiniastreté.

  A003000810 

 Par exemple, un homme lequel me desplait, me dira quelque legere parole pour rire, je le prendray en mauvaise part et me mettray en cholere; que si un autre qui m'eust esté aggreable en eust dit une plus aspre, je l'eusse prins en bonne part.

  A003000812 

 Ne changes pas aysement de confesseur, mais en ayant choisi un, continues a luy rendre conte de vostre conscience aux jours qui sont destinés pour cela, luy disant naifvement et franchement les pechés que vous aures commis; et de tems en tems, comme seroit de mois en mois ou de deux mois en deux mois, dites-luy encor l'estat de vos inclinations, quoy que par icelles vous n'ayes pas peché, comme si vous esties tourmentee de la tristesse, du chagrin, ou si vous estes portee a la joye, aux desirs d'acquerir des biens, et semblables inclinations.

  A003000815 

 O Philothee, les Chrestiens qui seront damnés demeureront sans replique lhors que le juste Juge leur fera voir le tort qu'ilz ont eu de mourir spirituellement, puisqu'il leur estoit si aysé de se [116] maintenir en vie et en santé par la manducation de son Cors qu'il leur avoit laissé a cette intention.

  A003000815 

 On dit que Mithridates, roy de Ponte, ayant inventé le mithridat renforça tellement son cors par iceluy, que s'essayant par apres de s'empoisonner pour eviter la servitude des Romains, jamais il ne luy fut possible.

  A003000815 

 On ne peut estre nourri de cette chair de vie et vivre des affections de mort; si que comme les hommes demeurans au paradis terrestre pouvoyent ne mourir point selon le cors, par la force de ce fruit vital que Dieu y avoit mis, ainsy peuvent ilz ne point mourir spirituellement, par la vertu de ce Sacrement de vie.

  A003000816 

 » Ce sont les propres paroles de saint Augustin, avec lequel je ne vitupere ni loüe absolument que l'on communie tous les jours, mais laisse cela a la discretion du pere spirituel de celuy qui se voudra resouldre sur ce point; car la disposition requise pour une si frequente Communion devant estre fort exquise, il n'est pas bon de le conseiller generalement; et parce que cette disposition la, quoy qu'exquise, se peut treuver en plusieurs bonnes ames, il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader generalement un chacun, ains cela se doit traitter par la consideration de l'estat interieur d'un chacun en particulier.

  A003000818 

 Par exemple, si vous estes en quelque sorte de subjection, et que ceux a qui vous deves de l'obeissance ou de la reverence soyent si mal instruitz ou si bigearres qu'ilz s'inquietent et troublent de vous voir si souvent communier, a l'adventure, toutes choses considerees, sera-il bon de condescendre en quelque sorte a leur infirmité, et ne communier que de quinze jours en quinze jours; mais cela s'entend en cas qu'on ne puisse aucunement vaincre la difficulté.

  A003000822 

 Pour communier tous les huit jours, il est requis [119] de n'avoir ni peché mortel ni aucune affection au peché veniel, et d'avoir un grand desir de se communier; mais pour communier tous les jours, il faut, outre cela, avoir surmonté la pluspart des mauvaises inclinations, et que ce soit par advis du pere spirituel..

  A003000826 

 Commencés le soir precedent a vous preparer a la sainte Communion par plusieurs aspirations et eslancemens d'amour, vous retirant un peu de meilleure heure affin de vous pouvoir aussi lever plus matin.

  A003000826 

 Et apres que vous aures dit les paroles sacrees: Seigneur, je ne suis pas digne, ne remues plus vostre teste ni vos levres, soit pour prier soit pour souspirer, mais ouvrant doucement et mediocrement vostre bouche, et eslevant vostre teste autant qu'il faut pour donner commodité au prestre de voir ce qu'il fait, receves pleine de foy, d'esperance et de charité Celuy lequel, auquel, par [120] lequel et pour lequel vous croyes, esperes et aymes.

  A003000826 

 Que si la nuit vous vous resveilles, remplisses soudain vostre cœur et vostre bouche de quelques paroles odorantes, par le moyen desquelles vostre ame soit parfumee pour recevoir l'Espoux, lequel, veillant pendant que vous dormes, se prepare a vous apporter mille graces et faveurs, si de vostre part vous estes disposee a les recevoir.

  A003000827 

 Mais quand vous ne pourres pas avoir ce bien de communier reellement a la sainte Messe, communies au moins de cœur et d'esprit, vous unissant par un ardent desir a cette chair vivifiante du Sauveur..

  A003000828 

 Non, le Sauveur ne peut estre consideré en une action ni plus amoureuse ni plus tendre que celle ci, en laquelle il s'aneantit, par maniere de dire, et se reduit en viande affin de penetrer nos ames et s'unir intimement au cœur et au cors de ses fidelles..

  A003000838 

 Il y a de mesme certaines vertus lesquelles, pour estre proches de nous, sensibles et, s'il faut ainsy dire, materielles, sont grandement estimees et tous-jours preferees par le vulgaire: ainsy prefere-il communement l'aumosne temporelle a la spirituelle, la haire, le jeusne, la nudité, la discipline et les mortifications du cors a la douceur, a la debonnaireté, a la modestie et autres mortifications du cœur, qui neanmoins sont bien plus excellentes.

  A003000839 

 » Il conneut que c'estoit la misericorde envers les pauvres que Dieu luy recommandoit, si que, par apres, il s'addonna tellement a l'exercice d'icelle, que pour cela il est par tout appellé saint Jean l'Aumosnier.

  A003000840 

 Le roy saint Louys visitoit, comme par un prix fait, les hospitaux et servoit les malades de ses propres mains.

  A003000841 

 En quoy ilz imitent les brodeurs qui, sur divers fonds, couchent en belle varieté les soyes, l'or et l'argent pour en faire toutes sortes de fleurs; car ainsy ces ames pieuses qui entreprennent quelque particulier exercice de devotion, se servent d'iceluy comme d'un fonds pour leur broderie spirituelle, sur lequel elles prattiquent la varieté de toutes les autres vertus, tenans en cette sorte leurs actions et affections mieux unies et rangees par le rapport qu'elles en font a leur exercice principal, et font ainsy paroistre leur esprit.

  A003000846 

 Ains il est arrivé, comme dit saint Gregoire Nazianzene, que par une seule action de quelque vertu, bien et parfaittement exercee, une personne a atteint au comble des vertus, alleguant Rahab, laquelle, ayant exactement prattiqué l'office d'hospitalité, parvint a une gloire supreme; mais cela s'entend quand telle action se fait excellemment, avec grande ferveur et charité.

  A003000846 

 Car, comme les sangliers pour aiguiser leurs defenses les frottent et fourbissent avec leurs autres dens, lesquelles reciproquement en demeurent toutes fort affilees et tranchantes, ainsy l'homme vertueux ayant entreprins de se perfectionner en la vertu de laquelle il a plus de besoin pour sa defense, il la doit limer et affiler par l'exercice des autres vertus, lesquelles en affinant celle la, en deviennent toutes plus excellentes et mieux polies; comme il advint a Job, qui s'exerçant particulierement en la patience, contre tant de tentations desquelles il fut agité, devint parfaittement saint et vertueux en toutes sortes de vertus.

  A003000846 

 Quand nous sommes combattus de quelque vice, il faut, tant qu'il nous est possible, embrasser la prattique de la vertu contraire, rapportant les autres a icelle; car par ce moyen nous vaincrons nostre ennemi et ne laisserons pas de nous avancer en toutes les vertus.

  A003000846 

 Si je suis combattu par l'orgueil ou par la cholere, il faut qu'en toute chose je me panche et plie du costé de l'humilité et de la douceur, et qu'a cela je face servir les autres exercices de l'orayson, des Sacremens, de la prudence, de la constance, de la sobrieté.

  A003000851 

 Aussi Dieu mesme, par une sacree apparition, l'en corrigea, respandant en son ame un esprit doux, suave, amiable et tendre, par le moyen duquel s'estant rendu tout autre, il s'accusa grandement d'avoir esté si exacte et severe, et devint tellement gracieux et condescendant avec un chacun qu'il se fit tout a tous pour les gaigner tous..

  A003000853 

 Mais pour tout cela, il ne faut pas pretendre a telles graces, puisqu'elles ne sont nullement necessaires pour bien servir et aymer Dieu, qui doit estre nostre unique pretention; aussi, bien souvent ne sont-ce pas des graces qui puissent estre acquises par le travail et industrie, puisque ce sont plustost des passions que des actions, lesquelles nous pouvons recevoir, mais non pas faire en nous.

  A003000854 

 Laissons volontier les sureminences aux ames sur-eslevees: nous ne meritons pas un rang si haut au service de Dieu; trop heureux serons-nous de le servir en sa cuisine, en sa paneterie, d'estre des laquais, portefaix, garçons de chambre; c'est a luy par apres, si bon luy semble, de nous retirer en son cabinet et conseil privé.

  A003000858 

 [133] Resouvenés vous souvent que Nostre Seigneur nous a sauvés en souffrant et endurant, et que de mesme, nous devons faire nostre salut par les souffrances et afflictions, endurans les injures, contradictions et desplaysirs avec le plus de douceur qu'il nous sera possible..

  A003000859 

 D'estre mesprisé, reprins et accusé par les meschans, ce n'est que douceur a un homme de courage; mais d'estre reprins, accusé et mal traitté par les gens de bien, par les amis, par les parens, c'est la ou il y va du bon.

  A003000859 

 Il y en a qui ne veulent souffrir sinon les tribulations qui sont honnorables, comme par exemple, d'estre blessés a la guerre, d'estre prisonniers de guerre, d'estre mal traittés pour la religion, de s'estre appauvris par quelque querelle en laquelle ilz soyent demeurés maistres; et ceux-ci n'ayment pas la tribulation, mais l'honneur qu'elle apporte.

  A003000860 

 Et l'autre dira: je ne m'en soucierois point, si ce n'estoit que le monde pensera que cela me soit arrivé par ma faute.

  A003000864 

 Plusieurs estans malades, affligés, et offensés de quelqu'un s'empeschent bien de se plaindre et monstrer de la delicatesse, car cela, a leur advis (et il est vray), tesmoigneroit evidemment une grande defaillance de force et de generosité; mais ilz desirent extremement, et par plusieurs artifices recherchent que chacun les plaigne, qu'on ait grande compassion d'eux, et qu'on les estime non seulement affligés, mais patiens et [136] courageux.

  A003000865 

 Or, il sera entierement enfanté pour vous lhors que vous l'aures entierement formé en vostre cœur et en vos œuvres par imitation de sa vie..

  A003000871 

 La cresserelle criant et regardant les oyseaux de proye, les espouvante par une proprieté et vertu secrette; c'est pourquoy les colombes l'ayment sur tous les autres oyseaux, et vivent en asseurance aupres d'icelle: ainsy l'humilité repousse Satan, et conserve en nous les graces et dons du Saint Esprit, et pour cela tous les Saintz, mais particulerement le Roy des Saintz et sa Mere, ont tous-jours honnoré et cheri cette digne vertu plus qu'aucune autre entre toutes les morales.

  A003000872 

 Il y en a qui se rendent fiers et morgans pour estre sur un bon cheval, pour avoir un pennache en leur chapeau, pour estre habillés somptueusement; mais qui ne void cette folie? car s'il y a de la gloire pour cela, elle est [140] pour l'oyseau et pour le tailleur; et quelle lascheté de courage est ce d'emprunter son estime d'un cheval, d'une plume, d'un goderon? Les autres se prisent et regardent pour des moustaches relevees, pour une barbe bien peignee, pour des cheveux crespés, pour des mains douillettes, pour sçavoir danser, joüer, chanter; mais ne sont ilz pas lasches de courage, de vouloir encherir leur valeur et donner du surcroist a leur reputation par des choses si frivoles et folastres? Les autres, pour un peu de science, veulent estre honnorés et respectés du monde, comme si chacun devoit aller a l'escole chez eux et les tenir pour maistres: c'est pourquoy on les appelle pedans.

  A003000881 

 Considerons ce qu'il a fait pour nous et ce que nous avons fait contre luy; et comme nous considerons par le menu nos pechés, considerons aussi par le menu ses graces.

  A003000883 

 Il est vray qu'encor voudrois-je que les paroles fussent adjustees a nos affections au plus pres qu'il nous seroit possible, pour suivre en tout et par tout la simplicité et candeur cordiale.

  A003000884 

 Il faut donq humblement et saintement oser tout ce qui est jugé propre a nostre avancement par ceux qui conduisent nos ames..

  A003000884 

 Tout cela n'est qu'artifice et une sorte d'humilité non seulement fause, mais maligne, par laquelle on veut tacitement et subtilement blasmer les choses de Dieu, ou au fin moins, couvrir d'un pretexte d'humilité l'amour propre de son opinion, de son humeur et de sa paresse.

  A003000890 

 Je passe plus avant et vous dis, Philothee, qu'en tout et par tout vous aymiés vostre propre abjection.

  A003000890 

 Or, je dis maintenant qu'il ne faut pas seulement aymer le mal, ce qui se fait par la vertu de la patience; mays il faut aussi cherir l'abjection, ce qui se fait par la vertu de l'humilité..

  A003000890 

 Or, le haut point de cette humilité gist a non seulement reconnoistre volontairement nostre abjection, mais l'aymer et s'y complaire, et non point par manquement de courage et generosité, mais pour exalter tant plus la divine Majesté, et estimer beaucoup plus le prochain en comparayson de nous mesmes.

  A003000891 

 Un jeune gentilhomme ou une jeune dame qui ne s'abandonnera pas au desreglement d'une troupe desbauchee, a parler, jouer, danser, boire, vestir, sera brocardé et censuré par les autres, et sa modestie sera nommee ou bigoterie ou affaiterie: aymer cela, c'est aymer son abjection.

  A003000892 

 Je dis bien davantage: si je me suis desreglé par cholere ou par dissolution a dire des parolles indecentes et desquelles Dieu et le prochain est offencé, je me repentiray vivement et seray extremement marri de l'offence, laquelle je m'essayeray de reparer le mieux qu'il me sera possible; mays je ne laisseray pas d'aggreer l'abjection et le mespris qui m'en arrive; et si l'un se pouvoit separer d'avec l'autre, je rejetterois ardemment le peché et garderois humblement l'abjection..

  A003000893 

 Mais quoy que nous aymions l'abjection qui s'ensuit du mal, si ne faut il pas laisser de remedier au mal qui l'a causee, par des moyens propres et legitimes, et sur tout quand le mal est de consequence.

  A003000893 

 Si j'ay fait une chose qui n'offense personne, je ne m'en excuseray pas, parce qu'encor que ce soit un defaut, si est-ce qu'il n'est pas permanent; je ne pourrois donques m'en excuser que pour l'abjection qui m'en revient; or c'est cela que l'humilité ne peut permettre: [153] mais si par mesgarde ou par sottise j'ay offensé ou scandalisé quelqu'un, je repareray l'offense par quelque veritable excuse, d'autant que le mal est permanent et que la charité m'oblige de l'effacer.

  A003000894 

 Mais vous voulés sçavoir, Philothee, quelles sont les meilleures abjections; et je vous dis clairement que les plus prouffitables a l'ame et aggreables a Dieu sont celles que nous avons par accident ou par la condition de nostre vie, parce que nous ne les avons pas choisies, ains les avons receuës telles que Dieu nous les a envoyees, duquel l'election est tous-jours meilleure que la nostre.

  A003000899 

 Car par la loüange nous voulons persuader aux autres d'estimer l'excellence de quelqu'un; par l'honneur nous protestons que nous l'estimons nous mesmes; et la gloire n'est autre chose, a mon advis, qu'un certain esclat de reputation qui rejaillit de l'assemblage de plusieurs louanges et honneurs: si que les honneurs et loüanges sont comme des pierres pretieuses, de l'amas desquelles reussit la gloire comme un esmail.

  A003000899 

 Elle consent bien neanmoins a l'advertissement du Sage, qui nous admoneste d' avoir soin de nostre renommee, parce que la bonne renommee est une estime, non d'aucune excellence, mais seulement d'une simple et commune preud'hommie et integrité de vie, laquelle l'humilité n'empesche pas que nous ne reconnoissions en nous mesmes, ni par consequent que nous en desirions la reputation.

  A003000901 

 Il ne faut pas pourtant que nous soyons trop ardens, exactes et pointilleux a cette conservation, car ceux qui sont si douilletz et sensibles pour leur reputation ressemblent a ceux qui pour toutes sortes de petites [156] incommodités prennent des medecines: car ceux ci, pensans conserver leur santé la gastent tout a fait, et ceux la, voulans maintenir si delicatement leur reputation la perdent entierement; car par cette tendreté ilz se rendent bigearres, mutins, insupportables, et provoquent la malice des mesdisans.

  A003000902 

 Ainsy, bien que la renommee soit coupee, ou mesme tout a fait rasee par la langue des mesdisans, qui est, dit David, comme un rasoir affilé, il ne se faut point inquieter, car bien tost elle renaistra non seulement aussi belle qu'elle estoit, ains encores plus solide.

  A003000902 

 Car, outre que telz jugemens se font par des niaises et sottes gens, quand on devroit perdre la renommee, si ne faudroit-il pas quitter la vertu ni se destourner du chemin d'icelle, d'autant qu'il faut preferer le fruit aux feuilles, c'est a dire le bien interieur et spirituel a tous les biens exterieurs.

  A003000902 

 La reputation n'est que comme une enseigne qui fait connoistre ou la vertu loge; la vertu doit donq estre en tout et par tout preferee.

  A003000903 

 Il faut quitter cette vaine conversation, cette inutile prattique, cette amitié frivole, cette hantise folastre, si cela nuit a la renommee, car la renommee vaut mieux que toutes sortes de vains contentemens; mais si pour l'exercice de pieté, pour l'avancement en la devotion et acheminement au bien eternel on murmure, on gronde, on calomnie, laissons abbayer les matins contre la lune; car s'ilz peuvent exciter quelque mauvaise opinion contre nostre reputation, et par ainsy couper et raser les cheveux et la barbe de nostre renommee, bien tost elle renaistra, et le rasoir de la mesdisance servira a nostre honneur, comme la serpe a la vigne, qu'elle fait abonder et multiplier en fruitz..

  A003000904 

 Servons Dieu par la bonne et mauvaise renommee, a l'exemple de saint Paul, affin que nous puissions dire avec David: O mon Dieu, c'est pour vous que j'ay supporté l'opprobre et que la confusion a couvert mon visage.

  A003000908 

 Le saint chresme, duquel par tradition apostolique on use en l'Eglise de Dieu pour les confirmations et benedictions, est composé d'huyle d'olive meslee avec le baume, qui represente entre autres choses les deux cheres et bienaymees vertus qui reluisoient en la sacree Personne de Nostre Seigneur, lesquelles il nous a singulierement recommandees, comme si par icelles nostre cœur devoit estre specialement consacré a son service et appliqué a son imitation: Apprenes de moy, dit-il, que je suis doux et humble de cœur.

  A003000909 

 Que si estans piqués et morduz par les mesdisans et ennemis nous devenons fiers, enflés et despités, c'est signe que nos humilités et douceurs ne sont pas veritables et franches, mais artificieuses et apparentes..

  A003000911 

 Les princes honnorent et consolent infiniment les peuples quand ilz les visitent avec un train de paix; mais quand ilz conduisent des armees, quoy que ce soit pour le bien public, leurs venues sont tous-jours desaggreables et dommageables, parce qu'encor qu'ilz facent exactement observer la discipline militaire entre les soldatz, si ne peuvent-ilz jamais tant faire qu'il n'arrive tous-jours quelque desordre, par lequel le bon homme est foulé.

  A003000911 

 On ne prise pas tant la correction qui sort de la passion, quoy qu'accompagnee de rayson, que celle qui n'a aucune autre origine que la rayson seule: car l'ame raysonnable estant naturellement sujette a la rayson, elle n'est sujette a la passion que par tyrannie; et partant, quand la rayson est accompagnee de la passion elle se rend odieuse, sa juste domination estant avilie par la societé de la tyrannie.

  A003000912 

 Il est donq mieux d'entreprendre de sçavoir vivre sans cholere que de vouloir user moderement et sagement de la cholere, et quand par imperfection et foiblesse nous nous treuvons surpris d'icelle, il est mieux de la repousser vistement que de vouloir marchander avec elle; car pour peu qu'on luy donne de loysir, elle se rend maistresse de la place et fait comme le serpent, qui tire aysement tout son cors ou il peut mettre la teste.

  A003000913 

 Avec cela, soudain que vous vous appercevres avoir fait quelque acte de cholere, reparés la faute par un acte de douceur, exercé promptement a l'endroit de la mesme personne contre laquelle vous vous seres irritee.

  A003000913 

 Car tout ainsy que c'est un souverain remede contre le mensonge que de s'en desdire sur le champ, aussi tost que l'on s'apperçoit de l'avoir dit, ainsy est ce un bon remede contre la cholere de la reparer soudainement par un acte contraire de douceur; car, comme l'on dit, les playes fraisches sont plus aysement remediables..

  A003000918 

 En quoy font une grande faute plusieurs qui, s'estans mis en cholere, se courroucent de s'estre courroucés, entrent en chagrin de s'estre chagrinés, et ont despit de s'estre despités; car par ce moyen ilz tiennent leur cœur confit et detrempé en la cholere: et si bien il semble que la seconde cholere ruine la premiere, si est ce neanmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle cholere, a la premiere occasion qui s'en presentera; outre que ces choleres, despitz et aigreurs que l'on a contre soy mesme tendent a l'orgueil et n'ont origine que de l'amour propre, qui se trouble et s'inquiete de nous voir imparfaitz..

  A003000919 

 Au contraire, celuy qui hait la mesdisance se tourmentera d'avoir fait une legere murmuration, et ne tiendra nul conte d'une grosse faute commise contre la chasteté, et ainsy des autres; ce qui n'arrive pour autre chose, sinon d'autant qu'ilz ne font pas le jugement de leur conscience par rayson, mais par passion..

  A003000919 

 Il faut donq avoir un desplaysir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car comme un juge chastie bien mieux les meschans faysant ses sentences [166] par rayson et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion, d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsy nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentances tranquilles et constantes, que non pas par des repentances aigres, empressees et choleres, d'autant que ces repentances faittes avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003000919 

 Par exemple, celuy qui affectionne la chasteté se despitera avec une amertume nompareille de la moindre faute qu'il commettra contre icelle, et ne se fera que rire d'une grosse mesdisance qu'il aura commise.

  A003000921 

 Pour moy, si j'avois par exemple grande affection de ne point tomber au vice de la vanité, et que j'y fusse neanmoins tombé d'une grande cheute, je ne voudrais pas reprendre mon cœur en cette sorte: N'es-tu pas miserable et abominable, qu'apres tant de resolutions tu t'es laissé emporter a la vanité? meurs de honte, ne leve plus les yeux au ciel, aveugle, impudent, traistre et desloyal a ton Dieu, et semblables choses; mais je voudrois le corriger raysonnablement et par voye de compassion: Or sus, mon pauvre cœur, nous voyla [167] tombés dans la fosse laquelle nous avions tant resolu d'eschapper; ah, relevons-nous et quittons-la pour jamais, reclamons la misericorde de Dieu et esperons en elle qu'elle nous assistera pour des-ormais estre plus fermes, et remettons-nous au chemin de l'humilité; courage, soyons meshui sur nos gardes, Dieu nous aydera, nous ferons prou.

  A003000922 

 Que si neanmoins quelqu'un ne treuve pas que son cœur puisse estre asses esmeu par cette douce correction, il pourra employer le reproche et une reprehension dure et forte pour l'exciter a une profonde confusion, pourveu qu'apres avoir rudement gourmandé et courroucé son cœur, il finisse par un allegement, terminant tout son regret et courroux en une douce et sainte confiance en Dieu, a l'imitation de ce grand penitent qui voyant son ame affligee la relevoit en cette sorte: Pourquoy es-tu triste, o mon ame, et pourquoy me troubles-tu? Espere en Dieu, car je le beniray encor comme le salut de ma face et mon vray Dieu..

  A003000928 

 Les mouches ne nous inquietent pas par leur effort, mais par la multitude: ainsy les grans affaires ne nous troublent pas tant comme les menus, quand ilz sont en grand nombre.

  A003000928 

 Recevés donq les affaires qui vous arriveront en paix, et taschés de les faire par ordre, l'un apres l'autre; car si vous les voules faire tout a coup ou en desordre, vous feres des effortz qui vous fouleront et allanguiront vostre esprit; et pour l'ordinaire vous demeurerés accablee sous la presse, et sans effect..

  A003000929 

 Et en tous vos affaires appuyes-vous totalement sur la providence de Dieu, par laquelle seule tous vos [170] desseins doivent reussir; travailles neanmoins de vostre costé tout doucement pour cooperer avec icelle, et puis croyes que si vous vous estes bien confiee en Dieu, le succes qui vous arrivera sera tous-jours le plus prouffitable pour vous, soit qu'il vous semble bon ou mauvais selon vostre jugement particulier.

  A003000934 

 Obeisses quand ilz vous ordonneront chose aggreable, comme de manger, prendre de la recreation, car encor qu'il semble que ce n'est pas grande vertu d'obeir en ce cas, ce seroit neanmoins un grand vice de desobeir; obeisses es choses indifferentes, comme a porter tel ou tel habit, aller par un chemin ou par un autre, chanter ou se taire, et ce sera une obeissance des-ja fort recommandable; obeisses en choses malaysees, aspres et dures, et ce sera une obeissance parfaitte.

  A003000934 

 Par la necessaire, vous deves humblement obeir a vos superieurs ecclesiastiques, comme au Pape et a l'Evesque, au curé et a ceux qui sont commis de leur part; vous deves obeir a vos superieurs politiques, c'est a dire a vostre Prince et aux magistratz qu'il a establis sur vostre païs; vous deves en fin obeir a vos superieurs domestiques, c'est a dire a vostre pere, mere, maistre, maistresse.

  A003000936 

 Nous appelions obeissance volontaire celle a laquelle nous nous obligeons par nostre propre election, et laquelle ne nous est point imposee par autruy.

  A003000936 

 Or, soit qu'en le choisissant on face vœu d'obeir (comme il est dit que la Mere Therese, outre l'obeissance solemnellement voüee au superieur de son Ordre, s'obligea par un vœu simple d'obeir au Pere Gracian), ou que sans vœu on se dedie a l'obeissance de quelqu'un, tous-jours cette obeissance s'appelle volontaire, a rayson de son fondement qui depend de nostre volonté et election..

  A003000938 

 Faites vous ordonner les actions de pieté que vous devés observer par vostre pere spirituel, parce qu'elles en seront meilleures et auront double grace et bonté: [174] l'une, d'elles mesmes, puisqu'elles sont pieuses, et l'autre, de l'obeissance qui les aura ordonnees et en vertu de laquelle elles seront faittes.

  A003000942 

 La chasteté est le lys des vertus, elle rend les hommes presque egaux aux Anges; rien n'est beau que par la pureté, et la pureté des hommes c'est la chasteté.

  A003000943 

 Il n'est jamais permis de tirer aucun impudique playsir de nos cors en quelque façon que ce soit, sinon en un legitime mariage, duquel la sainteté puisse par une juste compensation reparer le deschet que l'on reçoit en la delectation.

  A003000945 

 Et de vray, tandis que les fruitz sont bien entiers ilz peuvent estre conservés, les uns sur la paille, les autres dedans le sable, et les autres en leur propre feuillage; mais estans une fois entamés, il est presque impossible de les garder que par le miel et le sucre, en confiture: ainsy la chasteté qui n'est point encor blessee ni violee peut estre gardee en plusieurs sortes, mais estant une fois entamee, rien ne la peut conserver [177] qu'une excellente devotion, laquelle, comme j'ay souvent dit, est le vray miel et sucre des espritz..

  A003000946 

 Les vierges ont besoin d'une chasteté extremement simple et douillette, pour bannir de leur cœur toutes sortes de curieuses pensees et mespriser d'un mespris absolu toutes sortes de playsirs immondes, qui, a la verité, ne meritent pas d'estre desirés par les hommes, puisque les asnes et pourceaux en sont plus capables qu'eux.

  A003000947 

 C'est tous-jours chose dangereuse de prendre des medicamens violens, parce que si l'on en prend plus qu'il ne faut, ou qu'ilz ne soyent pas bien preparés, on en reçoit beaucoup de nuisance: le mariage a esté beni et ordonné en partie pour remede a la concupiscence et c'est sans doute un tres bon remede, mais violent neanmoins, et par consequent tres dangereux s'il n'est discretement employé..

  A003000947 

 Et comme l'on void beaucoup de riches desrober, non point par indigence, mais par avarice, aussi voit-on beaucoup de gens mariés se desborder par la seule intemperance et lubricité, nonobstant le legitime objet auquel ilz se devroyent et pourroyent arrester, leur concupiscence estant comme un feu volage qui va brusletant ça et la sans s'attacher nulle part.

  A003000948 

 Certes, sainte Catherine de Sienne vit entre les damnés plusieurs ames grandement tourmentees pour avoir violé la sainteté du mariage: [180] ce qui estoit arrivé, disoit-elle, non pas pour la grandeur du peché, car les meurtres et les blasphemes sont plus enormes, mais « d'autant que ceux qui le commettent n'en font point de conscience », et par consequent continuent longuement en iceluy..

  A003000949 

 Or par la sainteté il entend la chasteté, comme saint Hierosme et saint Chrysostome ont remarqué.

  A003000953 

 Soyés extremement prompte a vous destourner de tous les acheminemens et de toutes les amorces de la lubricité, car ce mal agit insensiblement, et par des petitz commencemens fait progres a des grans accidens: il est tous-jours plus aysé a fuir qu'a guerir..

  A003000954 

 Ne permettes jamais, Philothee, qu'aucun vous touche incivilement, ni par maniere de folastrerie ni par maniere de faveur; car bien qu'a l'adventure la chasteté puisse estre conservee parmi ces actions, plustost legeres que malicieuses, si est ce que la fraischeur et fleur de la chasteté en reçoit tous-jours du detriment et de la perte: mays de se laisser toucher deshonnestement, c'est la ruine entiere de la chasteté..

  A003000955 

 La chasteté depend du cœur comme de son origine, mais elle regarde le cors comme sa matiere; c'est pourquoy elle se perd par tous les sens exterieurs du cors et par les cogitations et desirs du cœur.

  A003000956 

 Il y a d'autres privautés et passions, non seulement indiscretes mais vicieuses, non seulement folastres mais deshonnestes, non seulement sensuelles mais charnelles; et par celles-ci la chasteté est pour le moins fort blessee et interessee.

  A003000956 

 Je dis: pour le moins, parce qu'elle en meurt et perit du tout quand les sottises et lascivetés donnent a la chair le dernier effect du playsir voluptueux, ains alhors la chasteté perit plus indignement, meschamment et malheureusement, que quand elle se perd par la fornication, voire par l'adultere et l'inceste; car ces dernieres especes de vilenies ne sont que des pechés, mais les autres, comme dit Tertullien, au livre De la Pudicité, sont des «monstres» d'iniquité et de peché.

  A003000957 

 Au contraire, hantés les gens chastes et vertueux, pensés et lises souvent aux choses sacrees, car la parole de Dieu est chaste et rend ceux qui s'y plaisent chastes, qui fait que David la compare au topase, pierre pretieuse, laquelle par sa proprieté amortit l'ardeur de la concupiscence..

  A003000958 

 Tenes-vous tous-jours proche de Jesus Christ crucifié, et spirituellement par la meditation et reellement par la sainte Communion: car tout ainsy que ceux qui couchent sur l'herbe nommee agnus castus deviennent chastes et pudiques, de mesme reposant vostre cœur sur Nostre Seigneur, qui est le vray Aigneau chaste et vous verrés que bien tost vostre ame et vostre cœur se treuveront purifiés de toutes souïlleures et lubricités..

  A003000964 

 Estre riche en effect et pauvre d'affection c'est le grand bonheur du Chrestien; car il a par ce moyen les commodités des richesses pour ce monde et le merite de la pauvreté pour l'autre..

  A003000964 

 Il y a difference entre avoir du poison et estre empoisonné: les apothicaires ont presque tous des poisons pour s'en servir en diverses occurences, mais ilz ne sont pas pour cela empoisonnés, parce qu'ilz n'ont pas le poison dedans le cors, mais dedans leurs boutiques; ainsy pouves-vous avoir des richesses sans estre empoisonnee par icelles: ce sera si vous les aves en vostre mayson ou en vostre bourse, et non pas en vostre cœur.

  A003000967 

 O Philothee, je ne sçai si c'est un desir juste de desirer d'avoir justement ce qu'un autre possede justement; car il semble que par ce desir nous nous voulons accommoder par l'incommodité d'autruy.

  A003000969 

 Ne desirés donq point d'un desir entier et formé le bien que vous n'aves pas; ne mettes point fort avant vostre cœur en celuy que vous aves; ne vous desolés point des pertes qui vous arriveront, et vous aures quelque sujet de croire qu'estant riche en effect vous ne l'estes point d'affection, mays que vous estes pauvre d'esprit et par consequent bienheureuse, car le Royaume des deux vous appartient.

  A003000973 

 Le peintre Parrhasius peignit le peuple Athenien par une invention fort ingenieuse, le representant d'un naturel divers et variable: cholere, injuste, inconstant, courtois, clement, misericordieux, hautain, glorieux, humble, bravache et fuyard, et tout cela ensemble mais moy, chere Philothee, je voudrais mettre en vostre cœur la richesse et la pauvreté tout ensemble, un grand soin et un grand mespris des choses temporelles..

  A003000974 

 Dites moy, les jardiniers des grans princes ne sont-ilz pas plus curieux et diligens a cultiver et embellir les jardins qu'ilz ont en charge, que s'ilz leur appartenoyent en proprieté? Mais pourquoy cela? parce, sans doute, qu'ilz considerent ces jardins la comme jardins des princes et des rois, ausquelz ilz desirent de se rendre aggreables par ces services la.

  A003000975 

 O le saint et riche appauvrissement que celuy qui se fait par l'aumosne!.

  A003000976 

 Aymes les pauvres et la pauvreté, car par cet amour vous deviendres vrayement pauvre, puisque, comme dit l'Escriture, nous sommes faitz comme les choses que nous aymons.

  A003000978 

 Je ne puis asses admirer l'ardeur avec laquelle cet advis fut prattiqué par saint Louys, l'un des grans roys que le soleil ait veu, mais je dis grand roy en toute sorte de grandeur.

  A003000986 

 Le premier est qu'elle ne vous est point arrivee par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre sans qu'il y ait eu aucune concurrence de vostre volonté propre.

  A003000986 

 Vostre pauvreté, Philothee, a deux grans privileges par le moyen desquelz elle vous peut beaucoup faire meriter.

  A003000987 

 Or, telle est pour l'ordinaire la pauvreté des seculiers, car parce qu'ilz ne sont pas pauvres par leur election, mais par necessité, on n'en tient pas grand conte; et en ce qu'on n'en tient pas grand conte, leur pauvreté est plus pauvre que celle [193] des religieux, bien que celle cy d'ailleurs ait une excellence fort grande et trop plus recommandable, a rayson du vœu et de l'intention pour laquelle elle a esté choisie..

  A003001001 

 Or, par icelles, les cœurs des hommes et des femmes demeurent pris et engagés et entrelacés les uns avec les autres en vaines et folles affections, fondees sur ces frivoles communications et chetifz aggreemens desquelz je viens de parler.

  A003001002 

 Les autres se laissent aller a cela par vanité, leur estant advis que ce ne soit pas peu de gloire de prendre et lier les cœurs par amour; et ceux ci, faysant leur election pour la gloire, dressent leurs pieges et tendent leurs toyles en des lieux specieux, relevés, rares et illustres.

  A003001002 

 Les autres sont portés et par leur inclination amoureuse et par la vanité tout ensemble, car encores qu'ilz ayent le cœur contourné a l'amour, si ne veulent-ilz pourtant pas en prendre qu'avec quelque advantage de gloire.

  A003001002 

 Les uns n'ont d'autre dessein que d'assouvir leurs cœurs a donner et recevoir de l'amour, suivans en cela leur inclination amoureuse, et ceux ci ne regardent a rien pour le choix de leurs amours sinon a leur goust et instinct, si qu'a la rencontre d'un sujet aggreable, sans examiner l'interieur ni les deportemens d'iceluy, ilz commenceront cette communication d'amourettes et se fourreront dedans les miserables filetz desquelz par apres ilz auront peyne de sortir.

  A003001003 

 Ces amitiés sont toutes mauvaises, folles et vaines: mauvaises, d'autant qu'elles aboutissent et se terminent en fin au peché de la chair, et qu'elles desrobent l'amour et par consequent le cœur a Dieu, a la femme et au mari, a qui il estoit deu; folles, parce qu'elles n'ont ni fondement ni rayson; vaines, parce qu'elles ne rendent aucun prouffit, ni honneur, ni contentement.

  A003001004 

 Garde bien, o ma langue parleuse, de dire ce qui arrivera par apres; si diray-je neanmoins encor cette verité: rien de tout ce que les jeunes gens et les femmes disent ou font ensemble en ces [199] folles complaisances n'est exempt de grans esguillons.

  A003001004 

 Tous les fatras d'amourettes se tiennent l'un a l'autre et s'entresuivent tous, ne plus ne moins qu'un fer tiré par l'aymant en tire plusieurs autres consecutivement.».

  A003001005 

 Le Sage [200] s'escrie: Qui aura compassion d'un enchanteur piqué par le serpent? Et je m'escrie apres luy: o folz et insensés, cuydes-vous charmer l'amour pour le pouvoir manier a vostre gré? Vous vous voules joüer avec luy, il vous piquera et mordra mauvaisement; et sçaves-vous ce qu'on en dira? chacun se moquera de vous et on rira dequoy vous aves voulu enchanter l'amour, et que sur une fause asseurance vous aves voulu mettre dedans vostre sein une dangereuse coleuvre, qui vous a gasté et perdu d'ame et d'honneur..

  A003001007 

 Le noyer nuit grandement aux vignes et aux champs esquelz il est planté, parce qu'estant si grand, il attire tout le suc de la terre, qui ne peut par apres suffire a nourrir le reste des plantes; ses feuillages sont si touffus qu'ilz font un ombrage grand et espais, et en fin il attire les passans a soy, qui, pour abattre son fruit, gastent et foulent tout autour.

  A003001012 

 Je ne parle pas ici de l'amour simple de charité, car il doit estre porté a tous les hommes; mais je parle de l'amitié spirituelle, par laquelle deux ou trois ou plusieurs ames se communiquent leur devotion, leurs affections spirituelles, et se rendent un seul esprit entre elles.

  A003001012 

 Qu'a bon droit peuvent chanter telles heureuses ames: O que voyci combien il est bon et aggreable que les freres habitent ensemble! Ouy, car le baume delicieux de la devotion distille de l'un des cœurs en l'autre par une continuelle participation, si qu'on peut dire que Dieu a respandu sur cette amitié sa benediction et la vie jusques aux siecles des siecles.

  A003001013 

 Car attendu qu'en un monastere bien reglé le dessein commun de tous tend a la vraye devotion, il n'est pas requis d'y faire ces particulieres communications, de peur que cherchant en particulier ce qui est commun, on ne passe des particularités aux partialités; mais quant a ceux qui sont entre les mondains et qui embrassent la vraÿe vertu, il leur est necessaire de s'allier les uns aux autres par une sainte et sacree amitié; car par le moyen d'icelle ilz s'animent, ilz s'aydent, ilz s'entreportent au bien.

  A003001019 

 On commence par l'amour vertueux, mais si on n'est fort sage l'amour frivole se meslera, puis l'amour sensuel, puis l'amour charnel; ouy mesme il y a danger en l'amour spirituel si on n'est fort sur sa garde, bien qu'en celuy cy il soit plus difficile de prendre le change, parce que sa pureté et blancheur rendent plus connoissables les souïlleures que Satan y veut mesler: c'est pourquoy quand il l'entreprend il fait cela plus finement, et essaye de glisser les impuretés presque insensiblement..

  A003001022 

 Les jeunes gens qui font des contenances, grimaces et caresses, ou disent des parolles esquelles ilz ne voudroient pas estre surprins par leurs peres, meres, maris, femmes ou confesseurs tesmoignent en cela qu'ilz traittent d'autre chose que de l'honneur et de la conscience.

  A003001026 

 Les chevres, selon Alcmeon, haleynent par les oreilles et non par les naseaux: il est vray qu'Aristote le nie or ne sçay-je ce que c'en est, mais je sçay bien pourtant [209] que nostre cœur haleyne par l'oreille, et que comme il aspire et exhale ses pensees par la langue, il respire aussi par l'oreille, par laquelle il reçoit les pensees des autres.

  A003001026 

 O ma Philothee, pour Dieu, soyes rigoureuse en telles occasions: le cœur et les oreilles s'entretiennent l'un a l'autre, et comme il est impossible d'empescher un torrent qui a pris sa descente par le pendant d'une montaigne, aussi est-il difficile d'empescher que l'amour qui est tombé en l'oreille ne face soudain sa cheute dans le cœur.

  A003001027 

 Resouvenes-vous que vous aves voué vostre cœur a Dieu, et que vostre amour luy estant sacrifié, ce seroit donq un sacrilege de luy en oster un seul brin; sacrifies le luy plustost derechef par mille resolutions et protestations, et vous tenant entre icelles comme un cerf dans son fort, reclames Dieu; il vous secourra et son amour prendra le vostre en sa protection, affin qu'il vive uniquement pour luy..

  A003001030 

 Mais qui ne peut s'esloigner que doit il faire? Il faut absolument retrancher toute conversation particuliere, tout entretien secret, toute douceur des yeux, tout sousris, et generalement toutes sortes de communications et amorces qui peuvent nourrir ce feu puant et fumeux; ou pour le plus s'il est force de parler au complice, que ce soit pour declairer par une hardie, courte et severe protestation le divorce eternel que l'on a juré.

  A003001031 

 Mais si, pour l'imperfection de vostre repentir, il vous reste encor quelques mauvaises inclinations, procurés pour vostre ame une solitude mentale, selon ce que je vous ay enseigné ci devant, et retirés vous y le plus que vous pourres, et par mille reiterés eslancemens d'esprit renoncés a toutes vos inclinations, reniés les de toutes vos forces; lisés plus que l'ordinaire des saintz livres, confessés vous plus souvent que de coustume et vous communiés, conferés humblement et naifvement de toutes les suggestions et tentations qui vous arriveront pour ce regard avec vostre directeur, si vous pouves, ou au moins avec quelque ame fidele et prudente; et ne doutés point que Dieu ne vous affranchisse de toutes passions, pourveu que vous continuies fidelement en ces exercices..

  A003001032 

 Ah, ce me dires vous, mais ne sera ce point une ingratitude, de rompre si impiteusement une amitié? O que bienheureuse est l'ingratitude qui nous rend aggreables a Dieu! Non, de par Dieu, Philothee, ce ne sera pas ingratitude, ains un grand benefice que vous feres a l'amant, car en rompant vos liens vous rompres les siens, puisqu'ilz vous estoyent communs, et bien [212] que pour l'heure il ne s'apperçoive pas de son bonheur, il le reconnoistra bien tost apres et avec vous chantera pour action de grace: O Seigneur, vous aves rompu mes liens, je vous sacrifieray l'hostie de loüange et invoqueray vostre saint Nom..

  A003001036 

 C'est pourquoy il arrive souvent qu'avec la communication de l'amitié, plusieurs autres communications passent et se glissent insensiblement de cœur en cœur, par une mutuelle infusion et reciproque escoulement d'affections, d'inclinations et d'impressions.

  A003001036 

 Et nous voyons des maris, des femmes, des enfans, des amis qui ayans en grande estime leurs amis, leurs peres, leurs maris et leurs femmes acquierent, ou par condescendance ou par imitation, mille mauvaises petites humeurs au commerce de l'amitié qu'ilz ont ensemble.

  A003001037 

 On dit que la salemandre esteint le feu dans lequel elle se couche, et le peché ruine l'amitié en laquelle il se loge: si c'est un peche passager, l'amitié luy donne soudain la fuite par la correction; mais s'il sejourne et arreste, tout aussi tost l'amitié perit, car elle ne peut subsister que sur la vraye vertu; combien moins donq doit on pecher pour l'amitié? L'ami est ennemi quand il nous veut conduire au peché, et merite de perdre l'amitié quand il veut perdre et damner l'ami; ains c'est l'une des plus asseurees marques d'une fause amitié que de la voir prattiquee envers une personne vicieuse, de quelle sorte de peché que ce soit.

  A003001043 

 Il me semble, au contraire, qu'il faut commencer par l'interieur: Convertisses-vous a moy, dit Dieu, de tout vostre cœur; Mon enfant, donne-moy ton cœur car aussi, le cœur estant la source des actions, elles sont telles qu'il est.

  A003001043 

 Pour moy, Philothee, je n'ay jamais peu appreuver la methode de ceux qui pour reformer l'homme commencent par l'exterieur, par les [216] contenances, par les habitz, par les cheveux.

  A003001044 

 Mais ce cœur mesme par lequel nous voulons commencer, requiert qu'on l'instruise comme il doit former son train et maintien exterieur, affin que non seulement on y voye la sainte devotion, mais aussi une grande sagesse et discretion.

  A003001046 

 J'ay appris par experience que le petit asnon estant las en chemin cherche de s'escarter;» c'est a dire, les jeunes gens portés a des infirmités par l'exces des jeusnes, se convertissent aysement aux delicatesses.

  A003001048 

 Car encor que cette derniere façon de vivre semble plus austere, l'autre neanmoins a plus de resignation, car par icelle on ne renonce pas seulement a son goust, mais encor a son choix; et si, ce n'est pas une petite austerité de tourner son goust a toute main et le tenir sujet aux rencontres, joint que cette sorte de mortification ne paroist point, n'incommode personne, et est uniquement propre pour la vie civile.

  A003001051 

 L'asnesse, qui voyoit l'Ange, s'arresta par trois diverses fois comme restive; Balaam cependant la frappoit cruellement de son baston pour la faire avancer, jusques a la troisiesme fois qu'elle, estant couchee tout [220] a fait sous Balaam, luy parla par un grand miracle, disant: Que t'ay-je fait? pourquoy tu m'as battue des-ja par trois fois? Et tost apres, les yeux de Balaam furent ouvertz, et il vit l'Ange qui luy dit: Pourquoy as-tu battu ton asnesse? si elle ne se fust destoumee de devant moy je t'eusse tué et l'eusse reservee.

  A003001052 

 O pauvre ame, si ta chair pouvoit parler comme l'asnesse de Balaam, elle te diroit: pourquoy me frappes-tu, miserable? c'est contre toy, o mon ame, que Dieu arme sa vengeance, c'est toy qui es la criminelle; pourquoy me conduis-tu aux mauvaises conversations? pourquoy appliques-tu mes yeux, mes mains, mes levres aux lascivetés? pourquoy me troubles-tu par des mauvaises imaginations? Fay des bonnes pensees, et je n'auray pas de mauvais mouvemens; hante les gens pudiques, et je ne seray point agitee de ma concupiscence.

  A003001053 

 Or, en tout et par tout, il ne faut nullement entreprendre des austerités corporelles qu'avec l'advis de nostre guide..

  A003001057 

 Si donques rien ne vous presse d'aller en conversation ou d'en recevoir chez vous, [222] demeurés en vous mesme et vous entretenés avec vostre cœur; mais si la conversation vous arrive, ou quelque juste sujet vous invite a vous y rendre, alls de par Dieu, Philothee, et voyes vostre prochain de bon cœur et de bon œil..

  A003001058 

 Car, comme ceux qui ont esté mordus des chiens enragés ont la sueur, l'haleyne et la salive dangereuse, et principalement pour les enfans et gens de delicate complexion, ainsy ces vicieux et desbordés ne peuvent estre frequentés qu'avec hazard et peril, sur tout par ceux qui sont de devotion encores tendre et delicate..

  A003001059 

 Il y a des conversations inutiles a toute autre chose qu'a la seule recreation, lesquelles se font par un simple divertissement des occupations serieuses; et quant a celles la, comme il ne faut pas s'y addonner, aussi peut-on leur donner le loysir destiné a la recreation..

  A003001063 

 Mais tous-jours, outre la solitude mentale a laquelle vous vous pouves retirer emmi les plus grandes conversations, ainsy que j'ay dit ci dessus, vous deves aymer la solitude locale et reelle, non pas pour aller es desertz, [224] comme sainte Marie Egyptienne, saint Paul, saint Anthoine, Arsenius et les autres Peres solitaires, mais pour estre quelque peu en vostre chambre, en vostre jardin et ailleurs, ou plus a souhait vous puissies retirer vostre esprit en vostre cœur, et recreer vostre ame par des bonnes cogitations et saintes pensees, ou par un peu de bonne lecture, a l'exemple de ce grand Evesque Nazianzene qui, parlant de soy mesme, «Je me pourmenois,» dit-il, «moy mesme avec moy mesme sur le soleil couchant, et passois le tems sur le rivage de la mer; car j'ay accoustumé d'user de cette recreation pour me relascher et secouer un peu des ennuis ordinaires;» et la dessus il discourt de la bonne pensee qu'il fit, que je vous ay recitee ailleurs.

  A003001067 

 Saint Paul veut que les femmes devotes (il en faut autant dire des hommes) soyent revestues d'habitz bien-seans, se par ans avec pudicité et sobrieté.

  A003001068 

 On ne treuve pas non plus mauvais que les vefves a marier se parent aucunement, pourveu qu'elles ne facent point paroistre de folastrerie, d'autant qu'ayans des-ja esté meres de famille, et passé par les regretz du vefvage, on tient leur esprit pour meur et attrempé.

  A003001068 

 On permet [226] plus d'affiquetz aux filles, parce qu'elles peuvent loysiblement desirer d'aggreer a plusieurs, quoy que ce ne soit qu'affin d'en gaigner un par un saint mariage.

  A003001068 

 Quant a la matiere et a la forme des habitz, la bien-seance se considere par plusieurs circonstances du tems, de l'aage, des qualités, des compaignies, des occasions.

  A003001069 

 Les hommes qui sont si lasches que de s'amuser a ces muguetteries sont par tout descriés comme hermaphrodites, et les femmes vaines sont tenues pour imbecilles en chasteté; au moins si elles en ont, elle n'est pas visible parmi tant de fatras et bagatelles.

  A003001073 

 Les medecins prennent une grande connoissance de la santé ou maladie d'un homme par l'inspection de sa langue; et nos parolles sont les vrays indices des qualités de nos ames: Par tes parolles, dit le Sauveur, tu seras justifié, et par tes parolles tu seras condamné. Nous portons soudain la main sur la douleur que nous sentons, et la langue sur l'amour que nous avons.

  A003001074 

 Sur tout il faut faire cet office angelique doucement et souëfvement, non point par maniere de correction, mais par maniere d'inspiration, car c'est merveille combien la suavité et amiable proposition de quelque bonne chose est une puissante amorce pour attirer les cœurs..

  A003001075 

 Ne parles donq jamais de Dieu ni de la devotion par maniere d'acquit et d'entretien, mais tous-jours avec attention et devotion: ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs qui font profession de devotion, lesquelz a tous propos disent des parolles saintes et ferventes par maniere d'entregent et sans y penser nullement; et après les avoir dites, il leur est advis qu'ilz sont telz que les parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003001079 

 Car, comme le poison du cors entre par la bouche, aussi celuy du cœur entre par l'oreille, et la langue qui le produit est meurtriere, d'autant qu'encor qu'a l'adventure le venin qu'elle a jetté n'ait pas fait son effect, pour avoir treuvé les cœurs des auditeurs munis de quelque contrepoison, si est ce qu'il n'a pas tenu a sa malice qu'elle ne les ait fait mourir.

  A003001080 

 Si quelque sot vous dit des paroles messeantes, tesmoignés que vos oreilles en sont offencees, ou vous destournant ailleurs ou par quelque autre moyen, selon que vostre prudence vous enseignera..

  A003001081 

 Or, la derision et moquerie ne se fait jamais sans ce mespris; c'est pourquoy elle est un fort grand peché, en sorte que les docteurs ont rayson de dire que la moquerie est la plus mauvaise sorte d'offence que l'on puisse faire au prochain par les paroles, parce que les autres offences se font avec quelque estime de celuy qui est offencé, et celle-ci se fait avec mespris et contemnement..

  A003001082 

 Mais, Philothee, passons tellement le tems par recreation que nous conservions la sainte eternité par devotion..

  A003001082 

 Mays quant aux jeux de paroles qui se font des uns aux autres avec une modeste gayeté et joyeuseté, ilz appartiennent a la vertu nommee eutrapelie par les Grecz, que nous pouvons appeller bonne conversation; [231] et par iceux on prend une honneste et amiable recreation sur les occasions frivoles que les imperfections humaines fournissent.

  A003001082 

 Or, la moquerie provoque a rire par mespris et contemnement du prochain; mais la gayeté et gausserie provoque a rire par une simple liberté, confiance et familiere franchise, conjointe a la gentillesse de quelque mot.

  A003001082 

 Saint Louys, quand les religieux vouloyent luy parler des choses relevees apres disner: Il n'est pas tems d'alleguer, disoit-il, mais de se recreer par quelque joyeuseté et quolibetz: que chacun die ce qu'il voudra honnestement; ce qu'il disoit favorisant la noblesse qui estoit autour de luy pour recevoir des caresses de sa Majesté.

  A003001087 

 Aucuns jugent temerairement non point par aigreur mais par orgueil, leur estant advis qu'a mesure qu'ilz depriment l'honneur d'autruy, ilz relevent le leur propre: espritz arrogans et presomptueux, qui s'admirent eux mesmes et se colloquent si haut en leur propre estime qu'ilz voyent tout le reste comme chose petite et basse: Je ne suis pas comme le reste des hommes, disoit ce sot Pharisien..

  A003001088 

 Les autres jugent par passion, et pensent tous-jours bien de ce qu'ilz ayment et tous-jours mal de ce qu'ilz haïssent, sinon en un cas admirable et neanmoins veritable, auquel l'exces de l'amour provoque a faire mauvais jugement de ce qu'on ayme: effect monstrueux, mais aussi provenant d'un amour impur, imparfait, troublé et malade, qui est la jalousie, laquelle, comme chacun sçait, sur un simple regard, sur le moindre sousris du monde condamne les personnes de perfidie et d'adultere.

  A003001088 

 Plusieurs s'addonnent au jugement temeraire pour le seul playsir qu'ilz prennent a philosopher et deviner des mœurs et humeurs des personnes, par maniere d'exercice d'esprit; que si par malheur ilz rencontrent quelquefois la verité en leurs jugemens, l'audace et l'appetit de continuer s'accroist tellement en eux, que l'on a peyne de les en destourner.

  A003001089 

 La charité craint de rencontrer le mal, tant s'en [234] faut qu'elle l'aille chercher; et quand elle le rencontre, elle en destourne sa face et le dissimule, ains elle ferme ses yeux avant que de le voir, au premier bruit qu'elle en apperçoit, et puis croit par une sainte simplicité que ce n'estoit pas le mal, mais seulement l'ombre ou quelque fantosme de mal; que si par force elle reconnoist que c'est luy mesme, elle s'en destourne tout incontinent et tasche d'en oublier la figure.

  A003001089 

 Mais quelz remedes? Ceux qui boivent le suc de l'herbe ophiusa d'Ethiopie cuydent par tout voir des serpens et choses effroyables: ceux qui ont avalé l'orgueil, l'envie, l'ambition, la haine, ne voyent rien qu'ilz ne treuvent mauvais et blasmable; ceux la pour estre gueris doivent prendre du vin de palme, et j'en dis de mesme pour ceux-ci: beuves le plus que vous pourrés le vin sacré de la charité, elle vous affranchira de ces mauvaises humeurs qui vous font faire ces jugemens tortus.

  A003001091 

 Il est vray qu'il se sert de la voix des magistratz pour se rendre intelligible a nos oreilles: ilz sont ses truchemens et interpretes et ne doivent rien [236] prononcer que ce qu'ilz ont appris de luy, comme estans ses oracles; que s'ilz font autrement, suivans leurs propres passions, alhors c'est vrayement eux qui jugent et qui par consequent seront jugés, car il est defendu aux hommes, en qualité d'hommes, de juger les autres..

  A003001099 

 Mais le mesdisant par un seul coup de sa langue fait ordinairement trois meurtres: il tue son ame et celle de celuy qui l'escoute, d'un homicide spirituel, et oste la vie civile a celuy duquel il mesdit; car, comme disoit saint Bernard, et celuy qui mesdit et celuy qui escoute le mesdisant, tous deux ont le diable sur eux, mais l'un l'a en la langue et l'autre en l'oreille.

  A003001100 

 Je vous conjure donques, treschere Philothee, de ne jamais mesdire de personne, ni directement ni indirectement: gardés-vous d'imposer des faux crimes et pechés au prochain, ni de descouvrir ceux qui sont secretz, ni d'aggrandir ceux qui sont manifestes, ni d'interpreter en mal la bonne œuvre, ni de nier le bien que vous sçaves estre en quelqu'un, ni le dissimuler malicieusement, ni le diminuer par paroles, car en toutes ces façons vous offenseries grandement Dieu, mais sur tout accusant fausement et niant la verité au prejudice du prochain; car c'est double peché de mentir et nuire tout ensemble au prochain..

  A003001101 

 L'aspic fait sa piqueure presque imperceptible, et son venin d'abord rend une demangeaison delectable, au moyen dequoy le cœur et les entrailles se dilatent et reçoivent le poison, contre lequel par apres il n'y a plus de remede..

  A003001101 

 La mesdisance dite par forme de gausserie est encores plus cruelle que toutes; car, comme la ciguë n'est pas de soy un venin fort pressant, ains asses lent et auquel on peut aysement remedier, mais estant pris avec le vin il est irremediable, ainsy la mesdisance qui de soy passerait legerement par une oreille et sortiroit par l'autre, comme l'on dit, s'arreste fermement en la cervelle des escoutans quand elle est presentee dedans quelque mot subtil et joyeux.

  A003001105 

 Mais sur tout il faut que je sois exactement juste en mes paroles pour ne dire pas un seul mot de trop: par exemple, si je blasme la privauté de ce jeune homme et de cette fille, parce qu'elle est trop indiscrete et perilleuse, o Dieu, Philothee, il faut que je tienne la balance bien juste pour ne point aggrandir la chose, pas mesme d'un seul brin.

  A003001108 

 Rappellés a soy le mesdisant par quelque douce maniere; dites quelque autre bien de la personne offensee si vous le sçaves.

  A003001112 

 Accoustumes-vous a ne jamais mentir a vostre escient, ni par excuse ni autrement, vous resouvenant que Dieu est le Dieu de verité.

  A003001112 

 Si vous en dites par mesgarde et vous pouves les corriger sur le champ par quelque explication ou reparation, corrigés les: une excuse veritable a bien plus de grace et de force pour excuser, que le mensonge..

  A003001113 

 Bien que quelquefois on puisse discretement et prudemment desguiser et couvrir la verité par quelque artifice de parolle, si ne faut-il pas prattiquer cela sinon en chose d'importance, quand la gloire et service de Dieu le requierent manifestement: hors de la, les artifices sont dangereux, car, comme dit la sacree Parolle, le Saint Esprit n'habite point en un esprit feint et double.

  A003001114 

 Ces parolles luy semblerent par apres trop artificieuses et affectees, si qu'il les revoque au livre de ses Retractations et les appelle une ineptie.

  A003001115 

 Le parler peu, tant recommandé par les anciens sages, ne s'entend pas qu'il faille dire peu de paroles, mais de n'en dire pas beaucoup d'inutiles; car en matiere de parler, on ne regarde pas a la quantité, mais a la qualité.

  A003001120 

 Ne festonne pas donq, repliqua l'Apostre, si je me demetz quelque peu de la rigueur et attention de mon esprit pour prendre un [246] peu de recreation, affin de m'employer par apres plus vivement a la contemplation.

  A003001120 

 Saint Jean l'Evangeliste, comme dit Cassian, fut un jour treuvé par un chasseur tenant une perdrix sur son poing, laquelle il caressoit par recreation; le chasseur luy demanda pourquoy, estant homme de telle qualité, il passoit le tems en chose si basse et vile; et saint Jean luy dit: Pourquoy ne portes-tu ton arc tous-jours tendu? De peur, respondit le chasseur, que demeurant tous-jours courbé il ne perde la force de s'estendre quand il en sera mestier.

  A003001127 

 Les jeux des dés, des cartes et semblables, esquelz le gain depend principalement du hazard, ne sont pas seulement des recreations dangereuses, comme les danses, mais elles sont simplement et naturellement mauvaises et blasmables; c'est pourquoy elles sont defendues par les lois tant civiles qu'ecclesiastiques.

  A003001127 

 Mais quel grand mal y a-il, me dires-vous? Le gain ne se fait pas en ces jeux selon la rayson, mais selon le sort, qui tombe bien souvent a celuy qui par habilité et industrie ne meritoit rien: la rayson est donq offensee en cela.

  A003001128 

 Car, n'est-ce pas occupation de tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpetuelles inquietudes, apprehensions et empressemens? Y a-il attention plus triste, plus sombre et melancholique que celle [248] des joueurs? c'est pourquoy il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voyla a despiter..

  A003001129 

 En fin, il n'y a point de joye au jeu qu'en gaignant, et cette joye n'est-elle pas inique, puisqu'elle ne se peut avoir que par la perte et le desplaysir du compaignon? cette resjouissance est certes infame.

  A003001129 

 Le grand roy saint Louys sçachant que le comte d'Anjou son frere et messire Gautier de Nemours joüoyent, il se leva, malade qu'il estoit, et alla tout chancelant en leur chambre, et la, print les tables, les dés et une partie de l'argent, et les jetta par les fenestres dans la mer, se courrouçant fort a eux.

  A003001133 

 Les danses et balz sont choses indifferentes de leur nature; mais selon l'ordinaire façon avec laquelle cet exercice se fait, il est fort penchant et incliné du costé du mal, et par consequent plein de danger et de peril.

  A003001133 

 On les fait de nuit, et parmi les tenebres et obscurités il est aysé de faire glisser plusieurs accidens tenebreux et vicieux, en un sujet qui de soy mesme est fort susceptible du mal; on y fait des grandes veilles, apres [249] lesquelles on perd les matinees des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles: en un mot, c'est tous-jours folie de changer le jour a la nuit, la lumiere aux tenebres, les bonnes œuvres a des folastreries.

  A003001134 

 Si neanmoins il faut manger des potirons, prenés garde qu'ilz soyent bien apprestés: si par quelque occasion de laquelle vous ne puissies pas vous bien excuser, il faut aller au bal, prenés garde que vostre danse soit bien apprestee.

  A003001142 

 Pour joüer et danser loysiblement, il faut que ce soit par recreation et non par affection; pour peu de tems et non jusques a se lasser ou estourdir, et que ce soit [252] rarement; car, qui en fait ordinaire, il convertira la recreation en occupation.

  A003001147 

 L'Espoux sacré, au Cantique des Cantiques, dit que son Espouse luy a ravi le cœur par un de ses yeux et l'un de ses cheveux.

  A003001147 

 Or, entre toutes les parties exterieures du cors humain, il n'y en a point de plus noble, soit pour l'artifice soit pour l'activité, que l' œil, ni point de plus vile que les cheveux; c'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement aggreable les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus basses; et que pour le servir a son goust, il faut avoir grand soin de le bien servir aux choses grandes et hautes et aux choses petites et abjectes, puysque nous pouvons egalement, et par les unes et par les autres, luy desrober son cœur par amour..

  A003001148 

 Mais tandis que la divine Providence ne vous envoye pas des afflictions si sensibles et si grandes, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnes-luy pour le moins vos cheveux: je veux dire, supportes tout doucement les menues injures, ces petites incommodités, ces pertes de peu d'importance qui vous sont journalieres; car par le moyen de ces petites occasions, employees avec amour et dilection, vous gaigneres entierement [254] son cœur et le rendres tout vostre.

  A003001149 

 Quand j'ay veu en la vie de sainte Catherine de Sienne tant de ravissemens et d'eslevations d'esprit, tant de paroles de sapience, et mesme des prédications faites par elle, je n'ay point douté qu'avec cet œil de contemplation elle n'eust ravi le cœur de son Espoux celeste; mais j'ay esté egalement consolé quand je l'ay veuë en la cuisine de son pere tourner humblement la broche, attiser le feu, apprester la viande, petrir le pain et faire tous les plus bas offices de la mayson, avec un courage plein d'amour et de dilection envers son Dieu.

  A003001155 

 Nous ne sommes hommes que par la rayson, et c'est pourtant chose rare de treuver des hommes vrayement raysonnables, d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la rayson, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites, mais dangereuses injustices et iniquités qui, comme les petitz renardeaux desquelz il est parlé aux Cantiques, demolissent les vignes; car, d'autant qu'ilz sont petitz on n'y prend pas garde, et parce qu'ilz sont en quantité ilz ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003001158 

 Trajan estant censuré par ses confidens dequoy il rendoit, a leur advis, la majesté imperiale trop accostable: Ouy dea, dit-il, ne dois-je pas estre tel empereur a l'endroit des particuliers, que je desirerois rencontrer un empereur si j'estois particulier moy mesme? [259].

  A003001162 

 Ne desires pas les choses fort esloignees, c'est a dire qui ne peuvent arriver de long tems, comme font plusieurs qui par ce moyen lassent et dissipent leurs coeurs inutilement, et se mettent en danger de grande inquietude.

  A003001165 

 Choisisses donq, par l'advis de vostre pere spirituel, entre tant de desirs ceux qui peuvent estre prattiqués et executés maintenant; ceux-la, faites les bien valoir: cela fait, Dieu vous en envoyera d'autres, lesquelz aussi en leurs saisons vous prattiqueres, et ainsy vous ne perdres pas le tems en desirs inutiles.

  A003001165 

 Je ne dis pas qu'il faille perdre aucune sorte de bons desirs, mais je dis qu'il les faut produire par ordre; et ceux qui ne peuvent estre effectués presentement, il les faut serrer en quelque coin du cœur jusques a ce que leur tems soit venu, et ce pendant effectuer ceux qui sont meurs et de saison; ce que je ne dis pas seulement pour les spirituelz, mais pour les mondains: sans cela nous ne sçaurions vivre qu'avec inquietude et empressement.

  A003001175 

 Les cachetz estoyent anciennement gravés es anneaux que l'on portoit aux doigtz, comme mesme l'Escriture Sainte tesmoigne; voyci [265] donq le secret de la ceremonie que l'on fait es noces: l'Eglise, par la main du prestre, benit un anneau, et le donnant premierement a l'homme, tesmoigne qu'elle seelle et cachette son cœur par ce Sacrement, affin que jamais plus ni le nom ni l'amour d'aucune autre femme ne puisse entrer en iceluy, tandis que celle la vivra laquelle luy a esté donnee; puys, l'espoux remet l'anneau en la main de la mesme espouse, affin que reciproquement elle sache que jamais son cœur ne doit recevoir de l'affection pour aucun autre homme, tandis que celuy vivra sur terre que Nostre Seigneur vient de luy donner.

  A003001176 

 Ce vous est grand honneur, o mariés, dequoy Dieu voulant multiplier les ames qui le puissent benir et loüer a toute eternité, il vous rend les cooperateurs d'une si digne besoigne par la production des cors dans lesquelz il respand, comme gouttes celestes, les ames en les creant, comme il les cree en les infusant dedans les cors..

  A003001177 

 C'est donq une sotte ventance d'amitié que de la vouloir exalter par la jalousie, car la jalousie est voirement marque de la grandeur et grosseur de l'amitié, mais non pas de la bonté, pureté et perfection d'icelle; puisque la perfection de l'amitié presuppose l'asseurance de la vertu de la chose qu'on ayme, et la jalousie en presuppose l'incertitude..

  A003001178 

 Si vous voulés, o maris, que vos femmes vous soyent [268] fideles, faites-leur en voir la leçon par vostre exemple.

  A003001179 

 Mais quant a moy, qui sçay que le grand ami de Dieu Isaac envoya des pendans d'oreilles pour les premieres arres de ses amours a la chaste Rebecca, je croy que cet [269] ornement mystique signifie que la premiere chose qu'un mari doit avoir d'une femme, et que la femme luy doit fidelement garder, c'est l'oreille, affin que nul langage ou bruit n'y puisse entrer, sinon le doux et amiable grillotis des paroles chastes et pudiques, qui sont les perles orientales de l'Evangile: car il se faut tous-jours resouvenir, que l'on empoisonne les ames par l'oreille, comme le cors par la bouche..

  A003001180 

 Ainsy Isaac et Rebecca, le plus chaste pair des mariés de l'ancien tems, furent veus par la fenestre se caresser en telle sorte, qu'encor qu'il n'y eust rien de deshonneste, Abimelech conneut bien qu'ilz ne pouvoyent estre sinon mari et femme.

  A003001181 

 Sainte Monique estant grosse du grand saint Augustin, le dedia par plusieurs offres a la religion Chrestienne et au service de la gloire de Dieu, ainsy que luy mesme [270] le tesmoigne disant que des-ja il avoit gousté «le sel de Dieu dans le ventre de sa mere.» C'est un grand enseignement pour les femmes chrestiennes d'offrir a la divine Majesté les fruitz de leurs ventres, mesme avant qu'ilz en soyent sortis, car Dieu qui accepte les oblations d'un cœur humble et volontaire, seconde pour l'ordinaire les bonnes affections des meres en ce tems la: tesmoin Samuel, saint Thomas d'Aquin, saint André de Fiesole et plusieurs autres.

  A003001182 

 Ainsy sainte Monique combattit avec tant de ferveur et de constance les mauvaises inclinations de saint Augustin, que l'ayant suivi par mer et par terre elle le rendit plus heureusement enfant de ses larmes, par la conversion de son ame, qu'il n'avoit esté enfant de son sang par la generation de son cors..

  A003001183 

 Saint Paul laisse en partage aux femmes le soin de la mayson, c'est pourquoy plusieurs ont cette veritable opinion, que leur devotion est plus fructueuse a la famille que celle des maris qui, ne faisans pas une si ordinaire residence entre les domestiques, ne peuvent pas par consequent les addresser si aysement a la vertu.

  A003001184 

 Saint Paul a dit que l'homme infidelle est sanctifié par la femme fidelle, et la femme infidelle par l'homme fidelle, parce qu'en cette estroitte alliance du mariage, l'un peut aysement tirer l'autre a la vertu.

  A003001186 

 Certes, j'appreuverois que cette coustume s'introduisist, pourveu que ce ne fust point avec des appareilz de recreations mondaines et sensuelles, mais que les maris et femmes, confessés et communiés en ce jour la, recommandassent a Dieu plus fervemment que l'ordinaire le progres de leur mariage, renouvellans les bons propos de le sanctifier de plus en plus par une reciproque amitié et fidelité, et reprenans haleyne en Nostre Seigneur pour le support des charges de leur vacation.

  A003001191 

 J'expliqueray donques ce que je ne puis pas dire des unes, par ce que je diray des autres..

  A003001193 

 Manger, non point pour conserver la vie mais pour conserver la mutuelle conversation et condescendance que nous nous devons les uns aux autres, c'est chose grandement juste et honneste: et de mesme, la reciproque et legitime satisfaction des parties au saint Mariage est appellee par saint Paul devoir; mais devoir si grand, qu'il ne veut pas que l'une des parties [274] s'en puisse exempter sans le libre et volontaire consentement de l'autre, non pas mesme pour les exercices de la devotion, qui m'a fait dire le mot que j'ay mis au chapitre de la sainte Communion pour ce regard; combien moins donq peut-on s'en exempter pour des capricieuses pretentions de vertu ou pour les choleres et desdains..

  A003001194 

 Comme ceux qui mangent pour le devoir de la mutuelle conversation doivent manger librement et non comme par force, et de plus s'essayer de tesmoigner de l'appetit, aussi le devoir nuptial doit estre tous-jours rendu fidellement, franchement, et tout de mesme comme si c'estoit avec esperance de la production des enfans, encor que pour quelque occasion on n'eust pas telle esperance..

  A003001196 

 Manger non point par simple appetit, mais par exces et desreglement, c'est chose plus ou moins vituperable, selon que l'exces est grand ou petit..

  A003001197 

 C'est grand cas, chere Philothee, que le miel si propre et salutaire aux abeilles leur puisse neanmoins estre si nuisible que quelquefois il les rend malades, comme quand elles en mangent trop au printems, car cela leur donne le flux de ventre, et quelquefois il les fait mourir inevitablement, comme quand elles sont emmiellees par le devant de leur teste et de leurs aislerons.

  A003001198 

 A la verité, le commerce nuptial qui est si saint, si juste, si recommandable, si utile a la republique, est neanmoins en certain cas dangereux a ceux qui le pratiquent; car quelquefois il rend leurs ames grandement malades de peché veniel, comme il arrive par les simples exces, et quelquefois il les fait mourir par le peché mortel, comme il arrive lhors que l'ordre establi pour la production des enfans est violé et perverti, auquel cas, selon qu'on s'esgare plus ou moins de cet ordre, les pechés se treuvent plus ou moins execrables, mais tous-jours mortelz.

  A003001199 

 C'est une vraye marque d'un esprit truant, vilain, abject et infame de penser aux viandes et a la mangeaille avant le tems du repas, et encores plus quand apres iceluy on s'amuse au playsir que l'on a pris a manger, s'y entretenant par parolles et pensees, et vautrant son esprit dedans le souvenir de la volupté que l'on a eue en avalant les morceaux, comme font ceux qui devant disner tiennent leur esprit en broche et apres disner dans les platz; gens dignes d'estre souillars de cuisine, qui font, comme dit saint Paul, un dieu de leur ventre.

  A003001199 

 Ne sont-ce pas de belles et honnestes humeurs d'un tel animal, par lesquelles il invite les mariés a ne point demeurer engagés d'affection aux sensualités et voluptés que selon leur vocation ilz auront exercees, mais icelles passees de s'en laver le cœur et l'affection, et de s'en purifier au plus tost, pour par apres avec toute liberté d'esprit prattiquer les autres actions plus pures et relevees..

  A003001207 

 Certes, saint Augustin conseille extremement ce vœu a la vefve chrestienne; et l'ancien et docte Origene passe bien plus avant, car il conseille aux femmes mariees de se vouer et destiner a la chasteté viduale en cas que leurs maris viennent a trespasser devant elles, affin qu'entre les playsirs sensuelz qu'elles pourront avoir en leur mariage, elles puissent neanmoins jouir du merite d'une chaste viduité par le moyen de cette promesse anticipee.

  A003001207 

 Par la simple chasteté nous prestons nostre cors a Dieu, retenans pourtant la liberté de le sousmettre l'autre fois aux playsirs sensuelz; mais par le vœu de chasteté nous luy en faisons un don absolu et irrevocable, sans nous reserver aucun pouvoir de nous en desdire, nous rendans ainsy heureusement esclaves de Celuy la servitude duquel est meilleure que toute royauté.

  A003001211 

 Les lampes desquelles l'huyle est aromatique jettent une plus suave odeur quand on esteint leurs flammes: ainsy les vefves desquelles l'amour a esté pur en leur [282] mariage respandent un plus grand parfum de vertu de chasteté quand leur lumiere, c'est a dire leur mari, est esteinte par la mort.

  A003001216 

 Bref, la vraye vefve est en l'Eglise une petite violette de mars, qui respand une suavité nompareille par l'odeur de sa devotion, et se tient presque tous-jours cachee sous les larges feuilles de son abjection, et par sa couleur moins esclatante tesmoigne la mortification; elle vient es lieux frais et non cultivés, ne voulant estre pressee de la conversation des mondains, pour mieux conserver la fraischeur de son cœur contre toutes les chaleurs que le desir des biens, des honneurs ou mesme des amours luy pourrait apporter.

  A003001217 

 Et faut tous-jours avoir devant les yeux cette doctrine des Anciens, que ni la viduité ni la virginité n'ont point de rang au Ciel que celuy qui leur est assigné par l'humilité..

  A003001227 

 Il est vray, Philothee; si nous nous relaschons par condescendance a rire, jouer, danser avec le monde, il s'en scandalisera, si nous ne le faysons pas, il nous accusera d'hypocrisie ou melancholie; si nous nous parons, il l'interpretera a quelque dessein, si nous nous demettons, ce sera pour luy vileté de cœur; nos gayetés [290] seront par luy nommees dissolutions, et nos mortifications tristesses, et nous regardant ainsy de mauvais œil, jamais nous ne pouvons luy estre aggreables.

  A003001229 

 Ce ne nous est pas une petite commodité pour bien asseurer le commencement de nostre devotion que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie; car nous evitons par ce moyen le peril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages femmes d'Egypte, ausquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfans masles d'Israël le jour mesme de leur naissance.

  A003001234 

 Il est vray, nous sommes encor de petitz mouchons en la devotion, nous ne sçaurions monter selon nostre dessein, qui n'est rien moindre que d'atteindre a la cime de la perfection chrestienne; mais si commençons-nous a prendre forme [293] par nos desirs et resolutions, les aisles nous commencent a sortir, il faut donq esperer qu'un jour nous serons abeilles spirituelles et que nous volerons; et tandis, vivons du miel de tant d'enseignemens que les anciens devotz nous ont laissés, et prions Dieu qu'il nous donne des plumes comme de colombe, affin que non seulement nous puissions voler au tems de la vie presente, mais aussi nous reposer en l'eternité de la future..

  A003001234 

 Mays vous voyes que la montagne de la perfection chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites-vous, comment pourray-je monter? Courage, Philothee; quand les petitz mouchons des abeilles commencent a prendre forme on les appelle nymphes, et lhors ilz ne sçauroyent encor voler sur les fleurs, ni sur les montz, ni sur les collines voysines pour amasser le miel; mais petit a petit, se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petitz nymphes prennent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ilz volent a la queste par tout le païsage.

  A003001238 

 Ainsy Satan, le monde et la chair voyans une ame espousee au Filz de Dieu, luy envoyent des tentations et suggestions par lesquelles: 1.

  A003001239 

 Saint Paul souffrit longuement les tentations de la chair, et tant s'en faut que pour cela il fust desaggreable a Dieu, qu'au contraire Dieu estoit glorifié par icelles; la bienheureuse Angele de Foligny sentoit des tentations charnelles si cruelles qu'elle fait pitié quand elle les raconte; grandes furent aussi les tentations que souffrit saint François et saint Benoist, lhors que l'un se jetta dans les espines et l'autre dans la neige pour les mitiger, et neanmoins ilz ne perdirent rien de la grace de Dieu pour tout cela, ains l'augmenterent de beaucoup..

  A003001246 

 Le jeune homme duquel parle saint Hierosme, qui couché et attaché avec des escharpes de soye bien delicatement sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraitz d'une impudique femme, qui estoit couchee avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit-il pas sentir d'estranges accidens? ses sens ne devoyent-ilz pas estre saisis de la delectation, et son imagination extrêmement occupee de cette presence des objetz voluptueux? Sans doute, et neanmoins parmi tant de troubles, emmi un si terrible orage de tentations et entre tant de voluptés qui sont tout autour de luy, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu et que sa volonté n'y consent nullement, puisque son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son cors a son commandement sinon la langue, il se la coupa avec les [297] dens et la cracha sur le visage de cette vilaine ame qui tourmentait la sienne plus cruellement par la volupté, que les bourreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens; aussi, le tyran qui se defioit de la vaincre par les douleurs, pensoit la surmonter par ces playsirs..

  A003001247 

 Ce qui dura fort longuement, jusques a tant qu'un jour Nostre Seigneur luy apparut, et elle luy dit: «Ou esties-vous, mon doux Seigneur, quand mon cœur estoit plein de tant de tenebres et d'ordures?» A quoy il respondit: «J'estois dedans ton cœur, ma fille.» «Et comment,» repliqua-elle, «habities-vous dedans mon cœur, dans lequel il y avoit tant de vilenies? habites-vous donq en des lieux si deshonnestes?» Et Nostre Seigneur luy dit: «Dis-moy, ces tiennes sales cogitations de ton cœur te donnoyent-elles playsir ou tristesse, amertume ou delectation?» Et elle dit: «Extreme amertume et tristesse.» Et luy repliqua: «Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensees qui estoyent autour de ta volonté et ne pouvoyent l'expugner l'eussent sans doute surmontee et seroyent [298] entrees dedans, eussent esté receuës avec playsir par ton liberal arbitre, et ainsy eussent donné la mort a ton ame; mais parce que j'estois dedans, je mettois ce desplaysir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se refusoit tant qu'il pouvoit a la tentation, et ne pouvant pas tant qu'il vouloit, il en sentoit un plus grand desplaysir et une plus grande haine contre icelle et contre soy mesme, et ainsy ces peynes estoyent un grand merite et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force.».

  A003001247 

 Il fit donques toutes sortes d'impudiques suggestions a son cœur, et pour tant plus l'esmouvoir, venant avec ses compaignons en forme d'hommes et de femmes, il faisoit mille et mille sortes de charnalités et lubricités a sa veuë, adjoustant des parolles et semonces tres deshonnestes; et bien que toutes ces choses fussent exterieures, si est-ce que par le moyen des sens elles penetroyent bien avant dedans le cœur de la vierge, lequel, comme elle confessoit elle mesme, en estoit tout plein, ne luy restant plus que la fine pure volonté superieure qui ne fust agitee de cette tempeste de vilenie et delectation charnelle.

  A003001248 

 O Dieu, quelle detresse a une ame qui ayme Dieu, de ne sçavoir seulement pas s'il est en elle ou non, et si l'amour divin, pour lequel elle combat, est du tout esteint en elle ou non! Mais c'est la fine fleur de la perfection de l'amour celeste que de faire souffrir et combattre l'amant pour l'amour, sans sçavoir s'il a l'amour pour lequel et par lequel il combat..

  A003001248 

 Voyes vous, Philothee, comme ce feu estoit couvert de la cendre, et que la tentation et delectation estoit mesme entree dedans le cœur et avoit environné la volonté, laquelle seule, assistee de son Sauveur, resistoit par des amertumes, des desplaysirs et detestations du mal qui luy estoit suggeré, refusant perpetuellement son consentement au péché qui l'environnoit.

  A003001252 

 Ce que je dis affin que, s'il vous arrive jamais d'estre affligee de si grande tentation, vous sçachies que Dieu vous favorise d'une faveur extraordinaire, par laquelle il declare qu'il vous veut aggrandir devant sa face, et que neanmoins vous soyes tous-jours humble et craintive, ne vous asseurant pas de pouvoir vaincre les menues tentations apres avoir surmonté les grandes, sinon par une continuelle fidelité a l'endroit de sa Majesté.

  A003001252 

 Ma Philothee, ces grans assautz et ces tentations si puissantes ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames lesquelles il veut eslever a son pur et excellent amour; mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soyent asseurees d'y parvenir, car il est arrivé [299] maintesfois que ceux qui avoyent esté constans en des si violentes attaques, ne correspondans pas par apres fidelement a la faveur divine, se sont treuvés vaincus en des bien petites tentations.

  A003001253 

 Ainsy arrive-il quelquefois que, par la violence des tentations, il semble que nostre ame est tombee en une defaillance totale de ses forces, et que comme pasmee elle n'a plus ni vie spirituelle ni mouvement; mais si nous voulons connoistre ce que c'en est, mettons la main sur le cœur: considerons si le cœur et la volonté ont encor leur mouvement spirituel, c'est a dire s'ilz font leur devoir a refuser de consentir et suivre la tentation et delectation; car pendant que le mouvement du refus est dedans nostre cœur, nous sommes asseurés que la charité, vie de nostre ame, est en nous, et que Jesus Christ nostre Sauveur se treuve dans nostre ame, quoy que caché et [300] couvert; si que, moyennant l'exercice continuel de l'orayson, des Sacremens et de la confiance en Dieu, nos forces reviendront en nous et nous vivrons d'une vie entiere et delectable..

  A003001253 

 Quand un homme est pasmé et qu'il ne rend plus aucun tesmoignage de vie, on luy met la main sur le cœur, et pour peu que l'on y sente de mouvement on juge qu'il est en vie et que, par le moyen de quelque eau pretieuse et de quelque epitheme, on peut luy faire reprendre force et sentiment.

  A003001257 

 La princesse de laquelle nous avons parlé ne peut mais de la recherche deshonneste qui luy est faitte, puisque, comme nous avons presupposé, elle luy arrive contre son gré; mais si au contraire elle avoit par quelques attraitz donné sujet a la recherche, ayant voulu donner de l'amour a celuy qui la muguette, indubitablement elle seroit coulpable de la recherche mesme; et quoy qu'elle en fist la delicate, elle ne laisseroit pas d'en meriter du blasme et de la punition.

  A003001257 

 Par exemple, je sçay que jouant j'entre volontier en rage et blaspheme, et que le jeu me sert de tentation a cela: je peche toutes fois et quantes que je joüeray, et suis coulpable de toutes les tentations qui m'arriveront au jeu.

  A003001258 

 C'est tous-jours chose blasmable a la jeune [301] princesse de laquelle nous avons parlé, si non seulement elle escoute la proposition sale et deshonneste qui luy est faitte, mais encores apres l'avoir ouïe elle prend playsir en icelle, entretenant son cœur avec contentement sur cet objet; car bien qu'elle ne veuille pas consentir a l'execution reelle de ce qui luy est proposé, elle consent neanmoins a l'application spirituelle de son cœur par le contentement qu'elle y prend, et c'est tous-jours chose deshonneste d'appliquer ou le cœur ou le cors a chose deshonneste; ains la deshonnesteté consiste tellement a l'application du cœur, que sans icelle l'application du cors ne peut estre peché.

  A003001259 

 Par exemple, si le galant qui luy veut donner de l'amour sonnoit exquisement bien du luth et qu'elle print playsir, non pas a la recherche qui est faitte de son amour, mais a l'harmonie et douceur du son du luth, il n'y auroit point de peché, bien qu'elle ne devrait pas continuer longuement en ce playsir, de peur de faire passage d'iceluy a la delectation de la recherche.

  A003001260 

 On est quelquefois surprins de quelque chatouillement de delectation qui suit immediatement la tentation, devant que bonnement on s'en soit prins garde; et cela ne peut estre pour le plus qu'un bien leger peché veniel, lequel se rend plus grand si, apres que l'on s'est apperceu du mal ou l'on est, on demeure par negligence quelque tems a marchander avec la delectation, si l'on doit l'accepter ou la refuser; et.

  A003001260 

 encores plus grand si, en s'en appercevant, on demeure en icelle quelque tems par vraye negligence, sans nulle sorte de propos de la rejetter.

  A003001266 

 Divertisses vostre esprit par quelques occupations bonnes et louables; car ces occupations entrans dedans vostre cœur et prenans place, elles chasseront les tentations et suggestions malignes.

  A003001267 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de desployer son cœur et de communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons a nostre directeur; car notés que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes et les filles, qui de prime abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ni aux maris: ou au contraire Dieu, en ses inspirations, demande sur toutes choses que nous les fassions reconnoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003001279 

 Car si vous me croyes, vous ne vous opiniastreres pas a vouloir opposer la vertu contraire a la tentation que vous sentes, parce que ce seroit quasi vouloir disputer avec elle; mais apres avoir fait une action de cette vertu directement contraire, si vous aves eu le loysir de reconnoistre la qualité de la tentation, vous feres un simple retour de vostre cœur du costé de Jesus Christ crucifié, et par une action d'amour en son endroit vous luy bayseres les sacrés pieds..

  A003001281 

 Et voyla quant aux menues et frequentes tentations, avec lesquelles qui voudroit s'amuser par le menu, il se morfondrait et ne ferait rien.

  A003001285 

 Faites des œuvres d'abjection et d'humilité le plus que vous pourres, encores qu'il vous semble que ce soit a regret; car par ce moyen vous vous habitues a l'humilité et affoiblisses vostre vanité, en sorte que quand la tentation viendra, vostre inclination ne la pourra pas tant favoriser, et vous aures plus de force pour la combattre..

  A003001285 

 Par exemple, si vous vous sentes inclinee a la passion de la vanité, faites souvent des pensees de la misere de cette vie humaine, combien ces vanités seront ennuyeuses a la conscience au jour de la mort, combien elles sont indignes d'un cœur genereux, que ce ne sont que badineries et amusemens de petitz enfans, et semblables choses.

  A003001285 

 Parles souvent contre la vanité, et encores qu'il vous semble que ce soit a contrecœur, ne laisses pas de la bien mespriser, car par ce moyen vous vous engageres mesme de reputation au parti contraire; et a force de dire contre quelque chose, nous nous esmouvons a la haïr, bien qu'au commencement nous luy eussions de l'affection.

  A003001288 

 En somme, en tems de paix, c'est a dire lhors que les tentations du peché auquel vous estes sujette ne vous presseront pas, faites force actions de la vertu contraire, et si les occasions ne se presentent, alles au devant d'elles pour les rencontrer; car par ce moyen vous renforcerés vostre cœur contre la tentation future..

  A003001292 

 L'inquietude n'est pas une simple tentation, mais une source de laquelle et par laquelle plusieurs tentations arrivent: j'en diray donq quelque chose.

  A003001293 

 Vous voyes donq que la tristesse, laquelle au commencement est juste, engendre l'inquietude; et l'inquietude engendre par apres un surcroist de tristesse qui est extremement dangereux..

  A003001295 

 Quand donq vous serés pressee du desir d'estre delivree de quelque mal ou de parvenir a quelque bien, avant toute chose mettes vostre esprit en repos et tranquillité, faites rasseoir vostre jugement et vostre volonté, et puys, tout bellement et doucement, pourchasses l'issue de vostre desir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables; et quand je dis tout bellement, je ne veux pas dire negligemment, mays sans empressement, trouble et inquietude; autrement en lieu d'avoir l'effect de vostre desir vous gasteres tout et vous embarrasseres plus fort..

  A003001298 

 Aussi le roy saint Louys donna cet advis a son filz: «Si tu as en ton cœur aucun malayse, dis-le incontinent a ton confesseur ou a aucune bonne personne, et ainsy pourras ton mal legerement porter, par le reconfort qu'il te donnera.».

  A003001306 

 Chantes des cantiques spirituelz, car le malin a souvent cessé son operation par ce moyen; tesmoin l'esprit qui assiegeoit ou possedoit Saül, duquel la violence estoit reprimee par la psalmodie..

  A003001306 

 Contraries vivement aux inclinations de la tristesse; et bien qu'il semble que tout ce que vous feres en ce tems la se face froidement, tristement et laschement, ne [314] laisses pourtant pas de le faire; car l'ennemi, qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estans faittes avec resistance elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger.

  A003001308 

 Faites des actions exterieures de ferveur, quoy que sans goust, embrassant l'image du Crucifix, la serrant sur la poitrine, luy baysant les pieds et les mains, levant vos yeux et vos mains au ciel, eslançant vostre voix en Dieu par des parolles d'amour et de confiance, comme sont celles ci: Mon Bienaymè a moy, et moy a luy.

  A003001314 

 Dieu continue l'estre de ce grand monde en une perpetuelle vicissitude, par laquelle le jour se change tous-jours en nuit, le printems en esté, l'esté en automne, l'automne en hiver et l'hiver en printems, et l'un des jours ne ressemble jamais parfaittement l'autre: on en void de nubileux, de pluvieux, de secs, de venteux, varieté qui donne une grande beauté a cet univers.

  A003001314 

 Il en est de mesme de l'homme, qui est, selon le dire des Anciens, un « abregé du monde; » car jamais il n'est en un mesme estat, et sa vie escoule sur cette terre comme les eaux, flottant et ondoyant en une perpetuelle diversité de mouvemens, qui tantost l'eslevent aux esperances, tantost l'abaissent par la crainte, tantost le plient a droite par la consolation, tantost a gauche par l'affliction, et jamais une seule de ses journees, ni mesme une de ses heures, n'est entierement pareille a l'autre.

  A003001316 

 Car, comme les avettes se voyans surprises du vent en la campaigne, embrassent des pierres pour se pouvoir balancer en l'air et n'estre pas si aysement transportees a la merci de l'orage, ainsy nostre ame ayant vivement embrassé par resolution le pretieux amour de son Dieu, demeure constante parmi l'inconstance et vicissitude des consolations et afflictions, tant spirituelles que temporelles, tant exterieures qu'interieures.

  A003001317 

 Non, chere Philothee, la devotion et cela ne sont pas une mesme chose; car il y a beaucoup d'ames qui ont de ces tendretés et consolations, qui neanmoins ne laissent pas d'estre fort vicieuses, et par consequent n'ont aucun vray amour de Dieu et, beaucoup moins, aucune vraye devotion.

  A003001317 

 Saul poursuivant a mort le pauvre David, qui fuyoit devant luy es desers d'Engaddi, entra tout seul en une caverne en laquelle David avec ses gens estoyent cachés; David, qui en cette occasion l'eut peu mille fois tuer, luy donna la vie et ne voulut seulement pas luy faire peur, ains l'ayant laissé sortir a son ayse l'appella par apres pour luy remonstrer son innocence, et luy faire connoistre qu'il avoit esté a sa merci.

  A003001320 

 On dit qu'Alexandre le Grand, singlant en haute mer, descouvrit premierement l'Arabie heureuse par le sentiment qu'il eut des suaves odeurs que le vent luy donnoit; et sur cela, se donna du courage et a tous ses compaignons: ainsy nous recevons souvent des douceurs et suavités en cette mer de la vie mortelle, qui sans doute nous font pressentir les delices de cette Patrie celeste a laquelle nous tendons et aspirons..

  A003001321 

 Mais, ce me dires-vous, puisqu'il y a des consolations sensibles qui sont bonnes et viennent de Dieu, et que neanmoins il y en a des inutiles, dangereuses, voyre pernicieuses, qui viennent ou de la nature ou mesme de l'ennemi, comment pourray-je discerner les unes des autres et connoistre les mauvaises ou inutiles entre les bonnes? C'est une generale doctrine, treschere Philothee, pour les affections et passions de nos ames, que nous les devons connoistre par leurs fruitz.

  A003001326 

 Helas, que l'ame qui est en cet estat est digne de compassion, et sur tout quand ce mal est vehement; car alhors, a l'imitation de David, elle se repaist de larmes jour et nuit, [325] tandis que par mille suggestions l'ennemi, pour la desesperer, se moque d'elle et luy dit: ah, pauvrette, ou est ton Dieu? par quel chemin le pourras-tu treuver? qui te pourra jamais rendre la joye de sa sainte grace?.

  A003001333 

 Aves-vous bien conservé les fruitz des consolations receuës? vous en aures donq des nouvelles, car a celuy qui a, on luy en donnera davantage; et a celuy qui n'a pas ce qu'on luy a donné, mais qui l'a perdu par sa faute, on luy ostera mesme ce qu'il n'a pas; c'est a dire on le privera des graces qui luy estoient preparees.

  A003001338 

 Disons donq a Dieu en ce tems la: O Pere, s'il est possible, transportes de moy ce calice, mais [328] adjoustons de grand courage: toutefois, non ma volonté, mais la vostre soit faitte, et arrestons-nous a cela avec le plus de repos que nous pourrons; car Dieu nous voyant en cette sainte indifference nous consolera de plusieurs graces et faveurs, comme quand il vit Abraham resolu de se priver de son enfant Isaac, il se contenta de le voir indifferent en cette pure resignation, le consolant d'une vision tres aggreable et par des tres douces benedictions.

  A003001340 

 Ouy, chere Philothee, en tems de secheresse nostre volonté nous porte au service de Dieu comme par vive force, et par consequent il faut qu'elle soit plus vigoureuse et constante qu'en tems de tendreté.

  A003001341 

 La bienheureuse Angele de Foligny dit que «l'orayson la plus aggreable a Dieu est celle qui se fait par force et contrainte,» c'est a dire celle a laquelle nous nous rangeons, non point pour aucun goust que nous y ayons, ni par inclination, mais purement pour plaire a Dieu, a quoy nostre volonté nous porte comme a contrecœur, forçant et violentant les secheresses et repugnances qui s'opposent a cela.

  A003001346 

 Or, comme les ames relevees au dessus d'elles mesmes par l'essay des playsirs superieurs, renoncent facilement aux objetz visibles, ainsy quand par la disposition divine la joye spirituelle leur est ostee, se treuvans aussi d'ailleurs privees des consolations corporelles, et n'estans point encor accoustumees d'attendre en patience les retours du vray soleil, il leur semble qu'elles ne sont ni au ciel ni en la terre, et qu'elles demeureront ensevelies en une nuit perpetuelle: si que, [333] comme petitz enfançons qu'on sevre, ayans perdu leurs mammelles, elles languissent et gemissent, et deviennent ennuyeuses et importunes, principalement a elles mesmes..

  A003001347 

 Celuy ci, rendu soudainement aride, destitué de consolation et occupé des tenebres interieures, commença a se ramentevoir de ses amis mondains, de ses parens, des facultés qu'il venoit de laisser, au moyen dequoy il fut assailli d'une si rude tentation que, ne pouvant la celer en son maintien, un de ses plus confidens s'en apperceut, et l'ayant dextrement accosté avec douces parolles luy dit en secret: «Que veut dire ceci Geoffroy? comment est ce que contre l'ordinaire, tu te rends si pensif et affligé?» Alhors Geoffroy, avec un profond souspir, «Ah mon frere,» respondit il, «jamais de ma vie je ne seray joyeux.» Cet autre, esmeu de pitié par telles parolles, avec un zele fraternel alla soudain reciter tout ceci au commun Pere saint Bernard, lequel, voyant le danger, entra en une eglise prochaine affin de prier Dieu pour luy; et Geoffroy ce pendant, accablé de la tristesse, reposant sa teste sur une pierre, s'endormit.

  A003001349 

 En fin, pour conclusion de cet advertissement qui est si necessaire, je remarque que, comme en toutes choses de mesme en celles cy, nostre bon Dieu et nostre ennemi ont aussi des contraires pretentions: car Dieu nous veut conduire par icelles a une grande pureté de cœur, a un entier renoncement de nostre propre interest en ce qui est de son service, et un parfait despouillement de nous mesmes; mais le malin tasche d'employer [335] ces travaux pour nous faire perdre courage, pour nous faire retourner du costé des playsirs sensuelz, et en fin nous rendre ennuyeux a nous mesmes et aux autres, affin de decrier et diffamer la sainte devotion.

  A003001350 

 Mais le remede en cette occurrence, c'est de revigorer le cors par quelque sorte de legitime allegement et recreation; ainsy saint François ordonnoit a ses religieux qu'ilz fussent tellement moderés en leurs travaux, qu'ilz n'accablassent pas la ferveur de l'esprit..

  A003001350 

 Quelquefois les desgoustz, les sterilités et secheresses proviennent de l'indisposition du cors, comme quand par l'exces des veilles, des travaux et des jeusnes on se treuve accablé de lassitudes, d'assoupissemens, de pesanteurs et d'autres telles infirmités, lesquelles bien qu'elles dependent du cors ne laissent pas d'incommoder l'esprit, pour l'estroitte liaison qui est entre eux.

  A003001358 

 Ainsy celuy qui a un vray soin de son cher cœur doit le remonter en Dieu au soir et au matin, par les exercices marqués cy dessus; et outre cela, il doit plusieurs fois considerer son estat, le redresser et accommoder; et en fin, au moins une fois l'annee, il le doit demonter, et regarder par le menu toutes les pieces, c'est a dire toutes les affections et passions d'iceluy, affin de reparer tous les defautz qui y peuvent estre.

  A003001358 

 Cet exercice reparera vos forces abattues par le tems, eschauffera vostre cœur, fera reverdir vos bons propos et refleurir les vertus de vostre esprit.

  A003001358 

 Et comme l'horloger oint avec quelque huyle delicate les roues, les ressortz et tous les mouvans de son horloge, affin que les mouvemens se facent plus doucement et qu'il soit moins sujet a la rouïlleure, ainsy la personne devote, apres la prattique de ce demontement de son cœur, pour le bien renouveller, le doit oindre par les Sacremens de Confession et de l'Eucharistie.

  A003001367 

 Consideres par quelz moyens vous fistes vostre protestation.

  A003001367 

 Mais dites en verité, fustes-vous pas conviee par des doux attraitz du Saint Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque a ce port salutaire, furent-elles pas d'amour et charité? Comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'orayson? Helas, chere Philothee, vous dormies, et Dieu veilloit sur vous et pensoit sur vostre cœur des pensees de paix, il meditoit pour vous des meditations d'amour..

  A003001369 

 Ha, je ne mourray pas mais je vivray, et raconteray de cœur, de bouche et par œuvres les merveilles de sa bonté..

  A003001369 

 Ne prenes-vous point a bonheur de sçavoir parler a Dieu par l'orayson, d'avoir affection a le vouloir aymer, d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoyent, d'avoir evité plusieurs pechés et embarrassemens de conscience, et en fin, d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussies pas fait, vous unissant a cette souveraine source de graces eternelles? Ha, que ces graces sont grandes! il faut, ma Philothee, les peser au poids du sanctuaire.

  A003001370 

 Apres toutes ces considerations, lesquelles, comme vous voyes, fournissent tout plein de bonnes affections, il faut simplement conclure par action de grace et une priere affectionnee d'en bien prouffiter, se retirant avec humilité et grande confiance en Dieu, reservant de faire l'effort des resolutions apres le deuxiesme point de cet exercice..

  A003001374 

 Les autres pointz de l'examen vous les pouves faire utilement en vous promenant, et encor plus utilement au lict, si par adventure vous y pouves estre quelque tems sans assoupissement et bien esveillee; mais pour ce faire il les faut avoir bien leus auparavant.

  A003001376 

 Protestes que si, comme vous penses, vous descouvres d'avoir peu prouffité, ou bien d'avoir reculé, vous ne voules nullement pour tout cela vous abattre ni refroidir par aucune sorte de descouragement ou relaschement de cœur, ains qu'au contraire vous voules vous encourager et animer davantage, vous humilier et remedier aux defautz, moyennant la grace de Dieu..

  A003001383 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des pechés venielz? On ne sçauroit se garder d'en faire quelqu'un par cy par la; mais y en a-il point auquel vous ayes une speciale inclination? et, ce qui seroit le pis, y en a-il point auquel vous ayes affection et amour?.

  A003001385 

 Si le mari d'une femme revient de loin, tout aussi tost que cette femme s'apperçoit de son retour et qu'elle sent sa voix, quoy qu'elle soit embarrassee d'affaires et retenue par quelque violente consideration emmi la presse, si est-ce que son cœur n'est pas retenu, mais abandonne les autres pensees pour penser a ce mari venu.

  A003001397 

 Or, il n'y a pas grande humilité en une mouche de ne s'estimer rien au prix d'une montaigne, ni en une goutte d'eau de se tenir pour rien en comparayson de la mer, ni a une bluette ou estincelle de feu de se tenir pour rien au prix du soleil; mais l'humilité gist a ne [348] point nous surestimer aux autres et a ne vouloir pas estre surestimé par les autres: a quoy en estes-vous pour ce regard?.

  A003001404 

 Mais, pour parler en general, quel est vostre cœur a l'endroit du prochain? l'aymes-vous bien cordialement et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades, car c'est la ou on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effect ou par paroles.

  A003001410 

 Mais pour abreger le tout, il faut reduire l'examen a la recherche de nos passions; et s'il nous fasche de considerer si fort par le menu comme il a esté dit, nous pouvons ainsy nous examiner, quelz nous avons esté et comme nous nous sommes comportés:.

  A003001418 

 Quelles affections en fin tiennent nostre cœur empesché? quelles passions le possedent? en quoy s'est-il principalement detraqué? Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: d'autant que, comme un joueur de luth pinçant toutes les cordes, celles qu'il treuve dissonnantes il les accorde, ou les tirant ou les laschant, ainsy, apres avoir tasté l'amour, la haine, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons mal accordantes a l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace et le conseil de nostre pere spirituel.

  A003001422 

 Humiliés-vous fort devant Dieu, reconnoissant que si vous n'aves pas beaucoup avancé, ç'a esté par vostre manquement, parce que vous n'aves pas fidellement, courageusement et constamment correspondu aux inspirations, clartés et mouvemens qu'il vous a donnés en l'orayson et ailleurs..

  A003001431 

 Apres avoir fait l'examen, et avoir bien conferé avec quelque digne conducteur sur les defautz et sur les remedes d'iceux, vous prendres les considerations suivantes, en faisant une chaque jour par maniere de meditation, y employant le tems de vostre orayson, et ce tous-jours avec la mesme methode, pour la preparation et les affections, de laquelle vous aves usé es meditations de la premiere Partie, vous mettant avant toutes choses en la presence de Dieu, implorant sa grace pour vous bien establir en son saint amour et service..

  A003001452 

 Consideres l'amour avec lequel Jesus Christ Nostre Seigneur a tant souffert en ce monde, et particulierement au jardin des Olives et sur le mont de Calvaire: cet amour vous regardoit, et par toutes ces peynes et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire pour maintenir, nourrir, fortifier et consommer ces resolutions.

  A003001453 

 Voyes-vous, ma Philothee, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre des Farbre de la Croix et l'aymoit, et par cet amour luy obtenoit tous les biens que vous aurés jamais, et entre autres nos resolutions; ouy, chere Philothee, nous pouvons tous dire comme Hieremie: O Seigneur, avant que je fusse, vous me regardies et m'appellies par mon nom, d'autant que vrayement sa divine Bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens generaux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions.

  A003001454 

 Ah, mon Dieu, que nous devrions profondement mettre ceci en nostre memoire: est il possible que j'aye esté aymee et si doucement aymee de mon Sauveur, qu'il allast penser a moy en particulier, et en toutes ces petites occurrences par lesquelles il m'a tiree a luy? et combien donq devons nous aymer, cherir et bien employer tout cela a nostre utilité.

  A003001458 

 Il le dit par le Prophete: Je t'ay aymè (il parle a vous aussi bien qu'a nul autre) d'une charité perpetuelle; et partant je t'ay attiré, ayant pitié de toy.

  A003001464 

 Ce qu'estant fait, comme par une reprise d'haleyne et de force protestés mille fois que vous continueres en vos resolutions, et comme si vous tenies vostre cœur, vostre ame et vostre volonté en vos mains, dedies-la, consacres-la, sacrifies-la et l'immoles a Dieu, protestant que vous ne la reprendres plus, mais la laisseres en la main de sa divine Majesté pour suivre en tout et par tout ses ordonnances.

  A003001470 

 Il faut que tous ces exercices reposent dans le cœur, et que nous ostans de la consideration et meditation nous allions tout bellement entre les affaires et conversations, de peur que la liqueur de nos resolutions ne s'espanche soudainement, car il faut qu'elle detrempe et penetre bien par toutes les parties de l'ame, le tout neanmoins sans effort ni d'esprit ni de cors.

  A003001475 

 Et s'il s'en treuve qui n'ayent pas ce don en aucune sorte de degré (ce que je ne pense pas pouvoir arriver que fort rarement), le sage pere spirituel leur fera aysement suppleer le defaut par l'attention qu'il leur enseignera d'avoir, ou a lire ou a ouïr lire les mesmes considerations qui sont mises es meditations.

  A003001475 

 Le monde dira que je suppose presque par tout que ma Philothee ait le don de l'orayson mentale, et que neanmoins chacun ne l'a pas, si que cette Introduction ne servira pas pour tous.

  A003001481 

 En fin, treschere Philothee, je vous conjure par tout ce qui est de sacré au Ciel et en la terre, par le Baptesme que vous avés receu, par les mammelles que Jesus Christ sucça, par le cœur charitable duquel il vous ayma et par les entrailles de la misericorde en laquelle vous esperés, continues et perseveres en cette bienheureuse entreprise de la vie devote.

  A003001498 

 Je ne puis, ny veux, ny dois escrire en cette Introduction que ce qui a desja esté publié par nos predecesseurs sur ce sujet: ce sont les mesmes fleurs que je te presente, mon Lecteur: mais le bouquet, que j'en ay fait sera differant des leurs, à raison de la diversité de l'ageancement dont il est façonné..

  A003001498 

 La bouquetiere Glycera changeoit en tant de sortes la disposition et le meslange des fleurs, qu'elle mettoit en ses bouquets, que le peintre Pausias voulant contrefaire à l'envy cette varieté d'ouvrage demeura court, ne pouvant pas diversifier sa peinture en tant de façons comme Glycera faisoit ses bouquets: ainsi le Sainct Esprit dispose et arrange les enseignemens de devotion, qu'il donne par les langues, et les plumes de ses serviteurs, avec tant de varieté, que la doctrine estant tousjours une mesme, les discours neantmoins qui s'en font sont bien differens, selon les diverses façons desquelles ils sont composez.

  A003001499 

 Il est vray que cela est malaysé: et c'est pourquoy je desirerois que plusieurs y employassent leur soin avec plus d'ardeur qu'on n'a pas fait jusques à present, comme tout foible que je suis, je m'essaye par cet escrit, de contribuer quelque secours à ceux qui avec un courageux dessein ont commencé cette entreprise..

  A003001499 

 Mon intention est d'instruire ceux qui vivent és villes, és mesnages, en la cour, et qui par leur condition sont obligez de faire une vie commune quant à l'exterieur, lesquels bien souvent sous le pretexte d'une pretendue impossibilité ne veulent seulement pas penser à l'entreprinse de la vie devote, leur estant advis, que comme nul animal n'ose gouster de la graine de l'herbe nommée Palma Christi, qu'aussi nul ne doit pretendre à la palme de pieté, et devotion, tandis qu'il vit emmy la presse des affaires temporelles: et je leur monstre que comme les meres perles vivent emmy la mer, sans prendre nulle goutte d'eau marine, et que vers les isles Chelidoines il y a des fontaines d'eau bien douce au milieu de la mer, et que les piraustes volent dedans les flammes sans [7*] brusler leurs aisles; ainsi peut une ame genereuse et constante vivre au monde sans recevoir aucune humeur mondaine, treuver des sources d'une douce pieté au milieu des ondes ameres de ce siecle, et voler entre les flammes de tant de convoitises que le monde allume de toutes parts, sans, brusler les aisles des sacrez desirs et sainctes affections de la vie devote.

  A003001500 

 Ce n'a toutefois pas esté par mon election ou inclination que cette Introduction sort en public.

  A003001500 

 Une ame pleine d'honneur et de vertu, ayant il y a quelque temps receu la grace de Dieu de vouloir aspirer à la vie devote desira ma particuliere assistence pour ce regard: et moy qui luy avois plusieurs sortes de devoirs, et qui avois long temps auparavant remarqué en elle beaucoup de disposition pour cette entreprinse, je me rendis fort soigneux de la bien instruire; et l'ayant conduicte par tous les exercices convenables à son dessein, et à sa condition, je luy en laissay des memoires par escrit, afin qu'elle y eut recours à son besoin.

  A003001501 

 C'est pourquoy tu ne verras rien d'exacte en cecy: ains seulement un amas d'advertissemens de bonne foy, expliquez par des paroles claires, et intelligibles: au moins ay je eu ce dessein, et quant au reste des ornemens du langage je n'y ay pas seulement voulu penser, comme ayant assez d'autres choses à faire.

  A003001504 

 Les anciens Evesques et Peres de l'Eglise estoient pour le moins autant affectionnez à leur charge que nous: et ne laissoyent pourtant pas d'avoir soin de la conduitte particuliere de plusieurs ames qui recouroient à leur assistence: comme il appert par leurs epistres, imitans les Apostres, qui emmy la moisson generale de l'univers recueilloient neantmoins certains espics plus remarquables, avec une speciale et particuliere affection.

  A003001505 

 C'est un travail qui delasse, et avive le cœur par la suavité qui en revient à ceux qui l'entreprennent, comme fait le Cinamome ceux qui le portent en l'Arabie heureuse.

  A003001505 

 On dit mesme que la tygresse ayant recouvert l'un de ses petits que le chasseur luy laisse sur le chemin pour l'amuser, tandis qu'il emporte le reste de la littee, elle s'en charge pour gros qu'il soit, et pour cela n'en est point plus pesante, ains plus legere à la course qu'elle fait pour le sauver dans sa tasniere, l'amour naturel l'allegeant par ce fardeau.

  A003001508 

 Alexandre fit peindre la belle Campaspé, qui luy estoit si chere par la main de l'unique Apelles; Apelles forcé de considerer longuement Campaspé, à mesure qu'il en exprimoit les traits sur le tableau, il en imprima l'amour en son cœur, et en devint tellement passionné, qu'Alexandre l'ayant recogneu, et en ayant pitié la luy donna en mariage, se privant pour l'amour de luy de la plus chere amie qu'il eut au monde.

  A003001508 

 Enquoy, dit Pline, il monstra la grandeur de son cœur, autant qu'il eut fait par une bien grande victoire.

  A003001536 

 Arelius peignoit toutes les faces des images qu'il faisoit à l'air et ressemblance des femmes qu'il aymoit, et chacun peint la devotion selon sa passion et fantesie: celuy qui est adonné au jeusne, pourveu qu'il jeusne, il se tiendra pour bien devot, quoy [13*] que son cœur soit plein de rancune; et n'osant pas tremper sa langue dedans le vin ny mesme dans l'eau, par sobrieté, ne se feindra point de la plonger dedans le sang du prochain par la medisance et calomnie; un autre s'estimera devot parce que il dit une grande multitude d'oraisons tous les jours; quoy qu'apres cela sa langue se fonde toute en parolles facheuses, arrogantes et injurieuses parmy ses domestiques et voisins: l'autre tire fort volontiers l'aumosne de sa bourse, pour la donner aux pauvres: mais il ne peut tirer la douceur de son cœur, pour pardonner à ses ennemis: l'autre pardonnera à ses ennemis, mais de tenir raison à ses creanciers, jamais qu'à vive force de justice.

  A003001537 

 Bref la devotion n'est autre chose qu'une agilité et vivacité spirituelle: par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous, ou nous pour elle, promptement et affectionnement: et comme il appartient à la charité de nous faire faire generallement et universellement [14*] tous les commandemens de Dieu: il apartient aussi à la devotion de les nous faire faire promptement et diligemment.

  A003001537 

 Les pecheurs ne volent point en Dieu; mais font toutes leurs courses en la terre et pour la terre: les gents de bien qui n'ont pas encore attaint à la devotion volent en Dieu par leurs bonnes actions; mais rarement, lentement, et negligemment.

  A003001538 

 Car alors comme un homme bien sain, non seulement il chemine, mais il court et saute en la voye des commandemens de Dieu, et de plus par les sentiers des conseils et inspirations celestes.

  A003001542 

 Mais comme Josue et Caleb protestoient que la terre promise estoit, [15*] non seulement bonne et belle, mais aussi que la possession en seroit douce et agreable: de mesme le Saint Esprit par la bouche de tous les Saints, et nostre Seigneur par la sienne mesme nous asseure que la vie devote est une vie douce, heureuse, et amyable..

  A003001545 

 Contemplés l'eschelle de Jacob (car c'est le vray pourtrait de la vie devote): les deux costez entre lesquels on monte, et ausquels les eschellons se tiennent, representent l'oraison qui impetre l'amour de Dieu, et les Sacremens qui le conferent: les eschellons ne sont autre chose que les divers degrez de charité, par lesquels l'on va de vertu en vertu, ou descendant par l'action au secours et suport du prochain, ou montant par la contemplation en l'union amoureuse de Dieu.

  A003001545 

 Ils ne sont pas jeunes, mais ils le semblent estre, parce qu'ils sont plains de vigueur et agilité spirituelle: ils ont des aisles pour voler, et s'eslancer en Dieu par la [16*] sainte oraison: mais ils ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une saincte et amiable conversation: leurs visages sont beaux et guays, d'autant qu'ils reçoivent toutes choses avec douceur et suavité: leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont toutes à decouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et actions n'ont nul dessein ny motif, que de plaire à Dieu: le reste de leurs corps est couvert, mais d'une belle et legere robe, parce qu'ils usent de ce monde et des choses mondaines, mais d'une façon toute pure et sincere, n'en prenant que legerement ce qui est requis pour leur condition: telles sont les personnes devotes.

  A003001549 

 La devotion doibt estre differemment exercee par le Gentil-homme, par l'artisan, par le valet, par le Prince, par la vefve, par la fille, par la mariee: et non seulement cela, mais il faut accommoder la praticque de la devotion aux forces, aux affaires et devoirs de chasques particuliers.

  A003001551 

 Abraham et Ysaac, Jacob, David, Job, Tobie, Sarra, Rebecca, et Judith en font foy par l'ancien Testament: et quant au nouveau, sainct Joseph, Lidya, et S. Crespin furent parfaitement devots en leurs boutiques: sainte Anne, sainte Marthe, S. Monique, Aquila, Priscilla en leurs mesnages: Cornélius, S. Sebastien, S. Mauris parmy les armes: Constantin, Helene, S. Louys, S. Edouard, en leurs trosnes royaux.

  A003001555 

 C'est icy l'advertissement des advertissemens; quoy que vous cherchiez, dit le devot Avila, vous ne trouverés jamais si asseurement la volonté de Dieu, que par le chemin de cette humble obeïssance tant recommandée et pratiquée par tous les anciens devots..

  A003001556 

 Ces divines parolles regardent principallement l'immortalité, comme vous voyez: pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cest amy fidelle, qui guide nos actions par ses advis et conseils, et par ce moyen nous garantit des embuches, et tromperies du maling; il nous sera comme un thresor de sapience: et en nos afflictions, tristesses, et cheutes, il nous servira de medicament, pour alleger, consoler, et relever nos cœurs és maladies spirituelles.

  A003001558 

 C'est à dire, quand vous l'aurez treuvé, ne le considerez pas comme un simple homme, et ne vous confiés point en luy, ny en son sçavoir humain; mais en Dieu, lequel vous favorisera, et parlera par l'entremise de cest homme, mettant dedans le cœur et dans la bouche d'iceluy ce qui sera requis pour vostre bon-heur.

  A003001558 

 Traictés avec luy à cœur ouvert, en toute sincerité et fidelité, luy manifestant clairement vostre bien et vostre mal sans faintise ny dissimulation: et par ce moyen vostre bien sera examiné et plus asseuré, et vostre mal sera corrigé et remedié: vous en serez allegée et fortifiée en vos afflictions, moderée, et reglée en vos consolations: ayés en luy une extreme confiance, meslée d'une sacrée reverence: en sorte que la reverence ne diminue point la confiance, et que la confiance n'empesche point la reverence: confiez vous en luy avec le respect d'une fille envers son pere: respectés le avec la confiance d'un fils envers sa mere: bref cette amitié doit estre forte et douce, toute saincte, toute sacrée, toute divine, et toute spirituelle..

  A003001564 

 La purgation et guerison ordinaire, soit des corps, soit des esprits, ne se fait que petit à petit, par progrez d'avancement en advencement avec peine et loisir.

  A003001564 

 Les Anges ont des aisles sur l'eschelle de Jacob, mais ils ne volent pourtant pas, ains montent et descendent par ordre d'eschelon en eschelon.

  A003001565 

 Mais aussi de l'autre costé n'est ce pas [21*] un extreme danger aux ames, lesquelles par une tentation contraire se font à croire d'estre purgées de leurs imperfections le premier jour de leur purgation, se tenant pour parfaites avant presque que d'estre faites, et se mettant au vol sans aisles.

  A003001565 

 Or les imperfections et pechez veniels ne nous sçauroient oster la vie spirituelle, car elle ne se perd que par le peché mortel.

  A003001569 

 Et si vous vous defiez de vostre memoire, mettez en escript ce que vous aurez remarqué: et ayant ainsi preparé et ramassé les humeurs peccantes de vostre conscience, detestez les, et rejettés les, par une contrition et deplaisir aussi grand que vostre cœur le pourra souffrir, considerant ces quatres choses.

  A003001569 

 Que par le peché vous avez perdu la grace de Dieu, quitté vostre part de Paradis, accepté les peines eternelles de l'Enfer, et renoncé à la vision et à l'amour eternel de Dieu..

  A003001570 

 Parlant doncques d'un renouvellement general de nostre cœur, et d'une conversion universelle de nostre ame à Dieu, par l'entreprise de la vie devote; j'ay bien raison, ce me semble, Philothee, de vous conseiller cette confession generalle.

  A003001579 

 Mais si c'est une haine mortelle, et violente, non seulement nous fuyons, et aborrons celuy à qui nous la portons, ains nous avons à degoust, et ne pouvons souffrir la conversation de ses alliez, parens et amis, non pas mesme son image ny chose qui luy apartient: ainsi quand le penitent ne hayt le péché que par une legere quoy que vraye contrition, il se resoult voirement bien de ne plus pecher: mais quand il le hayt d'une contrition puissante, et vigoureuse, non seulement il deteste le peché, ains encor toutes les affections, dependances, et acheminemens [25*] du peché.

  A003001579 

 Or le premier moyen, et fondement de cette seconde purgation, c'est la vive, et forte apprehension du grand mal que le peché nous aporte: par le moyen de laquelle nous entrons en une profonde, et vehemente contrition.

  A003001590 

 Dieu par sa seule bonté vous a fait esclorre de ce rien pour vous rendre ce que vous estes, sans qu'il eust besoin de vous, ains par sa seule bonté.

  A003001595 

 O mon grand, et bon Createur, combien vous suis je redevable, puis que vous m'estes allé prendre dans mon rien pour me rendre par vostre misericorde ce que je suis.

  A003001596 

 Mais helas, mon Createur, en lieu de m'unir à vous par amour, et service, je me suis rendue toute rebelle par mes desreglees affections, me separant, et eslognant de vous, pour me joindre au peché et à l'iniquité, n'honorant non plus vostre bonté que si vous n'eussiez pas esté mon Createur..

  A003001601 

 Je veux changer de vie, et suyvre desormais mon Createur, et m'honnorer de la condition de l'estre qu'il m'a donnée, l'employant tout entierement à l'obéissance de sa volonté par les moyens qui me seront enseignez..

  A003001630 

 Je vous supplie, ô Dieu, d'avoir agreable mes souhaits et mes vœuz, et de donner vostre sainte benediction à mon ame, à celle fin qu'elle les puisse accomplir par le merite du sang de vostre Fils respandu sur la Croix etc..

  A003001640 

 Combien de fois vous a il donné ses Sacremens? combien de fois des inspirations, des lumieres interieures, des reprehensions pour vostre amandement? combien de fois vous a il pardonné vos fautes, combien de fois delivree des occasions de vous perdre où vous estiez exposee? Et ces annees passees, n'estoient ce pas un loisir et commodité de vous avancer au bien de vostre ame? voyez un peu par le menu, combien Dieu vous a esté doux et gracieux..

  A003001648 

 Ah doncques retirez, Philothee, vostre corps de telles et telles voluptés: rendez le subject au service de Dieu, qui a tant fait pour luy: appliquez vostre ame à le cognoistre, et recognoistre par tels et tels exercices qui sont requis pour cela: employez soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu; ouy, je frequenteray l'oraison, les Sacremens, j'escouteray la sainte parolle, je pratiqueray les inspirations..

  A003001653 

 Priez le qu'il vous fortifie pour les pratiquer fidellement par le merite de la mort de son Fils, implorez l'intercession de la Vierge et des Saincts.

  A003001662 

 Considerez vos mauvaises inclinations, et combien vous les avez suivies: et par ces deux poincts vous verrez que vos coulpes sont en plus grand nombre que les cheveux de vostre teste, voire, que le sable de la mer..

  A003001662 

 Pensez combien il y a que vous commencez à pecher, et voyez combien dés ce premier commancement là, les pechez se sont multipliez en vostre cœur: comme tous les jours vous les avez acreu contre Dieu, contre vous mesme, contre le prochain, par œuvre, par parolle, par desir et pensee.

  A003001663 

 Considerez à part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general qui s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyez donques combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous vous avez abusé contre le donateur; singulierement combien d'inspirations mesprisées, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003001694 

 Puis que je ne sçay l'heure en laquelle il te faut quiter, ô monde je ne me veux point atacher à toy: ô mes chers amys, mes cheres aliances permettez moy que je ne vous affectionne plus, que par une amitié sainte, laquelle puisse durer eternellement: car pourquoy m'unir à vous en sorte qu'il faille quitter et rompre la liaison? [34*].

  A003001699 

 Remerciez Dieu de ces resolutions qu'il vous a donnees: offres les à sa Majesté: suppliez la derechef, qu'elle vous rende vostre mort heureuse, par le merite de celle de son Fils: implorez l'ayde de la Vierge, des Saincts.

  A003001711 

 Ce souverain Juge par son commandement redoutable, et qui sera soudain executé, separera les bons des mauvais, mettant les uns à sa droitte, les autres à sa gauche; separation eternelle, et apres laquelle jamais plus ces deux bandes ne se treuveront ensemble.

  A003001714 

 Considerez la sentence contraire des bons: Venez, dit le Juge, (ah c'est le mot agreable de salut par lequel Dieu nous tire à soy, et nous reçoit dans le giron de sa bonté) benis de mon Pere: ô chere benediction, qui comprend toute benediction! possedez le Royaume qui vous est preparé, dés la constitution du monde: ô Dieu, quelle grace? car ce Royaume n'aura jamais fin..

  A003001740 

 Espouvantez vostre ame par les parolles de Job.

  A003001754 

 Considerez en fin, quel bien ils ont tous de jouïr de Dieu, qui les gratifie pour jamais de son amiable regard, et par iceluy respend dedans leur cœur un abisme de delices.

  A003001774 

 Vous estant colloquée ainsi par imagination, et mise à genoux devant vostre bon Ange:.

  A003001777 

 Et encor que l'un, et l'autre soit ouvert pour vous recevoir selon que vous le choisirez, si est ce que Dieu qui est appareillé de vous donner, ou l'un par sa justice, ou l'autre par sa misericorde, desire neantmoins d'un desir nompareil que vous choisissiez le Paradis, et que vostre bon Ange vous en presse de tout son pouvoir, vous offrant de la part de Dieu mille graces, et mille secours pour vous ayder à la montee..

  A003001778 

 Qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montés, il verra que nous sommes venus en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003001793 

 Imaginez vous d'estre derechef en une raze campagne avec vostre bon Ange toute seule, et à costé gauche vous voyez le diable assis sur un grand trosne haut eslevé avec plusieurs des [41*] esprits infernaux au pres de luy, et tout autour de luy une grande troupe de mondains, qui tous à teste nue le reconnoissent, et luy font hommage: les uns par un peché, les autres par un autre.

  A003001793 

 Voyez comme ils sont tous sans repos, sans ordre, et sans contenance, voyez comme ils se mesprisent les uns les autres, comme ils ne s'aiment les uns les autres que par des faux semblans.

  A003001794 

 Mais sur tout voyez le rang de plusieurs personnes mariées qui vivent si doucement ensemble avec un respect mutuel, qui ne peut estre sans une grande charité: voyez comme ces devotes ames marient le soing de leur maison exterieure avec le soing de l'interieure: l'amour du mary avec celuy de l'Espoux celeste: regardez generallement par tout: vous les verrez tous avec une contenance douce, devote, amiable, qu'ils escoutent nostre Seigneur, et tous le voudroient planter au milieu de leur cœur.

  A003001795 

 Vous avez meshuy quitté le premier Roy avec sa triste, et mal heureuse troupe, par les bonnes affections que vous avez conceues, et neantmoins vous n'estes pas encore arrivee au second Roy, ny jointe à son heureuse, et sainte compagnie de devots: mais vous estes entre l'un et l'autre..

  A003001797 

 Le Roy crucifié vous appelle par vostre nom propre: venez, ô ma bien aymee, venez à fin que je vous couronne.

  A003001809 

 C'est pourquoy je vous presente une simple et briefve methode de [43*] pratiquer, en attendant que par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont estez composez sur ce sujet, et sur tout par l'usage vous en puissiez estre plus amplement instruite..

  A003001809 

 Ces Meditations sont propres pour vous conduire à une vraye contrition: mais vous ne sçavez peut estre pas, ô Philothee, comme il faut faire l'exercice de la saincte Meditation: car c'est une chose, laquelle par malheur peu de gens sçavent en nostre aage.

  A003001811 

 Ce fut l'apprehension de David quand il s'escrioit: Si je monte au Ciel, ô mon Dieu, vous y estes; si je descends en enfer vous y estes: et ainsi nous devons user des parolles de Jacob, lequel ayant veu l'eschelle sacree: ô que ce lieu, dit il, est redoutable; vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien: il veut dire qu'il n'y pensoit pas, car au reste il ne pouvoit ignorer que Dieu ne fut en tout, et par tout.

  A003001811 

 Le premier gist en une vive, et attentive aprehension de la toute-puissance de Dieu; c'est à dire que Dieu est en tout, et par tout, et qu'il n'y a lieu ny chose au monde où il ne soit, d'une tres veritable presence: de sorte que comme les oyseaux où qu'ils volent rencontrent tousjours l'air, ainsi où que nous allions, où que nous soyons nous trouvons Dieu present: chacun sçait cette verité, mais chacun n'est pas attentif à l'apprehender.

  A003001812 

 Le second moyen de se mettre en cette sacrée presence, c'est de penser, que non seulement Dieu est au lieu où vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur, et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie, et anime de sa divine presence, estant là comme le cœur de vostre cœur, et l'esprit de vostre esprit: car comme l'ame est respandue par tout le corps, se trouvant presente [44*] en toutes les parties d'iceluy, et reside neantmoins au cœur d'une specialle residence: de mesme Dieu estant tres present à toutes choses, assiste toutefois d'une specialle façon à nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et sainct Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons, et sommes en Dieu.

  A003001813 

 S. Estienne le vist ainsi au temps de son martyre: si que nous pouvons bien dire avec l'Espouse: Le voilà qu'il est derriere la paroy, voyant par les fenestres, regardant par les treillis..

  A003001821 

 Or par le moyen de cette imagination nous enfermons nostre esprit dans le mystere que nous voulons mediter, afin qu'il n'aille pas courant ça, et là, ne plus ne moins que l'on enferme un oyseau dans une cage, ou bien comme l'on attache l'espervier à ses longes afin qu'il demeure dessus le poing.

  A003001821 

 Par exemple si vous voulez mediter nostre Seigneur en croix, vous vous imaginerez d'estre au mont de Calvaire, et que vous voyez tout ce qui se fait, et tout ce qui se dit.

  A003001825 

 Ayant doncques enfermé vostre esprit, comme j'ay dit, dans l'enclos du sujet que vous voulez mediter, ou par imaginations, si le sujet est sensible, ou par la simple proposition, s'il est insensible, vous commencerez à faire sur iceluy des considerations, dont vous verrez des exemples tous formez es meditations, que je vous ay données.

  A003001833 

 Or je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustez une resolution specialle en cette sorte: or sus doncques je ne me picqueray plus des parolles facheuses, [49*] qu'un tel, et une telle, mon voisin ou ma voisine, mon domestique, ou ma domestique disent de moy, ny de tel et tel mespris qui m'est fait par cestuy cy ou cestuy là: au contraire je diray, et feray telle, et telle chose pour le gaigner, et adoucir, et ainsi des autres affections.

  A003001833 

 Par ce moyen, Philothee, vous corrigerez vos fautes en peu de temps, là où par les seules affections vous le ferez tard, et malaisement..

  A003001833 

 Par exemple la premiere parolle que nostre Seigneur dit sur la Croix respendra sans doute une bonne affection en vostre ame de pardonner à vos ennemis, et de les aimer.

  A003001837 

 En fin il faut conclure la meditation par ces trois actions qu'il faut faire avec le plus d'humilité que l'on peut: dont la premiere c'est l'action de graces, remerciant Dieu des affections, et resolutions qu'il nous a données, et de sa bonté, et misericorde que nous aurons decouvertes au mystere de la meditation; la seconde c'est l'action d'offrande, par laquelle nous offrons à Dieu sa mesme bonté, et misericorde, la mort, le sang, les vertus de son Fils: et conjointement nos affections, et resolutions: et la troisiesme action est celle de la supplication, par laquelle nous demandons à Dieu, et le conjurons de nous communiquer les graces, et vertus de son Fils, et de donner sa benediction à nos affections et resolutions, afin que nous les puissions bien fidellement executer: nous prions de mesme pour l'Eglise, pour nos pasteurs, parens, amis, et autres, employans à mesme intention l'intercession de nostre Dame, des Anges, des Saincts: en fin j'ay marqué qu'il falloit dire le Pater noster et Ave Maria..

  A003001838 

 Ceux qui se sont promenez en un beau jardin n'en sortent pas volontiers, sans prendre en leur main quatre ou cinq fleurs pour les odorer et sentir le long de la journée: ainsi nostre esprit ayant discouru sur quelque mystere par la meditation, nous devons choisir, un, ou deux, ou trois poincts que nous aurons treuvez plus à nostre goust, et plus propres à nostre amendement, pour nous en resouvenir le reste de la journee, et les odorer spirituellement.

  A003001842 

 Il faut donc par tous moyens s'essayer de les pratiquer, et en chercher les occasions petites ou grandes.

  A003001842 

 Par exemple si j'ay resolu de gaigner par douceur l'esprit de ceux qui m'offencent, je chercheray ce jour là de les rencontrer pour les salüer amiablement: et si je ne les puis rencontrer, au moins de dire bien d'eux, et prier Dieu en leur faveur..

  A003001844 

 Ce que je dis non seulement pour les autres affections, mais aussi pour l'action de graces, l'offrande et la priere, qui se peuvent faire parmy les considerations: et ne les faut non plus retenir que les autres affections; bien que par apres pour la conclusion de la meditation il faille les repeter, et reprendre.

  A003001849 

 Autre fois prenez un livre en main, et le lisez avec attention, jusques à ce que vostre esprit soit reveillé, et remis en vous; piqués quelque fois vostre cœur par quelque contenance, et mouvement de devotion exterieure, vous prosternant en terre, croisant les mains sur l'estomach, embrassant un crucifix: cela s'entend si vous estes en quelque lieu retiré.

  A003001849 

 Mais s'il ne luy plait pas de nous faire cette grace, nous laissant là sans nous parler, non plus que s'il ne nous voyoit pas, et que nous ne fussions pas en sa presence: nous ne devons pourtant pas sortir, ains au contraire nous devons demeurer là devant cette souveraine bonté, avec un maintien devotieux, et paisible, et lors infalliblement il agreera nostre patience, et remarquera nostre assiduité, et perseverence: si que une autre fois quand nous reviendrons devant luy, il nous favorisera, et s'entretiendra avec nous par ses consolations, nous faisant voir l'amenité de la sainte Oraison.

  A003001849 

 Que s'il plait à sa divine Majesté de nous parler, et s'entretenir avec nous par ses sainctes inspirations, et consolations interieures, ce nous sera sans doute un grand honneur, et un plaisir tres delicieux.

  A003001853 

 Voyla doncq, ma chere Philothee, les meditations requises à nostre intention, et quant et quant la façon, et methode avec laquelle vous les devez faire; quand vous les aurez faittes, allez alors courageusement en esprit d'humilité faire vostre confession generalle: mais je vous prie ne vous laissez point troubler par aucune sorte d'apprehension.

  A003001855 

 Prenez par apres en main la protestation suyvante laquelle sert de conclusion à toute vostre contrition, et que vous devez avoir premierement meditée et considerée; lises la attentivement, et avec le plus de ressentiment qu'il vous sera possible..

  A003001859 

 Apres avoir encor consideré qu'au jour de mon sacré baptesme je fus si heureusement, et saintement vouée, et dediée à mon Dieu, pour estre sa fille: et que contre la profession qui fut alors faitte en mon nom j'ay tant et tant de fois, si malheureusement, et detestablement profané, et violé mon esprit, l'apliquant, et employant contre la divine Majesté: en fin revenant maintenant à moy mesme, prosternee de cœur et d'esprit devant le trosne de la justice divine, je me recognois, advoüe, et confesse pour legitimement atteinte, et convaincue du crime de leze majesté divine, et coulpable de la mort, et passion de Jesus Christ, à raison des pechez que j'ay commis, pour lesquels il est mort, et a souffert le tourment de la croix, dont je suis digne par consequent d'estre à jamais perdue, et damnée..

  A003001859 

 Mais sur tout ayant pensé, et consideré sur cette incomprehensible douceur, et clemence avec laquelle ce tres-bon Dieu m'a si benignement tollerée en mes iniquitez, si souvent, et si amiablement inspiree, me conviant à m'amander, et si patiemment attendue à penitence, et repentence, jusques à cette N. annee de mon eage, nonobstant toutes mes ingratitudes, desloyautez, et infidelitez, par lesquelles differant ma conversion, et mesprisant ses graces, je l'ay si impudemment offencé.

  A003001861 

 Mais helas si par suggestion de l'ennemy, ou par quelque infirmité humaine, il m'arrivoit de contrevenir en chose quelconque à ceste mienne resolution et consecration, je proteste dés maintenant et me propose, moyennant la grace du Sainct Esprit, de m'en relever, si tost que je m'en appercevray, me convertissant derechef à la misericorde divine, sans retardation ny dilation quelconque: cecy est ma volonté, mon intention et ma resolution inviolable et irrevocable, laquelle j'advouë et confirme sans reserve ny exception, en la mesme presence sacree de mon Dieu, à la veuë de l'Eglise triomphante, et en la face de l'Eglise militante ma mere, qui entend ceste mienne declaration, en la personne de celuy qui comme officier d'icelle m'escoute en cette action.

  A003001865 

 O Dieu, Philothee, que voila un contract admirable, par lequel vous faites un heureux traité avec sa divine Majesté, puis qu'en vous donnant vous mesme à elle, vous la gaignez, et vous mesme aussi pour la vie eternelle! Il ne reste plus sinon que prenant la plume en main, vous signiez de bon cœur l'acte de vostre protestation, et que par apres vous alliez à l'autel, où Dieu reciproquement signera et seellera vostre absolution, et la promesse qu'il vous fera de son Paradis, se mettant luy mesme par son Sacrement comme un cachet et seau sacré sur vostre cœur renouvellé.

  A003001871 

 Si vous estiez du monde, dit le Sauveur, le monde aimeroit ce qui est sien: mais [59*] parce que vous n'estes pas du monde, par tant il vous hayt.

  A003001872 

 Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ny beuvant, et vous dites qu'il est endiablé: le Fils de l'homme est venu en mangeant et beuvant, et vous dites qu'il est Samaritain! Il est vray, Philothee, si nous nous relaschons par condescendance, à rire, joüer, ou dancer avec le monde, il s'en scandalisera: si nous ne le faisons pas, il nous accusera d'hypocrisie ou melancolie; si nous nous parons, il l'interpretera à quelque dessein: si nous nous demettons, ce sera pour luy vileté de cœur; nos gayetez seront par luy nommées dissolutions, et nos mortifications tristesses, et nous regardant ainsi de mauvais œil, jamais nous ne pouvons luy estre agreables.

  A003001874 

 Ce ne nous est pas une petite commodité pour bien asseurer le commencement de nostre devotion, que d'en recevoir de l'opprobre et de la calomnie; car nous esvitons par ce moyen le peril de la vanité et de l'orgueil, qui sont comme les sages femmes d'Egypte, ausquelles le Pharaon infernal a ordonné de tuer les enfans masles d'Israël, le jour mesme de leur naissance.

  A003001879 

 Mais si commençons nous à prendre forme par nos desirs et resolutions: les aisles nous commencent à sortir: il faut doncque esperer qu'un jour nous serons abeilles spirituelles, et que nous volerons.

  A003001879 

 Mais vous voyez que la montagne de la perfection Chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites vous, comme y pourray-je monter? Courage, Philothee, quand les petits mouchons des abeilles commencent à prendre forme on les appelle nymphes: et lors ils ne sçauroient encor voler sur les fleurs, ny sur les monts, ny sur les collines voisines, pour amasser le miel: mais petit à petit se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petits nymphes prenent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ils volent à la queste par tout le paysage.

  A003001884 

 Par exemple, c'est autre chose de mentir une fois ou deux de gayeté de cœur en chose de peu d'importance, et autre chose de se plaire à mentir, et d'estre affectionnée à cette sorte de peché..

  A003001884 

 Vous descouvrirez donc, ma chere Philothee, qu'outre les pechez mortels, et les affections des pechez mortels, dont vous avez esté purgée par les exercices marquez en la premiere Partie, vous avez encore en vostre ame plusieurs inclinations, et affections aux pechez veniels.

  A003001886 

 Mais si ces mesmes pechez demeurent dans l'ame par l'affection qu'elle y met, ils luy font perdre sans doute la suavité de l'onguent, c'est à dire la sainte devotion..

  A003001887 

 Mais cela s'entend quand le peché veniel sejourne en nostre conscience par l'affection que nous y mettons.

  A003001896 

 Il n'y a point aussi de naturel si revesche qui par la grace de Dieu premierement, puis par l'industrie et diligence ne puisse estre dompté et surmonté.

  A003001896 

 Je m'en vais doncques maintenant vous donner des advis, et proposer des exercices, par le moyen desquels vous pourrez purger vostre ame des affections des pechez veniels, des affections dangereuses, et des imperfections.

  A003001896 

 On a bien treuvé le moyen de changer les amendiers amers en amendiers doux, en les perçant seulement au pied pour en faire sortir le suc; pourquoy est ce que nous ne pourrons pas faire sortir nos inclinations perverses pour devenir meilleurs? Il n'y a point de si bon naturel qui ne puisse estre rendu mauvais par les habitudes vicieuses.

  A003001896 

 Or quoy qu'elles soient comme propres et naturelles à un chacun, si est ce que par le soing et affection contraire on les peut corriger et moderer: et mesme on peut s'en delivrer et purger: et je vous dis, Philothee, qu'il le faut faire.

  A003001896 

 Par exemple, saincte Paule selon le recit de sainct Hierosme avoit une grande inclination aux tristesses et regrets: si que en la mort de ses enfans et de son mary elle courut tousjours fortune de mourir de desplaisir: cela c'estoit une imperfection, et non point un peché, puis que c'estoit contre son gré et sa volonté.

  A003001900 

 Il n'y a rien qui purge tant nostre entendement de ses ignorances et nostre volonté de ses affections depravées, c'est l'eau de benediction qui par son arrousement fait reverdir et fleurir les plantes de nos bons desirs, lave nostre ame de ses imperfections, et desaltere nos cœurs de leurs passions..

  A003001901 

 En fin les enfans a force d'ouïr parler leurs meres, et de begayer avec elles apprennent à parler leur langage: et nous demeurans prés du Sauveur par la meditation, observant ses parolles, ses actions, et ses affections, nous apprendrons moyennant sa grace à parler, faire, et vouloir comme luy.

  A003001901 

 Et tout ainsy que la glace d'un miroiter ne sçauroit arrester nostre veuë, si elle n'estoit enduyte d'estain, ou de plomb par derriere, ainsi la Divinité [67*] ne pourroit estre bien contemplée par nous en ce bas monde, si elle ne se fust jointe à la sacrée humanité du Sauveur, duquel la vie et la mort sont l'object le plus proportionné, soüefve, delicieux, et profitable que nous puissions choisir pour nostre meditation ordinaire, Le Sauveur ne s'appelle pas pour neant le pain descendu du Ciel.

  A003001901 

 Il faut s'arrester là, Philothee, et croyez moy, nous ne sçaurions aller à Dieu le Pere que par ceste porte.

  A003001901 

 Mais sur tout je vous conseille la mentale et cordiale, et particulierement celle qui se fait autour de la vie et passion de nostre Seigneur; en la regardant souvent par la meditation, toute vostre ame se remplira de luy, vous apprendrez ses contenances, et formerez vos actions au modelle des siennes: il est la lumiere du monde: c'est doncques en luy, par luy, et pour luy que nous devons estre esclairez et illuminez: c'est l'arbre de desir, à l'ombre duquel nous nous devons rafraischir: c'est la vive fontaine de Jacob pour le lavement de toutes nos soüilleures.

  A003001902 

 Sa vie et mort a esté disposée et distribuée en divers poincts, pour servir à la meditation, par plusieurs autheurs: ceux que je vous conseille sont sainct Bonaventure, Bellintani, Brune, Capilia..

  A003001904 

 Au sortir de cette oraison cordiale, il vous faut prendre garde de ne point donner de secousse à vostre cœur: car vous espancheriez le baume que vous avez receu par le moyen de l'oraison.

  A003001905 

 Commencez toutes sortes d'oraisons, soit mentale, soit vocale par la presence de Dieu, et tenez ceste reigle sans exception: et vous verrez dans peu de temps combien elle vous sera profitable..

  A003001910 

 Que si toute la journée vous ne pouvies la faire, il faut reparer ceste perte, multipliant les oraisons jaculatoires, et par la lecture de quelque livre de devotion, avec quelque penitence qui empeschast la suytte de cette negligence, et avec cela faire une forte resolution de se remettre en train le jour suyvant..

  A003001917 

 Par exemple, si je prevoy de devoir traitter de quelque affaire avec une personne passionnée et prompte à la colere, non seulement je me resoudray de ne point me relascher à l'offencer, mais je prepareray des parolles de douceur pour le prevenir, ou l'assistance de quelque personne qui le puisse contenir.

  A003001917 

 Prevoyez quelles affaires, quels commerces, et quelles occasions vous pouvez rencontrer ceste journee là pour servir Dieu: et quelles tentations vous pourront survenir de l'offencer, ou par colere, ou par vanité, ou par quelque autre desreglement: et par une saincte resolution preparez vous à bien employer les moyens qui se doivent offrir à vous de servir Dieu, et advancer vostre devotion: comme au contraire disposez vous à bien esviter, combattre et vaincre ce qui peut se presenter contre vostre salut et la gloire de Dieu.

  A003001918 

 Et comme si vous teniez vostre cœur en voz mains, offrez le avec tous vos bons desseins, à la divine Majesté, la suppliant de le prendre en sa protection, et le fortifier pour bien reussir en son service, et ce par telles ou semblables parolles interieures.

  A003001918 

 O Seigneur, voila ce pauvre et miserable cœur, qui par vostre bonté a conceu plusieurs bonnes affections; mais helas il est trop foible, et chetif pour effectuer le bien qu'il desire, si vous ne luy departez vostre celeste benediction, laquelle à cette intention je vous requiers, ô Pere debonnaire, par le meritede la passion de vostre Fils, à l'honneur duquel je consacre cette journée, et le reste de ma vie.

  A003001919 

 Mais toutes ces actions spirituelles se doivent faire briefvement et [71*] vivement, devant que l'on sorte de la chambre, s'il est possible: affin que par le moyen de cest exercice tout ce que vous ferez le long de la journée soit arrousé de la benediction de Dieu: mais je vous prie, Philothee, de n'y manquer jamais..

  A003001923 

 Comme devant vostre disné temporel, vous ferez le disné spirituel par le moyen de la meditation: ainsi avant vostre souper, il vous faut faire un petit souper, au moins une collation devote, et spirituelle.

  A003001923 

 Gaignez donques un peu devant l'heure du souper quelque loisir, auquel vous prosternant devant Dieu, et ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerez par une simple considération, et œillade interieure) r'allumez le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations, et eslancemens amoureux que vous ferez sur ce divin Sauveur de vostre ame: ou bien en repetant les poincts que vous aurez plus savourez en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymerez mieux..

  A003001925 

 Cest exercice icy ne doit jamais estre oublié, non plus que celuy du matin: car par celuy du matin vous ouvrez les fenestres de vostre ame au Soleil de justice, et par celuy du soir vous les fermez aux tenebres de l'enfer..

  A003001929 

 R'apellez le plus souvent que vous pourrez parmy la journee vostre esprit en la presence de Dieu, par l'une des quatre façons que je vous ay marquées: et regardez ce que Dieu fait, et ce que vous faites; vous verrez ses yeux tournez de vostre costé, et perpetuellement fichez sur vous par une amour incomparable.

  A003001931 

 Admirez sa beauté, invoquez son aide, jettez vous au pied de sa Croix: embrassez sa bonté, interrogez le souvent de vostre salut, donnez luy mille fois le jour vostre ame, fichez vos yeux interieurs par un simple regard sur sa douceur, tandez luy la main, comme un petit enfant à son pere, afin qu'il vous conduise: bref, tenez le sur vostre poitrine comme un bouquet, plantez le dans vostre cœur comme un estendard, et faites mille sortes de divers mouvemens de cœur pour vous donner de l'amour de Dieu, et vous exciter à une passionnée et tendre dilection de ce divin Espoux de vostre ame.

  A003001931 

 Aspirez aussi bien souvent en Dieu par des courts, mais ardans eslancemens de vostre cœur.

  A003001932 

 Plusieurs ont ramassé des petites aspirations vocales pour dire à cette intention, et vrayement elles sont fort utiles: mais par mon advis vous ne vous astreindrez à nulle sorte de paroles, ains prononcerez celles que le cœur vous dictera sur le champ; car l'amour vous en fournira tant que vous voudrez.

  A003001933 

 En fin comme ceux qui sont amoureux d'un amour humain et naturel, ont presque tousjours leurs pensees tournées du costè de la chose aimée, leur cœur plein d'affection à icelle, et leur bouche pleine de ses louanges: et qu'en absence ils ne perdent point d'occasion de representer leurs affections par lettres, et ne treuvent point d'arbre sur l'escorce duquel ils n'escrivent le nom de ce qu'ils aiment; ainsi ceux qui ayment Dieu ne peuvent cesser de penser, et aspirer en luy, de parler de luy: et voudroient s'il estoit possible graver sur la poitrine de toutes les personnes du monde le sainct, et sacré nom de Jesus..

  A003001935 

 Il peut suppleer au defaut de toutes les autres oraisons: mais le manquement d'iceluy ne peut presque point estre reparé par aucun autre moyen.

  A003001939 

 Je ne vous ay encor point parlé du Soleil des exercices spirituels, qui est le tres-sainct, tres-sacré et tres-souverain Sacrifice, et Sacrement de la Messe, centre de la religion Chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere inefable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement à nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003001940 

 L'oraison faite en l'union de ce divin Sacrifice a une force [76*] indicible: de sorte, Philothee, que l'ame par iceluy abonde en celestes faveurs, comme appuyée sur son Bien-aymé, qui la rend si pleine d'odeurs et suavitez spirituelles qu'elle ressemble à une colonne de fumee de bois aromatiques, de la mirrhe, de l'encens, et de toutes les poudres du parfumeur, comme il est dict és Cantiques..

  A003001941 

 Tousjours les Anges en grand nombre s'y treuvent presens, comme dit sainct Jean Chrisostome, pour honnorer ce sainct mistere: et nous y treuvans avec eux, et avec mesme intention, nous ne pouvons que recevoir beaucoup d'influences propices, par une telle societé, Les cœurs de l'Eglise triumphante, et de l'Eglise militante se viennent attacher et joindre à nostre Sauveur en ce mystere, pour avec luy, en luy et par luy ravir le cœur de Dieu le Pere, et rendre sa misericorde toute nostre.

  A003001942 

 Si par quelque force forcée vous ne pouvez pas vous rendre presente à la celebration de ce souverain Sacrifice, d'une presence reelle, au moins faut il que vous y portiez vostre esprit, pour y assister d'une presence spirituelle.

  A003001943 

 Depuis la Communion jusques à la fin, remerciez sa divine Majesté de son Incarnation, de sa vie, de sa mort, et de sa Passion, et de l'amour qu'il nous tesmoigne en ce sainct Sacrifice, le conjurant par iceluy de vous estre à jamais propice, à vos parens, à vos amis, et à toute l'Eglise..

  A003001943 

 Depuis le Pater noster jusques à la Communion, efforcez vous de faire sortir mille desirs de vostre cœur: souhaittaut ardamment d'estre à jamais jointe et unie à vostre Sauveur par amour eternel.

  A003001943 

 Depuis que le Prestre est à l'autel jusques à l'Evangile, considerez la venuë et la vie de nostre Seigneur en ce monde, par une simple et generale consideration.

  A003001944 

 Mais si vous voulez pendant la Messe faire vostre meditation sur les mysteres que vous allez suivant de jour en jour, il ne sera nullement requis que vous vous divertissiez à faire les particulieres actions que je viens de marquer, ains suffira qu'au commencement vous dressiez vostre intention à vouloir adorer et offrir ce sainct Sacrifice par l'exercice de vostre meditation et oraison, puis qu'en toute meditation se treuvent les actions susdictes, ou expressement, ou tacitement et virtuellement.

  A003001948 

 Vous sentirez mille douceurs de devotion par ce moyen, comme faisoit sainct Augustin, qui tesmoigne en ses Confessions, que oyant les divins offices au commencement de sa conversion, son cœur se fondoit en suavité, et ses yeux en larmes de pieté.

  A003001949 

 Entrez volontiers aux Confrairies du lieu où vous estes, et particulierement en celles, desquelles les exercices apportent plus de fruict et d'edification: car en cela vous ferez une sorte d'obéissance fort agreable à Dieu: d'autant qu'encor que les Confrairies ne soyent pas commandées, elles sont neantmoins recommandées par l'Eglise: laquelle pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enrollent, donne des Indulgences et autres privileges aux Confraires.

  A003001954 

 Les sainctes ames des Trespassez qui sont en Paradis avec les Anges, et comme dit nostre Seigneur, esgales et pareilles aux Anges, font aussi le mesme office d'inspirer en nous, et d'aspirer pour nous par leurs sainctes oraisons..

  A003001954 

 Puisque Dieu nous envoye bien souvent les inspirations par ses Anges, nous devons aussi luy renvoyer frequemment nos aspirations par la mesme entremise.

  A003001955 

 Ma Philothee, joignons nos cœurs à ces celestes esprits et ames bien heureuses: car comme les petits rossignols apprennent à chanter avec les grands, ainsi par le sainct commerce que nous ferons avec les Saincts, nous sçaurons bien mieux prier et chanter les louanges divines.

  A003001956 

 Honnorez, reverez, et respectez d'un amour special la sacrée et glorieuse Vierge Marie: elle est Mere de nostre souverain Pere, et par consequent nostre grand Mere.

  A003001964 

 Ne laissez pas de vous confesser humblement et devotement tous les huict jours: et tousjours quand vous communierez, encor que vous ne sentiez point en vostre conscience aucun reproche de peché mortel; car par la confession vous ne recevez pas seulement l'absolution des pechez veniels que vous confesserez: mais aussi une [81*] grande force pour les esviter à l'advenir, une grande lumiere pour les bien discerner, et une grace abondante pour effacer toute la perte qu'ils vous avoyent apportée.

  A003001966 

 Plusieurs se confessans par coustume des pechez veniels, et comme par maniere d'adjancement, sans penser nullement à s'en corriger, en demeurent toute leur vie chargez, et par ce moyen perdent beaucoup de biens et proffits spirituels.

  A003001967 

 Et bien, accusez vous doncques de ceste particularité, et dites: ayant veu un pauvre necessiteux, je ne l'ay pas secouru comme je pouvois, par negligence, ou par dureté de cœur, [82*] ou par mespris, selon que vous cognoistrez l'occasion de ceste faute.

  A003001967 

 Ne faictes seulement ces accusations superfluës que plusieurs font par routine.

  A003001967 

 Par exemple, vous vous accusez de n'avoir pas chery le prochain tant comme vous deviez: c'est peut estre, parce qu'ayant veu quelque pauvre fort necessiteux que vous pouviez fort aisement secourir et consoler, vous n'en avez eu nul soing.

  A003001968 

 N'espargnez point de dire ce qui est requis pour bien faire entendre la qualité de vostre offence, comme seroit à dire, le sujet que vous avez eu de vous mettre en colere, ou de suporter quelqu'un en son vice: par exemple, un homme lequel me desplait, me dira quelque legere parolle pour rire: je le prendray en mauvaise part, et me mettray en colere.

  A003001968 

 Par exemple, ne vous contantez pas de dire que vous avez menty sans interesser personne, mais dites si ç'a esté ou par vaine gloire, afin de vous louer, et excuser, ou par vaine joye, ou par opiniastreté.

  A003001969 

 Ne changez pas aysement de Confesseur; mais en ayant choisi un, continuez à luy rendre conte de vostre conscience aux jours qui sont destinez pour cela, luy disant nayvement les pechez que vous aurez commis, et de temps en temps, comme seroit de mois en mois, ou de deux mois en deux mois dittes luy encore l'estat de vos inclinations quoy que par icelles vous n'ayez pas peché.

  A003001973 

 O Philothee, les Chrestiens qui seront damnés demeureront sans replique lors que le juste Juge leur fera veoir le tort qu'ils ont eu de mourir spirituellement, puis qu'il leur estoit aysé de se maintenir en vie, et en santé par la manducation de son corps qu'il leur avoit laissé à cette intention.

  A003001973 

 On dit que Mitridates Roy de Ponte ayant inventé le mitridat, renforça tellement son corps par icelluy, que s'essayant par apres de s'empoisonner pour esviter la servitude des Romains, jamais il ne luy fut possible.

  A003001973 

 Si que, comme les hommes demeurans au Paradis terrestre pouvoient ne mourir point, selon le corps par la force de ce fruict vital, que Dieu y avoit mis; ainsi peuvent ils ne point mourir spirituellement par la vertu de ce Sacrement de vie.

  A003001974 

 Ce seroit imprudence de conseiller indistinctement à un chacun cet usage si frequent: mais ce seroit aussi une impudence de blasmer aucun pour iceluy, et sur tout quand il le feroit par l'advis de quelque digne Pere spirituel, La responce de sainte Catherine de Sienne fut gracieuse, quand luy estant opposé à raison de sa frequente Communion que sainct Augustin ne loüoit ny ne vituperoit de communier tous les jours: Et bien, dit elle, puis que S. Augustin ne le vitupere pas, je vous prie que vous ne le vituperiés pas aussi, et je me contante..

  A003001974 

 Et parce que cette disposition là quoy que exquise se peut treuver en plusieurs bonnes ames; il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader generallement un chacun, ains cela se doit traitter par la consideration de l'estat interieur d'un chacun en particulier.

  A003001976 

 Par exemple, si vous estes en quelque sorte de subjection, et que ceux à qui vous devez de l'obeïssance ou de la reverence soyent si mal instruits ou si bigearres qu'ils s'inquietent et troublent de vous voir si souvent communier, à l'adventure toute chose considerée, sera il bon de condescendre en quelque sorte à leur infirmité, et ne communier que de quinze jours en quinze jours: mais cela s'entend en cas qu'on ne puisse nullement vaincre la difficulté.

  A003001984 

 Commencez le soir precedant à vous preparer à la saincte Communion, par plusieurs aspirations et eslancemens d'amour, vous retirant un peu de meilleure heure, afin de pouvoir aussi lever plus matin.

  A003001984 

 Et apres que vous aurez dit les parolles sacrées, (Seigneur je ne suis pas digne) ne remuez plus vostre teste, ny vos levres, soit pour prier, soit pour souspirer: mais ouvrant doucement et mediocrement vostre bouche, et eslevant vostre teste autant qu'il faut pour donner commodité au Prestre pour voir ce qu'il faict, recevez pleine de foy, d'esperance et de charité, Celuy, lequel, auquel, par lequel, et pour lequel vous croyez, esperez et aymez.

  A003001984 

 Que si la nuict vous vous resveillez, remplissez soudain vostre cœur et vostre bouche de quelques parolles odorantes, par le [88*] moyen desquelles vostre ame soit parfumee pour recevoir l'Espoux, lequel veillant pendant que vous dormez se prepare à vous apporter mille graces et faveurs, si de vostre part vous estes disposee à les recevoir: le matin levez vous avec grande joye pour le bon-heur que vous esperez: et vous estant confessée allez avec grande confiance, mais aussi avec grande humilité prendre ceste viande celeste qui vous nourrit à l'immortalité.

  A003001985 

 Mais quand vous ne pourrez pas avoir le bien de communier reellement à la saincte Messe, communiez au moins de cœur et d'esprit, vous unissant par un ardant desir et une saincte confiance à ceste chair vivifiante du Sauveur..

  A003001986 

 Non, le Sauveur ne peut estre consideré en une action, ny plus amoureuse, ny plus tendre que celle-cy: en laquelle il s'aneantit, par maniere de dire, et se reduit en viande, afin de penetrer et s'unir intimement au cœur et au corps de ses fidelles.

  A003001987 

 Dites leur que vous recevez souvent le S. Sacrement pour apprendre à le bien recevoir, par ce que l'on ne faict guiere bien une action à laquelle on ne s'exerce pas souvent..

  A003001988 

 Communiez souvent, Philothee, et le plus souvent que vous pourrez avec l'advis de vostre Pere spirituel: et croyez moy, les lievres deviennent blancs parmy nos montagnes en hyver, par ce que ils ne voyent ny ne mangent que de la neige.

  A003001997 

 Obeissez és choses indifferentes, comme à porter tel ou tel habit, aller par un chemin ou par un autre, chanter ou se taire: et ce sera une obeïssance desja fort recommandable.

  A003001997 

 Par la necessaire vous devez humblement obeïr à vos superieurs Ecclesiastiques, comme au Pape, à l'Evesque, au Curé, et à ceux qui sont commis de leur part.

  A003002000 

 Nous appelions obeissance volontaire, celle à laquelle nous nous obligeons par nostre propre election, et laquelle ne nous est point imposee par autruy.

  A003002000 

 Or soit qu'en le choisissant on face vœu d'obeir (comme il est dit que la mere Therese outre l'obeissance solemnellement vouée au superieur de son Ordre, s'obligea par un vœu simple d'obeïr au pere Gratien), ou que sans vœu on se dedie à l'obeissance de quelqu'un, tousjours cette obéissance s'apelle volontaire à raison de son fondement qui depend de nostre volonté et election..

  A003002002 

 Faites vous ordonner les actions de pieté que vous devés exercer par vostre Pere spirituel, parce qu'elles en seront meilleures, et auront double grace et bonté: l'une d'elles mesmes, puis qu'elles sont pieuses, et l'autre de l'obeissance qui les aura ordonnées, et en vertu de laquelle elles seront faites..

  A003002006 

 Rien n'est beau que par la pureté, et la pureté des hommes c'est la chasteté.

  A003002007 

 Il n'est jamais permis de tirer aucun impudique plaisir de nos corps, sinon en un legitime mariage, duquel la saincteté puisse par une juste compensation reparer le dechet qui se reçoit par la delectation.

  A003002010 

 J'expliqueray doncques ce que je ne puis dire des unes, par ce que je diray des autres, mais je ne parle qu'aux mariez.

  A003002010 

 Or manger pour conserver la vie c'est chose bonne, saincte, et commandée; manger, non point pour conserver la vie, mais pour conserver la juste conversation que nous devons à nostre famille, c'est chose honneste et juste: manger par simple plaisir sans excez, c'est chose tolerable, non pas toutefois louable; mais manger avec exces, selon que l'exces est grand ou petit, c'est chose ou plus ou moins vituperable; et l'exces du manger et du boire ne consiste pas seulement en la quantité, et à trop manger, mais aussi en la façon et maniere de manger.

  A003002014 

 Ne permettez jamais, Philothee, que nul vous touche incivilement, ny par maniere de folastrerie, ny par maniere de faveur.

  A003002015 

 C'est pourquoy elle se perd par tous les sens exterieurs du corps, et par les cogitations et desirs du cœur.

  A003002017 

 Qui fait que David la compare au topaze pierre precieuse, laquelle par sa proprieté amortit l'ardeur de la concupiscence..

  A003002018 

 Tenez vous proche de Jesus-Christ crucifié, et spirituellement par la meditation, et reellement par la saincte Communion.

  A003002023 

 Estre riche en effect et pauvre d'affection, c'est le grand bon-heur du Chrestien: car il a par ce moyen les commoditez des richesses pour ce monde, et le merite de la pauvreté pour l'autre..

  A003002023 

 Les apothicaires ont presque tous des poisons, pour s'en servir en diverses occurrences: mais ils ne sont pas pour cela empoisonnez, parce qu'ils n'ont pas le poison dedans le corps, mais dans leurs boutiques; ainsi pouvez vous avoir des richesses sans estre empoisonnée par icelles.

  A003002026 

 O Philothee, je ne sçay si c'est un desir juste de desirer d'avoir justement ce qu'un autre possede justement: car il me semble que par ce desir nous nous voulons accommoder par l'incommodité d'autruy.

  A003002030 

 Ne desirez donc point d'un desir entier et formé le bien que vous n'avez pas: ne mettez point fort avant vostre cœur en celuy que vous avez: ne vous desolez point des pertes qui vous arriveront; et vous aurez quelque sujet de croire qu'estant riche en effet, vous ne estes point d'affection; mais que vous estes pauvre d'esprit, et par consequent bien-heureuse, car le Royaume des Cieux vous appartient..

  A003002035 

 Dites moy, les jardiniers des Roys et des Princes, ne sont ils pas plus curieux et diligens à cultiver et agencer les jardins qu'ils ont en charge, que s'ils leur appartenoient en proprieté? Mais pourquoy cela? parce, sans doute, qu'ils considerent ces jardins là, comme jardins du Roy, ou du Prince, auquel ils desirent de se rendre agreables par ce service là.

  A003002037 

 O le sainct et riche appauvrissement que celuy qui se fait par l'aumosne!.

  A003002038 

 Aymez les pauvres et la pauvreté; car par cet amour vous deviendrez vrayement pauvre: puis que, comme dit l'Escriture, nous sommes faicts comme les choses que nous aymons.

  A003002049 

 Le premier, c'est qu'elle ne vous est point arrivée par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre, sans qu'il y ayt eu aucune concurrence de vostre volonté propre.

  A003002049 

 Vostre pauvreté, Philothee, a deux grands privileges, par le moyen desquels elle vous peut beaucoup faire meriter.

  A003002050 

 Or telle est pour l'ordinaire la pauvreté des seculiers: car parce qu'ils ne sont pas pauvres par leur election, mais par necessité, on n'en tient pas grand conte.

  A003002058 

 On ne treuve pas non plus mauvais que les vefves à marier se parent aucunement, pourveu qu'elles ne fassent point paroistre de folastrerie; d'autant qu'ayant desja esté meres de famille, et passé par les regrets du vefvage, on tient leur esprit pour meur et attrempé.

  A003002058 

 On permet plus d'affiquets aux filles, parce qu'elles peuvent loisiblement desirer d'agreer à plusieurs, quoy que ce ne soit qu'afin d'en gaigner un par un sainct Mariage.

  A003002058 

 Quant à la matiere et la forme des habits la bien-seance se considere par plusieurs circonstances, du temps, de l'eage, des qualités, des compagnies, des occasions.

  A003002059 

 Les hommes qui sont si lasches que de s'amuser à ces mugueteries sont par tout descriez comme hermaphrodites.

  A003002063 

 Mais si la conversation vous arrive ou quelque juste sujet vous invite à vous y rendre, allez de par Dieu, Philothee, et voyez vostre prochain de bon cœur et de bon œil..

  A003002064 

 Car comme ceux qui ont estez mordus des chiens enragez ont la sueur, l'haleine et la salive dangereuse, et principalement pour les enfans et gens de delicate complexion; ainsi ces vicieux et debordez ne peuvent estre frequentez qu'avec hazard et peril: sur tout par ceux qui sont de devotion encore tendre et delicate..

  A003002065 

 Il y a des conversations inutiles à toute autre chose qu'à la seule recreation: lesquelles se font par un simple divertissement des occupations serieuses.

  A003002072 

 C'est l'exercice que faisoit le Roy David parmi tant d'occupations [111*] qu'il avoit (comme il tesmoigne par mille traits de ses Pseaumes) comme quand il dit: O Seigneur, et moy je suis tousjours avec vous, Je voyois mon Dieu tousjours devant moy, J'ay eslevé mes yeux à vous, ô mon Dieu, qui habitez au Ciel, Mes yeux sont tous-jours à Dieu.

  A003002072 

 Resouvenez vous cependant, ô Philothee, de faire tousjours plusieurs retraictes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmy les conversations, ainsi que j'ay marqué cy dessus; et ceste solitude mentale ne peut nullement estre empeschée par la multitude de ceux qui vous sont autour, parce qu'ils ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre corps: si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul.

  A003002078 

 Si quelque sot vous dit des parolles messeantes, tesmoignez que vos oreilles en sont offencées, ou vous destournant ailleurs, ou par quelque autre moyen, selon que vostre prudence vous enseignera..

  A003002079 

 C'est pourquoy elle est un fort grand peché: et c'est la difference qu'il y a entre la joyeuseté ou facetie, et la moquerie; que ce que la joyeuseté employe par confiance et privauté, la moquerie l'employe par mespris, et avilissement.

  A003002079 

 Dont les Docteurs ont raison de dire que la moquerie est la plus mauvaise sorte d'offense que l'on puisse faire au prochain par les parolles; parce que les autres offenses se font avec quelque estime de celuy qui est offencé, et celle cy se fait avec mespris et contemnement.

  A003002088 

 Par exemple, si je blasme la privauté de ce jeune homme et de cette fille, parce qu'elle est trop grande et indiscrette; ô Dieu, Philothee, il faut que je tienne la balance bien droitte: et que puis que je les veux juger, que je ne die pas un seul mot de trop.

  A003002089 

 Par exemple on recite devant des filles les privautés de telles et de telles, qui sont manifestement perilleuses; la dissolution d'un tel ou d'une telle, en paroles, ou en gestes, qui sont manifestement lubriques.

  A003002093 

 R'appellez à soy le mesdisant par quelque douce maniere: dittes quelques autres biens de la personne offencée, si vous le sçavez..

  A003002097 

 Accoustumez vous de ne jamais dire de mensonge à vostre escient, ny par excuse, [116*] ny autrement, vous resouvenant que Dieu est le Dieu de verité.

  A003002097 

 Si vous en dittes par mesgarde, et vous pouvés la corriger sur le champ par quelque explication ou reparation, corrigés la.

  A003002098 

 Bien que quelquefois on puisse discretement et prudemment desguiser et couvrir la verité par quelque artifice de parolle, si ne faut-il pas prattiquer cela sinon en choses d'importance, quand la gloire et service de Dieu le requierent manifestement: hors de là les artifices sont dangereux; car, comme dit la saincte parolle, le Sainct Esprit n'habite pas en un esprit feint et double.

  A003002099 

 Le parler peu, tant recommandé par les anciens Sages, ne s'entend pas qu'il faille dire peu de parolles, mais de n'en dire pas beaucoup d'inutiles: car en matiere de parler, on ne regarde pas à la quantité, mais à la qualité; et me semble qu'il faut fuir les deux extremitez.

  A003002104 

 Ne t'estonne pas donq, repliqua l'Apostre, si je me demets quelque peu de la rigueur et attention de mon esprit, pour prendre un peu de recreation, affin de m'employer par apres plus vivement à la contemplation.

  A003002104 

 S. Jean l'Evangeliste, comme dit le bien-heureux Cassian, fut un jour trouvé par un chasseur, qu'il tenoit une perdrix sur son poing, laquelle il caressoit par recreation: le chasseur luy demanda pourquoy estant homme de telle qualité il passoit le temps en chose si basse et vile; et S. Jean luy dit: Pourquoy ne portes tu pas ton arc tousjours tendu? De peur, respondit le chasseur, que demeurant tousjours courbé il ne perde la force de s'estendre quand il en sera mestier.

  A003002110 

 Les danses et bals sont choses indifferentes de leur nature: mais selon l'ordinaire façon avec laquelle cet exercice se fait, il est fort panchant, et incliné du costé du mal, et par consequent plein de danger et de peril.

  A003002110 

 On y fait de grandes veillées, apres lesquelles on perd les matinées des jours suivans, et par consequent le moyen de servir Dieu en icelles.

  A003002111 

 Si neantmoins il faut manger des potirons, prenez garde qu'ils soyent bien àpprestez; si par quelque occasion de laquelle vous ne puissiez pas bien vous excuser, il faut aller au bal, prenez garde que vostre danse soit bien apprestée.

  A003002116 

 Les jeux des dez, des cartes, et semblables esquels le gain depend principallement du hazard, ne sont pas seulement des recreations dangereuses, comme les danses, mais elles sont simplement et naturellement mauvaises et blasmables: c'est pourquoy elles sont defendues par les loix, tant civiles qu'ecclesiastiques.

  A003002116 

 Mais quel grand mal a il, me direz vous? Le gain ne se fait pas en ces jeux selon la raison, mais selon le sort qui tumbe bien souvent à celluy qui par habilité et industrie ne meritoit rien: la raison est donq offencée en cela.

  A003002117 

 Car comme peut estre recreation un exercice auquel il faut tenir l'esprit bandé et tendu par une attention continuelle, et agité de perpetuelles inquietudes, apprehensions, et empressemens? Y a-il attention plus triste, plus sombre, et melancolique que celle des joüeurs? C'est pourquoy il ne faut pas parler sur le jeu, il ne faut pas rire, il ne faut pas tousser, autrement les voila à despiter.

  A003002118 

 En fin il n'y a point de joye au jeu qu'en gaignant: et ceste joye n'est elle pas inique, puis qu'elle ne se peut avoir que par la perte et le desplaisir du compagnon? ceste resjoüissance est certes infame.

  A003002118 

 Le grand Roy S. Louys sçachant que le Comte d'Anjou son frere, et Messire Gautier de Nemours joüoyent, il se leva, malade qu'il estoit, et alla tout chancelant en leur chambre, et là print les tables, les dez, et une partie de l'argent, et les jetta par les fenestres dans la mer, se courrouçant fort à eux.

  A003002122 

 Car si cela se fait par affection ce n'est plus recreation: si on y employe beaucoup de temps, on s'estourdit, on se lasse en lieu de s'alleger: si on en fait ordinaire cela se convertit en occupation..

  A003002127 

 Mais quant aux jeux de paroles qui se font des uns aux autres, avec une modeste gayeté et joyeuseté, ils appartiennent à la vertu nommée Eutrapelie par les Grecs, et que nous pouvons appeller bonne conversation; et par iceux on prend une honneste et amiable recreation sur les occasions frivoles, que les imperfections humaines fournissent: il se faut seulement garder de passer de cette honneste joyeuseté à la moquerie.

  A003002127 

 Mais, Philothee, passons tellement le temps par recreation, que nous conservions la sainte eternité par devotion..

  A003002127 

 Or la moquerie provoque à rire, par mespris, et contemnement du prochain: mais la gayeté et gausserie, provoque à rire par une simple liberté, confiance et familiere franchise conjointe [123*] à la gentillesse de quelque mot.

  A003002127 

 Saint Louys quand des Religieux vouloient luy parler de choses relevées apres disner: Il n'est pas temps d'alleguer, disoit il, mais de se recreer par quelque joyeuseté et quolibets; que chacun die ce qu'il voudra honnestement: ce qu'il disoit, favorisant la noblesse qui estoit autour de luy pour recevoir des caresses de sa Majesté.

  A003002139 

 O qu'il fait bon aimer en terre comme l'on aime au Ciel, et apprendre à s'entrecherir en ce monde, comme nous ferons eternellement en l'autre! Je ne parle pas icy de l'amour simple de charité, car il doit estre porté à tous les hommes: mais je parle de l'amitié spirituelle, par laquelle deux, ou trois, ou plusieurs ames se communiquent leur devotion, leurs affections spirituelles, et se rendent un seul esprit entre elles.

  A003002139 

 Qu'à bon droit peuvent chanter telles heureuses ames: O que voicy combien il est bon et agreable que les freres habitent ensemble; ouy, car le baume [126*] delicieux de la devotion distille de l'un des cœurs en l'autre, par une continuelle participation: si qu'on peut dire que Dieu a respendu sur ceste amitié sa benediction, et la vie jusques au siecle des siecles..

  A003002146 

 On commence par l'amour vertueux: mais si on n'est fort sage, l'amour frivole se meslera, puis l'amour sensuel, puis l'amour charnel; ouy mesme, il y a danger en l'amour spirituel, si on n'y prend garde, bien qu'en celuy-cy il soit plus difficile de prendre le change, parce que sa pureté et blancheur rendent plus cognoissables les soüillures que Satan y veut mesler: c'est pourquoy il fait cela plus finement et y glisse les impuretez presque insensiblement..

  A003002147 

 Le miel d'Heraclée rend une douceur extraordinaire à la langue; à raison de l'aconit qui accroist la douceur ordinaire du miel: et l'amitié mondaine commence par une composition et agencement de parolles emmiellées, qui tiennent desja fort de la cajolerie: le miel d'Heraclee estant avalé excite un tournoyement de teste, et l'amitié mondaine petit à petit fait un tournoyement d'esprit, qui fait chanceler la devotion, et porte à des petits fatras de caresses sensuelles, lesquelles presagent la future cheute de la pureté: le miel d'Heraclee trouble la veüe, et ceste amitié mondaine va troublant le jugement, en sorte que l'on pense bien faire en mal faisant, ou au moins on s'excuse au mal, et le veut on couvrir par parolles et pretextes.

  A003002152 

 Comme par exemple, si un jeune homme desire fort d'estre prouveu de quelque office avant que le temps soit venu, dequoy je vous prie luy sert ce desir? si une femme mariée desire d'estre religieuse, à quel propos? si je desire d'avoir le bien d'autruy justement, avant qu'il soit prest à le vendre, ne perds je pas mon temps en ce desir? Si estant malade je desire de faire les offices de ceux qui sont en santé, cela ce sont des desirs des femmes grosses, qui desirent les cerises fraisches en hyver, et la neige en esté.

  A003002155 

 Choisissez par l'advis de vostre Pere spirituel entre tant de desirs, ceux qui peuvent estre prattiquez et executez maintenant, et ceux-là faites les bien valoir.

  A003002155 

 Je ne dis pas qu'il faille perdre aucune sorte de bons desirs, mais je dis qu'il les faut produire par ordre; et ceux qui ne peuvent estre effectuez presentement, il les faut serrer en quelque coing du cœur, jusques à ce que leur temps soit venu: et cependant effectuer ceux qui sont meurs et de saison; ce que je ne dis pas seulement pour les spirituels, mais pour les mondains: sans cela nous ne sçaurions vivre qu'avec inquietude et empressement..

  A003002159 

 Nous ne sommes hommes que par la raison: et c'est pourtant chose rare de trouver des hommes vrayement raisonnables: d'autant que l'amour propre nous detraque ordinairement de la raison, nous conduisant insensiblement a mille sortes de petites mais dangereuses injustices et iniquitez, qui sont comme les petits renardeaux, desquels il est parlé aux Cantiques, qui demolissent les vignes: parce qu'ils sont petits on n'y prend pas garde, mais parce qu'ils sont en quantité ils ne laissent pas de beaucoup nuire.

  A003002162 

 Trajan estant censuré par ses confidens dequoy il rendoit à leur advis la majesté imperiale trop accostable; Ouy dëa, dit il, ne dois je pas estre tel Empereur à l'endroit des particuliers, que je desirerois rencontrer un Empereur, si j'estois particulier moy-mesme?.

  A003002168 

 Vous voyez donques que la tristesse, laquelle au commencement est juste engendre l'inquietude, et l'inquietude engendre par apres un surcroist de tristesse, qui est extremement dangereux.

  A003002170 

 Quand donques, ma Philothee, vous serés pressée de quelque desir d'estre delivrée de quelque mal, ou de parvenir à quelque bien, avant toute chose mettés vostre esprit en repos et tranquillité: faittes rasseoir vostre jugement et vostre volonté: et puis tout bellement et tout doucement pourchassés l'issue de vostre desir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables: et quand je dis tout bellement je ne veux pas dire negligemment, mais sans empressement, trouble et inquietude: autrement en lieu d'avoir l'effet de vostre desir, vous gasterés tout, et vous embarrasserez plus fort..

  A003002171 

 Soyés soigneuse de faire souvent l'examen que je vous marqueray cy bas, au chapitre de la troisiesme Partie, considerant si vostre ame s'est point eschappée de vos mains par quelques sortes d'affections déreglées: et si vous decouvrez quelque sorte de desordre, taschés d'appaiser le tout en la presance de Dieu, remettant fort vos empeschemens et desirs à la conduitte et mercy de sa divine providence..

  A003002181 

 Contrariez vivement aux inclinations de la tristesse: et bien qu'il semble que tout ce que vous ferez en ce temps-là se face froidement, tristement, et laschement, ne laissez pourtant pas de le faire: car l'ennemy qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estant faictes avec resistence elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger..

  A003002182 

 Chantez des Cantiques spirituels, car le malin a souvent cessé son operation par ce moyen: tesmoing l'esprit qui assiegeoit ou possedoit Saül, duquel la violence estoit reprimée par la psalmodie..

  A003002184 

 Faictes des actions exterieures de ferveur, quôy que sans goust, embrassant l'image du Crucifix, la serrant sur la poitrine, luy baisant les pieds et les mains, levant vos yeux et vos mains au Ciel, eslançant vostre voix en Dieu par des parolles d'amour et de confiance, comme sont celles-cy, Mon Bien-aymé est à moy, et moy à luy: mon Bien-aimé m'est un bouquet de mirrhe, il demeurera entre mes mammelles; Mes yeux se fondent sur vous, ô mon Dieu, disans, Quand me consolerez vous? O Jesus soyez moy Jesus; Vive Jesus, et mon ame vivra; Qui me separera de l'amour de mon Dieu? et Semblables..

  A003002190 

 Soyez devote à la parolle de Dieu; et soit que vous l'escoutiez en devis familiers avec vos amis spirituels, soit que vous l'escoutiez au sermon, oyez la tousjours avec attention et reverence, faictes en bien vostre proffit, et ne permettez pas qu'elle tombe à terre, ains recevez la comme un precieux baume dans vostre cœur, à l'imitation de la tres-saincte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans son cœur toutes les parolles que l'on disoit à la louange de son enfant; et resouvenez vous que nostre Seigneur recueille les parolles que nous luy disons en nos prieres, à mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la predication..

  A003002191 

 La solitude de S. Paul premier hermite est imitée en vos retraittes spirituelles et reelles, desquelles nous avons parlé cy dessus: l'extreme pauvreté de S. François par les prattiques de la pauvreté, telles que nous avons marquées, ainsi des autres.

  A003002191 

 Lisez aussi les histoires et vies des Saincts, esquelles comme dans un miroûer vous verrez le pourtrait de la vie Chrestienne: et accommodez leurs actions à vostre proffit selon vostre vocation: car bien que beaucoup des actions des Saincts ne soyent pas imitables par ceux qui vivent emmy le monde; si est ce neantmoins que toutes peuvent estre suyvies ou de prés ou de loing.

  A003002196 

 Mais, comme j'ay dit, il faut faire cet office Angelique doucement et souëfvement, non point par maniere de correction, mais par maniere d'inspiration: car c'est merveille combien la suavité et amiable proposition de quelque bonne chose est une puissante amorce pour attirer les cœurs..

  A003002197 

 Ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs personnes qui font profession de devotion, lesquelles à tout propos disent des parolles sainctes et ferventes par maniere d'entregent, et sans y penser nullement: et apres les avoir dittes, il leur est advis qu'ils sont tels que leurs parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003002197 

 Ne parlez jamais de Dieu ny de la devotion par maniere d'aquit et d'entretien, mais tousjours avec attention et devotion.

  A003002201 

 C'est pourquoy le divin Espoux veut faire entendre qu'il n'a pas seulement agreables les grandes œuvres des personnes devotes, mais aussi les moindres et plus petites: et que pour le servir à son goust, il faut avoir grand soing de le bien servir aux choses grandes et hautes, et aux choses basses et abjettes, puis que nous pouvons esgallement et par les unes et par les autres luy desrober son cœur par amour..

  A003002201 

 L'Espoux sacré au Cantique des Cantiques, dit que son Espouse luy a ravy le cœur par l'un de ses yeux, et par l'un de ses cheveux.

  A003002202 

 Mais tandis que la divine providence ne vous envoye pas des afflictions si sensibles, et si grandes, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnez luy pour le moins vos cheveux: je veux dire supportez tout doucement les menues injures, ces petites incommoditez, ces pertes de peu d'importance, qui vous sont journalieres: car par le moyen de ces petites occasions, employées avec amour, et dilection, vous gaignerez entierement son cœur, et le rendrez tout vostre.

  A003002203 

 Quand j'ay veu en la vie de saincte Catherine de Sienne tant de ravissemens et d'eslevations d'esprit, tant de parolles de sapience, et mesme des predications faictes par elle; je n'ay point douté qu'avec cet œil de contemplation, elle n'eust ravy le cœur de son Espoux celeste.

  A003002213 

 Ainsi Dieu voulant faire en nous, par nous, et avec nous quelque action de grande charité, premierement il nous la propose par son inspiration, secondement nous l'agreons, troisiesmement nous y consentons; car comme pour descendre au [141*] peche il y a trois degrez, la tentation, la delectation, et le consentement, aussi en y a-il trois pour monter à la vertu: l'inspiration, qui est contraire à la tentation, la delectation en l'inspiration, qui est contraire à la delectation de la tentation, et le consentement à l'inspiration, qui est contraire au consentement à la tentation..

  A003002215 

 Le plaisir que l'on prend aux inspirations est un grand acheminement à la grace de Dieu, et desja on commence à plaire par iceluy à sa divine Majesté: car si bien cette delectation n'est pas encore un entier consentement, c'est une certaine disposition à iceluy; et si c'est un bon signe et chose fort utile de se plaire à oüir la parole de Dieu, qui est comme une inspiration exterieure, c'est chose bonne aussi et agreable à Dieu de se plaire en l'inspiration interieure.

  A003002216 

 Mais en fin c'est le consentement qui parfait l'acte vertueux, car si estans inspirés et nous estant pleuz en l'inspiration nous refusons neantmoins par apres le consentement à Dieu, nous sommes extremement mescognoissans et offensons grandement sa divine Majesté, car il semble bien qu'il y ait plus de mespris.

  A003002219 

 Or à tout cecy sert merveilleusement de bien prattiquer l'exercice du matin, et les retraites spirituelles, que j'ay marquées cy dessus: car par ce moyen nous nous preparons à faire le bien d'une preparation non seulement generalle, mais aussi particuliere..

  A003002223 

 Ainsi Satan, le monde, et la chair, voyant une ame espousée au Fils de Dieu luy envoye des tentations et suggestions, par lesquelles le peché luy est proposé, sur lesquelles elle se plait, ou elle se deplait: en fin elle [143*] consent, ou elle refuse; qui sont en somme les trois degrez pour descendre à l'iniquité, la tentation, la delectation, et le consentement.

  A003002224 

 S. Paul souffrit longuement les tentations de la chair: et tant s'en faut que pour cela il fut desagreable à Dieu, qu'au contraire Dieu estoit glorifié par icelles.

  A003002231 

 Le jeune homme duquel parle S. Hierosme, qui couché et attaché sur un lict mollet, estoit provoqué par toutes sortes de vilains attouchemens et attraits des impudiques femmes qui s'estoient couchées avec luy expres pour esbranler sa constance, ne devoit il pas sentir d'estranges esmotions charnelles? ses sens ne devoient ils pas estre saisis de la delectation, et son imagination extremement occupée de ceste presence des objets voluptueux? sans doute; et neantmoins parmi tant de troubles, emmy un si terrible orage de tentations, il tesmoigne que son cœur n'est point vaincu, que sa volonté qui sent tout autour de soy tant de voluptez n'y consent toutefois nullement: puis que son esprit voyant tout rebellé contre luy, et n'ayant plus aucune des parties de son corps à son commandement, sinon la langue, il se la coupa avec les dents, et la cracha sur le visage de ces vilaines ames qui tourmentoient la sienne plus cruellement par la volupté, que les borreaux n'eussent jamais sceu faire par les tourmens..

  A003002232 

 Et comment, repliqua-elle, habitiés-vous dedans mon cœur dans lequel il y avoit tant de vilenies? habités vous donques en des lieux si deshonnestes? Et nostre Seigneur luy dit: Dy moy, ces tiennes salles cogitations de ton cœur te donnoient-elles plaisir ou tristesse, amertume ou delectation? Et elle dit: Extreme amertume et tristesse: et il luy repliqua: Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensées qui estoient au tour de ta volonté et ne pouvoient l'expugner, l'eussent sans doute surmontée et seroient entrées dedans, et eussent esté recettes avec plaisir par le libre arbitre, et ainsi eussent donné la mort à ton ame: mais parce que j'estois dedans, je mettois ce deplaisir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se reffusoit tant qu'il pouvoit à la tentation: et ne pouvant pas tant qu'il vouloit il en sentoit un plus grand deplaisir, et une plus grande hayne contre icelle et contre soy-mesme: et ainsi ces peines estoient un grand merite, et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force..

  A003002232 

 Il fit donc toutes sortes d'impudiques suggestions à son cœur: et pour tant plus l'esmouvoir, venant avec ses compagnons en forme d'hommes et de femmes, il faisoit mille et mille sortes de charnalitez et lubricitez à sa veuë, adjoustant des parolles et semonces tres deshonnestes; et bien que toutes ces choses fussent exterieures, si est-ce que par le moyen des sens elles penetroient bien avant dedans le cœur de la vierge, lequel comme elle confessoit elle mesme, en estoit tout plein, ne luy restant plus que la fine pure volonté superieure, qui ne fut agitée de ceste tempeste de vilenie et delectation charnelle.

  A003002233 

 Mais c'est la fine fleur et la perfection de l'amour celeste que de faire souffrir et combattre pour luy, sans sçavoir si on l'a, et si il est en celuy qui combat pour et par luy..

  A003002233 

 Voyez vous, Philothee, comme ce feu estoit couvert de la cendre, et que la tentation et delectation estoit mesme entrée dedans le cœur, et avoit environné la volonté, laquelle seule asistée de son Sauveur resistoit par des amertumes, des desplaisirs et detestations du mal qui luy estoit suggeré, refusant perpetuellement son consentement au peché qui l'environnoit? O Dieu quelle detresse à une ame qui ayme Dieu de ne sçavoir seulement pas si il est en elle ou non, et si l'amour divin pour lequel elle combat est du tout esteint en elle, ou non.

  A003002237 

 Ce que je dis affin que s'il vous arrivoit jamais d'estre affligée de si grandes tentations vous sçachiés que Dieu vous favorise d'une faveur extraordinaire, par laquelle il declare qu'il veut vous agrandir devant sa face: et que neantmoins vous soyés tous-jours humble et craintifve, ne vous asseurant pas de pouvoir vaincre les menuës tentations apres avoir surmonté les grandes, sinon par une continuelle fidellité à l'endroit de sa divine Majesté..

  A003002237 

 Ma Philothee, ces grands assauts et ces tentations si puissantes, ne sont jamais permises de Dieu que contre les ames, lesquelles il veut eslever à son pur et excellent amour: mais il ne s'ensuit pas pourtant qu'apres cela elles soient asseurées d'y parvenir: car il est [147*] arrivé maintefois que ceux qui avoient esté constans en des si violentes attaques, ne correspondant pas par apres fidellement à la faveur divine se sont treuvés vaincus en des biens petites tentations.

  A003002238 

 Ainsi arrive il quelquefois que par la violance des tentations il semble que nostre ame est tumbée en une defaillance totale de ses forces, et que comme pasmée elle n'a plus ny vie spirituelle, ny mouvement.

  A003002238 

 Quand un homme est pasmé et qu'il ne rend plus aucun tesmoignage de vie en son visage, on luy met la main sur le cœur: et pour peu que l'on y sente de mouvement, on juge qu'il est en vie, et que par le moyen de quelque eau precieuse et de quelque epitheme on peut luy faire reprendre force et sentiment.

  A003002242 

 Mais si au contraire elle avoit par quelques attraits, donné sujet à la recherche, ayant voulu donner de l'amour au Prince qui la recherche, indubitablement elle seroit coulpable de la recherche mesme: et quoy qu'elle en fit la delicate, elle ne laisseroit pas d'en meriter du blasme et de la punition.

  A003002242 

 Par exemple, je sçay que pendant que je me mets à joüer j'entre volontiers en rage et blaspheme, et que le jeu me sert de tentation à cela: je peche toutefois et quantes que je joueray, et suis coulpable de toutes les tentations qui m'arriveront au jeu.

  A003002243 

 C'est tousjours chose blasmable à la jeune Princesse de laquelle nous avons parlé, si non seulement elle escoute la proposition salle et deshonneste qui luy est faicte, mais encore apres l'avoir ouïe elle prend plaisir en icelle, entretenant son cœur avec contentement sur cet object: car bien qu'elle ne vueille pas consentir à l'execution reelle de ce qui luy est proposé, elle consent neantmoins à l'application spirituelle de son cœur, par [149*] le contentement qu'elle y prend: et c'est tousjours chose deshonneste d'appliquer ou le cœur, ou le corps à chose deshonneste; ains la deshonnesteté consiste tellement à l'application du cœur, que sans icelle l'application du corps ne peut estre peché..

  A003002245 

 Par exemple, si le galand qui luy veut donner de l'amour sonnoit exquisiment bien du luth, et qu'elle print plaisir, non pas à la recherche qui est faite de son amour, mais à l'harmonie et douceur du son du luth, il n'y auroit point de peché, bien qu'elle ne devroit pas continuer longuement en ce plaisir, de peur de faire passage d'iceluy à la delectation de la recherche.

  A003002246 

 On est quelquefois surprins de quelque chatouillement de delectation qui suit immediatement la tentation devant que bonnement on s'en soit prins garde: et cela ne peut estre qu'un bien leger peché veniel, lequel se rend plus grand, si apres que l'on s'est aperceu du mal où l'on est, on demeure par negligence quelque temps à marchander avec la delectation, si l'on doit l'accepter ou la refuser: et encore plus grand si en s'en appercevant on demeure en icelle quelque temps par vraye negligence, sans nulle sorte de propos de [150*] la rejetter: mais lors que volontairement et de propos deliberé nous sommes resolus de nous plaire en telles delectations, ce propos mesme deliberé est un grand peché, si l'object pour lequel nous avons delectation est notablement mauvais.

  A003002253 

 Divertissez vostre esprit par quelques occupations bonnes et louables: car ces occupations entrans dans vostre cœur, et y prenant place, elles chasseront les tentations et suggestions malignes..

  A003002254 

 Le grand remede contre toutes tentations grandes ou petites, c'est de deployer son cœur et communiquer les suggestions, ressentimens et affections que nous avons à nostre directeur; car notez que la premiere condition que le malin fait avec l'ame qu'il veut seduire, c'est du silence, comme font ceux qui veulent seduire les femmes [151*] et les filles, qui de prim'abord defendent qu'elles ne communiquent point les propositions aux peres ny aux marys: ou au contraire Dieu en ses inspirations demande sur toutes choses que nous les fassions recognoistre par nos superieurs et conducteurs..

  A003002256 

 Ne disputez point avec vostre ennemy, et ne luy respondez jamais une seule parolle, sinon par fois ce que nostre Seigneur respondit, avec laquelle il le confondit.

  A003002261 

 Que si vous me croyez, vous ne vous opiniastrerez pas à faire des actions de la vertu contraire à la tentation que vous sentez, parce que ce seroit quasi vouloir disputer avec elle: mais apres en avoir fait une, si vous avez eu le loisir de recognoistre la tentation, avec un simple retour de vostre cœur, et mouvement de vostre esprit, comme par maniere de diversion, vous ferez une action d'amour à l'endroit de Dieu, et irez baiser en esprit Jesus Christ crucifié: car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, il est aussi un souverain remede contre tous vices: et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir à ce rendez-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a, mais simplement se sentant troublé il s'acoisera en ce grand remede..

  A003002262 

 Tout cecy s'entend des menues et frequentes tentations, avec lesquelles qui voudroit s'amuser par le menu, il se morfondroit et ne feroit rien.

  A003002266 

 Faictes des œuvres d'abjection et d'humilité le plus que vous pourrez, et encor qu'il vous semble que ce soit à regret: car par ce moyen vous vous habituez à l'humilité, et affaiblirez vostre vanité, en sorte, que quand la tentation viendra, vostre inclination ne la pourra pas tant favoriser, et vous aurez plus de force pour la combattre.

  A003002266 

 Par exemple, si vous vous sentez inclinée à la passion de la vanité, faites souvent des pensées de la misere de ceste vie humaine, combien ses vanitez seront ennuyeuses à la conscience au jour de la mort, combien elles sont indignes d'un cœur genereux, et que ce ne sont que badineries et amusemens de petits enfans, et semblables choses: parlez souvent contre la vanité; et encor'qu'il vous semble que ce soit à contre cœur ne laissez pas de la bien mespriser, car par ce moyen vous vous engagerez mesme de reputation au party contraire: et à force de dire contre quelque chose nous nous esmouvons à la haïr, bien qu'au commencement nous luy eussions de l'affection.

  A003002268 

 En somme, en temps de paix, c'est à dire lors que les tentations du peché auquel vous estes subjete ne vous presseront pas, faites force actions de la vertu contraire: et si les occasions ne se presentent pas, allez au devant d'elles pour les rencontrer: car par ce moyen vous renforcerez vostre cœur contre la tentation future..

  A003002279 

 Au contraire celluy qui hayt la medisance se tourmentera d'avoir fait une legere murmuration, et ne tiendra nul compte d'une grosse faute commise contre la chasteté, ainsi des autres: ce qui n'arrive pour autre chose, sinon qu'ils ne font pas le jugement de leur conscience par raison, mais par passion..

  A003002279 

 Il faut donques avoir un deplaisir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme; car tout [156*] ainsi qu'un Juge chastie bien mieux les meschans faisant ses sentences par raison, et en esprit de tranquillité, que non pas quand il les fait par impetuosité et passion: d'autant que jugeant avec passion, il ne chastie pas les fautes selon qu'elles sont, mais selon qu'il est luy mesme; ainsi nous nous chastions bien mieux nous mesmes par des repentences tranquilles et constantes, que non pas par des repentences aigres, empressées et choleres, d'autant que ces repentances faites avec impetuosité ne se font pas selon la gravité de nos fautes, mais selon nos inclinations.

  A003002279 

 L'une des bonnes prattiques que nous sçaurions faire de la douceur, c'est celle de laquelle le sujet est en nous-mesme, ne despitant jamais contre nous mesme, ny contre nos imperfections: car encore que la raison veut que quand nous faisons des fautes, nous en soyons desplaisans et marris; si faut il neantmoins que nous nous empeschions d'en avoir une deplaisance aigre et chagrine, depiteuse et cholere: en quoy font une grande faute plusieurs qui s'estans mis en cholere se courroucent de s'estre courroucés, entrent en chagrin de s'estre chagrinés, et ont despit de s'estre dépités: car par ce moyen ils tiennent leur cœur confit et detrempé en la cholere; et si bien il semble que la seconde cholere ruyne la premiere, si est ce neantmoins qu'elle sert d'ouverture et de passage pour une nouvelle cholere à la premiere occasion qui s'en presentera.

  A003002279 

 Par exemple, celluy qui affectionne la chasteté se despitera avec une amertume non-pareille de la moindre faute qu'il commettra contre icelle, et ne se fera que rire d'une grosse medisance qu'il aura commise.

  A003002281 

 Pour moy si j'avois, par exemple, grande affection de ne point tumber au vice de la vanité, et que j'y fusse neantmoins tumbé d'une grande cheute, je ne voudrois pas reprendre mon cœur en cette sorte; N'es tu pas miserable et abominable, qu'apres tant de resolutions tu t'es laissé emporter à cette vanité: meurs de honte, ne leve plus les yeux au Ciel, aveugle, impudent, traistre et desloyal à ton Dieu, et semblables choses: mais je voudrois le corriger raisonnablement et par voye de compassion; Or sus mon pauvre cœur, nous voila tumbés dans la fosse laquelle nous avions tant resolu d'eschaper, ah relevons nous, et quittons la pour jamais: reclamons la misericorde de Dieu et esperons en elle qu'elle nous assistera pour desormais estre plus fermes, et remettons nous au chemin de l'humilité: courage, soyons sur nos gardes, Dieu nous aydera, et desormais nous ferons prou..

  A003002282 

 Relevez doncques vostre cœur quand il tombera, tout doucement, [157*] vous humiliant beaucoup devant Dieu par la recognoissance de vostre misere, sans nullement vous estonner de vostre chêute, puis que ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme, et la foiblesse foible, et la misere chetive.

  A003002283 

 Quand vous vous serez mise en cholere, au premier ressentiment que vous aurez de vostre faute, repàrez la par un acte de douceur, exercée promptément à l'endroit de la mesttie personne contre laquelle vous vous serez irritée: car tout ainsi que c'est un souverain remede contre la mensonge que de s'en dedire sur le champ, tout aussi tost que l'on s'apperçoit de l'avoir dit; aussi est ce un bon remede contre la cholere de la reparer soudainement par un acte contraire de douceur car, comme l'on dit, les playes fraisches sont plus aysement remediables..

  A003002287 

 Resouvenez vous souvent que nostre Seigneur nous a sauvez en souffrant et endurant, et que de mesme nous devons faire nostre salut par les souffrances et afflictions, endurant les injures, contradictions et desplaisirs, avec le plus de douceur et de patience qu'il nous sera possible..

  A003002288 

 Il y en a qui ne veulent souffrir sinon les tribulations qui sont honnorables; comme par exemple d'estre blessez à la guerre, d'estre prisonnier de guerre, d'estre mal traicté pour la Religion, de s'estre appauvry par quelque querelle, en laquelle ils soyent demeurez maistres: et ceux cy n'ayment pas la tribulation, mais l'honneur qu'elle apporte.

  A003002288 

 Le vray patient et serviteur de Dieu supporte esgallement les tribulations conjointes à l'ignominie, et celles qui sont honnorables: d'estre mesprisé, reprins, et accusé par les meschans, ce n'est que douceur [158*] à un homme de courage: mais d'estre reprins, accusé et mal traitté par les gens de bien, par les amis, par les parens, c'est là où il y va du bon.

  A003002289 

 Je ne me fasche point, dit l'un, d'estre devenu pauvre, si ce n'estoit que cela m'empeschera de servir mes amis, eslever mes enfans, et vivre honnorablement comme je desirois; et l'autre dira, je ne m'en soucirois point, si ce n'estoit que le monde pensera que cela me soit arrivé par ma faute.

  A003002293 

 Or il sera entierement enfanté pour vous, lors que vous l'aurez entierement formé en vostre cœur et en vos œuvres, par imitation de sa vie..

  A003002302 

 Les mouches ne nous inquietent pas par leur effort, mais par la multitude; ainsi les grandes affaires ne nous troublent pas tant comme les menues, quand elles sont en grand nombre.

  A003002302 

 Recevez doncque les affaires qui vous arriveront en paix, et taschez de les faire par ordre, et l'une apres l'autre: car si vous voulez les faire tout à coup ou en desordre, vous ferez des efforts qui vous fouleront et alanguiront vostre esprit; et pour l'ordinaire vous demeurerés acablée soubs la presse, et sans effet.

  A003002303 

 En toutes vos affaires appuyez vous totalement sur la providence de Dieu, par laquelle seule tous vos desseins doivent reussir: travaillés neantmoins de vostre costé tout doucement pour cooperer avec icelle: et puis croyes que si vous vous estes bien confiée en Dieu, le succes qui vous arrivera de vos desseins sera tousjours le plus profitable pour vous, soit qu'il vous semble bon ou mauvais, selon vostre jugement particulier..

  A003002309 

 Ainsi celuy qui a un vray soin de son cher cœur, doit le remonter en Dieu au soir et au matin, par les exercices marqués cy dessus: et outre cela il doit plusieurs fois considerer son estat, le redresser et accommoder; et en fin au moins une fois l'annee, il le doit demonter, et regarder par le menu toutes les pieces, c'est à dire toutes les affections et passions d'iceluy, affin de reparer tous les defauts qui y peuvent estre.

  A003002309 

 Cet exercice reparera vos forces alanguies par le temps, eschauffera vostre cœur, fera reverdir vos bons propos, et refleurir les vertus de vostre esprit..

  A003002309 

 Et comme l'horologer oinct avec quelque huile delicate, les roües, les ressorts, et tous les mouvans de son horologe, affin que les mouvemens se facent plus doucement, et qu'elle soit moins sujette à la roiiillure; ainsi la personne devote, apres la prattique de ce demontement de son cœur, pour le bien renouveller, elle le doit oindre par les Sacremens de Confession et de l'Eucharistie.

  A003002318 

 Considerez par quels moyens vous fistes vostre protestation; helas combien Dieu vous fut doux et gratieux en ce temps-là.

  A003002318 

 Mais dittes en verité, fustes vous pas conviée par des doux attraits du S. Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque à ce port [167*] salutaire, furent elles pas d'amour et charité? comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'oraison? Helas ma fille, vous dormiez, et Dieu veilloit sur vous, et pensoit sur vostre cœur des pensées de paix: il meditoit pour vous des meditations d'amour..

  A003002320 

 La bonne main de Dieu, dit David, a fait vertu, sa dextre m'a relevé; ah je ne mourray pas, mais je vivray, et raconteray de cœur, de bouche, et par œuvres les merveilles de sa bonté..

  A003002320 

 Ne prenez vous point à bon-heur de sçavoir parler à Dieu par l'oraison? d'avoir affection à le vouloir aimer? d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoient? d'avoir esvité plusieurs pechez et embarrassemens de conscience? et en fin d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussiez pas fait, vous unissant à ceste souveraine source des graces eternelles? ah que ces graces sont grandes; il faut, ma fille, les peser au poids du Sanctuaire: c'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela.

  A003002321 

 Apres toutes ces considerations, lesquelles comme vous voyez, fournissent tout plein de bonnes affections, il faut simplement conclurre par action de graces, et une priere affectionnée d'en bien proffiter; se retirant avec humilité et grande confiance en Dieu, reservant de faire les resolutions apres le deuxiesme poinct de cet exercice.

  A003002325 

 Les autres poincts de l'examen, vous les pouvez faire utilement en vous promenant, et encor plus utilement au lict, si par adventure vous y pouvez estre quelque temps sans assoupissement et bien-esveillée: mais pour ce faire il les faut avoir bien leu auparavant.

  A003002333 

 Protestez que si comme vous pensez, vous descouvrez d'avoir peu proffité, ou bien d'avoir reculé, vous ne voulez nullement pour tout cela vous abbatre, ny refroidir par aucune sorte de descouragement ou relaschement de cœur, ains qu'au contraire vous voulez vous encourager et animer d'avantage, vous humilier, et remedier aux defauts, moyennant la grace de Dieu..

  A003002343 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des pechez veniels? on ne sçauroit se garder d'en faire quelqu'un par cy, par là, mais y en a-il point auquel vous ayez une speciale inclination? et ce qui seroit le pis, y en a-il point auquel vous ayez affection et amour?.

  A003002346 

 Si le mary d'une femme revient de loing, tout aussi tost que cette femme s'apperçoit de son retour, et qu'elle sent sa voix, quoy qu'elle soit empressée d'affaire, et retenuë par quelque violente consideration emmy la presse, si est ce que son cœur n'est pas retenu, mais abandonne les autres pensées pour penser à ce mary venu.

  A003002357 

 Que vous estimés vous devant Dieu? rien sans doute: or il n'y a pas grande humilité en une mousche de ne s'estimer rien au pris d'une montaigne, ny en une goutte d'eau de se tenir pour rien en comparaison de la mer, ny à une bluette ou estincelle de se tenir pour rien au pris du soleil: mais l'humilité gist à ne point nous surestimer aux autres, et à ne vouloir pas estre surestimés par les autres: à quoy en estes vous pour ce regard? [172*].

  A003002364 

 Mais pour parler en general, quel est vostre cœur à l'endroit du prochain? l'aymés vous bien cordiallement, et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades: car c'est là où on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effet, ou par parolles.

  A003002371 

 Mais pour abreger le tout, il faut reduire tout l'examen à la recherche de nos passions: et s'il nous fasche de considerer si fort par le menu, comme il a esté dit, quels nous avons esté, nous pourrons ainsi nous examiner, quels nous avons esté, et comme nous sommes nous comportés..

  A003002380 

 Car par les passions de l'ame, on reconnoist son estat en les tastant l'une apres l'autre: comme un joueur de luth connoist estat de son luth, pinçant toutes les cordes; et celles qu'il treuve dissonnantes il les acorde, ou les tirant, ou les lachant; ainsi apres avoir tasté l'amour, la hayne, le desir, la crainte, l'esperance, la tristesse et la joye de nostre ame, si nous les treuvons malaccordantes à l'air que nous voulons sonner, qui est la gloire de Dieu, nous pourrons les accorder, moyennant sa grace, et le conseil de nostre Pere spirituel.

  A003002385 

 Humiliés vous fort devant Dieu, reconnoissant que si vous n'avés pas beaucoup avancé, ç'a esté par vostre manquement, parce que vous n'avez pas fidellement, courageusement et constamment correspondu aux inspirations, clartés et mouvemens que Dieu vous a données, en l'oraison, et ailleurs..

  A003002413 

 Cet amour vous regardoit, et par toutes ces peines et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire, pour maintenir, nourrir, fortifier, et consommer ces resolutions.

  A003002414 

 Voyez vous, ma fille, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre dés l'arbre de la Croix et l'aimoit, et par cet amour luy obtenoit tous les biens qu'il aura jamais, et entre autres nos resolutions: vray ma fille, nous pouvons tous dire comme Hieremie; O Seigneur, avant que je fusse vous me regardiez, et m'appelliez par mon nom, d'autant que vrayement sa divine bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens généraux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions.

  A003002415 

 Ah mon Dieu, que nous devrions profondement mettre cecy en nostre memoire! Est il possible que j'aye esté aymé et si doucement aymé de mon Sauveur, qu'il allast penser en moy, en mon particulier, en toutes ces petites occurrences, par lesquelles il m'a tiré à luy: et combien doncques devons nous aymer, cherir, et bien employer tout cela à nostre utilité? Cecy est bien doux; ce cœur amiable de mon Dieu pensoit en Philothee, l'aymoit et luy procuroit mille moyens de salut, autant comme s'il n'eut point eu d'autre ame au monde en qui il eut pensé; ainsi que le Soleil esclairant un endroit de la terre, ne l'esclaire pas moins que s'il n'esclairast point ailleurs, et qu'il esclairast cela seul.

  A003002419 

 Il le dit par le Prophete: Je t'ay aymé (il parle à vous aussi bien qu'à nul autre) d'une charité perpetuelle: et partant je t'ay attiré, ayant pitié de toy.

  A003002428 

 Ce qu'estant fait, comme par une reprise d'haleine et de force, protestés mille fois, que vous continuerez en vos resolutions; et comme si vous teniés vostre cœur, vostre ame, vostre volonté en vos mains, dediés la, consacrés la, sacrifiés la et l'immolés à Dieu; [180*] protestant que vous ne la reprendrés plus, mais la laisserés en la main de sa divine Majesté, pour suivre en tout et par tout ses ordonnances..

  A003002435 

 Il faut que tous ces exercices reposent dans le cœur, et que nous ostans de la consideration et meditation, nous allions tout bellement entre les affaires et conversations, de peur que la liqueur de nos resolutions ne s'epanche soudainement: car il faut qu'elle detrempe et penetre bien par toutes les parties de l'ame, le tout neantmoins sans effort, ny d'esprit ny de corps.

  A003002440 

 Et s'il s'en treuve qui n'ayt pas ce don en aucune sorte de degré (ce que je ne pense pas pouvoir arriver que fort rarement) le sage Pere spirituel luy fera aysement suppleer le defaut par l'attention qu'il luy enseignera d'avoir ou à lire ou à ouïr lire les mesmes considerations qui sont mises és meditations..

  A003002440 

 Le monde dira, que je presuppose presque par tout que ma [182*] Philothée aye le don de l'oraison mentale, et que neantmoins chacun ne l'a pas: si que cette Introduction ne servira pas pour tous.

  A003002446 

 Je finirois volontiers mes advis, par celuy que la mere de S. Simphorien faisoit à son fils, quand elle le voyoit aller au martyre; car craignant qu'il ne perdit courage; Mon fils, mon fils, crioit elle apres luy, regarde le Ciel.


04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A004000039 

 Chapitre VI. De quelques faveurs speciales exercees en la redemption des hommes par la divine providence 45.

  A004000047 

 Chapitre XIV. Du sentiment de l'amour divin qui se reçoit par la foy.

  A004000048 

 Chapitre XV. Du grand sentiment d'amour que nous recevons par la sainte esperance.

  A004000084 

 Des deux principaux exercices de l'amour sacré qui se font par complaysance et bienveuillance 106.

  A004000086 

 Chapitre II. Que par la sainte complaysance nous sommes rendus comme petitz enfans aux mammelles de Nostre Seigneur 107.

  A004000088 

 Chapitre IV. De l'amoureuse condoleance par laquelle la complaysance de l'amour est encor mieux declaree 111.

  A004000090 

 Chapitre VI. De l'amour de bienveuillance que nous exerçons envers Nostre Seigneur par maniere de desir 114.

  A004000111 

 Chapitre XIV. De quelques autres moyens par lesquelz le saint amour blesse les cœurs.

  A004000118 

 Mais, o Mere toute triomphante, qui peut jetter ses yeux sur vostre majesté sans voir a vostre dextre celuy que vostre Filz voulut si souvent, pour l'amour de vous, honnorer du tiltre de Pere, le vous ayant uni par le lien celeste d'un mariage tout virginal, a ce qu'il fust vostre secours et coadjuteur en la charge de la conduite et education de sa divine enfance? O grand saint Joseph, Espoux tres aymé de la Mere du Bienaymé, hé, combien de fois aves vous porté l'Amour du Ciel et de la terre entre vos bras, tandis que, embrasé des doux embrassemens et baysers de ce divin Enfant, vostre ame fondoit [1] d'ayse Ihors qu'il prononçoit tendrement a vos oreilles (o Dieu, quelle suavité!) que vous esties son grand ami et son cher Pere bienaymé!.

  A004000119 

 Hé, je vous conjure par ce cœur de vostre doux Jesus qui est le Roy des cœurs, que les vostres adorent, animés mon ame et celles de tous ceux qui liront cet escrit, de vostre toute puissante faveur envers le Saint Esprit, affin que nous immolions meshuy en holocauste toutes nos affections a sa divine Bonté, pour vivre, mourir et revivre a jamais, emmi les flammes de ce celeste feu que Nostre Seigneur vostre Filz a tant desiré d'allumer en nos cœurs, que pour cela il ne cessa de travailler et souspirer jusques a la mort et la mort de la croix.

  A004000127 

 Ainsy ce celeste Espoux voulant donner commencement a la publication de sa Loy, jetta sur l'assemblee des disciples qu'il avoit deputé a cet office force langues de feu, monstrant asses par ce moyen que la predication evangelique estoit toute destinee a l'embrazement des cœurs..

  A004000135 

 Mays parmi toute la diversité des couleurs de la doctrine qu'elle publie, on descouvre par tout le bel or de la sainte dilection, qui se fait excellemment entrevoir, dorant de son lustre incomparable toute la science des Saintz et la rehaussant au dessus de toute science.

  A004000138 

 Mays affin que l'on sceust que cette sorte d'escritz se font plus heureusement par la devotion des amans que par la doctrine des sçavans, le Saint Esprit a voulu que plusieurs femmes ayent fait des merveilles en cela.

  A004000139 

 Ce grand et celebre cardinal Belarmin a aussi depuis peu fait voir un petit livret intitulé l'Escalier four monter a Dieu par les creatures, qui ne peut estre qu'admirable, partant de cette tres sçavante main et tres devote ame, qui a tant escrit, et si doctement, pour le bien de l'Eglise..

  A004000139 

 En nostre aage aussi plusieurs en ont escrit, desquelz je n'ay pas eu le loysir de lire distinctement les livres, ains seulement par ci par la, autant qu'il estoit requis pour voir si celuy ci pourroit encor treuver place.

  A004000139 

 Le Pere Louys Richeome, de la Compaignie de Jesus, a aussi publié un livre sous le tiltre de l'Art d'aymer Dieu par les creatures; et cet autheur est tant aymable en sa personne et en ses beaux escritz, qu'on ne peut douter qu'il ne le soit encor plus, escrivant de l'amour mesme.

  A004000140 

 Je ne veux rien dire du Parenetique de ce fleuve d'eloquence qui flotte meshuy parmi toute la France par la multitude et varieté de ses sermons et beaux escritz; l'estroitte consanguinité spirituelle que mon ame a contractee avec la, sienne, lors que par l'imposition [6] de mes mains il receut le caractere sacré de l'ordre episcopal, pour le bonheur du diocese de Belley et l'honneur de l'Eglise, outre mille nœuds d'une sincere amitié qui nous lient ensemble, ne permettent pas que je puisse parler avec credit de ses ouvrages, entre lesquelz ce Parenetique de l'Amour divin fut une des premieres saillies de la non pareille affluence d'esprit que chacun admire en luy.

  A004000142 

 La nature mesme, qui est une si sage ouvriere, projettant la production des raysins, produit quant et quant, comme par une prudente inadvertence, tant de feuilles et de pampres, qu'il y a peu de vignes qui n'ayent besoin en leur sayson d'estre esfeuillees et esbourgeonnees..

  A004000145 

 Je cite aucunefois l'Escriture Sainte en autres termes que ceux qui sont portés par l'edition ordinaire: o vray Dieu, mon cher Lecteur, ne me fay pas pour cela ce tort de croire que je veuille me departir de cette edition-la; ah non, car je sçai que le Saint Esprit l'a authorisee par le sacré Concile de Trente, et que partant nous nous y devons tous arrester; ains au contraire, je n'employe les autres versions que pour le service de celle ci, quand elles expliquent et confirment son vray sens.

  A004000145 

 Par exemple, ce que l'Espoux celeste dit a son Espouse: Tu as blessé mon cœur, est fort esclairci par l'autre version: Tu m'as emporté le cœur, ou Tu as tiré et ravi mon cœur.

  A004000146 

 J'ay souvent cité le sacré Psalmiste en vers, et ç'a esté pour recreer ton esprit et selon la facilité que j'en ay eu par la belle traduction de Philippe des Portes, abbé de Tiron, de laquelle neanmoins je me suis quelquefois departi: non certes cuydant de pouvoir faire mieux les vers que ce fameux poete, car je serois un grand impertinent si n'ayant jamais seulement pensé a cette sorte d'escrire, je pretendois d'y reuscir en un aage et en une condition de vie qui m'obligeroit de m'en retirer si jamais j'y avois esté engagé; mays en quelques endroitz ou il y pouvoit avoir plusieurs intelligences, je n'ay pas suivi ses vers parce que je ne voulois pas suivre son sens; comme au Psalme CXXXII, il a entendu un mot latin qui y est, des franges de la robbe, que j'ay estimé devoir estre pris pour le collet: c'est pourquoy j'ay fait la traduction a mon gré..

  A004000151 

 Ce Traitté donq est fait pour ayder l'ame des-ja devote a ce qu'elle se puisse avancer en son dessein, et pour cela il m'a esté force de dire plusieurs choses un peu moins conneües au vulgaire et qui par consequent sembleront plus obscures: le fond de la science est tous-jours un peu plus malaysé a sonder, et se treuve peu de plongeons qui veuillent et sachent aller recueillir les perles et autres pierres precieuses dans les entrailles de l'ocean.

  A004000155 

 Il y a dix neuf ans que me treuvant a Thonon, petite ville situee sur le lac de Geneve, laquelle lhors se convertissoit petit a petit a la foy Catholique, le ministre adversaire de l'Eglise crioit par tout que l'article catholique de la reelle presence du Cors du Sauveur en l'Eucharistie destruysoit le Symbole et l'analogie de la foy (car il estoit bien ayse de dire ce mot d'Analogie non entendu par ses auditeurs, affin de paroistre fort sçavant); et sur cela, les autres predicateurs catholiques avec lesquelz j'estois la, me chargerent d'escrire quelque chose en refutation de cette vanité; et je fis ce qui me sembla convenable, dressant une briefve Meditation sur le Symbole des Apostres, pour confirmer la verité, et toutes les copies furent distribuees en ce diocese, ou je n'en treuve plus aucune..

  A004000156 

 Et parce que d'un costé il y avoit [15] des grans empeschemens a ce bonheur, selon les considerations que l'on appelle raysons d'Estat, et que d'ailleurs plusieurs, non encor bien instruitz de la verité, resistoyent a ce tant desirable restablissement, Son Altesse surmonta la premiere difficulté par la fermeté invincible de son zele a la sainte religion, et la seconde par une douceur et prudence extraordinaire; car elle fit assembler les principaux et plus opiniastres, et les harangua avec une eloquence si aimablement pressante, que presque tous, vaincuz par la douce violence de son amour paternel envers eux, rendirent les armes de leur opiniastreté a ses piedz, et leurs ames entre les mains de la sainte Eglise..

  A004000156 

 Peu apres, Son Altesse vint deça les montz, et treuvant les balliages de Chablaix, Gaillart et Ternier, qui sont es environs de Geneve, a moytié disposés de recevoir la sainte religion Catholique, qui en avoit esté arrachee par le malheur des guerres et revoltes, il y avoit pres de soixante et dix ans, elle se resolut d'en restablir l'exercice en toutes les parroisses et d'abolir celuy de l'heresie.

  A004000158 

 Or, en cette occasion on replanta par toutes les advenues et places publiques de ces quartiers-la, les victorieuses enseignes de la Croix; et parce que peu auparavant on en avoit planté une fort solemnellement a Annemasse, pres Geneve, un certain ministre fit un petit traitté contre l'honneur d'icelle, contenant une invective ardente et veneneuse, a laquelle pour cela il fut treuvé bon que l'on respondit: et Monseigneur Claude de Granier, mon predecesseur, duquel la memoire est en benediction, m'en imposa la charge selon le pouvoir qu'il avoit sur moy, qui le regardois non seulement comme mon Evesque, mais comme un saint serviteur de Dieu.

  A004000168 

 Et c'est une bonne partie de ce que je te communique maintenant que je dois a cette benite assemblee, parce que celle qui en est la Mere et y preside, sachant que j'escrivois sur ce sujet et que neanmoins malaysement pourrois-je tirer la besoigne au jour, si Dieu ne m'aydoit fort specialement et que je ne fusse continuellement pressé, ell'a eu un soin continuel de prier et faire prier pour cela, et [20] de me conjurer saintement de recueillir tous les petitz morceaux de loysir qu'elle estimoit pouvoir estre sauvés, par ci par la, de la presse de mes empeschemens, pour les employer a ceci: et parce que cette ame m'est en la consideration que Dieu sçait, elle n'a pas eu peu de pouvoir pour animer la mienne en cette occasion..

  A004000168 

 Icy certes je parle pour les ames avancees en la devotion; car il faut que je te die que nous avons en cette ville une Congregation de filles et vefves qui, retirees du monde, vivent unanimement au service de Dieu, sous la protection de sa tressainte Mere; et comme leur pureté et pieté d'esprit m'a souvent donné des grandes consolations, aussi ay-je tasché de leur en rendre frequemment par la distribution de la sainte parole, que je leur ay annoncee tant en sermons publiqs qu'en colloques spirituelz, et presque tous-jours en la presence de plusieurs religieux et gens de grande devotion: dont il m'a falu traitter maintefois des sentimens plus delicatz de la pieté, passant au dela de ce que j'avois dit a Philothee.

  A004000169 

 Il y a voirement long tems que j'avois projetté d'escrire de l'amour sacré; mais ce projet n'estoit point comparable a ce que cette occasion m'a fait produire, occasion que je te manifeste ainsy naifvement tout a la bonne foy, a l'imitation des anciens, affin que tu saches que je n'escris que par rencontre et occurrence, et que tu me sois plus amiable.

  A004000170 

 Certes, comme les femmes tandis qu'elles sont fortes et habiles a produire aysement les enfans, leur choysissent ordinairement des parreins entre leurs amis de ce monde, mays quand leur foiblesse et indisposition rend leurs enfantemens difficiles et perilleux, elles invoquent les Saintz du Ciel et vouent de faire tenir leurs enfans par quelque pauvre ou par quelque personne devote, au nom de saint Joseph, de saint François d'Assise, de saint François de Paule, de saint Nicolas, ou de quelqu'autre Bienheureux qui puisse impetrer de Dieu le bon succes de leur grossesse et une naissance vitale pour l'enfant; de mesme, avant que je fusse Evesque, [21] me treuvant avec plus de loysir et moins d'apprehension pour escrire, je dediay les petitz ouvrages que je fis aux princes de la terre; mais maintenant qu'accablé de ma charge j'ay mille difficultés d'escrire, je ne consacre plus rien qu'aux princes du Ciel, affin qu'ilz m'obtiennent la lumiere requise, et que, si telle est la volonté divine, ces escritz ayent une naissance fructueuse et utile a plusieurs..

  A004000179 

 Affin qu'une musique soit belle, il ne faut pas seulement que les voix soyent nettes, claires et bien distinguees, mays qu'elles soyent alliees en telle sorte les unes aux autres, qu'il s'en fasse une juste consonance et harmonie, par le moyen de l'union qui est en la distinction et la distinction qui est en l'union des voix, que non sans cause on appelle un accord discordant, ou plustost une discorde accordante..

  A004000181 

 Les voix, pour estre belles, doivent estre claires et nettes, les discours intelligibles, les couleurs esclattantes et resplendissantes: l'obscurité, l'ombre, les tenebres sont laides et enlaidissent toutes choses, parce qu'en icelles rien n'est connoissable, ni l'ordre, ni la distinction, ni l'union, ni la convenance; qui a fait dire a saint Denis que Dieu, «comme souveraine beauté, est autheur de la belle convenance, du beau lustre et de la bonne grace qui est en toutes choses, faisant esclatter, en forme de lumiere, les distributions et departemens de son rayon,» par lesquelz toutes choses sont rendues belles, voulant que pour establir la beauté il y eust la convenance, la clarté et la bonne grace..

  A004000182 

 Ainsy, en la souveraine beauté de nostre Dieu nous reconnoissons l'union, ains l'unité de l'essence en la distinction des Personnes, avec une infinie clarté, jointe a la convenance incomprehensible de toutes les perfections des actions et mouvemens, comprises tres souverainement et, par maniere de dire, jointes et adjustees excellemment en la tres unique et tres simple perfection du pur acte divin qui est Dieu mesme, immuable et invariable, ainsy que nous dirons ailleurs..

  A004000187 

 Le pere de famille conduit sa femme, ses enfans et ses serviteurs par ses ordonnances et commandemens, auxquelz ilz sont obligés d'obeir, bien qu'ilz puissent ne le faire pas; que s'il a des serfz et esclaves, il les gouverne par la force, a laquelle ilz n'ont nul pouvoir de contredire; mays ses chevaux, ses boeufs, ses muletz, il les manie par industrie, les liant, bridant, piquant, enfermant, laschant..

  A004000189 

 C'est ainsy, Theotime, que Nostre Seigneur enseigne qu' il y a des eunuques qui sont telz pour le Royaume des cieux, c'est a dire qui ne sont pas eunuques d'impuissance naturelle, mais par l'industrie de laquelle leur volonté se sert pour les retenir dans la sainte continence.

  A004000194 

 Avant que l'Empereur soit creé, il est sousmis aux electeurs qui dominent sur luy, pouvans ou le choisir a la dignité imperiale ou le rejetter; mays s'il est une fois esleu et eslevé par eux, ilz sont des lhors sous luy, et il domine sur eux.

  A004000194 

 La volonté donques, Theotime, domine sur la memoire, l'entendement et la fantasie, non par force mais par authorité, en sorte qu'elle n'est pas tous-jours infalliblement obeie, non plus que le pere de famille ne l'est pas aussi tous-jours par ses enfans et serviteurs.

  A004000196 

 Et sur tout ce peuple des passions sensuelles la volonté tient son empire, rejettant leurs suggestions, repoussant leurs attaques, empeschant leurs effectz, et au fin moins, leur refusant fortement son consentement, sans lequel elles ne peuvent l'endommager, et par le refus duquel elles demeurent vaincues, voire mesme a la longue, abbatues, allangouries, efflanquees, reprimees, et, sinon du tout mortes, au moins amorties ou mortifiees..

  A004000196 

 Or, cette convoitise ou appetit sensuel a douze mouvemens, par lesquelz, comme par autant de capitaines mutinés, il fait sa sedition en l'homme.

  A004000197 

 Cependant la mer en fin s'apaise, le danger passe, et l'asseurance redonnant a un chacun la liberté de causer, voire mesme de railler, un certain voluptueux asiatique, se moquant du Stoïcien, luy reprochoit qu'il avoit eu peur et qu'il estoit devenu have et pasle au danger, et que luy au contraire estoit demeuré ferme, sans effroy; a quoy le Stoïcien repartit par le recit de ce que Aristippus, philosophe socratique, avoit respondu a un homme qui pour mesme sujet l'avoit piqué d'un mesme reproche: «Car,» luy dit-il, «toy, tu as eu rayson de ne t'estre point soucié pour l'ame d'un meschant brouillon; mais moy j'eusse eu tort de ne point craindre la perte de l'ame d'Aristippus;» et le bon de l'histoire est que Aulus Gellius, tesmoin oculaire, la recite.

  A004000197 

 Mais quant a la repartie qu'elle contient, le Stoïcien qui la fit favorisa plus sa promptitude que sa cause, puisque, alleguant un compaignon de sa crainte, il laissa preuvé, par deux irreprochables tesmoins, que les Stoïciens estoyent touchés de la crainte, et de la crainte qui respand ses effectz es yeux, au visage et en la contenance, et qui par consequent est une passion..

  A004000204 

 Bref, Theotime, la volonté n'est esmeüe que par ses affections, entre lesquelles l'amour, comme le premier mobile est la premiere affection, donne le bransle a tout le reste, et fait tous les autres mouvemens de l'ame..

  A004000204 

 La femme, pour l'ordinaire, change sa condition en celle de son mari, et devient noble s'il est noble, reyne s'il est roy, duchesse s'il est duc: la volonté change aussi de qualité selon l'amour qu'elle espouse; s'il est charnel elle est charnelle; spirituelle, s'il est spirituel; et toutes les affections de desir, de joye, d'esperance, de crainte, de tristesse, comme enfans nés du mariage de l'amour avec la volonté, reçoivent aussi par consequent leurs qualités de l'amour.

  A004000205 

 Mays tout ainsy qu'apres le mariage elle perd sa liberté, et de maistresse devient sujette a la puissance du mari, demeurant prise par celuy qu'elle a pris, de mesme la volonté qui choisit l'amour a son gré, apres qu'elle en a embrassé quelqu'un, elle demeure asservie sous luy; et comme la femme demeure sujette au mari qu'elle a choisi tandis qu'il vit, et que s'il meurt elle reprend sa precedente liberté, pour se remarier a un autre, ainsy pendant qu'un amour vit en la volonté il y regne, et elle demeure sousmise a ses mouvemens; que si cet amour vient a mourir, elle pourra par apres en reprendre un autre.

  A004000209 

 Or, tous ces mouvemens estoient en la partie raysonnable, puisque les sens, ni par consequent l'appetit sensuel, ne sont pas capables d'estre appliqués a ces objetz, et partant, ces mouvemens estoient des affections de l'appetit intellectuel ou raysonnable, et non pas des passions de l'appetit sensuel..

  A004000210 

 Combien de fois avons-nous des passions en l'appetit sensuel ou convoitise, contraires aux affections que nous sentons en mesme tems dans l'appetit raysonnable ou dans la volonté? Le jeune homme duquel parle saint Hierosme, se coupant la langue a belles dens, et la crachant sur le nés de cette maudite femme qui l'enflammoit a la volupté, ne tesmoignoit-il pas d'avoir en la volonté une extreme affection de desplaysir, contraire a la passion du playsir que, par force, on luy faisoit sentir en la convoitise et appetit sensuel? Combien de fois tremblons nous de crainte entre les [35] hazards ausquelz nostre volonté nous porte et nous fait demeurer? combien de fois haïssons nous les voluptés esquelles nostre appetit sensuel se plait, aymans les biens spirituelz esquelz il se desplait? En cela consiste la guerre que nous sentons tous les jours entre l'esprit et la chair; entre nostre homme exterieur, qui depend des sens, et l'homme interieur, qui depend de la rayson; entre le viel Adam, qui suit les appetitz de son Eve ou de sa convoitise, et le nouvel Adam, qui seconde la sagesse celeste et la sainte rayson..

  A004000211 

 Pour cela, ilz nioyent sur tout que l'homme sage peust jamais avoir aucune tristesse, d'autant qu'elle ne regarde que le mal survenu, et que rien n'advient en mal a l'homme sage, puisque nul n'est jamais offencé que par soy mesme, selon leur maxime.

  A004000213 

 Les premieres sont nommees affections naturelles; car, qui est celuy qui ne desire naturellement d'avoir la santé, les provisions requises au vestir et a la nourriture, les douces et aggreables conversations? Les secondes affections sont nommees raysonnables, d'autant qu'elles sont toutes appuyees sur la connoissance spirituelle de la rayson, par laquelle nostre volonté est excitee a rechercher la tranquillité du cœur, les vertus morales, le vray honneur, la contemplation philosophique des choses eternelles.

  A004000213 

 Mais les affections du supreme degré sont nommees divines et surnaturelles, parce que Dieu luy mesme les respand en nos espritz, et qu'elles regardent et tendent en Dieu sans l'entremise d'aucun discours ni d'aucune lumiere naturelle; selon qu'il est aysé de concevoir par ce que nous dirons ci apres des acquiescemens et sentimens qui se prattiquent au sanctuaire de l'ame.

  A004000217 

 La volonté gouverne toutes les autres facultés de l'esprit humain, mays elle est gouvernee par son amour qui la rend telle qu'il est.

  A004000218 

 Ismael ne fut point heritier avec Isaac, son frere plus jeune; Esaü fut destiné au service de son frere puisné; Joseph fut adoré, non seulement par ses freres, mays aussi par son pere, et voyre mesme par sa mere, en la personne de Benjamin, ainsy qu'il avoit preveu es songes de sa jeunesse.

  A004000219 

 Isaac, Jacob et Joseph furent des enfans surnaturelz; car leurs meres, Sara, Rebecca et Rachel, estans steriles par nature, les conceurent par la grace de la bonté celeste: c'est pourquoy ilz furent establis maistres de leurs freres.

  A004000221 

 Le saint amour fait son sejour sur la plus haute et relevee region de l'esprit, ou il fait ses sacrifices et holocaustes a la Divinité, ainsy qu'Abraham fit le sien, et que Nostre Seigneur s'immola sur le coupeau au mont Calvaire; affin que, d'un lieu si relevé, il soit ouy et obei par son peuple, c'est a dire par toutes les facultés et affections de l'ame, qu'il gouverne avec une douceur nompareille; car l'amour n'a point de forçatz ni d'esclaves, ains reduit toutes choses a son obeissance avec une force si delicieuse, que, comme rien n'est si fort que l'amour, aussi rien n'est si aymable que sa force..

  A004000222 

 Les vertus sont en l'ame pour moderer ses mouvemens, et la charité, comme premiere de toutes les vertus, les regit et tempere toutes, non seulement [39] parce que «le premier en chaque espece des choses sert de regle et mesure a tout le reste,» mais aussi parce que Dieu, ayant creé l'homme a son image et semblance, veut que, comme en luy, tout y soit ordonné par l'amour et pour l'amour..

  A004000226 

 Car je vous prie, Theotime, qu'est ce que le bien sinon ce que chacun veut? et qu'est ce que la volonté sinon la faculté qui porte et fait tendre au bien, ou a ce qu'elle estime tel? La volonté donques appercevant et sentant le bien par l'entremise de l'entendement qui le luy represente, ressent a mesme tems une soudaine delectation et complaisance en ce rencontre, qui l'esmeut et incline, doucement mays puissamment, vers cet object aymable, [40] affin de s'unir a luy; et pour parvenir a cette union, elle luy fait chercher tous les moyens plus propres..

  A004000226 

 La volonté a une si grande convenance avec le bien, que tout aussi tost qu'elle l'apperçoit elle se tourne de son costé pour se complaire en iceluy, comme en son objet tres aggreable, auquel elle est si estroittement alliee que mesme l'on ne peut declarer sa nature que par le rapport qu'elle a avec iceluy, non plus qu'on ne sçauroit monstrer la nature du bien que par l'alliance qu'il a avec la volonté.

  A004000228 

 Le fer donques a une telle convenance avec l'aymant, qu'aussi tost qu'il en apperçoit la vertu il se retourne devers luy; puis il commence soudain a se remuer et demener par des petitz tressaillemens, tesmoignant en cela la complaisance qu'il ressent, en suite [41] de laquelle il s'avance et se porte vers l'aymant, cherchant tous les moyens qu'il peut pour s'unir avec iceluy.

  A004000229 

 Bref, la complaysance est le premier esbranlement ou la premiere esmotion que le bien fait en la volonté; et cette esmotion est suivie du mouvement et escoulement par lequel la volonté s'avance et s'approche de la chose aymee, qui est le vray et propre amour.

  A004000229 

 Disons ainsy: le bien empoigne, saisit et lie le cœur par la complaysance, mays par l'amour il le tire, conduit et amene a soy; par la complaysance il le fait sortir, mays par l'amour il luy fait faire le chemin et le voyage; la complaysance c'est le resveil du cœur, mays l'amour en est l'action; la complaysance le fait lever, mays l'amour le fait marcher; le cœur estend ses [42] aisles par la complaysance, mais l'amour est son vol. L'amour donques, a parler distinctement et precisement, n'est autre chose que le mouvement, escoulement et avancement du cœur envers le bien..

  A004000230 

 Et comme l'abeille naissant dedans le miel, se nourrit du miel et ne vole que pour le miel, ainsy l'amour naist de la complaysance, se maintient par la complaysance et tend a la complaysance.

  A004000230 

 Plusieurs grans personnages ont creu que l'amour n'estoit autre chose que la mesme complaysance, en quoy ilz ont eu beaucoup d'apparence de rayson; car non seulement le mouvement d'amour prend son origine de la complaysance que le cœur ressent a la premiere rencontre du bien, et aboutit a une seconde complaysance qui revient au cœur par l'union a la chose aymee, mais, outre cela, il tient sa conservation de la complaysance, et ne peut vivre que par elle, qui est sa mere et sa nourrice, si que soudain que la complaisance cesse, l'amour cesse.

  A004000231 

 C'est pourquoy, quand il tend a un bien present il ne fait autre chose que de pousser le cœur, le serrer, joindre et appliquer a la chose aymee, de laquelle par ce moyen il jouit; et lhors on l'appelle amour de complaysance parce que soudain qu'il est né de la premiere complaysance, il se termine a l'autre seconde, qu'il reçoit en l'union de son objet present.

  A004000231 

 Mais quand le bien devers lequel le cœur s'est retourné, incliné et esmeu, se treuve esloigné, absent ou futur, ou que l'union ne se peut pas encor faire si parfaittement qu'on pretend, alhors le mouvement d'amour par lequel le cœur tend, s'avance et aspire a cet objet absent, s'appelle proprement desir; car le desir n'est autre chose que l'appetit, convoitise ou cupidité des choses que nous n'avons pas, et que neanmoins nous pretendons d'avoir..

  A004000231 

 Or, ce mouvement causé par la complaysance dure jusques a l'union ou jouissance.

  A004000232 

 Il y a encor certains mouvemens d'amour par lesquelz nous desirons les choses que nous n'attendons ni pretendons nullement, comme quand nous disons: Que ne suis-je maintenant en Paradis! je voudrois estre roy; pleust a Dieu que je fusse plus jeune; a la mienne volonté que je n'eusse jamais peché, et semblables choses.

  A004000233 

 Ce n'est pas encor tout, Theotime, car il y a des desirs et souhaitz qui sont encor plus imparfaitz que ceux que nous venons de dire, d'autant que leur mouvement n'est pas arresté par l'impossibilité ou extreme difficulté, mais par la seule incompatibilité qu'ilz ont avec des autres desirs ou vouloirs plus puissans; comme quand un malade desire de manger des potirons ou melons, et quoy qu'il en ait a son commandement, il ne veut neanmoins pas en manger, parce qu'il craint d'empirer son mal: car qui ne voici deux desirs en cet [45] homme, l'un de manger des potirons, et l'autre de guerir? mays parce que celuy de guerir est plus grand, il estouffe et suffoque l'autre, l'empeschant de produire aucun effect.

  A004000233 

 Et ces souhaitz, qui sont arrestés non point par l'impossibilité mais par l'incompatibilité qu'ilz ont avec des plus puissans desirs, s'appellent voirement souhaitz et desirs, mais souhaitz vains, suffoqués et inutiles.

  A004000233 

 Or, a mesure que les choses incompatibles avec ce qui est souhaité sont moins aymables, les souhaitz sont plus imparfaitz, puisqu'ilz sont arrestés et comme estouffés par des si foibles contraires: ainsy le souhait que Herodes eut de ne point faire mourir saint Jean fut plus imparfait que celuy que Pilate avoit de delivrer Nostre Seigneur; car celuy ci craignoit la calomnie et l'indignation du peuple et de Cesar, et celuy la de contrister une seule femme.

  A004000237 

 C'est donq aussi l'homme qui, par la faculté affective que nous appelions volonté, tend et se complait au bien, et qui a cette grande convenance avec iceluy, laquelle est la source et origine de l'amour.

  A004000237 

 Nous disons que l'œil void, l'oreille entend, la langue parle, l'entendement discourt, la memoyre se resouvient et la volonté ayme: mais nous sçavons bien toutefois que c'est l'homme, a proprement parler, qui, par diverses facultés et differens organes, fait toute cette varieté d'operations.

  A004000238 

 Ainsy l'amour ne se fait pas tous-jours par la ressemblance et simpathie, ains par la correspondance et proportion, qui consiste en ce que par l'union d'une chose a une autre elles puissent recevoir mutuellement de la perfection et devenir meilleures.

  A004000238 

 La teste, certes, ne ressemble pas au cors, ni la main au bras, mais neanmoins, ces choses ont une si grande correspondance et joignent si proprement l'une a l'autre, que par leur mutuelle conjonction elles s'entreperfectionnent excellemment: c'est pourquoy, si ces parties-la avoyent chacune une ame distincte, [49] elles s'entr'aymeroyent parfaittement, non point par ressemblance, car elles n'en ont point ensemble, mays pour la correspondance qu'elles ont a leur mutuelle perfection.

  A004000238 

 Les accors de musique se font en la discordance, par laquelle les voix dissemblables se correspondent, pour toutes ensemble faire un seul rencontre de proportion; comme la dissemblance des pierres precieuses et des fleurs fait l'aggreable composition de l'esmail et de la diapreure.

  A004000238 

 Les viellars ayment les enfans, [49] non point par simpathie, mais d'autant que l'extreme simplicité, foiblesse et tendreté des uns rehausse et fait mieux paroistre la prudence et asseurance des autres; et cette dissemblance est aggreable: au contraire, les petitz enfans ayment les viellars parce qu'ilz les voyent amusés et embesoignés d'eux, et que, par un sentiment secret, ilz connoissent qu'ilz ont besoin de leur conduite.

  A004000239 

 Mais quand cette mutuelle correspondance est conjointe avec la ressemblance, l'amour sans doute s'engendre bien plus puissamment; car la similitude estant la vraye image de l'unité, quand deux choses semblables s'unissent par correspondance a mesme fin, il semble que ce soit plustost unité qu'union..

  A004000240 

 Mais cecy s'entendra de mieux en mieux par le progres du discours..

  A004000244 

 Et pour nous [50] eslever plus doucement a la consideration de cet amour spirituel qui s'exerce entre Dieu et nous, par la correspondance des mouvemens de nos cœurs avec les inspirations de sa divine Majesté, il employe une perpetuelle representation des amours d'un chaste berger et d'une pudique bergere.

  A004000244 

 Or, faysant parler l'Espouse la premiere, comme par maniere d'une certaine surprise d'amour, il luy fait faire d'abord cet eslancement: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche! Voyes vous, Theotime comme l'ame en la personne de cette bergere ne pretend, par le premier souhait qu'elle exprime, qu'une chaste union avec son Espoux, comme protestant que c'est l'unique fin a laquelle elle aspire et pour laquelle elle respire; car, je vous prie, que veut dire autre chose ce premier souspir: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche?.

  A004000245 

 Le bayser de tout tems, comme par instinct naturel, a esté employé pour representer l'amour parfait, c'est a dire l'union des cœurs, et non sans cause.

  A004000246 

 Ainsy fut il employé universellement entre les premiers Chrestiens, comme le grand saint Paul tesmoigne quand il dit aux Romains et Corinthiens: Salues vous mutuellement les uns les autres par le saint bayser; et, comme plusieurs tesmoignent, Judas, en la prise de Nostre Seigneur, employa le bayser pour le faire connoistre, parce que ce divin Sauveur baysoit ordinairement ses disciples quand il les rencontroit, et non seulement ses disciples, mais aussi les petitz enfans qu'il prenoit amoureusement entre ses bras, comme il fit celuy par la comparayson duquel il invita si solemnellement ses disciples a la charité du prochain, que plusieurs estiment avoir esté saint Martial, comme l'Evesque Jansenius le rapporte..

  A004000246 

 Mays pourtant, nous ne respandons nos discours ni les pensees qui procedent de la portion spirituelle de nos ames, que nous appelions rayson et par laquelle nous sommes differens d'avec les animaux, sinon par nos paroles et par consequent par le moyen de la bouche; si que verser son ame, et respandre son cœur, n'est autre chose que parler.

  A004000246 

 Versés devant Dieu vos cœurs, dit le Psalmiste, c'est a dire, exprimés [51] et prononcés les affections de vostre cœur par paroles; et la devote mere de Samuel, prononçant ses prieres, quoy que si bellement qu'a peyne voyoit-on le mouvement de ses levres: J'ay respandu, dit elle, mon ame devant Dieu.

  A004000248 

 Quand l'Esprit divin veut exprimer un amour parfait, il employe presque tous-jours les paroles d'union et de conjonction: En la multitude des croyans, dit saint Luc, il n'y avoit qu'un cœur et qu'une ame; Nostre Seigneur pria son Pere pour tous les fideles affin qu'ilz fussent tous une mesme chose; saint Paul nous advertit que nous soyons soigneux de conserver unité d'esprit par l'union de la paix.

  A004000252 

 Il faut pourtant prendre garde qu'il y a des unions naturelles, comme celle de ressemblance, consanguinité et de la cause avec son effect, et d'autres, lesquelles, n'estans pas naturelles, peuvent estre dites volontaires, car bien qu'elles soyent selon la nature, elles ne se font neanmoins que par nostre volonté; comme celle qui prend son origine des bienfaitz, qui unissent indubitablement celuy qui les reçoit a celuy qui les fait, celle de la conversation et compaignie, et autres semblables.

  A004000252 

 Or, quand l'union est naturelle, elle produit l'amour, et l'amour qu'elle produit nous porte a une nouvelle union volontaire qui perfectionne la naturelle: ainsy le pere et le filz, la mere et la fille, ou deux freres, estans naturellement unis par la communication d'un mesme sang, sont excités par cette union a l'amour, et par l'amour sont portés a une union de volonté et d'esprit qui peut estre dite volontaire, d'autant qu'encor que son fondement soit naturel, son action neanmoins est deliberee; et en ces amours produitz par l'union naturelle, il ne faut point chercher d'autre correspondance que celle de l'union mesme, par laquelle la nature prevenant la volonté, l'oblige d'appreuver, aymer et perfectionner l'union qu'elle a [54] des-ja faitte.

  A004000253 

 Ce n'est pas, Theotime, qu'il n'y ait quelque sorte de passions en l'homme lesquelles, comme le guy vient sur les arbres par maniere d'excrement et de surcroissance, naissent aussi bien souvent parmi l'amour et autour de l'amour; mais neanmoins elles ne sont pas ni l'amour ni partie de l'amour, ains sont des excremens et superfluités d'iceluy, lesquelles non seulement ne sont pas prouffitables pour maintenir ou perfectionner l'amour, mais au contraire l'endommagent grandement, l'affoiblissent, et en fin finale, si on ne les retranche, le ruinent tout a fait; dequoy voyci la rayson..

  A004000253 

 Mais a quelle sorte d'union tend-il? N'aves-vous pas remarqué, Theotime, que l'Espouse sacree exprime son souhait d'estre unie avec son Espoux, par le bayser, et que le bayser represente l'union spirituelle qui se fait par la reciproque communication des ames? Certes, c'est l'homme qui ayme, mais il ayme par la volonté, et partant, la fin de son amour est de la nature de sa volonté: mais sa volonté est spirituelle, c'est pourquoy l'union que son amour pretend est aussi spirituelle; d'autant plus que le cœur, siege et source de l'amour, non seulement ne seroit pas perfectionné par l'union qu'il auroit aux choses corporelles, mays en seroit avili.

  A004000254 

 Ainsy les hommes attentifs a plusieurs choses, le sont moins a chacune d'icelles: on ne sçauroit exactement considerer les traitz d'un visage par la veüe, et a mesme tems exactement escouter l'harmonie d'une excellente musique; ni en un mesme tems estre attentif a la figure et a la couleur; si nous sommes affectionnés a parler, nous ne saurions avoir attention a autre chose..

  A004000255 

 Ne voyons-nous pas que le feu, symbole de l'amour, forcé de sortir par la seule bouche du canon, fait un esclat prodigieux, qu'il feroit beaucoup moindre s'il avoit ouverture par deux ou par trois endroitz? Puis donq que l'amour est [56] un acte de nostre volonté, qui le veut avoir non seulement noble et genereux, mais fort, vigoureux et actif, il en faut retenir la vertu et la force dans les limites des operations spirituelles; car qui voudroit l'appliquer aux operations de la partie sensible ou sensitive de nostre ame, il affoibliroit d'autant les operations intellectuelles, esquelles, toutefois, consiste l'amour essentiel..

  A004000255 

 Nous avons trois sortes d'actions amoureuses: les spirituelles, les raysonnables et les sensuelles; quand l'amour escoule sa force par toutes ces trois operations, il est sans doute plus estendu, mais moins tendu, et quand il ne s'escoule que par une sorte d'operation, il est plus tendu, quoy que moins estendu.

  A004000256 

 Au contraire, ceux qui, allechés des playsirs sensuelz, appliquent leurs ames a la jouissance d'iceux, ilz descendent de leur moyenne condition a la plus basse des bestes brutes, et meritent autant d'estre appellés brutaux par leurs operations comme ilz sont hommes par leur nature: malheureux, en ce qu'ilz ne sont hors d'eux mesmes que pour entrer en une condition infiniment indigne de leur estat naturel..

  A004000256 

 Ceux donques qui, touchés des voluptés divines et intellectuelles, laissent ravir leur cœur aux sentimens d'icelles, sont voirement hors d'eux mesmes, c'est a dire au dessus de la condition de leur nature; mais par une bienheureuse et desirable sortie, par laquelle, entrans en un estat plus noble et relevé, ilz sont autant anges par l'operation de leur ame, [57] comme ilz sont hommes par la substance de leur nature, et doivent estre ditz ou anges humains ou hommes angeliques.

  A004000256 

 Les philosophes anciens ont reconneu qu'il y avoit deux sortes d'extases, dont l'une nous portoit au dessus de nous mesmes, et l'autre nous ravaloit au dessous de nous mesmes: comme s'ilz eussent voulu dire que l'homme estoit d'une nature moyenne entre les Anges et les bestes, participant de la nature angelique en sa partie intellectuelle et de la nature bestiale en sa partie sensitive; et que neanmoins il pouvoit, par l'exercice de sa vie et par un continuel soin de soy mesme, s'oster et deloger de cette moyenne condition; d'autant que, s'appliquant et exerçant beaucoup aux actions intellectuelles, il se rendoit plus semblable aux Anges qu'il ne l'estoit aux bestes; que s'il s'appliquoit beaucoup aux actions sensuelles, il descendoit de sa moyenne condition et s'approchoit de celle des bestes: et parce que l'extase n'est autre chose que la sortie qu'on fait de soy mesme, de quel costé que l'on en sorte on est vrayement en extase.

  A004000258 

 Maintenant je dis que, quand l'ame prattique l'amour par les actions sensuelles et qui la portent au dessous de soy, il est impossible qu'elle n'affoiblisse d'autant [58] plus l'exercice de l'amour superieur; de sorte que, tant s'en faut que l'amour vray et essentiel soit aydé et conservé par l'union a laquelle l'amour sensuel tend, qu'au contraire il s'affoiblit, se dissipe et perit par icelle.

  A004000259 

 Helisee, ayant gueri Naaman le Syrien, se contenta de l'avoir obligé, refusant au reste son or, son argent et les meubles qu'il luy avoit offert; mais Giesi, cet infïdele serviteur, courant apres iceluy, demanda et prit, outre le gré de son maistre, ce qu'il avoit refusé: l'amour intellectuel et cordial, qui est certes, ou doit estre, le maistre en nostre ame, refuse toutes sortes d'unions corporelles et sensuelles, et se contente en la simple bienveuillance; mais les puissances de la partie sensitive, qui sont ou doivent estre les servantes de l'esprit, demandent, cherchent et prennent ce qui a esté refusé par la rayson, et, sans prendre permission d'icelle, s'avancent a vouloir faire leurs unions abjectes et serviles, deshonnorans, comme Giesi, la pureté de l'intention de leur maistre qui est l'esprit; et a mesure que l'ame se convertit a tells [59] unions grossieres et sensibles, elle se divertit de l'union delicate, intellectuelle et cordiale..

  A004000261 

 Le basilique, le romarin, la marjoleine, l'hysope, le clou de girofle, la cannelle, la noix muscade, les citrons et le musc, mis ensemble et demeurans en cors, rendent voirement une odeur bien aggreable par le meslange de leur bonne senteur; mays non pas a beaucoup pres de ce que fait l'eau qui en est distillee, en laquelle les suavités de tous ces ingrediens, separees de leur cors, se meslent beaucoup plus excellemment, s'unissans en une tres parfaite odeur qui penetre bien plus l'odorat qu'elles ne feroient pas, si avec elle et son eau les cors des ingrediens se treuvoyent conjointz et unis.

  A004000262 

 «Il y a cette difference,» comme dit saint Gregoire, «entre les playsirs spirituelz et les corporelz: que les corporelz donnent du desir avant qu'on les ayt, et du desgoust quand on les a; mais les spirituelz, au contraire, donnent du desgoust avant qu'on les ayt, et du playsir quand on les a.» Si que l'amour animal, qui pretend par l'union qu'il fait a la chose aymee de combler et perfectionner sa complaisance, treuvant qu'au contraire il la destruit en la terminant, demeure grandement desgousté de telle union: qui a fait dire au grand Philosophe, que presque tout animal, apres la jouissance de son plus ardent et pressant playsir corporel, demeuroit triste, morne et estonné, comme un [61] marchand qui, ayant pensé gaigner beaucoup, se treuve trompé et engagé dans une rude perte; ou au contraire, l'amour intellectuel treuvant en l'union qu'il fait a son objet plus de contentement qu'il n'avoit esperé, y perfectionnant sa complaisance, il la continue en s'unissant et s'unit tous-jours plus en la continuant..

  A004000266 

 Car premierement, comme nous voyons que la vigne hait, par maniere de dire, et fuit les choux, en sorte qu'ilz s'entrenuisent l'un a l'autre, et qu'au contraire elle se plaist.

  A004000266 

 Nous n'avons qu'une ame, Theotime, et laquelle est indivisible; mais en cette ame il y a divers degrés de perfection, car elle est vivante, sensible et raysonnable, et selon ces divers degrés elle a aussi diversité de proprietés et inclinations, par lesquelles elle est portee a la fuite ou a l'union des choses.

  A004000267 

 Secondement, nous avons en nous l'appetit sensitif, par le moyen duquel nous sommes portés a la recherche et a la fuite de plusieurs choses, par la connoissance sensitive que nous en avons; tout ainsy comme les animaux, desquelz les uns appetent une chose et les autres une autre, selon la connoissance qu'ilz ont qu'elle leur est convenable ou non: et en cet appetit reside, ou d'iceluy provient l'amour que nous appelions sensuel ou brutal, qui, a proprement parler, ne doit neanmoins pas estre appellé amour, ains simplement appetit..

  A004000268 

 En troisiesme lieu, entant que nous sommes raysonnables, nous avons une volonté par laquelle nous sommes portés a la recherche du bien, selon que nous le connoissons ou jugeons estre tel par le discours.

  A004000268 

 Or, en nostre ame entant qu'elle est raysonnable, nous remarquons manifestement deux degrés de perfection, que le grand saint Augustin, et apres luy tous les docteurs, ont appellé deux portions de l'ame, l'inferieure et la superieure: desquelles celle la est dite inferieure, qui discourt et fait ses consequences selon ce qu'elle apprend et experimente par les sens; et celle la est dite superieure, qui discourt et fait ses consequences selon la connoissance intellectuelle, qui n'est point fondee sur l'experience des sens, ains sur le discernement et jugement de l'esprit; aussi cette portion superieure est appellee communement esprit et partie mentale de l'ame, comme l'inferieure est ordinairement appellee le sens ou sentiment, et rayson humaine..

  A004000269 

 C'est ce que dit saint Augustin, que la superieure portion de l'ame est celle par laquelle nous adherons et nous appliquons a l'obeissance de la loy eternelle..

  A004000269 

 Or, cette portion superieure peut discourir selon deux sortes de lumieres: ou bien selon la lumiere naturelle, comme ont fait les philosophes et tous ceux qui ont discouru par science; ou selon la lumiere surnaturelle, comme font les theologiens et chrestiens, entant qu'ilz establissent leurs discours sur la foy et parole de Dieu revelee, et encor plus particulierement ceux desquelz [63] l'esprit est conduit par des particulieres illustrations, inspirations et esmotions celestes.

  A004000270 

 En quoy il tesmoigne deux volontés: l'une inferieure, par laquelle il se faschoit de l'envoyer, l'autre superieure, par laquelle il se resolut de l'envoyer; car le discours pour lequel il se faschoit de l'envoyer, estoit fondé sur le playsir qu'il sentoit de l'avoir aupres de soy et le desplaysir qui luy revenoit de la separation d'iceluy, qui sont des fondemens perceptibles et sensibles; mais la resolution qu'il print de l'envoyer estoit fondee sur une rayson de l'estat de sa famille, pour la prevoyance de la necessité future et approchante.

  A004000270 

 Jacob, pressé de l'extreme necessité de sa famille, lascha son Benjamin pour estre mené par ses freres en Egypte: ce qu'il fit contre son gré, comme l'Histoire sacree asseure.

  A004000272 

 Or, ce n'est pas pourtant a dire qu'il y ait en l'homme deux ames, ou deux natures, comme pensoient les Manicheens: «Non,» dit saint Augustin, livre huitiesme de ses Confessions, chapitre dixiesme, «ains la volonté, allechee par divers attraitz, esmeüe par diverses raysons, semble estre divisee en soy mesme, tandis qu'elle est tiree de deux costés, jusques a ce que prenant parti selon sa liberté, elle suit ou l'un ou l'autre;» car alhors la plus puissante volonté surmonte, et gaignant le dessus, ne laisse a l'ame que le ressentiment du mal que le debat luy a fait, que nous appelions contrecœur..

  A004000273 

 En suite dequoy il fit la priere que le calice de la Passion fust transporté de luy, c'est a dire qu'il en fust exempt; en quoy il exprime manifestement le vouloir de la portion inferieure de son ame, laquelle discourant sur les tristes et angoisseux objetz de la Passion qui luy estoit preparee, et de laquelle la vive image estoit representee en son imagination, il en [65] tira, par une consequence tres raysonnable, la fuite et esloignement d'iceux, dont il fait la demande a son Pere: par ou l'on remarque clairement que la portion inferieure de l'ame n'est pas la mesme chose que le degré sensitif d'icelle, ni la volonté inferieure une mesme chose avec l'appetit sensuel; car l'appetit sensuel, ni l'ame selon son degré sensitif, ne sont pas capables de faire aucune demande ni priere, qui sont des actes de la faculté raysonnable, et particulierement ilz ne sont pas capables de parler a Dieu, objet auquel les sens ne peuvent atteindre, pour en donner la connoissance a l'appetit.

  A004000273 

 Mais ce mesme Sauveur ayant fait cet exercice de la portion inferieure, et tesmoigné que, selon icelle et les considerations qu'elle faisoit, sa volonté inclinoit a la fuite des douleurs et des peynes, il monstra par apres qu'il avoit la portion superieure, par laquelle adherant inviolablement a la volonté eternelle et au decret que le Pere celeste avoit fait, il accepte volontairement la mort, et nonobstant la repugnance de la partie inferieure de la rayson, il dit: Ah non, mon Pere, que ma volonté ne soit pas faite, ains la vostre.

  A004000277 

 Il y avoit trois parvis au Temple de Salomon: l'un estoit pour les Gentilz et estrangers, qui voulans recourir a Dieu venoyent adorer en Hierusalem; le second estoit pour les Israëlites, hommes et femmes (car la separation des femmes ne fut pas faite par Salomon); le troysiesme estoit pour les prestres et pour l'ordre Levitique; et en fin, outre tout cela, il y avoit le Sanctuaire, ou mayson sacree, en laquelle l e seul grand Prestre avoit acces une fois l'an.

  A004000277 

 «Je te cherchois,» dit saint Augustin, «hors de moy, et» je ne te treuvois point, parce que «tu estois en moy.» En ce temple mistique, il y a aussi troys parvis, qui sont troys differens degrés de rayson: au premier nous discourons selon l'experience des sens; au second nous discourons selon les sciences humaines; au troisiesme nous discourons selon la foy; et en fin, outre cela, il y a une certaine eminence et supreme pointe de la rayson et faculté spirituelle, qui n'est point conduitte par la lumiere du discours ni de la rayson, ains par une simple veüe de l'entendement et un simple sentiment de la volonté, par lesquelz l'esprit acquiesce et se sousmet a la verité et a la volonté de Dieu..

  A004000278 

 Au Sanctuaire toute la lumiere y entroit par la porte; en ce degré de l'esprit rien n'entre que par la foy, laquelle produit, comme par maniere de rayons, la veüe et le sentiment de la beauté et bonté du bon playsir de Dieu.

  A004000278 

 Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor la lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dedans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de la clarté que l'ouverture de la porte rendoit; et toute la veüe qui se fait en la supreme pointe de l'ame est en certaine façon obscurcie et couverte par les renoncemens et resignations que l'ame fait, ne voulant pas tant regarder et voir la beauté de la verité et la verité de la bonté qui luy est presentee, qu'elle veut l'embrasser et l'adorer: de sorte que l'ame voudroit presque fermer les yeux, soudain qu'elle a commencé a. voir la dignité de la volonté de Dieu, affin que, sans s'occuper davantage a la considerer, elle peust plus puissamment et parfaitement l'accepter et, par une complaysance absolue, s'unir infiniment et se sous-mettre a elle..

  A004000278 

 Or, cette extremité et cime de nostre ame, cette [67] pointe supreme de nostre esprit, est naifvement bien representee par le Sanctuaire, ou mayson sacree.

  A004000279 

 Car, encor que la fov, l'esperance et la charité respandent leur divin mouvement presque en toutes les facultés de l'ame, tant raysonnables que sensitives, les reduisant et assujettissant saintement sous leur juste authorité, si est ce que leur speciale demeure, leur vray et naturel sejour, est en cette supreme pointe de l'ame, des laquelle, comme une heureuse source d'eau vive, elles s'espanchent par divers surgeons et ruysseaux, sur les parties et facultés inferieures..

  A004000279 

 La lumiere de la foy, representee par la manne cache [68] dans la cruche, par laquelle nous acquiesçons a la verité des mysteres que nous n'entendons pas; 2.

  A004000279 

 l'utilité de l'esperance, representee par la verge fleurie et feconde d'Aaron, par laquelle nous acquiesçons aux promesses des biens que nous ne voyons point; 3.

  A004000279 

 la suavité de la tressainte charité, representee es commandemens de Dieu, qu'elle comprend, par laquelle nous acquiesçons a l'union de nostre esprit avec celuy de Dieu, laquelle nous ne sentons presque pas.

  A004000280 

 L'ame de saint Paul se sentit pressee de deux divers desirs, l'un desquelz fut d'estre deslié de son cors pour aller au Ciel avec Jesus Christ, et l'autre, de demeurer en ce monde pour y servir a la conversion des peuples: l'un et l'autre desir estoit sans doute en la partie superieure, car ilz procedoient tous deux de la charité; mais la resolution de suivre le dernier ne se fit pas par discours, ains par une simple veüe et un simple sentiment de la volonté du Maistre, a laquelle la seule pointe de l'esprit de ce grand serviteur acquiesça, au prejudice de tout ce que le discours pouvoit conclure..

  A004000281 

 Mais si la foy, l'esperance et la charité se forment par ce saint acquiescement en la pointe de l'esprit, comment est-ce qu'au degré inferieur se peuvent faire les discours qui dependent de la lumiere de la foy? Ainsy que nous voyons que les advocatz au barreau [69] disputent avec beaucoup de discours sur les faitz et droitz des parties, et que le Parlement ou Senat resoult d'en haut toutes les difficultés par un arrest, lequel estant prononcé, les advocatz et auditeurs ne laissent pas de discourir entr'eux sur les motifs que le Parlement peut avoir eu, de mesme, Theotime, apres que les discours, et sur tout la grace de Dieu, ont persuadé a la pointe et supreme eminence de l'esprit d'acquiescer et former l'acte de la foy par maniere d'arrest, l'entendement ne laisse pas de discourir derechef sur cette mesme foy ja conceue, pour considerer les motifs et raysons d'icelle; mais cependant, les discours de theologie se font au parquet et barreau de la portion superieure de l'ame, et les acquiescemens, en haut, au siege et tribunal de la pointe de l'esprit.

  A004000281 

 Or, par ce que la connoissance de ces quatre divers degrés de la rayson est grandement requise pour entendre tous les traittés des choses spirituelles, j'ay voulu l'expliquer asses amplement..

  A004000285 

 L'amour de convoitise est celuy par lequel nous aymons quelque chose pour le prouffit que nous en pretendons; l'amour de bienveuillance est celuy par lequel nous aymons quelque chose pour le [70] bien d'icelle, car qu'est-ce autre chose avoir l'amour de bienveuillance envers une personne que de luy vouloir du bien?.

  A004000286 

 Si celuy a qui nous voulons du bien l'a des-ja et le possede, alhors nous le luy voulons par le playsir et contentement que nous avons dequoy il l'a et le possede; et ainsy se forme l'amour de complaysance, qui n'est autre chose que l'acte de la volonté par lequel elle s'unit et joint au playsir, contentement et bien d'autruy.

  A004000289 

 Or, quand par cette dilection nous ne preferons pas de beaucoup un ami aux autres, elle s'appelle simple dilection; mais quand, au contraire, nous preferons grandement et de beaucoup un ami aux autres de sa sorte, alhors cette amitié s'appelle dilection d'excellence..

  A004000300 

 L'homme se connoist et s'ayme soy mesme par des actes produitz et exprimés de son entendement et de sa volonté, qui procedans de l'entendement et de la volonté distingués l'un de l'autre, restent neanmoins et demeurent inseparablement unis en l'ame et es facultés desquelles ilz procedent.

  A004000301 

 Mais, outre cette convenance de similitude, il y a une correspondance nompareille entre Dieu et l'homme pour leur reciproque perfection; non que Dieu puisse recevoir aucune perfection de l'homme, mais parce que, comme l'homme ne peut estre perfectionné que par la divine Bonté, aussi la divine Bonté ne peut bonnement si bien exercer sa perfection hors de soy qu'a l'endroit de nostre humanité: l'une a grand besoin et grande capacité de recevoir du bien, et l'autre a grande abondance et grande inclination pour en donner.

  A004000302 

 Ainsy, Theotime, nostre defaillance a besoin de l'abondance divine par disette et necessité, mays l'affluence divine n'a besoin de nostre indigence que par excellence de perfection et bonté: bonté qui neanmoins ne devient pas meilleure en se communiquant, car elle n'acquiert rien en se respandant hors de soy, au contraire elle donne; mays nostre indigence demeureroit manquante et miserable si l'abondance de la bonté ne la secouroit..

  A004000302 

 Le vin nouveau bouillonne et s'eschauffe en soy mesme par la force de sa bonté, et ne se peut contenir dans les tonneaux, mais vos mammelles sont encores meilleures, elles pressent vostre poitrine par des eslans continuelz, poussant leur laict qui redonde, comme requerant d'estre deschargees: et pour attirer les enfans de vostre cœur a les venir tetter, elles respandent une odeur attrayante plus que toutes les senteurs des parfums.

  A004000303 

 Nostre ame donques, considerant que rien ne la contente parfaittement et que sa capacité ne peut estre remplie par chose quelconque qui soit au monde, voyant que son entendement a une inclination infinie de sçavoir tous-jours davantage, et sa volonté un appetit insatiable d'aymer et treuver du bien, n'a-elle pas rayson d'exclamer: Ah, donques je ne suis pas faite pour ce monde! Il y a quelque souverain bien duquel je depens, et quelque ouvrier infini qui a imprimé en moy cet interminable desir de sçavoir et cet appetit qui ne peut estre assouvi: c'est pourquoy il faut que je tende et [76] m'estende vers luy, pour m'unir et joindre a sa bonté a laquelle j'appartiens et suis.

  A004000307 

 Mays quant a l'amour sur toutes choses qui seroit prattiqué selon ce secours, il seroit appellé naturel, d'autant que les actions vertueuses prennent leur nom de leurs objectz et motifs, et cet amour dont nous parlons tendroit seulement a Dieu, selon qu'il est reconneu Autheur, Seigneur et souveraine fin de toute creature par la seule lumiere naturelle, et par consequent aymable et estimable sur toutes choses par inclination et propension naturelle..

  A004000308 

 Or, bien que l'estat de nostre nature humaine ne soit pas maintenant doué de la santé et droitture originelle que le premier homme avoit en sa creation, et qu'au contraire nous soyons grandement depravés par le peché, si est ce toutefois que la sainte inclination d'aymer Dieu sur toutes choses nous est demeuree, comme aussi la lumiere naturelle par laquelle nous connoissons que sa souveraine bonté est aymable sur toutes choses; et n'est pas possible qu'un homme pensant attentivement en Dieu, voire mesme par le seul discours naturel, ne ressente un certain eslan d'amour que la secrette inclination de nostre nature suscite au fond du cœur, par lequel, a la premiere apprehension de ce premier et souverain object, la volonté est prevenue et se sent excitee a se complaire en iceluy..

  A004000309 

 Et voyci chose estrange, mais neanmoins bien tesmoignee, car le perdreau qui aura esté esclos et nourri sous les aysles d'une perdrix estrangere, au premier reclam qu'il oyt de sa vraye mere qui avoit pondu l'œuf duquel il est procedé, il quitte la perdrix larronnesse, se rend a sa premiere mere et se met a sa suite, par la correspondance qu'il a avec sa premiere origine; correspondance toutefois qui ne paroissoit point, ains fut demeuree secrette, cachee et comme dormante au fond de la nature, jusques a la rencontre de son object, que soudain excitee, et comme resveillee, elle fait son coup, et pousse l'appetit du perdreau a son premier devoir.

  A004000309 

 Il en est de mesme, Theotime, de nostre cœur; car quoy qu'il soit couvé, nourri et eslevé emmi les choses corporelles, basses et transitoires, et, par maniere de dire, sous les aysles de la nature, neanmoins, au premier regard qu'il jette en Dieu, a la premiere connoissance qu'il en reçoit, la naturelle et premiere inclination d'aymer Dieu, qui estoit comme assoupie et imperceptible, se resveille en un instant, et a l'improuveu paroist, comme une estincelle qui sort d'entre les cendres, laquelle touchant nostre volonté, luy donne un eslan de l'amour supreme deu au souverain et premier Principe de toutes choses.

  A004000313 

 Helas, Theotime, quelz beaux tesmoignages, non seulement d'une grande connoissance de Dieu, mays aussi d'une forte inclination envers iceluy, ont esté laissés par ces grans philosophes, Socrate, Platon, Trismegiste, Aristote, Hippocrate, Seneque, Epictete! Socrate, le plus loüé d'entr'eux, connoissoit clairement l'unité de Dieu, et avoit tant d'inclination a l'aymer que, comme saint Augustin tesmoigne, plusieurs ont estimé qu'il n'enseigna jamais la philosophie morale pour autre occasion que pour espurer les espritz, affin qu'ilz peussent mieux contempler le souverain bien qui est la tres unique Divinité.

  A004000314 

 Par les creatures visibles ilz ont conneu les choses invisibles de Dieu, voire mesme son eternelle vertu et Divinité, dit le grand Apostre; de sorte qu'ilz sont inexcusables, d'autant qu'ayans conneu Dieu, il z ne l'ont pas glorifié comme Dieu, ni ne luy ont pas fait action de graces.

  A004000316 

 Mais sur tout j'admire le pauvre bon homme Epictete, duquel les propos et sentences sont si douces a lire en nostre langue, par la traduction que la docte et belle plume du Reverend Pere Dom Jean de Saint François, [81] Provincial de la congregation des Feuillans es Gaules, a depuis peu exposee a nos yeux.

  A004000317 

 En somme, Theotime, nostre chetifve nature, navree par le peché, fait comme les palmiers que nous avons de deça, qui font voirement certaines productions imparfaittes et comme des essais de leurs fruitz, mais de porter des dattes entieres, meures et assaisonnees, cela est reservé pour des contrees plus chaudes.

  A004000321 

 Mais si nous ne pouvons pas naturellement aymer Dieu sur toutes choses, pourquoy donq avons-nous naturellement inclination a cela? la nature est-elle pas vaine de nous inciter a un amour qu'elle ne nous peut donner? pourquoy nous donne-elle la soif d'une eau si pretieuse, puisqu'elle ne peut nous en abbreuver? Ha, Theotime, que Dieu nous a esté bon! La perfidie que nous avions commise en l'offençant meritoit certes qu'il nous privast de toutes les marques de sa bienveuillance, et de la faveur qu'il avoit exercee envers nostre nature, Ihors qu'il imprima sur elle la lumiere de son divin visage et qu'il donna a nos cœurs l'allegresse de se sentir enclins a l'amour de la divine Bonté, affin que les Anges, voyans ce miserable homme, eussent occasion de dire par compassion: Est-ce la, la creature de parfaite beauté, l'honneur de toute la terre?.

  A004000322 

 Il vit que nous estions environnés de chair, un vent qui se dissipe en courant, et qui ne revient plus; c'est pourquoy, selon les entrailles de sa misericorde, il ne nous voulut pas du tout ruiner ni nous oster le signe de sa grace perdue, affin que le regardans, et sentans en nous cette arriance et propension a l'aymer, nous taschassions de ce faire, et que personne ne peust justement dire: [83] Qui nous monstrera le bien? Car encor que par la seule inclination naturelle nous ne puissions pas parvenir au bonheur d'aymer Dieu comme il faut, si est ce que, si nous l'employions fïdellement, la douceur de la pieté divine nous donneroit quelque secours, par le moyen duquel nous pourrions passer plus avant; que si nous secondions ce premier secours, la bonté paternelle de Dieu nous en fourniroit un autre plus grand, et nous conduiroit de bien en mieux, avec toute suavité, jusques au souverain amour auquel nostre inclination naturelle nous pousse: puisque c'est chose certaine qu'a celuy qui est fidele en peu de chose et qui fait ce qui est en son pouvoir, la benignité divine ne denie jamais son assistance pour l'avancer de plus en plus..

  A004000323 

 L'inclination donques d'aymer Dieu sur toutes choses, que nous avons par nature, ne demeure pas pour neant dans nos cœurs: car, quant a Dieu, il s'en sert comme d'une anse pour nous pouvoir plus suavement prendre et retirer a soy, et semble que, par cette impression, la divine Bonté tienne en quelque façon attachés nos cœurs, comme des petitz oyseaux, par un filet par lequel il nous puisse tirer quand il plaist a sa misericorde d'avoir pitié de nous; et quant a nous, elle nous est un indice et memorial de nostre premier Principe et Createur, a l'amour duquel elle nous incite, nous donnant un secret advertissement que nous appartenons a sa divine Bonté.

  A004000323 

 Tout de mesme que les cerfz ausquelz les grans princes font quelquefois mettre des colliers avec leurs armoiries, bien que par apres ilz les font lascher et mettre en liberté dans les forestz, ne laissent pas d'estre reconneus par quicomque les rencontre, non seulement pour avoir une fois esté pris par le prince duquel ilz portent les armes, mays aussi pour luy estre encor reservés: car ainsy conneut-on l'extreme viellesse d'un cerf qui fut rencontré, comme quelques historiens disent, trois cens ans apres la mort de Cesar, parce qu on luy treuva un collier ou estoit la devise de Cesar, et ces motz: Cesar m'a lasché.

  A004000332 

 Theotime, le soleil n'est ni rouge, ni noir, ni pasle, ni gris, ni verd: ce grand luminaire n'est point sujet a ces vicissitudes et changemens de couleurs, n'ayant pour toute couleur que sa très claire et perpetuelle lumiere, laquelle, si ce n'est par miracle, est invariable; mays nous parlons de la sorte parce qu'il nous semble estre tel, selon la varieté des vapeurs qui sont entre luy et nos yeux, lesquelles le font paroistre de diverses façons..

  A004000333 

 Et comme le soleil n'a aucune de toutes les couleurs que nous luy attribuons, ains une seule tres claire lumiere qui est par dessus toute couleur et qui rend visiblement colorees toutes les couleurs, aussi en Dieu il n'y a aucune des perfections que nous imaginons, ains une seule tres pure excellence qui est au dessus de toute perfection et qui donne la perfection a tout ce qui est parfait..

  A004000333 

 Or nous devisons ainsy de Dieu, non tant selon ce qu'il est en luy mesme, comme selon ses œuvres, par l'entremise desquelles nous le contemplons; car sur nos diverses considerations nous le nommons differemment, [87] comme s'il avoit une grande multitude de differentes excellences et perfections.

  A004000334 

 Et pour cela, Dieu respondant par l'Ange au pere de Samson, qui luy demandoit son nom: [88] Pourquoy demandes-tu mon nom, dit-il, qui est admirable? comme s'il vouloit dire: Mon nom peut estre admiré, mais non pas prononcé par les creatures; il doit estre adoré, mais il ne peut estre compris que par moy, qui seul sçay proferer le propre nom par lequel au vray et naifvement j'exprime mon excellence.

  A004000334 

 Or, de nommer parfaitement cette supreme excellence, laquelle en sa tres singuliere unité comprend, ains surmonte toutes excellences, cela n'est pas au pouvoir de la creature, ni humaine ni angelique: car, comme il est dit en l'Apocalypse, Nostre Seigneur a un nom que personne ne sçait que luy mesme, parce que luy seul connoissant parfaitement son infinie perfection, luy seul aussi la peut exprimer par un nom proportionné; dont les Anciens ont dit que nul n'estoit vray theologien que Dieu, d'autant que nul ne peut connoistre totalement la grandeur infinie de la perfection divine, ni par consequent la representer par paroles, sinon luy mesme.

  A004000341 

 Mays il n'en est pas de mesme en Dieu, car il n'y a en luy qu'une tres simple infinie perfection, et en cette perfection, qu'un seul tres unique et tres pur acte: [90] ains, pour parler plus saintement et sagement, Dieu est une seule, tres souverainement unique et tres uniquement souveraine perfection; et cette perfection est un seul acte tres purement simple et tres simplement pur, lequel n'estant autre chose que la propre essence divine, il est par consequent tous-jours permanent et eternel.

  A004000341 

 Mays nous sommes forcés a cela, Theotime, par nostre imbecillité; car nous ne savons parler sinon selon que nous entendons, et nous entendons selon que les choses ont accoustumé de se passer parmi nous: or, d'autant qu'es choses naturelles il ne se fait presque point de diversité d'ouvrages que par diversité d'actions, quand nous voyons tant de besoignes differentes, une si grande varieté de productions, et cette multitude innumerable des exploitz de la puissance divine, il nous semble d'abord que cette diversité se fait par autant d'actes que nous voyons de differens effectz, et nous en parlons tout de mesme, pour parler plus a nostre ayse, selon nostre prattique ordinaire et la coustume que nous avons d'entendre les choses.

  A004000347 

 Ainsy saint Chrysostome remarque que ce que Moyse a dit en plusieurs paroles, descrivant la creation du monde, le glorieux saint Jean l'a exprimé en un seul mot, disant que par le Verbe, c'est a dire par cette Parole eternelle qui est le Filz de Dieu, tout a esté fait.

  A004000348 

 Ainsy, Theotime, la nature, comme le peintre, multiplie et diversifie ses actes a mesure que ses besoignes sont differentes, et luy faut un grand tems pour faire des grans effectz; mais Dieu, comme l'imprimeur, a donné l'estre a toute la diversité des creatures qui ont esté, sont et seront, par un seul trait de sa toute puissante volonté, tirant de son idee, comme de dessus une planche bien taillee, cette admirable différence de personnes et d'autres choses qui s'entresuivent es saysons, es aages, es siecles, chacune en son ordre, selon qu'elles devoyent estre: cette souveraine unité de l'acte divin estant opposee a la confusion et au desordre, et non a la distinction ou varieté, qu'elle employe, au contraire, pour en composer la beauté, reduisant toutes les differences et diversités a la proportion, et la proportion a l'ordre, et l'ordre a l'unité du monde, qui comprend toutes choses creées tant visibles qu'invisibles; lesquelles toutes ensemble s'appellent univers, peut estre parce que toute leur diversité se reduit en unité, comme qui diroit unidivers, c'est a dire unique et divers, unique avec diversité et divers avec unité..

  A004000354 

 aussi le seul eternel vouloir de sa divine Majesté estend sa force de siecle en siecle et jusques aux siecles des siecles, pour tout ce qui a esté, qui est et sera eternellement, sans que chose quelconque ayt estre que par ce seul tres unique, tres simple et tres eternel Acte divin, auquel soit honneur et gloire.

  A004000359 

 Ce grand Roy donq, sçachant par l'inspiration celeste que la republique tient a la religion comme le cors a l'ame, et la religion a la republique comme l'ame au cors, il disposa a part soy de toutes les parties requises tant a l'establissement de la religion qu'a celuy de la republique.

  A004000360 

 Mais d'autant que la disposition est inutile sans la creation ou levee des officiers, et que la creation est vaine sans la providence qui regarde a ce qui est requis pour la conservation des officiers creés ou erigés, et qu'en fin cette conservation qui se fait par le bon gouvernement n'est autre chose que la providence effectuee, partant, non seulement la disposition mais aussi la creation et le bon gouvernement de Salomon, furent appellés du nom de providence: aussi ne disons-nous pas qu'un homme ayt de la providence, sinon quand il gouverne bien..

  A004000360 

 Mais il ne s'arresta pas la, Theotime; car apres avoir fait son projet et deliberé en soy mesme des moyens propres pour en venir a bout, venant a la prattique, il crea tous les officiers selon qu'il avoit disposé, et, par un bon gouvernement, il fit faire toutes les provisions requises a leur entretenement et a l'execution de leurs charges: de sorte qu'ayant la connoissance de l'art de bien regner, il executa la disposition qu'il avoit fait a [95] part soy pour la creation de divers officiers, et mit en effect sa providence par le bon gouvernement dont il usa; et par ainsy, son art de regner, qui consistoit en la disposition et en la providence ou prouvoyance, fut prattiqué par la creation des officiers et par le gouvernement et bonne conduite.

  A004000361 

 Puis, en cette mesme eternité, il prouveut et fît estat a part soy de tous les moyens requis aux hommes et aux Anges pour parvenir a la fin a laquelle il les avoit destinés, et fit ainsy l'acte de sa providence; et sans s'arrester la, pour effectuer sa disposition il a reellement creé les Anges et les hommes, et pour effectuer sa providence il a fourni et fournit par son gouvernement tout ce qui est necessaire aux creatures raysonnables pour parvenir a la gloire: si que, pour le dire en un mot, la providence souveraine n'est autre chose que l'acte par lequel Dieu veut fournir [96] aux hommes et aux Anges les moyens necessaires ou utiles pour parvenir a leur fin.

  A004000362 

 Dieu donques voulant prouvoir l'homme des moyens naturelz qui luy sont requis pour rendre gloire a sa divine Bonté, il a produit en faveur d'iceluy tous les autres animaux et les plantes; et pour prouvoir aux autres animaux et aux plantes, il a produit varieté de terroirs, de saysons, de fontaines, de vens, de pluyes; et tant pour l'homme que pour les autres choses qui luy appartiennent, il a creé les elemens, le ciel et les astres, establissant par un ordre admirable que presque toutes les creatures servent les unes aux autres reciproquement: les chevaux nous portent, et nous les pansons; les brebis nous nourrissent et vestent, et nous les paissons; la terre envoye des vapeurs a l'air, et l'air des pluyes a la terre; la main sert au pied, et le pied porte la main.

  A004000363 

 Ce fut sans doute un accident fortuit, car cet homme n'alla pas au champ pour mourir, ains pour eviter la mort; ni le faucon ne cuyda pas escraser la teste d'un poëte, ains le test et l'escaille de la tortue, pour par apres en devorer la chair: et neanmoins il arriva au contraire, car la tortue demeura sauve, et le pauvre Æschilus mort.

  A004000363 

 Il estoit, par exemple, raysonnable de chastier la curiosité du poëte Æschilus, lequel ayant appris d'un devin qu'il mourroit accablé de la cheute de quelque mayson, se tint tout ce jour-la en une rase campagne pour eviter le destin; et demeurant ferme, teste nue, un faucon qui tenoit entre ses serres une tortue en l'air, voyant ce chef chauve et cuydant que ce fust la pointe d'un rocher, lascha la tortue droit sur iceluy, et voyla que Æschilus meurt sur le champ, accablé de la mayson et escaille d'une tortue.

  A004000363 

 Or, ces cas fortuitz se font par la concurrence de plusieurs causes, lesquelles, n'ayans point de naturelle alliance les unes aux autres, produisent une chacune son effect particulier, en telle sorte neanmoins que de leur rencontre reuscit un autre effect d'autre nature, auquel, sans qu'on l'ait peu prevoir, toutes ces causes differentes ont contribué.

  A004000363 

 Selon nous, ce cas fut inopiné; mais au regard de la Providence, qui regardoit de plus haut et voyoit la concurrence des causes, ce fut un exploit de justice par lequel la superstition de cet homme fut punie..

  A004000364 

 Les adventures de l'ancien Joseph furent admirables en varieté et en passages d'une extremité a l'autre: ses freres qui l'avoyent vendu pour le perdre, furent tout estonnés de le voir devenu vice-roy, et apprehendoyent infiniment qu'il ne se ressentist du tort qu'ilz luy avoyent fait: Mais non, leur dit-il, ce n'est pas tant par vos menees que je suis envoyé ici, comme par la Providence divine; vous avés eu des mauvais desseins sur moy, mais Dieu les a reduitz a bien.

  A004000368 

 Tout ce que Dieu a fait est destiné au salut des hommes et des Anges: mays voyci l'ordre de sa providence pour ce regard, selon que, par l'attention aux Saintes Escritures et a la doctrine des Anciens, nous le pouvons descouvrir, et que nostre foiblesse nous permet d'en parler..

  A004000369 

 Dieu conneut eternellement qu'il pouvoit faire une quantité innumerable de creatures, en diverses perfections et qualités, ausquelles il se pourroit communiquer; et considerant qu'entre toutes les façons de se communiquer il n'y avoit rien de si excellent que de se joindre a quelque nature creée, en telle sorte que la creature fust comme entee et inseree en la Divinité, pour ne faire avec elle qu'une seule personne, son infinie bonté, qui de soy mesme et par soy mesme est portee a la communication, se resolut et determina d'en faire une de cette maniere; affin que, comme eternellement il y a une communication essentielle en Dieu, par laquelle le Pere communique toute son infinie et [99] indivisible Divinité au Filz en le produisant, et le Pere et le Filz ensemble, produisans le Saint Esprit luy communiquent aussi leur propre unique Divinité, de mesme cette souveraine Douceur fust aussi communiquee si parfaittement hors de soy a une creature, que la nature creée et la Divinité, gardant une chacune leurs proprietés, fussent neanmoins tellement unies ensemble qu'elles ne fussent qu'une mesme personne..

  A004000370 

 Et parce que Dieu vit qu'il pouvoit faire en plusieurs façons l'humanité de son Filz en le rendant vray homme, comme, par exemple, la creant de rien, non seulement quant a l'ame mays aussi quant au cors, ou bien formant le cors de quelque matiere precedente, comme il fit celuy d'Adam et d'Eve, ou bien par voye de generation ordinaire d'homme et de femme, ou bien en fin par generation extraordinaire d'une femme sans homme, il delibera que la chose se feroit en cette derniere façon; et entre toutes les femmes qu'il pouvoit choisir a cette intention, il esleut la tressainte Vierge Nostre Dame, par l'entremise de laquelle le Sauveur de nos ames seroit non seulement homme, mais enfant du genre humain..

  A004000370 

 Or, entre toutes les creatures que cette souveraine toute puissance pouvoit produire, elle treuva bon de choisir la mesme humanité que du despuis par effect fut jointe a la Personne de Dieu le Filz, a laquelle elle destina cet honneur incomparable de l'union personnelle a sa divine Majesté, affin qu'eternellement elle jouist par excellence des thresors de sa gloire infinie.

  A004000372 

 Et parce que la nature angelique ne pourroit faire ce peché que par une malice expresse, sans tentation ni motif quelcomque qui la peust excuser, et que d'ailleurs une beaucoup plus grande partie de cette mesme nature demeureroit ferme au service du Sauveur, partant, Dieu, qui avoit si amplement glorifié sa misericorde au dessein de la creation des Anges, voulut aussi magnifier sa justice, et en la fureur de son indignation resolut d'abandonner pour jamais cette triste et malheureuse trouppe de perfides, qui en la furie de leur rebellion l'avoient si vilainement abandonné..

  A004000372 

 Mays parce que cette supreme Sagesse avoit deliberé de tellement mesler cet amour originel avec la volonté de ses creatures, que l'amour ne forçast point la volonté, ains luy laissast sa liberté, il previt qu'une partie, mays la moindre, de la nature angelique, quittant volontairement le saint amour, perdroit par consequent la gloire.

  A004000373 

 C'estoit la nature humaine de laquelle il avoit resolu de prendre une piece bien heureuse pour l'unir a sa Divinité; il vit que c'estoit une nature imbecille, un vent qui va et ne revient pas, c'est a dire qui se dissipe en allant; il eut esgard a la surprise que Satan avoit faitte au premier homme et a la grandeur de la tentation qui le ruina; il vit que toute la race des [101] hommes perissoit par la faute d'un seul: si que, par ces raysons, il regarda nostre nature en pitié et se resolut de la prendre a merci..

  A004000374 

 Mais affïn que la douceur de sa misericorde fust ornee de la beauté de sa justice, il delibera de sauver l'homme par voÿe de redemption rigoureuse, laquelle ne se pouvant bien faire que par son Filz, il establit qu'iceluy rachetteroit les hommes, non seulement par une de ses actions amoureuses qui eust esté plus que tres suffisante a rachetter mille millions de mondes, mais encor par toutes les innumerables actions amoureuses et passions douloreuses qu'il feroit et souffriroit, jusques a la mort et la mort de la croix, a laquelle il le destina, voulant qu'ainsy il se rendist compaignon de nos miseres, pour nous rendre par apres compaignons de sa gloire.

  A004000374 

 Monstrant en cette sorte les richesses de sa bonté, par cette redemption copieuse, abondante, surabondante, magnifique et excessive, laquelle nous a acquis et comme reconquesté tous les moyens necessaires pour parvenir à la gloire, de sorte que personne ne puisse jamais se douloir comme si la misericorde divine manquoit a quelqu'un..

  A004000378 

 Estant donq ainsy, que toute volonté bien disposee qui se determine de vouloir plusieurs objectz esgalement presens, ayme mieux, et avant tous, celuy qui est le plus aymable, il s'ensuit que la souveraine Providence faisant son eternel projet et dessein de tout ce qu'elle produiroit, elle voulut premierement et ayma, par une preference d'excellence, le plus aymable object de son amour, qui est nostre Sauveur; et puis, par ordre, les autres creatures, selon que plus ou moins elles appartiennent au service, honneur et gloire d'iceluy..

  A004000378 

 Or disant, Theotime, que Dieu avoit veu et voulu une chose premierement, et puis secondement une autre, observant ordre en ses volontés, je l'ay entendu selon qu'il a esté declaré cy devant; a sçavoir, qu'encor que tout cela s'est passé en un tres seul et tres simple acte, neanmoins par iceluy, l'ordre, la distinction et [102] la dependance des choses n'a pas esté moins observee que s'il y eust eu plusieurs actes en l'entendement et volonté de Dieu.

  A004000379 

 Ainsy tout a esté fait pour ce divin homme, qui pour cela est appellé aisné de toute creature, possédé par la divine Majesté au commencement des voÿes d'icelle, avant qu'elle fit chose quelconque, creé au commencement, avant les siecles: car en luy toutes choses sont faittes, et il est avant tous, et toutes choses sont establies en luy, et il est chef de toute l'Eglise, tenant en tout et par tout la primauté.

  A004000380 

 Et tant s'en faut que le peché d'Adam ayt surmonté la debonnaireté divine, que tout au contraire il l'a excitee et provoquee: si que, par une suave et tres amoureuse antiperistase et contention, elle s'est revigoree a la presence de son adversaire, et comme ramassant ses forces pour vaincre, elle a fait surabonder la grace ou l'iniquité avoit abondé; de sorte que la sainte Eglise, par un saint exces d'admiration, s'escrie, la veille de Pasques: «O peché d'Adam, a la verité necessaire, qui a esté effacé par la mort de Jesus Christ; o coulpe bien heureuse, qui a mérité d'avoir un tel et si grand Redempteur!» Certes, Theotime, nous pouvons dire comme cet ancien: « Nous estions perdus, si nous n'eussions esté perdus;» c'est a dire, nostre perte nous a esté a prouffit, puisqu'en effect la nature humaine a receu plus de graces par la redemption de son Sauveur, qu'elle n'en eust jamais receu par l'innocence d'Adam, s'il eust perseveré en icelle..

  A004000380 

 Mays donq maintenant, mon Theotime, qui doutera de l'abondance des moyens du salut, puisque nous avons un si grand Sauveur, en consideration duquel nous avons esté faitz, et par les merites duquel nous avons esté rachetés? Car il est mort pour tous, parce [103] que tous estoyent mortz; et sa misericorde a esté plus salutaire pour racheter la race des hommes, que la misere d'Adam n'avoit esté veneneuse pour la perdre.

  A004000381 

 Car encor que la divine Providence ait laissé en l'homme des grandes marques de sa severité parmi la grace mesme de sa misericorde, comme par exemple, la necessité de mourir, les maladies, les travaux, la rebellion de la sensualité, si est-ce que la faveur celeste surnageant a tout cela, prend playsir de convertir toutes ces miseres au plus grand prouffit de ceux qui l'ayment, faysant naistre la patience sur les travaux, le mespris du monde sur la necessité de mourir, et mille victoires sur la concupiscence: et comme l'arc-en-ciel touchant l'espine aspalatus la rend plus odorante que les lys, aussi la redemption de Nostre Seigneur touchant nos miseres, elle les rend plus utiles et aymables que n'eust jamais esté l'innocence originelle.

  A004000381 

 Certes, en l'arrousement du sang de Nostre Seigneur, fait par l' hysope de la Croix, nous avons esté remis en une blancheur incomparablement plus excellente que celle de la neige de l'innocence, sortans, comme Naaman, du fleuve de salut, plus purs et netz que si jamais nous n'eussions esté ladres; affin que la divine Majesté, ainsi qu'elle nous a ordonné de faire, ne fust pas vaincue par le mal, ains vainquist le mal par le bien, que sa misericorde, comme une huyle sacree, se tinst au dessus du jugement, et que ses miserations surmontassent toutes ses œuvres..

  A004000385 

 Car, Theotime, il ne s'est pas contenté, en l'exces sacré de sa misericorde, d'envoyer a son peuple, c'est a dire au genre humain, une redemption generale et universelle, par laquelle un chacun peut estre sauvé; mais il l'a diversifiee en tant de manieres, que sa liberalité reluisant en toute cette varieté, cette varieté reciproquement embellit aussi sa liberalité.

  A004000386 

 Ainsy il destina premierement pour sa tressainte Mere une faveur digne de l'amour d'un Filz qui, estant tout sage, tout puissant et tout bon, se devoit preparer une Mere a son gré: et partant, il voulut que sa redemption luy fust appliquee par maniere de remede preservatif, affin que le peché, qui s'escouloit de generation en generation, ne parvinst point a elle.

  A004000386 

 De sorte qu'elle fut rachetee si excellemment, qu'encor que par apres le torrent de l'iniquité originelle vinst rouler ses ondes infortunees sur la conception de cette sacree Dame, avec autant d'impetuosité comme il eust fait sur celle des autres filles d'Adam, si est-ce qu'estant arrivé la, il ne passa point outre, ains s'arresta court, comme fit anciennement le Jourdain du tems de Josué, et pour le mesme respect: car ce fleuve retint son cours en reverence du passage de l'Arche de l'alliance, et le peché originel retira ses eaux, reverant et redoutant la presence du vray Tabernacle de l'eternelle alliance..

  A004000387 

 Redemption admirable, chef d'œuvre du Redempteur et la premiere de toutes les redemptions, par laquelle le Filz, d'un coeur vrayement [106] filial, prevenant sa Mere es benedictions de douceur, il la preserve non seulement du peché, comme les Anges, mais aussi de tout peril de peché et de tous les divertissemens et retardemens de l'exercice du saint amour.

  A004000387 

 Si que cette Mere sacree, comme toute reservee a son Filz, fut par luy rachetee, non seulement de la damnation, mais aussi de tout peril de la damnation, luy asseurant la grace et la perfection de la grace; en sorte qu'elle marchast comme une belle aube qui, commençant a poindre, va continuellement croissant en clarté jusques au plein jour.

  A004000388 

 Telz furent les Apostres, David, Magdeleine [107] et plusieurs autres, qui pour un tems demeurerent hors de l'amour de Dieu; mais en fin, estans une bonne fois convertis, furent confirmés en la grace jusques a la mort: de sorte que des Ihors, demeurans voirement sujetz a quelques imperfections, ilz furent toutefois exemptz de tout peché mortel, et par consequent du peril de perdre le divin amour; et furent comme des amies sacrees de l'Espoux celeste, parees voirement de la robbe nuptiale de son tressaint amour, mais non pas pourtant couronnees, parce que la couronne est un ornement de la teste, c'est a dire de la premiere partie de la personne; or, la premiere partie de la vie des ames de ce rang ayant esté sujette a l'amour des choses terrestres, elles ne peuvent porter la couronne de l'amour celeste, ains leur suffit d'en porter la robbe, qui les rend capables du lit nuptial de l'Espoux divin et d'estre eternellement, bienheureuses avec luy..

  A004000394 

 Et bien que, quant aux hommes, la grace ne soit pas donnee selon leurs conditions naturelles, toutefois la divine Douceur, prenant playsir et, par maniere de dire, s'esgayant en la production des graces, elle les diversifie en infinies façons, affin que de cette varieté se fasse le bel esmail de sa redemption et misericorde; dont l'Eglise chante en la feste de chasque Confesseur Evesque: Il ne s'en est point treuvé de semblable a luy.

  A004000399 

 Bien que la redemption du Sauveur nous soit appliquee en autant de differentes façons comme il y a d'ames, si est-ce neanmoins que l'amour est le moyen universel de nostre salut, qui se mesle par tout et sans lequel rien n'est salutaire, ainsy que nous dirons ailleurs.

  A004000399 

 En quoy il tesmoigne bien, Theotime, qu'il ne nous a pas laissé l'inclination naturelle de l'aymer, pour neant; car affin qu'elle ne soit oyseuse, il nous presse de l'employer par ce commandement general, et affin que ce commandement puisse estre prattiqué, il ne laisse homme qui vive auquel il ne fournisse abondamment tous les moyens requis a cet effect..

  A004000399 

 Hé, dit-il, je suis venu pour mettre le feu au monde, que pretens-je sinon qu'il arde? Mais pour declarer plus vivement l'ardeur de ce desir, il nous commande cet amour en termes admirables: Tu aymeras, dit-il, le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton ame, de toutes tes forces, c'est le premier et le plus grand commandement. Vray Dieu, Theotime, que le cœur divin est amoureux de nostre amour! Ne suffisoit-il pas qu'il eust publié une permission par laquelle il nous eust donné congé de l'aymer, comme Laban permit a Jacob d'aymer sa belle Rachel et de la gaigner par ses services? Mays non, il declare plus avant sa passion amoureuse envers nous, et nous commande de l'aymer de tout nostre pouvoir, affin que la consideration de sa Majesté et de nostre misere, qui font une tant infinie disparité et inegalité de luy a nous, ni autre pretexte quelconque, ne nous divertist de l'aymer.

  A004000399 

 Pour cela, Theotime, le doux Jesus, qui nous a rachetés par son sang, desire infiniment que nous l'aymions, affin que nous soyons eternellement sauvés, et desire que nous soyons sauvés, affin que nous l'aymions eternellement, son amour tendant a nostre salut et nostre salut a son amour.

  A004000401 

 Certes, cette riche, comble et plantureuse suffisance de moyens que Dieu eslargit aux pecheurs pour l'aymer, paroist presque par tout en l'Escriture: car voyes ce divin Amant a la porte; il ne bat pas simplement, il s'arreste a battre, il appelle l'ame: Sus, leve toy, ma bienaymee, depesche toy, et met sa main dans la serreure, pour voir s'il pourroit point ouvrir; s'il presche emmi les places, il ne presche pas simplement, mais il va criant, c'est a dire, il continue a crier; s'il exclame qu'on se convertisse, il semble qu'il ne l'a jamais asses repeté: Convertisses-vous, convertisses-vous, faites penitence, retournés a moy, vivés; pourquoy mourres-vous, mayson d'Israël? En somme, ce divin Sauveur n'oublie rien pour monstrer que ses miserations sont sur toutes ses œuvres, que sa misericorde surpasse son jugement, que sa redemption est copieuse, que son amour est infini, et, comme dit l'Apostre, qu'il est riche en misericorde, et que par consequent il voudrait que tous les hommes fussent sauvés, et qu'aucun ne perist.

  A004000401 

 L'Apostre, comme vous voyes, oppose les richesses de la bonté de Dieu aux thresors de la malice du cœur impenitent, et dit que le cœur malicieux est si riche en iniquité, que mesme il mesprise les richesses de la debonnaireté par laquelle Dieu l' attire a penitence; et notés que ce ne sont pas simplement les richesses de la bonté divine que l'obstiné mesprise, mais les richesses attrayantes a penitence, richesses qu'on ne peut bonnement ignorer.

  A004000405 

 Ce sont paroles de Dieu, par lesquelles il promet que le Sauveur venant au monde, establira un nouveau regne en son Eglise, qui sera son Espouse vierge et vraye Israëlite spirituelle.

  A004000405 

 Or, comme vous voyes, Theotime, ce n'a pas esté par aucun merite des œuvres que nous eussions fait, mais selon sa misericorde qu'il nous a sauvés, par cette charité ancienne, ains eternelle, qui a esmeu sa divine Providence de nous attirer a soy.

  A004000405 

 Que si le Pere ne nous eust tirés, jamais nous ne fussions venus au Filz nostre Sauveur, ni par consequent au salut..

  A004000409 

 Or, ce premier eslan ou esbranlement que Dieu donne en nos cœurs pour les inciter a leur bien, se fait voirement en nous, mais non pas par nous; car il arrive a l'improveu avant que nous y ayons ni pensé [116] ni peu penser, puisque nous n'avons aucune suffisance pour de nous mesmes, comme de nous mesmes, penser aucune chose qui regarde nostre salut; mais toute nostre suffisance est de Dieu, lequel ne nous a pas seulement aymés avant que nous fussions, mais encor affin que nous fussions, et que nous fussions saintz: en suite dequoy il nous previent es benedictions de sa douceur paternelle, et excite nos espritz pour les pousser a la sainte repentance et conversion.

  A004000409 

 Voyés, je vous prie, Theotime, le pauvre prince des Apostres tout engourdi dans son peché en la triste nuit de la Passion de son Maistre: il ne pensoit non plus a se repentir de son peché que si jamais il n'eust conneu son divin Sauveur; et comme un chetif apode atterré, il ne se fust onques relevé, si le coq, comme instrument de la divine Providence, n'eust frappé de son chant a ses oreilles, a mesme que le doux Redempteur, jettant un regard salutaire comme une sagette d'amour, transperça ce cœur de pierre qui rendit par apres tant d'eau, a guise de l'ancienne pierre lhors qu'elle fut frappee par Moyse au desert.

  A004000410 

 C'est en sursaut et a l'improuveu que Dieu nous appelle et resveille par sa tressainte inspiration: en ce commencement de la grace celeste, nous ne faysons rien que sentir l'esbranlement «que Dieu fait en nous,» comme dit saint Bernard, mais «sans nous.».

  A004000410 

 Je dormois, dit cette devote Espouse, et mon Espoux, qui est mon cœur, veilloit; hé, voy-le cy qu'il m'esveille, m'appellant par le nom de nos amours, et j'entens bien que c'est luy a sa voix.

  A004000410 

 N'est-il pas donq vray, mon cher Theotime, que cette premiere esmotion et secousse que l'ame sent, quand Dieu, la prevenant d'amour, l'esveille et l'excite a quitter le peché et se retourner a luy, et non seulement cette secousse, ains tout le resveil se fait en nous et pour nous, mays non pas par nous? Nous sommes esveillés, mays nous ne nous sommes pas esveillés de nous mesmes; c'est l'inspiration qui nous a esveillés, [117] et pour nous esveiller, elle nous a esbranlés et secoués.

  A004000414 

 Oyés donq, je vous prie, Theotime, que les habitans de Corozaïn et Bethsaïda, enseignés en la vraye religion, ayans receu des faveurs si grandes qu'elles eussent en effect converti les payens mesmes, neanmoins ils demeurerent obstinés et ne voulurent onques s'en prevaloir, rejettant cette sainte lumiere par une rebellion incomparable.

  A004000415 

 Car, comme pourroit-on autrement reprocher avec rayson aux impenitens leur impenitence, par la comparayson de ceux qui se sont convertis? Certes, Nostre Seigneur monstre clairement, et tous les Chrestiens entendent simplement, qu'en ce juste jugement on condamnera les Juifz par comparayson des Ninivites, parce que ceux la ont eu beaucoup de faveur et n'ont eu aucun amour, beaucoup d'assistance et nulle repentance; ceux cy, moins de faveur et beaucoup d'amour, moins d'assistance et beaucoup de penitence..

  A004000416 

 Et il respond, qu'on ne sçauroit dire autre chose, sinon que les uns ont perseveré, par la grace du Createur, en l'amour chaste qu'ilz receurent en leur creation, et les autres, de bons qu'ilz estoient, se rendirent mauvais par leur propre et seule volonté..

  A004000416 

 Le grand saint Augustin donne une grande clarté a ce discours par celuy qu'il fait au livre douziesme de la Cité de Dieu, chapitre VI, VII, VIII, IX; car encor qu'il regarde particulierement les Anges, si est ce toutefois qu'il apparie les hommes a eux pour ce point.

  A004000417 

 Comme sera-il donq arrivé que quelques uns des Seraphins, voire le premier de tous, selon la plus probable et commune opinion des Anciens, soyent descheus, tandis qu'une multitude innombrable des autres Anges, inferieurs en nature et en grace, ont excellemment et courageusement perseveré? D'ou vient que Lucifer, tant eslevé par nature et sureslevé par grace, est tombé, et que tant d'Anges, moins avantagés, sont demeurés debout en leur fidelité? Certes, ceux qui ont perseveré en doivent toute la louange a Dieu, qui par sa misericorde les a creés et maintenus bons; mais Lucifer et tous ses sectateurs, a qui peuvent-ilz attribuer leur cheute sinon, comme dit saint Augustin, a leur propre volonté, qui a par sa liberté quitté la grâce divine qui les avoit si doucement prevenus? Comment es-tu tombé, o grand Lucifer, qui tout ainsy qu'une belle aube sortois en ce monde invisible, revestu de la charité premiere, comme du commencement de la clarté d'un beau jour qui devoit croistre jusques au [120] midy de la gloire eternelle? La grace ne t'a pas manqué, car tu l'avois, comme ta nature, la plus excellente de tous, mais tu as manqué a la grace; Dieu ne t'avoit pas destitué de l'operation de son amour, mais tu privas son amour de ta cooperation; Dieu ne t'eust jamais rejetté, si tu n'eusses rejetté sa dilection.

  A004000421 

 O Dieu, Theotime, si nous recevions les inspirations celestes selon toute l'estendue de leur vertu, qu'en peu de tems nous ferions de grans progres en la sainteté! Pour abondante que soit la fontaine, ses eaux n'entreront pas en un jardin selon leur affluence, mais selon la petitesse ou grandeur du canal par ou elles y sont conduites.

  A004000421 

 Quoy que le Saint Esprit, comme une source d'eau vive, aborde de toutes pars nostre cœur pour respandre sa grace en iceluy, toutefois, ne voulant pas qu'elle entre en nous sinon par le libre consentement [121] de nostre volonté, il ne la versera point que selon la mesure de son bon playsir et de nostre propre disposition et cooperation, ainsy que dit le sacré Concile, qui aussi, comme je pense, a cause de la correspondance de nostre consentement avec la grace, appelle la reception d'icelle reception volontaire..

  A004000425 

 Le devot frere Rufin, sur quelque vision qu'il avoit eue de la gloire a laquelle le grand saint François parviendroit par son humilité, luy fit cette demande: «Mon cher Pere, je vous supplie de me dire en verité quelle opinion vous aves de vous mesme.

  A004000426 

 Aussi, cet apophtegme a esté loué et repeté par tous les plus devotz qui sont venus despuis, entre lesquelz plusieurs ont estimé que le grand apostre saint Paul avoit dit en mesme sens qu'il estoit le premier de tous les pecheurs..

  A004000426 

 Je sçay qu'il parloit ainsy de soy mesme par humilité, mais il croyoit pourtant estre une vraye verité qu'une grace egale, faitte avec une pareille misericorde, puisse estre plus utilement employee par l'un des pecheurs que par l'autre.

  A004000431 

 Ainsy sa misericorde convertit et gratifie ordinairement les ames en une maniere si douce, suave et delicate, qu'a peyne apperçoit-on son mouvement; et neanmoins il arrive quelquefois, que cette Bonté souveraine, surpassant ses rivages ordinaires, comme un fleuve enflé et pressé de l'affluence de ses eaux qui se desborde emmi la plaine, elle fait une effusion de ses graces si impetueuse, quoy qu'amoureuse, qu'en un moment elle detrempe et couvre [125] toute une ame de benedictions, affin de faire paroistre les richesses de son amour, et que, comme sa justice procede communement par voye ordinaire, et quelquefois par voye extraordinaire, aussi sa misericorde fasse l'exercice de sa liberalité par voÿe ordinaire sur le commun des hommes, et sur quelques uns aussi par des moyens extraordinaires..

  A004000431 

 Je laisse a part ces vocations toutes puissantes et ces attraitz saintement violens, par lesquelz Dieu en un instant a transferé quelques ames d'eslite de l'extremité de la coulpe a l'extremité de la grace, faysant en elles, par maniere de dire, une certaine transsubstantiation morale et spirituelle, comme il arriva au grand Apostre, qui de Saul, vaysseau de persecution, devint subitement Paul, vaysseau d'élection.

  A004000431 

 La justice divine nous chastie en ce monde par des punitions qui, pour estre ordinaires, sont aussi presque tous-jours inconneües et imperceptibles; quelquefois neanmoins il fait des deluges et abismes de chastimens, pour faire reconnoistre et craindre la severité de son indignation.

  A004000432 

 Le propre lien de la volonté humaine, c'est la volupté et le playsir: «On monstre des noix a un enfant,» dit saint Augustin, «et il est attiré en aymant; il est attiré par le lien, non du cors, mais du cœur.» Voyés donq comme le Pere eternel nous tire: en nous enseignant il nous delecte, non pas en nous imposant aucune necessité; il jette dedans nos cœurs des délectations et playsirs spirituelz, comme des sacrees amorces par lesquelles il nous attire suavement a recevoir et gouster la douceur de sa doctrine..

  A004000432 

 Mays quelz sont donq les cordages ordinaires par lesquelz la divine Providence a accoustumé de tirer nos cœurs a son amour? Telz, certes, qu'elle mesme les marque, descrivant les moyens dont elle usa pour tirer le peuple d'Israël de l'Egypte et du desert en la Terre de promission: Je les tiray, dit-elle par Osee, avec des liens d'humanité, avec des liens de charité et d'amitié.

  A004000432 

 Sans doute, Theotime, nous ne sommes pas tirés a Dieu par des liens de fer, comme les taureaux et les buffles, ains par maniere d'allechemens, d'attraitz delicieux et de saintes inspirations, qui sont en somme les liens d'Adam et d'humanité; c'est a dire proportionnés et convenables au cœur humain, auquel la liberté est naturelle.

  A004000433 

 En cette sorte donq, trescher Theotime, nostre franc arbitre n'est nullement forcé ni necessité par la grace; ains, nonobstant la vigueur toute puissante de la main misericordieuse de Dieu, qui touche, environne et lie l'ame de tant et tant d'inspirations, de semonces et d'attraitz, cette volonté humaine demeure parfaittement [126] libre, franche et exempte de toute sorte de contrainte et de necessité.

  A004000435 

 En somme, «si quelqu'un disoit que nostre franc arbitre ne coopere pas, consentant a la grace dont Dieu le previent, ou qu'il ne peut pas rejetter la grace et luy refuser son consentement,» il contrediroit a toute l'Escriture, a tous les anciens Peres, a l'experience, et serait excommunié par le sacré Concile de Trente.

  A004000435 

 Mais quand il est dit que nous pouvons rejetter l'inspiration celeste et les attraitz divins, on n'entend pas, certes, qu'on puisse empescher Dieu de nous inspirer ni de jetter ses attraitz en nos cœurs; car, comme j'ay des-ja dit, cela se fait «en nous» et «sans nous;» ce sont des faveurs que Dieu nous fait avant que nous y ayons pensé: il nous esveille lhors que nous dormons, et, par consequent, nous nous treuvons esveillés avant qu'y avoir pensé; mais il est en nous de nous lever ou de ne nous lever pas, et bien qu'il nous ayt esveillés sans nous, il ne nous veut pas lever sans nous.

  A004000435 

 Nous ne pouvons pas empescher que l'inspiration ne nous pousse et, par consequent, ne nous esbranle; mais si, a mesure qu'elle nous pousse, nous la repoussons pour ne point nous laisser aller a son mouvement, alhors nous resistons.

  A004000439 

 Ainsy, mon cher Theotime, quand l'inspiration, comme un vent sacré, vient pour nous pousser en l'air du saint amour, elle se prend a nostre volonté, et par le sentiment de quelque celeste delectation elle l'esmeut, estendant et despliant l'inclination naturelle, qu'elle a au bien, en sorte que cette inclination mesme luy serve de prise pour saisir nostre esprit: et tout cela, comme j'ay dit, se fait «en nous, sans nous,» car c'est la faveur divine qui nous previent en cette sorte.

  A004000439 

 Le mesme vent qui releve les apodes se prend premierement a leurs plumes, comme parties plus legeres et susceptibles de son agitation, par laquelle il donne d'abord du mouvement a leurs aysles, les estendant et despliant en sorte qu'elles luy servent de prise pour saisir l'oyseau et l'emporter en l'air.

  A004000439 

 Que si nostre esprit ainsy saintement prevenu, sentant les aysles de son inclination esmeües, despliees, estendues, poussees et agitees par ce vent celeste, contribue tant soit peu son consentement, ah, quel bonheur, Theotime; car la mesme inspiration et faveur qui nous a saisi, meslant [129] son action avec nostre consentement, animant nos foibles mouvemens de la force du sien, et vivifiant nostre imbecille cooperation par la puissance de son operation, elle nous aydera, conduira et accompaignera d'amour en amour, jusques a l'acte de la tressainte foy, requis pour nostre conversion..

  A004000440 

 0 Jesus, que c'est un playsir delicieux de voir l'amour celeste, qui est le soleil des vertus, quand petit a petit, par des progres qui insensiblement se rendent sensibles, il va desployant sa clarté sur une ame, et ne cesse point qu'il ne l'ayt toute couverte de la splendeur de sa presence, luy donnant en fin la parfaitte beauté de son jour! 0 que cette aube est gaye, belle, amiable et aggreable! Mays pourtant il est vray que, ou l'aube n'est pas jour, ou, si elle est jour, c'est un jour commençant, un jour naissant, c'est plustost l'enfance du jour que le jour mesme: et de mesme, sans doute, ces mouvemens d'amour qui precedent l'acte de la foy requis a nostre justification, ou ilz ne sont pas amour, a proprement parler, ou ilz sont un amour commençant et imparfait; ce sont les premiers bourgeons verdoyans que l'ame eschauffee du soleil celeste, comme un arbre mystique, commence a jetter au printems, qui sont plustost presages de fruitz que fruitz..

  A004000441 

 Helas, Theotime, le pauvre Pachome, quoy que de bon naturel, dormoit pour lhors dans la couche de son infidelité; et voyla que tout a coup, Dieu se treuve a la porte de son cœur, et par le bon exemple de ces Chrestiens, comme par une douce voix, il l'appelle, l'esveille et luy donne le premier sentiment de la chaleur vitale de son amour; car a peyne eut-il ouï parler, comme je viens de dire, de l'aymable loy du Sauveur, que tout rempli d'une nouvelle lumiere et consolation interieure, se retirant a part et ayant quelque tems pensé en soy mesme, il haussa les mains au ciel, et avec un profond souspir il se print a dire: «Seigneur Dieu, qui avés fait le ciel et la terre, si vous daignés jetter vos yeux sur ma bassesse et sur ma peyne et me donner connoissance de vostre Divinité, je vous prometz de vous servir, et d'obeir toute ma vie a vos commandemens.» Depuis cette priere et promesse, l'amour du vray bien et de la pieté prit un tel accroissement en luy, qu'il ne cessoit point de prattiquer mille et mille exercices de vertu..

  A004000441 

 Saint Pachome, Ihors encor tout jeune soldat et sans connoissance de Dieu, enroollé sous les enseignes de l'armee que Constance avoit dressee contre le tyran Maxence, vint avec la trouppe de laquelle il estoit, loger au pres d'une petite ville non guere esloignee de Thebes, ou, non seulement luy, mais toute l'armee se treuva en extreme disette de vivres: ce qu'ayant entendu les habitans de la petite ville, qui par bonne rencontre estoyent fidelles de Jesus Christ, et par consequent amis et secourables au prochain, ilz prouveurent soudain a la necessité des soldatz, mais avec tant de [130] soin, de courtoisie et d'amour, que Pachome en fut tout ravi d'admiration; et demandant quelle nation estoit celle-la, si bonteuse, amiable et gracieuse, on luy dit que c'estoyent des Chrestiens; et s'enquerant derechef quelle loy et maniere de vivre estoit la leur, il apprit qu'ilz croyoient en Jesus Christ, Filz unique de Dieu, et faisoyent bien a toutes sortes de personnes, avec ferme esperance d'en recevoir de Dieu mesme une ample recompence.

  A004000442 

 C'est pourquoy Pachome se secoue des divertissemens, pour avec plus d'attention et de facilité recueillir et savourer la grace receüe, se retirant a part pour y penser; puis il estend son cœur et ses mains au ciel, ou l'inspiration l'attire, et commençant a desployer les aysles de ses affections, voletant entre la desfiance de soy mesme et la confiance en Dieu, il entonne d'un air humblement amoureux le cantique de sa conversion, par lequel il tesmoigne d'abord que des-ja il connoist un seul Dieu, Createur du ciel et de la terre; mais il connoist aussi qu'il ne le connoist pas encor asses pour le bien servir, et partant, il supplie qu'une plus grande connoissance luy soit donnee, affin qu'il puisse par icelle parvenir au parfait service de sa divine Majesté..

  A004000443 

 Mais quelz sont ses attraitz? Le premier, par lequel il nous previent et resveille, se fait par luy «en nous» et «sans nous;» tous les autres se font aussi par luy, et «en nous,» mais non pas «sans nous.» Tires-moy, dit l'Espouse sacree, c'est a dire, commences le premier, car je ne sçaurois m'esveiller de moy mesme, je ne sçaurois me mouvoir si vous ne m'esmouves; mays quand vous m'aures esmeüe, alhors, o le cher Espoux de mon ame, nous courrons nous deux: vous courres devant moy en me tirant tous-jours plus avant, et moy je vous suivray a la course, consentant a vos attraitz; mays que personne n'estime que vous m'allies tirant apres vous comme une esclave forcee ou comme une charrette inanimee; ah non, vous me tires a l'odeur de vos parfums.

  A004000447 

 Et neanmoins, cette obscure clarté de la foy estant entree dans nostre esprit, non par force de discours ni par apparence d'argumens, ains par la seule suavité de sa presence, [133] elle se fait croire et obeir a l'entendement avec tant d'authorité, que la certitude qu'elle nous donne de la verité surmonte toutes les autres certitudes du monde, et assujettit tellement tout l'esprit et tous les discours d'iceluy, qu'ilz n'ont point de credit en comparayson..

  A004000447 

 Et voyci la merveille: car Dieu fait la proposition des mysteres de la foy a nostre ame parmi des obscurités et tenebres, en telle sorte que nous ne voyons pas les verités, ains seulement nous les entrevoyons; comme il arrive quelquefois que la terre estant couverte de brouillars nous ne pouvons voir le soleil, ains nous voyons seulement un peu plus de clarté du costé ou il est, de façon que, par maniere de dire, nous le voyons sans le voir, parce que d'un costé nous ne le voyons pas tant que nous puissions bonnement dire que nous le voyons, et d'autre part nous ne le voyons pas si peu que nous puissions dire que nous ne le voyons point; et c'est ce que nous appelions entrevoir.

  A004000447 

 Quand Dieu nous donne la foy, il entre en nostre ame et parle a nostre esprit, non point par maniere de discours, mais par maniere d'inspiration, proposant si aggreablement ce qu'il faut croyre, a l'entendement, que la volonté en reçoit une grande complaysance, et telle qu'elle incite l'entendement a consentir et acquiescer a la verité, sans doute ni defiance quelconque.

  A004000448 

 Et neanmoins, l'acte de la foy consiste en cet acquiescement de nostre esprit, lequel ayant receu l'aggreable lumiere de la verité, il y adhere par maniere d'une douce, mais puissante et solide asseurance et certitude, qu'il prend en l'authorité de la revelation qui luy en est faitte..

  A004000448 

 Mais ne faut il pas qu'en effect je sois infiniment aymable, puisque les sombres tenebres et les espais brouillars entre lesquelz je suis, non pas veüe mais seulement entreveüe, ne me peuvent empescher d'estre si aggreable, que l'esprit, me cherissant sur tout, fendant la presse de toutes autres connoissances, il me fait faire place et me reçoit comme sa reyne, dans le trosne le plus relevé qui soit en son palais, d'ou je donne la loy a toute science et assujettis tout discours et tout sentiment humain? Ouy vrayement, Theotime, tout ainsy que les chefz de l'armee d'Israël se despouillans de leurs vestemens, les mirent ensemble et en firent comme un trosne royal sur lequel ilz assirent Jehu, crians: Jehu est roy, de mesme, a l'arrivee de la foy, l'esprit se despouille de tous discours et argumens, et les sousmettant a la foy, il la fait asseoir sur iceux, la reconnoissant comme reyne, et crie avec une grande joye: Vive la foy! Les discours et argumens pieux, les miracles et autres avantages de la religion chrestienne, la rendent certes extremement croyable et connoissable; mays la seule foy la rend creüe et reconneüe, faysant aymer la beauté de sa verité [134] et croire la verité de sa beauté, par la suavité qu'elle respand en la volonté et la certitude qu'elle donne a l'entendement.

  A004000448 

 O discours humains, o sciences acquises, je suis brune, car je suis entre les obscurités des simples revelations, qui sont sans aucune evidence apparente, et me font paroistre noyre, me rendant presque mes-connoissable; mais je suis pourtant belle en moy mesme a cause de mon infinie certitude, et si les yeux des mortelz me pouvoient voir telle que je suis par nature, ilz me treuveroyent toute belle.

  A004000449 

 Ainsy l'austruche produit ses œufz sur le sablon de Lybie, mays le soleil seul en fait esclorre le poussin; et les docteurs, par leurs recherches et discours, proposent la verité, mays les seulz rayons du Soleil de justice en donnent la certitude et acquiescement.

  A004000449 

 L'enqueste donq et la dispute se fait au parvis des prestres, entre les docteurs; mais la resolution et l'acquiescement se fait au Sanctuaire, ou le Saint Esprit, qui anime le cors de l'Eglise, parle par les bouches des chefz d'icelle, selon que Nostre Seigneur l'a promis.

  A004000449 

 Or en fin, Theotime, cette asseurance [135] que l'esprit humain prend es choses revelees et mysteres de la foy, commence par un sentiment amoureux de complaysance que la volonté reçoit de la beauté et suavité de la verité proposee: de sorte que la foy comprend un commencement d'amour que nostre cœur ressent envers les choses divines..

  A004000449 

 Vous aves ouy dire, Theotime, qu'es Conciles generaux il se fait des grandes disputes et recherches de la verité, par discours, raysons et argumens de theologie; mays la chose estant debattue, les Peres, c'est a dire les Evesques, et specialement le Pape qui est le chef des Evesques, concluent, resoulvent et determinent, et la determination estant prononcee chacun s'y arreste et y acquiesce pleinement, non point en consideration des raysons alleguees en la dispute et recherche precedente, mays en vertu de l'authorité du Saint Esprit qui, presidant invisiblement es Conciles, a jugé, determiné et conclu par la bouche de ses serviteurs qu'il a establis Pasteurs du Christianisme.

  A004000453 

 La foy nous fait connoistre par une infallible certitude que Dieu est, qu'il est infini en bonté, qu'il se peut communiquer a nous, et que non seulement il peut, ains il le veut: si que, par une ineffable douceur, il nous a preparés tous les moyens requis pour parvenir au bonheur de la gloire immortelle.

  A004000454 

 Et comme Jacob ayant veu la belle Rachel, apres l'avoir saintement baysee, fondoit en larmes de douceur pour le bonheur qu'il ressentoit d'une si desirable rencontre, de mesme nostre pauvre cœur ayant treuvé Dieu et receu d'iceluy le premier bayser de la sainte foy, il se fond par apres en suavité [137] d'amour, pour le bien infini qu'il void d'abord en cette souveraine beauté..

  A004000454 

 Le cœur humain tend a Dieu par son inclination naturelle, sans sçavoir bonnement quel il est; mais quand il le treuve a la fontaine de la foy, et qu'il le void si bon, si beau, si doux et si debonnaire envers tous, et si disposé a se donner comme souverain bien a tous ceux qui le veulent, o Dieu, que de contentemens et que de sacrés mouvemens en l'esprit, pour s'unir a jamais a cette bonté si souverainement aymable! J'ay en fin treuvé, dit l'ame ainsy touchee, j'ay treuvé ce que je desirois, et je suis maintenant contente.

  A004000455 

 Certes, ou que nous veuillions ou que nous ne veuillions pas, nostre esprit tend au souverain bien: mays qui est ce souverain bien? Nous ressemblons a ces bons Atheniens qui faysoient sacrifice au vray Dieu, lequel neanmoins leur estoit inconneu, jusques a ce que le grand saint Paul leur en annonça la connoissance: car ainsy nostre cœur, par un profond et secret instinct, tend en toutes ses actions et pretend a la felicité, et la va cherchant ça et la, comme a tastons, sans sçavoir toutefois ni ou elle reside ni en quoy elle consiste, jusques a ce que la foy la luy monstre et luy en descrit les merveilles [138] infinies: et lhors ayant treuvé le tresor qu'il cherchoit, helas, quel contentement a ce pauvre cœur humain, quelle joye, quelle complaysance d'amour! Hé, je l'ay rencontré, Celuy que mon ame cherchoit sans le connoistre; o que ne sçavois-je a quoy tendoyent mes pretentions quand rien de tout ce que je pretendois ne me contentoit, parce que je ne sçavois pas ce que, en effect, je pretendois! Je pretendois d'aymer, et ne connoissois pas ce qu'il failloit aymer; et partant, ma pretention ne treuvant pas son veritable amour, mon amour estoit tous-jours en une veritable mais inconneüe pretention: j'avois bien asses de presentiment d'amour pour me faire pretendre, mays je n'avois pas asses de sentiment de la bonté qu'il failloit aymer, pour exercer l'amour..

  A004000462 

 Et comme l'oyseau auquel le fauconnier oste le chaperon, ayant la proye en veüe s'eslance soudain au vol, [139] et s'il est retenu par les longes se debat sur le poing avec une ardeur extreme, de mesme la foy nous ayant osté le voile de l'ignorance et fait voir nostre souverain bien, lequel neanmoins nous ne pouvons encor posseder, retenus par la condition de cette vie mortelle, helas, Theotime, nous le desirons alhors: de sorte que.

  A004000473 

 Ainsy donques, affin que l'inquietude et la douloureuse langueur que les effortz de l'amour desirant causeroient en nos espritz, ne nous portast a quelque defaillance de courage et ne nous reduisist au desespoir, le mesme Bien souverain qui [140] nous incite a le desirer si fortement, nous asseure aussi que nous le pourrons obtenir fort aysement, par mille et mille promesses qu'il nous en a faittes en sa Parolle et par ses inspirations, pourveu que nous veuillions employer les moyens qu'il nous a preparés et qu'il nous offre pour cela..

  A004000474 

 Et cet accoisement est la racine de la tressainte vertu que nous appelions esperance, car la volonté, asseuree par la foy qu'elle pourra jouir de son souverain bien usant des moyens a ce destinés, elle fait deux grans actes de vertu: par l'un, elle attend de Dieu la jouissance de sa souveraine bonté, et par l'autre, elle aspire a cette sainte jouissance..

  A004000474 

 Or ces promesses et asseurances divines, par une merveille particuliere, accroissent la cause de nostre inquietude, et a mesure qu'elles augmentent la cause, elles ruinent et destruisent les effectz.

  A004000474 

 Ouy certes, Theotime, parce que l'asseurance que Dieu nous donne que le Paradis est pour nous, fortifie infiniment le desir que nous avions d'en jouir, et neanmoins affoiblit, ains aneantit tout a fait le trouble et l'inquietude que ce desir nous apportoit; de sorte que nos cœurs, par les promesses sacrees que la divine Bonté nous a faites, demeurent tout a fait accoisés.

  A004000475 

 Et de vray, Theotime, entre esperer et aspirer il y a seulement cette difference: que nous esperons les choses que nous attendons, par le moyen d'autruy, et nous aspirons aux choses que nous pretendons, par nos propres moyens, de nous mesmes; et d'autant que nous parvenons a la jouissance de nostre souverain bien qui est Dieu, premierement et principalement par sa faveur, grace et misericorde, et que neanmoins cette mesme misericorde veut que nous cooperions a sa faveur, contribuans la foiblesse de nostre consentement a la force de sa grace, partant, nostre esperance est aucunement meslee d'aspirement: si que nous n'esperons pas tout a fait sans aspirer, et n'aspirons jamais sans tout a fait esperer; en quoy l'esperance tient tous-jours le rang principal, comme fondee sur la grace divine, sans laquelle, tout ainsy que nous ne pouvon pas seulement [141] penser a nostre souverain bien selon qu'il convient pour y parvenir, aussi ne pouvons-nous jamais sans icelle y aspirer comme il faut pour l'obtenir. L'aspirement donques est un rejetton de l'esperance, comme nostre cooperation l'est de la grace: et tout ainsy que ceux qui veulent esperer sans aspirer seront rejettés comme couards et negligens, de mesme ceux qui veulent aspirer sans esperer sont temeraires, insolens et presomptueux.

  A004000475 

 Mais cependant, et l'un et l'autre se fait par cet amour desirant qui tend a nostre souverain bien, lequel, a mesure qu'il est plus asseurement esperé, est aussi tous-jours plus aymé; ains l'esperance n'est autre chose que l'amoureuse complaysance que nous avons en l'attente et pretention de nostre souverain bien.

  A004000475 

 Mais quand l'esperance est suivie de l'aspirement, et qu'esperans nous aspirons et aspirans nous esperons, alhors, cher Theotime, l'esperance se convertit en un courageux dessein par l'aspirement, et l'aspirement se convertit en une humble pretention par l'esperance, esperans et aspirans selon que Dieu nous inspire.

  A004000475 

 Or, par ce progres, l'amour a converti son desir en esperance, pretention et attente, si que l'esperance est un amour attendant et pretendant; et parce que le bien souverain que l'esperance attend, c'est Dieu, et qu'elle ne l'attend aussi que de Dieu mesme, auquel et par lequel elle espere et aspire, cette sainte vertu d'esperance aboutissante de toutes pars a Dieu, est, par consequent, une vertu divine ou theologique.

  A004000480 

 Car quand je dis: j'ayme Dieu pour moy, c'est comme si je disois: j'ayme avoir Dieu, j'ayme que Dieu soit a moy, qu'il soit mon souverain bien; qui est une sainte [143] affection de l'Espouse celeste, laquelle cent fois proteste par exces de complaysance: Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne, il est a moy et je suis a luy; mais dire: j'ayme Dieu pour l'amour de moy mesme, c'est comme qui diroit: l'amour que je me porte est la fin pour laquelle j'ayme Dieu, en sorte que l'amour de Dieu soit dependant, subalterne et inferieur a l'amour propre que nous avons envers nous mesmes; qui est une impieté nompareille..

  A004000481 

 Cet amour donq que nous appelions esperance, est un amour de convoitise, mais d'une sainte et bien ordonnee convoitise, par laquelle nous ne tirons pas Dieu a nous ni a nostre utilité, mays nous nous joignons a luy comme a nostre finale felicité.

  A004000481 

 Nous nous aymons ensemblement avec Dieu par cet amour, mays non pas nous preferant ou esgalant a luy en cet amour; l'amour de nous mesmes est meslé avec celuy de Dieu, mays celuy de Dieu surnage; nostre amour propre y entre voirement, mais comme simple motif, et non comme fin principale; nostre interest y tient quelque lieu, mays Dieu y tient le rang principal.

  A004000481 

 Ouy, sans doute, Theotime, car quand nous aymons Dieu comme nostre souverain bien, nous l'aymons pour une qualité par laquelle nous ne le rapportons pas à nous, mais nous a luy; nous ne sommes pas sa fin, sa pretention ni sa perfection, ains il est la nostre; il ne nous appartient pas, mais nous luy appartenons; il ne depend point de nous, ains nous de luy; et en somme, par la qualité de souverain bien, pour laquelle nous l'aymons, il ne reçoit rien de nous, ains nous recevons de luy; il exerce envers nous son affluence et bonté, et nous prattiquons nostre indigence et disett: de sorte que, aymer Dieu en tiltre du souverain bien, c'est l'aymer en tiltre honnorable et respectueux, par lequel nous l'advoüons estre nostre perfection, nostre repos et nostre fin, en la jouissance de laquelle consiste nostre bonheur..

  A004000482 

 Et c'est ainsy que nous aymons et convoitons Dieu par l'esperance: non affîn qu'il soit nostre bien, mais parce qu'il l'est; non affin qu'il soit nostre, mais parce que nous sommes siens; non comme s'il estoit pour nous, mais d'autant que nous sommes pour luy..

  A004000482 

 Il y a des biens desquelz nous jouissons, mais d'une reciproque et mutuellement esgale jouissance, comme nous faysons de nos amis; car l'amour que nous leur portons entant qu'ilz nous rendent du contentement, est voirement amour de convoitise, mais convoitise honneste par laquelle ilz sont a nous et nous egalement a eux, ilz nous appartiennent, et nous pareillement leur appartenons.

  A004000482 

 Mais il y a des biens dont nous jouissons d'une jouissance de dependance, participation et sujettion, comme nous faysons de la bienveuillance de nos pasteurs, princes, pere, mere, ou de leur presence et faveur: car l'amour que nous leur portons est aussi, certes, amour de convoitise, quand nous les aymons entant qu'ilz sont nos princes, nos pasteurs, nos peres, nos meres, puisque ce n'est pas la qualité de pasteur, ni de prince, ni de pere, ni de mere, qui nous les fait aymer, ains parce qu'ilz sont telz en nostre endroit et a nostre regard; mays cette convoitise est un amour de respect, de reverence, d'honneur; car nous aymons, par exemple, nos peres, non parce qu'ilz sont nostres, mays parce que nous sommes a eux.

  A004000484 

 Or, quand je dis que nous aymons souverainement Dieu, je ne dis pas que nous l'aymions pour cela du souverain amour, car le souverain amour n'est qu'en la charité; mais en l'esperance l'amour est imparfait, parce qu'il ne tend pas a sa bonté infinie entant qu'elle est telle en elle mesme, ains seulement entant qu'elle nous est telle: et neanmoins, parce qu'en cette sorte d'amour il n'y a point de plus excellent motif que celuy qui provient de la consideration du souverain bien, nous disons que par iceluv nous aymons souverainement, quoy qu'en verité nul, par ce seul amour, ne puisse ni observer les commandemens de Dieu ni avoir la vie eternelle, parce que c'est un amour qui donne plus d'affection que d'effect, quand il n'est pas accompagné de la charité..

  A004000488 

 La pemtence, a parler generalement, est une repentance par laquelle on rejette et deteste le peché qu'on a commis, avec resolution de reparer, autant que l'on peut, l'offense et injure faite a celuy contre lequel on a peché.

  A004000489 

 Il y en a, certes, une qui est purement morale et humaine: comme fut celle d'Alexandre le Grand, lequel ayant tué son cher Clitus cuyda se laisser mourir de faim, tant la force de la pœnitence fut grande, dit Ciceron; et celle d'Alcibiades, qui, convaincu par Socrates de n'estre pas sage, se print a pleurer amerement, triste et affligé de n'estre pas ce qu'il devoit estre, dit saint Augustin.

  A004000491 

 Il y a encor une autre pœnitence qui est voirement morale, mais religieuse pourtant, et en certaine façon [147] divine, d'autant qu'elle procede de la connoissance naturelle que l'on a d'avoir offencé Dieu en pechant; car en verité plusieurs philosophes ont sceu qu'on faisoit chose aggreable a la Divinité de vivre vertueusement, et que, par consequent, on l'offençoit en vivant vitieusement.

  A004000491 

 Vous voyes donq bien, Theotime, que ce Philosophe, lhors encor payen, connoissoit que le peché offençoit Dieu, comme la vertu l'honnoroit, et que par consequent il vouloit qu'on s'en repentist, puisque mesme il ordonnoit que l'on fist l'examen de conscience au soir, en faveur duquel, avec Pitagore, il fait cet advertissement:.

  A004000494 

 Or cette sorte de repentance, attachee a la science et dilection de Dieu que la nature peut fournir, estoit une dependance de la religion morale; mays comme la rayson naturelle a donné plus de connoissance que d'amour aux philosophes, qui ne l'ont pas glorifié a [148] proportion de la notice qu'ilz en avoyent, aussi la nature a fourni plus de lumiere pour faire entendre combien Dieu estoit offencé par le peché, que de chaleur pour exciter le repentir requis a la reparation de l'offence..

  A004000495 

 Neanmoins, bien que la penitence religieuse ayt en quelque façon esté reconneüe par quelques uns des philosophes, si est ce que ç'a esté si rarement et foiblement, que ceux qui ont eu la reputation d'estre les plus vertueux d'entre eux, c'est a dire les Stoïciens, ont asseuré que l'homme sage ne s'attristoit jamais: dequoy ilz ont fait une maxime autant contraire a la rayson que la proposition sur laquelle ilz la fondoyent estoit contraire a l'experience, a sçavoir, que l'homme sage ne pechoit point..

  A004000497 

 Nous entrons en une profonde apprehension dequoy, entant qu'en nous est, nous offençons Dieu par nos pechés, le mesprisant et deshonnorant, luy desobeissant et nous rebellant a luy; lequel aussi, de son costé, s'en tient pour offencé, irrité et mesprisé, desagreant, reprouvant et abominant l'iniquité.

  A004000498 

 Hé, qui ne craindroit une si grande perte et une si grande peine! Et cette double crainte, dont l'une est servile et l'autre mercenaire, nous porte grandement a nous repentir des pechés par lesquelz nous les avons encourues; et a cet effect, en la sacree Parole, cette crainte nous est cent fois et cent fois intimee..

  A004000499 

 D'autres fois, nous considerons la laideur et la malice du peché, selon que la foy nous l'enseigne; comme par exemple, que par iceluy la ressemblance et image de Dieu que nous avons, est barbouillee et desfiguree, la dignité de nostre esprit deshonnoree, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous avons violé nostre devoir envers le Createur du monde, et perdu le bien de la societé des Anges pour nous associer et assujettir au diable, nous rendans esclaves de nos passions et renversans l'ordre de la rayson, offencans nos bons Anges a qui nous sommes tant obligés..

  A004000500 

 Quelquefois encor nous sommes provoqués a pœnitence par la beauté de la vertu, qui nous donne autant de biens que le peché nous cause de maux: et de plus, nous y sommes maintefois excités par l'exemple des Saintz; car, qui eut jamais peu voir les exercices de l'incomparable pœnitence de Magdeleine, de Marie Ægiptiaque ou des penitens du monastere surnommé [150] Prison, dont saint Jean Clymacus a fait la description, sans estre esmeu a se repentir de ses pechés, puisque la seule lecture de l'histoire y provoque ceux qui ne sont pas du tout hebetés?.

  A004000503 

 Elle est a la verité louable, car ni la Sainte Escriture ni l'Eglise ne nous exciteroient pas par telz motifs, si la pœnitence qui en provient n'estoit bonne; et on void manifestement que c'est chose grandement raysonnable de se repentir du peché pour ces considerations, ains qu'il est impossible de ne se repentir pas, a qui les considere attentivement: mays pourtant c'est une pœnitence, certes, imparfaite, d'autant que l'amour divin n'y entre encor point.

  A004000503 

 Or, tous ces motifs nous sont enseignés par la foy et religion Chrestienne, et partant, la penitence qui en provient est grandement louable, quoy qu'imparfaite.

  A004000504 

 Et qui seroit le pere qui ne treuvast mauvais que son filz le voulust voirement servir, mais non jamais avec amour ou par amour?.

  A004000505 

 Le commencement des choses bonnes est bon, le progres est meilleur, et la fin est tres bonne: toutefois, le commencement est bon en qualité de commencement, et le progres en qualité de progres; mays de vouloir finir l'œuvre par le commencement, ou au progres, c'est renverser l'ordre.

  A004000510 

 La nature, que je sache, ne convertit jamais le feu en eau, quoy que plusieurs eaux se convertissent en feu; mais Dieu le fit pourtant une fois par miracle: car, ainsy qu'il est escrit au Livre des Machabees, lhors que les enfans d'Israël furent concluitz en Babylone du [153] tems de Sedecias, les prestres, par l'advis de Hieremie, cacherent le feu sacré en une vallee, dans un puits sec, et au retour, les enfans de ceux qui avoyent ainsi caché le feu l'allerent chercher, selon ce que leurs peres leur avoyent enseigné; et ilz le treuverent converti en une eau fort espaisse, laquelle estant tiree par eux et respandue sur les sacrifices, selon que Nehemias l'ordonnoit, soudain que les rayons du soleil l'eurent touchee, elle fut convertie en un grand feu..

  A004000511 

 Et comme nous voyons que le feu convertit le vin en une eau que presque par tout on appelle eau de vie, laquelle conçoit et nourrit si aysement le feu que pour cela on la nomme aussi, en plusieurs endroitz, ardente, de mesme la consideration amoureuse de la Bonté laquelle estant souverainement aymable a esté offencee par le peché, produit l'eau de la sainte penitence; puis, de cette eau provient reciproquement le feu de l'amour divin, dont on la peut proprement appeller eau de vie, et ardente: elle est certes une eau en sa substance, car la penitence n'est autre chose qu'un vray desplaysir, une reelle douleur et repentance; mais elle est neanmoins ardente, parce qu'elle contient la vertu et proprieté de l'amour, comme provenue d'un motif amoureux, et par cette proprieté elle donne la vie de la grace..

  A004000511 

 Theotime, parmi les tribulations et regretz d'une vive repentance, Dieu met bien souvent dans le fond de nostre cœur le feu sacré de son amour; puis cet amour se convertit en l'eau de plusieurs larmes, lesquelles, par un second changement, se convertissent en un autre plus grand feu d'amour.

  A004000512 

 C'est pourquoy la parfaite pœnitence a deux effectz differens: car, en vertu de sa douleur et detestation, elle nous separe du peché et de la creature a laquelle la delectation nous avoit attachés; mais en vertu du [154] motif de l'amour, d'ou elle prend son origine, elle nous reconcilie et reunit a nostre Dieu duquel nous nous estions separés par le mespris: si que, a mesme qu'elle nous retire du peché en qualité de repentance, elle nous rejoint a Dieu en qualité d'amour..

  A004000513 

 Et comme lhors qu'Esaü sortit du ventre de sa mere, Jacob son jumeau l'empoigna par le pied, affin que non seulement leurs naissances s'entresuivissent, mais aussi s'entretinssent et fussent entreliees l'une a l'autre, de mesme le repentir, rude et aspre a cause de sa douleur, naist le premier, comme un autre Esaü, et l'amour, doux et gratieux comme Jacob, le tient par le pied et s'attache tellement a luy qu'ilz n'ont qu'une seule origine, puisque la fin de la naissance du repentir est le commencement de celle du parfait amour.

  A004000513 

 Mais je ne veux pas dire neanmoins que l'amour parfait de Dieu, par lequel on l'ayme sur toutes choses, precede tous-jours cette repentance, ni que cette repentance precede tous-jours cet amour.

  A004000513 

 Or, comme Esaii parut le premier, aussi le repentir se fait ordinairement voir avant l'amour; mais l'amour, comme un autre Jacob, quoy qu'il soit le puisné, assujettit par apres le repentir, le convertissant en consolation..

  A004000514 

 Voyes, je vous prie, Theotime, la bienaymee Magdeleine comme elle pleure d'amour: On a enlevé mon Seigneur, dit-elle, toute fondue en larmes, et ne sçay ou on l'a mis; mais l'ayant treuvé par les souspirs et les pleurs, elle le tient et possede par amour.

  A004000515 

 Mais, ce me dires-vous, quelle vertu ou proprieté de l'amour peut avoir la repentance, si elle n'a pas l'action? Theotime, le motif de la parfaite repentance, c'est la bonté de Dieu laquelle il nous desplait d'avoir offencee; or, ce motif n'est motif sinon parce qu'il esmeut et donne le mouvement, mais le mouvement que la bonté divine donne au cœur qui la considere ne peut estre que le mouvement d'amour, c'est a dire d'union: c'est pourquoy la vraye repentance, bien qu'il ne soit pas advis et qu'on ne voye pas la propre action de l'amour, reçoit neanmoins tous-jours le mouvement de l'amour et la qualité unissante d'iceluy, par laquelle elle nous reunit et rejoint a la divine bonté.

  A004000515 

 Mays quelle difference y a-il, me repliqueres-vous, entre ce mouvement unissant de la penitence et l'action propre de l'amour? Theotime, l'action de l'amour est un mouvement d'union voirement, mais il se fait par complaysance: or, le mouvement d'union qui est en la penitence se fait, non par voye de complaysance, ains de desplaysir, de repentance, de reparation, de reconciliation; entant donq que ce mouvement unit, il a la qualité de l'amour, entant qu'il est amer et douloureux, il a la qualité de la penitence; et, en somme, de sa naturelle condition c'est un vray mouvement de penitence, mais qui a la vertu et qualité unissante de l'amour.

  A004000516 

 Si donques la penitence, selon l'Escriture, efface le peché, sauve l'ame, la rend aggreable a Dieu et la justifie, qui sont des effectz appartenans a l'amour et qui semblent ne devoir estre attribués qu'a luy, il ne le faut pas treuver estrange; car bien que l'amour ne se treuve pas tous-jours luy mesme en la pœnitence parfaitte, sa vertu neanmoins et sa proprieté y est tous-jours, s'y estant escoulee par le motif amoureux duquel elle provient..

  A004000517 

 Car ainsy le Saint Esprit jettant dans nostre entendement la consideration de la grandeur de nos pechés, entant que par iceux nous avons offencé une si souveraine bonté, et nostre volonté recevant la reflexion de cette connoissance, le repentir croist petit a petit si fort, avec une certaine chaleur affective et desir de retourner en grace avec Dieu, qu'en fin ce mouvement arrive a tel signe, qu'il brusle et unit avant mesme que l'amour soit du tout formé: amour qui, toutefois, comme un feu sacré, s'allume immediatement en ce point la; de sorte que la repentance ne parvient jamais a ce signe de brusler et reunir le cœur a Dieu, qui est son extreme perfection, qu'elle ne se treuve toute convertie en feu et flamme [157] d'amour, la fin de l'un servant de commencement a l'autre.

  A004000517 

 Ni ne faut pas non plus s'estonner que la force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit formé; puisque nous voyons que par la reflexion des rayons du soleil battant sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et propre qualité du feu, s'augmente petit a petit si fort, qu'elle commence a brusler avant qu'elle ayt bonnement produit le feu, ou, au moins, avant que nous l'ayons apperceu.

  A004000518 

 Et partant, nous devons tous avoir force telles oraysons jaculatoires, faites par maniere de repentance amoureuse et de souhaitz requerans nostre reconciliation avec Dieu, affin que par icelles, prononçans devant le Sauveur nostre tribulation, nous respandions nos ames devant et dedans son cœur pitoyable, qui les recevra a mercy.

  A004000518 

 Or, parce que cette repentance amoureuse se prattique ordinairement par des eslans ou eslevemens du cœur en Dieu, pareilz a ceux des anciens pœnitens: Je suis vostre, o mon Dieu, sauves-moy; Ayés misericorde de moy, ayés-en misericorde, car mon ame se confie en vous; Sauves-moy, Seigneur, car les eaux submergent mon ame; Faites-moy comme un de vos mercenaires; Seigneur, soyes-moy propice, a moy, pauvre pecheur, ce n'est pas sans rayson que quelques uns ont dit que l'orayson justifioit; car l'orayson repentante, ou la repentance suppliante, eslevant l'ame en Dieu et la reunissant a sa bonté, obtient sans doute le pardon, en vertu du saint amour qui luy donne le mouvement sacré.

  A004000522 

 Et personne, certes, ne pouvoit mieux sçavoir les difficultés qui se passent ordinairement entre le premier mouvement que Dieu fait en nous et la parfaite resolution de bien croire, que saint Augustin, qui, ayant receu une si grande varieté d'attraitz, par les paroles du glorieux saint Ambroyse, par la conference faite avec Potitian et mille autres moyens, ne laissa pas neanmoins d'user de tant de remises et d'avoir tant de peyne a se resoudre; si que a luy, de vray, plus qu'a nul autre, on eust peu bien dire, ce qu'il dit par apres aux autres: Helas, Augustin, si tu n'es pas tiré, si tu ne croys pas, «prie que tu sois tiré» et que tu croyes..

  A004000523 

 Nostre Seigneur tire les cœurs par les delectations qu'il leur donne, lesquelles font treuver la doctrine celeste douce et aggreable, mais avant que cette douceur ayt engagé et lié la volonté par ses amiables liens, pour la tirer a l'acquiescement et consentement parfait de la foy, comme Dieu ne manque pas d'exercer sa bonté sur nous par ses saintes inspirations, aussi nostre ennemi ne cesse point de prattiquer sa malice par ses tentations.

  A004000523 

 Que si nous ne repoussons point la grace du saint amour, elle se va dilatant par des continuelz accroissemens dedans nos ames, jusques a ce qu'elles soyent entierement converties: comme les grans fleuves, qui treuvans les playnes ouvertes se respandent et prennent tous-jours plus de place..

  A004000524 

 Saint Pierre, comme un apode, relevé par l'inspiration que les yeux de son Maistre luy donnerent, se laissant librement mouvoir et porter a ce doux vent du Saint Esprit, regarde les yeux salutaires qui l'avoyent excité, il lit en iceux, comme au livre de vie, la douce semonce de pardon que la debonaireté divine luy offre, il en tire un juste motif d'esperance, il sort de la cour, il considere l'horreur de son peché et le deteste, il pleure, il gemit, il prosterne son miserable cœur devant celuy de la misericorde de son Seigneur, il crie merci pour sa faute, il se resout a une inviolable fidelité: et par ce progres de mouvemens prattiqués a la faveur de la grace qui le conduit, l'assiste et l'ayde continuellement, il parvient [161] en fin a la sainte remission de ses pechés, passant ainsy de grace en grace, selon que saint Prosper asseure, que «sans la grace on ne court point a la grace.».

  A004000525 

 Ainsy donq, pour conclure ce point, l'ame prevenue de la grace, sentant les premiers attraitz et consentant a leur douceur, comme revenant a soy apres une si longue pasmayson, elle commence a souspirer ces paroles: Helas, o mon cher Espoux, mon ami, tires moy, je vous prie, et me prenes par dessous le bras, car je ne puis autrement aller; mais si vous me tires, nous courrons: vous, en m'aydant par l'odeur de vos parfums, et moy, correspondant par mon foible consentement et odorant vos suavités qui me renforcent et revigorent toute, jusqu'a ce que le bausme de vostre nom sacré, c'est a dire l'onction salutaire de ma justification soit respandue en moy.

  A004000525 

 Voyes vous, Theotime, elle ne prieroit pas si elle n'estoit excitee, mais si tost qu'elle l'est et qu'elle sent les attraitz, elle prie qu'on la tire; estant tiree elle court, mays elle ne courroit pas si les parfums qui l'attirent, et par lesquelz on la tire, ne luy avivoient le cœur par la force de leur odeur precieuse; et comme elle court plus fort et qu'elle s'approche de plus pres de son celeste Espoux, elle sent tous-jours plus delicieusement les suavités qu'il respand, jusques a ce qu'en fin luy mesme s'escoule dedans son cœur par maniere de bausme respandu, si qu'elle s'escrie, comme surprise de ce contentement, non si tost attendu et inopiné: O mon Espoux, vous estes un bausme versé dans mon sein! ce n'est pas merveille si les jeunes ames vous cherissent.

  A004000530 

 Et quant a nous, nous traittons avec luy a toutes heures, quand il nous plait, par la tressainte orayson, ayans toute nostre vie, nostre mouvement et nostre estre, non seulement avec luy, mais en luy et par luy..

  A004000530 

 Mais cette amitié est une vraye amitié, [163] car elle est reciproque, Dieu ayant aymé eternellement quicomque l'a aymé, l'ayme ou l'aymera temporellement; elle est declaree et reconneüe mutuellement, attendu que Dieu ne peut ignorer l'amour que nous avons pour luy, puisque luy mesme nous le donne, ni nous aussi ne pouvons ignorer celuy qu'il a pour nous, puisqu'il l'a tant publié et que nous reconnoissons tout ce que nous avons de bon comme veritables effectz de sa bienveuillance; et, en fin, nous sommes en perpetuelle communication avec luy, qui ne cesse de parler a nos cœurs par inspirations, attraitz et mouvemens sacrés.

  A004000530 

 Voyla donq en fin, mon cher Theotime, comme Dieu, par un progres plein de suavité ineffable, conduit l'ame qu'il fait sortir hors de l'Egypte du peché, d'amour en amour, comme de logement en logement, jusques a ce qu'il l'ayt fait entrer en la Terre de promission, je veux dire en la tressainte charité; laquelle, pour le dire en un mot, est une amitié et non pas un amour interessé, car par la charité nous aymons Dieu pour l'amour de luy mesme, en consideration de sa bonté tres souverainement aymable.

  A004000531 

 Et partant, Theotime, ce n'est pas un amour que les forces de la nature ni humaine ni angelique puissent produire, ains le Saint Esprit le donne et le respand en nos cœurs; et comme nos ames, qui donnent la vie a nos cors, n'ont pas leur origine de nos cors, mays sont mises dans nos cors par la providence naturelle de Dieu, ainsy la [164] charité, qui donne la vie a nos cœurs, n'est pas extraitte de nos cœurs, mays elle y est versee comme une celeste liqueur, par la providence surnaturelle de sa divine Majesté..

  A004000531 

 Il est choisi, dit l'Espouse sacree, entre mille: elle dit entre mille, mais elle veut dire entre tous; c'est pourquoy cette dilection n'est pas dilection de simple excellence, ains une dilection incomparable, car la charité ayme Dieu par une estime et preference de sa bonté, si haute et relevee au dessus de toute autre estime, que les autres amours, ou ne sont pas vrays amours en comparayson de cestuy-cy, ou s'ilz sont vrays amours, cestuy-cy est infiniment plus qu'amour.

  A004000531 

 Or cette amitié n'est pas une simple amitié, mais amitié de dilection, par laquelle nous faysons election de Dieu pour l'aymer d'amour particulier.

  A004000532 

 C'est pourquoy, avec la foy et l'esperance, elle fait sa residence en la pointe et cime de l'esprit, et comme une reyne de majesté elle est assise dans la volonté comme en son throsne, d'ou elle respand sur toute l'ame ses suavités et douceurs, la rendant par ce moyen toute belle, aggreable et aymable a la divine Bonté: de sorte que, si l'ame est un royaume duquel le Saint Esprit soit le Roy, la charité est la reyne, seante a sa dextre en robbe d'or recamee de belles varietés; si l'ame est une reyne, espouse du grand Roy celeste, la charité est sa couronne qui embellit royalement sa teste; mais si l'ame avec son cors est un petit monde, la charité est le soleil qui orne tout, eschauffe tout et vivifie tout..

  A004000540 

 Le sacré Concile de Trente nous asseure que «les amis de Dieu, allans de vertu en vertu, sont renouvelles de jour en jour, c'est a dire croissent par bonnes œuvres en la justice qu'ilz ont receüe par la grace divine, et sont de plus en plus justifiés, selon ces celestes advertissemens: Qui est juste, qu'il soit derechef justifié,» et qui est saint, qu'il soit encor plus sanctifié; Ne doute point d'estre justifié jusques a la mort; Le sentier des justes s'avance et croist, connue une lumiere resplendissante, jusques au jour parfait; Faisans la verité avec charité, croissons en tout en Celuy qui est le chef, a sçavoir Jesus Christ; et, en fin, Je vous prie que vostre charité croisse de plus en plus: qui sont toutes paroles sacrees selon David, saint Jean, l'Ecclesiastique et saint Paul..

  A004000543 

 La vraye vertu n'a point de limites, elle va tous-jours outre; mais sur tout la sainte charité, qui est la vertu des vertus, et laquelle ayant un object infini, seroit capable de devenir infinie si elle rencontroit un cœur capable de l'infinité, rien n'empeschant cet amour d'estre infini que la condition de la volonté qui le reçoit et qui doit agir par iceluy; condition a rayson de laquelle, comme jamais personne ne verra Dieu autant qu'il est visible, aussi onques nul ne le peut aymer autant qu'il est aymable.

  A004000550 

 Or je dis que Dieu fait cela, parce que la charité ne produit pas ses [170] accroissemens comme un arbre qui pousse ses rameaux et les fait sortir par sa propre vertu les uns des autres; ains, comme la foy, l'esperance et la charité sont des vertus qui ont leur origine de la Bonté divine, aussi en tirent-elles leur augmentation et perfection, a guise des avettes, lesquelles estant extraittes du miel prennent aussi leur nourriture d'iceluy..

  A004000551 

 Par quoy, tout ainsy que les perles prennent non seulement leur naissance mais aussi leur aliment de la rosee, les meres perles ouvrant pour cet effect leurs escailles du costé du ciel, comme pour mendier les gouttes que la fraischeur de l'air fait escouler a l'aube du jour, de mesme, ayans receu la foy, l'esperance et la charité, de la Bonté celeste, nous devons tous-jours retourner nos cœurs et les tenir tendus de ce costé-la, pour en impetrer la continuation et l'accroissement des mesmes vertus.

  A004000552 

 Or, comme au thresor du Temple, les deux petites pittes de la pauvre vefve furent [171] estimees, et qu'en effect, par l'addition des petites pieces, les thresors s'aggrandissent et leur valeur s'augmente d'autant, ainsy les moindres petites bonnes œuvres, quoy que faites un peu laschement et non selon toute l'estendue des forces de la charité que l'on a, ne laissent pas d'estre aggreables a Dieu et d'avoir leur valeur aupres de luy: de sorte qu'encor que d'elles mesmes elles ne puissent pas causer aucun accroissement a l'amour precedent, estans de moindre vigueur que luy, la Providence divine toutefois, qui en tient compte et par sa bonté en fait estat, les recompense soudain de l'accroissement de la charité pour le present, et de l'assignation d'une plus grande gloire au Ciel pour l'advenir..

  A004000554 

 Certes, le sacré Concile de Trente parle ainsy: «Si quelqu'un dit que la justice receüe n'est pas conservee, et que mesmes elle n'est pas augmentee devant Dieu par bonnes œuvres, [172] mays que les œuvres sont seulement fruitz et signes de la justification acquise, et non pas cause de l'augmenter, anatheme.» Voyés-vous, Theotime, la justification qui se fait par la charité est augmentee par les bonnes œuvres, et, ce qu'il faut remarquer, c'est par les bonnes œuvres sans exception; car, comme dit excellemment saint Bernard sur un autre sujet, «rien n'est excepté ou rien n'est distingué.» Le Concile parle des bonnes œuvres indistinctement et sans reserve, nous donnant a connoistre, que non seulement les grandes et ferventes, ains aussi les petites et foibles, font augmenter la sainte charité; mais les grandes, grandement, et les petites, beaucoup moins..

  A004000559 

 Neanmoins, le mesme amour qui luy donna ce grand assaut de douleur, luy donna quant et quant la force de le soustenir, et il le mit en action pour, avec une promptitude nompareille, remedier au mal de la chere compaigne de sa vie: si que, ouvrant de vistesse un buffet qui estoit la, il prend une eau cordiale infiniment pretieuse, et en ayant rempli sa bouche, il ouvre de force les levres et les dens serrees de cette bienaymee princesse; puis, soufflant et jettant cette pretieuse liqueur qu'il tenoit en sa bouche, dedans celle de sa pauvre pasmee, et espluyant au nez, sur les temples et sur l'endroit du cœur d'icelle le reste de la phiole, il la fit en fin revenir a soy et reprendre sentiment; puis il la releve doucement, et a force de remedes il la revigore et ravive en telle sorte, qu'elle commença a se lever sur pied et se promener tout bellement avec luy; mays non pas toutefois sans son ayde: car il l'alloit relevant et soustenant par dessous le bras, jusques a ce qu'en fin il luy mit un epitheme de si grande vertu et si pretieux sur l'endroit du cœur, que lhors, se sentant tout a fait remise en sa [174] premiere santé, elle marchoit toute seule d'elle mesme, son cher espoux ne la soustenant plus si fort, ains seulement luy tenant doucement sa main droite entre les siennes et son bras droit replié sur le sien et sur sa poitrine.

  A004000559 

 Un grand et brave roy ayant espousé une tres aymable jeune princesse, et l'ayant un jour menee en un cabinet fort retiré pour s'entretenir avec elle plus a souhait, apres quelques discours il la vid tomber pasmee devant luy, par certain accident inopiné.

  A004000560 

 Et tout cela, mon Theotime, Dieu le fait «en nous, sans nous,» par sa bonté toute aymable qui nous previent de sa douceur.

  A004000560 

 Mais puisqu'il n'est plus requis qu'il employe son amour a mourir pour nous, quand il void l'ame ainsy precipitee en l'iniquité il accourt pour l'ordinaire a son ayde, et d'une misericorde nompareille entr'ouvre la porte du cœur, par des eslans et remors de conscience qui procedent de plusieurs clartés et apprehensions qu'il a jettees dedans nos espritz, avec des mouvemens salutaires, par le moyen desquelz, comme par des eaux odorantes et vitales, il fait revenir l'ame a soy et la remet en des bons [175] sentimens.

  A004000560 

 Or, tandis qu'il la fait ainsy passer entre les vertus par lesquelles il la dispose a ce saint amour, il ne la conduit pas seulement, mais il la soustient de telle façon, que comme elle, de son costé, marche tant qu'elle peut, aussi luy, pour sa part, la porte et la va soustenant; et ne sçauroit-on bonnement dire si elle va ou si elle est portee, car elle n'est pas tellement portee qu'elle n'aille, et va toutefois tellement, que si elle n'estoit portee elle ne pourroit pas aller; si que, pour parler a l'apostolique, elle doit dire: Je marche, non pas moy seule, ains la grace de Dieu avec moy..

  A004000560 

 Que si l'ame estant ainsy excitee, adjouste son consentement au sentiment de la grace, secondant l'inspiration qui l'a prevenue et recevant les secours et remedes requis que Dieu luy a preparés, il la revigorera, et la conduira par divers mouvemens de foy, d'esperance et de pœnitence, jusques a ce qu'elle soit tout a fait remise en la vraye santé spirituelle, qui n'est autre chose que la charité.

  A004000561 

 C'est pourquoy, encor qu'elle puisse aller d'elle mesme, elle en doit toute la gloire a son Dieu qui luy a donné une santé si vigoureuse et si forte; car, soit que le Saint Esprit nous fortifie par les mouvemens qu'il imprime en nos cœurs, ou qu'il nous soustienne par la charité qu'il y respand, soit qu'il nous secoure par maniere d'assistence, en nous relevant et portant, ou qu'il renforce nos cœurs, versant en iceux l'amour revigorant et vivifiant, c'est tous-jours en luy et par luy que nous vivons, que nous marchons et que nous operons.

  A004000561 

 Mais l'ame estant remise tout a fait en sa santé par l'excellent epitheme de la charité que le Saint Esprit met sur le cœur, alhors elle peut aller et se soustenir sur ses pieds d'elle mesme, en vertu neanmoins de cette santé et de l'epitheme sacré du saint amour.

  A004000562 

 il la soulage contre les inclinations depravees et les mauvaises habitudes contractees par les pechés passés; 4.

  A004000563 

 Ne voyons-nous pas, Theotime, que souvent les hommes sains et robustes ont besoin qu'on les provoque a bien employer leur force et leur pouvoir, et que, par maniere de dire, on les conduise a l'œuvre par la main? Ainsy, Dieu nous ayant donné sa charité, et par icelle la force et le moyen de gaigner païs au chemin de la perfection, son amour neanmoins ne luy permet pas de nous laisser aller ainsy seulz; ains il le fait mettre en chemin avec nous, il le presse de nous presser, et sollicite son cœur de solliciter et pousser le nostre a bien employer la sainte charité qu'il nous a donnee, repliquant souvent par ses inspirations les advertissemens que saint Paul nous fait: Voyés de ne point recevoir la grace celeste en vain; Tandis que vous aves le tems faites tout le bien que vous pourres; Courés en sorte que vous emporties le prix.

  A004000564 

 Ainsy saint Anthoine et saint Simeon Stylite estoyent en la grace et charité de Dieu quand ilz firent dessein d'une vie si relevee, comme aussi la bienheureuse Mere Therese quand elle fit le vœu d'obeissance speciale, saint François et saint Louys quand ilz entreprirent le voyage d'outremer pour la gloire de Dieu, le bienheureux François Xavier quand il consacra sa vie a la conversion des Indois, saint Charles quand il s'exposa au service des pestiferés, saint Paulin quand il se vendit pour racheter l'enfant de la pauvre vefve; jamais pourtant ilz n'eussent fait des coups si hardis et genereux, si a la charité qu'ilz avoient en leurs cœurs Dieu n'eust adjousté des inspirations, semonces, lumieres et forces speciales, par lesquelles il les animoit et poussoit a ces exploitz extraordinaires de la vaillance spirituelle..

  A004000564 

 Sur tout l'assistance speciale de Dieu est requise a l'ame qui a le saint amour, es entreprises signalees et extraordinaires; car bien que la charité, pour petite qu'elle soit, nous donne asses d'inclination et, comme je pense, une force suffisante pour faire les œuvres necessaires au salut, si est-ce neanmoins que, pour aspirer et entreprendre des actions excellentes et extraordinaires, nos cœurs ont besoin d'estre poussés et rehaussés par la main et le mouvement de ce grand [177] amoureux celeste, comme la princesse de nostre parabole, laquelle, quoy que bien remise en santé, ne pouvoit faire des montees ni aller bien viste, que son cher espoux ne la relevast et soustinst fortement.

  A004000565 

 A cette cause, la sainte Eglise nous fait si souvent exclamer: «Excités nos cœurs, o Seigneur;» «O Dieu prevenes nos actions en aspirant sur nous, et en nous aydant accompaignes nous;» O Seigneur, soyes prompt a nous secourir, et semblables: affin que par telles prieres nous obtenions la grace de pouvoir faire des œuvres excellentes et extraordinaires et de faire plus frequemment et fervemment [178] les ordinaires, comme aussi de resister plus ardemment aux menues tentations et combattre hardiment les plus grandes..

  A004000565 

 Ne voyes-vous pas le jeune homme de l'Evangile, que Nostre Seigneur aymoit, et qui, par consequent, estoit en charité? il n'avoit, certes, nulle pensee de vendre tout ce qu'il avoit pour le donner aux pauvres et suivre Nostre Seigneur; ains, quand Nostre Seigneur luy en eut donné l'inspiration, encor n'eut-il pas le courage de l'executer.

  A004000566 

 Saint Anthoine fut assailli d'une effroyable legion de demons, desquelz ayant asses longuement soustenu les effortz, non sans une peyne et des tourmens incroyables, en fin il vit le toit de sa cellule se fendre, et un rayon celeste fondre dans l'ouverture, qui dissipa en un moment la noyre et tenebreuse trouppe de ses ennemis et luy osta toute la douleur des coups receus en cette bataille: dont il conneut la presence speciale de Dieu, et jettant un profond souspir du costé de la vision: «Ou esties vous, o bon Jesus,» dit-il, «ou esties vous? pourquoy ne vous estes vous pas treuvé ici des le commencement, pour remedier a ma peyne?» «Anthoine,» luy fut il respondu d'en haut, «j'estois ici, mais j'attendois l'issue de ton combat: or, parce que tu as esté brave et vaillant, je t'ayderay tous-jours.» Mais en quoy consistoit la vaillance et le courage de ce grand soldat spirituel? Il le declara luy mesme une autre fois, qu'estant attaqué par un diable qui avoüa d'estre l'esprit de fornication, ce glorieux Saint, apres plusieurs parolles dignes de son grand courage, commença a chanter le verset 7 du Psalme CXVII:.

  A004000568 

 Par luy je serai garenti,.

  A004000589 

 Tout ainsy donq qu'une douce mere, menant son petit enfant avec elle l'ayde et supporte selon qu'elle void la necessité, luy laissant faire quelques pas de luy mesme es lieux moins dangereux et bien plains, tantost le prenant par la main et l'affermissant, tantost le mettant entre ses bras et le portant, de mesme Nostre Seigneur a un soin continuel de la conduite de ses enfans, c'est a dire de ceux qui ont la charité, les faisant marcher devant luy, leur tendant la main es difficultés, et les portant luy mesme es peynes qu'il void leur estre autrement insupportables.

  A004000590 

 Car ce don n'est autre chose que l'assemblage et la suite de divers appuis, soulagemens et secours, par le moyen desquelz nous continuons en l'amour de Dieu jusques a la fin: comme l'education, eslevement ou nourrissage d'un enfant, n'est autre chose qu'une multitude de sollicitudes, aydes, secours et autres telz offices necessaires a un enfant, exercés et continués envers iceluy, jusques a l'aage auquel il n'en a plus besoin..

  A004000591 

 Et quant a ceux-ci, ilz n'ont pas besoin de grande varieté de secours, ains, si quelque grande tentation ne leur survient, ilz peuvent faire une si courte perseverance avec la seule charité qui leur est donnee et les assistances par lesquelles ilz se sont convertis; car ilz arrivent au port sans navigation, et font leur pelerinage en un seul sault que la [181] puissante misericorde de Dieu leur fait faire si a propos, que leurs ennemis les voyent triompher avant que de les sentir combattre: de sorte que leur conversion et leur perseverance n'est presque qu'une mesme chose, et qui voudroit parler exactement selon la proprieté des motz, la grace qu'ilz reçoivent de Dieu, d'avoir aussi tost l'issue que le commencement de leur pretention, ne sçauroit estre bonnement appellee perseverance; bien que, toutefois, parce que quant a l'effect elle tient lieu de perseverance en ce qu'elle donne le salut, nous ne laissons pas aussi de la comprendre sous le nom de perseverance.

  A004000593 

 Et de fait, selon l'opinion du grand saint Bernard, nous pouvons tous dire en verité apres l'Apostre, que « ni la mort, ni la vie, ni les forces, ni les anges, ni la profondeur, ni la hauteur ne nous pourra jamais separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ: ouy, car nulle creature ne nous peut arracher de ce saint amour, mays nous pouvons nous mesmes seulz le quitter et l'abandonner par nostre propre volonté, hors laquelle il n'y a rien a craindre pour ce regard.».

  A004000593 

 Non certes que je veuille dire que la perseverance ayt son origine de nostre pouvoir, car au contraire, je sçay qu'elle procede de la misericorde divine, de laquelle elle est un don tres pretieux; mays je veux dire qu'encor qu'elle ne provient pas de nostre pouvoir, elle vient neanmoins en nostre pouvoir, par le moyen de nostre vouloir que nous ne sçaurions nier estre en nostre pouvoir: car bien [182] que la grace divine nous soit necessaire pour vouloir perseverer, si est ce que ce vouloir est en nostre pouvoir, parce que la grace celeste ne manque jamais a nostre vouloir tandis que nostre vouloir ne defaut pas a nostre pouvoir.

  A004000593 

 Or, parce que le don de l'orayson et de la devotion est liberalement accordé a tous ceux qui de bon cœur veulent consentir aux inspirations celestes, il est, par consequent, en nostre pouvoir de perseverer.

  A004000604 

 En fin le Roy celeste ayant mené l'ame qu'il ayme jusques a la fin de cette vie, il l'assiste encor en son bienheureux trespas, par lequel il la tire au lict nuptial de la gloire eternelle, qui est le fruit delicieux de la sainte perseverance.

  A004000604 

 O Seigneur, dit elle donq alhors, vous aves esté avec moy et m'aves gardee en la voÿe par laquelle je suis venue, vous m'aves donné le pain de vos Sacremens pour ma nourriture, vous m'aves revestue de la robbe nuptiale de charité, vous m'aves heureusement amenee en ce sejour de gloire qui est vostre mayson, o mon Pere eternel.

  A004000610 

 Il voulut premierement, d'une vraye volonté, qu'encor apres le peché d'Adam tous les hommes fussent sauvés; mays en une façon et par des moyens convenables a la condition de leur nature, douee de franc arbitre; c'est a dire, il voulut le salut de tous ceux qui voudroyent contribuer leur consentement aux graces et faveurs qu'il leur prepareroit, offriroit et departiroit a cette intention.

  A004000612 

 Et que cette suite des effectz de la Providence ayt esté ainsy ordonnee avec la mesme dependance qu'ilz ont les uns des autres en l'eternelle volonté de Dieu, la sainte Eglise le tesmoigne quand elle fait la preface d'une de ses solemnelles prieres en cette sorte: «O Dieu eternel et tout puissant, qui estes Seigneur des vivans et des mortz, et qui usés de misericorde envers tous ceux que vous prevoyes devoir estre a l'advenir vostres par foy et par œuvre;» comme si elle avouoit que la gloire, qui est le comble et le fruit de la misericorde divine envers les hommes, n'est destinee que pour ceux que la divine sapience a preveu qu'a l'advenir, obeissans a la vocation, viendroyent a la foy vive qui opere par la charité..

  A004000613 

 En somme, tous ces effectz dependent absolument de la redemption du Sauveur, qui les a merités pour nous a toute rigueur de justice, par l'amoureuse obeissance qu'il a prattiquee jusques a la mort et la mort de la croix, laquelle est la racine de toutes les graces que nous recevons, nous qui sommes greffes spirituelz entés sur son tige.

  A004000613 

 Que si ayans esté entés nous demeurons en luy, nous porterons sans doute, par la vie de la grace qu'il nous communiquera, le fruit de la gloire qui nous est preparé; que si nous sommes comme jettons et greffes rompus sur cet arbre, c'est a dire, que par nostre resistance nous rompions le progres et l'entresuite des effectz de sa debonnaireté, ce ne sera pas merveille si en fin on nous retranche du tout, et qu'on nous mette dans le feu eternel, comme branches inutiles..

  A004000614 

 Dieu, sans doute, n'a preparé le Paradis que pour ceux desquels il a preveu qu'ilz seroyent siens; soyons donques siens par foy et par œuvre, Theotime, et il sera nostre par gloire.

  A004000620 

 Elle le treuve donq, ce Bienaymé, car il luy fait sentir sa presence par mille consolations; elle le tient, car ce sentiment produit [187] des fortes affections par lesquelles elle le serre et l'embrasse; elle proteste de ne le quitter jamais, oh non, car ces affections passent en resolutions eternelles; et toutefois, elle ne pense pas le bayser du bayser nuptial jusques a ce qu'elle soit avec luy en la mayson de sa mere, qui est la Hierusalem celeste, comme dit saint Paul.

  A004000620 

 L'esprit pressé de passion amoureuse se donne tous-jours un peu d'avantage sur ce qu'il ayme, et l'Espoux mesme confesse que sa Bienaymee luy a ravi le cœur, l'ayant lié par un seul cheveu de sa teste, s'avouant son prisonnier d'amour..

  A004000620 

 Mais voyés, Theotime, qu'elle ne pense rien moins, cette Espouse, que de tenir son Bienaymé a sa mercy comme un esclave d'amour; dont elle s'imagine que c'est a elle de le mener a son gré et l'introduire au bien heureux sejour de sa mere, ou neanmoins elle sera elle mesme introduite par luy, comme fut Rebecca en la chambre de Sara par son cher Isaac.

  A004000621 

 Icy, en cette vie caduque, l'ame est voirement espouse et fiancee de l' Aigneau immaculé, mais non pas encor mariee avec luy; la foy et les promesses se donnent, mais l'execution du mariage est differee: c'est pourquoy il y a tous-jours lieu de nous en desdire, quoy que jamais nous n'en ayons aucune rayson, puisque nostre fidele Espoux ne nous abandonne jamais que nous ne l'obligions a cela par nostre desloyauté et perfidie.

  A004000622 

 Il est vray, Theotime, qu'en attendant ce grand bayser d'indissoluble union, que nous recevrons de l'Espoux la haut en la gloire, il nous en donne quelques uns par mille ressentimens de son aggreable presence; car si l'ame n'estoit pas baysee, elle ne seroit pas tiree, ni ne courroit pas a l'odeur des parfums du Bienaymé.

  A004000626 

 Quand, apres les travaux et hazards de cette vie mortelle, les bonnes ames arrivent au port de l'eternelle, elles montent au plus haut et dernier degré d'amour auquel elles puissent parvenir; et cet accroissement final leur estant conferé pour recompense de leurs merites, il leur est departi, non seulement a bonne mesure, mais encor a mesure pressee, entassee et qui respand de toutes pars par dessus, comme dit Nostre Seigneur: de sorte que l'amour qui est donné pour salaire est tous-jours plus grand en un chacun que [189] celuy lequel luy avoit esté donné pour meriter.

  A004000633 

 Elle ne pecha jamais veniellement, ainsy que l'Eglise estime; elle n'eut donq point de vicissitude ni de retardement au progres de son amour, ains monta d'amour en amour par un perpetuel avancement.

  A004000633 

 Mais en tout et par tout, quand je fay des comparaysons, je n'entens point parler de la tressainte Vierge Mere, Nostre Dame.

  A004000634 

 Certes, le [192] Chrestien doit aymer son cors comme une image vivante de celuy du Sauveur incarné, comme issu de mesme tige avec iceluy, et, par consequent, luy appartenant en parentage et consanguinité; sur tout apres que nous avons renouvellé l'alliance par la reception reelle de ce divin Cors du Redempteur au tres adorable Sacrement de l'Eucharistie, et que, par le Baptesme, Confirmation et autres Sacremens, nous nous sommes dediés et consacrés a la souveraine Bonté..

  A004000634 

 Ouy, Theotime, cette Reyne celeste ne s'endormoit jamais que d'amour, puisqu'elle ne donnoit aucun repos a son pretieux cors que pour le revigorer, affin qu'il servist mieux son Dieu par apres; acte, certes, tres excellent de charité, car, comme dit le grand saint Augustin, elle nous «oblige d'aymer nos cors convenablement,» entant qu'ilz sont requis aux bonnes œuvres, qu'ilz sont une partie de nostre personne et qu'ilz seront participans de la felicité eternelle.

  A004000635 

 C'est pourquoy, quand elle mettoit son cors angelique au repos du sommeil: Or sus, reposés, disoit elle, o tabernacle de l'Alliance, Arche de la sainteté, throsne de la Divinité, allegés vous un peu de vostre lassitude, et reparés vos forces par cette douce tranquillité..

  A004000636 

 Et puis, mon cher Theotime, ne saves vous pas que les songes mauvais procurés volontairement par les pensees depravees du jour, tiennent en quelque sorte lieu de peché, parce que ce sont comme des dependances et executions de la malice precedente? Ainsy, certes, les songes provenans des saintes affections de la veille sont estimés vertueux et sacrés.

  A004000636 

 Mais si jamais elle songea, comme l'ancien Joseph, a sa grandeur future, quand au ciel elle seroit revestue du soleil, couronnee d'estoiles, et la lune a ses pieds, c'est a dire toute environnee de la gloire de son Filz, couronnee de celle des Saintz, et l'univers sous elle; ou que, comme Jacob, elle vid le progres et les fruitz de la Redemption faite par son Filz en faveur des Anges et des hommes, Theotime, qui pourroit jamais s'imaginer l'immensité de si grandes delices? Que de colloques avec son cher Enfant, que de suavités de toutes pars!.

  A004000636 

 Mon Dieu, Theotime, quelle consolation d'ouïr saint Chrysostome, racontant un jour a son peuple la vehemence de l'amour qu'il luy portoit! «La necessité du sommeil,» dit-il, «pressant nos paupieres, la tirannie de nostre amour envers vous excite les yeux de nostre esprit, et maintefois emmi mon sommeil il m'a esté advis que je vous parlois, car l'ame a accoustumé de voir en songe, par imagination, ce qu'elle pense parmi la journee: ainsy, ne vous voyans pas des yeux de la chair, nous vous voyons des yeux de la charité.» Hé, doux Jesus, qu'est-ce que devoit songer vostre tressainte Mere Ihors qu'elle dormoit et que son [193] cœur veilloit? Ne songeoit-elle point de vous voir encor plié dans ses entrailles, comme vous fustes neuf mois? ou bien pendant a ses mammelles et pressant doucement le sacré chicheron de son tetin virginal? Helas, que de douceurs en cette ame! Peut estre songea-elle maintefois que, comme Nostre Seigneur avoit jadis souvent dormi sur sa poitrine, ainsy qu'un petit aignelet sur le flanc mollet de sa mere, de mesme aussi elle dormoit dans son costé percé, comme une blanche colombe dans le trou d'un rocher asseuré.

  A004000638 

 En somme, comme l'abeston, pierre pretieuse, conserve a jamais le feu qu'il a conceu, par une proprieté nompareille, ainsy le cœur de la Vierge Mere demeura perpetuellement enflammé du saint amour qu'elle receut de son Filz; mays avec cette difference, que le feu de l'abeston qui ne peut estre esteint, ne peut non plus estre agrandi.

  A004000643 

 La verité est l'objet de nostre entendement, qui a, par consequent, tout son contentement a descouvrir et connoistre la verité des choses; et selon que les verités sont plus excellentes nostre entendement s'applique plus delicieusement et plus attentivement a les considerer..

  A004000644 

 Quel playsir pensés-vous, Theotime, qu'eussent ces anciens philosophes qui conneurent si excellemment tant de belles verités en la nature? Certes, toutes les voluptés ne leur estoyent rien en comparayson de leur bien-aymee philosophie, pour laquelle quelques uns d'entre eux quittèrent les honneurs, les autres des grandes richesses, d'autres leur païs; et s'en est treuvé tel qui, de sens rassis, s'est arraché les yeux, se privant pour jamais de la jouissance de la belle et aggreable lumiere corporelle, pour s'occuper plus librement a considerer la verité des choses par la lumiere spirituelle, car on lit cela de Democrite; tant la connoissance de la verité est delicieuse: dont Aristote a dit fort souvent que la felicité et beatitude humaine consiste en la sapience, qui est la connoissance des verités eminentes..

  A004000645 

 Ah! dit saint Hierosme a son Paulin, «le docte Platon ne sceut onques ceci, l'eloquent Demosthenes l'a ignoré.» O que vos paroles, dit ce grand Roy, sont douces, Seigneur, a mon palais, plus douces que le miel a ma bouche! Nostre cœur n'est oit-il pas tout ardent, tandis qu'il nous parloit en chemin? disent ces heureux pelerins d'Emaüs, parlant des flammes amoureuses dont ilz estoyent touchés par la parole de la foy..

  A004000645 

 Dieu a empreint [196] sa piste, ses alleures et passees en toutes les choses creées; de sorte que la connoissance que nous avons de sa divine Majesté par les creatures, ne semble estre autre chose que la veüe des pieds de Dieu, et qu'en comparayson de cela la foy est une veüe de la face mesme de sa divine Majesté, laquelle nous ne voyons pas encores au plein jour de la gloire, mais nous la voyons, pourtant, comme en la prime aube du jour, ainsy qu'il advint a Jacob aupres du gay de Jaboc; car bien qu'il n'eust veu l'Ange avec lequel il lutta, sinon a la foible clarté du point du jour, si est-ce que tout ravi de contentement il ne laissa pas de s'escrier: J'ay veu le Seigneur face a face, et mon ame a esté sauvee.

  A004000645 

 O combien delicieuse est la sainte lumiere de la foy, par laquelle nous sçavons avec une certitude nompareille, non seulement l'histoire de l'origine des creatures et de leur vray usage, mais aussi celle de la naissance eternelle du grand et souverain Verbe divin, auquel et par laquel tout a esté fait, et lequel, avec le Pere et le Saint Esprit, est un seul Dieu tres unique, tres adorable et beni es siecles des siecles, Amen.

  A004000646 

 Ah, que belles et amiables sont les verités que la foy nous revele par l'ouïe! mais quand, arrivés en la celeste Hierusalem, nous verrons le grand Salomon, Roy de gloire, assis sur le trosne de sa sapience, manifestant avec une clarté incomprehensible les merveilles et secretz eternelz de sa verité souveraine, avec tant de lumiere que nostre entendement verra en presence ce qu'il avoit creu ici bas, oh alhors, trescher Theotime, quelz ravissemens! quelles extases! quelles admirations! quelles amours! quelles douceurs! Non jamais, dirons-nous en cet exces de suavité, non jamais nous n'eussions sceu penser de voir des verités si delectables.

  A004000646 

 Que si les verités divines sont de si grande suavité estans proposees en la lumiere obscure de la foy, o Dieu, que sera-ce quand nous les contemplerons en la clarté du midy de la gloire? La Reyne de Saba qui, a la grandeur de la renommee de Salomon, avoit tout quitté pour le venir voir, estant arrivee en sa presence et ayant escouté les merveilles de la sagesse qu'il respandoit en ses propos, toute esperdue et comme pasmee d'admiration, s'escria que ce qu'elle avoit appris par [197] ouï dire de cette celeste sagesse n'estoit pas la moitié de la connoissance que la veüe et l'experience luy en donnoyent.

  A004000650 

 O Jesus! mon cher Theotime, quelle joye pour le cœur humain de voir la face de la Divinité, face tant desiree, ains face l'unique desir de nos ames! Nos cœurs ont une soif qui ne peut estre estanchee par les contentemens de la vie mortelle; contentemens desquelz les plus estimés et pourchassés, [198] s'ilz sont moderés, ilz ne nous desalterent pas, et s'ilz sont extremes, ilz nous estouffent.

  A004000651 

 Ce pendant, Theotime, imaginés-vous, avec le Psalmiste, ce cerf, qui mal mené par la meute n'a plus ni vent ni jambes, comme il se fourre avidement dans l'eau qu'il va questant, avec quelle ardeur il se presse et serre dans cet element: il semble qu'il se voudroit volontier fondre et convertir en eau, pour jouir plus pleinement de cette fraischeur.

  A004000656 

 Mais encor, ces especes, par combien de destours et de changemens viennent elles a nostre entendement? elles abordent au sens exterieur et de la passent a l'interieur, puis a la fantasie, de la a [200] l'entendement actif, et viennent en fin au passif, a ce que, passant par tant d'etamines et sous tant de limes, elles soyent par ce moyen purifiees, subtilisees et affinees, et que de sensibles elles soyent rendues intelligibles..

  A004000656 

 Quand nous regardons quelque chose, quoy qu'elle nous soit presente elle ne s'unit pas a nos yeux elle mesme, ains seulement leur envoye une certaine representation ou image d'elle mesme, que l'on appelle espece sensible, par le moyen de laquelle nous voyons; et quand nous contemplons ou entendons quelque chose, ce que nous entendons ne s'unit pas non plus a nostre entendement sinon par le moyen d'une autre representation et image, tres delicate et spirituelle, que l'on nomme espece intelligible.

  A004000657 

 De sorte que les verités signifiees en la parole de Dieu sont par icelle representees a l'entendement, comme les choses exprimees au mirouer sont, par le mirouer, representees a l'œil: si que, croire c'est voir comme par un miroüer, dit le grand Apostre..

  A004000657 

 Nous voyons et entendons ainsy, Theotime, tout ce que nous voyons ou entendons en cette vie mortelle, ouy mesme les choses de la foy: car, comme le miroüer ne contient pas la chose que l'on y void ains seulement la representation et espece d'icelle, laquelle representation arrestee par le miroüer en produit une autre en l'œil qui regarde; de mesme, la parole de la foy ne contient pas les choses qu'elle annonce, ains seulement elle les represente, et cette representation des choses divines, qui est en la parole de la foy, en produit une autre, laquelle nostre entendement, moyennant la grace de Dieu, accepte et reçoit comme representation de la sainte verité, et nostre volonté s'y complait et l'embrasse comme une verité honnorable, utile, aymable et tres bonne.

  A004000658 

 O vray Dieu, quelle suavité a l'entendement humain, d'estre a jamais uni a son souverain object, recevant non sa representation mais sa presence, non aucune image ou espece mais la propre essence de sa divine verité et majesté! Nous serons la comme des enfans tres heureux de la Divinité, ayans l'honneur d'estre nourris de la propre substance divine, receüe en nostre ame par la bouche de nostre entendement; et ce qui surpasse toute douceur, c'est que, comme les meres [201] ne se contentent pas de nourrir leurs poupons de leur lait, qui est leur propre substance, si elles mesmes ne leur mettent le chicheron de leur tetin dans la bouche, affin qu'ilz reçoivent leur substance non en un cuillier ou autre instrument ains en leur propre substance et par leur propre substance, en sorte que cette substance maternelle serve de tuyau aussi bien que de nourriture pour estre receüe du bienaymé petit enfançon, ainsy Dieu, nostre Pere, ne se contente pas de faire recevoir sa propre substance en nostre entendement, c'est a dire de nous faire voir sa Divinité, mais par un abisme de sa douceur il appliquera luy mesme sa substance a nostre esprit, affin que nous l'entendions non plus en espece ou representation mais en elle mesme et par elle mesme, en sorte que sa substance paternelle et eternelle serve d'espece aussi bien que d'object a nostre entendement.

  A004000659 

 Bonheur infini, Theotime, et lequel ne nous a pas seulement esté promis, mais nous en avons des arres au tressaint Sacrement de l'Eucharistie, festin perpetuel de la grace divine; car en iceluy nous recevons le sang du Sauveur en sa chair et sa chair en son sang, son sang nous estant appliqué par sa chair, sa substance par sa substance, a nostre propre bouche corporelle, affin que nous sachions qu'ainsy nous appliquera-il son essence divine au festin eternel de la gloire.

  A004000663 

 O saint et divin Esprit, Amour eternel du Pere et du Filz, soyes propice a mon enfance! Nostre entendement verra donq Dieu, Theotime; mais je dis, il verra Dieu luy mesme, face a face, contemplant par une veüe de vraye et reelle presence la propre essence divine, et en elle ses infinies beautés: la toute puissance, la toute bonté, toute sagesse, toute justice, et le reste de cet abisme de perfections..

  A004000664 

 Ainsy verrons-nous donq cette eternelle et admirable generation du Verbe et Filz divin, par laquelle il nasquit eternellement a l'image et semblance du Pere: image et semblance vive et naturelle, qui ne represente aucuns accidens ni aucun exterieur, puisqu'en Dieu tout est substance et n'y peut avoir accident, tout est interieur et n'y peut avoir aucun exterieur; mais image qui represente la propre substance du Pere si vivement, si naturellement, tant essentiellement et substantiellement, que pour cela elle ne peut estre que le mesme Dieu avec luy, sans distinction [203] ni difference quelcomque d'essence ou substance, ains avec la seule distinction des Personnes.

  A004000669 

 Helas, mais de grace, Theotime, si une vision mystique et imaginaire de la naissance temporelle et humaine du Filz de Dieu, par laquelle il procedoit homme de la femme, vierge d'une Vierge, ravit et contente si fort le cœur d'un enfant, hé, que sera-ce quand nos espritz glorieusement illuminés de la clarté bienheureuse, verront cette eternelle naissance par laquelle le Filz procede «Dieu de Dieu, lumiere de lumiere, vray Dieu d'un vray Dieu,» divinement et eternellement! Alhors donq, nostre esprit se joindra par une complaysance incomprehensible a cet object si delicieux, et par une invariable attention luy demeurera eternellement uni.

  A004000673 

 Le Pere eternel, voyant l'infinie bonté et beauté de son essence si vivement, essentiellement et substantiellement exprimee en son Filz, et le Filz voyant reciproquement que sa mesme essence, bonté et beauté est originairement en son Pere comme en sa source et fontaine, hé, se pourroit-il faire que ce divin Pere et son Filz ne s'entr'aymassent pas d'un amour infini, puisque leur volonté par laquelle ilz ayment, et leur bonté pour laquelle ilz ayment, sont infinies en l'un et en l'autre?.

  A004000674 

 Le Pere souspire cet amour, le Filz le souspire aussi; mais parce que le Pere ne souspire cet amour que par la mesme volonté et pour la mesme bonté qui est egalement et uniquement en luy et en son Filz, et le Filz mutuellement ne souspire ce souspir amoureux que pour cette mesme bonté et par cette mesme volonté, partant ce souspir amoureux n'est qu'un seul souspir, ou un seul esprit eslancé par deux souspirans..

  A004000674 

 Or, le Pere et le Filz se treuvans non seulement egaux et unis, ains un mesme Dieu, une mesme bonté, une mesme essence et une mesme unité, quel amour doivent-ilz avoir l'un a l'autre! Mays cet amour ne se passe pas comme l'amour que les creatures intellectuelles ont entre elles ou envers leur Createur (car l'amour creé se fait par plusieurs et divers eslans, souspirs, unions et liaysons qui s'entresuivent et font la continuation de l'amour avec une douce vicissitude de mouvemens spirituelz); car l'amour divin du Pere eternel envers son Filz est prattiqué en un seul souspir, eslancé reciproquement par le Pere et le Filz, qui, en cette sorte, demeurent unis et liés ensemble.

  A004000674 

 Ouy, mon Theotime, car la bonté du Pere et du Filz n'estant qu'une seule tres uniquement unique bonté, commune a l'un et a l'autre, l'amour de cette bonté ne peut estre qu'un seul amour; parce qu'encor [206] qu'il y ayt deux amans, a sçavoir le Pere et le Filz, neanmoins il n'y a que leur seule tres unique bonté, qui leur est commune, laquelle est aymee, et leur tres unique volonté qui ayme, et partant il n'y a aussi qu'un seul amour, exercé par un seul souspir amoureux.

  A004000675 

 Et d'autant que le Pere et le Filz qui souspirent, ont une essence et volonté infinie par laquelle ilz souspirent, et que la bonté pour laquelle ilz souspirent est infinie, il est impossible que le souspir ne soit infini; et d'autant qu'il ne peut estre infini qu'il ne soit Dieu, partant cet Esprit souspiré du Pere et du Filz est vray Dieu, et parce qu'il n'y a ni peut avoir qu'un seul Dieu, il est un seul vray Dieu avec le Pere et le Filz.

  A004000675 

 Mais de plus, parce que cet amour est un acte qui procede reciproquement du Pere et du Filz, il ne peut estre ni le Pere ni le Filz desquelz il est procedé, quoy qu'il ait la mesme bonté et substance du Pere et du Filz, ains faut que ce soit une troisiesme Personne divine, laquelle avec le Pere et le Filz ne soit qu'un seul Dieu; et d'autant que cet amour est produit par maniere de souspirs ou d'inspirations, il est appellé Saint Esprit..

  A004000689 

 Mais, o Dieu, si l'amitié humaine est tant agreablement aymable et respand une odeur si delicieuse sur ceux qui la contemplent, que sera-ce, mon bienaymé Theotime, de voir l'exercice sacré de l'amour reciproque du Pere envers le Filz eternel! Saint Gregoire Nazianzene raconte que l'amitié incomparable qui estoit entre luy et son grand saint Basile estoit celebree par toute la Grece, et Tertulien tesmoigne que les payens admiroient cet amour plus que fraternel qui regnoit entre les premiers Chrestiens: o quelle feste, quelle solemnité! de quelles louanges et benedictions doit estre celebree, de quelles admirations doit estre honnoree et aymee l'eternelle et souveraine amitié du Pere et du Filz! Qu'y a-il d'aymable et d'amiable si l'amitié ne l'est pas? et si l'amitié est amiable et aymable, quelle amitié le peut estre en comparayson de cette infinie amitié qui est entre le Pere et le Filz, et qui est un mesme Dieu tres unique avec eux? Nostre cœur, Theotime, s'abismera d'amour, en l'admiration de la beauté et suavité de l'amour que ce Pere eternel et ce Filz incomprehensible prattiquent divinement et eternellement.

  A004000693 

 C'est pourquoy la suavité de la Sagesse eternelle a disposé de ne point appliquer son essence a nostre entendement, qu'elle ne l'ait preparé, revigoré et habilité, pour recevoir une veüe si eminente et disproportionnee a sa condition naturelle comme est la veüe de la Divinité: car ainsy le soleil, souverain object de nos yeux corporelz entre les choses naturelles, ne se presente point a nostre veiie que premier il n'envoye ses rayons, par le moyen desquelz nous le puissions voir; de sorte, que nous ne le voyons que par sa lumiere.

  A004000693 

 L'entendement creé verra donq l'essence divine sans aucune entremise d'espece ou representation, mais il ne la verra pas neanmoins sans quelqu'excellente lumiere qui le dispose, esleve et renforce pour faire une veüe si haute et d'un object si sublime et esclattant; car, comme la chouette a bien la veüe asses forte pour voir la sombre lumiere de la nuict sereine, mais non pas toutefois pour voir la clarté du midi, qui est trop brillante pour estre receüe par des yeux si troubles et imbecilles, ainsy nostre entendement, qui a bien asses de force pour considerer les verités naturelles par son discours, et mesme les choses surnaturelles de la grace par la lumiere de la foy, ne sauroit pas neanmoins, ni par la lumiere de la nature ni par la lumiere de la foy, atteindre jusques a la veüe de la substance divine en elle mesme.

  A004000693 

 Toutefois, il y a de la difference entre les rayons que le soleil jette a nos yeux corporelz, et la lumiere que Dieu creera en nos entendemens, au Ciel: car le rayon du [209] soleil corporel ne fortifie point nos yeux quand ilz sont foibles et impuissans a voir, ains plustost il les aveugle, esblouissant et dissipant leur veüe infirme; ou, au contraire, cette sacree lumiere de gloire, treuvant nos entendemens inhabiles et incapables de voir la Divinité, elle les esleve, renforce et perfectionne si excellemment, que, par une merveille incomprehensible, ilz regardent et contemplent l'abisme de la clarté divine fixement et droitement en elle mesme, sans estre esblouis ni rebouschés de la grandeur infinie de son esclat..

  A004000694 

 Les plongeons, dit Pline, qui pour pescher les pierres precieuses s'enfoncent dans la mer, prennent de l'huyle en leur bouche, affin que le respandant ilz ayent plus de jour pour voir dedans les eaux entre lesquelles ilz nagent: Theotime, l'ame bienheureuse estant enfoncee et plongee dans l'ocean de la divine essence, Dieu respandra dans son entendement la sacree lumiere de gloire, qui luy fera jour en cet abisme de lumiere inaccessible, affin que par la clarté de la gloire nous voyions la clarté de la Divinité:.

  A004000694 

 Tout ainsy, donq, que Dieu nous a donné la lumiere de la rayson par laquelle nous le pouvons connoistre comme Autheur de la nature, et la lumiere de la foy par laquelle nous le considerons comme source de la grace, de mesme il nous donnera la lumiere de gloire, par laquelle nous le contemplerons comme fontaine de la beatitude et vie eternelle: mays fontaine, Theotime, que nous ne contemplerons pas de loin, comme nous faisons maintenant par la foy, ains que nous verrons par la lumiere de gloire plongés et abismés en icelle.

  A004000704 

 Or, ce sera cette lumiere de gloire, Theotime qui donnera la mesure a la veüe et contemplation des Bien-heureux; et selon que nous aurons plus ou moins de cette sainte splendeur, nous verrons aussi plus ou moins clairement, et par consequent plus ou moins heureusement, la tressainte Divinité, qui, regardee diversement, nous rendra de mesme differemment glorieux.

  A004000706 

 Ah, Theotime, nos espritz, a leur gré et selon toute l'estendue de leurs souhaitz, nageront en l'ocean et voleront en l'air de la Divinité, et se res-jouiront eternellement de voir que cet air est tant infini, cet ocean si vaste, qu'il ne peut estre mesuré par leurs aysles, et que jouissans sans reserve ni exception [212] quelcomque de tout cet abisme infini de la Divinité, ilz ne peuvent neanmoins jamais egaler leur jouissance a cette infinité, laquelle demeure tous-jours infiniment infinie au dessus de leur capacité..

  A004000707 

 O Dieu, que ce qu'ilz voyent est admirable! mais o Dieu, que ce qu'ilz ne voyent pas l'est beaucoup plus! Et toutefois, Theotime, la tressainte beauté qu'ilz voyent estant infinie, elle les rend parfaitement satisfaitz et assouvis; et se contentans d'en jouir selon le rang qu'ilz tiennent au Ciel, a cause de la tres aymable Providence divine qui en a ainsy ordonné, ilz convertissent la connoissance qu'ilz ont de ne posseder pas ni ne pouvoir posseder totalement leur object, en une simple complaysance d'admiration, par laquelle ilz ont une joye souveraine de voir que la beauté qu'ilz ayment est tellement infinie qu'elle ne peut estre totalement conneüe que par elle mesme: car en cela consiste la divinité de cette Beauté infinie, ou la beauté de cette infinie Divinité.

  A004000715 

 Ayés soin et travaillés, affin d'asseurer par bonnes œuvres vostre vocation.

  A004000715 

 Nous ne faysons pas ces discours pour ces grandes ames d'eslite que Dieu, par une tres speciale faveur, maintient et confirme tellement en son amour, qu'elles sont hors le hazard de jamais le perdre; nous parlons pour le reste des mortelz, auxquelz le Saint Esprit addresse ces advertissemens: Qui est debout, qu'il prenne garde a ne point tomber.

  A004000717 

 Certes, en cette vie mortelle, quoy que nos ames abondent en amour celeste, si est ce que jamais elles n'en sont si pleines que par la tentation cet amour ne puisse sortir; mais la haut au Ciel, quand les suavités de la beauté de Dieu occuperont tout ncstre entendement et les delices de sa bonté assouviront toute nostre volonté, en sorte qu'il n'y aura rien que la plenitude de son amour ne remplisse, nul objet, quoy qu'il penetre jusques a nos cœurs, ne pourra jamais tirer ni faire sortir une seule goutte de la pretieuse liqueur de leur amour celeste; et de penser donner du vent par dessus, c'est a dire decevoir ou surprendre l'entendement, il ne sera plus possible, car il sera immobile en l'apprehension de la verité souveraine..

  A004000717 

 Mays aves-vous jamais veu cette petite merveille que chacun sçait, et de laquelle chacun ne sçait pas la rayson? Quand on perce un tonneau bien plein, il ne respandra point son vin qu'on ne luy donne de l'air par dessus, ce qui n'arrive pas aux tonneaux [216] esquelz il y a des-ja du vuide, car on ne les a pas plus tost ouvertz que le vin en sort.

  A004000718 

 Et quant a nous, tandis que nous sommes en ce monde, nos espritz sont sur la lie et le tartre de mille humeurs et miseres, et par consequent aysés a changer et tourner en leur amour; mais estans au Ciel, ou, comme en ce grand festin descrit par Isaïe, nous aurons le vin purifié de toute lie, nous ne serons plus sujetz au change, ains demeurerons inseparablement unis par amour a nostre souverain Bien.

  A004000719 

 Nous sommes comme le corail, qui dans l'ocean, lieu de son origine, est un arbrisseau pasleverd, foible, flechissant et pliable; mais estant tiré hors du fond de la mer, comme du sein de sa mere, il devient presque [217] pierre, se rendant ferme et impliable, a mesme qu'il change son verd blafastre en un vermeil fort vif: car ainsy, estans encor emmi la mer de ce monde, lieu de nostre naissance, nous sommes sujetz a des vicissitudes extremes, pliables a toutes mains, a la droitte de l'amour celeste par l'inspiration, a la gauche de l'amour terrestre par la tentation; mais si une fois tirés hors de cette mortalité, nous avons changé le pasleverd de nos craintives esperances au vif vermeil de l'asseuree jouissance, jamais plus nous ne serons muables, ains demeurerons a tous-jours arrestés en l'amour eternel..

  A004000724 

 Certes, le peché veniel, ni mesme l'affection au peché veniel, n'est pas contraire a l'essentielle resolution de la charité, qui est de preferer Dieu a toutes choses: d'autant que par ce peché nous aymons quelque chose hors de la rayson, mais non pas contre la rayson; nous deferons un peu trop, et plus qu'il n'est convenable, a la creature, mais non pas en la preferant au Createur; nous nous amusons plus qu'il ne faut aux choses terrestres, mais nous ne quittons pas pour cela les celestes: en somme, cette sorte de peché nous retarde au chemin de la charité, mais il ne nous en oste pas, et partant, le peché veniel n'estant pas contraire a la charité, il ne la destruit jamais, ni en tout ni en partie..

  A004000726 

 Neanmoins, le peché veniel est peché, et par consequent il desplait a la charité, non comme chose qui luy soit contraire, mays comme chose contraire a ses operations et a son progres, voire mesme a son intention, laquelle estant que nous rapportions toutes nos operations a Dieu, elle est violee par le peché veniel, qui porte les actions par lesquelles nous le commettons, non pas voirement contre Dieu, mais hors de Dieu et de sa volonté: et comme nous disons d'un arbre qui a esté rudement touché et reduit en friche par la tempeste, que rien n'y est demeuré, parce qu'encor que l'arbre est entier, neanmoins il est resté sans fruit, de mesme, quand nostre charité est battue des affections que l'on a aux pechés venielz, nous disons qu'elle est diminuee et defaillie, non que l'habitude de l'amour ne soit entiere en nos espritz, mais parce qu'elle est sans les œuvres qui sont ses fruitz..

  A004000727 

 Aussi, les affections au peché veniel n'abolissent pas la charité, mays elles la tiennent comme un esclave, liee pieds et [220] mains, empeschant sa liberté et son action; cette affection nous attachant par trop a la jouissance des creatures, nous prive de la privauté spirituelle entre Dieu et nous, a laquelle la charité, comme vraye amitié, nous incite, et, par consequent, elle nous fait perdre les secours et assistances interieures, qui sont comme les espritz vitaux et animaux de l'ame, du defaut desquelz provient une certaine paralisie spirituelle, laquelle en fin si on n'y remedie nous conduit a la mort.

  A004000728 

 Ce qui arrive d'autant plus aysement, que par le peché veniel l'ame se dispose au mortel; car, comme cet ancien ayant continué a porter tous les jours un mesme veau, le porta en fin encor qu'il fut devenu un gros bœuf, la coustume ayant petit a petit rendu insensible a ses forces l'accroissement d'un si lourd fardeau, ainsy celuy qui s'affectionne a joüer des testons joüeroit en fin des escus, des pistoles, des chevaux, et apres ses chevaux toute sa chevance; qui lasche la.

  A004000728 

 bride aux menues choleres, se treuve en fin furieux et insupportable; qui s'addonne a mentir par raillerie, est grandement en danger de mentir avec calomnie..

  A004000733 

 Ainsy arriva-il a nostre premiere mere Eve, de laquelle la perte commença par un certain amusement qu'elle prit a deviser avec le serpent, recevant de la complaysance d'ouïr parler de son aggrandissement en science et de voir la beauté du fruit defendu; si que, la complaysance grossissant en l'amusement et l'amusement se nourrissant dans la complaysance, elle s'y treuva en fin tellement engagee, que se laissant aller au consentement, elle commit le malheureux peché auquel par apres elle attira son mari..

  A004000733 

 Nous n'aymons pas Dieu sans intermission, d'autant qu'en cette vie mortelle la charité est en nous par maniere de simple habitude, de laquelle, comme les philosophes ont remarqué, nous usons quand il nous plait et non jamais contre nostre gré.

  A004000733 

 Quand donq nous n'usons pas de la charité qui est en nous, c'est a dire quand nous n'employons pas nostre esprit aux exercices de l'amour sacré, ains que le tenans diverti a quelque autre occupation, ou que paresseux en soy mesme il se tient inutile et negligent, alhors, Theotime, il peut estre touché de quelque object mauvais, et surpris de quelque tentation; et bien que l'habitude de la charité en mesme tems soit au fond de nostre ame et qu'elle face son office, nous inclinant a rejetter la suggestion mauvaise, si est-ce qu'elle ne nous presse pas ni nous porte a l'action de la resistance, qu'a mesure que nous la secondons, comme les habitudes ont coustume de faire: et partant, nous laissant en nostre liberté, il advient maintefois que le mauvais object ayant jetté bien avant ses attraitz dans nostre cœur, nous nous attachons a luy par une complaysance excessive, laquelle venant a croistre il nous est malaysé de nous en desfaire, et comme des espines, selon que dit Nostre Seigneur, [222] elle suffoque en fin la semence de la grace et dilection celeste.

  A004000735 

 Dieu ne veut pas empescher que nous ne soyons attaqués de tentations, affin que resistans, nostre charité soit plus exercee, et puisse par le combat emporter la victoire et par la victoire obtenir le triomphe; mais que nous ayons quelque sorte d'inclination a nous delecter en la tentation, cela vient de la condition de nostre nature, qui ayme tant le bien que pour cela elle est sujette d'estre allechee par tout ce qui a apparence de bien.

  A004000736 

 Car de mesme, trescher Theotime, l'amour propre treuvant nostre foy hors d'attention et sommeillante, il nous presente des biens vains mais apparens, seduit nos sens, nostre imagination et les facultés de nos ames, et presse tellement nos francs arbitres qu'il les conduit a l'entiere revolte contre le saint amour de Dieu; lequel alhors, comme un autre David, sort de nostre cœur avec tout son train, c'est a dire avec les dons du Saint Esprit et les autres [224] vertus celestes, qui sont compaignes inseparables de la charité si elles ne sont ses proprietés et habilités; et ne reste plus en la Hierusalem de nostre ame aucune vertu d'importance, sinon Sadoc le voyant, c'est a dire le don de la foy qui nous peut faire voir les choses eternelles, avec son exercice, et encor Abiathar, c'est a dire le don de l'esperance avec son action, qui tous deux demeurent bien affligés et tristes, maintenans toutefois en nous l'Arche de l'alliance, c'est a dire la qualité et le filtre de Chrestien qui nous est acquis par le Baptesme..

  A004000736 

 Tel fut le progres de sedition que le desloyal Absalon excita contre son bon pere David; car il mit en avant des propositions bonnes en apparence, lesquelles estant une fois receües par les pauvres Israëlites desquelz la prudence estoit endormie et engourdie, il les sollicita tellement qu'il les reduisit a une entiere rebellion: de sorte que David fut contraint de sortir tout espleuré de Hierusalem avec tous ses plus fideles amis, ne laissant en la ville de gens de marque, sinon Sadoc et Abiathar, prestres de l'Eternel, avec leurs enfans; or Sadoc estoit voyant, c'est a dire prophete.

  A004000746 

 Les habitudes que nous acquerons par nos seules actions humaines ne perissent pas par un seul acte contraire, car nul ne dira qu'un homme soit intemperant pour un seul acte d'intemperance, ni qu'un peintre ne soit pas bon maistre pour avoir une fois manqué a l'art; ains, comme toutes telles habitudes nous arrivent par la suite et impression de plusieurs actes, ainsy nous les perdons par une longue cessation de leurs actes, ou par une multitude d'actes contraires.

  A004000747 

 En quov elle ressemble au chef d'œuvre de Phidias, tant celebré par les anciens: car on dit que ce grand sculpteur fit en Athenes une statue de Minerve, toute d'ivoire, haute de vingt six coudees; et au bouclier d'icelle, auquel il avoit relevé les batailles des amazones et des geans, il grava avec tant d'art son visage de luy mesme, qu'on ne pouvoit oster un seul brin de son image, dit Aristote, que «toute la statue ne tombast desfaite:» si que cette besoigne ayant esté perfectionnee par assemblage de piece a piece, en un moment neanmoins elle perissoit si on eust osté une seule petite partie de la semblance de l'ouvrier.

  A004000747 

 Et de mesme, Theotime, encores que le Saint Esprit ayant mis la charité en une ame luy donne sa croissance par addition de degré a degré et de perfection a perfection d'amour, si est ce toutefois, que la resolution de preferer la volonté de Dieu a toutes choses estant le point essentiel de l'amour sacré, et auquel l'image de l'amour eternel, c'est a dire du Saint Esprit, est representee, on ne sçauroit en oster une seule piece que soudain toute la charité ne perisse..

  A004000747 

 Il est vray que la charité s'agrandit par accroissement de degré a degré et de perfection a perfection, selon [226] que par nos oeuvres ou la reception des Sacremens nous luy faisons place; mais, toutefois, elle ne diminue pas par amoindrissement de sa perfection, car jamais on n'en perd un seul brin qu'on ne la perde toute.

  A004000748 

 Que si Agar, qui n'estoit qu'une ægyptienne, veyant son filz en danger de mourir n'eut pas le courage de demeurer au pres de luy, ains le voulut quitter, disant: Ah, je ne sçaurois voir mourir cet enfant! quelle merveille y a-il que la charité, fille de douceur et suavité celeste, ne puisse voir mourir son enfant, qui est le propos de ne jamais offencer Dieu? Si que, a mesure que nostre franc arbitre se resout de consentir au peché, donnant par mesme moyen la mort a ce sacré propos, la charité meurt avec iceluy, et dit en son dernier souspir: Hé non, jamais je ne verray mourir cet enfant.

  A004000752 

 Comme ce seroit une effronterie impie de vouloir attribuer aux forces de nostre volonté les œuvres de l'amour sacré que le Saint Esprit fait en nous et avec nous, aussi seroit-ce une impieté effrontee de vouloir rejetter le defaut d'amour qui est en l'homme ingrat, sur le manquement de l'assistance et grace celeste; car le Saint Esprit crie par tout, au contraire, que nostre perte vient de nous; que le Sauveur a apporté le feu du saint amour, et ne desire rien plus sinon qu'il brusle nos cœurs; que le salut est preparé devant la face de toutes nations, lumiere pour esclairer les Gentilz, et pour la gloire d'Israël; que la divine Bonté ne veut point qu'aucun perisse, mays que tous viennent a la connoissance de la verité; veut que tous hommes soyent sauvés, le Sauveur d'iceux estant venu au monde affin que tous receussent l'adoption des enfans; et le Sage nous advertit clairement: Ne dis point: il tient a Dieu.

  A004000753 

 Il est vray qu'ilz ne firent pas resistance au soleil, mais il les ayda aussi beaucoup a ne point resister; car il vint doucement respandre sa lumiere sur eux, se faisant entrevoir au travers de leurs paupieres, et par sa chaleur, comme par son amour, il alla dessiller leurs yeux et les pressa de voir son jour..

  A004000753 

 Or dites, de grace, Theotime: ceux qui sont arrivés, ne devoyent-ilz pas sçavoir tout le gré de leur contentement au soleil, ou, pour parler chrestiennement, au Createur du soleil? Ouy certes, car ilz ne pensoyent nullement a s'esveiller quand il en estoit tems; le soleil leur fit ce bon office, et par une aggreable semonce de sa clarté et de sa chaleur, les vint aimablement resveiller.

  A004000753 

 Plusieurs voyagers, environ l'heure de midi un jour d'esté, se mirent a dormir a l'ombre d'un arbre; mays tandis que leur lassitude et la fraicheur de l'ombrage les tient en sommeil, le soleil s'avançant sur eux leur porta droit aux yeux sa plus forte lumiere, laquelle par l'eclat de sa clarté faisoit des transparences, comme par des petitz esclairs, autour de la prunelle des yeux de ces dormans, et par la chaleur qui perçoit leurs paupieres les força d'une douce violence de s'esveiller.

  A004000755 

 Tous les hommes sont voyageurs en cette vie mortelle; presque tous nous nous sommes volontairement endormis en l'iniquité, et Dieu, Soleil de justice, darde sur tous, tres suffisamment ains abondamment, les rayons de ses inspirations, il eschauffe nos cœurs de ses benedictions, touchant un chascun des attraitz de son amour: hé, que veut dire donq que ces attraitz en attirent si peu et en tirent encor moins? Ah, certes, ceux qui estans attirés, puis tirés, suivent l'inspiration, ont grande occasion de s'en res-jouir, mais non pas de s'en glorifier: qu'ilz se resjouissent, parce qu'ilz jouissent d'un grand bien; mais qu'ilz ne s'en glorifient pas, puisque c'est par la pure bonté de Dieu, qui leur laissant l'utilité de son bienfait s'en est reservé la gloire..

  A004000756 

 Ainsy les Japonois se plaignans au bienheureux François Xavier [230] leur Apostre, dequoy Dieu, qui avoit eu tant de soin des autres nations, sembloit avoir oublié leurs predecesseurs, ne leur ayant point fait avoir sa connoissance, par le manquement de laquelle ilz auroyent esté perdus, l'homme de Dieu leur respondit que la divine loy naturelle estoit plantee en l'esprit de tous les mortelz, laquelle si leurs devanciers eussent observee, la celeste lumiere les eust sans doute esclairés; comme au contraire, l'ayant violee, ilz meriterent d'estre damnés.

  A004000760 

 Qu'as-tu que tu n'ayes receu? dit le divin Apostre, parlant des dons de science, eloquence et autres telles qualités des pasteurs ecclesiastiques; et si tu l'as receu, pourquoy t'en glorifies [231] tu comme si tu ne l'avois pas receu? Il est vray, nous avons tout receu de Dieu, mais par dessus tout nous avons receu les biens surnaturelz du saint amour; que si nous les avons receus, pourquoy en prendrons-nous de la gloire?.

  A004000761 

 Certes, si quelqu'un se vouloit rehausser pour avoir fait quelque progres en l'amour de Dieu: Helas, chetif homme, luy dirions-nous, tu estois pasmé en ton iniquité sans qu'il te fut resté ni de vie ni de forces pour te relever (comme il advint a la princesse de nostre parabole), et Dieu, par son infinie bonté, accourut a ton ayde, et criant a haute voix: Ouvre la bouche de ton attention, et je la rempliray, il mit luy mesme ses doigtz entre tes levres et desserra tes dens, jettant dedans ton cœur sa sainte inspiration, et tu l'as receüe; puis, estant remis en sentiment, il continua par divers mouvemens et differens moyens de revigorer ton esprit, jusques a ce qu'il respandit en iceluy sa charité, comme ta vitale et parfaite santé..

  A004000762 

 Car dis-moy, je te prie, ne m'advoueras-tu pas que si Dieu ne t'eust prevenu, tu n'eusses jamais senti sa bonté, ni par conséquent consenti a son amour? non, ni mesme tu n'eusses pas fait une seule bonne pensee pour luy: son mouvement a donné l'estre et la vie au tien, et si sa liberalité n'eust animé, excité et provoqué ta liberté par les puissans attraitz de sa suavité, ta liberté fut tous-jours demeuree inutile a ton salut.

  A004000763 

 Mays dis moy derechef, je te prie, homme vil et abject, es tu pas ridicule quand tu penses avoir part en la gloire de ta conversion parce que tu n'as pas repoussé l'inspiration? n'est ce pas la fantasie des voleurs et tirans, de penser donner la vie a ceux auxquelz ilz ne l'ostent pas? et n'est ce pas une forcenee impieté de penser que tu ayes donné la sainte, efficace et vive activeté a l'inspiration divine, parce que tu ne la luy as pas ostee par ta resistence? Nous pouvons empescher les effeetz de l'inspiration, mais nous ne les luy pouvons pas donner: elle tire sa force et venu de la bonté divine, qui est le lieu de son origine, et non de la volonté humaine, qui est le lieu de son abord.

  A004000763 

 S'indigneroit on pas de la princesse de nostre parabole, si elle se vantoit d'avoir donné la vertu et proprieté aux eaux cordiales et autres medicamens, ou de s'estre guerie elle mesme, parce que si elle n'eust receu les remedes que le roy luy donna et versa dans sa bouche, lhors qu'a moytié morte elle n'avoit presque plus de sentiment, ilz n'eussent point eu d'operation? Ouy, luy diroit-on, ingrate que vous estes, vous pouvies vous opiniastrer a ne point recevoir les remedes, et mesme les ayant receus en vostre bouche vous les pouvies rejetter; mais il n'est pas vray pourtant que vous leur ayés donné la vigueur ou vertu, car ilz l'avoyent [233] par leur proprieté naturelle: seulement, vous aves consenti de les recevoir et qu'ilz fissent leur action; et encor n'eussies-vous jamais consenti, si le roy ne vous eust premierement revigoree et puis sollicitee a les prendre; onques vous ne les eussies receus s'il ne vous eust aydee a les recevoir, ouvrant vostre propre bouche avec ses doigtz et respandant la potion dedans icelle.

  A004000764 

 C'est donq l'inspiration qui imprime en nostre franc arbitre l'heureuse et suave influence, par laquelle non seulement [234] elle luy fait voir la beauté du bien, mais elle l'eschauffe, l'ayde, le renforce et l'esmeut si doucement, que par ce moyen il se plie et escoule librement au parti du bien..

  A004000764 

 Nostre franc arbitre peut arrester et empescher la course de l'inspiration, et quand le vent favorable de la grace celeste enfle les voyles de nostre esprit, il est en nostre liberté de refuser nostre consentement et empescher par ce moyen l'effect de la faveur du vent; mays quand nostre esprit single et fait heureusement sa navigation, ce n'est pas nous qui faisons venir le vent de l'inspiration, ni qui en remplissons nos voyles, ni qui donnons le mouvement au navire de nostre cœur, ains seulement nous recevons le vent qui vient du Ciel, consentons a son mouvement et laissons aller le navire sous le vent, sans l'empescher par la remore de nostre resistence.

  A004000765 

 Et quant a celle qui a conceu la perle et qui est restee engrossee de la rosee, elle n'a rien en cela qu'elle ne tienne du ciel, non pas mesme son ouverture par laquelle elle a receu la rosee; car sans le ressentiment des rayons de l'aurore, qui l'ont doucement excitee, elle ne fust pas venue en la surface de la mer ni n'eust pas ouvert son escaille.

  A004000765 

 Or, le ciel a il pas envoÿé sa rosee et son influence sur l'une et l'autre mereperle? pourquoy donq l'une a-elle par effect produit sa perle, et l'autre non? Le ciel avoit esté liberal pour celle qui est demeuree sterile, autant qu'il estoit requis pour l'emperler et rendre enceinte du bel union; mais elle a empesché l'effect de son benefice, se tenant fermee et couverte.

  A004000765 

 Theotime, si nous avons quelqu'amour envers Dieu, a luy en soit l'honneur et la gloire, qui a tout fait en nous et sans lequel rien n'a esté fait, a nous en soit l'utilité et l'obligation; car c'est le partage de sa divine bonté avec nous: il nous laisse le fruict de ses bienfaitz, et s'en reserve l'honneur et la louange; et certes, puisque nous ne sommes tous rien que par sa grace, nous ne devons rien estre que pour sa gloire.

  A004000769 

 Il ressemble a la fumee, car en montant il se subtilise, et en se subtilisant il se dissipe: a force de vouloir relever nos discours es choses divines par curiosité, nous esvanouissons en nos pensees, et en lieu de parvenir a la science de la verité, nous tombons en la folie de nostre vanité..

  A004000769 

 L'esprit humain est si foible, que quand il veut trop curieusement rechercher les causes et raysons de la volonté divine, il s'embarrasse et entortille dans les filetz de mille difficultés desquelles par apres il ne se peut desprendre.

  A004000770 

 Mais sur tout nous sommes bigearres en ce qui regarde la Providence divine touchant la diversité des moyens qu'elle nous distribue pour nous tirer a son saint amour, et par son saint amour a la gloire.

  A004000772 

 C'est pourquoy ce divin Apostre conclud en cette sorte le long discours qu'il en avoit fait: O profondité des richesses de la sagesse et science de Dieu! que ses jugemens sont incomprehensibles et ses voyes imperceptibles! Qui [237] connoist les pensees du Seigneur? ou qui a esté son conseiller? Exclamation par laquelle il tesmoigne que Dieu fait toutes choses avec grande sagesse, science et rayson, mais en telle sorte neanmoins, que l'homme n'estant pas entré au divin conseil duquel les jugemens et projetz sont infiniment eslevés au dessus de nostre capacité, nous devons devotement adorer ses decretz comme tres equitables, sans en rechercher les motifs qu'il retient en secret par devers soy, affin de tenir nostre entendement en respect et humilité par devers nous..

  A004000772 

 Et qui considerera en tranquillité d'esprit le IX, X et XI chapitre de l'Epistre aux Romains, verra clairement que la volonté de Dieu n'a point rejetté le peuple Juif sans rayson; mais neanmoins cette rayson ne doit point estre recherchee par l'esprit humain, qui, au contraire, est obligé de s'arrester purement et simplement a reverer le decret divin, l'admirant avec amour comme infiniment juste et equitable, et l'aymant avec admiration comme impenetrable et incomprehensible.

  A004000773 

 Escoute une fois et entens! N'es-tu pas tiré? prie affin que tu sois tiré.» «Certes, c'est asses au Chrestien vivant encor de la foy et ne voyant pas ce qui est parfait, mays sçachant seulement en partie, de sçavoir et croire que Dieu ne deslivre personne de la damnation sinon par misericorde gratuite, par Jesus Christ Nostre Seigneur, et qu'il ne damne personne sinon par sa tres equitable verité, par le mesme Jesus Christ Nostre Seigneur: mais de sçavoir pourquoy il deslivre celuy cy plustost que celuy la, recherche qui pourra une si grande profondité de ses jugemens, mais qu'il se garde du precipice;» car «ses decretz ne sont pas pour cela injustes, encor qu'ilz soyent secretz.» «Mais pourquoy deslivre-il donq ceux ci plustost que ceux la? Nous disons derechef: O homme, qui es tu qui respondes a Dieu? S es jugemens sont incomprehensibles et ses voÿes inconneües; et adjoustons ceci: Ne t'enquiers pas des choses qui sont au dessus de toy et ne recherche pas ce qui est au dela de tes forces.» «Or, il ne fait pas misericorde a ceux ausquelz, par une verité tres secrete et tres esloignee des pensees humaines, il juge qu'il ne doit pas departir sa faveur ou misericorde.» [238].

  A004000774 

 Nous voyons quelquefois des enfans jumeaux, dont l'un naist plein de vie et reçoit le Baptesme, l'autre en naissant perd la vie temporelle avant que de renaistre a l'eternelle; l'un, par consequent, est heritier du Ciel, l'autre privé de l'heritage.

  A004000775 

 «Peut estre,» dit il, «que c'est par la prevision des biens qui se feront par celuy qui est tiré, entant qu'ilz proviennent aucunement de la volonté: mais de sçavoir dire quelz biens sont ceux, la prevision desquelz sert de motif a la divine volonté, ni je ne le sçay pas distinctement ni je ne m'en veux pas enquerir, et il n'y a point de rayson que de quelque sorte de convenance, de maniere que nous en pourrions dire quelqu'une, et c'en seroit une autre; c'est pourquoy nous ne sçaurions avec certitude marquer la vraye rayson ni le vray motif de la volonté de Dieu pour ce regard, car, comme dit saint Augustin, bien que la verité en soit tres certaine, elle est neanmoins tres esloignee de nos pensees, de sorte que nous n'en sçaurions rien dire d'asseuré, sinon par la revelation de Celuy auquel toutes choses sont conneües.

  A004000779 

 Aymons donq et adorons en esprit d'humilité cette profondité des jugemens de Dieu, Theotime, «la-quelle,» comme dit saint Augustin, «le saint Apostre ne descouvre pas, ains l'admire, quand il exclame: O profondité des jugemens de Dieu!» «Qui pourroit compter le sable de la mer, les gouttes de la pluye, et mesurer la largeur de l'abisme?» dit cet excellent esprit de saint Gregoire Nazianzene, «et qui pourra sonder la profondité de la divine sagesse, par laquelle elle a creé toutes choses et les modere comme elle veut et entend? Car de vray, il suffit qu'a l'exemple de l'Apostre, sans nous arrester a la difficulté et obscurité d'icelle, nous l'admirions: O profondité des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! o que ses jugemens sont inscrutables et ses voÿes inaccessibles! Qui a conneu le sentiment du Seigneur? et qui a esté son conseiller?» Theotime, les raysons de la volonté divine ne peuvent estre penetrees par nostre esprit, jusques a ce que nous voyons la face de Celuy qui atteint de bout a bout fortement, et dispose toutes choses suavement, faisant tout ce qu'il fait en nombre, poids et mesure, et auquel le Psalmiste dit: Seigneur, vous aves tout fait en sagesse..

  A004000780 

 Combien de fois nous arrive-il d'ignorer comment et pourquoy les œuvres mesmes des hommes se font? Et donques, dit le mesme saint Evesque de Nazianze, «l'artisan n'est pas ignorant, encor que nous ignorons son artifice, ni de mesme, certes, les choses de ce monde [241] ne sont pas temerairement et imprudemment faites, encor que nous ne sachions pas leurs raysons.» Si nous entrons en la boutique d'un horloger, nous treuverons quelquefois un horologe qui ne sera pas plus gros qu'une orange, auquel il y aura neanmoins cent ou deux cens pieces, desquelles les unes serviront a la monstre, les autres a la sonnerie des heures et du resveille-matin; nous y verrons des petites roues dont les unes vont a droite, les autres a gauche, les unes tournent par dessus, les autres par bas, et le balancier qui a coups mesurés va balançant son mouvement de part et d'autre: et nous admirons comme l'art a sceu joindre une telle quantité de si petites pieces les unes aux autres, avec une correspondance si juste, ne sçachans ni a quoy chasque piece sert ni a quel effect elle est faitte ainsy, si le maistre ne le nous dit, et seulement en general nous sçavons que toutes servent pour la monstre ou pour la sonnerie.

  A004000781 

 Et nous sçavons bien en general que ces pieces diversifiees en tant de sortes, servent toutes, ou pour faire paroistre comme en une monstre la tressainte justice de Dieu, ou pour manifester la triomphante misericorde de sa bonté, comme par une sonnerie de louange; mays de connoistre en particulier l'usage de chasque piece, ou comme elle est ordonnee a la fin generale, ou pourquoy elle est faite ainsy, nous ne le pouvons pas entendre, sinon que le souverain Ouvrier nous l'enseigne.

  A004000782 

 Croyons donq, que comme Dieu est le facteur et Pere de toutes choses, aussi en a-il le soin par sa providence qui serre et embrasse toute la machine des creatures, et sur tout croyons qu'il preside a nos affaires, de nous autres qui le connoissons, encor que nostre vie soit agitee de tant de contrarietés d'accidens: dont la rayson nous est inconneüe affin, peut estre, que ne pouvans pas arriver a cette connoissance, nous admirions la rayson souveraine de Dieu qui surpasse toutes choses; car, envers nous, la chose est aysement mesprisee qui est aysement conneüe, mais ce qui surpasse la pointe de nostre esprit, plus il est difficile d'estre entendu, plus aussi il nous excite a une grande admiration.» Certes, les raysons de la providence celeste seroyent bien basses si nos petitz espritz y pouvoyent atteindre; elles seroyent moins aymables en leur suavité et moins admirables en leur majesté, si elles estoyent moins esloignees de nostre capacité..

  A004000783 

 Exclamons donques, Theotime, en toutes occurrences, mais exclamons d'un cœur tout amoureux envers la providence toute sage, toute puissante et toute douce de nostre Pere eternel: O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! O Seigneur Jesus, Theotime, que les richesses de la bonté divine sont excessives! Son amour envers nous est un abisme incomprehensible; c'est pourquoy il nous a preparé une [243] riche suffisance, ou plustost une riche affluence de moyens propres pour nous sauver, et pour les nous appliquer suavement il use d'une sagesse souveraine, ayant par son infinie science preveu et conneu tout ce qui estoit requis a cet effect.

  A004000784 

 Car, qui peut penetrer le sens, l'intelligence et l'intention de Dieu? Qui a esté son conseiller pour sçavoir ses projetz et leurs motifs? ou qui l'a jamais prevenu par quelque service? N'est-ce pas luy, au contraire, qui nous previent es benedictions de sa grace pour nous couronner en la felicité de sa gloire? Ah, Theotime, toutes choses sont de luy qui en est le createur, toutes choses sont par luy qui en est gouverneur, toutes choses sont en luy qui en est le protecteur; a luy soit honneur et gloire es siecles des siecles, Amen.

  A004000784 

 Ces jugemens sont incomprehensibles, ou, comme lit saint Gregoire Nazianzene, ilz sont inscrutables, c'est a dire, nous n'en sçaurions reconnoistre et penetrer les motifs; les voyes et moyens par lesquelz il les execute et conduit a chef ne peuvent estre discernés et reconneus, et, pour bon sentiment que nous ayons, nous demeurons en defaut a chasque bout de champ et en perdons la trace.

  A004000784 

 Ne permettons jamais a nos espritz de voleter par curiosité autour des jugemens divins, car comme petitz papillons nous y bruslerons nos aisles et perirons en ce feu sacré.

  A004000788 

 Helas, que c'est un piteux spectacle, Theotime! Mais bien plus lamentable est l'estat d'une ame laquelle, ingrate a son Sauveur, va de moment en moment en arriere, se retirant de l'amour divin par certains degrés d'indevotion et de desloyauté, jusques a tant que, l'ayant du tout quitté, elle demeure en l'horrible obscurité de perdition.

  A004000788 

 La charité, tandis qu'elle est en nous, produit force actions d'amour envers Dieu, par le frequent exercice desquelles nostre ame prend une certaine habitude et coustume d'aymer Dieu, qui n'est pas la charité, ains seulement un pli et inclination que la multitude des actions a donné a nostre cœur.

  A004000788 

 Or, la charité estant separee de l'ame par le peché, il y reste maintefois une certaine ressemblance de charité qui nous peut decevoir et amuser vainement; et je vous diray que c'est.

  A004000789 

 Ainsy la charité, par la multitude des actes qu'elle produit, imprime en nous une certaine facilité d'aymer, laquelle elle nous laisse apres mesme que nous sommes privés de sa presence..

  A004000789 

 Apres avoir fait une longue habitude de prescher ou dire la Messe par election, il nous arrive maintefois en songe de parler et dire les mesmes choses que nous dirions en preschant ou celebrant: si que la coustume et habitude acquise par election et vertu, est en quelque sorte prattiquee par apres sans election et sans vertu, puisque les actions faites en dormant n'ont de la vertu, a parler generalement, qu'une apparente image, et en sont seulement des simulacres et representations.

  A004000790 

 Et de fait, il y avoit beaucoup a dire entre nos voix et celles-la: car quand nous disions une grande suite de motz elles n'en redisoyent que quelques uns, accourcissovent la prononciation des syllabes, qu'elles passoyent fort vistement et avec des tons et accens tout differens des nostres; et si, elles ne commençoyent a former ces motz qu'apres que nous les avions achevés de prononcer: en somme, ce n'estoyent [246] point des paroles d'un homme vivant, mais, par maniere de dire, des paroles d'un rocher creux et vain, lesquelles toutefois representoyent si bien la voix humaine de laquelle elles avoyent pris leur origine, qu'un ignorant s'y fust amusé et mespris..

  A004000790 

 Que si quelqu' idiot sans experience eust ouy ces repetitions de paroles, il eust creu qu'il y eust eu quelqu'homme au fond du puits qui les eust faites; mais nous sçavions des-ja, par la philosophie, qu'il n'y avoit personne dans le puits qui redist nos paroles, ains que seulement il y avoit quelques concavités, en l'une desquelles nos voix estans ramassees et ne pouvans passer outre, pour ne point perir du tout et employer les forces qui leur restoyent, elles produisoyent des secondes voix, et ces secondes voix, ramassees dans une autre concavité, en produisoyent des troisiesmes, et ces troisiesmes en pareille façon des quatriesmes, et ainsy consecutivement jusques a onze: si que ces voix-la faites dans le puits n'estoyent plus nos voix, ains des ressemblances et images d'icelles.

  A004000791 

 Mays la charité estant esloignee, alhors les actions de cet amour sont du tout a luy et [247] n'ont plus l'estime et valeur de la charité; car, comme le baston d'Elisee, en l'absence d'iceluy, quoy qu'en la main du serviteur Giesi qui l'avoit receu de celle d'Elisee, ne faisoit nul miracle, aussi les actions faites en l'absence de la charité, par la seule habitude de l'amour humain, ne sont d'aucun merite ni d'aucune valeur pour la vie eternelle, quoy que cet amour humain ayt appris a les faire de la charité et ne soit que son serviteur.

  A004000791 

 Or je veux maintenant dire ainsy: quand le saint amour de charité rencontre une ame maniable et qu'il fait quelque long sejour en icelle, il y produit un second amour, qui n'est pas un amour de charité quoy qu'il provienne de la charité, ains c'est un amour humain, lequel neanmoins ressemble tellement la charité, qu'encores que par apres elle perisse en l'ame, il est advis qu'elle y soit tous-jours, d'autant qu'elle y a laissé apres soy cette sienne image et ressemblance qui la represente; en sorte qu'un ignorant s'y tromperoit, ainsy que les oyseaux firent en la peinture des raysins de Zeuxis, qu'ilz cuyderent estre des vrays raysins, tant l'art avoit proprement imité la nature.

  A004000795 

 On descend a l'impieté par certains degrés, et nul presque ne parvient a l'extremité de la malice en un instant.

  A004000805 

 Mais remarqués que j'ay dit cet examen devoir estre fait des affections que vous aves presentement; car il n'est pas besoin de vous imaginer celles qui pourroyent naistre par apres, puis qu'il suffit que nous soyons fideles es occurrences presentes, selon la diversité des tems, et que chasque saison a bien asses de son travail et de sa peyne..

  A004000806 

 Que si toutefois vous voulies exercer vostre cœur a la vaillance spirituelle par la representation de diverses rencontres et de divers assautz, vous le pourries utilement faire, pourveu qu'apres les actes de cette vaillance imaginaire que vostre cœur aurait fait, vous ne vous estimassies point plus vaillant; car les enfans d'Ephraïm, qui faisoyent merveilles a bien descocher leurs arcs es essays de guerre qu'ilz faisoyent entr'eux, [251] quand ce vint au fait et au prendre, au jour de la bataille, ilz tournerent le dos, et n'eurent seulement pas l'asseurance de mettre leurs fleches au trait ni de regarder la pointe de celles de leurs ennemis..

  A004000807 

 Quand donq on fait la prattique de cette vaillance par les occurrences futures ou seulement possibles, si on a un sentiment bon et fidele on en remercie Dieu, car ce sentiment est tous-jours bon, mais pourtant on demeure avec humilité entre la confiance et desfiance, esperant que moyennant l'assistance divine on feroit en l'occasion ce qu'on s'imagine, et toutefois, craignant que selon nostre misere ordinaire peut estre n'en ferions nous rien et perdrions courage.

  A004000817 

 L'amour n'est autre chose, ainsy que nous avons dit, sinon le mouvement et escoulement du cœur, qui se fait envers le bien par le moyen de la complaysance que l'on a en iceluy; de sorte que la complaysance est le grand motif de l'amour, comme l'amour est le grand mouvement de la complaysance..

  A004000818 

 Nous sçavons par la foy que la Divinité est un abisme incomprehensible de toute perfection, souverainement infini en excellence et infiniment souverain en bonté; et cette verité que la foy nous enseigne, nous la considerons attentivement par la meditation, regardans cette immensité de biens qui sont en Dieu, ou tous ensemble [255] par maniere d'assemblage de toutes perfections, ou distinctement considerant ses excellences l'une apres l'autre: comme par exemple, sa toute puissance, sa toute sagesse, sa toute bonté, son eternité, son infinité.

  A004000818 

 Or, quand nous avons rendu nostre entendement fort attentif a la grandeur des biens qui sont en ce divin object, il est impossible que nostre volonté ne soit touchee de complaysance en ce bien, et lhors nous usons de nostre liberté et de l'authorité que nous avons sur nous mesmes, provoquans nostre propre cœur a repliquer et renforcer sa premiere complaysance par des actes d'approbation et res-jouissance: O, dit alhors l'ame devote, que vous estes beau, mon Bienaymé, que vous estes beau! vous estes tout desirable, ains vous estes le desir mesme; tel est mon Bienaymé, et il est l'Ami de mon cœur, o filles de Hierusalem.

  A004000819 

 Il est Dieu de nostre cœur par cette complaysance, d'autant que par icelle nostre cœur l'embrasse et le rend sien; il est nostre heritage, d'autant que par cet acte nous jouissons des biens qui sont en Dieu, et comme d'un heritage nous en tirons toute sorte de playsir et de contentement.

  A004000819 

 Par cette [256] complaysance nous beuvons et mangeons spirituellement les perfections de la Divinité, car nous les nous rendons propres et les tirons dedans nostre cœur..

  A004000820 

 Ainsy une ame esprise de l'amoureuse complaysance qu'elle prend a considerer la Divinité, et en icelle une infinité d'excellences, elle en attire aussi dans son cœur les couleurs, c'est a dire la multitude des merveilles et perfections qu'elle contemple, et les rend siennes par le contentement qu'elle y prend..

  A004000820 

 Les brebis de Jacob attirerent dans leurs entrailles la varieté des couleurs qu'elles voyoient en la fontaine en laquelle on les abbreuvoit lhors qu'elles estoyent en amour, car en effect leurs petitz aigneaux s'en treuverent par apres tachetés.

  A004000821 

 O Dieu, quelle joye aurons nous au Ciel, Theotime, lhors que nous verrons le Bienaymé de nos cœurs, comme une mer infinie de laquelle les eaux ne sont que perfection et bonté! Alhors, comme des cerfs qui longuement pourchassés et malmenés, s'abouchans a une claire et fraische fontaine tirent a eux la fraischeur de ses belles eaux, ainsy nos cœurs, apres tant de langueurs et de desirs, arrivans a la source forte et vivante de la Divinité, tireront par leur complaysance toutes les perfections de ce Bienaymé, et en auront la parfaite jouissance par la res-jouissance qu'ilz y prendront, se remplissans de ses delices immortelles: et en cette sorte le cher Espoux entrera dedans nous comme dans son lit nuptial, pour communiquer sa joye eternelle a nostre ame; selon qu'il dit luy mesme, que si nous gardons la sainte loy de son amour, il viendra et fera son sejour en nous.

  A004000822 

 L'amour que le grand apostre saint Paul portoit a la vie, mort et passion de Nostre Seigneur fut si grand, qu'il tira la vie mesme, la mort et la passion de ce divin Sauveur dans le cœur de son amoureux serviteur, duquel la volonté en estoit remplie par dilection, sa memoyre par meditation et son entendement par contemplation.

  A004000822 

 Mays par quel canal et conduit estoit venu le doux Jesus dans le cœur de saint Paul? Par le canal de la complaysance, comme il le declaire luy mesme disant: Ja n'advienne que je me glorifie sinon en la Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ; car, si vous y prenes bien garde, entre se glorifier en une personne et se complayre en icelle, prendre a gloire et prendre a playsir une chose, il n'y a pas autre difference sinon que celuy qui prend une chose a gloire, outre le playsir il adjouste l'honneur, l'honneur n'estant pas sans playsir, bien que le playsir puisse estre sans honneur.

  A004000826 

 Nous nous paissons avec luy de sa douceur par le playsir que nous y prenons, et rassasions nostre cœur es perfections divines par l'ayse que nous en avons: et ce repas est un souper a cause du repos qui le suit, la complaysance nous faysant doucement reposer en la suavité du bien qui nous delecte et duquel nous repaissons nostre cœur; car, comme vous sçaves, Theotime, le cœur se paist des choses esquelles il se plaist, si que, en nostre langue françoise, on dit que l'un se paist de l'honneur, l'autre des richesses, comme le Sage avoit dit que la bouche des folz se paist d'ignorance; et la souveraine Sagesse proteste que sa viande, c'est a dire son playsir, n'est autre chose que de faire la volonté de son Pere.

  A004000826 

 O Dieu, que l'ame est heureuse qui prend son playsir a sçavoir et connoistre que Dieu est Dieu et que sa bonté est une infinie bonté; car ce celeste Espoux, par cette porte de la complaysance, entre en elle et soupe avec nous, comme nous avec luy.

  A004000827 

 Or le divin Espoux vient en son jardin quand il vient en l'ame devote, car, puisqu'il se plaist d'estre avec les enfans des hommes, ou peut il mieux loger qu'en la contree de l'esprit qu'il a fait a son image et [259] semblance? En ce jardin, luy mesme y plante la complaysance amoureuse que nous avons en sa bonté, et de laquelle nous nous paissons; comme de mesme sa bonté se plaist et se paist en nostre complaysance; ainsy que, derechef, nostre complaysance s'augmente dequoy Dieu se plaist de nous voir plaire en luy: de sorte que ces reciproques playsirs font l'amour d'une incomparable complaysance, par laquelle nostre ame, faite jardin de son Espoux et ayant de sa bonté les pommiers des delices, elle luy en rend le fruit; puisqu'il se plaist de la complaysance qu'elle a en luy.

  A004000828 

 Et tout ainsy que l'enfançon fait des petitz eslans du costé des tetins de sa mere et trepigne d'ayse de les voir descouvertz, comme la mere aussi de son costé les luy presente avec un amour tous-jours un peu empressé, de mesme l'ame devote ressent des tressaillemens et des eslans de joye nompareille pour le playsir qu'elle a de regarder les tresors des perfections du Roy de son saint amour, et sur tout quand elle void que luy [260] mesme les luy monstre par amour et qu'entre ses perfections celle de son amour infini reluit excellemment.

  A004000828 

 L'ame, donques, qui contemple les tresors infinis des perfections divines en son Bienaymé, se tient pour trop heureuse et riche, d'autant que l'amour rend sien par complaysance tout le bien et contentement de ce cher Espoux.

  A004000829 

 Notés cependant, Theotime, que la comparayson du lait et du vin semble si propre a l'Espouse sacree, qu'elle ne se contente pas de dire une fois que les mammelles de [261] son Espoux surpassent le vin, mais elle le repete par trois fois.

  A004000829 

 Or, le sang et le lait ne sont non plus differens l'un de l'autre que le verjus et le vin; car comme le verjus, meurissant par la chaleur du soleil, change de couleur, devient vin aggreable et se rend propre a nourrir, aussi le sang, assaisonné par la chaleur du cœur, prend la belle couleur blanche et devient une nourriture grandement convenable aux enfans..

  A004000831 

 Helas, l'ame qui tient par amour son Sauveur entre les bras de ses affections, combien delicieusement sent-elle les parfums des perfections infinies qui se retreuvent en luy, et avec quelle complaysance dit-elle en soy mesme: Ah, voyci que la senteur de mon Dieu est comme la senteur d'un jardin fleurissant! hé, que ses mammelles sont pretieuses, respandans des parfums souverains! Ainsy l'esprit du grand saint Augustin, balançant entre les sacrés contentemens qu'il avoit a considerer d'un costé le mystere de la naissance de son Maistre, et de l'autre part le mystere de la Passion, s'escrioit tout ravi en cette complaysance:.

  A004000841 

 Or, quand nous accroissons et renforçons cette premiere complaysance par le moyen [263] de l'exercice de l'amour, ainsy que nous avons declaré es chapitres precedens, alhors nous attirons dedans nostre cœur les perfections divines, et jouissons de la divine bonté par la res-jouissance que nous y prenons, prattiquans cette premiere partie du contentement amoureux que l'Espouse sacree exprime disant: Mon Bien-aymé est a moy; mays parce que cette complaysance amoureuse estant en nous qui l'avons, ne laisse pas d'estre en Dieu en qui nous la prenons, elle nous donne reciproquement a sa divine bonté: si que par ce saint amour de complaysance nous jouissons des biens qui sont en Dieu comme s'ilz estoyent nostres, mays parce que les perfections divines sont plus fortes que nostre esprit, entrant en iceluy elles le possedent reciproquement; de sorte que nous ne disons pas seulement que Dieu est nostre par cette complaysance, mais aussi que nous sommes a luy..

  A004000842 

 Ainsy nostre cœur s'estant mis en la presence de la divine bonté et ayant attiré les perfections d'icelle par la complaysance qu'elle y prend, peut dire en verité: la bonté de Dieu est toute mienne, puisque je jouis de ses excellences, et moy je suis tout sien, puisque ses contentemens me possedent..

  A004000842 

 Quand donques par cette attraction elle s'est unie au feu, si elle sçavoit parler ne pourroit-elle pas dire: Mon bienaymé feu est mien, puisque je l'ay attiré a moy et que je jouis de ses flammes; mais moy je suis aussi a luy, car si je l'ay tiré a moy, il me reduit en luy comme plus fort et plus noble: il est mon feu et je suis son herbe, je l'attire et il me brusle.

  A004000843 

 Par la complaysance, nostre ame, comme une toison de Gedeon, se remplit toute de la rosee celeste; et cette rosee est a la toison parce qu'elle est descendue en icelle, mais reciproquement la toison est a la rosee [264] parce qu'elle est detrempee par icelle et en reçoit le prix.

  A004000844 

 Le chef des Apostres, ayant dit en sa premiere Epistre que les anciens Prophetes avoient manifesté les graces qui devoient abonder parmi les Chrestiens, et entre autres choses la Passion de Nostre Seigneur et la gloire qui la devoit suivre, tant par la resurrection de son cors que par l'exaltation de son nom, en fin il conclud que les Anges mesmes desirent de regarder les mysteres de la redemption en ce divin Sauveur: auquel, dit-il, les Anges desirent regarder.

  A004000844 

 Mais comme donq se peut il entendre que les Anges qui voyent le Redempteur, et en iceluy tous les mysteres de nostre salut, desirent neanmoins encor de le voir? Theotime, ilz le voyent, certes, tous-jours, mais d'une veüe si aggreable et delicieuse que la complaysance qu'ilz en ont les assouvit sans leur oster le desir, et les fait desirer sans leur oster l'assouvissement; la jouissance n'est pas diminuee par le desir, ains en est perfectionnee, comme leur desir n'est pas estouffé, ains affiné par la jouissance..

  A004000845 

 Le bien qui est fini termine le desir quand [265] il donne la jouissance et oste la jouissance quand il donne le desir, ne pouvant estre possedé et desiré tout ensemble; mais le bien infini fait regner le desir dans la possession et la possession dans le desir, ayant dequoy assouvir le desir par sa sainte presence et dequoy le faire tous-jours vivre par la grandeur de son excellence, laquelle nourrit en tous ceux qui la possedent un desir tous-jours content et un contentement tous-jours desireux..

  A004000846 

 Or, bien que selon la condition ordinaire de cette vie mortelle nous n'ayons pas le repos en nostre mouvement, si est-ce toutefois, que lhors que nous faisons les essais des exercices de la vie immortelle, c'est a dire, que nous prattiquons les actes du saint amour, nous treuvons du repos dans le mouvement de nos affections et du mouvement au repos de la complaysance que nous avons en nostre Bienaymé, recevans par ce moyen des avant-goustz de la future felicité a laquelle nous aspirons..

  A004000847 

 S'il est vray que le cameleon vive de l'air, par tout [266] ou il va dans l'air il a dequoy se repaistre: que s'il se remue d'un lieu a l'autre, ce n'est pas pour chercher dequoy se rassasier, mais pour s'exercer dedans son aliment comme les poissons dedans la mer.

  A004000855 

 Or c'est l'amour qui fait l'un et l'autre effect par la vertu qu'il a d'unir le cœur qui ayme a ce qui est aymé, rendant par ce moyen les biens et les maux des amis, communs; et ce qui se passe en la compassion, donne beaucoup de clarté a ce qui regarde la complaysance..

  A004000856 

 Helas, les mesmes clouz qui crucifierent le cors de ce divin Enfant crucifierent aussi le cœur de la Mere, les mesmes espines qui percerent son chef outrepercerent l'ame de cette Mere toute douce; elle eut les mesmes miseres de son Filz par commiseration, les mesmes douleurs par condoleance, les mesmes passions par compassion; et en somme, l'espee de la mort qui transperça le cors de ce tresaymé Filz outreperça de mesme le cœur de cette tres amante Mere: dont elle pouvoit bien dire qu'il luy estoit un bouquet de myrrhe au milieu de ses mammelles, c'est a dire en sa poitrine et au milieu de son cœur.

  A004000857 

 On void pour cela Cesar pleurer sur Pompee; et les filles de Hierusalem ne sceurent jamais s'empescher de pleurer sur Nostre Seigneur, bien que la pluspart d'entr'elles ne luy fussent pas grandement affectionnees; comme aussi les amis de Job, quoy que mauvais amis, firent des grans gemissemens voyans l'effroyable spectacle de son incomparable misere; et quel grand coup de douleur au cœur de Jacob, de penser que son cher enfant estoit trespassé d'une mort si cruelle comme est celle d'estre devoré d'une beste sauvage? Mais la commiseration, outre tout cela, se renforce merveilleusement par la presence de l'object miserable: pour cela la pauvre Agar s'esloignoit de son filz languissant, affin d'alleger en quelque sorte la douleur de compassion [269] qu'elle sentoit, disant: Je ne verray pas mourir l'enfant; comme au contraire Nostre Seigneur pleure voyant le sepulchre de son bienaymé Lazare et regardant sa chere Hierusalem; et nostre bon homme Jacob est outré de douleur quand il void la robbe ensanglantee de son pauvre petit Joseph..

  A004000858 

 Mais qu'est-ce a dire, il revescut ou il resuscita? Theotime, les espritz ne meurent de leur propre mort que par le peché, qui les separe de Dieu lequel est leur vraye vie surnaturelle, mais ilz meurent quelquefois de la mort d'autruy; et cela arriva au bon Jacob duquel nous parlons, car l'amour, qui tire dans le cœur de l'amant le bien et le mal de la chose aymee, l'un par complaysance, l'autre par commiseration, tira la mort de l'aymable Joseph dans le cœur de l'amant Jacob; et par un miracle impossible a toute autre puissance qu'a celle de l'amour, l'esprit de ce bon pere estoit plein de la mort de celuy qui estoit vivant et regnant, d'autant que l'affection ayant esté trompee devança l'effect..

  A004000858 

 Quand le bon Jacob sceut que son filz vivoit, o Dieu quelle joye! son esprit revint en luy, il revescut et, par maniere de dire, il resuscita.

  A004000859 

 Ainsy donq il revescut d'une nouvelle vie, parce que la vie de son filz entra dans son esprit par complaysance et l'anima d'un contentement non pareil, duquel se treuvant assouvi et ne tenant plus conte d'aucun autre playsir en comparayson d'iceluy: Il me suffit, dit-il, si mon enfant Joseph est en vie.

  A004000859 

 O Dieu, Theotime, quelle joye, et que ce viellard l'exprime excellemment! car, que veut-il dire par ces paroles: Maintenant je mourray content, puisque j'ay veu ta face, sinon que son allegresse est si grande qu'elle est capable de rendre joyeuse et aggreable la mort mesme, qui est la plus triste et horrible chose du monde?.

  A004000859 

 [270] Mais quand de ses propres yeux il vid par experience la verité des grandeurs de ce cher enfant en Gessen, panché sur luy et pleurant asses long tems sur le col d'iceluy: Hé, dit-il, maintenant je mourray joyeux, mon cher filz, puisque j'ay veu vostre face et que vous vives encores.

  A004000860 

 Dites-moy, je vous prie, Theotime, qui ressent plus le bien de Joseph, ou luy qui en jouit, ou Jacob qui s'en res-jouit? Certes, si le bien n'est bien que pour le contentement qu'il nous donne, le pere en a autant et plus que le filz; car le filz, avec la dignité de vice-roy qu'il possede, a par consequent beaucoup de soin et d'affaires, mais le pere jouit par complaysance et possede purement ce qui est de bon en cette grandeur et dignité de son filz, sans charge, sans soin et sans peyne.

  A004000860 

 Je mourray joyeux, dit-il: helas, qui ne void son contentement? si la mort mesme ne peut troubler sa joye, qui la pourra donq jamais alterer? si son ayse vit emmi les detresses de la mort, qui la pourra jamais esteindre? L'amour est fort comme la mort, et les allegresses de l'amour surmontent les tristesses de la mort, car la mort ne les peut faire mourir, ains les avive: si que, comme il y a un feu qui par merveille se nourrit en une fontayne proche de Grenoble, ainsy que nous sçavons fort asseurement et que mesme le grand saint Augustin atteste, aussi la sainte charité est si forte qu'elle nourrit ses flammes et ses consolations emmi les plus tristes angoisses de la mort, et les eaux des tribulations ne peuvent esteindre son feu.

  A004000864 

 Les angoisses de mon Bienaymé m'ont toute decoloree: car, comme pourroit une fidele amante voir tant de tourmens en celuy qu'elle ayme plus que sa vie, sans en devenir toute transie, havee et dessechee de douleur? les pavillons des nomades, perpetuellement exposés aux injures de l'air et de la guerre, sont presque tous-jours frippés et couvertz de poussiere, et moy, toute exposee aux regretz que par condoleance je reçois des travaux nompareilz de mon divin Sauveur, je suis toute couverte de detresse et transpercee de douleur; mais parce que les douleurs de Celuy que j'ayme proviennent de son amour, a mesure qu'elles m'affligent par compassion elles me delectent par complaysance, car, comme [272] pourroit une fidele amante n'avoir pas un extreme contentement de se voir tant aymee de son celeste Espoux?.

  A004000864 

 Quand je voy mon Sauveur sur le mont des Olives, avec son ame triste jusques a la mort, hé, Seigneur Jesus, ce dis-je, qui a peu porter ces tristesses de la mort dans l'ame de la vie, sinon l'amour, qui excitant la commiseration, attira par icelle nos miseres dans vostre cœur souverain? Or une ame devote, voyant cet abisme d'ennuis et de detresses en ce divin Amant, comme peut elle demeurer sans une douleur saintement amoureuse? Mays considerant d'ailleurs que toutes les afflictions de son Bienaymé ne procedent pas d'aucune imperfection ni manquement de force, ains de la grandeur de sa treschere dilection, elle ne peut qu'elle ne se fonde toute d'un amour saintement douloureux, si qu'elle s'escrie: Je suis noyre de douleur par compassion, mais je suis belle d'amour par complaysance.

  A004000865 

 Que si je porte le deuil sur la Passion et Mort de mon Roy, toute haslee et noiree de regret, je ne laisse pas d'avoir une douceur incomparable de voir l'exces de son amour emmi les travaux de ses douleurs; et les tentes de Salomon, toutes brodees et recamees en une admirable diversité d'ouvrages, ne furent jamais si belles que je suis contente, et par consequent douce, amiable et aggreable en la varieté des sentimens d'amour que j'ay parmi ces douleurs.

  A004000866 

 Ce fut cet amour, Theotime, qui attira sur l'amoureux seraphique saint François les stigmates, et sur l'amoureuse angelique sainte Catherine de Sienne les ardentes blesseures du Sauveur: la complaysance amoureuse ayant aiguisé les pointes de la compassion douloureuse, ainsy que le miel rend plus penetrant et sensible l'amertume de l'absynthe, comme au contraire la souefve odeur des roses est affinee par le voysinage des aulx qui sont plantés pres des rosiers.

  A004000867 

 Il ne se peut dire, Theotime, combien le Sauveur desire d'entrer en nos ames par cet amour de complaysance douloureuse: Helas, dit-il, ouvre-moy, ma chere seur, ma mie, ma colombe, ma toute-pure, car ma teste est toute pleine de rosee, et mes cheveux des gouttes de la nuit.

  A004000871 

 En l'amour que Dieu exerce envers nous, il commence tous-jours par la bienveuillance, voulant et faisant en nous tout le bien qui y est, auquel par apres il se complait.

  A004000871 

 Il fit David selon son cœur par bienveuillance, puis il le treuva selon son cœur par complaysance; il crea premierement l'univers pour l'homme et l'homme en l'univers, donnant a chasque chose le degré de bonté qui luy estoit convenable, par sa pure bienveuillance, puis il appreuva tout ce qu'il avoit fait, treuvant que tout estoit tres bon, et se reposa par complaysance en son ouvrage..

  A004000872 

 Mais nostre amour envers Dieu commence, au contraire, par la complaysance que nous avons en la souveraine bonté et infinie perfection que nous sçavons estre en la Divinité, puis nous venons a l'exercice de la bienveuillance: et comme la complaysance que Dieu prend en ses creatures n'est autre chose qu'une continuation de sa bienveuillance envers elles, aussi la bienveuillance que nous portons a Dieu n'est autre chose qu'une approbation et perseverance de la complaysance que nous avons en luy..

  A004000873 

 Ah! mais pourtant, o le sacré Bienaymé de mon ame, je ne desire pas de pouvoir desirer aucun bien a vostre Majesté, ains je me complais de tout mon cœur en ce supreme degré de bonté que vous aves, auquel ni par desir ni mesme par pensee on ne peut rien adjouster; mais si ce desir estoit possible, o Divinité infinie, o Infinité divine, mon ame voudroit estre ce desir et n'estre rien autre que cela, tant elle desireroit de desirer pour vous ce qu'elle se complait infiniment de ne pouvoir pas desirer, puisque l'impuissance de faire ce desir provient de l'infinie infinité de vostre perfection qui surpasse tout souhait et toute pensee! Hé, que j'ayme cherement l'impossibilité de vous pouvoir desirer aucun bien, o mon Dieu, puisqu'elle provient de l'incomprehensible immensité de vostre abondance, laquelle est si souverainement infinie, que s'il se treuvoit un desir infini il serait infiniment assouvi par l'infinité de vostre bonté, qui le convertirait en une infinie complaysance..

  A004000873 

 Ne pouvans donq point faire aucun desir absolu pour Dieu, nous en faisons des imaginaires et conditionnelz en cette sorte: Je vous ay dit, Seigneur, vous estes mon Dieu, qui, tout plein de vostre infinie bonté, ne pouves avoir indigence ni de mes biens ni de chose quelconque; mais si, par imagination de chose impossible, je pouvois penser que vous eussies besoin de quelque bien, je ne cesserois jamais de vous le souhaitter au prix de ma vie, de mon estre et de tout ce qui est au monde.

  A004000874 

 Ce desir, donques, par imagination de choses impossibles, peut estre quelquefois utilement prattiqué emmi les grans sentimens et ferveurs extraordinaires; aussi [276] dit-on que le grand saint Augustin en faisoit souvent de pareille sorte, eslançant par exces d'amour ces paroles: Hé, Seigneur, je suis Augustin et «vous estes Dieu; mais si toutefois ce qui n'est ni ne peut estre estoit, que je fusse Dieu et que vous fussies Augustin, je voudrois, en changeant de qualité avec vous, devenir Augustin affin que vous fussies Dieu.».

  A004000875 

 Et Ihors, mon Theotime, nous ne desirons pas la complaysance pour le playsir qu'elle nous donne, mais parce seulement que ce playsir est en Dieu: car, comme nous ne desirons pas la condoleance pour la douleur qu'elle met en nos cœurs, mais parce que cette douleur nous unit et associe a nostre Bienaymé douloureux, ainsy n'aymons-nous pas la complaysance parce, qu'elle nous rend du playsir, mais d'autant que ce playsir se prend en l'union du playsir et bien qui est en Dieu; auquel pour nous unir davantage, nous voudrions nous complaire d'une complaysance infiniment plus grande, a l'imitation de la tressainte Reyne et Mere d'amour, de laquelle l' ame sacree magnifioit et aggrandissoit perpetuellement Dieu; et affin que l'on sceust que cet aggrandissement se faysoit par la complaysance qu'elle avoit en la divine Bonté, elle declare que son esprit avoit tressailli de contentement en Dieu son Sauveur.

  A004000879 

 Un religieux demanda au devot frere Gilles, l'un des premiers et plus saintz compaignons de saint François, ce qu'il pourroit faire pour estre plus aggreable a Dieu, et il luy respondit en chantant: «L'une a l'un, l'une a l'un;» ce que par apres expliquant: «Donnes tous-jours,» dit-il, toute vostre ame, qui est une, a Dieu seul, qui est un.» L'ame s'escoule par les playsirs, et la diversité d'iceux la dissipe et l'empesche de se pouvoir appliquer attentivement a celuy qu'elle doit prendre en Dieu.

  A004000880 

 Et se retournant, elle void son doux Sauveur, mais en forme de jardinier, dont son cœur ne se peut contenter, car, toute pleine de l'amour de la mort de son Maistre, elle ne veut point de fleurs, ni par consequent de jardinier; elle a dedans son cœur la Croix, les clouz, les espines, elle cherche son Crucifié: Hé, mon cher maistre jardinier, dit-elle, si vous avies peut estre point planté mon bienaymé Seigneur trespassé, comme un lis froissé et fané, entre vos fleurs, dites-le moy vistement et moy je l'emporteray.

  A004000880 

 Mays il ne l'appelle pas plus tost par son nom, que toute fondue en playsir: Hé Dieu, dit elle, mon Maistre! Rien certes ne la peut assouvir, elle ne sçauroit se playre avec les Anges, non pas mesme avec son Sauveur s'il ne paroist en la forme en laquelle il luy avoit ravi son cœur.

  A004000881 

 Ainsy David cotte par le menu les œuvres et merveilles de Dieu, en plusieurs de ses Psalmes celestes; et l'amante sacree arrange es Cantiques divins, comme une armee bien ordonnee, toutes les perfections de son Espoux l'une apres l'autre, pour provoquer son ame a la tressainte complaysance, affm de magnifier plus hautement son excellence et d'assujettir encores tous les autres espritz a l'amour de son Ami tant aymable.

  A004000886 

 Toutefois, parce que, selon nostre apprehension ordinaire, l'honneur est estimé l'un des plus grans effectz de nostre bienveuillance envers les autres, et que par iceluy non seulement nous ne presupposons point d'indigence en ceux que nous honnorons, mais plustost nous protestons qu'ilz abondent en excellence, partant nous employons cette sorte de bienveuillance envers Dieu; qui non seulement l'aggree, mais la requiert comme conforme a nostre condition, et si propre pour tesmoigner l'amour respectueux que nous luy devons, que mesme il nous a ordonné de luy rendre et rapporter tout honneur et gloire..

  A004000887 

 Et commençant par son propre cœur, elle ne cesse point de le provoquer a ce saint exercice, et comme une avette sacree elle va voletant ça et la sur les fleurs des œuvres et excellences divines, recueillant d'icelles une douce varieté de complaysances, desquelles elle fait naistre et compose le miel celeste de benedictions, louanges et confessions honnorables, par lesquelles, autant qu'elle peut, elle magnifie et glorifie le nom de son Bienaymé, a l'imitation du grand Psalmiste, qui ayant environné et comme parcouru en esprit les merveilles de la divine Bonté, immoloit sur l'autel de son cœur l'hostie [282] mistique des eslans de sa voix, par cantiques et psalmes d'admiration et benediction:.

  A004000896 

 Mais ce desir de loüer Dieu que la sainte bienveuillance excite en nos cœurs, Theotime, est insatiable; car l'ame qui en est touchee voudroit avoir des louanges infinies pour les donner a son Bienaymé, parce qu'elle void que ses perfections sont plus qu'infinies: si que, se treuvant bien esloignee de pouvoir satisfaire a son souhait, elle fait des extremes effortz d'affection pour en quelque sorte loüer cette bonté toute louable, et ces effortz de bienveuillance s'aggrandissent admirablement par la complaysance; car a mesure que l'ame treuve Dieu bon, savourant de plus en plus la suavité d'iceluy et se complaysant en son infinie beauté, elle voudroit aussi relever plus hautement les louanges et benedictions qu'elle luy donne.

  A004000896 

 Or, a mesure aussi que l'ame s'eschauffe a loüer la douceur incomprehensible de son Dieu, elle aggrandit et dilate la complaysance qu'elle prend en icelle, et par cet aggrandissement elle s'anime de plus fort a la louange: de sorte que l'affection de complaysance et celle de louange, par ces reciproques poussemens et mutuelles incitations qu'elles font l'une a l'autre, s'entredonnent des grans et continuelz accroissemens.

  A004000897 

 Ainsy les rossignolz se complaysent tant en leur chant, au rapport de Pline, que pour cette complaysance, quinze jours et quinze nuitz durant ilz ne cessent jamais de gazouiller, s'efforçans de tous-jours mieux chanter a l'envi les uns des autres; de sorte que lhors qu'ilz se desgoisent le mieux ilz y ont plus de complaysance, et cet accroissement de complaysance les porte a faire des plus grans effortz de mieux gringotter, augmentant tellement leur complaysance par leur chant et leur chant par leur complaysance, que maintefois on les void mourir, et leur gosier esclatter a force de chanter: oyseaux dignes du beau nom de philomele, puisqu'ilz meurent ainsy en l'amour et pour l'amour de la melodie..

  A004000899 

 Les cygales, Theotime, ont leur poitrine pleine de tuyaux, comme si elles [284] estoyent des orgues naturelles; et pour mieux chanter elles ne vivent que de la rosee, laquelle elles ne tirent pas par la bouche, car elles n'en ont point, ains la succent par une petite languette qu'elles ont au milieu de l'estomach, par laquelle elles jettent aussi, toutes, leurs sons avec tant de bruit qu'elles semblent n'estre que voix.

  A004000899 

 Or l'amant sacré est comme cela: car toutes les facultés de son ame sont autant de tuyaux qu'il a en sa poitrine, pour resonner les cantiques et louanges du Bienaymé; sa devotion, au milieu de toutes, est la langue de son cœur, selon saint Bernard, par laquelle il reçoit la rosee des perfections divines, les sucçant et attirant a soy comme son aliment, par la tressainte complaysance qu'il y prend; et par cette mesme langue de devotion, il fait toutes ses voix d'orayson, de louange, de cantiques, de psalmes, de benedictions, selon le tesmoignage d'une des plus insignes cygales spirituelles qui ait jamais esté ouïe, laquelle chantoit ainsy:.

  A004000916 

 Ainsy le glorieux Psalmiste, tout esmeu de la passion saintement desreglee qui le portoit a louer Dieu, va sans ordre, sautant du ciel a la terre et de la terre au ciel, appellant pesle mesle les Anges, les poissons, les montz, les eaux, les dragons, les oyseaux, les serpens, le feu, la gresle, le brouillatz, assemblant par ses souhaitz toutes les creatures, affin que toutes ensemble s'accordent a magnifier pieusement leur Createur: les unes celebrant elles mesmes les divines louanges, et les autres donnant le sujet de le louer par les merveilles de leurs differentes proprietés, lesquelles manifestent la grandeur de leur Facteur.

  A004000916 

 Le cœur atteint et pressé du desir de louer plus qu'il ne peut la divine Bonté, apres divers effortz sort maintefois de soy mesme pour convier toutes les creatures a le secourir en son dessein; comme nous voyons avoir fait les trois enfans en la fornaise, en cet admirable Cantique de benedictions par lequel ilz excitent tout ce qui est au ciel, en la terre et sous terre a rendre graces a Dieu eternel, en le louant et benissant souverainement.

  A004000916 

 Si que ce divin Psalmiste royal ayant composé une grande quantité de [286] Pseaumes, avec cette inscription, Loués Dieu, apres avoir discouru parmi toutes les creatures pour leur faire les saintes semonces de benir la Majesté celeste, et parcouru une grande varieté de moyens et instrumens propres a la celebration des louanges de cette eternelle Bonté, en fin, comme tombant en defaillance d'haleyne, il conclud toute sa sacree psalmodie par cet eslan: Tout esprit loue le Seigneur; c'est a dire: Tout ce qui a vie, ne vive ni ne respire que pour benir le Createur, selon l'encouragement qu'il avoit donné ailleurs:.

  A004000923 

 Ainsy la celeste Espouse se sentant presque esvanouïe entre les violens essays qu'elle faysoit de benir et magnifier le bienaymé Roy de son cœur: Hé, crioyt elle a ses compaignes, ce divin Espoux m'a menee par la contemplation en ses celiers a vin, me faysant savourer les delices incomparables des perfections de son excellence, et je me suis tellement detrempee et saintement enivree par la complaysance que j'ay prise en cet abisme de beauté, que mon ame va languissant, blessee d'un desir amoureusement mortel [287] qui me presse de louer a jamais une si eminente bonté.

  A004000928 

 L'ame amoureuse voyant qu'elle ne peut assouvir le desir qu'elle a de louer son Bienaymé tandis qu'elle vit entre les miseres de ce monde, et sachant que les louanges qu'on rend au Ciel a la divine Bonté se chantent d'un air incomparablement plus aggreable: O Dieu, dit-elle, que les louanges respandues par ces bienheureux espritz devant le throsne de mon Roy celeste sont louables! que leurs benedictions sont dignes d'estre benites! o que de bonheur d'ouïr cette melodie de la tressainte eternité, en laquelle, par une tres souëfve rencontre de voix dissemblables et de tons dispareilz, se font ces admirables accors esquelz toutes les parties avançant les unes sur les autres par une suite continuelle et incomprehensible liayson de chasses, on entend de toutes pars retentir des perpetuelz alleluia! Voix pour leur esclat comparees aux tonnerres, aux trompettes, au bruit des vagues de la mer agitee; mais voix qui aussi pour leur incomparable douceur et suavité sont comparees a la melodie des harpes, delicatement et delicieusement sonnees par la main des plus excellens joueurs, et voix qui toutes s'accordent a dire le joyeux cantique paschal: Alleluia, loués Dieu, amen, loués Dieu.

  A004000929 

 Mais quelle est cette voix admirable, qui sortant du throsne divin annonce les alleluia aux esleuz, sinon la tressainte complaysance, laquelle estant receüe dedans l'esprit leur fait ressentir la douceur des perfections divines, en suite de laquelle naist en eux l'amoureuse bienveuillance, source vive des louanges sacrees? Ainsy, par effect, la complaysance procedant du throsne vient intimer les grandeurs de Dieu aux Bienheureux, et la bienveuillance les excite a respandre reciproquement devant le throsne les parfums de louange: c'est pourquoy, par maniere de responce, ilz chantent eternellement alleluia, c'est a dire loués Dieu.

  A004000931 

 Ainsy ce glorieux et seraphique amant saint François, ayant longuement esté travaillé de cette forte affection de louer Dieu, en fin en ses dernieres annees, apres qu'il eut asseurance, par une tres speciale revelation, de son salut eternel, il ne pouvoit contenir sa joye, et s'alloit de jour en jour consumant, comme si sa vie et son ame se fust evaporee, ainsy que l'encens, sur le feu des ardens desirs qu'il avoit de voir son Maistre pour le louer incessamment; en sorte que ces ardeurs prenant tous les jours des nouveaux accroissemens, son [290] ame sortit de son cors par un eslan qu'elle fit vers le Ciel; car la divine Providence voulut qu'il mourust en prononçant ces sacrees paroles: Hé, tires hors de cette prison mon ame, o Seigneur, affin que je benisse vostre nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me rendies la tranquillité desiree.

  A004000931 

 Theotime, voyés de grace cet esprit qui, comme un celeste rossignol enfermé dans la cage de son cors, clans laquelle il ne peut chanter a souhait les benedictions de son eternel amour, sçait qu'il gazouilleroit et prattiqueroit mieux son beau ramage s'il pouvoit gaigner l'air, pour jouir de sa liberté et de la societé des autres philomeles entre les gaves et fleurissantes collines de la contree bienheureuse; c'est pourquoy il exclame: Helas, o Seigneur de ma vie, hé, par vostre bonté toute douce, deslivrés-moy, pauvre que je suis, de la cage de mon cors, retirés-moy de cette petite prison, affïn qu'affranchi de cet esclavage je puisse voler ou mes chers compaignons m'attendent la haut au Ciel, pour me joindre a leurs chœurs et m'environner de leur joye! la, Seigneur, alliant ma voix aux leurs, je feray avec eux une douce harmonie d'airs et d'accens delicieux, chantant, louant et benissant vostre misericorde..

  A004000932 

 Cet admirable Saint, comme un orateur qui veut finir et conclure tout ce qu'il a dit par quelque courte sentence, mit cette heureuse fin a tous ces souhaitz et desirs desquelz ces dernieres paroles furent l'abbregé; paroles auxquelles il attacha si fortement son ame, qu'il expira en les souspirant.

  A004000936 

 Nous allons donq montant en ce saint exercice, de degré en degré, par les creatures que nous invitons a louer Dieu, passans des insensibles aux raysonnables et intellectuelles, et de l'Eglise militante a la triomphante, en laquelle nous nous relevons entre les Anges et les Saintz jusques a ce que, au dessus de tous, nous ayons rencontré la tressainte Vierge, laquelle d'un air incomparable loue et magnifie la Divinité, plus hautement, plus saintement et plus delicieusement que tout le reste des creatures ensemble ne sçauroit jamais faire..

  A004000939 

 Ainsy, apres avoir ouï toutes les louanges que tant de differentes creatures, a l'envi les unes des autres, rendent unanimement a leur Createur, quand en fin on escoute celle du Sauveur, on y treuve une certaine infinité de merite, de valeur, de suavité, qui surmonte toute esperance et attente du cœur; et l'ame alhors, comme resveillee d'un profond sommeil et tout a coup ravie par l'extremité de la douceur de telle melodie: Hé, je l'entens; o la voix, la voix de mon Bienaymé! voix reyne de toutes les voix, voix au prix de laquelle les autres voix ne sont qu'un muet et morne silence.

  A004000939 

 Tenes, le voyla, ce divin amour du Bienaymé, comme il est derriere la paroy de son humanité; voyés qu'il se fait entrevoir par les playes de son cors et l'ouverture de son flanc, comme par des fenestres, et comme par un treillis au travers duquel il nous regarde..

  A004000940 

 Ouy certes, Theotime, l'amour divin assis sur le cœur du Sauveur comme sur son throsne royal, regarde par la fente de son costé percé tous les cœurs des enfans des hommes; car ce cœur, estant le Roy des cœurs, tient tous-jours ses yeux sur les cœurs.

  A004000940 

 Viens, ma bienaymee toute chere, et pour me voir plus clairement, viens es mesmes fenestres par lesquelles je te regarde, viens considerer mon cœur en la caverne de l'ouverture de mon flanc, qui fut faite lhors que mon cors, comme une mayson reduite en masures, fut si piteusement demoli sur l'arbre de la Croix.

  A004000944 

 Car tout ainsy qu'estans en une chambre nous ne recevons pas la lumiere selon la grandeur de la clarté du soleil qui la respand, mays selon la grandeur de la fenestre par laquelle il la communique, de mesme les actions humaines du Sauveur ne sont pas infinies, bien qu'elles soyent d'infinie valeur, d'autant qu'encor que la Personne divine les fasse, elle ne les fait pas toutefois selon l'estendue de son infinité, mais selon la grandeur finie de son humanité par laquelle elle les fait: de sorte que comme les actions humaines de nostre doux Sauveur sont infinies en comparayson des nostres, aussi sont-elles finies en comparayson de l'essentielle infinité de la Divinité.

  A004000944 

 La louange donq qui part du Sauveur entant qu'il est homme, n'estant pas de tout point infinie, elle ne peut correspondre de toutes pars a la grandeur infinie de la Divinité a laquelle elle est destinee: c'est pourquoy, apres le premier ravissement d'admiration qui nous saisit quand nous avons rencontré une louange si glorieuse [296] comme est celle que le Sauveur donne a son Pere, nous ne laissons pas de reconnoistre que la Divinité est encor infiniment plus louable qu'elle ne peut estre louee, ni par toutes les creatures ni par l'humanité mesme du Filz eternel..

  A004000945 

 Ainsy, mon Theotime, a mesure que nous montons par bienveuillance vers la Divinité, pour entonner et ouïr ses louanges, nous voyons qu'il est tous-jours au dessus de toute louange, et finalement nous connoissons qu'il ne peut estre loué selon qu'il merite sinon par luy mesme, qui seul peut dignement esgaler sa souveraine bonté par une souveraine louange..

  A004000946 

 Alhors nous exclamons: «Gloire soit au Pere, et au Filz, et au Saint Esprit;» et affin qu'on sçache que ce n'est pas la gloire des louanges creées que nous souhaittons a Dieu par cet eslan, ains la gloire essentielle et eternelle qu'il a en luy mesme, par luy mesme, de luy mesme, et qui est luy mesme, nous adjoustons: «Ainsy qu'il l'avoit au commencement, et maintenant, et tous-jours, et es siecles des siecles, Amen;» comme si nous disions par souhait: Qu'a jamais Dieu soit glorifié de la gloire qu'il avoit avant toute creature, en son infinie eternité et eternelle infinité.

  A004000947 

 Et bien que, au commencement, l'ame amoureuse eut eu quelque sorte de desir de pouvoir asses louer son Dieu, si est-ce que revenant a soy elle proteste qu'elle ne voudroit pas le pouvoir asses louer, ains demeure en une tres humble complaysance, de voir que la divine Bonté est si tres infiniment louable qu'elle ne peut estre suffisamment louee que par sa propre infinité..

  A004000947 

 O Dieu, quelle complaysance, quelle joye a l'ame qui ayme, de voir son desir assouvi, puisque son Bien-aymé se loue, benit et magnifie infiniment soy mesme! Mays en cette complaysance naist derechef un nouveau desir de louer, car le cœur voudroit louer cette si digne louange que Dieu se donne a soy mesme, l'en remerciant profondement et rappellant derechef toutes choses a son secours pour venir avec luy glorifier la gloire de Dieu, benir sa benediction infinie, et louer sa louange eternelle: si que, par ce retour et repetition de louange sur louange, il s'engage, entre la complaysance et la bienveuillance, en un tres heureux labyrinthe d'amour, tout abismé en cette immense douceur, louant souverainement la Divinité dequoy elle ne peut estre asses louee que par elle mesme.

  A004000953 

 Car ainsy les Seraphins d'Isaïe, adorans Dieu et Je louans, voylent leurs faces et leurs pieds, pour confesser qu'ilz n'ont nulle suffisance de le bien considerer ni de le bien servir; car les pieds sur lesquelz on va representent le service: mais pourtant ilz volent de [298] deux aysles, par le continuel mouvement de la complaysance et de la bienveuillance, et leur amour prend son repos en cette douce inquietude..

  A004000954 

 Le cœur de l'homme n'est jamais tant inquieté que quand on empesche le mouvement par lequel il s'estend et resserre continuellement, et jamais si tranquille que quand il a ses mouvemens libres; de sorte que sa tranquillité est en son mouvement.

  A004000954 

 Or c'en est de mesme de l'amour des Seraphins et de tous les hommes seraphiques; car il a son repos en son continuel mouvement de complaysance, par lequel il tire Dieu en soy comme se resserrant, et de bienveuillance, par lequel il s'estend et jette tout en Dieu.

  A004000963 

 L'un nous fait plaire en Dieu, l'autre nous fait plaire a Dieu; par l'un nous concevons, par l'autre nous produisons; par l'un nous mettons Dieu sur nostre cœur, comme un estendart d'amour auquel toutes nos affections se rangent; par l'autre nous le mettons sur nostre bras, comme une espee de dilection par laquelle nous faysons tous les exploitz des vertus..

  A004000963 

 Par celuy la nous affectionnons Dieu et ce qu'il affectionne, par celuy ci nous servons Dieu et faisons ce qu'il nous ordonne; celuy la nous joint a la bonté de Dieu, celuy ci nous fait executer sa volonté.

  A004000964 

 Les chiens les plus sages et mieux dressés tombent souvent en defaut, perdans la piste et le sentiment, pour la varieté des ruses dont les cerfs usent, faisans les horvaris, donnans le change et prattiquans mille malices pour s'eschapper devant la meute: et nous perdons souvent de veüe et de connoissance nostre propre cœur, en l'infinie diversité des mouvemens par lesquelz il se tourne en tant de façons et avec une si grande promptitude qu'on ne peut discerner ses erres..

  A004000965 

 Certes, si nos espritz vouloyent faire retour sur eux mesmes par les reflechissemens et replis de leurs actions, ilz entreroyent en des labyrinthes esquelz ilz perdroyent sans doute l'issue; et ce seroit une attention insupportable de penser quelles sont nos pensees, considerer nos considerations, voir toutes nos veües spirituelles, discerner que nous discernons, nons resouvenir que nous nous resouvenons: ce seroyent des entortillemens que nous [302] ne pourrions desfaire.

  A004000965 

 Dieu seul est celuy qui, par son infinie science, void, sonde et penetre tous les tours et contours de nos espritz; il entend nos pensees de loin, il treuve tous nos sentiers, faufilans et destours; sa science en est admirable, elle prevaut au dessus de nostre capacité et nous n'y pouvons atteindre.

  A004000966 

 Nous ne prenons pas ici le mot d'orayson pour la seule priere ou «demande de quelque bien, respandue devant Dieu par les fideles,» comme saint Basile la nomme; mays comme saint Bonaventure, quand il dit que l'orayson, a parler generalement, comprend tous les actes de contemplation, ou comme saint Gregoire Nissene, quand il enseignoit que «l'orayson est un entretien et conversation de l'ame avec Dieu;» ou bien comme saint Chrysostome, quand il asseure que «l'orayson est un devis avec la divine Majesté;» ou en fin comme saint Augustin et saint Damascene, quand ilz disent que l'orayson est «une montee ou eslevement de l'esprit en Dieu.» Oue si l'orayson est un colloque, un «devis» ou une «conversation» de l'ame avec Dieu, par icelle donq nous parlons a Dieu et Dieu reciproquement parle a nous, nous aspirons a luy et respirons en luy, et mutuellement il inspire en nous et respire sur nous..

  A004000968 

 En somme, l'orayson et theologie mystique n'est autre chose qu'une conversation par laquelle l'ame s'entretient amoureusement avec Dieu de sa tres aymable bonté, pour s'unir et joindre a icelle..

  A004000968 

 Or elle s'appelle mystique parce que la conversation y est toute secrette, et ne se dit rien en icelle entre Dieu et l'ame que de cœur a cœur, par une communication incommunicable a tout autre qu'a ceux qui la font.

  A004000969 

 L'orayson est une manne, pour l'infinité des goustz amoureux et des pretieuses suavités qu'elle donne a ceux qui en usent; mais elle est secrette, parce qu'elle tombe avant la clarté d'aucune science, en la solitude mentale, ou l'ame, traittant seule a seule avec son Dieu, Qui est celle-ci, peut-on dire d'elle, qui monte par le desert, comme une nuee de parfums, de myrrhe, d'encens et de toutes les poudres du parfumeur? Aussi, le desir du secret l'avoit incitee de faire cette supplication a son Espoux: Venés, mon Bienaymé, sortons aux chams, sejournons es villages.

  A004000969 

 Pour cela, au Cantique, l'Espoux divin et l'Espouse celeste representent leurs amours par un continuel devis; que si leurs amis et amies parlent parfois emmi leur entretien, ce n'est qu'a la desrobbee et de sorte qu'ilz ne troublent point le colloque.

  A004000971 

 L'amour ne parle pas seulement par la langue, mais par les yeux, par les souspirs et contenances; ouy mesme le silence et la taciturnité luy tiennent lieu de parole.

  A004000971 

 Voyes-vous, Theotime, que le silence des amans affligés parle de la prunelle des yeux et par les larmes? Certes, en la theologie mistique [305] c'est le principal exercice de parler a Dieu et d'ouïr parler Dieu au fond du cœur; et parce que ce devis se fait par des tres secretes aspirations et inspirations, nous l'appelions colloque de silence: les yeux parlent aux yeux et le cœur au cœur, et nul n'entend ce qui se dit que les amans sacrés qui parlent..

  A004000975 

 Au premier Psalme, l'homme est dit bienheureux, qui a sa volonté en la loy du Seigneur, et qui meditera en la loy d'iceluy jour et nuit; mais au second Psalme: Pourquoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont-ilz medité choses vaines? La meditation, donques, se fait pour le bien et pour le mal: toutefois, d'autant qu'en l'Escriture Sainte le mot de meditation est employé ordinairement pour l'attention que l'on a aux choses divines, affin de s'exciter a les aymer, il a esté, par maniere de dire, canonizé du commun consentement des theologiens, aussi bien que le nom d'ange et de zele, comme au contraire, celuy de dol et de demon a esté diffamé; si que maintenant, quand on nomme la medication, on entend parler de celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique..

  A004000976 

 Mays quand nous pensons aux choses divines, non pour apprendre mais pour nous affectionner a elles, cela s'appelle mediter, et cet exercice, meditation, auquel nostre esprit, non comme une mousche, par simple amusement, ni comme un haneton, pour manger et se remplir, mais comme une sacree avette, va ça et la sur les fleurs des saintz mysteres pour en extraire le miel du divin amour..

  A004000976 

 Or toute meditation est une pensee, mais toute pensee n'est pas meditation, Maintefois nous avons des pensees [306] auxquelles nostre esprit s'attache sans dessein ni pretention quelcomque, par maniere de simple amusement, ainsy que nous voyons les mousches communes voler ça et la sur les fleurs sans en tirer chose aucune; et cette espece de pensee, pour attentive qu'elle soit, ne peut porter le nom de meditation, ains doit estre simplement appellee pensee.

  A004000977 

 Ainsy, plusieurs sont tous-jours songears, et attachés a certaines pensees inutiles sans sçavoir presque a quoy ilz pensent, et, ce qui est admirable, ilz n'y sont attentifs que par inadvertance et voudroyent ne point avoir telles cogitations; tesmoin celuy qui disoit: Mes pensees se sont dissipees, tourmentant mon cœur.

  A004000977 

 Plusieurs aussi estudient, et par une occupation tres laborieuse se remplissent de vanité, ne pouvans resister a la curiosité; mais il y en a peu qui s'employent a mediter, pour eschauffer leur cœur au saint amour celeste.

  A004000978 

 Ainsy dit Isaïe: Nous rugirons ou bruyrons comme des ours, et gemirons, meditans comme colombes; le bruit des ours se rapportant aux exclamations par lesquelles on s'escrie en l'orayson vocale, et le gemissement des colombes a la sainte meditation..

  A004000978 

 Car, mon cher Theotime, si jamais vous y aves pris garde, les petitz des arondelles ouvrent grandement leur bec quand ilz font leur piallement; et au contraire les colombes, entre tous les oyseaux, font leur grommelement a bec clos et enfermé, roulant leur voix dans leur gosier et poitrine, sans que rien en sorte que par maniere de retentissement et resonnement: et ce petit grommelement leur sert egalement pour exprimer leurs douleurs comme pour declarer leurs amours.

  A004000978 

 Ezechias donq, pour monstrer qu'emmi son ennuy il faysoit plusieurs oraysons vocales: Je crieray, dit il, comme le poussin de l'arondelle, ouvrant ma bouche pour pousser devant Dieu plusieurs voix lamentables; et pour tesmoigner d'autre part qu'il employoit aussi la sainte orayson mentale: Je mediteray, adjouste il, comme la colombe, roulant et contournant mes pensees dedans mon cœur par une attentive consideration, affin de m'exciter a benir et louer la souveraine misericorde de mon Dieu, qui m'a retiré des portes de la mort, ayant compassion de ma misere.

  A004000978 

 La sainte Parole explique, certes, admirablement en quoy consiste la sainte meditation, par une excellente [307] similitude.

  A004000979 

 Ce qu'en l'un des passages est exprimé par le mot de mediter, est declairé en l'autre par celuy de repenser; et pour monstrer que la pensee reiteree et la meditation tend a nous esmouvoir aux affections, resolutions et actions, il est dit en l'un [309] et l'autre passage, qu'il faut repenser et mediter en la loy pour l'observer et prattiquer.

  A004000979 

 Mays affin qu'on sache que les colombes ne font [308] pas leur grunement seulement es occasions de tristesse, ains encor en celles de l'amour et de la joye, l'Espoux sacré, descrivant le primtems naturel pour exprimer les graces du primtems spirituel, La voix, dit-il, de la tourterelle a esté ouÿe en nostre terre; parce qu'au primtems la tourterelle commence a s'eschauffer d'amour, ce qu'elle tesmoigne par son ramage qu'elle respand plus frequemment.

  A004000980 

 La meditation n'est autre chose que le ruminement mystique, requis pour n'estre point immonde, auquel une des devotes bergeres qui suivoyent la sacree Sulamite nous invite; car elle asseure que la sainte doctrine est comme un vin pretieux, digne non seulement d'estre beue par les pasteurs et docteurs, mais d'estre soigneusement savouree, et par maniere de dire, maschee et ruminee: Ton gosier, dit elle, dans lequel se forment les paroles saintes, est un vin tres bon, digne de mon Bienaymé pour estre beu, et de ses levres et de ses dens pour estre ruminé.

  A004000981 

 Ainsy la celeste amante, comme une abeille mistique, va voletant, au Cantique des Cantiques, tantost sur les yeux, tantost sur les levres, sur les joues, sur la cheveleure de son Bienaymé, pour en tirer la suavité de mille passions amoureuses, remarquant par le menu tout ce qu'elle treuve de rare pour cela: de sorte que toute ardente de la sacree dilection, elle parle avec luy, elle l'interroge, elle l'escoute, elle souspire, elle aspire, elle l'admire; comme luy, de son costé, la comble de contentemens, l'inspirant, luy touchant et ouvrant le cœur, puis respandant en iceluy des clartés, des lumieres et des douceurs sans fin, mais d'une façon si secrette, que l'on peut bien parler de cette sainte conversation de l'ame avec Dieu comme le sacré Texte dit de celle de Dieu avec Moyse: que Moyse estant seul sur le coupeau de la montaigne, il parlait a Dieu et Dieu luy respondoit.

  A004000985 

 Theotime, la contemplation n'est autre chose qu'une amoureuse, simple et permanente attention de l'esprit aux choses divines; ce que vous entendres aysement par la comparayson de la meditation avec elle..

  A004000987 

 Voyés la reyne de Saba, Theotime, comme considerant par le menu la sagesse de Salomon en ses responces, en la beauté de sa mayson, en la magnificence de sa table, es logis de ses serviteurs, en l'ordre que tous ceux de sa cour tenoyent pour l'exercice de leurs charges, en leurs vestemens et maintiens, en la [312] multitude des holocaustes qu'ilz offroyent en la mayson du Seigneur, elle demeura toute esprise d'un ardent amour qui convertit sa meditation en contemplation, par laquelle estant toute ravie hors de soy mesme, elle dit plusieurs paroles d'extreme contentement.

  A004000988 

 L'amour nous fait plaire en la veüe de nostre Bienaymé, et la veüe du Bienaymé nous fait plaire en son divin amour: en sorte que par ce mutuel mouvement de l'amour a la veüe et de la veüe a l'amour, comme l'amour rend plus belle la beauté de la chose aymee, aussi la veüe d'icelle rend l'amour [313] plus amoureux et delectable.

  A004000988 

 L'amour, par une imperceptible faculté, fait paroistre la beauté que l'on ayme, plus belle, et la veüe pareillement affine l'amour pour luy faire treuver la beauté plus aymable; l'amour presse les yeux de regarder tous-jours plus attentivement la beauté bienaymee, et la veüe force le cœur de l'aymer tous-jours plus ardemment..

  A004000993 

 Le fameux abbé de Saint André de Verceil, maistre de saint Anthoine de Padoüe, en ses Commentaires sur saint Denys, repete plusieurs fois que «l'amour penetre ou la science exterieure ne sçauroit atteindre,» et dit que «plusieurs Evesques ont jadis penetré le mistere de la Trinité, quoy qu'ilz ne fussent pas doctes;» admirant sur ce propos son disciple saint Anthoine de Padoüe «qui, sans science mondayne, avoit une si profonde theologie mistique, que comme un autre saint Jean Baptiste on le pouvoit nommer une lampe luisante et ardente.» «Le bienheureux frere Gilles, des premiers compaignons de saint François, dit un jour a saint Bonaventure: O que vous estes heureux, vous autres doctes, car vous sçaves maintes choses par lesquelles vous loües Dieu; mays nous autres idiotz que ferons nous? Et saint Bonaventure respondit: La grace de pouvoir aymer Dieu suffit.

  A004000994 

 La volonté, certes, ne s'apperçoit pas du bien que [315] par l'entremise de l'entendement, mais l'ayant une fois apperceu elle n'a plus besoin de l'entendement pour prattiquer l'amour, car la force du playsir qu'elle sent ou pretend sentir de l'union a son object, l'attire puissamment a l'amour et au desir de la jouissance d'iceluy.

  A004000995 

 Or cela arrive encor plus fortement en l'amour sacré, d'autant que nostre volonté n'y est pas appliquee par une connoissance naturelle, mays par la lumiere de la foy, laquelle nous asseurant de l'infinité du bien qui est en Dieu, nous donne asses de sujet de l'aymer de tout nostre pouvoir.

  A004000996 

 Nous commençons d'aymer par la connoissance que la foy nous donne de la bonté de Dieu, laquelle par apres nous savourons et goustons par l'amour, et l'amour aiguise nostre goust et nostre goust affine nostre amour: si que, comme nous voyons entre les effortz des vens les ondes s'entrepresser et s'eslever plus haut, comme a l'envi, par le rencontre qu'elles font l'une de l'autre, ainsy le goust du bien en rehausse l'amour et l'amour en rehausse le goust, selon que la divine Sagesse a dit: Ceux qui me goustent auront encor appetit, et ceux qui me boivent seront encor alterés.

  A004000996 

 Qui ayma plus Dieu, je vous prie, ou le theologien Ocham, que quelques uns ont nommé le plus subtil des mortelz, ou sainte Catherine de Gennes, femme idiote? Celuy la le conneut mieux par science, celle ci par experience, et l'experience de celle ci la conduisit bien avant en l'amour seraphique, tandis que celuy la, avec sa science, demeura bien esloigné de cette si excellente perfection..

  A004000997 

 Nous aymons extremement les sciences avant que nous les sçachions, dit saint Thomas, «par la seule connoissance confuse et sommaire que nous en avons:» et il faut dire de mesme, que la connoissance de la bonté divine applique nostre volonté a l'amour; mais despuis que la volonté est en train, son amour va de soy mesme croissant par le playsir qu'il sent de s'unir a ce souverain bien.

  A004000998 

 Il faut neanmoins advoüer que la volonté attiree par la delectation qu'elle sent en son object, est bien plus fortement portee a s'unir avec luy quand l'entendement de son costé luy en propose excellemment la bonté, car elle y est alhors tiree et poussee tout ensemble; [317] poussee par la connoissance, tiree par la delectation: si que la science n'est point de soy mesme contraire, ains est fort utile a la devotion, et si elles sont jointes ensemble elles s'entr'aydent admirablement, quoy qu'il arrive fort souvent que, par nostre misere, la science empesche la naissance de la devotion, d'autant que la science enfle et enorgueillit, et l'orgueil, qui est contraire a toute vertu, est la ruine totale de la devotion.

  A004001002 

 La meditation considere par le menu et comme piece a piece les objectz qui sont propres a nous esmouvoir; mays la contemplation fait une veüe toute simple et ramassee sur l'object qu'elle ayme, et la consideration ainsy unie fait aussi un mouvement plus vif et fort.

  A004001002 

 La premiere sorte ressemble a la meditation, en laquelle nous considerons, par exemple, les effectz de la misericorde divine, pour nous exciter a son amour; mays la seconde est semblable [318] a la contemplation, en laquelle nous regardons, d'un seul trait arresté de nostre esprit, toute la varieté des mesmes effectz comme une seule beauté composee de toutes ces pieces qui font un seul brillant de splendeur.

  A004001002 

 Les compaignes de l'Espouse sacree luy avoyent demandé quel estoit son Bienaymé, et elle leur respond descrivant admirablement toutes les pieces de sa parfaite beauté: son teint est blanc et vermeil, sa teste d'or, ses cheveux comme un jetton de fleurs de palmes non encor du tout espanouies, ses yeux de colombe, ses joües comme petites tables, planches ou carreaux de jardin, ses levres comme lis, parsemees de toutes odeurs, ses mains annelees de jacinthe, ses jambes comme colomnes de marbre; ainsy va-elle meditant cette souveraine beauté en detail, jusques a ce qu'en fin elle conclud par maniere de contemplation, mettant toutes les beautés en un: Son gosier, dit-elle, est tres suave, et luy il est tout desirable; et tel est mon Bienaymé, et il est mon cher Ami..

  A004001003 

 C'est pourquoy le divin Espoux estime tant que sa bienaymee le regarde d' un seul œil, et que sa perruque soit si bien tressee qu'elle ne semble qu' un seul cheveu; car, qu'est-ce regarder l'Espoux d' un seul œil, que de le voir d'une simple veüe attentive, sans multiplier les regars? et qu'est-ce porter ses cheveux ramassés, que de ne point respandre [319] sa pensee en varieté de considerations? O que bienheureux sont ceux qui, apres avoir discouru sur la multitude des motifs qu'ilz ont d'aymer Dieu, reduisans tous leurs regars en une seule veue et toutes leurs pensees en une seule conclusion, arrestent leur esprit en l'unité de la contemplation, a l'exemple de saint Augustin ou de saint Bruno, prononçans secrettement en leur ame, par une admiration permanente, ces paroles amoureuses: O bonté, bonté! O bonté tous-jours ancienne et tous-jours nouvelle! et a l'exemple du grand saint François, qui, planté sur ses genoux en orayson, passa toute la nuit en ces paroles: O Dieu, vous estes «mon Dieu et mon tout!» les inculquant continuellement, au recit du bienheureux frere Bernard de Quinteval, qui l'avoit ouy de ses oreilles..

  A004001004 

 Il vid, dit l'Escriture, que la lumiere estoit bonne, que le ciel et la terre estoit une bonne chose; puis les herbes et plantes, le soleil, la lune et les estoiles, les animaux et en somme toutes les creatures, ainsy qu'il les creoit l'une apres l'autre, jusques a ce qu'en fin tout l'univers estant accompli, la divine meditation, par maniere de dire, se changea en contemplation; car, regardant toute la bonté qui estoit en son ouvrage, d'un seul trait de son œil, il vid, dit Moyse, tout ce qu'il avoit fait, et [320] tout estoit tres bon. Les pieces differentes considerees separement par maniere de meditation estoient bonnes, mays regardees d'une seule veüe toutes ensemble, par forme de contemplation, elles furent treuvees tres bonnes: comme plusieurs ruysseaux qui, s'unissans, font une riviere, qui porte des plus grandes charges que la multitude des mesmes ruysseaux separés n'eust sceu faire..

  A004001005 

 Apres que nous avons esmeu une grande quantité de diverses affections pieuses, par la multitude des considerations dont la meditation est composee, nous assemblons en fin la vertu de toutes ces affections; lesquelles de la confusion et meslange de leurs forces font naistre une certaine quintessence d'affection, et d'affection plus active et puissante que toutes les affections desquelles elle procede, d'autant qu'encor qu'elle ne soit qu'une, elle comprend la vertu et proprieté de toutes les autres, et se nomme affection contemplative..

  A004001006 

 Ainsy dit on entre les theologiens que les Anges plus eslevés en gloire ont une connoissance de Dieu et des creatures beaucoup plus simple que leurs inferieurs, et que les especes ou idees par lesquelles ilz voyent sont plus universelles; en sorte que ce que les Anges moins parfaitz voyent par plusieurs especes et divers regars, les plus parfaitz le voyent par moins d'especes et moins de traitz de leur veüe.

  A004001006 

 Et le grand saint Augustin, suivi par saint Thomas, dit qu'au Ciel nous n'aurons pas ces grandes vicissitudes, varietés, changemens et retours de pensees et cogitations «qui vont et reviennent d'object en object et de chose a autre; ains, qu'avec une seule pensee nous pourrons estre attentifs a la diversité de plusieurs choses» et en recevoir la connoissance.

  A004001010 

 Quelquefois nous regardons seulement a quelqu'une des perfections de Dieu, comme, par exemple, a son infinie bonté, sans penser aux autres attributz ou vertus d'iceluy; comme un espoux arrestant simplement sa veüe sur le beau teint de son espouse, qui par ce moyen regarderoit voirement tout son visage, d'autant que le teint est respandu sur presque toutes les pieces d'iceluy, et toutefois ne seroit attentif, ni aux traitz, ni a la grace, ni aux autres parties de la beauté: car de mesme quelquefois, l'esprit regardant la bonté souveraine de la Divinité, bien qu'il voye en icelle la justice, la sagesse, la puissance, il n'est neanmoins en attention que pour la bonté, a laquelle la simple veüe de sa contemplation s'addresse..

  A004001011 

 Quelquefois aussi nous sommes attentifs a regarder en Dieu plusieurs de ses infinies perfections, mais d'une veüe simple et sans distinction; comme celuy qui d'un trait d'œil, passant sa veüe des la teste jusques aux pieds de son espouse richement paree, auroit attentivement tout veu en general et rien en particulier, ne [322] sçachant bonnement dire, ni quel carquant ni quelle robbe elle portoit, ni quelle contenance elle tenoit ou quel regard elle faisoit, ains seulement que tout y estoit beau et aggreable: car ainsy, par la contemplation, 0u tire maintefois un seul trait de simple consideration sur plusieurs grandeurs et perfections divines tout ensemble; et n'en sçauroit-on toutefois dire chose quelcomque en particulier, sinon que tout est parfaitement bon et beau..

  A004001012 

 Et en fin, nous regardons d'autres fois, non plusieurs ni une seule des perfections divines, ains seulement quelqu'action ou quelqu'œuvre divine a laquelle nous sommes attentifs; comme, par exemple, a l'acte de la misericorde par lequel Dieu pardonne les pechés, ou a l'acte de la creation, ou de la resurrection du Lazare, ou de la conversion de saint Paul: ainsy qu'un espoux qui ne regarderoit pas les yeux, ains seulement la douceur du regard que son espouse jette sur luy, ne considereroit point sa bouche, mais la suavité des paroles qui en sortent.

  A004001013 

 En quoy elle differe d'avec la meditation, qui se fait presque tous-jours avec peyne, travail et discours, nostre esprit allant par icelle de consideration en consideration, [323] cherchant en divers endroitz, ou le Bienaymé de son amour, ou l'amour de son Bienaymé..

  A004001014 

 Theotime, hé! quand fut-ce, je vous prie, que Nostre Seigneur vint en son jardin, sinon quand il vint es tres pures, tres humbles et tres douces entrailles de sa Mere, pleynes de toutes les plantes fleurissantes des saintes vertus? Et qu'est-ce a Nostre Seigneur de moissonner sa myrrhe avec ses parfums, sinon assembler souffrances a souffrances jusques a la mort, et la mort de la croix? joignant par icelles merites a merites, tresors a tresors pour enrichir ses enfans spirituelz.

  A004001015 

 Sainte et sacree ivresse, qui, au contraire de la corporelle, nous aliene non du sens spirituel mais des sens corporelz; qui ne nous hebete ni abestit pas, ains nous angelise et, par maniere de dire, divinise; qui nous met hors de nous, non pour nous ravaler et ranger avec les bestes, comme fait l'ivresse terrestre, mais pour nous eslever au dessus de nous et nous ranger avec les Anges, en sorte que nous vivions plus en Dieu qu'en nous mesmes, estans attentifs et occupés par amour a voir sa beauté et nous unir a sa bonté..

  A004001016 

 Or, d'autant que pour parvenir a la contemplation nous avons pour l'ordinaire besoin d'ouïr la sainte parole, de faire des devis et colloques spirituelz avec les autres, a la façon des anciens anachoretes, de lire des livres devotz, de prier, mediter, chanter des cantiques, former des bonnes pensees; pour cela la sainte contemplation estant la fin et le but auquel tous ces exercices tendent, ilz se reduisent tous a elle, et ceux qui les prattiquent sont appellés contemplatifs; comme aussi cette sorte d'occupation est nommee vie contemplative a rayson de l'action de nostre entendement, par laquelle nous regardons la verité de la beauté et bonté divine avec une attention amoureuse, c'est a dire avec un amour qui nous rend attentifs, ou bien avec une attention qui provient de l'amour et augmente l'amour que nous avons envers l'infinie suavité de Nostre Seigneur.

  A004001020 

 Celuy, dit la bienheureuse Mere Therese de Jesus, qui a laissé par escrit que l'orayson de recueillement se fait comme quand un herisson ou une tortue se retire au dedans de soy, l'entendoit bien; hormis que ces bestes se retirent au dedans d'elles mesmes quand elles veulent, mais le recueillement ne gist pas en nostre volonté, ains il nous advient quand il plait a Dieu de nous faire cette grace..

  A004001020 

 Je ne parle pas icy, Theotime, du recueillement par lequel ceux qui veulent prier se mettent en la presence de Dieu, rentrans en eux mesmes, et retirans, par maniere de dire, leur ame dedans leur cœur pour parler a Dieu; car ce recueillement se fait par le commandement de l'amour, qui, nous provoquant a l'orayson, nous fait prendre ce moyen de la bien faire, de sorte que nous faysons nous mesmes ce retirement de nostre esprit.

  A004001020 

 Mais le recueillement duquel j'entens de parler ne se fait pas par le commandement de l'amour, ains par l'amour mesme; c'est a dire, nous ne le faysons pas nous mesmes par election, d'autant qu'il n'est pas en nostre pouvoir de l'avoir quand nous voulons et ne depend pas de nostre soin, mays Dieu le fait en nous, quand il luy plait, par sa tressainte grace.

  A004001021 

 Car tout ainsy qu'un nouvel esseim ou jetton de mousches a miel, lhors qu'il veut fuir et changer païs, est rappellé par le son que l'on fait doucement sur des bassins, ou par l'odeur du vin emmiellé, ou bien encor par la senteur de quelques herbes odorantes, en sorte qu'il s'arreste par l'amorce de ces douceurs et entre dans la ruche qu'on luy a preparee; de mesme Nostre Seigneur, prononçant quelque secrette parole de son amour, ou respandant l'odeur du vin de sa dilection plus delicieuse que le miel, ou bien evaporant les parfums de ses vestemens, c'est a dire quelques sentimens de ses consolations celestes en nos cœurs, et par ce moyen leur faysant sentir sa tres aymable presence, il retire a soy toutes les facultés de nostre ame, lesquelles se ramassent autour de luy et s'arrestent en luy comme en leur object tres desirable.

  A004001021 

 [326] Il arrive donq quelquefois que Nostre Seigneur respand imperceptiblement au fond du cœur une certaine douce suavité qui tesmoigne sa presence, et Ihors les puissances, voire mesme les sens exterieurs de l'ame, par un certain secret consentement se retournent du costé de cette intime partie ou est le tres aymable et trescher Espoux.

  A004001022 

 O Dieu, dit l'ame alhors, a l'imitation de saint Augustin, ou vous allois-je cherchant, Beauté tres infinie! «Je vous cherchois dehors, et vous esties au milieu de mon cœur.» Toutes les affections de Magdeleyne et toutes ses pensees estoyent espanchees autour du sepulchre de son Sauveur qu'elle alloit questant ça et la; et bien qu'elle l'eust treuvé et qu'il parlast a elle, elle ne laisse pas de les laisser esparses, parce qu'elle ne s'appercevoit pas de sa presence; mais soudain [327] qu'il l'eut appellee par son nom, la voyla qu'elle se ramasse et s'attache toute a ses pieds: une seule parole la met en recueillement..

  A004001023 

 L'ame de cette Mere bienaymee se ramassa toute, sans doute, autour de cet Enfant bien-aymé, et parce que ce divin Ami estoit emmi ses entrailles sacrees, toutes les facultés de son ame se retirerent en elle mesme, comme saintes avettes dedans la ruche en laquelle estoit leur miel; et a mesure que la divine grandeur s'estoit, par maniere de dire, restressie et raccourcie dedans son ventre virginal, son ame aggrandissoit et magnifioit les louanges de cette infinie debonnaireté, et son esprit tressailloit de contentement dedans son cors (comme saint Jean dedans celuy de sa mere) autour de son Dieu qu'elle sentoit.

  A004001024 

 Car, comme la mereperle, ayant receu les gouttes de la fraiche rosee du matin, se resserre, non seulement pour les conserver pures de tout le meslange qui s'en pourroit faire avec les eaux de la mer, mais aussi pour l'ayse qu'elle ressent d'appercevoir l'aggreable fraicheur de ce germe que le ciel luy envoye; ainsy arrive-il a plusieurs saintz et devotz fideles, qu'ayans receu le divin Sacrement qui contient la rosee de toutes benedictions celestes, leur ame se resserre et toutes leurs facultés se recueillent, non seulement pour adorer ce Roy souverain nouvellement present d'une presence admirable a leurs entrailles, mais pour l'incroyable [328] consolation et rafraichissement spirituel qu'ilz reçoivent, de sentir par la foy ce germe divin de l'immortalité en leur interieur.

  A004001024 

 Or ce mesme contentement peut estre prattiqué par imitation entre ceux qui, ayans communié, sentent par la certitude de la foy ce que non la chair ni le sang, mais le Pere celeste leur a revelé: que leur Sauveur est en cors et en ame present d'une tres reelle presence a leur cors et a leur ame, par ce tres adorable Sacrement.

  A004001024 

 Ou vous noteres soigneusement, Theotime, qu'en somme tout ce recueillement se fait par l'amour, qui sentant la presence du Bienaymé par les attraitz qu'il respand au milieu du cœur, ramasse et rapporte toute l'ame vers iceluy par une tres amiable inclination, par un tres doux contournement et par un delicieux repli de toutes les facultés du costé du Bienaymé, qui les attire a soy par la force de sa suavité, avec laquelle il lie et tire les cœurs, comme on tire les cors par les cordes et liens materielz..

  A004001025 

 C'en est de mesme en cette sorte de recueillement de laquelle nous parlons; car a la seule presence de Dieu, au seul sentiment que nous avons qu'il nous regarde, ou des le Ciel ou de quelqu'autre lieu hors de nous, bien que pour lhors nous ne pensions pas a l'autre sorte de presence par laquelle il est en nous, nos facultés et puissances se ramassent et assemblent en nous mesmes pour la reverence de sa divine Majesté, que l'amour nous fait craindre d'une crainte d'honneur et de respect.

  A004001025 

 Il arrive quelquefois que toutes nos puissances interieures se resserrent et ramassent en elles mesmes, par l'extreme reverence et douce crainte qui nous saisit en consideration de la souveraine majesté de Celuy qui nous est present et nous regarde; ainsy que, pour distraitz que nous soyons, si le Pape ou quelque grand prince comparoit, nous revenons a nous mesmes et retournons nos pensees sur nous, pour nous tenir en contenance et respect.

  A004001025 

 Mays ce doux recueillement de nostre ame en soy mesme ne se fait pas seulement par le sentiment de la presence divine au milieu de nostre cœur, ains en quelle maniere que ce soit que nous nous mettions en cette sacree presence.

  A004001031 

 Certes, les amans humains se contentent parfois d'estre aupres ou a la veüe de la personne qu'ilz ayment, [330] sans parler a elle et sans discourir a part eux, ni d'elle ni de ses perfections; assouvis, ce semble, et satisfaitz de savourer cette bienaymee presence, non par aucune consideration qu'ilz fassent sur icelle, mais par un certain accoisement et repos que leur esprit prend en elle.

  A004001033 

 Dont le divin Berger adjure les filles de Sion, par les chevreuils et cerfs des campagnes, qu'elles n'esveillent point sa bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille, c'est a dire, qu'elle s'esveille d'elle mesme.

  A004001033 

 Neanmoins l'ame qui en ce doux repos jouit de ce delicat sentiment de la presence divine, quoy qu'elle ne s'apperçoive pas de cette jouissance, tesmoigne toutefois clairement combien ce bonheur luy est precieux et aymable, quand on le luy veut oster ou que quelque chose l'en destourne: car alhors, la pauvre ame fait des plaintz, crie, voire quelquefois pleure, comme un petit enfant [331] qu'on a esveillé avant qu'il eust asses dormi, lequel, par la douleur qu'il ressent de son reveil, monstre bien la satisfaction qu'il avoit en son sommeil.

  A004001036 

 Quand donques vous seres en cette simple et pure confiance filiale aupres de Nostre Seigneur, demeurés-y, mon cher Theotime, sans vous remuer nullement pour faire des actes sensibles ni de l'entendement ni de la volonté; car cet amour simple de confiance et cet endormissement amoureux de vostre esprit entre les bras du Sauveur, comprend par excellence tout ce que vous alles cherchant ça et la pour vostre goust.

  A004001040 

 Mais apres que la fraicheur du lait a aucunement appaysé la chaleur appetissante de leur petite poitrine, et que les aggreables vapeurs qu'il envoye a leur cerveau commencent a les endormir, Theotime, vous les verries fermer tout bellement leurs petitz yeux et ceder petit e petit au sommeil, sans [333] quitter neanmoins le tetin, sur lequel ilz ne font nulle action que celle d'un lent et presqu'insensible mouvement de levres, par lequel ilz tirent tous-jours le lait qu'ilz avalent imperceptiblement: et cela ilz le font sans y penser, mais non pas certes sans playsir, car si on leur oste le tetin avant que le profond sommeil les ait accablés, ilz s'esveillent et pleurent amerement, tesmoignans par la douleur qu'ilz ont en la privation qu'ilz avoyent beaucoup de douceur en la possession.

  A004001040 

 Or il en est de mesme de l'ame qui est en repos et quietude devant Dieu; car elle succe presqu'insensiblement la douceur de cette presence, sans discourir, sans operer, et sans faire chose quelconque par aucune de ses facultés sinon par la seule pointe de la volonté, qu'elle remue doucement et presqu'imperceptiblement, comme la bouche par laquelle entre la delectation et l'assouvissement insensible qu'elle prend a jouir de la presence divine.

  A004001040 

 Que si on incommode cette pauvre petite pouponne et qu'on luy veuille oster la poupette, d'autant qu'elle semble endormie, elle monstre bien alhors, qu'encor qu'elle dorme pour tout le reste des choses elle ne dort pas neanmoins pour celle la; car elle apperçoit le mal de cette separation et s'en fasche, monstrant par la.

  A004001041 

 Elle n'a plus besoin de s'amuser a discourir par l'entendement, car elle void d'une si douce veüe son Espoux present que les discours luy seroyent inutiles et superflus.

  A004001041 

 Que si mesme elle ne le void pas par l'entendement elle ne s'en soucie point, se contentant de le sentir pres d'elle par l'ayse et satisfaction que la volonté en reçoit.

  A004001041 

 [334] Hé, la Mere de Dieu, Nostre Dame et Maistresse, estant grosse, ne voyoit pas son divin Enfant, mais le sentant dedans ses entrailles sacrees, vray Dieu, quel contentement en ressentoit-elle! Et sainte Elizabetli, ne jouit-elle pas admirablement des fruitz de la divine presence du Sauveur, sans le voir, au jour de la tressainte Visitation? L'ame non plus n'a aucun besoin, en ce repos, de la memoire, car elle a present son Amant; elle n'a pas aussi besoin de l'imagination, car qu'est-il besoin de se representer en image, soit exterieure soit interieure, celuy de la presence duquel on jouit? De sorte qu'en fin c'est la seule volonté qui attire doucement, et comme en tettant tendrement, le lait de cette douce presence, tout le reste de l'ame demeurant en quietude avec elle, par la suavité du playsir qu'elle prend..

  A004001042 

 O Dieu eternel, quand par vostre douce presence vous jettes les odorans parfums dedans nos cœurs, parfums res-jouissans plus que le vin delicieux et plus que le miel, alhors toutes les puissances de nos ames entrent en un aggreable repos, avec un accoysement si parfait, qu'il n'y a plus aucun sentiment que celuy de la volonté, laquelle, comme l'odorat spirituel, demeure doucement engagee a sentir, sans s'en appercevoir, le bien incomparable d'avoir son Dieu present.

  A004001048 

 Et comme l'enfant qui, pour voir ou il a ses pieds, a osté sa teste du sein de sa mere, y retourne tout incontinent parce qu'il est fort mignard, ainsy faut il que si nous nous appercevons d'estre distraitz par la curiosité de sçavoir ce que nous faysons en l'orayson, soudain nous remettions nostre cœur en la douce et paysible attention de la presence de Dieu, de laquelle nous estions divertis.

  A004001048 

 Neanmoins il ne faut pas croire qu'il y ait aucun peril de perdre cette sacree quietude par les actions du cors ou de l'esprit qui ne se font ni par legereté ni par indiscretion; car, comme dit la bienheureuse Mere Therese, c'est une superstition d'estre si jaloux de ce repos, que de ne vouloir ni tousser, ni cracher, ni respirer, de peur de le perdre: d'autant que Dieu qui donne cette paix, ne l'oste pas pour telz mouvemens necessaires, ni pour les distractions et divagations de l'esprit quand elles sont involontaires; et la volonté estant une fois bien amorcee a la presence divine ne laisse pas d'en savourer les douceurs, quoy que l'entendement ou la memoire se soyent eschappés et desbandés apres des pensees estrangeres et inutiles..

  A004001049 

 Certes, nous avons veu une ame extremement attachee et jointe a son Dieu, laquelle neanmoins avoit l'entendement et la memoire tellement [337] libre de toute occupation interieure, qu'elle entendoit fort distinctement ce qui se disoit autour d'elle et s'en resouvenoit fort entierement, encor qu'il luy fut impossible de respondre ni de se desprendre de Dieu, auquel elle estoit attachee par l'application de sa volonté.

  A004001050 

 Et notés qu'alhors la volonté retenue en quietude par le playsir qu'elle prend en la presence divine, elle ne se remue point pour ramener les autres puissances qui s'esgarent; d'autant que si elle vouloit entreprendre cela elle perdroit son repos, s'esloignant de son cher Bienaymé, et perdroit sa peyne de courir ça et la pour attrapper ces puissances volages, lesquelles aussi bien ne peuvent jamais estre si utilement appellees a leur devoir que par la perseverance de la volonté en la sainte quietude, car petit a petit toutes les facultés sont attirees par le playsir que [338] la volonté reçoit et duquel elle leur donne certains ressentimens, comme des parfums, qui les excitent a venir aupres d'elle pour participer au bien dont elle jouit..

  A004001050 

 Mays pourtant la paix de l'ame seroit bien plus grande et plus douce si on ne faysoit point de bruit autour d'elle et qu'elle n'eust aucun sujet de se mouvoir ni quant au cœur ni quant au cors, car elle voudroit bien estre toute occupee en la suavité de cette presence divine; mais ne pouvant quelquefois s'empescher d'estre divertie es autres facultés, elle conserve au moins la quietude en la volonté, qui est la faculté par laquelle elle reçoit la jouissance du bien.

  A004001054 

 Suivant ce que nous avons dit, la sainte quietude a donq divers degrés: car quelquefois elle est en toutes les puissances de l'ame, jointes et unies a la volonté; quelquefois elle est seulement en la volonté, en laquelle elle est aucunes fois sensiblement et d'autres fois imperceptiblement, d'autant qu'il arrive parfois que l'ame tire un contentement incomparable de sentir, par certaines douceurs interieures, que Dieu luy est present, comme il advint a sainte Elizabeth quand Nostre Dame la visita; et d'autres fois l'ame a une certaine ardente suavité d'estre en la presence de Dieu, laquelle pour lhors luy est imperceptible, comme il advint aux disciples pelerins qui ne s'apperceurent bonnement de l'aggreable playsir dont ilz estoyent touchés, marchans avec Nostre Seigneur, sinon quand ilz furent arrivés et qu'ilz l'eurent reconneu en la divine fraction du pain..

  A004001055 

 Et d'autres fois elle sent parler l'Espoux, mais elle ne sçauroit luy parler, parce que l'ayse de l'ouïr ou la reverence qu'elle luy porte la tient en silence, ou bien parce qu'elle est en secheresse et tellement alangourie d'esprit qu'elle n'a de force que pour ouïr et non pas pour parler; comme il arrive corporellement quelquefois a ceux qui commencent a s'endormir ou qui sont grandement affoiblis par quelque maladie..

  A004001055 

 Quelquefois, non seulement l'ame s'apperçoit de la presence de Dieu, mais elle l'escoute parler par certaines clartés et persuasions interieures qui tiennent lieu de paroles.

  A004001056 

 Et remarqués, je vous prie, qu'il faut plus de soin pour se mettre en la presence de Dieu que pour y demeurer lhors que l'on s'y est mis, car pour s'y mettre il faut appliquer sa pensee et la rendre actuellement attentive a cette presence, ainsy que je le dis en l' Introduction; mais quand on s'est mis en cette presence, on s'y tient par plusieurs autres moyens, tandis que, soit par l'entendement, soit par la volonté, on fait quelque chose en Dieu ou pour Dieu: comme, par exemple, le regardant, ou quelque chose pour l'amour de luy; l'escoutant, ou ceux qui parlent pour luy; parlant a luy, ou a quelqu'un pour l'amour de luy, et faisant quelqu'œuvre, quelle qu'elle soit, pour son honneur et service.

  A004001056 

 Imagines vous, Theotime, que le glorieux apostre saint Jean eust dormi d'un sommeil corporel sur la poitrine de son cher Seigneur en la sainte cene, et qu'il se fust endormi par le.

  A004001057 

 Et quoy donques! conclueroit on, tu ne desires rien sinon d'estre une immobile statue la dedans cette creuse niche? Non certes, diroit en fin cette sage statue, non, je ne veux rien estre sinon une statue, et tous-jours dedans cette niche tandis que mon sculpteur le voudra, me contentant d'estre ici et ainsy, puisque c'est le contentement de celuy a qui je suis et par qui je suis ce que je suis..

  A004001058 

 Ouy certes, Theotime, car si nous l'aymons, nous nous endormons non seulement a sa veue mais a son gré, et non seulement par sa volonté mais selon sa volonté; et semble que ce soit luy mesme, nostre Createur et Sculpteur celeste, qui nous jette la sur nos litz, comme des statues dans leurs niches, affin que nous nichions dans nos litz comme les oyseaux couchent dans leurs nids; puis a nostre resveil, si nous y pensons bien, nous treuvons que Dieu nous a tous-jours esté present, et que nous ne nous sommes pas non plus esloignés ni separés de luy.

  A004001059 

 Or cette quietude en laquelle la volonté n'agit que par un tres simple acquiescement au bon playsir divin, voulant estre en l'orayson sans aucune pretention que d'estre a la veue de Dieu selon qu'il luy plaira, c'est une quietude souverainement excellente, d'autant qu'elle est pure de toute sorte d'interest, les facultés de l'ame n'y prenant aucun contentement, ni mesme la volonté, sinon en sa supreme pointe, en laquelle elle se contente de n'avoir aucun autre contentement sinon celuy d'estre [342] sans contentement, pour l'amour du contentement et bon playsir de son Dieu, dans lequel elle se repose.

  A004001064 

 L'ame n'en est pas de mesme par nature, car elle a ses figures et ses bornes propres: elle a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes par sa propre volonté; et quand elle est arrestee a ses inclinations et volontés propres, nous disons qu'elle est dure, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, c'est a dire, je vous [343] osteray vostre obstination.

  A004001066 

 Et comme nous voyons que les nuees espaissies par le vent de midy, se fondant et convertissant en pluie ne peuvent plus demeurer en elles mesmes, ains tumbent et s'escoulent en bas, se meslant si intimement avec la terre qu'elles destrempent qu'elles ne sont plus qu'une mesme chose avec icelle, ainsy l'ame laquelle, quoy qu'amante, demeuroit encor en elle mesme, sort par cet escoulement sacré et fluidité sainte, et se quitte soy mesme, non seulement pour s'unir au Bienaymé, mais pour se mesler toute et se destremper avec luy..

  A004001066 

 Mays comme se fait cet escoulement sacré de l'ame en son Bienaymé? Une extreme complaysance de l'amant en la chose aymee produit une certaine impuissance spirituelle qui fait que l'ame ne se sent plus aucun pouvoir de demeurer en soy mesme; c'est pourquoy, comme un baume fondu, qui n'a plus de fermeté ni de solidité, elle se laisse aller et escouler en ce qu'elle [345] ayme: elle ne se jette pas par maniere d'eslancement ni elle ne se serre pas par maniere d'union, mais elle se va doucement coulant, comme une chose fluide et liquide, dedans la Divinité qu'elle ayme.

  A004001067 

 Vous voyes donq bien, Theotime, que l'escoulement d'une ame en son Dieu n'est autre chose qu'une veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors des bornes de son maintien naturel, toute meslee, absorbee et engloutie en son Dieu: dont il arrive que ceux qui parviennent a ce saint exces de l'amour divin, estans par apres revenuz a eux, ne voyent rien en la terre qui les contente, et vivans en un extreme aneantissement d'eux mesmes demeurent fort alangouris en tout ce qui appartient aux sens, et ont perpetuellement au cœur la maxime de la bienheureuse vierge Therese de Jesus: «Ce qui n'est pas Dieu ne m'est rien.» Et semble que telle fut la passion amoureuse de ce grand ami du Bienaymé, qui disoit: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy; et: Nostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A004001072 

 Les autres affections entrent voirement aussi, mais c'est par l'entremise de l'amour, car c'est luy qui, perçant le cœur, leur fait le passage; ce n'est que la pointe du dard qui blesse, le reste aggrandit seulement la blesseure et la douleur..

  A004001073 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains si bien serrés et rangés, et par leurs belles couronnes, representent naifvement, ainsy que dit saint Gregoire, la tressainte charité, toute vermeille a cause de son ardeur envers Dieu, comblee de toute la varieté des vertus, et qui seule obtient et porte la couronne des recompenses eternelles; mays le suc des grenades, qui, comme nous sçavons, est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé d'aigreur et de douceur, qu'on ne sçauroit discerner s'il res-jouit le goust ou bien parce qu'il a son aigreur doucette, ou bien parce qu'il a une douceur aigrette.

  A004001073 

 Or s'il blesse, il donne par consequent de la douleur.

  A004001074 

 Mays puisque l'amour est enfant de la complaysance, comme peut il blesser et donner de la douleur? Quelquefois l'objet bienaymé est absent; et lhors, mon [348] cher Theotime, l'amour blesse le cœur par le desir qu'il excite, lequel ne pouvant estre assouvi tourmente grandement l'esprit.

  A004001074 

 piqué un enfant, certes, vous auries beau luy dire: ah, mon enfant, l'abeille qui t'a piqué c'est celle la mesme qui fait le miel que tu treuves si bon; car, il est vray, diroit-il, son miel est bien doux a mon goust, mais sa piqueure est bien douloureuse, et tandis que son eguillon est dedans ma joüe je ne puis m'accoyser; et ne voyes vous pas que ma face en est toute enflee? Theotime, certes l'amour est une complaysance, et par consequent il est fort aggreable, pourveu qu'il ne laisse point dedans nos cœurs l'eguillon du desir; mais quand il le laisse, il laisse avec iceluy une grande douleur.

  A004001075 

 O miserable que je suis, disoit l'un de ceux qui ont experimenté ce travail, qui me delivrera du cors de cette mortalité? Alhors, si vous y prenes garde, Theotime, ce n'est pas le desir d'une chose absente qui blesse le cœur, car l'ame sent que son Dieu est present, il l'a des-ja menee dans son cellier a vin, il a arboré sur son cœur l'estendart de l'amour; mays quoy que des-ja il la voye toute sienne, il la presse, et descoche de tems en tems mille et mille traitz de son amour, luy monstrant par des nouveaux moyens combien il est plus aymable qu'il n'est aymé: et elle, qui n'a pas tant de force pour l'aymer que d'amour pour s'efforcer, voyant ses effortz si imbecilles en comparayson du desir qu'elle a pour aymer dignement Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent outree d'un tourment incomparable; car, autant d'eslans qu'elle fait pour voler plus haut en son desirable amour, autant reçoit-elle de secousses de douleur..

  A004001077 

 Vray Dieu, Theotime, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont en Paradis, voyans que Dieu est encor plus aymable qu'ilz ne l'ayment, pasmeroyent et periroyent eternellement du desir de l'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu n'imposoit a la leur le repos admirable dont elle jouit; car ilz ayment si souverainement cette souveraine volonté, que son vouloir arreste le leur et le contentement divin les contente, acquiesçans d'estre bornés en leur amour par la volonté mesme de laquelle la bonté est l'object de leur amour.

  A004001081 

 Le pellican fait son nid en terre, dont les serpens viennent souvent piquer ses petitz: or quand cela arrive, le pellican, comme un excellent medecin naturel, de la pointe de son bec blesse de toutes pars ces pauvres poussins, pour avec le sang faire sortir le venin que la morseure des serpens a respandu par tous les endroitz de leurs cors; et pour faire sortir tout le venin il laisse sortir tout le sang, et par consequent il laisse ainsy mourir cette petite trouppe pellicane; mais les voyans mortz il se blesse soy mesme, et respandant son sang sur eux il les vivifie d'une nouvelle et plus pure vie: son amour les a blessés, et soudain par ce mesme amour il se blesse soy mesme.

  A004001084 

 Quelquefois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir que nous avons d'avoir esté jadis sans aymer Dieu: «O que tard je vous ay aymé, Beauté antique et nouvelle!» disoit ce Saint qui avoit esté trente ans heretique.

  A004001085 

 L'amour mesme nous blesse quelquefois par la seule consideration de la multitude de ceux qui mesprisent l'amour de Dieu, si que nous pasmons de detresse pour ce sujet, comme faysoit celuy qui disoit: Mon zele, o Seigneur, m'a fait secher de douleur parce que mes ennemis n'ont pas gardé ta loy.

  A004001086 

 Mays, comme que ce soit, cecy est admirable es blesseures receües par le divin amour, que la douleur en est aggreable; et tous ceux qui la sentent y consentent, et ne voudroyent pas changer cette douleur a toute la douceur de l'univers.

  A004001090 

 Et en fin c'est sa vie que d'estre «tous-jours indigent,» car si une fois il est rassasié il n'est plus ardent, et par consequent il n'est plus amour..

  A004001090 

 Mais outre cela, l'amour, quand il est vehement, porte si impetueusement l'ame en la chose aymee et l'occupe si fortement, qu'elle manque a toutes ses autres operations, tant sensitives qu'intellectuelles; si que, pour nourrir cet amour et le seconder, il semble que l'ame abandonne tout autre soin, tout autre exercice et soy mesme encores: dont Platon a dit que l'amour estoit «pauvre, deschiré, nud, deschaux, chetif, sans mayson, couchant dehors sur la dure, es portes, tous-jours indigent.» Il est «pauvre,» parce qu'il fait quitter tout pour la chose aymee; il est « sans mayson,» parce qu'il fait sortir l'ame de son domicile pour suivre tous-jours celuy qui est aymé; il est «chetif,» pasle, maigre et desfait, parce qu'il fait perdre le sommeil, le boire et le manger; il est «nud et deschaux,» parce qu'il fait quitter toutes autres affections pour prendre celles de la chose aymee; il couche «dehors sur la dure,» parce qu'il fait demeurer a descouvert le cœur qui ayme, luy faisant manifester ses passions par des souspirs, plaintes, louanges, soupçons, jalousies; il est tout estendu comme un gueux «aux portes,» parce qu'il fait que l'amant est perpetuellement attentif aux yeux et a la bouche de la chose qu'il ayme, et tous-jours attaché a ses oreilles pour luy parler et mendier des faveurs desquelles il n'est jamais assouvi: or, les yeux, les oreilles et la bouche sont les portes de l'ame.

  A004001092 

 Hé, ne prenes pas garde a mon teint, car je suis voirement brune, d'autant que mon Bienaymé, qui est mon soleil, a dardé les rayons de son amour sur moy; rayons qui esclairent par leur lumiere, mais qui par leur ardeur m'ont rendue haslee et noyrastre, et me touchant de leur splendeur ilz m'ont ostee ma couleur.

  A004001093 

 O Dieu, Theotime, si l'image d'Abraham [358] eslevant le coup de la mort sur son cher unique pour le sacrifier, image faite par un peintre mortel, eut bien le pouvoir toutefois d'attendrir et faire pleurer le grand saint Gregoire, Evesque de Nisse, toutes les fois qu'il la regardoit, hé, combien fut extreme l'attendrissement du grand saint François, quand il vid l'image de Nostre Seigneur se sacrifiant soy mesme sur la croix! image que non une main mortelle, mais la main maistresse d'un Seraphin celeste avoit tiree et effigiee sur son propre original, representant si vivement et au naturel le divin Roy des Anges, meurtri, blessé, percé, froissé, crucifié..

  A004001093 

 Qui pourroit jamais descrire les langueurs amoureuses des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, ou de sainte Angele de Foligni, ou de sainte Christine, ou de la bienheureuse Mere Therese, ou de saint Bernard, ou de saint François? Et quant a ce dernier, sa vie ne fut autre chose que larmes, souspirs, plaintes, langueurs, definemens, pasmaysons amoureuses; mais rien n'est si admirable en tout cela, que cette admirable communication que le doux Jesus luy fit de ses amoureuses et pretieuses douleurs, par l'impression de ses playes et stigmates.

  A004001094 

 Cette ame donques, ainsy amollie, attendrie et presque toute fondue en cette amoureuse douleur, se treuva par ce moyen extremement disposee a recevoir les impressions et marques de l'amour et douleur de son souverain Amant.

  A004001094 

 L'amour est admirable pour aiguiser l'imagination affin qu'elle penetre jusques a l'exterieur: les brebis de Laban, eschauffees d'amour, eurent l'imagination si forte qu'elle porta coup sur les petitz aigneletz desquelz elles estoyent pregnes, pour les faire blancz ou tachetés, selon les baguettes qu'elles regarderent dans les canaux esquelz on les abbreuvoit; et les femmes grosses, ayant l'imagination affinee par l'amour, impriment ce qu'elles desirent es cors de leurs enfans; une imagination [359] puissante fait blanchir un homme en une nuit, detraque sa santé et toutes ses humeurs..

  A004001095 

 La mirrhe produit sa stacte et premiere liqueur comme par maniere de sueur et de transpiration, mais affin qu'elle jette bien tout son suc il la faut ayder par l'incision: de mesme, l'amour divin de saint François parut en toute sa vie comme par maniere de sueur, car il ne respiroit en toutes ses actions que cette sacree dilection; mais pour en faire paroistre tout a fait l'incomparable abondance, le celeste Seraphin le vint inciser et blesser, et affin que l'on sceust que ces playes estoyent playes de l'amour du Ciel, elles furent faittes, non avec le fer, mays avec des rayons de lumiere.

  A004001095 

 Mais de faire les ouvertures en la chair par dehors, l'amour qui estoit dedans ne le pouvoit pas bonnement faire: c'est pourquoy l'ardent Seraphin venant au secours, darda des rayons d'une clarté si penetrante, qu'elle fit reellement les playes exterieures du Crucifix, en la chair, que l'amour avoit imprimees interieurement en l'ame.

  A004001097 

 Et en somme, comme penses-vous, Theotime, qu'une ame qui a une fois un peu a souhait tasté les consolations divines, puisse vivre en ce monde meslé de tant de miseres, sans douleur et langueur presque perpetuelle? On a maintefois ouy ce grand homme de Dieu, François Xavier, lançant sa voix au Ciel, lhors qu'il croyoit estre bien solitaire, en cette sorte: Hé, mon Seigneur, non, de grace, ne m'accablés pas d'une si grande affluence de consolations; ou si par vostre infinie bonté il vous plaist me faire ainsy abonder en delices, tirés-moy donq en Paradis, car, qui a une fois bien gousté en l'interieur vostre douceur il luy est force de vivre en amertume tandis qu'il ne jouit pas de vous.

  A004001097 

 Quand donques Dieu a donné un peu largement de ses divines douceurs a une ame et qu'il les luy oste, il la blesse par cette privation, et elle par apres demeure languissante, souspirant avec David:.


05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A005000015 

 Chapitre III. Du souverain degré d'union, par la suspension et ravissement.

  A005000022 

 Chapitre X. De ceux qui moururent par l'amour et pour l'amour divin.

  A005000027 

 De l'amour de conformité par lequel nous unissons nostre volonté a celle de Dieu qui nous est signifiee par ses commandemens conseilz et inspirations.

  A005000032 

 Chapitre V. De la conformité de nostre volonté a celle de Dieu, qui nous est signifiee par ses commandemens 33.

  A005000033 

 Chapitre VI. De la conformité de nostre volonté a celle que Dieu nous a signifiee par ses conseilz.

  A005000037 

 Chapitre X. Comme il se faut conformer a la volonté divine qui nous est signifiee par les inspirations, et premièrement de la variété des moyens par lesquelz Dieu nous inspire.

  A005000042 

 Livre neufviesme. De l'amour de sousmission par lequel nostre volonté s'unit au bon playsir de Dieu.

  A005000045 

 Chapitre III. De l'union de nostre volonté au bon playsir divin es afflictions spirituelles, par la résignation 52.

  A005000046 

 Chapitre IV. De l'union de nostre volonté au bon playsir de Dieu par l'indifference.

  A005000068 

 Chapitre IX. Confirmation de ce qui a esté dit, par une comparayson notable.

  A005000079 

 Chapitre II. Que l'amour sacré rend les vertus excellemment plus aggreables a Dieu qu'elles ne le sont par leur propre nature.

  A005000081 

 Chapitre IV. Comme le divin amour sanctifie encor plus excellemment les vertus quand elles sont prattiquees par son ordonnance et commandement.

  A005000157 

 Nous ne parlons pas icy de l'union generale du cœur avec son Dieu, mais de certains actes et mouvemens particuliers que l'ame recueillie en Dieu fait par maniere d'orayson, affin de s'unir et joindre de plus en plus a sa divine bonté.

  A005000158 

 Voyés donq ce beau petit enfant auquel sa mere assise presente son sein: il se jette de force entre les bras d'icelle, ramassant et pliant tout son petit cors dans ce giron et sur cette poitrine amiable; et voyés reciproquement sa mere, comme le recevant elle le serre, et, par maniere de dire, le colle a son sein et le baysant joint sa bouche a la sienne.

  A005000159 

 Ainsy donq, Theotime, Nostre Seigneur monstrant le tres aymable sein de son divin amour a l'ame devote, il la tire toute a soy, la ramasse, et, par maniere de dire, il replie toutes les puissances d'icelle dans le giron de [6] sa douceur plus que maternelle; puis, bruslant d'amour il serre l'ame, il la joint, la presse et colle sur ses levres de suavité et sur ses delicieuses mammelles, la baysant du sacré bayser de sa bouche et luy faisant savourer ses tetins meilleurs que le vin.

  A005000161 

 Comme, par exemple, l'ame ayant longuement demeuré au sentiment d'union par lequel elle savoure doucement combien elle est heureuse d'estre a Dieu, en fin accroissant cette union par un serrement et eslan cordial: Ouy, Seigneur, dira-elle, je suis vostre, toute, toute, toute, sans exception; ou bien: Hé, Seigneur, je le suis certes, et je le veux estre tous-jours plus; ou bien, par maniere de priere: O doux Jesus, hé tirés-moy tous-jours plus avant dans vostre cœur, affin que vostre amour m'engloutisse et que je sois du tout abismee en sa douceur..

  A005000161 

 Et si vous prenes garde aux petitz enfans [7] unis et jointz aux tetins de leurs meres, vous verres que de tems en tems ilz se pressent et serrent par des petite eslans que le playsir de tetter leur donne; ainsy, en l'orayson, le cœur uni a son Dieu fait maintefois certaines recharges d'union, par des mouvemens avec lesquelz il se serre et presse davantage en sa divine douceur.

  A005000161 

 Or, en l'orayson, l'union se fait souvent par maniere de petitz mais frequens eslancemens et avancemens de l'ame en Dieu.

  A005000162 

 Mais d'autres fois l'union se fait, non par des eslancemens repetés, ains par maniere d'un continuel insensible pressement et avancement du cœur en la divine bonté; car, comme nous voyons qu'une grande et pesante masse de plomb, d'airain ou de pierre, quoy qu'on ne la pousse point, se serre, enfonce et presse tellement contre la terre sur laquelle elle est posee, qu'en fin avec le tems on la treuve toute enterree, a cause de l'inclination de son poids qui par sa pesanteur la fait tous-jours tendre au centre, ainsy nostre cœur estant une fois joint a son Dieu, s'il demeure en cette union et que rien ne l'en divertisse, il va s'enfonçant continuellement, par un insensible progres d'union, jusques a ce qu'il soit tout en Dieu, a cause de l'inclination sacree que le saint amour luy donne, de s'unir tous-jours davantage a la souveraine bonté: car, comme dit le grand apostre de France, «l'amour est une vertu unitive,» c'est a dire, qui nous porte a la parfaite union du souverain bien.

  A005000163 

 Ainsy un sentiment de dilection, comme par exemple: Que Dieu est bon! estant entré dedans le cœur, d'abord il fait l'union avec cette bonté; mais estant entretenu un peu longuement, comme un parfum pretieux il penetre de tous costés l'ame, il se respand et dilate dans nostre volonté, et, par maniere de dire, il s'incorpore avec nostre esprit, se joignant et serrant de toutes pars de plus en plus a nous et nous unissant a luy.

  A005000163 

 Et c'est ce que nous enseigne le grand David quand il compare les sacrees paroles au miel; car, qui ne sçait que la douceur du miel s'unit de plus en plus a nostre sens par un progres continuel de savourement, lhors que le tenans longuement en la bouche, ou que l'avalans tout bellement, sa saveur penetre plus avant le sens de nostre goust? Et de mesme ce sentiment de la bonté celeste, exprimé par cette parole de saint Bruno: O Bonté! ou par celle de saint Thomas: Mon [9] Seigneur et mon Dieu! ou par celle de Magdeleine: Hé mon Maistre! ou par celle de saint François: «Mon Dieu et mon tout!» ce sentiment, dis je, demeurant un peu longuement dedans un cœur amoureux, il se dilate, il s'estend et s'enfonce par une intime penetration en l'esprit, et de plus en plus le detrempe tout de sa saveur, qui n'est autre chose qu'accroistre l'union; comme fait l'onguent pretieux ou le baume, qui, tumbant sur le coton, se mesle et s'unit tellement de plus en plus, petit a petit, avec iceluy, qu'en fin on ne sçauroit plus dire si le coton est parfumé ou s'il est parfum, ni si le parfum est coton ou le coton parfum.

  A005000163 

 Et le cœur humain, transplanté du monde en Dieu par le celeste amour, s'il s'exerce fort en l'orayson, certes, il s'estendra continuellement et se serrera a la Divinité s'unissant de plus en plus a sa bonté, mais par des accroissemens imperceptibles, desquelz on ne remarque pas bonnement le progres tandis qu'il se fait, ains quand il est fait.

  A005000163 

 Si vous beuves quelqu'exquise liqueur, par exemple, de l'eau imperiale, la simple union d'icelle avec vous se fera a mesme que vous la recevres, car la reception et l'union sont une mesme chose en cet endroit; mais par apres, petit a petit, cette union s'aggrandira par un progres imperceptiblement sensible, car la vertu de cette eau, penetrant de toutes pars, confortera le cerveau, revigorera le cœur et estendra sa force sur tous vos espritz.

  A005000168 

 L'union se fait quelquefois sans que nous y cooperions, sinon par une simple suite, nous laissans unir sans resistance a la divine bonté; comme un petit enfant amoureux du sein de sa mere, mais tellement alangouri qu'il ne peut faire aucun mouvement pour y aller ni pour se serrer quand il y est, mais seulement est bien [10] ayse d'estre pris et tiré entre les bras de sa mere et d'estre pressé par elle sur sa poitrine..

  A005000169 

 Quelquefois nous cooperons, lhors qu'estans tirés nous courons volontier pour seconder la douce force de la bonté qui nous tire et nous serre a soy par son amour..

  A005000170 

 Car ainsy, lhors que nous voyons nostre esprit s'unir de plus en plus a Dieu sous des petitz effortz que nostre volonté fait, nous jugeons bien que nous avons trop peu de vent pour singler si fort, et qu'il faut que l'Amant de nos ames nous tire par l'influence secrette de sa grace, laquelle il veut nous estre imperceptible affin qu'elle nous soit plus admirable, et que, sans [11] nous amuser a sentir ses attraitz, nous nous occupions plus purement et simplement a nous unir a sa bonté..

  A005000170 

 Et quelquefois aussi, comme il nous a attirés insensiblement a l'union, il continue insensiblement a nous ayder et secourir, et nous ne sçavons comme une si grande union se fait, mais nous sçavons bien que nos forces ne sont pas asses grandes pour la faire: si que nous jugeons bien par la que quelque secrette puissance fait son insensible action en nous; comme les nochers qui portent du fer, lhors que, sous un vent fort foible, ilz sentent leurs vaysseaux singler puissamment, connoissent qu'ilz sont proches des montaignes de l'aymant qui les tirent imperceptiblement, et voyent en cette sorte un connoissable et perceptible avancement provenant d'un moyen inconneu et imperceptible.

  A005000170 

 Mais quand, suivans ses attraitz imperceptibles, nous commençons a nous unir a luy, il fait quelquefois le progres de nostre union, secourant nostre imbecillité et se serrant sensiblement luy mesme a nous: si que nous le sentons qu'il entre et penetre nostre cœur par une suavité incomparable.

  A005000171 

 D'autres fois nous sentons les serremens, l'union se faysant par des actions sensibles, tant de la part de Dieu que de la nostre..

  A005000172 

 Quelquefois l'union se fait par la seule volonté et en la seule volonté, et aucunes fois l'entendement y a sa part, parce que la volonté le tire apres soy et l'applique a son object, luy donnant un playsir special d'estre fiché a le regarder; comme nous voyons que l'amour respand une profonde et speciale attention en nos yeux corporelz pour les arrester a voir ce que nous aymons..

  A005000173 

 Quelquefois cette union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent toutes autour de la volonté, non pour s'unir elles mesmes a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour donner plus de commodité a la volonté de faire son union; car si les autres facultés estoyent appliquees une chacune a son object propre, l'ame, operant par icelles, ne pourroit pas si parfaitement s'employer a l'action par laquelle l'union se fait avec Dieu.

  A005000175 

 Et affin qu'on sçache que si on la tire un peu fortement par la volonté, toutes les puissances de l'ame se porteront a l'union: Tirés moy, dit-elle, et nous courrons; l'Espoux n'en tire qu'une, et plusieurs courent a l'union; la volonté est la seule que Dieu veut, mais toutes les autres puissances courent apres elle pour estre unies a Dieu avec elle..

  A005000175 

 Et pour monstrer que tous-jours toute l'union se fait par la grace de Dieu, qui nous tire a soy et par ses attraitz esmeut nostre ame et anime le mouvement de nostre union envers luy, elle s'escrie, comme toute impuissante: Tirés moy; mais pour tesmoigner qu'elle ne se laissera pas tirer comme une pierre ou comme un forçat, ains qu'elle cooperera de [13] son costé et meslera son foible mouvement parmi les puissans attraitz de son Amant: nous courrons, dit-elle, a l'odeur de vos parfums.

  A005000175 

 Mais ailleurs elle confesse d'estre prevenue, disant: Mon cher Ami est tout a moy, et moy je suis toute sienne; nous faysons une sainte union, par laquelle il se joint a moy, et moy je me joins a luy.

  A005000177 

 O Dieu, quel exemple d'union excellente! Il s'estoit joint a nostre nature humaine par grace, comme une vigne a son ormeau, pour la rendre aucunement participante de son fruit; mays voyant que cette union s'estoit desfaite par le peché d'Adam, il fit une union plus serree et pressante en l'Incarnation, par laquelle la nature humaine demeure a jamais jointe en unité de personne a la Divinité; et affin que non seulement la nature humaine, mais tous les hommes peussent s'unir intimement a sa bonté, il institua le Sacrement de la tressainte Eucharistie, auquel un chacun peut participer pour unir son Sauveur a soy mesme, reellement et par maniere de viande.

  A005000181 

 Soit donques que l'union de nostre ame avec Dieu se face imperceptiblement, soit qu'elle se face perceptiblement, Dieu en est tous-jours l'autheur, et nul ne peut s'unir a luy s'il ne va a luy, ni nul ne peut aller a luy s'il n'est tiré par luy, comme tesmoigne le divin Espoux, disant: Nul ne peut venir a moy sinon que mon Pere le tire; ce que sa celeste Espouse proteste aussi, disant: Tirés moy, nous courrons a l'odeur de vos parfums..

  A005000183 

 Hé, ce ne sont pas les allegresses que je cherche, c'est luy mesme; et par tout mon cœur amoureux me fait rechercher d'estre unie a cet aymable Enfant, mon cher Bienaymé.

  A005000184 

 Et cet effect de l'amour fut mesme prattiqué entre David et Jonathas, car il est dit que l'ame de Jonathas fut collee a celle de David: aussi est-ce un axiome celebré par les anciens Peres, que l'amitié qui peut finir ne fut jamais vraye amitié, ainsy que j'ay dit ailleurs..

  A005000184 

 Mais quand l'union de l'ame avec Dieu est grandement tres estroitte et tres serree, elle est appellee par les theologiens inhesion ou adhesion, parce que par icelle l'ame demeure prise, attachee, collee et affigee a la divine Majesté, en sorte que malaysement peut elle s'en desprendre et retirer.

  A005000184 

 Voyés, je vous prie, cet homme pris et serré par attention a la suavité d'une harmonieuse musique, ou bien (ce qui est extravagant) a la niaiserie d'un jeu de cartes: vous l'en voules retirer et vous ne pouves, quelles affaires qu'il ayt au logis on ne le peut arracher, il en perd mesme le boire et le manger.

  A005000185 

 Ainsy l'ame laquelle, par l'exercice de l'union, est parvenue jusques a demeurer prise et attachee a la divine Bonté, n'en peut estre tiree presque que par force et avec beaucoup de douleur; on ne la peut faire desprendre: si on destourne son imagination, elle ne laisse pas de se tenir prise par son entendement; que si on tire son entendement, elle se tient attachee par la volonté; et si on la fait encor [17] abandonner de la volonté par quelque distraction violente, elle se retourne de moment en moment du costé de son cher object, duquel elle ne se peut du tout desprendre, renouant tant qu'elle peut les doux liens de son union avec luy par des frequens retours qu'elle fait, comme a la desrobbee; experimentant en cela la peyne de saint Paul, car elle est pressee de deux desirs: d'estre delivree de toute occupation exterieure pour demeurer en son interieur avec Jesus Christ, et d'aller neanmoins a l'œuvre de l'obeissance que l'union mesme avec Jesus Christ luy enseigne estre requise..

  A005000187 

 Or, nous ne parlons pas de cette union qui est permanente en nous par maniere d'habitude, soit que nous dormions, soit que nous veillions; nous parlons de l'union qui se fait par l'action et qui est un des exercices de la charité et dilection.

  A005000188 

 Au demeurant, cet exercice de l'union avec Dieu se peut mesme prattiquer par des courtz et passagers mais frequens eslans de nostre cœur en Dieu, par maniere d'oraysons jaculatoires faites a cette intention: Ah, Jesus, qui me donnera la grace que je sois un seul esprit avec vous! En fin, Seigneur, rejettant la multiplicité des creatures, je ne veux que vostre unité! O Dieu, vous estes le seul un et la seule unité necessaire a mon ame! Helas, cher Ami de mon cœur, unisses ma pauvre unique ame a vostre tres unique bonté.

  A005000192 

 Et bien que les attraitz par lesquelz nous sommes attirés de la part de Dieu soyent admirablement doux, suaves et delicieux, si est-ce qu'a cause de la force que la beauté et bonté divine a pour tirer a soy l'attention et application de l'esprit, il semble que non seulement elle nous esleve, mays qu'elle nous ravit et emporte; comme au contraire, a rayson du tres volontaire consentement et ardent mouvement par lequel l'ame ravie s'escoule apres les attraitz divins, il semble que non seulement elle monte et s'esleve, mais qu'elle se jette et s'eslance hors de soy en la Divinité mesme.

  A005000192 

 Et c'en est de mesme en la tres infame extase ou abominable ravissement qui arrive a l'ame lhors que, par les amorces des playsirs brutaux, elle est mise hors de sa propre dignité spirituelle et au dessous de sa condition naturelle: car, entant que volontairement elle suit cette malheureuse volupté et se precipite hors de soy mesme, c'est a dire hors de l'estat spirituel, on dit qu'elle est en l'extase sensuelle; mais entant que les [20] appatz et allechemens sensuelz la tirent puissamment et, par maniere de dire, l'entraisnent dans cette basse et vile condition, on dit qu'elle est ravie et emportee hors de soy mesme, parce que ces voluptés bestiales la demettent de l'usage de la rayson et intelligence avec une si furieuse violence que, comme dit l'un des plus grans philosophes, l'homme estant en cet accident semble estre tumbé en epilepsie, tant l'esprit demeure absorbé et comme perdu.

  A005000192 

 L'extase s'appelle ravissement, d'autant que par icelle Dieu nous attire et esleve a soy; et le ravissement s'appelle extase, entant que par iceluy nous sortons et demeurons hors et au dessus de nous mesmes pour nous unir a Dieu.

  A005000193 

 L'admiration se fait en nous par le rencontre d'une verité nouvelle que nous ne connoissions pas ni n'attendions pas de connoistre; et si a la nouvelle verité que nous rencontrons est jointe la beauté et bonté, l'admiration qui en provient est grandement delicieuse.

  A005000193 

 Mais, mon cher Theotime, quant aux extases sacrees, elles sont de trois sortes: l'une est de l'entendement, l'autre de l'affection, et la troisiesme de l'action; l'une est en la splendeur, l'autre en la ferveur, et la troisiesme en l'œuvre; l'une se fait par l'admiration, l'autre par la devotion, et la troisiesme par l'operation.

  A005000193 

 Quand donq il plait a la divine Bonté de donner a nostre entendement quelque speciale clarté, par le moyen de laquelle il vienne a contempler les mysteres divins d'une contemplation extraordinaire et fort relevee, alhors, voyant plus de beauté en iceux qu'il n'avoit peu s'imaginer, il entre en admiration..

  A005000194 

 Et d'autant que cette admiration, quand elle est forte, nous tient hors et au dessus de nous mesmes par la vive attention et application de nostre entendement aux choses celestes, elle nous porte par consequent en l'extase..

  A005000198 

 Dieu attire les espritz a soy par sa souveraine beauté et incomprehensible bonté: excellences qui, toutes deux, ne sont neanmoins qu'une supreme Divinité, tres uniquement belle et bonne tout ensemble.

  A005000198 

 Tout se fait pour le bon et pour le beau, toutes choses regardent vers luy, sont meües et contenues par luy et pour l'amour de luy; le bon et le beau est desirable, aymable et cherissable a tous; pour luy toutes choses font et veulent tout ce qu'elles operent et veulent.

  A005000199 

 Ainsy Dieu, Pere de toute lumiere, souverainement bon et beau, par sa beauté attire nostre entendement a le contempler, et par sa bonté il attire nostre volonté a l'aymer.

  A005000200 

 Or, ce ravissement d'amour se fait sur la volonté en cette sorte: Dieu la touche par ces attraitz de suavité, et lhors, comme une eguille touchee par l'aymant se tourne et remue vers le pole, s'oubliant de son insensible condition, ainsy la volonté atteinte de l'amour celeste s'eslance et porte en Dieu, quittant toutes ses inclinations terrestres, entrant par ce moyen en un ravissement non de connoissance mais de jouissance, non d'admiration mais d'affection, non de science mais d'experience, non de veüe mais de goust et de savourement.

  A005000201 

 Et partant, le malin esprit peut extasier, s'il faut ainsy parler, et ravir l'entendement, luy representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent eslevé et suspendu au dessus de ses forces naturelles, et par telles clartés il peut encor donner a la volonté quelque sorte d'amour vain, mol, tendre et imparfait, par maniere de complaysance, satisfaction et consolation sensible; mais de donner la vraye extase de la volonté, par laquelle elle s'attache uniquement et puissamment a la Bonté divine, cela n'appartient qu'a cet Esprit souverain par lequel la charité de Dieu est respandue dedans nos cœurs..

  A005000201 

 Toutefois, les deux extases, de l'entendement et de la volonté, ne sont pas tellement appartenantes l'une a l'autre que l'une ne soit bien souvent sans l'autre: car, [24] comme les philosophes ont eu plus de la connoissance que de l'amour du Createur, aussi les bons Chrestiens en ont maintefois plus d'amour que de connoissance; et par consequent l'exces de la connoissance n'est pas tous-jours suivi de celuy de l'amour, non plus que l'exces de l'amour n'est pas tous-jours accompaigné de celuy de la connoissance, ainsy que j'ay remarqué ailleurs.

  A005000205 

 Les philosophes mesmes ont reconneu certaines especes d'extases naturelles faites par la vehemente application de l'esprit a la consideration des choses plus relevees.

  A005000208 

 Ne point desrobber, ne point mentir, ne point commettre de luxure, prier Dieu, ne point jurer en vain, aymer et honnorer son pere, ne point tuer, c'est vivre selon la rayson naturelle de l'homme; mais quitter tous nos biens, aymer la pauvreté, l'appeller et tenir en qualité de tres delicieuse maistresse, tenir les opprobres, mespris, abjections, persecutions, martyres pour des felicités et beatitudes, se contenir dans les termes d'une tres absolue chasteté, et en fin, vivre emmi le monde et en cette vie mortelle contre toutes les opinions et maximes du monde et contre le courant du fleuve de cette vie, par des ordinaires resignations, renoncemens et abnegations de nous mesmes, ce n'est pas vivre humainement, [27] mais surhumainement; ce n'est pas vivre en nous, mais hors de nous et au dessus de nous: et parce que nul ne peut sortir en cette façon au dessus de soy mesme si le Pere eternel ne le tire, partant cette sorte de vie doit estre un ravissement continuel et une extase perpetuelle d'action et d'operation..

  A005000209 

 Le phœnix est phœnix en cela, qu'il aneantit sa propre vie a la faveur des rayons du soleil, pour en avoir une plus douce et vigoureuse, cachant, par maniere de dire, sa vie sous les cendres; les bigatz et vers a soye changent leur estre, et de vers se font papillons; les abeilles naissent vers, puis deviennent nimphes, marchans sur leurs pieds, et en fin deviennent mousches volantes.

  A005000209 

 Or, Jesus Christ est nostre amour, et nostre amour est la vie de nostre ame: donques nostre vie est cachee en Dieu avec Jesus Christ; et quand Jesus Christ qui est nostre amour, et par consequent nostre vie spirituelle, viendra paroistre au jour du jugement, alhors nous apparoistrons avec luy en gloire, c'est a dire, Jesus Christ nostre amour nous glorifiera, nous communiquant sa felicité et splendeur..

  A005000213 

 Ainsy saint Ignace, au rapport de saint Denis, disoit que son amour estoit crucifié; comme s'il eust voulu dire: Mon amour naturel et humain, avec toutes les passions qui en dependent, est attaché sur la croix, je l'ay fait mourir comme un amour mortel qui faisoit vivre mon cœur d'une vie mortelle; et comme mon Sauveur fut crucifié et mourut selon sa vie mortelle pour resusciter a l'immortelle, aussi je suis mort avec luy sur la croix selon mon amour naturel, qui estoit la vie mortelle de mon ame, affin que je resuscitasse a la vie surnaturelle d'un amour qui, pouvant estre exercé au Ciel, est aussi par consequent immortel..

  A005000213 

 Ainsy, Theotime, l'amour est le premier acte et principe de nostre vie devote ou spirituelle, par lequel nous vivons, sentons et nous esmouvons, et nostre vie spirituelle est telle que sont nos mouvemens affectifz; et un cœur qui n'a point de mouvement et d'affection, il n'a point d'amour, comme au contraire un cœur qui a de l'amour n'est point sans mouvement affectif.

  A005000213 

 L'ame est le premier acte et principe de tous les mouvemens vitaux de l'homme, et, comme parle Aristote, elle est «le principe par lequel nous vivons, sentons et entendons:» dont il s'ensuit que nous connoissons la diversité des vies selon la diversité des mouvemens, en sorte mesme que les animaux qui n'ont point de mouvement naturel sont du tout sans vie.

  A005000213 

 Quand donq nous avons colloqué nostre amour en Jesus Christ, nous [29] avons, par consequent, mis en luy nostre vie spirituelle: or, il est caché maintenant en Dieu au Ciel comme Dieu fut caché en luy tandis qu'il estoit en terre; c'est pourquoy nostre vie est cachee en luy, et quand il paroistra en gloire, nostre vie et nostre amour paroistra de mesme avec luy en Dieu.

  A005000214 

 Car, quel bien peut avoir une ame d'estre ravie a Dieu par l'orayson, si en sa conversation et en sa vie elle est ravie des affections terrestres, basses et naturelles? Estre au dessus de soy mesme en l'orayson et au dessous de soy en la vie et operation, estre angelique en la meditation et bestial en la conversation, c'est clocher de part et d'autre, jurer en Dieu et jurer en Melchon, et en somme c'est une vraye marque que telz ravissemens et telles extases ne sont que des amusemens et tromperies du malin esprit.

  A005000214 

 Quand donques on void une personne qui en l'orayson a des ravissemens par lesquelz elle sort et monte au dessus de soy mesme en Dieu, et neanmoins n'a point d'extase en sa vie, c'est a dire ne fait point une vie relevee et attachee a Dieu, par abnegation des convoytises mondaines et mortification des volontés et inclinations naturelles, par une interieure douceur, simplicité, humilité, et sur tout par une continuelle charité, croyés, Theotime, que tous ses ravissemens sont grandement douteux et perilleux; ce sont ravissemens propres a faire admirer les hommes, mais non pas a les sanctifier.

  A005000215 

 Voyla deux hommes representés en un chacun de nous, Theotime, et par consequent deux vies: l'une du viel homme, qui est une vielle vie, comme on dit de l'aigle qui estant devenue vielle va traisnant ses plumes et ne peut plus prendre son vol; l'autre vie est de l' homme nouveau, qui est aussi une vie nouvelle, comme celle de l'aigle laquelle deschargee de ses vielles plumes qu'elle a secouees dans la mer, en prend des nouvelles, et s'estant rajeunie vole en la nouveauté de ses forces..

  A005000216 

 En la premiere vie nous vivons selon le viel homme, c'est a dire selon les defautz, foiblesses et infirmités que nous avons contractees par le peché de nostre premier pere Adam, et partant nous vivons au peché d'Adam, et nostre vie est une vie mortelle, ains la mort mesme; en la seconde vie nous vivons selon l' homme nouveau, c'est a dire selon les graces, faveurs, ordonnances et volontés de nostre Sauveur, et par consequent nous vivons au salut et a la redemption, et cette [31] nouvelle vie est une vie vive, vitale et vivifiante.

  A005000216 

 Mais quicomque veut parvenir a nouvelle vie, il faut qu'il passe par la mort de la vielle, crucifiant sa chair avec tous les vices et toutes les convoitises d'icelle, et l'ensevelissant sous les eaux du saint Baptesme ou de la pœnitence: comme Naaman qui noya et ensevelit dans les eaux du Jordain sa vielle vie ladresse et infecte, pour vivre une vie nouvelle, saine et nette.

  A005000221 

 Si un homme sçait d'estre aymé de qui [32] que ce soit, il est pressé d'aymer reciproquement; mais si c'est un homme vulgaire qui est aymé d'un grand seigneur, certes il est bien plus pressé; mais si c'est d'un grand monarque, combien est-ce qu'il est pressé davantage? Et maintenant, je vous prie, sachans que Jesus Christ, vray Dieu eternel, tout puissant, nous a aymés jusques a vouloir souffrir pour nous la mort, et la mort de la croix, o mon cher Theotime, n'est ce pas cela avoir nos coeurs sous le pressoir et les sentir presser de force, et en exprimer de l'amour par une violence et contrainte qui est d'autant plus violente qu'elle est toute aymable et amiable? Mais, comme est-ce que ce divin Amant nous presse? La charité de Jesus Christ nous presse, dit son saint Apostre, estimans ceci.

  A005000222 

 Vray Dieu, Theotime, que cette consequence est forte en matiere d'amour! Jesus Christ est mort pour nous, il nous a donné la vie par sa mort, [33] nous ne vivons que parce qu'il est mort, il est mort pour nous, a nous et en nous: nostre vie n'est donq plus nostre, mais a Celuy qui nous l'a acquise par sa mort; nous ne devons donq plus vivre a nous, mais a luy; non en nous, mais en luy; non pour nous, mais pour luy..

  A005000228 

 il nous a rendus siens par le Baptesme et nous a nourris tendrement selon le cœur et selon le cors, par un amour incomprehensible; et pour nous acquerir la vie il a supporté la mort, et nous a repeus de sa propre chair et de son propre sang.

  A005000233 

 L'amour est fort comme la mort: la mort separe l'ame du mourant d'avec son cors et d'avec toutes les choses du monde; l'amour sacré separe l'ame de l'amant d'avec son cors et d'avec toutes les choses du monde, et n'y a point d'autre difference sinon en ce que la mort fait tous-jours par effect ce que l'amour ne fait ordinairement que par l'affection.

  A005000233 

 Or je dis ordinairement Theotime, parce que quelquefois l'amour sacré est bien si violent, que mesme par effect il cause la separation du cors et de l'ame, faisant mourir les amans d'une mort tres heureuse, qui vaut mieux que cent vies..

  A005000234 

 Et combien de gens de bien void on mourir apoplectiques, lethargiques et en mille sortes fort subitement, et des autres mourir en resverie et frenesie hors de l'usage de rayson? et tous ceux ci, avec les enfans baptisés, sont decedés en grace, et par consequent en l'amour de Dieu..

  A005000235 

 En un homme dormant, il semble que toutes ses habitudes dorment avec luy, et qu'elles se resveillent aussi avec luy; ainsy donq, l'homme juste mourant subitement, ou accablé d'une mayson qui luy tumbe dessus, ou tué par le foudre, ou suffoqué d'un catherre, ou bien mourant hors de son bon sens par la violence de quelque fievre chaude, il ne meurt certes pas en l'exercice de l'amour divin, mais il meurt neanmoins en l'habitude d'iceluy; dont le Sage a dit: Le juste, s'il [37] est prevenu de la mort, il sera en refrigere; car il suffit pour obtenir la vie eternelle de mourir en l'estat et habitude de l'amour et charité..

  A005000236 

 Le bienheureux et venerable Bede, ayant sceu par revelation l'heure de son trespas, alla a Vespres (et c'est oit le jour de l'Ascension), et «se tenant debout, appuyé seulement aux accoudoirs de son siege, sans maladie quelconque, finit sa vie au mesme instant qu'il finit de chanter Vespres,» comme justement pour suivre son Maistre montant au Ciel, affin d'y jouir du beau matin de l'eternité qui n'a point de Vespres..

  A005000236 

 Saint Augustin mourut en l'exercice de la sainte contrition, qui n'est pas sans amour; saint Hierosme, exhortant ses chers enfans a l'amour de" Dieu, du prochain et de la vertu; saint Ambroyse, tout ravi, devisant doucement avec son Sauveur, soudain apres avoir receu le tres divin Sacrement de l'autel; saint Anthoyne de Padoüe, apres avoir recité un hymne a la glorieuse Vierge Mere, et parlant en grande joye avec le Sauveur; saint Thomas d'Acquin, joignant les mains, eslevant ses yeux au ciel, haussant fortement sa voix et prononçant par maniere d'eslan, avec grande ferveur, ces paroles du Cantique, qui estoyent les dernieres qu'il avoit exposees: Venes, o mon cher Bienaymé, et sortons ensemble aux chams.

  A005000237 

 Jean Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, homme si docte et si pieux, que, comme dit Sixtus Senensis, «on ne peut discerner s'il a surpassé sa [38] doctrine par la pieté ou sa pieté par la doctrine,» ayant expliqué les cinquante proprietés de l'amour divin marquees au Cantique des Cantiques, trois jours apres, monstrant un visage et un cœur fort vif, expira prononçant et repetant plusieurs fois, par maniere d'orayson jaculatoire, ces saintes paroles tirees du mesme Cantique: O Dieu, vostre dilection est forte comme la mort.

  A005000242 

 Ainsy, mon cher Theotime, quand l'ardeur du saint amour est grande, elle donne tant d'assautz au cœur, elle le blesse si souvent, elle luy cause tant de langueurs, elle le fond si ordinairement, elle le porte en des extases et ravissemens si frequens, que par ce moyen l'ame presque toute occupee en Dieu, ne pouvant fournir asses d'assistance a la nature pour faire la digestion et nourriture convenable, les forces animales et vitales commencent a manquer petit a petit, la vie s'accourcit et le trespas arrive..

  A005000242 

 Le regret quelquefois empesche si longuement les affligés de [40] boire, de manger et de dormir, qu'en fin, affoiblis et alangouris ilz meurent; et lhors, le vulgaire dit qu'ilz sont mortz de regret, mais ce n'est pas la verité, car ilz meurent de defaillance de forces et d'exinanition: il est vray que cette defaillance leur estant arrivee a cause du regret, il faut advoüer, que s'ilz ne sont pas mortz de regret, ilz sont mortz a cause du regret et par le regret.

  A005000247 

 L'ame attiree puissamment par les suavités divines de son Bienaymé, pour correspondre de son costé a ses doux attraitz, elle s'eslance de force et tant qu'elle peut devers ce desirable Ami attrayant; et ne pouvant tirer son cors apres soy, plustost que de s'arrester avec luy parmi les miseres de cette vie, elle le quitte et se separe, volant seule, comme une belle colombelle, dans le sein delicieux de son celeste Espoux: elle s'eslance en son Bienaymé, et son Bienaymé la tire et ravit a soy; et comme l'espoux quitte pere et mere pour se joindre a sa bienaymee, ainsy cette chaste espouse quitte la chair pour s'unir a son Bienaymé.

  A005000247 

 Or, c'est le plus violent effect que l'amour fasse en une ame, et qui requiert auparavant une grande nudité de toutes les affections qui peuvent tenir le cœur attaché ou au monde ou au cors; en sorte que, comme le feu ayant separé petit a petit l'essence de sa masse et l'ayant du tout espuree, fait en fin sortir la quintessence, aussi le saint amour [42] ayant retiré le cœur humain de toutes humeurs, inclinations et passions, autant qu'il se peut, il en fait par apres sortir l'ame, affin que par cette mort, pretieuse aux yeux divins, elle passe en la gloire immortelle..

  A005000247 

 Tous les esleuz donq, Theotime, meurent en l'habitude de l'amour sacré; mays quelques uns, outre cela, meurent en l'exercice de ce saint amour, les autres pour cet amour, et d'autres par ce mesme amour.

  A005000248 

 Le grand saint François, qui en ce sujet de l'amour celeste me revient tous-jours devant les yeux, ne pouvoit pas eschapper qu'il ne mourust par l'amour, a cause de la multitude et grandeur des langueurs, extases et defaillances que sa dilection envers Dieu luy donnoit; mais, outre cela, Dieu qui l'avoit exposé a la veüe de tout le monde comme un miracle d'amour, voulut que non seulement il mourust pour l'amour, ains qu'il mourust encor d'amour.

  A005000249 

 Sainte Magdeleyne ayant l'espace de trente ans demeuré en la grotte que l'on void encor en Provence, ravie tous les jours sept fois et eslevee en l'air par les Anges, comme pour aller chanter les sept Heures canoniques en leur chœur, en fin un jour de Dimanche elle vint a l'eglise, en laquelle son cher Evesque saint Maximin la treuvant en contemplation, les yeux pleins de larmes et les bras eslevés, il la communia; et tost apres elle rendit son bienheureux esprit, qui derechef alla pour jamais aux pieds de son Sauveur, jouir de [43] la meilleure part, qu'elle avoit des-ja choisie en ce monde..

  A005000250 

 Puis, estant revenu en sa chambre et remis dans son lit, apres s'estre asses longuement entretenu par l'orayson avec Nostre Seigneur, il exhorta saintement les assistans a servir Dieu de tout leur cœur; et en fin voyant les Anges venir a luy, prononçant avec extreme suavité ces paroles: Mon Dieu, je vous recommande mon ame et la remetz entre vos mains, il expira; et le pauvre medecin converti, le voyant ainsy trespassé, l'embrassant et fondant en larmes sur iceluy: «O grand Basile, serviteur de Dieu,» dit-il, «en verité, si vous eussies voulu, vous ne fussies non plus mort aujourd'huy qu'hier.» Qui ne void que cette mort fut toute d'amour? Et la bienheureuse Mere Therese de Jesus revela apres son trespas, qu'elle estoit morte d'un assaut et impetuosité d'amour, qui avoit esté si violent que, la nature ne le pouvant supporter, l'ame s'en estoit allee avec le bienaymé object de ses affections.

  A005000255 

 De Bethleem il alla en Bethabara, et passa jusques au petit lieu de Bethanie, ou, se resouvenant que Nostre Seigneur s'estoit devestu pour estre baptisé, il se despouilla aussi luy mesme, et entrant dans le Jordain, se lavant et beuvant des eaux d'iceluy, il luy estoit advis d'y voir son Sauveur recevant le Baptesme par la main de son Precurseur, et le Saint Esprit descendant visiblement sur iceluy sous la forme de colombe, avec les cieux encor ouvertz, d'ou, ce luy sembloit, descendoit la voix du Pere eternel disant: Cestuy cy est mon Filz bienaymé auquel je me complais.

  A005000256 

 De la il va sur la montaigne de Tabor, ou il void le Sauveur transfiguré; puis en la montaigne de Sion, ou il void, ce luy semble, encor, Nostre Seigneur agenouillé dans le Cenacle, lavant les pieds aux Disciples et leur distribuant par apres son divin Cors en la sacree Eucharistie.

  A005000256 

 Il passe le torrent de Cedron et va au jardin de Getsemani; ou son cœur se fond es larmes d'une tres aymable douleur lhors qu'il s'y represente son cher Sauveur suer le sang en cette extreme agonie qu'il y souffroit, puis, tost apres, lié, garrouté et mené en Hierusalem, ou il s'achemine aussi, suivant par tout les [46] traces de son Bienaymé; et le void en imagination traisné ça et la, chez Anne, chez Caïphe, chez Pilate, chez Herodes; fouetté, baffoué, craché, couronné d'espines, presenté au peuple, condamné a mort, chargé de sa croix, laquelle il porte, et la portant fait le pitoyable rencontre de sa Mere toute detrempee de douleur, et des dames de Hierusalem pleurantes sur luy.

  A005000256 

 Il regarde la pauvre sacree Vierge, toute transpercee du glaive de douleur; puis il tourne les yeux sur le Sauveur crucifié, duquel il escoute les sept paroles avec un amour nompareil, et en fin le void mourant, puis mort, puis recevant le coup de lance et monstrant par l'ouverture de la playe son cœur divin, puis osté de la croix et porté au sepulcre, ou il va le suyvant, jettant une mer de larmes sur les lieux detrempés du sang de son Redempteur; si que il entre dans le sepulcre et ensevelit son cœur aupres du cors de son Maistre..

  A005000258 

 Certes, un autre autheur presque du mesme aage, qui a celé son nom par humilité, mais qui seroit neanmoins digne d'estre nommé, en un livre qu'il a intitulé Miroüer des spirituelz, raconte une autre histoire encor plus admirable; car il dit qu'es quartiers de Provence, il y avoit un seigneur grandement addonné a l'amour de Dieu et a la devotion du tressaint Sacrement de l'autel.

  A005000262 

 Helas, combien de douceur, de charité et de misericorde furent exercees par ce bon Pere nourricier envers le Sauveur lhors qu'il nasquit petit enfant au monde! et qui pourroit donq croire, qu'iceluy sortant de ce monde, ce divin Filz ne luy rendist la pareille au centuple, le comblant de suavités celestes? Les cigoignes sont un vray portrait de la mutuelle pieté des enfans envers les peres et des peres envers les enfans; car, comme ce sont des oyseaux passagers, elles portent leurs peres et meres vieux, en leurs passages, ainsy qu'estant encor petites leurs peres et meres [49] les avoyent portees en mesme occasion.

  A005000262 

 Quand le Sauveur estoit encor petit enfant, le grand Joseph son Pere nourricier, et la tres glorieuse Vierge sa Mere, l'avoyent porté maintefois, et specialement au passage qu'ilz firent de Judee en Egypte et d'Egypte en Judee: hé, qui doutera donq que ce saint Pere, parvenu a la fin de ses jours, n'ayt reciproquement esté porté par son divin Nourrisson au passage de ce monde en l'autre, dans le sein d'Abraham, pour de la le transporter dans le sien, a la gloire, le jour de son Ascension? Un Saint qui avoit tant aymé en sa vie ne pouvoit mourir que d'amour; car son ame ne pouvant a souhait aymer son cher Jesus entre les distractions de cette vie, et ayant achevé le service qui estoit requis au bas aage d'iceluy, que restoit-il sinon qu'il dist au Pere eternel: O Pere, j'ay accompli l'œuvre que vous m'avies donnee en charge; et puis au Filz: O mon Enfant, comme vostre Pere celeste remit vostre cors entre mes mains au jour de vostre venue en ce monde, ainsy en ce jour de mon despart de ce monde je remetz mon esprit entre les vostres..

  A005000263 

 Car, a qui de tous les Seraphins appartient-il de dire au Sauveur: Vous estes mon vray Filz, et je vous ayme comme mon vray Filz? et a qui de toutes les creatures fut il jamais dit par le Sauveur: Vous estes ma vraye Mere et je vous ayme comme ma vraye Mere, vous estes ma vraye Mere toute mienne et je suis vostre vray Filz tout vostre? Si donques un serviteur amant osa bien dire, et le dit en verité, qu'il n'avoit point d'autre vie que celle de son Maistre, helas, combien hardiment et ardemment devoit exclamer cette Mere: Je n'ay point d'autre vie que la vie de mon Filz, ma vie est toute en la sienne, et la sienne toute en la mienne; car ce n'estoit plus union, ains unité de cœur, d'ame et de vie entre cette Mere et ce Filz..

  A005000263 

 Si les premiers Chrestiens furent ditz n'avoir qu' un cœur et une ame, a cause de leur parfaite mutuelle dilection; si saint Paul ne vivoit plus luy mesme, ains Jesus Christ vivoit en luy, a rayson de l'extreme union de son cœur a celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit comme morte en son cœur qu'elle animoit, pour vivre dans le cœur du Sauveur qu'elle aymoit; o [50] vray Dieu, combien est il plus veritable que la sacree Vierge et son Filz n'avoyent qu' une ame, qu' un cœur et qu'une vie, en sorte que cette sacree Mere, vivant ne vivoit pas elle, mais son Filz vivoit en elle! Mere la plus amante et la plus aymee qui pouvoit jamais estre; mays amante et aymee d'un amour incomparablement plus eminent que celuy de tous les ordres des Anges et des hommes, a mesure que les noms de Mere unique et de Filz unique sont aussi des noms au dessus de tous autres noms en matiere d'amour.

  A005000263 

 Telle, comme je pense, fut la mort de ce grand Patriarche, homme choisi pour faire les plus tendres et amoureux offices qui furent ni seront jamais faitz a l'endroit du Filz de Dieu, apres ceux qui furent pratiqués par sa celeste Espouse, vraye Mere naturelle de ce mesme Filz; de laquelle il est impossible d'imaginer qu'elle soit morte d'autre sorte de mort que de celle d'amour: mort la plus noble de toutes, et deue par consequent a la plus noble vie qui fut onques entre les creatures, mort de laquelle les Anges mesmes desireroyent de mourir s'ilz estoyent capables de mort.

  A005000263 

 production, de sorte que ce Filz et cette Mere furent unis d'une union d'autant plus excellente qu'elle a un nom different en amour par dessus tous les autres noms.

  A005000264 

 De mesme, Theotime, la Vierge Mere ayant assemblé en son esprit, par une tres vive et continuelle memoire, tous les plus aymables misteres de la vie et mort de son Filz, et recevant tous-jours a droit fil parmi cela les plus ardentes inspirations que son Filz, Soleil de justice, jettast sur les humains au plus fort du midi de sa charité, puis d'ailleurs faysant aussi de son costé un perpetuel mouvement de contemplation, en fin le feu sacré de ce divin amour la consuma toute, comme un holocauste de suavité; de sorte qu'elle en mourut, son ame estant toute ravie et transportee entre les bras de la dilection de son Filz.

  A005000270 

 Ainsy, pour l'ordinaire, les Saintz qui moururent d'amour sentirent une grande varieté d'accidens et symptomes de dilection, avant que d'en venir au trespas; force eslans, force assautz, force extases, force langueurs, force agonies, et sembloit que leur amour enfantast par effort et a plusieurs reprises leur bienheureuse mort: ce qui se fit a cause de la debilité de leur amour, non encores absolument parfait, qui ne pouvoit pas continuer sa dilection avec une egale fermeté.

  A005000270 

 Les estoiles sont merveilleusement belles a voir et jettent des clartés aggreables, mais si vous y aves pris garde, c'est par brillemens, estincellemens et eslans qu'elles produisent leurs rayons, comme si elles enfantoyent la lumiere avec effort, a diverses reprises; soit que leur clarté estant foible ne puisse pas agir si continuellement avec egalité, soit que nos yeux imbecilles ne fassent pas leur veüe constante et ferme a cause de la grande distance qui est entr'eux et ces astres.

  A005000271 

 Car, comme l'on void les grans fleuves faire des bouillons et rejaillissemens avec grand bruit es endroitz raboteux, esquelz les rochers font des bancs et escueilz qui s'opposent et empeschent l'escoulement des eaux, ou au contraire, se treuvans en la plaine ilz coulent et flottent doucement, sans effort; de mesme le divin amour treuvant es ames humaines plusieurs empeschemens et resistances, comme a la verité toutes en ont, quoy que differemment, il y fait des violences, combattant les mauvaises inclinations, frappant le cœur, poussant la volonté par diverses agitations et differens effortz, affin de se faire faire place ou du moins outrepasser ces obstacles.

  A005000271 

 Mays ce fut tout autre chose en la tressainte Vierge, car, comme nous voyons croistre la belle aube du jour, non a diverses reprises et par secousses, ains par une certaine dilatation et croissance continue qui est presqu'insensiblement sensible, en sorte que vrayement on la void croistre en clarté, mais si egalement que nul n'apperçoit aucune interruption, separation ou discontinuation de ses accroissemens, ainsy le divin amour croissoit a chasque moment dans le cœur virginal de nostre glorieuse Dame, mais par des croissances douces, paisibles et continues, sans agitation, ni secousse, ni violence quelcomque.

  A005000272 

 Je ne dis pas, Theotime, qu'en l'ame de la tressainte Vierge il n'y eut deux portions, et par consequent deux appetitz, l'un selon l'esprit et la rayson superieure, l'autre selon les sens et la rayson inferieure, en sorte qu'elle pouvoit sentir des repugnances et contrarietés de l'un a l'autre appetit; car ce travail se treuva mesme en Nostre Seigneur son Filz.

  A005000272 

 Mais je dis qu'en cette celeste Mere, toutes les affections estoyent si bien rangees et ordonnees, que le divin amour exerçoit en elle son empire et sa domination tres paisiblement, sans estre troublee par la diversité des volontés ou appetitz, ni par la contrarieté des sens, parce que les repugnances de l'appetit naturel ni les mouvemens des sens n'arrivoyent jamais jusques au peché, non pas mesme jusques au peché veniel; ains au contraire, tout cela estoit saintement et fidelement employé au service du saint amour pour l'exercice des autres vertus, lesquelles, pour la pluspart, ne peuvent estre prattiquees qu'entre les difficultés, oppositions et contradictions..

  A005000273 

 Ainsy la glorieuse Vierge ayant eu part a toutes les miseres du genre humain, exceptees celles qui tendent immediatement au peché, elle les employa tres utilement pour l'exercice et accroissement [55] des saintes vertus de force, temperance, justice et prudence, pauvreté, humilité, souffrance, compassion: de sorte qu'elles ne donnoyent aucun empeschement, ains beaucoup d'occasions a l'amour celeste de se renforcer par des continuelz exercices et avancemens; et, chez elle, Magdeleyne ne se divertit point de l'attention avec laquelle elle reçoit les impressions amoureuses du Sauveur, pour toute l'ardeur et sollicitude que Marthe peut avoir: elle a choisi l'amour de son Filz, et rien ne le luy oste..

  A005000274 

 Et c'est pourquoy, comme le fer s'il estoit quitte de tous empeschemens et mesme de sa pesanteur, seroit attiré fortement, mais doucement et d'une attraction egale, par l'aymant, en sorte neanmoins que l'attraction serait tous-jours plus active et plus forte a mesure que l'un seroit plus pres de l'autre et que le mouvement seroit [56] proche de sa fin, ainsy la tressainte Mere n'ayant rien en soy qui empeschast l'operation du divin amour de son Filz, elle s'unissoit avec iceluy d'une union incomparable, par des extases douces, paysibles et sans effort; extases esquelles la partie sensible ne laissoit pas de faire ses actions, sans donner pour cela aucune incommodité a l'union de l'esprit, comme reciproquement la parfaite application de son esprit ne donnoit pas fort grand divertissement aux sens.

  A005000274 

 L'aymant, comme chacun sçait, Theotime, tire naturellement a soy le fer par une vertu secrette et tres admirable; mais pourtant, cinq choses empeschent cette operation: 1.

  A005000282 

 Le vin frais rafraichit pour un tems ceux qui le boivent; mais soudain qu'il a esté eschauffé par l'estomach dans lequel il entre, il l'eschauffe reciproquement, et plus l'estomach luy donne de chaleur, plus il luy en rend.

  A005000283 

 Ainsy, a force de se plaire en Dieu, on devient conforme a Dieu, et nostre volonté se transforme en celle de la divine Majesté par la complaysance qu'elle y prend.

  A005000283 

 Or cette transformation se fait insensiblement par la complaysance, laquelle estant entree en nos cœurs en engendre une autre, pour donner a celuy de qui nous l'avons receüe.

  A005000284 

 Ainsy, les disciples d'Aristote se plaisoyent a parler begue comme luy, et ceux de Platon tenoyent les espaules courbees, a son imitation; telle femme s'est retreuvee, au recit de Plutarque, de laquelle l'imagination et apprehension estoit si ouverte a toutes choses par la volupté, que regardant l'image d'un More elle conceut un enfant tout noir, d'un pere extremement blanc: et le fait des brebis de Jacob sert de preuve a cela.

  A005000284 

 Or, le cœur se treuvant ouvert par le playsir, les impressions des qualités desquelles le playsir depend entrent aysement en l'esprit; et, avec elles, les autres encores qui sont au mesme sujet, bien qu'elles nous desplaysent, ne laissent pas d'entrer en nous parmi la presse du playsir, comme celuy qui sans robbe [60] nuptiale entra au festin parmi ceux qui estoyent parés.

  A005000285 

 Chose estrange, mais veritable: s'il y a deux luths unisones, c'est a dire de mesme son et accord, l'un pres de l'autre, et que l'on joüe de l'un d'iceux, l'autre, quoy qu'on ne le touche point, ne laissera pas de resonner comme celuy duquel on joue; la convenance de l'un a l'autre, comme par un amour naturel, faisant cette correspondance.

  A005000285 

 L'amour est un magistrat qui exerce sa puissance sans bruit, sans prevostz ni sergens, par cette mutuelle complaysance [61] par laquelle, comme nous nous plaisons en Dieu, nous desirons aussi reciproquement de luy plaire..

  A005000285 

 Le grand Apostre dit, comme je pense en ce sens, que la loy n'est point mise aux justes; car en verité, le juste n'est juste sinon parce qu'il a le saint amour, et s'il a l'amour il n'a pas besoin qu'on le presse par la rigueur de la loy, puisque l'amour est le plus pressant docteur et solliciteur pour persuader au cœur qu'il possede l'obeissance aux volontés et intentions du bienaymé.

  A005000286 

 L'amour est l'abbregé de toute la theologie, qui rendit tres saintement docte l'ignorance des Paulz, des Anthoines, des Hilarions, des Simeons, des François, sans livres, sans precepteurs, sans art. En vertu de cet amour la bienaymee peut dire en asseurance: Mon Bienaymé est tout mien par la complaysance, de laquelle il me plait et me paist, et moy je suis toute a luy par la bienveuillance, de laquelle je luy plais et le repais; mon cœur se paist de se plaire en luy, et le sien se paist dequoy je luy plais pour luy: tout ainsy qu'un sacré berger, il me paist comme sa chere brebis entre les lis de ses perfections, esquelles je me plais; et pour moy, comme sa chere brebis, je le pais du lait de mes affections, par lesquelles je luy veux plaire.

  A005000291 

 L'amour [62] de complaysance tire Dieu dedans nos cœurs, mais l'amour de bienveuillance jette nos cœurs en Dieu, et par consequent toutes nos actions et affections, les luy dediant et consacrant tres amoureusement; car la bienveuillance desire a Dieu tout l'honneur, toute la gloire et toute la reconnoissance qu'il est possible de luy rendre, comme un certain bien exterieur qui est deu a sa bonté..

  A005000291 

 Mais, outre cela, l'amour de bienveuillance nous donne cette sainte conformité par une autre voӱe.

  A005000292 

 Nous avons eu une extreme complaysance a voir que Dieu est souverainement bon; et partant nous desirons, par l'amour de bienveuillance, que tous les amours qu'il nous est possible d'imaginer soyent employés a bien aymer cette bonté.

  A005000292 

 Nous nous sommes delectés a considerer comme Dieu est non seulement le premier principe, mais aussi la derniere fin, Autheur, Conservateur et Seigneur de toutes choses; a rayson dequoy nous souhaitons que tout luy soit sousmis par une souveraine obeissance.

  A005000292 

 Nous voyons la volonté de Dieu souverainement parfaitte, droitte, juste et equitable; et a cette consideration nous desirons qu'elle soit la regle et la loy souveraine de toutes choses, et qu'elle soit suivie, servie et obeie par toutes les autres volontés..

  A005000293 

 Non, ce n'est pas cela dont je parle a present; car encor qu'il n'y eust ni enfer pour punir les rebelles, ni Paradis pour recompenser les bons, et que nous n'eussions nulle sorte d'obligation ni de devoir a Dieu (et ceci soit dit par imagination de chose impossible et qui n'est presque pas imaginable), si est ce toutefois, que l'amour de bienveuillance nous porteroit a rendre toute obeissance [63] et sousmission a Dieu par election et inclination, voire mesme par une douce violence amoureuse, en consideration de la souveraine bonté, justice et droiture de sa divine volonté.

  A005000293 

 Voyons-nous pas, Theotime, qu'une fille, par une libre election qui procede de l'amour de bienveuillance, s'assujettit a un espoux, auquel, d'ailleurs, elle n'avoit aucun devoir? ou qu'un gentilhomme se sousmet au service d'un prince estranger, ou bien jette sa volonté es mains du superieur de quelqu'Ordre de Religion auquel il se rangera?.

  A005000294 

 Ainsy donques se fait la conformité de nostre cœur avec celuy de Dieu, lhors que par la sainte bienveuillance nous jettons toutes nos affections entre les mains de la divine volonté, affin qu'elles soyent par icelle pliees et maniees a son gré, moulees et formees selon son bon playsir.

  A005000294 

 Et en ce point consiste la tres profonde obeissance d'amour, laquelle n'a pas besoin d'estre excitee par menasses ou recompenses, ni par aucune loy ou par quelque commandement; car elle previent tout cela, se sousmettant a Dieu pour la seule tres parfaite bonté qui est en luy, a rayson de laquelle il merite que toute volonté luy soit obeissante, sujette et sousmise, se conformant et unissant a jamais en tout et par tout a ses intentions divines..

  A005000298 

 Et bien qu'en erité sa divine Majesté n'ayt qu'une tres unique et tres simple volonté, si est ce que nous la marquons de noms differens, suivant la varieté des moyens par lesquelz nous la connoissons; varieté selon laquelle nous sommes aussi diversement obligés de nous conformer a icelle.

  A005000298 

 Nous considerons quelquefois la volonté de Dieu en elle mesme, et la voyans toute sainte et toute bonne, il nous est aysé de la louer, benir et adorer, et de sacrifier nostre volonté et toutes celles dés autres creatures a son obeissance, par cette divine exclamation: Vostre [64] volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A005000299 

 Or, d'autant que cette volonté signifiee de Dieu procede par maniere de desir et non par maniere de vouloir absolu, nous pouvons ou la suivre par obeissance, ou luy resister par desobeissance; car Dieu fait trois actes de sa volonté pour ce regard: il veut que nous puissions resister, il desire que nous ne resistions pas, et permet neanmoins que nous resistions si nous voulons.

  A005000299 

 Quand donques nous resistons, Dieu ne contribue rien a nostre desobeissance, ains, laissant nostre volonté en la main de son franc arbitre, il permet qu'elle choisisse le mal; mais quand nous obeissons, Dieu contribue son secours, son inspiration et sa grace: car la permission est une action de la volonté qui de soy mesme est brehaigne, sterile, infeconde, et, par maniere de dire, c'est une action passive qui ne fait rien, ains laisse faire; au contraire, le desir est une [65] action active, feconde, fertile, qui excite, semond et presse.

  A005000300 

 Cette espece de bienfait veut estre offert par semonces, remonstrances et sollicitations, et non violemment et forcement exercé; c'est pourquoy il se fait par maniere de desir et non de vouloir absolu.

  A005000300 

 Et comme les rayons du soleil ne laissent pas d'estre vrays rayons quand ilz sont rejettés et repoussés par [66] quelqu'obstacle, aussi la volonté signifiee de Dieu ne laisse pas d'estre vraye volonté de Dieu encor qu'on luy resiste, bien qu'elle ne face pas tant d'effectz comme si on la secondoit..

  A005000300 

 Et toutefois, ce desir est un vray desir; car, comme peut on exprimer plus naifvement le desir que l'on a qu'un ami face bonne chere, que de preparer un bon et excellent festin, comme fit ce roy de la parabole evangelique, puis l'inviter, presser et presque contraindre, par prieres, exhortations et poursuites, de venir, de s'asseoir a table et de manger? Certes, celuy qui a vive force ouvriroit la bouche a un ami, luy fourreroit la viande dans le gosier et la luy feroit avaler, il ne luy donneroit pas un festin de courtoisie, mais le traitteroit en beste et comme un chappon qu'on veut engraisser.

  A005000300 

 Or c'en est de mesme de la volonté signifiee de Dieu, car par icelle Dieu desire d'un vray desir que nous facions ce qu'il declaire, et a cette occasion il nous fournit tout ce qui est requis, nous exhortant et pressant de l'employer: en ce genre de faveur on ne peut rien desirer de plus.

  A005000305 

 A cette intention il nous a faitz a son image et semblance par la creation, et s'est fait a nostre image et semblance par l'Incarnation, apres laquelle il a souffert la mort pour racheter toute la race des hommes et la sauver: ce qu'il fit avec tant d'amour, que, comme raconte le grand saint Denis, apostre de la France, il dit un jour au saint homme Carpus qu'il estoit «prest de patir encor une fois pour sauver les hommes,» et que cela luy seroit aggreable s'il se pouvoit faire sans le peché d'aucun homme..

  A005000305 

 Dieu nous a signifié en tant de sortes et par tant de moyens qu'il vouloit que nous fussions tous sauvés, que nul ne le peut ignorer.

  A005000307 

 Nostre sanctification est la volonté de Dieu et nostre salut son bon playsir: or, il n'y a nulle difference entre le bon playsir et la bonne volupté, ni par consequent donq entre la bonne volupté et la bonne volonté divine; ains la volonté que Dieu a pour le bien des hommes est appellee bonne parce qu'elle est amiable, propice, favorable, aggreable, delicieuse, et, comme les Grecs, apres saint Paul, ont dit, c'est une vraye philantropie, c'est a dire, une bienveuillance ou volonté toute amoureuse envers les hommes..

  A005000310 

 Theotime, nous devons vouloir nostre salut ainsy que Dieu le veut: or il veut nostre salut par maniere de desir; et nous le devons aussi incessamment desirer en suite de son desir.

  A005000311 

 Les choses representees particulierement font une impression plus forte et blessent plus sensiblement l'imagination; c'est pourquoy, en l' Introduction, nous avons donné par advis qu'apres les affections generales on fist les resolutions particulieres en la sainte orayson.

  A005000311 

 Mais il arrive maintefois que les moyens de parvenir au salut, considerés en bloc ou en general sont aggreables a nostre cœur, et regardés en detail et particulier ilz luy sont effroyables: car n'avons nous pas veu le pauvre saint Pierre disposé a recevoir en general toutes sortes de peynes, et la mort mesme, pour suivre son Maistre, et neanmoins, quand ce vint au fait et au prendre, paslir, trembler et renier son Maistre a la voix d'une simple servante? Chacun pense pouvoir boire le calice de Nostre Seigneur avec luy, mais quand on le nous presente par effect, on s'enfuit, on quitte tout.

  A005000315 

 Le desir que Dieu a de nous faire observer ses commandemens est extreme, ainsy que toute l'Escriture tesmoigne: et comme le pouvoit il mieux exprimer que par les grandes recompenses qu'il propose aux observateurs de sa loy, et les estranges supplices dont il menasse les violateurs d'icelle? C'est pourquoy David exclame: O Seigneur, vous aves ordonné que vos commandement soyent trop plus observés..

  A005000316 

 Or, l'amour de complaysance, regardant ce desir divin, veut complaire a Dieu en l'observant; l'amour de bienveuillance, qui veut tout sousmettre a Dieu, sousmet par conseequent nos desirs et nos volontés a celle ci que Dieu nous a signifiee: et de la provient non seulement l'observation, mais aussi l'amour des commandemens, que David exalte d'un stile extraordinaire au Psalme cent et dix huitiesme, qu'il semble n'avoir fait que pour ce sujet:.

  A005000323 

 Nous ne recevons pas le bien en bonne part quand il nous est presenté par une main ennemie; les Lacedemoniens ne voulurent pas suivre un fort sain et salutaire conseil d'un meschant homme jusques a ce qu'un homme de bien leur redist: au contraire, le present n'est jamais qu'aggreable quand un ami le fait.

  A005000324 

 Ains, comme il y a des personnes qui, pour aggreable que soit un medicament, ont du contrecœur a le prendre, seulement parce qu'il porte le nom de medicament, aussi y a-il des ames qui ont en horreur les actions commandees, seulement parce qu'elles sont commandees; et s'est treuvé tel homme, ce dit on, qui ayant doucement vescu dans la grande ville de Paris l'espace de quatre vingtz ans sans en sortir, soudain qu'on luy eut enjoint de par le Roy d'y demeurer encor le reste de ses jours, il alla dehors voir les chams, que de sa vie il n'avoit desiré..

  A005000325 

 Et comme le pelerin qui va gayement chantant en son voyage adjouste voirement la peyne du chant a celle du marcher, et neanmoins, en effect, par ce surcroist de peyne il se desennuye et allege du travail du chemin, aussi l'amant sacré treuve tant de suavité aux commandemens, que rien ne luy donne tant d'haleyne et de soulagement en cette vie mortelle que la gracieuse charge des preceptes de son Dieu; dont le saint Psalmiste s'escrie: O Seigneur, vos justifications ou commandemens me sont des douces chansons en ce lieu de mon pelerinage.

  A005000326 

 Le divin amour nous rend donq ainsy conformes a la volonté de Dieu, et nous fait soigneusement observer ses commandemens en qualité de desir absolu de sa divine Majesté, a laquelle nous voulons plaire: si que cette complaysance previent, par sa douce et amiable violence, la necessité d'obeir que la loy nous impose, convertissant cette necessité en vertu de dilection et toute la difficulté en delectation.

  A005000330 

 C'est pourquoy l'amour de complaysance, qui nous oblige de plaire au Bienaymé, nous porte par consequent a la suite de ses conseilz; et l'amour de bienveuillance, qui veut que toutes les volontés et affections luy soyent sousmises, fait que nous voulons non seulement ce qu'il ordonne, mais ce qu'il conseille et a quoy il exhorte: ainsy que l'amour et respect qu'un enfant fidele porte a son bon pere le fait resoudre de vivre non seulement selon les commandemens qu'il impose, mais encor selon les desirs et inclinations qu'il manifeste..

  A005000332 

 Tu es un prince, par la posterité duquel les sujetz de la couronne qui t'appartient doivent estre conservés en paix et asseurés contre la tyrannie, sedition et guerre civile; l'occasion donq d'un si grand bien t'oblige de produire en un saint mariage des legitimes successeurs: ce n'est pas perdre la chasteté, ou au moins c'est la perdre chastement, que de la sacrifier au bien public en faveur de la charité.

  A005000334 

 Que si la charité fait sortir des cloistres ceux qui par vœu solemnel s'y estoyent attachés, a plus forte rayson, et pour moindre sujet, on peut, par l'authorité de cette mesme charité, conseiller a plusieurs de demeurer chez eux, garder leurs moyens, se marier, voire de prendre les armes et aller a la guerre, qui est une profession si dangereuse..

  A005000335 

 En somme, c'est une eau sacree par laquelle le jardin de l'Eglise est fecondé, et bien qu'elle n'ait qu'une couleur sans couleur, les fleurs neanmoins qu'elle fait croistre ne laissent pas d'avoir une chacune sa couleur differente: elle fait des Martyrs plus vermeilz que la rose, des Vierges plus blanches que le lys; aux uns elle donne le fin violet de la mortification, aux autres le jaune des soucis du mariage, employant diversement les conseilz pour la perfection des ames qui sont si heureuses que de vivre sous sa conduite..

  A005000339 

 Certes, ce grand Roy, qui avoit son cœur fait selon le cœur de Dieu, savouroit si fort la parfaite excellence des ordonnances divines, qu'il semble que ce soit un amoureux espris de la beauté de cette loy comme de la chaste espouse et reyne de son cœur; ainsy qu'il appert par les continuelles louanges qu'il luy donne..

  A005000339 

 O Theotime, que cette volonté divine est aymable! o qu'elle est amiable et desirable! o loy toute d'amour et toute pour l'amour! Les Hebrieux par le mot de paix entendent l'assemblage et comble de tous biens, [77] c'est a dire la felicité; et le Psalmiste s'escrie: Qu'une paix plantureuse abonde a ceux qui ayment la loy de Dieu et que nul choppement ne leur arrive! comme s'il vouloit dire: O Seigneur, que de suavité en l'amour de vos sacrés commandemens! toute douceur delicieuse saisit le cœur qui est saisi de la dilection de vostre loy.

  A005000340 

 Ainsy l'ame qui ayme Dieu est tellement transformee en la volonté divine, qu'elle merite plustost d'estre nommee volonté de Dieu, qu'obeissante ou sujette a la volonté divine: dont Dieu dit par Isaïe qu'il appellera l'Eglise chrestienne d'un nom nouveau que la bouche du Seigneur nommera, marquera et gravera dans le cœur de ses fideles.

  A005000340 

 Il fut escrit de vous, o Sauveur de mon ame, que vous fissies la volonté de vostre Pere eternel; et par le premier vouloir humain de vostre ame, a l'instant de vostre conception, vous embrassastes amoureusement cette loy de la volonté divine et la mistes au milieu de vostre cœur pour y regner et dominer eternellement: hé, qui fera la grace a mon ame qu'elle n'ait point de volonté que la volonté de son Dieu!.

  A005000340 

 La vie, dit le Psalmiste, est en la volonté de Dieu: non seulement parce que nostre vie temporelle depend de la volonté divine, mais aussi d'autant que nostre vie spirituelle gist en l'execution d'icelle, par laquelle Dieu vit et regne en nous, et nous fait vivre et subsister en luy.

  A005000342 

 A ce souhait, les plus vaillans Chrestiens se sont mis a la course, et forçans toutes les repugnances, convoitises et difficultés, ont atteint a la sainte perfection, se rangeans a l'estroitte observance des désirs de leur Roy, obtenans par ce moyen la couronne de gloire..

  A005000342 

 Le Sauveur, estant en ce monde, declara sa volonté en plusieurs choses par maniere de commandement, et en plusieurs autres il la signifia seulement par maniere de souhait: car il loua fort la chasteté, la pauvreté, l'obeissance et resignation parfaite, l'abnegation de la propre volonté, [80] la viduité, le jeusne, la priere ordinaire; et ce qu'il dit de la chasteté, que qui en pourroit emporter le prix qu'il le prinst, il l'a asses dit de tous les autres conseilz.

  A005000347 

 Dieu, au commencement du monde, commanda a la terre de germer l'herbe verdoyante faisant sa semence, et tout arbre fruitier faisant son fruit, un chacun selon son espece, qui eust aussi sa semence en soy mesme: et ne voyons nous pas par experience que les plantes et fruitz n'ont pas leur juste croissance et maturité que quand elles portent leurs graines et pepins, qui leur servent de geniture pour la production de plantes et d'arbres de pareille sorte? Jamais nos vertus n'ont leur juste stature et suffisance qu'elles ne produisent en nous des desirs de faire progres, qui, comme semences spirituelles, servent en la production de nouveaux degrés de vertus; et me semble que la terre de nostre cœur a commandement de germer les plantes des vertus qui portent les fruitz des saintes œuvres, une chacune selon son genre, et qui ayt les semences des desirs et desseins de tous-jours multiplier et avancer en perfection: et la vertu qui n'a point la graine ou le pepin de ces desirs, elle n'est pas en la suffisance et maturité.

  A005000347 

 Les paroles par lesquelles Nostre Seigneur nous exhorte de tendre et pretendre a la perfection sont si fortes et pressantes, que nous ne sçaurions dissimuler l'obligation que nous avons de nous engager a ce dessein: Soyes saintz, dit-il, parce que je suis saint; Qui est saint, qu'il soit encor davantage [81] sanctifié, et qui est juste, qu'il soit encor plus justifié; Soyes parfaitz ainsy que vostre Pere celeste est parfait.

  A005000348 

 Neanmoins je dis bien que c'est un grand peché de mespriser la pretention a la perfection chrestienne, et encor plus de mespriser la semonce par laquelle Nostre Seigneur nous y appelle; mais c'est une impieté insupportable de mespriser les conseilz et moyens d'y parvenir que Nostre Seigneur nous marque.

  A005000349 

 On peut bien sans pecher ne suivre pas les conseilz pour l'affection que l'on a ailleurs: comme, par exemple, on peut bien ne vendre pas ce que l'on a et ne le donner pas aux pauvres, parce qu'on n'a pas le courage de faire un si grand renoncement; on peut bien aussi se marier, parce qu'on ayme une femme, ou qu'on n'a pas asses de force en l'ame pour entreprendre la guerre qu'il faut faire a la chair: mais de faire profession de ne vouloir point suivre les conseilz, ni aucun d'iceux, cela ne se peut faire sans mespris de Celuy qui les donne.

  A005000349 

 Or, quant aux hommes, on peut souvent mespriser leur conseil et ne mespriser pas ceux qui le donnent, parce que ce n'est pas mespriser un homme d'estimer qu'il ait erré: mais quant a Dieu, rejetter son conseil et le mespriser, cela ne peut provenir que de l'estime que l'on fait qu'il n'a pas bien conseillé; ce qui ne peut estre pensé que par esprit de blaspheme, comme si Dieu n'estoit pas asses sage pour sçavoir, ou asses bon pour vouloir bien conseiller.

  A005000353 

 Encor que tous les conseilz ne puissent ni doivent estre prattiqués par chasque Chrestien en particulier, si est ce qu'un chacun est obligé de les aymer tous, parce qu'ilz sont tous tres bons.

  A005000353 

 O que beni soit a jamais l' Ange du grand conseil, avec tous les advis qu'il donne et les exhortations qu'il fait aux humains! Le cœur est res-joui far les unguens et bonnes senteurs, dit Salomon, et par les bons conseilz de l'ami l'ame est adoucie.

  A005000355 

 Nous tesmoignerons asses d'aymer tous les conseilz quand nous observerons devotement ceux qui nous seront convenables; car tout ainsy que celuy qui croid un article de foy d'autant que Dieu l'a revelé par sa parole, annoncee et declairee par l'Eglise, ne sçauroit mescroire les autres, et celuy qui observe un commandement pour le vray amour de Dieu est tout prest d'observer les autres quand l'occasion s'en presentera, de mesme celuy qui ayme et estime un conseil evangelique parce que Dieu l'a donné, il ne peut qu'il n'estime consecutivement tous les autres, puisqu'ilz sont aussi de Dieu.

  A005000356 

 Vous n'estes pas obligé de faire aucun vœu; mais faites en pourtant quelques uns qui seront jugés propres par vostre pere spirituel, pour vostre avancement en l'amour divin.

  A005000356 

 Vous n'estes pas obligé de rechercher celuy qui vous a offencé, car c'est a luy de revenir a soy et venir a vous pour vous donner satisfaction, puisqu'il vous a prevenu par injure et outrage; mays alles neanmoins, Theotime, faites ce que le Sauveur vous conseille, prevenes-le au bien, rendes-luy bien pour mal, jettes sur sa teste et sur son cœur un brasier ardent de tesmoignages de charité, qui le brusle tout et le force de vous aymer.

  A005000356 

 Vous n'estes pas obligé par la rigueur de la loy de donner a tous les pauvres que vous rencontres, ains seulement a ceux qui en ont un tres grand besoin; mays ne laisses pas pour cela, suivant le conseil du Sauveur, de donner volontier a tous les indigens que vous treuveres, autant que vostre condition et les veritables necessités de vos affaires le permettront.

  A005000357 

 Visiter les malades qui ne sont pas en extreme necessité, c'est une louable charité; les servir, est encor meilleur; mais se dedier a leur service, c'est l'excellence de ce conseil, que les Clercs de la Visitation des infirmes exercent par leur propre Institut, et plusieurs dames en divers lieux: a l'imitation de ce grand saint Sanson, gentilhomme et medecin romain, qui, en la ville de Constantinople ou il fut fait prestre, se dedia tout a fait, avec une admirable charité, au service des malades en un hospital qu'il y commença et que l'empereur Justinien esleva et paracheva; a l'imitation des saintes Catherines de Sienne et de Gennes, de sainte Elizabeth de Hongrie et des glorieux amis de Dieu, saint François et le bienheureux Ignace de Loyola, qui, au commencement de leurs Ordres, firent cet exercice avec une ardeur et utilité spirituelle incomparable..

  A005000358 

 Mays quand il est force d'endurer le martyre ou renoncer a la foy, le martyre ne laisse pas d'estre martyre et un excellent acte d'amour et de force; neanmoins je ne sçay s'il le faut nommer acte heroïque, n'estant pas choisi par aucun exces d'amour, ains par la necessité de la loy qui en ce cas le commande.

  A005000362 

 Les rayons du soleil esclairent en eschauffant et eschauffent en esclairant; l'inspiration est un rayon celeste qui porte dans nos cœurs une lumiere chaleureuse, par laquelle il nous fait voir le bien et nous eschauffe au pourchas d'iceluy.

  A005000362 

 Mais quant au souffle de Dieu, non seulement il eschauffe, ains il esclaire parfaitement, d'autant que l'Esprit divin est une lumiere infinie, duquel le souffle vital est appellé inspiration, d'autant que par iceluy cette supreme Bonté haleyne et inspire en nous les desirs et intentions de son cœur..

  A005000363 

 Et voulant voir par experience, le jour suivant, ce qu'il avoit appris par le recit de son compaignon, il treuva ces Peres dans leurs formes, rangés comme des statues de marbre en une suite de niches, immobiles a toute autre action qu'a celle de la psalmodie, qu'ilz faisoyent avec une attention et devotion vrayement angelique, selon la coustume de ce saint Ordre: si que ce pauvre jeune homme, tout ravi d'admiration, demeura pris en la consolation extreme qu'il eut de voir Dieu si bien adoré parmi les Catholiques, et se resolut, comme il fit par apres, de se ranger dans le giron de l'Eglise, vraye et unique Espouse de Celuy qui l'avoit visité de son inspiration, dans l'infame litiere de l'abomination en laquelle il estoit..

  A005000363 

 Le moyen ordinaire c'est la predication; mais quelquefois, ceux auxquelz la parole ne proffite pas sont instruitz par la tribulation, selon le dire du Prophete: L' affliction donnera intelligence a l'ouïe; c'est a dire: ceux qui par l'ouïe des menasses celestes sur les meschans ne se corrigent pas, apprendront, la verité par l'evenement et les effectz, et deviendront sages sentans l'affliction.

  A005000363 

 Saint Anthoine, saint François, saint Anselme, et mille autres recevoyent souvent des inspirations par la veüe des creatures.

  A005000363 

 Sainte Marie Egyptienne fut inspiree par la veüe d'une image de Nostre Dame; saint Anthoine, oyant l'Evangile qu'on lit a la Messe; saint Augustin, oyant le recit de la vie de saint Anthoine; le Duc de Gandie, voyant l'Imperatrice morte; saint Pachome, voyant un exemple de charité; le bienheureux Ignace de Loyola, lisant la vie des Saintz.

  A005000364 

 Car, comme Dieu donne, par l'entremise de la nature, a chasque animal les instinctz qui luy sont requis pour sa [91] conservation et pour l'exercice de ses proprietés naturelles, aussi, si nous ne resistons pas a la grace de Dieu, il donne a un chascun de nous les inspirations necessaires pour vivre, operer et nous conserver en la vie spirituelle.

  A005000364 

 Et quant au bon Eliezer, parce qu'il ne peut autrement discerner entre les filles de Haran, ville de Nachor, celle qui estoit destinee au filz de son maistre, Dieu le luy fait connoistre par inspiration.

  A005000364 

 Les ames, certes, qui ne se contentent pas de faire ce que par les commandemens et conseilz le divin Espoux requiert d'elles, mais sont promptes a suivre les sacrees inspirations, ce sont celles que le Pere eternel a preparees pour estre espouses de son Filz bienaymé.

  A005000368 

 La charité envers les pauvres malades est un exercice ordinaire des vrays Chrestiens, mais exercice ordinaire qui fut prattiqué en perfection extraordinaire par saint François et sainte Catherine de Sienne quand ilz lechoyent et sucçoyent les ulceres des ladres et chancreux, et par le glorieux roy saint Louys quand il servoit a genoux et teste nue les malades (dont un abbé de Cisteau demeura tout esperdu d'admiration, le voyant en cette posture manier et agencer un miserable, ulceré de playes horribles et chancreuses); comme encor c'estoit une prattique bien extraordinaire de ce saint monarque de servir a table les pauvres les plus vilz et abjectz, et manger les restes de leurs potages.

  A005000368 

 Saint François ne fut pas seulement extreme en la prattique de la pauvreté, comme chacun sçait, mais il le fut encor en celle de la simplicité: il racheta un aigneau, de peur qu'on ne le tuast, parce qu'il representoit Nostre Seigneur; il portoit respect presqu'a toutes creatures, en contemplation de leur Createur, par une non accoustumee mais tres prudente simplicité; telles fois il s'est amusé a retirer les vermisseaux du chemin, affin que quelqu'un ne les foulast au passage, se resouvenant que son Sauveur s'estoit parangonné au vermisseau; il appelloit les creatures ses «freres et seurs,» par certaine consideration admirable que le saint amour luy suggeroit.

  A005000370 

 Il ne faut pas mesme passer d'une Religion en une autre sans des motifs grandement considerables, dit saint Thomas apres l'abbé Nestorius, rapporté par Cassian..

  A005000370 

 Le grand saint Thomas est d'opinion qu'il n'est pas expedient de beaucoup consulter et longuement deliberer sur l'inclination que l'on a d'entrer en une bonne et bien formee Religion; et il a rayson, car la Religion estant conseillee par Nostre Seigneur en l'Evangile, qu'est-il besoin de beaucoup de consultations? Il suffit d'en faire une bonne avec quelque peu de personnes qui soyent bien prudentes et capables de tel affaire, et qui nous puissent ayder a prendre une courte et solide resolution: mais, des que nous avons deliberé et resolu, et en ce sujet et en tout autre qui regarde le service de Dieu, il faut estre fermes et invariables, sans se laisser nullement esbranler par aucune sorte d'apparence de plus grand bien; car bien souvent, dit le glorieux saint Bernard, le malin nous donne le change, et pour nous destourner d'achever un bien il nous en propose un autre qui semble meilleur, lequel apres que nous avons commencé, pour nous divertir de le parfaire il en presente un troisiesme, se contentant que nous fassions plusieurs commencemens, pourveu que nous ne fassions point de fin.

  A005000371 

 J'emprunte du grand saint Anselme, escrivant a Lanzon, une belle similitude: «Comme un arbrisseau [95] souvent transplanté ne sçauroit prendre racine, ni par consequent venir a sa perfection et rendre le fruit desiré», ainsy l'ame qui transplante son cœur de dessein en dessein ne sçauroit prouffiter ni prendre la juste croissance de sa perfection, puisque la perfection ne consiste pas en commencemens, mais en accomplissemens.

  A005000371 

 Or, il creut d'estre inspiré de quitter cette sainte Societé pour se rendre en une Religion formelle, et en fin se resolut a cela: mais le bienheureux Philippe, assistant a sa reception en l'Ordre de saint Dominique, pleuroit amerement; dont estant interrogé par François Marie Tauruse, qui despuis fut Archevesque de Sienne et Cardinal, pourquoy il jettoit ces larmes: «Je deplore,» dit-il, «la perte de tant de vertus.» Et de fait, ce jeune homme si excellemment sage et devot en la Congregation, si tost qu'il fut en la Religion devint tellement inconstant et volage, qu'agité de divers desirs de nouveautés et changemens, il donna par apres des grans et fascheux scandales..

  A005000372 

 Ainsy nostre ennemy voyant un homme qui, inspiré de Dieu, entreprend une profession et maniere de vie propre a son avancement en l'amour celeste, il luy persuade de prendre une autre voye, de plus grande perfection en apparence, et l'ayant desvoyé de son premier chemin il luy rend petit a petit impossible la suite du second, et luy en propose un troisiesme, affin que l'occupant en la recherche continuelle de divers et nouveaux moyens pour se perfectionner, il l'empesche d'en employer aucun, et par consequent de parvenir a la fin pour laquelle il les cherche, qui est la perfection.

  A005000377 

 La sainte damoyselle que les historiens appellent Eusebe l'Estrangere quitta Rome, sa patrie, et s'habillant en garçon, avec deux autres filles, s'embarqua pour aller outre mer et passa en Alexandrie, et de la en l'isle de Co; ou se voyant en asseurance, elle reprint les habitz de son sexe, et se remettant sur mer elle alla au païs de Carie, en la ville de Milassa, ou le grand Paul, qui l'avoit treuvee en Co et l'avoit prise sous sa conduite spirituelle, la mena, et ou par apres estant devenu Evesque, il la gouverna si saintement qu'elle dressa un monastere et s'employa au service de l'Eglise, en l'office qu'en ce tems la on appelloit de diacresse, avec tant de charité qu'elle mourut en fin toute sainte, [98] et fut reconneüe pour telle par une grande multitude de miracles que Dieu fit par ses reliques et intercessions.

  A005000377 

 Les paroles du Saint n'eussent pas eu cette force, selon leur portee ordinaire, si Dieu n'y eust adjousté son inspiration: mais inspiration si extraordinaire qu'on croiroit que ce fut plustost une tentation, si le miracle de la reunion de ce pied coupé, fait par la benediction du Saint, ne l'eust authorisee..

  A005000378 

 Saint Jean, Evesque, surnommé le Silentiaire, quittant son evesché a l'insceu de tout son clergé, alla passer le reste de ses jours au monastere de Laura, sans qu'on peust onques avoir de ses nouvelles: cela n'estoit ce pas contre les regles de la tressainte residence? Et le grand saint Paulin, qui se vendit pour racheter l'enfant d'une pauvre vefve, comme le pouvoit il faire selon les lois ordinaires, puisqu'il n'estoit pas sien, ains a son Eglise et au public, par la consecration episcopale? Ces filles et femmes qui, poursuivies pour leur beauté, desfigurerent leurs visages par des blesseures volontaires affin de garder [99] leur chasteté sous la faveur d'une sainte laideur, ne faisoyent elles pas chose, ce semble, defendue?.

  A005000379 

 Ainsy les serviteurs de Dieu qui ont eu les plus hautes et relevees inspirarations, ont esté les plus doux et paisibles de l'univers: Abraham, Isaac, Jacob; Moyse est qualifié le plus debonnaire d'entre tous les hommes; David est recommandé par sa mansuetude..

  A005000385 

 Car lhors que les hermites espars parmi les desertz voysins d'Antioche sceurent la vie extraordinaire qu'il faysoit sur sa colomne, en laquelle il sembloit estre ou un Ange terrestre ou un homme celeste, ilz luy envoyerent un deputé d'entr'eux, auquel ilz donnerent ordre de luy parler de leur part en cette sorte: «Pourquoy est-ce, Simeon, que laissant le grand chemin de la vie devote, frayé par tant de grans et saintz devanciers, vous en suives un autre, inconneu aux hommes et tant esloigné de tout ce qui a esté veu et ouï jusques a present? Quittés, Simeon, cette colomne, et rangés-vous meshui avec les autres a la façon de vivre et a la methode de servir Dieu usitee par les bons Peres predecesseurs.» Que si Simeon acquiesçoit a leur advis, et pour condescendre a leur volonté se monstroit prompt a vouloir descendre, ilz donnerent charge au deputé de luy laisser la liberté de perseverer en ce genre de vie ja commencee, d'autant que par son obeissance, disoyent ces bons Peres, on pourra bien connoistre qu'il a entrepris cette sorte de vie par l'inspiration divine; mais, si, au contraire, il resistoit, et que mesprisant leur exhortation il voulust suivre sa propre volonté, ilz resolurent qu'il le failloit retirer par force et luy faire abandonner sa colomne.

  A005000385 

 Mais, estant par apres rappellé et devenu plus devot et plus sage en la vie spirituelle, il se comporta bien d'une autre façon, ainsy qu'il tesmoigna en l'action [101] suivante.

  A005000385 

 Tandis que l'incomparable Simeon Stylite estoit encor novice a Telede, il se rendit impliable a l'advis de ses superieurs qui le vouloyent empescher de prattiquer tant d'estranges rigueurs par lesquelles il sevissoit desordonnement contre soy mesme; si qu'en fin il fut pour cela chassé du monastere, comme peu susceptible de la mortification du cœur et trop addonné a celle du cors.

  A005000387 

 Mais y eut il jamais une plus illustre et sensible inspiration que celle qui fut donnee au glorieux saint Paul? Or, le chef principal d'icelle fut qu'il allast en la cité, en laquelle il apprendroit par la bouche d'Ananie ce qu'il avoit a faire: et cet Ananie, homme grandement celebre, estoit, comme dit saint Dorothee, Evesque de Damas.

  A005000387 

 Saint François, saint Dominique et les autres Peres des Ordres religieux vindrent au service des ames par une inspiration extraordinaire; mais ilz se sousmirent d'autant plus humblement et cordialement a la sacree hierarchie de l'Eglise.

  A005000387 

 Tous les prophetes et predicateurs qui ont esté inspirés de Dieu ont tous-jours aymé l'Eglise, tous-jours adheré a sa doctrine, tous-jours aussi esté appreuvés par icelle, et n'ont jamais rien annoncé si fortement que cette verité, que les levres du prestre gardoyent la science, et qu'on devoit requerir la loy de sa bouche: de sorte que les missions extraordinaires sont des illusions diaboliques, et non des inspirations celestes, si elles ne sont reconneües et appreuvees par les pasteurs qui sont de la mission ordinaire; car ainsy s'accordent Moyse et les Prophetes.

  A005000388 

 De mesme, tous les esleuz tournent la fleur de leur cœur, qui est l'obeissance aux commandemens, du costé de la volonté divine; mais les ames vivement esprises du saint amour ne regardent pas seulement cette divine Bonté par l'obeissance aux commandemens, ains aussi par l'union de toutes leurs affections, suivans le contour de ce divin Soleil en tout ce qu'il leur commande, conseille et inspire, sans reserve ni exception quelcomque.

  A005000388 

 Dont ilz peuvent dire avec le sacré Psalmiste: Seigneur, vous aves empoigné ma main droite, et m'aves conduit en vostre volonté, et m'aves recueilli avec beaucoup de gloire; J'ay esté fait comme un cheval envers vous, et je suis tous-jours avec vous: car, comme un cheval bien dressé se manie aysement, doucement et justement en toutes façons par l'escuyer qui le monte, aussi l'ame amante est si souple a la volonté de Dieu, qu'il en fait tout ce qu'il veut.

  A005000392 

 Saint Basile dit que la volonté de Dieu nous est tesmoignee par ses ordonnances ou commandemens, et que lhors il n'y a rien a deliberer, car il faut simplement faire ce qui est ordonné; mais que pour tout le reste il est en nostre liberté de choisir a nostre gré ce que bon nous semblera, bien qu'il ne faille pas faire tout ce qui est loysible, ains seulement ce qui est expedient: et qu'en fin, pour bien discerner ce qui est convenable, il faut ouïr l'advis du sage pere spirituel..

  A005000393 

 Car l'ennemi en toutes occurrences les met en doute si c'est la volonté de Dieu qu'elles facent une chose plustost qu'une autre: comme, par exemple, si c'est la volonté de Dieu qu'elles mangent avec l'ami ou qu'elles ne mangent pas, qu'elles prennent des habitz gris ou noirs, qu'elles jeusnent le vendredi ou le samedi, qu'elles aillent a la recreation ou qu'elles s'en abstiennent; en quoy elles consument beaucoup de tems, et tandis qu'elles s'occupent et embarrassent a vouloir discerner ce qui est meilleur, elles perdent inutilement le loysir de faire plusieurs biens, desquelz l'execution seroit plus a la gloire de Dieu que ne sçauroit estre le discernement du bien et du mieux auquel elles se sont amusees..

  A005000396 

 Es choses mesme de consequence il faut estre bien humble, et ne point penser de treuver la volonté de Dieu a force d'examen et de subtilité de discours; mais apres avoir demandé la lumiere du Saint Esprit, appliqué nostre consideration a la recherche de son bon playsir, pris le conseil de nostre directeur et, s'il y escheoit, de deux ou trois autres personnes spirituelles, il faut se resoudre et determiner au nom de Dieu, et ne faut plus par apres revoquer en doute nostre choix, mais le cultiver et soustenir devotement, paisiblement et constamment.

  A005000404 

 Rien ne se fait, hormis le peché, que par la volonté de Dieu qu'on appelle volonté absolue et de bon playsir, que personne ne peut empescher, et laquelle ne nous est point conneüe que par les effectz, qui, estans arrivés, nous manifestent que Dieu les a voulus et desseignés..

  A005000413 

 Theotime, nous devons avoir une extreme complaysance de voir comme Dieu exerce sa misericorde par tant de diverses faveurs qu'il distribue aux Anges et aux hommes, au Ciel et en la terre, et comme il prattique sa justice par une infinie varieté de peynes et chastimens; car sa justice et sa misericorde sont egalement aymables et admirables en elles mesmes, puisque l'une et Vautre ne sont autre chose qu'une mesme tres unique Bonté et Divinité..

  A005000414 

 Ainsy la mort, les afflictions, les sueurs, les travaux, dont nostre vie abonde, qui par la [110] juste ordonnance de Dieu sont les peynes du peché, sont aussi, par sa douce misericorde, des eschellons pour monter au Ciel, des moyens pour proffiter en la grace et des merites pour obtenir la gloire.

  A005000414 

 Mais d'autant que les effectz de sa justice nous sont aspres et pleins d'amertume, il les adoucit tous-jours par le meslange de ceux de sa misericorde, et fait qu'emmi les eaux du deluge de sa juste indignation, l'olive verdoyante soit conservee, et que l'ame devote, comme une chaste colombe, l'y puisse en fin treuver, si toutefois elle veut bien amoureusement mediter a la façon des colombes.

  A005000428 

 O Dieu, neanmoins que vostre volonté soit faite, non seulement en l'execution de vos commandemens, conseilz et inspirations, qui doivent estre prattiqués par nous, mais aussi en la souffrance des afflictions et peynes qui doivent estre receües en nous, affin que vostre volonté fasse par nous, pour nous, en nous et de nous tout ce qu'il luy plaira..

  A005000428 

 Venons par apres a nous mesmes en particulier, et voyons une quantité de biens interieurs et exterieurs, [111] comme aussi un nombre tres grand de peynes interieures et exterieures que la Providence divine nous a preparees, selon sa tressainte justice et misericorde; et, comme ouvrans les bras de nostre consentement, embrassons tout cela tres amoureusement, acquiesçans a sa tressainte volonté, et chantans a Dieu, par maniere d'un hymne d'eternel acquiescement: Vostre volonté soit faite en la terre comme au Ciel.

  A005000432 

 Combien de fois nous est il arrivé d'avoir a contrecœur les remedes et medicamens tandis que le medecin ou l'apothicaire les presentoit, et que nous estans offertz par quelque main bienaymee, l'amour surmontant l'horreur, nous les recevions avec joye? Certes, ou l'amour oste l'aspreté du travail, ou il en rend le sentiment aymable.

  A005000436 

 Le malin ennemi sçavoit bien que c'estoit le dernier affinement de l'amour, quand, apres avoir ouÿ de la bouche de Dieu que Job estoit juste, droiturier, craignant Dieu, fuyant le peché et ferme en l'innocence, il estima tout cela peu de chose en comparayson de la souffrance des afflictions, par lesquelles il fit le dernier et plus grand essay de l'amour de ce grand [114] serviteur de Dieu.

  A005000442 

 L'amour de la croix nous fait entreprendre des afflictions volontaires, comme, par exemple, des jeusnes, veillees, cilices et autres macerations de la chair, et nous fait renoncer aux playsirs, honneurs et richesses; et l'amour en ces exercices est tout aggreable au Bienaymé.

  A005000443 

 Il est ainsy, Theotime: l'ame est quelquefois tellement pressee d'afflictions interieures, que toutes ses facultés et puissances en sont accablees, par la privation de tout ce qui la peut alleger, et par l'apprehension et impression de tout ce qui la peut attrister; si que, a l'imitation de son Sauveur, elle commence a s'ennuyer, a craindre, a s'espouvanter, puis a s'attrister d'une tristesse pareille a celle des mourans, dont elle peut bien dire: Mon ame est triste jusques a la mort; et du consentement de tout son interieur elle desire, demande et supplie que, s'il est possible, ce calice soit esloigné d'elle, ne luy restant plus que la fine supreme pointe de l'esprit, laquelle, attachee au cœur et bon playsir de Dieu, dit par un tres simple acquiescement: O Pere eternel, mais toutefois ma volonté ne soit pas faite, ains la vostre.

  A005000443 

 La bienheureuse Angele de Foligny fait une admirable description des peynes interieures esquelles quelquefois elle s'estoit treuvee, disant que son ame estoit en tourment «comme un homme qui, pieds et mains liés, seroit pendu par le col et ne seroit pourtant pas estranglé, mais demeureroit en cet estat entre mort et vif, sans esperance de secours,» ne pouvant ni se soustenir sur ses pieds, ni s'ayder des mains, ni crier de la bouche, ni mesme souspirer ou plaindre.

  A005000443 

 Or, entre tous les essays de l'amour parfait, celuy qui se fait par l'acquiescement de l'esprit aux tribulations spirituelles est sans doute le plus fin et le plus relevé.

  A005000444 

 Cette union et conformité au bon playsir divin se fait ou par la sainte resignation ou par la tressainte indifference.

  A005000444 

 Comme il a pleu au Seigneur, ainsy a-il esté fait; le nom du Seigneur soit beni: ce sont des paroles de resignation et acceptation, par maniere de souffrance et de patience.

  A005000444 

 Or, la resignation se prattique par maniere d'effort et de sousmission: on voudroit bien vivre en lieu de mourir; neanmoins, puisque c'est le bon playsir de Dieu qu'on meure, on acquiesce.

  A005000448 

 Au contraire, si Jacob n'eust aymé en Rachel que l'alliance de Laban, a laquelle son pere Isaac l'avoit obligé, il eust autant aymé Lia que Rachel, puisque l'une et l'autre estoit esgalement fille de Laban, et par consequent la volonté de son pere eust esté aussi bien accomplie en l'une comme en l'autre; mais parce que, outre la volonté de son pere, il vouloit satisfaire a son goust particulier, amorcé de la beauté et gentillesse de Rachel, il se fascha d'espouser Lia et la print a contrecœur par resignation..

  A005000448 

 Certes, le cœur le plus indifferent du monde peut estre touché de quelque affection tandis qu'il ne sçait encor pas ou est la volonté de Dieu: Eliezer, estant arrivé a la fontaine de Haran, vid bien la vierge Rebecca et la treuva sans doute trop plus belle et aggreable; mais pourtant il demeura en indifference jusques a ce que, par le signe que Dieu luy avoit inspiré, il conneut que la volonté divine l'avoit preparee au filz de son maistre, car alhors il luy donna les pendans d'aureilles et les brasseletz d'or.

  A005000450 

 En quoy il fut imité par le grand Evesque saint Martin qui, parvenu a la fin de sa vie, pressé d'un extreme desir d'aller a son Dieu, ne laissa pas pourtant de tesmoigner qu'il demeureroit aussi volontier entre les travaux de sa charge pour le bien de son cher troupeau; comme si apres avoir chanté ce cantique:.

  A005000461 

 il vinst par apres a faire cette exclamation: «O Seigneur, neanmoins, si je suis encor requis au service du [120] salut de vostre peuple, je ne refuse point le travail; vostre volonté soit faite.» Admirable indiffErence de l'Apostre, admirable celle de cet homme apostolique! Ilz voyent le Paradis ouvert pour eux, ilz voyent mille travaux en terre; l'un et l'autre leur est indiffErent au choix, et n'y a que la volonté de Dieu qui puisse donner le contrepoids a leurs cœurs: le Paradis n'est point plus aymable que les miseres de ce monde si le bon playsir divin est Egalement la et icy; les travaux leur sont un Paradis si la volonté divine se treuve en iceux, et le Paradis un travail si la volonté de Dieu n'y est pas, car, comme dit David, ilz ne demandent ni au ciel ni en la terre que de voir le bon playsir de Dieu accompli: O Seigneur, qu'y a-il au ciel pour moy, ou que veux-je en terre sinon vous?.

  A005000463 

 En somme, le bon playsir de Dieu est le souverain object de l'ame indifferente: par tout ou elle le void elle court a l'odeur de ses parfums, et cherche tous-jours [121] l'endroit ou il y en a plus, sans consideration d'aucune autre chose; il est conduit par sa divine volonté, comme par un lien tres aymable, et par tout ou elle va il la suit.

  A005000463 

 Il aymeroit mieux l'enfer avec la volonté de Dieu que le Paradis sans la volonté de Dieu: ouy mesme, il prefereroit l'enfer au Paradis, s'il sçavoit qu'en celuy la il y eust un peu plus du bon playsir divin qu'en celuy ci; en sorte que si, par imagination de chose impossible, il sçavoit que sa damnation fust un peu plus aggreable a Dieu que sa salvation, il quitteroit sa salvation et courroit a sa damnation..

  A005000468 

 Job, quant a la vie naturelle, fut ulceré d'une playe la plus horrible qu'on eut veu; quant a la vie civile, il fut moqué, baffoüé, vilipendé, et par ses plus proches; en la vie spirituelle, il fut accablé de langueurs, pressures, convulsions, angoisses, tenebres, et de toutes sortes d'intolerables douleurs interieures, ainsy que ses plaintes et lamentations font foy.

  A005000468 

 Le grand Apostre nous annonce une generale indifference, pour nous monstrer vrays serviteurs de Dieu, en fort grande patience es tribulations, es necessités, es angoisses, es blesseures, es prisons, es seditions, es travaux, [122] es veillees, es jeusnes; en chasteté, en science, en longanimité et suavité au Saint Esprit; en charité non fainte, en parole de verité, en la vertu de Dieu; far les armes de justice a droitte et a gauche; par la gloire et par l'abjection, par l'infamie et bonne renommee; comme seducteurs, et neanmoins veritables; comme inconneus, et toutefois reconneus; comme mourans, et toutefois vivans; comme chastiés, et toutefois non tués; comme tristes, et toutefois tous-jours joyeux; comme pauvres, et toutefois enrichissans plusieurs; comme n'ayans rien, et toutefois possedans toutes choses..

  A005000469 

 Voyes, je vous prie, Theotime, comme la vie des Apostres estoit affligee, selon le cors par les blesseures, selon le cœur par les angoisses, selon le monde par l'infamie et les prisons.

  A005000470 

 Ezechiel vid le simulachre d'une main qui le saisit par un seul flocquet des cheveux de sa teste, l'eslevant entre le ciel et la terre: Nostre Seigneur aussi, eslevé en la croix entre la terre et le ciel, n'estoit, ce semble, tenu de la main de son Pere que par l'extreme pointe de l'esprit, et, par maniere de dire, par un seul cheveu de sa teste, qui, touché de la douce main du Pere eternel, recevoit une souveraine affluence de felicité, tout le reste demeurant abismé dans la tristesse et ennuy; c'est pourquoy il s'escrie: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as tu delaissé?.

  A005000475 

 On ne connoist presque point le bon playsir divin que par les evenemens, et tandis qu'il nous est inconneu il nous faut attacher le plus fort qu'il nous est possible a la volonté de Dieu qui nous est manifestee ou signifiee; mais soudain que le bon playsir de sa divine Majesté comparoit, il faut aussi tost se ranger amoureusement a son obeissance..

  A005000476 

 Ma mere ou moy mesme (car c'est tout un) sommes au lit malade: que sçay-je si Dieu veut que la mort s'en ensuive? Certes, je n'en sçay rien; mays je sçay bien pourtant, qu'en attendant l'evenement que son bon playsir a ordonné, il veut, par la volonté declairee, que j'employe les remedes convenables a la guerison: je le feray donq fidelement, sans rien oublier de ce que bonnement je pourray contribuer a cette intention.

  A005000476 

 Mays si c'est le bon playsir divin que le mal, victorieux des remedes, apporte en fin la mort, soudain que j'en seray certifié par l'evenement j'acquiesceray amoureusement en la pointe de mon esprit, nonobstant toute la repugnance des puissances inferieures de mon ame: Ouy, Seigneur, je le veux bien, ce diray je, parce que tel a esté vostre bon playsir; il vous a ainsy pleu et il me plaist ainsy a moy, qui suis tres humble serviteur de vostre volonté..

  A005000479 

 Saint Louys, par inspiration, passe la mer pour conquerir la Terre sainte; le succes fut contraire, et il acquiesce doucement: j'estime plus la tranquillité de cet acquiescement, que la magnanimité du dessein.

  A005000481 

 Le grand Psalmiste fait cette priere au Sauveur, comme par une acclamation de joye et de presage de victoire: O Seigneur, par vostre beauté et bonne grace, bandes vostre arc, marches heureusement et montes a cheval; comme s'il vouloit dire que par les traitz de son saint amour, descochés dans les cœurs humains, il se rendroit maistre des hommes pour les manier a son gré, tout ainsy qu'un cheval bien dressé.

  A005000482 

 Il est vray, mon enfant, ta faute ne t'est pas advenue par la volonté de Dieu, car Dieu n'est pas autheur du peché; mays c'est bien pourtant la volonté divine que ta faute soit suivie de la defaite et du manquement de ton entreprise, en punition de ta faute: car si sa bonté ne luy peut permettre de vouloir ta faute, sa justice fait qu'il veut la peyne que tu en souffres.

  A005000482 

 Mays derechef, si l'entreprise faite par inspiration perit par la faute de ceux a qui elle estoit confiee, comme peut-on dire alhors qu'il faut acquiescer a la volonté de Dieu? car, me dira quelqu'un, ce n'est pas la volonté de Dieu qui empesche l'evenement, ains ma faute, de laquelle la volonté divine n'est pas la cause.

  A005000483 

 Quand donques il arrive que les desseins sacrés ne reuscissent pas, en punition de nos fautes, il faut egalement detester la faute par une solide repentance, et accepter la peyne que nous en avons; car, comme le peché est contre la volonté de Dieu, aussi la peyne est selon sa volonté..

  A005000488 

 Voire mais, me dira quelqu'un, si je connois que c'est par ma faute que mon avancement es vertus est retardé, comme pourray-je m'empescher de m'en attrister et inquieter? J'ay dit cecy en l' Introduction a la Vie devote, mais je le redis volontier parce qu'il ne peut jamais asses estre dit: il se faut attrister pour les fautes commises, d'une repentance forte, rassise, constante, tranquille, mais non turbulente, non inquiete, non descouragee.

  A005000489 

 Attendons donq en patience nostre avancement, et en lieu de nous inquieter d'en avoir si peu fait par le passé, procurons avec diligence d'en faire plus a l'advenir..

  A005000491 

 Il est certes execrable et detestable, d'autant qu'il est issu du peché et tend perpetuellement au peché: c'est pourquoy, comme nous sommes appellés terre parce que nous sommes extraitz de la terre et que nous retournerons en terre, ainsy cette rebellion est appellee par le grand Apostre peché, comme provenue du peché et tendante au peché, quoy qu'elle ne nous rende nullement coulpables sinon quand nous la secondons et luy obeissons; dont le mesme Apostre nous advertit de faire en sorte que ce mal la ne regne point en nostre cors mortel, pour obeir aux convoitises d'iceluy.

  A005000492 

 Et remarques en fin, que non seulement nous ne devons pas nous inquieter en nos tentations ni en nos infirmités, mais nous devons nous glorifier d'estre infirmes, affin que la vertu divine paroisse en nous, soustenant nostre foiblesse contre l'effort de la suggestion et tentation: car le glorieux Apostre appelle ses infirmités, les eslans et rejettons d'impureté qu'il sentoit, et dit qu'il se glorifioit en icelles, parce que si bien il les sentoit par sa misere, neanmoins, par la misericorde de Dieu, il n'y consentoit pas..

  A005000492 

 Mais remarques, de grace, que la rebellion sensuelle est en cet admirable vaysseau d'election, lequel, recourant au remede de l'orayson, nous monstre qu'il nous faut combattre par ce mesme moyen les tentations que nous sentons.

  A005000499 

 Cependant, pour obstinés que les pecheurs puissent estre, ne perdons pas courage de les ayder et servir; car, que sçavons nous si par aventure ilz feront penitence et seront sauvés? Bienheureux est celuy qui peut dire a ses prochains comme saint Paul: Je n'ay cessé ni jour ni nuit en vous admonestant un chacun de vous avec larmes; et partant je suis net du sang de tous, car je ne me suis point espargné que je ne vous aye annoncé tout le bon playsir de Dieu.

  A005000501 

 Au reste, il faut adorer, aymer et louer a jamais la justice vengeresse et punissante de nostre Dieu, comme nous aymons sa misericorde, parce que l'une et l'autre est fille de sa bonté: car par sa grace il nous veut faire bons, comme tres bon, ains souverainement bon qu'il est; par sa justice il veut chastier le peché, parce qu'il le hait; or il le hait, parce qu'estant souverainement bon, il deteste le souverain mal qui est l'iniquité.

  A005000501 

 Et notés, pour conclusion, que jamais Dieu ne retire sa misericorde de nous que par l'equitable vengeance de sa justice punissante, et jamais nous n'eschappons la rigueur de sa justice que par sa misericorde justifiante: et tous-jours, ou punissant ou gratifiant, son bon playsir est adorable, aymable et digne d'eternelle benediction.

  A005000514 

 Ainsy nos cœurs, au commencement de leur devotion, ayment Dieu pour s'unir a luy, luy estre aggreables, et l'imiter en ce qu'il nous a aymés eternellement; mays, petit a petit, estans duitz et exercés au saint amour, ilz prennent imperceptiblement le change, et en lieu d'aymer Dieu pour plaire a Dieu, ilz commencent d'aymer pour le playsir qu'ilz ont eux mesmes es exercices du saint amour, et en lieu qu'ilz estoyent amoureux de Dieu, ilz deviennent amoureux de l'amour qu'ilz luy portent: ilz sont affectionnés a leurs affections, et ne se playsent plus en Dieu, mais au playsir qu'ilz ont en son amour, se contentans en cet amour entant qu'il est a eux, qu'il est dans leur esprit et qu'il en procede; car encor que cet amour sacré s'appelle amour de Dieu parce que Dieu est aymé par iceluy, il ne laisse pas d'estre nostre parce que [138] nous sommes les amans qui aymons par iceluy.

  A005000519 

 Ne vois tu pas, dira-on a cet Evesque, que Dieu veut que tu chantes le cantique pastoral de sa dilection emmi ton troupeau, lequel en vertu de son saint amour il te commande par trois fois de paistre, en la personne du grand saint Pierre qui fut le premier des Pasteurs? Que me respondras-tu? qu'a Rome, qu'a Paris il y a plus de delices spirituelles, et qu'on y peut prattiquer le divin amour avec plus de suavité? O Dieu, ce n'est donq pas pour vous plaire que cet homme veut chanter, c'est pour le playsir qu'il prend a cela; ce n'est pas vous qu'il cherche en l'amour, c'est le contentement qu'il a es exercices du saint amour.

  A005000520 

 Celuy qui priant Dieu s'apperçoit qu'il prie, n'est pas parfaittement attentif a prier; car il divertit son attention de Dieu, lequel il prie, pour penser a la priere par laquelle il le prie.

  A005000522 

 Plusieurs, certes, ne se plaisent point en l'amour divin sinon qu'il soit confit au sucre de quelque suavité sensible, et feroyent volontier comme les petitz enfans, auxquelz quand on donne du miel sur un morceau de pain, ilz lechent et succent le miel et jettent par apres le pain: car si la suavité estoit separable de l'amour ilz quitteroyent l'amour et tireroyent la suavité; c'est pourquoy ilz suivent l'amour a cause de la suavité, laquelle quand ilz n'y rencontrent pas, ilz ne tiennent conte de l'amour.

  A005000530 

 Et bien qu'elle n'ait pas perdu le courage, elle est pourtant si terriblement attaquee, que si elle est sans coulpe elle n'est pas sans peyne: car, pour comble de son ennuy, elle est privee de la generale consolation que l'on a presque tous-jours en tous les autres maux de ce monde, qui est l'esperance qu'ilz ne seront pas perdurables et que l'on en verra la fin; si que le cœur en ces ennuis spirituelz, tumbe en une certaine impuissance de penser a leur fin, et par consequent d'estre allegé par l'esperance.

  A005000535 

 Voyla une grande varieté d'actions fort sensibles; et saint Pierre neanmoins, qui avoit esté esveillé avant toutes choses, ne pensoit pas que ce qui se faisoit par l'Ange fust vray, ains estimoit que ce fust une vision imaginaire: il estoit esveillé et ne pensoit pas l'estre, il s'estoit chaussé et vestu et ne sçavoit pas qu'il l'eust fait, il marchoit et n'estimoit.

  A005000544 

 Helas, Theotime, que le pauvre cœur est affligé quand, comme abandonné de l'amour, il regarde par tout et ne le treuve point, ce luy semble.

  A005000544 

 Telz donques sont les sentimens de l'ame laquelle est entre les angoisses spirituelles, qui rendent l'amour extremement pur et net, car estant privé de tout playsir par lequel il puisse estre attaché a son Dieu, il nous joint et unit a Dieu immediatement, volonté a volonté, [147] cœur a cœur, sans aucune entremise de contentement ou pretention.

  A005000545 

 Car ainsy ce divin Sauveur, proche de sa mort et jettant les derniers souspirs, avec un grand cri et force larmes: Helas, dit-il, o mon Pere, je recommande mon esprit en vos mains; parole, Theotime, qui fut la derniere de toutes, et par laquelle le Filz bienaymé donna le souverain tesmoignage de son amour envers son Pere.

  A005000551 

 Certes, si on demande a quelque serviteur qui est a la suite de son maistre, ou il va, il ne doit pas respondre qu'il va en tel ou tel lieu, ains seulement qu'il suit son maistre, car il ne va nulle part par sa volonté, ains seulement par celle de son maistre; ainsy, mon Theotime, une volonté resignee en celle de son Dieu ne doit avoir aucun vouloir, ains suivre simplement celuy de Dieu.

  A005000551 

 De sorte que ce n'est pas proprement comme les serviteurs suivent leurs maistres, car encor que le voyage se fasse par la volonté de leur maistre, leur suite toutefois se fait par leur propre volonté particuliere, bien qu'elle soit une volonté suivante et servante, sousmise et assujettie a celle de leur maistre: si que tout ainsy que le maistre et le serviteur sont deux, aussi la volonté du maistre et celle du serviteur sont deux.

  A005000554 

 Dieu m'a signifié qu'il vouloit que je sanctifiasse le jour du repos: puisqu'il veut que je le fasse, il veut donques que je le veuille faire, et que pour cela j'aye mon propre vouloir par lequel je suive le sien, me conformant et correspondant a iceluy.

  A005000554 

 Et nous autres, Theotime, comme petitz enfans du Pere celeste, nous pouvons aller avec luy en deux sortes: car nous pouvons aller, premierement, marchans des pas de nostre propre vouloir, lequel nous conformons au sien, tenans tous-jours de la main de nostre obeissance celle de son intention divine et la suivant par tout ou elle nous conduit; qui est ce que Dieu requiert de nous par la signification de sa volonté, car puisqu'il veut que je fasse ce qu'il m'ordonne, il veut que j'aye le vouloir de le faire.

  A005000554 

 Il est croyable que la tressainte Vierge Nostre Dame recevoit tant de contentement de porter son cher petit Jesus entre ses bras, que le contentement empeschoit la lassitude, ou du moins rendoit la lassitude aggreable: car, si de porter une branche d' agnus castus soulage les voyageurs et les delasse, quel allegement ne recevoit pas la glorieuse Mere de porter l'Aigneau de Dieu immaculé? Que si parfois elle le laissoit marcher sur ses pieds avec elle, le tenant par la main, ce n'estoit pas qu'elle n'eust mieux aymé de l'avoir pendant a son col sur sa poitrine, mais elle le faisoit pour l'exercer a former ses pas et a cheminer luy mesme.

  A005000554 

 Il est vray que nous pouvons bien vouloir qu'ilz arrivent selon la volonté de Dieu, et ce vouloir est tres bon; mais nous pouvons bien aussi recevoir les evenemens du bon playsir celeste par une tres simple tranquillité de nostre volonté qui, ne voulant chose quelcomque, acquiesce simplement a tout ce que Dieu veut estre fait en nous, sur nous et de nous..

  A005000554 

 Mays nous pouvons aussi aller avec Nostre Seigneur sans avoir aucun vouloir propre, nous laissans simplement porter [152] a son bon playsir divin, comme un petit enfant entre les bras de sa mere, par une certaine sorte de consentement admirable qui se peut appeller union, ou plustost unité de nostre volonté avec celle de Dieu.

  A005000555 

 Et qui luy eust demandé: Mais au moins, n'alles vous pas avec vostre Mere? n'eust-il pas eu rayson de dire: Non, je ne vay nullement, ou si je vay la part ou ma Mere me porte, je n'y vay pas avec elle ni par mes propres pas, ains j'y vay par les pas de ma Mere, par elle et en elle.

  A005000555 

 Et qui luy eust repliqué: Mais au moins, o trescher divin Enfant, vous vous voules bien laisser porter a vostre douce Mere? Non fay certes, eust-il peu dire, je ne veux rien de tout cela, ains, comme ma toute bonne Mere marche pour moy, aussi elle veut pour moy: je luy laisse egalement le soin et d'aller et de vouloir aller pour moy ou bon luy semblera; et comme je ne marche que par ses pas, aussi je ne veux que par son vouloir, et des que je me treuve entre ses bras je n'ay aucune attention ni a vouloir ni a ne vouloir pas, laissant tout autre soin a ma Mere hormis celuy d'estre sur son sein, de succer son sacré chicheron, et de me tenir bien attaché a son col tres aymable pour la bayser amoureusement des baysers de ma bouche.

  A005000555 

 O divin Enfant de Marie, permettes a ma chetifve ame cet eslan de dilection! Or alles donq, o cher petit Enfant tres aymable, ou plustost, n'alles pas, mais demeures ainsy saintement collé a la poitrine de vostre douce Mere; alles tous-jours en elle et par elle, ou avec elle, et n alles jamais sans elle tandis que vous estes enfant.

  A005000566 

 Il est fort malaysé de bien exprimer cette extreme indifference de la volonté humaine qui est ainsy reduite et trespassee en la volonté de Dieu: car il ne faut pas dire, ce me semble, qu'elle acquiesce a celle de Dieu, puisque l'acquiescement est un acte de l'ame qui declaire son consentement; il ne faut pas dire non plus qu'elle accepte ni qu'elle reçoit, d'autant que accepter et recevoir sont de certaines actions qu'on peut en certaine façon appeller actions passives, par lesquelles nous embrassons et prenons ce qui nous arrive; il ne faut pas dire aussi qu'elle permet, d'autant que la permission est une action de la volonté, et par consequent un certain vouloir oysif qui ne veut voirement rien faire, mais veut pourtant laisser faire.

  A005000567 

 Car bien qu'il dit: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as tu abandonné? ce fut pour nous faire sçavoir les veritables amertumes et [159] peines de son ame, et non pour contrevenir a la tressainte indifference en laquelle il estoit; ainsy qu'il monstra bien tost apres, concluant toute sa vie et sa Passion par ces incomparables paroles: Mon Pere, je remetz mon esprit entre vos mains..

  A005000567 

 Mays voyes, je vous prie, Theotime, que tout ainsy que nostre Sauveur, apres l'orayson de resignation qu'il fit au jardin des Olives et sa prise, se laissa manier et mener au gré de ceux qui le crucifierent, avec un abandonnement admirable de son cors et de sa vie entre leurs mains, aussi mit-il son ame et sa volonté, par une indifference tres parfaite, es mains de son Pere eternel.

  A005000567 

 Nostre Sauveur exprime ainsy l'extreme sous-mission de sa volonté humaine a celle de son Pere eternel: Le Seigneur Dieu, dit il, a ouvert mon aureille, c'est a dire, m'a annoncé son bon playsir touchant la multitude des travaux que je dois souffrir; et moy, dit il par apres, je ne contredis point, je ne me retire point en arriere. Qu'est ce a dire je ne contredis point, je ne me tire point en arriere? sinon: ma volonté est en une simple attente, et demeure disposee a tout ce que celle de Dieu ordonnera; en suite dequoy je baille et abandonne mon cors a la merci de ceux qui le battront, et mes joües a ceux qui les peleront, preparé a tout ce qu'ilz voudront faire de moy.

  A005000571 

 Representons-nous le doux Jesus, Theotime, chez Pilate, ou, pour l'amour de nous, les gens d'armes, ministres de la mort, le devestirent de tous ses habitz l'un apres l'autre, et non contens de cela luy osterent encor sa peau, la deschirans a coups de verges et de foüetz; comme par apres son ame fut despouillee de son cors et le cors de sa vie par la mort qu'il souffrit en la croix: mais trois jours passés, par sa tressainte Resurrection, l'ame se revestit de son cors glorieux, et le cors de sa peau immortelle, et s'habilla de vestemens differens, ou en pelerin, ou en jardinier, ou d'autre sorte, selon que le salut des hommes et la gloire de son Pere le requeroit.

  A005000574 

 Eliezer portoit des pendans d'aureilles, des brasseletz et des vestemens neufs pour la fille que Dieu avoit preparee au filz de son maistre; et par effect il les donna a la vierge Rebecca si tost qu'il conneut qu'elle estoit celle la.

  A005000575 

 Ainsy saint Pierre s'habille dans la prison, non par son election, mais a mesure que l'Ange le luy commande: il met sa ceinture, puis ses sandales, puis ses autres vestemens.

  A005000576 

 Ainsy se faut il desnuer de toutes affections, petites et grandes, et faut souvent examiner nostre cœur pour voir s'il est bien prest a se devestir, comme fit Isaïe, de tous ses habitz, puis reprendre aussi, quand il en est tems, les affections convenables au service de la charité; affin de mourir en croix tous nuds avec nostre divin Sauveur, et resusciter par apres en un nouvel homme avec luy.

  A005000585 

 Mais voyés, Theotime, combien cette loy d'amour est aymable! Hé, Seigneur Dieu, ne suffisoit il pas qu'il vous pleust de nous permettre ce divin amour, comme Laban permit celuy de Rachel a Jacob, sans qu'il vous pleust encor de nous y semondre par exhortations, de nous y pousser par vos commandemens? Mais non, Bonté divine, affin que ni vostre grandeur, ni nostre bassesse, ni pretexte quelcomque ne nous retardast de vous aymer, vous nous le commandés.

  A005000585 

 O vray Dieu, si nous le sçavions entendre, mon cher Theotime, quelle obligation aurions-nous a ce souverain Bien qui non seulement nous permet, mais nous commande de l'aymer! Helas, o Dieu, je ne sçay pas si je dois plus aymer vostre infinie beauté qu'une si divine bonté m'ordonne d'aymer, ou vostre divine bonté qui m'ordonne d'aymer une si tres infinie beauté! O beauté, combien estes vous aymable, m'estant octroyee par une si immense bonté! o bonté, que vous estes amiable de me communiquer une si eminente beauté!.

  A005000586 

 Car a mesme que la claire et belle connoissance de la divine beauté aura penetré les entendemens de ces espritz infortunés, la divine justice ostera tellement la force a la volonté, qu'elle ne pourra nullement aymer cet object que l'entendement luy proposera et representera estre tant aymable; et cette veüe qui devoit engendrer un si grand amour en la volonté, en lieu de cela y fera naistre une tristesse infinie, laquelle sera rendue eternelle par la souvenance qui demeurera a jamais en ces ames perdues de la souveraine beauté qu'ilz auront veüe: souvenance sterile de tout bien, ains fertile de travaux, de peines, de tormens et de desespoirs immortelz; d'autant qu'en la volonté se treuvera tout ensemble une impossibilité, ains une effroyable et eternelle aversion et repugnance d'aymer cette tant desirable excellence.

  A005000586 

 Dieu, au jour du jugement, imprimera es espritz des damnés l'apprehension de la perte qu'ilz feront, en une façon admirable: car la divine Majesté leur fera clairement voir la souveraine beauté de sa face et les tresors [166] de sa bonté, et a la veüe de cet abisme infini de delices, la volonté, par un effort extreme, se voudra lancer sur iceluy pour s'unir a luy et jouir de son amour; mais ce sera pour neant, d'autant qu'elle sera comme une femme qui, entre les douleurs de l'enfantement, apres avoir enduré des violentes tranchees, des convulsions cruelles et des detresses insupportables, meurt en fin sans pouvoir enfanter.

  A005000586 

 Si que les miserables damnés demeureront a jamais en une rage desesperee, de sçavoir une perfection si souverainement aymable sans en pouvoir jamais avoir ni la jouissance ni l'amour, parce que tandis qu'ilz l'ont peu aymer ilz n'ont pas voulu: ilz brusleront d'une soif d'autant plus violente que le souvenir de cette source des eaux de la vie eternelle aiguisera leurs ardeurs; ilz mourront immortellement, comme des chiens, d'une faim [167] d'autant plus vehemente, que leur memoire en affinera l'insatiable cruauté par le souvenir du festin duquel ilz auront esté privés:.

  A005000593 

 Certes, je ne voudrois pas asseurer que cette veùe de la beauté de Dieu, que les malheureux auront comme en eloyse et a guise d'un esclair, doive estre de mesme clarté que celle des Bienheureux; mais elle sera pourtant si claire qu' ilz verront le Filz de l'homme en sa majesté, ilz verront Celuy qu'ilz ont percé, et par la veüe de cette gloire connoistront la grandeur de leur perte.

  A005000594 

 Hé, vray Dieu, combien est desirable la suavité de ce commandement, Theotime, puisque si la divine volonté le faysoit aux damnés ilz seroyent en un moment delivrés de leur plus grand malheur, et que les Bienheureux ne sont Bienheureux que par la prattique d'iceluy! O amour celeste, que vous estes aymable a nos ames! et que benie soit a jamais la Bonté laquelle nous commande avec tant de soin qu'on l'ayme, quoy que son amour soit si desirable et necessaire a nostre bonheur que sans iceluy nous ne puissions estre que malheureux! [168].

  A005000598 

 Nous sommes donques destinés au contentement qui nous est promis en la vie immortelle, par ce commandement qui nous est fait en cette vie mortelle, en laquelle nous sommes, a la verité, obligés de l'observer tres estroittement, puisque c'est la loy fondamentale que le Roy Jesus a donné aux citoyens de la Hierusalem militante, pour leur faire meriter la bourgeoisie et la joye de la Hierusalem triomphante..

  A005000598 

 Si aucune loy n'est imfosee au juste, parce que, prevenant la loy et sans avoir besoin d'estre sollicité par icelle, il fait la volonté de Dieu par l'instinct de la charité qui regne en son ame, combien devons nous estimer les Bienheureux de Paradis libres et exemptz de toute sorte de commandemens, puisque, de la jouissance en laquelle ilz sont de la souveraine beauté et bonté du Bienaymé, coule et procede une tres douce mais inevitable necessité en leurs espritz, d'aymer eternellement la tressainte Divinité? Nous aymerons Dieu au Ciel, Theotime, non comme liés et obligés par la loy, mais comme attirés et ravis par la joye que cet object si parfaittement aymable donnera a nos cœurs; alhors la force du commandement cessera pour faire place a la force du contentement, qui sera le fruit et le comble de l'observation du commandement.

  A005000599 

 Certes, la haut au Ciel nous aurons un cœur tout libre de passions, une ame toute espuree de distractions, un esprit affranchi de contradictions, et des forces [169] exemptes de repugnances; et partant nous y aymerons Dieu par une perpetuelle et non jamais interrompue dilection, ainsy qu'il est dit de ces quatre animaux sacrés qui, representans les Evangelistes, sans cesser ni jour ni nuit louoyent continuellement la Divinité.

  A005000608 

 Or cela est ainsy, d'autant que le devoir par lequel on est tout aux uns n'est pas contraire au devoir par lequel on est tout aux autres..

  A005000609 

 L'homme se donne tout par l'amour, et se donne tout autant qu'il ayme: il est donq souverainement donné a Dieu lhors qu'il ayme souverainement sa divine bonté; et quand il s'est ainsy donné il ne doit rien aymer qui puisse oster son cœur a Dieu.

  A005000611 

 Apelles faysoit mieux une fois qu'autre, il se surmontoit aucunefois soy mesme, car bien qu'il mit ordinairement tout son art et toute son attention a peindre Alexandre le Grand, si est ce qu'il ne l'y mettoit pas tous-jours totalement, ni si entierement qu'il ne luy restast des autres effortz; par lesquelz il n'employoit pas ni un plus grand artifice ni une plus grande affection, mais il l'employoit plus vivement et parfaitement: il appliquoit tous-jours tout son esprit a bien faire ces tableaux d'Alexandre, parce qu'il l'appliquoit sans reserve, mais il l'appliquoit aucunefois plus fortement et plus heureusement.

  A005000612 

 Ains, il n'y a point de doute que David, pris a part, ne fut grandement dissemblable a soy mesme en cet amour; et qu'avec son second cœur, que Dieu crea net et pur en luy, et avec son esprit droit, que Dieu renouvella en ses entrailles par la tressainte pœnitence, il ne chantast beaucoup plus melodieusement le cantique de sa dilection, qu'il n'avoit jamais fait avec son cœur et son esprit premier..

  A005000613 

 Qui le donne tout par le martire, qui tout par la virginité, qui tout par la pauvreté, qui tout par l'action, qui tout par la contemplation, qui tout par l'exercice pastoral; et tous le donnans tout par l'observance des commandemens, les uns pourtant le donnent avec moins de perfection que les autres.

  A005000620 

 Et comme un phœnix nouvellement esclos de sa cendre, n'ayant encor que des petites plumes fluettes et des poilz foletz, ne peut faire que des petitz eslans par lesquelz il doit estre dit sauter plustost que voler, ainsy ces tendres jeunes ames, nouvellement nees dans la cendre de leur pœnitence, ne peuvent encor pas prendre l'essor et voler au plein air de l'amour sacré, retenues dans une multitude de mauvaises inclinations et habitudes depravees que les pechés de la vie passee leur ont laissé.

  A005000621 

 D'autant que tout ainsy que les jeunes fillettes ayment voirement bien leurs espoux, si elles en ont, mais ne laissent pas d'aymer grandement les bagues et bagatelles, et leurs compaignes avec lesquelles elles s'amusent esperdument a jouer, danser et folastrer, s'entretenans avec les petitz oyseaux, petitz chiens, escuyrieux et autres telz jouetz, aussi ces ames jeunes et novices ayment certes bien l'Espoux sacré, mais avec une multitude de distractions et divertissemens volontaires: de sorte que l'aymant par dessus toutes choses, elles ne laissent pas [178] de s'amuser a plusieurs choses qu'elles n'ayment pas selon luy, ains outre luy, hors de luy et sans luy.

  A005000622 

 Mays il y a des ames qui, ayant des-ja fait quelque progres en l'amour divin, ont retranché tout l'amour qu'elles avoyent aux choses dangereuses, et neanmoins ne laissent pas d'avoir des amours dangereux et superflus, parce qu'elles affectionnent avec exces et par un amour trop tendre et passionné ce que Dieu veut qu'elles ayment.

  A005000628 

 Ame toute pure, qui n'ayme pas mesme le Paradis sinon parce que l'Espoux y est aymé; mais Espoux si souverainement aymé en son Paradis, que s'il n'avoit point de Paradis a donner il n'en seroit ni [182] moins aymable ni moins aymé par cette courageuse amante, qui ne sçait pas aymer le Paradis de son Espoux, ains seulement son Espoux de Paradis, et qui ne prise pas moins le Calvaire tandis que son Espoux y est crucifié, que le Ciel ou il est glorifié.

  A005000628 

 Mais en fin, au dessus de toutes ces ames, il y en a une tres uniquement unique, qui est la reyne des reynes, la plus aymante, la plus aymable et la plus aymee de toutes les amies du divin Espoux, qui non seulement ayme Dieu sur toutes choses et en toutes choses, mais n'ayme que Dieu en toutes choses, de sorte qu'elle n'ayme pas plusieurs choses, ains une seule chose, qui est Dieu; et parce que c'est Dieu seul qu'elle ayme en tout ce qu'elle ayme, elle l'ayme egalement par tout, selon que le bon playsir d'iceluy le requiert, hors de toutes choses et sans toutes choses.

  A005000629 

 De ces ames si parfaites il y en a si peu, que chacune d'icelles est appellee unique de sa mere, qui est la Providence divine; elle est dite unique colombe, qui pour tout n'ayme que son colombeau; elle est nommee parfaite, parce qu'elle est rendue par amour une mesme chose avec la souveraine perfection; dont elle peut dire avec une tres humble verité: Je ne suis que pour mon Bienaymé, et il est tout tourné devers moy.

  A005000634 

 Ames rares et singulieres, qui n'ont plus aucune ressemblance avec les oyseaux dé ce monde, non pas mesme avec le phœnix, qui est si uniquement rare; ains sont seulement representees par cet oyseau que pour son excellente beauté et noblesse on dit n'estre pas de ce monde, ains du Paradis, dont il porte le nom: car ce bel oyseau desdaignant la terre, ne la touche jamais, vivant tous-jours en l'air; de sorte que lhors mesme qu'il veut se delasser, il ne s'attache aux arbres que par des petitz filetz ausquelz il demeure suspendu en l'air, hors duquel et sans lequel il ne peut ni voler ni reposer.

  A005000634 

 Et de mesme, ces grandes ames n'ayment pas, a proprement parler, les creaturès en elles mesmes, ains en leur Createur, et leur Createur en icelles: que si elles s'attachent par la loy de la charité a quelque creature, ce n'est que pour se reposer en Dieu, unique et finale pretention de leur amour; si que, treuvant Dieu es creatures et les creatures en Dieu, elles ayment Dieu et non les creatures, comme ceux peschent aux perles qui, treuvans les perles dans les ouïstres, n'estiment toutefois leur pesche que pour les seules perles..

  A005000635 

 Et de mesme il arrive quelquefois aux ames qui sont au rang des uniques et parfaites amantes, qu'elles se demettent et relaschent bien fort, voire mesme jusques a commettre des grandes imperfections et des fascheux pechés venielz; comme on void en plusieurs dissentions asses aigres, survenues entre des grans serviteurs de Dieu, ouï mesme entre quelques uns des divins Apostres, que l'on ne peut nier estre tumbés en quelques imperfections, par lesquelles la charité n'estoit pas certes violee, mais ouy bien toutefois la ferveur d'icelle.

  A005000640 

 Et parce que par iceluy nous choisissons et elisons Dieu pour le souverain object de nostre esprit, c'est un amour de souveraine election ou une election de souverain amour..

  A005000640 

 Ç'a esté un trait de la providence du Saint Esprit qu'en nostre version ordinaire, que sa divine Majesté a canonizee et sanctifiee par le Concile de Trente, le celeste commandement d'aymer est exprimé par le mot de dilection, plustost que par celuy d'aymer.

  A005000641 

 Vous sçaves, Theotime, qu'il y a plusieurs especes d'amour: comme, par exemple, il y a un amour paternel, filial, fraternel, nuptial, de societé, d'obligation, de dependence, et cent autres, qui tous sont differens en excellence, et tellement proportionnés a leurs objectz qu'on ne peut bonnement les addresser ou approprier aux autres.

  A005000645 

 On ne connoist pas tous-jours clairement, ni jamais tout a fait certainement, au moins «d'une certitude de foy,» si on a le vray amour de Dieu requis pour estre sauvé; mais on ne laisse pas pourtant d'en avoir plusieurs marques, entre lesquelles la plus asseuree et presque infallible paroist quand quelque grand amour des creatures s'oppose aux desseins de l'amour de Dieu: car alhors, si l'amour divin est en l'ame, il fait paroistre la grandeur du credit et de l'authorité qu'il a sur la volonté, monstrant par effect que non seulement il n'a point de maistre, mais que mesme il n'a point de compaignon, reprimant et renversant tout ce qui le contrarie, et se faisant obeir en ses intentions.

  A005000645 

 Quand la malheureuse trouppe des espritz diaboliques, s'estant revoltee contre son Createur, voulut attirer a sa faction [188] la sainte compaignie des espritz bienheureux, le glorieux saint Michel, animant ses compaignons a la fidelité qu'ilz devoyent a leur Dieu, crioit a haute voix, mais d'une façon angelique, parmi la celeste Hierusalem: Qui est comme Dieu? Et par ce mot il renversa le felon Lucifer avec sa suite, qui se vouloyent egaler a la divine Majesté; et de la, comme on dit, le nom fut imposé a saint Michel, puisque Michel ne veut dire autre chose sinon: Qui est comme Dieu? Et lhors que les amours des choses creées veulent tirer nos espritz a leur parti pour nous rendre desobeissans a la divine Majesté, si le grand amour divin se treuve en l'ame, il fait teste, comme un autre saint Michel, et asseure les puissances et forces de l'ame au service de Dieu par ce mot de fermeté: Qui est comme Dieu? quelle bonté y a-il es creatures, qui doive attirer le cœur humain a se rebeller contre la souveraine bonté de son Dieu?.

  A005000648 

 On demande quelle est la plus excellente gloire d'un prince, ou celle qu'il acquiert en la guerre par les armes, ou celle qu'il merite en la paix par la justice; et il me semble que la gloire militaire est plus grande, et l'autre meilleure: ainsy qu'entre les instrumens, les tambours et trompettes font plus de bruit, mais les luths et les espinettes font plus de melodie; le son des uns est plus fort, et l'autre plus suave et spirituel.

  A005000654 

 Et neanmoins il advint qu'en fin, pour je ne sçay quel sujet, cette amitié defaillit, et, selon la coustume, elle fut suivie d'une hayne encor plus ardente, laquelle regna quelque tems entre eux, jusques a ce que Nicephore, reconnoissant sa faute, fit trois divers essais de se reconcilier avec Saprice, auquel, tantost par les uns, tantost par les autres de leurs amis communs, il faisoit porter de sa part toutes les paroles de satisfaction et de sousmission qu'on pouvoit desirer.

  A005000655 

 C'est pourquoy Dieu repoussa son present, et retirant sa misericorde de luy, permit que non seulement il perdist le souverain bonheur du martyre, mais qu'encor il se precipitast au malheur de l'idolatrie; tandis que l'humble et doux Nicephore, voyant cette couronne du martyre vacante par l'apostasie de l'endurci Saprice, touché d'une excellente et extraordinaire inspiration, se pousse hardiment pour l'obtenir, disant aux archers et bourreaux: «Je suis, mes amis, je suis en verité Chrestien et crois en Jesus Christ que cestuy cy [194] a renié; mettes moy donq, je vous prie, en sa place, et tranches moy la teste.» Dequoy les archers s'estonnant infiniment, ilz en portent la nouvelle au gouverneur, qui ordonna que Saprice fust mis en liberté et que Nicephore fust supplicié: et cela advint le neufviesme febvrier, environ l'an 260 de nostre salut, ainsy que recitent Metaphraste et Surius..

  A005000655 

 Ce que Nicephore n'eut pas plus tost apperceu, que soudain il accourut, et ayant rencontré son Saprice, se prosternant en terre: Helas, crioit il a haute voix, «o martyr de Jesus Christ, pardonnés moy, car je vous ay offencé!» Dequoy Saprice ne tenant conte, le pauvre Nicephore, gaignant vistement le devant par une autre rue, vint derechef en mesme humilité, le conjurant de luy pardonner, en ces termes: «O martyr de Jesus Christ, pardonnes l'offence que je vous ay faite, comme homme que je suis, sujet a faillir; car voyla que des-ormais une couronne vous est donnee par Nostre Seigneur que vous n'aves point renié, ains aves confessé son saint nom devant plusieurs tesmoins.» Mais Saprice, continuant en sa fierté, ne luy respondit pas un seul mot, ains les bourreaux seulement, admirans la perseverance de Nicephore: «Onques,» luy dirent ilz, «nous ne vismes un si grand fol; cet homme va mourir tout maintenant, qu'as-tu besoin de son pardon?» A quoy respondant Nicephore: «Vous ne sçaves pas,» dit il, «ce que je demande au confesseur de Jesus Christ, mais Dieu le sçait.» [193] Or tandis Saprice arriva au lieu du supplice, ou Nicephore derechef s'estant jette en terre devant luy: «Je vous supplie,» faisoit-il, «o martyr de Jesus Christ, de me vouloir pardonner, car il est escrit: Demandés, et il vous sera octroyé.» Paroles lesquelles ne sceurent onques fleschir le cœur felon et rebelle du miserable Saprice qui, refusant obstinement de faire misericorde a son prochain, fut aussi par le juste jugement de Dieu privé de la tres glorieuse palme du martyre; car les bourreaux luy commandans de se mettre a genoux affin de luy trancher la teste, il commença a perdre courage et de capituler avec eux, jusques a leur faire en fin finale cette deplorable et honteuse sousmission: «Hé, de grace, ne me coupés pas la teste, je m'en vay faire ce que les Empereurs ordonnent, et sacrifier aux idoles.» Ce que oyant le pauvre bon Nicephore, la larme a l'œil, il se print a crier: «Ah, mon cher frere, ne veuilles pas, je vous prie, ne veuilles pas transgresser la loy et renier Jesus Christ; ne le quittes pas, je vous supplie, et ne perdes pas la celeste couronne que vous aves acquise par tant de travaux et de tourmens.» Mais helas! ce lamentable prestre, venant a l'autel du martyre pour y consacrer sa vie a Dieu eternel, ne s'estoit pas souvenu de ce que le Prince des Martyrs avoit dit: Si tu apportes ton offrande a l'autel, et tu te resouviens, y estant, que ton frere a quelque chose contre toy, laisse la ton offrande, et va premierement te reconcilier a ton frere, et alhors revenant, tu presenteras ton oblation.

  A005000656 

 Histoire effroyable et digne d'estre grandement pesee pour le sujet dont nous parlons; car aves vous veu, mon cher Theotime, ce courageux Saprice comme il estoit hardi et ardent a maintenir la foy, comme il souffre mille tourmens, comme il est immobile et ferme en la confession du nom du Sauveur tandis qu'on le roule et fracasse dans cet instrument fait a mode de vis, et comme il est tout prest de recevoir le coup de la mort pour accomplir le point le plus eminent de la loy divine, preferant l'honneur de Dieu a sa propre vie? Et neanmoins, parce que d'ailleurs il prefere a la volonté divine la satisfaction que son cruel courage prend en la hayne de Nicephore, il demeure court en sa course, et lhors qu'il est sur le point d'aconsuivre et gaigner le prix de la gloire par le martyre, il s'abbat malheureusement et se rompt le col, donnant de la teste dans l'idolatrie..

  A005000658 

 Agripine ayant apris que l'enfant qu'elle portoit seroit voirement Empereur, mais qu'il la feroit par apres mourir: «Qu'il me tue,» dit elle, «pourveu qu'il regne.» Voyes, je vous prie, le desordre de ce cœur follement maternel: elle prefere la dignité de son filz a sa vie.

  A005000662 

 Vous sçaves, Theotime, quelles furent les amours de Jacob pour sa Rachel; et que ne fit il pas pour en tesmoigner la grandeur, la force et la fidelité, des lhors qu'il l'eut saluee aupres du puitz de l'abbreuvoir? Car jamais onques plus il ne cessa de mourir d'amour pour elle; et pour l'avoir en mariage il servit avec une ardeur nompareille sept ans entiers, luy estant encor advis que ce ne fut rien, tant l'amour adoucissoit les travaux qu'il supportoit pour cette bienaymee, de laquelle estant par apres frustré, il servit derechef encor sept ans durant pour l'obtenir, tant il estoit constant, loyal et courageux en sa dilection.

  A005000663 

 La condition fut acceptee; et comme Jacob revenoit des chams sur le soir, Lia, impatiente de jouir de son eschange, luy alla au devant, et puis, toute comblee de joye: Ce sera ce soir, mon cher Seigneur mon ami, que vous seres pour moy, car j'ay acquis ce bonheur par le moyen des mandragores de mon enfant; et sur cela luy fit le recit de la convention passee entr'elle et sa seur.

  A005000663 

 La pauvre Lia n'avoit plus aucun lien d'amour avec Jacob [197] que celuy de sa fertilité, par laquelle elle luy avoit fait quatre enfans masles; le premier desquelz, nommé Ruben, estant allé aux chams en tems de moisson, il y treuva des mandragores, lesquelles il cueillit et dont par apre, estant de retour au logis, il fit present a sa mere.

  A005000664 

 Or Pline raconte que quand les chirurgiens en presentent le jus a boire a ceux sur lesquelz ilz veulent faire quelque incision, affin de leur rendre le coup insensible, il arrive maintefois que la seule odeur fait l'operation et endort suffisamment les patiens: c'est pourquoy la mandragore est une plante charmeresse, qui enchante les yeux, les douleurs, les regretz et toutes les passions par le sommeil.

  A005000666 

 N'est ce pas une lamentable merveille de voir David, si grand a surmonter la hayne, si courageux a pardonner l'injure, estre neanmoins si furieusement injurieux en l'amour, que non content de posseder justement une grande multitude de femmes, il va iniquement usurper et ravir celle du pauvre Urie, et, par une lascheté insupportable, affin de prendre plus a souhait l'amour de la femme, il donne cruellement la mort au mari? Qui n'admirera le cœur de saint Pierre, si hardi entre les soldatz armés que luy seul de toute la trouppe de son Maistre met le fer au poing et frappe, puis, peu apres, est si couard entre les femmes, qu'a la seule parole d'une servante il renie et deteste son Maistre? Et comme peut on treuver si estrange que Rachel quittast les caresses de son Jacob pour des pommes [199] de mandragore, puisqu'Adam et Eve quitterent bien la grace pour une pomme qu'un serpent leur offre a manger?.

  A005000667 

 Celuy qui a dit: Tu ne tueras point, a dit aussi: Tu ne seras point luxurieux; que si tu ne tues point, mais tu commetz la luxure, ce n'est donq pas pour l'amour de Dieu que tu ne tues pas, ains c'est par quelqu'autre motif qui te fait choisir ce commandement plustost que l'autre: choix qui fait l'heresie en matiere de charité.

  A005000667 

 Si quelqu'un me disoit qu'il ne me veut pas couper un bras pour l'amour qu'il me porte, et neanmoins me venoit arracher un œil, ou me rompre la teste, ou me percer le cors de part en part: Hé, ce dirois-je, comme me dites vous que c'est par amour que vous ne me coupes pas un bras, puisque vous m'arraches un œil qui ne m'est pas moins pretieux, ou que vous me donnes de vostre espee a travers le cors, qui m'est encores plus dangereux? C'est une maxime, que «le bien provient d'une cause vrayement entiere, et le mal de chasque defaut.» Pour faire un acte de vraye charité, il faut qu'il procede d'un amour entier, general et universel, qui s'estende a tous les commandemens divins; que si nous manquons d'amour en un seul commandement, nostre amour n'est plus entier ni universel, et le cœur dans lequel il est ne peut estre dit vrayement amant, ni par consequent vrayement bon.

  A005000675 

 Je vous dois aymer comme mon premier principe, puisque je suis de vous; je vous dois aymer comme ma fin et mon repos, puisque je suis pour vous; je vous dois aymer plus que mon estre, puisque mon estre subsiste par vous; je vous dois aymer plus que moy mesme, puisque je suis tout a vous et en vous..

  A005000675 

 Mais sur tout cette inclination est forte parce que nous sommes plus en Dieu qu'en nous mesmes, nous vivons plus en luy qu'en nous, et sommes tellement de luy, par luy, pour luy et a luy, que nous ne sçaurions, de sens rassis, penser ce que nous luy sommes et ce qu'il nous est que nous ne soyons forcés de crier: Je suis vostre, Seigneur, et ne dois estre qu'a vous; mon ame est vostre, et ne doit vivre que par vous; ma volonté est vostre, et ne doit aymer que [202] pour vous; mon amour est vostre, et ne doit tendre qu'en vous.

  A005000676 

 Que s'il y avoit ou pouvoit avoir quelque souveraine bonté de laquelle nous fussions independans, pourveu que nous peussions nous unir a elle par amour, encor serions nous incités a l'aymer plus que nous mesmes, puisque l'infinité de sa suavité seroit tous-jours souverainement plus forte pour attirer nostre volonté a son amour que toutes les autres bontés, et mesme que la nostre propre..

  A005000677 

 Mais si, par imagination de chose impossible, il y avoit une infinie bonté a laquelle nous n'eussions nulle sorte d'appartenance et avec laquelle nous ne peussions avoir aucune union ni communication, nous l'estimerions certes plus que nous mesmes; car nous connoistrions qu'estant infinie, elle seroit plus estimable et aymable que nous, et par consequent nous pourrions faire des simples souhaitz de la pouvoir aymer: mais, a proprement parler, nous ne l'aymerions pas, puisque l'amour regarde l'union; et beaucoup moins pourrions nous avoir la charité envers elle, puisque la charité est une amitié et l'amitié ne peut estre que reciproque, ayant pour fondement la communication et pour fin l'union.

  A005000681 

 Car c'est en cette qualité-la, Theotime, que nous appartenons a Dieu d'une si estroitte alliance et d'une si aymable dependance, qu'il ne fait nulle difficulté de se dire nostre Pere et nous nommer ses enfans; c'est en cette qualité que nous sommes capables d'estre unis a sa divine essence par la jouissance de sa souveraine bonté et felicité; c'est en cette qualité que nous recevons sa grace et que nos espritz sont associés au sien tressaint, rendus, par maniara de dire, participans de sa divine nature: comme dit saint Leon.

  A005000682 

 Theotime, aymer le prochain par charité c'est aymer Dieu en l'homme ou l'homme en Dieu; c'est cherir Dieu seul pour l'amour de luy mesme, et la creature pour l'amour d'iceluy.

  A005000683 

 Et pourquoy donq? O Theotime, pour l'amour de Dieu qui l'a formee a son image et semblance, et par consequent rendue capable de participer a sa bonté en la grace et en la gloire; pour l'amour de Dieu, dis-je, de qui elle est, a qui elle est, par qui elle est, en qui elle est, pour qui elle est, et qu'elle ressemble d'une façon toute particuliere.

  A005000688 

 Comme l'amour tend au bien de la chose aymee, ou s'y complaysant si elle l'a, ou le luy desirant et pourchassant si elle ne l'a pas, aussi il produit la hayne, par laquelle il fuit le mal contraire a la chose aymee, ou desirant et pourchassant de l'esloigner d'icelle si elle l'a des-ja, ou le divertissant et empeschant de venir si elle ne l'a pas encor: que si le mal ne peut ni estre empesché ni estre esloigné, l'amour au moins ne laisse pas de le faire haïr et detester.

  A005000690 

 L'envie est tous-jours injuste, mays la jalousie est quelquefois juste, pourveu qu'elle soit moderee; car les mariés, par exemple, n'ont ilz pas rayson d'empescher que leur amitié ne reçoive diminution par le partage? 2.

  A005000690 

 Par l'envie nous nous attristons que le prochain ayt un bien plus grand ou pareil au nostre, encor qu'il ne nous oste rien de ce que nous avons; en quoy l'envie est desraysonnable, nous faysant estimer que le bien du prochain soit nostre mal.

  A005000695 

 Nostre amour luy est inutile, mais il nous est de grand proffit, et s'il luy est aggreable c'est parce qu'il nous est profitable; car estant le souverain bien, il se plait a se communiquer par son amour, sans que bien quelcomque luy en puisse revenir; dont il s'escrie, se plaignant des pecheurs, par maniere de jalousie: Ilz m'ont laissé, moy qui suis source d'eau vive, et se sont fouï des cisternes, cistemes dissipees et crevassees, qui ne peuvent retenir les eaux.

  A005000695 

 Que si, par pensee de chose impossible, ilz eussent peu rencontrer quelqu'autre fontaine d'eau vive, je supporterois aysement leur departie d'avec moy, puisque je n'ay nulle pretention en leur amour que celle de leur bonheur; mais me quitter pour perir, m'abandonner pour se precipiter, c'est cela qui me fait estonner et fascher sur leur folie.

  A005000696 

 Sulamite, certes, avoit son coeur tout plein de l'amour celeste de son cher Amant, lequel, quoy qu'il ayt tout, ne se contente pas, mais par une sacree desfiance de jalousie veut encor estre sur le cœur qu'il possede, et le cachetter de soy mesme, affin que rien ne sorte de l'amour qui y est pour luy et que rien n'y entre qui puisse y faire du meslange; car il n'est pas assouvi de l'affection dont l'ame de sa Sulamite est comblee, si elle n'est invariable, toute pure, toute unique pour luy.

  A005000697 

 Et David restabli en grace par un parfait amour, comme fut il traitté pour le seul peché veniel qu'il commit faysant faire le denombrement de son peuple?.

  A005000698 

 C'est pourquoy elle n'est pas jalouse d'une jalousie interessee, mais d'une jalousie pure, qui ne procede d'aucune convoitise, ains d'une noble et simple amitié: jalousie laquelle par apres s'estend jusques au prochain, avec l'amour duquel elle procede; car, puisque nous aymons le prochain pour Dieu comme nous mesmes, nous sommes aussi jaloux de luy pour Dieu comme nous le sommes de nous mesmes, de sorte que nous voudrions bien mourir pour l'empescher de perir..

  A005000707 

 En la jalousie humaine nous craignons que la chose aymee ne soit possedee par quelqu'autre; mais le zele que nous avons envers Dieu fait que, au contraire, nous redoutons sur toutes choses que nous ne soyons pas asses entierement possedés par iceluy.

  A005000711 

 Non pas certes que le divin amour, pour vehement qu'il soit, puisse estre excessif en soy mesme ni es mouvemens ou inclinations qu'il donne aux espritz; mays parce qu'il employe a l'execution de ses projetz l'entendement, luy ordonnant de chercher les moyens de les faire reuscir, et la hardiesse ou cholere pour surmonter les difficultés qu'il rencontre, il advient tres souvent que l'entendement propose et fait prendre des voyes trop aspres et violentes, et que la cholere ou audace, estant une fois esmeüe et ne se pouvant contenir dedans les limites de la rayson, emporte le cœur dans le desordre: en sorte que le zele est, par ce moyen, exercé indiscrettement et desreglement, qui le rend mauvais et blasmable.

  A005000712 

 La cholere est un secours donné de la nature a la rayson, et employé par la grace au service du zele pour l'execution de ses desseins, mais secours dangereux et peu desirable: car si elle vient forte elle se rend maistresse, renversant l'authorité de la rayson et les loix amoureuses du zele; que si elle vient foible, elle ne fait rien que le seul zele ne fist luy seul sans elle, et tous-jours elle tient en une juste crainte que, se renforçant, elle ne s'empare du cœur et du zele, les sousmettant a sa tyrannie, tout ainsy qu'un feu artificiel qui, en un moment, embrase un edifice et ne sait-on comme l'esteindre.

  A005000714 

 Mais en cette mesme responce, ce grand Saint recite un autre exemple admirable d'un grand zele procedé d'une ame fort bonne, gastee neanmoins et viciee par l'exces de la cholere qu'elle avoit excitee..

  A005000714 

 Or, ayant fait ce bel exploit de zele il ne s'arresta pas la, mais en fit grande feste au grand saint Denis Areopagite par une lettre qu'il luy en escrivit, de laquelle il receut une excellente responce, digne de l'esprit apostolique dont ce grand disciple de saint Paul estoit animé: car il luy fit voir clairement que son zele avoit esté indiscret, imprudent et impudent tout ensemble, d'autant qu'encor que le zele de l'honneur deu aux choses saintes soit bon et louable, si est ce qu'il avoit esté prattiqué contre toute rayson, sans consideration ni jugement quelcomque, puisqu'il avoit employé les coups de pieds, les outrages, injures et reproches, en un lieu, en une occasion et contre des personnes qu'il devoit honnorer, aymer et respecter; si que le zele ne pouvoit estre bon, estant exercé avec un si grand desordre.

  A005000714 

 Un certain moyne nommé Demophile, estimant, a son advis, que ce pauvre penitent s'approchast trop du saint autel, entra en une cholere si violente que, se ruant sur luy a grans coups de pieds, il le poussa et chassa hors de la, injuriant outrageusement le bon prestre qui selon son devoir avoit doucement recueilli ce pauvre repentant; puis, courant a l'autel il en osta les choses tressaintes qui y estoyent et les emporta, de peur, comme il vouloit faire accroire, que par rapprochement du pecheur le lieu n'eust esté prophané.

  A005000715 

 Ce que ne pouvant si tost faire, il s'en despitoit et les maudissoit, jusques a ce qu'en fin, levant les yeux au ciel, il vid le doux et tres pitoyable Sauveur qui, par une extreme pitié et compassion de ce qui se passoit, se levant de son throsne et [221] descendant jusques au lieu ou estoyent ces deux pauvres miserables, leur tendoit sa main secourable, a mesme que les Anges aussi, qui d'un costé qui d'autre, les retenoyent pour les empescher de tomber dans cet espouvantable gouffre.

  A005000715 

 Or considerés, je vous prie, mon Theotime, la violence de la passion de Carpus; car, comme il racontoit par apres luy mesme a saint Denis, il ne tenoit compte de contempler Nostre Seigneur et les Anges qui se monstroyent au Ciel, tant il prenoit playsir de voir en bas la detresse effroyable de ces deux miserables chetifs, se faschant seulement de ce qu'ilz tardoyent tant a perir, et partant s'essayoit de les precipiter luy mesme.

  A005000715 

 Premierement il luy fit voir, comme a un autre saint Estienne, le ciel tout ouvert, et Jesus Christ Nostre Seigneur assis sur un grand throsne, environné d'une multitude d'Anges qui luy assistoyent en forme humaine; puys il vid en bas la terre ouverte comme un horrible et vaste gouffre, et les deux desvoyés auxquelz il avoit souhaité tant de mal, sur le bord de ce precipice, tremblans et presque pasmés d'effroy a cause qu'ilz estoyent prestz a tumber dedans; attirés d'un costé par une multitude de serpens qui, sortans de l'abisme, s'entortilloyent a leurs jambes, et avec les queues les chatouilloyent et provoquoyent a la cheute, et de l'autre costé, certains hommes les poussoyent et frappoyent pour les faire tumber: si qu'ilz sembloyent estre sur le point d'estre abismés dans ce precipice.

  A005000715 

 [220] Carpus, homme eminent en pureté et sainteté de vie, et lequel il y a grande apparence avoir esté Evesque de Candie, en conceut un si grand courroux qu'onques il n'en avoit souffert de tel; et se laissa porter si avant en cette passion que, s'estant levé a la minuit pour prier selon sa coustume, il concluoit a part soy qu'il n'estoit pas raysonnable que les hommes impies vescussent davantage, priant par grande indignation la divine Justice de faire mourir d'un coup de foudre ces deux pecheurs ensemble, le payen seducteur et le Chrestien seduit.

  A005000716 

 Theotime, le saint homme Carpus avoit rayson d'entrer en zele pour ces deux hommes, et son zele avoit justement excitee la cholere contre eux, mays la cholere estant esmeüe avoit laissé la rayson et le zele en derriere; outrepassant toutes les bornes et limites du saint amour, et par consequent du zele qui en est la ferveur, elle avoit converti la hayne du peché en hayne du pecheur, et la tres douce charité en une furieuse cruauté.

  A005000720 

 Les chiens sages et bien appris tirent païs ou retournent sur eux mesmes selon que le piqueur leur parle, mais les jeunes chiens apprentifs s'egarent et sont desobeissans: les grans Saintz, qui ont rendu sages leurs passions a force de les mortifier par l'exercice des vertus, peuvent aussi tourner leur cholere a toute main, la lancer et la retirer ainsy que bon leur semble; mais nous autres, qui avons des passions indomtees, toutes jeunes, ou du moins mal apprises, nous ne pouvons lascher nostre [223] ire qu'avec peril de beaucoup de desordre, parce qu'estant une fois en campaigne on ne la peut plus retenir ni ranger comme il seroit requis..

  A005000721 

 Saint Denis, parlant a ce Demophile qui vouloit donner le nom de zele a sa rage et furie: Celuy, dit il, qui veut corriger les autres, doit premierement «avoir soin d'empescher que la cholere ne deboute la rayson de l'empire et domination que Dieu luy a donné en l'ame, et qu'elle n'excite une revolte, sedition et confusion dans nous mesmes; de façon que nous n'appreuvons pas vos impetuosités poussees d'un zele indiscret, quand mille fois vous repeteries Phinees et Helie, car telles paroles ne pleurent pas a Jesus Christ quand elles luy furent dites par ses Disciples, qui n'avoyent pas encor participe de ce doux et benin esprit.» Phinees, Theotime, voyant un certain malheureux Israëlite offencer Dieu avec une Moabite, il les tua tous deux; Helie avoit predit la mort d'Ochosias, lequel, indigné de cette prediction, envoya deux capitaines l'un apres l'autre, avec chacun cinquante soldatz pour le prendre, et l'homme de Dieu fit descendre le feu du ciel qui les devora.

  A005000722 

 C'est cela donq, Theotime, que veut dire saint Denis a Demophile qui alleguoit l'exemple de Phinees et d'Helie; car saint Jean et saint Jaques, qui vouloyent imiter Helie a faire descendre le feu du ciel sur les hommes, furent repris par Nostre Seigneur, qui leur fit entendre que son esprit et son zele estoit doux, [224] debonnaire et gracieux, qui n'employoit l'indignation ou le courroux que tres rarement, lhors qu'il n'y avoit plus esperance de pouvoir profiter autrement.

  A005000723 

 Une ire qui est inspiree ou excitee par le Saint Esprit n'est plus l'ire de l'homme, et c'est l'ire de l'homme qu'il faut fuir, puisque, comme dit le glorieux saint Jaques, elle n'opere point la justice de Dieu: et d'effect, quand ces grans serviteurs de Dieu employoient la cholere, c'estoit pour des occurrences si solemnelles et des crimes si excessifz, qu'il n'y avoit nul danger d'exceder la coulpe par la peine..

  A005000726 

 Certes, le zele de Nostre Seigneur parut principalement a mourir sur la croix pour destruire la mort et le peché des hommes: en quoy il fut souverainement imité par cet admirable vaisseau d'election et de dilection, ainsy que le represente le grand saint Gregoire Nazianzene en paroles dorees; car, parlant de ce saint Apostre: «Il combat pour tous,» dit-il, «il respand des prieres pour tous, il est passionné de jalousie envers tous, il est enflammé pour tous, ains mesme il a osé plus que cela pour ses freres selon la chair; en sorte que, pour dire aussi moy mesme ceci fort hardiment, il desire par charité qu'iceux soyent mis en sa place aupres de Jesus Christ.

  A005000726 

 Et comme nostre Sauveur porta de sorte les pechés du monde, et fut fait tellement anatheme, sacrifié pour le peché et delaissé de son Pere qu'il ne laissa pas d'estre perpetuellement le Filz bienaymé, auquel le Pere prenoit son bon playsir, aussi le saint Apostre desira bien d'estre anatheme et separé de son Maistre pour estre abandonné d'iceluy et delaissé a la merci des opprobres et punitions deues aux Juifz, mais il ne desira pas pourtant jamais d'estre privé de la charité et grace de son Seigneur, de laquelle rien aussi ne le pouvoit jamais separer; c'est a dire, il desira d'estre traitté comme un homme separé de Dieu, mais il ne desira pas d'en estre par effect separé, ni privé de sa grace, car cela ne peut estre saintement desiré.

  A005000726 

 Et comme se pourroit il faire que l'ardeur de l'amour peust faire desirer d'estre saparé de la grace, puisque l'amour est la grace mesme, ou du moins ne peut estre sans la grace? Or le zele du grand saint Paul fut prattiqué en quelque sorte, ce me semble, par le petit saint Paul, je veux dire par saint Paulin, qui, pour oster un esclave de son esclavage, [228] se rendit esclave luy mesme, sacrifiant sa liberté pour la rendre a son prochain..

  A005000731 

 La charité de Jesus Christ nous presse, dit [229] le grand Apostre: ouy certes, Theotime, elle nous force et violente par son infinie douceur, prattiquee en tout l'ouvrage de nostre redemption, auquel s'est apparue la benignité et amour de Dieu envers les hommes; car, qu'est-ce que ce divin Amant ne fit pas en matiere d'amour?.

  A005000732 

 Celuy qui [230] habitoit en soy mesme habite maintenant en nous, et Celuy qui estoit vivant es siecles dans le sein de son Pere eternel fut par apres mortel dans le giron de sa Mere temporelle; Celuy qui vivoit eternellement de sa vie divine vescut temporellement de la vie humaine, et Celuy qui jamais eternellement n'avoit esté que Dieu sera eternellement a jamais encor homme, tant l'amour de l'homme a ravi Dieu et l'a tiré a l'extase!.

  A005000732 

 Et Celuy duquel si souvent il est escrit: Je vis moy mesme, dit le Seigneur, il a peu dire par apres, selon le langage de son Apostre: Je vis moy mesme, non plus moy mesme, mais l'homme vit en moy; Ma vie c'est l'homme, et mourir pour l'homme c'est mon proffit; Ma vie est cachee avec l'homme en Dieu.

  A005000732 

 Il s'escoula tout en nous, et, par maniere de dire, fondit sa grandeur pour la reduire a la forme et figure de nostre petitesse; dont il est appellé source d'eau vive, rosee et pluye du Ciel.

  A005000732 

 Il s'unit a nous par une conjunction incomprehensible, en laquelle il adhera et se serra a nostre nature si fortement, indissolublement et infiniment, que jamais rien ne fut si estroittement joint et pressé a l'humanité qu'est maintenant la tressainte Divinité en la Personne du Filz de Dieu.

  A005000733 

 Il admira souvent par dilection, comme il fit le Centenier et la Cananee.

  A005000733 

 Il eut mille et mille langueurs amoureuses; car, d'ou pouvoyent proceder ces divines paroles: Je dois estre baptizé de baptesme; et comme suis-je angoissé et pressé jusques a ce que je l'accomplisse? Il ne voyoit l'heure d'estre baptizé en son sang et languissoit jusques a ce qu'il le fut, l'amour qu'il nous portoit le pressant affin de nous voir deslivrés par sa mort de la mort eternelle.

  A005000734 

 Ce fut par election, et non par la force du mal, qu'il mourut: Nul ne m'oste ma vie, dit-il, mais je la laisse et quitte moy mesme; j'ay puissance de la quitter et de la prendre derechef moy mesme; Il fut offert, dit Isaïe, parce qu'il le voulut.

  A005000734 

 En fin, Theotime, ce divin Amoureux mourut entre les flammes et ardeurs de la dilection, a cause de l'infinie charité qu'il avoit envers nous et par la force et vertu de l'amour; c'est a dire, il mourut en l'amour, par l'amour, pour l'amour et d'amour.

  A005000734 

 Et partant il n'est pas dit que son esprit s'en alla, le quitta et se separa de luy; mais, au contraire, qu' il mit son esprit dehors, l'expira, le rendit et le remit es mains de son Pere eternel: si que saint Athanase remarque qu'il baissa la teste pour mourir, affin de consentir et pencher a la venue de la mort, laquelle autrement n'eust osé s'approcher de luy; et criant a pleine voix il remet son esprit a son Pere, pour monstrer que comme il avoit asses de force et d'haleyne pour ne point mourir, il avoit aussi tant d'amour qu'il ne pouvoit plus vivre sans faire revivre par sa mort ceux qui sans cela ne pouvoyent jamais eviter la mort, ni pretendre a la vraye vie.

  A005000734 

 Il fut donq le sacrificateur luy mesme qui s'offrit a son Pere, et s'immola en amour, a l'amour, par l'amour, pour l'amour et d'amour..

  A005000735 

 Mays, Theotime, gardés bien pourtant de dire que cette mort amoureuse du Sauveur se soit faite par maniere de ravissement; car l'object pour lequel sa charité le porta a la mort n'estoit pas tant aymable qu'il peust ravir a soy cette divine ame, laquelle sortit donq de son cors par maniere d'extase, poussee et lancee par l'affluence et force de l'amour, comme l'on void la myrrhe pousser dehors sa premiere liqueur par sa seule abondance, sans qu'on la presse ni tire aucunement, selon ce que luy mesme disoit, ainsy que nous avons remarqué: Personne ne m'oste ni ravit mon ame, mais je la donne volontairement.

  A005000743 

 Certes, encor que ces vertus eussent beaucoup d'apparence, si est ce qu'en effect elles estoyent de peu de valeur, a cause de la bassesse de l'intention de ceux qui les prattiquoyent, qui ne travailloyent presque que pour l'honneur, ainsy que dit saint Augustin, ou pour quelqu'autre pretention fort legere, comme est celle de l'entretien de la societé civile, ou pour quelque petite [235] inclination qu'ilz avoyent au bien, laquelle ne rencontrant point de grande contrarieté, les portoit a des menues actions de vertu, comme par exemple, a s'entresaluer, a secourir les amis, vivre sobrement, ne point desrobber, servir fidelement les maistres, payer les gages aux ouvriers.

  A005000743 

 La vertu est si aymable de sa nature que Dieu la favorise par tout ou il la void.

  A005000744 

 Or, toutes Egyptiennes et payennes qu'elles estoyent, elles craignirent d'offencer Dieu par une cruauté si barbare et desnaturee, comme eust esté celle du massacre de tant de petitz enfans: dequoy la divine Douceur leur sceut si bon gré, qu'elle leur edifia des maysons, c'est a dire les rendit plantureuses en enfans et en biens temporelz..

  A005000745 

 Donques, adjouste saint Hierosme au Commentaire, «nous apprenons que si les payens mesmes font quelque bien, ilz ne sont point laissés sans salaire par le jugement de Dieu.» Ainsy Daniel exhorta Nabuchodonosor infidele, de racheter [236] ses pechés par aumosnes, c'est a dire de se racheter des peynes temporelles deües a ses pechés, dont il estoit menacé.

  A005000745 

 Voyes-vous donq, Theotime, combien il est vray que Dieu fait estat des vertus, encor qu'elles soyent prattiquees par des personnes qui sont d'ailleurs mauvaises? S'il n'eust aggreé la misericorde des sages femmes et la justice de la guerre des Babyloniens, eust-il pris le soin, je vous prie, de les salarier? et si Daniel n'eust sceu que l'infidelité de Nabuchodonosor n'empescheroit pas que Dieu n'aggreast ses aumosnes, pourquoy les luy eust il conseillees? Certes, l'Apostre nous asseure que les payens, qui n'ont pas la foy, font naturellement ce qui appartient a la loy: et quand ilz le font, qui peut douter qu'ilz ne fassent bien et que Dieu n'en fasse conte? Les payens conneurent que le mariage estoit bon et necessaire, ilz virent qu'il estoit convenable d'eslever les enfans es artz, en l'amour de la patrie, en la vie civile, et ilz le firent: or je vous laisse a penser si Dieu ne treuvoit pas bon cela, puisqu'il avoit donné la lumiere de la rayson et l'instinct naturel a cette intention..

  A005000747 

 L'ame qui est en peché peut faire des biens qui, estans naturelz, sont recompensés de salaires naturelz, estans civilz, sont payés de monnoye civile et humaine, c'est a dire par des commodités temporelles.

  A005000747 

 La naturelle rayson est grandement blessee et comme a moitié morte par le peché: c'est pourquoy, ainsy mal en point, elle ne peut observer tous les commandemens, qu'elle void bien pourtant estre convenables; elle connoist son devoir, mais elle ne peut le rendre, et ses yeux ont plus de clarté pour luy monstrer le chemin que ses jambes de force pour l'entreprendre..

  A005000748 

 Car les ennemis de l'homme sont ardens, remuans et en perpetuelle action pour le precipiter, et quand ilz voyent qu'il n'arrive point d'occasion de prattiquer les vertus ordonnees, ilz suscitent mille tentations pour nous faire tumber es choses prohibees; et lhors la nature, sans la grace, ne se peut garentir du precipice: car si nous vainquons, Dieu nous donne la victoire par Jesus Christ, ainsy que [238] dit saint Paul.

  A005000748 

 Le pecheur peut voirement bien observer quelques uns des commandemens par ci par la, ains il peut mesme les observer tous pour quelque peu de tems, lhors qu'il ne se presente point de sujet relevé auquel il faille prattiquer les vertus commandees, ou de tentation pressante de commettre le peché defendu: mais que le pecheur puisse vivre long tems en son peché sans en adjouster des nouveaux, certes cela ne se peut sans une speciale protection de Dieu.

  A005000752 

 Les maistres des choses rustiques admirent la fraiche innocence et pureté des petites fraises, parce qu'encor qu'elles rampent sur la terre et soyent continuellement foulees par les serpens, lezars et autres bestes veneneuses, si est ce qu'elles ne reçoivent aucune impression du venin, ni n'acquierent aucune qualité maligne; signe qu'elles n'ont aucune affinité avec le venin.

  A005000752 

 Telles sont donques les vertus humaines, Theotime, lesquelles, quoy qu'elles soyent en un cœur bas, terrestre et grandement occupé de peché, elles ne sont neanmoins aucunement infectees de la malice d'iceluy, estant d'une nature si franche et innocente qu'elle ne peut estre corrompue par la societé de l'iniquité, selon qu'Aristote mesme a dit «que la vertu estoit une habitude de laquelle aucun ne peut abuser.» Que si les vertus, estant ainsy bonnes en elles mesmes, ne sont pas recompensees d'un loyer eternel lhors qu'elles sont prattiquees par les infideles ou par ceux qui sont en peché, il ne s'en faut nullement estonner: puisque le cœur pecheur duquel elles procedent n'est pas capable du bien [239] eternel, s'estant d'ailleurs destourné de Dieu, et que l'heritage celeste appartenant au Filz de Dieu, nul n'y doit estre associé qui ne soit en luy, et son frere adoptif; laissant a part que la convention par laquelle Dieu promet le Paradis ne regarde que ceux qui sont en sa grace, et que les vertus des pecheurs n'ont aucune dignité ni valeur que celle de leur nature, qui par consequent ne les peut relever au merite des recompenses surnaturelles, lesquelles pour cela mesme sont appellees surnaturelles, d'autant que la nature et tout ce qui en depend ne peut ni les donner ni les meriter..

  A005000753 

 Fendes donq vostre cœur par la sainte penitence, et mettes l'amour de Dieu dans la fente; puis, entes sur iceluy telle vertu que vous voudres, et les œuvres qui en proviendront seront parfumees de sainteté, sans qu'il soit besoin d'autre soin pour cela..

  A005000754 

 Les Spartes ayans ouï une tres belle sentence de la bouche d'un meschant homme, n'estimerent pas qu'elle deut estre receüe si premierement elle n'estoit prononcee par la bouche d'un homme de bien: pour donq la rendre digne de reception, ilz ne firent autre chose que de la faire derechef proferer par un homme vertueux.

  A005000754 

 Si vous voules rendre sainte la vertu humaine et morale d'Epictete, de Socrates ou de Demades, faites la seulement prattiquer par une ame vrayement chrestienne, c'est a dire qui ait l'amour de Dieu.

  A005000755 

 Et notés, Theotime, que toute œuvre vertueuse doit estre estimee œuvre du Seigneur, voire mesme quand elle seroit prattiquee par un infidele: car sa divine Majesté dit a Ezechiel que Nabuchodonosor et son armee avoyent travaillé pour [241] luy, parce qu'ilz avoyent fait une guerre legitime et juste contre les Tyriens; monstrant asses par la que la justice des injustes est sienne, tend a luy et luy appartient, bien que les injustes qui font la justice ne soyent pas siens, ne tendent pas a luy et ne luy appartiennent pas.

  A005000759 

 Ainsy, pour donner le goust de l'olive aux raysins, il ne faut que planter la vigne entre les oliviers, car sans s'entretoucher aucunement, par le seul voysinage, ces plantes feront un reciproque commerce de leurs saveurs et proprietés, tant elles ont une grande inclination et estroitte convenance l'une envers l'autre..

  A005000759 

 Car ces vertus, par leur propre condition, ont un si grand rapport a Dieu et sont si susceptibles des impressions de l'amour celeste, que pour les faire participer a la sainteté d'iceluy il ne faut sinon qu'elles soyent aupres de luy, c'est a dire en un cœur qui ayme Dieu.

  A005000759 

 Mays il y a des vertus qui, a rayson de leur naturelle alliance et correspondance avec la charité, sont aussi beaucoup plus capables de recevoir la pretieuse influence de l'amour sacré, et par consequent la communication de la dignité et valeur d'iceluy: telles sont la foy et l'esperance, qui, avec la charité, regardent immediatement Dieu, et la religion avec la penitence et devotion, [242] qui s'employent a l'honneur de sa divine Majesté.

  A005000760 

 Ainsy toutes les vertus reçoivent un nouveau lustre et une excellente dignité par la presence de l'amour sacré; mais la foy, l'esperance, la crainte de Dieu, la pieté, la penitence et toutes les autres vertus qui d'elles mesmes tendent particulierement a Dieu et a son honneur, elles ne reçoivent pas seulement l'impression du divin amour, par laquelle elles sont eslevees a une grande valeur, mais elles se penchent totalement vers luy, s'associant avec luy, le suivant et servant en toutes occasions: car en fin, mon cher Theotime, la Parole sacree attribue une certaine proprieté et force de sauver, de sanctifier et de glorifier, a la foy, a l'esperance, a la pieté, a la crainte de Dieu, a la penitence; qui tesmoigne bien que ce sont des vertus de grand prix, et qu'estant prattiquees en un cœur qui a l'amour de Dieu, elles se rendent excellemment plus fructueuses et saintes que les autres, [243] lesquelles de leur nature n'ont pas une si grande convenance avec l'amour sacré.

  A005000760 

 Certes, toutes les fleurs, si ce ne sont celles de l'arbre triste et quelques autres de naturel monstrueux, toutes, dis je, se res-jouissent, espanouissent et s'embellissent a la veüe du soleil, par la chaleur vitale qu'elles reçoivent de ses rayons; mais toutes les fleurs jaunes, et sur tout celle que les Grecs ont appellé heliotropium, et nous, tourne-soleil, non seulement reçoivent de la joye et complaysance en la presence du soleil, mais suivent par un amiable contour les attraitz de ses rayons, le regardant et se retournant devers luy depuis son lever jusques a son couchant.

  A005000760 

 La charité donques est une vertu nompareille, qui n'embellit pas seulement le cœur auquel elle se treuve, mais benit et sanctifie aussi toutes les vertus qu'elle rencontre en iceluy, par sa seule presence, les embaumant et parfumant de son odeur celeste, par le moyen de laquelle elles sont rendues de grand prix devant Dieu: ce qu'elle fait neanmoins beaucoup plus excellemment en la foy, en l'esperance, et es autres vertus qui d'elles mesmes ont une nature tendante a la pieté..

  A005000765 

 Et il arriva selon son souhait, car Bala conceut et enfanta plusieurs enfans sur les genoux de Rachel; qui les recevoit comme veritablement siens, d'autant qu'ilz estoyent procreés de deux cors, dont celuy de Jacob luy appartenoit par la loy du mariage, et celuy de Bala par obligation de service, et d'autant encores que leur generation avoit esté faitte par son ordonnance et volonté.

  A005000765 

 La belle Rachel, apres avoir grandement desiré d'avoir generation de son cher Jacob, fut rendue fertile par deux moyens, dont elle eut aussi des enfans de deux differentes façons; car au commencement de son mariage, ne pouvant avoir des enfans de son propre cors, elle employa, comme par emprunt, celuy de sa servante Bala, qu'elle tira a sa societé pour l'exercice des fonctions de son mariage, disant a son mari: J'ay Bala ma chambriere, prenés-la en mariage, entrés vers elle, affin qu'elle enfante sur mes genoux et que j'aye des enfans d'elle.

  A005000765 

 Mais elle eut par apres deux autres enfans, non commandés et ordonnés par [245] elle, mais conceus, mais issus et procreés de son propre cors d'elle mesme, a sçavoir, Joseph et le cher Benjamin..

  A005000766 

 Je vous dis maintenant, mon cher Theotime, que la charité et dilection sacree, plus belle cent fois que Rachel, mariee a l'esprit humain, souhaite sans cesse de produire des saintes operations: que si au commencement elle n'en peut enfanter elle mesme de sa propre extraction par l'union sacree qui luy est uniquement propre, elle appelle les autres vertus, comme ses fïdeles servantes, et les associe a son mariage, commandant au cœur de les employer, affin que d'elles il fasse naistre des saintes operations; mais operations qu'elle ne laisse pas d'adopter et estimer siennes, parce qu'elles sont produites par son ordre et commandement et d'un cœur qui luy appartient, d'autant que, comme nous avons declairé ailleurs, l'amour est maistre du cœur, et par consequent de toutes les œuvres des autres vertus faites par son consentement.

  A005000766 

 L'autre est l'amour affectif ou affectueux, qui, comme un petit Benjamin, est grandement delicat, tendre, aggreable et aymable; mais en cela plus heureux que Benjamin, que la charité, sa mere, ne meurt pas en le produisant, ains prend, ce semble, une nouvelle vie par la suavité qu'elle en ressent..

  A005000766 

 Mais, outre cela, cette divine dilection ne laisse pas d'avoir deux actes issus proprement et extraitz d'elle mesme; dont l'un est l'amour effectif, qui, comme un autre Joseph, usant de la plenitude de l'authorité royale, sousmet et range tout le peuple de nos facultés, puissances, passions et affections a la volonté de Dieu, affin qu'il soit aymé, obei et servi sur toutes choses, rendant par ce moyen executé le grand commandement celeste: Tu aymeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton ame, de tout ton esprit, de toutes tes forces.

  A005000767 

 Ainsy donques, Theotime, les actions vertueuses des enfans de Dieu appartiennent toutes a la sacree dilection: les unes, parce qu'elle mesme les produit de sa propre nature; les autres, d'autant qu'elle les sanctifie [246] par sa vitale presence; et les autres, en fin, par l'authorité et le commandement dont elle use sur les autres vertus, desquelles elle les fait naistre: et celles ci, comme elles ne sont pas, a la verité, si eminentes en dignité que les actions proprement et immediatement issues de la dilection, aussi excellent-elles incomparablement au dessus des actions qui ont toute leur sainteté de la seule presence et societé de la charité..

  A005000768 

 Ainsy, entre toutes les vertus, mon cher Theotime, la gloire de nostre salut et de nostre victoire sur l'enfer est deferee a l'amour divin, qui, comme prince et general de toute l'armee des vertus, fait tous les exploitz par lesquelz nous obtenons le triomphe: car l'amour sacré a ses actions propres, issues et procedees de luy mesme, par lesquelles il fait des miracles d'armes sur nos ennemis; puis, outre cela, il dispose, commande et ordonne les actions des autres vertus, qui pour cette cause sont nommees actes commandés ou ordonnés de l'amour; que si en fin quelques vertus font leurs operations sans son commandement, [247] pourveu qu'elles servent a son intention, qui est l'honneur de Dieu, il ne laisse pas de les advoüer siennes.

  A005000768 

 Un grand general d'armee ayant gaigné une signalee bataille aura sans doute tout l'honneur de la victoire, et non sans cause; car il aura combattu luy mesme en teste de l'armee, pratiquant plusieurs beaux faitz d'armes, et pour le reste il aura disposé l'armee, puis ordonné et commandé tout ce qui aura esté executé: si que il est estimé d'avoir tout fait, ou par soy mesme en combattant de ses propres mains, ou par sa conduite, commandant aux autres.

  A005000774 

 Ainsy, mon Theotime, si avec une egale charité l'un souffre la mort du martyre, et l'autre la faim du jeusne, qui ne void que le prix de ce jeusne ne sera pas pour cela egal a celuy du martyre? Non, Theotime; car, qui oseroit dire que le martyre en soy mesme ne soit pas plus excellent que le jeusne? Que s'il est plus excellent, la charité survenante ne luy ostant pas l'excellence qu'il a, ains la perfectionnant, luy laissera par consequent les avantages qu'il avoit naturellement sur le jeusne.

  A005000774 

 Toutes les fleurs perdent l'usage de leur lustre et de leur grace parmi les tenebres de la nuit; mais au matin, le soleil rendant ces mesmes fleurs visibles et aggreables n'egale pas toutefois leurs beautés et leurs graces, et sa clarté, respandue egalement sur toutes, les fait neanmoins inegalement claires et esclattantes, selon que plus ou moins elles se treuvent susceptibles des effectz de sa splendeur: et la lumiere du soleil, pour egale qu'elle soit sur la violette et sur la rose, n'egalera jamais pourtant la beauté de celle la a la beauté de celle ci, ni la grace d'une marguerite a celle du lys; mays pourtant, si la lumiere du soleil estoit fort claire sur la violette, et fort obscurcie par les brouillars sur la rose, alhors sans doute elle rendroit plus aggreable aux yeux la violette que la rose.

  A005000781 

 Mays, ce me dires vous, quelle est cette valeur, je vous prie, que le saint amour donne a nos actions? O mon Dieu, Theotime! certes, je n'aurois pas l'asseurance de le dire si le Saint Esprit ne l'avoit luy mesme declaré en termes fort expres par le grand apostre saint Paul, qui parle ainsy: Ce qui a present est momentanee [252] et leger de nostre tribulation, opere en nous sans mesure en la sublimité un poids eternel de gloire.

  A005000782 

 Et comme les graines qui ne produiroyent d'elles mesmes que des melons de goust fade, en produisent des sucrins et muscatz si elles sont detrempees en l'eau sucree ou musquee, ainsy nos cœurs qui ne sçauroyent pas projetter une seule bonne pensee pour le service de Dieu, estans detrempés en la sacree dilection par le Saint Esprit qui habite en nous, ilz produisent des actions sacrees qui tendent et nous portent a la gloire immortelle.

  A005000782 

 Le sarment uni et joint au cep porte du fruit non en sa propre vertu mais en la vertu du cep: or nous sommes unis par la charité a nostre Redempteur, comme les membres au chef; c'est pourquoy nos fruitz et bonnes œuvres, tirans leur valeur d'iceluy, meritent la vie eternelle.

  A005000782 

 Mays qui peut donner tant de vertu a ces momens passagers et a ces tribulations si legeres? L'escarlatte et la pourpre, ou fin cramoysi violet, est un drap grandement pretieux et royal, mais ce n'est pas a rayson de la laine, ains a cause de la teinture: les œuvres des bons Chrestiens sont de si grande valeur que pour icelles on nous donne le Ciel; mays, Theotime, ce n'est pas parce qu'elles procedent de nous et sont la laine de nos cœurs, ains parce qu'elles sont teintes au sang du Filz de Dieu; je veux dire, que c'est d'autant que le Sauveur sanctifie nos œuvres par le merite de son sang.

  A005000782 

 Nos œuvres comme provenantes de nous, ne sont que des chetifs roseaux, mais ces roseaux deviennent d'or par la charité, et avec iceux on arpente la Hierusalem celeste qu'on nous donne a cette mesure: car, tant aux hommes qu'aux Anges, on distribue la gloire selon la charité et les actions d'icelle, de sorte que la mesure de l'Ange est celle-là mesme de l'homme; et Dieu a rendu et rendra a un chacun selon ses œuvres, comme toute l'Escriture divine nous enseigne, laquelle nous assigne la felicité et joye eternelle du Ciel pour recompense des travaux et bonnes actions que nous aurons prattiquees en terre..

  A005000782 

 Nous sommes, quant a nous, branches seches, inutiles, infructueuses, qui ne sommes pas suffisans de penser quelque chose de nous mesme comme de nous mesme, mais toute nostre suffisance est de Dieu, qui nous a rendus officiers idoines et capables [253] de sa volonté; et partant, soudain que par le saint amour le nom du Sauveur, grand Evesque de nos ames, est gravé en nos cœurs, nous commençons a porter des fruitz delicieux pour la vie eternelle.

  A005000783 

 Or, ce n'est pas que nostre service luy soit ni necessaire ni utile; car apres que nous aurons fait tout ce qu'il nous a commandé, nous devons neanmoins advouer, par une tres humble verité ou veritable humilité, qu'en effect nous sommes serviteurs tres inutiles et tres infructueux a nostre Maistre, qui, a cause de son essentielle surabondance de bien, ne peut recevoir aucun proffit de nous; ains, convertissant toutes nos œuvres a nostre propre advantage et commodité, il fait que nous le servons autant inutilement pour luy que tres utilement pour nous, qui par des si petitz travaux gaignons des si grandes recompenses..

  A005000783 

 Recompense magnifique et qui ressent la grandeur du Maistre que nous servons, lequel, a la verité, Theotime, pouvoit, s'il luy eut pleu, exiger tres justement de nous nostre obeissance et service sans nous proposer aucun loyer ni salaire; puisque nous sommes siens par mille tiltres tres legitimes, et que nous ne pouvons rien faire qui vaille qu'en luy, par luy, pour luy et qui ne soit de luy.

  A005000784 

 Mays ne penses pas pourtant, Theotime, qu'en cette promesse il ayt tellement volu manifester sa bonté qu'il ayt oublié de glorifier sa sagesse, puisque au contraire il y a observé fort exactement les reges de l'equité, meslant admirablement la bienseance avec la liberalité: car nos œuvres sont voirement extremement petites et nullement comparables a la gloire, en leur quantité, mais elles luy sont neanmoins fort proportionnees en qualité, a rayson du Saint Esprit qui, habitant dans nos cœurs par la charité, les fait en nous, par nous et pour nous, avec un art si exquis, que les mesmes œuvres qui sont toutes nostres sont encor mieux toutes siennes, parce que, comme il les produit en nous, nous les produisons reciproquement en luy, comme il les fait pour nous, nous les faysons pour luy, et comme il les opere avec nous, nous cooperons aussi avec luy..

  A005000785 

 Ainsy l'huile de benediction versee sur le Sauveur, comme sur le chef de l'Eglise tant militante que triomphante, se respand sur la societé des Bienheureux, qui, comme la barbe sacree de ce divin Maistre, sont tous-jours attachés a sa face glorieuse, et distille encor sur la compaignie des fideles qui, comme vestemens, sont jointz et unis par dilection a sa divine Majesté; l'une et l'autre trouppe, comme composee de freres germains, ayant a cette occasion sujet de s'escrier: O que c'est une chose bonne et agreable de voir les freres bien ensemble, comme l'unguent qui descend en la barbe, la barbe d'Aaron, et jusques au bord de son vestement!.

  A005000786 

 Ainsy donq nos œuvres, comme un petit grain de moustarde, ne sont aucunement comparables en grandeur avec l'arbre de la gloire qu'elles produisent, mais elles ont pourtant la vigueur et vertu de l'operer, parce qu'elles procedent du Saint Esprit, qui, par une admirable infusion de sa grace en nos cœurs, rend nos œuvres siennes, les laissant nostres tout ensemble; d'autant que nous sommes membres d'un Chef duquel il est l'Esprit, et entés sur un arbre duquel il est la divine humeur.

  A005000786 

 Et parce qu'en cette sorte il agit en nos œuvres, et qu'en certaine façon nous operons ou cooperons en son action, il nous laisse pour nostre part tout le merite et proffit de nos services et bonnes œuvres, et nous luy en laissons aussi tout l'honneur et toute la louange, reconnoissans que le commencement, le progres et la fin de tout le bien que nous faysons depend de sa misericorde, par laquelle il est venu a nous et nous a prevenus, il est venu en nous et nous a assistés, il est [256] venu avec nous et nous a conduitz, achevant ce qu'il avoit commencé.

  A005000786 

 Mays, o Dieu, Theotime, que cette bonté est misericordieuse sur nous en ce partage! nous luy donnons la gloire de nos louanges, helas, et luy nous donne la gloire de sa jouissance, et en somme, par ces legers et passagers travaux nous acquerons des biens perdurables a toute eternité.

  A005000789 

 On dit que le cœur est la premiere partie de l'homme qui reçoit la vie par l'union de l'ame, et l'œil la derniere; comme au contraire, quand on meurt naturellement, l'œil commence le premier a mourir et le cœur le dernier.

  A005000790 

 Et pour l'ordinaire, cette vie de nostre ame prend son commencement dans le cœur de nos passions, qui est l'amour, et s'estendant sur toutes les autres, elle vivifie en fin l'entendement mesme par la contemplation: comme, au contraire, la mort morale ou spirituelle fait sa premiere entree en l'ame par l'inconsideration ( la mort entre par les fenestres, dit le sacré Texte), et son dernier effect consiste a ruiner le bon amour, lequel perissant, toute la vie morale est morte en nous.

  A005000791 

 C'est donq un signe evident que ce cœur la n'est pas porté a la liberalité par le motif et la consideration de la rayson: dont il s'ensuit que cette liberalité qui semble estre vertu n'en a que l'apparence, puisqu'elle ne procede pas de la rayson, qui est le vray motif des vertus, ains de quelque autre motif estranger.

  A005000791 

 Or, si l'amour de la rayson possede et anime un esprit, il fera tout ce que la rayson voudra en toutes occurrences, et par consequent il prattiquera toutes les vertus.

  A005000791 

 Voyés-vous, Theotime, toutes les vertus sont vertus par la convenance ou conformité qu'elles ont a la rayson; et une action ne peut estre dite vertueuse si elle ne procede de l'affection que le cœur porte a l'honnesteté et beauté de la rayson.

  A005000792 

 Je vous prie, Theotime, quelle prudence peut avoir un homme intemperant, injuste et poltron, puisqu'il choisit le vice et laisse la vertu? Et comme peut-on estre juste sans estre prudent, fort et temperant, puisque la justice n'est autre chose qu'une perpetuelle, forte et constante volonté de rendre a un chacun ce qui luy appartient, et que la science par laquelle le droit s'administre est nommee jurisprudence, et que pour rendre a chacun ce qui luy appartient il nous faut vivre sagement et modestement, et empescher les desordres de l'intemperance en nous, affin de nous rendre ce qui nous appartient a nous mesmes? Et le [259] mot de vertu ne signifie-il pas une force et vigueur appartenante a l'ame en proprieté, ainsy que l'on dit les herbes et pierres pretieuses avoir telle et telle vertu ou proprieté? Mais la prudence est-elle pas imprudente en l'homme intemperant? La force sans prudence, justice et temperance n'est pas une force, mais une forcenerie; et la justice est injuste en l'homme poltron, qui ne l'ose pas rendre, en l'intemperant, qui se laisse emporter aux passions, et en l'imprudent, qui ne sçait pas discerner entre le droit et le tort.

  A005000793 

 Il est bien vray, Theotime, qu'on ne peut pas exercer toutes les vertus ensemble, parce que les sujetz ne s'en presentent pas tout a coup; ains il y a des vertus que quelques uns des plus saintz n'ont jamais eu occasion de prattiquer: car saint Paul premier hermite, par exemple, quel sujet pouvoit il avoir d'exercer le pardon des injures, l'affabilité, la magnificence, la debonnaireté? Mais toutefois, telles ames ne laissent pas d'estre tellement affectionnees a l'honnesteté de la rayson, qu'encor qu'elles n'ayent pas toutes les vertus quant a l'effect, elles les ont toutes quant a l'affection, estant prestes et disposees de suivre et servir la rayson en toutes occurrences, sans exception ni reserve..

  A005000794 

 Combien y a-il de personnes qui, par leur condition naturelle, sont sobres, simples, douces, taciturnes, voire mesme chastes et honnestes? Or tout cela semble estre vertu, et n'en a toutefois pas le merite, non plus que les mauvaises inclinations ne sont dignes d'aucun blasme, jusques a ce que, sur telles humeurs naturelles, nous ayons enté le libre et volontaire consentement.

  A005000794 

 [260] Ce n'est pas vertu de ne manger guere par nature, mais ouy bien de s'abstenir par election; ce n'est pas vertu d'estre taciturne par inclination, mais ouy bien de se taire par rayson.

  A005000795 

 Certes, le grand saint Augustin, en une epistre qu'il escrit a saint Hierosme, monstre que nous pouvons avoir quelque sorte de vertu sans avoir les autres, et que neanmoins nous n'en pouvons point avoir de parfaites sans les avoir toutes; mais que quant aux vices on peut avoir les uns sans avoir les autres, ains il est impossible de les avoir tous ensemble: de sorte qu'il ne s'ensuit pas que qui a perdu toutes les vertus ait par consequent tous les vices, puisque presque toutes les vertus ont deux vices opposés, non seulement contraires a la vertu, mais aussi contraires entre eux mesmes.

  A005000795 

 Qui a perdu la vaillance par la temerité ne peut avoir a mesme tems le vice de couardise; et qui a perdu la liberalité par la prodigalité ne peut aussi a mesme tems estre blasmé de chicheté.

  A005000800 

 Or ces quatre fleuves, ainsy separés, se divisent par apres en plusieurs autres, affin que toutes les actions humaines puissent estre bien dressees a l'honnesteté et felicité naturelle; mais outre cela, Dieu voulant enrichir les Chrestiens d'une speciale faveur, il fait sourdre sur la cime de la partie superieure de leur esprit une [262] fontaine surnaturelle que nous appelions grace, laquelle comprend voirement la foy et l'esperance, mais qui consiste toutefois en la charité, qui purifie l'ame de tous pechés, puis l'orne et l'embellit d'une beauté tres delectable et en fin espanche ses eaux sur toutes les facultés et operations d'icelle, pour donner a l'entendement une prudence celeste, a la volonté une sainte justice, a l'appetit de convoitise une temperance sacree, et a l'appetit irascible une force devote, affin que tout le cœur humain tende a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A005000802 

 Certes, mon Theotime, Dieu a respandu en nos ames les semences de toutes les vertus, lesquelles [263] neanmoins sont tellement couvertes de nostre imperfection et foiblesse qu'elles ne paroissent point, ou fort peu, jusques a ce que la vitale chaleur de la dilection sacree les vienne animer et resusciter, produisant par icelles les actions de toutes les vertus: si que, comme la manne contenoit en soy la varieté des saveurs de toutes les viandes, et en excitoit le goust dans la bouche des Israëlites, ainsy l'amour celeste comprend en soy la diversité des perfections de toutes les vertus, d'une façon si eminente et relevee qu'elle en produit toutes les actions en tems et lieu, selon les occurrences.

  A005000802 

 Josué desfit certes vaillamment les ennemis de Dieu par la bonne conduite des armees qu'il eut en charge; mais Samson les desfaisoit encor plus glorieusement, qui de sa main propre, avec des maschoires d'asne, en tuoit a milliers.

  A005000802 

 Josué, par son commandement et bon ordre, employant la valeur de ses trouppes, faisoit des merveilles; mais Samson, par sa propre force, sans employer aucun autre, faisoit des miracles.

  A005000802 

 Nous semons es jardins une grande varieté de graines, et les couvrons toutes de terre comme les ensevelissans, jusques a ce que le soleil plus fort les fasse lever et, par maniere de dire, resusciter, lhors qu'elles produisent leurs feuilles et leurs fleurs avec des nouvelles graines, une chacune selon son espece: en sorte qu'une seule chaleur celeste fait toute la diversité de ces productions par les semences qu'elle treuve cachees dans le sein de la terre.

  A005000804 

 Et par ainsy, la charité est patiente, benigne; elle n'est point envieuse, mais bonteuse; elle ne fait point de legeretés, ains elle est prudente; elle ne s'enfle point d'orgueil, ains est humble; elle n'est point ambitieuse ou desdaigneuse, ains amiable et affable; elle n'est point pointilleuse a vouloir ce qui luy appartient, [265] ains franche et condescendante; elle ne s'irrite point, ains est paisible; elle ne pense aucun mal, ains est debonnaire; elle ne se res-jouit point sur le mal, ains se res-jouit avec la verité et en la verité; elle souffre tout, elle croid aysement tout ce qu'on luy dit de bien, sans aucune opiniastreté, contention ni desfiance; elle espere tout bien du prochain, sans jamais perdre courage de luy procurer son salut; elle soustient tout, attendant sans inquietude ce qui luy est promis.

  A005000808 

 La charité est donques le lien de perfection, puisqu'en elle et par elle sont contenues et assemblees toutes les perfections de l'ame, et que sans elle non seulement on ne sçauroit avoir l'assemblage entier des vertus, mais on ne peut mesme sans elle avoir la perfection d'aucune vertu.

  A005000808 

 Or, qui auroit toutes les vertus garderoit tous les commandemens: car, qui auroit la vertu de religion observeroit les trois premiers commandemens; qui auroit la pieté observeroit le quatriesme; qui auroit la mansuetude et debonnaireté observeroit le cinquiesme; par la chasteté on garderoit le sixiesme; par la liberalité on eviteroit de violer le septiesme; par la verité on feroit le huitiesme; et par la parcimonie et pudicité on observeroit le neufviesme et dixiesme.

  A005000810 

 Les abeilles sont en leur naissance des petitz schadons et vermisseaux, sans pieds, sans aysles et sans forme; mais par succession de tems, elles se changent et deviennent petites mouches; puis en fin, quand elles sont fortes et qu'elles ont leur croissance, alhors on dit qu'elles sont avettes formees, faites et parfaites, parce qu'elles ont ce qu'il faut pour voler et faire le miel.

  A005000811 

 La foy, l'esperance, la crainte et penitence viennent ordinairement devant elle en l'ame pour luy preparer le logis; et comme elle est arrivee, elles luy obeissent et la servent comme tout le reste des vertus, et elle les anime, les orne et vivifie toutes par sa presence..

  A005000812 

 Les autres vertus se peuvent reciproquement entr'ayder et s'exciter mutuellement en leurs œuvres et exercices; car, qui ne sçait que la chasteté requiert et excite la sobrieté, et que l'obeissance nous porte a la liberalité, a l'orayson, a l'humilité? Or, par cette communication qu'elles ont entr'elles, elles participent aux perfections les unes des autres; car la chasteté observee par obeissance a double dignité, a sçavoir, la sienne propre et celle de l'obeissance; ains elle a plus de celle de l'obeissance que de la sienne propre.

  A005000813 

 Au demeurant, la perfection de l'amour divin est si souveraine qu'elle perfectionne toutes les vertus et ne peut estre perfectionnee par icelles, non pas mesme par l'obeissance, qui est celle laquelle peut le plus respandre de perfection sur les autres; car, encor bien que l'amour soit commandé et qu'en aymant nous prattiquions l'obeissance, si est ce neanmoins que l'amour ne tire pas sa perfection de l'obeissance, ains de la bonté de celuy qu'il ayme, d'autant que l'amour n'est pas excellent parce qu'il est obeissant, mais parce qu'il ayme un bien excellent.

  A005000818 

 Pour Dieu, Theotime, je vous prie, quelle vertu pouvoyent avoir ces gens-la qui volontairement, et comme a prix fait, renversoyent toutes les lois de la religion? Seneque avoit fait un livre Contre les superstitions, dans lequel il avoit repris l'impieté payenne avec beaucoup de liberté: Or «cette liberté,» dit le grand saint Augustin, «se treuva en ses escritz et non pas en sa vie,» puisque mesme il conseilla «que l'on rejettast de cœur la superstition, mais qu'on ne laissast pas de la prattiquer es actions; car voicy ses paroles: Lesquelles superstitions le sage observera comme commandees par les lois, non pas comme aggreables aux dieux.» Comme pouvoyent estre vertueux ceux qui, comme rapporte saint Augustin, estimoyent «que le sage se devoit tuer quand il ne pouvoit ou ne devoit plus supporter» les calamités de cette vie? et toutefois ne vouloyent pas advouer que les calamités fussent miserables, ni les miseres calamiteuses, ains maintenoyent que le sage estoit tous-jours heureux et sa vie bien heureuse.

  A005000819 

 Aussy, celuy d'entre les Stoïciens et capitaines qui, pour s'estre tué soy mesme en la ville d'Utique affin d'eviter une calamité qu'il estimoit indigne de sa vie, a esté tant loué par les cervelles profanes, fit cette action avec si peu de veritable vertu, que, comme dit saint Augustin, «il ne tesmoigna pas un courage qui voulut eviter la deshonnesteté, mais une ame infirme qui n'eut pas l'asseurance d'attendre l'adversité; car s'il eust estimé chose infame de vivre sous la victoire de Cesar, pourquoy eust il commandé d'esperer en la [270] douceur de Cesar? Comme n'eust-il conseillé a son filz de mourir avec luy,» si la mort estoit meilleure et plus honneste que la vie? Il se tua donq, ou parce qu'il envia a Cesar la gloire qu'il eust eu de luy donner la vie, ou parce qu'il apprehenda la honte de vivre sous un vainqueur qu'il haïssoit: en quoy il peut estre loué d'un gros, et encor, a l'adventure, grand courage, mais non pas d'un sage, vertueux et constant esprit.

  A005000820 

 Si Lucrece ne fut pas chaste, pourquoy loue-on donq la chasteté de Lucrece? si Lucrece fut chaste et innocente en cet accident la, Lucrece ne fut elle pas meschante de tuer l'innocente Lucrece? «Si elle fut adultere, pourquoy est elle tant loüee? si elle fut pudique, pourquoy fut elle tuee?» Mais elle craignoit l'opprobre et la honte de ceux qui eussent peu croire que la deshonnesteté «qu'elle avoit soufferte violemment, tandis qu'elle estoit en vie, eust aussi esté soufferte volontairement si, apres icelle, elle fust demeuree en vie; elle eut peur qu'on l'estimast complice du peché, si ce qui avoit esté fait en elle vilainement estoit supporté par elle patiemment.» Et donq, faut-il, pour fuir la honte et l'opprobre qui depend de l'opinion des hommes, accabler l'innocent et tuer le juste? faut il maintenir l'honneur aux despens de la vertu, et la reputation au peril de l'equité? Telles furent les vertus des plus vertueux payens, envers Dieu et envers eux mesmes..

  A005000821 

 Et pour les vertus qui regardent le prochain, ilz foulerent aux pieds, et fort effrontement, par leurs lois mesmes, la principale, qui est la pieté; car Aristote, le plus grand cerveau d'entr'eux, prononce cette horrible [271] et tres impiteuse sentence: «Touchant l'exposition,» c'est a dire l'abandonnement «des enfans, ou leur education, la loy soit telle: qu'il ne faut rien nourrir de ce qui est privé de quelque membre; et quant aux autres enfans, si les lois et coustumes de la cité defendent qu'on n'abandonne pas les enfans, et que le nombre des enfans se multiplie a quelqu'un en sorte qu'il en ayt des-ja au double de la portee de ses facultés, il fa.ut prevenir et procurer l'avortement» Seneque, ce sage tant loüé: «Nous tuons,» dit il, «les monstres; et nos enfans, s'ilz sont manques, debiles, imparfaitz ou monstrueux, nous les rejettons et abandonnons.» De sorte que ce n'est pas sans cause que Tertulien reproche aux Romains qu'ilz exposoyent leurs enfans aux ondes, au froid, a la faim et aux chiens; et cela non par force de pauvreté, car, comme il dit, les presidens mesmes et magistratz prattiquoyent cette desnaturee cruauté.

  A005000822 

 Certes, si les payens ont prattiqué quelques vertus, ç'a esté pour la pluspart en faveur de la gloire du monde, et par consequent ilz n'ont eu de la vertu que l'action, et non pas le motif et l'intention.

  A005000822 

 «Je foule,» respondit il, «le fast de Platon.» Il est vray, repliqua Platon, «tu le foules, mais par un autre fast.» Si Seneque fut vain, on le peut recueillir de ses derniers propos; car la fin couronne l'œuvre, et la derniere heure les juge toutes.

  A005000822 

 «La convoitise humaine a fait la force des payens,» dit le Concile d'Auranges, «et la charité divine a fait celle des Chrestiens.» Les vertus des payens, dit saint Augustin, ont esté non vrayes, mais vraysemblables, [272] parce qu'elles ne furent pas exercees pour la fin convenable, mais pour des fins perissables: «Fabritius sera moins puni que Catilina, non pas que celuy la fut bon, mays parce que celuy ci fut pire; non que Fabritius eut des vrayes vertus, mais parce qu'il ne fut pas si esloigné des vrayes vertus: si que, au jour du jugement, les vertus des payens les defendront, non affin qu'ilz soyent sauvés, mais affin qu'ilz ne soyent pas tant damnés.» Un vice estoit osté par un autre vice entre les payens, les vices se faysans place les uns aux autres sans en laisser aucune a la vertu; et pour ce seul unique vice de la vayne gloire ilz reprimoyent l'avarice et plusieurs autres vices, voire mesme quelquefois ilz mesprisoyent la vanité par vanité; dont l'un d'entr'eux, qui sembloit le plus esloigné de la vanité, foulant aux pieds le lit bien paré de Platon: Que fais tu, Diogene? luy dit Platon.

  A005000823 

 Ceux qui servent les princes pour l'interest font ordinairement des services plus empressés, plus ardens et sensibles; mais ceux qui servent par amour [273] les font plus nobles, plus genereux, et par consequent plus estimables..

  A005000824 

 Les escarboucles et rubis sont appellés par les Grecs de deux noms contraires; car ilz les nomment piropes et apirotes, c'est a dire, de feu et sans feu, ou bien, enflammés et sans flamme.

  A005000829 

 Or ilz ne furent pas advoüés parce que, quant aux enfans de Cetura ilz nasquirent tous apres la mort de Sara; et pour le regard d'Ismael, quoy que sa mere Agar l'eust conceu par l'authorité de Sara sa maistresse, toutefois, se voyant grosse, elle la mesprisa, et ne fit pas cet enfant sur les genoux d'icelle, comme Bala fit les siens sur les genoux de Rachel.

  A005000829 

 Theotime, il n'y a que les enfans, c'est a dire les actes, de la tressainte charité qui soyent heritiers de Dieu, coheritiers de Jesus Christ, et les enfans ou actes que les autres vertus conçoivent et enfantent sur ses genoux, par son commandement, ou au moins sous les aisles et la faveur de sa presence.

  A005000830 

 Or il y a de plus: quand en la production des actions des vertus morales la volonté se rend desobeissante a sa dame, qui est la charité, comme quand par l'orgueil, la vanité, l'interest temporel, ou par quelqu'autre mauvais motif les vertus sont destournees de leur propre nature, certes alhors ces actions sont chassees et bannies de la mayson d'Abraham et de la societé de Sara, c'est a dire, elles sont privees du fruit [276] et des privileges de la charité, et par consequent demeurent sans valeur ni merite: car ces actions la, ainsy infectees d'une mauvaise intention, sont en effect plus vicieuses que vertueuses, puisqu'elles n'ont de la vertu que le cors exterieur, l'interieur appartenant au vice qui leur sert de motif; tesmoin les jeusnes, offrandes et autres actions du Pharisien..

  A005000831 

 Et ce sont ces œuvres que les theologiens appellent mortifiees, parce qu'estant nees en vie, sous la faveur de la dilection, et comme un Ismael en la famille d'Abraham, elles perdent par apres la vie et le droit d'heriter, par la desobeissance [277] et rebellion suivante, de la volonté humaine qui est leur mere..

  A005000831 

 Mays en fin, outre tout cela, comme les Israëlites vescurent paisiblement en Ægipte durant la vie de Joseph et de Levi, et soudain apres la mort de Levi furent tiranniquement reduitz en servitude, d'ou provint le proverbe des Juifz: «L'un des freres trespassé, les autres sont oppressés» (selon qu'il est rapporté en la Grande Chronologie des Hebrieux, publiee par le sçavant Archevesque d'Aix, Gilbert Genebrard, que je nomme par honneur et avec consolation pour avoir esté son disciple, quoy qu'inutilement, lors qu'il estoit lecteur royal a Paris et qu'il exposoit le Cantique des Cantiques), de mesme les merites et fruitz des vertus, tant morales que chrestiennes, subsistent tres doucement et tranquillement en l'ame tandis que la sacree dilection y vit et regne, mais a mesme que la dilection divine y meurt, tous les merites et fruitz des autres vertus meurent quant et quant.

  A005000833 

 O Dieu, nullement, Theotime: car non seulement le peché est une œuvre morte, mays elle est tellement pestilente et veneneuse, que les plus excellentes vertus de l'ame pecheresse ne produisent aucune action vivante; et quoy que quelquefois les actions des pecheurs ayent une grande ressemblance avec les actions des justes, ce ne sont toutefois qu'escorces pleines de vent et de poussiere, regardees voirement et mesme recompensees par la Bonté divine de quelques presens temporelz, qui leur sont donnés comme aux enfans des chambrieres, mais escorces pourtant qui ne sont ni ne peuvent estre savourees ni goustees par la divine justice, pour estre salariees de loyer eternel.

  A005000838 

 Que si, par apres, elles perdent leur vie et valeur par le peché survenant, elles sont dites œuvres amorties, esteintes ou mortifiees seulement; mais non pas œuvres mortes, si principalement on a esgard aux esleuz.

  A005000839 

 Certes, le tressaint Concile de Trente veut que l'on anime les penitens retournés en la sacree dilection de Dieu eternel, par ces paroles de l'Apostre: Abondés en tout bon œuvre, sachans que vostre travail n'est point inutile en Nostre Seigneur; car Dieu n'est pas injuste pour oublier vostre œuvre et la dilection que vous aves monstree en son nom.

  A005000839 

 Dieu donques n'oublie pas les œuvres de ceux qui, ayans perdu la dilection par le peché, la recouvrent par la penitence.

  A005000839 

 Or Dieu oublie les œuvres [281] quand elles perdent leur merite et leur sainteté par le peché survenant, et il s'en resouvient quand elles retournent en vie et valeur par la presence du saint amour: de sorte mesme que, affin que les fideles soyent recompensés de leurs bonnes œuvres, tant par l'accroissement de la grace et de la gloire future que par l'effectuelle jouissance de la vie eternelle, il n'est pas necessaire que l'on ne retombe point au peché, ains suffit, selon le sacré Concile, que l'on «trespasse en la grace» et charité de Dieu..

  A005000840 

 Dieu a promis des recompenses eternelles aux œuvres de l'homme juste, mais si le juste se destourne de sa justice par le peché, Dieu n'aura plus memoire des justices et bonnes œuvres qu'il avoit faites.

  A005000840 

 Que si neanmoins, par apres, ce pauvre homme tombé en peché se releve et retourne en l'amour divin par penitence, Dieu ne se resouviendra plus de son peché; et s'il ne se resouvient plus du peché, il se resouviendra donques des bonnes œuvres precedentes et de la recompense qu'il leur avoit promise, puisque le peché, qui seul les avoit ostees de la memoire divine, est totalement effacé, aboli, aneanti: si que alhors la justice de Dieu oblige sa misericorde, ou plustost la misericorde de Dieu oblige sa justice, de regarder derechef les bonnes œuvres passees, comme si jamais il ne les avoit oubliees; autrement le sacré penitent n'eust pas osé dire a son Maistre: Rendes moy l'allegresse de vostre salutaire, et me confirmes de vostre esprit principal. Car, comme vous voyes, non seulement il requiert une nouveauté d'esprit et de cœur, mais il pretend qu'on luy rende l'allegresse que le peché luy avoit ravie: or cette allegresse n'est autre chose que le vin du celeste amour, qui res-jouit le cœur de l'homme..

  A005000841 

 Ainsy tous-jours, es guerisons corporelles que Nostre Seigneur donnoit par miracle, non seulement il rendoit la santé, mais il adjoustoit des benedictions nouvelles, faysant exceller la guerison au dessus de la maladie; tant il est bonteux envers les hommes..

  A005000841 

 Et cet oubli des bonnes œuvres des justes, apres qu'ilz ont quitté leur justice et dilection, consiste en ce qu'elles nous sont rendues inutiles tandis que le peché nous rend incapables de la vie eternelle, qui est leur fruit; et partant, si tost que par le retour de la charité nous sommes remis au rang des enfans de Dieu, et par consequent rendus susceptibles de la gloire immortelle, Dieu se resouvient de nos bonnes œuvres anciennes, et elles nous sont derechef rendues fructueuses.

  A005000841 

 Il n'est pas du peché, en cet endroit, comme des [282] œuvres de charité: car les œuvres du juste ne sont pas effacees, abolies ou aneanties par le peché survenant, ains elles sont seulement oubliees, mais le peché du meschant n'est pas seulement oublié, ains il est effacé, nettoyé, aboli, aneanti par la sainte penitence; c'est pourquoy le peché survenant au juste, ne fait pas revivre les pechés autrefois pardonnés, d'autant qu'ilz ont esté tout a fait aneantis, mais l'amour revenant en l'ame du penitent, fait bien revivre les saintes œuvres d'autrefois, parce qu'elles n'estoyent pas abolies, ains seulement oubliees.

  A005000841 

 Il n'est pas raysonnable que le peché ayt autant de force contre la charité comme la charité en a contre le peché, car le peché procede de nostre foiblesse, et la charité de la puissance divine: si le peché abonde en malice pour ruiner, la grace surabonde pour reparer; et la misericorde de Dieu, par laquelle il efface le peché, s'exalte tous-jours et se rend glorieusement triomphante contre la rigueur du jugement, par lequel Dieu avoit oublié les bonnes œuvres qui precedoyent le peché.

  A005000842 

 Mays que les œuvres saintes, qui comme douces abeilles font le miel du merite, estant noyees dans le peché puissent par apres revivre, quand, couvertes des cendres de la penitence, on les remet au soleil de la grace et charité, tous les theologiens le disent et enseignent bien clairement; et lhors il ne faut pas douter qu'elles ne soyent utiles et fructueuses comme avant le peché.

  A005000842 

 Quand l'homme juste est rendu esclave du peché, toutes les bonnes œuvres qu'il avoit faites sont miserablement oubliees et reduites en boue; mais au sortir de la captivité, lhors que par la penitence il retourne en la grace de la dilection divine, ses bonnes œuvres precedentes sont tirees du puitz de l'oubli, et, touchees des rayons de la misericorde celeste, elles revivent et se convertissent en flammes aussi claires que jamais elles furent, pour estre remises sur l'autel sacré de la divine approbation, et avoir leur premiere dignité, leur premier prix et leur premiere valeur.

  A005000842 

 Que les iniquités et œuvres malignes puissent revivre apres que par la penitence elles ont esté noyees et abolies, certes, mon Theotime, jamais l'Escriture ni aucun theologien ne l'a dit, que je sache; ains le contraire est authorisé par la sacree Parole et par le commun consentement de tous les docteurs.

  A005000846 

 Les bestes ne pouvant connoistre la fin de leurs actions, tendent voirement a leur fin, mais n'y pretendent pas, car pretendre c'est tendre a une chose par dessein avant que d'y tendre par effect; elles jettent leurs actions a leur fin, mais elles ne projettent point, ains suivent leurs instinctz sans election ni intention.

  A005000848 

 Cet autre se communie a Pasques pour ne point estre blasmé de son voysinage et pour obeir a Dieu; qui doute qu'il ne fasse bien? Mais s'il se communie autant ou plus pour eviter le blasme que pour obeir a Dieu, qui doute qu'il ne fasse impertinemment, egalant ou preferant le respect humain a l'obeissance qu'il doit a Dieu? Je puis jeusner le caresme, ou par charité affin de plaire a Dieu, ou par obeissance parce que l'Eglise l'ordonne, ou par sobrieté, ou par diligence pour mieux estudier, ou par prudence affin de faire quelque espargne requise, ou par chasteté affin de dompter le cors, ou par religion pour mieux prier.

  A005000848 

 Prenons donq bien garde, Theotime, de ne point changer les motifs et la fin de nos actions qu'avec avantage et proffit, et de ne rien faire en ce traffiq que par bon ordre et rayson.

  A005000849 

 Il faut donner a chasque fin le rang qui luy convient, et, par consequent, le souverain a celle de plaire a Dieu..

  A005000850 

 Or le souverain motif de nos actions, qui est celuy du celeste amour, a cette souveraine proprieté, qu'estant plus pur il rend l'action qui en provient plus pure: si que les Anges et Saintz de Paradis n'ayment chose aucune pour autre fin quelcomque que pour celle de l'amour de la divine Bonté et par le motif de luy vouloir plaire; ilz s'entr'ayment voirement tous tres ardemment, ilz nous ayment aussi, ilz ayment les vertus, mais tout cela pour plaire a Dieu seulement.

  A005000854 

 Par exemple, si je veux m'exposer vaillamment aux hazards de la guerre, je le puis considerant divers motifs: car le motif naturel de cette action c'est celuy de la force et vaillance, a laquelle il appartient de faire entreprendre par rayson les choses perilleuses; mais, outre celuy cy, j'en puis avoir plusieurs autres, comme celuy d'obeir au prince que je sers, celuy de l'amour envers le public, celuy de la magnanimité, qui me fait plaire en la grandeur de cette action.

  A005000856 

 Que si quelquefois nous sommes touchés de quelque motif particulier, comme, par exemple, s'il nous advenoit d'aymer la chasteté a cause de sa belle et tant aggreable pureté, soudain sur ce motif il faut respandre celuy du divin amour, en cette sorte: O tres honneste et delicieuse blancheur de la chasteté, que vous estes aymable, puisque vous estes tant aymee par la divine Bonté! Puis, se retournant vers le Createur: Hé, Seigneur, je vous requiers une seule chose, c'est celle que je recherche en la chasteté, de voir et prattiquer en icelle vostre bon playsir et les delices que vous y prenes.

  A005000862 

 Telles sont les qualités par lesquelles l'esprit est rendu doux, obeissant et pliable aux loix de la rayson naturelle qui est en nous..

  A005000864 

 Ainsy, Theotime, la charité nous sera une autre eschelle de Jacob, composee des sept dons du Saint Esprit comme autant d'eschellons sacrés, par lesquelz les hommes angeliques monteront de la terre au Ciel pour s'aller unir a la poitrine de Dieu tout puissant, et descendront du Ciel en terre pour venir prendre le prochain par la main et le conduire au Ciel.

  A005000864 

 par la force nous prenons courage contre toutes les difficultés qu'il y a en nostre entreprise; au 5.

  A005000864 

 par le conseil nous choisissons les moyens propres a cela; au 6.

  A005000865 

 nous commençons a prescher par le don de science, exhortans les ames a la suite des vertus et a la fuite des vices; au 6.

  A005000865 

 ou par le don du conseil nous advisons par quelz moyens nous inspirerons dans l'esprit des prochains le goust et l'estime de la divine suavité; au 4.

  A005000866 

 Et je metz ainsy cette double crainte es deux derniers degrés, pour accorder toutes les traductions avec la sainte et sacree edition ordinaire; car si en l'Hebrieu le mot de crainte est repeté par deux fois, ce n'est pas sans mystere, ains pour monstrer qu'il y a un don de crainte filiale, qui n'est autre chose que le don de pieté, et un don de la crainte servile, qui est le commencement de tout nostre acheminement a la souveraine sagesse..

  A005000872 

 Cet ouvrage se fait a l'eguille, qu'elle passe par tout ou elle veut coucher la soye, l'or et l'argent; mais neanmoins l'eguille n'est point mise dans le satin pour y estre laissee, ains seulement pour y introduire la soye, l'or et l'argent, et leur faire passage: de façon qu'a mesure que ces choses entrent dans le fonds, l'eguille en est tiree et en sort.

  A005000872 

 Vous verres toutefois, Theotime, une honneste dame, qui, ne voulant pas manger son pain en oysiveté, non plus que celle que Salomon a tant loüee, couchera la soye en une belle varieté de couleurs sur un satin bien blanc, pour faire une broderie de plusieurs belles fleurs, qu'elle rehaussera par apres fort richement d'or et d'argent selon les assortissemens convenables.

  A005000876 

 De mesme, Theotime, tandis que la Providence divine fait la broderie des vertus et l'ouvrage de son saint amour en nos ames, elle y laisse tous-jours la crainte servile ou mercenaire, jusques a ce que la charité estant parfaite, elle oste cette eguille piquante, et la remet, par maniere de dire, en son peloton.

  A005000876 

 En cette vie, donques, en laquelle nostre charité ne sera jamais si parfaite qu'elle soit exempte de peril, nous avons tous-jours besoin de la crainte, et lhors que nous tressaillons de joye par amour nous devons trembler d'apprehension par la crainte:.

  A005000883 

 Eliezer va, et par inspiration celeste fit choix de la belle et chaste Rebecca, laquelle il amena avec soy; mais cette sage damoyselle quitta Eliezer si tost qu'elle eut rencontré Isaac, et estant introduite en la chambre de Sara, [297] elle demeura son espouse a jamais.

  A005000884 

 Car l'ame, quoy que juste, se void maintefois attaquee par des tentations extremes, et l'amour, tout courageux qu'il est, a fort a faire a se bien maintenir, a rayson de la condition de la place en laquelle il se treuve, qui est le cœur humain, variable et sujet a la mutinerie des passions; alhors donq, Theotime, l'amour employe la crainte au combat, et s'en sert pour repousser l'ennemy.

  A005000896 

 Aussi les tonnerres, tempestes, foudres, sont appellés voix du Seigneur par le Psalmiste, qui dit de plus qu' elles font la parole d'iceluy, parce qu'elles annoncent sa crainte et sont comme ministres de sa justice; et ailleurs, souhaittant que la divine Majesté se fasse redouter a ses ennemis: Lances, dit-il, des esclairs, et vous les dissiperes; descoches vos dards, et vous les troubleres; ou il appelle les foudres, sagettes et dards du Seigneur.

  A005000896 

 «Ilz ignoroyent,» dit saint Hierosme, «la verité, mais ilz reconnoissoyent la Providence,» et creurent que c'estoit par jugement celeste qu'ilz se treuvoyent en ce danger; comme les Maltois, lhors qu'ilz virent saint Paul, eschappé du naufrage, estre attaqué par la vipere, creurent que [300] c'estoit par vengeance divine.

  A005000897 

 Le glorieux saint Thomas d'Aquin, estant naturellement sujet a s'effrayer quand il tonnoit, souloit dire, par maniere d'orayson jaculatoire, les divines paroles que l'Eglise estime tant: Le Verbe a esté fait chair.

  A005000897 

 Mais cette crainte, toutefois, prattiquee par maniere d'eslan ou sentiment naturel, n'est ni louable ni vituperable en nous, puisqu'elle ne procede pas de nostre election: elle est neanmoins un effect d'une tres bonne cause, et cause d'un tres bon effect, car elle provient de la connoissance naturelle que Dieu nous a donné de sa providence, et nous fait reconnoistre combien nous dependons de la toute puissance souveraine, nous incitant a l'implorer; et se treuvant en une ame fidele, elle luy fait beaucoup de biens.

  A005000898 

 Les Ninivites, par les menaces de leur subversion et damnation, firent penitence, et leur penitence fut aggreable a Dieu; et en somme, cette crainte est comprise es dons du Saint Esprit, comme plusieurs anciens Peres ont remarqué..

  A005000899 

 Certes, celuy qui ayme le peché et le voudroit volontier commettre malgré la volonté de Dieu, encor qu'il ne le veuille commettre craignant seulement d'estre damné, il a une crainte horrible et detestable; car, bien qu'il n'ait pas la volonté de venir a l'execution du peché, il a neanmoins l'execution en sa volonté, puisqu'il la voudroit faire si la crainte ne le tenoit, et c'est comme par force qu'il n'en vient pas aux effectz.

  A005000899 

 Or, dequoy sert il de craindre le mal, si par la crainte on ne se resoult de l'eviter?.

  A005000899 

 Que si la crainte ne forclost pas la volonté de pecher, [302] ni l'affection au peché, certes elle est meschante et pareille a celle des diables, qui cessent souvent de nuire de peur d'estre tormentés par l'exorcisme, sans cesser neanmoins de desirer et vouloir le mal, qu'ilz meditent a jamais; pareille a celle du miserable forçat, qui voudroit manger le cœur du comite, quoy qu'il n'ose quitter la rame de peur d'estre battu; pareille a la crainte de ce grand heresiarque du siecle passé, qui confesse d'avoir haï Dieu, d'autant qu'il punissoit les meschans.

  A005000900 

 O si l'œil pouvoit voir, si l'aureille pouvoit ouïr, ou qu'il peust monter au cœur de l'homme ce que Dieu a preparé a ceux qui le [303] servent, hé, quelle apprehension auroit-on de violer les commandemens divins, de peur de perdre ces recompenses immortelles! quelles larmes, quelz gemissemens jetteroit on quand par le peché on les auroit perdues! Or, cette crainte neanmoins seroit blasmable si elle enfermoit en soy l'exclusion du saint amour; car qui dirait: je ne veux point servir Dieu pour aucun amour que je luy veuille porter, mais seulement pour avoir les recompenses qu'il promet, il ferait un blaspheme, preferant la recompense au Maistre, le bienfait au Bienfacteur, l'heritage au Pere, et son propre proffit a Dieu tout puissant; ainsy que nous avons plus amplement monstré au Livre second..

  A005000906 

 Certes, la charité est l'unique fruit du Saint Esprit, mais parce que ce fruit a une infinité d'excellentes proprietés, l'Apostre, qui en veut representer quelques unes par maniere de monstre, parle de cet unique fruit comme de plusieurs, a cause de la multitude des proprietés qu'il contient en son unité, et parle reciproquement de tous ces fruitz comme d'un seul, a cause de l'unité en laquelle est comprise cette varieté.

  A005000906 

 La charité de Dieu est respandue en, nos coeurs par le Saint Esprit qui nous est donné.

  A005000907 

 L'Apostre donq ne veut dire autre chose sinon que le fruit du Saint Esprit est la charité, laquelle est joyeuse, paisible, patiente, benigne, bonteuse, longanime, douce, fidele, modeste, continente, chaste; c'est a dire, que le divin amour nous donne une joye et consolation interieure, avec une grande paix de cœur qui se conserve entre les adversités par la patience, et qui nous rend gracieux et benins a secourir le prochain par une bonté cordiale envers iceluy; bonté qui n'est point variable, ains constante et perseverante, d'autant qu'elle nous donne un courage de longue estendue, au moyen dequoy nous sommes rendus doux, affables et condescendans envers tous, supportans leurs humeurs et imperfections et leur gardant une loyauté parfaite, tesmoignans une simplicité accompaignee de confiance, tant en nos paroles qu'en nos actions, vivans modestement et humblement, retranchans toutes superfluités et tous desordres au boire, manger, vestir, coucher, jeux, passetems et autres telles convoitises voluptueuses [306] par une sainte continence, et reprimant sur tout les inclinations et seditions de la chair par une soigneuse chasteté: affin que toute nostre personne soit occupee en la divine dilection, tant interieurement, par la joye, paix, patience, longanimité, bonté et loyauté; comme aussi exterieurement, par la benignité, mansuetude, modestie, continence et chasteté..

  A005000908 

 Or, la dilection est appellee fruit entant qu'elle nous delecte et que nous jouissons de sa delicieuse suavité, comme une vraye pomme de Paradis recueillie de l'arbre de vie, qui est le Saint Esprit, enté sur nos espritz humains et habitant en nous par sa misericorde infinie.

  A005000909 

 En qualité de vertu, elle nous rend obeissans aux inspirations exterieures que Dieu nous donne par ses commandemens et conseilz, en l'execution desquelz on prattique toutes vertus; dont la dilection est la vertu de toutes les vertus.

  A005000910 

 Ainsy la dilection est maintefois representee par la grenade, qui, tirant ses proprietés du grenadier, peut estre dite la vertu d'iceluy; comme encor elle semble estre son don, qu'il offre a l'homme par amour; et son fruit, puisqu'elle est mangee pour recreer le goust de l'homme; et en fin elle est, par maniere de dire, sa gloire et beatitude, puisqu'elle porte la couronne et diademe.

  A005000914 

 Ne voyons nous pas les hommes qui ont donné leur cœur en proye a l'amour vil et abject des femmes, comme ilz ne desirent que selon cet amour, ilz n'ont playsir qu'en cet amour, ilz n'esperent ni desesperent que pour ce sujet, ilz ne craignent ni n'entreprennent que pour cela, ilz n'ont a contrecœur ni ne fuyent que ce qui les en destourne, ilz ne s'attristent que de ce qui les en prive, ilz n'ont de cholere que par jalousie, ilz ne triomphent que par cette infamie.

  A005000915 

 Quand donq le divin amour regne dans nos cœurs, il assujettit royalement tous les autres amours de la volonté, et par consequent toutes les affections d'icelle, parce que naturellement elles suivent les amours; puis [309] il dompte l'amour sensuel, et le reduisant a son obeissance il tire aussi apres iceluy toutes les passions sensuelles.

  A005000916 

 L'amour divin et l'amour propre sont dedans nostre cœur comme Jacob et Esaü dans le ventre de Rebecca: ilz ont une antipathie et repugnance fort grande l'un a l'autre, et s'entrechoquent dedans le cœur continuellement; dont la pauvre ame s'escrie: Helas, moy miserable, qui me deslivrera du cors de cette mort, affin que le seul amour de mon Dieu regne paisiblement en moy? Mais il faut pourtant que nous ayons courage, esperans en la parole de Nostre Seigneur, qui promet en commandant, et commande en promettant la victoire a son amour; et semble qu'il dit a l'ame ce qu'il fit dire a Rebecca: Deux nations sont en ton ventre et deux peuples seront separés dans tes entrailles; et l'un des peuples surmontera l'autre, et l'aisné servira au moindre. Car, comme Rebecca n'avoit que deux enfans en son ventre, mais parce que d'iceux devoyent naistre deux peuples il est dit qu'elle avoit deux nations en son ventre, aussi l'ame ayant dedans son cœur deux amours, a par consequent deux grandes peuplades de mouvemens, affections et passions; et comme les deux enfans de Rebecca, par la contrarieté de leurs mouvemens luy donnoyent des grandes convulsions et douleurs de ventre, aussi les deux amours de nostre ame donnent des grans travaux a nostre cœur; et comme il fut dit qu'entre les deux enfans de cette dame le plus grand serviroit le moindre, aussi a-il esté ordonné que des deux amours de nostre cœur, le sensuel servira le spirituel, c'est a dire que l'amour propre servira l'amour de Dieu.

  A005000917 

 O quand sera-ce donques que l'amour sensuel servira l'amour divin? Ce sera lhors, Theotime, que l'amour armé, parvenu jusques au zele, asservira nos passions par la mortification, et bien plus, lhors que la haut au Ciel l'amour bienheureux possedera toute nostre ame en paix..

  A005000918 

 Car ainsy l'amour divin voyant naistre en nous quelque passion ou affection naturelle, il doit soudain la prendre par le pied et la ranger a son service.

  A005000918 

 Mais qu'est-ce a dire la prendre par le pied? C'est la lier et assujettir au dessein du service de Dieu.

  A005000918 

 Ne voyes-vous pas comme Moyse transformoit le serpent en baguette, le saisissant seulement par la queue? Certes, de mesme, donnant une bonne fin a nos passions, elles prennent la qualité de vertus..

  A005000918 

 Or, la façon avec laquelle l'amour divin doit subjuguer l'appetit sensuel est pareille a celle dont Jacob usa, quand pour bon presage et commencement de ce qui devoit arriver par apres, Esaü sortant du ventre de sa mere, Jacob l'empoigna par le pied, comme pour l'enjamber, supplanter et tenir sujet, ou, comme on dit, l'attacher par le pied, a guise d'un oyseau de proye, tel qu'Esaü fut en qualité de chasseur et terrible homme.

  A005000919 

 Ainsy je puis combattre le desir des richesses et voluptés mortelles, ou par le mespris qu'elles meritent, ou par le desir des immortelles; et par ce moyen l'amour sensuel et terrestre sera ruiné par l'amour celeste, ou comme le feu est esteint par l'eau a cause de ses qualités contraires, ou comme il est esteint par le feu du ciel a cause de ses qualités plus fortes et predominantes..

  A005000919 

 Mais donq, quelle methode doit on tenir pour ranger les affections et passions au service du divin amour? Les medecins methodiques ont tous-jours en bouche cette maxime, que «les contraires sont gueris par leurs contraires;» et les spagyriques celebrent une sentence opposee a celle la, disans que «les semblables sont gueris par leurs semblables.» Or, comme que c'en soit, nous sçavons que deux choses font disparoistre la lumiere des estoiles: l'obscurité des brouillas de la nuit, et la plus grande lumiere du soleil; et de mesme nous combattons les passions, ou leur opposant des passions contraires, ou leur opposant des plus grandes [311] affections de leur sorte.

  A005000920 

 Voulant une autre fois les guerir d'une basse joye, il leur en assigne une plus relevee: Ne vous res-jouisses pas, dit il, dequoy les espritz malins vous sont sujetz, mais dequoy vos noms sont escritz au Ciel; et luy mesme aussi rejette la joye par la tristesse: Malheur a vous qui ries, car vous pleureres..

  A005000921 

 O sainte et sacree alchimie! o divine poudre de projection, par laquelle tous les metaux de nos passions, affections et actions sont convertis en l'or tres pur de la celeste dilection! [313].

  A005000926 

 Il y a donq une tristesse selon Dieu, laquelle s'exerce, ou bien par les pecheurs en la penitence, ou par les bons en la compassion pour les miseres temporelles du prochain, ou par les parfaitz en la deploration, complainte et condoleance pour les calamités spirituelles des ames.

  A005000927 

 Or c'est de mesme du diable d'enfer comme du diable de mer; car il fait ses embusches dans la tristesse, lhors qu'ayant rendu l'ame troublee par une multitude d'ennuyeuses pensees jettees ça et la dans l'entendement, il se rüe par apres sur les affections, les accablant de desfiances, jalousies, aversions, envies, apprehensions superflues des pechés passés, et fournissant une quantité de subtilités vaines, aigres et melancholiques, affin qu'on rejette toutes sortes de raysons et consolations..

  A005000927 

 elle provient quelquefois de l'ennemy infernal, qui par mille suggestions tristes, melancholiques et fascheuses, obscurcit l'entendement, alangourit la volonté et trouble toute l'ame; et comme un brouillard espais remplit la teste et la poitrine de rume, et par ce moyen rend la respiration difficile et met en perplexité le voyageur, ainsy le malin remplissant l'esprit humain de tristes pensees, il luy oste la facilité d'aspirer en Dieu, et luy donne un ennuy et descouragement extreme, affin de le desesperer et le perdre.

  A005000929 

 Or, cette tristesse est commune aux bons et aux mauvais: mais aux bons elle est moderee par l'acquiescement et resignation en la volonté de Dieu, comme on vid en Tobie, qui de toutes les adversités dont il fut touché rendit graces a la divine Majesté; et en Job, qui en benit le nom du Seigneur; et en Daniel, qui convertit ses douleurs en cantiques.

  A005000930 

 Certes, la tristesse de la vraye penitence ne doit pas tant estre nommee tristesse que desplaysir, ou sentiment et detestation du mal: tristesse qui n'est jamais ni ennuyeuse ni chagrine; tristesse qui n'engourdit point l'esprit, ains qui le rend actif, prompt et diligent; tristesse qui n'abbat point le cœur, ains le releve par la priere et l'esperance, et luy fait faire les eslans de la ferveur de devotion; tristesse laquelle, au fort de ses amertumes, produit tous-jours la douceur d'une incomparable consolation, suivant le precepte du grand saint Augustin: Que le penitent s'attriste tous-jours, mais que tous-jours il se res-jouisse de sa tristesse.

  A005000931 

 Si elle est naturelle, nous la devons repousser, contrevenans a ses mouvemens, la divertissans par exercices propres a cela, et usans des remedes et façon de vivre que les medecins mesme jugeront a propos.

  A005000932 

 Certes, il y a des actions qui dependent tellement de la disposition et complexion corporelle, qu'il n'est pas en nostre pouvoir de les faire a nostre gré; car un melancholique ne sçauroit tenir ni ses yeux, ni sa parole, ni son visage en la mesme grace et suavité qu'il auroit s'il estoit deschargé de cette mauvaise humeur; mais il peut bien, quoy que sans grace, dire des paroles gracieuses, honteuses et courtoises, et, malgré son inclination, faire par rayson les choses convenables, en paroles et en oeuvres de charité, douceur et condescendance.

  A005000940 

 Or je ne pense pas qu'il veuille dire que l'amour sacré soit distribué aux hommes ni aux Anges en suite, et moins encor en vertu des conditions naturelles; ni qu'il veuille dire que la distribution de l'amour divin soit faite aux hommes selon leurs qualités et habilités naturelles: car ce seroit desmentir l'Escriture, et violer la regle ecclesiastique par laquelle les Pelagiens furent declarés heretiques..

  A005000941 

 Pour moy, je parle en ce Traitté, de l'amour surnaturel que Dieu respand en nos cœurs par sa bonté, et duquel la residence est en la supreme pointe de l'esprit; pointe qui est au dessus de tout le reste de nostre ame, et qui est independante le toute complexion naturelle.

  A005000941 

 [319] Et puis, bien que les ames enclines a la dilection ayent d'un costé quelque disposition qui les rend plus propres a vouloir aymer Dieu, d'autre part, toutefois, elles sont si sujettes a s'attacher par affection aux creatures aymables, que leur inclination les met autant en peril de se divertir de la pureté de l'amour sacré par le meslange des autres, comme elles ont de facilité a vouloir aymer Dieu: car le danger de mal aymer est attaché a la facilité d'aymer..

  A005000943 

 Neanmoins, si deux personnes, dont l'une est aymante et douce, l'autre chagrine et amere, par condition naturelle, ont une charité egal, elles aymeront sans doute egalement Dieu, mais non pas semblablement.

  A005000944 

 Il importe donq peu que l'on soit naturellement disposé a l'amour, quand il s'agit d'un amour surnaturel et par lequel on n'agit que surnaturellement.

  A005000944 

 Seulement, Theotime, je dirois volontier a tous les hommes: O mortelz, si vous aves le cœur enclin a l'amour, hé, pourquoy ne pretendes vous au celeste et divin? mays si vous estes rudes et amers de cœur, helas, pauvres gens, puisque vous estes privés de l'amour naturel, pourquoy n'aspires vous a l'amour surnaturel, qui vous sera amoureusement donné par Celuy qui vous appelle si saintement a l'aymer? [320].

  A005000951 

 L'avarice temporelle, par laquelle on desire avidement les thresors terrestres, est la racine de tous maux; mais l'avarice spirituelle, par laquelle on souhaitte incessamment le fin or de l'amour sacré, est la racine de tous biens.

  A005000957 

 Pour cela, les Saintz se retirerent es solitudes, affin que, despris des sollicitudes mondaines, ilz vacassent plus ardemment au celeste amour; pour cela, l'Espouse [323] sacree fermoit l'un de ses yeux, affin d'unir plus fortement sa veüe en l'autre seul, et viser plus justement par ce moyen au milieu du cœur de son Bienaymé qu'elle veut blesser d'amour; pour cela, elle mesme tient sa perruque tellement plicee et ramassee dans sa tresse, qu'elle semble n'avoir qu' un seul cheveu, duquel elle se sert comme d'une chaisne pour lier et ravir le cœur de son Espoux, qu'elle rend esclave de sa dilection.

  A005000984 

 Mais ne voyes vous pas aussi que ces pauvres gens estoyent non seulement parmi les Babiloniens, ains encor captifs des Babiloniens? Quicomque est esclave [326] des faveurs de la cour, du succes du palais, de l'honneur de la guerre, o Dieu, c'en est fait, il ne sçauroit chanter le cantique de l'amour divin; mais celuy qui n'est en cour, en guerre, au palais, que par devoir, Dieu l'assiste, et la douceur celeste luy sert d'epitheme sur le cœur, pour le preserver de la peste qui regne en ces lieux la..

  A005000985 

 Dieu a soin de mesme de ceux qui ne vont a la cour, au palais, a la guerre, sinon par la necessité de leur devoir; et ne faut en cela ni estre si craintif que l'on abandonne les bonnes et justes affaires faute d'y aller, ni si outre-cuydé et presomptueux que d'y aller ou demeurer sans l'expresse necessité du devoir et des affaires..

  A005000989 

 Dieu est innocent a l'innocent, bon au bon, cordial au cordial, tendre envers les tendres; et son amour le porte quelquefois a faire des traitz d'une sacree et sainte mignardise pour les ames qui par une amoureuse pureté et simplicité se rendent comme petitz enfans aupres de luy..

  A005000990 

 Un jour sainte Françoise disoit l'Office de Nostre [327] Dame, et comme il advient ordinairement que s'il n'y a qu'une affaire en toute la journee c'est au tems de l'orayson que la presse en arrive, cette sainte dame fut appellee de la part de son mari pour un service domestique, et par quatre diverses fois pensant reprendre le fil de son Office, elle fut rappellee et contrainte de couper un mesme verset; jusques a ce que cette benite affaire, pour laquelle on avoit si empressement diverti sa priere, estant en fin achevee, revenant a son Office, elle treuva ce verset, si souvent laissé par obeissance et si souvent recommencé par devotion, tout escrit en beaux caracteres d'or, que sa devote compaigne madame Vannocie jura d'avoir veu escrire par le cher Ange gardien de la Sainte, a laquelle par apres saint Paul aussi le revela..

  A005000991 

 Quelle suavité, Theotime, de cet Espoux celeste envers cette douce et fidele amante! Mais vous voyes cependant que les occupations necessaires a un chacun selon sa vocation ne diminuent point l'amour divin, ains l'accroissent, et dorent, par maniere de dire, l'ouvrage de la devotion.

  A005000995 

 Il y a des ames qui font des grans projetz de faire des excellens services a Nostre Seigneur, par des actions eminentes et des souffrances extraordinaires, mais actions et souffrances desquelles l'occasion n'est pas presente ni ne se presentera peut estre jamais; et sur cela pensent d'avoir fait un trait de grand amour: en quoy elles se trompent fort souvent, comme il appert en ce que, embrassant par souhait, ce leur semble, des grandes croix futures, elles fuyent ardemment la charge des presentes, qui sont moindres.

  A005000997 

 Certes, es bas et menus exercices de devotion la charité se prattique non seulement plus frequemment, mais aussi pour l'ordinaire plus humblement, et par consequent plus utilement et saintement..

  A005001002 

 Si je jeusne, mais pour espargner, mon jeusne n'est pas de bonne espece; si c'est par temperance, mais que j'aye quelque peché [330] mortel en mon ame, le poids manque a cette œuvre, car c'est la charité qui donne le poids a tout ce que nous faysons; si c'est seulement par conversation et pour m'accommoder a mes compaignons, cette œuvre n'est pas marquee au coin d'une intention appreuvee: mais si je jeusne par temperance, et que je sois en la grace de Dieu, et que j'aye intention de plaire a sa divine Majesté par cette temperance, l'œuvre sera une bonne monnoye, propre pour accroistre en moy le thresor de la charité..

  A005001003 

 Ainsy y a il des ames qui font beaucoup de bonnes œuvres et croissent fort peu en charité, parce qu'elles les font ou froidement et laschement, ou par instinct et inclination de nature plus que par inspiration de Dieu ou ferveur celeste; et au contraire, il y en a qui font peu de besoigne, mais avec une volonté et intention si sainte, qu'elles font un progres extreme en dilection: elles ont peu de talent, mais elles le mesnagent si fidelement, que le Seigneur les en recompense largement.

  A005001006 

 Ce sont les propres paroles du divin Apostre, lesquelles, comme dit le grand saint Thomas en les expliquant, sont suffisamment prattiquees quand nous avons l'habitude de la tressainte charité, par laquelle, bien que nous n'ayons pas une expresse et attentive intention de faire chasque œuvre pour Dieu, cette intention neanmoins est contenue couvertement en l'union et communion que nous avons avec Dieu, par laquelle tout ce que nous pouvons faire de bon est dedié avec nous a sa divine Bonté.

  A005001006 

 Il n'est pas besoin qu'un enfant demeurant en la mayson et puissance de son pere declaire que ce qu'il acquiert est acquis a son pere, car sa personne estant a son pere, tout ce qui en depend luy appartient aussi: il suffit aussi que nous soyons enfans de Dieu par dilection, pour rendre tout ce que nous faisons entierement destiné a sa gloire..

  A005001007 

 Mais il est vray aussi que, comme si l'on ente la vigne sur l'olivier il ne luy communique pas seulement plus parfaitement son goust, mais la rend encor participante de son suc, ne vous contentes pas aussi d'avoir la charité et avec elle la prattique des vertus, mais faites que ce soit par et pour elle que vous les prattiques, affin qu'elles luy puissent estre justement attribuees..

  A005001008 

 O que les actions des vertus sont excellentes quand le divin amour leur imprime son sacré mouvement, c'est a dire lhors qu'elles se font par le motif de la dilection! Mais cela se fait differemment..

  A005001009 

 Telz sont les Evesques et prestres, qui, par une consecration sacramentelle et par un caractere spirituel qui ne peut estre effacé, se vouent, comme serfs stigmatisés et marqués, au perpetuel service de Dieu; telz les religieux, qui, par leurs vœux ou solemnelz ou simples, sont immolés a Dieu en qualité d'hosties vivantes et raysonnables; telz tous ceux qui se rangent aux congregations pieuses, dediés a jamais a la gloire divine.

  A005001009 

 Telz tous ceux encor qui, a dessein, se procurent des profondes et puissantes resolutions de suivre la volonté de Dieu, faisans pour cela des retraittes de quelques jours, affin d'exciter leurs ames par divers [333] exercices spirituelz a l'entiere reformation de leur vie: methode sainte, familiere aux anciens Chrestiens, mais despuis presque tout a fait delaissee, jusques a ce que le grand serviteur de Dieu, Ignace de Loyola, la remit en usage du tems de nos peres..

  A005001010 

 Je sçai que quelques uns n'estiment pas que cette oblation si generale de nous mesme estende sa vertu et porte son influence sur les actions que nous prattiquons par apres, sinon a mesure qu'en l'exercice d'icelles nous appliquons en particulier le motif de la dilection, les dediant specialement a la gloire de Dieu.

  A005001010 

 Mais tous confessent neanmoins, avec saint Bonaventure, loué d'un chacun en ce sujet, que si j'ay resolu en mon cœur de donner cent escuz pour Dieu, quoy que par apres je fasse a loysir la distribution de cette somme, ayant l'esprit distrait et sans attention, toute la distribution neanmoins ne laissera pas d'estre faite par amour, a cause qu'elle procede du premier projet que le divin amour me fit faire de donner tout cela..

  A005001011 

 Et pourquoy donq, je vous prie, ne seront-ilz l'un comme l'autre estimés faire la distribution des pieces de leurs sommes en vertu de leurs premiers propos et fondamentales resolutions? et si l'un, distribuant ses escuz sans attention, ne laisse pas de jouir de l'influence de son premier dessein, pourquoy l'autre, distribuant ses actions, ne jouira-il pas du fruit de sa premiere intention? Celuy qui destinement s'est rendu esclave amiable de la divine Bonté, luy a par consequent dedié toutes ses actions..

  A005001013 

 Certes, saint Bonaventure advoüe qu'un homme qui s'est acquis une si grande inclination et coustume de bien faire que souvent il le fait sans speciale attention, ne laisse pas de meriter beaucoup par telles actions, lesquelles sont anoblies par la dilection, de laquelle elles proviennent comme de la racine et source originaire de cette heureuse habitude, facilité et promptitude..

  A005001018 

 Mais, Theotime, il ne se faut pas arrester la: ains, pour faire un excellent progres en la devotion, il faut non seulement au commencement de nostre conversion, et puis tous les ans, destiner nostre vie et toutes nos actions a Dieu, mais aussi il les luy faut offrir tous les jours, selon l'exercice du matin que nous avons enseigné [335] a Philothee; car en ce renouvellement journalier de nostre oblation nous respandons sur nos actions la vigueur et vertu de la dilection, par une nouvelle application de nostre cœur a la gloire divine, au moyen dequoy il est tous-jours plus sanctifié..

  A005001019 

 Et comme se pourroit il faire, je vous prie, qu'une ame laquelle a tous momens s'eslance en la divine Bonté, et souspire incessamment des paroles de dilection pour tenir tous-jours son cœur dans le sein de ce Pere celeste, ne fust pas estimee faire toutes ses bonnes actions en Dieu et pour Dieu? Celle qui dit: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne; «Mon Dieu, vous estes mon tout;» O Jesus, vous estes ma vie; hé, qui me fera la grace que je meure a moy mesme, affin que je ne vive qu'a vous! O aymer! o s'acheminer! o mourir a soy mesme! o vivre a Dieu!» O estre en Dieu! O Dieu! ce qui n'est pas vous mesme ne m'est rien: celle la, dis-je, ne dedie-elle pas continuellement ses actions au celeste Espoux? O que bienheureuse est l'ame qui a une fois bien fait le despouillement et la parfaite resignation de soy mesme entre les mains de Dieu, dont nous avons parlé ci dessus; car par apres elle n'a a faire qu'un petit souspir et regard en Dieu pour renouveller et confirmer son despouillement, sa resignation et son oblation, avec la protestation qu'elle ne veut rien que Dieu et pour Dieu, et qu'elle ne s'ayme, ni chose du monde, qu'en Dieu et pour l'amour de Dieu..

  A005001019 

 Outre cela, appliquons cent et cent fois le jour nostre vie au divin amour par la prattique des oraysons jaculatoires, eslevations de cœur et retraittes spirituelles; car ces saintz exercices lançans et jettans continuellement nos espritz en Dieu, y portent ensuite toutes nos actions.

  A005001027 

 Mays cecy n'est rien en comparayson de ce qu'il fit [338] par apres, quand Dieu l'appellant par deux fois et ayant veu sa promptitude a respondre, il luy dit: Prens Isaac ton enfant unique, lequel tu aymes, et va en la terre de vision, ou tu l'offriras en holocauste sur l'un des montz que je te monstreray. Car voyla ce grand homme qui part soudain avec ce tant aymé et tant aymable filz, fait trois journees de chemin, arrive au pied de la montaigne, laisse la ses valetz et l'asne, charge son filz Isaac du bois requis a l'holocauste, se reservant de porter luy mesme le glaive et le feu.

  A005001027 

 Sur cela Isaac est deslié, Abraham prend un belier qu'il void pris par les cornes aux ronces d'un buisson, et l'immole..

  A005001030 

 Ne penses vous point que la douceur de cet enfant, portant son bois sur ses espaules et l'entassant par apres sur l'autel, fit fondre en tendreté les entrailles de ce pere? O cœur que les Anges admirent et que Dieu magnifie! Hé, Seigneur Jesus, quand sera-ce donq que vous ayant sacrifié tout ce que nous avons, nous vous immolerons tout ce que nous sommes? quand vous offrirons nous en holocauste nostre franc arbitre, unique enfant de nostre esprit? quand sera-ce que nous le lierons et estendrons sur le bucher de vostre Croix, de vos espines, de vostre lance, affin que, comme une brebiette, elle soit victime aggreable de vostre bon playsir, pour mourir et brusler du feu et du glaive de vostre saint amour? O franc arbitre de mon cœur, que ce vous sera chose bonne d'estre lié et estendu sur la Croix du divin Sauveur! que ce vous est chose [340] desirable de mourir a vous mesme, pour ardre a jamais en holocauste au Seigneur!.

  A005001045 

 Par exemple: O qu'aymable est ce grand Dieu, qui par son infime bonté a donné son Filz en redemption pour tout le monde! Helas, ouy, pour tous en general, mais en particulier encor pour moy, qui suis le premier des pecheurs! Ah! il m'a aymé; je dis, il m'a aymé moy, mais je dis moy mesme, tel que je suis, et s'est livré a la Passion pour moy!.

  A005001047 

 Il faut considerer les bienfaitz divins en leur seconde source meritoire; car ne sçaves vous pas, Theotime, que le grand Prestre de la Loy portoit sur ses espaules et sur sa poitrine les noms des enfans d'Israël, c'est a dire, des pierres pretieuses esquelles les noms des chefs d'Israël estoyent gravés? Hé, voyes Jesus, nostre grand Evesque, et regardes-le des l'instant de sa conception; consideres qu'il nous portoit sur ses espaules, acceptant la charge de nous racheter par sa mort, et la mort de la croix.

  A005001047 

 O Theotime, Theotime, cette ame du Sauveur nous connoissoit tous par nom et par sur-nom; mais sur tout au jour de sa Passion, lhors qu'il offroit ses larmes, ses prieres, son sang et sa vie pour tous, il lançoit en particulier pour vous ces pensees de dilection: Helas, o mon Pere eternel, je prens a moy et me charge de tous les pechés du pauvre Theotime, pour souffrir les tormens et la mort affin qu'il en demeure quitte et qu'il ne perisse point, mais qu'il vive.

  A005001048 

 Ainsy, dedans sa poitrine maternelle, son cœur divin prevoyoit, disposoit, meritoit, impetroit tous les bienfaitz que nous avons, non seulement en general pour tous, mais en particulier pour un chacun; et ses mammelles de douceur nous preparoyent le lait de ses mouvemens, de ses attraitz, de ses inspirations, et des suavités par lesquelles il tire, conduit et nourrit nos cœurs a la vie eternelle.

  A005001048 

 Les bienfaitz ne nous [344] eschauffent point si nous ne regardons la volonté eternelle qui les nous destine, et le cœur du Sauveur qui les nous a merités par tant de peynes, et sur tout en sa Mort et Passion..

  A005001053 

 Mays de quel exces, sinon de cet exces d'amour par lequel la vie fut ravie a l'Amant [345] pour estre donnee a la bienaymee? Si que, au cantique eternel, je m'imagine qu'on repetera a tous momens cette joyeuse acclamation:.

  A005001068 

 Amen, Dieu soit beny! Je ferme donq ainsy tout ce Traitté par ces paroles, par lesquelles saint Augustin finit un sermon admirable de la charité qu'il fit devant une illustre assemblee..

  A005001068 

 Ces choses, Theotime, qui par la grace et faveur de la charité ont esté escrittes a vostre charité, puissent tellement s'arrester en vostre cœur que cette charité treuve en vous le fruit des saintes œuvres, non les feuilles des loüanges.

  A005001087 

 Jehan Claude Deville, Chanoine en l'Eglise sainct Paul de Lyon, Docteur en saincte Theologie, Predicateur, et deputé a l'Approbation des Livres en ce Diœcese, par Monseigneur Denys Simon de Marquemont, Illustrissime, et Reverendissime Archevesque de Lyon: faisons foy d'avoir veu et leu ce present Livre de l'Amour de Dieu.

  A005001091 

 Thomas de Meschatin la Faye, Comte, Chanoine et Chamarier de l'Eglise de Lyon, et Vicaire General en l'Archevesché de Lyon, ayant veu les susdictes Approbations des Docteurs en Theologie, permettons l'impression du present Livre intitulé Traicté de l'Amour de Dieu, composé par Monseigneur le Reverendissime François de Sales, Evesque de Geneve..

  A005001097 

 En consequence de l'approbation des Docteurs en Theologie, je consens pour le Roy, que ledict Livre soit imprimé et exposé en vente par Pierre Rigaud, avec deffences à tous autres fors ledict Rigaud de l'imprimer, sur peine de confiscation et amande arbitraire..

  A005001101 

 Il est permis au Sieur Pierre Rigaud, Marchand Libraire de cette ville, d'imprimer ou faire imprimer le present Livre intitulé le Traicté de l'Amour de Dieu, composé par Monseigneur le Reverendissime Evesque de Geneve, avec defenses à tous autres en tel cas requises.

  A005001105 

 Et parce que d'icelles ledit suppliant pourra avoir à faire en plusieurs et divers endroits, nous voulons qu'au vidimus d'icelles faict sur le seel Royal, ou par l'un de nos amez et feaux Conseillers, Notaire, et Secretaire, foy soit adjoustee comme au present original, et en mettant un brief extrait d'icelle, au commencement ou à la fin de chacun exemplaire, il soit tenu pour bien et deuëment signifié, et comme si c'estoit l'original, afin qu'aucun n'en pretende cause d'ignorance.

  A005001105 

 Louis Par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre.

  A005001105 

 Nostre cher et bien-amé Pierre Rigaud, Marchand Libraire de nostre Ville de Lyon, nous a fait dire et remonstrer, qu'il desire faire imprimer de nouveau, en beaux, et bons caracteres le Livre intitulé, T raicté de l'Amour de Dieu, par François de Sales, Evesque de Geneve.

  A005001105 

 Nous à ces causes desirant gratifier ledit Rigaud, et empescher qu'il ne soit privé de son travail et labeur, Vous mandons, ordonnons, et enjoignons par ces presentes, comme nous avons permis et permettons de grace speciale audit Rigaud, qu'il puisse imprimer ou faire imprimer, vendre et debiter, tant de fois que bon luy semblera, ledit livre, pendant le temps de Dix ans entiers et consecutifs, à compter du jour et datte que ledit livre sera achevé d'imprimer, faisant pour cet effect tres-expresses inhibitions, et deffences à tous Marchands, Libraires, et Imprimeurs, de nostre Royaume, de n'imprimer ou faire imprimer ledit livre, ny l'exposer en vante: sans l'exprez congé, et permission dudit Rigaud, ou de ceux qui auront droict de luy, sur peine de dix mille livres d'amande, applicable moitié à nous, et l'autre moitié audit suppliant, et confiscation des exemplaires qui seront treuvez avoir esté mis en vente contre la teneur des presentes; lesquels seront saisis et mis en nostre main, par le premier de nos Juges, Officiers, Huissiers, ou Sergents sur ce requis, luy monstrant ces presentes ou coppie d'icelles, deuëment collationnées: ausquels donnons pouvoir, commission et mandement special, de proceder a rencontre de tous ceux qui y contreviendront par toutes voyes deuës et raisonnables, nonobstant oppositions ou appellations quelconques, clameur de Haro, Chartre Normande, prise à partie et toutes autres Lettres à ce contraires, ausquelles nous avons derogé et derogeons par ces presentes.

  A005001107 

 PAR LE ROY EN SON CONSEIL,.

  A005001128 

 Ainsy sçavons-nous bien que c'est l'homme qui void, qui oyt, qui parle, qui entend, qui se resouvient, qui veut et qui ayme; mais pour monstrer que cette varieté [355] d'operations se fait par diverses facultés et differens organes, nous disons que l'œil void, l'oreille oyt, la langue parle, l'entendement entend, la memoyre se resouvient et la volonté veut et ayme.

  A005001128 

 C'est pourquoy, encor que la volonté soit la faculté de nostr'ame qui tend et nous porte au bien, c'est toutefois nous, a proprement parler, qui par icelle nous esmouvons au bien et qui nous y complaysons, et qui avons avec iceluy cette grande convenance laquelle est le fondement de la complaysance et de l'amour..

  A005001128 

 D'autant que l'homme fait ses operations distinctes selon la distinction des facultés de son ame et des organes de son cors, nous attribuons a chasque faculté et a chasque organe les actions que nous faysons par icelles.

  A005001128 

 Or je dis ceci, Philothee, affin que vous sachies que la convenance au bien delaquelle la volonté reçoit complaysance, n'est pas une convenance de la seule volonté, mais de l'homme mesme avec le bien, laquelle neanmoins ne peut sentir avec complaysance que par la faculté que nous appelions volonté, car c'est l'homme qui a la convenance.

  A005001133 

 Premier: troys grans parvis, dont l'un estoit pour les Gentilz et estrangers, qui voulans recourir a Dieu venoyent adorer en Hierusalem; le [356] second estoit pour les Israelites, hommes et femmes (car la separation des femmes ne fut pas faite par Salomon); le troysiesme estoit pour les prestres et pour tout l'ordre hierarchique; et en fin, outre tous ces parvis, il y avoit le Sanctuaire, ou mayson sacree, en laquelle le seul grand Prestre avoit acces une fois l'an.

  A005001133 

 est de discourir selon les revelations generales; la quatriesme n'est pas a proprement parler une puissance de discourir ou raysonner, ains plus tost une certaine eminente et supreme pointe de la rayson et faculté mentale, qui n'est point conduite par la lumiere du discours ni de la rayson, mays par une simple veüe de l'entendement, lequel acquiesce et se sousmet avec la volonté au secret et bon playsir de Dieu..

  A005001133 

 «Je te cherchois,» dit S t Aug in, «hors de moy, et» je ne te treuvois point, par ce que «tu estois en moy.» Et en ce temple mistique, il y a quatre principales parties, ou plustost quatre diverses portions et differens degrés de rayson.

  A005001134 

 Au Sanctuaire toute la lumiere entroit par la porte; en ce degré on n'a point de lumiere que celle qui provient du discours que l'on a fait de la souveraine æquité, bonté et infinité de la volonté de Dieu, lequel discours produit, par maniere de consequence, cette simple veüe, quil faut aymer et acquiescer a la volonté de Dieu, et cette simple veue est toute la clarté qui esclaire en ce sanctuaire.

  A005001134 

 Et cette cime, cette supreme pointe de nostr'ame, cet extreme avancement de nostr'esprit est merveilleusement bien representé par la mayson sacree, ou le Sanctuaire.

  A005001134 

 Le grand Prestre, entrant dedans le Sanctuaire, obscurcissoit encor cette lumiere qui entroit par la porte, jettant force parfums dans son encensoir, la fumee desquelz rebouschoit les rayons de clarté que l'ouverture de la porte pouvoit rendre; et cette simple veüe qui se fait en la supreme portion de l'ame est aussi obscurcie par les acquiescemens, renoncemens et resignations que l'ame fait en Dieu, ne voulant pas tant regarder et voir qu'offrir et acquiescer: de sorte que presque elle ferme les yeux, soudain qu'ell'a commencé a voir la volonté de Dieu, affin [que], sans s'amuser a la contempler et considerer, elle puisse tant mieux l'adorer, accepter, s'y complayre et acquiescer amoureusement par l'union de sa volonté propre a celle de son Dieu..

  A005001134 

 Nul n'entre au Sanctuaire que le grand Prestre; en cette pointe de l'ame les discours n'y entrent point, ains [357] seulement cette supreme et universelle et grande veûe, par laquelle nous connoissons que la volonté divine est souverainement bonne et digne d'estr'aymee en tout generalement et non pas seulement particulierement en quelque chose, et non pas seulement en general mais en particulier en chasque chose.

  A005001135 

 Car encor que la foy, l'esperance et la charité respandent leurs actions et divins mouvemens en toutes les facultés de l'ame, non seulement entant qu'ell'est raysonnable mais encor entant qu'ell'est sensitive, les conduysant toutes et gouvernant, et les assujettissant saintement et justement sous leur divin'authorité, si est ce que leur speciale residence, leur vray et naturel sejour est establi [358] en cette supreme cime de l'ame, des-laquelle, comme un'heureuse fontayne et source d'eau vive, elles s'espanchent par divers surgeons et ruysseaux, sur toutes les parties et facultés inferieures..

  A005001135 

 Et de mesme, en cette tres intime ou superieure portion de la faculté raysonnable, se treuvent la foy, representee par les tables escrittes par le doigt de Dieu, par lesquelles il declaire sa volonté; l'esperance, delaquelle les promesses aboutissent a la fleurissante vie cæleste; et la charité, plus douce que la manne a nostre cœur, plus prætieuse que l'or devant Dieu.

  A005001136 

 Aussi l'acte de la foy n'est pas un discours, mays un tres simple acquiescement de l'entendement aux choses revelees, et revelees non par une claire lumiere mays par une lumiere obscure, quoy que tres certaine; or l'acte de l'esperance n'est autre chose que le simple mouvement de la volonté a ce que la foy enseigne, entant quil nous est utile et promis, pour l'unir a nous et le rendre nostre; et l'acte de la charité, un mouvement de la volonté au bien que la foy nous monstre, entant quil est bon simplement, pour nous unir a iceluy et nous rendre siens.

  A005001136 

 De sorte que ces troys divines vertus ne sont point fondees sur le discours, ains sur l'acquiescement de l'entendement; elles ont vrayment leur assiete sur la supreme cime de l'ame, en laquelle ne se fait aucun discours ains une simple veiie et regard, par lequel l'entendement estant esclairé d'une lumiere extremement obscure mais infiniment certaine, non seulement il acquiesce a la certitude pour croire invariablement et tres fermement, mais aussi il acquiesce a l'obscurité, ne desirant pas sçavoir ni voir, ains croire simplement en toute asseurance et sousmission..

  A005001138 

 Ainsy, ma treschere Philothee, cett'obscure clarté de la foy entre en nostr'enténdement, sans discours, sans raysonnement et sans aucun argument, se faysant recevoir par la seule suavité tres aggreable avec laquelle elle arrive en l'esprit et delaquelle elle touche la volonté..

  A005001138 

 En ce sanctuaire de nostr'ame Dieu parle a nostre esprit, l'instruisant de ce quil faut croyre, esperer, aymer, non point par maniere de discours, mais par maniere d'inspiration et illustration ou illumination, luy proposant les saintes verités de la foy et, par maniere de dire, les luy faysant aucunement entrevoir parmi des obscurités, tenebres et nuages: en sorte que nostr'entendement en reçoit un'obscure connoissance, laquelle, quoy qu'obscure, est tellement aggreable a la volonté, qu'elle s'y complait grandement, et par sa complaysance porte l'entendement a un parfait acquiescement qu'il fait sans reserve ni exception quelcomque, croyant fermement ces sacrees verités de la foy, qu'il entrevoit aucunement et quil ne void nullement, qu'il entreconnoit et ne connoist pas, [359] c'est a dire qu'il ne sçait que par ouӱ dire, car, comme dit l'Apostre, la foy est par l'ouӱe.

  A005001139 

 Les discours theologiques, les argumens, les miracles mesme et autres advantages de la religion Chrestienne la rendent certes extremement croyable; mays pour la rendre creüe et reconneüe en effect il y faut la foy, qui est un don de Dieu par lequel nostr'ame embrasse [360] la certitude des saintes propositions catholiques, ayme leur beauté, acquiesce a leur verité sans voir, sans discourir, sans argumenter, ains par une simple obeissance et seule croyance..

  A005001140 

 Or c'est en cet acquiescement que consiste l'acte de la foy, lequel acte est produit par nostr'esprit, mais esprit entant quil est esclairé d'une douce, souaive et aggreable lumiere divine, qui luy fait aggreer, et doucement mais tres puissamment et solidement adhasrer a la verité proposee, par maniere d'asseurance quil prend de sa tres certaine verité sur la revelation qui luy en est faite..

  A005001140 

 Quelle merveille fut ce que tant de merveilles miraculeuses furent faites par N. S r entre les Juifz, et que les Juifz entr'icelles creurent si peu a la sainte verité? Car ces merveilles rendoyent la doctrine de Celuy qui les faysoit infiniment croyable; mais dautant que les cœurs n'estoyent pas disposés a recevoir le don de la foy, et que sans la foy ce qui est le plus croyable n'est pas creu, partant ilz demeurerent en leur infidelité: ilz voyoyent le fond des argumens, et n'acquiesçoyent point a la conclusion.

  A005001141 

 L'austruche produit les œufz sur le rivage sablonneux des ondes, mays le soleil seul en fait esclorre le poussin; et les docteurs, par leurs argumens et discours, jettent dans l'ame la doctrine de verité toute debattue, mays les seulz celestes rayons du Soleil de justice en font esclorre l'acquiescement et certification absolue, qui est le vray effect et acte de foy.

  A005001141 

 L'enqueste donq et la dispute se fait au parvis des prestres; mais la resolution et acquiescement se fait dans le Sanctuaire, non point en vertu des raysons debattues au parvis, mais en vertu de la presence du S t Esprit, qui anime le cors de l'Eglise et le fait parler par les chefz d'icelle.

  A005001141 

 Vous aves ouy dire peut estre, ma chere Philothee, qu'es Conciles generaux se font des grandes disputes et enquestes de la verité, par des raysons et argumens de theologie, et tandis que cet examen des raysons se fait il n'y a nul acquiescement ni des uns ni des autres a la verité; mays la chose estant debattue, les Peres du Christianisme, c'est a dire les Evesques, et mesme le primier et souverain Evesque, resoulvent de la difficulté, et la determination estant faite chacun acquiesce, pleynement, non point en vertu des raysons alleguees, mays en vertu de lauthorité du S t Esprit, qui a decerné et jugé par l'entremise de ses serviteurs.

  A005001142 

 Et la hauteur est de mesme, par ce que la charité regarde Dieu en haut: et quand a l'amour d'obeissance, elle acheve la [362] coudee, accomplissant les œuvres de commandement; mays quant a l'amour affectif elle ne fait qu'en commencer en ce monde, et par maniere de dire, elle n'a sa mesure qu'a demi, attendant de l'accomplir en lautre..

  A005001142 

 La largeur est d'une coudee et demi, parce que la charité s'estend au bien temporel et spirituel du prochain; mais au premier par mesure, et au second sans mesure, c'est pourquoy la coudee n'est qu'a demi.

  A005001142 

 La s te verge qui aboutit en un sommet fleury et affruyté, represente la patience et probation qui engendre l'esperance fleurie, et laquell'esperance ne confond point, par ce qu'ell'est suivie de son fruit.

  A005001142 

 Mays sur tout on y void l'Arche de l'alliance, qui represente la charité, par l'or, le prince des metaux, et qui est le plus pretieux et le prix des autres, parce que par la proportion quilz ont avec iceluy on les estime; et par le boys de Sethim, beau et incorruptible, par ce que la foy et l'esperance cesseront, les Sacremens se descouvriront, mays la charité demeurera parfaite en sa beauté au Ciel; au milieu de laquelle, comm'en ses entrailles, est la loy de Dieu, parce que la plus excellente action de l'amour se fait en obeissance.

  A005001142 

 Or les coudees representent naïfvement les œuvres, par ce que c'est la mesure qui se prend des le coude a la main, qui est la partie du bras qui sert immediatement a l'œuvre.

  A005001142 

 Sa longueur est de deux coudees et demi, pour la perseverance et longanimité entre les œuvres de la vie purgative, illuminative et unitive; et par ce que l'union ne se fait qu'a demi en ce monde, aussi la troysiesme mesure n'est que de demi coudee: ou bien la longanimité es œuvres requises a nostre perfection, au secours du prochain, au service de Dieu, et ce service n'a pas icy sa pleyne mesure.

  A005001146 

 ...entre Dieu et l'homme par la charité, l'amour de Dieu previent nostre cœur et produit en nous l'amour; et toutes les fois que cette Bonté cesse de jetter sa vertu dans nos cœurs, comm'il arrive tous-jours quand le peché divisant entre Dieu et nous fait ecclipser ce grand Soleil de justice, helas, alhors nous demeurons sans charité et sans amour.

  A005001146 

 Mays par ce qu'encor quil ne nous ayme pas, il ne laisse pas de desirer de nous aymer, il nous invite a nous laisser conduire a sa grace................................

  A005001146 

 Non certes, car il ne nous veut pas tirer par les cordages desquelz on tiroyt jadis les veaux et les moutons aux sacrifices, sans leur consentement et par force, ains par les liens d'Adam, par les liens de charité, d'amour et d'affection, comm'Abraham mena le s t enfant Isaac et le mit sur le bucher pour l'immoler.

  A005001146 

 O Dieu, mais sil le veut, pourquoy ne nous sauvons pas tous? C'est par ce quil ne le veut pas de sa volonté inevitable, ains de sa volonté attrayante, laquelle exerce suffisamment en nous sa bonté pour nous rendre capables du salut, mays qui n'exerce pas pourtant sa toute puissance pour nous mettre hors du danger et du pouvoir de nous damner si nous voulons.

  A005001148 

 En ce que par cette volonté Dieu nous veut donner les moyens et commodités de nous sauver, ell'est tous-jours accomplie; car tous les hommes ont un vray et reel pouvoir d'estre ou de devenir enfans de Dieu, et par consequent ses heritiers, silz veulent.

  A005001148 

 Et par ce que quicomque veut donner les moyens propres et convenables qui conduisent a quelque fin, il veut aussi la fin pour laquelle il les donne, partant il est tout vray que Dieu, qui nous donne en effect toutes les commodités requises a nostre salut, veut aussi veritablement nostre salut que veritablement il nous en veut donner les moyens.

  A005001154 

 Certes, Tertulien, au fin commencement de son livre De la Pœnitence, tesmoigne que parmi [les payens] il y avoit quelque sorte de pœnitence, mais inutile et vaine, par ce que mesme ilz en faysoyent pour des choses bonnes..

  A005001154 

 Civit., convaincu par Socrates de n'estre pas sage, il se mit a pleurer, estant triste d'estre ce quil devoit n'estre pas.

  A005001156 

 C'est pourquoy cette vertu est une vertu morale, lhors que pour avoir offencé Dieu nous nous en repentons, demandons pardon, et pour reparation du peché excitons en nostre ame un volontaire desplaysir; mais elle ne laisse pas d'estre un vray don de Dieu, car bien que nous puissions avoir quelque sorte de repentance de nos pechés, entant que par iceux nous avons violé la loy naturelle et le dictamen rationis, l'ordonnance, la conduite et l'advis de la rayson, [si est] ce [que] quand nostre repentir se fait pour Dieu, et forclost [la volonté de pecher,] il ne peut [estre] que de Dieu, et vray don de Dieu..

  A005001156 

 Certes, la nature nous enseigne la repentance d'avoir [365] offencé l'ami et nous provoque a luy presenter nostre desplaysir et satisfaction, et a nous humilier, demander pardon, reparer par sousmission et chastiment la faute commise, laquelle contenant tous-jours en soy quelque mespris, nous estimons de reparer lhors que nous acceptons ou faysons quelque punition de nous mesme.

  A005001159 

 Il y a donq une pœnitence humaine, par laquelle on se repent d'avoir mal fait quelque chose par ce que de soymesme le mal estant conneu desplait: ainsy, ceux qui font des fautes es œuvres de leur mestier se repentent de les avoir faites.

  A005001159 

 Il y en a une mondaine, par laquelle on se repent d'avoir fait quelquefois du bien, a cause des pertes temporelles qui en proviennent.

  A005001159 

 Par ainsy, il y a autant d'especes de pœnitences quil y a de motifz pour lesquelz on se repent d'avoir mal fait, et l'on en peut parler comme de la crainte.

  A005001159 

 des Ethiques, c. 7, quand il dit que l'intemperant lequel choysit par deliberation de vaquer aux voluptés ne se peut repentir; dont «il est incorrigible, car qui ne se repend, quem non pœnitet, incurabilis est, il est incurable;» comme sil disoit que le peché sans pœnitence est incurable.

  A005001160 

 Certes, Epictete, Seneque, qui parlent si bien du trouble de l'ame vicieuse par le remors de la conscience, entendent aussi qu'il y ait une repentance; et de fait, Epictete, 1.

  A005001160 

 de ses Propos, c. X, et au livre 4, c. 6, cite et loüe les vers de Pitagore, par lesquelz il enseigne naifvement l'examen de conscience tant recommandé par les maistres de la s te devotion chrestienne:.

  A005001172 

 Et ceste repentance morale est attachee a la connoissance et amour de Dieu que la nature peut fournir, et [est] une dependance de la religion morale; et comme la nature peut fournir a l'homme plus de connoissance que d'amour des choses divines, ains en a fourni, ainsy que dit saint Paul des Philosophes, qui ayans conneu Dieu ne l'ont pas glorifié comme Dieu (y ayant plus d'aysance de bien penser que de bien dire, et infiniment plus de bien dire que de bien faire), aussi la nature a fourni plus de connoissance que Dieu estoit offencé par le peché, que de repentance pour reparation de l'offence.

  A005001172 

 Mays il suffit, pour oster quelques uns de nos plus sçavans Theologiens de doute, que non seulement la nature peut çonnoistre que Dieu est offencé par les pechés, mais qu'aussi elle l'a conneu, et a enseigné que pour cela il s'en failloit repentir..

  A005001173 

 Nous commençons par une profonde apprehension de cette verité et maxime, que, entant qu'en nous est, nous offençons Dieu par nos pechés, le mesprisons, luy desobeissons et nous rebellons a luy; que du costé de Dieu il s'en tient pour offencé, desagree, reprouve et abomine l'iniquité.

  A005001173 

 Or sachans que nous avons offencé Dieu, plusieurs motifs nous peuvent porter a la repentance, et bien souvent ilz s'entresuivent tous les uns apres les autres; comme quand, sous la conduite de quelque directeur, nous allons excitans la contrition par les meditations qui ont, a cet effect, esté mises en l' Introduction: et en effect, il est bon de faire cette suite pour plus profondement jetter les fondemens d'une parfaite resolution..

  A005001174 

 Nous pouvons considerer que par le peché nous demeurons forclos et privés du Paradis et gloire eternelle, et pour cela nous nous repentons et detestons le peché; et cette pœnitence est mercenaire..

  A005001175 

 Comm'encor quand, touchés de l'exemple des Saintz, ou mors ou vivans, nous nous repentons; car, qui eut jamais peu voir, par exemple, le monastere appellé Prison, dont s t Clymacus parle, auquel on faysoit tant d'exercices d'un'incomparable pœnitence, sans estre esmeu a se repentir de ses pechés?.

  A005001175 

 Par exemple, entant que par le peché la ressemblance et image de Dieu que nous avons est souillee, la dignité de nostre esprit deshonnorée, que nous sommes rendus semblables aux bestes insensees, que nous violons le devoir que nous avons d'honnorer Dieu entant quil est nostre Createur, nous perdons lhonneur de la societé des Saintz, nous nous associons et rendons sujetz du Diable, nous nous rendons esclaves de nos passions, renversans l'ordre et la police que Dieu avoit establie en nous, sousmettans la rayson a la passion, nous nous rendons ingratz a nostre bon Ange qui nous ayme tant: car ce sont tous des inconveniens et malheurs que nous sçavons par la foy provenir du peché.

  A005001176 

 Quand donq nous sommes touchés par quelqu'un de ces motifz et qu'en vertu d'iceux nous detestons nos pechés, nous faysons une louable pœnitence (car la crainte de perdre ce que nous devons desirer ne peut estre que louable, et quand le desir d'une chose est louable, la crainte de son contraire est louable aussi: desirer le Paradis est chose louable; donques, craindre l'enfer est chose louable), mays imparfaite encor et laquelle ne suffit pas pour nous mettre en la grace de Dieu.

  A005001178 

 Je ne dis pas que ces repentances rejettent l'amour de Dieu: non certes, Philothee, car si par exemple, quelqu'un se repentant d'offencer Dieu pour ce que par le peché il perd le Paradis, entendant et deliberant que si Dieu ne donnoit point de Paradis a ceux qui vivent bien, il ne voudroit pas bien vivre, helas, il commettroit un grand peché, car il præfereroit son interest et son bien propre a la bonté et Majesté divine; il aymeroit mieux le don que le Donnateur, qui seroit un'affection fort desordonnee et desreglee.

  A005001180 

 Que si elles ne sont pas si puissantes qu'elles nous desengagent du tout de l'affection du peché, ou elles ne sont pas attritions, ou elles sont attritions des impœnitens: car, par exemple, n'arrive-il pas maintefois qu'un homme se repentira estrangement d'un peché, comme d'avoir battu son pere ou sa mere, par ce que la difformité de ce peché, et lhorreur, et mesme les exaggerations et vehementes reprehensions d'iceluy quil ouira dire a un bon praedicateur, le toucheront, et neanmoins ne se repentira nullement de la fornication quil a commise? Il y a des pechés desquelz la vilenie et le malheur est plus sensible que des autres, et comme souvent ilz sont plus attrayans que les autres avant quilz soyent commis, ilz desplaysent aussi plus fort estans perpetrés.

  A005001180 

 Tel qui a le bien d'autruy et ne le veut nullement rendre ne laissera pas d'avoir des grans remors et extremes repentances d'avoir tué un homme; la cholere l'a transporté, ell'est passee, et par consequent la repentance est aysee.

  A005001181 

 En fin donq, nous pouvons detester le peché, non pour l'endommagement quil fait a nostr'ame delaquelle il souille la beauté, defigure l'image divine, non pour le desir d'avoir le Paradis, non pour la crainte d'estre damnés, mays par ce que le peché offence Dieu qui est souverainement bon, et souverainement bien aymable et souverainement bienaymé.

  A005001186 

 C'est pourquoy, comme le vin theriacal n'est pas appellé theriacal pour avoir la substance de theriaque, mais seulement la vertu et l'operation de la theriaque contre tous venins, aussi la repentance amoureuse n'est pas appellee amoureuse pour avoir tous-jours la substance et propre action de l'amour, mais par ce qu'elle contient, ou l'action propre de l'amour, ou la vertu, le mouvement et l'operation de l'amour, qui est de reunir l'affection et la volonté a Dieu tres estroittement et inseparablement.

  A005001186 

 Et comme nous voyons que le vin theriacal ne s'appelle pas theriacal par ce que la theriaque en elle mesme soit meslee avec ce vin, mais seulement par [ce] que la vertu et proprieté de la theriaque y est, et quil la contient et l'a en soy; de mesme la repentance, quand ell'est excellente, ne contient pas tous-jours l'amour en luy mesme et selon son action, mais bien que quelquefois l'amour ne se treuve pas en la repentance selon son action propre, il y est neanmoins tous-jours en sa vertu et proprieté.

  A005001187 

 Et ne faut pas treuver estrange, Philothee, que la vertu et force de l'amour naisse dedans la repentance avant que l'amour y soit du tout formé, [puisque nous voyons] que par la reflexion des rayons du soleil dardés sur la glace d'un mirouer, la chaleur, qui est la vertu et proprieté du feu, s'augmente petit [a petit] si fort, qu'en fin, avant qu'elle produise le feu elle brusle, en sorte que commençant a brusler elle produit le feu; ainsy l'ame qui considerant la souveraine Bonté reçoit les rayons de ses attraitz, [372] fayt reflection sur soymesme et sur ses pechés [avec une certaine chaleur] affective, qui est la proprieté de l'amour, lequel par apres jette ses flammes et fait son action manifeste et son operation formee.

  A005001187 

 Il est avec elle, quand par la propre action de l'amour nous venons a repentance; il est en elle, quand l'amour ne paroist voirement pas en la propre forme et condition de son action, mais il agit neanmoins en la repentance, ou sa vertu, force et proprieté pour luy.

  A005001188 

 On considere que par le peché on offence cette divine bonté, on la mesprise, on se separe d'elle pour se joindre a la creature, on la quitte, et autant quil est en nous on la rejette.

  A005001195 

 ...aux actions contraires a la charité......car qui se plait a mentir par joyeuseté, il se dispose a mentir en tous sujetz, et qui se plait au simple courroux, est grandement incliné au courroux desreglé et dommageable.

  A005001201 

 Et dites moy, Philothee, de quoy peut on accuser le ciel en cette diversité d'evenemens? a-il pas envoyé sa rosee et ses influences sur l'un'et l'autre mere perle? pourquoy donq l'une a elle par effect produit sa perle, et l'autre non? Il n'y a rien en celle qui l'a produit qu'elle ne doive reconnoistre du ciel, non pas mesme son ouverture par laquelle ell'a receu la goutte; car, sans la souefve fraicheur de la rousee et le sentiment des premiers rayons de l'aube qui l'ont doucement excitee, elle n'eut pas ouvert son escaille.

  A005001202 

 Deux hommes dormoyent a l'ombre d'un buysson; mays tandis quilz sont la, ou la lassitude et la fraicheur de l'ombre leur tient les yeux bandés, le soleil s'avançant sur eux leur porta droit aux yeux ses rayons du midi, et par l'eclat de sa splendeur et par la chaleur qui en provient, il force l'un et l'autre a s'esveiller.

  A005001202 

 L'autre aussi futvivement touché de [375] la clarté et chaleur du soleil, qui au travers de[ses] paupieres fait certaine transparence comme des petitz esclairs autour de la prunelle de ses yeux fermés; mais non seulement il, n'ouvre pas les yeux, qu'au contraire, tournant le dos au soleil, il met sa face en terre, et se rendormant, passe-la sa journee, jusques a ce que, se voyant surpris de la nuit, il se plaint par des cris effroyables de quoy il demeure exposé a la merci des loups, ou mesme des lions rugissans, si toutefois ceci arriva en Affrique..

  A005001203 

 Tu n'as pas resisté a leur clarté, il est vray, mais ilz t'ont fort aydé a ne point resister: ilz sont venus a toy, ilz se sont fait entrevoir a ta prunelle au travers de ta paupiere, ilz t'ont pressé par leur chaleur a leur faire place, et sont allés, comme par amour, dessiller tes yeux et ouvrir tes paupieres.

  A005001210 

 Car, disent les uns, si la grace et misericorde de Dieu fait le commencement, le progres et la fin du salut des esleuz, sil eut donq pleu a Dieu de faire autant de grace aux repreuvés et d'avoir autant de misericorde pour eux quil en a eu pour ceux quil luy a pleu de sauver, ilz se fussent aussi bien convertis a l'exercice du tresst amour, et par consequent au salut.

  A005001210 

 Car, puis que le salut depend de la grace, pourquoy blasmera on de leur perte ceux qui n'ont pas eu la grace sans laquelle ilz ne pouvoyent eviter de perir? Mays sil est ainsy, disentles autres, que les repreuvés sont rejettes de la gloire par ce quilz ont rejetté la grace, silz sont abandonnés a la malediction par ce quilz ont abandonné la benediction, donques les esleuz ont une grande part a lhonneur de leur salut par ce quilz ont consenti a la grace, ont cooperé a l'inspiration et secondé le mouvement celeste.

  A005001210 

 Et c'est une excuse vulgaire de l'indevot, quil ne peut aymer Dieu autant quil desireroit, par ce que Dieu ne luy en fait pas la grace; et une tentation asses ordinaire, de penser que les devotz puissent rapporter leur devotion a leur diligence et leur diligence a leur gloire particuliere, comme silz avoyent rendue la grace effective et vigoureuse pour faire son operation en eux..

  A005001212 

 Que si tu n'as pas resisté a la faveur celeste comme tu pouvois faire: O insensee, tu n'as pas resisté, et tu le pouvois faire; mays n'es tu pas miserable de t'attribuer ta guerison et ta vie par ce que tu ne t'es pas tuee et precipitee? es tu bien si forcenee que de penser obliger ton Bienfacteur par ce que tu n'as pas rejetté son bienfait, et ne l'as pas offencé tandis quil t'obligeoit en te secourant?.

  A005001224 

 Ainsy, dit cett'ame sacree: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, inspirant en moy le spiracle de la vie amoureuse, car ses mammelles sont meilleures que le vin; comme si elle vouloit dire: [Que je vive de ses] mammelles; car comme les meres donnent leur lait...... Sauveur me communique par sa bouche...... admirable? Il est meilleur que le............ revigore comme...............................

  A005001226 

 Troysiesmement, la commiseration s'aggrandit beaucoup par la presence de l'object miserable: c'est pourquoy la pauvr'Agar s'esloigne de son Ismael languissant, pour alleger en quelque sorte la douleur de compassion qu'ell'en avoit; et au contraire, N. S r s'approchant de Hierusalem pleure, et voyant le sepulcre ou estoit le Lazare..

  A005001232 

 ...Car le langage de l'amour est commun quant aux paroles, mais quant a la façon il est si particulier que nul ne l'entend que [379] celuy que l'amour mesme instruit; et par une parole les amans signifient cent choses, ou silz ne signifient qu'une chose ilz la signifient si excellemment et avec tant de circonstances que c'est merveilles.

  A005001233 

 Douce et admirable science, qui s'apprend par conference avec son objet, en le savourant et goustant! Or il y a divers degrés de cette theologie mystique, ou bien de l'oraison, que je marqueray briefvement.

  A005001237 

 Et par ce que les affections, quand elles sont fortes, produisent fort souvent des actions conformes, la meditation mesme produit par l'entremise des affections plusieurs actions: or elle se fait pour le bien et pour le mal.

  A005001237 

 Mays au second Psalme, ell'est prise en mauvaise part, pour l'attentive et ordinaire pensee des rebelles contre la fidelité deüe a N. S. le Roy Jesus: P our quoy ont fremi les nations, et les peuples pourquoy ont ilz medité choses vaines? Or neanmoins, par ce qu'en l'Escriture S te ce mot est pris le plus souvent en bonne part, pour l'attentive pensee qu'on a aux choses saintes pour s'exciter a les aymer, il est maintenant ordinairement tenu pour saint, a esté canonizé par le commun consentement des Theologiens, aussi bien que celuy d'ange et de zele, comm'au contraire, celuy de dæmon et de dol a esté diffamé; si que maintenant, quand ceux qui traittent des choses divines parlent de la meditation, ilz entendent celle qui est sainte, et par laquelle on commence la theologie mystique..

  A005001238 

 Ainsy plusieurs prennent playsir a faire des cogitations sur divers objetz, et sont tous-jours songears et attentifs, et ne sçauroient dire pourquoy; ains, la plus part du tems, ilz sont attentifz par inadvertence, et s'ilz pouvoyent ilz ne feroyent nullement telles pensees, ni n'y prendroyent playsir, qui souvent mesme leur sont desagreables; tesmoin celuy qui disoit: Mes cogitations se sont dissipees, tormentant mon cœur.

  A005001239 

 Ainsy le s t Psalmiste: O comme ay-je aymé vostre loy, Seigneur! c'est tout le jour ma méditation: on ne peut discerner sil veut dire quil a aymé la loy par ce quil l'a meditee tout le jour, ou sil veut dire quil l'a meditee par ce quil l'a aymee; car l'un'et l'autre suite est bonne.

  A005001239 

 Ce qu'en l'un des passages est exprimé par le mot de mediter, en l'autre il est proposé par le mot de repenser, par ce que la meditation n'est autre chose qu'une pensee reiteree, attentive et entretenue volontairement; et affin qu'on sache que la meditation tend a esmouvoir les affections et a produire les actions, en l'un et en lautre passage il est dit quil faut mediter et repenser en la loy de Dieu pour l'observer.

  A005001239 

 Nous meditons volontier ce que nous aymons, et par la meditation nous prouffitons en l'amour..

  A005001239 

 Par la meditation, donques, nous ruminons un objet bon, le [381] remaschant maintefois pour le savourer et en tirer la nourriture interieure.

  A005001240 

 Or toute la sainte doctrine, dit une des devotes bergeres qui accompagnoyent la celeste Sullamite, ell'est comme un vin prœcieux, digne non seulement d'estre beu par les [382] bergers et docteurs, mais d'estre savouré, et par maniere de dire, masché et ruminé; Cant.

  A005001240 

 v. 4, 5, 6: car si nous recevons les mysteres par la foy, et nous ne les considérons pas attentivement pour nous exciter a l'amour, nous mangeons spirituellement, mais nous ne ruminons pas, et sommes immondes.

  A005001243 

 Or en cett'action, Philothee, elle parle avec Dieu, elle l'interroge, elle souspire, elle aspire, elle reconnoist la grandeur de Dieu et sa misere propre, ell'admire; et Dieu l'inspire, luy touche le cœur, respand des clartés et lumieres sans fin: si qu'en cette conversation et colloque se commence la s te theologie mistique, car l'homme commence par la a savourer Dieu et a connoistre sa douceur et suavité nompareille..

  A005001247 

 Car premierement, nous meditons principalement affin de nous provoquer a l'amour de Dieu, mays nous contemplons par ce que nous aymons; car apres que nous avons treuvé l'amour par la meditation, cet amour nous fait treuver une si grande douceur en la chose aymee, que nous ne pouvons nous saouler de regarder et voir la chose aymee: le desir d'obtenir l'amour nous fait mediter, et l'amour obtenu nous fait: contempler..

  A005001251 

 Ammon se meurt pour Thamar: comment est ce que cest amour a pris un tel accroissement? Ce n'est pas par la connoissance, sans doute, car il ne l'avoit point excessivement admiree; que si l'entendement fut allé de pair avec la volonté, a mesme que la volonté estoit transportee a cett'extremité d'amour, l'entendement eut esté transporté en l'extremité de l'admiration.

  A005001251 

 La crainte estant esmeüe par l'apprehension de quelque mal futur et evitable, comme croist elle! quelle mesure luy peut on donner? ni a la tristesse, ni a l'esperance.

  A005001251 

 Mays pourtant il arrive souvent que la volonté esmeüe par la connoissance passe plus avant, et par le propre playsir qu'elle ressent d'estre appliquee a son object aymable elle s'avance extremement en l'amour; n'ayant plus besoin pour cela de l'action [de] l'entendement, ains seulement de la force du sentiment qu'ell'a de son bien, duquel l'union l'attire puissamment a soy par la propre jouissance.

  A005001251 

 Ne voyons nous pas, Philothee, que la cholere esmeüe par la connoissance de quelqu'injure fort legere, si promptement elle n'est bridee, elle passe tout outre et devient infiniment plus grande que le sujet ne requiert? La connoissance donne la naissance aux passions, mais non pas la mesure.

  A005001251 

 [384] Il est vray, la volonté ne connoit pas le bien que par l'entremise [de] l'entendement; mais apres qu'elle l'a conneu, elle mesme en sent le playsir, et le playsir la porte plus avant en l'amour: si que en mangeant, l'appetit va croissant.

  A005001252 

 Adjoustes que nous autres Chrestiens n'appliquons pas nostre volonté par la connoissance du discours, ni de la doctrine et science, mais par la connoissance de la foy, laquelle nous asseurant de l'infinité de la bonté divine, nous donne asses de mouvement pour nous la faire aymer de tout nostre pouvoir, encor que nous n'en ayons que cett'obscure mais certaine connoissance.

  A005001253 

 A vostre advis, Philothee, qui connoist mieux la bonté du vin: ou le medecin absteme qui n'en beut onques, ou le gromeur et taste vin de Greve? Celuy-la, sans doute, en sçait plus par discours, et celluy ci par experience.

  A005001253 

 C'est pourquoy, apres que la connoissance de la foy nous a provoqué [386] au commencement de l'amour, la connoissance de l'experience, par laquelle nous goustons, touchons et voyons la bonté de Dieu sous la conduite de l'amour, produit en nous un autr'amour plus grand; puis cet amour un goust plus excellent, et ce goust un amour plus eminent.

  A005001253 

 Et comme l'on void sous les effortz des vens les vagues s'entrepresser l'une lautre et s'eslever plus haut, comm'a l'envi, par le rencontre l'une de lautre, ainsy l'amour aiguise le goust et le goust affine l'amour.

  A005001253 

 de Genes ou S te Angele de Foligni, pauvres et simples femmes? Celles ci le connoissoyent par experience, celuy la par science: or la connoissance de l'experience est celle la principalement qui excite l'amour..

  A005001254 

 La connoissance du bien le fait naistre, mais estant nay il vit et croist par la delectation qui l'attire et luy donne force; ainsy que nous voyons es petitz enfans, auxquels il faut de la persuasion pour leur faire recevoir dans leurs bouches le miel et le sucre, mays despuis quilz l'ont tasté et senti la douceur, ilz l'ayment esperdument..

  A005001254 

 ad 2, ou il apporte un'instance inevitable: Nous aymons, dit-il, extremement les sciences avant que de les sçavoir, «pour la connoissance sommaire et confuse que nous en avons;» «il en faut,» dit il, «dire de mesme de l'amour de Dieu.» La connoissance de la bonté applique la volonté a l'amour, mais despuis que l'amour est en train, il va par apres croissant par le playsir quil reçoit et ressent, sans qu'il soit besoin d'autre persuasion ni connoissance.

  A005001255 

 Ce n'est donq pas par nature mays par accident, a cause de nostre vanité, que la science empesche la devotion..

  A005001255 

 Il faut pourtant bien advoüer que quand non seulement la volonté est delectee par son object, mais que l'entendement eh connoist la bonté plus parfaitement, la volonté est bien plus fortement portee et attachee; car ell'est poussee et tiree tout ensemble a son objet, poussee par l'entendement, tiree par la delectation: et partant, «si l'homme» sçavant, dit S t Th., 2.

  A005001255 

 Mays il arrive pourtant fort souvent que la science, par nostre misere, empesche la naissance de la devotion dedans nos cœurs; d'autant que la science emfle et enorgueillit l'homme, et l'orgueil est ennemi capital de toute vertu, mais particulierement de la devotion.

  A005001255 

 ad 3, «sousmet parfaitement son sçavoir a Dieu, par cela mesme la devotion en est augmentee;» tesmoignant [que] la science n'est point contraire de soymesme, ains est utile a la devotion, et quand elles sont jointes ensemble elles s'entr'aydent admirablement.

  A005001261 

 Autrefois, on ne regarde pas ni un seul attribut, ni tout ensemble, mays une seule action ou un seul ouvrage de Dieu, et on demeure attentif a cela; comm'en l'acte de bonté par lequel il pardonne les pechés, et lhors on dit: Vous estes bon, Seig r, et en vostre bonté apprenes moy vos justifications..

  A005001266 

 63, qui a laissé par escrit que l'orayson de recueillement est comme quand un herisson ou une tortue se retire au dedans de soy, l'entendoit bien; hormis que ces bestes ci rentrent dedans soy quand elles veulent, mais le recueillement ne gist pas en nostre volonté, mais seulement quand il plait a Dieu de nous faire cette grace.

  A005001266 

 Car on n'entend pas parler de ce recueillement que tous ceux qui veulent prier doivent faire, rentrant en eux mesme comme l'enfant prodigue, et retirant par maniere de dire l'ame dedans le cœur pour parler a N. S.; mais d'un recueillement qui se fait, non par le commandement de l'amour, mais en vertu de l'amour: c'est l'amour qui le fait luy mesme, et ne le fait pas faire..

  A005001267 

 Car tout ainsy que les nouveaux esseims et jettons d'abeilles, lors qu'ilz veulent fuir et changer païs, sont revoqués et rappellés, ou par le son que l'on fait en battant doucement sur des bassins, ou par l'odeur du vin doux et emmiellé, ou par la senteur des herbes odorantes, en sorte qu'elles entrent par telz allechemens dedans les ruches; de mesme N. S r, ou par une douce voix quil fait dans le fin fons du cœur, ou par [389] certaine speciale suavité quil y produit, il rappelle et ramasse les facultés de l'ame, et les amorce pour penser a luy..

  A005001267 

 Nostre Seigneur fait sentir a l'ame quil est dedans elle, par une certaine suavité dont il la touche; il respand un certain bien imperceptible dedans le cœur, lequel en estant touché, les puissances, voire mesme les sens de l'ame, par un certain secret consentement se retournent du costé de cet interieur ou est le doux, suave et bienaymé Espoux.

  A005001268 

 Ou bien il respand quelques odeurs de ses vestemens qui les advertit de sa presence; et tout a coup elles se ramassent au tour de luy, comme qui mettroit un morceau d'aymant au milieu de plusieurs eguilles, il verroit que soudain toutes les pointes de ces eguilles se retourneroyent du costé de cet aymant bienaymé et se viendroyent joindre et attacher a luy: car ainsy, quand par quelque sorte de douceur ou de sentiment interieur nostre Seig r fait appercevoir sa presence au milieu de l'ame, toutes les facultés retournent leurs pointes de ce costé la pour se venir joindre a luy.

  A005001269 

 Ainsy Magdeleyne va cherchant le Sauveur, et estant proche de luy quant au lieu, toutes ses affections estoyent esparses a le chercher ça et la autour du monument; mays soudain que le Sauveur luy fait sçavoir sa presence par le seul mot: Maria, toute son ame esparse se ramasse a ses pieds par un'autre parole: Rabboni.

  A005001269 

 Il ne se peut dire combien alhors l'ame se fasche de sortir hors de soymesme, par ce qu'ell'a au milieu de soy son Bienaymé; c'est pourquoy elle voudroit n'avoir ni des yeux, ni des aureilles, ni les autres sens exterieurs, par lesquels, comme par des portes ouvertes, il semble que les facultés sortent et s'en vont hors de l'ame; elle diroit volontier comme S t Pierre: O qu' il est bon que nous soyons icy; Je tiens Celuy que mon ame ayme, je le tiens et ne le quitteray point..

  A005001269 

 Le seul nom de Marie prononcé la fait toute presente; ses [390] facultés estoyent absentes du Sauveur qui luy estoyt present, par ce qu'elle ignoroit sa presence, laquelle soudain quil luy fait entendre, ses facultés retournent et embrassent cette chere presence: cette douce voix rappelle l'ame a soy.

  A005001269 

 Quel bonheur, Philothee, quelle suavité de sentir Dieu au milieu de son ame! Quand le tressaint Sacrement est dedans nous, et que par la tressainte foy et meditation nous apprehendons vivement la veritable et admirable presence de ce divin Espoux, il nous ramasse fort souvent a soy et retire toutes nos facultés: Revertere, revertere, Sulamitis; il nous attire par le miel de sa sapience comm'un autre Salomon autour de son trosne.

  A005001270 

 Car ainsy, Dieu respandant dedans le cœur le vin, plus doux que le miel, de son s t amour, et en faysant sentir l'odeur a nos facultés, vous les voyes, par cet aymable attrait, rentrer dedans le cœur comme dedans leur ruche, doucement et delicieusement..

  A005001270 

 Or ce recueillement, comme vous voyes, se fait par la douceur dont nostre cœur est touché, sentant en quelque sorte la presence de son bien au milieu de soy; c'est pourquoy il se fait doucement, par une aggreable inclination, par un doux retour, par une delicieuse retraitte que le playsir interieur fait faire aux facultés, et ne treuve rien qui l'exprime mieux que la retraitte des abelles qui se fait par la douce amorce [de] l'odeur du vin emmiellé.

  A005001271 

 C'est cela que quelques uns appellent introversion, c'est a dire retour de l'ame en soymesme et au dedans de soy mesme, y appercevant le S t Esprit qui l'attire insensiblement par des attraitz secretz mais delicieux, dont il appelle ses puissances et les rameyne en dedans comme les repliant sur elles mesme..

  A005001271 

 L'ame est plus ou ell'ayme qu'ou ell'anime: et ou estoit le Bien Aymé de cette Bienaymee, sinon dedans ses entrailles, dans ses flancz? c'est pourquoy toute son ame estoit ramassee dedans elle mesme, et a mesure que la divine Majesté s'estoit, par maniere de dire, restressie et appetissee dedans son ventre virginal, son ame aggrandissoit et magnifioit son infinie bonté, son esprit tressailloit en Dieu son Sauveur, c'est a dire en ses entrailles, ou Dieu estoit.

  A005001272 

 Or l'ame estant ainsy toute retiree, concentree, recueillie et ramassee en elle mesme autour de son Bienaymé qu'elle y sent, ou elle opere de l'entendement, considerant la beauté et la bonté de ce divin object, ou de la volonté, l'embrassant amoureusement par les pieds, comm'une autre Magdeleyne; et lhors se fait une contemplation d'ardeur et de certaine sorte de ferveur comme quasi d'empressement, qui remue toute l'ame a se serrer et presser au tour de son Bienaymé, comme feroyt un'espouse, laquelle inopinement auroit treuvé son espoux en sa chambre, revenu de quelque long voӱage.

  A005001273 

 Le voyci quil est derriere nostre paroy, il regarde par les fenestres, il guette par le treillis; hé, le voyla ce Bienaymé quil me parle.

  A005001273 

 Telle fut la sainte Sulamite au commencement de ses passions: elle veut avec un empressement admirable quil la bayse, quil l'embausme de son nom, quil la tire par ses parfums, quil la meyne en ses celliers a vin.

  A005001274 

 Quelquefois mesmement l'ame en cette ferveur fait plusieurs commencemens de sentences et n'en acheve point, oubliant, laissant la fin de celle qu'ell'a commencé pour ne point retarder le commencement d'un'autre, luy estant advis qu'elle n'aura jamais asses dit; et par une sainte precipitation elle met quelquefois la fin devant le commencement: comme l'on void en tout le Cantique des Cantiques et en cent endroitz des Pseaumes..

  A005001276 

 Cette ferveur est representee par celle du moust qui boillonne dedans son tonneau, ainsy qu'Eliu le dit en Job, 32, v. [18,] 19: Je suis tout plein de paroles, dit il, et l'esprit de mes entrailles me presse; voyci que [393] mon ventre est comme du moust qui n'a point de respirait, qui romp les tonneaux pour neufs quilz soyent..

  A005001277 

 Ainsy les grans princes mesme ramassent plus soigneusement leurs barons et chevaliers quand ilz doivent estre en la presence de quelqu'autre grand prince; et comme le soleil, par sa veue, fait recueillir en soymesme les flambes, les touchant seulement de son rayon: car ainsy Dieu touchant d'un trait de ses inspirations les cœurs qui le regardent et se mettent en sa presence, il les ramasse et recueille tout en eux mesme, pour estr'attentifs a Dieu.

  A005001277 

 Mays ce recueillement ne se fait pas seulement par ce sentiment de la presence de Dieu au fond de nostre ame lhors que les puissances se recueillent autour du Bienaymé, ains aussi quand nous nous mettons en la presence de Dieu en quelle façon que ce soit.

  A005001279 

 C'est ce « sommeil des puissances» dont parle la M. Therese, par lequel les facultés de l'ame sont totalement sans action, hormis la volonté, laquelle pourtant ne fait autre chose que recevoir le contentement de la presence du Bienaymé, demeurant tout'accoisee et satisfaite et assovie: assovissement et satisfaction neanmoins qu'elle n'apperçoit point, mais dont elle jouit en une certaine façon imperceptible; car elle ne pense point a son contentement ni a son bonheur, ains seulement a la presence de son Bienaymé, qui est la source de son contentement: comme il arrive quelquefois qu'un leger sommeil nous surprenant, nous entr'oyons seulement ce que ceux que nous aymons disent aupres de nous, ou ressentons quelque sorte de caresses qu'ilz nous font, ainsy quil arriva a la tressainte Sulamite quand elle disoit: Je dors, mays mon cœur veille; voyla que mon Bienaymé me dit: Sus, leve toy..

  A005001279 

 Et c'est cela, a mon advis, que la B. vierge Therese appelle «orayson de quietude,» et qui ressemble a cet exercice d'amour que mesme les amans humains font, lhors que, ne parlans point a la personne qu'ilz ayment, ilz se contentent d'estre au lieu ou ell'est, proche d'elle, prenans simplement playsir a cette presence, sans discourir ni sur la beauté ni sur les perfections de l'object aymé, assovis, ce semble, et satisfaitz d'estr'aupres d'iceluy, savourans cette seule presence, non par aucun discours, mais par une tres simple attention quilz ont a cette presence, en laquelle ilz ont leur contentement et repos.

  A005001280 

 Alhors il arrive que l'ame fait des plaintz, crie, voire pleure, tout ainsy que fait un petit enfant, lequel, si on l'esveille avant quil ayt achevé son sommeil, en s'esveillant crie, gemit et pleure; et bien quil ne sentit pas en dormant le bien quil recevoit du sommeil, neanmoins il le tesmoigne asses par la douleur quil ressent de son reveil præcipité, involontaire et contraint: que si on l'eut laissé assovir de sommeil, il se fut reveillé joyeux et sans pleur.

  A005001280 

 Dont ce divin Berger adjure les compaignes de sa pudique Bergere, par les chevreulz et cerfs des chams, qu'elles n'esveillent point sa bienaymee jusques a ce que d'elle mesme elle s'esveille et qu'elle le veuille..

  A005001280 

 Et jamais elle ne connoist le contentement dont elle jouït, sinon quand on le luy veut oster, ou que quelque chose l'en [395] destourne; car alhors, par une douloureuse separation ou interruption de cette si grande suavité, elle commence a s'appercevoir du grand playsir qu'ell'avoit a son attention et en cette prætieuse presence, laquelle elle possedoit simplement, sans y penser ni faire reflexion, par le seul contentement et satisfaction de sa volonté.

  A005001282 

 Il en est de mesme de l'ame qui est en repos et quietude par la presence de Dieu: elle succe presqu'insensiblement la douceur de cette jouissance, car elle ne discourt point, elle n'opere point par aucune faculté de son ame, sinon par la seule volonté, laquelle estant la bouche par laquelle entre le contentement et la delectation interieure, elle remue doucement et presque sans remuement, sucçant le bien de cette presence.

  A005001282 

 Que si on incommode ce cher enfant, et que, par ce quil semble endormi, on veuille luy oster le testin, il monstre bien alhors quil ne dort pas pour ce regard, quoy quil dorme pour tout le reste; car il apperçoit le mal de cette privation, qui tesmoigne bien quil savouroit le bien de la jouissance.

  A005001283 

 O Dieu, Philothee, quil estoit heureux, ce divin enfant, de dormir dans le sein de son Pere, lequel aussi, le jour suivant, le recommanda comm'un enfant de lait a sa Mere! Il vaut mieux dormir dans le sein de Dieu que de veiller par tout ailleurs..

  A005001284 

 Elle ne luy demande rien, car elle ne veut que luy qu'ell'a treuvé; elle ne cherche plus rien, car ell'a treuvé Celuy qu'elle cherchoit; elle ne s'amuse pas a discourir par l'entendement, par ce qu'elle void d'une veüe simple et si douce son Bienaymé, que le discours la divertiroit et mettroit en travail: et mesme quelquefois elle ne le void point par l'entendement, et ne se soucie point de le voir, se contentant de le sentir par le seul ayse de la volonté, comme la S te Vierge, qui ayant N. S. en son ventre, le sentoit sans le voir, ou comme S te Elizabeth qui, sans le voir, jouissoit du fruit de sa presence en la Visitation.

  A005001285 

 Les abeilles font quelquefois des seditions et mutineries entr'elles, par lesquelles, si leur garde n'y avise, elles s'entretuent et se desfont les unes les autres: le remede a ce desordre c'est de jetter emmi ce petit peuple effarouché, du vin emmiellé, car les abeilles sentant cette douceur s'appaysent, et s'amusant a la jouissance d'icelle demeurent accoysees.

  A005001286 

 Or en cette tranquillité il arrive quelquefois une tentation subtile: car si l'esprit a qui Dieu la donne est grandement actif, fertile et foisonnant en considerations, ou qui ayme grandement sentir ce quil fait et retourner sa veue sur soymesme, pour se voir et reconnoistre son avancement ou savourer son contentement... Car il y a des espritz de cette condition, qui veulent tout voir et sçavoir ce qui se passe en eux, et ne se contentent pas de savourer le bien silz ne savourent encor le contentement; et, [par] maniere de dire, encor quilz soyent contens, il leur est advis quilz ne le sont pas s'ilz ne sentent le contentement d'estre contens, et sont comme ceux qui, se sentans bien vestus contre le froid, ne penseroyent pas l'estre [398] silz ne contoyent combien de robbes ilz portent, ou comme ceux qui, estantz bien rassassiés ou desalterés, ne seroyent pas contens silz ne sçavoyent la quantité et qualité de ce qu'ilz ont beu et mangé..

  A005001287 

 O Dieu, Philothee, quilz font une grande faute! car ilz troublent volontairement le doux repos que Dieu leur avoit donné, et en lieu de s'occuper en l'amour de Dieu ilz s'occupent en l'amour d'eux mesme; en lieu de se tenir attentifs a Dieu ilz sont attentifz a eux mesmes, et ne se tenant plus a Dieu qui les contentoit, ilz s'attachent au contentement quil leur donne: comme si un esclave que le roy auroit attaché a soy par une chaisne d'or pour le sauver, en lieu de considerer la bonté de ce prince consideroit la valeur de la chaisne.

  A005001288 

 Et comme l'enfant, si pour quelque occasion avoit levé sa teste du giron de sa mere pour voir ou il a les pieds, y retournerait soudain, ainsy faut il que nous estans ainsy distraitz par cette curiosité de sçavoir ce que nous faysons, nous remettions soudain nostre cœur en cette douce et paysible attention que nous avions a la presence de Dieu.

  A005001288 

 Mays pourtant il ne faut pas croire qu'il y ait peril de perdre cette sainte quietude par les actions ni du cors ni de l'esprit qui ne se font point par legereté ni par indiscretion; car il faut croire la B. M. Therese, laquelle estime que c'est superstition d'estre si jaloux de cette quietude que de ne vouloir ni tousser, ni cracher, ni respirer, pour la mieux conserver: car, certes, Dieu qui donne cette paix ne l'oste pas pour telz mouvemens exterieurs, non, ni mesme pour les distractions et evagations involontaires de l'esprit; car la volonté estant une fois bien amorcee ne laisse pas de savourer le fruit de cette quietude, quoy que l'entendement ou la memoire s'eschappent..

  A005001289 

 Nous avons veu un'ame extremement attachee a Dieu, [399] avoir neanmoins eu l'entendement tellement libre, qu'ell'entendoit fort distinctement ce qui se disoit autour d'elle et s'en resouvenoit, bien que toutefois il luy fut impossible de pouvoir respondre ni de se desprendre de Dieu; auquel ell'estoit occupee par l'application de la volonté en telle sorte, qu'elle ne pouvoit estre retiree de cette douce occupation sans une douleur extreme qui la provoquait au gemissement: et semble que ce fut comm'un enfant qui, ayant la bouche au tetin de sa mere, pourroit voir, ouïr et mesme remuer les bras pour prendre quelque chose, sans toutefois se desprendre du sucheron, ni cesser de tetter..

  A005001290 

 Neanmoins, l'ame qui est en cette quietude voudrait bien n'estre point distraitte; sa paix serait bien plus douce si on ne luy faysoit point de bruit au tour, si elle n'avoit nul sujet de se remuer ni quant au cors ni quant au cœur: car en fin toute l'ame prend contentement a cette presence, et partant elle y voudrait estre toute; mais ne pouvant quelquefois empescher quelque sorte de divertissement, au moins conserve elle la paix en la faculté par laquelle elle la reçoit, qui est la volonté.

  A005001290 

 Volonté laquelle n'a garde de se fascher de la distraction des autres facultés, car a mesure qu'elle voudrait avoir soin de les empescher et se fascheroit de leur divertissement, elle se divertirait elle mesme de son objet, perdrait son contentement, et en lieu de la quietude aupres de Dieu, elle se mettrait a la course apres les autres puissances, lesquelles aussi bien elle ne sçauroit ramener plus puissamment que perseverant en sa paix, alaquelle petit a petit en fin les autres reviennent par la douceur que la volonté reçoit, delaquelle elle leur communique certains ressentimens, comme des odeurs, qui les attirent au retour..

  A005001291 

 Aucunefois mesme l'ame est en cette paix sans avoir aucun'autre satisfaction que de sçavoir qu'ell'est aupres de Dieu, et n'y a nul autre contentement que d'y estre par ce que Dieu a aggreable qu'elle y soit.

  A005001291 

 Autrefois, elle sent parler l'Espoux, mais elle ne sçauroit luy parler, ou par ce que l'ayse de l'ouïr ou la [400] reverence qu'elle luy porte l'en empesche, ou par ce qu'ell'est en secheresse et n'a de force que pour escouter et non pour ouïr..

  A005001291 

 Car quelquefois l'ame tire un contentement inimaginable de sentir par certaines douceurs interieures la presence de Dieu, comm'il arriva a s te Elizabeth; autrefois, non seulement elle sent son Dieu present, mais elle luy parle doucement et secrettement comme cœur a cœur.

  A005001291 

 O Dieu quel playsir! En d'autres occasions elle le sent, luy parle et l'entend parler, par certaines clartés qu'elle reçoit dans le cœur, qui luy tiennent lieu de paroles.

  A005001292 

 Et notes, Philothee, qu'il y a difference entre se mettre en la presence de Dieu et se tenir ou estre en la presence de Dieu: car pour s'y mettre il faut appliquer son ame et la rendre actuellement attentive a cette presence, ainsy que je le dis en l' Introduction; mais apres qu'on s'est mis en la presence de Dieu, on s'y tient et on y persevere tous-jours tandis qu'ou par l'entendement ou par la volonté on fait quelque chose en Dieu ou pour Dieu: comme, par exemple, regardant Dieu ou quelque chose pour son amour; ou bien ne le regardant pas ni aucune chose pour son amour, mais luy parlant; ou mesme ne regardant ni ne parlant mais l'escoutant; ou encor ne regardant, ni ne parlant, ni n'escoutant, mais attendant sil nous regardera ou sil nous parlera; ou en fin, ne faysant rien de tout cela, mais simplement demeurant ou il nous a mis, par ce quil nous y a mis.

  A005001293 

 Mays dequoy te sert-il d'estre lâ? Je n'y suis pas pour mon service, mais par la volonté de mon maistre, et son gré suffit pour me contenter.

  A005001293 

 Pour quoy ne te remues tu point? Par ce, repliqueroit elle, quil veut que j'y sois immobile.

  A005001293 

 Si une statue que le statuaire auroit mise en une niche dans une sale ou galerie, avoit du discours, et qu'elle peut parler, et qu'on luy demandast: Pourquoy es tu lâ dans cette niche? Par ce, diroit elle, que mon maistre m'y a colloquee.

  A005001295 

 Or cette quietude en laquelle la volonté n'agit que par un simple acquiescement a la volonté de Dieu est souverainement excellente, par ce qu'ell'est pure de tout l'interest des facultés de l'ame, qui ne jouissent d'aucun contentement, ni mesme la volonté, sinon en sa supreme pointe, par laquelle elle se contente de n'avoir aucun contentement que d'estre sans contentement pour l'amour du contentement de Dieu.

  A005001299 

 Je ne parle pas icy de l'union generale que l'amant a avec la chose aymee et alaquelle l'amour tend, mais je parle d'une certaine union par laquelle l'ame recueillie en Dieu, comme nous avons dit cy devant, avec toutes ses puissances, elle se joint et unit a son object bienaymé, et demeure comme toute collee en luy..

  A005001300 

 Imagines vous un enfant (car cette comparayson est toute d'amour pur et doit estre suivie) qui, voyant sa mere assisse, laquelle luy presente son giron et son sein, vient se jetter tout entre ses bras: il se ramasse tout la dans ce sein desirable, dans lequel il plie tout son cors; sa mere, le tenant, le serre et le colle sur sa poitrine, et joint ses levres aux siennes; luy, amorcé de cette caresse par laquelle sa mere l'unit tout a soy, non seulement consent, mays tant quil peut il se serre luy mesme et se presse sur le sein et sur le visage de sa chere mere, et de son costé coopere a cette amoureuse union.

  A005001301 

 Ainsy, treschere Philothee, N. S. attirant un'ame a soy par l'orayson de recueillement dont nous avons parlé, et ayant ramassé toutes ses puissances sur le sein de sa bonté plus que maternelle, et, par maniere de dire, l'ayant toute repliee devers luy, il la joint, et la serre et colle sur soy et sur son visage.

  A005001303 

 Car il y a difference entre joindre une chose a un'autre, et serrer ou presser une chose contr'un'autre et sur un'autre: car joindre et unir se fait par une simple application d'une chose, comme nous joignons, en sorte qu'elles se touchent, les vignes ou le jasmin aux arbres; mais presser et serrer se fait par un'application forte qui accroist et augmente l'union et conjunction: si que serrer c'est fortement et intimement joindre, comme le lierre se joint a un arbre; car il le serre et le presse si fort, que mesme il penetre et entre dedans son escorce..

  A005001304 

 Voyes un enfant pendu au col de sa mere, demeurer uni et joint a ses mammelles: si vous y prenes garde, de tems en tems il se pressera et serrera par des sursaultz de mouvemens que le playsir de tetter luy donne; ainsy un cœur aymant Dieu, demeure tous-jours uni par affection a sa divine Majesté, mais pourtant, en certaines occasions, il fait certain accroissement d'union, par un mouvement avec lequel il se serre et presse davantage en Dieu.

  A005001305 

 Quelque fois nostr'union se fait insensiblement, nous tenans seulement en sa presence, ou par le recueillement, et cœt.

  A005001305 

 Quelquefois, par des actions de nostre cœur, sensibles et perceptibles.

  A005001305 

 Quelquefois, par la seule volonté qui s'estend et se serre le plus estroittement a son Dieu: Hé, Seigneur, quand seray-je tout en vous? Quand viendray et paroistray devant vostre face? Joignes, Seig r, de plus en plus cett'ame a vostre bonté; et cœt..

  A005001306 

 Quelquefois cett'union se fait encor avec l'entendement, qui de plus en plus se serre a Dieu, non pour l'entendre, mais pour estre avec son object, par ce que la volonté le tire apres soy et l'applique a cela, l'amour respandant dans l'entendement ce playsir special d'estre fiché en Dieu; comme nous voyons quil respand une profonde et speciale attention en nos yeux pour regarder fixement ce que nous aymons, quoy que les yeux d'ailleurs eussent d'autres objectz plus aggreables..

  A005001307 

 Quelquefois cett'union se fait de toutes les facultés de l'ame, qui se ramassent autour de la volonté, non pour s'unir elles mesme a Dieu, car elles n'en sont pas toutes capables, mais pour ne point destourner la volonté, ains luy donner toute commodité de s'unir de plus en plus a ce divin objet; c'est pourquoy, de peur de la destourner, elles la suivent, car si les autres puissances estoyent appliquees a leurs particuliers objectz, l'ame qui opere par elles seroit distraitte et divertie par la varieté des actions, et ne pourroit pas si parfaitement s'employer a celle de l'amour.

  A005001311 

 En fin, quand cett'union est non seulement tres serree et estroitte, mais que la chose unie peut malaysement estre separee et desprise, [comme une] greffe qui s'attache a l'arbre, elle s'appelle par le grand s t Thomas et les Theologiens inhæsion ou adhæsion, parce que par cett'union non seulement on est fort uni et serré, mais on est attaché, affigé, collé a la chose, on se tient a elle, on est pris l'un a l'autre en sorte quil y a peyne de s'en desprendre; comm'il [arrive] quand la chose qui se prend a un'autre est visqueuse et gluante, ou qu'elle [est] attachee par des cloux ou par plusieurs neuds et liens entrelacés.

  A005001312 

 Mays en cet endroit nous ne parlons pas du lien permanent par lequel nostr'ame est attachee a Dieu en vertu des resolutions que la sainte charité nous donne: c'est sans doute, Philothee, que la charité est un lien et lien de perfection; et qui a plus de charité, il est plus attaché a Dieu, plus indissolublement, plus inseparablement, plus estroittement.

  A005001312 

 Nous parlons de l'union de nostre esprit a Dieu qui se fait par l'action de l'amour, c'est a dire de l'union qui est un des exercices de l'amour.

  A005001313 

 Voyes vous ce petit enfant attaché au tetin et au col de sa mere: si on le veut arracher de la pour le porter en son berceau, par ce quil en est tems, il marchande et dispute tant quil peut pour ne point la quitter, et se serre plus estroittement a elle; si on luy fait desprendre une main il s'acroche de l'autre, et si on l'arrache du tout il se met a pleurer, il regarde devers son giste d'amour quil prefere a tout autre, et ne pouvant plus estre avec elle il la reclame, et va criant tendrement et plaintivement sa mamma, mamma.

  A005001315 

 Il ne reste plus que de vous advertir que comme tous les exercices d'amour se prattiquent, ou par des oraysons et operations spirituelles de longue duree, ou par des oraysons et eslancemens courtz, passagers et frequens, ainsy cet exercice de l'union avec Dieu se prattique egalement es longues oraysons et contemplations, et es courtes et enflammees oraysons jaculatoires et elevations de cœur appliquees a cett'intention.

  A005001320 

 Ainsy donq se fait la liquefaction par l'angoisse et par la peyne; car un cœur ferme, fort et solide, devient mol, tendre et liquide a la merci de l'injure.

  A005001320 

 Ell'a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes en sa propre volonté; et lhors qu'ell'est plus sujette a ses inclinations et volontés, nous disons qu'ell'est dure spirituellement, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, et vous en donneray un de chair; c'est a dire, je vous osteray vostre obstination et dureté spirituelle.

  A005001320 

 L'ame n'en est pas de mesme par nature: non certes, Philothee, car ell'a ses figures, ses bornes et limites spirituelles, en sorte que elle n'est pas aysement pliable ni maniable par autruy.

  A005001321 

 Et comme le s t Espoux respand son amour et son ame en celle de l'Espouse, aussi reciproquement l'Espouse sacree respand la sienne apres l'Espoux: Mon ame s'est fondue, dit elle; c'est a dire: comme l'on void que le vent meridional soufflant sur la neige des montaignes la fait fondre, et se fondant elle quitte sa place, sortant d'elle mesme pour ruisseler es vallees, ainsy la parole de mon Bienaymé, venant comm'un vent en mon ame, la fait fondre d'amour, et ell'est sortie d'elle mesme, s'escoulant apres son amant (par ce qu'en l'Hebrieu et Caldaique et es Sept, il y a: Anima mea egressa est, ut dilectus meus locutus est; vide Sa, Rio, Ghisler, Lyranus.) Ou bien: mon ame a esté comm'un bornai ou cousteau de cire, qui, touché des rays ardens du soleil, sortant de soymesme, de sa forme, de son estre, flue et s'ecoule devers l'endroit dont il est touché; car ainsy mon ame s'est escoulee du costé de la voix de mon bienaymé..

  A005001321 

 Et comme le vin, plus il est fort moins il peut estre retenu dans le tonneau quil ne s'espanche et ne sorte par dessus, ainsy l'amour de l'Espoux ne pouvoit demeurer en son cœur quil ne se respandit; et parce que l'amour ne va pas sans l'ame, l'ame mesme de l'Espoux s'estoit respandue, dont ell'adjouste: Vostre nom est un'huile respandue; vous ne respandes pas seulement vos affections, mais vous estes vous mesme un baume respandu.

  A005001322 

 Ainsy l'ame laquelle, quoy qu'aymante, demeuroit neanmoins en elle mesme, par cette liquefaction elle sort hors de soymesme et se laisse escouler en son Bien Aymé, non seulement pour s'unir a luy, mays pour se mesler et imbiber toute a luy, en sorte que ce ne soit plus qu'une chose avec luy; ainsy que de l'eau naphe et de l'eau rose meslees ensemble se fait une seule eau de senteur..

  A005001322 

 Elle commence par une parfaite complaysance que l'amant prend en la chose aymee; cette complaysance engendre une certaine impuissance spirituelle qui fait que l'ame ne se sent plus aucune force ni vigueur pour se tenir en elle mesme, ne pouvant plus demeurer en soy ou elle n'a plus aucun'attention ni playsir, ains comm'un baume fondu qui n'a plus aucune subsistence, elle se laisse tout'aller et s'escoule toute en son amant: elle ne se jette pas, ni elle ne se joint pas, ni elle ne se serre pas, mais elle tumbe, par maniere de dire, et flue, comm'une cire fondue, en ce qu'ell'ayme; elle ne peut se soustenir en elle mesme, ains se dissout et se deffait, s'escoulant toute dans le cœur qu'ell'ayme.

  A005001323 

 Or la verité est que cette liquefaction, cet escoulement d'un'ame en Dieu, est a proprement parler une grande et veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors de ses propres bornes, hors de son propre maintien, et se treuve toute absorbee et engloutie et comme toute meslee en son Dieu, ainsy qu'une goutte d'eau qui tumbe dans un grand vaisseau de vin.

  A005001323 

 portent en leur texte: Mon ame est sortie quand mon Bienaymé a parlé; c'est a dire, elle est tumbee en extase; et nostre version ordinaire latine, disant la mesme chose, l'exprime par cette parole: Mon ame s'est fondue; qui est la mesme chose, car ce qui se fond coule hors de soymesme.

  A005001327 

 L'amour est la source et racine de toutes les passions de l'ame, comme nous avons dit ailleurs; et par ce que l'amour qu'un esprit donne a l'autre perce puissamment jusques a ce quil ayt treuvé son centre, et que le centre de l'amour ou il establit son siege, ou est sa place, n'est autre chose que le fin fond de la volonté, partant l'amour blesse, et a guise d'une sagette se fourre soymesme dedans l'ame.

  A005001327 

 Les autres passions n'entrent dedans le cœur que par l'entremise de l'amour, mais l'amour entre luy mesme par sa propre force; et par ce que l'amour est la premiere passion du cœur, c'est luy seul qui le blesse: la tristesse, la crainte, la hayne ne piquent le cœur que par l'amour.

  A005001327 

 Pourquoy, je vous prie, Philothee, haissons-nous le mal sinon par ce que nous aymons le bien? pourquoy nous attristons nous des maux apprehendés comme presens sinon par ce quilz nous privent du bien? pourquoy craignons nous le mal futur sinon par ce que nous desirions et esperions le bien? C'est l'amour seul qui nous donne toutes les passions, c'est luy aussi qui nous blesse et navre le cœur..

  A005001328 

 Il est vray que quicomque est amoureux, il est blessé d'amour, et les premiers traitz d'amour que l'on sent au cœur se peuvent appeller blesseures, [413] par ce que l'amour transperce soudainement, et a l'heure que moins l'on y pense.

  A005001328 

 Mays cette blesseure d'amour n'est pas seulement appellee blesseure par ce que, comm'un trait ou dard descoché sur nos cœurs, elle penetre jusques au fons intime de l'esprit, mais aussi parce qu'elle est douloureuse et en verité pique l'ame.

  A005001329 

 Hé, qui me delivrera du cors de cette mort? Voyes cet autre amoureux: Mon ame a soif de son Dieu fort et vivant; hé, quand viendray-je et apparoistray-je devant la face de mon Dieu? Mes larmes ont esté mon pain nuit et jour, tandis qu'on me dit: ou est ton Dieu? Voyes la sacree Sullamite comm'elle parle aux filles de Hierusalem: Helas, dit elle, je vous conjure, si vous rencontres mon Bienaymé, de luy annoncer ma peyne, par ce que je languis et suis blessee d'amour.

  A005001329 

 S'il est absent, helas, Philothee, l'amour blesse le cœur par le desir violent quil excite, lequel ne pouvant estre assovi tourmente le cœur tres asprement.

  A005001330 

 (Il faut mettre ceci par comparayson. Une ville prise par les Romains, lhors que les soldatz de Rome se sont renduz les plus fortz, ilz arborent l'estendart, et cœt.; ainsy le Roy paysible des cœurs, Jesus Christ, ayant pris le cœur de sa chere Sulamite et l'ayant remply de mille passions amoureuses, il mit l'estendart d'amour sur son cœur.) Or lhors, tout'amoureuse qu'ell'est, il la presse, et descoche de tems en tems mille traitz d'amour, par exces, luy monstrant combien il est encor plus aymable qu'elle ne l'ayme: et elle, qui n'a pas tant de force pour aymer que d'amour pour s'efforcer d'aymer davantage, voyant ses effortz n'estre pas asses fortz pour aymer selon son desir Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent toute blessee; et autant d'eslancemens qu'elle fait, autant elle reçoit de secousses d'amour.

  A005001330 

 C'est lhors quil tesmoigne sa presence a l'ame et la presse d'amour, il la sollicite et luy fait vivement connoistre sa douceur infiniment aymable, car il presse en cette sorte: il luy donne des sentimens admirables de sa souveraine bonté, qui donne des attraitz non pareilz a l'ame, laquelle s'eslançant comme pour voler a son objet, et demeurant courte par [ce] qu'elle ne peut tant l'aymer comm'elle desire, o Dieu! elle sent une douleur qui n'a point d'egale.

  A005001330 

 Ell'est attiree puissamment, et elle se sent impuissante a voler ou est sa proye, par ce qu'ell'est encor attachee aux miseres de cette vie mortelle; la voyla donq terriblement tourmentee: O miserable homme que je suis,qui me delivrera du cors de cette mortalité? Alhors ce n'est pas le desir de chose absente, car elle sent son Espoux present, il l' a menee en son cellier a vin, il a arboré sur son cœur l'estendart de l'amour, comme sur une ville pleyne de passions amoureuses.

  A005001330 

 Les [414] premiers traitz que nous recevons de l'amour s'appellent blesseures, par ce que le cœur qui sembloit sain et entier et tout a soy mesme tandis quil n'aymoit pas, il commence a recevoir du tourment, a se separer et diviser de soymesme pour se donner a l'objet aymé: or la douleur se fait par la division des choses qui se treuvent l'un'a l'autre et sont unies.

  A005001330 

 Mays il y a une sorte de blesseure que Dieu luy mesme fait, par l'entremise neanmoins de l'amour, dans les cœurs quil veut rendre excellens.

  A005001333 

 Vray Dieu, Philothee, que vay-je dire! Les Bienheureux qui sont au Ciel n'ont pas tous un egal amour, et voyans tous neanmoins que Dieu est plus aymable qu'ilz ne l'ayment ni l'aymeront jamais, sans doute ilz periroyent et pasmeroyent eternellement d'un desir d'aymer davantage, si la tressainte volonté de Dieu, quilz voyent avoir si misericordieusement et surabondamment recompensé leurs merites par l'amour (je parle des esleuz qui ont esté en usage de franc arbitre), ne leur imposoit l'admirable repos dont ilz jouissent; car ilz ayment si uniquement la volonté de Dieu, que le contentement de Dieu les contente et sa volonté arreste la leur, et acquiescent parfaitement d'estre bornés en leur amour pour l'amour de la volonté divine.

  A005001334 

 Voyes vous le pellican? Ainsy que, ramassant en un'histoire ce qui se dit de luy, on le peut recueillir, il blesse par amour ses petitz, car il fait son nid en terre, si que les serpens les viennent souvent piquer: or quand cela arrive, le pellican vient, et comme pour faire sortir le venin avec leur sang, il les tue de son propre bec; puis, se blessant soymesme, il les vivifie de son sang.

  A005001335 

 Un jour on faysoit des exorcismes sur une personne possedëe, et le malin esprit estant pressé de respondre quel estoit son nom, il dit quil estoit «ce malheureux privé d'amour.» S te Catherine de Genes, qui estoit la presente, se sentit esmouvoir toutes les entrailles entendant le mot de privation d'amour: et comme les demons voyans le seul signe de l'amour de Dieu, oyans le seul nom de son amour, qui est Jesus et la Croix, tremblent, sont tourmentés et fuyent, par ce quilz haissent souverainement l'amour qui fit incarner le Filz de Dieu, ainsy ceux qui aiment Dieu tremoussent aux moindres signes ou paroles qui representent la privation de cet amour, comme sont ces paroles de desfiance: M'aymes-tu? car encor que nous sachions qu'elles ne sont pas de desfiance, neanmoins, par ce qu'elles en ont l'apparence, elles nous affligent..

  A005001336 

 Quelque fois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir du tems que nous avons esté sans aymer Dieu, d'ou, ce semble, procedoit cette voix de S t Augustin: «O que tard je t'ay» reconneu, «Beauté antique!» Car la vie est plus ennuyeuse que la mort a ceux qui connoissent que la vie est sans vie tandis qu'on vit sans aymer la vraye vie..

  A005001337 

 D'autrefois cette blesseure se fait par la seule consideration de la multitude de ceux qui mesprisent l'amour de Dieu qui est tant aymable, si que ilz pasment de douleur, comme celuy qui disoyt: Mon zele me fait secher de douleur par ce que mes ennemis n'ont pas gardé ta loy.

  A005001337 

 Et s t Franç s, estant entré dans une chapelle, pleuroit, crioit et se lamentoyt si haut que les passans croyoient qu'on le battit, et y accoururent; et il leur dit: Helas, «je pleure par ce que mon Sauveur a tant enduré, et personne n'y pense» En somme, l'amour, comme l'abeille, d'un mesme eguillon pique et fait le miel en cent façons.† [418].

  A005001338 

 Certes, l'amour est ainsy aigredoux, et tandis que nous sommes en ce monde il n'a jamais sa douceur pure, par ce quil n'y est pas parfait ni assovi; neanmoins il ne laisse pas d'estr'aggreable, et son aigreur mesme rend plus aymable sa douceur, comme sa douceur rend son aigreur extremement suave..

  A005001338 

 Les grenades, par leur couleur vermeille, par la multitude de leurs grains rangés et serrés ensemble, et par sa couronne, represente naifvement, selon l'advis de s t Greg., la sainte charité, enflammee de l'amour de son Dieu, contenant toute la varieté des vertus, et qui est la seule vertu couronnee de la gloire; mays son suc, Philothee, comme nous sçavons, qui est si agreable aux sains et aux malades, est tellement meslé de douceur et d'aigreur, qu'on ne sçauroit discerner sil est plus aggreable par ce quil a une douceur aigrette, ou par ce quil a un'aigreur doucette.

  A005001340 

 Et outre cela, l'amour porte si puissamment l'ame en son objet, que quand il est vehement ell'est tellement occupee par luy qu'elle manque a toutes ses autres operations, tant sensitives qu'intellectuelles; de sorte que pour [419] nourrir mieux cet amour, l'ame semble abandonner tout autre soin, tout'autr'action et soymesme encores: dont Platon a dit que l'amour estoit «pauvre, chetif, deschiré, nud, deschaux, sans mayson, couchant dehors sur la dure, es portes, tous-jours indigent.» Il est « pauvre,» par ce quil quitte tout pour la chose aymee; il est «chetif,» pasle et maigre, par ce quil fait perdre le sommeil, le manger et le boire; il est «nud et deschaux,» par ce quil n'a aucune affection, sinon celles de la chose aymee; il est «sans mayson,» par ce quil n'habite point dedans l'amant, mais suit tous-jours la chose aymee; il couche «dehors sur la dure,» par ce quil ne peut demeurer couvert, ains se manifeste et descouvre par des souspirs, plaintes, afflictions desordonnees, louanges, soupçons, jalousies; il est «es portes» tout estendu comm'un gueux, tant par ce quil est tout occupé a regarder, ouïr et parler a celuy quil ayme (et les yeux, les oreilles et la bouche sont les portes du cœur), comme encor, par ce qu'il est tous-jours aux oreilles de la chose aymee, ou a ses yeux, pour mendier des faveurs nouvelles, sans que jamais il en puisse estr'assovi.

  A005001340 

 Et si, c'est sa vie que d'estre «indigent,» car si une fois il est rassassié il n'est plus en ardeur, et par consequent n'est plus amour..

  A005001340 

 Les cors mesme de ceux qui sont blessés d'amour en demeurent malades, affoiblis et alangouris, comme l'on vid Ammon malade presqu'a mort pour l'amour de Tamar; et c'est chose asses conneüe que l'amour humain a la force non seulement de blesser le cœur, mais de rendre le cors malade jusques a la mort: ce qui se fait par la liayson que l'ame a avec le cors, [d'autant] que comme la passion et le temperament du cors a beaucoup de pouvoir de tirer l'ame a soy, aussi les passions de l'ame ont une grande force pour remuer les humeurs et changer les qualités du cors.

  A005001343 

 C'est chose admirable de voir les langueurs amoureuses de s te Catherine de Sienne et de Gennes, de s te Angele de Foligni, de la Bienheureuse Mere Therese; mays qui pourrait jamais exprimer les merveilles des effectz que l'amour celeste fit au cœur et au cors de s t François? Car sa vie n'est presque que de larmes, de souspirs, de plaintes amoureuses: et en fin vous voyes un Seraphin qui le stigmatise et le blesse par des rayons sortans des endroitz de l'ouverture du flanc, et des pertuis des mains et des pieds d'un'image de Jesus Christ crucifié quil portoit; de sorte que cinq playes demeurent imprimees en ce bienaymé serviteur, es mesmes endroitz esquelz son Maistre les avoit receues pour nous rachetter.

  A005001343 

 Nissene lhors quil la regardoit, combien fut attendrie, je vous supplie, chere Philothee, l'ame du grand S t François, quand il vid l'image de nostre Seig r se sacrifiant luy mesme pour nous sur l'arbre de la croix! image fait'au Ciel et par des mains celestes..

  A005001343 

 O Dieu, ma chere Philothee, imagines vous cett'image que non Appelles, mais N. S. mesme, ou un Seraphin par son [421] commandement, avoit taillee au Ciel en la presence de tous les Anges.

  A005001343 

 Quel portrait admirable tiré aupres du vif et sur son propre original, par des maistresses mains ou des mains tant maistresses en cet art! o comme elle representoit naifvement et au naturel ce divin Roy des Anges, meurtri, froissé, blessé, tué, sur l'arbre de la croix! Que si l'image d'Abraham assenant le coup du sacrifice sur son unique Isaac, image faite en terre et par une main terrestre, eut le pouvoir de tous-jours attendrir et faire pleurer le grand s t Greg.

  A005001344 

 Cett'ame donques, ainsy amollie et attendrie comm'une cire au soleil, se treuva par ce moyen extremement disposee a recevoir les impressions et les marques d'amour de son Sauveur et souverain Amant.

  A005001344 

 Ne void on pas les brebis de Laban, comm'estant en amour leur imagination porte coup sur leurs petitz aigneletz, pour les faire blancz ou taquettés selon les baguettes qu'elles regardent en ce tems-lâ? Et defait, les femmes grosses, ayant l'imagination affinee par l'amour, que ne font elles pas es cors de leurs enfans? Une forte imagination fait blanchir en une nuit un homme, detraque sa santé et toutes ses humeurs.

  A005001345 

 Ainsy la mirrhe produit sa stacte et premiere liqueur comme par maniere de sueur et de transpiration, mais pour la jetter toute il faut ayder la nature par l'incision.

  A005001345 

 Et a ce grand desir de conformité, a cet effort d'amour que l'ame de cet admirable amant faysoit pour se blesser soymesme et blesser son cors des playes du Sauveur, l'amour souverain et divin envoya le secours du Seraphin, qui cooperant aux essais et eslancemens que l'ame faysoit interieurement pour blesser son cors par son action exterieure, il ouvrit la chair de ce divin homme, la blessant es endroitz quil desiroit.

  A005001345 

 Et de mesme, chere Philothee, l'amour du grand saint François parut en toute sa vie comme par maniere de sueur; mais affin quil parut tout a fait, le celeste Seraphim le vient inciser et blesser, et pour monstrer que c'estoyent playes de l'amour celeste, il le blesse non avec le fer, mays avec un rayon de clarté.

  A005001352 

 Et la rayson est par ce que nos ames n'ont pas asses d'amour pour aymer dignement ce s t Amant, et voulant partager leur amour elles le destruysent; joint qu'estant souverainement aymable, rien ne doit tenir rang egal a luy dedans nostre cœur: c'est pourquoy il le veut tout, c'est a dire, que toutes nos autres affections soyent dependentes, ou au moins sujettes, ou, au fin moins, inferieures a celle que nous luy portons..

  A005001352 

 Premierement, par maniere de convoytise, car il veut que nous soyons tellement siens que nous ne soyons nullement a personne qu'a luy: Nul, dit il, ne peut servir a deux maistres.

  A005001353 

 Ainsy, Dieu ne veut point de corrival par ce que nous n'en pouvons point recevoir qu'en nous perdant, et tout ce que nous luy ostons de nostr'amour nous le perdons..

  A005001353 

 Voyons nous pas, Philothee, un pere ou une mere extremement jaloux de leur fille? voire mesme un frere? Quel regret a Absalom quand il vit Tamar violee, a Jacob et ses enfans quand Dina fut defleuree! Ce n'estoit pas qu'ilz eussent praetention sur l'une ni sur lautre, mais c'estoit par ce que les aymans d'un vray amour d'amitié ilz desiroyent qu'elles fussent exemptes de mal.

  A005001354 

 Mays quant a nous autres, nous avons de la jalousie pour Dieu en un'autre façon, car nous ne voulons pas quil n'ayme plusieurs choses avec nous, ains toutes les choses; et a mesure que nous l'aymons davantage, nous desirons quil ayme plusieurs autres avec nous, dautant que son cœur infini et son amour immense est plus que suffisant pour aymer toutes les creatures quil luy plait, en sorte que l'amour quil porte a toutes ne soit point diminué par celuy quil porte a une chacune, ni celuy quil porte a une chacune, par celuy quil porte a toutes..

  A005001355 

 Chacun possede la lumiere du soleil tout ainsy que si un seul la possedoit; ils en ont tous abondamment, et partant on n'est point envieux l'un sur lautre pour cela, comme si elle ne suffisoit pas pour tous: mays quant a la lumiere de la lampe, par ce qu'ell'est insuffisante pour plusieurs, chacun la veut avoir toute pour sa chambre ou pour son logis.

  A005001356 

 Ainsy, donq, l'amour fait une s te jalouzie et cree en nous un zele lequel estant vray fait des merveilles: car, procedant de l'amour, il n'agit que pour l'amour et par l'amour; et partant, plus il est excellent, plus il est doux; plus il est fort, plus il est suave et discret.

  A005001356 

 C'est la jalousie pour laquelle David se mouroit, et pour laquelle tant de gens sont mors, affin d'empescher le peché, et non seulement la damnation des ames; comme s t Jean Bape, s t Pierre et s t Paul, et mill'autres, par ce que le peché estoit contraire a la gloire de Dieu et a sa volonté.

  A005001356 

 Le zele est une passion amoureuse que les Philosophes n'ont pas bien conneüe, car ilz ont creu que c'estoit une mesme chose avec l'envie; au moins Aristote le definit: «Une tristesse du bien d'autruy par ce que nous ne l'avons pas,» qui est, en effect, la vraye definition de l'envie.

  A005001357 

 Ainsy, le grand S t Denys dit que les sages Theologiens appellent Dieu jaloux, ou, s'il faut ainsy parler, zelant, par ce quil est excessif en l'amour quil porte a toutes choses, et par ce quil excite le desir amoureux a la jalousie, c'est a dire, par ce quil ayguise si fort le desir d'aymer en ses creatures qu'en fin il les rend saintement jalouses de luy.

  A005001357 

 Or, Dieu nous ayant donné pour resister au mal et le surmonter, et pour surmonter les difficultés quil y a en la conqueste du bien, l'esperance, la hardiesse et la cholere, quand l'amour est vehement et quil tend ardemment au bien de la chose aymee il espere puissamment, il est hardi et ose fortement, et employe pour l'execution de ce quil espere et quil ose, la cholere et l'ire, par le moyen delaquelle, sil ne peut empescher le mal, il fait au moins vangeance de ceux qui le font et qui en sont les causes.

  A005001359 

 Cependant sa jalousie s'estend a vouloir que rien ne tienne rang en nostr'amour que par luy et pour l'amour de luy, ou au moins sous luy..

  A005001359 

 Mays quant au zele que Dieu a pour nous, c'est quil veut tout nostre cœur pour luy, par ce que c'est nostre souverain bien que nous soyons tout entierement siens; car, quand a luy, il ne tire nulle utilité de nostr'amour, ell'est toute pour nous.

  A005001360 

 Par ce que nous l'aymons souverainement nous devons aussi hair tout ce qui luy est contraire, entant quil luy est contraire; et non seulement le hair, mais le fuir; et non seulement le fuir, mays l'empescher d'estre si nous pouvons; et non seulement l'empescher d'estre, mais si nous ne pouvons pas l'empescher, estre extremement marris quil soyt; et non seulement estre marris, mays avoir une s te affection d'ire pour vanger, entant quil nous appartient, la contrarieté faite a Dieu.

  A005001361 

 Ainsy le mesme S t Paul, par ce grand zele, mouroit tous les jours pour la gloire de ses disciples; ainsy veut il estr'anatheme pour ses freres, et Moyse estre rayé du livre de vie pour son peuple.

  A005001361 

 Quels tourmens, Philothee, quelz exces d'amour ont eu les serviteurs de Dieu pour les ames! Qui est infirme que je ne le sois? qui est scandalisé que je n'en brusle? Ce zele ou jalousie des ames est representé, ainsy que nos peres ont dit, par la continuelle peyne que la poule a pour ses poussins.

  A005001361 

 effect du zele que nous avons pour Dieu, c'est un'ardeur que nous avons pour la pureté des ames qui sont ses espouses, comme le grand s t Paul disoit aux Cor. 2. c. II. initio: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a un homme, de vous representer une vierge chaste a Jesuschrist; vide s t Th.

  A005001362 

 C'est pourquoy elle s'escrie: Hé Dieu, qu'y a il au ciel pour moy et que desire-je autre que vous sur la terre? [428] Dieu de mon cœur et mon heritage! C'est pourquoy on quitte tout, et sachant que S t Paul a dit que les mariés ont leur cœur partagé par ce quilz doivent plaire a leurs parties, on se resoult a la chasteté sainte, on estime toutes choses comm'un fumier affin de gaigner nostre Seigneur, on quitte tout ce qui peut mettre division en nostre cœur: les honneurs, les richesses, les playsirs..

  A005001362 

 effect du zele envers Dieu est bien contraire a la jalousie humaine, car en lieu que nous craignons que la chose aimee ne soit possedee par quelqu'autre et qu'elle ne soit divisee, le zele envers Dieu nous fait craindre que nous mesme ne l'aymions pas asses purement et uniquement, et que nous ne soyons en quelque sorte divisés ou partagés selon l'esprit.

  A005001364 

 Quand nous aymons ardemment les choses corporelles, le zele qui s'en ensuit se termine pour l'ordinaire en envie, par ce que les choses corporelles et exterieures, comme la beauté, la gloire, les richesses, les honneurs, les rangs, sont si particulieres et bornees, finies et imparfaites, que [429] quand l'un les possede il empesche lautre de les posseder si pleynement, et estant communiquees a plusieurs la communication en est moins parfaite pour un chascun.

  A005001365 

 l'envie est tous-jours injuste, mays la jalousie est quelquefois juste, pourveu qu'elle soit moderee; car les mariés ont rayson d'empescher que leur amour ne soit point partagé, et par consequent d'estre jaloux l'un de lautre.

  A005001366 

 Qui vid jamais une plus aspre vengeance que celle dont les enfans de Jacob userent contre Sichem pour le violement de Dina, de l'integrité delaquelle ilz avoyent rayson d'estre jaloux, puisqu'elle estoit leur seur? Certes, lhors que Dieu s'est pleynement donné a un'ame par amour, il en est infiniment jaloux, et chastie asprement les infidelités qu'elle commet.

  A005001367 

 Ce tant si petit divertissement, survenu par surprise, ne fut pas, certes, un peché ni un'infidelité, ains une seul'ombre de peché et une seule apparence d'infidelité; et neanmoins, la sainte Vierge nostre Dame l'en tança si fort, et le glorieux Apostre luy en fit une si grande confusion, qu'elle pensa fondre en larmes.

  A005001367 

 Et David restabli en grace par un parfait amour, comme fut il chastié pour un seul peché veniel quil commit faysant faire le denombrement de son peuple?.

  A005001367 

 Un jour S te Catherine de Siene estant ravie d'un ravissement qui ne luy ostoit pas l'usage des sens, tandis que Dieu luy monstroit ses merveilles, un sien frere passa pres d'elle, et par le bruit quil fit la provoqua a se retourner devers luy et le regarder un seul petit moment, apres lequel elle remit ses yeux sur le divin objet dont sort Espoux l'avoit gratifiee.

  A005001368 

 Ainsy, Philothee, l'Apostre, jaloux des ames des Chorinthiens, proteste que ce n'est pas pour luy quil est jaloux, mais pour son Maistre: Je suis jaloux de vous, ou, sil faut ainsy dire, je vous jalouze de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a luy de vous preenter une vierge chaste.

  A005001368 

 Celle la n'est point jalouse par ce qu'elle n'est point amoureuse, celle ci est si fort amoureuse qu'elle en est toute jalouse; mais elle n'est pas jalouse de sa propre jalousie, ell'est jalouse de la jalousie de son espoux: elle ne craint pas de n'estre pas aymee, comme font les autres jalouses, qui est la jalousie qui regarde son interest; mais elle craint de n'aymer pas asses, qui est la jalousie qui regarde l'interest de son espoux.

  A005001368 

 Mays voyes cette jalousie delicatement exprimee par S te Catherine de Genes presqu'en tous les enseignemens des proprietés du pur amour qu'elle donne si admirablement; car il ne se peut rien adjouster a ce qu'elle dit pour monstrer que l'amour parfait, c'est a dire parvenu jusques au zele, ne peut souffrir l'interposition ni le meslange d'aucune autre affection dans le cœur quil possede, non pas mesme des dons de Dieu, car il ne veut pas mesme qu'on [432] affectionne le Paradis sinon pour y plus aymer Dieu.

  A005001369 

 Non pas certes que le s t amour, pour vehement quil soit, puisse estre excessif en soymesme ni en ses inclinations; mais par ce quil employe a l'execution de ses ordonnances l'entendement, auquel il commande de chercher les moyens de faire reuscir ses intentions, et la hardiesse et cholere pour les prattiquer, il advient que souvent l'entendement prend des voyes insolentes, trop aspres et violentes, et que l'audace ou cholere estant esmeüe fait plus [433] qu'on ne luy commande, et que par ainsy le zele est exercé indiscrettement et desreglement, dont il devient mauvais..

  A005001370 

 Le zele donq estoit bon, mais l'exercice en fut extremement desreglé, ainsy comme recite le mesme S t Denys en la response a Demophile, [où il] fournit un autre admirable exemple d'un zele indiscret, non faute de science, mais par exces de la cholere que le zele avoit excité..

  A005001370 

 Or, ayant fait ce bel exploit de zele, il ne se peut tenir de s'en vanter au grand s t Denys Areopagite par une lettre quil luy escrivit, de laquelle il receut une admirable responce, digne certes de l'esprit apostolique dont ce grand disciple de s t Paul estoit animé: car il luy fait voir clairement que son zele a esté un zele indiscret, imprudent et impudent tout ensemble; car encor que le zele du respect des choses saintes soit bon et louable, si est ce quil le prattiqua contre toute rayson, sans consideration ni jugement quelcomque, employant des coups de pied, des outrages et des injures, en un lieu, en un'occasion et contre des personnes quil ne devoyt luymesme regarder qu'avec honneur et amour.

  A005001370 

 Par exemple: un pecheur fameux vint se jetter aux pieds d'un bon et digne prestre, suppliant et protestant quil venoit pour trouver le remede de ses maux, c'est a dire pour recevoir la sainte absolution du Sacrement de Pœnitence.

  A005001370 

 Un certain moyne nommé Demophile, voyant ce pœnitent s'approcher trop pres, a son advis, du s t autel, entra en un zele si ardent, quil se rua sur luy et le chassa a grands coups de pieds, injuriant et outrageant cruellement le prestre qui selon son devoir recevoit doucement et amiablement ce pauvre pœnitent; puis, courant a l'autel, en osta les choses tressaintes qui y estoyent, c'est a dire le divin Sacrement de l'Eucharistie, et les emporta, de peur, comm'il cuydoit, que par rapprochement du pecheur le lieu n'eut esté prophané.

  A005001371 

 Carpus, homme excellent en pureté et sainteté, et lequel il y a grande apparence avoir esté Evesque de Candie, en eut un tel desplaysir qu'onque en sa vie il n'en avoit souffert de tel; et se laissa porter si avant par [434] cette passion que, s'estant levé selon sa coustume pour prier a la minuit, plein d'un'indignation implacable, il concluoyt a part soy quil n'estoit pas raysonnable que les hommes impies vescussent plus long tems, et sur cela prioit que sans misericorde il fit mourir d'un coup de foudre ces deux hommes ensemble.

  A005001371 

 Il vid premierement, comme un autre s t Estienne, le ciel ouvert, et Jesus Christ nostre Seigneur sur [un throsne en] iceluy, environné d'une multitude d'Anges qui luy assistoyent en forme humaine; puys il vid en bas la terre ouverte comm'un horrible et vaste gouffre, et les deux desvoyés auxquelz il avoit souhaité tant de mal, sur le bord de ce precipice, tremblans et presque pasmés d'effroy a cause quilz estoyent prestz a tumber dedans; attirés par une quantité de serpens qui sortoyent de l'abisme, s'entortilloyent a leurs jambes, et avec leurs queues les chatouilloyent et provoquoyent a la cheute, outre certains hommes qui aussi, de leur costé, les poussoyent et frappoyent pour les faire tumber: si quilz sembloyent estre sur le point de tumber, en partie malgré eux, estans peu a peu contraintz par force, et en partie de leur bon gré, volontairement induitz et attirés par le mal.

  A005001371 

 Quand, en fin, levant ses yeux au ciel, il vid Nostre Seigneur qui, par un'extreme pitié et compassion de ce qui se passoit, se levant de son throne, descendant jusques au lieu ou estoyent ces pauvres miserables, il leur tendoit sa main secourable, comm'encor les Anges, qui d'un costé qui d'autre, les retenoyent pour les empescher de tomber.

  A005001374 

 Ce ne sera donq jamais par mon conseil qu'on s'excitera a la cholere pour servir le zele..

  A005001375 

 19; ce qu'ont fait plusieurs grans personnages, esquelz la cholere indubitablement fut employee par leur zele a faire des executions grandement rigoureuses.

  A005001376 

 Ces zeles estoyent inspirés du Ciel immediatement, et par consequent estoyent privilegiés, pouvans employer la cholere sans peril; car le S t Esprit qui les animoit a ces exploitz tenoit aussi les renes de leur juste courroux, affin quil ne passast les limites quil leur avoit prefigé..

  A005001377 

 Si c'est une ire inspiree, ou au moins excitee par le S t Esprit, ce n'est plus l'ire de l'homme; mais si elle n'est pas excitee du S t Esprit, quoy quil semble qu'elle serve au zele ne le croyons pas, au moins ayons beaucoup de desfiance de son service, car le zele doit estre juste, et la cholere n'opere point la justice..

  A005001378 

 On peut repousser les injures faites a Dieu et aux choses saintes par un zele doux, tranquille, constant, impliable, diligent, ardent, actif, impetueux, car les Anges exercent ainsy leur zele; sans fiel neanmoins, sans cholere, sans violence, sans chagrin, sans passion.

  A005001380 

 C'est un instrument qui est grandement dangereux, peu de gens s'en sçavent bien servir; il n'appartient qu'aux grans Saintz, desquelz Dieu tient la main par une tres speciale providence.

  A005001383 

 C'est cela, Philothee, que S t Denis veut representer a Demophile qui alleguoyt l'exemple de Phinees et d'Helie; car S t Jean et S t Jaques, qui vouloyent imiter Helie, furent repris par N. S., qui leur fit entendre que son esprit et son zele estoit un esprit et un zele doux, debonaire et benin, et qui n'employoit la vengeance et cholere que tres rarement, et lhors qu'il n'y avoit plus esperance de pouvoir prouffiter autrement.

  A005001384 

 Le zele est un degré de charité enflammee, et par consequent il ard, il esclaire, il consume: Usquequo accendetur velut ignis zelus tuus, Psal. 78.

  A005001385 

 Les pigeons sont rudes aux colombelles de la jalousie quilz ont, quoy que sans occasion; car ilz les battent a coup de bec et les tancent, groignans du gozier, grondans, grunelant du gozier, et par apres, comme s'en repentans, ilz les environnent, les baysans et flattans, estans en ruït.

  A005001389 

 Ainsy ce mesme amour entrant dedans un'ame pour la faire heureusement mourir au peché et resusciter a la grace, il la fait despouiller, par le mespris du monde, de toutes sortes d'affections qu'elle portoit aux choses du monde; puis elle luy fait quitter la peau mesme, c'est a dire l'estime et l'amour d'elle mesme; et en fin il la desnue mesme de la vie, de l'affection aux vertus, aux exercices spirituelz, aux consolations interieures, qui sembloyent estre la vie de l'ame: et par ainsy il luy donne la mort, la separant de tout ce qu'ell'avoit, ains de tout ce qu'ell'estoit.

  A005001389 

 Apres cela, imagines vous encor, je vous supplie, ce divin Sauveur resusciter: cette ame celeste reprend son cors, et le cors a mesm'instant sa peau, puis reprend des habitz, ou formés par miracle ou autrement, car il parut a ses disciples allans en Emaus, et a Magdeleyne, habillé en pelerin et en jardinier, selon que la gloire de son Pere et le salut des ames le requeroit.

  A005001389 

 Et de cette jalouzie provient la tressainte nudité du cœur et le parfait despouillement de l'amour pur, car la jalouzie est comme la mort qui nous despouille de tout, c'est a dire l'ame de son cors et de tout; et comme l'ame despouillee de son cors ne le reprend jamais que Dieu ne le luy rende par la resurrection, ainsy l'ame despouillee de toutes affections par le saint amour ne les reprend jamais que Dieu ne le luy ordonne.

  A005001389 

 Imagines vous, Philothee, le cher Espoux de nos ames au parvis du prœtoire de Pilate, ou, pour l'amour de nous, les ministres de la mort, c'est a dire les bourreaux, le despouillerent de tous ses vestemens l'un apres lautre; puis, non contens de cela, ilz le despouillerent, par maniere de dire, de sa peau, tant ilz la deschirerent a coups de verges et de fouetz, dont il sembloit un ladre ulceré, dit le Prophete; et enfin la mort mesme venant, despouilla sa s te ame de son cors et de tous les sentimens d'iceluy.

  A005001391 

 Ainsy l'ame desnuee, par un absolu despouillement et renoncement es mains de l'amour divin, de l'amour du pais, de la mayson, du pere, de la mere, des enfans, de lhonneur mondain, de l'estime, de la conversation, de la consolation interieure et spirituelle, de l'inclination a tel ou tel exercice spirituel, helas! alhors elle ne sçait plus que faire.

  A005001391 

 Alhors elle [444] reprend, selon qu'elle connoist estre la volonté de Dieu, l'affection, par exemple, de son cors, pour le nourrir affin quil puisse cooperer avec elle au service de Dieu; des enfans, affin quilz soyent eslevés en la crainte de Dieu; du pauvre, pour le soulager; de l'ignorant, pour l'instruire; de prier, d'estudier, de prescher; et le tout par ce que Dieu le veut, et tandis quil le veut, et comm'il le veut.

  A005001391 

 Mays par ce que demeurer en l'estat de cette parfaite nudité on ne le peut longuement en ce monde, apres tous ces despouillemens et cett'heureuse mort, il se faut revestir, mais non plus des habitz du viel homme dont on s'est despouillé, ains des habitz d'un homme nouveau; non plus d'un cors mortel, ni d'une peau mortelle, ni d'habitz perissables, mais d'un cors resuscité et d'affections divines, celestes; affections non plus venantes de nostre propre election, mais affections emanees et procedees du pur amour de Dieu.

  A005001391 

 Que si son pere luy disoit: reprens ta robbe, et puis metz ton pourpoint dessus, et puis ta chemise dessus, il le ferait selon le commandement, et non plus par election; comme s t Pierre prid ses sandales, puis sa robbe, a mesure que l'Ange le luy disoit.

  A005001392 

 Ilz quitterent leurs femmes, ceux qui en avoyent; despuis, s'ilz les reprirent, ce fut avec changement d'affection, car en lieu quilz les avoyent precedemment par affection nuptiale, ilz les eurent par affection de frere a seur, dit S t Paul: N'avons nous pas ce pouvoir, mulierem sororem circumducendi?.

  A005001392 

 Les Apostres ne porterent qu'une tunique, quand N. S. le leur ordonna ilz quitterent aussi leurs souliers; despuis ilz les reprirent par la volonté de Dieu.

  A005001398 

 ...qui a descouvert une beauté nouvelle par la contemplation, ne se contente pas de l'admirer, mais va de plus en plus enfonçant sa consideration sur son objet pour treuver davantage de merveilles.

  A005001399 

 Et tous-jours vous sçaurés que l'extase de l'amour est la meilleure, car lautre ne nous fait pas meilleurs si ell'est seule, le s t Apostre disant: Si je connoissois tous les misteres et toute science, et je n'ay pas la charité, je ne suis rien. C'est pourquoy le malin esprit peut extasier, pour parler ainsy, et ravir l'entendement, representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent suspens, et par le moyen de telles illusions il peut provoquer la volonté a certaine [446] sorte d'amour imparfait, tendre et fort aggreable a la nature; comm'en effect il a souvent abusé plusieurs personnes par de telles amorces et faulses extases..

  A005001399 

 Neanmoins, les deux extases ne sont pas tellement appartenantes l'un'a lautre que l'une ne soit souvent sans lautre: car, comme les Philosophes ont eu plus de connoissance de la Divinité quilz n'ont eu d'amour pour elle, aussi les simples Chrestiens ont souvent plus d'amour que de connoissance; et par consequent l'exces de la connoissance n'est pas tous-jours suivi de l'exces de l'amour, non plus que l'exces de l'amour de celuy de la connoissance.

  A005001401 

 Je ne dis pas quil ne se puisse faire qu'on ayt des ravissemens, des visions, voire qu'on puisse avoir l'esprit de prophetie sans avoir la charité; car c'est chose certaine que comm'on peut avoir la charité sans estre ravi, aussi on peut estre ravi, avoir des visions et prophetiser sans avoir la charité: mays je dis que celuy qui a plus de clarté en l'entendement, par le ravissement, que de chaleur en la volonté pour aymer Dieu, il doit estre en grand peyne [447] et souci, ou que son ravissement ne soit naturel, ou quil soit procuré par le malin, ou quil n'en devienne plus enflé qu'edifié, et quil ne soit, comme Saul, Balaam et Caiphe, entre les prophetes, et non entre les esleuz..

  A005001401 

 Or les extases pouvant arriver et naturellement, et par l'artifice du malin esprit, et surnaturellement par la grace divine, on apporte plusieurs marques des vrayes extases, que la bien heureuse Mere Therese deduit en ses livres, et le P. Ribera, homme excellent, traitte asses amplement cette matiere, apres le grand Gerson, es deux premiers chapitres de la Vie de la mesme Sainte; le P. Ber.

  A005001402 

 Voyes-vous, Philothee, les commandemens de Dieu sont tous conformes a la rayson mesme naturelle, et bien quilz ne puissent pas estre exactement observés par les seules forces de la nature, si est ce que nostre nature nous incline a les vouloir observer.

  A005001404 

 Qu'est ça a dire: Vous estes mortz? C'est a dire: Vous ne vives plus de la vie naturelle, vous ne vives plus de la vie des hommes; et comme par la mort l'ame ne vit plus en son cors, aussi maintenant vous ne [448] vives plus en vous mesme et dedans l'enclos de vostre propre condition, vostre ame vit non seulement au dessus de son cors, mays au dessus de sa propre condition.

  A005001405 

 Et comme Aristote dit que l'ame est «le principe par lequel nous vivons, sentons et entendons,» aussi l'amour [449] est le principe par lequel nous vivons affectivement ou moralement, nous sentons et entendons, et nous sommes telz qu'est nostre amour.

  A005001405 

 Et comme l'ame est le principe de tous les mouvemens animaux ou spontanees, et l'on connoit la diversité des ames par la varieté des mouvemens, aussi l'on connoit qu'une ame est aimante par le mouvement, et la diversité de ses mouvemens affectifz nous fait voir quelle ell'est.

  A005001405 

 Et comme l'on connoist la vie des animaux par leur mouvement, et les animaux qui sont sans vie sont sans mouvement naturel, en sorte que la vie semble consister au mouvement, dont les choses mortes n'ont nul mouvement, aussi un cœur sans amour n'a point de mouvement moral, et on connoit la vie morale du cœur par ses mouvemens affectifs: en sorte quil semble la vie estre le principe de tous les mouvemens naturelz et animaux, comme l'amour, vie morale, est le principe de tous les mouvemens moraux; et comme en l'ame gist la vie naturelle de l'homme, aussi en l'amour gist la vie morale..

  A005001405 

 Or, que l'amour soit la vie morale de l'ame il appert par ce que c'est le principe de tout mouvement affectif et moral, comme l'ame est le premier acte et le premier principe de tous les mouvemens vitaux de l'homme.

  A005001406 

 S t Ignace disoit: Amor meus crucifixus est; c'est a dire: Jesuschrist estant crucifié, j'ay crucifié avec luy mon amour, et par consequent toutes mes affections sont crucifiees avec luy qui est ma vie et mon amour; j'ay crucifié ma chair et tout son amour, avec toutes les passions et convoytises qui en dependent; mon amour naturel est crucifié, attaché a la Croix de mon Sauveur, ou je l'ay fait mourir par ce que c'estoit un amour mortel et une vie mortelle: et comme N. S. fut crucifié et mourut selon sa vie mortelle pour resusciter selon l'immortelle, aussi je suis mort avec luy sur la croix a ma vie morale mortelle de mon ame, et suis resuscité a la vie morale immortelle..

  A005001407 

 Qu'importe-il pour le bien [450] d'un'ame qu'elle soit ravie en Dieu par l'orayson, et que sa vie soit ravie par la terre en sa conversation? En somme, estre au dessus de soymesme en l'orayson et au dessous de soymesme en la vie et en l'action, c'est un meslange de contrarietés trop extremes.

  A005001408 

 Car manifestement, le grand Apostre represente deux hommes en chacun de nous, et par consequent deux vies: l'une du viel homme, qui est une vielle vie, comme celle d'une viell'aigle, ou d'un cerf qui mue et quitte sa teste dans son buisson; et lautre, une vie nouvelle, de l' homme nouveau..

  A005001409 

 Et pour parvenir a cette seconde vie, il faut quil passe par la mort de la premiere, mourant a la vielle vie et au peché, ce qui se fait crucifiant sa chair avec tous ses vices et ses concupiscences, et l'ensevelissant dans le s t Baptesme ou dedans la sainte Pœnitence: comme l'aigle, qui se plonge et fourre dans la mer pour y laisser ses vielles plumes, et sortant de la toute nue, comme renaissante, comme quand elle fut esclose de sa coque, elle recommence une nouvelle vie et prend des nouvelles plumes; comme Naaman, qui prit une nouvelle vie dedans les eaux du Jordain, et on pouvoit dire de luy quil estoit un autr'homme, qui estoit mort a la ladrerie et vivoit a la netteté et santé..

  A005001412 

 C. est mort pour nous, nostre vie nous est donnee par sa mort, nous ne vivons que par ce quil est mort, nous luy devons donques toute nostre vie: nostre vie n'est donq plus nostre, mais a Celuy qui est mort pour nous; nostre vie ne doit plus estre qu'en luy, a luy et pour luy, puisqu'il est mort en nous, pour nous et a nous..

  A005001414 

 Des l'instant de nostre conception il nous a receu entre les bras de sa providence, et nous a rendu siens par le Baptesme, et nous a nourris temporellement et spirituellement, avec un amour incomparable; et pour nous acquerir la vie il a supporté la mort.

  A005001415 

 Ainsy se fait l'extase de l'amour, quand on ne vit plus en l' homme viel mais en Jesuschrist, homme nouveau; quand on vit, non selon l'inclination humaine, mais au dessus de toute rayson, par l'amour du souverain object et de la Divinité..

  A005001419 

 L'amour, qui est aussi fort que la mort, nous divise d'avec le monde, d'avec tout ce qui est au monde, et passe jusques a faire la division entre l'ame et l'esprit, et [453] par maniere [de dire,] nous divise nous mesme de nous mesme, c'est a dire, nostr'homme interieur d'avec l'exterieur.

  A005001420 

 Or, il y a bien difference entre mourir en l'amour de Dieu, mourir pour l'amour, mourir par l'amour et mourir d'amour.

  A005001422 

 Mays ceux que l'amour de Dieu consume petit a petit, les extasiant, fondant leur cœur, les allanguissant, leur ostant le boyre et le manger, et en somme abbregeant leur vie, ilz meurent par l'amour: car comme ceux que le regret ou desplaysir empesche de [454] manger et de dormir, petit a petit tumbent en defaillance de forces et en fin meurent (ilz ne meurent pas de regret, mais par le regret, car ilz meurent de foiblesse: le regret les empesche de manger et dormir, le defaut du manger et dormir les affoiblit, et en fin, destitués de force naturelle, ilz meurent); ainsy l'amour de Dieu occupant grandement l'esprit des saintz amants, petit a petit la digestion et les autres functions animales et vitales manquent a leur office; l'ame ne leur pouvant asses fournir de forces a rayson du divertissement qu'ell'a sur l'object de l'amour, en fin la mort s'en ensuit.

  A005001422 

 O Dieu, que c'est une mort heureuse que de mourir par l'amour! [Heureux] celuy auquel l'amour cause ainsy la mort! Quelle douce sajette qui nous fait tant perdre de sang qu'en fin nous en mourons!.

  A005001423 

 Ce qui se fait par maniere de ravissement, lhors que l'ame attiree par son object amoureux, affin de se joindre de plus pres, ne pouvant tirer apres soy le cors, elle s'eslance de son costé et l'object la ravit du sien, en telle sorte qu'elle le quitte; et pour s'unir a son Bienaymé elle quitte sa bienaymee chair, l'amour attirant et tirant aussi durement et fortement l'ame que l'enfer pour la faire tenir separee du cors.

  A005001423 

 Et comme nous voyons que le feu, enfermé et pressé dedans l'artillerie ou dans une mine, separe la basle de l'artillerie ou un boulever tout entier de la terre, romp et fracasse tout pour sortir et pousser en haut, ainsy l'amour estant fort enflammé, enfermé et serré dans un cœur, il pousse enfin l'ame dehors et la separe de son cors, luy donnant par ce moyen le coup de la mort.

  A005001423 

 Or ce grand espurement se fait par les actes [de] l'amour unitif dont nous avons discouru en ce Livre, par lesquelz le saint amour affoibli les forces de la chair, qui veut retenir l'esprit, comme la femme de Puthiphar, Joseph, par son manteau, par l'amour de soymesme.

  A005001424 

 Or il arrive maintefois que les gens de bien et les esleuz meurent de mort soudaine, et lhors qu'en effect ilz ne pensoyent pas a Dieu, comme font ceux qui meurent apoplectiques ou letargiques, ou qui meurent de mal de chaud, en resverie et frenesie: car bien que les saintz et esleuz ne meurent jamais de mort improuveue, par ce que toute leur vie n'est presque qu'une meditation de la mort, si est [ce] quilz meurent bien de certains genres de mort esquelz ilz n'ont pas l'usage de rayson, ni par consequent l'usage [456] de la charité et de l'amour.

  A005001424 

 Si des foibles espritz eussent veu tumber le feu du ciel et tuer le grand S t Symeon Stilite ilz eussent esté grandement scandalisés, comme furent, au siecle passé, quelques religieux du monastere dans lequel le vertueux et tres pieux Jean Thaulere mourut, ayans veu les horribles gestes et convulsions dont il fut agité pendant quil agonizoit et tendoit au trespas; dont ilz furent par apres desabusés par le recit d'une vision qui leur fut fait, par laquelle il apparoissoit de sa felicité, quoy que la bonté et pureté de sa vie passee les en deut asses asseurer..

  A005001425 

 Le grand S t Thomas d'Acquin mourut exhortant ceux qui estoyent autour de luy, et sur le fin passage de sa mort il jetta les yeux au ciel, joignant les mains et, comme dit Sixte le Siennois, prononçant avec une grande ferveur et haussant fortement la voix, par maniere d'orayson jaculatoire, ces paroles du Cantique des Cantiques, qui estoyent les dernieres quil avoit exposees: Veni, dilecte mi, egrediamur in agrum, il eslança son esprit.

  A005001425 

 S t Estienne, S t Jaques le [457] mineur, le grand S t Paul, S t André et la plus part des Martirs sont mors priant Dieu, et par consequent en l'acte de l'amour.

  A005001426 

 Il y a de l'apparence que s te Cath e de Sienne mourut en l'amour, par l'amour et d'amour, comme l'on peut recueillir de sa vie.

  A005001426 

 Jean Gerson, Chancelier de l'Université de Paris, homme si docte et si pieux que, comme dit Sixte Siennois, «on ne sçauroit discerner sil a surmonté sa doctrine par la pieté ou la pieté par la doctrine,» trois jours apres avoir escrit des 50 proprietés de l'amour divin marquees au Cantique des Cantiques, il mourut, le visage et le cœur fort vif, repetant plusieurs fois, par maniere d'eslancement d'esprit en Dieu: Fortis ut mors dilectio tua.

  A005001426 

 S t Jean l'Evangeliste, entrant dedans sa propre sepulture sans avoir aucun sentiment de maladie, et avec ces paroles: Mon Seig r J. C., soyes avec moy, et prenant doucement et amoureusement congé de ceux qui l'avoyent accompaigné, par ces paroles: La paix soit avec vous, mes freres, et se couchant sur son manteau comme pour faire un delicieux sommeil, environné d'une grande lumiere; ou soit quil mourut reellement, ou soit quil mourut de la mort mistique, ou soit que son ame fut separee du cors, ou que tout entier il fut separé du commerce commun des hommes et que son ame ravie et absorbee laissast pour un tems son cors comme mort, si est ce pourtant quil passa en l'amour et d'amour.

  A005001426 

 S t Paul, premier hermite, mourut a genoux, la teste droite et les mains levees: qui peut croire quil mourut sinon d'amour, ou pour le moins en l'amour? Le grand s t Jean Chrisostome ayant eu revelation de son trespas et de son salut tout ensemble, par s t Basilisque, evesq. et martyr, donnant tout ce quil avoit de reste aux pauvres et mourant apres avoir receu le S t Sacrement, il ne peut mourir qu'en l'amour de Dieu.

  A005001427 

 Et sur le point de son trespas, il se mit nud sur la terre, receut encor un habit en aumosme, duquel il fut par apres vestu, il exhorta ses freres a l'amour et crainte de Dieu et de son Eglise, fit lire la Passion, puis commença a dire avec extreme devotion le Psal. 141: J'ay crié a haute voix au Seigneur, de ma voix j'ay supplié le Seigneur; et ayant prononcé ces dernieres paroles: Seig r, tires mon ame de la prison, [459] affin que je confesse vostre s t nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me recompensies, il expira, l'an 45 de son aage.

  A005001427 

 Mays quant au grand s t François, Saint en la protection duquel la Providence divine, comme j'espere, me remit des qu'elle me fit escheoir son digne nom, a moy tres indigne, en mon Baptesme, il mourut en l'amour, par l'amour, pour l'amour et d'amour de Dieu.

  A005001427 

 Qui ne void que non seulement il mourut en amour, mais par l'amour et d'amour? mais il mourut encor pour l'amour, car il desira les souffrances de l'amour, pour l'amour quil portoit a son Seig r..

  A005001428 

 Quant a S te Magdeleyne, elle mourut d'amour, car ayant l'espace de trente ans demeuré en la S te Baume ou grotte que l'on void en Provence, ravie tous les jours sept fois par les Anges, qui l'eslevoyent en l'air pour oüir leur celeste musique, en fin un jour de Dimanche elle vint en un'eglise, en laquelle son cher s t Maximin, Evesque, la treuvant en orayson, eslevee en l'air, les bras estendus en haut, les yeux pleins de larmes, il la communia; et bien tost apres elle rendit l'esprit.

  A005001428 

 S te Catherine de Gennes mourut aussi d'amour et par l'amour; la B. h. Mere Therese aussi mourut pour le moins par l'amour, comm'aussi S te Angele de Foligni, le B. Stanislas, le B. Philippe Nerius et plusieurs autres..

  A005001429 

 Dieu luy recommanda son Filz pour le sauver des mains d'Herodes et pour le faire rapporter d'Egipte en la terre de promission; et maintenant le Filz le recommande au Pere, qui le transporte tout plein d'amour de l'Egipte, lieu de sejour pour les enfans d'Israel, au sein d'Abraham, en attendant de le ravir par apres luymesme au Ciel, au jour de son Ascension.

  A005001429 

 La cigoigne, vray portrait du reciproqu'office des enfans envers les peres, porte son [pere] au passage, car ce sont oyseaux passagers, comm'elle avoit esté portee par son pere estant jeune.

  A005001429 

 Mays quant a s t Joseph, il m'est impossible de douter quil ne mourut non seulement en l'amour, mais par l'amour et d'amour; car qui croiroit que le cher Enfant de son cœur, son Sauveur et son Dieu, ne l'assistast pas a l'heure de son trespas, et quil ne mourut pas entre les bras de Celuy quil avoit si souvent porté entre les siens? Beati misericordes: il avoit tant receu de douceurs, de misericorde, de charité, de ce bon Pere nourricier lhors quil vint au monde, quil ne pouvoit quil ne luy rendit la pareille.

  A005001431 

 [De Bethleem il alla en Bethabara, et passa jusques au petit [461] lieu de Bethanie,] ou, se resouvenant que N. S. s'estoit descouvert pour estre baptisé, se despouillant aussi, et se lavant dedans les mesmes eaux et en beuvant, il luy estoit advis d'y voir encor N. S., environné d'Anges, estre baptisé par son Praecurseur.

  A005001435 

 Car, a qui de tous les Seraphins appartient il de dire a N. S.: Vous estes mon Filz, et je vous ayme comme mon Filz? et a qui fut il jamais dit par N. S., de toutes les creatures: Vous estes ma Mere, et je vous ayme comme ma Mere, mays comme ma Mere toute mienne, et comme ma Mere a qui je suis tout sien? En somme, si jamais il y eut une si grande union entre un serviteur extremement amoureux de son maistre quil peut dire de n'avoir point d'autre vie que celle de son maistre, l'union de la Vierge avec son Filz pouvoit bien faire cet effect, car ce n'estoit plus union mais unité entre cette si douce Mere et ce Enfant delicieux..

  A005001435 

 Cette tressainte Vierge n'avoit qu'une mesme vie avec son Filz; et si jamais il fut dit avec verité par S t Luc que les premiers Chrestiens n'avoyent qu' un [463] cœur et qu'un'ame, et par S t Pol, quil vivoit voirement luy mesme, mais non plus luymesme, ains Nostre Seig r vivoit en luy, a rayson de l'extreme union d'amour que ce divin Apostre sentoit entre son cœur et celuy de son Maistre, par laquelle son ame estoit morte ou ell'animoit et vive ou ell'aymoit, combien plus veritable est il que la Mere et le Filz n'avoyent qu'une mesme vie, et que la Mere ne vivoit que de la vie de son Filz! Mere la plus aymante et la plus aymee qui pouvoyt jamais estre; mays amour de Filz et de Mere plus eminent, parfait et superexcellent que celuy, non de s t Paul seulement, mais des Cherubins et Seraphins, et encor de tous amours imaginables, dautant que les noms de mere et de filz sont excellens en matiere d'amour au dessus de tout autre nom.

  A005001444 

 Mays es menues actions ordinaires et qui ne sont pas de grande consequence, esquelles mesme la faute seroit aysement reparable quand il y en auroit, il n'est pas besoin de plus grand'attention pour discerner ce que Dieu veut, que celle qui est ordinaire et par laquelle on n'est point arresté; ains il se faut contenter de ce que d'abord l'amour de Dieu et du prochain nous suggere.

  A005001445 

 Car si bien les difficultés et evenemens qui s'en ensuivront sembleront nous donner desfiance d'avoir bien choysi, neanmoins c'est faute de voir ce qui fut arrivé faysant un autre choix, qui eut esté cent fois pis; et encor, c'est que nous ne sçavons pas si Dieu veut que nous soyons exercé en la consolation par le bon succes, ou en la patience et abjection par le mauvais..

  A005001445 

 Es choses mesme de consequence il ne faut pas penser de treuver la volonté de Dieu a force d'examen; mays apres avoir demandé la lumiere du S t Esprit et le conseil de nostre directeur, ou de deux ou troys personnes spirituelles et sages, prendr'au nom de Dieu la resolution, et ne douter point, par apres, de faire mauvais choix.

  A005001447 

 Voyes vous ces petitz moyneaux? ilz semblent estre de fort peu de consideration en comparayson du reste du monde, pas un neanmoins ne meurt que par le decret de la providence de Dieu.

  A005001452 

 Car c'est le haut point de la philosophie chrestienne, qui surmonte celle des Stoiques, d'aggreer, par un acquiescement de la supreme pointe de l'esprit, que toutes les facultés de l'ame et tout ce qui est en elle soit affligé, ou par la privation des vertus et qualités qui les peuvent res-jouir, ou par des [467] apprehensions et impressions de celles qui les peuvent attrister.

  A005001452 

 Dont l'ame, a l'imitation de celle de son Sauveur, commence a s'ennuyer, puis a craindre, puis a s'espouvanter, puis a s'attrister, en sorte qu'elle peut dire qu'elle est triste jusques a la mort: dont l'ame tout entiere, et du consentement de toutes ses facultés et puissances tant exterieures qu'interieures, raysonnables et intellectuelles, desire, demande et prie qu'on esloigne d'elle ce calice; et ne luy reste plus que la fine supreme pointe de l'esprit, laquelle touchant Dieu et estant tout attachee a luy, dit par un simple acquiescement: Vostre volonté soit faite.

  A005001453 

 S te Angele de Foligni fait un'admirable similitude, disant que son ame estoit en tel tourment quelquefois «comme un homme qui, pieds et mains liés, seroit pendu par le col et ne serait pourtant pas estranglé, mais demeurerait en cet estat entre mort et vif, sans avoir aucun'esperance d'estre delivré ni estre secouru,» ne pouvant ni s'appuyer des pieds, ni s'ayder des mains, ni crier de la bouche, non pas mesme se plaindre ni jetter de souspirs.

  A005001454 

 Bref, l'amour ayme l'amer et le doux a cause de la volonté de Dieu, dont l'un et lautre procede; mais il ayme plus l'amer, par ce quil n'est aymable que pour la volonté de Dieu; si que l'amour, [468] sans crainte de mesprendre, se peut abandonner a la suite de [la] volonté divine en l'amer, ce qu'elle n'oseroit faire entre les douceurs, lesquelles estant aymables et en Dieu et en elles mesmes, il est souvent advis qu'on les ayme pour Dieu, et on les ayme pour elles mesmes.

  A005001455 

 La resignation se fait par maniere d'effort et de sousmission: on voudroit vivre quand il faut mourir; neanmoins, puisque Dieu veut qu'on meure, on acquiesce.

  A005001455 

 Or cette conformité a la volonté de Dieu se fait ou par resignation, ou par indifference.

  A005001456 

 Mays l'indiSerence de nostre volonté en la volonté de Dieu passe bien plus avant; car elle ne treuve rien d'aymable que la volonté de Dieu, et par tout ou la volonté de Dieu se treuve egale elle est egalement contente.

  A005001457 

 Par exemple: si Jacob n'eust aymé en l'alliance de Laban que la volonté d'Isaac son pere, il eust esté aussi content d'espouser Lia que Rachel; mais parce que, outre la volonté de son pere, il vouloit satisfaire a la sienne, il se fascha d'espouser Lia..

  A005001458 

 Que m'importe-il que la volonté de Dieu soit faite ou par la consolation ou par la tribulation, puisque je ne cherche que cette volonté? ains, je l'aymeray mieux en la tribulation, parce qu'elle n'a point d'autre beauté que la volonté de Dieu..

  A005001462 

 Comme, par exemple, la volonté de Dieu est au mariage et en la virginité; mais par ce quil y en a plus en la virginité le cœur indifferent choysira la virginité, quand elle luy devroit couster la vie, comm'a la chere fille de s t Paul, [470] Tecla, a s te Cascile, a s te Agathe.

  A005001462 

 Ell'est en la modestie observee entre les consolations, et en la patience exercee parmi les tribulations: le cœur indifferent choysira le dernier, parce quil y a plus de la volonté de Dieu; parce que n'ayant aucun autre objet que la volonté de Dieu, par tout ou il la void et a mesure quil en void, il s'y porte sans consideration d'aucune autre chose, puysqu'en la presence de Dieu rien ne le touche, il oublie tout et ne tient conte de rien.

  A005001463 

 Il aymeroit mieux l'enfer avec la volonté de Dieu que le Paradis sans la volonté de Dieu, ouy mesme que le Paradis avec un peu moins de la volonté de Dieu; en sorte que, par imagination de chose impossible, sil sçavoit que sa damnation fut un peu plus aggreable a Dieu que sa salvation, il aymeroit mieux sa damnation que sa salvation..

  A005001470 

 ... marches heureusement et montes a cheval; comme sil voulut dire que par les traitz de son amour il se rendroit maistre des cœurs, pour les manier, contourner et pousser comm'un piqueur feroit un cheval excellent; Psal. 44, v. 6..

  A005001471 

 Il est vray, mon enfant, ta faute ne t'est pas advenue par la volonté de Dieu, car Dieu n'est pas autheur du peché; mays c'est bien pourtant la volonté de Dieu que de ta faute s'en ensuive la defaite de ton entreprise, car Dieu est autheur de la peyne: sa bonté fait quil ne peut estr'autheur, ni vouloir le peché, et sa justice fait quil veut la peyne.

  A005001471 

 Mays si l'entreprise faite pour la gloire de Dieu et par son inspiration perit par la faute de celuy a qui Dieu l'avoit confiee, il semble qu'alhors il n'y ait point de volonté de Dieu alaquelle on se doive conformer: car, me dira celuy la, ce n'est pas la volonté de Dieu, c'est ma faute.

  A005001472 

 Quand donques il arrive que pour nos pechés les entreprises ne reuscissent pas, il faut detester par vraye penitence nostre peché, et accepter par amour la peyne du peché; dautant que le peché est contre la volonté de Dieu, et la peyne selon sa volonté..

  A005001474 

 Cor. 6, nous renvoye a toutes ces indifferences, voulant que nous nous monstrions vrays serviteurs de Dieu en fort grande patience es tribulations, es necessités, es angoisses, es blessures, es prisons, es seditions, es travaux, es veillees, es jeusnes; en chasteté, en science, en longanimité, en suavité au S t Esprit; en charité non fainte, en parole de verité, en la vertu de Dieu; par les armes de justice a droitte et a gauche; par la gloire et l'abjection, par l'infamie et bonne renommee; comme seducteurs, et neanmoins veritables comm'inconneus et toutefois conneus; comme mourans, et voyci nous vivons; comme chastiés, et toutefois non tués; comme tristes, et toutefois tous-jours joyeux; comme pauvres, et toutefois enrichissans plusieurs; comme n'ayans rien, et toutefois possedans toutes choses..

  A005001474 

 En souffrant ce quil plait a Dieu, ou es biens de la vie civile, ou en ceux de la naturelle, ou en ceux de la surnaturelle, ou en tous trois ensemblement: a l'exemple de Job, qui, quant a la vie civile, fut mocqué, baffoüé et tenu pour fol par ses plus chers amis, qui est le haut point de mortification; quant a la vie naturelle, fut ulceré de l'ulcere le plus dur de tous, et de tant de sortes de maladies quil ne s'en peut exprimer davantage; en la spirituelle, souffrant des abandonnemens, des langueurs, des pressures, convulsions, estraintes, angoisses et douleurs spirituelles insupportables, ainsy que ses plaintes et lamentations font foy.

  A005001475 

 Voyes en fin son indifference au combat a droite et a gauche, et sur tout comme leur tristesse est joyeuse, leur pauvreté riche, leur mort vitale, leurs deshonneurs honnorables; c'est a dire, comm'ilz sont joyeux d'estre tristes, contens d'estre pauvres, vivans d'estre revigorés par les perilz de la mort, et glorieux d'estre avilis: qui tesmoigne bien que leurs afflictions et tribulations [473] n'arrivoyent pas jusques a la cime de l'esprit, en laquelle nostre volonté faysant hommage a celle de Dieu, se resjouit de la voir prattiquee, soit en la tribulation, soit en la consolation..

  A005001478 

 Si donques il vous vient en la pensee que par vostre faute vous n'avances pas en la vertu, demandes pardon a Dieu, humilies vous devant sa misericorde; cela fait, demeures en paix, et ayant detesté vostre faute, embrasses amoureusement l'evenement de la retardation des vertus..

  A005001478 

 Voire, dirés vous, mais si c'est par ma faute que mon avancement en la vertu est retardé, comment ne m'inquieteray je pas? Je l'ay souvent dit en l' Introduction, qu'il ne faut pas avoir un repentir inquiet, mays rassis, ferme, constant.

  A005001484 

 Car au commencement, ces pauvres cœurs ayment Dieu, et par apres, estans façonnés a l'amour, ilz ayment pour le playsir quilz ont en l'amour.

  A005001484 

 Il est certes malaysé d'aymer Dieu qu'on n'ayme quant et quant l'amour qu'on luy porte, non seulement par ce qu'il est amour tendant a Dieu, mays aussi par ce quil est amour [475] procedant de nostre cœur; mays neanmoins cela se peut faire, et se doit procurer pour la plus grande pureté de l'amour..

  A005001484 

 Il est vray que le cantique de Dieu estant plus excellent, il l'ayme davantage, non par ce que Dieu est plus excellent, mais par ce que son cantique est plus excellent.

  A005001484 

 Or cet amour de Dieu peut estre aymé du cœur, ou par ce quil regarde Dieu, ou par ce quil est en nous.

  A005001484 

 Si je n'ayme mon amour que par ce quil tend a Dieu, Philothee, j'ayme Dieu en mon amour et mon amour en Dieu; mais si j'ayme mon amour qui tend en Dieu par ce quil est mien, par ce que c'est moy qui ayme, par ce que cest amour qui va vers Dieu sort de moy, part de mon cœur, par ce quil nayt en moy et qu'en fin c'est mon amour (dautant qu'estant amour de Dieu comme de son object, il est amour de mon cœur comme de son sujet), qui ne void que ce n'est plus Dieu que je regarde, mays que de Dieu je suis revenu a moymesme, et que j'ayme cest amour par ce quil est mien, non par ce quil est a Dieu? L'amour de Dieu m'avoit emporté a Dieu, il m'avoit tiré de moymesme pour me complaire en Dieu, et maintenant, l'amour de moymesme me rapporte a moymesme pour me complaire en ma complaysance, pour aymer non plus Dieu, mays mon amour de Dieu: et dautant que c'est l'amour de Dieu que j'ayme, qui est le plus aggreable amour de tous, l'amour que j'en ay m'amuse plus aggreablement, plus fortement et intimement.

  A005001485 

 Il est malaysé de regarder longuement et avec playsir la beauté d'un mirouer qu'on ne se regarde soymesme dans iceluy; mays il y a pourtant difference a se playre en la veue d'un mirouer par ce quil est beau, et a se plaire a le regarder par ce qu'on s'y void..

  A005001493 

 C'est alhors une grande fidelité a l'ame de servir Dieu, non seulement sans playsir ni consolation, mays par mille desplaysirs, entre mille amertumes et avec mille horreurs, pour sa simple volonté..

  A005001497 

 Sans user de nostre vouloir nous pouvons simplement acquiescer aux evenemens; et mesme, sans aucun acquiescement, nous pouvons recevoir les evenemens par une tres simple tranquillité, un repos de nostre volonté, qui, ne voulant rien vouloir, laisse vouloir et faire a la volonté de Dieu ce qu'il luy plaist, en nous, de nous, sur nous, jettant toute nostre sollicitude et tout nostre soin en luy, affin qu'il ayt soin de nous.

  A005001498 

 O allés, belle ame, ou plustost n'allés jamais, mais demeures ainsy une mesme chose avec vostre cher Espoux; allés tous-jours en luy, n'allés jamais que par luy.

  A005001499 

 Mais acquiesces vous pas au sien? Non, je n'acquiesce pas, car je n'y pense pas: ce n'est pas par acquiescement, c'est par union de ma volonté; non, ce n'est pas par union, c'est par unité, mays unité en laquelle ma volonté ne tient point de rang ni de place, ni ne fait point de vouloir ni d'acquiescement, ains est reduite en la volonté de Dieu..

  A005001499 

 Mais dites-moy, chere ame, vous vous treuves par tout ou vostre Espoux veut? Ouy, je m'y treuve par son vouloir et non pas par le mien, car je n'en ay point que le sien.

  A005001500 

 C'est la façon en laquelle Nostre Seigneur exprime par Isaïe les sentimens et peynes de sa Passion: Dominus Deus aperuit, etc. Voyla qu'il proteste qu'il les attend avec une sousmission la plus douce, la plus tranquille qu'il est possible: Je ne contredis point, dit-il, ni je ne dis que je les [accepte,] mais je laisse mon esprit entre vos mains; ni je ne vay au devant, ni je ne fuis, mais je les attens, prest a tout ce qu'il vous plaira faire de moy; et comme j'ay laissé mon cors entre les mains des cruelz executeurs de la volonté des Juifz et de Pilate, comme une petite brebis qui est entre les mains et a la mercy de celuy qui la tond, qui se laisse tourner en toutes postures sans resistance, aussi, o Pere eternel, remetz-je et abandonne mon esprit entre vos mains, affin que vous exercies vostre volonté sainte sur iceluy a vostre gré, sans contradiction ni resistance quelconque..

  A005001501 

 Et comme un homme embarqué ne se remue point de son mouvement, mais seulement se laisse remuer, ainsy un cœur embarqué sur la volonté et providence de Dieu il n'a plus aucun vouloir par son election, mays en vertu de l'election qu'il a fait de ne rien vouloir de soy mesme, mais suivre le vouloir de Dieu; il ne se [478] porte pas a vouloir, mais se laisse porter a vouloir, sans election ni consideration quelconque, par la seule non resistance; il ne pense pas s'il a une volonté a sousmettre, il n'en sent point, mais se laisse porter et emporter au gré de la volonté divine, avec laquelle il pense estre une mesme chose: c'est la souveraine perfection de l'union.

  A005001506 

 ...gloire d'un monarque, ou celle quil acquiert en la guerre par les armes, ou celle quil merite en la paix par la justice? Sans doute, la gloire militaire est plus grande, mais celle de la paix est meilleure; comme le bruit du tambour et le son des trompettes est bien plus grand que celuy du luth ou de l'espinette, mais celuy ci est aussi meilleur, plus suave et delicieux.

  A005001507 

 Car cet amour par lequel on ayme Dieu en qualitéde Dieu, si bién il ne presse pas tant l'ame, et n'est pas si ardent comme les autres amours pour multiplier les actes d'amour, si est ce qu'es occurrences il fait des actions si relevees qu'une seule vaut mieux que dix millions d'autres.

  A005001509 

 Mays il est bien vray que qui doit aymer Dieu de tout son cœur ne doit rien aymer qui puisse oster son cœur a Dieu ou qui soit contraire a cet amour; c'est pourquoy entre les amans il y a de la difference, et bien que tous ceux qui ont le vray [480] amour de Dieu Tayment par consequent de tout leur cœur, de toute leur ame, de toute leur force.......

  A005001511 

 Ainsy, au reng des uniques et parfaites amantes, il arrive quelques fois que cet amour si relevé cesse pour un peu, et l'on prattique seulement l'amour des reynes, ou celluy des simples amies, ou mesme celuy des fillettes, jusques a commettre des pechés venielz, par des affections qui, n'estant pas contraires a l'amour de Dieu, sont neanmoins outre cet amour et sans l'amour de Dieu.

  A005001511 

 En pas un rang neanmoins, ces amours ne sont sans meslange des amours des autres rangs: car au premier, ou l'ame est encor tout'adonnee aux pechés venielz par l'amour qu'ell'a a plusieurs vaines, impertinentes et dangereuses choses, il se peut faire, ains il se fait ordinairement, que quelques petitz rayons de l'amour du second, troysiesme, voyre quatriesme rang, s'y treuvent; mais c'est quelquefois, et foiblement.

  A005001512 

 Y ayant donques tant de degrés d'amantz, qui tous doivent observer la loy de Dieu et estre sauvés par ce chemin, N. S. a establi un commandement qui les regarde tous et les oblige tous; lequel est aussi observé par un chacun des esleuz, quoy que differemment et avec une infinie varieté de perfections; n'y ayant peut estre point d'ames en terre, non plus que d'Anges ni d'estoiles au ciel, qui ayent un'absolue egalité et parité de perfection et de charité..

  A005001513 

 Et neanmoins, c'est toute nostre ame qui ayme, tout nostre cœur, quoy que non pas totalement, toute nostre force, quoy que non pas totalement, ains selon qu'elle peut tendre a nostre Seigneur, et que nous en sommes les maistres; car nostr'ame entant que vegetante et sensuelle, elle n'est pas nostre par obeissance, ni moralement, ains la seule ame intellectuelle et spirituelle..

  A005001513 

 Mays notes que quand il est dit que nous devons aymer de toutes nos forces, de tout nostre cœur, de toute nostre puissance, cela s'entend [481] de tout le cœur, de toute l' ame, de toute la force qui est capable d'aymer Dieu, et entant qu'ell'en est capable: de sorte que cela regarde, non l'appetit sensuel, non les forces de la partie inferieure, mays seulement la partie spirituelle de l'ame; tant par ce qu'elle seule est en nostre absolue puyssance, lautre estant pour l'ordinaire rebelle contre nostre rayson, qu'aussi par ce qu'ell'est incapable d'aymer Dieu, qui, estant un object spirituel, ne peut estre aussi aymé que par le cœur entant quil est spirituel.

  A005001514 

 Ce chapitre doit estre grandement addouci par la demonstration de la suavité de ce commandement, affin que les heretiques le lisant, voyent la clarté de la doctrine chrestienne, et boivent cett'eau sucree imperceptiblement; et partant il le faut remplir de paroles affectives et extatiques.

  A005001514 

 que ce n'est pas seulement un'amitié, mais un'amitié d'excellence, et par consequent une charité; 5.

  A005001520 

 Et non seulement cela, mais en vertu de la charité qui la rend active, elle respand sur les puissances de nostr'ame certaines vertus qui sont de mesme espece, ou au moins toutes semblables aux quatre vertus cardinales, et pour cela elles portent leurs noms: sur l'entendement elle pousse une prudence sainte, sur la volonté une justice sacree, sur l'appetit de la convoitise une temperance religieuse, et sur l'appetit irascible une force devote; si que par ces quatre fleuves toutes les actions humaines sont addressees par la charité a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A005001520 

 Et puis ces quatre fleuves se separent en plusieurs autres, affin que toutes les actions humaines soyent bien addressees par la rayson a l'honnesteté et felicité naturelle.

  A005001521 

 Ainsy la charité treuvant, par exemple, S t Ambroyse si vertueux, elle le rendit soudain extremement parfait; et treuvant......

  A005001527 

 Le peché ruine nostr'ame, et les actions bonnes que nous avons faites præcedemment sont par luy non exterminees mais mortifiees; elles ont encor leur estre, mais infructueux pour nous quant a la vie eternelle: que si la grace revient, qui est un œuvre de Dieu, non seulement elle vivifie nostre ame, mais toutes œuvres que le peché avoit mortifiees; et outre cela elle ne mortifie pas seulement la vie mortelle du peché, mais elle l'abolit entierement.

  A005001529 

 Ainsy le feu de l'autel, caché par le commandement de Jeremie Ihors que Nabusardan destruisit Hierusalem et le Temple, et qu'Israel fut mené en captivité sous Sedechias, s'esteignit et se convertit en boüe; mays cette boüe estant de rechef tiree du puitz par ordre de Neemie, lhors du retour de la captivité, et remise au soleil, le feu mort resuscita, et cette boue se convertit en flammes.

  A005001529 

 Et Ihors que nous sommes rendus esclaves du peché, nos œuvres bonnes sont deplorablement oubliees, reduites en boüe, amorties [485] et estouffees; mais apres nostre captivité, Ihors que par la pœnitence nous retournons en grace, nos œuvres sont tirees du puis de l'oubli, et, touchees des rayons de la charité, elles revivent et se convertissent en flammes aussi claires qu'au paravant, pour estre remises sur l'autel, et avoir leur premiere valeur; videatur locus.

  A005001535 

 O que bienheureux sont ceux qui sçavent faire le despouillement de soy mesme duquel nous avons parlé ci dessus! car par ce moyen ilz, n'ont qu'a faire un petit souspir ou un petit regard en Dieu, pour tesmoignage qu'ilz confirment leurs despouillemens et qu'ilz ne veulent rien qu'en Dieu et pour Dieu, et qu'ilz ne s'ayment eux mesmes, ni chose du monde, que pour cela.

  A005001535 

 Puis, dire qu'il faut donques faire cet exercice tous les ans, la protestation tous les moys, l'exercice du [486] matin tous les jours, et parmi la journee plusieurs eslancemens de cœur et plusieurs oraysons jaculatoires, par lesquelles le feu de la charité s'enflamme de plus en plus et brusle comm'en holocauste toutes nos actions a la gloire de Dieu; et s'accoustumer a faire toutes choses au nom de Dieu, comme est de travailler pour Dieu, saluer pour Dieu, aymer pour Dieu, servir pour Dieu, estant impossible qu'une personne fort affectionnee a Nostre Seigneur ne puisse dire en verité, que comme sa personne est a Dieu, aussi sont toutes ses actions: les pecheurs le disent aussi, mays ilz mentent, ou les affectionnés disent la verité.


06-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VI-Les vrays entretiens spirituels.html
  A006000021 

 Auquel les proprietés des colombes sont appliquées a l'ame religieuse par forme de loix 44.

  A006000031 

 Auquel on demande comment et par quel motif il faut donner sa voix, tant aux filles que l'on veut admettre à la Profes sion, qu'à celles que l'on reçoit au Novitiat.

  A006000056 

 A. Comme il faut prendre garde que le desir que nous avons de tout quitter ne soit point vain et par flatterie 176.

  A006000060 

 E. Fragments d'Entretiens extraits de la Vie de saint François de Sales par le Père de la Rivière.

  A006000073 

 Nous confessons neantmoins (ce que tout le monde croira facilement d'un ouvrage qui est passé par des mains si indignes que les nostres) que quielque diligence et quelque soin que nous y ayons apporté, il ne nous a pas esté possible de faire ce recueil si exactement qu'il ne nous soit eschappé beaucoup de choses excellentes, et que celles que nous avons retenues n'ayent aussi perdu beaucoup de leur force et des advantages qu'elles avoyent en sortant d'une si digne et si venerable bouche.

  A006000073 

 Nous les recueillions sincerement, et redigions par escrit apres qu'il les avoit achevé de faire; et comme nous en avions alors la memoire toute fraiche, et que chacune de nos Sœurs en rapportoit une partie, nous taschions, en assemblant toutes les pieces, de les ajuster le mieux qu'il nous estoit possible pour en former un corps.

  A006000074 

 Certes, nous voulons croire de nostre prochain, que ç'a esté un bon zele, plustost qu'aucune autre consideration, qui l'a induit à les mettre au jour: mais nous ne sçaurions luy estre si indulgentes que nous ne nous plaignions charitablement de luy, non de nous avoir osté ce qui sembloit estre nostre (car nous n'avons rien à nous, et les biens spirituels le sont encor moins que les autres parce qu'ils doivent estre plus communiqués), mais d'avoir soustrait ces Entretiens d'une telle sorte, que, les tirant avec peine, il a esté impossible qu'il ne les ayt mis en pieces et qu'il ne les ayt donnés par lambeaux comme il les avoit pris.

  A006000074 

 Et mesmes, que ce sont des copies recopiées plusieurs fois par des filles, lesquelles y ont adjousté quantité de petites choses, ramassées par cy par là, qui avoyent esté dites à des particulieres, mais non comme le Bienheureux les a dites, faute de memoire: en suite de quoy, celuy qui les a soustraits a esté contraint de substituer en la place de ce qui luy manquoit beaucoup de choses estrangeres, qu'il a adjoustées pour la liaison du discours, lesquelles ont apporté un si grand changement à l'ouvrage qu'à peine est-il recognoissable, ainsi qu'il sera aysé de remarquer par la conference des deux impressions..

  A006000074 

 Mais estant arrivé (nous ne sçavons dire par quels moyens) qu'ils ont esté imprimés à nostre insceu, avec un grand nombre de fort notables manquemens et en un tres-mauvais estat; ce qu'ayant veu Monseigneur de Geneve, tres digne frere et successeur de ce bien-heureux Prelat, a obtenu le Privilege mis ci apres, et voyant qu'il y alloit de la reputation de son saint frere, nous a commandé d'en donner promptement une veritable copie, pour remedier au mal de cette mauvaise impression et faire voir au [2] vray ce qui en a esté recueilli dans ce monastere.

  A006000075 

 Jouissons toutes ensemble de ces si utiles et agreables Entretiens; conservons-nous dans l'esprit de nostre Regle par leur frequente et attentive lecture, mais sur tout par la pratique fidele des saints enseignemens dont ils sont pleins: et à mesure qu'on les exprime extérieurement, imprimons-les profondement dans nos cœurs, à fin qu'ils n'en soient jamais effacés, et que nous ne soyons pas un jour obligées de rendre compte d'un si precieux talent, si nous ne l'avons fait profiter.

  A006000093 

 Or le mespris des Constitutions, comme aussi de toutes bonnes œuvres, se cognoist par les considerations suivantes.

  A006000094 

 Celuy là y tombe qui par mespris viole ou laisse à faire quelque ordonnance, non seulement volontairement, mais de propos deliberé; car s'il la viole par inadvertance, oubli, ou surprise de quelque passion, c'est autre chose: car le mespris enclost en soy une volonté deliberée, et qui se determine destinément à faire ce qu'elle fait.

  A006000094 

 De là il s'ensuit que celuy qui viole l'ordonnance ou desobeit par mespris, non seulement il desobeit, mais il veut desobeir; non seulement il fait la desobeissance, mais il la fait avec intention de desobeir.

  A006000094 

 Or, si elle mange attirée de la delectation qu'elle en pense recevoir, alors elle desobeit non pas par desobeissance, mais par friandise: ou bien elle mange parce qu'elle n'estime point la Regleet n'en veut tenir compte ni se sousmettre à icelle, et alors elle desobeit par mespris et desobeissance..

  A006000095 

 Car qui mange contre le commandement, consequemment ou ensemblement, il commet desobeissance, quoy que s'il la pouvoit eviter en mangeant il ne la voudroit pas commettre; comme celuy qui [6] en beuvant trop voudroit bien ne s'enivrer pas, quoy que neantmoins en beuvant il s'enivre: mais celuy qui mange par mespris de la Regle et par desobeissance, veut la desobeissance mesme, en sorte qu'il ne feroit pas l'œuvre ni ne la voudroit pas s'il n'estoit esmeu à ce faire par la volonté qu'il a de desobeir.

  A006000095 

 Il s'ensuit encor, que celuy qui desobeit par quelque allechement ou surprise de passion voudroit bien pouvoir contenter sa passion sans desobeir, et à mesme temps qu'il prend plaisir, par exemple, à manger, il est marri que ce soit avec desobeissance; [mais celuy qui desobeit par desobeissance et mespris n'est pas marri de desobeir, ains au contraire il prend son plaisir à desobeir: de maniere qu'en l'un] la desobeissance suit ou accompaigne l'œuvre, mais en l'autre, la desobeissance precede l'œuvre et luy sert de cause et de motif, quoy que par friandise.

  A006000096 

 Or, ceste desobeissance formelle et ce mespris des choses bonnes et saintes n'est jamais sans quelque peché, pour le moins veniel, non pas mesme és choses qui ne sont que conseillées: car bien qu'on puisse ne point suivre les conseils des choses saintes, par l'élection d'autres choses, sans aucunement offenser, si est-ce qu'on ne peut pourtant les laisser par mespris et contemnement, sans offense; d'autant que tout bien ne nous oblige pas à le suivre, mais ouy bien à l'honorer et estimer, et par consequent, à plus forte raison, à ne le point mespriser et vilipender..

  A006000097 

 Davantage, il s'ensuit que celuy qui viole la Regle et Constitutions par mespris, il l'estime vile et inutile, qui est une tres grande presomption et outrecuidance: ou bien, s'il l'estime utile et ne veut pas pourtant se sousmettre à icelle, alors il rompt son dessein avec grand interest du prochain, auquel il donne scandale et [7] mauvais exemple, il contrevient à la societé et promesse faite à la compagnie, et met en desordre une maison devote, qui sont des tres grandes fautes..

  A006000098 

 Mais à fin que l'on puisse aucunement discerner quand une personne viole les Regles ou l'obeissance par mespris, en voicy quelques signes:.

  A006000103 

 Ces signes, pourtant, ne sont pas si certains que quelquefois ils n'arrivent pour d'autres causes que pour celle du mespris: car il peut arriver qu'une personne se mocque de celuy qui la reprend, pour le peu d'estime qu'elle fait de luy, et qu'elle persevere par infirmité, et qu'elle conteste par despit et colere, et qu'elle desbauche les autres pour avoir des compaignes et excuser son mal.

  A006000103 

 Neantmoins, il est aisé à juger par les circonstances, quand tout cela se fait par mespris; car, en fin, l'effronterie et manifeste libertinage suit ordinairement le mespris, et ceux qui l'ont au cœur en fin le poussent jusques à la bouche, et ils disent, comme David le remarque: Qui est nostre maistre?.

  A006000105 

 De sorte que, qui veut vivre heureusement et parfaitement il faut qu'il s'accoustume à vivre selon la raison, les Regles et l'obeissance, et non selon ses inclinations ou aversions; et qu'il estime toutes les Regles, qu'il les honore et qu'il les cherisse, au moins par la volonté superieure: car s'il en mesprise une maintenant, demain il en mesprisera une autre, et l'autre jour encore une autre, et dés qu'une fois le lien du devoir est rompu, tout ce qui estoit lié, petit à petit s'esparpille et dissipe..

  A006000106 

 Ne plaise pas à Dieu que jamais aucune des Filles de la Visitation s'esgare si fort du chemin de l'amour de Dieu, qu'elle s'aille perdre dedans ce mespris des Regles, par desobeissance, dureté et obstination de cœur; car, que luy pourroit-il arriver de pis ni de plus malheureux? attendu mesme qu'il y a si peu de regles particulieres et propres de la Congregation; la pluspart et quasi toutes estant, ou bien des regles generales qu'il faudroit qu'elles observassent en leurs maisons du monde si elles vouloient vivre tant soit peu avec honneur, reputation et crainte de Dieu, [9] ou bien qui regardent la manifeste bienseance d'une maison devote ou les officieres en particulier..

  A006000107 

 Que si quelquefois il leur arrive quelque dégoust ou aversion des Constitutions et reglemens de la Congregation, elles se comporteront en mesme sorte qu'il se faut comporter envers les autres tentations, corrigeant l'aversion qu'elles ont par la raison, et par bonne et forte resolution de la partie superieure de l'ame, attendant que Dieu leur envoye de la consolation en leur chemin, et leur fasse voir (comme à Jacob, lors qu'il estoit las et recreu en son voyage) que les Regles et methode de vie qu'elles ont embrassées sont la vraye eschelle par laquelle elles doivent, à guise d'Anges, monter à Dieu par charité, et descendre en elles mesmes par humilité..

  A006000108 

 Mais si, sans aversion, il leur arrivoit de violer la Regle par infirmité, alors elles s'humilieront soudain devant Nostre Seigneur, luy demanderont pardon, renouvelleront leur resolution d'observer cette mesme Regle, et prendront garde sur tout de ne point entrer en descouragement d'esprit et inquietude; ains, avec nouvelle confiance en Dieu, recourront à son saint amour..

  A006000109 

 Et quant aux violements de la Regle qui ne se font point par pure desobeissance ni par mespris, s'ils se font par nonchalance, infirmité, tentation ou negligence, on s'en pourra et devra confesser comme de peché veniel, ou bien comme de chose où il y peut avoir peché veniel: car, bien qu'il n'y ait aucune sorte de peché en vertu de l'obligation de la Regle, il y en peut neantmoins avoir à raison de la negligence, nonchalance, precipitation ou autres tels defauts, puisqu'il arrive rarement que voyant un bien propre à nostre [10] avancement, et notamment estant invitees et appellées à le faire, nous le laissions volontairement sans offenser; car tel delaissement ne procede que de negligence, affection depravée ou manquement de ferveur, et s'il nous faut rendre compte des paroles qui sont vrayement oyseuses, combien plus d'avoir rendu oyseuse et inutile la semonce que la Regle nous fait à son exercice!.

  A006000110 

 Comme, par exemple, si une fille rompt le silence parce qu'elle n'est pas attentive qu'elle soit en silence, et partant elle ne s'en ressouvenoit pas, d'autant qu'elle pensoit à d'autres choses, ou bien elle est surprise de quelque esmotion de parler, laquelle devant qu'elle ayt bien pensé de reprimer elle aura dit quelque chose, sans doute elle ne peche point: car l'observation du silence n'est pas de si grande importance qu'on soit obligé d'avoir une telle attention qu'on ne puisse pas l'oublier; ains au contraire, estant chose tres-bonne pendant le silence de s'occuper en d'autres saintes et pieuses pensées, si estant attentive à icelles on s'oublie d'estre en silence, cet oubli provenant d'une si bonne cause ne peut estre mauvais, ni par consequent le manquement de silence qui provient d'iceluy..

  A006000110 

 J'ay dit qu'il arrive rarement de n'offenser pas Dieu quand nous laissons volontairement de faire un bien propre à nostre avancement, parce qu'il se peut faire qu'on ne le laisse pas volontairement, ains par oubli, inadvertance, surreption; et lors il n'y a aucun peché, petit ni grand, sinon que la chose que nous oublions fust de si grande importance que nous fussions obligés de nous tenir attentifs pour ne point tomber en oubli, inadvertance et surreption.

  A006000112 

 Le zele, dit le sacré Cantique, est dur et ferme comme l'enfer; les ames, donques, qui ont le zele, feront autant et plus en vertu d'iceluy, qu'elles ne feroient pour la crainte de l'enfer: si bien que les Filles de la Congregation, par la suave violence de l'amour, observeront autant exactement leurs Regles, Dieu aydant, que si elles y estoient obligées sous peine de damnation eternelle..

  A006000115 

 Je dis intime, en sorte qu'elles ayent la volonté conforme aux bonnes actions exterieures qu'elles feront, soit petites ou grandes; que rien ne se fasse par coustume, mais par election et application de volonté; et si quelquefois l'action exterieure previent l'affection interieure, à cause de l'accoustumance, qu'au moins l'affection la suive de pres.

  A006000115 

 Les Filles de la Congregation ont fort peu de regles pour l'exterieur, peu d'austerités, peu de ceremonies, peu d'Offices: que donques elles y accommodent volontiers et amoureusement leurs cœurs, faisant naistre l'exterieur de l'interieur, et nourrissant l'interieur par l'exterieur; car ainsi le feu produit la cendre, et la cendre nourrit le feu..

  A006000115 

 Si avant que m'incliner corporellement à mon Superieur je n'ay pas fait l'inclination interieure, par une humble election de luy estre soubmis, qu'au moins cette election accompagne ou suive de pres l'inclination exterieure.

  A006000122 

 Forte à se tenir independante des tendretés, douceurs et consolations qui nous proviennent tant de Dieu que des creatures, pour ne point nous laisser engager par icelles..

  A006000124 

 Genereuse pour pretendre au plus haut point de la perfection chrestienne, nonobstant toutes imperfections et foiblesses presentes, en s'appuyant, par une parfaite confiance, sur la misericorde divine, à l'exemple de celle qui disoit à son Bien Aimé: Tirez moy, nous courrons apres vous en l'odeur de vos onguents, comme si elle eust voulu dire: De moy mesme je suis immobile, mais quand vous me tirerez je courray.

  A006000124 

 Il faut en fin qu'elle soit genereuse, pour ne point s'estonner des difficultés, ains au contraire aggrandir son courage par icelles; car, comme dit saint Bernard, celuy là n'est pas bien vaillant, auquel le cœur ne croist pas entre les peines et contradictions.

  A006000125 

 Et ainsi en toutes autres choses qui ne sont ni commandées ni defendues, qu'une chacune abonde en son sens: c'est à dire, qu'une chacune [15] jouïsse et use de sa liberté, sans juger ni contreroller les autres qui ne feront point comme elle, voulant faire trouver sa façon meilleure; puisque mesme il se peut faire qu'une personne mange avec tel renoncement de sa propre volonté qu'une autre jeuneroit, et qu'une personne ne die pas ses coulpes par le mesme renoncement par lequel l'autre les dira..

  A006000126 

 La genereuse devotion ne veut pas avoir des compagnons en tout ce qu'elle fait, ains seulement en sa pretention, qui est la gloire de Dieu et l'avancement du prochain en l'amour divin; et pourveu qu'on s'achemine droitement à ce but là, elle ne se met pas en peine par quel chemin c'est.

  A006000126 

 Mais aussi, celles qui ont telles inclinations et aversions se doivent bien garder de dire des paroles, ni donner aucune sorte de signe d'avoir à desgout que les autres fassent mieux, car elles feroient une grande impertinence: ains, considerant leur foiblesse, elles doivent regarder les mieux faisantes avec une [16] sainte, douce et cordiale reverence; car ainsi elles pourront tirer autant de proffit de leur imbecillité par l'humilité qui en naistra, que les autres en tirent par leurs exercices.

  A006000126 

 Que si mesme il arrivoit qu'une personne mangeast, non pas pour Dieu, mais par inclination, ou qu'elle ne fist pas la discipline, non pas pour Dieu, mais par naturelle aversion, encor faudroit-il que celles qui font les exercices contraires ne la jugeassent point; ains que, sans la censurer, elles suivissent leur chemin doucement et suavement, sans mespriser ni juger au prejudice des infirmes, se ressouvenant que si en ces occasions les unes secondent peut estre trop mollement leurs inclinations et aversions, en des autres occurrences les autres en font bien de mesme.

  A006000127 

 Mais neantmoins, si quelques Sœurs avoient des aversions aux choses pieuses, bonnes et approuvées, ou bien des inclinations aux choses moins pieuses, si elles me croyent elles useront de violence, et contreviendront le plus qu'elles pourront à leurs aversions et inclinations, pour se rendre vrayement maistresses d'elles mesmes, et servir Dieu par une excellente mortification: repugnant ainsi à leurs repugnances, contredisant à leurs contradictions, declinant de leurs inclinations, se divertissant de leurs aversions, et en tout et par tout faisant regner l'authorité de la raison, principalement és choses esquelles on a du loisir pour prendre resolution.

  A006000132 

 Or, je responds que non seulement l'ame qui a la cognoissance de sa misere peut avoir une grande confiance en Dieu, mais qu'elle ne peut avoir une vraye confiance qu'elle n'ayt la cognoissance de sa misere; car ceste cognoissance et confession de nostre misere nous introduit devant Dieu, Ainsi tous les grands Saints, comme Job, David et les autres, commençoient toutes leurs prieres par la confession de leur misere et indignité; de sorte que c'est une tres-bonne chose de se recognoistre pauvre, vil, abject, et indigne de comparoistre en la presence de Dieu.

  A006000133 

 Ce ne seroit pas grande chose de s'estre aneanti et despouillé de soy-mesme (ce qui se fait par des actes de confusion), si ce n'est oit pour se donner tout à Dieu, ainsi que saint Paul nous l'enseigne quand il dit: Despoüillez-vous du vieil homme, et vous revestez du nouveau; car il ne faut pas demeurer nud, ains se revestir de Dieu.

  A006000133 

 Ce petit reculement ne se fait que pour mieux s'eslancer en Dieu par un acte d'amour et de confiance, car il ne se faut pas confondre tristement et avec inquietude: c'est l'amour propre qui donne ces confusions-là, parce que nous sommes marris de n'estre pas parfaits, non tant pour l'amour de Dieu que pour l'amour de nous-mesmes..

  A006000133 

 Il est bien bon de se deffier de soy-mesme, mais de quoy nous serviroit-il de le faire, sinon pour jetter toute nostre confiance en Dieu et nous attendre à sa misericorde? Les fautes et les infidelités que nous commettons tous les jours nous doivent bien apporter de la honte et confusion lors que nous voulons approcher de Nostre Seigneur: et ainsi lisons-nous qu'il y a des grandes ames, comme sainte Catherine de Sienne et la Mere Therese, qui lors qu'elles estoient tombées en quelque defaut, avoient de ces grandes confusions; [20] aussi est il bien raisonnable qu'ayant offencé Dieu nous nous retirions un peu par humilité, et demeurions confus, car si seulement nous avons offencé un amy, nous avons bien honte de l'aborder: mais il n'en faut pas demeurer là, car ces vertus d'humilité, d'abjection et de confusion, sont des vertus mitoyennes, par lesquelles nous devons monter à l'union de nostre ame avec son Dieu.

  A006000135 

 Voila donc pour la conclusion de ce premier poinct, qu'il est tres-bon d'avoir de la confusion quand nous avons la cognoissance et sentiment de nostre misere et imperfection; mais qu'il ne faut pas s'arrester là, ni pour cela tomber en descouragement, ains relever son cœur en Dieu par une sainte confiance, le fondement de laquelle doit estre en luy et non pas en nous; d'autant que nous changeons et il ne change jamais, et demeure tousjours aussi bon et misericordieux quand nous sommes foibles et imparfaits que quand nous sommes forts et parfaits.

  A006000136 

 Ce n'est donc que pour cela qu'il faut faire cest abandonnement, lequel autrement seroit inutile, et ressembleroit ceux des anciens philosophes, qui ont fait des admirables abandonnemens de toutes choses et d'eux-mesmes, pour une vaine preétention de s'adonner à la philosophie: comme Epictete, tres-renommé philosophe, lequel estant esclave de condition, à cause de sa grande sagesse on le vouloit affranchir; mais luy, par un renoncement le plus extreme de tous, ne voulut point sa liberté et demeura ainsi volontairement en son esclavage, avec une telle pauvreté, qu'apres sa mort on ne luy trouva rien qu'une lampe, qui fut vendue bien cher à cause qu'elle avoit esté à un si grand homme.

  A006000137 

 Il y a beaucoup de gens qui disent à Nostre Seigneur: Je me donne tout à vous sans aucune reserve; mais il y en a fort peu qui embrassent la pratique de cest abandonnement, lequel n'est autre chose qu'une parfaite indifference à recevoir toute sorte d'evenemens, selon qu'ils arrivent par l'ordre de la providence de Dieu, aussi bien l'affliction comme la consolation, la maladie comme la santé, la pauvreté comme les richesses, le mespris comme l'honneur et l'opprobre comme la gloire.

  A006000137 

 La volonté de son bon plaisir regarde les evenemens des choses que nous ne pouvons pas prevoir: comme, par exemple, je ne sçay pas si je mourray demain, je voy que c'est le bon plaisir de Dieu, et partant je m'abandonne à son bon plaisir et meurs de bon cœur.

  A006000137 

 Or, pour faire cest abandonnement, il faut obeir à la volonté de Dieu signifiée et à celle de son bon plaisir: l'un se fait par maniere de resignation, et l'autre par maniere d'indifference.

  A006000138 

 Cest estat du delaissement de soy-mesme comprend aussi l'abandonnement au bon plaisir de Dieu en toutes tentations, aridités, secheresses, aversions et repugnances qui arrivent en la vie spirituelle; car en toutes ces choses l'on y void le bon plaisir de Dieu, quand elles n'arrivent pas par nostre defaut et qu'il n'y a pas du peché..

  A006000140 

 Nostre Seigneur ayme d'un amour extremement tendre ceux qui sont si heureux que de s'abandonner ainsi totalement à son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine providence, sans s'amuser à considerer si les effets de ceste providence leur seront utiles, profitables, ou dommageables; estant tout asseurés que rien ne leur sçauroit estre envoyé de ce cœur paternel et tres-aymable, ni qu'il ne permettra que rien leur arrive [26] de quoy il ne leur fasse tirer du bien et de l'utilité, pourveu que nous ayons mis toute nostre confiance en luy et que de bon cœur nous disions: Je remets mon esprit, mon ame, mon corps et tout ce que j'ay entre vos benites mains, pour en faire selon qu'il vous plaira.

  A006000144 

 Ceste maniere de mort ainsi douce se donne par maniere de grace, et l'autre se donne par maniere de merite..

  A006000150 

 Nous celebrons l'octave de la feste des saints Innocens, auquel jour la sainte Eglise nous fait lire l'Evangile qui traitte comme l' Ange du Seigneur dit au glorieux saint Joseph en songe, c'est à dire en dormant, qu'il prist l'Enfant et la Mere et qu'il s'enfuist en Egypte; d'autant qu'Herodes, jaloux de sa royauté, cherchoit Nostre Seigneur pour le mettre à mort, de crainte qu'il ne la luy ostast, et estant rempli de colere, dequoy les Roys Mages n'estoient point retournés par devers luy en Jerusalem, il commanda que l'on fist mourir tous les petits enfans au dessous de l'âge de deux ans, croyant que Nostre Seigneur s'y trouveroit, et par ce moyen il s'asseureroit de la possession de son royaume.

  A006000151 

 Je commence par la premiere remarque que fait le grand saint Jean Chrysostome, qui est de l'inconstance, varieté et instabilité des accidens de ceste vie mortelle.

  A006000152 

 Dieu n'a pas seulement fait ceste grace à l'homme, de [33] le rendre seigneur des animaux, par le moyen du don qu'il luy a fait de la raison, par laquelle il l'a rendu semblable à luy; mais encore il luy a donné plein pouvoir sur toutes sortes d'accidens et evenemens.

  A006000152 

 Il est dit que l'homme sage, c'est à dire l'homme qui se conduit par la raison, se rendra maistre absolu des astres.

  A006000152 

 Lors que Dieu eut creé nos premiers parens, il leur donna une entiere domination sur les poissons de la mer et sur les animaux de la terre, et par consequent leur donna la cognoissance de chacune espece, et les moyens de les dominer et s'en rendre le maistre et seigneur.

  A006000152 

 Qu'est-ce à dire cela, sinon que par l'usage de la raison il demeurera ferme et constant en la diversité des accidens et evenemens de ceste vie mortelle? Que le temps soit beau ou qu'il pleuve, que l'air soit calme ou que le vent souffle, l'homme sage ne s'en soucie pas, sçachant bien que rien n'est stable et permanent en ceste vie, et que ce n'est pas icy le lieu de repos.

  A006000153 

 C'est un abus tres-grand que de ne vouloir point souffrir [34] ou sentir de mutations et changemens en nos humeurs, tandis que nous ne nous gouvernerons point par la raison, et que nous ne voudrons pas nous laisser gouverner.

  A006000153 

 Dieu a donné à l'homme la raison pour le conduire, mais pourtant il y en a peu qui la laissent maistriser en eux; au contraire, ils se laissent gouverner par leurs passions, lesquelles devroient estre subjettes et obeissantes à la raison selon l'ordre que Dieu requiert de nous..

  A006000153 

 L'on dit communement: voyez cest enfant, il est bien jeune, mais il a pourtant desja l'usage de la raison; ainsi plusieurs ont l'usage de la raison, lesquels, comme enfans, ne se conduisent pourtant pas par le commandement de la raison.

  A006000155 

 Or dites-moy un peu, si vous vous gouverniez par la raison, ne verriez-vous pas que s'il estoit bon de servir Dieu hier, qu'il est encore tres-bon de le servir aujourd'huy, et qu'il sera tres-bon de le servir demain? car c'est tousjours le mesme Dieu, aussi digne d'estre aymé quand vous estes en secheresse que quand vous estes en consolation.

  A006000157 

 Donc par ceste premiere remarque, nous sommes incités et semonds à considerer l'inconstance et varieté des succes, tant aux choses temporelles qu'aux choses spirituelles, à fin que par l'evenement des rencontres qui pourroient effaroucher nos esprits, comme estant choses nouvelles et non preveües, nous ne perdions point courage, ne nous laissant emporter à l'inegalité d'humeur parmi l'inegalité des choses qui nous arrivent; ains, que sousmis à la conduite de la raison que Dieu a mise en nous, et à sa providence, nous demeurions fermes, constans et invariables en la resolution que nous avons faite de servir Dieu constamment, courageusement, hardiment et ardemment, sans discontinuation quelconque.

  A006000161 

 O que nous avons grand tort de permettre que Dieu envoye et renvoye heurter et frapper à la porte de nos cœurs par plusieurs fois, avant que nous luy voulions ouvrir et luy permettre d'y demeurer! car il est à craindre que nous l'irritions et contraignions de nous abandonner..

  A006000161 

 Pourquoy non à ceste heure, qu'il nous inspire et nous pousse? C'est que nous sommes si tendres sur nous-mesmes que nous craignons tout ce qui semble nous oster de nostre repos, qui n'est autre chose que nostre tardiveté et faineantise, desquelles nous ne voulons point estre retirés par la sollicitation d'aucuns objects qui nous attirent à sortir de nous-mesmes; et nous disons quasi comme le paresseux, lequel se plaignant dequoy on le vouloit faire sortir de sa maison: Comment sortiray-je? dit-il, car il y a un lion sur le grand chemin, et les ours sont sur les advenues, qui sans doute me devoreront.

  A006000164 

 Pour expliquer cecy familierement: l'on changea d'offices et d'aydes ces jours passés; que signifient ces aydes que l'on vous donne? pourquoy vous les [41] donne-t'on? Saint Gregoire dit que nous devons faire en ce miserable monde ce que font ceux qui cheminent sur la glace, pour nous tenir fermes et solides à l'entreprise que nous faisons de nous sauver ou de nous perfectionner; car il dit qu'ils se prennent par la main ou par dessous les bras, à fin que si quelqu'un d'entre eux glisse, il puisse estre retenu par l'autre, et puis que l'autre puisse estre retenu par luy quand il sera esbranlé pour tomber à son tour.

  A006000165 

 Nos aydes sont nos bons Anges visibles, ainsi que nos saints Anges gardiens le sont invisibles: nos aydes font visiblement ce que nos bons Anges font interieurement; car elles nous advertissent de nos defauts, elles nous encouragent en nos foiblesses et laschetés, elles nous excitent à la poursuite de nostre entreprise pour parvenir à la perfection, elles nous empeschent par leurs bons conseils de tomber, et nous aydent à nous relever quand nous sommes cheus en quelque precipice d'imperfection ou defaut.

  A006000165 

 O Dieu, avec quelle franchise, cordialité, sincerité, simplicité et fidelle confiance ne devons-nous pas traitter avec ces aydes qui nous sont données de la part de Dieu pour nostre avancement spirituel! Non certes autrement que comme avec nos bons Anges: nous les devons regarder tout de mesme, car nos bons Anges sont appellés nos Anges gardiens parce qu'ils sont chargés de nous assister de leurs inspirations, de nous defendre en nos perils, de nous reprendre en nos defauts, de nous exciter en la poursuite de la [42] vertu; ils sont chargés de porter nos prieres devant le throsne de la majesté, bonté et misericorde de Nostre Seigneur, et de nous rapporter l'interinement de nos requestes; et les graces que Dieu nous veut faire, il nous les fait par l'entremise ou intercession de nos bons Anges.

  A006000166 

 Nostre Seigneur ne voulut pas se gouverner luy-mesme, ains se laisser porter où l'on vouloit et par qui l'on vouloit; il semble qu'il ne s'estimoit pas assez sage pour se conduire luy-mesme, ni sa famille, ains laisse gouverner l'Ange tout ainsi qu'il luy plaist, encor qu'il n'ayt point de science ni de sapience pour entrer en comparaison avec sa divine Majesté..

  A006000167 

 Estoit-il plus qualifié, et doué de quelque grace speciale ou particuliere? Cela ne se peut, veu que Nostre Seigneur est Dieu et homme tout ensemble, et que Nostre Dame, estant sa Mere, a par consequent plus de grace et de perfection que tous les Anges ensemble: neantmoins l'Ange commande, et il est obei.

  A006000168 

 Mais qui m'asseurera que c'est la volonté de Dieu? Nous voudrions que Dieu nous revelast toutes choses par des secrettes inspirations.

  A006000168 

 Nous voudrions, par adventure, estre enseignés et instruits par Dieu mesme, par la voye des extases ou ravissemens et visions, et que sçay-je, moy? semblables niaiseries que nous forgeons en nos esprits, plustost que de nous sousmettre à la voye tres aymable et commune d'une sainte sousmission à la conduite de ceux que Dieu nous a donnés, et à l'observance de la direction tant des Regles que des Superieurs..

  A006000168 

 Voudrions nous attendre qu'il nous envoyast des Anges pour nous annoncer ce qui est de sa volonté? Il ne le fit pas à Nostre Dame mesme (au moins en ce subjet), ains voulut la luy faire sçavoir par l'entremise de saint Joseph, auquel elle estoit subjette comme à son superieur.

  A006000170 

 Car l'Ange dit simplement: Prens l'Enfant et la Mere, et t'enfuis en Egypte; sans luy dire ni par quel chemin, ni quelles provisions ils auront pour passer leur chemin, ni en quelle part de l'Egypte, ni moins qui les recevra, ni de quoy ils se nourriront y estans.

  A006000170 

 Par ceste façon de proceder entre l'Ange et saint Joseph nous sommes enseignés, en troisiesme lieu, comment nous nous devons embarquer sur la mer de la divine Providence, sans biscuit, sans rames, sans avirons, sans voiles, et en fin sans nulle sorte de provisions; et ainsi laisser tout le soin de nous-mesmes et du succes de nos affaires à Nostre Seigneur, sans retours ni repliques, ni craintes quelconques de ce qui nous pourroit arriver.

  A006000171 

 Il ne dit rien de tout cela, ains se confia pleinement que Dieu y pourvoiroit; ce qu'il fit, quoy que petitement, leur faisant trouver de quoy s'entretenir simplement, ou par le mestier de saint Joseph, ou mesme par des aumosnes que l'on leur faisoit.

  A006000175 

 Dieu veut que nous ayons un soin tranquille et paisible, qui nous fasse faire ce qui est jugé propre par ceux qui nous conduisent, et aller fidellement tousjours avant dans le chemin qui nous est marqué par les Regles et Directoires qui nous sont donnés; et quant au reste, que nous nous en reposions en son soin paternel, taschant tant qu'il nous sera possible de tenir nostre ame en paix, car la demeure de Dieu a esté faite en paix, et au cœur paisible et bien reposé.

  A006000175 

 Mais quand elle est troublée, inquietée et agitée des diverses bourrasques des passions, et que l'on se laisse gouverner par elles et non par la raison qui nous rend semblables à Dieu, lors nous ne sommes nullement capables de representer la belle et tres-aymable image de Nostre Seigneur crucifié, ni la diversité de ses excellentes vertus, ni nostre ame ne peut pas estre capable de luy servir de lict nuptial.

  A006000177 

 Et ne sçavez-vous pas ce que je vous ay desja dit autrefois et qu'il n'est pas mauvais de redire, que la vertu ne requiert pas que nous soyons privés de l'occasion de trebucher en l'imperfection qui luy est contraire? « Il ne suffit pas, » dit Cassian, « pour estre patient et bien doux en soy-mesme, d'estre privé de la conversation des hommes; car il m'est arrivé, estant en ma cellule tout seul, de me passionner quand mon fusil ne prenoit pas feu, » tellement que je le jettois par colere..

  A006000177 

 Il ne seroit pas bien de prendre des charges et offices par sa propre election, de crainte que nous n'y fissions pas nostre devoir: mais quand c'est par obeissance, n'apportons jamais nulle excuse; car Dieu est pour nous, et nous fera profiter davantage en la perfection que si nous n'avions rien à faire.

  A006000177 

 Je concluds par la simplicité que pratiqua saint Joseph en s'en allant, sur le commandement de l'Ange, en Egypte, où il estoit asseuré de trouver autant d'ennemis qu'il y avoit d'habitans en ce païs-là.

  A006000178 

 Certes, il faut finir, et par ce moyen vous laisser en Egypte avec Nostre Seigneur, lequel, comme je croy, comme aussi d'autres tiennent, commençoit dés lors à faire des petites croix, quand il avoit du temps de reste après avoir aydé en quelque petite chose à saint Joseph, tesmoignant dés lors le desir qu'il avoit de l'œuvre de nostre redemption.

  A006000184 

 Ainsi la pluspart des amitiés que font les hommes n'ayant pas une bonne fin, et ne se conduisant pas par la raison, ne meritent aucunement le nom d'amitié..

  A006000184 

 Ainsi les bestes ont de l'amour, mais ne peuvent [54] avoir de l'amitié, puisqu'elles sont irraisonnables: elles ont de l'amour entre elles, à cause de quelque correspondance naturelle; voire mesme elles ont de l'amour pour l'homme, ainsi que l'experience le fait voir tous les jours, et divers autheurs en ont escrit des choses admirables: comme ce qu'ils disent de ce dauphin, lequel aymoit si esperduement un jeune enfant qu'il avoit veu par plusieurs fois sur le bord de la mer, que cest enfant estant mort, le dauphin mourut luy-mesme de desplaysir.

  A006000184 

 Mais cela ne se doit pas appeller amitié, d'autant qu'il faut que la correspondance de l'amitié se trouve entre les deux qui s'ayment, et que ceste amitié se contracte par l'entremise de la raison.

  A006000184 

 Pour satisfaire à vostre demande, et faire bien entendre en quoy consiste l'amour cordial duquel les Sœurs se doivent aymer les unes les autres, il faut sçavoir que la cordialité n'est autre chose que l'essence de la vraye et sincere amitié, laquelle ne peut estre qu'entre personnes raisonnables, et qui fomentent et nourrissent leurs amitiés par l'entremise de la raison; car autrement ce ne peut estre amitié, ains seulement amour.

  A006000185 

 Aussi ces amitiés que les mondains contractent par ensemble, ou pour quelque interest particulier ou pour quelque sujet frivole, sont des amitiés grandement sujettes à perir et à se dissoudre; mais celle qui est entre les freres est tout au contraire, car elle est sans artifice, et partant fort recommandable.

  A006000185 

 C'est pourquoy les anciens Chrestiens de la primitive Eglise s'appelloient tous freres; et ceste premiere ferveur s'estant refroidie entre le commun des Chrestiens, l'on a institué les Religions, dans lesquelles on a ordonné que les Religieux s'appelleroient tous freres et sœurs, pour marque de la sincere et vraye amitié cordiale qu'ils se portent ou qu'ils se doivent porter, et comme il n'y a point d'amitié comparable à celle des freres, toutes les autres amitiés estant ou inegales ou faites avec artifice (comme celles que les personnes mariées ont par ensemble, lesquelles ils ont faites par des contracts escrits et prononcés par des notaires, ou bien par des promesses simples).

  A006000187 

 Il ne faudroit pas aussi si frequemment user de caresses, et à tout propos dire des paroles emmiellées, les jettant à belles poignées sur les premieres qu'on rencontre; car tout ainsi que si l'on mettoit trop de sucre sur une [58] viande elle tourneroit à dégoust, à cause qu'elle seroit trop douce et trop fade, de mesme les caresses trop frequentes seroyent rendues dégoustantes et l'on ne s'en soucieroit plus, sçachant que cela se fait par coustume.

  A006000187 

 Les viandes sur lesquelles on mettroit du sel à grosses poignées seroyent desagreables à cause de leur acrimonie; mais celles où le sel et le sucre sont mis par mesure sont rendues agreables au goust: de mesme, les caresses qui sont faites par mesure et discretion sont rendues agreables et profitables à celles à qui on les fait..

  A006000188 

 La vertu de bonne conversation requiert que l'on contribue à la joye sainte et moderée, et aux entretiens gratieux qui peuvent servir de consolation ou de recreation au prochain, en sorte que nous ne luy causions point d'ennuy par nos contenances refrongnées et melancoliques, ou bien refusant de nous recreer au temps qui est destiné pour ce faire.

  A006000190 

 C'est à ceux qui ont plus besoin de nous auxquels nous devons tesmoigner nostre amour plus particulierement; car c'est là où nous monstrons mieux que nous aymons par charité, que non pas en aymant ceux qui nous donnent plus de consolation que de peine.

  A006000191 

 Il se peut faire qu'une Sœur laquelle vous verrez chopper fort souvent et commettre force imperfections, sera plus vertueuse et plus agreable à Dieu (ou pour la grandeur du courage qu'elle conserve parmi ses imperfections, ne se laissant point troubler ni inquieter de se voir si sujette à tomber, ou bien par l'humilité qu'elle en retire, ou encores par l'amour de son abjection) que non pas une autre laquelle aura une douzaine de vertus, ou naturelles ou bien acquises, et laquelle aura moins d'exercice et de travail, et par consequent peut estre, moins de courage et d'humilité que non pas l'autre que l'on void si sujette à faillir.

  A006000191 

 Saint Pierre fut choisi pour estre le chef des Apostres, quoy qu'il fust sujet à beaucoup d'imperfections, en sorte qu'il en commettoit mesme apres qu'il eut receu le Saint Esprit; mais parce que nonobstant ces defauts, il avoit tous jours un grand courage et ne s'en estonnoit point, Nostre Seigneur le rendit son lieutenant et le favorisa par dessus tous les autres, de sorte que nul n'eust eu raison de dire qu'il ne meritoit pas d'estre precipué et avantagé par dessus saint Jean ou les autres Apostres..

  A006000192 

 Que si tant est qu'il soit vray que nous ayons de l'inclination à en aymer une plustost que l'autre, nous ne devons nous amuser à y penser, et encor moins à le luy dire; car nous ne devons pas aymer par inclination, ains aymer nostre prochain, ou parce qu'il est vertueux, ou pour l'esperance que nous avons qu'il le deviendra, mais principalement parce que telle est la volonté de Dieu..

  A006000193 

 C'est à ce souverain degré de l'amour du prochain que les Religieux et Religieuses, et nous autres qui sommes consacrés au service de Dieu, sommes appellés; car, ce [64] n'est pas assez d'assister le prochain de nos commodités temporelles, ce n'est pas encor assez, dit saint Bernard, d'employer nostre propre personne à souffrir pour cest amour: mais il faut passer plus avant, nous laissant employer pour luy par la tres-sainte obeissance, et par luy tout ainsi que l'on voudra, sans que jamais nous y resistions.

  A006000193 

 Car quand nous nous employons nous-mesmes, et par le choix de nostre propre volonté ou propre election, cela donne tousjours beaucoup de satisfaction à nostre amour propre; mais à nous laisser employer es choses que l'on veut, et que nous ne voulons pas, c'est à dire que nous ne choisissons pas, c'est là où gist le souverain degré de l'abnegation: comme quand nous voudrions prescher, on nous envoye servir les malades; quand nous voudrions prier pour le prochain, on nous envoye servir le prochain.

  A006000193 

 En quoy il nous apprend que de s'employer, voire de donner sa vie pour le prochain, n'est pas tant que de se laisser employer au gré des autres, ou par eux ou pour eux; et ce fut ce qu'il avoit appris de nostre doux Sauveur sur la croix.

  A006000193 

 Saint Paul parlant à ses enfans tres-chers: Je suis tout prest, dit-il, à donner ma vie pour vous et à m'employer si absolument que je ne veux faire aucune reserve, pour vous tesmoigner combien je vous ayme cherement et tendrement: ouy mesme, vouloit-il dire, je suis prest à laisser faire pour vous ou par vous tout ce que l'on voudra de moy.

  A006000196 

 Et par ainsi, ceste confiance nourrirait grandement la cordialité et la tranquillité de nos esprits, qui sont sujets à se troubler quand nous sommes recognus defaillans en quelque chose, pour petite qu'elle soit, comme si c'estoit grande merveille de nous voir imparfaits..

  A006000196 

 Je ne dis pas que si on avoit quelque don extraordinaire de Dieu il faille le dire à tout le monde, non; mais quant à nos petites consolations et nos petits biens, [66] je voudrois que l'on ne fist pas les reservées, ains que, quand l'occasion s'en presenteroit, non par forme de jactance ou vanterie, ains de simple confiance, l'on se les communiquast rondement et naïfvement les unes aux autres; et pour ce qui regarde nos defauts, que nous ne nous missions pas en peine de les couvrir; car pour ne les laisser pas voir au dehors ils n'en sont pas meilleurs.

  A006000196 

 Or je ne dis pas qu'il faille estre tout à fait comme ces enfans; mais je dis que ceste confiance doit faire que les Sœurs ne soyent pas chiches de communiquer leurs petits biens et petites consolations à leurs Sœurs, ne craignant pas aussi que leurs imperfections soyent remarquées par elles.

  A006000197 

 En fin pour conclusion de ce discours, il faut se ressouvenir tousjours que, pour quelque manquement de suavité que l'on commet quelques fois par mesgarde, l'on ne se doit pas fascher ni juger que l'on n'ayt point de cordialité; car l'on ne laisse pas d'en avoir.

  A006000197 

 Un acte [67] fait par cy, par là, pourveu qu'il ne soit pas frequent, ne fait pas l'homme vicieux, specialement quand on a bonne volonté de s'amender..

  A006000205 

 Comme aussi, pour dire une chose qui se peut dire en douze paroles, j'en dis vingt de gayeté de cœur et sans nul besoin; cela est inutile, sinon, toutesfois, que cette multiplication se fist par l'ignorance de celle qui parle, qui ne se sçait pas autrement expliquer, alors il n'y a pas peché..

  A006000205 

 Voulez-vous sçavoir ce qui seroit oyseux? Si lors que l'on doit parler de choses serieuses et saintes, une Sœur venoit à raconter un songe ou quelque conte fait à plaisir; alors son discours n'auroit point de fin, et par consequent seroit inutile.

  A006000207 

 De dire une parole de joyeuseté qui la mortifie un peu, pourveu que cela ne l'attriste, si je l'avois fait sans intention, mais par simple recreation, je ne m'en confesserojs pas.

  A006000213 

 Mais que pourrons-nous faire, dites-vous, pour acquerir cet esprit d'humilité tel que nous avons dit? O! il n'y a point d'autre moyen pour l'acquerir que pour toutes les autres vertus, qui ne s'acquierent que par des actes reiterés..

  A006000219 

 Mais d'autant qu'elle, nous fait plus abaisser et humilier par la cognoissance de ce que nous sommes de nous-mesmes, par le peu d'estime qu'elle fait de tout ce qui est en nous et de nous, d'autant aussi nous fait-elle grandement estimer à cause des biens qui sont en nous, et non pas de nous, qui sont la foy, l'esperance, l'amour de Dieu, pour peu que nous en ayons, comme aussi une certaine capacité que Dieu nous a donnée de nous unir à luy par le moyen de la grace; et quant à nous autres, nostre vocation, qui nous donne asseurance, autant que nous la pouvons avoir en ceste vie, de la possession de la gloire et felicité eternelle.

  A006000219 

 Or, l'humilité nous empesche de nous glorifier et estimer à cause de ces biens là, d'autant qu'elle n'en fait non plus de cas que d'un neant et d'un rien; et en effet, cela se doit par raison, n'estant point des biens stables et qui nous rendent plus agreables à Dieu, ains muables et sujets à la fortune.

  A006000220 

 Non seulement les vrays Chrestiens ont recognu qu'il falloit regarder ces deux sortes de biens qui sont en nous, les uns pour nous humilier, les autres pour glorifier la divine Bonté qui les nous a donnés, mais aussi les philosophes; car ceste parole qu'ils disent: « Cognois toy-mesme, » se doit entendre non seulement de la cognoissance de nostre vileté et misere, mais encor de celle de l'excellence et dignité de nos ames, lesquelles sont capables d'estre unies à la Divinité par sa divine Bonté, qui a mis en nous un certain instinct lequel nous fait tousjours tendre et pretendre à ceste union en laquelle consiste tout nostre bonheur..

  A006000223 

 Pareillement, à faute de ceste generosité, il se fait fort peu d'actes de vraye contrition; d'autant qu'apres nous estre humiliés et confondus devant la divine Majesté en consideration de nos grandes infidelités, nous ne venons pas à faire cest acte de confiance, nous relevant le courage par une asseurance que nous devons avoir que la divine Bonté nous donnera sa grace, pour desormais luy estre fidelles et correspondre plus parfaitement à son amour.

  A006000223 

 Si donc il est ainsi, qui m'asseurera que je ne manqueray point à la grace desormais, puisque je luy ay manqué tant de fois par le passé? Je responds que la generosité fait que l'ame dit hardiment et sans rien craindre: Non, je ne seray plus infidelle à Dieu; et parce qu'elle sent en son cœur ceste resolution de ne l'estre jamais, elle entreprend sans rien craindre tout ce qu'elle sçait la pouvoir rendre [78] agreable à Dieu, sans exception d'aucune chose; et entreprenant tout, elle croid de pouvoir tout, non d'elle-mesme, ains en Dieu auquel elle jette toute sa confiance; et pour ce elle fait et entreprend tout ce qu'on luy commande et conseille..

  A006000225 

 J'ay mis dans le livre de l' Introduction un exemple qui sert à mon sujet et qui est fort remarquable: c'est du roy Achaz, lequel estant reduit à une tres-grande affliction par la rude guerre que luy faisoyent deux autres roys lesquels avoient assiegé Hierusalem, Dieu commanda au prophete Isaïe de l'aller consoler de sa part, et luy promettre qu'il emporteroit la victoire et [79] demeureroit triomphant de ses ennemis.

  A006000225 

 Lors, Achaz se mesfiant de la bonté de Dieu et de sa liberalité: Non, dit-il, je ne le feray pas, d'autant que je ne veux pas tenter Dieu. Mais le miserable ne disoit pas cela pour l'honneur qu'il portoit à Dieu; car au contraire, il refusoit de l'honnorer, parce que Dieu vouloit estre glorifié en ce temps là par des miracles, et Achaz refusoit de luy en demander un qu'il luy avoit signifié qu'il desireroit faire.

  A006000226 

 Mais vous me dites, que possible vous avez plusieurs miseres interieures et de grandes imperfections que vos Superieurs ne cognoissent pas, et qu'ils se fondent sur les apparences exterieures par lesquelles vous avez peut estre trompé leurs esprits.

  A006000226 

 Vos vertus se cognoissent par la fidelité que vous avez à les pratiquer, et de mesme les imperfections se recognoissent par les actes.

  A006000227 

 En ce cas, il seroit ce semble, permis de faire un peu de resistance; mais sçavez-vous à qui? à une Fille de Dijon, par exemple, à laquelle une Superieure d'Annessy envoyeroit le commandement d'estre Superieure, ne l'ayant jamais veuë ny cognuë.

  A006000227 

 Puis, ils estoyent poursuivis et recherchés par des peuples qui ne les cognoissoyent point que par reputation.

  A006000228 

 Ces tendretés se nourrissent des vaines reflexions [81] que nous faisons sur nous-mesmes, principalement quand nous avons bronché en nostre chemin par quelque faute; car ceans, par la grace de Dieu, l'on ne tombe jamais du tout, nous ne l'avons encore point veu, mais l'on bronche; et au lieu de s'humilier tout doucement, et puis se redresser courageusement, comme nous avons dit, l'on entre en la consideration de sa pauvreté, et dessus cela l'on commence à s'attendrir sur soy-mesme.

  A006000228 

 Et par apres, l'on passe au découragement qui nous fait dire: O non, il ne faut plus rien esperer de moy, je ne feray jamais rien qui vaille, c'est perdre le temps que de me parler; et là dessus, nous voudrions quasi que l'on nous laissast là, comme si l'on estoit bien asseuré de ne pouvoir jamais rien gagner avec nous.

  A006000229 

 Et cela, parce qu'elle considere que Celuy qui luy a donné les consolations est Celuy-là mesme qui luy envoye les afflictions; lequel luy envoye les unes et les autres poussé du mesme amour, qu'elle recognoist estre tres-grand, parce que par l'affliction interieure de l'esprit il pretend de l'attirer à une tres-grande perfection, qui est l'abnegation de toute sorte de consolations en ceste vie, demeurant tres-asseurée que Celuy qui l'en prive icy bas ne l'en privera point eternellement là haut au Ciel..

  A006000230 

 Hé, pour Dieu! considerons que Nostre Seigneur et nostre Maistre a bien voulu estre exercé par ces ennuys interieurs, mais d'une façon incomparable.

  A006000231 

 Et qu'importe? Nous sommes certes comme des enfans, lesquels sont bien aises d'aller dire à leur mere qu'ils ont esté piqués d'une abeille, à fin que la mere les plaigne et souffle sur le mal qui est desja gueri; car nous voulons aller dire à [84] nostre Mere que nous avons esté bien affligées, et agrandir nostre affliction, la racontant toute par le menu, sans oublier une petite circonstance qui nous puisse faire un peu plaindre.

  A006000232 

 Je dis qu'il le faut dire en vostre reveuë, mais non pas par maniere de confession, ains pour tirer instruction comment l'on s'y doit comporter: je dis quand l'on ne void pas clairement d'avoir donné quelque sorte de consentement; car si vous allez dire: Je m'accuse dequoy durant deux jours j'ay eu de grands mouvemens de colere, mais je n'y ay pas consenti, vous dites vos vertus au lieu de dire vos defauts.

  A006000237 

 Allez, leur dit-il, et ne pensez ni de quoy vous mangerez, ni de quoy vous boirez, ni de quoy vous vous vestirez, ni mesme ce que vous aurez à dire estant devant les grands seigneurs et magistrats des provinces par où vous passerez; car en chaque occasion vostre Pere celeste vous fournira de tout ce qui vous sera necessaire.

  A006000237 

 Considerons, je vous supplie, ce que Nostre Seigneur et nostre Maistre dit à ses Apostres [87] pour establir en eux ceste sainte et amoureuse confiance: Je vous ay envoyés par le monde sans besaces, sans argent et sans nulles provisions, soit pour vous nourrir, soit pour vous vestir; quelque chose vous a-t'elle manqué? Et ils dirent: Non.

  A006000238 

 Car, qu'est-ce que Dieu desire de vous sinon ce qu'il ordonna à ses Apostres et ce pourquoy il les envoya par le monde, qui estoit ce que Nostre Seigneur mesme estoit venu faire en ce monde, qui fut pour donner la vie aux hommes? et non seulement cela, dit-il, mais à fin qu'ils vescussent d'une vie plus abondante, qu'ils eussent la vie et une vie meilleure, ce qu'il a fait en leur donnant la grace.

  A006000238 

 Les Apostres furent envoyés de Nostre Seigneur par toute la terre pour le mesme sujet, car Nostre Seigneur leur dit: Ainsi que mon Pere m'a envoyé, je vous envoye; allez, et donnez la vie aux hommes.

  A006000238 

 Mais ne vous contentez pas de cela: faites qu'ils vivent, et d'une vie plus parfaite par le moyen de la doctrine que vous leur enseignerez; ils auront la vie en croyant à ma parole que vous leur exposerez, mais ils auront une vie plus abondante par le bon exemple que vous leur donnerez.

  A006000239 

 De mesme, mes cheres filles, estes-vous maintenant commandées d'aller çà et là en divers lieux, pour faire [89] que les araes ayent la vie, et qu'elles vivent d'une meilleure vie: car, qu'est-ce que vous allez faire sinon tascher de donner cognoissance de la perfection de vostre Institut, et par le moyen de ceste cognoissance attirer plusieurs ames à embrasser toutes les observances qui y sont comprises et encloses? Mais sans prescher et conferer les Sacremens et remettre les pechés, ainsi que faisoyent les Apostres, n'allez-vous pas donner la vie aux hommes? mais, pour parler plus proprement, n'allez-vous pas donner la vie aux filles? puisque peut estre cent et cent filles qui se retireront à vostre exemple dans vostre Religion, se fussent perdues demeurant au monde, lesquelles iront jouïr au Ciel, pour toute eternité, de la felicité incomprehensible.

  A006000239 

 Et n'est-ce pas par vostre moyen que la vie leur sera donnée, et qu'elles vivront d'une vie plus abondante, c'est à dire d'une vie plus parfaite et plus agreable à Dieu? vie qui les rendra capables de s'unir plus parfaitement à la divine Bonté, car elles recevront de vous les instructions necessaires pour acquerir le vray et pur amour de Dieu, qui est ceste vie plus abondante que Nostre Seigneur est venu donner aux hommes.

  A006000241 

 Il est vray, c'est une chose de grande consequence et de grande importance que celle que vous entreprenez; mais pourtant vous auriez tort si vous n'en esperiez un bon succes, veu que vous ne l'entreprenez pas par vostre choix, ains pour satisfaire à l'obeissance.

  A006000243 

 C'est un des principaux fruicts de la Religion que ceste sainte union qui se fait par la charité, union qui est telle, que de plusieurs cœurs il n'en est fait qu'un cœur, et de plusieurs membres il n'en est fait qu' un corps; tous sont tellement faits un en Religion, que tous les Religieux d'un Ordre ne sont, ce semble, qu'un seul Religieux.

  A006000244 

 Le Religieux n'a rien à luy en son particulier, à cause du vœu sacré qu'il a fait de la pauvreté volontaire; et par la profession sainte que les Religieux font de la tres-sainte charité, toutes leurs vertus sont communes, et tous sont participans des bonnes œuvres les uns des autres, et jouiront du fruict d'icelles, pourveu qu'ils se tiennent tousjours en charité et en l'observance des Regles de la Religion en laquelle Dieu les a appellés: si que celuy qui est en quelque office domestique ou en quelque autre exercice quel que ce soit, contemple en la personne de celuy qui est en oraison au chœur; celuy qui repose participe au [95] travail qu'a l'autre, qui est en exercice par le commandement du Superieur..

  A006000244 

 Or quant à nous autres, non seulement nous demeurerons tous jours unis par ensemble, mais bien plus, car nostre union s'ira tous les jours plus perfectionnant, et ce doux et tres-aymable lien de la sainte charité sera tousjours de plus en plus serré et renoué à mesure que nous nous avancerons en la voye de nostre propre perfection; car nous rendant plus capables de nous unir à Dieu, nous nous unirons davantage les uns aux autres, si qu'à chaque Communion que nous ferons nostre union sera rendue plus parfaite, car nous unissant avec Nostre Seigneur nous demeurerons tousjours plus unis ensemble: aussi la reception sacrée de ce Pain celeste et de ce tres-adorable Sacrement s'appelle Communion, c'est à dire comme union.

  A006000246 

 Il me semble, certes, quand je regarde et considere le commencement de vostre Institut, qu'il represente bien l'histoire d'Abraham; car comme Dieu luy eut donné parole que sa race seroit multipliée comme les estoilles du firmament et comme le sablon de la mer, il luy commanda neantmoins de luy sacrifier son fils par lequel la promesse de Dieu devoit estre accomplie; Abraham espera, et s'affermit en son esperance contre l'esperance mesme, et son esperance ne fut point vaine, ains fructueuse.

  A006000246 

 Mais qui eust peu croire cela, puisqu'en les enserrant dans leur petite maison nous ne pensions à autre chose que de les faire mourir au monde? Elles furent sacrifiées, ains elles se sacrifierent elles-mesmes volontairement; et Dieu se contenta tellement de leur sacrifice, qu'il ne leur donna pas seulement une nouvelle vie pour elles-mesmes, ains une vie si abondante qu'elles la peuvent par sa grace communiquer à plusieurs ames, ainsi que l'on void maintenant..

  A006000247 

 Il me semble, certes, que ces trois premieres Sœurs sont grandement bien representées par les trois grains de bled qui se trouverent emmi la paille qui estoit sur le chariot de Triptolemus, laquelle servoit à conserver ses armes; car estant portée en un païs où il n'y avoit point de bled, ces trois grains furent pris et jettés en terre, lesquels en produirent d'autres en telle quantité que dans peu d'années toutes les terres de ce païs-là en furent ensemencées.

  A006000249 

 Et comme les jeunes filles sont amoureuses des bonnes odeurs, ainsi que dit la sacrée amante au Cantique des Cantiques, que le nom de son Bien-Aymé est comme une huile ou un baume qui respand de toutes parts des odeurs infiniment agreables, et c'est pourquoy, [100] adjouste-t'elle, les jeunes filles l'ont suivi, attirées de ses divins parfums, faites, mes cheres Soeurs, que comme parfumeuses de la divine Bonté, vous alliez si bien respandant de toutes parts l'odeur incomparable d'une tres-sincere humilité, douceur et charité, que plusieurs jeunes filles soyent attirées à la suite de vos parfums, et embrassent vostre sorte de vie, par laquelle elles pourront comme vous, jouïr en ceste vie d'une sainte et amoureuse paix et tranquillité de l'ame, pour, par apres, aller jouïr de la felicité eternelle en l'autre..

  A006000250 

 Vostre Congregation est comme une ruche d'abeilles, laquelle a desja jetté divers essaims; mais avec ceste difference neantmoins que, les abeilles sortant pour aller se retirer en une autre ruche et là commencer un mesnage nouveau, chaque essaim choisit un roy particulier sous lequel elles militent et font leur retraite: mais quant à vous, mes cheres ames, si bien vous allez dans une ruche nouvelle, c'est à dire que vous allez commencer une nouvelle maison de vostre Ordre, neantmoins vous n'avez tousjours qu'un mesme Roy, qui est Nostre Seigneur crucifié, sous l'authorité duquel vous vivrez en asseurance par tout où vous serez.

  A006000255 

 Et cent autres loix qu'elles ont, qui sont infiniment aymables et utiles à observer par les ames qui sont dediées en la Religion au service plus special de la divine Bonté.

  A006000258 

 O que nous serions heureux si nous faisions tout pour nostre aymable Colombeau qui est le Saint Esprit! car il prendroit le soin de nous; et à mesure que nostre confiance par laquelle nous nous reposerions en sa providence seroit plus grande, plus aussi son soin s'estendroit sur toutes nos necessités.

  A006000260 

 Tout nostre bien dépend de la grace de Dieu, en laquelle nous devons jetter toute nostre confiance; et cependant il semble, par l'empressement qu'elles ont à beaucoup faire, qu'elles se confient en leur travail et en la multiplicité des exercices qu'elles embrassent, ne leur semblant jamais de pouvoir assez faire.

  A006000261 

 Il semble que ces ames empressées à la queste de leur perfection ayent mis en oubli, ou qu'elles ne sçachent pas ce que dit Jeremie: O pauvre homme, que fais-tu de te confier en ton travail et en ton industrie? Ne [107] sçais-tu pas que c'est à toy voirement de bien cultiver la terre, de la labourer et ensemencer, mais que c'est à Dieu de donner l'accroissement aux plantes et faire que tu ayes une bonne recolte et la pluye favorable à tes terres ensemencées? Tu peux bien arroser, mais pourtant tout cela ne te serviroit de rien si Dieu ne benissoit ton travail et ne te donnoit, par sa pure grace et non par tes sueurs, une bonne recolte: dépens donc entierement de sa divine bonté.

  A006000262 

 C'est bien dit qu'il faut tousjours s'avancer, respondis-je; mais nostre avancement ne se fait pas comme vous pensez, par la multitude des exercices de pieté, ains par la perfection avec laquelle nous les faisons, nous confiant tousjours plus en nostre cher Colombeau et nous desfiant davantage de nous-mesmes.

  A006000264 

 Mais un saint Paul premier hermite, parvint-il à la sainteté qu'il s'acquit par la lecture des bons livres? il n'en avoit point.

  A006000264 

 Un saint Antoine, qui a esté honnoré de Dieu et des hommes à cause de sa tres-grande sainteté, dites-moy, comment est-il parvenu à une si grande sainteté et perfection? est-ce à force de lire, ou par des conferences et frequentes Communions, ou par la multitude des predications qu'il oyoit? Nullement; ains il y parvint en se servant de l'exemple des saints hermites, prenant de l'un l'abstinence, de l'autre l'oraison, et ainsi il alloit comme une soigneuse abeille, picorant et cueillant les vertus des serviteurs de Dieu, pour en composer le miel d'une sainte edification.

  A006000267 

 Ces grands Saints, Augustin, Gregoire, Hilaire, duquel nous faisons la feste aujourd'huy, ni beaucoup d'autres n'ont point tant estudié; ils n'eussent sceu le faire, composant tant de livres qu'ils ont fait, preschant et faisant tout le reste qui appartenoit à leurs charges; mais ils avoyent une si grande confiance en Dieu et en sa grâce, et une si grande mesfiance d'eux-mesmes, qu'ils ne s'attendoyent ni confioyent nullement en leur industrie ni en leur travail, si qu'ils firent toutes les grandes œuvres qu'ils ont faites purement par la confiance qu'ils avoyent mise en la grace de Dieu et en sa toute-puissance: C'est vous, disoyent-ils, ô Seigneur, qui nous faites travailler et pour qui nous travaillons; [112] ce sera vous qui benirez nos sueurs et qui nous donnerez une bonne recolte.

  A006000268 

 Il ne se plaint point que Dieu lui ayt osté les moyens qu'il avoit de faire tant de bonnes œuvres, ains il dit avec la colombe: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais; non des aumosnes, car il n'a pas de quoy, mais en ce seul acte de sousmission et de patience qu'il fit se voyant privé de tous ses biens et de ses enfans, il fit plus qu'il n'avoit fait par toutes les grandes charités qu'il faisoit durant le temps de sa prosperité, et se rendit plus agreable à Dieu en ce seul acte de patience, qu'il n'avoit fait en tant et tant de bonnes œuvres qu'il avoit faites durant sa vie; car il falloit avoir un amour plus fort et genereux pour cest acte seul, qu'il n'avoit esté besoin pour tous les autres mis ensemble..

  A006000269 

 Il nous en faut donc faire de mesme pour observer ceste aymable loy des colombes, nous laissant despouiller par nostre souverain Maistre de nos petits colombeaux, c'est à dire des moyens d'executer nos desirs, quand il luy plaist de nous en priver, pour bons qu'ils soyent, sans nous plaindre ni lamenter jamais de luy comme s'il nous faisoit grand tort; ains nous devons nous appliquer à doubler, non nos desirs ni nos exercices, mais la perfection avec laquelle nous les faisons, taschant par ce moyen de gagner plus par un seul acte, comme indubitablement nous ferons, que nous ne ferions pas avec cent autres faits selon nostre propension et affection.

  A006000269 

 Nostre Seigneur ne veut pas que nous portions sa croix sinon par le bout, et il veut estre honnoré comme les grandes dames, lesquelles font porter la queue de leurs robes; il veut pourtant que nous portions la croix qu'il nous met sur les espaules, qui est la nostre mesme.

  A006000270 

 Mon Dieu, quelle foiblesse! la consolation manque, et par mesme moyen, le courage.

  A006000270 

 O que j'ay? je suis si alangourie! rien ne me peut contenter, tout m'est à desgoust, je suis maintenant si confuse! Mais de quelle confusion? car il y en a de deux sortes: l'une qui conduit à l'humilité et à la vie, et l'autre, au desespoir et par consequent à la mort.

  A006000272 

 Qu'est-ce qu'il disoit lors que Dieu faisoit multiplier ses biens, luy donnoit des enfans, et en fin luy envoyoit à souhait selon qu'il l'eust peu desirer en ceste vie? que disoit-il, sinon: Le nom de Dieu soit beni? C'estoit son cantique d'amour qu'il chantoit en toute occasion; car voyez-le reduit à l'extremité de l'affliction: qu'est-ce qu'il fait? il chante son cantique [117] de lamentation sur le mesme air que celuy qu'il chantoit par resjouïssance: Nous avons receu, dit-il, les biens de la main du Seigneur, pourquoy n'en recevrons-nous les maux? Le Seigneur m' avoit donné des enfans et des biens, le Seigneur me les a ostés, son saint nom soit beni.

  A006000273 

 L'amour donc que nous portons à Nostre Seigneur nous sollicitera de les observer et garder, à fin que nous puissions dire, à l'imitation de la belle colombe du souverain Colombeau, qui est l'Espouse sacrée: Mon Bien-Aymé est tout mien, et moy je suis toute pour luy, ne faisant rien que pour luy plaire; il a tousjours son cœur tourné de mon costé par prevoyance, comme j'ay le mien tourné de son costé par confiance.

  A006000273 

 Le bon-heur aussi de ceux qui auront observé la seconde loy sera grand; car s'estans laissé despouiller par le Maistre, qui est Nostre Seigneur, de tous leurs petits colombeaux, et ne s'estans nullement faschés ni despités, ains ayant eu le courage de dire: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais, demeurans sousmis au bon plaisir de Celuy qui les aura despouillés, ils chanteront d'autant plus courageusement là haut au Ciel le cantique tres-aymable: Dieu soit beni, emmi les consolations eternelles, qu'ils l'auront chanté de meilleur cœur parmi les desolations, langueurs et desgousts de ceste vie mortelle et passagere, durant laquelle il nous faut tascher de conserver soigneusement la continuelle et tres-aymable egalité d'esprit.

  A006000273 

 Voila donc les trois loix que je vous donne, lesquelles neantmoins estant loix toutes d'amour n'obligent que par amour.

  A006000278 

 Et ce vray despouillement se fait par trois degrés: le premier est l'affection du despouillement, qui s'engendre en nous par la consideration de la beauté de ce despouillement; le second degré est la resolution qui suit l'affection, car nous nous resolvons aisément à un bien que nous affectionnons; le troisiesme est la pratique, qui est le plus difficile..

  A006000281 

 Tous ces despouillemens et renoncemens des choses susdites se doivent faire non par mespris, mais par abnegation, pour le seul et pur amour de Dieu..

  A006000284 

 Il est vray, mes cheres Sœurs, que l'on ne sçauroit jamais parvenir à la perfection tandis que l'on a de l'affection à quelque imperfection, pour petite qu'elle soit, voire mesme quand ce ne seroit qu'avoir une pensée inutile; et vous ne sçauriez croire combien cela porte de mal à une ame, car dés que vous aurez donné à vostre [124] esprit la liberté de s'arrester à penser à une chose inutile, il pensera par apres à des choses pernicieuses: il faut donc couper court au mal dés que nous le voyons, pour petit qu'il soit.

  A006000284 

 Il faut aussi examiner à bon escient s'il est vray, comme il nous semble quelquefois, que nous n'ayons point nos affections engagées: par exemple, si quand l'on vous loue vous venez à dire quelque parole qui agrandisse la louange que l'on vous donne, ou bien quand vous la recherchez par paroles artificieuses, disant que vous n'avez plus la memoire ou l'esprit si bon que vous souliez avoir pour bien parler, hé! qui ne void que vous pretendez que l'on vous die que vous parlez tousjours extremement bien? Cherchez donc au fond de vostre conscience si vous y pouvez trouver de l'affection à la vanité.

  A006000284 

 Or, nos affections sont si pretieuses, puisqu'elles doivent estre toutes employées à aymer Dieu, qu'il faut bien prendre garde de ne les pas loger en des choses inutiles; et une faute, pour petite qu'elle puisse estre, faite avec affection, est plus contraire à la perfection que cent autres faites par surprinse et sans affection,.

  A006000285 

 Or, les actes de charité qui se font autour de ceux que nous aymons de ceste sorte sont mille fois plus parfaits, d'autant que tout tend purement à Dieu; mais les services et autres assistances que nous faisons à ceux que nous aymons par inclination sont beaucoup moindres en merite, à cause de la grande complaisance et satisfaction que nous avons à les faire, et que, pour l'ordinaire, nous les faisons plus par ce mouvement que par l'amour de Dieu.

  A006000287 

 Il est vray que là où il y a davantage de Dieu, c'est à dire plus de vertu, qui est une participation des qualités divines, nous y devons plus d'affection: comme par exemple, s'il se trouve des ames plus parfaites que celle de vostre Superieure, vous les devez aymer davantage pour ceste raison là; neantmoins nous devons aymer beaucoup plus nos Superieurs parce qu'ils sont nos peres et nos directeurs..

  A006000288 

 Autant en faut-il dire pour ce qui regarde le temporel; car pourveu que la maison soit accommodée, nous ne devons pas nous soucier si c'est par nostre moyen ou par un autre.

  A006000288 

 Comme par exemple, je me trouve à une porte avec une plus jeune que moy, et je me retire pour luy donner le devant; à mesure que je pratique ceste humilité, elle doit avec douceur pratiquer la simplicité, et essayer à une autre rencontre de me prevenir.

  A006000288 

 De mesme, si je luy donne un siege ou me retire de ma place, elle doit estre contente que je fasse ce petit gain, et par ce moyen elle en sera participante; comme si elle disoit: Puisque je n'ay peu faire cest acte de vertu, je suis bien aise que ceste Sœur l'ayt fait.

  A006000288 

 Et non seulement il n'en faut pas estre marrie, mais il faut estre disposée à contribuer tout ce que nous pouvons pour cela, jusques à nostre peau, s'il en estoit besoin; car, pourveu que Dieu soit glorifié, nous ne nous devons pas soucier par qui; de telle sorte que [128] s'il se presentoit une occasion de faire quelque œuvre de vertu et que Nostre Seigneur nous demandast qui nous aymerions mieux qui la fist, il faudroit respondre: Seigneur, celle qui la pourra faire plus à vostre gloire.

  A006000293 

 La premiere, et celle qui le porte par eminence au dessus des autres, c'est la bien-seance de nostre maintien exterieur: et à cette vertu sont opposés deux vices, à sçavoir, la dissolution en nos gestes et contenances, c'est à dire la legereté; l'autre vice qui ne luy est pas moins contraire, est une contenance affectée.

  A006000295 

 Ceste vertu est aussi fort recommandée à cause de l'edification du prochain, et vous asseure que la simple modestie exterieure en a converti plusieurs, ainsi qu'il arriva à saint François, lequel passa une fois par une ville avec une si grande modestie en son maintien que, sans qu'il dist une seule parole, il y eut grand nombre de jeunes gens qui le suivirent, attirés de ce seul exemple, pour estre instruits de luy.

  A006000295 

 Et ce qu'il dit à son disciple saint Timothée, qu' il faut que l'Evesque soit orné, s'entend qu'il soit orné de modestie et non pas de riches vestemens, à fin que par son maintien modeste, il baille confiance à chacun de l'aborder, évitant également la rusticité comme la legereté, à fin que donnant la liberté aux mondains de l'approcher, ils ne croyent pas qu'il soit mondain comme eux..

  A006000297 

 Le grand saint Arsenius, lequel fust esleu par le Pape saint Damase pour instruire et eslever le fils de l'Empereur Theodose, Arcadius, qui luy devoit succeder au gouvernement de l'Empire, apres avoir esté honnoré plusieurs années en la cour, et autant favorisé de l'Empereur qu'homme du monde, il s'ennuya en fin de toutes ces vanités, bien qu'il ne vescust pas moins chrestiennement qu'honnorablement en la cour, et se resolut de se retirer au desert avec les saints Peres hermites qui y vivoyent: il executa fort courageusement [134] son dessein.

  A006000298 

 Premierement, la prudence du Superieur à craindre de fascher le bon Arsenius par une correction de si peu d'importance, cherchant neantmoins le moyen de l'en faire corriger, où il monstre bien qu'ils estoyent tous tres-exacts à la moindre chose qui regarde la modestie.

  A006000299 

 De mesme, la volonté qui n'est pas retenue par la modestie passe d'un sujet à un autre pour s'esmouvoir à aymer Dieu et à desirer plusieurs moyens de le servir, et cependant il ne faut point tant de choses.

  A006000299 

 Mieux vaut s'attacher à Dieu comme Magdelaine, se tenant à ses pieds, luy demandant qu'il nous donne son amour, que de penser comment et par quel moyen nous le pourrons acquerir.

  A006000301 

 Et ainsi elles eviteront les deux extremités dites cy-dessus, retranchant d'une part la curiosité de l'entendement par la simple attention à Dieu, et de l'autre la stupidité et nonchalance d'esprit par les exercices de la charité [138] qu'elles pratiqueront envers le prochain quand il sera requis..

  A006000301 

 Les abeilles n'ont aucun arrest tandis qu'elles n'ont point de roy, elles ne cessent de voleter par l'air, de se dissiper et esgarer, n'ayant presque nul repos en leur ruche; mais dés aussi tost que leur roy est né, elles se tiennent ramassées toutes autour de luy, et ne sortent que pour la cueillette et par le commandement de leur roy.

  A006000302 

 Je lisois ces jours passés la Regle que saint Augustin a faite pour les Religieuses, où il dit expressement que les Sœurs ne lisent jamais aucuns livres que ceux qui leur seront donnés par la Superieure; et apres il fit le mesme commandement à ses Religieux, tant il avoit de cognoissance du mal qu'apporte la curiosité de vouloir sçavoir autre chose que ce qui nous est necessaire pour mieux servir Dieu, qui est certes fort peu de chose; car si vous marchez en simplicité par l'observance de vos Regles, vous servirez parfaitement Dieu, sans vous espancher ou rechercher de sçavoir autres choses.

  A006000303 

 Ces ames icy, au moins, ont du contentement en elles-mesmes par l'imagination qu'elles ont d'estre saintes, bien que leur contentement soit vain.

  A006000303 

 Il y en a d'autres, qui à force de penser à la vie de sainte Catherine de Sienne et de Genes, pensent aussi estre par imitation des saintes Catherines.

  A006000305 

 Celuy qui escrit sa Vie dit qu'un jour qu'il alloit par les bois pour en couper, il vint une grande troupe de ces esprits infernaux pour l'espouvanter, qui se rangerent comme des soldats qui posent la garde, tous bien armés, et se crioyent l'un à l'autre: Faites place au saint homme.

  A006000306 

 Souventefois aussi on se rencontre en des occasions où il est necessaire de beaucoup dire en se taisant, par la modestie, égalité, patience et tranquillité.

  A006000307 

 De celle-cy, il n'est pas besoin de dire autre chose, sinon qu'il faut eviter la saleté et messeance en la façon de s'habiller; comme aussi l'autre extremité, qui est un trop grand soin de nous bien habiller, avec curiosité affectée d'estre bien accommodé, cela est vain; mais la netteté a esté fort recommandée par saint Bernard, comme estant un grand indice de la pureté et netteté de l'ame.

  A006000308 

 Vous ne voulez pas avoir du sentiment, mais aussi vous ne voulez pas sousmettre vostre jugement qui vous fait croire que la correction a esté faite mal à propos, ou bien qu'elle a esté faite par passion ou chose semblable: qui ne void que ce seditieux se jettera sur vous et vous accablera de mille sortes de confusions, si promptement vous ne le chassez bien loin?.

  A006000310 

 Mais remarquez ce mot que je me plais grandement à dire à cause de son utilité: humiliez-vous d'une humilité douce et paisible, et non pas d'une humilité chagrine et troublée; car c'est nostre malheur, nous portons devant Dieu des actes d'humilité despiteux et ennuyeux, et par ce moyen nous ne raccoisons pas nos esprits, et ces actes sont infructueux.

  A006000312 

 Cela se fait, ma fille, par le commandement de l'amour propre.

  A006000315 

 Elle void que ce pauvre petit s'affectionne à courir apres les papillons, pensant de les attrapper; elle le retire et retient incontinent par le bras, luy disant: Mon enfant, tu te morfondras à courir apres ces papillons au soleil, il vaut mieux que tu demeures aupres de moy.

  A006000317 

 Demandez-vous comment il faut faire pour se tenir tousjours avec un grand respect devant Dieu, comme estans tres-indignes de ceste grace? Il n'y a point d'autre moyen de le faire que comme vous le dites: regarder qu'il est nostre Dieu, et que nous sommes ses foibles creatures, indignes de cest honneur; comme faisoit saint François, qui passa toute une nuict interrogeant Dieu en ces termes: « Qui estes-vous, et qui suis-je? » En fin, si vous me demandez: Comment pourray-je faire pour acquerir l'amour de Dieu? je vous diray: En le voulant aymer; et au lieu de vous appliquer à penser et demander comment vous pourrez faire pour unir vostre esprit à Dieu, que vous vous mettiez en la pratique par une continuelle application de vostre esprit à Dieu, et je vous asseure que vous parviendrez bien plus [150] tost à vostre pretention par ce moyen-là que non pas par aucune autre voye; car à mesure que nous nous dissipons nous sommes moins recueillis, et partant moins capables de nous unir et joindre avec la divine Majesté, qui nous veut tout sans reserve.

  A006000317 

 Il me semble que ceux auxquels on demande le chemin du Ciel ont grande raison de dire comme ceux qui disent que pour aller à un tel lieu il faut tousjours aller, mettant l'un des pieds devant l'autre, et que par ce moyen on parviendra où l'on desire.

  A006000318 

 C'est que vous voudriez que je vous enseignasse une voye de perfection toute faite, en sorte qu'il n'y eust qu'à la mettre sur la teste, comme vous feriez vostre robbe, et que par ce moyen vous vous trouvassiez parfaite sans peine, c'est à dire que je vous donnasse la perfection toute faite; car ce que je dis, qu'il faut faire, n'est pas trouvé agreable à la nature; ce n'est pas ce [151] que nous voudrions.

  A006000320 

 Il luy respondroit: ne mangez point de telles ou telles viandes, parce qu'elles engendrent des crudités qui causent par apres des douleurs; elle ne voudroit pourtant pas s'en abstenir.

  A006000320 

 Nous faisons de mesme: nous voudrions, par exemple, bien aymer la correction, mais nous voulons neantmoins estre obstinés; ô c'est une folie, cela ne se peut.

  A006000321 

 Au reste, ce n'est pas estre foible de tomber quelquesfois en des pechés veniels, pourveu que nous nous en relevions tout incontinent par un retour de nostre ame en Dieu, nous humiliant tout doucement.

  A006000322 

 Et pourquoy cela, sinon parce que Nostre Seigneur voyant qu'elles ne se feroyent pas grand mal en tombant, les a laissées marcher toutes seules, ce qu'il n'a pas fait lors qu'elles estoyent dans les precipices des grandes tentations, d'où il les a tirées par sa main toute-puissante.

  A006000322 

 Nous avons souvent veu des ames supporter courageusement des grands assauts sans estre vaincues par leurs ennemis, lesquelles par apres ont esté surmontées en des bien legers rencontres.

  A006000322 

 Sainte Paule, [155] laquelle fut si genereuse à se dépestrer du monde, quittant la ville de Rome et tant de commodités, et laquelle ne peut estre esbranlée par l'affection maternelle qu'elle portoit à ses enfans, tant son cœur estoit resolu de quitter tout pour Dieu, apres avoir fait toutes ces grandes merveilles, elle se laissa surmonter par la tentation de son propre jugement, qui luy faisoit accroire qu'il ne se falloit pas sousmettre à l'advis de plusieurs saints personnages qui vouloyent qu'elle retranchast quelque chose de ses austerités ordinaires: en quoy saint Hierosme advouë qu'elle estoit reprehensible..

  A006000323 

 Remarquons pour conclusion, que tout ce que nous avons dit en cest Entretien sont des choses assez delicates pour la perfection; et partant, que nulle de vous autres qui les avez entendues n'ayt à s'estonner si elle ne se trouve parvenue à ceste perfection, puisque, par la grace de Dieu, vous avez toutes le courage bon pour y vouloir pretendre.

  A006000328 

 Quand on est parvenu là, alors on ayme tellement à obeir, que l'on desire insatiablement d'estre commandé, à fin que tout ce que l'on fait soit fait par obeissance; et cecy est l'obeissance des parfaits, et celle que je vous desire, laquelle procede d'un pur don de Dieu, ou bien est acquise avec beaucoup de temps et de travail par une quantité d'actes souvent reiterés et produits à vive force, par le moyen desquels nous acquerons l'habitude.

  A006000330 

 C'est un acte de grande humilité de faire toute sa vie par obeissance un mesme exercice qui soit abject, car il peut arriver force tentations que l'on seroit bien capable de quelque chose de plus grand.

  A006000330 

 Il se trouve par tout des exemples admirables de la perseverance, mais particulierement dans la vie de saint Pachome.

  A006000332 

 Car encore que nous obeissions avec repugnance et quasi comme forcés par l'obligation de nostre condition, nostre obeissance ne laisse pas d'estre bonne en vertu de nostre premiere resolution; mais elle est d'une valeur et d'un merite infiniment grand quand elle est faite avec les conditions que nous avons dites; car une chose, pour petite qu'elle soit, estant faite avec une telle obeissance, est de tres-grande valeur..

  A006000333 

 L'obeissance est une vertu si excellente que Nostre Seigneur a voulu conduire tout le cours de sa vie par obeissance, ainsi qu'il a dit tant de fois qu'il n'estoit pas venu pour faire sa volonté, ains celle de son Pere; et l'Apostre dit qu'il s'est fait obeissant jusques à la mort, et la mort de la croix, et a voulu joindre au merite infini de sa charité parfaite l'infini merite d'une parfaite obeissance.

  A006000333 

 La charité cede à l'obeissance, parce que l'obeissance depend de la justice: aussi est-il meilleur de payer ce que l'on doit que de faire l'aumosne; cela veut dire qu'il est mieux de faire [161] l'obeissance qu'un acte de charité par nostre propre mouvement..

  A006000334 

 Car, par exemple, si allant en un lieu je trouve une Sœur et qu'elle me die que j'aille ailleurs, la volonté de Dieu en moy est que je fasse ce qu'elle veut, plustost que ce que je veux; que si j'oppose mon opinion à la sienne, la volonté de Dieu en elle est qu'elle me cede, et ainsi de toutes choses qui sont indifferentes.

  A006000334 

 Mais s'il arrive que sur ceste premiere opinion toutes deux voulussent ceder, il ne faudroit pas demeurer là sur ceste contestation, ains regarder lequel seroit le plus raisonnable et meilleur, et puis le faire simplement; et faut que cela soit conduit par la discretion, car il ne seroit pas à propos de quitter une chose qui seroit de necessité pour condescendre à une chose indifferente.

  A006000335 

 Que s'il arrive qu'une Sœur nous requiere de faire quelque chose, et que par surprise nous tesmoignions d'y * avoir de la repugnance, il ne faut pas que la Sœur s'en ombrage ni fasse semblant de le cognoistre, ni qu'elle prie de ne le faire pas; car il n'est pas en nostre puissance d'empescher que nostre couleur, nos yeux et nostre contenance ne tesmoignent le combat que nous avons au dedans, encore que la raison veuille bien faire la chose; car ce sont des messagers qui viennent sans que l'on les demande, et qui, encore qu'on leur die retournez, n'en font rien pour l'ordinaire.

  A006000336 

 Nous devons tous estre capables des defauts les uns des autres, et ne faut en façon quelconque s'estonner d'en rencontrer; car si nous demeurons quelque temps sans tomber en faute, nous serons par apres un autre temps que nous ne ferons que faillir et ferons plusieurs grandes imperfections, de la suite desquelles il faut profiter par l'abjection qui nous en revient.

  A006000337 

 Il faut que nous nous accoustumions à rechercher [164] l'evenement de nostre perfection selon les voyes ordinaires, en tranquillité de cœur, faisant tout ce que nous pouvons pour acquerir les vertus par la fidelité que nous aurons à les pratiquer une chacune selon nostre condition et vocation; et demeurons en attente pour ce qui regarde de parvenir tost ou tard au but de nostre pretention, laissant cela a la divine Providence, laquelle aura soin de nous consoler au temps qu'elle a destiné de le faire; et quand mesme ce ne seroit qu'à l'heure de nostre mort, il nous doit suffire, pourveu que nous rendions nostre devoir en faisant tousjours ce qui est en nous et à nostre pouvoir.

  A006000337 

 Il se faut contenter de sçavoir qu'on fait bien par celuy qui gouverne, et n'en rechercher ni les sentimens ni la cognoissance particuliere, mais marcher comme aveugle dans ceste providence et confiance en Dieu, mesme parmi les desolations, craintes, tenebres, et toute autre sorte de croix qu'il luy plaira nous donner.

  A006000337 

 O qu'heureux sont ceux qui vivans en l'attente, ne se lassent point d'attendre! Ce que je dis pour plusieurs, lesquels ayans le desir de se perfectionner par l'acquisition des vertus les voudroyent avoir tout d'un coup, comme si la perfection ne consistoit qu'à la desirer.

  A006000340 

 Les actions bonnes que nous ferons, qui ne nous sont pas particulierement commandées et qui ne peuvent tirer leur merite de l'obeissance, il le leur faut donner par la charité, encore que nous les pouvons toutes faire par obeissance.

  A006000341 

 Par exemple, si vous aviez devotion, Vous trouvant devant le saint Sacrement, de dire trois fois le Pater à l'honneur de la sainte Trinité, et que l'on vous vinst appeller pour faire quelque autre chose, il faudroit se lever promptement et aller faire ceste action à l'honneur de la sainte Trinité, au lieu de dire vos trois Pater..

  A006000342 

 Il ne faut donc se prescrire de faire certain nombre de genuflexions, d'oraisons jaculatoires, et semblables pratiques par jour, ou durant quelque temps, sans le dire à la Superieure, bien qu'il faille estre fort fidelle en la pratique des eslevations et aspirations en Dieu.

  A006000347 

 L'obeissance aveugle a trois proprietés ou conditions, dont la premiere est qu'elle ne regarde jamais le visage des Superieurs, ains seulement leur authorité; la seconde, qu'elle ne s'informe point des raisons ni des motifs que les Superieurs ont de commander telle ou telle chose, luy suffisant de sçavoir qu'ils l'ont commandée, et la troisiesme, qu'elle ne s'enquiert point des moyens qu'il faut qu'elle tienne pour faire ce qui est commandé, s'asseurant que Dieu, par l'inspiration duquel on luy a fait ce commandement, luy donnera bien le pouvoir de l'accomplir; mais au lieu de s'enquerir comment elle fera, elle se met à faire..

  A006000349 

 Il est porté dans le second Livre des Machabées, d'un nommé Rasias, lequel, poussé d'un zele ardent de la gloire de Dieu, s'en alla exposer aux coups, dont il sçavoit ne pouvoir eviter les blesseures et la mort; et se sentant blessé en la poitrine, il tira toutes ses entrailles par ceste blesseure, puis les jetta en l'air en presence de ses ennemis.

  A006000349 

 Or, je sçay bien que plusieurs ont fait des choses contre les commandemens de Dieu par l'instinct de cette obeissance, laquelle ne veut pas seulement obeir aux commandemens de Dieu et des Superieurs, mais aussi à leurs conseils et à leurs inclinations.

  A006000349 

 Plusieurs donc se sont precipités à la mort par une inspiration particuliere de Dieu, qui estoit tellement forte qu'ils ne s'en pouvoyent nullement desdire; car autrement ils eussent griefvement peché.

  A006000349 

 Saint Ambroise rapporte aussi l'histoire de trois filles qui, pour eviter de perdre leur chasteté, se jetterent dans un fleuve où elles furent suffoquées par les eaux: mais celles-cy avoyent d'ailleurs quelque sorte de raison pour ce faire, qui seroit trop longue à déduire.

  A006000350 

 Nostre Seigneur, Nostre Dame et saint Joseph nous ont fort bien enseigné ceste façon d'obeir, au voyage qu'ils firent de Nazareth en Bethlehem; car Cesar ayant fait un edict, que tous ses subjets allassent au lieu de leur naissance pour y estre enroollés, ils y allerent amoureusement pour satisfaire à ceste obeissance, bien que Cesar fust payen et idolastre: Nostre Seigneur voulant monstrer par là que nous ne devons jamais regarder au visage de ceux qui commandent, pourveu qu'ils ayent le pouvoir de commander..

  A006000350 

 Tous les anciens Peres ont grandement blasmé ceux lesquels ne se vouloyent pas sousmettre à l'obeissance de ceux qui estoyent de moindre qualité qu'eux; ils leur demandoyent: Quand vous obeissiez à vos Superieurs, pourquoy le faisiez-vous? estoit-ce pour l'amour de Dieu? Nullement, car cestui-cy ne tient-il pas la mesme place de Dieu parmi nous que faisoit l'autre? Sans doute, il est vicaire de Dieu, et Dieu nous commande par sa bouche, et nous fait entendre ses volontés par ses ordonnances, comme il faisoit par la bouche de l'autre.

  A006000351 

 Il ne dit pas un mot, ains s'en alla où l'Esprit le portoit, sans regarder en aucune façon s'il alloit bien ou mal, pourquoy et à quelle intention Dieu luy avoit fait ce commandement si courtement, qu'il ne luy avoit pas seulement marqué le chemin par lequel il vouloit qu'il marchast.

  A006000352 

 Il n'eust rien cousté à Nostre Seigneur de luy dire luy mesme ce qu'il luy fit dire par Ananias, mais il vouloit que nous cognussions par cest exemple combien il ayme l'obeissance aveugle, puisqu'il semble qu'il n'aveugla saint Paul que pour le rendre vray obeissant..

  A006000352 

 Il semble que Nostre Seigneur mesme nous ayt voulu monstrer combien ceste sorte d'obeissance luy estoit agreable, lors qu'il s'apparut à saint Paul pour le convertir; car l'ayant appelle par son nom, il le fit cheoir par terre et l'aveugla.

  A006000353 

 Ainsi le vray obeissant croid simplement de pouvoir faire tout ce qu'on luy peut commander, parce qu'il tient que tous les commandemens [175] viennent de Dieu, ou sont faits par son inspiration, lesquels ne peuvent estre impossibles à raison de la puissance de Celuy qui commande..

  A006000354 

 Mais ses gens luy remonstrerent qu'il devoit faire ce qui luy estoit enjoint par le Prophete, puisque c'estoit une chose si facile; il se laissa gaigner à leurs paroles, et s'estant lavé sept fois il fut gueri.

  A006000354 

 Sur quoy Elisée ne sortit pas mesme de sa chambre, ains luy envoya dire par son serviteur qu'il s'allast laver sept fois au Jourdain et qu'il seroit gueri.

  A006000355 

 Elle sçait que le chemin par lequel elle doit aller est la Regle de la Religion et les commandemens des Superieurs; elle prend ce chemin en simplicité [176] de cœur, sans pointiller si ce seroit mieux de faire ainsi ou ainsi: pourveu qu'elle obeisse, tout luy est égal, car elle sçait bien que cela suffit pour estre agreable à Dieu, pour l'amour duquel elle obeit purement et simplement..

  A006000355 

 La troisiesme proprieté de l'obeissance aveugle est qu'elle ne considere point et ne s'enquiert point tant par quel moyen elle pourra faire ce qui luy est commandé.

  A006000356 

 La charité et l'obeissance ont une telle union ensemble qu'elles ne se peuvent separer: l'amour nous fait obeir promptement, car pour difficile que soit la [177] chose commandée, celuy qui a l'obeissance amoureuse l'entreprend amoureusement, parce que l'obeissance estant une principale partie de l'humilité qui ayme souverainement la sousmission, l'obeissant par consequent ayme le commandement, et dés qu'il l'apperçoit de loin, quel qu'il puisse estre, soit-il selon son goust ou non, il l'embrasse, il le caresse et le cherit tendrement..

  A006000357 

 Saint Pachome l'ayant remarqué, et se promenant un jour par le jardin, il leva ses yeux contre ce figuier et vid le diable au dessus, qui regardoit les figues de haut en bas, comme les Religieux les regardoyent du bas en haut.

  A006000359 

 Donc, celuy qui pour suivre l'inclination que Nostre Seigneur a tesmoigné que l'on secourust les pauvres, voudrait aller de ville en ville pour les chercher, qui ne sçait que pendant qu'il sera en une il ne servira pas ceux qui seront en l'autre? Il faut aller en ceste besogne en simplicité de cœur; faire l'aumosne quand j'en rencontre l'occasion, sans m'aller amusant par les rues de maison en maison, pour sçavoir s'il y aura point de pauvre que je ne cognoisse pas.

  A006000359 

 Mais il faut que je vous advertisse icy d'une tromperie en laquelle on pourroit tomber: car si ceux qui voudroyent entreprendre la pratique de ceste vertu fort exactement, vouloyent tousjours se tenir en attention pour pouvoir cognoistre les desirs et les inclinations de leurs Superieurs ou de Dieu, ils perdroyent le temps infailliblement; car par exemple, tandis que je m'enquerrois quel est le desir de Dieu, je ne m'occuperais pas à me tenir en repos et tranquillité aupres de luy, qui est le desir qu'il a maintenant, puisqu'il ne me donne rien autre chose à faire.

  A006000360 

 En ces paroles, jusques à la mort, est presupposé qu'il a esté obeissant tout le temps de sa vie, pendant lequel on ne void autre chose que des traits d'obeissance rendue par luy, tant à ses parents qu'à plusieurs autres, voire mesme à des impies et meschans; et comme il commença par ceste vertu, de mesme il paracheva par elle le cours de ceste vie mortelle..

  A006000362 

 Assez meurt martyr qui bien se mortifie; c'est un plus grand martyre de perseverer toute sa vie en obeissance, que non pas de mourir tout d'un coup par un glaive.

  A006000362 

 Le Saint luy disoit: Mon fils, mieux vaut vivre en obeissance, et mourir tous les jours en vivant par une continuelle mortification de soy-mesme, que de martyriser nostre imagination.

  A006000363 

 Je dis encor cecy, que l'obeissance n'est point de moindre merite que la charité; car donner un verre d'eau par charité, cela vaut le Ciel, Nostre Seigneur mesme le dit: faites-en autant par obeissance, vous gaignerez le mesme.

  A006000363 

 La moindre petite chose faite par obeissance est tres-agreable à Dieu: mangez par obeissance, vostre manger est plus agreable à Dieu que les jeusnes des anachoretes s'ils sont faits sans obeissance; reposez-vous par obeissance, vostre repos est plus meritoire et plus agreable à Dieu que non pas le travail volontaire.

  A006000364 

 Mais, me direz-vous, qu'est-ce qu'il m'arrivera de pratiquer si exactement ceste obeissance amoureuse avec les conditions susdites: en aveugle, promptement et perseveramment? O mes cheres lilles, celuy qui le fera jouira en son ame d'une tranquillité continuelle et de la tres-sainte paix de Nostre Seigneur qui surpasse tout sentiment; il n'aura aucun compte à rendre de ses actions, puisqu'elles auront esté toutes faites par obeissance, tant aux Regles comme aux Superieurs.

  A006000364 

 Quel bonheur plus utile et desirable que cela? Certes, le vray obeissant, pour dire cela en passant, ayme ses Regles, les honnore et les estime uniquement comme le vray chemin par lequel il doit s'acheminer à l'union de son esprit avec Dieu; et partant il ne se départ [186] jamais de ceste voye, ni de l'observance des choses qui y sont dites par forme de direction, non plus que de celles qui y sont commandées.

  A006000365 

 Car ils donnent des advis en trois sortes: les uns par forme de commandement, les autres par forme de conseil, et les autres par forme de simple direction.

  A006000365 

 O non, ma fille: les Superieurs, [187] non plus que les confesseurs, n'ont pas tousjours intention d'obliger les inferieurs par les commandemens qu'ils font, et quand ils le veulent faire, ils usent du mot de commandement sur peine de desobeissance; et alors les inferieurs sont obligés d'ober sur peine de peché, bien que le commandement fust fort leger et de chose de peu; mais autrement non.

  A006000366 

 Bien que les Superieurs fussent ignorans et conduisissent leurs inferieurs selon leur ignorance, voire [190] par des voyes scabreuses et dangereuses, les inferieurs se sousmettans à tout ce qui n'est point manifestement peché, ni contre les commandemens de Dieu et de sa sainte Eglise, je vous peux asseurer qu'ils ne peuvent jamais errer.

  A006000366 

 Le vray obeissant, dit l'Escriture Sainte, parlera de ses victoires; c'est à dire il demeurera vainqueur en toutes les difficultés esquelles il sera porté par obeissance, et sortira à son honneur des chemins esquels il entrera par obeissance, pour dangereux qu'ils puissent estre.

  A006000366 

 O certes, nous ne pouvons pas empescher que la pensée ne nous en vienne, mais de s'y arrester, c'est ce qu'il ne faut point faire; car si Balaam fut bien instruit par une asnesse, à plus forte raison devons-nous croire que Dieu qui nous a donné ceste Superieure, fera bien qu'elle nous enseignera selon sa volonté, bien que peut estre ce ne sera pas selon la nostre.

  A006000366 

 Si aujourd'huy que vous avez une Superieure fort estimée, tant pour sa qualité que pour ses vertus, vous luy obeissez de bon cœur, demain que vous en aurez une autre qui ne sera pas tant estimée vous ne luy obeissez pas de si bon cœur qu'à l'autre, luy rendant bien pareille obeissance, mais n'estimant pas tant ce qu'elle vous dit et ne le faisant pas avec tant de satisfaction, hé! qui ne void que vous obeissez à l'autre par vostre inclination et non pas purement pour Dieu? car si cela estoit, vous auriez autant de plaisir et feriez autant d'estime de ce que ceste-cy vous dit, comme vous faisiez de ce que l'autre vous disoit..

  A006000366 

 Vous me demandez si l'on ne pourroit pas bien penser lors qu'on vous change de Superieure, qu'elle n'est pas si capable que celle que vous aviez et qu'elle n'a pas tant de cognoissance du chemin par lequel il vous faut conduire.

  A006000369 

 Mais la troisiesme seroit tout à fait mauvaise, qui est de le dire par forme de murmure et de despit, et pour faire cognoistre que la Superieure a eu tort; or de ceste façon, je sçay bien que l'on ne le fait pas en ceste maison, par la grace de Dieu..

  A006000369 

 Reste seulement de dire un petit mot sur la question [193] qui me fut faite hier au soir, sçavoir, s'il est loisible aux Sœurs de se dire l'une à l'autre qu'elles ont esté mortifiées par la Superieure ou la Maistresse des Novices sur quelque occasion.

  A006000370 

 En la seconde façon, certes, il ne le faut pas faire, car par le moyen de nostre plainte nous perdons le merite de la mortification.

  A006000372 

 Vous me demandiez encor que j'eusse à vous dire quel estoit l'exercice propre à faire mourir le propre jugement; à quoy je responds que c'est de luy retrancher fidelement toutes sortes de discours és occasions où il se veut rendre maistre, luy faisant connoistre qu'il n'est que valet; car, mes cheres filles, ce n'est que par les actes reiterés que nous acquerons les vertus, bien qu'il y ayt eu quelques ames auxquelles Dieu les a données toutes en un moment.

  A006000374 

 Par malheur, ce pauvre homme estoit ivre, et commençant à parler en ivrogne, dit que David, apres avoir mangé ses voleries, envoyoit chez luy pour le ruiner comme les autres, et qu'il ne leur donneroit aucune chose.

  A006000375 

 C'est sans doute, ma fille, qu'il le faut faire; car à quel propos verrez-vous une tache en vostre Sœur, sans vous essayer de la luy oster par le moyen d'un advertissement? Il faut neantmoins estre discrette en ceste besogne; car il ne seroit pas temps d'advertir une Sœur tandis que vous la verrez indisposée ou pressée de melancholie, car il seroit dangereux qu'elle ne rejettast d'abord l'advertissement si vous le luy faisiez.

  A006000378 

 Vous sçavez que nous appelions communément une chose simple quand elle n'est point brodée, doublée ou bigarrée; par exemple nous disons: voila une personne qui est habillée bien simplement, parce qu'elle ne porte point de façon ou de doublure en son habit, je dis de doublure façonnée ou qui se voye, ains sa robbe et son habit n'est que d'une estoffe; et cela est une robbe simple.

  A006000379 

 L'histoire tant commune des hostesses de Nostre Seigneur, Marthe et Magdelaine, est grandement remarquable pour ce sujet; car ne voyez-vous pas que Marthe, bien que sa fin fust louable de vouloir bien traitter Nostre Seigneur, ne laissa pas d'estre reprise par ce divin Maistre? d'autant qu'outre la fin tres-bonne qu'elle avoit en son empressement, elle regardoit encor Nostre Seigneur entant qu'homme; et pour cela elle croyoit qu'il fust comme les autres, auxquels un seul mets ou une sorte d'apprest ne suffit pas, et c'estoit cela qui faisoit qu'elle s'esmouvoit grandement à fin d'apprester plusieurs mets.

  A006000381 

 Par exemple, si on va à l'Office, et que l'on demande: Où allez-vous? Je vay à l'Office, respondra-t'on.

  A006000382 

 L'astuce est un amas d'artifices, de tromperies, de malices, et c'est par le [205] moyen de l'astuce que nous trouvons des inventions pour tromper l'esprit du prochain et de ceux avec lesquels nous avons à faire, pour les conduire au poinct que nous pretendons, qui est de leur faire entendre que nous n'avons autre sentiment au coeur que celuy que nous leur manifestons par nos paroles, ni autre cognoissance sur le sujet dont il s'agit; chose qui est infiniment contraire à la simplicité, qui requiert que nous ayons l'interieur entierement conforme à l'exterieur..

  A006000382 

 Or, avant que passer outre, il faut descouvrir une tromperie qui est en l'esprit de plusieurs touchant ceste vertu; car ils pensent que la simplicité soit contraire à la prudence, et qu'elles soyent opposées l'une à l'autre, ce qui n'est pas; car jamais les vertus ne se contrarient l'une l'autre, ains ont une union tres-grande par ensemble.

  A006000383 

 Il est vray que par fois nous avons des grandes émotions en nostre interieur sur la rencontre d'une correction ou de quelqu'autre contradiction; mais ceste émotion ne provient pas de nostre volonté, ains tout ce ressentiment se passe en la partie inferieure; la partie superieure ne consent point à tout cela, ains elle aggrée, accepte et trouve bonne ceste rencontre.

  A006000389 

 La Regle qui commande de procurer l'amendement des Sœurs par le moyen des advertissemens, ne nous commande pas d'estre si considerées [212] en ce poinct, comme si l'honneur des Sœurs dependoit de ceste accusation.

  A006000390 

 Il y a des ames qui ne veulent, à ce qu'elles disent, estre conduites que par l'Esprit de Dieu, et leur semble que tout ce qu'elles s'imaginent soit des inspirations et des mouvemens du Saint Esprit, qui les prend par la main et les conduit en tout ce qu'elles veulent faire, comme des enfans, en quoy certes elles se trompent fort.

  A006000390 

 Vous voulez que je vous die un mot de la simplicité que nous devons avoir à nous laisser conduire selon l'interieur, tant à Dieu que par nos Superieurs.

  A006000391 

 C'est bien une chose certaine que tous ne sont pas conduits par un mesme chemin; mais aussi n'est-ce pas à un chacun de nous de cognoistre par quel chemin Dieu nous appelle.

  A006000391 

 Il ne faut pas dire qu'ils ne nous cognoissent pas bien, car nous devons croire que l'obeissance et la sousmission sont tousjours les vrayes marques de la bonne inspiration; et quoy qu'il puisse arriver que nous n'ayons point de consolation és exercices que l'on nous fait faire, et que nous en ayons beaucoup aux autres, ce n'est pas par la consolation que l'on juge de la bonté de nos actions.

  A006000392 

 C'est bien la vraye verité que vostre bien dépend de vous laisser conduire et gouverner par l'Esprit de Dieu [215] sans reserve, et c'est cela que pretend la vraye simplicité que Nostre Seigneur a tant recommandée: Soyez simples comme des colombes, dit-il à ses Apostres; mais il ne s'arreste pas là, leur disant de plus: Si vous n'estes faits simples comme un petit enfant, vous n'entrerez point au Royaume de mon Pere.

  A006000393 

 Vous me demandez comme les ames qui sont attirées en l'oraison à ceste sainte simplicité et à ce parfait abandonnement en Dieu se doivent conduire en toutes leurs actions? Je responds que non seulement en l'oraison, mais en la conduite de toute leur vie, elles doivent marcher invariablement en esprit de simplicité, abandonnant et remettant toute leur ame, leurs actions et leurs succés au bon plaisir de Dieu, par un amour de parfaite et tres-absolue confiance, se delaissant à la mercy et au soin de l'amour eternel que la divine Providence a pour elles.

  A006000394 

 Les amantes [217] spirituelles, espouses du Roy celeste, se mirent voirement de temps en temps, comme les colombes qui sont aupres des eaux tres pures, pour voir si elles sont bien ageancées au gré de leur Amant; et cela se fait és examens de la conscience par lesquels elles se nettoyent, purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent, non pour estre parfaites, non pour se satisfaire, non pour desir de leur progrés au bien, mais pour obeir à l'Espoux, pour la reverence qu'elles luy portent et pour l'extreme desir qu'elles ont de luy donner du contentement.

  A006000405 

 Allant donc en Hierusalem, il voulut passer par une ville de Samarie, mais les Samaritains ne le voulurent pas permettre; dequoy saint Jacques et saint Jean entrerait en colere, et furent tellement indignés contre les Samaritains de l'inhospitalité qu'ils faisoyent à leur Maistre, qu'ils luy dirent: Maistre, voulez-vous que nous fassions tomber le feu du ciel pour les abysmer et les chastier de l'outrage qu'ils vous font? Et Nostre Seigneur leur respondit: Vous ne sçavez de quel esprit vous estes, voulant dire: Ne sçavez-vous pas que nous ne sommes plus au temps d'Helie qui avoit un esprit de rigueur? Et bien qu'Helie fust un tres-grand serviteur de Dieu, et qu'il fist bien en faisant ce que vous voulez faire, neantmoins vous autres ne feriez pas bien en l'imitant, d'autant que je ne suis pas venu pour punir et confondre les pecheurs, ains pour les attirer doucement à penitence et à ma suite..

  A006000406 

 Le general est la pretention qu'elles ont toutes d'aspirer à la perfection de la charité; mais l'esprit particulier c'est le moyen de parvenir à ceste perfection de la charité, c'est à dire à l'union de nostre ame avec Dieu, et avec le prochain pour l'amour de Dieu; ce qui se fait, avec Dieu par l'union de nostre volonté à la sienne, et avec le prochain par la douceur, qui est une vertu dependante immediatement de la charité..

  A006000407 

 Au contraire, l'esprit particulier des autres est voirement de s'unir à Dieu et au prochain, mais c'est par le moyen de l'action, quoy que spirituelle.

  A006000407 

 Ils s'unissent bien encor à Dieu par l'oraison; mais neantmoins leur fin principale est celle que nous venons de dire, de tascher de convertir les ames et les unir à Dieu.

  A006000407 

 Ils s'unissent à Dieu, mais c'est en luy reunissant le prochain par l'estude, predications, confessions, conferences et autres actions de pieté; et pour mieux faire ceste union avec le prochain, ils [225] conversent avec le monde.

  A006000407 

 Les autres ont un esprit severe et rigoureux, avec un parfait mespris du monde et de toutes ses vanités et sensualités, voulans par leur exemple induire les hommes à ce mespris des choses de la terre; et à cela, sert l'aspreté de leurs habits et exercices.

  A006000407 

 Les uns s'unissent à Dieu et au prochain par la contemplation, et pour cela ont une tres-grande solitude et ne conversent que le moins qu'ils peuvent parmi le monde, non pas mesmes les uns avec les autres, si ce n'est en certain temps; ils s'unissent aussi avec le prochain par le moyen de l'oraison, en priant Dieu pour luy.

  A006000408 

 Mais Dieu, à qui seul appartient de faire ces assemblées de pieté, les a fait reussir en la façon que nous voyons qu'elles sont; car il ne faut jamais croire que ce soyent les hommes qui, par leur invention, ayent commencé ceste façon de vie si parfaite comme est celle de la Religion: c'est Dieu par l'inspiration duquel ont esté composées les Regles, qui sont les moyens propres pour parvenir à ceste fin generale à tous les Religieux, de s'unir à Dieu, et au prochain pour l'amour de Dieu..

  A006000408 

 Mais il faut que ceste exacte et ponctuelle observance soit entreprise en simplicité de cœur, je veux dire qu'il ne nous faut pas vouloir aller au delà, par des pretentions de faire plus qu'il ne nous est marqué dans nos Regles; car ce n'est pas par la multiplicité des choses que nous faisons que nous acquerons la perfection, mais c'est par la perfection et pureté d'intention avec laquelle nous les faisons.

  A006000408 

 Quant à la fin de vostre Institut, il ne la faut pas chercher en l'intention des trois premieres Sœurs qui commencerent, non plus que celle des Jesuites au premier dessein qu'eut saint Ignace; car il ne pensoit à rien moins qu'à faire ce qu'il a fait par apres, comme de mesme saint François, saint Dominique et les autres qui ont commencé des Religions.

  A006000409 

 Il en fait tout de mesme à la chair et à toutes ses sensualités et plaisirs, tant licites qu'illicites, par le vœu de chasteté, qui est un tres-grand moyen de s'unir à Dieu tres-particulierement; d'autant que ces plaisirs sensuels allentissent et affoiblissent grandement les forces de l'esprit, dissipent le cœur et l'amour que nous devons à Dieu, et que nous luy donnons entierement par ce moyen, ne nous contentant pas de sortir de la terre de ce monde, mais sortans encore de la terre de nous-mesme, c'est à dire renonçans aux plaisirs terrestres de nostre chair.

  A006000409 

 Le Religieux couppe et tranche tout cela par le vœu de pauvreté.

  A006000409 

 Mais beaucoup plus parfaitement nous unissons-nous à Dieu par le vœu d'obeissance, d'autant que nous renonçons à toute nostre ame, à toutes ses puissances, ses volontés et toutes ses affections, pour nous sousmettre et assujettir non seulement à la volonté de Dieu, mais à celle de nos Superieurs, laquelle nous devons tousjours regarder comme estant celle de Dieu mesme; et cecy est un tres-grand renoncement, à cause des continuelles productions des petites volontés que fait nostre amour propre.

  A006000409 

 Mais comme chaque Religion a sa fin particuliere, comme aussi les moyens particuliers pour parvenir à ceste [227] fin et union generale, tous ont aussi un moyen general pour y parvenir, qui est par les trois vœux essentiels de la Religion.

  A006000410 

 Or, pour venir en particulier à la fin pour laquelle nostre Congregation de la Visitation a esté erigée, et [228] par icelle comprendre plus aisement quel est l'esprit particulier de la Visitation, j'ay tousjours jugé que c'estoit un esprit d'une profonde humilité envers Dieu et d'une grande douceur envers le prochain; d'autant qu'ayant moins de rigueur pour le corps, il faut qu'il y avt tant plus de douceur de cœur.

  A006000411 

 L'esprit de douceur est tellement l'esprit de la Visitation, que quiconque y voudroit introduire plus d'austerités qu'il n'y a pas maintenant, destruiroit incontinent la Visitation; d'autant que ce seroit faire contre la fin pour laquelle elle a esté dressée, qui est pour y pouvoir recevoir les filles et femmes infirmes, qui n'ont pas des corps assez forts pour entreprendre, ou qui ne sont pas inspirées et attirées de servir et s'unir à Dieu par la voye des austerités que l'on fait és autres Religions.

  A006000413 

 Il estoit à pied, et ce voyage luy fut heureux, comme il se void assez par les benedictions qu'il receut de Dieu tout le long du chemin; car il vid et parla plusieurs fois aux Anges et au Seigneur des Anges et des hommes; et en fin il fut mieux partagé que son frere, qui estoit si bien accompagné..

  A006000416 

 Aujourd'huy que la Communauté communie, il vous suggerera qu'il faut que par humilité vous demandiez de vous en abstenir, et lors que le temps de s'humilier viendra, il vous persuadera de vous resjouïr et de demander la Communion pour cest effet; et ainsi il ne seroit jamais fait.

  A006000416 

 Je trouve que c'est un tres-grand acte de perfection de se conformer en toutes choses à la Communauté et de ne s'en départir jamais par nostre propre choix; car outre, que c'est un tres-bon moyen pour nous unir avec le prochain, c'est encore cacher à nous-mesmes nostre propre perfection..

  A006000417 

 Elle ne veut point faire des choses excellentes et extraordinaires qui la pourroyent faire estimer des creatures; et par ainsi elle se tient fort basse en elle-mesme et n'a pas des grandes satisfactions, car elle ne fait rien de sa propre volonté, ni rien de plus que les autres, et ainsi toute sa sainteté est cachée à ses yeux: Dieu seul la void, qui se delecte en sa simplicité, par laquelle elle ravit son cœur et s'unit à luy.

  A006000417 

 Telles ames jouïssent par tout d'une grande paix et tranquillité d'esprit..

  A006000418 

 Celle qui se tiendra dans ces limites, je vous asseure qu'elle fera un grand chemin en peu de temps et rapportera beaucoup de fruict à ses Sœurs par son exemple.

  A006000418 

 En fin, quand nous sommes à ramer, il le faut faire par mesure; ceux qui rament sur mer ne sont pas si tost battus pour ramer un peu laschement, que s'ils ne donnent les coups de rame par mesure.

  A006000419 

 Mais, dites-vous, c'est par mortification que vous demeurez un peu plus dans le chœur aux jours de feste que les autres, parce que le temps vous y a desja bien [236] duré durant deux ou trois heures de suitte que toutes y ont demeuré.

  A006000420 

 En fin, mes cheres filles, il faut beaucoup aymer nos Regles, puisqu'elles sont les moyens par lesquels nous parvenons à leur fin, qui est de nous conduire facilement à la perfection de la charité, qui est l'union de nos ames avec Dieu et avec le prochain.

  A006000420 

 Et non seulement cela, mais aussi de reunir le prochain avec Dieu, ce que nous faisons par la voye que nous luy presentons, laquelle est toute douce et facile, aucune fille n'estant rejettée faute de force corporelle, pourveu qu'elle ayt volonté de vivre selon l'esprit de la Visitation, qui est, comme j'ay dit, un esprit d'humilité envers Dieu et de douceur de cœur envers le prochain: et c'est cest esprit qui fait nostre union tant avec Dieu qu'avec le prochain.

  A006000420 

 Par l'humilité nous nous unissons avec Dieu, nous sousmettant à l'exacte observance de ses volontés qui nous sont signifiées dans nos Regles; car nous devons pieusement croire qu'elles ont esté dressées par son inspiration, estant receuës par la Sainte Eglise et approuvées par Sa Sainteté, qui en sont des signes tres-evidens; [237] et partant, nous les devons aymer d'autant plus tendrement, et les serrer sur nos poitrines tous les jours plusieurs fois en forme de recognoissance envers Dieu qui nous les a données.

  A006000420 

 Par la douceur de cœur nous nous unissons avec le prochain par une exacte et ponctuelle conformité de vie, de mœurs et d'exercices, ne faisant ni plus ni moins que ceux avec lesquels nous vivons et que ce qui nous est marqué en la voye en laquelle Dieu nous a mis ensemble, employant et arrestant toutes les forces de nostre ame à les faire avec toute la perfection qui nous sera possible.

  A006000421 

 Mais dites-moy, est-ce la crainte de la prevarication qui rendoit ceste Mere et son Fils si exacts à l'observance de la loy? Non certes, ce n'estoit pas cela, car il n'y avoit point de prevarication pour eux; ains ils estoyent attirés par l'amour qu'ils portoyent à leur Pere eternel..

  A006000422 

 Certes, celuy qui se prive volontairement par le vœu d'obeissance de faire sa volonté és choses indifferentes, monstre assez qu'il ayme d'estre sousmis és necessaires et qui sont d'obligation..

  A006000422 

 Les uns sont attachés à la loy par des chaisnes de fer et les autres par des chaisnes d'or: je veux dire, les seculiers qui observent les commandemens de Dieu pour la crainte qu'ils ont d'estre damnés, les observent par force et non par amour; mais les Religieux et ceux qui ont soin de la perfection de leur ame y sont attachés par des chaisnes d'or, c'est à dire par amour; ils ayment les commandemens et les observent amoureusement, et pour les mieux observer ils embrassent l'observance des conseils.

  A006000423 

 Il faut donc estre extrêmement ponctuelles en l'observance des loix et des regles qui nous sont données par Nostre Seigneur, mais sur tout en ce poinct de suivre en toutes choses la Communauté; et se faut bien garder de dire que nous ne sommes pas tenues d'observer ceste Regle, ou commandement particulier de la Superieure, d'autant qu'il est fait pour les foibles, et que nous sommes fortes et robustes; ni, au contraire, que le commandement est fait pour les fortes, et que nous [240] sommes foibles et infirmes.

  A006000424 

 Par exemple, le jeusne du Caresme est commandé pour un chacun; ne vous semble-t'il pas que ceste loy soit injuste, puisque l'on modere ceste injuste justice donnant des dispenses à ceux qui ne la peuvent pas observer? De mesme en est-il és Religions: le commandement est également pour tous, et nul de soy-mesme ne s'en peut dispenser; mais les Superieurs moderent la rigueur selon la necessité d'un chacun..

  A006000430 

 Les Apostres n'estoyent pas attachés à leurs propres opinions, non pas mesme és choses du gouvernement de la sainte Eglise, qui estoit un affaire si important: si qu'apres qu'ils avoyent determiné l'affaire par la resolution qu'ils en avoyent prise, ils ne s'offençoyent point si on opinoit là-dessus; et si quelques-uns refusoyent d'agréer leurs opinions, quoy qu'elles fussent bien appuyées, ils ne recherchoyent point de les faire recevoir par des disputes ni contestes..

  A006000432 

 Par ainsi, nous voyons que c'est une chose naturelle que d'estre sujet à ses opinions..

  A006000434 

 Il faut quand on est requis, ou par la charité ou par l'obeissance, de proposer nostre advis sur le sujet dont il est question, le faire simplement; mais au demeurant, il se faut rendre indifferent s'il sera receu ou non.

  A006000435 

 Sans doute que ce seroit là nourrir et maintenir nostre inclination, et par conséquent commettre de l'imperfection; car c'est [249] la vraye marque que l'on ne s'est pas sousmis à l'advis des autres et que l'on prefere tousjours le sien particulier.

  A006000435 

 Vous demanderez peut estre si ce n'est pas nourrir ceste imperfection de rechercher d'en parler par apres avec celles qui ont esté de nostre advis, lors qu'il n'est plus question d'en prendre resolution, estant desja determiné ce qui s'en doit faire.

  A006000437 

 Voila donc ce que j'avois à vous dire sur le sujet de la premiere question, par laquelle nous avons esté enseignés que d'avoir des opinions n'est pas une chose [250] contraire à la perfection, mais ouy bien d'avoir l'amour de nos propres opinions et l'estime par consequent.

  A006000441 

 A la fin, il arriva [253] par malheur que les Sœurs remarquerent en elle une imperfection corporelle, qui fut cause qu'elles commencerent à mettre en doute si pour cela on la devoit renvoyer.

  A006000443 

 Ce n'est donc à autre dessein ni intention, bien que l'on n'y pense pas expressément, sinon à fin d'estre un peu plainte par ceste Sœur, et cela fait grand bien à l'amour propre.

  A006000443 

 O ma chere fille, si cela estoit que vous le voulussiez souffrir pour l'amour de Dieu, comme vous pensez, vous ne l'iriez pas dire à une autre que vous sçavez bien qui se sentira obligée à declarer vostre mal à la Superieure; et par ce moyen vous aurez en biaisant le soulagement que tout à la [255] bonne foy vous eussiez mieux fait de demander simplement à celle qui vous pouvoit donner congé de le prendre; car vous sçavez bien que la Sœur à qui vous dites que la teste vous fait bien mal, n'a pas Je pouvoir de vous dire que vous vous alliez coucher.

  A006000443 

 Or, si c'est par rencontre que vous le dites, les Sœurs vous demandant peut estre comment vous vous portez à ceste heure là, il n'y a point de mal, pourveu que vous le disiez tout simplement, sans l'agrandir ou vous lamenter; mais hors de là, il ne faut le dire qu'à la Superieure ou à la Maistresse.

  A006000446 

 Ceste tendreté est beaucoup plus insupportable és choses de l'esprit que non pas és corporelles; et si, elle est par malheur plus pratiquée et nourrie par les personnes spirituelles, lesquelles voudroyent estre saintes du premier coup, sans vouloir neantmoins qu'il leur couste rien, non pas mesme les souffrances des combats que leur cause la partie inferieure, par les ressentimens qu'elle a és choses contraires à la nature; et cependant, veuillons ou non, il faudra que nous ayons le courage de souffrir, et par consequent de resister à ces efforts tout le temps de nostre vie en plusieurs rencontres, si nous ne voulons faire banqueroute à la perfection que nous avons entreprise.

  A006000447 

 Que si neantmoins il nous eschappe d'y faire des fautes, par cy par là, ne nous arrestons pourtant pas; mais relevons nostre courage pour estre plus fidelles à la premiere occasion, et passons outre, faisant du chemin en la voye de Dieu et au renoncement de nous-mesmes..

  A006000451 

 Mes cheres Sœurs, tout ce marrissement se fait par le commandement d'un certain pere spirituel qui s'appelle l'amour propre, qui commence à dire: Comment, avoir ainsi failli! qu'est-ce que dira ou pensera nostre Mere de moy? ô il ne faut rien esperer de bon de moy! je suis une pauvre miserable, je ne pourray jamais rien faire qui puisse contenter nostre Mere; et semblables belles doleances.

  A006000452 

 Faisons du mieux que nous pourrons pour ne fascher personne; mais apres cela, s'il arrive que par vostre infirmité vous les mescontentiez quelque fois, recourez soudain à la doctrine que je vous ay si souvent preschée et que j'ay tant d'envie de graver en vos esprits.

  A006000452 

 Humiliez-vous soudain devant Dieu en recognoissant vostre fragilité et foiblesse, et puis reparez vostre faute, si elle le merite, par un acte d'humilité à l'endroit de la personne que vous avez peu fascher; et cela fait, ne vous troublez jamais, car nostre pere spirituel qui est l'amour de Dieu, nous le defend, en nous enseignant qu'apres que nous avons fait, l'acte d'humilité, ainsi que je dis, nous rentrions en nous-mesmes pour caresser tendrement et cherement ceste abjection bien-heureuse qui nous revient d'avoir failli, et ceste bien-aymée reprehension que la Superieure nous fera..

  A006000452 

 Mais aussi il dit par apres: Ne servez point vos maistres à l'œil, voulant dire qu'ils se gardent bien de rien faire de plus estant à la veuë des maistres, qu'ils feroyent estant absens, parce que l'œil de Dieu les void tousjours, auquel on doit avoir un grand respect pour ne rien faire qui luy puisse déplaire; et en ce faisant ne nous mettre pas en grande peine ni souci de vouloir tousjours contenter les hommes, car il n'est pas en nostre pouvoir.

  A006000453 

 Il faut avec simplicité rapporter une fois nos raisons, si elles nous semblent bonnes; mais au partir de là, acquiescer sans plus de repliques à ce que l'on nous dit, et par ainsi faire mourir nostre jugement, que nous estimons si sage et prudent au dessus de tout autre..

  A006000459 

 Ses conseils, il veut bien que nous les observions, mais non pas d'une volonté absolue, ains seulement par maniere de desir; c'est pourquoy nous ne perdons pas la charité et ne nous separons pas de Dieu pour n'avoir pas le courage d'entreprendre l'obeissance des conseils.

  A006000460 

 Nous avons dit de plus que Dieu nous signifie sa volonté par ses inspirations; il est vray, mais pourtant il ne veut pas que nous discernions de nous-mesmes si ce qui nous est inspiré est sa volonté, ni moins qu'à tort et à travers nous suivions ses inspirations.

  A006000462 

 De plus, j'ay une autre consideration, qui est, qu'apres ce qui est de la volonté de Dieu qu'il a signifiée, je ne puis mieux cognoistre la volonté de son bon plaisir, ni plus asseurement, que par la voix de mon prochain; car Dieu ne me parle point, moins m'envoye-t'il des Anges pour me declarer ce qui est de son bon plaisir.

  A006000462 

 Mais ma principale consideration est de croire que Dieu me manifeste ses volontés par celles de mes Freres, et partant j'obeis à Dieu toutes et quantes fois que je leur condescens en quelque chose.

  A006000462 

 Outre cela, Nostre Seigneur n'a-t'il pas dit que si nous ne sommes faits comme un petit enfant nous n'entrerons point au Royaume des cieux? Ne vous estonnez donc point si je suis doux et facile à condescendre comme un enfant, puisqu'en cela je ne fais que ce qui m'a esté ordonné par mon Sauveur.

  A006000464 

 A quoy le bien-heureux Pere respondit: Mon Frere, si Dieu permet que l'enfant ayt de la vanité, peut estre qu'en recompense il me donnera de l'humilité; et quand il m'en aura donné, j'en pourra y par apres donner à cest enfant.

  A006000465 

 Mais comment par parole? Le conseil de l'abnegation de soy-mesme, qu'est-ce autre chose sinon renoncer en toute occasion à sa propre volonté et à son jugement particulier, pour suivre la volonté d'autruy et se sousmettre à tous, excepté tousjours ce en quoy l'on offenceroit Dieu? Mais, pourriez-vous dire, je vois clairement que ce que l'on veut que je fasse procede d'une volonté humaine et d'une inclination naturelle; et partant, Dieu n'a pas inspiré ma Mere ou ma Sœur de me faire faire une telle chose.

  A006000465 

 Non, peut estre que Dieu ne luy aura pas inspiré cela, mais ouy bien à vous de le faire, et y manquant, vous contrevenez à la determination de faire la volonté de Dieu en toutes choses, et par consequent au soin que vous devez avoir de vostre perfection.

  A006000465 

 Or, non seulement les Saints nous ont enseigné ceste pratique de la sousmission de nostre volonté, mais aussi Nostre Seigneur mesme, tant par exemple que par parole.

  A006000466 

 Il faut donc recevoir par maniere de souffrance l'execution de telles volontés, et se servir de ces contradictions journalieres pour nous mortifier, les acceptant avec amour et douceur.

  A006000466 

 Or, pour dire un mot de la volonté des creatures, elle se peut prendre en trois façons: par maniere d'affliction, par maniere de complaisance, ou bien sans propos ou hors de propos.

  A006000466 

 Par maniere de complaisance, il n'est pas besoin d'exhortation pour les nous faire suivre; car tres-volontiers nous obeissons aux choses agreables, ains nous allons au devant de ces volontés-là pour leur offrir nos sousmissions.

  A006000467 

 Or, c'est en ces occasions qu'il se faut surmonter, et avec une simplicité toute enfantine se mettre en besogne sans discours ni raison, et dire: Je sçay bien que la volonté de Dieu est que je fasse plustost la [271] volonté de mon prochain que la mienne, et partant je me mets à la pratique, sans regarder si c'est la volonté de Dieu que je me sousmette à faire ce qui procede de passion et inclination, ou bien vrayement par une inspiration ou mouvement de la raison; car pour toutes ces petites choses il faut marcher en simplicité.

  A006000467 

 Quelle apparence, je vous prie, y auroit-il de faire une heure de meditation pour cognoistre si c'est la volonté de Dieu que je boive quand l'on m'en prie, ou que je m'en abstienne par penitence ou sobrieté, et semblables petites choses lesquelles ne sont dignes de consideration, et principalement si je voy que je contenteray tant soit peu le prochain en les faisant?.

  A006000468 

 C'est pourquoy, encore que nous cognussions qu'ils eussent des inclinations naturelles, voire mesme des passions, par les mouvemens desquelles ils commanderoyent quelquefois ou reprendroyent les defauts de leurs inferieurs, il ne s'en faudroit nullement estonner, car ils sont hommes comme les autres, et par consequent sujets à avoir des inclinations et des passions; mais il ne nous est pas permis de faire jugement que ce qu'ils nous commandent [272] parte de leur passion et inclination, et c'est chose qu'il se faut garder de faire.

  A006000469 

 Et nous verrons assez que ceste parole de Nostre Seigneur qui ordonne que l'on prenne sa croix, doit estre entendue de recevoir de bon cœur les contradictions qui nous sont faites à tous rencontres par la sainte obeissance, bien qu'elles soyent legeres et de peu d'importance..

  A006000470 

 Et bien que sa ferveur l'eust fait desirer de faire ce que les autres faisoyent, elle pourtant n'en tesmoignoit rien; car quand on luy commandoit de s'aller coucher, elle y alloit simplement, sans replique, estant asseurée qu'elle jouïroit aussi bien de la presence de son Espoux dans son lict par obeissance, que si elle eust esté au chœur avec ses Sœurs et compagnes.

  A006000471 

 Que si vous craignez de dire quelque chose de ce qu'ils vous demandent, de peur de vous embarrasser, comme seroit de dire que vous avez des tentations, si vous apprehendez de les dire, au cas qu'ils les voulussent sçavoir par le menu, vous pourrez leur respondre: J'en ay, mon Pere, mais par la grace de Dieu, je ne pense pas y avoir offencé sa Bonté; mais jamais ne dites qu'on vous a defendu de vous confesser de cecy ou de cela.

  A006000472 

 Les confesseurs n'ont pas tousjours intention de vous obliger sur peine de peché à ce qu'ils vous disent; il faut recevoir leurs conseils par maniere de simple [275] direction.

  A006000472 

 Si par son defaut il vous arrivoit quelque chose en confession, vous pourriez dire tout simplement à la Superieure que vous desirez bien, s'il luy plaisoit, de vous confesser à quelque autre, sans dire autre chose; car ainsi faisant, vous ne descouvrirez pas l'imperfection du confesseur, et si, aurez la commodité de vous confesser à vostre gré.

  A006000474 

 Par exemple, ayant à vous confesser dequoy vous avez murmuré en vous-mesme ou bien avec les Sœurs de ce que la Superieure vous a parlé trop sechement, n'allez pas dire que vous avez murmuré de la correction trop brusque qu'elle vous a fait, mais simplement que vous avez murmuré contre la Superieure.

  A006000475 

 Et puisque nous voyons que Dieu l'honnore tant que de parler par sa bouche, comment est-ce que nous autres pourrions manquer d'honnorer et de respecter sa personne?.

  A006000475 

 Il les faut regarder comme tels, et non pas comme des simples hommes; car, quoy qu'ils ne parlent pas si bien que les hommes celestes, il ne faut pourtant rien rabattre de l'humilité et reverence avec laquelle nous devons recevoir la parole de Dieu, qui est tousjours la mesme, aussi pure, aussi sainte que si elle estoit dite et proferée par les Anges.

  A006000475 

 Je remarque que quand j'escris à une personne sur du mauvais papier, et par consequent avec un mauvais caractere, elle me remercie avec autant d'affection que quand je luy escris sur du meilleur papier et [278] avec de plus beaux caracteres.

  A006000480 

 Que si vous demeurez si longuement en confession, que toute la Communauté en soit incommodée, et que la Superieure vous die que vous deviez demander à vous confesser la derniere, selon l'ordre de la maison, à fin que les Sœurs qui doivent aller selon leur rang ordinaire n'en soyent pas incommodées, elle ne vous demande pas pour cela: Que dites-vous, ou que ne dites-vous pas? Elle ne fait nul mal de vous ressouvenir qu'il faut que tout aille par ordre en la maison de Dieu.

  A006000481 

 La Superieure qui s'apperçoit de cela doit, par forme de discours cordial et humble, donner à entendre à tel confesseur la maniere d'agir des Filles de l'Institut.

  A006000481 

 Les Sœurs qui s'apperçoivent par la correction que le confesseur leur fait qu'il ne les entend pas, feront bien de luy dire avec humilité: Mon Pere, je n'ay pas sceu me faire entendre; ce n'est pas ce que vostre Reverence comprend que je veux dire, c'est en telle et telle façon qu'il se doit entendre.

  A006000482 

 Le veniel fait seulement une petite ouverture entre Dieu et nous, et par le Sacrement de Confession nous remettons nostre ame en son premier estat..

  A006000482 

 O que les ames religieuses ont un grand advantage par dessus les mondains, estant dehors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000483 

 L'on peut commettre en confession quatre grands manquemens: le premier, quand l'on y va plustost pour [281] se descharger que pour plaire à Dieu; l'on est si satisfait quand on a bien dit ses raisons, meslant le defaut des autres pour nous mieux faire entendre! Et c'est par ceste voye que les pechés se commettent bien souvent en confession.

  A006000483 

 Le deuxiesme, c'est quand on va dire au confesseur de beaux discours ageancés de belles paroles, raconter une grande histoire pour se faire estimer et croire que l'on est bien esclairé, faisant semblant d'exagerer les fautes; et par ce moyen, d'une bien grosse, l'on fait tant qu'elle est bien petite et qui ne donne pas cognoissance au confesseur de l'estat de l'ame.

  A006000483 

 Le troisiesme manquement est que l'on y va avec tant de finesse et couverture, qu'au lieu de s'accuser l'on s'excuse par une grande recherche de soy-mesme, craignant que l'on ne voye la totalité du defaut; cela est tres-dangereux, qui le feroit volontairement.

  A006000485 

 Mais qui ne void que ce n'est ni les Regles ni les Constitutions qui font le peché, ains le mouvement de paresse par lequel vous desobeissez? Dites donc franchement vos mouvemens et vos fautes, particularisant quelles elles sont, quand elles sont un peu grosses et tirent consequence..

  A006000485 

 Par exemple, la cloche vous appelle à quelques exercices, et par paresse ou autre mauvais sujet vous n'y allez [282] pas: cela est un peché veniel.

  A006000486 

 Toutefois, il ne se faut pas mettre en peine, car nous n'avons pas une perfection exempte d'amour propre qui nous fait tousjours faire quelque chose par cy par là.

  A006000486 

 Une fille, par exemple, à laquelle on aura donné charge d'esteindre au soir les chandelles, s'en oubliera parfois par mesgarde et contre sa volonté: elle n'a point peché.

  A006000488 

 Elle s'estonna fort que je luy dis ne trouver pas peché veniel, et me remercia grandement de luy avoir donné ceste lumiere, m'asseurant qu'elle n'avoit jamais pensé à ceste distinction; par où vous voyez que cela est difficile, puisque ceste ame si sainte et si esclairée estoit neantmoins dans ceste ignorance..

  A006000489 

 Ouy vrayement, ma tres-chere fille, vous pouvez vous approcher de la Communion avec un peché veniel, sinon que par humilité vous vous en voulussiez priver avec congé, ou bien demander licence de vous confesser; mais certes, je repugne fort que l'on se confesse plus souvent que les autres, cela ne sert qu'à donner soupçon que l'on a quelque grande chose..

  A006000490 

 Les pechés veniels sont effacés par un abbaissement devant Dieu, en prenant de l'eau benite, en disant un mea culpa avec humilité.

  A006000490 

 Si neantmoins le scrupule est grand et la faute grosse, la Superieure trouvant bon que vous vous retiriez de la Communion, faites-le doucement, par reverence envers la grandeur et pureté de Dieu.

  A006000493 

 Mais en nos entretiens familiers, je viens en qualité de chirurgien, n'apportant que des emplastres et cataplasmes pour appliquer sur les playes de mes cheres filles; et, bien qu'elles crient un peu holà, je ne lairray pas de presser ma main pour faire mieux tenir l'emplastre, et les guerir par ce moyen.

  A006000495 

 Or, pour monstrer que cecy est naturel, d'aymer les [288] uns par inclination et non pas les autres, ne void-on pas que si deux hommes entrent dans un tripot où deux autres jouent à la paume, d'abord ceux qui entrent auront de l'inclination que l'un gaigne plustost que l'autre? Et d'où vient cela, puisqu'ils ne les ont jamais veus ni l'un ni l'autre, ni n'en avoyent jamais ouy parler, ne sçachant point si l'un est plus vertueux que l'autre? c'est pourquoy ils n'ont point de raison d'en affectionner plus l'un que l'autre.

  A006000496 

 Mais il y a des personnes qui ont si grand peur d'avoir de l'aversion à ceux qu'ils ayment par inclination, qu'ils en fuyent la conversation, de crainte qu'ils ont de rencontrer quelque defaut qui leur oste la suavité de leur affection et de leur amitié..

  A006000500 

 Or de dire: Parce que je ne l'ayme pas, je n'en feray point de profit, ce n'est pas une bonne consequence, non plus que de dire: Je le sçay desja tout par cœur, je ne sçaurois prendre plaisir à le lire.

  A006000500 

 Vous donne-t'on un livre que vous sçavez desja tout ou presque tout par cœur? benissez-en Dieu, d'autant que vous comprendrez plus facilement sa doctrine.

  A006000501 

 Car la vertu de force et la force de la vertu ne s'acquiert jamais au temps de la paix, et tandis que nous ne sommes pas exercés par la tentation de son contraire.

  A006000501 

 Quand on me dit: Voila une telle à laquelle on ne void jamais commettre d'imperfection, je demande incontinent: A-t'elle quelque [293] charge? Si l'on me dit que non, je ne fais pas grand estat de sa perfection; car il y a bien difference entre la vertu de celle-cy et celle d'une autre laquelle sera bien exercée, soit interieurement par les tentations, soit exterieurement par les contradictions qu'on luy fait.

  A006000501 

 Quant au premier poinct, c'est sans doute que vous ne vous devez nullement estonner de voir quelques imperfections ceans, de mesme qu'aux autres maisons religieuses pour parfaites qu'elles soyent; car vous ne le serez jamais tant que vous n'en fassiez tousjours quelques-unes par cy par là, selon que vous serez exercées.

  A006000503 

 Mais outre cela, dés qu'il fut confirmé en grace par la reception du Saint Esprit, encore fit-il une faute qui fut jugée de telle importance, que saint Paul escrivant aux Galates, leur dit qu'il luy avoit resisté en face parce qu'il estoit reprehensible.

  A006000504 

 Ne pensons pas, tandis que nous serons en ceste vie, de pouvoir vivre sans commettre des imperfectoins; car il ne se peut, soit que nous soyons Superieurs, soit que nous soyons inferieurs, puisque nous sommes tous hommes, et par consequent avons tous besoin de croire ceste verité comme tres-asseurée, à fin que nous ne nous estonnions pas de nous voir tous sujets à des imperfections.

  A006000507 

 Il faut aussi prendre garde de ne nous pas estonner si nous avons des passions, car nous n'en serons jamais exempts; ces hermites qui voulurent dire le contraire furent censurés par le sacré Concile, et leur opinion condamnée et tenue pour erreur.

  A006000509 

 Les abeilles sortent bien voirement de leur ruche, mais ce n'est que par necessité ou utilité, et demeurent peu sans y retourner; et principalement le roy des abeilles ne sort que rarement, comme quand il se fait un essaim d'abeilles, qu'il est tout environné de son petit peuple.

  A006000511 

 Bien que par tout on la doive regarder comme une personne particuliere et à laquelle on doit porter un tres-grand respect, si ne faut-il pas qu'elle soit singuliere en aucune chose, que le moins qu'il se pourra.

  A006000511 

 La Superieure doit estre recognuë et remarquée par ses vertus, et non pas par ces singularités non necessaires, specialement entre nous autres de la Visitation, qui voulons faire une profession particuliere d'une grande simplicité et humilité.

  A006000512 

 Soyez grandement soigneuses de conserver l'esprit de la Visitation, mais non pas en sorte que ce soin empesche de le communiquer charitablement et avec simplicité au prochain, à chacun selon leur capacité; et ne craignez pas qu'il se dissipe par ceste communication, car la charité ne gaste jamais rien, ains elle perfectionne toute chose.

  A006000516 

 Si la Superieure donne quelque sujet de plainte, je le luy voudrois dire tout confidemment, ou bien luy faire faire l'advertissement par sa Coadjutrice, comme la Constitution l'ordonne.

  A006000518 

 Feray-je donques pas un grand peché de luy aller faire un rapport de quelque petit mot que la Superieure aura dit par mesgarde, lequel estant redit paioistra grand, et tiendra ce pauvre cœur en peine et en douleur? Celle qui feroit cela feroit deux maux: elle contreviendroit doublement à la charité et parleroit en particulier.

  A006000520 

 Par exemple, un jour de jeusne particulier, comme une vigile, vous voyez une Sœur toute traisnante et langoureuse; vous pouvez et devez tout librement luy dire: Ne jeusnez pas.

  A006000521 

 Si vous avez une Sœur malade de la fievre tierce seulement, et qu'un jour de feste son acces la deust prendre pendant la Messe, vous pouvez et devez perdre la Messe pour demeurer aupres d'elle, bien qu'en la laissant seule il ne luy en deust point arriver de mal; car voyez-vous, la charité et la sainte douceur de nostre bonne Mere l'Eglise sont par tout surnageantes.

  A006000525 

 Quant au premier poinct, qu'il faut qu'une fille soit bien appellée de Dieu pour estre receuë en Religion, il faut sçavoir que quand je parle de cest [310] appel et vocation, je n'entens pas parler de la vocation generale, telle qu'est celle par laquelle Nostre Seigneur appelle tous les hommes au Christianisme, ni encor de celle de laquelle il est dit en l'Evangile que plusieurs sont appelles, mais peu sont esleus.

  A006000526 

 Ainsi en voyons-nous qui viennent par despit et ennuy en Religion; et quoy qu'il semble que ces vocations ne soyent pas bonnes, neantmoins on en a veu qui estans ainsi venus, ils ont fort bien reussi au service de Dieu.

  A006000526 

 D'autres sont incités d'entrer en [311] Religion par quelque desastre et infortune qu'ils ont eu au monde, d'autres par le defaut de la santé ou beauté corporelle; et quoy que ceux-cy ayent des motifs qui de soy ne sont pas bons, neantmoins Dieu s'en sert pour appeller telles personnes.

  A006000528 

 Comment donc, parmi une si grande varieté de vocations et par de si differens motifs, pourra-t'on recognoistre la bonne d'avec la mauvaise, pour n'estre point trompés? C'est une chose voirement de grande importance que ceste-cy, et laquelle est bien difficile; neantmoins elle ne l'est point tant que nous soyons entierement destitués de moyens pour recognoistre la bonté d'une vocation.

  A006000529 

 Ce n'est pas donques par ces divers mouvemens et sentimens qu'il faut juger de la fermeté et constance de la volonté au bien que l'on a une fois embrassé; mais ouy bien si parmi ceste varieté de divers mouvemens la volonté demeure ferme à ne point quitter le bien qu'elle a embrassé, encor qu'elle sente le dégoust ou le refroidissement en l'amour de quelque vertu, et qu'elle ne laisse pour cela de se servir des moyens qui luy sont marqués pour l'acquerir.

  A006000532 

 Car bien que ceux-cy viennent à Dieu comme despités contre le monde qui les a faschés, ou bien à cause de quelques travaux et afflictions qui les ont tourmentés, si ne laissent-ils pas de se donner à Dieu d'une franche volonté; et bien souvent telles personnes reussissent bien au service de Dieu et deviennent des grands Saints, et quelques fois plus grands que ceux qui y sont entrés par des vocations plus apparentes..

  A006000532 

 Car, combien que Dieu soit tout-puissant et peut tout ce qu'il veut, si est-ce qu'il ne veut point nous oster la liberté qu'il nous a une fois donnée; et quand il nous appelle à son service, il veut que ce soit de nostre bon gré que nous y allions, et non par force ni par contrainte.

  A006000532 

 Les autres ont esté appellés par des ennuis, desastres et afflictions qui leur survenoyent au monde; ce qui leur a donné sujet de se despiter contre luy et l'abandonner.

  A006000533 

 Vous aurez leu ce que raconte Platus, d'un gentilhomme brave selon le monde, lequel s'estant un jour bien paré et frisé, estant sur un beau cheval bien empannaché, taschoit par tous moyens de plaire aux dames qu'il muguettoit; et comme il bravoit, voila que son cheval le renverse par terre au milieu de la fange, d'où il sortit tout sale et crotté.

  A006000535 

 Il y en a encor d'autres de qui la vocation n'est de soy pas meilleure que ceste-cy: c'est de ceux qui vont en Religion à cause de quelque defaut naturel, comme pour estre boiteux, borgnes, ou pour estre laids, ou pour avoir quelque autre pareil defaut; et, ce qui semble encor le pire, c'est qu'ils y sont portés par leurs peres et meres, lesquels bien souvent, lors qu'ils ont des enfans borgnes, boiteux, ou autrement defectueux, les laissent au coin du feu et disent: Cecy ne vaut rien pour le monde, il le faut envoyer en Religion; il luy faut procurer quelque benefice, ce sera autant de descharge pour nostre maison.

  A006000536 

 Et tout ainsi qu'une personne qui ne sçait que c'est de la menuyserie, voyant quelque bois tortu en la boutique d'un menuysier, s'estonneroit de luy entendre dire que c'est pour faire quelque beau chef-d'œuvre (car, diroit-il, si cela est comme vous dites, combien de fois faudra-t'il passer le rabot par dessus, avant que d'en pouvoir faire un tel ouvrage?) ainsi, pour l'ordinaire, la divine Providence fait des beaux chefs-d'œuvre avec ces intentions tortues et sinistres, comme il fait entrer [319] en son festin les boiteux et les aveugles, pour nous faire voir qu'il ne sert de rien d'avoir deux yeux ou deux pieds pour aller en Paradis; qu'il vaut mieux aller en Paradis avec une jambe, un œil, un bras que d'en avoir deux et se perdre.

  A006000537 

 Car c'est chose certaine que, quand Dieu appelle quelqu'un à une vocation, il s'oblige par consequent, par sa providence divine, de luy fournir toutes les aydes requises pour se rendre parfait en sa vocation..

  A006000538 

 Or, quand je dis que Nostre Seigneur s'oblige, il ne [320] faudroit pas penser que ce soit nous qui l'ayons obligé à ce faire en suivant sa vocation, car on ne sçauroit l'obliger; mais Dieu s'oblige soy-mesme par soy-mesme, poussé et provoqué à ce faire par les entrailles de son infinie bonté et misericorde; tellement que, me faisant Religieux, Nostre Seigneur s'est obligé de me fournir tout ce qui est necessaire pour estre bon Religieux, non point par devoir, mais par sa misericorde et providence infinie; tout ainsi qu'un grand roy, levant des soldats pour faire la guerre, sa prevoyance et prudence requiert qu'il prepare des armes pour les armer; car, quelle apparence y auroit-il de les envoyer combattre sans armes? Que s'il ne le fait pas, il est taxé d'une grande imprudence, Or, la divine Majesté ne manque jamais de soin ni de prevoyance touchant cecy; et pour le nous mieux faire croire, elle s'y est obligée, en sorte qu'il ne faut jamais entrer en opinion qu'il y ayt de sa faute quand nous ne faisons pas bien: voire, sa.

  A006000539 

 Voila donc comme les jugemens de Dieu sont occultes et secrets, et comme les uns, qui par despit et forme de mocquerie entrent en Religion, y perseverent neantmoins; les autres, y estans bien appellés et ayans commencé avec grande ferveur, finissent mal et quittent tout.

  A006000540 

 Si c'est des filles qui soyent du lieu, l'on peut observer leur façon, et par la conversation que l'on a avec elles, recognoistre quelque chose de leur interieur; mais je trouve qu'il est encor bien malaisé, car elles viennent tousjours en la meilleure mine et posture qui se peut..

  A006000545 

 Je veux dire par là que les cheutes ne doivent pas estre cause que l'on rejette une fille, [329] quand parmi tout cela elle demeure avec une forte volonté de se radresser et de se vouloir servir des moyens que l'on luy donne pour ce sujet.

  A006000546 

 Or, si apres luy avoir fait bien entendre ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amendement, elle ne le fait pas ains se rend incorrigible, il la faut rejetter; sur tout parce que ses fautes, ainsi que vous dites, ne procedent pas faute de jugement ni de pouvoir comprendre en quoy consiste la vraye vertu, ni moins encore ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amendement; mais que c'est par le defaut de la volonté, qui n'a point de perseverance ni de constance à faire et à se servir de ce qu'elle sçait estre requis pour son amendement; encore qu'elle dise quelquefois qu'elle fera mieux, neantmoins ne le fait pas, ains persevere [330] en ceste inconstance de volonté, je ne luy donnerois pas ma voix..

  A006000548 

 L'on demande en second lieu, qu'est-ce que l'on doit juger d'une fille qui tesmoigne par ses paroles qu'elle se repent d'estre entrée en Religion? Certes, si elle persevere en ces dégousts de sa vocation et à se repentir, et que l'on voye que cela la rende lasche et negligente à se former selon l'esprit de sa vocation, il la faut mettre dehors.

  A006000548 

 Neantmoins, il faut considerer que cela peut arriver ou par une simple tentation ou pour exercice: et cela se peut cognoistre par le profit qu'elle fera de telle pensée, dégoust ou repentir, quand avec [331] simplicité elle se descouvrira de telle chose et qu'elle sera fidelle à se servir des remedes que l'on luy donnera là dessus; car Dieu ne permet jamais rien pour nostre exercice, qu'il ne veuille que nous en tirions profit, ce qui se fait tousjours quand l'on est fidelle à se descouvrir et, comme j'ay dit, simple à croire et à faire ce que l'on nous dit: et cecy est la marque que l'exercice est de Dieu.

  A006000551 

 En fin, pour toutes les imperfections que les filles apportent du monde il faut garder ceste regle: quand [335] l'on void qu'elles s'amendent, combien qu'elles ne laissent pas de commettre des fautes, il ne faut pas les rejetter, car par l'amendement elles font voir qu'elles ne veulent pas demeurer incorrigibles.

  A006000555 

 Les Sacremens doncques sont des canaux par lesquels, pour ainsi parler, Dieu descend à nous, comme par l'oraison nous montons à luy, puisque l'oraison n'est autre chose qu'une elevation de nostre esprit en Dieu.

  A006000555 

 Par le Sacrement de Baptesme, nous nous unissons à Dieu comme le fils avec le pere; par celuy de la Confirmation, nous nous unissons comme le soldat avec son capitaine, prenant force pour combattre et vaincre nos ennemis en toutes tentations; par le Sacrement de Penitence, nous sommes unis à Dieu comme les amis reconciliés; par celuy de l'Eucharistie, comme la viande avec l'estomach; par celuy de l'Extreme Unction, nous nous unissons à Dieu comme l'enfant qui vient d'un lointains païs, mettant desja l'un des pieds en la maison de son pere pour se [338] reunir avec luy, avec sa mere et toute la famille.

  A006000557 

 [338] Mais si, au contraire, vous consentez à l'inquietude dequoy l'on vous a refusé de communier, ou dequoy vous n'avez pas eu de la consolation, qui ne void que vostre intention estoit impure, et que vous ne cherchiez de vous unir à Dieu, ains aux consolations, puisque vostre union avec Dieu se doit faire sous la sainte vertu d'obeissance? Et tout de mesme, si vous desirez la perfection d'un desir plein d'inquietude, qui ne void que c'est l'amour propre, qui ne voudroit pas que l'on vist de l'imperfection en nous? S'il estoit possible que nous peussions estre autant agreables à Dieu estans imparfaits comme estans parfaits, nous devrions desirer d'estre sans perfection, à fin de nourrir en nous par ce moyen la tres-sainte humilité..

  A006000558 

 Je ne dis pas, par ceste grande attention, qu'il ne faille point avoir de distraction, car il n'est pas en nostre pouvoir; mais j'entends de dire qu'il faut avoir un soin tout particulier à ne s'y point arrester volontairement..

  A006000558 

 Par exemple, allant à la Confession, nous y devons porter un coeur amoureusement douloureux, et à la sainte Communion, il y faut porter un cœur ardemment amoureux.

  A006000559 

 La troisiesme preparation c'est l'humilité, qui est une vertu fort necessaire pour recevoir abondamment les graces qui découlent par les canaux des Sacremens; parce que les eaux ont bien accoustumé de couler plus vistement et plus fortement quand les canaux sont posés en des lieux panchans et tendans en bas..

  A006000561 

 Et pour monstrer combien il le desire, il dit à son amante sacrée qu'elle le mette comme un cachet sur son cœur, à fin que rien n'y puisse entrer que par sa permission et selon son bon plaisir.

  A006000562 

 L'on peut bien communier pour diverses fins: comme pour demander à Dieu d'estre delivrés de quelque tentation ou affliction, soit pour nous ou pour nos amis, [341] ou pour demander quelque vertu, pourveu que ce soit sous ceste condition de nous unir par ce moyen plus parfaitement à Dieu, ce qui n'arrive pourtant pas bien souvent; car au temps de l'affliction l'on est ordinairement plus uni à Dieu, parce que l'on se ressouvient plus souvent de luy.

  A006000565 

 Si vous devenez par le moyen de la tres-sainte Communion, fort douce (puisque c'est la vertu qui est propre à ce Sacrement, [343] qui est tout doux, tout suave, tout miel), vous retirerez le fruict qui luy est propre, et ainsi vous vous advancerez; mais si, au contraire, vous ne devenez point plus humble ni plus douce, vous meritez que l'on vous leve le pain, puisque vous ne voulez pas travailler..

  A006000565 

 Vous le cognoistrez si vous vous advancez par les vertus qui leur sont propres: comme si vous tirez de la Confession l'amour de vostre propre abjection et l'humilité, car ce sont les vertus qui luy sont propres; et c'est tousjours par la mesure de l'humilité que l'on recognoist nostre advancement.

  A006000565 

 Vous voudriez peut estre sçavoir comme vous cognoistrez si vous profitez par le moyen de la reception des Sacremens.

  A006000571 

 Que celles qui entendent quelque peu ce qu'elles disent à l'Office employent fidellement ce talent selon le bon plaisir de Dieu, qui le leur a donné pour les ayder à se retenir recueillies par le moyen des bonnes affections qu'elles en pourront tirer; et que celles qui [345] n'y entendent rien se tiennent simplement attentives à Dieu, ou bien qu'elles fassent des eslancemens amoureux tandis que l'autre chœur dit le verset et qu'elles font les pauses.

  A006000572 

 En apres, il ne faut pas avoir du scrupule de laisser en tout un Office deux ou trois versets par mesgarde, pourveu que l'on ne le fist à dessein.

  A006000575 

 Telles personnes ressemblent à ceux qui se trouvant au lieu où ils pretendent d'aller, s'en retournent parce qu'ils n'y sont pas venus par le chemin que l'on leur a enseigné..

  A006000579 

 Elles peuvent demeurer ainsi utilement, cela est bon; mais generalement parlant, il faut faire que toutes les filles commencent par la methode d'oraison qui est la plus seure, et qui porte à la reformation de vie et changement de mœurs, qui est celle que nous disons qui se fait autour des mysteres de la Vie et de la Mort de Nostre Seigneur: on y marche en asseurance.

  A006000580 

 Nous devons faire nos resolutions en la ferveur de l'oraison, lors que le Soleil de justice nous esclaire et nous incite par son inspiration.

  A006000589 

 Et tout ainsi comme l'on void un miroir opposé aux rayons du soleil recevoir ses rayons tres-parfaitement, et un autre miroir estant mis vis à vis de celuy qui les reçoit, bien que le dernier miroir ne prenne ou reçoive les rayons du soleil que par reverberation, les represente pourtant si naïfvement que l'on ne pourroit presque pas juger lequel c'est qui [355] les reçoit immediatement du soleil, ou celuy qui est opposé au soleil, ou celuy qui ne les reçoit que par reverberation; de mesme en estoit-il de Nostre Dame, laquelle [était] comme un tres-pur miroir opposé aux rayons du Soleil de justice, rayons qui apportoyent en son ame toutes les vertus en leur perfection, perfections et vertus qui faisoyent une reverberation si parfaite en saint Joseph, qu'il sembloit presque qu'il fust aussi parfait ou qu'il eust les vertus en un si haut degré comme les avoit la glorieuse Vierge nostre Maistresse..

  A006000589 

 O quelle divine union entre Nostre Dame et le glorieux saint Joseph! union qui faisoit que ce Bien des biens eternels, qui est Nostre Seigneur, fust et appartinst à saint Joseph ainsi qu'il appartenoit à Nostre Dame; non selon la nature qu'il avoit pris dans les entrailles de nostre glorieuse Maistresse, nature qui avoit esté formée par le Saint Esprit du tres-pur sang de Nostre Dame, ains selon la grace, laquelle le rendoit participant de tous les biens de sa chere Espouse, et laquelle faisoit qu'il alloit merveilleusement croissant en perfection; et c'est par la communication continuelle qu'il avoit avec Nostre Dame, qui possedoit toutes les vertus en un si haut degré que nulle autre pure creature n'y sçauroit parvenir; neantmoins le glorieux saint Joseph estoit celuy qui en approchoit davantage.

  A006000590 

 Mais en particulier, pour nous tenir en nostre propos commencé, en quel degré pensons-nous qu'il eust la virginité, qui est une vertu qui nous rend semblables aux Anges? Si la tres-sainte Vierge ne fut pas seulement Vierge toute pure et toute blanche, ains (comme chante la sainte Eglise aux respons des leçons des Matines, « Sainte et immaculée virginité, » etc.) elle estoit la virginité mesme, combien pensons-nous que celuy qui fut commis de la part du Pere eternel pour gardien de sa virginité, ou pour mieux dire, pour compagnon, puisqu'elle n'avoit pas besoin d'estre gardée d'autre que d'elle-mesme, combien, dis-je, devoit-il estre grand en ceste vertu? Ils avoyent fait vœu tous deux de garder virginité tout le temps de leur vie, et voila que Dieu veut qu'ils soyent unis par le lien d'un saint mariage, non pas pour les faire dédire ni se repentir de leur vœu, ains pour les reconfirmer et se fortifier l'un l'autre de perseverer en leur sainte entreprise; c'est pourquoy ils le firent encores de vivre virginalement ensemble tout le reste de leur vie..

  A006000591 

 Nostre sœur elle est petite, elle n'a point de mammelles, c'est à dire, elle ne pense point au mariage, car elle n'a ni sein ni soin pour cela: que luy ferons-nous au jour qu'il luy faudra parler? Qu'est-ce à dire cela: au jour qu'il luy faudra parler? le divin Espoux ne luy parle-t'il pas tousjours quand il luy plaist? Au jour qu'il luy faudra parler, cela veut dire, de la parole principale, qui est quand on parle aux filles de les marier; d'autant que c'est une parole d'importance, puisqu'il y va du choix et de l'élection d'une vocation et d'un estat auquel il faut par apres demeurer.

  A006000591 

 Voicy comme ce divin Espoux parle de la pureté de la tres-sainte Vierge, de l'Eglise, ou de l'ame devote; mais principalement cecy s'adresse à la tres-sainte Vierge, qui fut ceste divine Sulamite par excellence au dessus de toutes les autres.

  A006000592 

 Qu'est-ce que le glorieux saint Joseph, sinon un fort boulevard qui a esté establi au dessus de Nostre Dame, puisqu'estant son Espouse, elle luy estoit sujette et il avoit soin d'elle? Au contraire donques que saint Joseph fust establi au dessus de Nostre Dame pour luy faire rompre son vœu de virginité, il luy a esté donné pour compagnon d'icelle, et à fin que la pureté de Nostre Dame peust plus admirablement perseverer en son integrité sous le voile et l'ombrage du saint mariage et de la sainte union qu'ils avoyent par ensemble.

  A006000592 

 Si la tres-sainte Vierge est une porte, dit le Pere eternel, nous ne voulons pas qu'elle soit ouverte, car c'est une porte orientale par laquelle nul ne peut entrer ni sortir; au contraire, il la faut doubler et renforcer de bois incorruptible, c'est à dire, luy donner un compagnon en sa pureté, qui est le grand saint Joseph, lequel devoit pour cest effet surpasser tous les Saints, voire les Anges et les Cherubins mesmes en ceste vertu tant recommandable de la virginité, vertu qui le rendit semblable au palmier, ainsi que nous avons dit..

  A006000594 

 Ces hommes mondains qui sont si legers à faire espanouïr leurs fleurs au printemps de ceste vie mortelle, par un esprit d'orgueil et d'ambition, courent tousjours fortune d'estre pris par la gelée qui leur fait perdre les fruicts de leurs actions.

  A006000597 

 O en quelle extremité estoit reduite son abjection et son humilité! Son humilité fut la cause, ainsi que l'explique saint Bernard, qu'il voulut quitter Nostre Dame quand il la vid enceinte; car saint Bernard dit qu'il fit ce discours en soy-mesme: Et qu'est cecy? Je sçay qu'elle est vierge, car nous avons fait, un vœu par ensemble de garder nostre virginité et pureté, à quoy elle ne voudroit aucunement manquer; d'ailleurs je voy qu'elle est enceinte et qu'elle est mere: comment se peut faire que la maternité se trouve en la virginité, et que la virginité n'empesche point la maternité? O Dieu! dit-il en soy-mesme, ne seroit-ce point peut estre ceste glorieuse Vierge dont les Prophetes asseurent qu'elle concevra et sera Mere du Messie? O si cela est, à Dieu ne plaise que je demeure avec elle, moy qui en suis si indigne.

  A006000599 

 De mesme, les ames justes craignant de perdre le prix et la valeur de leurs bonnes œuvres, les resserrent ordinairement dans une boite; mais non dans une boite commune, non plus que les onguens pretieux, ains dans une boite d'albastre, telle que celle que sainte Magdelaine respandit ou vuida sur le chef sacré de Nostre Seigneur lors qu'il la restablit en la virginité non essentielle mais reparée, laquelle est quelquefois plus excellente, estant acquise et restablie par la penitence, que non pas celle qui n'ayant point receu de tare est accompagnée de moins d'humilité.

  A006000600 

 Mais quelle plus parfaite humilité se peut-il imaginer que celle de saint Joseph? Je laisse à part celle de Nostre Dame, car nous avons desja dit que saint Joseph recevoit un grand accroissement en toutes les vertus par forme de reverberation que celles de la tres-sainte Vierge faisoyent en luy.

  A006000601 

 O Dieu, qu'il faisoit bon voir la reverence et le respect avec lequel il traittoit tant avec la Mere qu'avec le Fils! S'il avoit bien voulu quitter la Mere, ne sçachant encor tout à fait la grandeur de sa dignité, en quelle admiration et profond aneantissement estoit-il par apres, quand il se voyoit estre tant honnoré que Nostre Seigneur et Nostre Dame se rendissent obeissans à ses volontés et ne fissent rien que par son commandement! Cecy est une chose qui ne se peut comprendre; c'est pourquoy il nous faut passer à la troisiesme proprieté que je remarque estre en la palme, qui est [364] la vaillance, constance et force, vertus qui se sont trouvées en un degré fort eminent en nostre Saint..

  A006000603 

 Or, la perseverance fait que l'homme mesprise cest ennemy en telle sorte qu'il en demeure victorieux, par une continuelle égalité et sousmission à la volonté de Dieu.

  A006000604 

 Mais quelle vaillance et quelle force ne tesmoigne-t'il pas en la victoire qu'il remporta sur les deux plus grands ennemis de l'homme, le diable et le monde? et cela par la pratique exacte d'une tres-parfaite humilité, comme nous avons remarqué, en tout le cours de sa vie.

  A006000606 

 Si saint Paul a tant admiré l'obeissance d'Abraham lors que Dieu luy commanda de sortir de sa terre, d'autant que Dieu ne luy dit pas de quel costé il iroit, ni moins Abraham ne luy demanda pas: Seigneur, vous me dites que je sorte, mais dites-moy donc si ce sera par la porte du midy ou du costé de la bise, ains il se mit en chemin, et alloit selon que l'Esprit de Dieu le conduisoit, combien est admirable ceste parfaite obeissance de saint Joseph! L'Ange ne luy dit point jusques à quand il demeureroit en Egypte, et il ne s'en enquiert pas.

  A006000608 

 Apres quoy il se sousmettoit tres-humblement à la volonté de Dieu en la continuation de sa pauvreté et de son abjection, sans se laisser aucunement vaincre ni terrasser par l'ennuy interieur, lequel sans doute luy faisoit maintes attaques; mais il demeuroit tousjours constant en la soumission laquelle, comme toutes ses autres vertus, alloit continuellement croissant et se perfectionnant; ainsi que de Nostre Dame, laquelle gaignoit chaque jour un surcroist de vertus et de perfections qu'elle prenoit en son Fils tres-saint, lequel ne pouvant croistre en aucune chose, d'autant qu'il fut dés l'instant de sa conception tel qu'il est et sera eternellement, faisoit que la sainte famille en laquelle il estoit alloit tousjours croissant et avançant en perfection, Nostre Dame tirant sa perfection de sa divine Bonté, et saint Joseph la recevant, comme nous avons desja dit, par l'entremise de Nostre Dame..

  A006000609 

 Que nous reste-t'il plus à dire maintenant, sinon que nous ne devons nullement douter que ce glorieux Saint n'ayt beaucoup de credit dans le Ciel aupres de Celuy qui l'a tant favorisé que de l'y eslever en corps et en ame; ce qui est d'autant plus probable que nous n'en avons nulle relique ça bas en terre, et il me semble que nul ne peut douter de ceste verité; car, comme eust peu refuser ceste grace à saint Joseph Celuy qui luy avoit esté si obeissant tout le temps de sa vie? Sans doute que Nostre Seigneur descendant au Limbe, fut arraisonné par saint Joseph en ceste sorte: Mon Seigneur, ressouvenez-vous, s'il vous plaist, que quand vous vinstes du Ciel en terre je vous receus en ma maison, en ma famille, et que dés que vous fustes né je [369] vous receus entre mes bras.

  A006000615 

 Il faut, par necessité, que ce soit Dieu qui bastisse la cité, ou autrement, bien qu'elle fust bastie, il la faudroit ruiner.

  A006000616 

 Je dis donc, mes cheres filles, que nostre unique pretention doit estre de nous unir à Dieu comme Jesus Christ s'est uni à Dieu son Pere, qui a esté en mourant sur la croix; car je n'entens point vous parler de ceste union generale qui se fait par le Baptesme, où les Chrestiens s'unissent à Dieu en prenant ce divin Sacrement et caractere du Christianisme, et s'obligent à garder ses commandemens, ceux de la sainte Eglise, s'exercer aux bonnes œuvres, pratiquer les vertus de la foy, esperance et charité; et partant leur union est valable, et peuvent justement pretendre au Paradis, S'unissant par ce moyen à Dieu comme à leur Dieu, ils ne sont point obligés à davantage; ils ont atteint leur but par la voye generale et spacieuse des commandemens.

  A006000616 

 Mais quant à vous, mes cheres filles, il n'en va pas ainsi; car outre ceste commune obligation que vous avez avec tous les Chrestiens, Dieu, par un amour tout special, vous a choisies pour estre ses cheres espouses..

  A006000617 

 C'est estre reliées à Dieu par la continuelle mortification de nous-mesmes, et ne vivre que pour Dieu, nostre propre cœur servant tousjours à sa divine Majesté, nos yeux, nostre langue, nos mains et tout le reste le servant continuellement.

  A006000617 

 Et parce que nous ne sçaurions arriver à cela que par une continuelle pratique de mortification de toutes nos passions, inclinations, humeurs et aversions, nous sommes obligés à veiller continuellement sur nous-mesmes [373] à fin de faire mourir tout cela.

  A006000617 

 Par consequent, vous qui pretendez à l'habit, et vous autres qui pretendez la sainte Profession, regardez bien plus d'une fois si vous avez assez de resolution pour mourir à vous-mesmes et ne vivre qu'à Dieu.

  A006000620 

 Ces paroles sont dures: Il faut mourir; mais elles sont suivies d'une grande douceur: c'est à fin d'estre unies à Dieu par ceste mort.

  A006000620 

 Je dis donc qu'il faut mourir à fin que Dieu vive en nous, car il est impossible d'acquerir l'union de nostre ame avec Dieu par un autre moyen que par la mortification.

  A006000620 

 Mais comment, me direz-vous, le destruire? Comment, mes cheres filles? par l'obeissance ponctuelle à vos Regles.

  A006000622 

 La Religion ne fait pas grand triomphe de façonner un esprit tout fait, une ame douce et tranquille en elle-mesme; mais elle estime grandement de reduire à la vertu les ames fortes en leurs inclinations, car ces ames-là, si elles sont fidelles, elles passeront les autres, acquerant par la pointe de l'esprit ce que les autres ont sans peine..

  A006000623 

 Le monde se trompe en ceste pensée, Dieu ne rejette rien de ce où la malice ne se rencontre point; car dites-moy, je vous prie, que peut [378] mais une personne d'estre de telle ou telle temperature, sujette à telle ou telle passion? Le tout gist donc aux actes que nous en faisons par ce mouvement, lequel dépend de nostre volonté, le peche estant si volontaire que sans nostre consentement il n'y a point de peché.

  A006000626 

 Mais remarquez [380] que je vous dis: Marchez par l'observance ponctuelle et fidelle, car qui mesprisera sa voye sera tué, dit Salomon..

  A006000626 

 Suivez sans crainte ceste boussole divine, c'est Nostre Seigneur; la barque ce sont vos Regles; ceux qui la conduisent sont les Superieures, qui pour l'ordinaire vous disent: Marchez, nos Soeurs, par l'observance ponctuelle de vos Regles; vous arriverez heureusement à Dieu, il vous conduira seurement.

  A006000627 

 Dieu nous attire par des attraits particuliers, chacun a le sien special, nous ne sommes pas toutes tirées par un mesme chemin.

  A006000627 

 Mais prenez garde que s'il vous vient quelque goust interieur et caresse de Nostre Seigneur, de ne vous y attacher pas; c'est comme un peu d'anis confit que l'apothicaire met sur la potion amere du malade: il faut que le malade avale la medecine bien amere, pour sa santé, et bien qu'il prenne de la main de l'apothicaire ces grains sucrés, il faut par necessité qu'il ressente par apres les amertumes de la purgation..

  A006000627 

 Si vous faites ce qui vous est enseigné, mes cheres filles, vous serez tres-heureuses, vous vivrez contentes et experimenterez dés ce monde les faveurs du Paradis, au moins par petits eschantillons.

  A006000627 

 Vous dites, ma Mere, que nos Soeurs disent: Cela est bon de marcher par les Regles, mais c'est la voye generale.

  A006000632 

 Je luy dis que si j'estois Religieux, je pense que je ferois cecy: je ne demanderois point à communier plus souvent que la Communauté le fait; je ne demanderois point à porter la haire, le cilice, la ceinture, à faire des jeusnes extraordinaires, ni disciplines, ni aucune autre chose; je me contenterois de suivre en tout et par tout la Communauté.

  A006000633 

 Toute nostre perfection gist en la pratique de ce poinct; et le mesme saint Paul, escrivant à un de ses disciples, luy defend entre autres choses de ne point laisser occuper son cœur par aucun desir, tant il avoit de cognoissance de ce defaut..

  A006000636 

 Heureux seront les Religieux et Religieuses qui feront ceste grande et absolue remise entre les mains de leurs Superieurs, lesquels, par le motif de la charité, les serviront et pourvoiront soigneusement à tous leurs besoins et necessités, car la charité est plus forte et presse de plus pres que la nature..

  A006000636 

 O Dieu, qu'elle estoit heureuse, ceste bonne femme! Certes, elle meritoit bien que l'on prinst soin d'elle, comme firent aussi les Apostres qui pourveurent à sa guerison sans en estre sollicités par elle, ains par la charité et commiseration de ce qu'elle souffroit.

  A006000639 

 En fin, c'est grande compassion combien nous sommes peu imitateurs de la patience de nostre Sauveur, lequel s'oublioit de ses douleurs et ne taschoit point de les faire remarquer par les hommes, se contentant que son Pere celeste, par l'obeissance duquel il les souffroit, les considerast, et appaisast son courroux envers la nature humaine pour laquelle il patissoit..

  A006000639 

 Helas! si nous avons tant soit peu d'incommodité nous faisons tout au contraire de ce que nostre doux Maistre nous a enseigné, car nous ne cessons de nous lamenter, et ne trouvons pas assez de personnes, ce semble, pour nous plaindre et raconter nos douleurs par le menu.

  A006000649 

 Nous soubsignez Docteurs en la sacrée Faculté de Theologie à Paris; certifions avoir leu diligemment les v de feu Messire FRANÇOIS DE SALES d'heureuse memoire, Evesque et Prince de Geneve, par luy faicts de vive voix, aux Religieuses de l'Ordre de la Visitation de saincte Marie, pour leur instruction, et direction, et par icelles Religieuses colligez, et redigez par escrit pour leur usage; lesquels ressentent son homme d'Oraison, et parfaitement interieur, et sont conformes aux Regles et maximes de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine: Et d'iceux on peut tirer tres-utilement la parabole de ce que toute sorte de personnes, tant Regulieres que Seculieres, doivent pratiquer pour bien employer les graces de nostre Dieu, devenir grandes en vertu, redresser les inclinations de la nature, et porter courageusement le joug de nostre Seigneur.

  A006000667 

 LOUIS par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre.

  A006000667 

 Nous vous mandons, et par ces presentes, signees de nostre main, enjoignons que vous ayez à faire saisir et arrester tous les Exemplaires dudit livre, en quelque part qu'ils seront trouvez, et que vous contraigniez et fassiez contraindre tous ceux qui s'en trouveront saisis, de les vous delivrer, par toutes voyes dettes et raisonnables, pour estre lesdits Exemplaires supprimez, faisant faire, comme nous faisons par ces dictes presentes, tres-expresses deffences à tous Libraires et Imprimeurs, de reimprimer ledict livre, nonobstant ledict Privilege. et permission, que nous avons revoqué, revoquons, et à peine de confiscation des exemplaires, de cinq cens livres d'amande et autre plus grande peine s'il y eschet; nonobstant oppositions, ou Appellations quelconques, pour lesquelles ne sera differé, et dont si aucunes interviennent, Nous avons reservé et reservons la cognoissance, à Nous et à nostre Conseil, et icelle interditte à tous autres Juges.

  A006000670 

 Et plus bas Par le Roy..

  A006000681 

 A ces causes, apres qu'il nous est apparu, par l'acte d'Approbation des Docteurs en Theologie, cy attaché soubs le contre-seel de nostre Chancellerie, qu'il n'y a rien audict Livre de contraire à la Religion Catholique, Apostolique et Romaine; Avons au susdict Exposant permis et octroyé, permettons et octroyons par ces presentes de faire imprimer en nostre Royaume ledict Livre, sans qu'aucuns autres Imprimeurs que celuy qui sera par luy nommé, puissent imprimer, vendre, ny distribuer ledict Livre, durant le temps de six ans; Faisant pareillement defence à tous Imprimeurs, d'imprimer à l'advenir aucunes des Œuvres dudict feu sieur Evesque, cy devant imprimées, et à imprimer, sans l'expies consentement dudict Exposant, sur peine d'amende arbitraire, confiscations desdicts Livres, et de tous despens, dommages, et interests.

  A006000681 

 LOUIS par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, A nos amez et feaux Conseillers tenans nos Cours de Parlement, Baillifs, Seneschaux, Prevosts, leurs Lieutenans, et tous autres nos Justiciers, et Officiers qu'il appartiendra, Salut.

  A006000681 

 Nostre amé et feal Conseiller en nos Conseils, le sieur JEAN FRANÇOIS DE SALES Evesque et Prince de Geneve, Nous a fait remonstrer: Que le feu sieur Evesque de Geneve son frere, desireux de l'avancement en la vertu des Religieuses de l'Ordre de la Visitation de nostre Dame, par luy fondées, et establies en ce Royaume, avoit souvent eu avec elles plusieurs Entretiens des choses spirituelles, tendant à leur instruction et edification, lesquels ayans esté jugés par lesdictes Religieuses, non seulement utiles poulies ames retirees du monde; mais aussi pour toutes sortes de conditions: Elles eurent soing de les recueillir diligemment, pour les faire quelque jour imprimer, et donner au public; et à ceste fin les auroyent à present mis és mains dudit Exposant.

  A006000682 

 Par le Roy en son Conseil.

  A006000695 

 A quelles fins, et en conformité dudit pouvoir et Privilege, donné comme dict est par le Roy à mondict Seigneur le Reverendissime Evesque, il a transporté, comme il cede, et transporte purement au sieur Vincent de Cœursilly Libraire de la ville de Lyon, absent, moy Notaire pour luy stipulant; à sçavoir le mesme Privilege, et pouvoir d'imprimer, ou faire imprimer Les vrays Entretiens du bien heureux FRANÇOIS DE SALES Evesque et Prince de Geneve, son Frere et predecesseur, et de directement y proceder tout ainsi, et à la mesme forme que feroit mondit Seigneur, si present y estoit, sans permettre aucun abus; ains que le tout soit faict vrayement, et nettement, le mettant en son vray lieu et place, en conformité dudit Privilege: le faisant et constituant en cest endroit son vray Procureur special, et irrevocable, pour faire les informations requises et necessaires, avec eslection de domicile, informer, soubs et avec toutes provisions, sermens, obligations, renonciations, et clauses requises.

  A006000695 

 L'an mil six cens vingt-neuf, et le vingt-uniesme jour du mois de Juin; par devant moy Notaire soubsigné, et presens les tesmoins sousnommez: S'est estably et constitué en personne, Monseigneur l'Illustrissime, et Reverendissime JEAN FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, lequel de son gré, et en suitte du Privilege par luy obtenu du Roy, par patentes de sa Majesté, données au Camp de la Rochelle, en l'année mil six cens vingt-huict, et le vingtiesme jour du mois de Juillet, aux fins de faire imprimer Les vrays Entretiens du bien heureux FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve.

  A006000698 

 Eu foy de quoy avons octroyé ces presentes, signées par le Secretaire de ladicte Evesché, en fin de nostre nom, et seellees du seel d'icelle.

  A006000698 

 Nous Michel Favre, Official deputé en l'Evesché de Geneve, certifions à tous qu'il appartiendra, que maistre Claude Decrouz, Notaire, bourgeois d'Annessy, qui a receu et stipulé l'acte de transport, et remission de Privilege sus escrit, est Notaire Ducal en Genevois, et qu'aux Actes, et Contrats par luy receus, et stipulez, foy y est adjoustée en jugement, et dehors, vivant ledit Notaire en bonne fame, vie, et reputation, ainsi que tout notoire.

  A006000730 

 Et qu'y ferois-je, ma fille? pas si bien que vous sans doute, car je ne [397] vaux rien; mais il me semble qu'avec la grace de Dieu, je me tiendrois si attentif à la pratique des petites et menues observances qui sont introduites ceans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Dieu.

  A006000738 

 Et que c'est que je ferois? Je n'en sçay rien: qu'en peux-je sçavoir? Je ne ferois pas si bien que vous, car je suis un poltron, je ne vaux rien moy; [397] mais il m'est advis qu'avec la grace de Dieu, je me rendrois si attentif à la pratique des vertus et menues observances qui sont introduites là dedans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Nostre Seigneur.

  A006000739 

 Par tout là où je me trouverois j'y appliquerois bien mon esprit le plus qu'il me serait possible, [et] à bien observer les Regles et Constitutions.

  A006000748 

 Le premier degré de l'humilité c'est la cognoissance de soy-mesme, c'est à dire lors que par le tesmoignage de nostre propre conscience et par la lumiere que Dieu respand dans nostre esprit, nous cognoissons que nous ne sommes rien que pauvreté, que misere et abjection.

  A006000762 

 Le plus ordinaire sejour de l'ame devote doit estre au pied de la Croix de Nostre Seigneur, car l'on obtient davantage de Dieu par le chemin de l'humilité et reverence; et il ne se faut pas trop avancer par la voye de la confiance, de peur qu'il ne nous arrive comme à l'Espouse, qui pria son Amy de luy monstrer le lieu où il reposoit sur le midy.

  A006000763 

 A mesure que l'on s'abaisse par humilité, à mesure l'on croist en vertu, et non plus.

  A006000763 

 La rose a encor une autre proprieté, c'est qu'elle tue tous les limaçons qui viennent à l'entour de son rosier, par sa suave odeur: ainsy l'ame devote, qui doit estre une rose devant Dieu, doit chasser et tuer tous les limaçons qui viennent à l'entour de son cœur, c'est à dire le rafroidissement et tiedeur qui l'empeschent de courir en la voye de Dieu.

  A006000766 

 Les ames bien-heureuses qui sont au Ciel ne se resjouïssent rien tant que de parler de la Mort et Passion de Nostre Seigneur, par laquelle elles ont acquis la gloire qu'elles possedent.

  A006000767 

 Et pour la bien faire, il faut, outre cela, avoir encor trois autres conditions, à sçavoir: estre pauvre par humilité, riche en esperance, et estre enté sur l'arbre de la Croix avec Nostre Seigneur: et en somme, il faut tousjours demander à Dieu en l'oraison qu'il « accroisse en nous la foy, l'esperance et la charité.

  A006000772 

 C'est une des plus grandes graces que nous puissions recevoir de Nostre Seigneur que la cognoissance de ce que nous sommes, par quelque voye que ce soit..

  A006000779 

 David reconneut son peché par celuy que luy proposa le Prophete Nathan sous le nom d'autruy.

  A006000779 

 Il ne faut pas pourtant vouloir aller par une autre voye que celle qu'il plaist à Dieu nous conduire, soit à pied, soit en barque; mais il faut avoir ceste resolution de se monstrer fidelle aux occasions, car nous sommes des geans à pecher et des nains à bien faire.

  A006000780 

 Les mortifications qui ne sont point apprestées à la sauce de nostre propre volonté sont les meilleures et plus excellentes, et aussi celles que l'on rencontre par les rues sans y penser et que l'on ne cherche pas, et celles qui nous sont journalieres quoy que petites..

  A006000791 

 Il faut avoir une grande attention pour bien faire toutes nos prieres et oraisons, non point superficiellement et par maniere d'acquit..

  A006000794 

 Ceux-là sont tiedes qui vont lentement au service de Dieu et comme par coustume, disant: Allons tousjours; pourveu que nous arrivions une fois à la perfection, ce sera assez.

  A006000799 

 Voicy ses propres termes, recueillis par nostre Sœur Anne-Marie Bollain:.

  A006000800 

 Les Filles de la Visitation doivent estre fort fermes en la foy, humbles dans la conversation, honnestes de paroles, justes és jugemens sur les deportemens du prochain, equitables és actions, [406] misericordieuses és œuvres, reglées és mœurs, patientes et courageuses és tribulations, maladies et infirmités, souples à tous les desseins et volontés de Dieu en toutes choses, douces et condescendantes au prochain, zelées pour la gloire de Dieu, ne cherchant qu'à luy plaire, unies inseparablement à son amour par une fidelité inviolable à ne s'attacher qu'à luy seul, à se tenir en sa presence, à le preferer à tout par un amour de surestime: c'est là l'esprit de vostre Congregation, mes cheres filles, et l'heritage que je vous laisse en vous disant le dernier adieu, avec ce souhait que vous soyez à jamais unies..

  A006000810 

 De mille larmes que l'on jette en ces occasions-là, il y en a bien peu de veritables, et cela se fait fort souvent par imitation; en fin cela sent la fille.

  A006000811 

 Celuy d'union se doit conserver par la parfaite observance, à fin qu'elle persevere selon le bon plaisir de Dieu..

  A006000811 

 Il nous dit encore ensuite: « Le bonheur d'un Ordre ne depend nullement d'un chef, cela se void tous les jours par experience; et ceux qui en ont eu, et de si excellens, n'ont pas delaissé de se relascher.

  A006000811 

 Tout depend de la fidelité que l'on a de s'unir à Dieu par la fidelité à l'observance des Regles et Constitutions; et on a beau rechercher des moyens, rien ne maintiendra la compagnie que la fidelité d'une chacune à garder ses Regles.

  A006000813 

 » Il dit encor: « Si l'on venoit un jour à faire difficulté de recevoir les infirmes en nos maisons, je retournerois et ferois tant de bruit par vos dortoirs, que je ferois sçavoir que l'on fait contre mon intention.

  A006000815 

 Et je luy dis que j'avois souvent du scrupule et remords de conscience de ce que je n'estois pas assez ferme pour les choses temporelles, craignant que les parens ne donnassent pas assez à leurs filles par [410] ma faute et que la maison ne fust pauvre.

  A006000815 

 Il se faut priver des biens, non pas par desdain ni mespris, mais par abnegation.

  A006000818 

 Je ne voudrais pas pourtant que vous commençassiez par celuy que vous avez maintenant; il est si bon et facile, qu'à mon advis il n'y a point de difficulté avec luy.

  A006000828 

 Il ne se faut pas mettre en peine de cela, car nous n'avons pas une perfection qui soit exempte d'amour propre qui ne nous fasse faire au moins quelque faute par cy par là; il ne s'en faut nullement estonner.

  A006000828 

 L'on s'en peut accuser ainsi: Je m'accuse d'avoir fait quelque action par le mouvement du sentiment que j'avois à quelque chose que l'on faisoit contre mon inclination ou par impatience.

  A006000828 

 Mais quand nous ne faisons rien par ce mouvement, il n'y a point de mal mais du merite.

  A006000830 

 De se rire un peu d'une Sœur, de dire quelque parole qui la mortifie un peu, [il n'y a point de mal,] pourveu que cela ne l'attriste pas, car il ne le faudrait pas faire; mais si cela arrivoit, il ne s'en faut pas confesser, quand on l'aurait fait par simple recreation.

  A006000830 

 Pour les paroles inutiles, à la recreation il ne s'en dit pas; tout ce qui se dit par recreation n'est pas inutile.

  A006000832 

 Il faut suivre les discours quand Nostre Seigneur nous y attire, mais il faut tascher de nous advancer à la perfection par la voye la plus simple et n'estre pas si fine.

  A006000832 

 Si bien vous faites des fautes par le mouvement de vostre sentiment, n'y regardez pas de si pres, et vous destournez de toutes ces reflexions; il faut tendre au blanc de la perfection, et ne pas s'estonner si nous ne rencontrons pas selon nostre desir.

  A006000838 

 Ma fille, ne vous privez pas de la Communion par amertume de cœur, mais quand vous sentez cela, il s'en faut approcher pour se fortifier, et s'unir à Dieu par l'esprit de douceur.

  A006000842 

 Toutes-fois, je conseille de ramener son esprit par consideration, parmi la journée si l'on peut; mais de penser à ses pechés pendant le temps de l'oraison, il ne le faut pas faire.

  A006000843 

 Il n'est pas en nostre pouvoir de l'avoir actuellement, si ce n'est par une grace particuliere.

  A006000856 

 Il n'y a chemin plus asseuré que celuy de la souffrance, pourveu qu'on souffre avec amour, douceur et patience, et par là on pourra imiter Nostre Seigneur et tous les Saints.

  A006000857 

 Vous vous pouvez bien destourner du sentiment de la delectation qui vous vient en prenant les choses qui vous sont necessaires; comme qui passeroit par une rue et rencontreroit beaucoup de boüe, il ne feroit rien autre que prendre un autre chemin: et ainsi devons-nous faire, sans y penser davantage..

  A006000867 

 Vostre entrée en Religion est pour l'amour de Dieu; soyez indifferente par quelles voyes il plaira à sa Bonté vous conduire, soit par la consolation, affliction ou abjection; vous meritez autant d'un costé que de l'autre.

  A006000875 

 Voyez-vous, ma fille, par exemple, voila deux de nos Sœurs: l'une que vous aymerez bien, et l'autre à laquelle vous n'aurez pas tant d'inclination à l'aymer, et par ce moyen vous ne la regarderez pas de si bon cœur que l'autre que vous aymez bien; au contraire, si vous l'aymiez bien purement pour Dieu, vous regarderiez d'aussi bon cœur celle que vous n'aymez pas comme celle que vous aymez bien, et luy souhaiteriez autant de bien qu'à l'autre..

  A006000884 

 O que celles qui ont une grande affection de suivre en tout et par tout la Communauté sont heureuses! Dieu leur a fait une grande grace.

  A006000886 

 J'ay aussi presque une mesme aversion au desir que les Superieures ont de descharger leur maison par le moyen des fondations; car tout cela depend du sens humain et de la peine que chacune a à porter son fardeau..

  A006000886 

 Mais je suis tout à fait d'advis qu'on n'ouvre point la porte au changement de monastere aux filles qui le desireront, ains seulement pour celles qui sans le desirer seront pour quelqu'autre raison legitime envoyées par les Superieurs; car autrement [424] le moindre desplaisir qui arriveroit à une fille seroit capable de l'inquieter et luy faire prendre le change, et au lieu de se changer, elle penserait d'avoir suffisamment remedié à son mal que d'avoir changé de monastere.

  A006000898 

 Nous sommes si ayses d'avoir quelque charge pour surexceller par dessus les autres, comme d'estre Superieure ou Assistante, à fin de faire voir là son bel esprit, car ma Sœur ordonne et dispose si bien! nous sommes si ayses de faire voir que nous sçavons fort bien ordonner.

  A006000898 

 Ouy, ma Sœur, nostre amour propre ayme tant que l'on voye la beauté de nostre esprit: ma Sœur est si douce quand elle est eslevée par dessus les autres et que personne ne luy dit rien; tout le monde remarque sa vertu.

  A006000899 

 Il faut bien prendre garde aussi qu'il y a des ames qui ont si grand peur que le desir des charges entre en leur esprit, qu'elles sont tousjours en apprehension et inquietude, et n'ont jamais l'esprit tranquille ni reposé; car ce pendant qu'elles s'amusent à l'apprehension, elles tiennent leur cœur ouvert, et le diable y jette par ce moyen la tentation dedans.

  A006000900 

 Il vaut mieux estre en sa cellule par obeissance, faisant un petit ouvrage, ou lisant, ou faisant que sçay-je moy quoy; et si on le fait avec plus d'amour que ne fait celle qui est à la cuisine, qui a beaucoup de peine et se brusle les yeux, si elle le fait avec moins d'amour, l'autre a plus de merite: car ce n'est pas par la multiplicité de nos œuvres que nous plaisons à Dieu, mais par l'amour avec lequel nous les faisons..

  A006000902 

 Il arrive assez souvent qu'on est aussi uni à Dieu par l'action que dans la solitude; mais en fin, je reviens tousjours: où il y a plus d'amour il y a plus de perfection..

  A006000902 

 « Ce n'est pas par la grandeur de nos actions que nous plaisons à Dieu, comme j'ay desja dit, mais par l'amour avec lequel nous les faisons; car une Sœur qui sera en sa cellule, ne faisant qu'un petit ouvrage, meritera plus qu'une autre qui aura bien de la peine, si elle le fait avec moins d'amour.

  A006000903 

 O mon Dieu, quand sera-ce que nos Sœurs n'auront plus tant de desirs, et qu'elles s'amuseront à faire et à ne rien vouloir que ce que Dieu veut, la volonté duquel nous est signifiée par nos Regles et Superieurs!.

  A006000903 

 Que si vous estes bien ayse par lascheté de courage de coudre en vostre cellule, à fin de n'avoir pas tant de peine, ce desir n'a pas une bonne fin.

  A006000905 

 Ouy, il les faut dire tout simplement; mais pour toutes ces petites choses qui passent par l'esprit sans s'y arrester, je trouverois meilleur que l'on passast tout cela entre Dieu et soy, parce qu'il n'est pas digne d'attention.

  A006000905 

 Si chacun vouloit choisir en Religion les charges à sa phantasie, que seroit-ce sinon faire chacun sa volonté? Que nous doit-il importer d'avoir de la peine aux charges, puisqu'elles nous sont imposées par nos Superieurs qui nous representent Dieu? David disoit: J'ay esté fait comme une beste de charge pour porter les commandemens du Seigneur; en quoy il nous fait bien voir la sousmission que nous devons tousjours avoir en tout ce qui nous est ordonné de Dieu et de nos Superieurs..

  A006000906 

 Nous le voyons bien en saint Paul, lequel estant tenté de l'aiguillon de la chair, ce mouvement le pressant fort, il demanda par trois fois à Dieu d'en estre delivré; et lors il ouyt Nostre Seigneur qui luy dit: Paul, ma grace te suffit, ma vertu se perfectionne en l'infirmité; et lors il demeura tranquille et paisible en sa peine et tentation.

  A006000907 

 Par exemple: si le desir me venoit d'estre Pape et que la papauté m'occupast l'esprit, je ne ferois que m'en rire, et me divertirois en pensant qu'il fait bon en la vie eternelle, que Dieu est aymable, que ceux qui sont au Ciel sont heureux de jouïr de luy; et ainsi faisant, je me divertirois genereusement et noblement, car lors que le diable me mettroit dans l'esprit le desir de la papauté je parlerais à Dieu de sa bonté, et choses semblables..

  A006000910 

 L'on demande si une Novice, d'abord qu'elle entre dans la maison, se jettoit dans ceste indifference de ne rien desirer ni refuser, s'il n'y aurait point à craindre que cela ne fust plustost par lascheté et negligence d'esprit qu'autrement, et si elle ne ferait pas mieux de s'adonner à l'humilité et autres vertus qui luy sont necessaires.

  A006000910 

 Pleust à Dieu qu'il y en eust plusieurs qui fussent conduites par ceste voye, car n'ayant rien dans l'esprit que ce seul desir de plaire à Dieu, elles feroyent toutes choses avec perfection, sans se mettre en peine [de ce] qu'on penseroit d'elles.

  A006000910 

 « O non, ma chere fille, si elle estoit conduite par ce chemin il n'y auroit rien à craindre, car ne desirant que l'amour de Dieu elle pratiquerait toutes les vertus et tout ce qui est necessaire pour [431] plaire à Dieu; car l'amour de Dieu surpasse toutes les vertus.

  A006000912 

 La premiere, d'y aller purement pour s'unir à Dieu par le moyen de la grace que l'on reçoit en ce Sacrement.

  A006000912 

 Les Religieux ont en cela un grand advantage par dessus les mondains, estans hors des occasions de ces grandes desunions, parce qu'il n'y a que le peché mortel qui nous desunisse de Dieu.

  A006000912 

 Les pechés veniels ne nous en desunissent pas, ains ils font une petite ouverture entre Dieu et l'ame; et par la vertu de ce Sacrement, nous reunissons nostre ame à Dieu et la remettons en son premier estat..

  A006000913 

 Le deuxiesme manquement c'est qu'ils vont dire de beaux discours et ageancemens de belles paroles racontent de grandes histoires pour se faire estimer, faisant semblantd'exagerer leurs fautes par leurs beaux discours, et d'une grosse faute ou d'un gros peché ils le diront en telle sorte qu'il semblera bien petit; et faisant ainsi, ils ne donnent pas cognoissance au confesseur de l'estat de leur ame.

  A006000913 

 Le troisiesme manquement c'est qu'ils y vont avec tant de finesse et de couverture, qu'au lieu de s'accuser ils y vont pour s'excuser par une grande recherche d'eux-mesmes, craignant que l'on ne voye leurs fautes: or, cela est tres-pernicieux, qui le voudroit faire volontairement.

  A006000915 

 Comme par exemple: la [433] cloche nous appelle le matin, qui est la voix de Dieu, et je demeure un quart d'heure apres qu'elle aura sonné; qui ne void qu'en cela ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui nous font faire le peché (car c'est un peché veniel cela), mais le mouvement de paresse par lequel nous desobeissons? Et pour la Regle, ma fille, il n'y a nul doute que les fautes que l'on fait contre ne soyent plus grandes que celles que l'on fait contre les Constitutions; car les Regles sont les fondemens de la Religion, et les Constitutions ne sont que des marques et des traces pour nous faire mieux observer la Regle.

  A006000916 

 Dites-vous, ma fille, si à la recreation on a suivi quelque passion et fait quelque chose en suite d'icelle, comme de contester en quelque chose legere et de recreation, sans s'en appercevoir qu'apres que cela est fait, s'il y a matiere de confession? O non, ma fille, il n'y en a point en ce qui se fait par surprise et simple recreation; mais si vous ne vous sousmettez pas interieurement, il s'en faut confesser.

  A006000916 

 [Aux manquements] qui se font contre la Regle par surprise, il n'y a point de peché, non plus qu'en ceux qui se font par surprise de nos passions.

  A006000917 

 Mais de deux cens il n'y en a pas deux qui le sçachent faire, les plus saints mesme y sont bien empeschés; ce qui est cause qu'on apporte de grands embarras et un amas d'imperfections en la confession, sans distinguer nullement le peché d'avec l'imperfection; et cela met bien souvent les confesseurs en peine, car il faut qu'ils distinguent pour voir s'il y a peché, et par consequent matiere d'absolution.

  A006000918 

 Et l'imperfection est quand nous faisons quelque faute par surprise sans volonté deliberée, comme par exemple, si je fais un conte à la recreation et que dans mon discours il s'y glisse quelques paroles qui ne soyent pas tout à fait veritables, ne m'en appercevant point qu'apres qu'il seroit fait, cela n'est point peché mais imperfection, et n'est nullement besoin de m'en confesser.

  A006000918 

 Par exemple: si je venois ceans demander la Superieure et que je luy dise que je la viens voir de la part de la Princesse qui la salue, et chose semblable, et que de tout cela il n'en fust rien et que seulement j'eusse fait cest ageancement en mon esprit, cela n'est pas de grande importance; mais je l'aurois fait volontairement, c'est cela qui fait le peché veniel.

  A006000919 

 Il respond: « O Jesus, ouy, ma fille, sinon que par humilité vous vous en voulussiez priver.

  A006000920 

 « Si vous le faisiez par un grand zele de profiter à ceste Sœur là il n'y aurait point de mal.

  A006000924 

 Comme par exemple, une personne ira souffrir le martyre pour Dieu, et neantmoins elle ne pensera pas en luy [436] pendant ce temps-là, sinon en sa peine; et quoy qu'elle n'ayt point le sentiment de la foy, elle ne laisse pas de meriter en faveur de sa premiere resolution, et fait un acte de grand amour..

  A006000936 

 Mais s'ils avoyent de l'aversion esgalement à tout ce qu'ils verroyent faire qui offenseroit Dieu, cela proviendroit d'un bon zele; neantmoins il seroit par apres dangereux de passer de l'aversion de l'action à l'aversion de la personne; et en ceste sorte, encor que pour l'ordinaire elle n'oste pas la charité, elle en oste la suavité..

  A006000937 

 Mais si nostre aversion continue et que nous fassions quelque action ou disions des paroles par ce motif, alors il y a du mal, car despuis que le cœur le pousse jusques à la bouche, c'est signe que la volonté est coulpable et qu'elle n'a pas reprimé le premier mouvement..

  A006000948 

 Il arrive pourtant quelquefois que nous y avons de l'aversion par la mauvaise inclination de nos esprits; de façon que l'un se desplaira de voir seulement baiser terre, l'autre de voir dire une coulpe, ou quelque autre mortification.

  A006000948 

 Mais ce defaut est en toutes les personnes spirituelles que j'ay jamais cogneuës, par la nonchalance et descouragement.

  A006000949 

 Et pour ce qui est de quel esprit l'on doit recevoir les mortifications, si l'on nous y preparoit en nous advertissant deux heures devant, il seroit aysé de n'en estre point esmeus; mais quand elles arrivent par surprise il est bien difficile.

  A006000949 

 Les mortifications nous arrivent par l'ordre de la providence de Dieu et nous sont tousjours faites avec charité, et faut le croire ainsi, car il ne nous appartient pas de juger si elles partent de la passion.

  A006000949 

 Les mortifications que nous choisissons, encores qu'elles soyent repugnantes à nostre nature, depuis que nous en avons fait l'election, il n'y a plus de difficulté parce que nostre nature en tire de la vanité; mais celle qui est faite par nos Superieurs, il la faut recevoir comme de la main de Dieu, avec honneur et humilité.

  A006000949 

 Mais s'il arrivoit que cela nous tombast en la pensée, il faut le recevoir par forme de tribulation, avec douceur, et regarder tousjours la main de Dieu; car encores qu'il ne soit pas autheur du mal et de ceste passion, puisqu'elle devoit arriver, Nostre Seigneur la prend de sa main et la pose dessus nous, pour nous faire meriter par la souffrance de la tribulation..

  A006000960 

 Et estant demandé à nostre bien-heureux Pere s'il estoit mieux pour nous autres qui entendons ce que nous disons aux Offices, d'appliquer simplement nostre attention à Dieu, ou bien de suivre le sens des paroles que nous prononçons, il respondit qu'il aymoit mieux qu'on s'appliquast à suivre le sens de ce que l'on dit, d'autant que c'est se conformer à l'intention de celuy lequel, par inspiration de la divine Majesté, les a composées.

  A006000969 

 Mais dites-vous, ma chere fille, si les Sœurs ont une Superieure qui ne les reçoive point avec l'esprit de suavité quand elles viennent à elle, soit quand elles ont besoin de luy parler ou qu'elles demandent quelque congé, et par ce moyen leur oste la confiance de recourir à elle en leurs necessités, s'il leur seroit point permis de s'adresser à celle qui tient sa place et son authorité quand elle n'y est pas, sous le pretexte de ne pas tant importuner la Superieure, et de plus, à fin d'avoir le congé que peut estre elle ne leur donneroit pas? O non certes, ma chere Sœur, l'on ne doit pas faire cela, sinon que la Superieure fust tellement empeschée que l'on l'incommodast bien de luy parler.

  A006000969 

 Que nous doit-il importer, pourveu que nous rendions nostre devoir en son endroit, qu'elle nous ayme ou qu'elle ne nous ayme pas? O dà, ma chere fille, je ne dis pas qu'il faille dire par esprit de mespris de la Superieure que nous ne nous soucions pas qu'elle nous ayme, ains plustost par mespris de nous-mesme, et [443] avec intention de nous despouiller de ceste vaine affection que nous avons d'estre aymées.

  A006000971 

 Mon Dieu, que les Sœurs qui auroyent une Superieure qui ne les aymeroit pas seroyent heureuses! bien que cela ne se puisse, car la Superieure ayme tousjours les Sœurs de cest amour effectif dont nous avons parlé, leur procurant tout le bien qu'elle peut par l'exercice de sa charge, selon qu'elle y est obligée; mais de cest amour effectif, tendre et mignard que nous desirons si cherement, c'est de celuy-là que je veux dire; car moins la Superieure nous aymera de ceste sorte, et moins d'amusement nous aurons autour [444] de cest amour, si que nous aurons plus de temps pour nous occuper de Nostre Seigneur et pour nous tenir retirées aupres de Dieu qui doit estre nostre soin particulier..

  A006000972 

 Car, comme l'amour de la propre opinion, quand elle s'attache és choses de la foy, nous fait tomber en heresie et nous rend malheureux (comme il advint aux Anges qui, s'estans trop attachés à l'opinion qu'ils avoyent formée qu'ils devoyent estre quelque chose davantage qu'ils n'estoyent, furent par leur opiniastreté à soustenir et aymer leur opinion rendus, d'Anges glorieux, diables, eternellement damnés et eternellement attachés au mal, si que jamais plus ils ne s'en peuvent desprendre; où au contraire les Anges pour s'estre sousmis, se sont tellement attachés à Dieu que jamais ils n'en peuvent estre destachés, car ayans par la subtilité de leur esprit une fois penetré le fond de quelque verité ils n'en demordent jamais), de mesme, si nous n'apprenons à negliger et nous mocquer de la varieté de l'esprit humain, nous perdrons le temps à nous tourmenter en nous voyant si esloignés de ceste egalité apres laquelle nous aspirons, et de laquelle pourtant nous ne jouirons point absolument tandis que nous serons en ceste vie, ceste grace estant reservée aux esprits bienheureux là haut au Ciel.

  A006000972 

 Il nous faut user du mesme remede pour nous divertir de ces petites tricheries d'humeur, de chagrin, d'aversion, que nous avons dit touchant la premiere question du renoncement de la propre opinion, par un simple divertissement de nostre esprit, pour parler à Dieu d'autre chose.

  A006000973 

 Or sus, n'avons-nous pas assez dit touchant ceste tendreté que nous avons sur nous-mesme, tant de l'interieur qui regarde l'esprit, comme des choses qui regardent le corps? Les plus spirituels s'ayment bien aussi de l'amour effectif; car nous avons dit que les mondains s'ayment grandement de cest amour, se souhaitans par une affection pleine d'ambition tant de biens et tant d'honneurs qu'ils n'en sont jamais contens.

  A006000975 

 Ce que j'ay dit à Philothée est bon pour estre pratiqué par les Religieux, excepté certains chapitres, comme sont ceux qui regardent le mariage, les danses, les jeux, et semblables; mais tout le reste est tres-bon.

  A006000977 

 En fin j'aymerois mieux porter une petite croix de paille que l'on me mettrait sur les espaules sans mon choix, que non pas d'en aller couper une bien grande dans un bois avec beaucoup de travail, et la porter par apres avec une grande peine; et je croirois, comme il seroit veritable, estre plus agreable à Dieu avec la croix de paille que non pas avec celle que je me serais fabriquée avec plus de peine et de sueur, parce que je la porterais avec plus de satisfaction pour [447] l'amour propre qui se plaist tant à ses inventions et si peu à se laisser conduire et gouverner en simplicité, qui est ce que je vous desire le plus.

  A006000977 

 Faire tout simplement tout ce qui nous est commandé, ou par les Regles, ou par les Constitutions, ou bien par nos Superieurs, et puis nous tenir en repos pour tout le reste, tant pres de Dieu que nous pourrons..

  A006000978 

 Que dites-vous, ma chere fille, que sur ce que j'ay dit tantost qu'il se faut mortifier fidellement, si vous devez vous abstenir ordinairement de manger telle ou telle viande que vous aymez fort? Si c'estoit moy je ne le ferois pas, car nous sommes obligés, par la parole sacrée de Nostre Seigneur, de manger ce que l'on nous mettra devant; et cela se fait sans choix.

  A006000979 

 En demandant vos commodités vous ne faites pas mal, pourveu que vous ne vous rendiez trop exactes à la recherche d'icelles et que vous vous teniez tousjours dans les termes de l'observance pour ce regard; mais aussi perdez-vous par ce moyen les occasions de pratiquer les vertus qui sont fort propres à la condition de vie à laquelle Dieu vous a appellées.

  A006000981 

 De quel costé que ce soit, ne nous lassons point de faire et souffrir beaucoup pour Nostre Seigneur, auquel soit à jamais rendu grace, gloire et louange par tous les siecles des siecles.

  A006000981 

 Il faut donc conclure maintenant et clore nostre Entretien par la recommandation de la simplicité et generosité d'esprit: marcher tousjours en la voye de nostre propre perfection sans nous amuser en chemin, quel rencontre de contradiction que nous puissions faire, soit de nos propres imperfections, repugnances ou passions immortifiées, soit des autres exercices qui proviennent d'ailleurs.

  A006000988 

 Saint Pachome luy repliqua: Mon amy, le temps de souffrir la mort pour Jesus Christ n'est pas commun maintenant, la religion Catholique, par la grace de Dieu, a le dessus sur ses ennemis; d'ailleurs, vous n'estes point venu en ce lieu pour la mort, mais pour la mortification; mortifiez donc vos desirs inutiles qui vous font quitter les exercices presens, sous pretexte de faire merveille à l'advenir.

  A006000994 

 Je vous asseure que je n'y ay rien escrit que par son inspiration.

  A006001005 

 Voila, par exemple, deux personnes: l'une est fort alterée et boira deux verres de vin; l'autre qui l'est moins, si elle en boit autant elle manque à la sobrieté et temperance.

  A006001013 

 Pour vous faire operer tout cecy, sa misericorde vous donne son Saint Esprit qui habite en vous estant en sa grace, à fin que vous soyez aydées par sa lumiere et son amour à fin d'operer le tout à sa gloire..

  A006001021 

 En leur faisant ses adieux, il leur dit qu'elles monteroyent et s'envoleroyent comme des passereaux, et prendroyent leur essor sur les celestes monts en la terre des vivans; ou bien comme des chastes colombes en leur colombier, esloignées de toutes sortes de bruits et du tumulte du monde, et par consequent plus capables de la vraye tranquillité d'esprit, pour respandre leur ramage en la presence de leur celeste Espoux.

  A006001030 

 Seneque a mis en avant un beau mot (je voudrois que ce fut sainct Augustin qui l'eut dit): que la perfection de l'homme gist à sçavoir bien souffrir toutes choses, comme si elles luy arrivoient par son election.


07-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VII-Vol.1-Sermons.html
  A007000065 

 Par ceux qui en ont charge de Dieu.

  A007000088 

 II — Sur la mortification produite par l'amour.

  A007000108 

 Oraison funèbre sur le trespas de tres haut et tres illustre prince Philippe Emmanuel de Lorraine duc de Mercœur et de Penthevre, pair de France prince du saint Empire et de Martigues, etc. lieutenant general de l'empereur en ses armees d'hongrie faitte et prononcee en la grande eglise de Nostre Dame de Paris le 27 avril 1602 par messire François de Sales, coadjuteur et esleu evesque de Geneve.

  A007000126 

 Que si les peres et meres, quoy qu'ilz prisent plus les aisnés, ilz caressent neantmoins et cherissent plus tendrement les plus petitz, je vous accorde, Messieurs, que comme la rayson le veut bien, vous prisies plus tous les autres prædicateurs; mays je demande par droit de petitesse et de minorité d'estre cheri, et qu'on prenne en bonne part mes affections au lieu auquel j'ay jetté les premieres semences du fruict duquel maintenant je vous offre les premices.

  A007000128 

 En l'incomprehensible et beaucoup plus indicible abisme de ceste eternité en laquelle regne glorieusement la Majesté divine, le Pere eternel, regardant sa propre substance et infinité, conceut en son entendement et produisit, parla et dict une parolle ou un Verbe, representant et exprimant si parfaittement sa substance, essence et divinité, qu'a ce Verbe il communiqua sa propre essence et divinité, engendrant en ceste maniere son Filz aussi vrayement Dieu que le Pere, et par la mesme divinité que le Pere.

  A007000128 

 Si que ce Filz est vrayement « Dieu de Dieu, lumiere de lumiere: » il est Dieu, puysqu'il a l'infinie divinité pour son essence et substance; il est « Dieu de Dieu, » pour ce que ceste divinité ou essence divine, il l'a receüe par la feconde communication que son Pere eternel luy en faict eternellement, comme il luy en fit eternellement, l'engendrant et enfantant de son ventre, devant qu'il y eust aucun lucifer entre les Anges au Ciel spirituel et invisible, ny aucune belle estoille ou diane entre les estoilles au ciel corporel et visible: Ex utero ante luciferum genui te; Ps.

  A007000130 

 O saint amour, o amour eternel et infini! Doriques, mes Freres, des lhors, c'est a dire des l'eternité, avant les siecles, en l'infinité, en l'abisme de la perpetuité, ce Pere et ce Filz eternelz, jettans a force d'une mesme et seule volonté, d'une mesme et seule amitié, d'un mesme et seul courage, jettans dis je, par une mesme et seule bouche, un souspir, une respiration, un esprit d'amour, ilz produirent, ilz expirerent un souffle d'ou proceda le Saint Esprit, tierce Personne de la Trinité, « Dieu de Dieu, lumiere de lumiere, Dieu vray de Dieu vray.

  A007000131 

 Je m'arreste donques, mes Freres, et ce que j'en ay voulu dire ç'a esté pour monstrer en quelque façon qui est Celuy duquel nous celebrons la feste, qui est le Saint Esprit et Amour, procedant eternellement du Pere et du Filz, vray Dieu avec le Pere et le Filz; et encores pour vous donner a entendre que de toute eternité ce Saint Esprit venoit, par ceste incomprehensible procession et respiration, du cœur du Pere et du Filz, combien qu'il ne soit pas venu, ou par maniere de dire arrivé, et que ceste mission n'aye esté bien accomplie qu'a tel jour qu'aujourd'huy, il y a environ 1559 ans.

  A007000131 

 Mays tout autre est cest amour infini par lequel le Pere et le Filz s'entr'ayment, car en cest amour ilz ne se fondent pas, ilz ne se dissolvent pas, ce qui seroit imperfection; mays sans alteration de leur nature, ilz produisent un Saint Esprit, Dieu parfaict de Dieu parfaict, possedant pleinierement une mesme divine essence [4] avec eux; et sans se desfaire de l'essence divine, ilz la communiquent toute entierement et parfaittement a ce Saint Esprit et Amour.

  A007000132 

 Ce que nous voulant enseigner lhors qu'elle parle de la creation des choses en leur estre naturel, parlant de celle de l'homme, elle introduit la Majesté divine en ses troys Personnes, disant: Faisons l'homme a nostre sem blance car si une seule Personne eust creé l'homme, elle eust dict: Je fais, et non pas: Faisons, comme nous trouvons escrit: Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram. Et David chante: Benedicat nos Deus, Deus noster, benedicat nos Deus; Dieu nous benie, Dieu nostre, Dieu nous benie; ne reprenant par troys fois ce nom de Dieu sinon pour nous monstrer que non seulement le Pere benit, non [5] seulement le Filz benit, mais encores le Saint Esprit, et tous trois ensemble sont ceux qui benissent.

  A007000132 

 Neantmoins, par une certaine appropriation et commodité de langage, les œuvres qui ressentent plus le pouvoir ont accoustumé d'estre accommodëes au Pere, comme la creation et semblables, parce qu'il est source et origine de toute puyssance et divinité; les œuvres qui ont plus d'apparence de sagesse, au Filz, digne generation de l'entendement paternel; celles de bonté, au Saint Esprit, amour et charité unique du Pere et du Filz..

  A007000133 

 Donq, encores que l'operation merveilleuse et puyssante qui a esté faitte es cœurs de l'Eglise naissante a tel jour qu'aujourd'huy, aye esté faitte egalement par le Pere, le Filz et le Saint Esprit, neantmoins, parce qu'en icelle reluit une principale bonté, misericorde et magnifique liberalité, on ne dict pas que toute la Trinité soit venue sur les Apostres, mays on dict et on celebre la descente du glorieux Saint Esprit: a la charge que vous ne vous imagineres pas que pour cela il aye changé de lieu pour descendre; car estant Dieu, il est tellement par tout par « essence, presence et puyssance, » que est in mundo non inclusus, extra mundum non exclusus.

  A007000137 

 Tout de mesme donques, Dieu est par tout le monde, vivifiant tout; et comme nous disons l'ame estre en la teste pour les principales operations qu'elle y faict, aussi disons nous que nostre Dieu est au Ciel pour les principales operations qu'il y faict, monstrant sa gloire ouvertement.

  A007000137 

 Vous sçaves bien que nostre ame est par tout le cors et toute en toutes les parties d'iceluy; autrement elle ne seroit pas spirituelle, ou nostre cors seroit mort en la partie en laquelle l'ame ne seroit pas.

  A007000138 

 Or, ces operations sont de deux sortes: les unes exterieures, comme les signes qui apparurent ce saint jour, le feu et le son vehement; les autres interieures, a sçavoir, l'onction de la grace et l'illumination invisible es cœurs et espritz apostoliques: et celles cy estans signifiëes, figurëes et representëes par celles la, en considerant les premieres nous apprendrons aysement les secondes; c'est a dire, par les signes exterieurs nous apprendrons les effectz interieurs qui sont comme le principal de ce mistere, le reste n'estant qu'accessoire, puysque omnis gloria filiæ regis ab intus.

  A007000139 

 Ceste cy est le commencement de sagesse, ceste cy est comme l'esguille par le moyen de laquelle on couvre avec la soye cramoysie de charité le vil reseuil de nos consciences.

  A007000139 

 Mays maintenant Dieu se faisant ouÿr par le bruit d'un grand vent, il remet la force es courages apostoliques et la constance que le peché leur avoit osté..

  A007000139 

 Or sus, je trouve donq, pour ne m'arrester pas, comme je pourrois, sur chaque parolle, je trouve dis je, deux signes s'estre faitz: l'un, qu'il se fit soudainement un grand son, un bruit, un tonnerre du ciel, porté par un vent vehement, qui remplit toute la mayson ou estoit la beniste brigade de ces peres du Christianisme.

  A007000140 

 Hé ne vous est il jamais advenu en une seche et alterëe sayson d'esté de voir vos jardins a gueule bëe, ouvrant par maniere de dire la gorge pour recevoir la pluÿe, et ne venant point de secours du ciel a leur soif, en fin les herbes paslir et secher, les fleurs se ternir et faner, et les arbrisseaux sembler plustost un bois mort qu'une plante? Les païsans alhors s'assemblent, font des prieres et processions pour impetrer ramollissement du ciel et la desiree liqueur pour les champs.

  A007000140 

 Lhors le laboureur a bien dequoy louer Dieu de voir son jardin et campaignes reverdoyer plus que jamais, les fleurs se redresser, et tous les fruictz, par maniere de dire, reprendre l'haleyne que la chaleur leur avoit ostëe, et representer aux pauvres semeurs le banquet prætendu d'une abondante cueillette..

  A007000140 

 Mais voicy un vent impetueux et chaud, lequel ramassant toutes [8] les exhalaisons ja relevees, trame une grosse et noire nuëe qui semble voyler tout le ciel, dedans laquelle s'engendrant le tonnerre et brillant les esclairs, semble que bien tost, au lieu d'apporter soulagement aux fruictz de la terre, elle fracassera par le foudre, la gresle et la tempeste ce peu de biens que la secheresse a laissé sur la terre, et semble menacer les hommes d'une totale ruine.

  A007000141 

 Le jardin de l'Eglise naissante estoit demeuré desja quelque tems privé de l'eau vive, quæ est veluti fontis salientis in vitam æternam, c'est a dire de la douce præsence de son bon et aymable Seigneur; la peur et la crainte de la persecution judaïque avoit terni les saintes fleurs, fané et mis en friche toutes ces pauvres plantes, et pouvoit bien dire: Expandi manus meas ad te; anima mea sicut terra sine aqua tibi; excepté le lys beny de la sacrëe Vierge, sur laquelle, par une particuliere influence du divin amour, la rosëe celeste tomboit [9] tousjours surabondamment.

  A007000141 

 Mais ce bruit, ce vent, ceste impetuosité, au lieu de frayeur se changea en une douce pluye des graces celestes, qui abbreuva si a souhait leurs courages, que des lhors il ne se parla plus de secheresse, ni d'aridité, ni de fletrisseure; car il leur arriva ce qui est dict de l'homme de bien par le saint roy David, lequel dict: Tanquam lignum quod plantatum est secus decursus aquarum, quod fructum suum dabit in tempore suo; et folium ejus non defluet, et omnia quæcumque faciet prosperabuntur..

  A007000143 

 Ainsy ce mesme Esprit aujourd'huy est porté par dessus le feu, non ja pour creer et former le monde, mais pour le recreer et reformer: Et apparuerunt illis dispertitæ linguæ tanquam ignis, seditque supra singulos eorum.

  A007000143 

 C'est a dire le chaos ou monde elementaire, ou bien le globe des eaux qui couvroit toute la face de la terre, estant creé, le saint Esprit de Dieu estoit porté par dessus, pour donner a ce chaos informe, a cest element infecond telle fecondité que, sans l'eau desormais, ni plante ni animal ne peust estre engendré: de maniere qu'il veut quasi dire qu'il couvoit et fecondoit les eaux, affin qu'elles produisent les animaux aquatiques [10] et servent a la production de toute chose animëe.

  A007000143 

 Pour le former, vous trouveres par tout simplement: Fiat lux, appareat arida, faciamus; mais a le reformer, Mot caro factum est.

  A007000144 

 Or les theologiens, non contens de sçavoir resolument que plus admirable a esté la Majesté divine en la reformation qu'en la formation du monde, ains que plus est admirable la justification du simple et seul pecheur, laquelle neantmoins se faict tous les jours en cent mille lieux du Christianisme, non contens, dis je, de le sçavoir, ilz demandent entr'eux le pourquoy, affin par apres de pouvoir rendre conte aux curieux de leur dire, et de faire mieux connoistre aux hommes la grace que Dieu leur [11] faict quand il les appelle a pœnitence.

  A007000147 

 Que si quelques uns en ce monde, comme la Sainte Vierge, ont esté tousjours sans cheoir par speciale grace de Dieu, encores ne sont ilz pas semblables aux Bienheureux, n'estant necessités a bien faire tousjours et en toutes façons comme les Bienheureux.

  A007000148 

 Ainsy Dieu en la constitution et reformation des choses jura, par maniere de dire, sur son immutabilité, que si nous voulons voguer sur la nacelle de l'Eglise parmi l'eau amere de ce monde, il nous conduiroit en Paradis.

  A007000149 

 O mon ame, ma chere moitié, n'as tu jamais ouy en toy mesme le Seigneur ton Dieu te commander: Ambula coram me, et esto perfectus? Ouy sans doute; et luy as tu jamais respondu: Recede a nobis, viam mandatorum tuorum nolumus? O combien de fois, avec tant de pechés, as tu rejetté les inspirations de Dieu; combien de fois luy as tu fait resistance! Ah, la lamentable voix que Dieu rend par Isaye, se plaignant de nous autres: Tota die expandi manus meas ad populum non credentem, et contradicentem mihi.

  A007000150 

 J'eusse peu aller recherchant ce que ce son faict au ciel, porté par le vent, et ce feu signifie par tous les coins de l'Escriture; mais je l'ay trouvé tout en un Psalme si gravement descrit, que ce seroit peyne de le chercher ailleurs: c'est le Psalme 28..

  A007000152 

 Et pour monstrer combien de dons celestes il departit lhors a ses Apostres, et par consequent a son Eglise, il adjouste: Vox Domini in magnificentia.

  A007000152 

 Et spiritu oris ejus; et par le Saint Esprit, qui est respiré par la bouche et sapience du Pere comme un souspir d'amour, toute leur vertu a esté perfectionnëe et tellement establie, que des lhors, selon la plus probable opinion, non seulement quant a la foy, qui est chose certaine, mais mesme quant aux mœurs, les Apostres ne firent onques faute.

  A007000152 

 Si que les Apostres estans comme les çieux de l'Eglise, on peut bien dire d'eux: Verbo Domini cœli firmati sunt, et spiritu oris ejus omnis virtus eorum; les deux apostoliques, par l'influence desquelz Jesus Christ, comme premier mouvant, nous communique sa foy et ses graces, ont esté confirmés par la parolle de ce Verbe de Dieu, lhors qu'il les laissa pour monter au Ciel, leur faisant ses beaux advertissemens.

  A007000153 

 Donq ceste voix, ce son, estoit signe que par la parolle de Dieu portee par la voix des Apostres, l'idolatrie avec ses adhaerans seroit bouleversee comme les veaux qui paissent au Liban et que in omnem terram exibit sonus eorum, et in fines orbis terræ verba eorum; et que portæ inferi non prævalebunt adversus eam; et que reges erunt nutritii Ecclesiæ et principes pulverem ejus lingent..

  A007000153 

 Il va poursuyvant, que les Apostres fortifiés par cest Esprit desracineront la gloire et vanité mondaine: Et comminuet eas tanquam vitulum Libani; c'est a [16] dire, le Seigneur ayant consolé, conforté, corroboré avec ce son, ce vent et ce feu les cœurs des Apostres, par leur ministere il fracassera, il fera sauter, il dissipera cedros Libani, c'est a dire les plus haut eslevés mescreans et infidelles: et ainsy est il advenu, mes Freres.

  A007000154 

 Il s'ensuit au mesme Psalme: Vox Domini intercidentis flammam ignis; c'est a dire, ce son qui replevit totam domum Dei, est intercidentis flammam ignis; ce son, dis je, dispersa une flamme de feu en plusieurs parties, selon qu'il est dict: Sedit supra singulos eorum, pour demonstrer que la parolle evangelique portëe par les Apostres, devoit faire part a chacun du saint feu duquel Nostre Seigneur disoit: Ignem [17] veni mittere in terram, c'est a dire de charité ou de foy vive.

  A007000154 

 O que ce n'est pas sans cause que le Prophete royal dict: Ignitum eloquium tuum, Domine, et servus tuus dilexit illud; car par la parole de Dieu nos ames sont du tout enflammees en son amour et a l'extirpation de toutes nos imperfections.

  A007000159 

 Ainsy semble il que par ce son vehement Nostre Seigneur aye voulu faire enfanter les saintes prædications a ses Apostres, et par le [18] moyen de ses Apostres a tout le monde, lesquelz estoyent comme engrossés de la connoissance d'un vray Dieu et Sauveur par plusieurs conjectures naturelles et du paganisme; dequoy je me rapporte a Eusebe, De Præparatione Evangelica.

  A007000161 

 Et de cest enfantement des Apostres que s'ensuit il? Deus revelabit condensa; il s'ensuit que le sombre et touffu bois et forest de l'ignorance et aveuglement du monde a esté esclairci et descouvert, les arbres en ont esté abattus et rués par terre, si qu'apres ceste descouverte il n'y a personne qui puisse plus dire: Quis ostendit nobis bona? car par tout le son de la trompette evangelique a esté ouÿ, pour nous advertir de quel costé nous nous devons jetter a la retraitte, et par [19] tout il y a des autelz dressés a sa Majesté et des temples, si que in templo ejus omnes dicent gloriam..

  A007000166 

 C'est un mistere, mes Freres: douze estoyent les Apostres au commencement, et maintenant ce nombre de douze a esté multiplié par dix.

  A007000166 

 Il faut apprendre que si nous voulons recevoir le Saint Esprit, il nous faut multiplier et enrichir les douze articles de la foy par l'observation et execution des dix commandemens de la loy.

  A007000166 

 Mays non; nous voulons dire que le malade, il vit selon la diete ordonnëe par le medecin, selon la regle, selon la maniere; et l'advocat, qu'il vit du gain (ou juste ou injuste, selon que l'advocat a l'ame bonne ou mauvaise), du gain qu'il faict par le moyen de ses livres.

  A007000171 

 Je suis comme un petit Jonas, commandé de Dieu de le louer par bonne conversation; j'ay esté desobeyssant, allant et marchant a rebours du commandement de Dieu.

  A007000171 

 Jonas estant commandé d'aller a Ninive prescher, fut desobeyssant et s'en alloit ailleurs par mer; la tempeste s'esleva tellement, que le maistre et patron du navire resolut d'en jetter un en mer: le sort tomba sur Jonas, et quoy que ce fust sort, si est ce qu'il fut a propos; car apres, stetit mare a fervore suo.

  A007000173 

 l'obsecration, et par maniere de dire l'adjuration, qui est comme la rayson de nostre demande; la 3.

  A007000174 

 Et pour obtenir le Saint Esprit, il faut remercier Dieu le Pere qui l'envoye, de ce qu'il l'a envoyé sur nostre chef Jesus Christ Nostre Seigneur son Filz, entant qu'homme, [et] que ex plenitudine ejus omnes accepimus; de ce qu'il l'a envoyé sur ses Apostres pour nous le communiquer par leurs mains.

  A007000175 

 A l'oraison, il faut y adjouster l'obsecration, c'est a dire l'adjurer en vertu de quelque chose qui luy plaise: et premierement, par sa mesme bonté, motif esgal a luy mesme; secondement, par son Filz Nostre Seigneur, vray mediateur entre Dieu et les hommes, et unique quant a la mediation principale, essentielle et naturelle, ainsy que faict tousjours l'Eglise, quoy que les hæretiques la calomnient; troysiesmement, par ses Saintz qui sont mediateurs par intercession et dependance: Memento, Domine, David, etc. (vous autres particulierement par le glorieux saint Pierre, saint François, saint Dominique, saint Jacques, saint Maurice), et sur tout par le merite et par l'amour qu'il porte a sa sainte Mere, la glorieuse Vierge Marie; et cecy ce sera accomplir la quatriesme condition pour recevoir le Saint Esprit, car ce sera estre cum Maria Matre Jesu.

  A007000177 

 Ceux qui ne sont pas avortons du Christianisme, mais sont de la vraye generation de Jesus Christ, ayment ceste Dame, l'honnorent, la louent en tout et par tout: Beatam me dicent omnes generationes.

  A007000179 

 Serves la, honnores la, affin que Celuy qui vient a nous par elle, nous reçoive par elle: Per te nos « suscipiat, qui per te » ad nos venit.

  A007000193 

 Quand je regarde la ressemblance et belle convenance qu'il y a entre la creation du monde et la recreation et reformation d'iceluy, j'admire extremement ce grand Createur, lequel a si bien sceu, par un si beau moyen et divin artifice, en la creation et reformation, monstrer l'unité du Createur et Reformateur.

  A007000195 

 Certes, quand j'ay leu au Genese que Dieu fit deux grans luminaires au ciel, l'un pour præsider et esclairer le jour et l'autre pour la nuict, incontinent j'ay pensé que c'estoyent ces deux grans Saintz, saint Jan et saint Pierre; car ne vous semble il pas que saint Jan soit le grand luminaire de la Loy mosaïque, laquelle n'estoit qu'une ombre ou comme une nuict au regard de la clairté de la Loy de grace, puysqu'il estoit plus que prophete? Encores qu'il ne fust pas lumiere, toutesfois il portoit tesmoignage de la lumiere, par [33] quelque participation de la lumiere laquelle in tenebris lucet; Joan., I.

  A007000195 

 Et vous semble il pas que saint Pierre soit Evangelii luminare majus, puysque c'est luy qui præest diei Evangelii? lesquelz deux luminaires ont esté mis au ciel ecclesiastique par Celuy qui l'a faict et formé, qui est Jesus Christ Nostre Seigneur..

  A007000198 

 Pharao avoit commandé aux sages-femmes des Hebrieux qu'elles tuassent tous les enfans masles d'Israël; la mere de Moyse, l'ayant enfanté et gardé troys moys, en fin ne le pouvant plus cacher, elle le mit en un panier de joncs qu'elle accommoda le mieux qu'elle peut, puys l'exposa parmi certaines herbes aquatiques au bord de l'eau; et la fille de Pharao y venant pour se baigner, l'appercevant, le fit prendre, et voyant que ce petit enfant estoit fort beau, par bonheur elle le fit nourrir par sa mere propre; et parce qu'elle l'avoit retiré des eaux, elle l'appella Moyse, c'est a dire retiré; Exod., 1 et 2.

  A007000198 

 Saint Pierre est appellé obeyssant, pource qu'ayant esté retiré dans l'usage de rayson, il fut retiré par obeyssance: Venite post me; et continuo secuti sunt eum.

  A007000198 

 Vous apperceves vous point du mistere que contient ceste histoire? Moyse estoit chef de la Synagogue, et fut a cest effect sauvé et retiré des eaux par la providence de Dieu.

  A007000199 

 Celle de saint Pierre a esté pareillement praedicte; mais il y a ceste grande difference, que l'Ange prædict celle de saint Jan, et celle de saint Pierre fut praedicte par Nostre Seigneur..

  A007000199 

 Je trouve premierement que la nativité de saint Jan a esté prædicte par l'Ange: Et multi in nativitate ejus gaudebunt; Luc., I.

  A007000203 

 est de ceux qui ne sont pas saintz sinon contingemment, et sans aucune necessité que par la volonté de Dieu; neantmoins ilz le sont tousjours.

  A007000203 

 par necessité de consequence: c'est ainsy que fut sanctifié Nostre Seigneur, lequel estant Filz naturel de Dieu, ne pouvoit qu'il ne fust saint; et parce qu'il estoit saint par nature, il s'appelle saint par excellence: Sanctus vocabitur Filius Dei (Luc., I ); estant l'un des trois Sanctus, Sanctus, Sanctus (Isa., 6 ), que les Seraphins que vit Isaye repetent sans cesse dans le Ciel en l'honneur de la tressainte Trinité.

  A007000206 

 Les philosophes ayant recherché, il y a plus de deux mille ans, les causes du flux et reflux de la mer, ne l'ont jamais sceu comprendre; mais je ne vous donne pas ce terme pour sçavoir la solution de ceste question: estudies seulement par imitation la sainteté de ces deux grans Saintz, et la pluspart de ceux qui sont icy le sçauront dans peu de tems..

  A007000207 

 Or, despuys l'Ascension de Nostre Seigneur, ceux qui ont mesprisé ceste mortalité se sont faict par la mort une nativité.

  A007000208 

 C'est que Dieu nous attribue ces noms pour nous humilier et nous monstrer sa charité; le diable nous les attribue pour nous faire tomber dans la superbe, et par ce moyen nous separer de la charité.

  A007000209 

 Car il y a plusieurs noms qu'elle n'a pas seulement en apparence et similitude mays en verité, comme Mere de grace, Mere de Dieu, et par consequent Reyne des Anges et Imperatrice du Ciel et de la terre, Advocate des pecheurs, Mere de misericorde; car celle qui est vrayement Mere de Dieu a tous ces tiltres avec plus de rayson, ce semble, qu'un roy ne porte le nom de son royaume.

  A007000209 

 Les autres noms de ceste sainte Vierge s'entendent par proportion et participation, comme quand nous l'appelions nostre refuge, nostre esperance, parce qu'elle l'est en effect, bien que ce ne soit que par participation et par le moyen de son credit.

  A007000210 

 ; et partant il dict apres, par deux fois: Sequere me. La premiere, apres qu'il luy eut praedict sa mort: Cum hoc dixisset, dicit ei: Sequere me, Joan., 21; comme s'il eust voulu dire: Tu seras crucifié, pour te monstrer que tu ne repaistras pas seulement mes brebis de ma parolle, mais encores de mon exemple; sois donq pasteur, mon vicaire et mon lieutenant.

  A007000210 

 Saint Augustin demande pourquoy Nostre Seigneur dict a saint Pierre: Sequere me; il respond que c'est comme s'il luy eust voulu dire: Quant a toy, Pierre, tu me suyvras non seulement a la mort, mais encor quant a la façon de la mort; en quoy Euthymius s'accorde, quoy que Theophylacte entende par ces parolles, que Nostre Seigneur luy vouloit dire: Sis vicarius meus.

  A007000211 

 Ouy vrayement, car l'idolatrie regnant en ce tems la a Rome qui estoit baignëe du sang des Martirs par la tyrannie de Neron, ceste ville devoit estre appellëe neronienne ou Babylone, et non pas chrestienne.

  A007000212 

 Lhors ce grand Saint, avec son ordinaire simplicité, luy demanda ou il alloit: « Domine, quo vadis? » auquel Nostre Seigneur respondant: « Vado Romam, iterum crucifigi, » saint Pierre par ces paroles conneut que Nostre Seigueur vouloit estre crucifié en sa personne, puysqu'il a dict: Quod uni ex minimis meis fecistis, mihi fecistis; Matth., 25.

  A007000212 

 Mays estant prié par les Chrestiens qu'il se conservast, comme tres necessaire a l'Eglise, laquelle ne peut perdre son chef sans recevoir quelque desarroy, il s'en alloit hors de Rome; et comme il fut hors de la porte, Nostre Seigneur luy apparut.

  A007000212 

 Or, tout ce que je vous ay dict est rapporté par des autheurs irreprochables, a l'opinion desquelz il n'y a homme de bon jugement qui ose s'opposer.

  A007000212 

 [42] Il rentra soudain dans la ville, et fut incontinent saysi et condamné a estre crucifié; mays par humilité, il demanda d'estre crucifié la teste en bas et les pieds en haut, ne voulant pas, par respect, estre du tout semblable a son divin Maistre.

  A007000218 

 Or, il me semble que ce grand Saint estant sur la croix, disoit a telles gens ces parolles que saint [46] Pol disoit aux Galates: De cætero nemo mihi molestus sit; ego enim stigmata Domini mei in corpore meo porto; comme s'il vouloit dire: Que personne ne me vienne plus reprocher mon peché; car, outre que je m'en suis lavé dans mes larmes, maintenant je fais preuve de ma fidelité, reparant par ma mort la faute que j'avois commise par la crainte de la mort..

  A007000219 

 La premiere cause fut par humilité.

  A007000225 

 Ainsy voudrois-je que ceux qui pensent sçavoir quelque chose, et, appuyés sur ceste imagination, laissent croistre la pointe et vivacité de leur esprit, par un certain raysonnement humain, si longue, que, par une certaine presomption d'eux mesmes, ilz ne veulent plus recevoir la saine doctrine de l'Eglise, qu'ilz viennent briser leur raysonnement [51] contre ceste pierre: Beatus qui allidet parvulos suos ad petram.

  A007000227 

 Aymes le de tout vostre cœur, serves le [52] fidellement, evites soigneusement tout ce qui le peut offenser, et par ce moyen vous obtiendres la paix, car il dict: Pax multa diligentibus legem Dei, et non est illis scandalum.

  A007000227 

 Je sçay que vous desires tous extremement la paix, c'est pourquoy je vous diray avec le Prophete royal: Si vous la voules obtenir, addresses vous a Dieu par prieres et oraysons: Rogate quæ ad pacem sunt Hierusalem.

  A007000227 

 Or, puysqu'il n'y a personne si saint qui ne contrevienne quelquefois a la loy de Dieu, au moins tesmoignons que nous aymons ceste loy, en demandant pardon a Dieu, et venant briser nos pechés par la confession et pœnitence aux pieds du prestre, comme a une pierre fondëe sur la pierre de la foy: Beatus vir qui allidet parvulos suos ad petram..

  A007000230 

 Je sousmetz tousjours a vos pieds ce que jamais je diray en la chaire et hors d'icelle; car vous estes ceste pierre sur laquelle a esté fondëe l' Eglise de Jesus Christ, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A007000246 

 Si l'ancienne Sinagogue, par le commandement de Dieu, celebroit si solemnellement le premier jour de chasque mois, qu'on appelloit neomenie, en reconnoissance du gouvernement et solicitude que Dieu a des hommes, il me semble, que nous avons tout'occasion a ce premier jour du mois d'aoust de solemniser la feste que nostre Mere l'Eglise nous y presente, puysque elle se faict en contemplation d'un miracle auquel reluit tres [55] clairement la faveur et assistence de Dieu aux prieres de son Eglise, sa providence sur le chef general d'icelle, et la misericorde que sa Majesté a usëe vers le paganisme (duquel nous sommes la race) en [la] translation de son Eglise d'entre les Hebreux aux Gentilz..

  A007000247 

 Et si les Romains anciens solemnisoyent ce premier jour a lhonneur de leur Empereur Auguste, duquel le nom mesme fut donné a ce mois, ne vous semble il pas raisonnable que changeant le corporel au spirituel et le mondain au Christianisme, au lieu de la feste de l'Empereur paien, nous faisions feste a lhonneur de Dieu, sous le nom de son lieutenant general, vray Empereur de l'Eglise militante, tres auguste, tressainct et tres grand Prince des Apostres, et par la grace de Dieu protecteur et patron de ceste nostre Eglise pastorale?.

  A007000249 

 Et a cest'intention ay je esté dedié par la benediction episcopale que je viens de recevoir, par laquelle, quand je l'ay ouÿe, il me sembloit entendre que Dieu me dict: Quasi tuba exalta vocem tuam.

  A007000249 

 Soustenes moy, et inspires et soufles puyssamment, par les souspirs et devotions que vous jetteres aux pieds de la glorieuse Vierge pour impetrer la faveur du Saint Esprit, saluant ceste Dame, Mere de Dieu, du salut que le mesme Dieu luy fit fayre; et par ainsy, non seulement, comme je vous disois, vous sonneres de la trombe en ce renouveau du mois, mays ce que vous dict le mesme Psalmiste: Laudate Deum in sono tubæ.

  A007000251 

 Ni vous ne deves pas vous arrester pour voir quil parle de cecy comme de chose passëe, car cela est coustumier en l'Escriture, notamment en paroles prophetiques, d'exprimer le futur par le præsent, a cause de l'egalité de la certitude, comme: Et super vestem meam miserunt sortem; In omnem terram exivit; Puer natus est; Tu es sacerdos in æternum, et infinis autres.

  A007000252 

 Nostre Seigneur donques ayant praedict a ses Apostres quilz devoyent estre persecutés pour son nom, Math, 10: Ecce ego mitto vos in medio luporum, et en saint Jan, 16: Venit hora ut omnis qui interficit vos arbitretur se obsequium præstare Deo, il veut encores en particulier [prédire] a saint Pierre les assaultz quil devoit recevoir pour son nom, par un particulier privilege quil faict au Prince des Apostres..

  A007000256 

 De plus, quand les Apostres voyoient estre advenu le tems de la tribulation prædicte par Nostre Seigneur ainsy infalliblement, ce leur estoit un'arre que le tems de la recompence prædict, Et gaudium vestrum nemo tollet a vobis, Gaudete et exultate, quoniam merces, viendroit aussy infalliblement.

  A007000258 

 N'est ce pas ce que Nostre Seigneur luy avoit prædict: Cum esses junior, cingebas te? Et, ambulabas ubi volebas, lhors que les liens de saint Pierre estans rompus par l'Ange, exiens sequebatur; et pouvoit bien dire partant de la prison: Dirupisti vincula, etc..

  A007000259 

 Vous sçaves bien que Nostre Seigneur fut envoyé lié et garrouté par devant Herodes, et puys fut renvoyé a Pilate; ainsy, affin que saint Pierre verifiast le sequere me de Nostre Seigneur, il fut prisonnier par devant Herodes, et puis de la, renvoyé a Pilate, c'est a dire au maistre de Pilate, l'Empereur romain..

  A007000260 

 Ceste cy est l'occasion pour laquelle Nostre Seigneur delivra saint Pierre des liens, par un si grand miracle, affin quil ne mourut pas en Judëe mais a Romme, pour y fonder l'Eglise.

  A007000260 

 La fille donna la teste de saint Jan a sa mere; ainsy, avant la consommation, l'Evangile sera rapporté par nous autres aux Juifz.

  A007000260 

 Mes Freres, l'Eglise ne devoit pas demeurer en Judëe, et partant Nostre Seigneur ne meurt pas par les mains des Juifz ni des Rois de Judëe; mays elle devoit venir entre les Gentilz, a Romme, et partant il meurt entre [60] les mains de Pilate et des Romains.

  A007000261 

 Dict donques l'historiographe, qu' Herodes se prit a persecuter quelques uns de l'Eglise, et entr'autres, il fit mourir par l'espëe le glorieux saint Jaques, duquel nous celebrions la feste il y a huict jours.

  A007000263 

 Qui me contemnunt erunt ignobiles: ja Dieu ne plaise que nous nous procurions les malheurs pour la mauvaise affection qu'on a a l'Eglise, que nos praedecesseurs ont fuis et evités, et surmontés et chassés par leur devotion.

  A007000268 

 Ou bien, par un plus haut mistere, Nostre Seigneur dormant en croix entre deux larrons, fut frappé sur le costé, dont sortit sanc et eau, et forma son Eglise; ainsy saint Pierre, affin quil suyvit Celuy qui luy avoit commandé: Sequere me. [65].

  A007000282 

 Ce cheval estoit affollé par son [68] peché: que faict nostre Sauveur? Sans regarder a la valeur de ce cheval, il donne un prix qui vaut infiniment plus, et pour nourrir ce chien caignardier, il tue l' aigneau qui est luy mesme..

  A007000283 

 Ce n'est pas donques merveille si Nostre Seigneur ayant fait un tel payement, il a rompu le decret par lequel nous estions livrés es mains du diable: Delens, dict le grand vase d'élection, Col., 2, quod adversus nos erat chirographum decreti..

  A007000283 

 Grande consignation fut celle par laquelle Nostre Seigneur consigna es mains de la justice paternelle tout son prætieux sang, duquel la moindre goutte valoit plus que tous les mondes que tu te pourrois imaginer, o mon Frere, ne sçauroyent valoir.

  A007000283 

 Ou bien plustost disons que le cavalier voit son cheval saysi par les mains de justice; c'est son bon cheval, c'est son sauve-l'amy: il va, il consigne tout incontinent trois et quatre foys autant que le cheval vaut, affin qu'il n'amaigrisse.

  A007000285 

 Disons donques: si l'honneur est d'autant plus grand que celuy qui le faict est grand, si la satisfaction est d'autant plus grande que celuy qui la faict est grand, quelle devra estre la satisfaction, quel l'honneur de celuy qui est infiniment grand? L'honneur rendu, la satisfaction faitte par un personnage infini ne peut estre sinon infinie.

  A007000285 

 » Ce n'est pas la nature qui a enduré, ç'a esté la personne en la nature; ce n'est pas l'ame qui discourt, c'est la personne par l'ame.

  A007000286 

 Dieu, bien infiny, avoit esté offensé; Jesus Christ, bien infiny, a satisfait: l'homme s'estoit eslevé par superbe contre Dieu mesme; Nostre Seigneur s'est humilié sous toute creature.

  A007000289 

 Qui void et ne croid n'est bienheureux que comme les Juifz; qui croid et ne void est bienheureux comme il fut dit a saint Thomas: Beati qui non viderunt et crediderunt; qui void et croid est bienheureux encores comme saint Thomas, qui vid premierement, et puys creut; mais qui croid et void: Beati oculi, etc. Donq le fondement de toute beatitude c'est la satisfaction de Nostre Seigneur surabondante; la veuë du cors de Nostre Seigneur est la beatitude de nos yeux corporelz praeparëe; mais ny l'un ny l'autre ne nous profitera de rien, si nous ne l'appliquons a nous mesmes par la foy, esperance, charité et par les Sacremens..

  A007000290 

 Dieu vient dans l'entendement par la foy, et voyci la premiere application du sang de Dieu a nos ames.

  A007000290 

 Donques, pour venir au poinct Beati oculi qui vident quæ vos videtis, il y a quatre endroitz par lesquelz Dieu peut venir en nous: l'entendement, la memoyre, la volonté et les sens exterieurs.

  A007000291 

 Je vous ay desja dit que ceste beatitude s'entend principalement de la foy favorisëe de la præsence et confirmëe par experience, et je vous dis davantage qu'il s'entend d'une foy distincte et bien expliquee.

  A007000292 

 Je vous en diray tout autant, Messieurs: Beati oculi qui vident. Combien penses vous qu'il y a de peuples qui voudroyent voir ce que vous voyes? Combien de Catholiques es [74] Allemaignes et en Angleterre, qui voudroyent avoir les commodités de leur salut, voir et ouÿr ce que vous oyes les Caresmes? Combien es Indes y a il de peuples lesquelz, ayans seulement senti quelque petite fumëe de l'Evangile, par le bon exemple des Chrestiens qui trafiquent avec eux, se sont convertis? Ilz n'ont pas encores eu ce bien d'avoir ceste bonne nouvelle que Jesus Christ est nay et mort pour nostre salut et resuscité pour nostre glorification; ilz n'ont point de Prælat qui aye soin d'eux, ilz n'ont personne qui les conduise au bien croire ni au bien faire, monstrant bien leur affection en ce qu'ilz se convertissent a milliers avec grande pœnitence..

  A007000299 

 En ceste ville, il y avoit un homme docte et riche, qui, de peur d'estre converti par iceluy, ne le vouloit pas aller ouÿr, comme plusieurs font; il arriva neantmoins que l'ayant ouÿ une fois sur ces parolles: Video cælos apertos, le jour de saint Estienne, il se convertit et se fit Religieux.

  A007000300 

 C'est avec ceste vie eternelle que je voudrois incliner vos courages, pour l'affection que j'ay et le service que je dois a vos ames, de vous ranger a une devote et vertueuse Confraternité, dressëe par plusieurs ecclesiastiques et personnes d'honneur, pour vostre edification et [78] reformation de vos consciences.

  A007000300 

 C'est une Confraternité ou il n'y a rien a redire, car tous les articles d'icelle sont tressaintz, veuz et reveuz par Monseigneur nostre Reverendissime Pasteur; il n'y a rien qui soit malaysé a faire.

  A007000301 

 Et comment ce que Paris, avec son œil clairvoyant de Sorbonne, a receu avec tant de contentement, une petite cervelle le voudra contreroller? Mays pour coupper chemin a toutes murmurations, ce que son Altesse et nos Princes honnorent tant a Turin et par tout, le voudrions nous censurer? Et s'il faut conclure en termes plus fortz, ce que le Saint Siege apostolique, regle infallible de bien faire, a confirmé de son authorité... [79].

  A007000301 

 Respondes, âmes devotes et courageuses, a ceux qui en gausseront: Patres nostri annuntiaverunt nobis, non seulement parce que Monseigneur le Reverendissime et ceux qui l'ont dressëe sont peres qui ayment autant vos ames que vous le pouves souhaitter, mays pour ce que l'institution est ancienne, et y en a de toutes semblables a Paris, Lyon, Tholose, Avignon, par toute la France et l'Italie.

  A007000311 

 4, le peuple hebreu sentit tant de consolation que tout le peuple tumbant sur sa face loua et benit Dieu qui les avoit ainsy prosperé, quelle joÿe, quelle consolation devrons nous recevoir aujourdhuy en la memoyre de l'Exaltation de la tressainte [Croix,] laquelle, ayant esté terrassëe et abbatue par les infidelles, [80] fut en semblable jour, par ce grand cappitayne Hæraclius, relevëe et redressëe? D'autant plus grande pour vray, mes Freres, doit estre nostre consolation qu'en cest ancien Temple ne furent onques offerts que veaux, boucqs, aigneaux; mays sur la Croix, le Filz aeternel de Dieu.

  A007000312 

 Ainsy a esté exaltëe la Croix troys foys: Int sous Nostre Seigneur, puys sous Constantin, par la devote Heleyne, 3.

  A007000318 

 Je vis jamais chose qui se rapportat mieux a un'autre que le therebinthe qui estoit aupres de la ville de Sichem, rencontré par Jacob quand il alloit en Bethel, au pied duquel il enterra tous les idoles des siens.

  A007000328 

 Puysque par l'absence juste, comme je crois, de celuy qui vous devoit presenter la collation spirituelle de la part du maistre de ceans qui est Jesus Christ, j'ay encores eu ceste charge de vous entretenir de quelque discours spirituel, j'ay choysi celuy que l'Evangile me met en main de prime face, c'est a dire de la paralysie spirituelle et de la guerison d'icelle.

  A007000328 

 [85] Plaise a Dieu que je le puysse aussi bien faire comme il est utile et prouffitable, quoy que peut estre il ne soit pas des plus aggreables qu'on puysse faire; car il y a en cest aage une infinite de paralytiques spirituelz lesquelz ne pensent pas l'estre, et ne cherchent point la guerison d'une si estrange maladie, auxquelz je puys bien dire ce qui est porte par un Prophete: Ossa arida, audite Mot Domini; oyes un peu que c'est de vostre mal..

  A007000330 

 La paralysie corporelle est une maladie causee d'une humeur peccante qui saysit les nerfz et muscles, empeschant la communication des espritz vitaux et animaux, et par consequent privant les parties occupees, de mouvement et sentiment; et ceste humeur est ordinairement froide.

  A007000330 

 Or, la paralysie spirituelle, parlant avec proportion, est une maladie causee par la saysie et occupation que le peche faict des nerfz spirituelz, c'est a dire des desirs de nostre ame, empeschant la communication et influence des inspirations divines en nos consciences, et par consequent le mouvement naturel de nostre ame et le sentiment des choses celestes.

  A007000333 

 Maintenant, pour nous garder de ceste maladie et purger ceste humeur, si elle estoit par adventure en nous, il faut un peu voir ses causes particulieres; et combien qu'elles soyent en grand nombre, si est-ce que celles qui sont mieux assaysonnëes au lieu et a l'aage ou nous sommes, sont ces deux icy: une flatteuse et trompeuse excuse qu'on se forge en ses pechés, et une grande lascheté de courage.

  A007000334 

 Et le chicaneur qui sur un pied de mouche entretient un proces qui ruine l'ame, le cors et la mayson de deux miserables parties, il se flatte et s'excuse sur une petite et malotruë loy toute escorchëe, et par des tergiversations, faict perdre le droit a son prochain; et neantmoins c'est bien a luy auquel Nostre Seigneur a faict dire: Si utique justitiam loquimini, recta judicate, filii hominum.

  A007000336 

 C'est pour cela que David a laissé par escrit: Exitus aquarum deduxerunt oculi mei, quia non custodierunt legem tuam.

  A007000338 

 Ne faites pas comme l'Espouse [90] es Cantiques, qui trouva des excuses quand son amy vint disant qu'elle estoit au lict; elle le voulut par apres chercher et elle ne le retrouva plus.

  A007000340 

 Le feu excité par la meditation de la Mort et Passion guerit, mays guerit ceux qui sont d'une nature souple; c'est une medecine lenitive.

  A007000340 

 Ne sçaves vous pas que le froid est gueri et chassé par le chaud? Or, toute sorte de chaleur ne guerit pas ce mal.

  A007000363 

 Entre plusieurs difficultés qu'offrait ma traversée sur cette mer, la première, par son importance comme par sa proximité, fut ma nomination, par le bon plaisir du Souverain Pontife, à la Prévôté de Saint-Pierre de Genève.

  A007000365 

 Ce n'est donc pas sans raison que je m'adressais ce reproche: Est-ce ainsi, ô François, que toi, le dernier de tous, par le mérite, le talent et la vertu tu prétends être préposé aux premiers? Ne sais-tu pas que les honneurs sont extrêmement périlleux et onéreux? Longtemps j'ai été effrayé par ces voix [95] intérieures, je méditais ces mots du Prophète: O Dieu, j'ai entendu vos paroles et j'ai craint..

  A007000367 

 Cette anxiété était causée par ce que j'achève maintenant de vous manifester; mais je vois que j'ai tremblé où il n'y avait aucun sujet de crainte.

  A007000371 

 Et on serait en droit d'appliquer à toute notre société ce texte: Pour vos pères, des enfants vous sont nés; c'est-à-dire: par une malheureuse vicissitude, [97] les hommes de premier ordre que vous avez eus pour pères et Prévôts ont été remplacés par des jeunes gens, presque des enfants..

  A007000379 

 De Geneva enim recipienda, quod antea tantopere desideratum est consilium cujuscumque illud fuerit, quanta unquam in nobis fuit maxima alacritate excipi par est et excipiendum existimo.

  A007000416 

 Vénérables Pères, je débute par cette prière que j'ai déjà répétée plusieurs fois, et que je me propose de répéter désormais plus souvent encore.

  A007000417 

 Ce projet de recouvrer Genève, dont l'accomplissement est si vivement désiré depuis longtemps, doit, quel qu'en soit l'auteur, être adopté par nous avec enthousiasme, et il le sera, je l'espère.

  A007000417 

 Il pourrait toutefois être ébranlé et compromis par [100] suite de soupçons défavorables que je vous inspirerais.

  A007000417 

 Les préfets des provinces avaient coutume, en entrant en charge, de former de grands, de magnifiques projets, pour signaler les débuts de leur administration par quelque action d'éclat.

  A007000418 

 Entre plusieurs difficultés qu'offrait ma traversée sur cette mer, la première, non moins grave et plus proche que toutes les autres, fut ma nomination par le bon plaisir du Souverain Pontife, à la Prévôté du Chapitre de l'Eglise Cathédrale de Saint-Pierre de Genève..

  A007000420 

 A sa tête, siégeait l'Apôtre qui tient les clefs du Ciel, et il m'adressait ce grave reproche: Quel est donc, pauvre François, l'esprit qui t'anime? Eh quoi, le dernier de tous par la science, les vertus et le talent, tu prétends être préposé aux premiers! Ne sais-tu pas que les honneurs sont extrêmement onéreux? Ne crains-tu pas cette sommation dont l'époque est incertaine, il est vrai, mais assurément prochaine: Rends compte de ton administration? Ces paroles m'émurent à tel point dans l'intime de mon être, que, serait-il même utile de me remémorer cette émotion, je n'aurais pas de termes assez forts pour l'exprimer.

  A007000429 

 C'est-à-dire: par mes talents et mes connaissances, je suis bien faible, mais je fonderai toutes mes espérances en Celui qui est puissant pour rendre éloquentes les langues des enfants, et qui ne « refuse jamais son secours à celui qui fait ce qui est en son pouvoir, » comme nous l'enseignent avec tant de charme et de vérité tous les bons théologiens..

  A007000431 

 A mon insu (je vous le déclare ingénument, mes Pères, et je ne saurais dissimuler en leur présence), elles pressèrent par écrit leurs amis de solliciter pour moi, s'il était possible, votre Prévôté alors vacante.

  A007000433 

 Si vous voulez vous libérer de toute responsabilité, il ne vous reste qu'à aider et soutenir ma faiblesse par vos conseils et votre exemple, à suppléer par votre charité aux qualités qui me manquent, et je sens trop combien nombreuses elles sont! Soyez persuadés que Dieu vous a ordonné, comme à ses Anges, de me garder en toutes mes voies, de me porter dans vos mains, afin que je ne me heurte pas à cette table de pierre [sur laquelle sont gravés les dix commandements du Seigneur] sur laquelle il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et le serviras lui seul; et portant ainsi les fardeaux les uns des autres, nous accomplirons la loi du Christ.

  A007000434 

 C'est par la charité qu'il faut ébranler les murs de Genève, par la charité qu'il faut l'envahir, par la charité qu'il faut la recouvrer.

  A007000436 

 C'est par la faim et la soif, endurées non par nos adversaires mais par nous-mêmes, que nous devons repousser l'ennemi.

  A007000436 

 C'est par la prière que nous le chasserons; car ce genre de démons, vous le savez, ne peut être chassé que par la prière et le jeûne.

  A007000437 

 C'est à cause de nous que le nom de Dieu est blasphémé chaque jour parmi les nations, et c'est avec pleine raison que le Seigneur s'en plaint si amèrement par ses Prophètes.

  A007000438 

 Faisons refluer à leur source les courants de nos péchés, et là, comme desséchés par le Soleil éternel dans notre propre cœur, que ces courants n'offrent plus de cette eau de scandale ni à nos ennemis ni à nous.

  A007000439 

 C'est par cette charité que doivent frapper nos têtes de ligne.

  A007000439 

 Il est une éternelle cité dont on a dit tant de choses glorieuses, qui est défendue par une position si haute et si avantageuse, que la vue elle-même ne la peut découvrir; or, nous savons que l'on peut s'emparer de cette cité céleste par la prière et les bonnes œuvres.

  A007000439 

 Il faut renverser les murs de Genève par des prières ardentes, et livrer l'assaut par la charité fraternelle.

  A007000439 

 S'il en est ainsi, et c'est la vérité, combien sera-t-il plus facile d'enlever par les engins de la prière et des bonnes œuvres, une ville au modeste circuit, humble et méprisée! En avant donc et courage, excellents Frères, tout cède à la charité; l'amour est fort comme la mort, et à celui qui aime, rien n'est difficile..

  A007000441 

 Ainsi, par la miséricorde de Dieu, nous recouvrerions les biens que nos ancêtres perdirent par son juste jugement..

  A007000442 

 Bons signes, mes Collègues, bons signes! Conduite providentielle qui rappelle à nos ennemis l'usurpation de nos sièges, nous excite à recouvrer notre bien, par un heureux retour, et à choisir notre sépulture dans le même tombeau que nos ancêtres.

  A007000442 

 Pour atteindre ce but, rendons-nous Dieu propice par la pénitence.

  A007000443 

 Qu'il en soit ainsi, mes Pères, ou plutôt (pour ramener notre discours à la pensée de Dieu par laquelle il a commencé), puissions-nous vous rendre honneur et gloire, Dieu tout-puissant! A la Bienheureuse Vierge, aux Saints Anges, aux Bienheureux Pierre et Paul, au Bienheureux François, louanges [112] et actions de grâces! Et qu'en retour, ô Dieu, vous nous accordiez votre grâce, vous qui êtes souverainement exalté dans les siècles, Père, Fils et Saint-Esprit..

  A007000448 

 Daignez combler la mesure de vos bienfaits envers moi, et, en vertu de la puissance qui vous a été donnée d'en haut, je vous supplie et conjure de nous fortifier tous par votre bénédiction.

  A007000448 

 Quant à vous, je vous rends d'immortelles actions de grâces, Illustrissime et Révérendissime Prélat, pour avoir, par votre très auguste présence, relevé l'éclat de cette assemblée où je compte mes plus chers amis, ceux que j'aime plus que le miel et le rayon de miel, plus que l'or et la topaze.

  A007000457 

 Par hæritage.

  A007000458 

 Par droit de merite.

  A007000460 

 Voyla comment, en sa premiere effusion de sang, on l'apelle Jesus, par ce que par son sang, comme par la mer Rouge, il nous devoit sauver.

  A007000469 

 Je prie Dieu de tout mon cœur, auditoire devot, que comm'il luy a pleu de vous « fair'arriver au beau commencement de ce jour, » de ceste semayne, de ce mois et de cest'annëe, qu'il vous veuille « garder sain et sauve; » affin que le servans et honorans tousjours renouvellés en vos consciences, vos « œuvres et pensëes commencent par » iceluy, qui est Dieu benit es siecles.

  A007000489 

 Cest ancien peuple d'Israël se monstra tousjours dur aux commandemens de Dieu; mais sur tout il se monstra tres bigearre lhors qu'apres l'honnorable relation de Josué et Caleb de la fertilité de la terre promise, et l'exhortation qu'ilz firent pour les encourager d'y aller, ilz conclurent de n'y point aller: et par apres, Dieu ayant adverti qu'ilz n'avançassent, ilz voulurent a toute [119] force y aller, et monterent toute la montaigne, dont malheur en prit.

  A007000490 

 C'est pourquoy voyant en l'Evangile une infallible marque de ceux auxquelz nous devons croire, et par mesme moyen de ceux auxquelz nous ne devons pas croire, de ceux qui sont vrays ouvriers et de ceux qui sont plustost dissipateurs, je me suis deliberé, estant envoyé pour ceste journëe au milieu de vous autres, comme ouvrier en la vigne de Dieu, de vous monstrer comme il faut fuir quelques uns de ceux qui font profession d'avoir espié la terre de l'Escriture, et faut se rendre obeyssant a la voix de ceux lesquelz sont marqués a bonnes enseignes..

  A007000499 

 Les Catholiques, envoyés par legitime succession, pouvans dire: Sicut locutus est ad patres nostros, monstrent l'origine de leur mission: Jesus misit Petrum; Petrus, etc. Nous pouvons dire: Deus, auribus nostris audivimus; patres nostri annuntiaverunt nobis..

  A007000500 

 Nostre Seigneur par Hieremie advertit: Nolite audire verba prophetarum qui prophetant vobis et decipiunt vos; visionem cordis sui loquuntur, non de ore Domini; et apres: Non mittebam prophetas, et ipsi currebant; non loquebar ad eos, et ipsi prophetabant.

  A007000502 

 O mes Freres, tenes ceste preuve pour fondamentale, et demandes a, ceux qui vous veulent retirer du sein de l'Eglise: Quis te misit? Saint Jan Baptiste fut un grand reformateur et envoyé de Dieu extraordinairement; mays, encores qu'il ne dist rien contraire a l'eglise judaïque, pour ce qu'il venoit a un grand office, vous verres qu'il a des marques pour se faire connoistre; sa vie miraculeuse, sa nativité, contraignoit de dire Quis, putas, puer iste erit? Saint Pol, extraordinairement envoyé, voulut encor une marque visible par l'imposition des mains d'Ananie, Act., 9: Ut videas, dict Ananie, et implearis Spiritu Sancto..

  A007000503 

 Il atteste sa mission par miracles, et proteste que sans les miracles sa mission n'estoit pas justement prouvëe au peuple; de maniere qu'il dict en saint Jan, 14: Parole quæ loquor vobis, a meipso non loquor; et incontinent: Alioquin propter ipsa opera credite; et au 15: Si opera non fecissem in eis, quæ nemo alius fecit, peccatum non haberent..

  A007000503 

 Mays nonobstant tout cela, non content de se dire estre envoyé, non content de prouver sa mission par l'Escriture, il veut un tesmoignage perceptible et clair de son Pere, au Baptesme, en sa Transfiguration: Hic est Filius meus dilectus, in quo mihi bene complacui; ipsum audite; et de rechef en saint Jan, 12: Et clarificavi, et iterum clarificabo.

  A007000503 

 Voyla donques comme il se targue de sa mission, de laquelle il n'avoit besoin de faire autre preuve que par l'Escriture; car il avoit esté si formellement praedict, qu'on le pouvoit bien reconnoistre.

  A007000505 

 Qu'il ne suffit de dire qu'on est envoyé, car il faut justifier comment: si mediatement, comme Timothee par saint Pol, auquel il escrivit, 2 Timot., 1: Admoneo te ut resuscites gratiam quæ est in te, quæ data est tibi per impositionem manuum mearum; si immediatement, comme saint Pol et Barnabas, Act., 13: Segregate, dict le Saint Esprit, mihi Saulum et Barnabam in opus ad quod assumpsi eos.

  A007000507 

 Saint Jan ne fut il pas approuvé par les scribes et prestres qui envoyerent ceste noble legation: Tu quis es? et jamais ne trouverent que bonne sa doctrine.

  A007000508 

 2 Par., c. 19: Pontifex vester in iis quæ ad Deum pertinent, præsidebit; au Deut., 17: Qui autem superbierit, nolens obedire sacerdotis imperio, judicis sententia moriatur.

  A007000510 

 Par les prædicateurs: Qui vos audit, me audit.

  A007000524 

 La prise de la ville de Hiericho par le vaillant capitaine general des Israëlites Josué, est bien l'une des remarquables qui furent onques faites, pour le stratageme avec lequel les murailles d'icelle furent du tout renversëes, et Hiericho demeura toute nue et demantelee devant l'armëe des Israëlites..

  A007000525 

 Et au dernier environnement, Ihors que les prestres auront sonné plus longuement et puissamment, que tout le peuple crie tant qu'il pourra, et les murailles tomberont, et chacun entrera par l'endroit ou il se trouvera, par dessus les murailles.

  A007000525 

 Or, le Seigneur luy dict par son Ange: Je vous veux livrer Hiericho.

  A007000528 

 L'ame de l'homme, mes Freres, est une belle ville, par nature sujette a Dieu; mays bien souvent, par revolte et rebellion, et par les factions des affections et parties superieure et inferieure, elle est rendue sous l'obeyssance du peché; car qui facit peccatum, servus est peccati.

  A007000533 

 Ou sont ceux qui ne vont a la prædication par curiosité de voir les façons et les paroles? Que diries vous de ce malade lequel sçachant qu'en un jardin il y a l'herbe qui le peut guerir, n'y va que pour voir quelques fleurettes? Semblables a Herodes, qui ne desiroit de voir Nostre Seigneur que par curiosité, et le mesprisa; aussi mesprisent-ilz les prædicateurs quand ilz en ont passé leur fantasie, comme les femmes grosses, qui non par faim, mais par fantasie, desirent des viandes.

  A007000538 

 L'autre cause, c'est qu'ilz rejettent tousjours sur autruy ce qui est dict par le praedicateur: O on a bien parlé contre cestuy-ci, etc. Quand on est invité au banquet on prend pour soy; mays icy on est extremement courtois, car on ne cesse de donner aux autres.

  A007000539 

 Ilz la trouvent bonne du premier abord, mais par apres, quand il faut venir a l'œuvre, ilz la trouvent amere.

  A007000540 

 Les uns oyent par mauvaise intention de coustume, de curiosité: Et volucres cœli comedunt illud; apres qu'ilz ont dict leur opinion du prescheur, c'est tout.

  A007000554 

 Enseignement lequel a esté entendu de ceste façon de tous nos anciens Peres, du college mesmes des Apostres, et semini ejus in secula, et a esté ainsy interpreté per os sanctorum qui [ a ] Christo sunt prophetarum; lhors que par « tradition de main en main, » ilz ont observé tres etroittement et commandé le sainct jeusne de Caresme, affin qu'en ce tems la on fit particulierement pœnitence, pour s'approcher dignement autant qu'on peut du Royaume des cieux, ou ne se rendre pas incapables d'iceluy, s'approchant de nous par la communication du præcieux Cors de Nostre Seigneur, vive memoyre de la mort de Nostre Seigneur et de sa Croix, par laquelle le Royaume de Dieu, qui n'estoit qu'a Dieu seul, a esté mesme communiqué aux hommes..

  A007000555 

 Et c'est de ce voyage, c'est de ce pelerinage duquel je veux discourir, et quasi vous conduire de logis en logis, par la main de la consideration, jusques au lieu que vous deves desirer..

  A007000555 

 Et pour nous en approcher, estans en la mer de ce monde, entre les flotz et les bourrasques de nos propres pechés, esquelz nous sommes tumbés par le miserable naufrage que nous avons faict par nostre faute, de l'innocence baptismale, il faut que nous [empoignons] nous jettions dedans l'esquif de pœnitence, seul refuge, seule consolation en ces dangers; sur lequel, quoy que [nous] ne soyons sans crainte, regret, souspirs, faim et autres telles peynes, si est que nous sommes seurs d'arriver, si nous [140] avons bon courage, au port desiré de la Croix, et par apres de la gloire.

  A007000555 

 Qui est la rayson pour laquelle, devant choysir quelque proufitable discours avec lequel je peusse conduyre pas a pas, a journëes rompues, vos ames au pied de la Croix au mont Calvaire par affection, et au saint Cors et Sang de Nostre Seigneur par realité, et vous y faire aborder heureusement, j'ay choysi ces saintes paroles, par lesquelles nous sommes advisés que le Royaume de Dieu s'approchant, si nous voulons [y] avoyr part, il faut que de nostre costé nous nous approchions de luy.

  A007000556 

 Mays pour ce que le chemin par lequel nous devons passer est un grand desert de pœnitence, avant toutes choses je vous veux dire un peu des conditions et qualités d'iceluy, affin que vous ne soyes pas si nouveaus par apres des choses que nous y verrons par le menu; et puys, nous regarderons de nous acheminer.

  A007000566 

 Mays comme l'espervier affamé regardant contre la belle proye, se voulant jetter au vol pour s'en saysir et assovir son estomac et avidité, au premier elancement quil faict se trouvant attaché, tout colere, bat tant des aisles et des pieds quil romp son lien, ainsy l'ame qui est arrivëe sur ceste verdoyante et gaÿe colline d'esperance, regardant le Paradis qui luy est donné en proÿe, tasche de s'y eslancer; et c'est lhors quil se sent estre lié par le peché, non pas au paravant.

  A007000569 

 Crie luy merci du passé, et pour l'avenir prometz qu'a la premiere commodité tu te confesseras, et pour n'estre ingrate feras une vraÿe vie de pœnitence, cheminant outre la journëe de contrition, encores par celle de pœnitence et satisfaction.

  A007000585 

 Au reste, elle est tres difficile, et tirassëe ça et la par les adversaires de l'Eglise Catholique, pour renverser la foy des Anciens; et neantmoins en icelle sont cachés plusieurs admirables secretz en confirmation [146] de la creance de l'Eglise et de la vérité d'icelle; secretz et mysteres lesquelz jamais nous ne descouvrirons, si Celuy qui les y a mis pour nostre salut ne les nous faict voir par sa grace.

  A007000585 

 Ceste ci est l'une des plus notables et signalëes sentences de l'Evangile, en laquelle la maniere de bien et deüement servir Dieu est exprimee et declairee par Dieu mesme.

  A007000585 

 Prions le donques par son sang, qu'il nous en fasse participans a son honneur et gloire, et prenons pour advocate sa Mere, a laquelle nous presenterons le salut angelique.

  A007000587 

 Comme le chasseur ayant donné la chasse et le cours au cerf et a la biche, la va attendre aupres de quelque fontayne ou elle a accoustumé de s'abbreuver (car ceste sorte d'animal est sujette a la soif estrangement), pour la prendre apres que la froideur de l'eau l'aura engourdie, suivant le dire du Psalmiste: Comme le cerf crie vers la fontayne, ainsy mon ame vous souhaite, o mon Dieu, tout de mesme Nostre Seigneur, en l'histoire de l'Evangile du jourdhuy, s'en va aupres d'une fontayne attendre une pauvre pecheresse alterëe par son iniquité, affin de la prendre d'une tres glorieuse chasse, apres qu'avec ses saintz discours il l'a engourdie aux mouvemens de son peché et de sa concupiscence.

  A007000589 

 La fut corrompue Dina, et le filz du Roy tué et beaucoup d'hommes, par les enfans de Jacob.

  A007000589 

 Or, entre la Judee et la Galilee estoit la Samarie, en laquelle il y avoit une ville qui s'appelloit Sichar, ville situëe sur le mont Garisin, illustre pour avoir esté le chef du royaume d'Israël, establie par cest acariastre Hieroboam; pource qu'Abraham, sortant de Mesopotamie, y ædifia un autel, y estant arrivé, ceste terre luy fut promise.

  A007000590 

 Consideres vous point la bonté de ce Seigneur, l'affection de ce Chasseur qui court pour prendre la proye de l'ame, tant qu'il est las et contraint, par maniere de dire, de se reposer? Consideres vous point nostre lascheté, qui nous faschons de la moindre peyne du monde qu'il faut prendre pour nous sauver nous mesmes? Or, Nostre Seigneur n'estoit pas las sans cause, car il avoit cheminé bien tard, et a pied sans doute, dont l'Evangeliste dict: Hora autem erat quasi sexta, il estoit ja quasi midy; car les Juifz partagent le jour en douze heures et la nuict en douze..

  A007000590 

 La estoit une fontaine de Jacob qu'il fit faire, et Joseph y estoit enseveli, ou Nostre Seigneur estant arrivé, lassé et recreu du chemin qu'il avoit faict, il s'assit ainsy sur la fontaine: Jesus autem fatigatus ex itinere sedit sic supra fontem. Sic, ainsy, comme il se trouva; sic, parce qu'il estoit las; sic, il estoit recreu, et par ainsy il s'assit; sic, comme un autre homme.

  A007000592 

 Ceste femme donques luy reproche cela, comme disant: Vous autres Juifz, tenes les Samaritains pour excommuniés; et comme donques me demandes vous a boire? Elle sçait bien que ce n'est pas commerce que de demander un peu d'eau, mais elle luy dict cela par reproche.

  A007000596 

 Mais le Saint Esprit, a qui le reçoit par grace, il esteint la soif du cors et de l'ame, en ce monde et en l'autre.

  A007000611 

 Helisee vint luy mesme chez la Sunamite, ferme l'huis sur soy et le petit enfant, prie Dieu, se couche sur le petit enfant par deux fois; en fin la petite creature baille sept fois, et ouvre les yeux et resuscite.

  A007000611 

 Je crois que vous sçaves l'histoire de la resuscitation de l'enfant de la devote Sunamite, faite par Helisee.

  A007000612 

 L'origine des Samaritains est, qu'apres la division du royaume d'Israël faite par Hieroboam (3. Reg., 12), comme Achias Silonite avoit prædict 3.

  A007000614 

 Dont, a nostre propos, Nostre Seigneur avoit faict confesser a la Samaritaine son peché et le luy avoit descouvert, par ou elle conneut qu'il estoit prophete: Domine, video quia propheta es tu.

  A007000615 

 Mais sçaches qu'adorer est pris ici pour sacrifier; car quant a l'adoration privee, elle se pouvoit faire par tout, mays sacrifier, non, sinon au lieu choisi par le Seigneur; Deuter., 12.

  A007000628 

 Qui me donnera maintenant la grace de vous dire en si bonne façon la douce nouvelle de la venue que Nostre Seigneur doit bien tost faire en vos consciences par la sainte Communion, que vous luy allies au devant par desir et devotion, jettant les robbes de vos ames et les rameaux de vos affections, par mortification? O que ce seroit bien faire la memoyre de ce glorieux triomphe, puysque nous triompherions nous mesmes de nostre plus grand ennemy, qui est nostre chair, comme vrays enfans et hæritiers de ceste auguste et triomphante Majesté du Sauveur.

  A007000630 

 Cest incomparable miroir de patience, que Dieu appelle par honneur son serviteur, Job, en son septiesme chapitre, dict une sentence digne d'æternelle memoire: Militia est hominis vita super terram.

  A007000634 

 Ceste chair alleche la volonté, ores par des playsirs, ores par des richesses; ores elle nous met des imaginations de pretentions, ores en l'entendement une grande curiosité, tout sous especes et prætexte de bien.

  A007000634 

 Mays quoy? Toute place, disoit un grand prince, ou le soleil peut aller, n'est pas imprenable; et maintenant, par tout la ou quelqu'un peut aller a double, on y peut aller armé.

  A007000635 

 15, se tenant a la porte du palais de son trop bon pere, la il flattoit et corrompoit le peuple; et en fin fit si bien par ses secrettes menëes, qu'il fit la guerre et chassa son pere de son siege: ainsy le cors demeure tousjours a la porte, car « nihil est in intellectu quod prius non fuerit in sensu, » et la, corrompt les objectz, prattique ores en ceste façon, ores en l'autre, et ainsy se rend le plus fort.

  A007000635 

 Qui diroit jamais qu'elle nous ostast mesmes les saintes vertus, et les nous rendist ennemies? Mais que penses vous? Si elle connoist qu'il y en aye en nous, elle sollicite tant, que nous nous en vantons, nous en prisons, et par ce moyen deviennent poison; car estant comme le moust et le bon vin doux, si elles sont esventees elles s'aigrissent.

  A007000643 

 Nostre vie n'est pas seulement en guerre, ni n'a pas seulement la guerre, mais est une guerre propre: Militia, etc., puisque la chair, moitié de nostre vie, nous guerroie par tant de menëes, excitant sedition en nostre ame ainsy qu'Absalon, trompe comme Dalila.

  A007000653 

 La foy n'y entre point, car on y void tout; l'esperance encores moins, car on y possede tout; mais la seule charité y a lieu, pour aymer en tout, par tout et du tout nostre Dieu.

  A007000669 

 Si le prophete Jonas se consola tant au lierre que Nostre Seigneur luy avoit præparé, que l'Escriture dict: Et lætatus est Jonas super hedera lætitia magna, quelle doit estre l'allegresse des Chrestiens en la tressainte Croix de Nostre Seigneur, sous laquelle ilz sont bien plus a l'ombre que Jonas n'estoit sous le lierre; ilz sont mieux defendus et contregardés que Jonas ne fut par le lierre: Absit mihi, etc. Or, disons donques: Que Jonas se resjouisse au lierre; qu'Abraham fasse festin aux Anges sous l'arbre (Gen., 18 ); qu'Ismaël soit exaucé sous l'arbre au desert (Gen., 21 ); qu'Helie soit nourry sous le genevre en la solitude (3. Reg., 19 ): quant a nous, nous ne voulons autre ombre que celle de la Croix, autre festin que celuy qui nous y est praeparé.

  A007000671 

 Mais voyons un peu quelle sorte de gloire Nostre Seigneur a pris par la Croix.

  A007000672 

 Saint Pol, racontant aux Hebrieux, 9, comme l'Ancien Testament fut dedié, il dict que Moyse ayant leu tous les commandemens de la Loy, prenant le sang des veaux et boucs, avec l'eau et la laine pourprine, et l'hyssope, ipsum quoque librum et omnem populum aspersit. Mais omnia in figura contingebant illis; et ou est le livre que Nostre Seigneur a aspersé de son sang, au Nouveau Testament, sinon la Croix, en laquelle Nostre Seigneur ayant leu tous les commandemens de la Loy, qui n'est autre sinon: Diliges Dominum, etc., Mandatum novum do vobis, ut diligatis vos invicem, crie a haute voix: Pater, ignosce illis; In manus tuas, etc.? Il asperse tout le monde de son sang par l'institution des saintz Sacremens, particulierement de celuy de l'Autel..

  A007000677 

 Absit mihi, etc.; car si on se peut glorifier en beauté, o quelle beauté m'est acquise par la Croix! O comme j'ay trouvé une eau qui me rend non seulement blanc et net, mais encores qui m'esclaire: « In quo est vita, salus et resurrectio nostra.» [176].

  A007000677 

 Continues a y lire, et vous y trouveres Nazarenus, qui signifie floridus, qui est encores un autre tres grand sujet de glorification; car par la Croix, nostre ame a esté parëe des belles et saintes fleurs de tant de vertuz, de tant d'aureoles si odoriferantes.

  A007000677 

 O bel aubespin, sur vos branches se perchent les oyseaux du ciel ecclesiastique, par meditation, et la, gazouillent doucement en saintes louanges.

  A007000678 

 Or, ce royaume luy est acquis naturellement et par merite sur l'arbre de la Croix: Propter quod et Deus exaltavit illum, etc.; ut in nomine Jesu omne genu flectatur, etc. A cause de quoy, a sa mort tout l'univers se revest de deuil et proteste que son Roy est mort, etc. Qui fut prædict par David, Psal. 95: Commoveatur a facie ejus universa terra; dicite in gentibus quia Dominus regnavit a ligno.

  A007000679 

 Quelle gloire pour nous, auditoire chrestien, que par la Croix et en la Croix nous ayons esté transferés du royaume d'enfer en celuy du Ciel, que Nostre Seigneur, le meilleur Roy du monde, nous ayt esté donné; mais quelle gloire que nous mesmes y soyons faitz roys et hæritiers du Royaume celeste.

  A007000680 

 Ceste grande gloire de la Croix l'a rendue honnorable a un chacun; et partant, Dieu la fit chercher par Helene, mere du grand Constantin, qui alla expres en Hierusalem pour la trouver, et l'ayant trouvëe, elle fut incontinent mise en grand honneur parmi toute l'Eglise.

  A007000707 

 Le man tumbe au desert, non en la terre de promission; mais ce pain est par tout, et repaist par tout: in æternum..

  A007000708 

 Ce pain icy, donques, donne la vie, conserve la vie de l'aine, laquelle perdant peu a peu sa chaleur vitale qui est la charité, et l'humide radical de sa vie qui est la grace, a besoin de restauration, qui se faict par ce celeste banquet..

  A007000712 

 Le pain jamais ne nous renforce, que par la reaction nous ne perdions.

  A007000724 

 Nostre Seigneur, grand et excellent Medecin de toutes nos infirmités, avant qu'arriver en ce monde, faict entendre par tout et son arrivëe et les maladies desquelles il guerit.

  A007000724 

 Tantost par sa propre bouche: Venite ad me, omnes qui laboratis, etc.; Joan., 7.

  A007000724 

 Tantost par ses Prophetes: Quod confractum fuerit, alligabo, et quod infirmum fuerit, consolidabo (Ezech., 34 ); Spiritus Domini super me, propter quod unxit me, ad annuntiandum pauperibus misit me, ut mederer contritis corde (Isa., 61 ); Mundabit eos [185] ab omnibus inquinamentis suis (Ezech., 36 ); Tu populum humilem salvum facies (Psal. 17 ).

  A007000725 

 Concluons donques pertinemment par tout son discours, que son playsir est de ramener les pecheurs a sa misericorde..

  A007000725 

 Hé, qui voudries vous donques qui les receust? N'est ce pas l'honneur au medecin d'estre recherché des malades, et d'autant plus que leurs maladies sont incurables? Nostre Seigneur, non tant pour repousser la temerité de ces Pharisiens, que pour nous donner courage de nous approcher de luy, rejette bien loin par similitudes ceste consideration pharisaïque.

  A007000730 

 Mais voicy le gros de la difficulté: comme se peut il faire que nous soyons esloignés de Dieu luy mesme qui est par tout, et ne sçaurions trouver un recoin, pour caché qu'il soit, que sa Majesté n'y soit? Saint Pol aux Atheniens, Act., 17: Non longe abest ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus, movemur et sumus..

  A007000731 

 L'ame se peut retirer et esloigner de Dieu en deux façons: Premierement, par affection et desir; « non loco sed affectu, » dict saint Chrisostome.

  A007000734 

 Qui va par vent en un païs, ne revient que par vent contraire.

  A007000739 

 Nostre Seigneur est comme le soleil qui va par tout: A summo cælo egressio ejus.

  A007000753 

 Dont, par la bouche d'Isaïe, Nostre Seigneur dict: [195] Redemi te, et vocavi te nomine tuo, meus es tu.

  A007000756 

 Premierement, que si vous estes devant vostre Seigneur par tant de raysons, vous deves estre en toute reverence et humilité, considerant que tout ce que vous aves vous le tenes de luy, et pensant que vous luy deves autant d'honneur comme il y a de distance du rien a l'infinité.

  A007000756 

 Si donques estant devant Nostre Seigneur, en reconnoissance que vous estes ses sujetz et serviteurs, vous vous baisses et inclines le cors jusques a la terre de laquelle vous aves esté pris, baisses vos ames par humilité devant vostre Dieu, jusques au rien duquel vous estes la race..

  A007000757 

 Il veut dire: Je le sers si humblement que je ressemble un cheval mené par la bride apres vous, o mon Dieu.

  A007000758 

 Mays outre, tout cela, il y a une autre rayson: c'est que nous nous servons de toutes les creatures, et icelles nous servent volontier, en intention que nous servions Dieu pour elles; car elles, ne pouvant pas servir Dieu, lequel estant esprit ne peut estre servi que par esprit, elles nous servent a celle fin que nous servions Dieu tant en leur nom qu'au nostre.

  A007000761 

 Dequoy j'entre en admiration comme il se peut faire que l'homme ou l'Ange ayment Dieu, et comme Dieu s'ayme soy mesme; car si aymer est desirer du bien a une personne, comme voules vous qu'on ayme Dieu a qui on ne sçauroit desirer aucun bien? Car, puysque Dieu est toute sorte de bien, on ne luy sçauroit desirer aucun bien qu'il ne l'aye plus parfaittement qu'on ne sçauroit desirer; et si il l'a, pourquoy le desirera-on? Et puys, au bout de tout cela, le bien en Dieu est essentiel; de maniere que comme ce seroit chose hors de propos de s'amuser a desirer qu'un Ange soit Ange, puysque c'est sa nature d'estre Ange, et de desirer que les Maures soyent noirs, puysque c'est leur nature, aussi semble il hors de propos de desirer que Dieu ayt quelque bien, puysqu'il a tout bien par nature..

  A007000764 

 L'homme qui est arrivé a ce signe, voyant que sa louange est petite, il va cherchant par tout: Benedicite omnia opera Domini; et ne trouvant asses, Renuntiate quia amore langueo.

  A007000766 

 Non par nos merites, mais, Protector, aspice Deus, et vous nous verres tant affligés spirituellement et temporellement; et puys, in faciem Christi tui, qui a tant enduré pour nous, par la Passion duquel nous vous conjurons de nous faire misericorde.

  A007000789 

 Par miracles: Hic est Filius meus dilectus.

  A007000795 

 Sa mission qui semble avoir de l'extraordinaire est advoüee par l'ordinaire.

  A007000804 

 Ceux qui se sont departis jusques a present de l'Eglise, ont pris diverses excuses par les deux extremités pour couvrir la faute qu'ilz avoyent faite de n'y point demeurer et la mauvaise affection de n'y point retourner; car les uns ont dict qu'elle estoit invisible; les autres confessant l'Eglise visible, ont dict qu'elle pouvoit defaillir et manquer pour certain tems; et partant, qu'encores que leur eglise semblast nouvelle pour n'avoir pris succession de personne, elle ne l'estoit toutesfois pas, ains estoit l'ancienne, morte et esteinte pour certain tems, puys par eux resuscitëe et ce sacré feu continuel, r'allumé: voulans les uns faire l'Eglise tellement parfaitte, qu'elle soit toute spirituelle et invisible; les autres, la faire si imparfaitte, que non seulement elle soit visible, mays encores corruptible: semblables a leurs anciens devanciers hæretiques, desquelz les uns vouloyent tellement diviniser Nostre Seigneur qu'ilz nioyent son humanité, les autres tellement l'humaniser, qu'ilz en nioyent la divinité.

  A007000804 

 Mays tout cecy ne sont qu'occasions recherchëes pour pallier et masquer l'abomination de la division qu'ilz ont faitte en l'Eglise, laquelle donnant des tesmoignages de sa visibilité et de son incorruption, pendant que les sectaires devisent ainsy d'elle, elle comparoist par tous les lieux de la [206] terre sur l'ancien et le nouveau monde, et par tout se faict voir et regarder en ses serviteurs et prædicateurs, pour tesmoignage tres asseuré de sa visibilité et pour attester de son incorruption.

  A007000804 

 Quoy que vielle, elle faict paroistre qu'elle est aussi pleine de force, de fermeté et de vistesse que jamais, resistant vaillamment a tous ses ennemis, ne s'esbranlant pour aucun assaut pour impetueux qu'il soit, courant par tout le monde annoncer l'Evangile de son Espoux..

  A007000805 

 Or, ce qu'elle mesme faict voir par experience, je m'efforceray a vous le faire voir par discours, produisant les bons et indubitables tiltres qu'elle a pour sa visibilité et incorruption, qui est le gros du proces que nous avons avec nos adversaires.

  A007000807 

 L'Eglise donques, auditoire chrestien, faict asses paroistre par effect qu'elle est visible, incorruptible et immortelle, se faysant voir par tout, toute telle qu'elle avoit esté prædicte par Nostre Seigneur, ses Apostres et les Prophetes: et me semble bien que ceste preuve la seule pouvoit suffire a qui ne voudroit pas estre contentieux et opiniastre.

  A007000809 

 Ilz trouveront bien, Num. 20, 4, que le peuple se plaignant de Moyse au desert Sin a faute d'eau, il dict: Cur eduxisti ecclesiam in solitudi nem? Mais qui [207] ne void que ceste assemblæe estoit visible? Ilz trouveront, Actes, 20, que saint Pol allant de Chio en Hierusalem, ne voulant passer par Ephese de peur d'y arrester trop, voulant faire le jour de Pentecoste en Hierusalem, des Milette il envoya appeller les anciens de l'Eglise, et en une exhortation qu'il leur fit: Attendite vobis, et universo gregi, in quo vos Spiritus Sanctus posuit episcopos regere Ecclesiam Dei, quam acquisivit sanguine suo.

  A007000809 

 N'est ce pas par tout une assemblëe visible?.

  A007000811 

 C'est donques chose certaine que l'Eglise est visible, par les tesmoignages de l'Escriture, d'autant que par tout ou l'Escriture nomme l'Eglise, elle entend une assemblëe visible..

  A007000816 

 21, comme disant: A te proficiscitur, de vous depend, la louange que je reçoy en la grande Eglise, ou la loüange qui vous est rendue par mon incarnation.

  A007000833 

 Si son espoux la façonnoit a sa volonté, je crois qu'il la feroit la plus belle, la plus vertueuse, la plus saine et de la plus longue vie qu'on se pourrait imaginer; car il n'est telle affection que de l'espoux vers l'espouse, quoy que souvent au progres du mariage, on change de volonté par le malheur de nostre mauvaise nature.

  A007000834 

 Je crois que vous sçaves, auditeurs chrestiens, que lhors qu'il pleut a Dieu creer le monde, voyant sa divine Majesté la terre et l'eau remplie d'animaux, il les benit tous, et leur donna force en leur nature, chacun en son espece, de continuer leur race jusques a la fin du monde; [de] mesme quand il eut creé l'homme, il le benit, et luy donna la mesme perfection et condition: si que des lhors on ne trouvera pas que jamais aucune sorte d'animaux aye manqué de race; et quant a nous autres, chacun sçait bien que par la ligne droitte et continuation perpetuelle, nous sommes tous descendus, de pere en filz sans interruption, de ce premier pere auquel Dieu donna la force et le commandement de multiplication.

  A007000835 

 Or, en cas pareil, mes Freres, quand il pleut a Dieu recreer le monde et fonder son Eglise, il la benit tellement que jamais ceste generation sienne ne devoit manquer ou faillir en aucune façon: de maniere que la vraÿe Eglise qui est maintenant, doit estre descendue de pere en filz par ceste generation spirituelle de ce second Adam, Nostre Seigneur et Maistre.

  A007000838 

 Ce qui est davantage [218] confirmé par l'Ange, lhors qu'il annonçoit l'Incarnation a Nostre Dame, disant que Nostre Seigneur seroit grand, et seroit appellé Filz du Tres Haut; et le Seigneur Dieu luy donnera le throsne de David son pere, et il regnera sur la mayson de Jacob æternellement, et son regne sera sans fin; Luc., 1.

  A007000838 

 Elle commence par Jesus Christ.

  A007000840 

 Par les portes s'entendent les forces; mays outre cela, je trouve trois portes d'enfer: la malice, l'ignorance, l'infirmité.

  A007000842 

 Les autres donques voyant qu'il n'y avoit point d'honneur de dire, ou qu'il n'y avoit point d'Eglise, ou qu'elle estoit invisible, ont dict qu'au tems qu'ilz s'esleverent il n'y avoit plus aucune Eglise, mais que tout estoit apostasie, idolatrie et superstition; qu'elle estoit morte et esteinte, pleine d'erreurs, et que par eux elle a esté resuscitëe: et contre ceux cy, j'ay monstré maintenant que ce feu est inextinguible, car voyes vous pas la consequence?.

  A007000844 

 Voyla qui me faict arrester a prouver contre eux ces [221] verités, lesquelles estant bien certaynes et asseurees, il est bien certain et asseuré aussi que l'eglise des adversaires, qui n'a pas esté visible avant cinquante ou soixante ans, et qui n'a point esté tousjours, n'est pas la vraye Eglise et par consequent que tous ceux qui sont en icelle sont hors de leur salut æternel, s'ilz ne s'amendent.

  A007000854 

 Beuvoyent ilz reellement Nostre Seigneur? Non certes, mays seulement par foy, apprehension, intelligence.

  A007000854 

 Les anciens beuvoyent Nostre Seigneur spirituel, mays non reellement, ains par foy, etc..

  A007000855 

 Cecy estant proposé, voicy le gros de nostre difficulté; car nos adversaires veulent dire que nous prenons en la Cene le prætieux Cors de Nostre Seigneur, spirituel, c'est a dire par foy, et en apprehension ou volonté ou intelligence; comme qui diroit: j'ay tousjours mon espoux en mon cœur, l'y auroit spirituellement mays non reellement.

  A007000858 

 Or, tout cela dict par maniere de præparatoire, je vous diray les tres preignans et inevitables motifz que nous devons avoir pour nous arrester fermement en ladicte creance de la realité..

  A007000863 

 Certaines circonstances racontëes par les Evangelistes sont un grand motif.

  A007000863 

 O mays en ce pain on mange par foy.

  A007000865 

 Si Adam par la communication reale de sa chair nous faict mourir, etc. Et c'est la plus grande gloire de Dieu..

  A007000874 

 Par les paroles: datur, Luc. 22; et effunditur pro vobis et pro multis..

  A007000881 

 Par les figures..

  A007000902 

 Ceste Espouse, ames chrestiennes, ou c'est l'Eglise, ou c'est l'ame devote qui est en l'Eglise; et comment que ce soit, par ces paroles qu'elle dict par le sage Salomon, elle monstre que Nostre Seigneur, vray Espoux et de l'ame et de l'Eglise, luy estoit perpetuellement en memoyre, comme le plus aymé de tous les aymés et le plus aymable de tous les aymables.

  A007000903 

 La chere Espouse donques dict que son Amy luy sera comme un faisceau de myrrhe sur son cœur, pour monstrer qu'elle se resouviendroit [232] a jamais des amertumes de sa Passion douloureuse: Fasciculus myrrhæ, etc. Ce qui est encores dict avec extreme elegance par le prophete royal David, Psal. 44: Myrrha et gutta, et cassia a vestimentis tuis; ex quibus delectaverunt te filiæ regum in honore tuo; car le Prophete parlant au Messie, il luy dict: La myrrhe et la goutte d'icelle, et la casse, c'est a dire l'odeur de ces prætieuses liqueurs, vient de tes vestemens.

  A007000904 

 Et c'est ce qu'enseigne saint Pol, Heb., 12: Recogitate eum qui talem sustinuit a peccatoribus adversus semetipsum contradictionem, ut ne fatigemini, animis vestris deficientes; et a quoy luy mesme nous excite: O vos omnes qui transitis per viam, attendite et videte si est dolor sicut dolor meus; ce qui a esmeu l'Eglise, vraye Espouse de Nostre Seigneur, a tascher par tous moyens de maintenir en la memoyre de ses enfans et disciples la Passion de nostre Sauveur et Maistre; et partant, entr'autres, aujourd'huy elle met cest Evangile en avant.

  A007000905 

 Allons par ordre en ce fait, car il y a plusieurs difficultés entre l'Eglise et l'adversaire..

  A007000907 

 Dites moy, au nom de Dieu, pourquoy ne sera elle aussi utile en signe comme en parole? Et qui ne voit que s'il est utile aux fidelles de leur ramentevoir la Passion de Jesus Christ par paroles, il le sera aussi de la leur representer par signes?.

  A007000910 

 Par ce que l'Eglise en a prattiqué des les premiers siecles: tesmoin saint Denis, 4, 5, 6 de sa Hier.

  A007000912 

 La croix n'avoit point de mal en soy, et fut embrassëe volontairement de Nostre Seigneur, et par icelle il est arrivé a sa gloire et exaltation, comme dict saint Pol, aux Philipp., 2: Humiliavit semetipsum; propter quod, etc..

  A007000913 

 Et miserables sont ceux qui le rejettent avec tant de mespris et d'horreur, car par cela ilz donnent a connoistre qu'ilz n'ont point part a ce qui a esté operé en la Croix, etc. Et comment peut on accorder ceux qui estiment se rendre ignominieux par la Croix, avec saint Pol qui dict: Absit mihi gloriari nisi in Cruce Domini nostri, etc.? 1 Cor., 1: Prædicamus Christum crucifixum, Judæis quidem scandalum, Gentibus autem stultitiam; ipsis autem vocatis Judæis atque Græcis Christum, Dei virtutem et Dei sapientiam.

  A007000916 

 [2.] Que tout ce qui est dedié a Dieu soit digne d'estre honnoré, on le prouve parce que l'Escriture l'appelle quasi par tout saint.

  A007000919 

 Pour les grans effectz qu'il plaist a Dieu de faire par ce ceremonial, et particulierement contre les demons qui le haïssent; dequoy Lactance rend tesmoignage, [Divin.

  A007000930 

 Toute l'ancienne Eglise, par tous les lieux du monde, en un parfait consentement d'espritz, avoit tousjours salué la Mere de Dieu de ceste façon angelique: Ave Maria, gratia plena.

  A007000931 

 Vous resouvenes vous pas que quand David sonnoit de sa harpe, le malin esprit se retiroit de Saul, comme vaincu de la douce [240] melodie? Ainsy ce malin esprit, ennemy conjuré de tout accord et union, estant entré en possession de certains cerveaux leg'ers, discordans et sans harmonie, parlant par leurs bouches, il dict mille injures et blasphemes contre l'usage de ceste sainte Salutation..

  A007000933 

 Toute l'Escriture est pleyne de beaux exemples et salutations des Patriarches aux Anges et entr'eux; et par tout, a tous rencontres, la salutation y est cottëe.

  A007000935 

 : Salutat vos Ecclesia in Babylone coelecta? Ilz diront qu'ilz estoyent præsens par lettre et par messager; mays Nostre Dame est præsente aux Chrestiens, principalement par l'attention.

  A007000952 

 C'est ce grand desir qui apprivoisa l'homme avec son ennemy capital par les [244] artz divinatoires, et qui baille credit a tant de pronostiqueurs Ce fut ce desir qui fit sortir d'Athenes et tant courir ce grand Platon, comme dict saint Hierosme, Epist.

  A007000952 

 Et affin de leur aiguiser ce desir, il leur dict: Adhuc multa, etc.; puys, pour les combler d'une certaine, et magnifique esperance et consolation, il leur dict: Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, etc.; puys, parce que la science peut nuire a qui l'a s'il ne la rapporte a bonne fin, il leur adjouste: Ille me clarificabit, quia de meo accipiet. Mays ce pendant Nostre Seigneur monstre par ces paroles que personne ne peut estre capable de la celeste doctrine sinon par la faveur du Saint Esprit.

  A007000954 

 Et comme sommes nous enseignés sinon par la foy, laquelle peut estre appellee oracle, parce qu'en icelle on oyt Dieu? Fides ex auditu; Rom., 10.

  A007000964 

 Que diray je des adversaires? Combien ont ilz de Traditions? Le Dimanche, par tout l'observation d'iceluy; Pasques, l'Ascension en quelques lieux; le Baptesme des petitz enfans, les parrains, l'imposition des noms, donner la cene le matin, se marier devant le ministre.

  A007000967 

 On peut s'opiniastrer par tout..

  A007000969 

 Nous avons plusieurs articles de foy par la, comme: [1.] que le Baptesme des hæretiques est bon; 2.

  A007000976 

 Et par ce moyen s'en vont a neant tous ces passages que nos adversaires ont accoustumé de nous objecter: Non addetis ad Mot quod ego præcipio vobis, Deut., 4 et 12; Gal., 1: Sed licet nos, aut Angelus de cœlo evangelizet vobis præter quam quod evangelizavimus vobis, etc..

  A007000989 

 Il est bien dict au commencement du Genese, que Dieu dict: Faciamus hominem ad imaginem et [254] similitudinem nostram, par lesquelles paroles la Trinité de ce Facteur estoit monstrëe; mays jamais l'apparition n'en avoit esté faitte devant Abraham, dont avec merite on a appellé justement Abraham pere des croyans, comme ayant eu une si signalëe revelation de ce mistere fondamental de nostre foy: Apparuit Dominus; « tres vidit, et unum adoravit.

  A007000990 

 Et maintenant, auditoire devot, le mesme Seigneur se presente a nous pour nous visiter, un par essence en trinité de personnes, non plus par une exterieure apparition, mais [par] une interne illumination de la foy, en ceste bonne vallëe de l'Eglise, puysqu'aujourd'huy l'Eglise celebre une grande solemnité a la gloire de la toute puyssante, toute bonne et infinie Trinité, Pere, Filz et Saint Esprit, affin de graver en nostre courage l'honneur et l'hommage supreme que nous luy devons.

  A007000993 

 C'est pourquoy l'Eglise, sous le Pape Damase, par l'exhortation de saint Hierosme, institua qu'a la fin de chaque Pseaume on chantast: Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc. C'est pourquoy du tems de Charlemagne, s'eslevant plusieurs hæresies contre la sainte Trinité, on dressa ceste sainte feste particuliere pour la protestation de nostre foy.

  A007000994 

 : Numquid ego, qui facio parere alios, non pariam? et qui generationem cæteris tribuo, sterilis ero? Ce Filz est la gloire du Pere, dont il est appellé par saint Pol splendor gloriæ et figura substantiæ ejus..

  A007000995 

 Mays, outre cela, le Pere voyant son Filz, et le Filz voyant par soy mesme son Pere, quelle exuberance de joye! Le Pere et le Filz voyent qu'ilz sont reciproquement dignes d'un amour infini; ilz voyent qu'ilz ont la volonté proportionnëe a l'object, ilz s'ayment l'un l'autre autant qu'ilz le meritent, ilz s'ayment sauverainement, infiniment et divinement.

  A007000997 

 Et tout de mesme, Spiritui Sancto, qui signifie un respir d'amour reciproque et mutuel, pour signifier que le Pere et le Filz se regardans et s'aymans mutuellement, produisent ceste troisiesme Personne par ce regard et cest amour reciproque..

  A007000997 

 Gloria, en singulier, en [259] parlant des troys, pource que ces troys Personnes ont la mesme gloire; Patri et Filio, pource que, combien que ces deux Personnes soyent un seul et mesme Dieu, et que le Pere regarde son Filz comme un autre luy mesme, il y a neantmoins ceste distinction, que le Pere a la divinité par luy mesme, et le Filz, par la communication du Pere: et sans cela, ni l'un ne seroit Pere, ni l'autre ne seroit Filz, ains ces deux noms seroyent des noms faintz et sans fondement.

  A007000997 

 Nous chanterons tousjours Gloria Patri, d'autant plus encores que Calvin et Beze et leurs hæresies, veulent que toutes les trois Personnes ayent leur divinité de soy et non par communication; qui est un blaspheme estrange, car ainsy il n'y auroit ni Filz ni Saint Esprit.

  A007000998 

 O malheur de nostre aage, o vanité, o arrogance de l'esprit humain, qui entreprend de disputer des verités si eslevees par de si foibles raysons! Ce mot de personne, o Calvinistes, signifie bien plus que vous ne dites, et les docteurs sçavent que personne est le suppost d'une nature intelligente, que c'en est le proprietaire et le possesseur; tellement qu'une Personne divine, c'est celuy qui possede et a en propre la nature divine..

  A007001000 

 Cest enfant revenu a soy, et ayant raconté ce qu'il venoit d'apprendre, tout le peuple se print a chanter ce mesme cantique, et par ce moyen appaisa l'ire de Dieu et destourna les malheurs dont il estoit menacé.

  A007001002 

 Mays quant a l'exterieure, elle peut estre augmentëe par nos bonnes actions.

  A007001004 

 Nous devons glorifier toutes les trois Personnes, et nous les devons glorifier par la Personne du Verbe incarné, et particulierement par sa Passion, laquelle il appelle sa gloire en saint Jan, 7: Nondum enim erat Spiritus datus, quia nondum erat Jesus glorificatus.

  A007001005 

 Nous devons glorifier Dieu par la Passion de son Filz; or, ceste Passion n'est plus præsente pour rendre gloire a Dieu par icelle, il faut donq [263] recourir a sa memoire.

  A007001035 

 La Rochelle est une contrefaçon faite par le diable, du rocher de Pierre; Sanders..

  A007001058 

 Et l'Eglise Catholique, par advis tout contraire, respond: Est; Ego enim accepi a Domino.

  A007001058 

 Sur ceste quæstion prise et faite en tout autre sens et façon qu'elle ne fut faicte par ce bienheureux Apostre, s'est fondëe ceste grande Babilone que nous voyons en ce miserable siecle.

  A007001059 

 je le preuveray par les figures et par les prædictions; 2.

  A007001059 

 par des autres passages, par l'antiquité et les miracles et les raysons, et toute sorte de tesmoins.

  A007001059 

 par l'institution du Saint Sacrement; 4.

  A007001059 

 par la promesse qu'en a faict Nostre Seigneur en saint Jan, 6; 3.

  A007001060 

 Au reste, je vous adjure, Catholiques, par Celuy auquel vous esperes, que vous oÿes attentivement et devotement ces miens sermons, pour rendre tesmoignage a la foy en laquelle vos ayeulz et devanciers sont morts.

  A007001060 

 Et vous autres, Messieurs, qui suyves le parti contraire, je vous adjure par vostre salut et le sang du Sauveur, que vous venies ouir les raysons de l'Eglise Catholique, affin qu'on ne puysse dire de vous que vous l'aves condamnee sans l'avoir ouÿe.

  A007001060 

 Que qui voudra me demander des doutes, soit par escrit ou autrement, il m'obligera infiniment a luy, et le prendray a singuliere faveur, et tascheray a luy fayre en contrechange toute bonne satisfaction avec toute charité et respect.

  A007001063 

 Car je trouve en [270] cecy 3 comparaysons, par lesquelles saint Pol exprime tres proprement ceste grande difference..

  A007001063 

 Je trouve la difference de la Loy ancienne et de la nouvelle faite par saint Pol, Ro.

  A007001064 

 Ell'estoit, en comparayson de l'Eglise, comm'un homme endormi, qui ne voit point sinon quelque songe et idëe; signifiëe par Lia toute chassieuse.

  A007001070 

 Il faut conclure par la similitude de l'hiver et de l'æsté, celle du printens et de l'autumne, celle du petit enfant et de l'homme grand..

  A007001081 

 Les saintes reliques des Martirs, que Nostre Seigneur a voulu estre recommandables et honnorables par beaucoup de tesmoignages..

  A007001084 

 Et les os de Joseph, transferés par Moise, furent ensevelis par les enfans d'Israel en Sichem; Josue, ult..

  A007001085 

 Item, Moise monté sur le mont Nebo au coupeau de Phasga, ayant veu la terre, mourut par le commandement de Dieu, lequel mesme daigna le sevelir, dict l'Escriture, Deut.

  A007001098 

 23: Væ vobis, Scribæ et Pharisæi hipocritæ, qui ædificatis sepulcra Prophetarum et ornatis monumenta justorum; ilz le disoyent par hipochrisie.

  A007001173 

 Le calice de bénédiction que nous bénissons, n'est-il pas la communication du sang du Christ? et le pain que nous rompons, n'est-il pas la participation au corps du Christ? Saint Paul ne parle pas de participation par la foi, car en soi le pain n'est rien, mais il dit que le pain est la participation..

  A007001179 

 De plus, la foi, l'espérance, la charité et tous les Sacrements sont glorifiés par l'Eucharistie..

  A007001213 

 Sachant le bien et le mal, par science infuse ou par expérience.

  A007001214 

 Il est présent par la foi, en figure, etc.: et pendant que vous insistez sur sa présence, vous vous apercevez qu'ils nient positivement cette présence.

  A007001214 

 Or, c'est toujours par de purs sophismes que nos adversaires traitent de ce mystère.

  A007001215 

 Celui qui me mange vit lui-même par [ moi ]. Nul ne peut s'écarter du sens propre de toutes ces affirmations, à moins que l'Ecriture ne l'y force par des textes contraires.

  A007001215 

 par les paroles expresses de l'Ecriture: Ceci est mon corps qui est livré pour vous.

  A007001216 

 Notre interprétation est confirmée: [1.] par le fait que les quatre Evangélistes exposent ce dogme de la même manière, sans rien ajouter qui nous oblige à le comprendre autrement, ce qu'ils ne manquent pas de faire lorsqu'il y a lieu: Détruisez ce temple; mais il disait cela du temple de son corps.

  A007001217 

 Par le fait que Jésus-Christ a parlé trois fois de ce Sacrement: quand il l'a promis en termes précis (nous exposerons ces paroles Dimanche); quand il l'a donné à la dernière Cène; quand il en a instruit Paul: En dernier lieu, il m'a parlé à moi, qui ne suis qu'un avorton; ce ne fut pourtant pas alors que le Seigneur l'instruisit, ce fut lors de son ravissement au troisième ciel. De là vient ce ton solennel de Paul: Car j'ai reçu moi-même du Seigneur..

  A007001218 

 Par le fait que l'Eglise l'a toujours cru ainsi, comme le prouvent le Concile de Nicée, le soulèvement de l'Eglise contre Bérenger et l'aveu même des adversaires..

  A007001219 

 Par le fait que cette interprétation exalte la puissance, la sagesse, la bonté de Jésus-Christ, et augmente notre bonheur..

  A007001221 

 Il réveille ensuite la foi: En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie [292] éternelle; je suis le pain de vie. Il va leur proposer une vérité difficile à accepter, il veut se concilier leur foi d'abord par un miracle, ensuite par une exhortation.

  A007001221 

 Il voulait prêcher la foi à l'Eucharistie; il commence par multiplier miraculeusement les pains.

  A007001224 

 Or la forme est bien inférieure; quant à la substance, elle n'est en rien supérieure si elle n'est pas le vrai corps de Jésus-Christ; car le corps du Christ en figure, par la foi et dans ses effets, les anciens le recevaient autant qu'il était nécessaire pour obtenir la vie éternelle: Tous mangeaient la même nourriture spirituelle, etc. Or, ils buvaient l'eau [de la pierre] qui les suivait, etc..

  A007001225 

 D'une autre comparaison: Comme le Père qui m'a envoyé vit et que je vis par mon Père, ainsi celui qui me mange vivra lui-même par moi.

  A007001225 

 Je vis par mon Père, parce que j'ai sa substance; donc, de la même manière, etc. C'est une comparaison entre les mystères de la Trinité, de l'Incarnation et de l'Eucharistie..

  A007001226 

 Le serment est la conclusion de toute la discussion. C'est le même Dieu qui fit serment à Abraham, à David, etc. Or, les paroles que l'on confirme par un serment doivent être claires et conformes au sens qu'y attachent ceux qui interrogent, s'ils ont le droit d'interroger; et les disciples avaient ce droit.

  A007001230 

 Cette présence est produite par l'action de l'intellect et de la mémoire; car l'amour fait l'extase, il sort de soi-même, il est transporté: l'âme est plutôt où elle aime, etc. Et c'est le mode de présence de Jésus-Christ chez tous les croyants, en quelque lieu qu'ils croient, quelle que soit leur nourriture.

  A007001230 

 Par sa présence seulement réelle et corporelle, comme Jonas dans le ventre de la baleine.

  A007001230 

 Par sa présence à la fois réelle et spirituelle, comme le Christ souvent..

  A007001231 

 Dans l'Incarnation, quelques-uns prétendaient que le Verbe s'était changé en chair; Athanase les condamna par ces mots: « [Le Christ] est un, non par une confusion de substances, mais par une unité de personne.

  A007001231 

 De Saintes, Répétition II, chap. X.: Sabellius soutenait l'unité de personne dans la Trinité; Arius, qu'il n'y avait d'unité que par l'accord mutuel des trois Personnes.

  A007001254 

 Nos ennemis remplissent [ce puits] de terre; et parce qu'ils ne peuvent y puiser, ils disent qu'il ne s'agit pas ici de l'Eucharistie, mais de la manducation par la foi..

  A007001255 

 Je les confonds, en passant, par trois preuves.

  A007001255 

 L'âme ne pleure pas, ne file pas, c'est pourtant l'âme, etc. C'est l'esprit qui vivifie, mais il ne vivifie que par la chair.

  A007001255 

 S'il ne s'agit pas ici d'une manducation sacramentelle, le Christ a mal expliqué la manducation par la foi; car ceux qui le voyaient [298] connaissaient très bien et sa chair et son sang. [3.] Le mot autre ne s'emploie pas toujours dans le même sens.

  A007001256 

 C'est donc, d'après l'usage universel, un mot générique; il indique des choses qui se ressemblent par leur forme et leur destination plutôt que par la matière.

  A007001256 

 Nos adversaires objectent que l'Eucharistie est appelée pain, et surtout par saint Paul, etc. Je réponds, 1.

  A007001276 

 Tirer l'exorde de la réception faite à Dieu en la personne des Anges, par Abraham qui lui dit dans la vallée de Mambré: Seigneur, si j'ai trouvé grâce, etc. ne poursuis pas ta route sans t'arrêter auprès de ton serviteur; j'apporterai un peu d'eau pour laver vos pieds, et vous vous reposerez sous l'arbre; je vous servirai aussi un peu de pain, et vous reprendrez vos forces, puis vous poursuivrez votre route; car c'est pour cela que vous êtes venus vers votre serviteur.

  A007001278 

 Comme il avait aimé les siens, il les aima jusqu'à la fin. Déjà sur la croix, il a montré son amour par deux actes: à son Père, il offre son esprit et s'offre tout entier; à nous, il offre surtout son corps et s'offre tout entier.

  A007001278 

 l'agneau pascal: immolé à Dieu, il est mangé par le père de famille et les autres convives.

  A007001279 

 Dans la dernière instruction, nous l'avons prouvé par les paroles de la promesse; et cela très clairement, si je ne me trompe.

  A007001279 

 Je fais habituellement observer que Jésus-Christ a par deux fois enseigné sa doctrine sur ce point: d'abord en instituant le Sacrement, comme le rapportent les Evangélistes; 2.

  A007001279 

 Nous le prouverons aujourd'hui par les paroles mêmes de l'institution, telles qu'elles nous sont proposées.

  A007001302 

 Ceci est. Par exemple: l'agneau est le passage; la pierre est le Christ; les sept bœufs ce sont les sept années; il n'est pas dit: le pain est mon corps, mais: Ceci est mon corps.

  A007001306 

 Rompez ce pain, vrai gage d'immortalité, antidote qui, préservant de la mort, fait vivre par Jésus-Christ en Dieu.

  A007001324 

 Saint Philippe s'en va par l'inspiration de l'Ange sur le chemin qui descendoit de Hiericho en Gaza; et ecce vir Æthiops, potens, etc.

  A007001325 

 Et de fait, pourquoy auroit laissé Nostre Seigneur (ad Ephes., 4 ) alios, pastores et doctores, si nous n'avions besoin que sa parole fut annoncëe par ceux qui parlent de sa part et en son esprit?.

  A007001346 

 Encores que tant au ciel qu'en la terre Dieu soit tousjours par une parfaitte præsence en tous lieux comme il dict par Hierem., 23: Cœlum et terrain ego impleo, et ce que saint Pol dict, Act., 17: Non longe abest ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus movemur et sumus, si est-ce neantmoins qu'il y a certains lieux lesquelz luy estant consacrés, sont appellés mayson de Dieu, habitation, lieu, temple, tabernacle, non pas pour ce qu'il soit plus la qu'ailleurs (parlant de Dieu en sa divinité), mays pour ce que la il confere particulierement ses graces et benedictions, et la il faict plus de demonstration de sa gloire..

  A007001347 

 Ce que nos adversaires ne voulant entendre, pour trouver occasion de se separer d'avec l'Eglise leur douce Mere et faire mesnage a part, affin de mieux seconder les impressions de leurs cervelles, ilz ont dict a ceux qui leur ont voulu prester l'oreille, que nous disions Dieu n'estre pas par tout et n'ouÿr pas nos oraysons par tout, ains qu'en l'eglise il avoit « l'oreille plus pres de nous, » pour user des termes de leur maistre.

  A007001347 

 Mays ce sont pures impostures, et en cest endroit comme par tout, ilz voudroyent faire accroire que leur Mere est folle, affin de se soustraire de son obeyssance.

  A007001347 

 Nous sçavons bien que Dieu est par tout, et que prope est invocantibus eum ou que ce soit; neantmoins nous sçavons bien aussi qu'il assiste particulierement aux lieux qui luy sont dediés, y respandant plus liberalement ses graces, estant de son bon playsir que la il soit adoré..

  A007001349 

 Aussi en certains lieux nous faict il des benefices plus qu'es autres, Dieu est en tous lieux, Dieu est en tous tems; il y a certains tems qui luy sont sacrés et esquelz il veut estre particulierement honnoré; pourquoy n'y aura il aussi certains lieux? C'est comme nostre ame, qui estant par tout le cors, neantmoins est dite estre au cœur ou au cerveau; ainsy Nostre Seigneur est particulierement aux cieux pour ce qu'il y descouvre sa gloire, et es eglises pour ce qu'il y communique particulierement ses graces.

  A007001350 

 Quand il afferme qu'il est en certains lieux, cela s'entend par communication de ses graces.

  A007001351 

 Et c'est ce de quoy il me semble que nostre Mere l'Eglise nous veuille principalement donner advis, lhors qu'en l'Evangile elle nous propose un grand effect de la præsence de Nostre Seigneur en quelque lieu, par l'exemple de ce qui se fit en la personne de Zachee.

  A007001351 

 Voyes vous comme il faut que Nostre Seigneur vienne le premier a nous? S'il n'eust entré en Hiericho, jamais Zachee ne le seroit allé trouver, dont il dict bien [315] par, apres: Venit enim Filius hominis quærere et salvum facere quod perierat..

  A007001353 

 Il appelle Zachee par son nom, luy faysant paroistre que c'estoit luy qui nomme toutes choses par leur nom et qui connoist toutes choses, et qu'il estoit Dieu; car Zachee ne l'avoit jamais veu, ni Nostre Seigneur Zachee, et en le voyant il l'appelle par son nom, Zachee.

  A007001364 

 Toutes choses sont esbranlëes par sa force, » disoit le sage Zorobabel, qui pour cest apophthegme fut reputé le [320] plus judicieux de tous les Persans et Medois.

  A007001365 

 Implorons donques premierement son assistance par l'entremise de sa tressainte Mere, que nous saluerons a l'accoustumee, disant Ave.

  A007001366 

 Or je trouve que, parlant generalement, un cors ne peut estre present ni estre appliqué ou conjoinct a un autre, ni par consequent estre mangé, qu'en troys sortes: reellement et non spirituellement, spirituellement et non reellement, reellement et spirituellement tout ensemble.

  A007001367 

 Ainsy furent mangés par les lyons reellement et charnellement les gens que le Roy d'Assyrie avoit amené pour peupler la Samarie, et les enfans qui injurierent Helisëe, par les ours.

  A007001367 

 Ainsy le fut le cors de Jezabel par les chiens, [322] ilz le mangerent reellement et de fait, et charnellement aussi, car ilz le deschirerent comme estant corruptibile, ilz le traisnerent ça et la comme estant pesant, ilz le mordirent comme estant espais, et en fin, ne plus ne moins qu'une chair de cheval ou de bœuf.

  A007001367 

 Et de mesme, les deux femmes samaritaines, pressees de la famine par le siege, mangerent reellement et charnellement l'un de leurs enfans, le deschirans a belles dens, et remplissans leur estomach et leur ventre de la chair qui en estoit sortie.

  A007001367 

 Je dis donques premierement qu'un cors peut estre præsent a un autre, et par consequent estre mangé, reellement et non spirituellement, mays naturellement et charnellement.

  A007001368 

 Maintenant, mes Freres, il faut que je vous dise que les Capharnaïtes ayans ouÿ que nostre Redempteur avoit si souvent inculqué et repliqué en un sermon qu'il leur faisoit, qu'il failloit manger sa chair et boire son sang, que sa chair estoit vrayement viande, que le pain qu'il donneroit estoit sa chair pour la vie du monde, ilz creurent qu'il voulust donner sa chair en ceste premiere sorte, c'est a dire reellement (car ses parolles estoyent si preignantes qu'ilz n'en pouvoyent douter), mays charnellement; car ilz pensoyent qu'il la voulust donner morte, par pieces et morceaux, grossiere, obscure, espaisse, corruptible, pesante, palpable, visible, et que par consequent il failloit qu'ilz la deschirassent et maschassent comme les antropophages ou mangegens, cannibales et margajas, qui s'entremangent les uns les autres comme l'on mange la chair des moutons et brebis.

  A007001369 

 Ilz appellent les parolles de Nostre Seigneur dures, c'est a dire aspres, rudes, estranges, cruës, par ce qu'entendans que Nostre Seigneur leur voulust faire manger sa chair et boire son sang charnellement et selon l'estre naturel et ordinaire de la chair et du sang, a la verité cela leur sembloit fort crud, barbare et extravagant.

  A007001370 

 De ceste mesme sorte de manducation grossiere et charnelle furent accusés les anciens Chrestiens par les payens atheïstes; et je vous supplie, mes chers Freres, de remarquer cecy.

  A007001370 

 » Et de fait, Pline second en l'epistre qu'il escrit a Trajan et qui est citëe par Tertullien, monstre bien que les Chrestiens avoyent esté accusés de ce crime; car il les en descharge, s'il est bien consideré..

  A007001373 

 Non, jamais cela ne fut dict ni pensé par Nostre Seigneur, que l'on mangeroit sa chair charnellement, grossierement et comme l'on mange les chairs mortes et perissables.

  A007001374 

 Mays sur tout Nostre Seigneur avoit rejetté disertement ceste intelligence grossiere et toute charnelle par ces parolles: Spiritus est qui vivificat, caro non prodest quidquam; verba quæ locutus sum vobis spiritus et vita sunt; C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne prouffite de rien; les paroles que je vous [326] ay dites sont esprit et vie. Paroles saintes, paroles divines, paroles infiniment excellentes et propres a desraciner ceste lourde et grossiere intelligence de la manducation charnelle du cors de Nostre Seigneur, et ce, par deux beaux moyens que nos anciens Peres en ont doctement tiré et deduit.

  A007001379 

 Or, je commençay a prouver que Dieu le pouvoit, tant par la commune regle de sa toute puyssance, que par des preuves particulieres touchant la pluralité des lieux d'un mesme cors.

  A007001383 

 [1.] Nous demeurasmes donques bien asseurés qu'un cors peut estre en plusieurs lieux par l'obeissance qu'il faict au commandement de son Dieu tout puyssant, auquel il n'y a rien d'impossible.

  A007001386 

 La majesté de Dieu est tellement par tout, que saint Pol a dict: Non longe est ab unoquoque nostrum; in ipso enim vivimus, movemur et sumus; Act., 17.

  A007001387 

 Et voicy maintenant la difficulté ouverte entre nous et nos adversaires; car nous disons que comme la præsence est ordinairement separëe de l'occupation de lieu es choses spirituelles, aussi le peut elle estre es choses corporelles par la toute puyssance de Dieu.

  A007001387 

 Ilz le nient, et nous le prouvons; et nostre premiere preuve se prend de ce que nous disions Dimanche, comme reciproquement ce que nous prouvions Dimanche se peut prouver par ce que nous dirons maintenant, estant la nature des verités de s'entr'ayder l'une l'autre.

  A007001388 

 Comment se pourroit il faire qu' un chameau entrast par le trou d'une eguille, sinon qu'il n'y occupast point de place? Un si grand animal, estre compris en un si petit lieu, n'est ce pas un bel exemple a nostre propos? Je sçay bien qu'il y en a eu qui l'ont entendu d'une corde de chanvre, qu'on appelle cable; mays tous les Peres l'entendent de cest animal.

  A007001389 

 Œcolampade dict qu'il entra par les fenestres; Calvin, qu'il ouvrit et resserra, ou qu'il aneantit les portes et tout a coup les recrea; Pierre Martyr dict qu'il entra par quelque ouverture, ou qu'il rendit rares les portes, ou qu'il les fit ceder.

  A007001390 

 Mais jamais aucune attaque ne leur fit reculer d'un pas; ilz voulurent maintenir en tout et par tout le sens naïf et simple de l'Escriture..

  A007001391 

 Voyes vous, mes Freres, Nostre Seigneur avec son vray cors sort hors du ventre de sa Mere sans aucune fraction ni ruption de sa virginité; ne failloit il pas donques que ce fut sans occuper [332] place, et qu'il passast par ce cors virginal par penetration de dimension? A Dieu ne playse que je die ce que nos adversaires respondent en cest endroit; c'est chose hors de respect.

  A007001394 

 Mais puysque vous voules laisser l'Escriture pour la philosophie, je vous prie, dites moy comme vous pouves voir; car, ou c'est par mission ou par immission.

  A007001396 

 Un cors peut estre en un lieu sans qu'on le puisse voir et connoistre qu'il y soit, comme il appert par les exemples que je viens d'apporter..

  A007001396 

 Un cors peut estre en un lieu sans y occuper place, ainsy qu'il appert par l'entrëe de Nostre Seigneur les portes fermëes et par sa Nativité.

  A007001396 

 [334] Un cors peut estre en deux lieux, ainsy qu'il appert par l'histoire de la conversion de saint Pol.

  A007001397 

 [2.] Mays il y a encor une difficulté; car nos adversaires ne voulans abandonner leur quomodo, demandent: Comme se peut il faire qu'une chose qui estoit n'a gueres pain, soit, maintenant la chair de Nostre Seigneur? Il se peut faire par un changement total de substance en substance, que l'on appelle fort proprement du mot de transsubstantiation.

  A007001398 

 Et en Exod., 7, la verge d'Aaron n'est [335] elle pas veritablement convertie en couleuvre? car l'Escriture dict que ce que les autres firent fut par sorcellerie, mays que ce que fit Aaron fut veritable.

  A007001400 

 Secondement, en saint Jan, 6, quand Nostre Seigneur dict: Panis quem ego dabo, caro mea est pro mundi vita, si ce qu'il disoit n'eust deu estre faict par changement, il eust esté faux; car le pain, s'il demeure pain, ne peut estre chair.

  A007001404 

 Ainsy fut il adoré en croix par le larron, marchant parmy Hierusalem, par les troupes qui crioyent Hosanna, en la creche, par les Roys.

  A007001405 

 Or affin que tout d'un coup je prouve que Nostre Seigneur est reellement selon sa chair en ce tressaint Sacrement, et tout ensemble qu'il l'y faut adorer, l'un ne pouvant estre sans l'autre, ni qu'il y soit adoré s'il n'y est pas, ni qu'il y soit sans y estre adoré par l'Eglise, qui est jalouse de rendre a son Espoux tout honneur, je vous prie de regarder combien ceste affaire est convenable, puysque ceste adoration ayant esté preveüe par David, il en tressaute de consolation au Pseaume 21, et chante: Manducaverunt et adoraverunt omnes pingues terræ.

  A007001406 

 Et affin qu'il ne semble pas que ce soit une nouveauté, ains qu'on connoisse que l'adoration de l'Eucharistie a tousjours esté en l'Eglise, et par consequent qu'on a tousjours creu fermement qu'en icelle est le vray cors de Nostre Seigneur, oyes un peu le tesmoignage de quelques grans Peres..

  A007001406 

 Ponenda est ergo differentia quam par est adhibere, [339] et venerari corpus Domini.

  A007001407 

 Puys, la mesme, il raconte d'un autre qui avoit appris par vision que ceux qui prenoyent ce saint Sacrement deuëment a la fin de leur vie, avoyent des Anges autour de leurs cors qui les accompaignoyent jusques au Ciel.

  A007001423 

 Je prie, si jamais je priay humblement et d'affection, que Celuy qui faict la bouche des enfans diserte, daigne par sa bonté me donner l'entendement de bien sonder ses tesmoignages: Da mihi intellectum, et [342] scrutabor legem tuam, et custodiam illam in toto corde meo; et a vous, mes tres chers auditeurs, qu'il incline vos coeurs es tesmoignages de sa parolle; car en ceste difficulté je vois les ennemys qui m'attendent avec une trouppe de doutes et questions humaines: Me expectaverunt peccatores ut perderent me, testimonia tua intellexi; mays l'intelligence de vos commandemens m'en delivre.

  A007001423 

 Pendant que l'un me veut tirer par la voye des figures, l'autre de l'ubiquité, l'autre des effectz, faites, Seigneur, que j'aÿe pour ma guide vostre seule parolle, et qu'elle me soit phare en ceste navigation: Lucerna pedibus meis Mot tuum, et lumen semitis meis.

  A007001425 

 De peur que par un praejugé et supposition fause vos entendemens ne soyent atteintz de quelque passion contre nous, chers auditeurs, pendant qu'on vous pourrait avoir faict accroire que le differend qui est entre nous et nos adversaires ne gist en autre, sinon en ce qu'ilz ne veulent rien croire que ce qui est es Escritures, et [que] nous voulions fonder nostre doctrine ailleurs que sur icelles, je vous supplie de croire qu'en ce particulier differend (ni en pas un autre aussi, non plus qu'eux) nous ne voulons ceder a eux en l'honneur que nous avons juré aux Saintes Escritures; mays que tout au contraire nous protestons ne vouloir le demesler que par la seule, pure et expresse parolle de Dieu, ainsy que nous fismes Dimanche.

  A007001425 

 Si donques on vous a dict que l'Eglise n'alleguoit que l'authorité des hommes, si on vous a dict qu'elle laissoit en arriere l'Escriture, je vous prie de vous en desabuser, et croire que l'Escriture [343] a tousjours esté en nos mains, et que ce riche thresor n'a esté gardé que par l'Eglise, et que nos adversaires ne l'ont eu que de nous.

  A007001426 

 Nous sommes donq desja d'accord en ce poinct, quj est que ce differend ne se decide que par l'Escriture; mais c'est en l'interpretation que gist nostre controverse et dispute; car nous apportons de beaux et bons passages de l'Escriture, et eux en apportent de ceux qu'ilz peuvent penser estre telz.

  A007001428 

 Cor., 11; en tous lesquelz lieux Nostre Seigneur parlant de la viande qu'il donnoit instituant la manducation de la Cene, ilz rapportent qu'il dict que c'estoit son cors, par des paroles si expresses qu'elles ne le sçauroyent estre davantage, dont elle tire ceste claire rayson: Dieu l'a dict, Dieu ne peut mentir, donques il y est.

  A007001431 

 Or, les Sacremens doivent estre institués en arolles claires; donques, etc. La mineure se prouve par rayson: parce que l'usage du Sacrement nous doit estre aysé et commun a tous; donq chacun doit entendre ce qui en est.

  A007001439 

 Voyla les raysons generales par lesquelles il appert [346] que nous sommes bien fondés a les interpreter en leur sens expres et formel, non figuré et metamorphosé..

  A007001443 

 Et tout de mesme Calvin, horsmis qu'il adjouste l'apprehension par la foy.

  A007001444 

 Par ou il appert que l'institution de ce grand mistere consistant en quattre paroles, il n'y en a aucune qui n'aye esté attaquëe avec grande audace et sacrilege par les superbes ennemis de la foy, trop attachés a leur sens et propre rayson.

  A007001464 

 Ilz furent eventrés par les Arabes..

  A007001486 

 Agar consolëe par l'Ange; Gen.

  A007001505 

 XXXVIII sur les Evangiles: « Ami, par la foi, non par les œuvres.

  A007001540 

 Il se laisse vaincre par le corbeau (Pline).

  A007001540 

 Ils jurent par Dieu et jurent par Melchom.

  A007001541 

 Par les vœux.

  A007001552 

 Oh si vous ouvriez les deux, si vous descendiez! Les montagnes s'écouleraient devant votre face; elles fondraient comme si elles étaient consumées par le feu, les eaux s'embraseraient, afin que votre nom fût connu parmi les Gentils.

  A007001564 

 Etends ta main et prends-le par la queue.

  A007001565 

 Pacifiant [360] par le sang de sa croix, etc. Aman fut donc pendu à la potence qu'il avait préparée pour Mardochée, et la colère du roi s'apaisa..

  A007001566 

 Car ce bois par lequel la justice est faite est béni..

  A007001567 

 Courons par la patience au combat qui nous est proposé, contemplant l'Auteur de la foi, auquel la joie étant proposée, il a souffert la croix en méprisant la confusion.

  A007001576 

 Saul manda des sergens par trois fois en Najoth de Ramatha, puys y vint, et tous prophetisent; et voyla pourquoy..

  A007001578 

 Dieu est par tout: Cœlum et terram ego impleo; et David: Si ascendero in cœlum, etc.; et saint Pol, Act.

  A007001578 

 [1.] Par ce que la il faict sa gloire; 2.

  A007001578 

 par ce que la seul on le voit; 3.

  A007001578 

 par ce que le ciel est le plus admirable de ses ouvrages: Cœli enarrant; [Ps.] 18..

  A007001603 

 C'est le sujet de l'Evangile que je traitteray maintenant; mays que l'Esprit Saint qui assista a Nostre Seigneur pour ce combat, m'assiste pour vous bien instruire, et vous pour me bien escouter, ce que nous luy devons demander par les intercessions de Nostre Dame.

  A007001605 

 Il y a en ce monde trois sortes de biens pour l'homme: l'utile, le delectable, l'honneste, et sommes attirés a toutes entreprises et a toutes actions par l'un de ces trois moyens: ou par l'utilité, ou par le playsir, ou par l'honnesteté.

  A007001606 

 Voyons un peu le tems et les occasions, par le discours de l'Evangile.

  A007001636 

 Jésus fut conduit par l'Esprit.

  A007001637 

 Ces mots: conduit par l'Esptrit-Saint, sont ajoutés pour attirer davantage notre attention sur cette tentation..

  A007001638 

 L'esprit malin, vainqueur sous la forme du serpent, devait être vaincu par l'Esprit-Saint dans le Seigneur, etc..

  A007001651 

 Pour nous enseigner la manière de vaincre, et afin que Celui qui nous porte secours, nous instruisît par son exemple..

  A007001659 

 Pour réparer par la tempérance ce qu'Adam avait ruiné par la gourmandise..

  A007001660 

 Ce genre de démons ne s'expulse qui par la prière et le jeûne.

  A007001660 

 Revêtons l'armure du jeûne; la citadelle du diable se prend par la faim.

  A007001744 

 Toutes les nations espéreront en lui, et son sépulcre sera glorieux: ce qui est entendu du Christ dans l'Epître aux Romains, chap. XV. Je vous salue, Marie, etc. Il y a une prière par manière d'insinuation: Seigneur, voilà que celui que vous aimez est malade.

  A007001794 

 Ainsy nostre saint Jaques non seulement fut apellé Jacobus, mays eucor Boanerges, nom lequel ayant esté imposé par Nostre Seigneur, ne peut estre sans mistere.

  A007001833 

 Combien a elle gardé la charité active, servant en tout et par tout a Nostre Seigneur; combien la contemplative! etc..

  A007001857 

 Aussi, le Seigneur débute-t-il par ces paroles: Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai retiré de la terre d'Egypte et de la maison de servitude.

  A007001867 

 Les oiseaux offerts en sacrifice par Abraham n'étaient pas divisés.

  A007001867 

 Mais quel est le véritable amour? L'amour pur par lequel Dieu est aimé pour lui-même, le cœur lui étant totalement donné.

  A007001868 

 ... Esaü pèche par son retard et perd son droit; nous péchons par retard et révolte.

  A007001876 

 J'attendois de voir imprimee l'orayson funebre prononcee aux superbes funerailles faittes en Lorraine avec tant de magnificence pour honnorer la sepulture de Monseigneur vostre pere, esperant que par ce moyen je serois facilement excusé de mettre celle cy sous la presse; mais cest espoir ne m'estant reusci, et ne pouvant plus differer d'obeyr a qui a pouvoir de me commander, au moins esperé-je d'estre beaucoup plus aysement excusé si je laisse sortir ceste orayson si mal polie et avec tant de defautz, quand on considerera que c'est par une humble obeyssance.

  A007001877 

 Il vous fera resouvenir que vous estes fille d'un si grand prince, sa fille unique, sa chere fille; mays il adjoustera que vous estes fille de son esprit et de sa foy plus que de son cors, puysqu'il vous a receuë de Dieu par les prieres du grand saint François, duquel aussi vous portes le nom, et que par ce vous estes plus obligee de vous resjouyr en la vie et gloire de son esprit, que de regretter la mort de son cors.

  A007001886 

 Et certes, je serois bien honteux si, en la consideration d'un sujet si lamentable, je me trouvois seul avec l'asseurance de pouvoir parler autrement que par larmes et sanglotz..

  A007001887 

 Ne vaut il pas beaucoup mieux cesser d'affliger ceux qui sont affligés * et mettre peyne d'essuyer vos pleurs, que de les exciter? Aussi, quand je vois devant et tout autour de moy le feu de tant de flambeaux allumés, signe ordinaire de l'immortalité, et que je me trouve revestu de blanc, couleur et marque de gloire, je connois bien que mon office n'est pas maintenant (et je vous supplie, Messieurs, de ne le pas desirer de moy), de vous representer les raysons que nous avons eu de regretter et plaindre, mays plustost celles que nous avons de finir nos regretz par le commencement de la consideration du bien dont jouyt ce grand prince par son trespas, affin que le sujet que nous avons de nous resjouyr attrempe et modere la violence du ressentiment que nous avons de ceste grande perte, quoy que je sçache que l'on doit permettre quelque chose a la pieté, mesme contre le devoir, et qu'en une douleur extreme c'est une partie du mal que d'ouÿr des consolations..

  A007001894 

 [402] Que s'il est ainsy, me voicy riche d'affection, de simplicité et de fidelité pour entreprendre le discours des vertus du prince decedé, lequel j'envoye de bon cœur a son ame, c'est a dire a cest esprit que j'espere, mays que je crois estre au Ciel, et a celuy lequel estant en terre n'est pourtant qu'une mesme ame avec luy, non plus que par le mariage ilz ne furent qu'un mesme cors icy bas.

  A007001896 

 O si nous pouvions comprendre les verités que nous recevons par la foy, combien nous serions aysement consolés en la mort de ceux auxquelz nous avons quelque devoir d'amitié ou d'honneur! Sapientiam loquimur inter perfectos.

  A007001897 

 Nous mourons tous les jours, et nostre vie s'en va par pieces et morceaux, comme cest animal des Indes, lequel estant de sa nature terrestre, petit a petit et piece a piece perd du tout son estre naturel et devient entierement poisson; car ainsy, piece a piece, nous changeons ceste vie mortelle, jusques a tant que par une entiere et finale mutation, que nous appelions mort, nous ayons du tout acquise une vie immortelle..

  A007001902 

 Bref, par la hauteur et latitude des actions que nous faysons ça bas, ilz mesurent les distances et estendues de la gloire que nous aurons en ce grand mont celeste: Prout gessit unusquisque in corpore suo, sive bonum, sive malum..

  A007001902 

 Mays leurs phœnomenes et inspections sont du tout opposees et contraires; car les astrologues predisent ce qui doit arriver en terre, par l'inspection des rencontres et divers mouvemens qui se font au ciel; nos theologiens au contraire ne praedisent sinon ce qui se fait au Ciel, par la consideration des œuvres que l'on fait en terre.

  A007001902 

 Mays par ce que ceste consolation que je vous presente est fondee sur la certayne esperance que nous avons que nostre trespassé est receu en la main droitte de son Dieu avec tous les justes, Justorum animæ in manu Dei sunt, voyons je vous supplie, le sujet que nous avons d'une confiance tant asseuree.

  A007001903 

 Si donques nous sçavons quelles ont esté les actions de l'ame de ce grand prince pendant qu'elle estoit en ce monde, et que, jointe a son cors, elle nous donnoit le bonheur de sa conversation, nous aurons asseurance par ceste inspection de ce qu'elle est au Ciel; que s'il nous reste aucun desir d'aspirer a ce siege de gloire, nous aurons un riche exemplaire et beau sujet d'imitation.

  A007001904 

 Je ne diray des genereuses actions et belles qualités de ce prince, sinon celles que le tems par lequel mon discours doit estre limité me permettra de dire.

  A007001910 

 Mais qui ne sçait que les deux ducz de Lorraine, René premier et second, en furent rois? Et par ce, passons outre mer, et voyons l'heureuse Palestine en laquelle nostre redemption fut faitte; nous y contemplerons ce trois fois grand Godefroy de Bouillon, lequel ayant quitté son païs et ses biens, et mesme vendu son duché de Bouillon, pour chasser les infidelles de la Terre Sainte, y alla armé de zele et de religion, brave et conquerant, et comme un autre Josué il establit la foy au peril de son sang au lieu ou le Sauveur avoit respandu le sien pour la planter et faire le salut des hommes.

  A007001911 

 D'elle sont sortis plusieurs Amés, Louys, Humbertz, Pierres, Philibertz et autres grans princes, entre lesquelz l'un des Amés, par sa force et valeur, delivra l'isle de Rhodes de la servitude des infidelles, et l'asseura pour le Christianisme entre les mains des chevaliers de saint Jean de Hierusalem, lesquelz desirans que la posterité de leur protecteur receust des lhors quelques marques de l'obligation qu'ilz luy avoyent, communiquerent les armes [411] de leur milice, qui sont de gueules en une croix d'argent, a toute la mayson de Savoye, laquelle les a cherement retenues, non tant en memoire de la valeur de ce grand ancestre, que comme un signe sacré qui peust servir de protestation perpetuelle que ceste race est toute dediee a la defense de l'honneur de la Croix, comme elle a fait voir en la Moree, en Cypre et en plusieurs autres lieux ou elle a porté les armes avec non moins de pieté que de valeur..

  A007001912 

 Ceste princesse estant mariee au tres illustre prince Nicolas de Lorraine, comte de Vaudemont, eut de luy plusieurs enfans, l'aisné desquelz fut le duc de Mercœur, qui nasquit au marquisat de Nomeny, tenu lhors, et despuis a luy laissé par son pere en tiltre de souveraineté; nasquit, dis je, pour la gloire des armes et l'honneur de l'Eglise, ce prince decedé, digne surgeon de deux si grandes races, desquelles comme il receut le sang, aussi herita-il de leurs vertus.

  A007001914 

 Mais a la verité, je ne me fusse pas arresté a vous ramentevoir la gloire de ses predecesseurs, laquelle a mon advis est la moindre partie de la sienne, si luy mesme n'en eust fait un grand cas pour s'animer a la vertu; car en la resolution qu'il print d'aller en Hongrie, il alleguoit entre ses autres raysons, que ses predecesseurs paternelz et maternelz luy avoyent laissé comme en heritage ceste sainte volonté, et qu'ilz le conduisoyent par leur exemple, comme par la main, au chemin de ce saint voyage.

  A007001917 

 Il estoit donq des plus temperans en son vivre, attendu qu'il ne mangeoit que comme par force et ne beuvoit presque que de l'eau.

  A007001917 

 Il ne fut pas moins temperant aux autres voluptés corporelles, dont il avoit borné l'usage dans les loix d'un chaste mariage et par le devoir que les princes ont de laisser ça bas de la posterité; vertu rare en un siecle si depravé, en un aage si vigoureux, en un cors si beau et tant accompli, et en la commodité que la cour et ses appas luy offroit.

  A007001917 

 Pour moy, je tiens qu'il n'est pas plus difficile qu'un fleuve passe par la mer sans se saler, que de demeurer en la cour sans y apprendre et prattiquer des mœurs corrompues.

  A007001918 

 Ce prince s'est tous-jours monstré sobre en la possession des grandeurs et faveurs immenses dont le Ciel l'avoit comblé et n'en abusa jamais; car sa grande reputation, ni l'estre beau-frere de roy, ni la rareté des graces qui estoyent en luy, ni les heureux succes de ses armes et desseins ne le firent jamais sortir des bornes de la modestie ni abandonner la bien-seance d'une humble gravité, par laquelle il donnoit un acces esgalement facile et gratieux aux petitz et aux grans.

  A007001922 

 Quant a l'honneur et le respect, il en rendoit soigneusement a un chacun ce qu'il sçavoit luy en appartenir, et n'en faysoit perdre a aucun, pour peu que ce fust, ni par mesdisance ni par outrage.

  A007001924 

 Tesmoin aussi le comte de Chaligny, lequel ayant consacré le printems de ses plus belles annees a la pieté, a peu apres rendu le fruit d'une tressainte mort au retour de plusieurs braves exploitz par luy executés en la sainte guerre de Hongrie, sous la conduitte et a l'imitation de ce sien frere..

  A007001926 

 Mays je l'eusse bien voulu voir apres ceste action, quand se representant la necessité de la mort, il baysoit plusieurs fois la terre, comme rendant hommage a celle laquelle par apres es occasions de la guerre il bravoit, mesprisoit et fouloit a ses piedz.

  A007001928 

 Si je voguois, par [418] maniere de dire, sur l'infinité de vos louanges, o grand duc, j'aurois beau naviger a voile françoise, je chercherois terre en vain; aussi suis je si jaloux de vostre gloire que je serois bien marry qu'on peust trouver quelque fin au los de vos merites..

  A007001929 

 Il a basti a ses despens les monasteres des Peres Capucins et Minimes de Nantes, comme tres devot aux bienheureux saintz François, desquelz il avoit receu plusieurs faveurs signalees, et nommement Mademoyselle sa fille, qu'il obtint par l'intercession de saint François d'Assise.

  A007001931 

 Despuis lequel tems jusques a ce qu'il alla chercher des nouveaux lauriers jusques a l'un des coins du septentrion, il s'est trouvé, selon la diversité des occurrences, en plusieurs sieges, assaillant et defendant en diverses armees, rencontres et batailles, ou Dieu l'a tellement favorisé que jamais il n'a eu conduitte qu'elle n'ayt esté suivie d'une heureuse victoire; dont j'aurois a dire de luy beaucoup plus de choses que le tems qui m'est prefix, voire que la vie d'un homme ne pourroit suffire a reciter; mais je ne puis sinon esbaucher et desseigner grossierement l'idee d'un genereux prince chrestien, que le grand duc de Mercœur a exprimé en soy mesme par tant de vertus et de braves exploitz d'armes qu'il a produit..

  A007001931 

 Mais cependant, si tost que l'aage le luy permit, il ne laissa passer aucune occasion de s'employer aux armes qu'il n'aÿe embrassé avec beaucoup d'honneur et de merite, comme a la charge faitte a Dormans contre les reystres, en Brouage, a la Fere et par tout ailleurs, mesme au siege d'Issoire, ou, commandant a l'une des batteries, il donna un signe tres certain de sa grandeur future en la profession des armes.

  A007001931 

 Que restoit il donq a ce prince pour dedier a Dieu, sinon son cors et sa vie? Ce qu'il fit par le desir continuel qu'il eut des sa plus tendre jeunesse de faire la guerre [419] contre les infidelles, desir que Dieu luy a donné la grace d'assovir avec la gloire que la Hongrie et tout le Christianisme sçait et tesmoigne.

  A007001933 

 Et sçachant que l'ennemy s'approchoit avec une armee de cent cinquante mille hommes pour assieger Strigonie, ville tres importante, il l'alla incontinent visiter, et l'asseura si bien de sa presence, par l'offre qu'il fit de s'y enfermer et l'ordre qu'il donna pour la conservation des fortz qu'on estoit sur le point d'abandonner, que les ennemis estant advertis de son arrivee et resolution, changerent de dessein et tirerent droit contre nostre armee, a la teste de laquelle ilz trouverent tout aussi tost ce grand prince, qui leur eut fait des lhors ressentir les effectz de sa presence, s'il eut eu autant de pouvoir et de commandement en l'armee chrestienne qu'il y en a eu despuys, ainsy qu'il fut reconneu par la perte des occasions qui, selon son advis, devoyent estre embrassees..

  A007001934 

 Dequoy l'Empereur bien adverti il desira le voir, si qu'il luy fit prendre le chemin de son retour par Prague, ou il le receut avec fort grand accueil; et ayant reconneu par ce premier essay l'excellente valeur et prudence de ce prince, il le fit son lieutenant general, et luy en envoya les patentes jusques en ceste ville de Paris ou il estoit de retour de son premier voyage.

  A007001935 

 Nostre nouveau general va donques en Hongrie pour la seconde fois, et tira droit a Vienne, et de la, a Javarin ou estoit l'armee chrestienne, composee seulement [421] d'environ treize mille hommes, ou il fut receu et reconneu lieutenant general de l'Empereur, et mis en possession de sa charge par l'archiduc Mathias, frere de l'Empereur.

  A007001936 

 A peyne estoit-il arrivé, que voyant Canise assiegee de six ou sept vingt mille Turcz, apres avoir soigneusement mis ordre a tout ce qu'il jugeoit a propos pour son dessein, et sur tout ayant tiré promesse des princes et seigneurs du païs qu'il auroit la commodité des vivres necessaires pour l'entretenement de son armee, la teste eslevee en la confiance qu'il avoit en son Dieu, il la baissa par apres contre l'ennemy, s'achemine contre ceste puyssante armee, et de son premier effort en emporte une partie, qui l'attendoit avec force canons sur les avenues et passages, en un lieu fort avantageux pour l'ennemy et ou il s'estoit fort bien retranché.

  A007001937 

 Le jour suivant, le Turc voulant reconquerir ce qu'il avoit perdu, ne fit qu'augmenter sa honte par la perte qu'il fit de sept mille autres Turcz, et d'un fort ou l'on trouva treize autres pieces de canon qui servirent despuis contre l'ennemy, pendant sept jours entiers que nostre general garda le champ de bataille qu'il avoit gaigné, lequel il eut conservé davantage, si la necessité des vivres qui survint par la faute de ceux du païs qui manquerent a leur promesse n'eut donné sujet aux gens du conseil de l'Empereur et a toute l'armee de le presser, voire contraindre par leur importunité de se retirer, ce que neanmoins il ne voulut faire qu'ilz ne luy eussent donné leurs advis signés.

  A007001937 

 Si que l'on peut bien dire que si ce grand general eust esté secouru de vivres par ceux qui le devoyent faire, comme il secouroit [422] la ville par ses armes, elle eust indubitablement esté conservee:.

  A007001942 

 Mais, mon Dieu, qu'il faisoit bon voir ce grand general demeurer a la queue de son armee, qui estoit presque destituee de tous ses autres chefz et reduitte a six ou sept mille hommes, la faim ayant fait retirer le reste, et amuser le Turc par escarmouches pendant qu'elle faisoit sa retraitte l'espace de cinq a six lieues, et jusques a ce qu'il l'eut entierement degagee d'une grande quantité de mauvais passages; combattant tantost a pied, tantost a cheval, se trouvant ores en teste de l'avant garde, ores a la queue de l'arriere garde, faysant l'office non seulement de general, mais de mareschal de camp, de general de l'artillerie, de sergent majeur, de colonnel, et bref ayant luy seul sur les bras le faix et la charge de ceste si perilleuse et tant admirable retraitte, en laquelle il se trouva plusieurs fois aux mains et meslee, donnant secours aux siens, signamment en une assistance fort remarquable qu'il donna a son arriere-garde laquelle s'en alloit desconfite par la furieuse charge de cinquante mille chevaux turcz, quoy que courageusement combattuz par le vaillant comte de Chaligny sous les heureux auspices de son frere et general, qui le secourut en fin si a propos, que les Turcz, battuz et repoussés, firent les premiers une autant honteuse retraitte que celle de nostre armee fut glorieuse, pour avoir esté faitte avec une poignee de gens que nostre general sauva et garantit heureusement des effortz [423] d'une si effroyable multitude, avec le butin de plusieurs pieces de canon..

  A007001943 

 Et peu apres, faysant courir le bruit d'aller assieger Bude, apres avoir usé de plusieurs beaux stratagemes, en fin il se logea devant la ville neuve et a la portee du canon d'Albe-Royale, ville principale de la basse Hongrie, saisit toutes les avenues, s'y retranche et dresse sa batterie, et l'attaque si furieusement de tous costés, se mettant luy mesme avec cinquante chevaux-legers françois a la teste d'un regiment d'infanterie, si a propos et si vaillamment, faysant office de cappitaine et soldat tout ensemble, que les ennemis, apres [avoir] long tems rendu combat, perdent en fin autant de leur courage que nostre general en donnoit aux siens, qui le voyans a leur teste, forcent l'ennemy et le menent battant jusques a la porte de la vielle ville, les murailles de laquelle ayant luy mesme reconneu, et despuis fait battre jusques a ce qu'il y eust breche raysonnable, il presente l'assaut qui fut bravement soustenu par les assiegés, jusques a ce que ce grand prince se presentant avec ses gentilz-hommes armés de toute piece, anima tellement les assaillans, que l'ennemy fut contraint d'abandonner la breche et se trouva si fort pressé, qu'une grande quantité de Turcz se precipita dans les fossés, et l'autre partie se retira dans les maysons ou estoyent leurs poudres, auxquelles ayans mis le feu par desespoir, ilz firent mourir plusieurs des nostres avec eux.

  A007001943 

 Le bascha qui y commandoit s'estant retiré dans le palais avec mesme dessein, ayant demandé et obtenu la vie pour luy et les siens, demeura prisonnier, et par mesme moyen grande quantité de Chrestiens qui estoyent prisonniers dans la [424] ville receurent liberté par la main de ce brave vainqueur, lequel ayant asseuré les affaires de ceste grande ville, y laissa Steremberg, colonnel allemand, et s'en esloigna d'une ou deux lieues pour rafraischir son armee, et attendre celle de l'ennemy qui s'approchoit pour l'attaquer ou reprendre la ville..

  A007001944 

 Ce que je dis pour l'importance et force d'Albe-Royale, en laquelle autrefois les rois d'Hongrie estoyent couronnés et ensepulturés; place si forte, que le grand Soliman amena en personne deux cent mille hommes pour la prendre, et si, ne s'en peut rendre maistre qu'apres un siege de trois mois, et par composition, il y a environ soixante ans, durant lesquelz elle a tellement esté fortifiee, que trois divers sieges d'armees chrestiennes y ayant esté long tems n'en ont rapporté que de la perte et du dommage, jusques a ce que nostre trespassé, qui estoit de la race de ceux par lesquels si souvent salus facta est in Israel, comme il est dict des Machabees, y porta son espee, son courage et sa prudence pour s'en rendre heureusement le maistre en moins de douze jours, Dieu luy ayant reservé ceste conqueste et la delivrance des os et sepultures des anciens rois de Hongrie, avec lesquelz il avoit l'extraction commune de la grande mayson de Saxe..

  A007001945 

 Nostre general fit bien faire plusieurs sorties par lesquelles plusieurs Turcz furent prisonniers; mais ce pendant ceste effroyable armee se loge entre la ville et nostre armee, laquelle n'estoit presque plus qu'un cors sans ame, estant privee de la presence de son general, lequel neanmoins ne la laissa gueres en cest estat; car ayant donné bon ordre aux affaires de la ville, voilé et favorisé de la nuict, il sort et se vint rendre parmi sa chere trouppe, de laquelle il fut receu, et notamment de l'archiduc Mathias, avec une joye inestimable qui fut aussi suivie de braves et signalés exploitz..

  A007001945 

 Or l'ennemy s'approchoit, faysant demonstration de tirer droit a Albe-Royale pour la reprendre comme il en avoit l'ordre, et pensoit le pouvoir aysement faire d'autant que les munitions de guerre et les vivres [425] avoyent esté presque consumés par le feu, et une grande partie des murailles ruinees tant par la batterie des nostres que par les mines des siens.

  A007001946 

 Il me seroit, a la verité, du tout impossible de vous representer par parolles la valeur et prudence avec laquelle ce prince attaquoit les escarmouches avec l'armee des ennemis, desengageant ceux qui parfois s'engageoyent temerairement, regaignant les logis et petitz fortz occupés par les Turcz, faysant paroistre pendant dix sept jours entiers que les deux armees furent presque en continuel combat, un parfait assemblage de toutes les parties requises en un grand chef d'armees, et principalement en trois grandes journees esquelles il combattit si heureusement, qu'il y gaigna plusieurs canons et fit un carnage de Turcz des plus signalés qui se soit fait en nostre aage; auquel, entre plusieurs autres chefz, Mechmet Kiaïa bascha de Bude et le bascha de Caiaie demeurerent mortz, desquelz les testes furent envoyees [426] pour estre baillees en eschange de plusieurs Chrestiens.

  A007001952 

 Consideres aussi le credit qu'il s'estoit acquis: voyes l'archiduc [427] frere de l'Empereur, sous sa conduitte, penses aux grans faitz d'armes qu'il a executés en si peu de tems, resouvenes vous de la puissance de l'ennemy qu'il a deffait, l'inegalité de ses forces avec la monstrueuse multitude des Turcz, et vous admireres l'immensité des merites de ce prince, mays plustost de ce grand miracle, duquel nous devons bien tous remercier le grand Dieu des armees, qui a voulu deffaire ses ennemis par le bras de ce prince, prenant en main la justice de la cause..

  A007001954 

 De peur que ce courage se relaschast par le repos, il l'a exercé despuis son enfance jusques a la fin par des labeurs et dangers continuelz, avec tel heur neanmoins, que tant de hazardeuses secousses ne luy ont esté qu'une escole de vertu et une occasion de gloire.

  A007001957 

 A la verité, c'est une tromperie par trop affectee qu'une oubliance volontaire de ce passage, puysque la nature ne fait grace a personne de sa necessité.

  A007001957 

 C'est pourquoy l'homme prudent ordonne chaque journee comme devant estre la derniere de sa vie, laquelle ne doit estre qu'une continuelle disposition a faciliter ce passage, duquel ce grand prince se voyant proche, apres l'avoir tant et tant attendu, il n'eut pas beaucoup de peyne a s'y resoudre et a se resigner entierement; car ne sçachant ou ceste heure l'attendoit, il l'attendoit par tout.

  A007001957 

 Et par ce, la voyant proche: Or sus, dit il, loué soit eternellement en la terre comme au Ciel mon Dieu, mon Createur.

  A007001957 

 Me voicy arrivé par sa grande misericorde a la fin de ceste vie mortelle; sa toute bonté ne veut pas que j'arreste plus longuement parmi tant de miseres.

  A007001960 

 Heureux eschange, de gaigner l'eternité par la perte de si peu d'annees!.

  A007001961 

 Que vous semble il maintenant, Messieurs, de la vie et du deces de ce prince? Sa vie merite elle pas d'estre celebree par des louanges immortelles? Vous est il advis qu'il faille regretter le trespas de celuy qui a si bien vescu? Il a receu la mort de bon cœur, et vous en voules detester la nouvelle? Non, non; quicomque vous a [432] dict qu'il estoit mort vous a trompés, ceux qui ont si bien vescu ne meurent jamais.

  A007001994 

 Puis, sa mission, comme celle du Christ, a été prouvée par les miracles de sa nativité..

  A007001995 

 Justes par inclination, éducation, imitation, prières.

  A007002033 

 Et lhors la resjouyssance fut si grande en Hierusalem, que le sang des sacrifices ruisseloit par les rues, l'air estoit couvert des nuages de tant d'encensemens et suffumigations, et les maysons et places retentissoyent des cantiques et psaumes que l'on chantoit par tout en musique et sur les instrumens harmonieux.

  A007002034 

 Mais, mon Dieu, si la reception de ceste ancienne Arche fut si solemnelle, quelle devons nous penser avoir esté celle de la nouvelle Arche, je dis de la tres glorieuse Vierge Mere du Filz de Dieu, au jour de son Assumption? O joye incomprehensible! o feste pleine de merveilles, et qui fait que les ames devotes, les vrayes filles de Sion, s'escrient par admiration: Quæ est ista quæ ascendit? Qui est celle cy laquelle monte du desert? Et pour vray, ces pointz sont admirables: la Mere de la vie est morte, la morte est resuscitee et montee au lieu de la vie.

  A007002036 

 Dieu mit au ciel deux luminaires au commencement, l'un desquelz fut appellé par grand excellence le grand luminaire, et l'autre fut nommé le moindre; le grand pour esclairer et præsider au jour, et le moindre pour esclairer et præsider a la nuict; car encores que nostre Createur voulust qu'il y eust vicissitude de jour et de nuict, et que les tenebres succedassent a la lumiere, si est ce qu'estant lumiere luy mesme, il ne voulut pas que les tenebres et la nuict demeurassent du tout privees de lumiere; dont ayant creé le grand luminaire pour le jour, il en crea un moindre pour la nuict, affin que l'obscurité des tenebres fust encores meslee et attrempee par le moyen de sa clarté..

  A007002037 

 Or ce grand luminaire venant [440] icy bas en terre, le Filz de Dieu prenant nostre nature humaine, comme le vray soleil qui vient sur nostre hemisphere, fit la lumiere et le jour; jour bienheureux et tant desiré qui dura trente trois ans environ, pendant lesquelz il esclaira la terre de l'Eglise par les rayons de ses miracles, exemples, predications et saintes parolles.

  A007002037 

 chapitre des Actes et au 1 er, tesmoigne que Nostre Dame estoit avec les disciples au jour de la Pentecoste, et qu'elle perseveroit avec eux en orayson et communion; dont quelques errans sont convaincus de faute en ce qu'ilz ont estimé qu'elle mourut avec son Filz, a cause des parolles de Simeon qui avoit prædit que le glaive transperceroit son ame; mais je declaireray bien tost ce passage, et monstreray par le vray sens que Nostre Dame ne mourut pas avec son Filz..

  A007002038 

 [441] par la a verifier ce que nous chantons d'elle: « Cunctas haereses interemisti; Tu as ruyné, o Vierge, et destruit toutes les heresies.

  A007002039 

 Il est vray que l'Escriture nous enseigne en termes generaux que tous les hommes meurent, et n'y en a pas un qui soit exempt du trespas, mais elle ne dit pas que tous les hommes sont mortz, ni que tous ceux qui ont vescu soyent des-ja trespassés; au contraire elle en excepte quelques uns, comme Helie qui sans mourir fut transporté sur le chariot de feu, et Enoch qui fut ravi par Nostre Seigneur avant qu'il aye senti la mort; et encores saint Jean Evangeliste, comme je pense estre le plus probable selon la parole de Dieu, ainsy que je vous ay remonstré cy devant, le jour de sa feste en may.

  A007002039 

 Mais la verité est qu'elle est morte et trespassee aussi bien que son Filz et Sauveur, car encor que cela ne se peut prouver par l'Escriture, si est ce que la tradition et l'Eglise, qui sont d'infallibles tesmoins, nous en asseurent..

  A007002039 

 Pourquoy ne pourroit on pas dire de mesme de la Mere de Dieu, a sçavoir qu'elle n'est pas morte encor, mais qu'elle mourra cy apres? Certes, si quelqu'un vouloit maintenir ceste opinion, on ne sçauroit le convaincre [442] par l'Escriture, et selon vos principes, o adversaires de l'Eglise Catholique, il seroit bien fondé.

  A007002043 

 Et certes, le bon viellard Simeon avoit long tems auparavant prædit ceste sorte de mort a Nostre Dame, quand tenant son Enfant en ses bras, il luy dit: Tuam ipsius animam pertransibit gladius; Ton ame sera transpercee par le glaive, le glaive transpercera ton ame; car considerons ces parolles.

  A007002043 

 L'ame donq de Nostre Dame devoit estre transpercee; mais par quelle espee, par quel Cousteau? Et le Prophete ne le dit pas; neanmoins, puysqu'il s'agit de l'ame et non pas du cors, de l'esprit et non pas de la chair, il ne faut pas l'entendre d'un glaive materiel et corporel, ains d' un glaive spirituel et qui puisse atteindre l' ame et l' esprit..

  A007002050 

 Le glaive d'amour, duquel Nostre Seigneur parle: Non veni mittere pacem, sed gladium; Je ne suis [444] pas venu mettre la paix, mais le glaive, qui est le mesme que quand il dit: Ignem veni mittere; Je suis venu mettre le feu. Et au Cantique des Cantiques, l'Espoux estime que l'amour soit une espee par laquelle il a esté blessé, disant: Tu as blessé mon cœur, ma seur, mon espouse. De ces trois glaives fut transpercee l'ame de Nostre Dame en la mort de son Filz, et principalement du dernier qui comprend les deux autres..

  A007002054 

 Mais oyes, je vous prie: n'arrive il pas souvent qu'une biche est blessee par le veneur, et que neanmoins elle s'eschappe avec son coup et sa playe, et va mourir bien loin du lieu ou elle a esté blessee et plusieurs jours apres? Ainsy certes Nostre Dame fut blessee et atteinte du dard de douleur en la Passion de son Filz sur le mont de Calvaire, et ne mourut toutefois pas a l'heure, mays porta longuement sa playe de laquelle en fin elle mourut.

  A007002055 

 Aristote raconte que les chevres sauvages de Candie (Pline en dit de mesme des cerfz) ont une malice et ruse, ou plustost un instinct admirable; car estant transpercees d'une flesche elles recourent au dictamon, par le moyen duquel la flesche est expulsee et rejettee du cors.

  A007002055 

 Mays qui est le Chrestien qui n'ayt esté quelquefois blessé du dard de la Passion du Sauveur? Qui est le cœur qui ne soit atteint, considerant son Sauveur fouetté, tourmenté, garrouté, cloué, couronné d'espines, crucifié? Mays je ne sçay si je le dois dire, que la pluspart des Chrestiens ressemblent aux hommes de Candie desquelz parlant l'Apostre, il dit: Cretenses mendaces, ventres pigri, malæ bestiæ; Les Candiotz sont menteurs, ventres coüars, mauvaises bestes. Au moins puis je bien dire que plusieurs ressemblent aux chevres sauvages de Candie; car ayant esté blessés et atteins en leur ame de la Passion du Sauveur, ilz recourent incontinent au dictamon des consolations mondaines, par lequel les dars de l'amour divin sont rejettés et repoussés de leur memoire.

  A007002057 

 Il est mort d'amour, ce Sauveur de mon ame; la mort n'y pouvoit rien que par le moyen de l'amour: Oblatus est quia ipse voluit..

  A007002057 

 L'amour desiroit que la mort entrast en Nostre Seigneur, a fin que par sa mort il peust se respandre en tous les hommes; la mort desiroit d'y entrer, mais elle ne pouvoit d'elle mesme.

  A007002058 

 Ce fut par election qu'il mourut, et non par la force du mal: Ego pono animam meam; nemo tollit eam a me, sed ego pono eam.

  A007002059 

 Il est donq mort d'amour, et c'est ce qui fait que son sacrifice de la croix fut un holocauste, parce qu'il y fut consumé par ce feu, invisible mais d'autant plus ardent, de sa divine charité qui le rend sacrificateur en ce sacrifice, et non les Juifz ou Gentilz qui le crucifierent, d'autant qu'ilz n'eussent sceu luy donner la mort par leurs actions, si son amour, par le plus excellent acte de charité qui fut onques, n'en eust permis et commandé le dernier effect, puysque tous les tourmens qu'ilz luy firent fussent demeurés sans effect, s'il n'eust voulu leur permettre la prise sur sa vie et leur donner force sur luy: Non haberes potestatem adversum me, nisi datum tibi esset desuper..

  A007002060 

 Elle ne faisoit que languir, sa vie n'estoit plus qu'en defaillances et ravissemens, elle se fondoit en elle mesme par tant de chaleurs, si que elle pouvoit bien dire ordinairement: Stipate me floribus, fulcite me malis, quia amore langueo; Appuyes moy de fleurs, environnes moy de pommes, car je languis d'amour.

  A007002061 

 Bref, son cœur, son ame, sa vie estoit au Ciel; comme eut elle peu demeurer en terre? Donques en fin, apres tant de volz spirituelz, apres tant de suspensions et d'extases, ce saint chasteau de pudicité, ce fort d'humilité ayant soustenu miraculeusement mille et mille assautz d'amour, fut emporté et pris par un dernier et general assaut; et l'amour qui en fut le vainqueur, emmenant ceste belle ame comme sa prisonniere, laissa dans le cors sacré la pasle et froide mort.

  A007002061 

 O mort, que fais tu dans ce cors? estimes tu de le pouvoir garder? Ne te souvient il point que le Filz de ceste Dame dont tu possedes le cors, t'a vaincu, t'a battu, t'a rendu son esclave? Ah, ja n'advienne qu'il te laisse en la gloire de ceste tienne victoire; tu sortiras tantost autant honteusement comme tu y es superbement, et l'amour qui t'a logé en ceste sainte place [450] par un certain exces, revenant a soy mesme dans bien peu, t'en ostera la possession..

  A007002062 

 Le phœnix meurt par le feu, et ceste sainte Dame mourut d'amour.

  A007002065 

 L'Escriture, laquelle ne contredit ni a l'une de [452] ces deux verités ni a l'autre, n'en establit aussi ni l'une ni l'autre par paroles bien expresses; mays la sainte tradition qui nous enseigne qu'elle est decedee, nous apprend avec esgale asseurance qu'elle est resuscitee, et si quelqu'un refuse credit a la tradition pour la resurrection, il ne sçauroit convaincre celuy qui en fera de mesme pour la mort et trespas.

  A007002066 

 C'est ce que tesmoigne l'Eglise, appellant ceste feste Assumption, fondee sur la mesme tradition par laquelle elle est asseuree de la mort et resurrection..

  A007002067 

 Leves vous en ce commandement que vous aves fait, et ne permettes pas que ce cors qui vous a engendré sans corruption en reçoive maintenant par la mort; mais resuscités le et le saisisses sur les aysles de vostre puissance et bonté, pour le transporter du desert de ce monde bas en ce lieu de felicité immortelle.

  A007002067 

 Nostre Seigneur avoit reçeu son cors de celuy de sa Mere, et avoit esté porté longuement en son sacré ventre, entre ses chastes bras, et mesme lhors que par l'aspreté de la persecution il fallut faire [453] passage et retraitte en Egypte.

  A007002068 

 Et comme douterons nous qu'a l'Assumption de la tressainte Mere du Sauveur tous les Anges n'ayent fait feste et celebré sa venue par toutes sortes de cantiques de joye, auxquelz joignans nos vœux et affections, nous devons faire une solemnelle feste avec des voix et chans de triomphe: Qui est celle ci qui monte du desert, abondante en delices?.

  A007002070 

 Et si bien par la penitence nous sommes restablis, si voyes vous qu'il y a bien du mauvais mesnage en nos affaires, car nous perdons beaucoup de tems; et si, nos forces demeurent affoiblies apres le peché, et mesme apres la penitence, si que nostre amas ne peut estre grand.

  A007002070 

 Voules vous voir clair en ceste doctrine? Sçaches qu'en matiere de bonnes œuvres, il n'y a personne qui commence si tost a en faire ni qui continue si diligemment comme fit Nostre Dame; car quant a nous autres, nous commençons bien tard a en faire, et si nous en faysons, bien souvent nous les perdons par le peché et ne continuons pas; si que l'amas ne s'en trouve pas fort grand, car bien qu'a l'adventure nous assemblons quelques deniers de merite, ce n'est que quelquefois, et bien souvent nous jouons et dissipons nostre argent en un coup de peché.

  A007002071 

 Nostre Seigneur venant en ce monde chercha la plus basse place qui y fut et n'en trouva point de plus basse par humilité que la Vierge; maintenant il la remonte en la plus haute du Ciel par gloire.

  A007002072 

 Bref, en tout et par tout elle est appuyee sur son Bienaymé.

  A007002072 

 C'est la conclusion de toutes les louanges que l'Eglise donne saintement aux Saintz, et sur tout a la Vierge; car nous les rapportons tous-jours a l'honneur de son Filz, par la force et vertu duquel elle monte et a receu la plenitude des delices.

  A007002073 

 Et pour tesmoigner la pureté de l'intention de l'Eglise en l'honneur qu'elle rend a la Vierge, je vous represente deux heresies contraires, qui ont esté contre le juste honneur de Nostre Dame: l'une par l'exces, qui nommoit Nostre Dame deesse du Ciel et luy offroit sacrifice, et celle-ci fut maintenue par les Collyridiens; l'autre par le defaut, qui rejettoit l'honneur que les Catholiques font a la Vierge, et celle-ci fut des Antidicomarites.

  A007002073 

 L'Eglise qui va tous-jours par le chemin royal et se tient dans le milieu de la vertu, ne combattit pas moins les uns que les autres, mais determinant contre les uns que la Vierge n'estoit que creature et que partant on ne devoit luy faire aucun sacrifice, elle establit contre les autres que neanmoins ceste sainte Dame, pour avoir esté Mere du Filz de Dieu, devoit estre reconneuë d'un honneur special, infiniment moindre que celuy de son Filz, mays infiniment plus grand que celuy de tous les autres Saintz.

  A007002075 

 Et certes, de soy elle n'estoit pas digne d'aucun honneur, elle estoit sans odeur; mais puysque ce grand arc du ciel, ce grand signe de la reconciliation de Dieu avec les hommes, vint petit a petit a fondre sur ceste sainte espine, premierement par grace des sa conception, puys par filiation, se rendant entierement son Filz et reposant en son pretieux ventre, la suavité en a esté si grande que nulle autre plante n'en a jamais tant eu, suavité qui est tant aggreable a Dieu, que les prieres qui en sont parfumees ne sont jamais debouttees ni inutiles; mais tous-jours l'honneur en revient a son Filz duquel elle a receu son odeur..

  A007002076 

 Mais la Vierge et les Saintz sont advocatz de grace: ilz supplient pour nous qu'on nous pardonne, et le tout par la Passion du Sauveur; ilz n'ont pas pour monstrer dequoy nous justifier, mais s'en confient au Sauveur; bref, ilz ne joignent pas leurs prieres a l'intercession du Sauveur, car elles ne sont pas de mesme qualité, mais aux nostres.

  A007002078 

 Je trouve que Nostre Dame ne parla que deux fois aux hommes pour ce qui en est recité en l'Evangile: l'une, quand elle salua Elisabeth, et lhors c'est sans doute qu'elle pria pour elle, car le salut des fidelles se fait par prieres.

  A007002123 

 La terre est troublée par trois choses: par l'esclave lorsqu'il commence à régner.

  A007002129 

 Prières avec larmes. Les lis aussi se multiplient par les larmes et les gouttes qui les arrosent.

  A007002131 

 Il est vrai que les rois aux mœurs dépravées et corrompues sont des rois, que Dieu donne dans sa fureur; mais combien plus [465] heureux est l'état gouverné par un roi sage! Vos lis parleront par analogie, ces lis qui, d'après saint Ambroise, fleurissent et conservent leur éclat même quand la tige et les feuilles sont desséchées; leur épanouissement toutefois est bien plus beau quand ils sont entourés de feuilles printanières..

  A007002131 

 O France, il occupa le trône dès l'âge de douze ans, et fut sacré à Reims par l'Evêque de Soissons.

  A007002138 

 Il ne permet pas, par vénération pour la sainte Croix, que ses enfants soient parés de fleurs le vendredi; et à vous, ô Parisiens, il légua une partie de cette sainte Croix, il vous légua la couronne d'épines, afin que le lis fût entre les épines.

  A007002154 

 Caïus se figurait qu'il deviendrait Dieu en revêtant les insignes de la divinité; toutefois, ce n'est pas ainsi qu'on le devient, mais par les vertus.

  A007002199 

 Aussitôt que le signal aura été donné par la voix de l'Archange et au son de la trompette de Dieu, le Seigneur même descendra du ciel, et ceux qui seront morts dans le Christ ressusciteront les premiers.

  A007002200 

 Job, dans la loi de nature, témoigne, en conformité avec nous, de sa foi à l'article de notre résurrection; bien que celle-ci se puisse faire par Dieu seul.


08-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VIII-Vol.2-Sermons.html
  A008000129 

 Les Israélites n'usèrent jamais d'aliment plus solide que lorsqu'ils se nourrissaient de la manne; ils murmurent cependant et en demandent Un autre: Jésus s'était illustré par mille miracles, et cependant ils en exigent encore..

  A008000182 

 J'ai péché contre vous seul, etc., afin que vous soyez reconnu juste, etc. 2 me: Parce que le pécheur se constitue en un état dans lequel par la nature même de son acte il doit éternellement demeurer.

  A008000184 

 Qui [7] jurent par Dieu et jurent par Melchom.

  A008000205 

 Il faut commencer par la fin.

  A008000206 

 Car tout ce que nous avons vient de notre Dieu; c'est donc par Dieu que nous sommes utiles.

  A008000206 

 Saint Ambroise: Par la nature.

  A008000206 

 Saint Augustin: Parce que nous sommes esclaves par nature, nous ne méritons que par la volonté de Dieu.

  A008000237 

 C'est pour cela que nous sommes tous frères, parce que par le même corps et le même sang nous sommes nourris pour la vie éternelle..

  A008000267 

 Exposer au debut l'histoire de Josue, VI, au sujet de Jericho enlevee par les pretres qui portaient l'Arche d'alliance, au son des trompettes.

  A008000269 

 Et tu disposeras un siège; ce qui a lieu lorsqu'on montre à l'homme par combien de vices, de péchés, de crimes il est assiégé.

  A008000269 

 [16] Remarquable histoire de Zacharie, fils du prêtre Joïada, tué par Joas et le peuple.

  A008000296 

 Courage donc! Des yeux de l'âme, contemplons son Ascension; et, de crainte que nos yeux soient éblouis, demandons à Dieu la grâce qui nous permettra de le voir, par l'entremise de Celle dont il s'est servi pour se rendre visible aux hommes.

  A008000298 

 Par exemple, s'agit-il de l'Ecriture, Swenckfeld, Quintinus, Chopin, ne veulent pas de parole, tout vient par inspiration; et presque tous les autres refusent absolument de croire à l'Eglise, inspirée par l'Esprit-Saint.

  A008000298 

 Pour l'honneur dû à la Sainte Vierge, les Collyridiens la veulent adorer par des sacrifices, Copronyme ne la uge digne d'aucun culte.

  A008000299 

 Il faut s'en tenir à la parole de Dieu écrite, donc rejeter les Traditions; l'Eglise dit: Gardez les Traditions que vous avez reçues, soit par nos discours, soit par notre Epître.

  A008000299 

 Presque toujours les hérétiques contemporains, lorsqu'ils trouvent deux vérités de l'Ecriture dont ils ne peuvent comprendre l'existence simultanée, ont coutume d'en détruire l'une par l'autre, bien qu'elles ne soient pas contraires.

  A008000301 

 Mais le Christ a prouvé son Ascension par témoins, nul n'en doute.

  A008000301 

 Prouvons en peu de mots, par l'Ecriture, sa présence dans l'Eucharistie.

  A008000317 

 Les hommes séchant, l'homme intérieur et l'homme extérieur, de frayeur, épouvantés qu'ils seront par ce qui surviendra dans tout l'univers, c'est-à-dire, dans l'homme tout entier.

  A008000318 

 Les montagnes élevées fournissent des pâturages aux cerfs quand ils sont repoussés par le veneur.

  A008000331 

 Le grand amour que Nostre Seigneur porte a Nostre Dame et par lequel il se rend tout sien, est cause que Nostre Dame reciproquement est toute sienne, et par consequent qu'elle n'a peu contracter aucun peché.

  A008000331 

 Vous voyes que je vay faire un discours tout d'amour, mais que je ne puis faire si le Saint Esprit, amour celeste, ne m'inspire, et que Celle qui par luy a receu plus d'amour que nulle creature ne m'en impetre la grace.

  A008000346 

 L'âme de Jonathas s'était collée a l'âme de David. Voilà pourquoi saint Augustin, liv. IV de ses Confessions, chap. VI, loue celui qui nommait son ami «la moitié de mon âme,» car par l'union mutuelle qui naît de l'affection, un ami est un autre soi-même.

  A008000368 

 J'ajoute que l'opinion contraire est soutenue par saint Hyppolite, et par saint Ambroise [dans son Commentaire] sur saint Luc, et qu'elle se prouve par quatre arguments..

  A008000372 

 Par ce texte: [ Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe? ].

  A008000407 

 Quant à ceux-ci, ils nous aident, nous stimulent par leurs inspirations, leurs lumières.

  A008000407 

 Toutefois, Dieu veut que nous soyons ordinairement instruits par les hommes [35] et non par les Anges.

  A008000437 

 Grande fête que celle où l'Eglise des Gentils est acceptée par le Christ et reçoit le Christ.

  A008000438 

 Les présents apaisent Dieu, et nous l'apaisons ainsi par instinct naturel, témoin Abel..

  A008000439 

 Nous l'apprendrons par l'exemple des Mages; car le premier acte en chaque genre sert de type aux autres.

  A008000439 

 «Par les dons, croyez-m'en, hommes et dieux s'apaisent.» (Aussi lit-on dans l'Exode, XXIII: Tu ne paraîtras pas devant moi les mains [38] vides; Deut., XVI: Personne ne paraîtra devant moi les mains vides.) C'est pourquoi il nous est nécessaire de connaître la manière d'offrir à Dieu nos présents.

  A008000440 

 Qui? Car le don fait par une main inique est, pour ainsi dire, inique.

  A008000442 

 Celle de Julien, au contraire, était sans cesse secouée par des tremblements de terre, comme si la terre eût voulu la rejeter de son sein..

  A008000443 

 Si j'étais docteur, etc.; honore Dieu par ta simplicité.

  A008000443 

 Si j'étais en santé; honore Dieu par ta patience.

  A008000443 

 Si j'étais riche, je donnerais, etc.; honore Dieu par ta pauvreté.

  A008000449 

 Moïse dut comprimer cet élan, les ouvriers eux-mêmes étaient trop distraits de leur travail par la réception de ces présents.

  A008000490 

 Les grenouilles, dans les marais, pouvaient coasser de bonheur en ce temps de pluies et de brouillards, mais voici que la céleste philomèle et la tourterelle se félicitent réciproquement de ce temps sec du jeûne et de ces jours sereins de la pénitence; leur chant nous réjouit par l'harmonie si suave de ses accents de pénitence et d'espoir.

  A008000491 

 Comment donc l'homme, c'est-à-dire ma misère, approchera -t-il de votre cœur sublime, c'est-à-dire de vos richesses et de vos trésors? Comment irai-je de la poussière et de la cendre jusqu'au Ciel? Ah! mon Avocate, échelle du Ciel, montagne de Dieu, lien par lequel la grandeur de Dieu s'unit à ma misère, faites donc que par vous ma misère s'approche de Dieu.

  A008000492 

 [46] Oui, Seigneur, inspiré par le zèle de votre amour, je vous en supplie, pardonnez à ceux qui veulent faire pénitence, et vous pourrez punir, Seigneur, ceux qui se rient de vous et abusent de votre miséricorde..

  A008000493 

 Oui, mes Frères, nous mourons; de plus en plus, le Royaume des cieux approche, et par la pénitence nous sont préparés d'indéfectibles trésors.

  A008000495 

 Quelques-uns, comme l'Empereur Léon cité par Hilaret, le définissent: «des objets meubles, cachés par des maîtres inconnus, à une époque très éloignée.» Saint Augustin, d'après saint Thomas, en donne une définition analogue, si ce n'est qu'il ne parle pas du temps éloigné.

  A008000496 

 Il se trouve des Chrétiens dont la faim spirituelle est rassasiée par la moindre bonne œuvre, dire un Pater, donner une miette de pain, pardonner une légère injure; ceux-là ne thésauriseront jamais..

  A008000496 

 Maintenant, que veut signifier le Seigneur par les paroles de notre texte? II est clair qu'il parle du jeûne, de la prière et de l'aumône, dont il est question dans tout ce chap. vi.

  A008000499 

 Montrez-vous joyeux; prenez votre visage des bonnes fêtes, Saint Chrysostôme: Le Christ est la tête que [51] nous oignons par notre pitié pour les pauvres, etc.; lave ton visage, c'est-à-dire ta conscience.

  A008000499 

 Saint Augustin: La tête, c'est-à-dire l'âme; oins de joie spirituelle la partie supérieure de ton âme, et lave ton visage, c'est-à-dire la partie inférieure de l'âme, celle qui agit par les sens.

  A008000500 

 Tu m'as blessé par un de tes yeux.

  A008000503 

 Le Christ envers nous a une autorité paternelle et une maternelle affection, comme la poule qui, par autorité, rassemble ses poussins, et par affection les réchauffe.

  A008000503 

 Mais ceux qu'il montre dignes de mort, il les vivifie par les mérites de son sang et les ramène à une nouvelle vie.

  A008000504 

 Leur conversion les rend comme laine, de sorte que par la pénitence ils entrent dans la texture de la robe mystique du Christ.

  A008000505 

 Il est donc dit que le Christ condamnerait le péché par le péché, c'est-à-dire l'œuvre du péché qui est la mortalité, par la mort elle-même, etc. Sous ce cilice il cachait la vie immortelle et la divinité.

  A008000506 

 Il blesse par la contrition, il guerit par 1'absolution; il ouvre la blessure de la douleur, il la cicatrise par le baume de l'amour.

  A008000506 

 J'ajoute que le Christ blesse les cœurs par sa parole afin de les ramener à lui et de les guérir; tel ce chasseur qui après avoir [56] blessé les cerfs de Créte leur offre un dictame qui les guerit.

  A008000507 

 Sans doute, elles ont en elles un principe de valeur: le saphir dont usent les prélats, par exemple, [57] porte à la chasteté et représente le ciel; l'or de l'anneau est le symbole de la charité; la pierre signifie l'œuvre même produite ou commandée par la charité.

  A008000515 

 Venientem Christum ( sic ) in occursum Ecclesiæ, ipsa descendit per humilitatem et operit se pallio pœnitentiæ; sic enim Christo occurrere par est.

  A008000527 

 Lorsque le Christ vient au-devant de l'Eglise, celle-ci descend par l'humilité et se couvre du manteau de la pénitence; c'est ainsi, en effet, que l'on doit aller au-devant du Christ.

  A008000552 

 Je les attirerai par les liens d'Adam, par les liens de la charité.

  A008000578 

 Ah! de grâce, pourquoi ta vie est-elle du vent? Saint Chrysostôme dit très bien: «Il en est qui sont irascibles par tempérament, d'autres par suite d'une longue infirmité deviennent chagrins; de même, quelques-uns sont changeants par nature, d'autres le deviennent en suivant leurs mauvais penchants.» Presque tout ce que vous jetez dans l'eau tiède s'amollit, ainsi l'âme qui s'abandonne à la mollesse, etc. Jérusalem a excessivement péché, c'est pourquoi elle a perdu sa stabilité.

  A008000578 

 Ceux-là sont agités du vent « qui sont élevés [64] par la faveur ou précipités par la disgrâce,» dit saint Grégoire.

  A008000578 

 Saint Augustin, dans son livre De la Doctrine Chrétienne, cité par saint Thomas, dit: «User des choses de cette vie avec plus de rigueur que les honnêtes gens qui vous entourent dénote la crainte de l'intempérance ou la tendance au scrupule; en user avec excès est preuve de prétention (comme ces histrions qui, tout misérables qu'ils sont, se couvrent d'habits royaux) ou de corruption.».

  A008000578 

 Un roseau agité par le vent.

  A008000579 

 Plus qu'un Prophète, parce que Jean n'a pas seulement prédit, il a encore montré; ange par son office, non par nature..

  A008000604 

 Comm'en un'assemblee publique et solemnelle, apres que chacun s'est retire, tous les serviteurs qui portoyent les flambeaux les esteignent, et par tout l'hostel on va commandant qu'on ammortisse les torches, ainsy, lhors que le moncle finira et que les habitans seront mors, [68] Dieu fera esteindre les flambeaux du ciel: Sol obscurabitur et luna non dabit lumen suum.

  A008000605 

 Ainsi le Concile de Trente a-t-il défini contre [69] Luther que notre justification même, c'est-à-dire notre disposition à être justifiés, commence quelquefois par la crainte..

  A008000607 

 Ainsi, qui dirait: Si Dieu prescrivait telle chose et ne sanctionnait pas ce précepte par la menace d'un châtiment, etc., je pécherais; mais comme, etc., celui-là serait pécheur d'affection.

  A008000607 

 Celle des serviteurs... qui agissent par crainte du châtiment; elle se subdivise encore en bonne et mauvaise.

  A008000607 

 Cette crainte est inculquée par Jésus-Christ, les Apôtres.

  A008000607 

 Il est permis de porter son cœur au bien en vue de la récompense, donc de l'éloigner du péché par crainte du châtiment, 2.

  A008000639 

 Armes, a la verite dire, peu sortables au dessein, si nous les regardons selon leur premiere trempe et le sens exterieur; mays armes en effect excellentes, par lesquelles toute l'armee des Madianites fut mise en desordre, en route, et en fin au fil de l'espee.

  A008000639 

 Le son des trompettes les effraya, par ce quil se fit au coeur de la nuit, lhors quilz estoyent au plus profond de leur sommeil; la lumiere des lampes les espouvanta, par ce qu'a l'improuveue ilz la virent paroistre entre les potz casses.

  A008000640 

 Vous dormes, non pas, au milieu de vos grossieres et terrestres affections? et voyci que ce divin Capitaine nous commande que nous sonnions haut et cler de nos trompettes, et que nous facions tout par tout retentir nos clerons: Vox dicentis mihi, clama; quasi tuba exalta vocem tuam.

  A008000663 

 Les douces, très douces: Mais toi, lorsque tu jeûnes, oins ta tête; ton Père qui voit dans le secret te le rendra; thésaurisez des trésors, etc. Allons donc, et au nom du Seigneur, goûtons les figues douces et les figues amères qu'il nous montre, mais prions la Vierge de nous rendre, par son intercession, celles qui sont amères, douces, et les douces excellentes..

  A008000665 

 C'est pourquoi voici que notre Elisée dit: Apporte -moi de la farine; sers-nous l'Evangile, qui n'est autre qu'un grain de froment (c'est-à-dire le Christ lui-même broyé et [78] manifesté par divers enseignements); et il la mit dans la marmite, joignit l'Evangile à la Prophétie, et dit: Verses-en pour tout le monde.

  A008000665 

 Malgré l'amertume des condiments, cette composition, par l'adjonction de la farine de la récompense, n'offre plus rien d'amer.

  A008000667 

 Comme s'il disait: Veux-tu être en sûreté, ne te détourne pas après de nombreux amants; commence par la connaissance de toi-même, et tiens pour certain que si tu t'ignores, ô la plus belle d'entre les femmes, tu suivras les traces de tes troupeaux, c'est-à-dire de tes diverses affections, tu paîtras tes chevreaux, c'est-à-dire les affections mauvaises, près des tentes d'hommes étrangers qui se glorifient d'être mes rivaux, et paissent les âmes, mais de vent..

  A008000668 

 Leur sens serait: Si tu ignores, ô âme, ou je repose au midi, suis les traces des troupeaux des anciens Pères, suis la doctrine reconnue et commune, et pais tes chevreaux, c'est-à-dire tes pensées, qui, sous la lumière naturelle, sont des chevreaux, mais qui deviendront des brebis à la lumière surnaturelle, près des tentes des pasteurs, c'est-à-dire des Evêques préposés aux fidèles par le Concile des Conciles, le Siège apostolique.

  A008000671 

 Dieu avait insisté par une double menace: Tu mourras de mort; Eve, oubliant cette menace, l'atténue par le doute.

  A008000673 

 Or, Dieu voyant que l'homme avait péché par oubli de la mort, lui intime cette sentence: Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, jusqu'il ce que tu retournes dans la terre d'où tu as été tiré; car tu es poussière et [ tu retourneras ] en poussière.

  A008000695 

 Tu seras préposé à ma maison, et quand tu ouvriras la bouche pour commander, tout le peuple obéira; c'est par le trône royal seulement que j'aurai sur toi la préséance.

  A008000696 

 La maison et les richesses sont données par les parents, mais c'est proprement le Seigneur qui donne une femme prudente.

  A008000727 

 Et c'est, en effet, par son esprit qu'il orne les cieux, car il a parlé une fois et le monde est fait pour toujours; aucune altération, nul changement ne survient dans la génération ou la production..

  A008000729 

 Par sa seule parole, Dieu créa le ciel, et, au souffle de son esprit, les cieux, tirés du néant, furent ornés; par son souffle, il créa le soleil, la lune, les étoiles, Orion, Mercure, etc., et les ceignit du zodiaque comme d'une ceinture, etc. Mais pour les choses terrestres, Dieu se sert comme d'une main pareille à celle qui donnant les premiers soins à un nouveau-né, le lave, le réchauffe, l'enveloppe, etc. Ainsi Dieu opère tout par des actes successifs: la génération, la corruption, l'accroissement.

  A008000731 

 D'après la version des Septante, dans Sa, c'est par l'ordre de Dieu que fut tué le dragon apostat.

  A008000731 

 L'esprit du Seigneur a orné les cieux de phalanges angéliques; cependant, comme sous l'influence de l'un d'entre eux, de l'antique dragon, plusieurs étaient devenus rebelles, par l'ordre de Dieu ils furent expulsés, chassés et précipités du Ciel.

  A008000732 

 La force de la pensée est tout entière dans la figure employée par l'Ecrivain sacré; c'est comme s'il était dit: Dieu le créa attentivement, avec soin; et il le créa esprit droit, non pervers, quoique maintenant il soit déformé et tortueux..

  A008000732 

 Ou plus simplement encore, il fut tiré du néant: Dieu a orné les cieux d'Anges, et par sa main toute-puissante le mauvais esprit lui-même fut créé et tiré du néant, ce qui est une répétition emphatique.

  A008000733 

 Dans le temple comme dans le Ciel se trouve la cour de Dieu; l'un et l'autre sont un lieu de prière, témoin l'Apocalypse, d'après laquelle les aromates sont les prières des Saints, et les vingt-quatre [ vieillards ] prient par la mélodie de leurs harpes d'or.

  A008000733 

 En Satan, il rencontra l'avarice par suite de laquelle il voulait être roi du Ciel, et il le chassa..

  A008000734 

 L'ambition, en effet, demeure; bien plus, leur orgueil monte toujours, et plus leur volonté s'exalte par l'ambition, plus ils s'abaissent en réalité dans leur abjection..

  A008000734 

 [93] Or, Satan se sentait pressé par l'ambition la plus forte: Dieu lui laissa cette ambition et s'en servit comme d'un fouet pour le tourmenter.

  A008000735 

 L'avare mérite-t-il une punition? Va, pour te punir sois toujours plus avare; sois toujours plus luxurieux, au point de perdre tout repos, etc. Les pécheurs seront punis par leurs propres péchés.

  A008000735 

 Voyez les pères et les mères; ils pèchent s'ils rient en voyant leurs enfants s'abandonner à de mauvais propos, aux pires débuts de la vanité; le Seigneur tressera des cordes, et ces mêmes enfants accableront leurs parents d'autant de douleurs, etc. «On n'est blessé que par soi-même.» La pauvreté ne blessa pas Job, ne blessa pas saint François; ce n'est pas elle non plus qui te blesse, c'est ton impatience.

  A008000737 

 Aussi, le Christ, l'image du Crucifix, est-elle offerte aux regards de ceux qui entrent, pour leur inspirer aussitôt le respect; telle est la remarque faite par Lactance.

  A008000758 

 Mes yeux ont défailli dans l'attente de votre parole, disant: Quand me consolerez-vous? Nous parlons par le seul regard..

  A008000761 

 Nous supplions le Christ par deux motifs: par notre misère et par l'amour ou la miséricorde de Dieu.

  A008000762 

 Les yeux sont semblables à la porte ou à la fenêtre par laquelle nous voyons dans l'intérieur de la [98] maison; aussi les Juifs dirent-ils: Voila comme il l'aimait; ils virent l'amour.

  A008000763 

 à la vue de Jérusalem qui va périr; maintenant, par amour; 3.

  A008000788 

 O Jésus, purifiez, réchauffez, perfectionnez, rendez conformes à vous ceux que vous avez marqués de votre lumière, rachetés par votre sang..

  A008000791 

 Si le Seigneur Dieu est avec moi et s'il me gardé dans la voie par laquelle je marche, le Seigneur sera mon Dieu..

  A008000820 

 L'âme est cultivée par la mortification, ensemencée des vertus et arrosée par la prière.

  A008000820 

 Si par l'esprit vous mortifiez les œuvres de la chair, vous vivrez.

  A008000820 

 Un jardin est d'abord labouré avec le soc, puis ensemencé, et en troisième lieu, fertilisé par la rosée ou la pluie.

  A008000822 

 La mort des saints est précieuse. Plusieurs meurent pour la foi, par amour; d'autres par amour, pour l'amour; mais la mort la plus précieuse est celle qui vient de l'amour, pour l'amour et par amour.

  A008000822 

 Qui souffre d'amour, par le même amour se réjouit de sa souffrance..

  A008000827 

 [1.] Maintenant dans le Ciel elle monte librement, parce que par la loi naturelle elle tend en haut.

  A008000854 

 C'est la grâce suffisante des enfants baptisés; aussi leur donnons-nous le chrémeau: «Reçois ce vêtement blanc.» Il est beau à voir, car nous savons par la foi qu'avec la charité, ces enfants reçoivent toutes les vertus.

  A008000854 

 Celui d'Esther, à queue, et qui [110] appartient aux Saints en tant que [par leurs exemples] ils communiquent leurs vertus [à ceux qui viennent après eux.] Il descend jusqu'aux pieds, comme les deux autres; car à quoi bon porter une robe qui ne descendrait pas jusqu'au talon, quand c'est surtout à notre talon que le démon, vrai serpent, tend ses embûches? Mais cette robe fait plus que de couvrir les pieds, elle se prolonge encore vers ceux qui suivent, comme celle d'Esther.

  A008000854 

 Un de couleurs variées, celui dont Joseph fut revêtu par son père.

  A008000871 

 Admirable est cet art de la nature qui, par une sorte d'opposition, fait ressortir les contraires par les contraires.

  A008000872 

 De même que par la désobéissance d'un seul homme beaucoup ont été constitués pêcheurs, de même aussi par l'obéissance d'un seul homme beaucoup sont justifiés..

  A008000872 

 [112] L'orgueil est le commencement de tout péché. Tobie à son fils: Ne laisse jamais l'orgueil dominer dans ton esprit ou dans ta parole, car c'est par lui que toute perdition a pris commencement.

  A008000873 

 Ainsi les hérétiques: Pourquoi l'Eglise vous ordonne-t-elle de ne pas lire toute l'Ecriture? Pourquoi [113] défend-elle de se marier? Pourquoi, de manger des aliments créés par Dieu? etc. La femme lui répondit: Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le paradis; mais pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourions.

  A008000873 

 En conséquence, je puis commencer mon discours par les contrastes que toute l'antiquité a remarqués entre Marie et Eve.

  A008000873 

 Je crains que de même que le serpent séduisit Eve par ses artifices, ainsi vos esprits se corrompent et que vous dégénériez de la simplicité qui est dans le Christ..

  A008000901 

 Jésus déclare donc qu'il retourne à son Père pour envoyer l'Esprit-Saint, et que l'Esprit-Saint étant venu, par des preuves, ou plutôt par une grande lumière intérieure, il convaincra le monde du péché, de la justice et du jugement.

  A008000904 

 Il n'est pas nécessaire, par exemple, de savoir que le chien de Tobie avait une queue, ou que saint Paul avait un manteau qu'il laissa à Troade, chez [117] Carpus.

  A008000931 

 Nul ne peut dire Seigneur Jésus, si ce n'est par l'Esprit-Saint; nul ne peut dire Esprit-Saint, si ce n'est par l'Esprit.

  A008000932 

 Qu'il descende comme la pluie sur la toison, etc.), et il finit par l'Ascension: Fuyez, dit-il, mon Bien-Aimé, et soyez semblable au chevreuil et au faon des biches sur les montagnes des aromates.

  A008000932 

 Sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, Salomon débute par un souhait d'union: Qu'il me baise (qu'est-ce à dire: qu'il me baise, sinon qu'il vienne et s'unisse à moi par l'Incarnation, ce mystère où la Sagesse sortant de la bouche du Très-Haut, s'unit à notre chair? De là ces mots: Venez, Seigneur, et ne tardez plus.

  A008000933 

 Ainsi le Père céleste, avant l'Ascension, envoya par ses Anges la Loi et tout ce qui était nécessaire, mais après avoir vu Benjamin il envoya tous les dons.

  A008000951 

 Je ne suis donc pas digne, je ne sais parler; mais vous, Mère du Verbe, par laquelle le Verbe nous est apparu, par vos prières, ouvrez ce sens, ou faites-le moi ouvrir.

  A008000985 

 L'Eglise met tout en œuvre pour annoncer la grandeur de la fête prochaine, comme on le voit par l'office de l'Avent, et surtout par l'introït de la Messe de ce jour.

  A008000985 

 L'Eglise, par ces paroles, nous donne à entendre que le Christ est semblable à la manne; et il en est ainsi au double point de vue, 1.

  A008000986 

 Ainsi le Christ naîtra aujourd'hui, pendant la nuit, d'une manière incompréhensible aux esprits humains; il descendra du Ciel tout entier, y compris son corps, car, s'il en a pris la substance dans le sein de la Vierge, c'est par la vertu du Très-Haut couvrant Marie de son ombre, et par l'intervention du Saint-Esprit que cette substance a été formée et qu'elle paraît au jour d'une manière toute céleste, comme la lumière vient du ciel et le Verbe émane du Père.

  A008000999 

 Aussi bien, d'après Aristote, les enfants ne rient-ils avant le quarantième jour que par prodige, comme il est arrivé pour Zoroastre, «le malheureux qui rit en naissant.» De même les religieux commencent à se purifier par la pénitence; or, quarante est le nombre de la pénitence parfaite; cette durée atteinte, ils rient, c'est-à-dire sont consolés..

  A008001000 

 Elles sont vierges, n'enfantent point, mais tirent leur fruit du Ciel, comme nos vertus sont multipliées par notre correspondance aux inspirations divines.

  A008001029 

 Ceux qui soignent les éléphants ne mettent jamais d'habits de couleur éclatante, parce que ces animaux sont excités par le feu, comme le taureau par la pourpre.

  A008001030 

 Fils de droit naturel, non par voie naturelle..

  A008001030 

 J'ai, dit Rachel, ma servante Bala; prends-la, afin qu'elle enfante sur mes genoux, et que j'aie par elle des fils.

  A008001032 

 Il en était ainsi pour l'épouse qui avait trompé son mari, ou celle qui, dans la ville, s'était laissée surprendre par un autre que par son mari.

  A008001032 

 Mais c'est par tradition qu'on les lapidait, comme on fit les vieillards.

  A008001032 

 Pourquoi? Parce que c'était un péché contre la chose publique; et Dieu punit les péchés de la chair, etc. Pharaon et toute sa cour sont punis par la peste, au témoignage de [132] Josèphe, et en Gérara, Abimélech.

  A008001032 

 Sa vertu dominante fut une crainte souveraine de Dieu, comme on peut le voir en saint Matthieu, chap. I. L'homme et la femme adultères étaient, par la loi de Moïse, condamnés à mourir, non explicitement à être lapidés.

  A008001064 

 Je vois une petite source, une humble Vierge, qui devint grande comme un fleuve ( Le fleuve, par son impétuosité, réjouit la cité de Dieu.

  A008001064 

 Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive ), comme un fleuve de souffrances et d'afflictions, puis se changea en lumière et en soleil au jour de son Assomption: Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore lorsqu'elle se lève, belle comme la lune, choisie comme le soleil? Et, chose plus admirable encore, cette lumière, ce soleil se répandit en eaux très abondantes; c'est-à-dire que depuis son Assomption, la Vierge, par ses prières, nous a obtenu de très nombreuses grâces..

  A008001065 

 Par elle-même et dans sa pensée, la Sainte Vierge était une petite source: Voici la servante du Seigneur.

  A008001067 

 Je vous adjure par les chevreuils et les cerfs des champs, si vous trouvez mon Bien-Aimé, annoncez-lui que je languis d'amour.

  A008001070 

 Et ce cortège d'Anges n'est point une fiction, car le Christ dit lui-même que l'âme de Lazare fut escortée par les Anges; à combien plus forte raison l'âme et le corps de la Vierge! Ensuite elle chanta son Magnificat..

  A008001071 

 C'est ainsi qu'elle fut établie pour intercéder en notre faveur; tous les Saints, sans exception, l'affirment (non pas assurément qu'elle demande de la même manière que son Fils qui intercède par lui-même); et beaucoup de grâces nous sont accordées par sa faveur, comme l'atteste l'Eglise entière.

  A008001105 

 L'homme, d'après Pline, ne connaît par nature que les gémissements.

  A008001106 

 «Par un sourire, petit enfant, commence à connaître ta mère.».

  A008001107 

 Saint Augustin dit que par leurs pleurs, les enfants prophétisent les misères qui les attendent..

  A008001108 

 Pharaon fit un festin à l'anniversaire de sa naissance, Hérode aussi; tous deux avilissent ce festin par leur cruauté: car celui-là ordonne de pendre le grand pannetier après avoir grâcié le grand échanson; celui-ci fait décapiter Jean-Baptiste.

  A008001109 

 En effet, Zoroastre, roi des Bactriens, après avoir été plusieurs fois vaincu par Ninus, roi d'Assyrie, fut détrôné, fait captif et tué, malgré la protection qu'il attendait de l'astrologie judiciaire et de la magie.

  A008001109 

 Nous devrions certes, nous aussi, avoir la fièvre à chaque anniversaire de notre naissance: une fièvre causée par la crainte que notre [141] vie ne soit le prélude de la mort éternelle, à cause de l'abus que nous avons fait du temps.

  A008001109 

 Par contre, Antipater, poète de Sidon, nous dit le même Pline, était atteint de la fièvre à chaque anniversaire de sa naissance, et il mourut enfin le même jour, de la même fièvre.

  A008001110 

 Aussi l'Eglise y croit-elle, d'après la règle posée par saint Augustin: Quelque privilège qui puisse s'attribuer aux autres Saints, etc. Et c'est la vraie raison [de célébrer sa Nativité.] [142].

  A008001112 

 Le mot ferculum ( litière ) employé par Salomon, vient de ferendo, porter; trône portatif, char pompeux et triomphal.

  A008001114 

 Mais si vous ne vous repentez, vous serez à la vérité ses fils par votre naissance spirituelle, mais vous ne figurerez pas dans sa postérité pour le Ciel, vous ne serez pas dans le livre de sa génération..

  A008001115 

 Les colonnes d'argent, les dons de l'Esprit-Saint par lesquels le corps adhère à son âme sans affections naturelles.

  A008001116 

 Les colonnes d'argent, les sept dons du Saint-Esprit: la sagesse, qui lui a fait savourer les choses divines et rejeter avec dégoût les biens de la terre; l'intelligence, par laquelle elle a pénétré les mystères; le conseil, grâce auquel elle a suivi toutes les voies de la perfection; la force, au milieu de tant d'adversités; la science, pour régler ses rapports avec le prochain dans la pratique de toutes les vertus morales; la piété, dans son immense amour envers son Fils, et la crainte et révérence pour le Seigneur.

  A008001116 

 Mais quels sont les chevaux qui traînent ce char? Ils sont représentés par quatre classes d'hommes: les Patriarches, comme Abraham, Isaac, Jacob, Juda; les Rois, les Prophètes et les Prêtres.

  A008001128 

 Et comme quand les vignes fleurissent les vins fleurissent, ainsy par tout ou l'amour de Dieu fleurit, l'amour du prochain fleurit..

  A008001142 

 Jésus l'appela commandement nouveau, en saint Jean, XIII: Un commandement nouveau; nouveau, c'est-à-dire excellent, réintégré ( nouveaux cieux, nouvelle terre ); car par son exemple, le Christ nous presse d'une manière admirable.

  A008001142 

 Tolet entend par le mot sien cet amour spécial qui doit régner entre les Chrétiens en tant que Chrétiens.

  A008001145 

 «On n'est blessé que par soi-même.» Si un cheval t'avait donné un coup de pied, serais-tu raisonnable de vouloir le lui rendre? En fait, cependant, il t'a plus nui que l'homme qui t'aurait donné un soufflet.

  A008001156 

 Les Æthiopiens allument le fœu a leurs rubis par le vinaigre..

  A008001170 

 Le Christ attire le cœur des hommes par des bienfaits, les hommes attirent le cœur du Christ par l'humilité.

  A008001203 

 Parallèle entre Charlemagne, grand par les armes, et Charles le petit, grand par la sainteté..

  A008001232 

 De même l'Eglise: «O Emmanuel, notre Roi et Législateur, attente des nations et objet de leur désir, venez nous sauver, Seigneur notre Dieu.» De même encore Jacob, en bénissant Joseph: Les bénédictions de ton père ont été corroborées par celles de ses ancêtres, jusqu'à ce que vienne le désir des collines éternelles, c'est-à-dire le Christ.

  A008001232 

 L'Eglise, dans l'oraison de la Messe d'aujourd'hui, appelle cette vigile l'attente de la Rédemption et du Rédempteur: «O Dieu, qui nous réjouissez chaque année par l'attente de notre Rédemption.» Et Jacob avait déjà prédit que le Sauveur serait l'attente des nations.

  A008001233 

 Certes, comme il devait être le salut de tous, il fut attendu par tous, surtout en cette nuit.

  A008001234 

 L'Incarnation figurée par un si grand nombre d'Anges apparaissant sous la forme humaine; ainsi les princes ont coutume d'habiller leurs pages aux couleurs de leur épouse.

  A008001234 

 Votre intelligence, par la foi à un double mystère.

  A008001235 

 Votre volonté, par de pieux sentiments.

  A008001260 

 DE L'ADORATION DU CHRIST PAR LES MAGES.

  A008001262 

 L'Eglise celebre cette derniere adoration par une fête des plus solennelles, car dans ces premices de la gentilite, elle-même adora le Seigneur.

  A008001289 

 Dieu: Qui t'a appris que, etc. La verge de Moïse saisie par l'extrémité.

  A008001336 

 Elle est nécessaire dans trois cas: quand les confessions précédentes ont été nulles par défaut de contrition, par défaut [d'intégrité] dans l'accusation, par défaut de satisfaction, c'est-à-dire de volonté de satisfaire.

  A008001340 

 Par vos commandements j'ai acquis l'intelligence; c'est pourquoi j'ai haï toute voie d'iniquité.

  A008001366 

 Consecration de l'autel par eau, huile, feu, reliques, croix, encens.

  A008001370 

 Dans cette prédication générale, de quoi parlerai-je avec plus de convenance que de la pénitence, sujet par lequel commence, duquel traite et auquel aboutit tout l'Evangile? Saint Jean, dans l'église duquel je suis, m'y invite, ainsi que l'Evangile [qui se lit aujourd'hui,] selon le rite lyonnais et selon le romain; on y trouve ces mots: Désormais tu prendras les hommes; et j'y suis encore invité par la consécration de ce maître-autel, car l'autel lui-même, au sens mystique, représente le cœur: Or, le vrai sacrifice est un esprit affligé.

  A008001371 

 Par le péché, tout meurt ou est près de mourir.

  A008001372 

 Mais s'il en est ainsi, comment le Christ fréquentait-il les pêcheurs et les publicains? Comme médecin; non par amour du mal, mais plutôt par haine du mal et par amour pour les malades.

  A008001389 

 Assurément, un Dieu irrité ne pouvait être apaisé que par le Christ à venir.

  A008001389 

 Et d'Abel il est écrit dans l'Epître aux Hébreux: C'est par la foi qu'Abel offrit a Dieu une hostie meilleure que celle de Caïn, c'est-à-dire des premiers-nés et de ce qu'il y avait de plus gras [ dans son troupeau ].

  A008001389 

 Si nous portons ainsi le Christ avec nous, il n'est rien que nous n'obtenions par un tel holocauste.

  A008001390 

 Siméon est semblable au cygne: il s'était tu par crainte jusqu'à l'âge de cent trois ans, maintenant son cœur étant doucement touché, il fait entendre sa voix.

  A008001390 

 Siméon obéit et porte le Christ par lequel il est éternellement porté.

  A008001421 

 Verge, c'est-à-dire persécution, mauvais traitement infligé au juste par le pécheur..

  A008001422 

 Par exemple, Joseph est soumis à Putiphar, Jacob à Laban, et, pendant quatre cents ans, les Israélites sont opprimés par Pharaon; Achab s'empare de la vigne de Naboth.

  A008001431 

 Prends-le par la queue; et il se changeait en verge..

  A008001436 

 Ou bien, on marche d'une manière oblique en faisant tantôt bien, tantôt mal; comme ceux qui juraient par Dieu et jurent par Melchom..

  A008001436 

 Vous ne vous détournerez pas à droite et à gauche; boiter de part et d'autre; à droite, par l'action, car c'est la droite qui agit; à gauche par l'omission, car la gauche est inerte et ne fait rien.

  A008001438 

 Mais à la fin de toutes les Bibles, ces mots sont traduits par: puissant contre Dieu. [187].

  A008001463 

 Rébecca rapportant cette parole dit: afin que je te bénisse devant le Seigneur; c'est-à-dire, selon Péreira, du consentement et par la grâce du Seigneur.

  A008001465 

 D'un champ fertile ( fertile a été ajouté par les Septante).

  A008001465 

 Saint Thomas démontre très clairement ce fait en disant que dans la loi de nature les prêtres étaient les aînés, et que par suite, ils recevaient une part d'héritage deux fois plus grande, comme on peut le constater pour Joseph et Jacob..

  A008001514 

 Avec les brebis, même par la présence corporelle, par la résidence.

  A008001514 

 Remarquons que Rachel est avec les brebis de son père; nous aussi nous devons être avec les brebis, par amour et bienveillance, d'esprit et de cœur: L'âme est là où elle aime.

  A008001515 

 Origène dit dans sa X e homélie sur la Genèse, citée par la Glose sur le chap. XXIV du même livre: «Rébecca venait chaque jour au puits, chaque jour elle en tirait de l'eau,» etc., et c'est là qu'Eliézer la choisit.

  A008001515 

 Rachel donc paît chaque jour ses brebis, elle tire de l'eau du puits chaque jour, ét auprès de ce puits, elle est promise en mariage par le Seigneur.

  A008001518 

 ( Le venin de l'aspic est sous leurs lèvres.) Par ses conséquences: tels sont les baisers fréquents entre jeunes gens; parce que, bien qu'au début ils se donnent sans dessein tout à fait mauvais, toutefois, par suite de la fragilité humaine, ils tournent au détriment de la pudeur; car il est étonnant combien ce feu s'allume vite.

  A008001518 

 Avant d'embrasser Rachel, Jacob lui avait déclaré qu'il était son cousin, bien que cela ne soit dit qu'ensuite, par récapitulation; 2.

  A008001518 

 Par la fin qu'on se propose, comme celui de Judas et celui de cette pécheresse dont il est parlé dans les Proverbes.

  A008001518 

 Par les circonstances....

  A008001519 

 Le baiser est un symbole d'amitié parce que la bouche est le canal par lequel se déversent toute l'âme et tout le cœur..

  A008001519 

 Quand il est donné par politesse, et c'est en France la coutume, même entre de simples connaissances, comme autrefois chez les Romains, et pareillement chez les Hébreux, témoin le Seigneur: Tu ne m'as pas donné de baiser.

  A008001527 

 Il pleurait d'attendrissement en voyant une vierge qui lui plaisait et qui le charmait par les grâces de son visage..

  A008001532 

 Par le Baptême nous sommes fiancés et non encore épousés, les noces ne se font qu'au Ciel où nous serons inséparablement unis [au Christ]..

  A008001536 

 Ensuite Jacob sera l'homme justifié par la pénitence, sorti de la terre de Chanaan; Rachel, d'après saint Grégoire, représentera la vie contemplative.

  A008001555 

 Comme Rachel représente l'union avec Dieu, la charité parfaite et la vie contemplative, il me semble voir en ce fait un sens mystique: sept degrés nous élèvent à la perfection et nous nous maintenons dans la perfection par sept vertus; ces sept degrés sont les sept dons du Saint-Esprit..

  A008001591 

 Tirer l'exorde des grenades et des sonnettes, comme il est dit folio 15, en ajoutant simplement ceci: quoique chaque grenade fût accompagnée de sa sonnette, toutefois, de temps à autre, par suite du mouvement imprimé par la [202] marche, le bord du vêtement ou de la frange se repliait, et une sonnette voisine d'une grenade en touchait une autre et sonnait près d'elle.

  A008001593 

 La gloire de Dieu, en effet, consiste dans sa misericorde et sa justice; tout donc, par l'un ou l'autre de ces attributs, contribue à sa gloire..

  A008001594 

 Il faut tout rapporter à Dieu, c'est-à-dire à la gloire de Dieu: le monde entier le loue par l'organe de l'homme qui lui sert de procureur; l'homme, par le Christ qui lui sert de médiateur, et le Christ loue Dieu par Dieu lui-même comme par Celui qui donne le mouvement et l'inspiration suprêmes..

  A008001594 

 J'ai dit au Seigneur, vous etes mon Dieu, parce que vous n'avez pas besoin de mes biens; l'homme engendre par indigence, Dieu n'a pas créé par ce motif, mais par l'abondance de sa bonte qui est communicative.

  A008001594 

 Mais il y a en Dieu deux sortes de gloire: l'une essentielle, et pour cette gloire, il n'a rien créé; le Pére a seulement engendré le Fils et avec lui exhale l'Esprit-Saint, afin d'exprimer sa perfection par ce seul Verbe et de l'aimer par ce seul soupir.

  A008001595 

 Comme une philomèle qui serait nourrie dans une maison, ainsi l'homme est dans le monde pour récréer par son chant le Maître du monde....

  A008001596 

 La Sulamite, la pacifique, possède des camps, et ces camps combattent rangés en chœurs; or le chœur est composé d'une multitude de chanteurs: Une multitude de la milice céleste se réunit, chantant et disant: Gloire au plus haut des cieux, etc. Ainsi David triomphait du démon et l'enchaînait par son chant.

  A008001597 

 Ainsi en est-il de ce nom nouveau prononce par la bouche du Seigneur.

  A008001599 

 Cependant, l'objet de ces cantiques a plus ou moins d'etendue; car il y a quatre espaces de chants: [1.] le Phrygien, belliqueux; semblable au son des trompettes qui retentirent au siege de Jericho et contre Madian: de cette sorte parait avoir ete le cantique ou l'hymne dite par le Christ apres la cene.

  A008001599 

 Il excite à la victoire par l'espérance d'un secours libérateur; il apaise: Béni soit, et: Toi, enfant, Prophète; il captive: Dans la justice et la sainteté.

  A008001599 

 Le [207] Lydien, pour apaiser les esprits (voir à la page suivante); tel est le Psaume: Lætatus sum in his quæ dicta sunt milii; le Nunc dimittis, chanté par Siméon pour reposer son esprit, fatigué par une longue attente; le cantique que les Enfants chantaient dans la fournaise pour se réconforter, et celui d'Anne, mère de Samuel.

  A008001661 

 Néanmoins, la remarque faite par Raban, Hugues, Rupert, Comestor, n'est pas à dédaigner: Saül a été oint de l'huile conservée dans un petit vase fragile, et David, de l'huile conservée dans une corne, vase très solide, ce qui augurait pour Saül un règne éphémère et pour David un règne durable.

  A008001661 

 Pinéda, par exemple, ainsi que Lyranus et Abulensis, estime qu'elle était d'or (chap. VI, liv. II, Préliminaires de l'Histoire de Salomon ).

  A008001662 

 Oints de la même huile, rois et prêtres doivent marcher de concert, de telle sorte néanmoins que les prêtres gardent toujours le premier rang, [214] car l'huile leur a été d'abord immédiatement destinée, et que les rois soient leurs auxiliaires, puisque l'huile ne leur est appliquée que par dispense et par extension.

  A008001663 

 David fut oint trois fois: une première fois à Bethléem par Samuel; une seconde fois à Hébron par la tribu de Juda, et de nouveau à Hébron par tout Israël.

  A008001664 

 Comme dans l'onction de David et de Salomon, c'est par la corne que le royaume a été fondé dans la maison de David, ainsi, par le mot corne de salut, le Prophète indique que c'est dans la maison de David qu'a été fondé le royaume du salut.

  A008001664 

 Et nous a suscité une corne de salut, c'est-à-dire, le royaume du salut; car puisque le roi David a été oint de l'huile de la corne, c'est avec raison que le royaume est désigné par la corne, royaume de salut.

  A008001665 

 Au sens prophétique, Dieu a planté sa vigne, l'Eglise, dans le royaume du Christ, ou dans le Christ représenté par la corne qui contenait l'huile.

  A008001665 

 C'est là que je ferai paraître la corne de David; fils de l'huile ou riche en parfums: Votre nom est une huile répandue; et Dieu vous a oint d'une manière plus excellente que ceux qui participeront à votre gloire, afin que tous les rois puisent l'huile de leur onction en vous, comme en une corne première, que vous soyez appelé Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et que tous les rois reçoivent de votre plénitude, selon votre [216] prophétie: Par moi régnent les rois, etc. Mais cette corne qui est le Christ, est appelée fils de l'huile, c'est-à-dire qu'elle est remplie d'huile; comme fils d'iniquité, fils de péché, signifie plein d'iniquité.

  A008001666 

 Cette fête se célébrait le premier jour du [217] septième mois, comme il est dit Num., X, Levit., XXIII, et Num., XXIX. La solennité des trompettes se célébrait en mémoire de la délivrance d'Isaac, sauvé de la mort à l'apparition du bélier qui, embarrassé par les cornes dans un buisson, fut immolé à la place d'Isaac.

  A008001667 

 Qu'est-ce que susciter la corne du salut, sinon faire retentir la trompette ou la prédication du salut, suivant cette parole: Elève ta [218] voix comme la trompette? Voici, en effet, le vrai jubilé, le temps de la rémission par la rédemption universelle: Voici maintenant le temps favorable, voici maintenant les jours de salut.

  A008001668 

 Cependant, avant toutes les trompettes, voici Jean qui devance tous les autres, envoyé par le Père au-devant du Fils ou en face du Fils: c'est la voix de celui qui crie dans le désert, etc. Arriver par cette parole à l'Evangile du Dimanche et [219] commencer de cette manière: Pour dire aussi un mot de l'Evangile et de cette illustre trompette, il est étonnant que Jean ne semble pas reconnaître dans le Christ cette corne que Dieu a suscitée, etc..

  A008001672 

 Je vous adjure par les chevreuils et les cerfs des champs.

  A008001672 

 Je vous adjure, filles de Jérusalem, par les chevreuils et le faon des biches, ne troublez pas et ne rêveillez pas ma bien-aimée jusqu'à ce qu'elle-même le veuille..

  A008001672 

 Mon Bien-Aimé est semblable au chevreuil et au faon des biches; le voici qui se tient derrière notre muraille, regardant a travers les barreaux, observant par les fenêtres.

  A008001674 

 Dieu viendra du midi, et le Saint, de la montagne de Pharan; de Séïr et de la montagne de Pharan, montagnes par lesquelles passèrent les enfants d'Israël pour arriver en la terre de promission.

  A008001675 

 Pour moi, a Dieu ne plaise que je me glorifie si ce n'est dans la Croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde m'est crucifié, et moi, au monde.

  A008001696 

 Ainsi l'humanité du Christ en s'unissant à la Divinité, a reçu en vertu de cette union un cœur pur et droit; l'Esprit-Saint, par la grâce du sacerdoce et le don de prophétie (à son [225] baptême on vit l'Esprit-Saint: Voici mon Fils bien-aimé ); et l'esprit parfait ou royal.

  A008001696 

 Comme un bel olivier dans la campagne; l'olivier a une admirable propriété: planté par des vierges, il croît plus touffu.

  A008001697 

 Il vint avec un bâton, comme s'il avait à se défendre d' un chien; ainsi vint le Christ, «comme étant Celui qui devait vaincre par le bois.

  A008001697 

 » Dieu a coutume de confondre ce qui est fort par ce qu'il y a de plus faible; la, sa force a été cachée.

  A008001699 

 Le juste fleurira comme le palmier; il sera multiplié comme le cèdre du Liban agité par le vent.

  A008001723 

 La rédemption s'opérait par prévision avant qu'elle fût accomplie.

  A008001725 

 Comme je l'ai juré à David par ma vérité: sa race demeurera éternellement, et son trône sera comme le soleil et comme la pleine lune, éternellement, et comme le témoin fidèle dans le ciel.

  A008001727 

 Ceux à qui vous remettrez [ les péchés, etc.] Celui qui me mange vivra lui-même par moi.

  A008001727 

 Le Baptême: Je vous baptise dans l'eau, il vous baptisera dans l'eau et l'Esprit-Saint; et [saint Paul] aux Ephésiens: Le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle, la purifiant par le baptême d'eau dans la parole de vie. Expliquer ces textes: dans l'eau et l'Esprit-Saint et parole de vie.

  A008001727 

 Ranime la grâce qui t'a été donnée par l'imposition de mes mains..

  A008001749 

 Un testament s'annule par l'ingratitude et la perfidie.

  A008001752 

 La grâce de Dieu noire Sauveur est apparue à tous les hommes, nous enseignant, etc. [ Lorsque ] la bénignité et l'humanité de Dieu notre Sauveur est apparue, ce n'est point par les œuvres de justice que nous avons faites, qu'il nous a sauvés, mais selon sa miséricorde.

  A008001753 

 Vous aussi, par le sang de votre alliance, vous avez fait sortir les prisonniers du lac qui est sans eau.

  A008001791 

 Par son nom même, Marie est souveraine, elle s'appelle pourtant servante.

  A008001792 

 David dit bien: Jugez-moi, Seigneur, selon ma justice et selon l'innocence qui est en moi; mais il parle de la justice de sa cause en face de ses ennemis, et non de la justice de son âme par rapport à [237] Dieu.

  A008001793 

 Et pour vous et vers vous, dans ce champ de pénitence, je m'écrierai: Seigneur, mon serviteur, mon peuple, mien, non que j'aie autorité sur lui, mais par l'affection que je lui porte, gît paralysé dans votre maison, et il souffre extrêmement, mais venez et guérissez-le.

  A008001795 

 Saint Chrysostome: Dites une parole aux Anges qui réduisent en actes vos paroles; et quand même les Anges feraient [239] défaut, les infirmités disparaîtraient par son ordre exprès.

  A008001797 

 Philémon était un noble Rhodien ou Colossien, à qui son esclave, Onésime, avait causé quelque dommage (je ne sais de quelle manière; était-ce par vol, par négligence ou bien parce que en s'évadant, il l'avait privé de ses services?) car saint Paul dit: S'il t'a fait tort, impute-le-moi.

  A008001797 

 Quoi qu'il en soit, dans sa fuite, Onésime vint à Rome, fut reçu par Paul captif, recommandé à Philémon, succéda plus tard à Timothée comme Evêque d'Ephèse, et fut ensuite lapidé à Rome, où saint Ignace, dans sa lettre aux Ephésiens, déclare l'avoir vu.

  A008001798 

 Valentinien rendit une loi par laquelle il défendait de baptiser les histrions, sinon à leur dernière heure, parce que le théâtre était interdit aux Chrétiens, et que ces esclaves du théâtre ou de la scène amusaient [241] le peuple, et comme des esclaves publics, s'appliquaient aux inepties du théâtre.

  A008001825 

 Hinc Psaltes: Irascimini, (Hebraice, contremiscite ) et nolite peccare; Tremousses par la saillie de l'ire, si vous sentes les eslans de l'ire.

  A008001843 

 Jésus fut conduit par l'Esprit dans le désert..

  A008001846 

 Or, il ne tente lui-même personne; mais chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l'entraîne et le séduit.

  A008001847 

 Ainsi, saint Antoine se moquait des tentations de luxure, etc., que le diable lui suggérait; saint Martin s'écriait: «Arrière, [246] bête cruelle!» Ainsi, les Tentyrites domptent par leur seule haleine les crocodiles dont ils se servent comme de chevaux..

  A008001847 

 Par ce glaive, l'auteur de ce livre entend une tentation de doute au sujet de la divinité du Christ, au temps de la Passion.

  A008001848 

 Trémoussez par la saillie de l'ire, si vous sentez les élans de l'ire.

  A008001849 

 Quoiqu'il n'eût rien à craindre, toutefois, pour nous [247] montrer le chemin, pour nous apprendre à combattre les tentations et, avant tout, agissant non par son propre mouvement, mais par celui de l'Esprit-Saint, il se retira dans le désert..

  A008001851 

 Après son baptême; par le Baptême, en effet, nous acquérons (ceci néanmoins ne s'applique pas au Christ) des forces et de la constance, comme par les autres Sacrements.

  A008001851 

 La Pénitence nous rend plus forts, comme des chevaux blessés par la dent du loup; voir Pline.

  A008001852 

 Saint Paul dit: Par les armes de justice, a droite et a gauche; et David: Le zèle de votre maison m'a dévoré et les outrages de ceux qui vous insultaient sont tombés sur moi.

  A008001854 

 Mais, dit saint Bernard, tu ne seras pas épouvanté par les craintes nocturnes.

  A008001856 

 Ainsi font toujours les hérétiques, ils détournent le sens par des réticences ou des suppressions de mots, etc..

  A008001886 

 «Il doit venir juger les vivants et les morts, et le siècle par le feu.».

  A008001887 

 Toutes ces choses étant accomplies, tous les hommes sans exception mourront, les uns desséchés de frayeur, les autres dévorés par le feu.

  A008001888 

 Aussitôt que le [253] signal aura été donné par la voix de l'Archange et au son de la trompette de Dieu, le Seigneur même descendra du ciel, et ceux qui seront morts dans le Christ ressusciteront les premiers.

  A008001891 

 Les corps des Bienheureux fleuriront; ceux des damnés seront comme une chaudière bouillante, animés par le feu et les tourments, [255] horribles, affreusement hérissés; à leurs palais d'autrefois sont maintenant substituées des prisons, comme les prisons des Bienheureux font place à des palais.

  A008001916 

 Et l'Apôtre: Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous, etc.; c'est pourquoi ne jugez pas avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et qui manifestera les secrètes pensées des cœurs... Et je vis un grand trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône; et les livres furent ouverts, et un autre livre fut encore ouvert, qui est le livre de vie (c'est-à-dire, qui est [258] la vie); et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres.

  A008001917 

 Ainsi se fera le jugement par comparaison: La reine du midi et les hommes de Ninive se lèveront..

  A008001943 

 Nous allons en parler eu expliquant l'Evangile du jour, où nous trouverons encore quelques enseignements sur le jugement par comparaison..

  A008001945 

 Maldonat, après saint Hilaire, si je ne me trompe, dit que ces mots signe de Jonas, signifient absence de signe, car Jonas n'a fait aucun prodige; il a seulement dit: Encore quarante jours et Ninive sera détruite. Et le signe de la condamnation: jugement par comparaison avec les Ninivites.

  A008001948 

 De sa bouche sortait un glaive, tranchant à gauche, afin de perdre et de tuer par la mort éternelle; à droite, pour supprimer tous les maux qui auraient pu menacer les Bienheureux.

  A008001948 

 La voix des eaux de la vie et de la mort, mer Morte... Ses yeux comme une flamme de feu, pénétrant tout: Vous avez sondé mon cœur et vous l'avez visité pendant la nuit, vous m'avez éprouvé par le feu et il ne s'est point trouvé d'iniquité en moi.

  A008001949 

 Mon âme s'est liquéfiée par l'amour de grâce, quand mon Bien-Aimé a parlé; combien plus se liquéfiera-t-elle par l'amour de gloire!.

  A008001974 

 Mais puisque c'est par la prière qu'elle nous montre sa foi, son espérance et sa charité, nous choisirons pour sujet de notre discours la toute-puissance de la prière..

  A008001974 

 Voici une femme chananéenne vraime nt grande par la foi, l'espérance et la charité.

  A008001975 

 Ici, en effet, le Christ est vraiment enchaîné par la prière de la Chananéenne, comme le navire est retenu par le rémora, comme Samson fut lié par Dalila..

  A008001977 

 [Le grand Prêtre priait] localement devant le Propitiatoire, réellement et moralement devant Dieu représenté par le Propitiatoire..

  A008001978 

 Elle s'écria, disant ( De tout mon cœur ): Ayez pitié de moi, Seigneur, fils de David; ma fille est misérablement tourmentée par le démon.

  A008001978 

 Ma fille est misérablement tourmentée par le démon.

  A008001978 

 Nous sommes parfois utilement tentés par le démon ( misérablement est pris ici à la lettre, pour violemment), comme Job, saint Antoine, sainte Catherine de Sienne, [268] saint Paul, car ces Saints tiraient profit de la tentation; mais d'autres sont tentés pour leur malheur.

  A008001981 

 Dès que [la Chananéenne] a levé le cerf de son fort, de son buisson: Elle crie après nous, [disent les Apôtres]; elle nous invoque, c'est-à-dire, elle vous prie par notre entremise.

  A008002011 

 D'autres, d'après Barradas, disent que si Bethsaïda s'écrit par un sin, il signifie maison d'effusion; si par un sade, maison des chasseurs.

  A008002012 

 La tradition de baptiser les enfants repose sur cette nécessité, car ils ne peuvent autrement faire partie de l'Eglise, ceux qui par nature naissent enfants de colère.

  A008002014 

 «Que Pierre baptise, que Paul baptise, c'est le Christ lui-même qui baptise.» Et [saint Paul] aux Ephésiens: Le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier, la purifiant par le baptême d'eau dans la parole de vie..

  A008002047 

 Oh! que ne puis-je vous dépeindre au vif par mes paroles cette glorieuse Transfiguration! Assurément, vous voudriez avec Pierre, établir votre demeure [sur le Thabor]; mais du moins nous en esquisserons quelque chose, afin surtout que vous entendiez le Fils, c'est-à-dire, afin que vous observiez ses préceptes..

  A008002048 

 Saint Paul aux Corinthiens: Nous parlons de la sagesse dans le mystère, etc. Ensuite, il traite de la gloire qui s'acquiert par cette sagesse, laquelle, dit-il, aucun prince de ce siècle n'a connue; car s'ils l'avaient connue, jamais ils n'auraient crucifié le [276] Seigneur de la gloire.

  A008002049 

 Et de même que nous connaissons quelque peu la configuration de l'Amérique et ce qui concerne ce pays par les descriptions que nous en ont faites ceux qui l'ont visité, ainsi connaissons-nous cette gloire que nous révèle ici le Seigneur de la gloire.

  A008002049 

 Notre Evangile est comme une mappemonde où le Royaume des cieux ou l'autre monde nous est indiqué par certains points et certaines lignes.

  A008002049 

 Toutefois, pour avoir l'espérance [du Ciel], il fallait que nous en connussions quelque chose, que nous en eussions dans l'Evangile un avant-goût... Saint Jean Damascène dit: Par cette ouverture, le Christ nous montre la splendeur de la lumière.

  A008002051 

 Cette béatitude est donc bornée par les limites de la capacité de celui qui en jouit.

  A008002051 

 Ou bien on pourrait la définir: l'état par lequel nous possédons Dieu, «assemblage de tous les biens.

  A008002052 

 Face à face; nous voyons maintenant comme par un miroir, etc.; nous le verrons tel qu'il est.

  A008002052 

 J'entends ainsi ce passage: l'image de Dieu dort, maintenant que nous la voyons comme par un miroir, en énigme; mais lorsqu'elle s'éveillera, que nous la verrons vivante, face à face, alors nous serons bienheureux.

  A008002053 

 Cette face semblable au soleil illumine et réchauffe, par l'amour qui attire au dedans et celui qui se répand au dehors.

  A008002083 

 Par la mort, je vais à mon Père; et alors, c'est-à-dire après ma mort, vous chercherez un autre Messie et vous ne me trouverez pas; et partant, vous mourrez dans votre péché.

  A008002086 

 Là où je vais, vous ne pouvez venir, c'est-à-dire: Je vais a mon Père par une voie dure et par une pénitence rédemptrice ( ce que je n'ai pas pris, je l'ai pourtant payé ); et vous ne pouvez venir, c'est-à-dire vous ne voulez pas, parce que vous êtes d'en-bas et du monde.

  A008002087 

 Ils ne veulent pas se laisser amputer un membre dévoré par la gangrène..

  A008002087 

 Qui jurent par Dieu et jurent par Melchom.

  A008002121 

 Cette chaire est appelée chaire de Moïse, parce que la doctrine contenue dans la Loi ou plutôt la Loi elle-même a été donnée à Moïse sur le Sinaï, et, prêtre lui-même, il a, par l'ordre du Seigneur, institué le sacerdoce lévitique dans la personne d'Aaron.

  A008002122 

 Le mot donc désigne par conséquent une cause, c'est comme si le Christ avait dit, parce qu'ils siègent dans cette chaire.

  A008002122 

 Saint Augustin enseigne (liv. IV de la Doctrine Chrétienne, chap. XXVII, et liv. XVI contre Fauste, chap. XXIX) que par [285] la puissance même de cette chaire, aucun de ceux qui venaient s'y asseoir pour y enseigner ne pouvait prêcher l'erreur.

  A008002123 

 Nous Catholiques, en effet, nous écoutons bien le Pape, même quand il décrète par sa seule autorité et en dehors d'un Concile, au lieu que les hérétiques ne veulent entendre ni Pape ni Concile..

  A008002124 

 Ainsi donc les Scribes et les Pharisiens ne se trompent pas quand ils enseignent dans la chaire de Moïse, c'est-à-dire par son autorité.

  A008002124 

 De même que ni Luther ni les autres n'eussent erré s'ils avaient enseigné dans la chaire et par l'autorité de Pierre; mais dès qu'ils commencèrent à enseigner en dehors de cette autorité, ils tombèrent dans les plus graves erreurs..

  A008002125 

 Les portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle; or, par les portes de l'enfer est signifiée la pire des apostasies.

  A008002128 

 D'autres disent et ne font pas; ils détruisent par le scandale de leur vie la doctrine de vie.

  A008002128 

 D'autres enfin parlent et agissent; voilà les meilleurs: toutefois, ils parlent non seulement par la prédication, mais encore par les commandements qu'ils donnent et par des entretiens utiles.

  A008002129 

 Deux mots animés par l'amour sont suffisants.

  A008002129 

 O Dieu! il faut aimer les brebis pour le Christ et non pour la vanité; non pour en être honoré, mais pour que le Christ soit honoré par elles.

  A008002130 

 Sur le torrent de Carith (III Reg., XVII), Elie était nourri par les corbeaux, comme au chap. XIX, par un Ange, etc. [290].

  A008002162 

 Un certain cynique nommé Antisthène, portait un habit déchiré dont il faisait ostentation: «Je vois bien de la vanité par ce trou,» lui dit Socrate.

  A008002176 

 Mais elles ne craindront point de passer par le feu.

  A008002193 

 Le Seigneur voyant un jeune homme triste (il faut revoir toute cette histoire), Jésus regardant autour de lui, dit à ses disciples: Qu'il est difficile a ceux qui ont des richesses d'entrer dans le Royaume de Dieu! Or, ses disciples étaient tout étonnés de ses paroles; mais Jésus répondant de nouveau leur dit: Mes petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses [296] d'entrer dans le Royaume de Dieu! Il est plus facile [à un chameau de passer] par le trou d'une aiguille, etc. Ils demeuraient encore plus étonnés, se disant l'un a l'autre: Qui donc peut être sauvé? Et Jésus les regardant, dit: Aux hommes, etc. De même, aujourd'hui en lisant l'Evangile [je m'écrie]: Oh! qu'il est difficile, etc. Mais procédons par ordre: il y a quatre sortes de bons et de mauvais riches.

  A008002194 

 Tu ne feras point de vol. Ils ont régné, mais non par moi.

  A008002195 

 Ainsi en est-il de bon nombre de pères qui vont au feu de l'enfer par suite d un amour mal entendu envers leurs fils, pour lesquels néanmoins ils ne voudraient pas toucher à l'eau de la pauvreté ou des dépenses; ils ne [297] dépenseraient rien pour les élever dans les lettres et les bonnes mœurs.

  A008002236 

 Ah! cette foi catholique, attaquée par tant de tyrans, demeure intacte.

  A008002236 

 Celui qui détruit la haie sera mordu par un serpent.

  A008002236 

 La haie représente la foi, et la vigueur ou la force invincible de la foi, dont parle l'Apôtre quand il dit: Par la foi les Saints ont vaincu les royaumes, se sont fortifiés dans la guerre, ont renversé les camps ennemis.

  A008002236 

 La haie signifie par conséquent la profession, le lien, l'autorité [302] publique et la règle commune de la foi, que les hérétiques s'efforcent de détruire.

  A008002239 

 Les vignerons de la Synagogue tuèrent [303] les Prophètes que le Seigneur leur envoyait (comme on peut le voir dans Barradas [ Commentaire sur la Concordance des Evangiles,] liv. V, chap. XXIII du premier tome); ils furent sciés, lapidés, tués par le tranchant du glaive: Isaïe fut scié, Jérémie lapidé, Ezéchiel massacré à Babylone par le juge du peuple d'Israël, Amos le fut par le prêtre Amasias, etc..

  A008002241 

 [2.] Remarquez que les agriculteurs auxquels est louée la vigne ne changent pas, mais demeurent les mêmes jusqu'à la fin; ils sont les mêmes, non en personne sans doute, mais par la succession: succession ecclésiastique.

  A008002278 

 La charité et la bonté, qui s'expriment par voie d'amour, sont attribuées à l'Esprit-Saint, et pour ce motif le péché de malice est un péché contre le Saint-Esprit..

  A008002278 

 Par ressemblance.] La puissance, en tant que vertu de principe, s'attribue au Père; c'est pour cela qu'un péché de faiblesse est appelé péché contre le Père.

  A008002279 

 Par opposition à ce qui arrive dans la condition humaine.

  A008002280 

 Saint Paul aux Corinthiens: Mais je crains que de même que le serpent séduisit Eve par ses artifices, ainsi vos esprits se corrompent, et dégénèrent de la simplicité qui est dans le Christ... Le serpent m'a trompée, et j'ai mangé.

  A008002281 

 La chute d'Adam commença par une vaine complaisance en cette promesse: Vous serez comme des dieux; puis, de ce sentiment procéda un amour déréglé; en troisième lieu, il consentit à manger..

  A008002281 

 Par orgueil, elle se complut en cette parole: Vous serez comme des dieux; ensuite, elle crut qu'elle ne mourrait pas, et que la menace de Dieu ne devait pas être entendue à la lettre, comme elle l'avait tout d'abord comprise, et alors elle se décida à manger du fruit.

  A008002282 

 Averti par Dieu, il ne tint nul compte de l'avertissement, mais 1.

  A008002283 

 Par faiblesse, étant agité par la concupiscence relativement à Bersabée.

  A008002283 

 Par malice enfin, en voulant enivrer Urie et le faisant tuer..

  A008002283 

 par ignorance, dans le dénombrement de son peuple.

  A008002284 

 La Samaritaine, par ignorance; Madeleine, par faiblesse; Saphira et la femme adultère, par malice..

  A008002284 

 Saint Paul pécha par ignorance: C'est pourquoi j'ai obtenu miséricorde parce que j'ai agi par ignorance; saint Pierre pécha par faiblesse; Judas, par malice.

  A008002286 

 Mais entre tous les péchés contre l'Esprit-Saint, le Sauveur, dans l'Evangile, désigne particulièrement le péché de blasphème, par lequel on attribue au diable les œuvres de l'Esprit-Saint.

  A008002286 

 Ne pouvant nier les miracles, ceux du moins qui nous sont racontés par les plus sérieux auteurs, comme serait saint Augustin, ils prétendent que ces prodiges sont des stratagèmes du démon..

  A008002287 

 Or, le Christ appelle ce péché irrémissible parce qu'il ne peut être remis que par un miracle.

  A008002314 

 Il est dans l'Ecriture deux vérités que Dieu veut surtout nous inculquer et qu'il nous enseigna toujours dans l'Eglise: la première est que si nous nous perdons, c'est par notre faute; la seconde, que nous ne devons notre salut qu'à Dieu.

  A008002318 

 Donc: Vous m'appliquerez sans doute, etc. Parler ensuite des deux histoires [mentionnées par Jésus]: ces veuves d'Israël n'auraient pas reçu Elie; ces lépreux n'auraient pas obéi, ne seraient pas venus vers Elisée.

  A008002352 

 La cause matérielle, [ou la matière de la correction fraternelle,] c'est le péché mortel, car c'est par ce péché seulement que notre frère se perd: le médecin ne donne pas de remède pour le moindre malaise, pour la piqûre d'un moucheron.

  A008002355 

 Mes frères, si un homme est tombé par surprise en quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, chacun de vous se considérant soi-même, de peur qu'il ne soit aussi tenté.

  A008002357 

 David apaisait l'esprit de Saül par le son de la harpe.

  A008002377 

 Deinde, in Epistola Judas fit mentio prophetiæ Enoch, ubi Gebennenses notant: «Cette prophetie d'Henoc n'est point en la Bible, ains a este baillee de main a main par les peres aux enfans, comme plusieurs autres choses.».

  A008002387 

 Il montre donc par là qu'il est des traditions qui sont bonnes et ne sont nullement contraires à la Parole de Dieu.

  A008002388 

 C'est pour cela qu'il a appelé sa doctrine non Eugraphie mais Evangile, et qu'il a commandé de la transmettre surtout par la prédication; car il n'a jamais dit; Ecrivez l'Evangile à toute créature, mais il a dit: Prêchez..

  A008002389 

 Ainsi encore saint Paul: Gardez les Traditions que vous avez apprises soit par nos discours, soit par notre Epître.

  A008002389 

 De là cet ordre du Père: Ecoutez-le ); et aussi son Apôtre: La foi vient par l'ouïe, et l'ouïe par la parole de Dieu.

  A008002389 

 Par conséquent la foi provient non de la lecture, mais de l'audition.

  A008002389 

 Tous les mots sont énergiques: combattre vigoureusement, s'évertuer, non seulement combattre, mais combattre avec vigueur et vaillamment, faire plus que combattre; [ transmise ] une fois, pas deux; pour la foi toujours absolument la même, transmise par la Tradition, par la Tradition..

  A008002390 

 Ainsi donc, d'après les paroles de saint Paul, toute la doctrine se divise en deux parties: Soit par nos discours, soit par notre Epître; car la partie de la doctrine la meilleure et la plus nécessaire, est après tout la partie écrite, personne n'en doute.

  A008002393 

 Ainsi, par exemple, l'Apôtre a écrit une Epître aux Laodicéens (il le dit aux Colossiens), et on la fait circuler.

  A008002428 

 J'ai limité mon sujet à la doctrine chrétienne et j'ai montré qu'au début elle avait été transmise par la Tradition, non par l'Ecriture; et bien que dans la suite elle ait été écrite, elle ne l'a pas été en entier.

  A008002428 

 Nous sommes contraints à faire cet aveu par le fait même, [1.] que nous possédons les Ecritures; car sans la Tradition, nous ne saurions pas que nous avons les Ecritures..

  A008002429 

 Que nous en avons tel nombre; car comment savons-nous que l'Epître aux Laodicéens et les Epîtres à Sénèque ne sont pas de vraies Epîtres de saint Paul, sinon par la Tradition? Et puis, ces mots de l'Apôtre lui-même [au sujet de Melchisédech]: De qui nous avons de grandes choses à dire, et difficiles à expliquer.

  A008002430 

 Si, par la Tradition, on n'eût allégué l'autorité des Pères et des Apôtres, sans doute les Ariens fussent restés mille ans dans leur erreur obstinée.

  A008002431 

 L'Apôtre ne dit-il pas, en effet: Quant aux autres choses, lorsque je serai venu je les réglerai? Il avait pourtant réglé bien des choses par écrit..

  A008002432 

 Par exemple, la translation du Sabbat au Dimanche, le jour de la Pâque, le Carême, la permission après un certain temps, d'user du sang des animaux et des chairs de l'animal étouffé.

  A008002433 

 La loi très ancienne sur le célibat des prêtres motivée par mille causes..

  A008002434 

 Pour établir la différence entre les diverses traditions ecclésiastiques que nous devons néanmoins toutes respecter, mais dans la mesure indiquée par l'Eglise..

  A008002437 

 La Tradition l'emporte [sur l'Ecriture] en ce qu'elle ne peut être falsifiée par les hérétiques.

  A008002462 

 En effet, il était déjà ordonné dans l'Exode de retrancher du peuple tout violateur du Sabbat; Moïse et Aaron ne savaient toutefois quelle peine infliger à cet homme qui [330] ramassait du bois, soit que cette violation de la Loi leur parût légère, soit qu'ils ne sussent de quel genre de mort la punir.

  A008002462 

 Plus terrible encore est le châtiment relaté au chap. n° du IV e Livre des Rois: Elisée se rendait de Jéricho à Béthel; quarante-deux enfants furent dévorés par les ours, en punition de ce qu'ils s'étaient moqués du Prophète en l'appelant chauve.

  A008002497 

 Parler ensuite de la question posée par les disciples et que saint Chrysostôme appelle avec raison, grossière et indiscrète.

  A008002505 

 Bien plus, n'eût-il pas été aveugle, que le Christ, par ses remèdes, l'eût rendu aveugle pour le moment.

  A008002508 

 J'ai noté de plus la gradation suivie par le Christ: il vit d'abord l'aveugle, comme le soleil voit la terre en agissant sur elle; lui couvrit les yeux de boue, c'est-à-dire, lui fit connaître sa misère; [puis lui adressa ces paroles:] Va à la piscine de Siloé, nom qui signifie mission.

  A008002509 

 Ce mendiant est guéri par le médecin, parce que le médecin aime les mendiants; pour nous, bien que nous soyons aveugles, comme nous ne mendions pas, nous ne sommes pas guéris par le Médecin céleste qui comble de biens les affamés et renvoie les riches les mains vides.

  A008002539 

 Il a été enlevé, de peur que son esprit ne fût corrompu par la malice, ou que l'illusion ne déçût son âme.

  A008002539 

 Vous avez entendu hier les disciples demander: Maître, qui a péché, celui-ci ou ses parents? Question qui est évidemment grossière et impertinente, car comment un enfant aurait-il pu, avant de naître, commettre un [340] péché en punition duquel il naîtrait aveugle? Mais au sujet du jeune homme de Naïm, on pouvait soulever la question: Qui a péché, celui-ci ou sa mère, pour qu'il soit mort si prématurément? C'est une opinion commune parmi les hommes [que la mort prématurée est une punition du péché]: ainsi le croyaient, par exemple, la femme de Tobie; Job, qui dit pourtant: Je n'ai point péché; Marthe: Seigneur, si vous eussiez été ici, [etc.] Néanmoins, c'est quelquefois même par bonté que Dieu retire les hommes de ce monde: Ayant plu à Dieu, il est devenu son bien-aimé, et Dieu l'a transféré d'entre les pécheurs parmi lesquels il vivait.

  A008002546 

 Il ne l'affirme pas d'une manière absolue; par qui serait-il [341] cru? mais il assure que ce ne sera pas d'un jour à l'autre.

  A008002563 

 En fin, il fit tant par ses journees, quil se perclit, si Dieu n'eut pitie de luy; dequoy on est incertain..

  A008002580 

 aggravation par serments; 7.

  A008002580 

 commis par celui qui devait le moins le commettre: qui avait reçu d'innombrables bienfaits (sujet d'une plus noire ingratitude), et qui avait promis nominativement de demeurer constamment fidèle.

  A008002580 

 le jour même de la Communion et de la complète purification par le lavement des pieds: Vous êtes purs, mais non pas tous [343] (voir saint Jean, XIII, à ces paroles); 3.

  A008002581 

 Ou bien par un mouvement soudain de concupiscence; c'est le cas de Judas à l'égard de Thamar, car saint Augustin, liv. XXII contre Fauste, chap. LXIV, croit que Judas et Thamar ont péché, aussi bien que Moïse (voir chap. LXX).

  A008002581 

 Par une chute subite: sous le coup de la colère, par exemple, comme il est arrivé peut-être à Moïse lorsqu'il tua l'Egyptien (si toutefois il a péché).

  A008002582 

 L'insensé est inconstant: Un roseau agité par le vent; aussi dans l'hébreu, au lieu d' insensé on trouve inconstant (voir Pinéda, liv.VII, chap. I des [345] Préliminaires de l'Histoire de Salomon ); tantôt il veut, tantôt il ne veut pas: Le paresseux veut et ne veut pas. Ou bien, l'insensé change peu à peu comme la lune; il descend graduellement, et non par une chute soudaine; il en est ainsi souvent de la santé lorsqu'on méprise les moindres périls..

  A008002582 

 Pour l'ordinaire, l'homme descend par degrés dans le péché.

  A008002586 

 il advint que David se leva de son lit après midi, de son lit où il dormait par paresse; 3.

  A008002589 

 Or, comment tomba Pierre? Premièrement, par une trop grande confiance [347] en lui-même, [1.] Le Seigneur avait dit: Où je vais, vous ne pouvez venir.

  A008002591 

 Seigneur, par votre puissance vous avez affermi mon état florissant.

  A008002593 

 Le troisième degré c'est une bravoure factice, produite par un mouvement de colère.

  A008002596 

 Comparaison donnée par saint Basile, du chien qui aboie et auquel tous les autres répondent.

  A008002625 

 Voilà donc Pierre, s'estimant le plus intrépide de tous, immédiatement ébranlé par la seule parole d'une servante; il renie, il craint.

  A008002626 

 Ce fut donc par témérité que Pierre entra sans armes dans le vestibule et dans la cour; car ces lieux sont dangereux et pestilentiels.

  A008002627 

 Alors les yeux sont obscurcis par la frayeur.

  A008002628 

 Le matin venu, [ les Anges ] le pressaient: Lève-toi, etc. Comme il différait, etc.; si vous ne prenez les gens par la main, vous ne ferez rien..

  A008002631 

 Néanmoins il n'a pas eu des passions, mais seulement des propassions; il est donc plus convenable de les réfuter par l'exemple des hommes les plus saints, de Pierre surtout qui était juste, et qui cependant, après la Communion, le lavement des pieds, etc., est troublé par la crainte.

  A008002631 

 Voir Rossignoli, liv. II, chap. XXVII. Saint Jérôme, dans son épître à Ctésiphon, et saint Augustin (liv. XIV de la Cité [ de Dieu ], chap. IX) les réfutent par l'exemple du Christ qui semble avoir eu des passions.

  A008002632 

 Qui, en effet, était plus affermi que Pierre, soutenu par l'Eucharistie et par tant d'avertissements du Christ? Néanmoins il tomba.

  A008002633 

 Les péchés sont boue et fumier, mais par le repentir et la confession ils se transforment en roses et en lis..

  A008002633 

 Parce que la gloire de Dieu éclate davantage par le repentir des pécheurs: Plus grande est la joie, etc.; or, les Saints ne se réjouissent que de la plus grande gloire de Dieu.

  A008002634 

 Mes frères, si un homme est tombé par surprise dans quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, chacun de vous se considérant soi-même, de peur qu'il ne soit aussi tenté.

  A008002634 

 Pierre, dit-il, était un peu dur et sévère; le Christ a donc permis sa faute afin qu'il apprît l'obéissance par ce qu'il souffrirait et pour [356] qu'il devint indulgent envers les pécheurs.

  A008002683 

 Cette grâce prévenante est désignée par d'innombrables noms dans les Ecritures.

  A008002684 

 Quelle est la flèche? Le Christ lui-même, lorsqu'il entre dans le cœur par l'amour..

  A008002686 

 Elle est appelée inspiration: Il inspira sur son visage un souffle de vie; car le pécheur est mort, mais il revit par la grâce qui le prévient..

  A008002687 

 Il est admirable de voir combien sont multipliés les moyens par lesquels [Dieu] blesse les cœurs, combien sont nombreux les sentiers dans lesquels il décoche ses flèches! Marie Egyptienne vit l'image de la Vierge, et [361] cette image la frappa comme une prédication muette.

  A008002687 

 Un certain personnage fut converti par ces paroles: La pourriture sera ta couche et les vers seront ta couverture. Un autre, par ces mots: Il vit les cieux ouverts.

  A008002688 

 Par cette grâce prévenante, la volonté est donc mise en action: Il donnera le vouloir et le faire; il opère en nous le vouloir.

  A008002688 

 Voilà Elie qui s'étend par trois fois sur l'enfant.

  A008002689 

 il faut pleurer par la contrition; 3.

  A008002717 

 L'enfant prodigue, rentrant en lui-même par la grâce excitante, se dit: Combien de mercenaires, dans la maison de mon père, ont du fain en abondance, et moi! [etc.] Je me lèverai.

  A008002718 

 Cette grâce coopérante comprend les trois services rendus à Tobie par Raphaël: elle dirige directement ou indirectement, au dedans et au dehors (et remarquez, si vous négligez la direction extérieure, c'est-à-dire celle qui provient de l'homme, vous obtiendrez difficilement l'intérieure; écoutez le [366] coq et le Seigneur vous regardera); elle protège et défend contre le mal, contre le poisson; elle soutient, comme Raphaël qui fournit encore des aliments.

  A008002718 

 De même pour saint Paul: Va trouver Ananie, c'est la direction; celui-ci lui donne l'esprit qui le dirige et fait tomber les écailles de ses yeux; ensuite, il chasse le péché par le Baptême; troisièmement, Paul mange..

  A008002719 

 La persévérance proprement dite est celle par laquelle nous persévérons longtemps, et dans ce cas, le don de la persévérance n'est autre chose qu'une série de grâces qui dirigent, protègent et portent secours..

  A008002720 

 Voici la première: Si par nous-mêmes nous ne pouvons rien, celui qui est condamné l'est parce que Dieu ne l'a pas aidé? Voici que je meurs de soif.

  A008002721 

 C'est la partie inférieure de l'âme qui faisait pleurer les filles de Jérusalem, aussi le Seigneur leur dit-il: Ne pleurez pas sur moi, par la partie inférieure.

  A008002753 

 DIX JOURS APRÈS LA RESTITUTION DE LA VILLE DE VERCEIL AU SÉRÉNISSIME DUC DE SAVOIE PAR LES ESPAGNOLS.

  A008002754 

 ET LA RATIFICATION DU TRAITÉ DE PAIX, AINSI AFFERMI PAR L'EXÉCUTION DES ARTICLES.

  A008002760 

 Cependant, entre tous ses mérites, celui-ci est principalement remarquable: jamais il ne fut agité par le vent de l'orgueil.

  A008002760 

 Mais de même qu'Alexandre ne voulait être peint que par le pinceau d'Apelles, je crains bien que Jean ne veuille être loùé que par la voix du Christ.

  A008002760 

 Un roseau agité par le vent.

  A008002763 

 Voir la Chaîne [372] des trois Pères grecs, citée par Ghisler, [ Commentaire sur le Cantique,] chap. II, appendice au commentaire sur les versets 8, 9..

  A008002764 

 L'objet de la mission de saint Jean est donc la rémission des péchés: Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, avec lesquelles le soleil levant nous a visités d'en haut.

  A008002764 

 Or, il enseigna cette science, premièrement, par la parole: Faites pénitence, car le Royaume des cieux approche; secondement, par les œuvres: [ Vêtement ] de poils de chameau, contrition du passé; ceinture de cuir, bon propos pour l'avenir.

  A008002765 

 C'est pourquoi le Temple [de Jérusalem] fut bâti par Salomon; Salomon et Sulamite signifient pacifique.

  A008002766 

 Toutefois, la guerre est permise à cause de la malice des hommes: on peut repousser la force par la force.

  A008002817 

 Or nous savons que, etc. Car ceux qu'il a connus par sa prescience, il les a aussi prédestinés pour être conformes a l'image de son Fils, afin qu'il fût lui-même le premier-né entre beaucoup de frères.

  A008002844 

 Grande tentation [de Jean]; comme celle de l'ange, elle éveille une correspondance dans l'intime de l'amour-propre; c'est pourquoi l'ange, sans être attaqué extérieurement par la tentation, etc. Celle qu'il soutient est plus forte que la tentation de nos premiers parents... Oh! si elle nous était offerte, que ferions-nous? [Les envoyés de la Synagogue] étaient pjêts à croire tout ce qu'il dirait..

  A008002900 

 Ayant été fait d'autant supérieur aux Anges, que le nom qu'il a repu en partage est bien différent du leur; car auquel des Anges a-t-il jamais dit? [etc.] Qu'il a constitué héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles.

  A008002902 

 La suite prouve en faveur de la révérence passive: Et même, quoiqu'il fût le Fils de Dieu, il a appris l'obéissance par ce qu'il a souffert.

  A008002935 

 La femme forte a travaillé par le conseil de ses mains.

  A008002935 

 «Antoine, cherches-tu à plaire à Dieu? prie et travaille.» Le Seigneur Dieu prit donc l'homme et le plaça dans le paradis pour le cultiver et le garder; d'après [une des interprétations proposées par] saint Augustin, c'était pour «garder l'homme.» La paresse est la source de tous les péchés.

  A008002938 

 C'est par la foi que Moïse devenu grand, nia d'être fils de la fille de Pharaon, préférant être affligé avec le peuple de Dieu plutôt que de goûter pour un temps le plaisir du péché, estimant l'opprobre du Christ une richesse plus grande que le trésor des Egyptiens, parce qu'il envisageait la récompense.

  A008002959 

 Saint Chrysostôme, sur saint Matthieu: Les chameaux difformes figurent les âmes des Gentils; le Fils de Dieu est l' aiguille dont la pointe est la Divinité, la partie plus épaisse, l'humanité; et c'est par l'ouverture de sa Passion que nous entrons.

  A008002961 

 Les deux hypothèses sont impossibles; mais la première serait plus facilement réalisée par Dieu à qui les créatures irraisonnables ne font nulle résistance; la seconde plus difficilement, car, par son libre arbitre, l'homme lui résiste.

  A008002963 

 Saint Jérôme, sur Isaïe, LX: Tu seras inondé par une multitude de chameaux et par les dromadaires de Madian et d'Epha.

  A008002966 

 Triple pauvreté: par profession, par pratique, par affection.

  A008002990 

 Je le choisis pour mon sujet [397] parce qu'il est le premier, parce qu'il a été prononcé par l'aïeul de saint Joseph, mais surtout parce qu'il fournit matière abondante pour un discours sur le mariage très sacré de Joseph avec la Bienheureuse Vierge et la très sainte humilité sous laquelle il a caché ses vertus et ses magnifiques privilèges: tels seront les deux points de ce sermon.

  A008002990 

 Mais pour que je parle avec profit de votre Père, je m'adresse, Seigneur, à votre piété filiale: «Nous vous en supplions, Seigneur, que les mérites de l'Epoux de votre sainte Mère nous soient en aide, et que les grâces que nous ne pouvons obtenir par nous-mêmes nous soient accordées par son intercession;» et à vous, ô Vierge, je dis, Ave Maria, etc..

  A008002993 

 Or, on dit, apres la revolution de plusieurs siecles il devient si charge des infirmites de sa viellesse en sorte qu'a peine peut il voler, et sa vie alhors luy semble tellement mortelle qu'il ne peut pas mesme esperer de vivre que par la mort; de sorte quil assemble et, etc., et se fait un bucher, etc. Or, apres il vole, il vit gay et joyeux, et avec une jeunesse toute vitale il passe un'autre nouvelle suite de siecles, etc. Telle est la narration des Anciens, non seulement prophanes mais aussi chrestiens; de saint Basile, saint Ambroyse et cent autres.

  A008002996 

 Mais, bien que 1'authorite de ce grand personnage merite beaucoup d'honneur en ce quil a dit de bon sens, si est ce neanmoins quil nous faut attacher a la version ordinaire canonizee par la sainte Eglise, laquelle est justificata in semetipsa.

  A008002998 

 C'est pourquoy j'ay jette les yeux sur des merveilleuses et rares conditions de cet arbre, qui conviennent, par rapport et similitude, tres singulierement a saint Joseph..

  A008002999 

 Cum esset desponsata Mater Jesu Maria Joseph, antequam convenirent, etc. Non, le palmier ne faeconde pas la palme, c'est le soleil qui la faeconde; mais la nature a volu observer cette ceremonie, peut estre seulement pour nous acheminer par cette similitude a ce que nous disons maintenant.

  A008003024 

 Marie, par un parfait renoncement aux choses temporelles et à la prudence de la chair, laisse Marthe servir; car elle est tout absorbée par la contemplation et la confiance en Dieu.

  A008003053 

 «Instruits par vos préceptes salutaires, et formés à votre école divine.».

  A008003055 

 C'est ainsi que les anciens princes fondaient, que les hommes pieux fondent encore des monastères où toujours on prie, et où, avec ceux qui prient, eux-mêmes prient toujours; de même Saul agissait par les mains de ceux qui lapidaient, etc. [407].

  A008003055 

 L'abbé Lucius, dans les Vies des Pères, cité par Corneille, dans son Commentaire sur la [ I re ] Epître aux Thessaloniciens, folio 697.

  A008003057 

 Ne savez-vous pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? Nous demandons bien aux Saints, mais non d'une manière absolue, nous demandons qu'ils appuient nos prières par les leurs.

  A008003058 

 Aussi dès l'origine, l'Eglise commence et finit-elle toutes ses prières par le signe de la Croix.

  A008003058 

 Vous n'avez pas reçu l'esprit [408] de servitude qui vous retienne encore dans la crainte; mais vous avez reçu l'esprit des enfants, par lequel nous crions: Aida, Père.

  A008003074 

 Quae vero dicuntur in Osaea, in Genesi, ad Ro. et alibi, constat apertissime, si omnia inter se conferantur ut par est, intelligi de populis Israeliticis et Idumaeis, non de personis.

  A008003080 

 Ht, bien qu'il soit venu dans le troisième âge, on dit qu'il est venu promptement et aussitôt, peut-être par comparaison avec la durée de l'éternité, pendant laquelle aurait pu se prolonger notre attente..

  A008003081 

 Effectivement, tout en se mettant à notre portée par des similitudes et des paraboles, elle s'éleve, du reste, à de sublimes et difficiles mystères..

  A008003084 

 Les premières paroles concernant la chute du genre humain ont été dites à la femme; les premières concernant la réparation furent dites à Marie, celles du moins que rapportent les Evangélistes; mais il faut en croire autant de celles prononcées par Jésus-Christ, puisque sa Mère a contribué à lui faire acquérir la science expérimentale ou exercitative..

  A008003087 

 Ces mots: L'aîné servira le plus jeune, comme l'observe avec raison saint Augustin, ne peuvent s'appliquer aux personnes que moralement, comme par exemple lorsque Esaii a servi Jacob en le persécutant.

  A008003090 

 Dans ceste pensee je dis: O mon Dieu, quelle [414] consolation et jubilation de cœur doivent avoir les Chrestiens, considerant l'exaltation de la sainte Croix, laquelle ayant esté terrassee et abbatue par les infidelles, fut relevee et redressee par ce genereux cappitaine Heradius! Certes, nostre joye doit estre d'autant plus grande, qu'en cest ancien Temple il n'y fut jamais offert que des veaux, des boucs, des aigneaux, etc.; mays sur la Croix et en la Croix, le Filz eternel de Dieu s'est offert et immolé..

  A008003092 

 Et ainsy la tressainte Croix a esté exaltee troys fois: la premiere sous Nostre Seigneur Jesus Christ, la seconde sous Constantin par la devote sainte Heleine, et la troysiesme sous Heraclius.

  A008003093 

 Bienheureuse est l'ame qui void ainsy par tout Jesus Christ crucifié..

  A008003093 

 Ja n'advienne que je me glorifie en quelque autre chose qu'en la croix de mon Jesus: et ne croyes pas, mes chers Galates, que j'aye d'autre vie que celle de la croix; [415] car je vous asseure que je voy et sens tellement par tout la croix de mon Sauveur, que par sa grace je suis du tout crucifié au monde, et le monde m'est crucifié.

  A008003096 

 D'où le Chrestien doit inferer que ce n'est pas asses d'honnorer la Croix, s'il ne l'ayme; de la bayser, s'il ne l'embrasse par une cordiale et ferme resolution, non seulement d'aymer le Crucifix, mais encores la crucifixion de cœur..

  A008003096 

 Or, pour la preuve de nostre foy, il ne se faut pas contenter de bayser la Croix, mais il faut aymer la Croix; car la bayser sans l'aymer, c'est augmenter le crime de nostre infidelité, et attirer sur nous les punitions de ce peuple duquel Jesus Christ disoit: Ces gens icy m'honnorent des levres, ilz me donnent des baysers hypocritiques et des feintes louanges; mais leur cœur est fort esloignè de moy, et par consequent leurs œuvres sont fort esloignees de mes intentions.

  A008003097 

 Ceste croix de pasteur est la premiere que Jesus a portee; je le prouverais facilement par sa creche, par ses courses, par ses lassitudes et sueurs proche du puitz de la Samaritaine, et par son charitable soin pour ceux mesme qui le tourmentoyent..

  A008003098 

 Aux Religieuses et autres gens d'Eglise, je presente la croix de la solitude, du celibat et de l'abnegation du monde; croix sainte, qui a vrayement touché celle de Nostre Seigneur; croix pretieuse portee par la Vierge des vierges, Nostre Dame, qui apres son adorable Filz a esté la plus sainte, la plus innocente et la plus entierement crucifiee de toutes les ames amantes de la tres sainte Croix..

  A008003099 

 A Messieurs de la noblesse, je donne la croix de la modestie, le bon usage du tems par des occupations d'esprit bonnes et saintes, autant relevees par dessus les œuvres manuelles des roturiers, que leur condition leur donne de preeminence, et leur naissance d'advantage sur les autres.

  A008003101 

 A ceux du tiers estat, j'offre la croix de l'humilité, du travail et labeur de leurs mains, croix que Dieu a attachee a leur naissance, mais sanctifiee par l'usage que Jesus Christ a fait du mestier de charpenterie; et il fait [417] dire de soy mesme par son Prophete: Je suis dans le labeur et dans le travail des ma jeunesse.

  A008003104 

 Il y a si grand nombre de croix pour les personnes mariees et chargées de famille qu'il n'est pas besoin de leur en destiner de particulieres; neanmoins, celle que je leur presente plus volontier c'est le support mutuel, l'amitié fidelle et non interrompue par des amours estrangers, et le soin de l'eslevation des enfans; en donnant bon exemple a toute la famille, ne se pas rendre criminel des crimes d'autruy..

  A008003105 

 Si elles sont vrayes vefves leur cœur, leur amour et leur playsir doivent estre attachés a la Croix de Jesus Christ, par l'abnegation des passetems du monde et par la meditation de la mort, puisque leur chere moitié est des-ja pourrissante au tombeau..

  A008003107 

 Certes, les travaux, les injures, les tribulations que nous recevons sont des croix de vray larron, et nous les avons bien meritees, et nous devons humblement dire comme ce bienheureux larron: Nous recevons dans nos souffrances ce que nous avons merité par nos offences.

  A008003107 

 Et par ceste humilité, nous rendrons nostre croix de larron, une croix de vray Chrestien.

  A008003107 

 Mais les impies, les ames mal faites sont, contre leur gré, et en despit qu'elles en ayent, attachées a la croix et aux tribulations, et par leur impatience elles se rendent leurs croix fatales; elles ont des sentimens d'estime d'elles mesmes, approchant ceux du mauvais larron; elles unissent par ce moyen leur croix a celle de ce meschant, et aussi infalliblement leurs salaires seront esgaux.

  A008003107 

 Unissons donq, comme le bon larron, nostre croix de pecheur a la Croix de Celuy qui nous a sauvé par sa Croix; et par ceste amoureuse et devote union de nos souffrances aux souffrances et Croix de Jesus Christ, nous entrerons, comme des bons larrons, dans son amitié, et a sa suite, dans son Paradis..

  A008003120 

 C'est ainsi que Jésus-Christ voulant employer les Apôtres comme une terre où le grain de l'Evangile porterait du fruit au centuple, comme des pierres qui serviraient de fondement à l'édifice de [421] son Eglise, comme des clefs qui ouvriraient le Royaume des cieux, comme des coupes bien ciselées dans lesquelles le vin de la divine parole devait être bu, commença par leur reprocher leur incrédulité..

  A008003121 

 Il leur avait dit: Si peccaverit in te frater tuus, vade et corripe eum; Si votre frère pèche contre vous, reprenez-le. Il pratique cette ordonnance par le reproche qu'il leur fait.

  A008003128 

 Ce Disciple bien-aimé, cet aigle du Nouveau Testament, dans son extase mystérieuse, a connu les merveilles de la Jérusalem céleste; il a vu le trône de Dieu resplendissant de gloire, et l'Agneau debout comme immolé; il a entendu les Anges et les Saints faire retentir, autour du trône et en présence de l'Agneau, les divers concerts qui commencent et finissent par le sublime transport de l' Alléluia.

  A008003130 

 Mais pourquoi l'Eglise nous fait-elle, dès maintenant, entonner les célestes concerts de la vie bienheureuse? Quoi! l'hymne de la fortunée patrie peut-il être sur les lèvres des tristes exilés qui gémissent dans la vallée de larmes! Assis sur les bords des fleuves de Babylone, pouvons-nous chanter le cantique du Seigneur dans une terre étrangère? Oui, sans doute, puisque par la foi nous habitons déjà les Cieux: Conversatio nostra in Cœlis est.

  A008003131 

 A cette vue, tous les Bienheureux célèbrent, dans l'ivresse de leur joie, l'Agneau qui les a rachetés par son sang précieux: Occisus es, et redemisti nos Deo in sanguine tuo..

  A008003133 

 Ces plaies sont les sources d'eau vive que l'amour du Sauveur nous a creusées clans son propre corps, et dont il a été écrit par Isaïe que nous y puiserons avec joie les grâces les plus abondantes: Haurietis aquas in gaudio de fontibus Salvatoris.

  A008003142 

 Mais en même temps, dit toujours saint Bonaventure, «la bienheureuse Passion de notre Sauveur doit exciter dans un cœur chrétien la plus sainte allégresse et le [427] ravissement de la joie la plus vive: In hac beatissima Passione datur nobilissimi gaudii materia et vehemens exsultatio.» «Eh! qui pourrait ne pas être transporté de joie en se voyant, par l'heureux effet des plaies de Jésus, arraché à la damnation éternelle, à l'esclavage du péché, à la tyrannie du démon! Quis non exsultet et gaudeat, cum cernit seipsum per hanc beatissimam Passionem liberatum a damnatione aeterna, a culpae ignominia, a potestate diabolica!» «Quelles bornes pourrions-nous donner aux transports de notre allégresse, quand nous considérons qu'un Dieu nous a aimés jusqu'à se réduire pour nous à tant d'humiliations et de souffrances! Sed quis non exsultet in immensum, cum cernit Deum ipsum in tantum diligere ut tantae vilitati et pœnalitati subjecerit semetipsum pro eo!».

  A008003144 

 «Quel est le grand de la terre qui n'éprouverait pas la joie la plus vive, s'il était aimé du roi à un tel point que ce monarque fût prêt à donner sa vie pour lui! A combien plus forte raison, nous qui sommes des hommes si méprisables, de si infâmes esclaves, des pécheurs si abominables, devons-nous tressaillir de joie en voyant le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, notre Créateur et notre Dieu, Jésus, nous aimer jusqu'à s'immoler lui-même pour nous par la mort la plus ignominieuse et la plus cruelle! Quis princeps in regno cernens se tantum a rege diligi ut paratus esset mori pro ipso, non gauderet et exsultaret! Quanto magis nos vilissimi homines, et nefandissimi peccatores et servi, gaudere debemus et exsultare, cum videmus Regem regum et [428] Dominum dominantium et Creatorem nostrum Jesum nos ita continue diligere, ut immolaverit seipsum pro nobis in tam turpi et vilissima morte!».

  A008003153 

 Ces eaux sont les grâces que Jésus-Christ nous a méritées par son sang précieux.

  A008003153 

 Nous apprenons de l'Apôtre saint Paul que Jésus-Christ était figuré par la pierre salutaire, le rocher mystérieux d'où Moïse fit couler des eaux abondantes pour désaltérer le peuple d'Israël: Bibebant autem de spiritali consequente eos petra; petra autem erat Christus.

  A008003153 

 « Les trous de la pierre » par lesquels coulent ces eaux divines sont, dit saint Bernard, «les plaies sacrées du Sauveur: Foramina petrae, vulnera Christi.» Allons puiser avec confiance dans ces sources de bénédiction; nous y trouverons une eau vive que Jésus nous a préparée pour nous fortifier contre tous les dangers, et pour former au dedans de nous une fontaine dont l'eau rejaillisse jusqu'à la vie éternelle: Aqua quam ego dabo ei, fiet in eo fons aquae salientis in vitam aeternam..

  A008003154 

 Or, qu'est-ce qu'habiter dans les plaies de Jésus? C'est, dit saint Bernard, avoir une dévotion tendre pour les plaies sacrées du Sauveur, s'élancer vers elles par les affections d'un cœur brûlant d'amour, y tenir l'âme comme collée par une méditation continuelle: « Columba mea in foraminibus petrœ, quod in Christi vulneribus tota devotione versetur, et jugi meditatione demoretur in illis.».

  A008003156 

 Avec quelle allégresse il contemple son sang qui coule à gros bouillons! Il triomphe, il ne peut contenir les transports de sa joie: Stat martyr tripudians et triumphans, toto licet lacero corpore et rimante latera ferro; non modo fortiter, secl et alacriter sacrum e carne sua circumspicit ebullire cruorem.» «Est-ce donc qu'il ne sent pas la douleur? il la sent, et vivement; mais il la surmonte, mais il la méprise: Nec deest dolor, secl superatur, sed contemnitur.» «Où est donc alors son âme? Ah! elle est dans le lieu sûr, elle est dans la pierre, elle est dans les entrailles de Jésus, elle habite dans ses plaies sacrées: Ubi ergo tune anima martyris? nempe in tuto, nempe in petra, nempe in visceribus Jesu, vulneribus nimirum patentibus ad introeundum.» Là elle s'anime par l'exemple de son Bien-Aimé; là elle renouvelle continuellement sa vigueur; là elle puise la force de boire le calice du Seigneur; là elle s'enivre des délices qui sont cachées dans les souffrances: «Ergo ex petra martyris fortitudo, inde plane potens ad bibendum calicem Domini; et calix hic inebrians quam prœclarus est!».

  A008003157 

 Je m'armerai de la Croix, je mettrai en fuite tous mes adversaires, et triomphant de leurs vains efforts, je bénirai sans cesse mon Sauveur par l' Alleluia de la victoire.

  A008003158 

 Quelle plus grande miséricorde en effet que de donner sa vie pour d'infâmes criminels condamnés au supplice! «In quo enim clarius quam in vulneribus tuis eluxisset, quod tu, Domine, suavis et mitis, et multœ misericordiœ? Majorem enim miserationem nemo habet quam ut animam suam ponat quis pro addictis morti et damnationi.» Par la large ouverture que la lance fit au côté de mon bon Maître, [432] je pénètre jusqu'à son cœur; là je me repose dans les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, et j'y prends abondamment tout ce qui me manque pour payer ce que je dois à sa justice: «Ego fidenter quod ex me mihi deest, usurpo mihi ex visceribus Domini, quoniam misericordiae affluunt.».

  A008003158 

 Quelquefois la pensée des jugements de Dieu jette l'alarme dans ma conscience; je me sens effrayé par la multitude et l'énormité de tant de péchés que j'ai autrefois commis; mais aussitôt, pour me rassurer, je me jette dans les blessures du Seigneur, car je sais qu' il a été blessé pour nos iniquités: «Peccavi peccatum grande, turbatur conscientia, sed non perturbabitur, quoniam vulnerum Domini recordabor; nempe vulneratus est propter iniquitates nostras.» Là je lis écrit de son sang le mystère de son amour, j'adore le témoignage précieux de son immense miséricorde.

  A008003164 

 Habitant de cette cité divine, je boirai à longs traits dans les fontaines de mon Sauveur, je collerai mes lèvres sur le sang qui en découle, je m'enivrerai de cette liqueur précieuse, et dans ma sainte ivresse j'irai chantant par les rues de Jérusalem l' Alleluia de l'amour: Et per vicos ejus Alleluia cantabitur..


09-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IX-Vol.3-Sermons.html
  A009000012 

 Sermons recueillis par les Religieuses de la Visitation.

  A009000068 

 C'est pourquoy il prit soin de faire que les Israëlites se preparassent par la consideration d'un si grand benefice, pour se rendre plus dignes de le recevoir.

  A009000072 

 L'estoille de mer c'est l'estoille du pole vers laquelle tend tousjours l'aiguille marine; c'est par elle que les nochers sont conduits sur mer et qu'ils peuvent connoistre où tendent leurs navigations.

  A009000073 

 Tous les Prophetes ont sceu que la Vierge concevroit et enfanteroit un enfant qui serait Dieu et homme tout ensemble; elle concevroit, mais par la vertu du Saint Esprit; elle concevroit son Fils virginalement et l'enfanterait de mesme virginalement.

  A009000074 

 C'est donc à juste rayson que la tres sainte Vierge a un nom qui signifie estoille, car tout ainsy que les estoilles produisent leur lumiere virginalement et sans en recevoir aucun detriment en elles mesmes, ains en paroissent plus belles à nos yeux, de mesme Nostre Dame produisit cette lumiere inaccessible, son Fils tres beni, sans en recevoir aucun detriment ni souiller aucunement sa pureté virginale; mais avec cette difference neanmoins, qu'elle le produit sans effort ni secousse et violence quelconque, ce que ne font pas les estoilles, ainsy que l'on voit, car elles produisent leur lumiere par secousses et, ce semble, avec violence et forcement..

  A009000077 

 Qu'est-ce autre chose sa tres benite ame qu'une huile, un baume, une odeur respandue qui console infiniment l'odorat de tous ceux qui s'en approchent par la consideration de son excellence? O quelle odeur respandit-elle en presence de la divine Majesté à laquelle elle se voyoit unie sans l'avoir merité ni peu meriter d'elle-mesme! O quels actes de parfaite charité, de profonde humilité ne produisit-elle pas en ce mesme instant de cette sacrée et incomparable union qu'elle eut avec le Verbe eternel à l'heure mesme de l'Incarnation! Et pour nous autres, quel parfum, quelle odeur, quelle senteur d'une suavité incomparable n'a-t-elle pas respandu pour nous inciter à la suite et à l'imitation de ses perfections!.

  A009000078 

 O que ce pain a un goust incomparablement delectable pour les [7] ames qui le mangent dignement! Quelle delectation, je vous prie, de se nourrir du pain descendu du ciel, du pain des Anges! Toutefois, ce qui le rend plus delectable est l'amour avec lequel il nous est donné par Celuy mesme qui est le don et le donateur tout ensemble.

  A009000081 

 Certes, l'on a accoustumé d'emmaillotter [9] les enfans parce qu'estans encores tendres, s'ils n'estoyent bandés et serrés il y auroit danger qu'ils ne prissent quelque mauvais destour et par ce moyen fussent rendus contrefaits.

  A009000081 

 Il pleure vrayement, mais ce n'est point de tendreté sur luy mesme, ce n'est point par amertume de cœur, ains tout simplement pour se conformer aux autres enfans..

  A009000082 

 Et tout ainsy que nous le voyons emmaillotté et serré dans des bandelettes et maillots par sa tres benite Mere, il entend de nous inciter à bander et serrer toutes nos passions, affections, inclinations, et en fin toutes nos puissances tant interieures qu'exterieures, nos sens, nos humeurs et tout ce que nous sommes, dans les maillots de la sainte obeissance, pour ne vouloir jamais plus nous gouverner ni user de nous mesmes, de crainte d'en mesuser, sinon autant que l'obeissance nous le pourra permettre..

  A009000082 

 Toutes les autres puissances, facultés et passions semblent estre sujettes à ces deux facultés et ne se remuent que par leur commandement.

  A009000083 

 Voyez de grace ce tres doux Enfant lequel se laisse tellement gouverner et conduire par sa tres benite Mere qu'il semble veritablement qu'il ne puisse en façon quelconque faire autrement; ce n'est pour autre sujet, mes cheres ames, sinon pour nous monstrer ce que nous devons faire, principalement les Religieuses qui ont voué leur obeissance.

  A009000087 

 Les abeilles n'ont aucun arrest tandis qu'elles n'ont point de roy: elles ne cessent de voleter par l'air, de se dissiper et esgarer, n'ayans presque nul repos dans leur ruche; mais dès aussi tost que leur roy est né, elles se tiennent ramassées tout autour de luy et ne sortent que pour la cueillette et, ce semble, par le commandement ou congé de leur roy.

  A009000087 

 Mais dès qu'elles ont choisi Nostre Seigneur pour leur Roy, elles doivent, à guise de chastes avettes ou abeilles mystiques, se ranger aupres de luy et ne sortir jamais de leur ruche, sinon pour la cueillette des exercices de charité qu'il leur commande de prattiquer à l'endroit du prochain; et soudain apres se retirer et ramasser aupres de ce Roy tant aymable, pour mesnager et conserver le miel des saintes et amoureuses conceptions qu'elles tirent de la presence sacrée de nostre souverain Seigneur, lequel, par des simples regards qu'il fait sur nos ames, cause en elles des [13] ardeurs et affections nompareilles de le servir et aymer tousjours plus parfaitement..

  A009000088 

 Sa Bonté nous veuille faire la grace que nous entendions sa voix, ainsy que les brebis celle du pasteur, à fin que le reconnoissant pour nostre souverain Pasteur, nous ne nous esgarions et n'escoutions celle de l'estranger qui se tient pres de nous comme un loup infernal, en intention de nous perdre et de nous devorer; et que de mesme nous puissions avoir la fidelité de nous tenir sousmis, obeissans et sujets à ses volontés et commandemens, ainsy que les avettes font avec leur roy, à fin que par ce moyen nous commencions à faire dès cette vie ce que moyennant la grace de Dieu nous ferons eternellement au Ciel, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000095 

 Voyons un peu maintenant que veut dire Nostre Seigneur par cette parole: Qui veut venir apres moy, qu'il renonce à soy mesme.

  A009000096 

 Je veux dire qu'il faut renoncer à ce mauvais nous mesme pour l'assujettir à l'autre, qui est la rayson et partie superieure de l'ame, qui tend tousjours au vray bien par l'instinct que Dieu luy a donné; car il ne serviroit de rien de renoncer à soy mesme pour en demeurer là; les philosophes d'autrefois l'ont fait admirablement, mais cela ne leur a de rien servi.

  A009000097 

 C'est assez parler sur ce premier point, puisque nous sommes enseignés que renoncer à soy mesme n'est autre chose que se purifier et se purger de tout ce qui se fait par l'instinct de nostre amour propre, lequel, nous le sçavons, produira tousjours, tandis que nous serons en cette vie, des rejetons qu'il faudra couper et retrancher, tout ainsy qu'il faut faire à la vigne; car il ne se faut pas contenter d'y mettre une fois la main, mais il faut la couper en un temps, puis apres la despouiller de ses feuilles, et ainsy plusieurs fois l'année il faut avoir la main à la serpe pour retrancher les superfluités.

  A009000099 

 D'autre part, il estoit cruellement travaillé et tourmenté en son corps, car il nous asseure qu'il fut fouetté par trois fois, de sorte que les traces en paroissoyent sur ses espaules; apres, qu'il fut lapidé et que l'on remarquoit encores les coups; puis, qu'il fut submergé, et ainsy des autres tourmens qu'il endura.

  A009000099 

 Mais quelle est cette marque, sinon la souffrance? Il dit de luy mesme qu'il estoit comme un homme à qui l'on donne l'estrapade, car il souffroit en son interieur une peine insupportable, le vehement amour qu'il portoit à son Maistre le tirant puissamment du costé du Ciel par le desir de jouir de luy.

  A009000099 

 Tout cela estoit la marque de Nostre Seigneur, par laquelle on le reconnoissoit pour estre des siens..

  A009000100 

 Je veux dire qu'il peut y avoir plus de vertu à retenir une parolle qui nous a esté defendue par nos Superieurs, ou bien à ne pas lever la veùe pour regarder quelque chose que l'on a bien envie de voir, que non pas de porter la haire, parce que dès qu'on l'a sur le dos il n'est plus besoin d'y penser; mais en ces menues obeissances il faut avoir une grande attention pour n'y pas faillir..

  A009000100 

 Par exemple, un Religieux se sousmettroit volontiers à faire des grandes austerités, comme de jeusner, porter la haire, faire des rudes disciplines, et tesmoigneroit de la repugnance à obeir lors qu'on luy commande de ne pas jeusner, ou bien de prendre du repos, et telles choses auxquelles il semble y avoir plus de recreation que de peine.

  A009000101 

 Et, quoy que peut estre sa ferveur l'eust bien fait desirer de faire ce que les autres faisoyent, elle pourtant n'en tesmoignoit rien; car quand on luy commandoit de s'aller coucher, elle y alloit simplement, sans replique, estant asseurée qu'elle jouiroit aussi bien de la presence de son Espoux dans son lit par obeissance, que si elle eust esté au chœur avec les Sœurs ses compagnes.

  A009000102 

 Ceux qui navigent sur la mer, approchant du lieu où sont les sirenes, courent tousjours grande fortune de se perdre à cause qu'elles chantent si delicieusement qu'elles endorment ceux qui rament; mais il y en a qui ont usé de cet expedient, de se faire attacher à l'arbre qui est planté [20] au milieu du navire, à fin de n'estre pas attirés au bord par cette melodie.

  A009000103 

 Tous les Chrestiens qui aspirent au Ciel vont apres le Sauveur, car c'est par ses merites qu'on en espere la possession, en observant neanmoins ses commandemens; mais suivre Nostre Seigneur c'est marcher sur ses pas, imiter ses vertus, faire ses volontés et n'avoir qu'une mesme pretention avec luy.

  A009000104 

 Maintenant retournons à Nostre Dame qui apporta son Fils au Temple pour l'offrir au Pere eternel, et par le moyen de cette offrande s'unir avec luy.

  A009000104 

 Nostre Dame donc se despouilla de la consolation qu'elle avoit de tenir tousjours son sacré Fils entre ses bras, et le donna à saint Simeon, et par luy à tous les hommes.

  A009000105 

 Les uns l'ont sur la langue: ils disent merveille de Dieu et le louent avec beaucoup d'ardeur; il y en a d'autres qui le portent au cœur par des affections tendres et amoureuses, et se fondent presque en pensant à luy.

  A009000115 

 desert, pour y estre tenté par le diable..

  A009000118 

 Le diable, qui le tenoit de pres pour sçavoir de quel costé il le pourroit attaquer, s'en apperceut par quelque signe exterieur que Nostre Seigneur fit.

  A009000118 

 Nous en verrons la prattique dans les tentations qui luy furent faittes par le diable estant au desert, où, apres avoir jeusné quarante jours, les Evangelistes rapportent qu' il eut faim.

  A009000120 

 Vaines sont les pensées des personnes du monde qui croyent que les ames pieuses ne sont point tentées; mais plus vaines et frivoles sont les plaintes et complaintes que les ames devotes font de leurs tentations et aridités, puisqu'elles peuvent beaucoup gagner par icelles..

  A009000121 

 Ceux qui se sont precipités l'ont fait par des particulieres inspirations de Dieu, car autrement ils eussent peché..

  A009000121 

 Or, le diable estant rejetté par nostre Maistre ne perdit pas courage, ains le prit et le porta sur le pinacle du Temple, et luy dit: Si tu es Fils de Dieu, jette toy en bas, car il est escrit que les Anges te porteront entre leurs bras, de peur que tu ne heurtes de ton pied à la pierre. Et Nostre Seigneur ne le voulut pas pour plusieurs raysons, dont en voicy une: ce fut pour nous monstrer que si bien nous sommes portés par le diable en un lieu haut et sureminent comme est la Religion, par quelques intentions perverses, voire mesme de despit, que nous n'en devons pas descendre, ains y devons demeurer, car Dieu sçaura bien convertir nostre mauvaise intention en une bonne.

  A009000121 

 Vous vous trompez: les Saints ne sont pas parvenus à la sainteté par là, ains ils ont agi ainsy parce qu'ils estoyent saints.

  A009000129 

 Nous ferons aujourd'huy quelques petites considerations par lesquelles nous monstrerons qu'il y a quatre degrés en l'oraison; mais avant tout cela, disons trois paroles..

  A009000130 

 Il en estoit tout de mesme de la sainte ame de nostre Maistre, car sa partie superieure estoit appuyée dans le sein de son Pere, et sa partie inferieure touchoit la terre par le choix qu'il avoit fait de nos miseres, peines et langueurs.

  A009000130 

 Or cela estant, nous voyons clairement que le mystere de la Transfiguration ne fut point un miracle, ains une cessation de miracle, puisque les dots de gloire qui enrichissoyent la partie superieure de cette benite ame estoyent aussi deües à la partie inferieure qui n'en jouissoit toutefois aucunement, ains estoit abandonnée et delaissée à la merci de toutes nos misere et calamités; tout ainsy qu'une grande source [27] rejaillissant au sommet d'une haute montagne, retiendroit ses eaux sans s'escouler par les vallons.

  A009000131 

 C'est vrayement par le moyen de l'oraison que l'on parvient à la perfection, et saint Bernard, apres en avoir marqué d'autres, dit que celuy ci les surpasse tous.

  A009000131 

 Plusieurs ames devotes demanderont peut estre comment est-ce que nous connoistrons que nous nous avançons à l'oraison, et par le moyen de l'oraison, à la perfection.

  A009000133 

 Non certes, il ne faut pas dire comme saint Pierre: Il est bon que nous soyons icy, mais: Il est bon que nous passions par icy pour aller à la montagne de Calvaire..

  A009000133 

 On doit par consequent emmy la consolation se resouvenir de la Passion.

  A009000134 

 Hé, ne le voyez-vous pas en nostre mystere d'aujourd'huy? Ces trois Apostres ayans veu la gloire de Nostre Seigneur ne laisserent par apres de le quitter en sa Passion, et saint Pierre qui avoit parlé tousjours plus hardiment, commit neanmoins un tres grand peché reniant son Maistre.

  A009000147 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, nous le fait bien voir quand il asseure que son Espouse luy a ravi le cœur par un de ses yeux et par un de ses cheveux; voulant dire: Ma mie, ma toute chere, ma colombe, tu m'as regardé de tes deux yeux, mais maintenant tu as fermé l'œil gauche avec lequel tu voyois les recompenses eternelles, parce que [33] tu en es toute asseurée en perseverant en mon amour; tu ne regardes donques plus que moy, ni ne penses plus qu'en moy, car tes cheveux, à sçavoir tes pensées, tu les as toutes reduites en une qui est pour moy, c'est pourquoy tu m'as ravi le cœur.

  A009000150 

 Nul ne peut comprendre le bonheur d'une ame qui est desliée et conduite à Nostre Seigneur par le moyen de la grace; mais, o Dieu, combien plus grand est le bonheur de celle de qui l'on deslie encores l'amour! Et pourquoy deslier l'ame et l'amour? Parce que le Seigneur en a besoin: de l'ame pour la sauver, et de l'amour pour luy estre reservé.

  A009000150 

 Qu'est-ce que deslier l'ame? C'est la deslier et destacher du peché par le moyen d'une bonne confession; car chacun sçait que l'ame qui est en estat de peché est attachée et engagée dans les liens et filets du diable.

  A009000151 

 Par exemple, aucun seroit fort fasché d'avoir laissé entrer dans sa bouche quelque morceau superflu, à cause du grand amour qu'il porte à la sobrieté, et cependant ne se feindra point d'en laisser sortir beaucoup de paroles contraires à la charité.

  A009000152 

 Nostre Seigneur s'acheminant en Hierusalem, ceux de la ville luy vindrent au devant, et coupoyent des rameaux et branches d'olive et de palme pour parer le chemin par où il passoit.

  A009000152 

 On le voit en ce que Dieu estant apaisé apres avoir si justement puni les hommes par le deluge, il envoya à Noé, qui estoit dans l'arche, une branche d'olivier par la colombe.

  A009000153 

 Je fais la quatriesme consideration sur ce que ce peuple jettoit ses habits par les rues où passoit Nostre Seigneur, pour embellir le pavé.

  A009000156 

 Lors tous commencerent à despouiller leurs robes et les mirent toutes l'une sur l'autre, de sorte qu'ils en firent un throsne sur lequel ils assirent le nouveau roy; apres quoy ils se prindrent tous à crier: Vive le roy! monstrant par cet acte qu'ils se sousmettoyent à luy le plus parfaitement qu'il leur estoit possible.

  A009000162 

 L'autre rayson pour laquelle Nostre Seigneur et nostre Maistre a choisi la mort de la croix est pour nous enseigner la prattique de l'humilité, estant bien convenable que nostre orgueil fust confondu par la vertu contraire.

  A009000163 

 C'est pourquoy, voulant mourir, il ne choisit pas d'estre estouffé ni estranglé, qui est une mort bien plus courte que celle de la croix; nous monstrant par ce choix que nous ne nous devons point ennuyer de la longueur ni de la quantité de nos souffrances, voire durassent-elles jusques à la fin de nostre vie, puisqu'elles ne sçauroyent jamais approcher ni entrer en comparaison avec celles qu'il a endurées pour nous.

  A009000164 

 La premiere rayson fut pour ce que, par sa mort, il vouloit remettre l'homme en l'estat d'innocence, et les habits que nous portons sont la marque du peché.

  A009000164 

 Le Sauveur [41] par sa nudité monstroit qu'il estoit la pureté mesme, et de plus, qu'il remettoit les hommes en estat d'innocence.

  A009000164 

 Un jour le grand abbé Serapion fut trouvé tout nud emmi une rue par quelques uns de ses amis; ceux-cy, meus de compassion, luy dirent: Qui vous a mis en tel estat et qui vous a osté vos habits, mon cher ami? Oh, dit-il, «c'est ce livre qui m'a ainsy despouillé,» parlant du livre des Evangiles qu'il tenoit.

  A009000165 

 Les anciens Peres considerant cecy, disent qu'il ne faut pas, à cause de la meschanceté d'Absalon, faire une comparaison ni penser qu'il soit une figure de Nostre Seigneur; mais qu'il represente plustost les hommes pecheurs, qui doivent estre attachés à l'arbre [42] de la Croix par toutes leurs pensées, qui sont signifiées par leurs cheveux..

  A009000165 

 Mais nostre Maistre voulut qu'on luy laissast cette couronne pour nous monstrer qu'il faut que nous ayons nos testes couronnées d'espines par une entiere mortification de nostre propre jugement, opinions, passions, humeurs et propre volonté; car c'est en la teste que l'ame fait ses principales fonctions.

  A009000167 

 De plus, il faut que nous gardions ce ressentiment le reste de nostre vie, sans vouloir jamais estre consolés de la mort de nostre divin Sauveur, ains que nos esprits gardent ce continuel regret, et soyent morts par la continuelle mortification de leurs superfluités, à l'imitation du grand saint Ignace qui disoit que l'on ne pensast pas qu'il vescust, puisqu'il avoit crucifié son amour, ou que son amour estoit crucifié.

  A009000168 

 Et comment ce divin Sauveur ne seroit-il l'amour de nos ames, veu qu'il est leur Espoux, et tout particuliement celuy des Religieuses? car les anciens Peres disent tout clair et hardiment qu'elles ont esté espousées par le Fils de Dieu, et fondent sur cette alliance les relations speciales que Dieu le Pere et Nostre Dame contractent avec elles.

  A009000168 

 Les mariages du monde se rompent et se desfont par la mort; mais celuy cy est bien au contraire, car il se fait en la mort et par la mort de nostre Sauveur et unique Maistre.

  A009000169 

 O que ce roy estoit grand en pieté! il le [44] monstra bien par cette action.

  A009000176 

 Aussi importe-t-il peu d'en sçavoir les noms, et je voudrois que jamais l'on ne demandast ni le nom ni quelle oraison l'on a; car s'il est vray, comme le dit saint Anthoine, que l'oraison en laquelle on s'apperçoit que l'on prie est imparfaite, aussi celle que l'on fait sans sçavoir comment on la fait et sans refleschir sur ce que l'on demande, monstre assez que l'ame est fort occupée en Dieu, et par consequent cette oraison est fort bonne.

  A009000176 

 J'ay donques approuvé le desir qui m'esmeut à parler [46] de l'oraison, bien que ce ne soit pas mon dessein d'expliquer chaque espece d'icelle, parce que l'on en sçait plus par experience qu'il ne s'en peut dire.

  A009000179 

 Il faut sçavoir que tous les oyseaux ont accoustumé d'ouvrir le bec lors qu'ils chantent ou gazouillent, hormis la colombe, laquelle fait son petit chant ou gemissement retenant sa respiration au dedans d'elle, et par le groulement et retour qu'elle fait de son haleine sans la laisser sortir, en reussit son chant.

  A009000179 

 Pour sçavoir que c'est que meditation il faut entendre les paroles du roy Ezechias lors que la sentence de mort luy fut prononcée, laquelle fut despuis revoquée par sa penitence: Je crieray, dit-il, comme le poussin de l'arondelle, et mediteray comme la colombe au plus fort de ma douleur.

  A009000180 

 Celle qui se fait par authorité ne se doit non plus appeller priere; aussi voit-on que si une personne qui a beaucoup d'authorité [48] dessus nous, comme sont peres, seigneurs ou maistres, use de ce mot de priere, nous luy disons incontinent: Vous pouvez commander, ou: Vos prieres me servent de commandement.

  A009000180 

 La demande qui se fait par justice ne se peut pas appeller priere, bien que nous usions de ce mot, parce que nous demandons une chose qui nous est deüe.

  A009000180 

 Mais la vraye priere est celle qui se fait par grace, lors que nous demandons une chose qui ne nous est point deüe, et que nous la demandons à quelqu'un de fort sureminent par dessus nous, comme est Dieu..

  A009000180 

 Or, il y a trois sortes de demandes, lesquelles se font differemment: la premiere se fait par justice, la seconde se fait par authorité et la troisiesme se fait par grace.

  A009000181 

 La quatriesme action de nostre entendement est la contemplation, laquelle n'est autre chose que se complaire au bien de Celuy que nous avons conneu en la meditation et que nous avons aymé par le moyen de cette connoissance.

  A009000182 

 Par ces petits oyselets [49] on represente les Religieux et Religieuses qui se sont volontairement renfermés ès monasteres pour chanter les louanges de leur Dieu; aussi leur principal exercice doit estre l'oraison et d'obeir à cette parole que Nostre Seigneur dit en l'Evangile: Priez sans cesser..

  A009000182 

 Par exemple, si nous faisons bastir une eglise et que l'on nous demande pourquoy nous la faisons faire, nous respondrons que c'est pour nous y retirer, et là dedans chanter les louanges de Dieu; neanmoins ce sera la derniere chose que nous ferons.

  A009000183 

 Les anciens Chrestiens qui estoyent eslevés par saint Marc l'Evangeliste estoyent si assidus à l'oraison, que pour cela plusieurs des anciens Peres les surnommerent les supplians, et d'autres les appellerent medecins, parce que par le moyen de l'oraison, ils trouvoyent remede à tous leurs maux.

  A009000190 

 Or, Dieu ne peut rien demander par grace, ains tout par authorité; de plus, il ne peut avoir besoin de rien, d'autant qu'il possede toutes choses: c'est donques tout asseuré que Dieu ne peut ni ne doit prier.

  A009000190 

 Premierement, il faut que nous sçachions que Dieu ne peut point prier, puisque la priere est une demande qui se fait par grace et qu'elle exige de nous une connoissance que nous avons besoin de quelque chose, car l'on n'a pas accoustumé de demander ce qu'on possede desja.

  A009000191 

 Aussi voit-on que les advocats n'ont pas accoustumé de demander par grace, ains selon la justice, les droits desquels ils traittent.

  A009000191 

 Pourtant, c'est une verité toute asseurée que si bien Nostre Seigneur demande ce qu'il veut par justice, il ne laisse pas, entant qu'homme, de s'humilier devant son Pere, luy parlant avec une si grande reverence et faisant de plus profonds actes d'humilité que jamais creature n'a sceu ni n'a peu faire; si que sa demande se peut appeller priere..

  A009000191 

 [51] Neanmoins les uns et les autres ne se contrarient pas, bien qu'il le semble, en la diversité de leurs opinions; car il est certain que Nostre Seigneur Jesus Christ ne doit point prier, mais peut, par justice, demander à son Pere ce qu'il veut.

  A009000194 

 Ils ressemblent aux petits oyseaux lesquels dès qu'ils ont pris leurs panaches peuvent voler d'eux mesmes par le moyen de leurs aisles; mais s'ils se viennent poser sur le glu qu'on leur a preparé pour les prendre, qui ne voit que cette humeur visqueuse leur serrera les aisles et qu'apres ils ne pourront pas voler? Ainsy en arrive-t-il aux pecheurs, lesquels se meslent et se posent dessus l'humeur visqueuse des vices, si qu'ils se laissent tellement serrer au peché qu'ils ne peuvent se guinder au Ciel par l'oraison.

  A009000196 

 Il faut donques, pour bien faire oraison, que nous reconnoissions que nous sommes pauvres et que nous nous humiliions grandement; car ne voyez-vous pas qu'un tireur d'arbalete quand il veut descocher un grand trait, plus il veut tirer haut et plus il tire la corde de son arc en bas? Ainsy faut-il que nous fassions quand nous voulons que nostre priere aille jusqu'au Ciel; il faut que nous nous approfondissions par la connoissance de nostre rien.

  A009000196 

 [53] David nous advertit de le faire par ces paroles: Quand tu voudras faire oraison, dit-il, approfondis-toy tellement en l'abisme de ton neant, que tu puisses par apres sans difficulté descocher ta priere comme une sagette jusque dans les Cieux..

  A009000197 

 Et si vous leur demandez comme ils l'ont fait monter, ils vous respondront qu'elle monte par cette descente.

  A009000197 

 Ne voyez-vous pas que les grans voulant faire monter une fontaine au plus haut de leurs chasteaux, vont prendre la source de cette eau en quelque lieu fort eslevé, puis la conduisent par des tuyaux, la faisant descendré autant qu'ils veulent qu'elle monte? car autrement l'eau ne monteroit jamais.

  A009000197 

 Tout de mesme en est-il de l'oraison; car si on demande comme est-ce qu'elle peut monter au Ciel, on vous respondra qu'elle y monte par la descente de l'humilité.

  A009000199 

 L'Espoux ayant une fois loué son Espouse disant qu'elle estoit comme un lis entre les espines, elle par contreschange respond: Mon Bien-Aymé est comme un pommier entre les halliers; cet arbre est tout chargé de feuilles, de fleurs et de fruits, je me reposeray à son ombre et recevray les fruits qui tomberont sur mon giron et les mangeray, et les ayant maschés je les gousteray en mon gosier, où je les trouveray doux et suaves.

  A009000199 

 Mais quelles sont ses feuilles? Ce n'est autre chose que l'esperance que nous avons de nostre salut par le moyen de la Mort du Sauveur.

  A009000207 

 Ne sçavez-vous pas aussi que nul ne peut avoir acces vers le Pere que par la vertu du nom de son Fils, comme luy mesme a dit que tout ce que l'on demanderoit à son Pere en son nom on l'obtiendroit Les prieres du pecheur impenitent ne sont donc point aggreables à Dieu..

  A009000208 

 Nous avons des preuves en quantité que les prieres des pecheurs penitens sont aggreables à la divine Majesté, mais je me contenteray de vous apporter l'exemple du publicain, lequel monta au Temple pecheur et en sortit justifié par le merite de l'humble priere qu'il fit..

  A009000208 

 Sans doute on luy fait tort de l'appeller pecheur, car il ne l'est plus, puisqu'il deteste desja son peché; et si bien le Saint Esprit n'est pas encores en son cœur par residence, il y est neanmoins par assistance.

  A009000210 

 Je sçay bien qu'on interprete ces paroles en cette façon, sçavoir est, que les predicateurs preschant au peuple ont le miel dessous la langue, et parlant à Dieu par la priere qu'ils font pour le peuple, ils ont le lait [58] dessous la langue.

  A009000211 

 Or, ces biens spirituels necessaires pour nostre salut, signifiés par le miel que l'Espouse a dessous la langue, sont la foy, l'esperance, la charité et les autres vertus qui nous conduisent à celles là.

  A009000214 

 Ainsy faut-il que nous fassions quand nous voudrons demander au Pere eternel son Paradis, l'aggrandissement de nostre foy, son amour, toutes lesquelles choses il nous veut donner, pourveu que nous portions la police de la part de son Fils, c'est à dire que nous luy demandions tousjours au nom et par les merites de Nostre Seigneur..

  A009000215 

 Nous devons donc demander premierement que son nom soit sanctifié, c'est à dire qu'il soit reconneu et adoré par tous les hommes; en suite de quoy nous demandons ce qui nous est le plus necessaire, à sçavoir que son Royaume nous advienne, que nous puissions estre des habitans du Ciel; et puis, que sa volonté soit faite.

  A009000221 

 O Dieu, que nous devrions venir avec beaucoup de reverence à ces Offices, mais tout autrement preparés que non pas pour les prieres particulieres, parce qu'en celles cy nous ne traittons avec Dieu que de nos affaires, ou si nous prions pour l'Eglise nous le faisons par charité; mais aux prieres communes nous prions pour tous en general.

  A009000228 

 Quand nous prions immediatement nous exerçons la confiance filiale qui est fondée sur la foy, l'esperance et la charité; quand nous prions mediatement et par l'entremise de quelqu'autre, nous pratiquons la sainte humilité qui provient de la connoissance de nous mesme.

  A009000229 

 Que pensez-vous, je vous prie, que signifient les rameaux que nous portions aujourd'huy en nos mains? Non autre, sinon que nous demandons à Dieu qu'il nous rende victorieux par le merite de la victoire que Nostre Seigneur remporta sur l'arbre de la Croix..

  A009000232 

 Le second estage estoit destiné pour les Juifs, tant hommes que femmes, bien que par apres on fit une separation pour eviter les scandales qui pouvoyent arriver estant ainsy meslés.

  A009000232 

 Parlons maintenant de l'oraison mentale; et si vous le trouvez bon, je vous monstreray, par la comparaison du Temple de Salomon, comme en l'ame il y a quatre estages.

  A009000233 

 En nos ames il y a le premier estage, lequel est une certaine connoissance que nous avons par le moyen des sens, comme par nos yeux nous connoissons que tel objet est vert, rouge ou jaune.

  A009000233 

 Le troisiesme estage est la connoissance que nous avons par la foy.

  A009000233 

 Mais apres, il y a un degré ou estage qui est desja un peu plus haut, à sçavoir, une connoissance que nous avons par le moyen de la consideration; par exemple, un homme qui aura esté maltraitté en un lieu cherchera, par le moyen de la consideration, comme il pourra faire pour n'y pas retourner.

  A009000235 

 La premiere se fait par voye de meditation, en cette sorte: nous prenons un mystere, par exemple Nostre Seigneur crucifié, et puis nous l'estant ainsy representé, nous considerons ses vertus: l'amour qu'il a porté à son Pere, lequel luy a fait souffrir la mort, et la mort de la croix, plustost que de luy desplaire, ou pour mieux dire, à fin de luy complaire; la grande douceur, humilité et patience avec laquelle il souffrit tant d'injures; en fin sa grande charité à l'endroit de ceux qui le mirent à mort, priant pour eux emmy ses plus grandes douleurs.

  A009000236 

 Ainsy nous allons picorant les vertus de Nostre Seigneur l'une apres l'autre, pour en tirer l'affection d'imitation; [ensuite nous les considerons toutes ensemble d'un seul regard par la contemplation.] Dieu à la creation medita; car ne voyez-vous pas qu'apres qu'il eut creé le ciel il dit qu'il estoit bon? et tout de mesme fit-il apres qu'il eut creé la terre, les animaux, puis en fin l'homme.

  A009000238 

 L'Espoux conclut par apres: Enivrez-vous, mes tres chers; et qu'est-ce qu'il veut dire? Vous sçavez bien que l'on n'a pas accoustumé de mascher le vin, ains on ne fait que l'avaler; ce qui nous represente la contemplation en laquelle on ne masche plus, ains on ne fait qu'avaler.

  A009000240 

 Venons à la troisiesme partie de l'oraison mentale qui se fait par voye d'eslancemens.

  A009000241 

 Par exemple, vous avez pris aujourd'huy: Pater noster qui es in caelis; vous direz donques la premiere fois: Mon Pere, qui estes au Ciel; et un quart d'heure apres vous direz: Si vous estes mon Pere, quand seray-je parfaitement vostre fille? Ainsy vous irez continuant de quart d'heure à autre vostre oraison.

  A009000242 

 Ainsy cet Espoux veut-il dire: Quoy que ma bien-aymée soit fort occupée, si ne laisse-t-elle pas de me regarder d'un œil, me protestant par ce regard qu'elle est toute mienne.

  A009000242 

 Elle m'a ravi le cœur par un de ses cheveux qui pend sur son col, c'est à dire par une pensée qui descend du costé de son cœur..

  A009000242 

 L'Espoux dit au Cantique des Cantiques que sa bien-aymée luy a ravi le cœur par un de ses yeux et par un de ses cheveux qui pend dessus son col.

  A009000242 

 Quand un mari et une femme ont des affaires en leur mesnage qui les contraignent de se separer, s'il arrive [71] par hasard qu'ils se rencontrent, ils se regardent un peu en passant, mais ce n'est que d'un œil, parce que, se rencontrant de costé, l'on ne peut pas bonnement le faire des deux.

  A009000243 

 O que nous serons heureux si nous parvenons jamais au Ciel; car nous y mediterons, regardant et considerant toutes les œuvres de Dieu par le menu, et nous les trouverons toutes bonnes; nous contemplerons, les voyant toutes ensemble tres bonnes, et nous nous eslancerons eternellement en luy.

  A009000254 

 Ouy, car nostre jugement veut gaigner par dessus tous les autres et ne se veut point sousmettre, ni nostre propre volonté non plus.

  A009000256 

 Par exemple, une personne qui sera malade, si nous luy disons: Mon enfant, ne sçavez-vous pas bien que les peines et souffrances prises avec patience et sousmission au vouloir divin sont uniquement aggreables à sa Majesté? Ouy, vous respondra-t-elle, mais je voudrois estre au chœur pour prier Dieu comme les autres, je voudrois faire des penitences et mortifications et les actions de vertu comme eux, avec ferveur et sentiment.

  A009000267 

 En fin nous ne l'acquerrons jamais par une autre voye; il nous faut vendre tout pour avoir cette precieuse perle de l'amour sacré que Dieu se prepare à nous donner, si nous sommes fidelles à travailler pour l'acquerir.

  A009000275 

 [85] Confessez donques que vous manquez de force et de courage et que vous vous laissez surmonter par des ames que vous estimiez plus foibles et plus fragiles que vous.

  A009000276 

 Chose fort admirable que la diversité des attraits du Saint Esprit! L'Espouse, au Cantique des Cantiques, dit à son divin Espoux: Ton nom, o mon Bien-Aymé, est comme un huile et un baume respandu; il donne une si bonne odeur par toute la terre, que les jeunes filles t'ont desiré.

  A009000276 

 O Dieu, quelle merveille est celle-cy, que Nostre Seigneur se fasse desirer et attire les ames à sa suite par le moyen de tout ce qui est si rude et si affreux au sens humain!.

  A009000276 

 O que grand est le bonheur des jeunes filles qui desirans Nostre Seigneur se viennent toutes consacrer à son amour! Je n'entens pas, par ce mot de jeunes, parler de celles qui le sont d'aage, bien que le bonheur de celles cy soit tres grand de pouvoir dedier leurs premieres et meilleures années au service de la divine Majesté; ains je veux dire celles qui sont encores tendres et jeunes à la devotion.

  A009000278 

 Et pour monstrer que ce n'est pas par mon choix, il faut que vous sçachiez que si la volonté de mon Pere eust esté que je fusse mort d'une autre mort que celle de la croix, ou bien que j'eusse vescu en delices, je me serois trouvé tout aussi prompt que j'ay fait, parce que je n'estois pas venu en ce monde pour faire ma volonté, mais celle de mon Pere qui m'a envoyé.

  A009000278 

 Et pourquoy tout cela? C'est peut estre pour patir, et par ce moyen sauver les hommes; ou, par adventure, l'ay-je fait par mon choix? O non, pardonnez-moy, la seule cause pour laquelle j'ay fait tout ce que j'ay fait, ç'a esté pour me sousmettre à la volonté de mon Pere qui estoit telle.

  A009000279 

 C'est orgueil de rechercher les charges, les preeminences, et au contraire ce serait temerité de les refuser lors qu'elles nous sont presentées par ceux qui ont du pouvoir sur nous..

  A009000279 

 Mieux vaudroit mesme estre eslevé en dignités contre nostre volonté (et il y aurait sans comparaison plus d'humilité à les accepter), que non pas de les refuser par nostre choix et eslection, nous en reconnoissant indignes.

  A009000282 

 Par ces trois vœux nous luy consacrons et dedions tout ce que nous avons: par celuy de pauvreté nous donnons nos biens et toutes les pretentions que nous avions d'en posseder; par celuy de chasteté nous donnons nostre corps, et par celuy d'obeissance nous donnons nostre ame avec toutes ses puissances..

  A009000291 

 J'adjouste maintenant que, outre l'intention que nous y devons avoir apportée d'en vouloir faire nostre proffit et l'attention durant icelle, nous devons par apres demeurer quelque temps renfermés dans le fond de nostre ame, je veux dire recueillis, pour ruminer ce que nous avons entendu.

  A009000293 

 Que veut-il signifier ce divin Amant, sinon que Nostre Dame a porté tous les Chrestiens en son sein? Et si bien elle ne produit que ce grain duquel il est escrit que s'il n'est jettè en la terre il demeurera seul, et s'il y est jetté et couvert il germera et en produira plusieurs, à qui est ce, je vous prie, doit-on attribuer la production de ces autres grains, sinon à celle qui a produit le premier, Nostre Seigneur estant Fils naturel de Nostre Dame? Bien qu'elle n'ait porté que luy en effect clans son sein, elle a pourtant porté tous les Chrestiens en la personne de son divin Fils, car ce beni grain nous a tous produits par sa mort; de mesme la datte estant plantée produit la palme de laquelle viennent par apres quantité d'autres dattes; et pourquoy ne dira-t-on pas que ces dattes appartiennent à la premiere dont la palme est sortie?.

  A009000294 

 Nous avons tous esté nourris de ces sacrées mammelles, car Nostre Seigneur en ayant tiré sa nourriture et les ayant succées, nous a par apres nourris des siennes.

  A009000295 

 Dieu est jaloux de nostre amour, c'est pourquoy il va jettant ses inspirations sur des ames qu'il separe d'entre les autres, lesquelles par une puissante resolution se viennent consacrer et dedier leur cœur avec toutes ses affections, leur corps et leurs biens à son honneur et gloire, choisissant l'estat de la Religion pour y vivre avec plus de perfection et moins de danger de se perdre et divertir de leur sainte resolution..

  A009000296 

 Ces ames donques qui sont si genereuses que de se venir toutes abandonner à Dieu sans aucune reserve, se jettant sous les loys de la Religion et se liant si estroittement que jamais plus elles ne s'en peuvent desprendre, font non seulement comme toutes les fleurs jaunes qui se vont tousjours tournant du costé du soleil, mais aussi comme celle qu'on appelle tourne-soleil, laquelle ne se contente pas de tourner sa fleur, ses feuilles et sa tige contre iceluy, ains encores, par une secrette merveille, tourne aussi sa racine qui est dessous terre.

  A009000297 

 Elles disent à Nostre Seigneur, à l'imitation du grand saint Paul: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? Et ayant dit cela, elles se sousmettent à la conduite de leurs Superieurs, pour ne jamais plus estre maistresses d'elles mesmes ni de leur volonté, evitant par ce moyen la sentence du grand saint Bernard qui asseure que «celuy qui se gouverne soy mesme est gouverné par un grand sot.» Hé, pourquoy voudrions-nous estre maistres de nous mesme pour ce qui regarde l'esprit, puisque nous ne le sommes pour ce qui est du corps? Ne sçavons-nous pas que les medecins lors qu'ils sont malades appellent d'autres medecins pour juger des remedes qui leur sont propres? De mesme les advocats ne plaident pas leur cause, d'autant que l'amour propre a accoustumé de troubler la rayson..

  A009000299 

 Escoutez le Psalmiste royal David, lors que se plaignant à Dieu dequoy son ame estoit devenue par le peché plus noire qu'un ethiopien, il le prie qu'il luy plaise l'arrouser de son hyssope, et par ce moyen elle sera rendue plus blanche que la neige..

  A009000300 

 Or, les ames divinement appellées à l'estat de Religion sont rendues blanches comme la neige, car par le vœu de chasteté elles renoncent à tous les playsirs de la chair, tant licites que illicites; et par apres leur viennent en contreschange les playsirs et contentemens de l'esprit.

  A009000301 

 O qu'elle est obeissante la neige! Telles sont les ames qui se dedient au Seigneur, car elles sont souples et se sousmettent absolument sous la discretion et conduite de ceux qui commandent, sans se laisser plus maistriser par leur propre volonté ni jugement.

  A009000302 

 Je sçay bien qu'il faut manger et boire pour sustenter le corps, à fin qu'estant joint à l'ame, ils puissent par ensemble passer le cours de cette vie [97] selon l'ordonnance de Dieu; de mesme qu'il faut dormir pour, par apres, estre plus vigoureux pour servir la divine Majesté.

  A009000303 

 Or, ceux qui sont en la Religion font toutes ces actions bien plus particulierement au nom de Dieu, d'autant qu'ils les font toutes par obeissance.

  A009000313 

 Cette resolution doit estre cuite sous la cendre de l'humilité, parce que sans cette vertu nous ne pouvons estre aggreables à Dieu ni aux Esprits angeliques, nostre edifice tombera par terre et nos resolutions ne seront point efficaces; car nous ne pouvons rien sans Nostre Seigneur.

  A009000313 

 Or, il ne nous donnera point sa grace si nous ne la luy demandons par le moyen de l'oraison; mais celle cy n'est point aggreable à Dieu sans l'humilité, car sans icelle l'oraison n'est point oraison.

  A009000313 

 Sa Bonté desire que nous nous rendions parfaits et signalés en cette vertu à son imitation, nous l'ayant singulierement recommandée, disant que nous apprenions de luy «non à former la machine du monde, [101] à ressusciter les morts et à faire des miracles» (nous en pourrions faire sans luy estre aggreables, comme nous luy pouvons estre aggreables sans faire ces prodiges et grandes choses); «mais il a dit que nous apprinssions de luy à estre doux et humbles de cœur.» Donc, cette resolution forte doit estre le pain universel que nous devons manger avec toutes sortes de viandes, s'entend que nous devons avoir en toutes nos actions; et par le moyen d'icelle il nous faut demeurer fermes et stables en nos exercices et en tout ce que nous entreprenons pour la gloire de sa divine Majesté..

  A009000314 

 Nous sommes tous des poissons regenerés par l'eau baptismale, car nous voguons tous dans la mer de ce monde; mais, mon Dieu, il y en a qui sont bien heureux! Ce sont ceux que la divine Bonté retire du monde, les faisant devenir de poissons, oyseaux, et les mettant en la Religion comme dans une cage.

  A009000315 

 Il ne faut point penser que nous soyons plus aggreables à Dieu par un autre exercice que par celuy-cy, car sa volonté est que nous fassions celuy-là; partant nous le devons faire de bon cœur, et non pas en desirer un autre, où nous ne trouverons peut estre pas sa volonté mais la nostre, et ce, à nostre confusion..

  A009000315 

 Les personnes du monde ne sont point en un estat stable, car pour grande que soit la dignité en laquelle elles se trouvent eslevées, elles en peuvent descheoir; mais les ecclesiastiques et Religieux sont en un estat stable, parce que, par le moyen des vœux qu'ils font, ils se lient estroittement à Dieu, en sorte qu'ils ne peuvent plus demordre de leur resolution.

  A009000315 

 Lors que nous avons choisi par inspiration divine un estat ou condition, [102] si bien nous y avons esté portés par quelque mauvaise fin, intention et affection impure, Dieu sçaura sans doute convertir le mal en bien, si nous luy sommes fidelles.

  A009000317 

 Lors saint Michel, comme en reprenant Lucifer de sa temerité, luy dit: Qui est semblable à Dieu? et par cette parolle le fit tresbucher avec sa malheureuse trouppe au profond des enfers.

  A009000317 

 Lucifer et ceux de sa suite ne se voulurent point sousmettre au vouloir divin ni se determiner à servir Dieu eternellement; mais desirans, par orgueil et presomption, d'estre semblables à luy, ils se demanderent pourquoy le Verbe eternel ne prenoit leur nature, à fin qu'ils luy devinssent esgaux.

  A009000318 

 Estant sur icelle, plusieurs luy dirent: Si tu es Fils de Dieu, sauve-toy toy mesme et descens de la croix; mais il n'en voulut pas descendre parce qu'il estoit enfant de Dieu, ains demeura ferme en la determination qu'il avoit prise de nous racheter par sa mort et perseverer jusques à la fin.

  A009000318 

 Nostre Seigneur mesme nous a monstré par son exemple comme nous devons demeurer fermes en nos resolutions; car dès l'instant de sa conception il fit celle de nous racheter et s'humilier jusques à la mort de [104] la croix.

  A009000319 

 Cela nous monstre que nous devons faire nos resolutions en la ferveur du cœur, lors que le Soleil de justice nous esclaire et nous incite par son inspiration.

  A009000320 

 Ce veau rosti que nous devons donner aux Anges à l'imitation d'Abraham, c'est nostre cœur que nous devons rostir et escorcher par le moyen de la mortification, pour l'offrir à Dieu, pur, net et vuide de nostre propre volonté et amour propre.

  A009000321 

 Une personne qui va par un chemin, quand elle est au pied d'une montaigne elle s'arreste, se despouille et pose ses habits.

  A009000323 

 Ils leur doivent donner du lait lors qu'elles sont encores foibles et tendres en la devotion; et à mesure qu'elles vont croissant et qu'elles sont plus fortes, ils leur doivent presenter du pain, c'est à dire leur aggrandir le courage pour les faire croistre et avancer en la perfection de l'amour divin et aux vrayes et solides [107] vertus, les y excitant plus par leurs exemples que par leurs paroles..

  A009000325 

 Plusieurs parlent de l'humilité et des autres vertus, mais fort peu sçavent en quoy elles consistent; neanmoins c'est le principal que de le [108] sçavoir par prattique, plustost que par science speculative.

  A009000326 

 Saint Jean en l'Apocalypse voyant un Ange, il se prosterna devant luy; mais celuy-cy, par humilité, ne le luy voulut pas permettre et le fit lever, parce qu'il regarda saint Jean comme Apostre de Nostre Seigneur et l'honnora en cette qualité.

  A009000327 

 Le vray humble en fait de mesme: il ne regarde jamais en soy ce qui est excellent, ni les dignités, grandeurs et charges auxquelles il est eslevé; il ne veut point qu'on fasse estat de luy pour toutes ces choses ni qu'on l'en estime davantage; il ignore tout cela par une sainte humilité, et ne considere sinon ce qui est en luy de vil, d'abject, de pauvre et de miserable..

  A009000331 

 Et si nous nous rendons semblables à eux en cette vie par le moyen de l'imitation de leurs vertus, nous ferons chose fort aggreable à Dieu et à ses Anges, et nous nous rendrons dignes de parvenir à la gloire et felicité eternelle, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit, qu'à jamais nous louerons et benirons avec eux.

  A009000331 

 Servons-les et les honnorons; correspondons fidellement à leurs inspirations, les consolant et resjouissant par l'amendement de nostre vie et l'avancement de nos ames en la dilection et pureté de l'amour divin.

  A009000346 

 Et moy, ayant à vous parler en cette solemnité des Saints, j'ay pensé me servir des mesmes parolles de ce grand Apostre et de les vous addresser, pour vous exciter par icelles à rehausser vos cœurs et vos pensées à la consideration de la gloire et felicité eternelle que Dieu a preparée à ceux qui le craignent et ayment [112] en cette vie, et pour vous inciter par ce discours à mespriser et retirer vos affections de toutes les choses creées, puisque, comme l'escrit saint Jean en son Apocalypse, le ciel et la terre passeront, c'est à sçavoir que tout ce qui est ça bas prendra fin..

  A009000347 

 Ceux qui servoyent à ce festin estoyent des personnes constituées par le roy, lesquelles s'acquittoyent fort soigneusement de leur office.

  A009000348 

 Celuy qui le fait est Dieu mesme, qui surpasse en grandeur et dignité tout ce qui est et peut estre, et cette personne royale et divine assiste au festin, mais qui plus est, il est luy mesme la viande qui repaist et rassasie les conviés et esleus par les admirables communications qu'il fait de soy mesme.

  A009000348 

 De parler de la beauté du lieu où se fait le festin c'est impossible; mais pour les autres choses qui s'y retrouvent nous les expliquerons par le menu et dirons un mot sur chacune de ses circonstances et conditions, si Dieu nous fait la grace de nous en souvenir..

  A009000349 

 Et pour commencer par la chose principale, Dieu qui fait ce festin se trouve en iceluy et il est luy mesme la viande qui rassasie ceux qui y sont conviés; car là est l'Aigneau, dit saint Jean, qui oste le peché du monde; c'est cet Aigneau de Hieremie, qui a esté occis pour les pechés du monde, c'est luy qui les a effacés et remis et qui s'est fait la nourriture de ses esleus.

  A009000349 

 Mais outre cette gloire essentielle il y en a encores une accidentelle, qui est celle que les Bienheureux reçoivent par accident, comme les damnés, outre la peine du dam, en ont encores une autre que l'on appelle du sens..

  A009000351 

 Quant à la premiere chose qui fait la gloire essentielle des Saints, qui est la Divinité, il ne se peut rien voir ni rien ne peut estre de plus grand, Dieu estant, comme disent les theologiens, un Estre par dessus tout estre, un acte tres pur et tres simple.

  A009000351 

 Rien n'est plus grand que Dieu avec l'infinité de sa puissance, et il ne peut rien creer de plus haut que luy mesme; car s'il pouvoit creer quelqu'autre plus grand ou plus haut que luy il ne seroit pas Dieu, puisque Dieu est un Estre par dessus tout estre, que nul ne peut esgaler.

  A009000353 

 La troisiesme chose est la gloire, gloire la plus grande qui se puisse creer, puisqu'elle a pour objet Dieu mesme, qui est une clarté et lumiere increée par laquelle on voit toutes les autres lumieres, lesquelles sortent de celle cy comme de leur source et origine sans la pouvoir tant soit peu interesser.

  A009000354 

 C'est là qu'ils reçoivent la mesure pleine, et comble, et qui regorge de toutes parts, parce que la joye et liesse dont ils jouissent en cette gloire essentielle par la connoissance des plus profonds mysteres les rassasie tres parfaittement.

  A009000354 

 Là ils voyent face à face, clairement, nettement, sans ombre, image ni figure, Dieu trin et un, non par enigme mais tel qu'il est, avec une telle clarté qu'on voit la lumiere en la lumiere.

  A009000355 

 Que si ce Saint receut tant de consolation par cette vision, quelle pensez-vous doit estre celle des Bienheureux en la claire veuë de ce mystere ineffable?.

  A009000356 

 Quelle felicité et quelle joye de voir encores le fruit et l'utilité de l'usage des Sacremens, car c'est là où l'on conçoit comment la grace se communique par iceux selon la correspondance que l'on y apporte; comme les uns la reçoivent, les autres la rejettent, comme Dieu donne sa grace efficace aux uns, comme il la refuse à quelques autres sans leur faire tort.

  A009000357 

 De qui sont ces paroles? Non d'autre que de Dieu mesme qui les dira au cœur de l'ame fidelle et bienheureuse, laquelle, par un amour reciproque, respondra ces [117] gracieuses et douces parolles del'Espouse: Mon Ami est tout à moy et je suis toute à luy; il est à cette heure tout mien, et je seray desormais toute sienne.

  A009000358 

 Je vous ay attendus tant de temps, allant apres vous quand vous faisiez les revesches, vous contraignant par une douce violence à recevoir ma grace.

  A009000360 

 Et quelle est cette pierre blanche qui sera donnée à l'ame bienheureuse, sinon Jesus Christ, vraye pierre angulaire, lequel se donnera à chaque Bienheureux par cette douce communication qu'il fera de soy mesme? Quant à la blancheur de cette pierre, ce n'est autre que la candeur et pureté de Nostre Seigneur, vray Aigneau sans macule.

  A009000363 

 Ceux qui en ont moins se resjouissent de ceux qui en ont davantage, car dans le Ciel la charité est en sa perfection, [120] il n'y a point d'envie ni de jalousie, ains elle s'esjouit de la gloire de ces bienheureux citadins, et par cette douce participation et communication qu'ils ont de la felicité les uns des autres, tous demeurent satisfaits.

  A009000363 

 Disons maintenant quelques mots de la gloire accidentelle, qui est, comme nous l'avons veu, celle qui leur arrive par accident.

  A009000363 

 Mais vous entendrez mieux cecy par quelque similitude..

  A009000369 

 Bref, pour comble de felicité, les Bienheureux seront semblables à Dieu, c'est à sçavoir par participation.

  A009000369 

 Et comme à cette heure nos ames sont enchassées, s'il faut ainsy parler, dans nos corps, qui les traisnent et les contraignent d'aller où ils vont, et semble, par maniere de dire, qu'elles participent en quelque chose à leur misere, aussi en cette reunion de l'ame glorieuse avec son corps, luy seront communiqués ces quatre dons et joyaux par lesquels elle le gouvernera et le menera où elle voudra, sans qu'il luy fasse jamais aucune resistance.

  A009000370 

 Contentez vos entendemens à les considerer, mes cheres Sœurs, à fin que par les beautés et excellences que vous y descouvrirez vous veniez à les aymer et desirer.

  A009000370 

 Que me reste-t-il, mes cheres Sœurs, sinon de vous exciter derechef par ces parolles de saint Paul à relever vos cœurs et vos pensées à ces [123] biens que nul œil n'a veu, ni oreille entendu, ni cœur d'homme pensé, et que Dieu a preparé à ceux qui l'ayment en cette vie.

  A009000370 

 Soyez constantes à mediter ce divin mystere de Nostre Seigneur et de nostre Redemption, à ce que, par la connoissance que vous en acquerrez, vostre volonté vienne à l'aymer; car il faut aymer ce bien en terre pour l'aymer eternellement là sus au Ciel, parce qu'il n'y a point de Ciel pour celuy qui n'a point de charité..

  A009000377 

 Mais avec quelle ferveur d'esprit pensez-vous que cette bien heureuse Infante du Ciel desiroit de quitter la mayson de ses pere et mere, pour se plus absolument dedier et consacrer au service de son Espoux celeste qui l'attiroit et amorçoit par l'odeur de ses parfums, ainsy que le dit la Sulamite: O mon Bien-Aymé, ton nom est comme un baume ou huile respandu, c'est pour quoy les jeunes filles t'ont desiré et sont allées apres toy; ains tu n'es pas seulement parfumé, tu es le parfum mesme et le baume.

  A009000378 

 De plus, la Sainte Vierge et Nostre Seigneur son glorieux Fils, ayant eu l'usage de rayson dès le ventre de leur mere, furent par consequent doués de beaucoup de science; neanmoins ils la cacherent sous les loix d'un profond silence, car pouvant parler en naissant ils ne le voulurent pas faire, ains s'assujettirent à ne parler qu'en leur temps.

  A009000379 

 Elle demeura comme un doux aignelet sur les flancs de sainte Anne l'espace de trois ans, apres lesquels elle fut sevrée et amenée au Temple pour y estre offerte comme Samuel, qui y fut conduit par sa mere et dedié au Seigneur en mesme aage..

  A009000380 

 Il se commence par ces mots: Beati immaculati in via; Bienheureux sont ceux, Seigneur, qui marchent en ta voye sans macule, sans tache de peché; en ta voye, c'est à dire en l'observance de tes commandemens.

  A009000381 

 Ils ne faisoyent point de remarque du jour de leur naissance, d'autant qu'en naissant nous ne sommes pas enfans de grace, ains adamistes ou enfans d'Adam; mais ils remarquoyent, pour le solemniser, le jour auquel ils avoyent esté faits enfans de Dieu par le Baptesme.

  A009000382 

 Elle nous tesmoigne par là qu'elle desire que tous les ans au moins une fois, nous nous recueillions et reconfirmions les vœux et promesses que nous avons faites à la divine Majesté; mais sur tout les Religieux et nous autres qui luy sommes particulierement dediés et consacrés sans que nous nous en puissions desdire..

  A009000384 

 Ces grandes Saintes qui ont esté mariées et qui se sont dediées au service de la divine Bonté en leur vefvage, comme sainte Paule, sainte Melanie, sainte Françoise et tant d'autres, pensez-vous qu'elles ne soyent [129] pas du nombre de ces vierges? Au contraire, elles ont gaigné par l'humilité une tres glorieuse virginité.

  A009000384 

 Mais lors que le saint Prophete declare que plusieurs vierges seront amenées apres Nostre Dame, il ne veut pas en exclure les vefves, car elles ne seront pas rejettées de cette bien heureuse trouppe pour avoir perdu leur virginité, puisque cette perte se peut reparer par l'humilité.

  A009000385 

 Et ayant ainsy resserré les chevilles de nostre luth, qui sont nos resolutions, nous venons par apres, avec nostre glorieuse Dame et Maistresse et sous sa protection, apporter toutes nos affections sur l'autel du temple de la divine Bonté, pour estre bruslées et consommées sans aucune reserve par le feu de son ardente charité..

  A009000386 

 Partant, il est expedient de nous reprendre, et considerer les moyens de pouvoir regaigner ce qui par nostre foiblesse, voire negligence, nous est eschappé..

  A009000387 

 Ne vous est-il pas advis que la terre descheoit en hiver, et quand ce vient le printemps qu'elle veut regaigner les pertes qu'elle a faites le long des grandes froidures? Nous en devons faire de mesme nous autres, faisant nostre course comme le soleil sur toutes les affections et passions de nos ames, pour regaigner les pertes causées par leur immortification le long de l'année.

  A009000389 

 Si la virginité est reparée par l'humilité et si la chaste vefve est rendue vierge glorieuse et triomphante, pourquoy voulez-vous que nous ne puissions regaigner le temps perdu, par la ferveur et diligence à bien employer celuy que nous avons presentement? Il est tres veritable que le bonheur de ceux qui se sont dediés et consacrés à la divine Majesté dès leur adolescence est tres grand, d'autant plus que Dieu le desire et s'y complaist grandement, se plaignant du contraire lors [131] qu'il dit par son Prophete que les hommes sont tellement pervertis que dès leur adolescence ils ont quitté sa voye et ont pris le chemin de perdition.

  A009000391 

 Et tout [132] ainsy que les cerfs qui courent si legerement, redoublent neanmoins le pas lors qu'ils sont pressés du veneur et vont d'une si grande vistesse qu'il semble quasi qu'ils volent, de mesme devons-nous tascher de courir en nostre voye; mais au temps de nostre renouvellement et de la reconfirmation de nos resolutions nous ne devons pas seulement courir ains aussi voler, et pour cela demander avec le saint Prophete des aisles de colombe, à fin qu'à tire d'aisles nous volions sans nous arrester jusques à ce que nous allions reposer dans les trous du mur de la sainte Hierusalem, je veux dire que nous soyons tout unis à Nostre Seigneur crucifié sur le mont de Calvaire par une parfaite conformité de vie..

  A009000391 

 Mais que faut-il que nous fassions pour regaigner le temps perdu? Je l'ay desja dit, il le faut regaigner par la ferveur et diligence à courir en nostre voye.

  A009000392 

 Et c'est icy la seconde remarque que je fais en cette sainte Presentation, et le second point auquel nous devons imiter nostre glorieuse Princesse, pour bien nous presenter de nouveau à fin de bien reoffrir à son divin Fils ce que nous luy avons une fois dedié et consacré, à sçavoir nous mesme, par le moyen des vœux que nous venons maintenant renouveller, c'est à dire renouer; car cette sainte coustume de renouveller nos vœux sert encores à reparer les manquemens que nous pourrions avoir commis en les faisant..

  A009000392 

 Mais j'ay aussi consideré que nostre glorieuse Dame et Maistresse venant pour se dedier à Dieu, fut portée par ses pere et mere une partie du chemin, et l'autre partie elle vint avec ses petits pieds, tousjours aydée neanmoins.

  A009000393 

 Je veux dire qu'il nous tient par la main et nous fait marcher en l'exercice des vertus, car s'il ne nous tenoit il ne seroit en nostre pouvoir de cheminer en cette voye de benediction.

  A009000393 

 Nostre Seigneur le long de nostre pelerinage en cette [133] miserable vie nous conduit en ces deux sortes: ou il nous mene par la main en nous faisant marcher avec luy, ou il nous porte entre les bras de sa Providence.

  A009000394 

 Ce sont les Sacremens, car dites-moy, je vous prie, que nous couste-t-il d'entendre ces parolles: «Je t'absous de tous tes pechés,» ou bien de recevoir le tres saint Sacrement dans lequel est comprise toute la suavité du Ciel et de la terre? Et bien qu'il faille prononcer les parolles de la consecration que Nostre Seigneur a commandées, qu'est-ce que cela pour faire venir nostre souverain Maistre à la voix d'un prestre, pour meschant et indigne qu'il soit, se renclore sous ces especes pour nostre bonheur? N'est-ce pas nous porter entre ses bras que de nous permettre de nous unir à luy en ces deux façons? Quand donques vous viendrez dire: «Je renouvelle et reconfirme de tout mon cœur les vœux que j'ay faits à mon Dieu,» le Sauveur vous conduira par la main, d'autant que vous prononcerez ces paroles et ferez quelque chose de vostre part; mais soudain que nous vous [134] communierons, il vous prendra entre ses bras, faisant en vous cette œuvre toute ouvrée..

  A009000394 

 Mais Nostre Seigneur nous ayant menés par la main, faisant avec nous des œuvres pour lesquelles il demande nostre cooperation, il nous porte par apres et fait en nous des œuvres toutes ouvrées, je veux dire auxquelles il semble que nous ne fassions rien.

  A009000397 

 Comme s'il eust dit: Considere ton nom, et tu trouveras qu'il signifie uni, seul; or, par ce mot, seul, je n'entens pas d'estre retiré et sequestré dans un desert, mais c'est à sçavoir que pour estre bon moine il ne faut avoir que Dieu pour objet en tout ce que nous faisons; et cela c'est estre seul..

  A009000398 

 De mesme la divine Majesté demande premièrement nostre cœur: Mon fils, donne-moy ton cœur, dit cette Bonté incomparable, et par apres tes offrandes me seront aggreables..

  A009000399 

 Caïn conceut de l'indignation contre son frere par la grande envie qu'il luy portait.

  A009000399 

 Ce que reconnoissant par apres, il fut si miserable qu'au lieu de se prendre à soy mesme de sa faute et de se reconnoistre, il s'en prit au pauvre Abel, l'offrande duquel avoit esté fort aggreable à la divine Bonté parce qu'il s'estoit premierement offert luy mesme, et puis son sacrifice.

  A009000399 

 Voyez comme l'envie se fourre par tout.

  A009000400 

 Puis vous [137] adjousterez: Quoniam confirmata est super nos miser icordia ejus; Parce qu'il a confirmé sur nous ses misericordes, nous attirant par sa bonté à la jouissance de tant de graces et benedictions dès cette vie perissable, pour par apres, en la compaignie de nostre tres sainte Maistresse et des Bienheureux qui sont au Ciel, chanter eternellement Gloire soit au Pere, au Fils et au Saint Esprit.

  A009000406 

 S'il est vray, comme il est, que la tres sainte Vierge et saint Joseph ont Nostre Seigneur avec eux, pourquoy donques les voyons-nous si remplis de crainte qu'ils se rendent fuyars pour l'apprehension d'un homme terrien, quoy qu'ils ayent avec eux le Dieu de [139] la majesté infinie, par l'ordonnance duquel toutes choses se font et ont esté faites?.

  A009000410 

 De plus, quand il fut question de revenir d'Egypte apres la mort d'Herode, s'ils eussent eu quelque bien en Israël ils n'eussent pas mis en doute s'ils iroyent là ou s'ils retourneroyent en Judée; mais parce qu'ils n'avoyent rien, ou fort peu par tout, ils ne sçavoyent de quel costé aller.

  A009000412 

 Il ne se monstre en son exterieur qu'un petit enfant comme les autres; luy, de qui les Anges sont illuminés et esclairés et par qui ils entendent et comprennent toutes choses, ne fait aucunes revelations, ains laisse que les messagers celestes les viennent faire à son Pere nourricier.

  A009000412 

 L'on en voit bien autour de luy en sa Nativité: la vocation des Gentils representés par les Roys qui le vindrent adorer, celle des pasteurs, les Anges qui chantent dans les airs; mais en sa personne, nullement.

  A009000416 

 Tout de mesme Nostre Seigneur est la fleur par excellence qui est sortie de la tres sainte Vierge, ainsy qu'il avoit esté predit qu' une fleur sortiroit de la verge de Jessé: cette verge c'est Nostre Dame, et la fleur c'est Nostre Seigneur, dont l'aggreable senteur a alleché les passans et fait venir ces jeunes ames apres luy, attirées de l'odeur de ses exemples..

  A009000417 

 Qu'il soit appellé lys, dont la blancheur est excellente, on n'en peut douter, d'autant qu'il a tousjours esté blanc par une pureté incomparable.

  A009000419 

 Nous leur disons qu'elles sont voirement appellées pour jouir de la felicité du Sauveur sur le mont de Thabor, mais apres avoir esté crucifiées avec luy sur celuy de Calvaire, par une continuelle mortification d'elles mesmes et volontaire acceptation, sans choix, des mortifications qui leur seront faittes.

  A009000419 

 Nous leur mettons un voile sur la teste pour leur monstrer qu'elles seront cachées aux yeux du monde, et si par le passé elles ont affecté d'estre conneuës et estimées, desormais il ne se fera plus aucune mention d'elles; le voile empeschera que l'on sçache si elles sont belles, de bonne grace, ou aggreables, et partant il faut renoncer à l'affection qu'elles pourroyent avoir à tout cela.

  A009000428 

 A Pasques il estoit ordonné d'offrir des javelles comme primices des blés; partant les anciens s'en alloyent parmi leurs moissons couper les premiers espis qui s'avançoyent par dessus les autres; et à la Pentecoste l'on offroit deux pains faits du froment ja meur.

  A009000428 

 Vous ne sçavez peut estre pas comme elle fut instituée par Dieu mesme lors que les enfans d'Israël furent sortis de l'Egypte et delivrés de la captivité.

  A009000429 

 Ainsy sommes nous, nous autres, quand nous sommes baptizés, environnés de mille sortes d'inclinations tendantes au mal; mais beaucoup plus miserablement lors que, par nostre malheur, nous venons à suivre ces mauvais penchans et affections depravées.

  A009000430 

 Cette fin donques n'est autre que pour nous bailler sujet de meriter davantage par ce moyen, travaillans courageusement pour l'amour de Dieu à nous surmonter nous mesme..

  A009000430 

 Qui ne voit la tromperie de nostre amour propre? Comme si par la bonté de Dieu, il n'estoit pas en nostre pouvoir de nous surmonter et vivre contre nos inclinations, et selon la rayson qui nous enseigne qu'il ne les faut pas escouter! Une autre dira: Il est vray, je suis un peu vaine, mais c'est mon inclination de me parer et desirer d'estre louée et estimée; je ne sçaurois que faire à cela.

  A009000431 

 Lors les Chrestiens ainsy fortifiés par ce moyen, se viennent par apres offrir au jour de la Pentecoste comme des pains faits avec le nouveau froment des inviolables resolutions qu'ils ont prises de plustost mourir que d'offenser Dieu volontairement.

  A009000431 

 Pour cet effect, apres que nous avons l'usage de la rayson, nous recevons le Sacrement de Confirmation par [150] lequel nous nous enroollons sous l'estendart de la divine Majesté, à fin de combattre en valeureux soldats pour la gloire de son nom.

  A009000432 

 Mais apres, en la Pentecoste, ils firent l'offrande parfaitte, d'autant qu'ils ne presenterent plus seulement des javelles, ains des pains cuits par le feu de l'amour de Dieu.

  A009000434 

 Les anciens Peres ont distingué par ces deux pains les deux amours, affectif et effectif; les autres ont dit que ces deux pains signifient nostre propre jugement ou entendement et nostre propre volonté; et cecy, à mon advis, est la meilleure interpretation et qui fait plus à mon propos.

  A009000434 

 Les beliers qu'il failloit offrir representent nostre imagination, les petits aignelets nos affections, et le bouc nostre chasteté, par laquelle nous nous privons pour l'amour de Dieu de tous les playsirs sensuels, voire mesme des permis et licites..

  A009000435 

 Ils offrirent le belier de leur imagination par la pauvreté.

  A009000435 

 Ils offrirent le bouc de l'inclination qu'ils pouvoyent avoir aux playsirs sensuels et caducs, par la profession de la chasteté perpetuelle.

  A009000435 

 Voyez-vous donques comment les Apostres firent excellemment bien cette offrande avec toute sorte de perfection? car ils sousmirent absolument leur jugement et volonté par la profession de l'obeissance.

  A009000437 

 Elles assujettissent, il est vray, toutes les puissances de leur ame, toutes leurs affections, passions et inclinations et en fin tout elles mesmes à la regle de la perfection par l'exercice continuel de l'obeissance aux Regles et Constitutions de leur Institut; mais c'est une sujetion si douce et si aymable qu'elle donne mille fois plus de consolation que non pas la liberté que les mondains ont de vivre selon leur volonté, liberté qui à proprement parler est une tyrannie, d'autant que pour l'ordinaire elle les porte à faire ce que leur conscience leur dicte qu'il faut eviter pour vivre selon Dieu..

  A009000437 

 En fin on s'essaye tant que l'on peut durant cette année de leur noviciat, de les rendre capables de venir faire cette derniere offrande d'elles mesmes en laquelle, par le moyen des vœux, elles se lient totalement et sans s'en pouvoir jamais desdire au service de la divine Majesté, service qui est voirement plus honnorable que les royautés et les empires.

  A009000438 

 Elles ont receu le don de conseil, ne faisant aucunes choses par leur propre advis ni mouvement, sans au prealable demander la lumiere au Seigneur ou à ceux qui leur tiennent sa place.

  A009000439 

 Si tous ces dons ont esté ainsy octroyés à ces ames, comme nous venons de le dire, elles sont aussi fort resolues de les prattiquer, rejettant toute autre delectation que celle de gouster combien le Seigneur est doux et suave, et combien les voyes par lesquelles on va à luy, c'est à sçavoir par lesquelles nous nous unissons à sa Majesté, sont delectables.

  A009000440 

 Elles prattiqueront soigneusement le don de science qui consiste à suivre les vrays biens et rejetter les faux, puisque par le moyen d'iceluy elles les ont sceu discerner d'entre les autres.

  A009000440 

 Elles seront fidelles à la prattique du don de pieté, regardant et honnorant Dieu comme leur Pere, d'autant qu'il veut que nous l'appellions de ce nom tant aymable; puis elles feront tout ce qui sera en leur pouvoir pour luy plaire, tenant les prochains pour enfans de Dieu comme elles, et par consequent pour leurs freres, à fin d'exercer plus parfaittement toute sorte de pieté et d'offices de charité en leur endroit.

  A009000441 

 Mais dites-moy, je vous supplie, que reste-t-il à ces ames bienheureuses qui se sont ainsy disposées pour se sacrifier entierement et sans aucune reserve au service de l'amour celeste, sinon que le Saint Esprit, qui leur a desja fait tant de dons, descende maintenant en forme de feu sur leur sacrifice pour le consommer, ou, pour mieux dire selon nostre premier discours, qu'il vienne cuire les pains qu'elles ont petris, puisqu'ils sont tout prests à estre mis dans le four? La paste a esté preparée le long de leur année de noviciat, en suite des resolutions qu'elles ont prises de se laisser froisser et moudre tant par la sainte obeissance que par la mortification de leur propre jugement et volonté, qui sont les deux pains que Nostre Seigneur demande des ames religieuses.

  A009000442 

 Ces premieres resolutions, jointes avec les vœux qu'elles viennent faire, par lesquels elles s'obligent pour le reste de leur vie à la prattique de tout ce que nous venons de dire, sont le pain sacré qui doit estre cuit, affermi, et rendu impliable et immuable par le feu sacré du Saint Esprit, qui est l'amour de nos ames.

  A009000454 

 Ayant appris par le mesme saint Gabriel que sa cousine Elisabeth avoit en sa viellesse conceu un fils, elle la voulut aller voir, comme estant sa parente, et à dessein de la servir et soulager en sa grossesse, car elle sçavoit que c'estoit le vouloir divin; et au mesme instant, dit l'Evangeliste saint Luc, elle sortit de Nazareth, petite ville de Galilée où elle demeuroit, pour s'en aller en Judée à la mayson de Zacharie.

  A009000456 

 Quatriesmement, elle sçavoit que cette visite apporteroit un comble de benedictions en la maison de Zacharie, qui redonderoit jusques à l'enfant qui estoit dans le ventre de sainte Elizabeth, lequel seroit sanctifié par sa venue.

  A009000456 

 Secondement, ce fut pour luy reveler le tant haut mystere de l'Incarnation qui s'estoit operé en elle; car Nostre Dame n'ignoroit pas que sa cousine Elizabeth estoit personne juste, fort bonne, craignant Dieu et desirant ardemment la venue du Messie promis en la Loy pour racheter le monde, et que ce luy seroit une tres grande consolation d'apprendre que les divines promesses estoyent accomplies et que le temps desiré [158] par les Prophetes et les Patriarches estoit ja venu.

  A009000456 

 Troisiesmement, elle y alla aussi pour redonner la parole à Zacharie qui l'avoit perdue par son incredulité à la prediction de l'Ange, lors qu'il luy dit que sa femme concevroit un fils qui se nommeroit Jean.

  A009000457 

 Elle estoit en des continuels actes d'amour, non seulement envers Dieu avec lequel elle estoit unie par la plus parfaitte dilection qui se puisse dire, mais encores elle avoit l'amour du prochain en un degré de tres grande perfection, qui luy faisoit desirer ardemment le salut de tout le monde et la sanctification des ames; et sçachant qu'elle pouvoit cooperer à celle de saint Jean, encores dans le ventre de sainte Elizabeth, elle y alla en grande diligence.

  A009000458 

 Elle alloit donques s'en esjouir avec sa cousine, et se provoquer l'une l'autre à glorifier Dieu qui avoit versé sur toutes deux tant de graces: sur elle qui estoit vierge, luy faisant concevoir le Fils de Dieu par l'operation du [159] Saint Esprit, et sur sainte Elizabeth qui estoit sterile, concevant miraculeusement et par grace speciale celuy qui devoit estre le Precurseur du Messie.

  A009000459 

 Voyez, lors que le divin Espoux descrit la beauté de son Espouse par le menu, il commence par son chef.

  A009000460 

 Elle avoit conceu Celuy qui estant tout amour l'avoit rendue l'amour mesme; tellement qu'on luy peut appliquer mieux qu'à nul autre ces parolles du Cantique des Cantiques, lors que l'Espoux sacré, contemplant sa bien-aymée en son doux repos, fut saisi d'une sainte complaisance qui luy fit adjurer les filles de Hierusalem de ne la point esveiller, disant: Filles de Hierusalem, je vous adjure par les chevreuils et chevres des champs de ne pas esveiller ma bien-aymée qui est en l'amour, qu'elle ne le veuille ou desire.

  A009000462 

 Le grand Apostre saint Paul ne confessoit-il pas qu'il avoit la charité, par des parolles si asseurées qu'il semble parler avec plus de presomption que d'humilité? Il disoit: Qui est-ce qui me separera de la charité de Jesus Christ? Sera-ce les chaisnes, les tribulations, la mort, la croix, le feu, le glaive? Non, rien ne me pourra separer de la charité de Dieu qui est en Jesus Christ.

  A009000463 

 L'Espoux, au Cantique des Cantiques, apres avoir consideré par le menu son Espouse, jetta ses yeux sur sa chaussure et sur sa demarche, ce qui le contenta si fort qu'il confessa en estre tout espris: Oh, dit-il, ta chaussure m'est aggreable; que tu as de bienseance en ton marcher! Nous lisons aussi en la Sainte Escriture que quand Judith alla trouver Holophernes elle s'estoit extremement bien parée; son visage estoit doué de la plus rare beauté qui se puisse voir, ses yeux estincelans, ses levres pourprines, ses cheveux esparpillés et flottans sur ses espaules.

  A009000463 

 Neanmoins, Holophernes ne fut prins ni par les yeux, ni par les levres, ni par les cheveux de Judith, ni d'aucunes des choses que je vous ay dit estre en elle; mais quand il jetta ses yeux sur ses sandales et chaussures, qui, comme nous pouvons penser, estoyent recamées d'or avec une fort bonne grace, il en demeura tout espris et touché.

  A009000464 

 C'est cette bassesse que Dieu regarda en la sacrée Vierge, et de ce regard proceda tout son bonheur; [163] ainsy, dit-elle, à cause de cela, elle sera publiée bienheureuse par toutes les creatures, de generation en generation.

  A009000464 

 Et qu'est-ce que ces sandales et cette chaussure de la Vierge, sinon son humilité representée par les souliers, qui sont les plus vils accoustremens dont on se sert pour l'ornement du corps, car ils sont tousjours contre terre, foulant la fange et la boue.

  A009000467 

 Ce n'est pas qu'il ne voulust reconnoistre sa Mere, mais il vouloit faire entendre que ce n'estoit pas seulement pour l'avoir porté en son sein qu'elle estoit aggreable à Dieu, ains plustost par l'humilité avec laquelle elle accomplissoit sa volonté en toutes choses..

  A009000468 

 Exurgens Maria; elle se leve promptement et va hastivement par les montagnes de Judée, car l'Enfant duquel elle estoit grosse ne l'incommodoit aucunement, d'autant qu'il n'estoit pas semblable aux autres; partant la Vierge n'en ressentoit pas l'incommodité des autres femmes, lesquelles sont pesantes et [165] ne peuvent marcher à cause de la pesanteur de l'enfant qu'elles portent, parce que ces enfans sont pecheurs.

  A009000470 

 Mais sainte Elizabeth sçavoit bien que la Vierge enfanteroit heureusement, et partant elle ne fait point de difficulté de l'appeller Mere avant qu'elle le soit, car elle est asseurée qu'elle le sera, et non Mere d'un homme seulement, mais de Dieu, et par consequent Reyne des hommes et des Anges; pour ce, elle s'estonne qu'une telle Princesse la soit allée visiter..

  A009000471 

 Et si tous les Prophetes desiroyent le Messie promis en la Loy et se resjouissoyent sçachant que tout s'accomplirait en son jour, combien plus devons-nous penser que saint Jean fut rempli d'allegresse voyant au travers le sein de sa mere le vray Messie promis, le Desiré des Patriarches, qui le venoit visiter pour commencer [167] par luy l'œuvre de nostre Redemption en le retirant du bourbier du peché originel!.

  A009000471 

 Pour ce qui devoit advenir, elle vit par ce mesme esprit que la Vierge seroit benite entre toutes les femmes, et le proclama; elle parla aussi du present, l'appellant Mere de Dieu.

  A009000471 

 Puis elle dit: Vous estes bienheureuse, Madame, parce que vous avez creu; et de plus, vous estes benite par dessus toutes les femmes.

  A009000471 

 Vous avez creu que la vierge et la sterile concevroyent, qui est une chose qui surpasse le cours de nature: voyla pour le passé, qu'elle sceut par esprit prophetique.

  A009000472 

 O combien, mes tres cheres Sœurs, devez-vous estre comblées de joye lors que vous estes visitées par ce divin Sauveur au tres saint Sacrement de l'autel, et par les graces interieures que vous recevez journellement de sa divine Majesté par tant d'inspirations et paroles qu'il dit à vostre cœur; car il est tousjours à l'entour frappant et vous parlant de ce qu'il veut que vous fassiez pour son amour.

  A009000473 

 La tres sainte Vierge entendant ce que sa cousine Elizabeth disoit à sa louange, s'humilia et rendit de tout la gloire à Dieu; puis confessant que tout son bonheur, comme j'ay dit, procedoit de ce qu'il avoit regardé l'humilité de sa servante, elle entonna ce beau et admirable cantique Magnificat, cantique qui surpasse tous ceux qui avoyent esté chantés par les autres femmes: plus excellent que celuy de Judith, plus beau sans nulle comparaison que celuy que chanta la sœur de Moyse apres que les enfans d'Israël eurent passé la mer Rouge et que Pharaon et les Egyptiens furent ensevelis dans ses eaux, en somme plus beau que ceux qui ont esté chantés par Simeon et par tous les autres dont l'Escriture fait mention..

  A009000474 

 Que si vous le faites fidellement et humblement en ce monde, indubitablement vous chanterez au Ciel, avec la mesme Vierge, Magnificat; et benissans par ce sacré cantique la divine Majesté, vous serez benites d'elle à toute eternité, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000474 

 Vous devez donques reluire tout particulierement en icelles, vous portant avec une grande diligence et allegresse à visiter vos Sœurs malades, vous soulageant et servant cordialement les unes les autres en vos infirmités, soit spirituelles ou corporelles; et par tout où il s'agit d'exercer l'humilité et la charité vous vous y devez porter avec un soin et promptitude singuliere, car voyez-vous, ce n'est pas [168] assez pour estre fille de Nostre Dame de se contenter d'estre dans les maysons de la Visitation et porter le voyle de Religieuse.

  A009000491 

 Il veut nous faire entendre par cette similitude que les negociateurs du Ciel sont semblables à ce marchand; car, si vous y prenez garde, ils font un mesme negoce, je veux dire, ils negocient de mesme façon.

  A009000492 

 Or pensez, de grace, si celuy qui a possedé si eminemment les biens et les richesses de la terre par dessus tout autre n'est pas content, qui donc le pourra estre?.

  A009000500 

 Je sçay bien pourtant qu'ils mettent leur metal au feu, puis ils le reduisent en poudre, et apres ils le font passer par la coupelle et le purifient derechef, asseurant que s'ils le pouvoyent tant purifier qu'il ne restast qu'une certaine matiere ou liqueur qui est descendue du ciel, il leur seroit facile de parvenir, ou ils seroyent parvenus au bout de leur pretention..

  A009000503 

 Vous nous appeliez, faites par vostre grace que nous allions; vous avez commencé l'œuvre de nostre perfection, nous ne voulons jamais douter que vous ne la paracheviez..

  A009000504 

 Resouvenez-vous de cette parole tant admirablement bien inculquée par Nostre Seigneur dans le cœur des Apostres: S i vous n'estes faits comme petits enfans, vous n'entrerez point au Royaume des cieux.

  A009000511 

 Cet Evangile traitte de ce que Nostre Seigneur passant par un village nommé Bethanie, entra en une maison qui estoit à une femme nommée Marthe, laquelle avoit une sœur nommée Marie Magdeleine.

  A009000512 

 Ces deux femmes representent Nostre Dame: Marthe, en la reception que la sacrée Vierge fit de son divin Fils et au soin qu'elle en eut tandis qu'il fut en cette vie mortelle, et Marie, en la reception qui luy fut faite par son Fils là haut en sa gloire.

  A009000515 

 Et parce qu'elle aymoit grandement sa sœur, elle desiroit qu'elle s'embesoignast comme elle pour servir son tres cher Maistre, qui neanmoins prenoit plus de playsir à l'exercice de Marie, dans le cœur de laquelle il distilloit, par le moyen de ses paroles, des graces plus grandes que nous ne sçaurions penser..

  A009000515 

 Marthe, avec le dessein et souci de pourvoir à ce qu'il failloit à nostre Maistre, avoit encores un peu de propre estime qui la poussoit à monstrer et desirer que l'on vist la courtoisie et affabilité avec laquelle elle recevoit ceux qui luy faisoyent l'honneur de la venir voir, se respandant toute au service propre au traittement exterieur du [180] Sauveur; et la bonne fille pensoit estre bonne servante de Dieu par ce moyen-là et s'estimoit estre quelque chose.

  A009000516 

 Si je ne cherche que luy, que me doit-il importer que l'on me fasse faire cecy ou cela? Si je ne veux que sa volonté, que m'importera-t-il que l'on m'envoye en Espagne ou en Irlande? Et si je ne cherche que sa croix, pourquoy me faschera-t-il que l'on m'envoye aux Indes, aux terres neuves ou aux vielles, puisque je suis asseuré que je la trouveray par tout?.

  A009000518 

 Il s'en trouveroit assez qui s'estonneroyent, disant: Comment est-ce que Nostre Seigneur, qui aymoit si tendrement et si fortement sa sainte Mere, ne luy donna le privilege de ne point mourir? Puisque la mort est la peine du peché, et qu'elle n'en avoit jamais fait aucun, pourquoy est-ce qu'il la laissa mourir? O mortels, que vos pensées sont contraires à celles des Saints, que vos jugemens sont esloignés de ceux de la divine Majesté! Ne sçavez vous pas que la mort n'est plus ignominieuse, ains qu'elle est pretieuse despuis que Nostre Seigneur et Maistre se laissa attacher par elle sur l'arbre de la croix? Ce n'eust point esté un advantage ni un privilege pour la Sainte Vierge de ne point mourir, ains elle avoit tousjours desiré la mort dès qu'elle la vit dans les bras et dans le cœur mesme de son tres sacré Fils.

  A009000519 

 Et si bien cet amour alloit sans cesse croissant, cet accroissement ne se faisoit point par secousses ni eslans, ains, comme un doux fleuve, elle alloit tousjours coulant, et presque imperceptiblement, du costé de cette union tant desirée de son ame avec la divine Bonté.

  A009000523 

 Il dit que Jesus Christ a esté eslevé d'autant plus haut au dessus de tous les Cherubins et autres Esprits angeliques que son nom est relevé par dessus tous les autres noms.

  A009000523 

 Le grand Apostre saint Paul, parlant de la gloire du Fils de Dieu Nostre Seigneur, fait un argument par lequel on peut bien entendre le haut degré de celle de sa tres sainte Mere.

  A009000524 

 Mais tout ainsy que Nostre Seigneur ressuscita au bout de trois jours, elle ressuscita de mesme au bout de trois jours; differemment neanmoins, d'autant que le Sauveur [184] ressuscita de sa propre puissance et authorité, et Nostre Dame ressuscita par la toute puissance de son Fils qui commanda à l'ame benite de sa tres sainte Mere de s'aller reunir à son corps.

  A009000525 

 L'Arche de l'alliance dans laquelle estoyent les tables de la Loy ne pouvoit estre atteinte d'aucune corruption, d'autant qu'elle estoit faite de bois de cedre qui est incorruptible; combien estoit-il plus raysonnable que cette Arche en laquelle avoit reposé le Maistre de la Loy, fust exempte de toute corruption? La resurrection de la tres sainte Vierge est declarée par ces paroles: Levez-vous, Seigneur, vous, et l'Arche de vostre sanctification.

  A009000527 

 Et qu'ainsy ne soit, escoutez ce qui est dit par le Pere eternel: Je le constitueray Roy et luy donneray plein pouvoir sur tout ce qui est au Ciel, sur tout ce qui est en la terre.

  A009000527 

 Or, quelle est la maison de Nostre Seigneur sinon la tres sainte et virginale chair de Nostre Dame? Elle fut donques exempte de tribut par les merites de son Fils, c'est à dire, elle fut ressuscitée avant qu'elle eust aucunement receu de tare ni deschet dans le sepulcre..

  A009000529 

 Quand on loue quelqu'un et qu'on reserve un peu de la louange que nous savons qui luy est deue, qu'est-ce qui fait cela sinon l'envie que nous avons de ses vertus? Mais Marthe fait son petit coup et jette son petit trait d'envie par forme de joyeuseté, et cette cy est la plus fine.

  A009000535 

 Quelles brides ne faut-il pas mettre à la langue pour l'empescher de courir par les rues comme un cheval eschappé et d'entrer en la maison du prochain, voire mesme dans sa vie, ou pour la censurer et [189] contreroller, ou bien pour luy oster tousjours un peu de l'estime que nous sçavons luy estre deuë..

  A009000539 

 C'est pourquoy les trouppes angeliques s'escrioyent comme tout estonnées: Qui est celle cy qui monte du desert appuyée sur son Bien-Aymé? Par où nous pouvons entendre que si bien Nostre Dame montoit au Ciel comme estant toute pure, nonobstant sa pureté, elle estoit neanmoins appuyée sur les merites de son Fils, en vertu desquels merites elle entra en la gloire.

  A009000539 

 Et tout ainsy qu'il ne fut jamais veu tant de parfums dans la ville de Hierusalem comme la reyne de Saba en porta lors qu'elle alla visiter le grand roy Salomon, lequel en contreschange luy fit des presens selon sa grandeur et magnificence royale, de mesme, dis-je, l'on ne vit jamais tant de merites ni tant d'amour portés au Ciel par aucune pure creature, comme la tres sainte Vierge y en porta à sa glorieuse Assomption.

  A009000556 

 Or, d'autant que la dedicace de nostre cœur à la divine Majesté se fait par l'amour, je suivray mot à mot ce que Nostre Seigneur dit en [192] l'Evangile qui court cette semaine à un docteur de la loy qui luy demanda quel estoit le plus grand commandement.

  A009000556 

 Si j'eusse eu le temps, j'eusse parlé d'une certaine dedicace pieuse qui se fait par la frequentation du temple, c'est à dire de l'eglise; mais je ne parleray pour cette heure que de la dedicace du cœur, asseuré que je suis que les ames pour lesquelles je presche maintenant y prendront plus de playsir.

  A009000558 

 Mais dites-moy, de grace, se peut-il rencontrer un objet plus excellent que la Divinité mesme? Laissant à pari son incomparable beauté, considerons son indicible bonté qui nous a par tant et tant de façons tesmoigné [193] qu'elle nous ayme et desire infiniment que nous l'aymions.

  A009000559 

 Si Nostre Seigneur nous eust commandé de l'aymer comme font les Bienheureux là haut au Ciel, vous auriez quelque rayson de dire que nous ne le pouvons pas, d'autant qu'ils l'ayment d'un amour ferme, stable et constant, sans interruption quelconque; ils le benissent perpetuellement, et par ainsy ils sont en un continuel exercice de leur amour; ce que nous ne pouvons pas faire nous autres, car il faut que nous dormions, et pendant ce temps là nostre amour cesse son exercice.

  A009000564 

 Ces ames donques que je dis estre comparables au second archer, sont celles qui se retirent du commun du peuple pour mener une vie plus parfaite, soit qu'elles s'en sequestrent tout à fait ou non, et qui ne se contentent pas de vivre selon l'observance des commandemens de Dieu, mais passant plus outre, embrassent la prattique de ses conseils; partant elles descochent le plus souvent qu'elles peuvent des traits et des sagettes dans le cœur de la divine Majesté par des eslancemens fervens et affectionnés de leur esprit.

  A009000564 

 Par ainsy elles navrent et blessent ce Roy des cœurs, comme luy mesme l'asseure quand il dit à son Espouse: Ma mie, ma belle et ma colombe, tu m'as ravi le [196] cœur, tu m'as blessé et navré par l'un de tes yeux et par l'un de tes cheveux qui pend sur ton col, c'est à sçavoir par l'une des pensées qui viennent du costé de ton cœur.

  A009000565 

 Cette seconde façon d'aymer Dieu est celle que nous pouvons exercer en cette vie et à laquelle nous devons tous pretendre; car quant à la troisiesme, qui est representée par cet archer qui tire sans cesser, elle appartient aux ames des Bienheureux qui jouissent de la claire veue de la Divinité en Paradis.

  A009000569 

 De mesme en est-il en cet amour sacré: la fidelle amante s'essaye par tous les moyens possibles de rencontrer par tout son cher Bien-Aymé tout seul, pour luy lancer dans le cœur quelques traits [199] de sa passion amoureuse et luy rendre quelque petit tesmoignage de son amour, quand ce ne seroit que de luy pouvoir dire: Vous estes tout mien, et moy je suis toute vostre..

  A009000571 

 Aymer le prochain pour le Ciel c'est luy procurer des graces et des benedictions par le moyen de nos prieres, voire encores l'encourageant à l'exercice des vrayes vertus, tant par paroles que par exemples.

  A009000579 

 Il y en a d'autres qui s'y enferment pour estre tousjours en repos avec Nostre Seigneur par le moyen de l'oraison, et y jouir des douceurs qu'il donne à ceux qui le servent; car, qui ne desireroit ces douceurs?.

  A009000579 

 Les uns par desespoir, ne sçachant plus que faire au monde; le monde ne voulant plus d'eux, ils s'en viennent en [202] Religion.

  A009000579 

 Plusieurs entrent en Religion par divers motifs.

  A009000581 

 Les mauvaises habitudes nous sont demeurées apres le peché de nos premiers parens Adam et Eve, qui perdirent la grace originelle par la desobeissance.

  A009000581 

 Qu'est-ce que vivre selon le viel homme? C'est vivre comme les mondains: ils convoitent perpetuellement les richesses pour en avoir tousjours davantage, ils n'en sont jamais assouvis; ils pourchassent les grandeurs à fin d'estre estimés par dessus tous; ils suivent leur playsir brutal, sensuel et infame, sans s'arrester; veulent estre maistres d'un chacun et ne recevoir la correction de personne; ayment leur propre chair et leurs commodités en tout.

  A009000582 

 Au monde l'on ayme et cherit fort la propre estime, et en Religion il faut prattiquer l'humilité par dessus tout, car qui s'exerce bien en cette vertu il a bien tost toutes les autres.

  A009000584 

 Oh! il nous faut bien humilier, car par cette vertu nous nous rendrons aggreables à la divine Majesté et nous transformerons en Nostre Seigneur..

  A009000586 

 Rebecca ayant ouy ce qu'Isaac avoit dit à Esau, print un chevreau qu'elle accommoda en guise de venaison, puis le fit porter par Jacob à son pere à fin qu'il eust sa benediction (Dieu ne permit pas qu'elle vinst à Esau).

  A009000595 

 Ce que sçachant, le roy fut fort fasché, et appellant à soy de ses gentilshommes il leur commanda de s'en aller par la ville et par toutes les avenues des chemins pour inviter [208] tous les pauvres, tant malades que sourdsmuets, boiteux, aveugles, bossus et contrefaits, sans en laisser un seul auquel ils ne dissent: Le roy vous prie de venir en son festin..

  A009000595 

 Le roy n'estant pas content de cela leur en manda d'autres, lesquels ne furent pas seulement rejettés et mesprisés par les conviés, mais ils furent esgorgés et mis à mort.

  A009000597 

 Voyla le contenu de la parabole, laquelle je ne m'amuseray pas à expliquer selon le sens litteral, parce qu'il regarde la prediction que nostre divin Sauveur faisoit de la reprobation des Juifs et de l'election des Gentils, qui, comme borgnes, boiteux, bossus et impotens, furent amenés au festin des noces du Fils du Roy par la predication du saint Evangile qui leur fut faitte tant par les Apostres que par Nostre Seigneur mesme.

  A009000598 

 Et premierement, je considere que ce festin auquel nous sommes invités par le souverain Roy de gloire, c'est le festin de la Croix, qui est dressé sur la montagne de Calvaire où se celebre la solemnité des fiançailles de Jesus Christ avec nos ames.

  A009000600 

 Ces parolles de l'Espouse sont entendues diversement par les Peres, car une partie d'iceux disent que cette couronne estoit la sacrée humanité de Nostre Seigneur, et que sa tres sainte Mere la luy avoit donnée pour en orner le chef de sa divinité.

  A009000600 

 De mesme, la tres sainte humanité estoit beaucoup moindre que la divinité du Sauveur, mais neanmoins sa divine Majesté s'est voulu servir de cette humanité sacrée pour nous faire connoistre la grandeur de sa sagesse, bonté et misericorde; et par ainsy elle a esté comme une couronne royale qui nous a fait comprendre en quelque façon, selon nostre capacité, la dignité du chef qu'elle a environné et orné..

  A009000604 

 Quant aux hommes et aux Anges, nul ne peut douter que ce ne fust le jour de leur joye par excellence au dessus de tous les autres.

  A009000606 

 Nous venons tous au festin de la Croix, car par la grace de Dieu nous esperons d'estre sauvés par [213] les merites de Nostre Seigneur crucifié; mais le malheur est que nous n'y venons pas tous avec la robe nuptiale, de sorte que plusieurs en sont bannis et jettés dans les flammes eternelles..

  A009000608 

 Me voyci maintenant à ce que je voulois dire, et pour ne laisser plus vos attentions en suspens, je vous declareray que cette robe d'Esther represente fort bien la robe nuptiale de laquelle il faut que les ames soyent revestues pour estre trouvées aggreables par le grand Assuerus, par nostre divin Sauveur; mais principalement les Religieux et Religieuses qui luy sont presentées pour estre ses espouses et qui pretendent de parvenir à son lit nuptial..

  A009000612 

 Les Religieux et Religieuses doivent avoir cette robe tres grande, ce qui represente le bon exemple; et ne se faut pas contenter quelle aille jusqu'en terre et jusqu'à la fin de leur vie, mais aussi qu'elle passe plus outre; que l'odeur de leur sainteté charge celles qui viennent apres elles, qu'il y ait tousjours une bonne brassée de leurs bons exemples propre à estre portée, par imitation, par tous ceux qui entendront parler d'elles..

  A009000612 

 Que pensez-vous que je veuille [215] signifier par cela? Puisque cette robe represente la robe nuptiale que nous devons apporter au banquet et festin de la Croix, il faut que nostre charité soit longue et traisnante, qu'elle soit perseverante jusqu'à la fin de nos jours.

  A009000613 

 Aussi faut-il que les ames qui doivent estre presentées au Roy souverain par les attraits et inspirations celestes soyent appuyées sur l'esperance de participer aux merites de la Mort et Passion de Nostre Seigneur; car en s'appuyant sur leurs bonnes œuvres elles ne sçauroyent marcher ni le faire seurement pour parvenir au festin nuptial de leur tres cher Espoux.

  A009000618 

 Mais je ne veux ni dois entreprendre ce discours sans avoir jetté le fondement de l'esperance que j'ay de vous dire quelque chose qui vous soit utile et profitable en l'assistance du Saint Esprit, par l'intercession de la Sainte Vierge, luy presentant le Salut angelique..

  A009000622 

 Par le Sacrement de Penitence nous recevons l'absolution de tous nos pechés tant mortels que veniels; car encor que la confession regarde seulement les pechés mortels, si est-ce que les veniels sont suffisante matiere d'absolution, et il est tres bon de s'en confesser.

  A009000622 

 Par le Sacrement de l'Eucharistie nous sommes unis et conjoins à la divine Bonté et recevons la vraye vie de nos ames; car ne sçavez-vous pas que le divin Sauveur a dit: Celuy qui me mange vivra eternellement? En fin il en est de mesme des autres Sacremens qui en une certaine façon nous lavent tous de nos iniquités..

  A009000622 

 Par le Sacrement du Baptesme nous sommes lavés et nettoyés du peché originel, nous rentrons en grace avec sa divine Majesté et sommes rendus ses enfans bien aymés.

  A009000623 

 Ce cher Sauveur et Amant de nos ames voyant le danger où nous estions reduits à cause du peché de nostre premier pere Adam, vint par son amour ineffable ça bas en terre pour s'unir à nostre nature, et souffrir la mort à fin de nous donner la vie, nous laissant ses divins Sacremens comme des medicamens efficaces et pleins d'energie pour nous guerir de toutes nos maladies et souilleures, si nous nous en approchons avec l'humilité, la reverence et l'amour requis.

  A009000623 

 Mais ceux qui ne s'en approchent qu'une fois l'année, au temps de Pasque, par maniere d'acquit et pour eviter le blasme, qu'ils ne pensent pas en rapporter aucun fruit..

  A009000625 

 La maladie corporelle arrive quelquefois lors qu'il y a quelque desordre en nous, que les humeurs s'espanchent par tout le corps et que quelque humeur froide tombe sur le foie; cela donne des douleurs d'estomach.

  A009000625 

 La maladie de l'esprit est aussi causée par le desordre de nos passions interieures, lors qu'elles ne sont pas bien rangées à leur devoir et sousmises à la rayson et à la volonté divine..

  A009000626 

 Nous voyons par ces paroles que ce grand Saint appelle toutes les ames des Chrestiens generalement, espouses de ce grand Dieu.

  A009000629 

 Les mondains se font gloire de ne point pardonner et faire misericorde; et Jesus Christ enseigne: Bienheureux les misericordieux, car ils obtiendront misericorde, nous monstrant par là que si nous ne faisons misericorde elle ne nous sera pas faite.

  A009000630 

 Allez tant que vous voudrez par tout le monde prescher la pauvreté; qui vous entendra? Exaltez tant qu'il vous plaira la sainte humilité; à qui, je vous prie, la persuaderez-vous? Criez et recriez tant que vous pourrez que bienheureux sont les pauvres; personne ne le veut estre pour tout cela, sinon ceux à qui le Saint Esprit a donné le don de sapience, par lequel il fait gouster à leurs ames la douceur qu'il y a au service de Dieu et en la prattique des vertus.

  A009000634 

 Nostre Seigneur voyant sa presomption luy fit escrire une petite lettre par laquelle il luy mandoit: Tu penses estre riche, mais tu es tres pauvre, tu es miserable.

  A009000637 

 Ainsy, à l'imitation de ce vaysseau d'election, ces ames religieuses ont reputé tout ce qui estoit au monde fange et ordure, car elles ont tout quitté: leurs parens, leurs richesses et les contentemens qu'elles pouvoyent esperer, pour se retirer dans le monastere à fin de gaigner Nostre Seigneur et sa bonne grace en s'adonnant à la prattique de la sainte humilité, par laquelle elles se rendront dignes de recevoir les faveurs de leur divin Espoux..

  A009000640 

 Et pourquoy pensez-vous que l'humilité n'y est pas? C'est parce que cette infortunée parolle tien et mien n'en est pas bannie; car dès que la communauté et pauvreté n'est pas observée, la presomption et superbe y entre aussi tost, d'autant qu'il n'y a rien qui nous enfle tant que les richesses, par lesquelles nous avons dequoy dire tien et mien.

  A009000640 

 La sainte pauvreté sert grandement pour nourrir et conserver l'humilité, parce qu'il n'y a rien qui nous humilie et abaisse tant que d'estre pauvre, de sorte que l'humilité est tenue fort à couvert par le moyen de la pauvreté et communauté..

  A009000641 

 En fin la pauvreté n'y estant pas, il n'y a par consequent point d'humilité, car ces deux vertus sont fort unies ensemble, l'une servant grandement à conserver et maintenir l'autre, comme j'ay desja dit.

  A009000642 

 Bienheureuses sont donques les ames auxquelles Dieu a fait tant de misericorde que de les avoir appellées à une Religion où la sainte communauté est exactement observée, car elles ont certes plus de moyens et de facilité pour acquerir la tres sainte humilité; et partant, ayant l'humilité elles ont par consequent la vraye pauvreté d'esprit à laquelle est jointe et attachée la felicité eternelle, puisque Nostre Seigneur et Maistre la leur a promise disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, c'est à sçavoir les humbles, d'autant que le Royaume des cieux est à eux..

  A009000643 

 Mais en fin ces ames estans ainsy reputées du monde, elles sont aymées et cheries de leur Espoux celeste, aux yeux duquel elles sont trouvées aggreables par le moyen de leur humilité et charité, par lesquelles vertus elles s'unissent à luy..

  A009000644 

 Or, pour abreger et reduire tout en un seul point, je desire de vous donner une methode par laquelle vous pourrez facilement mettre en prattique tout ce que nous avons dit cy dessus.

  A009000644 

 Si nous touchons son pretieux corps, nous le trouverons tout meurtri, noir et couvert de playes, par lesquelles de tous costés il verse son sang pour nous laver de nos iniquités.

  A009000650 

 Mais comme si le Sauveur eust voulu encherir et non pas diminuer la louange que l'on rendoit à sa tres sainte [231] Mere, il poursuit le cantique d'honneur qui estoit entonné par sainte Marcelle à la faveur de Nostre Dame, disant: Il est vray, mais plus heureuse encores est-elle d'avoir escouté la parole de mon Pere et de l'avoir gardée.

  A009000650 

 Nostre divin Maistre nous le donne à entendre par la replique qu'il fit à cette femme, car si bien la premiere louange estoit inspirée par le Saint Esprit mesme, elle estoit neanmoins prononcée par une creature.

  A009000655 

 C'est moy, dit-il; et par ce mot il renversa tous ses ennemis par terre.

  A009000659 

 O mondains, jouissez, si bon vous semble, de vos biens, pourveu que vous ne fassiez tort à personne; prenez les playsirs licites et permis par la tres sainte Eglise, faites vos volontés en tant et tant d'occurrences, Dieu vous permet tout cela.

  A009000659 

 Oh que bien heureux sommes-nous donques nous autres, qui, par le moyen des vœux que nous avons faits, luy avons tout dedié, et nos corps et nos cœurs et nos moyens, renonçant aux richesses par le vœu de pauvreté, aux playsirs de la chair par celuy de chasteté, et à nostre propre volonté par celuy d'obeissance.

  A009000661 

 Car, je vous prie, qui est celuy qui au jour solemnel de Pasques ne se renouvelle tout entier par des saintes affections et resolutions de mieux faire, voyant Nostre Seigneur tout renouvellé en sa Resurrection? Qui est le Chrestien qui ne renouvelle point son cœur au jour de la Pentecoste, où il considere que Dieu envoye du Ciel un nouvel esprit sur ceux qui l'ayment, et au jour de la Toussaint où la sainte Eglise nous represente la gloire et felicité des Esprits bienheureux, apres laquelle nous souspirons et pour laquelle nous esperons? En fin, qui peut estre de si petit courage qu'il ne s'efforce de se renouveller au jour de Noël, où l'on voit le Sauveur de nos ames fait petit enfant tant aymable qui vient pour nous racheter?.

  A009000662 

 Et comme le pourrions-nous mieux faire que par des reconfirmations du dessein que nous avons et du choix que nous en avons fait? Vous avez donques, mes cheres ames, mis aujourd'huy un clou à vostre vocation par le renouvellement de vos vœux en presence de la divine Majesté, qui demande cela de vous en reconnoissance du don sacré qu'elle vous a fait à mesme temps d'elle mesme..

  A009000664 

 Il ne faut non plus d'exemption en cette obeissance qu'en l'offrande que Dieu veut que nous luy fassions de nous mesme, car si Nostre Dame n'eust pas esté aggreable à la divine Majesté sans cette absolue obeissance, comme Nostre Seigneur le monstre par la louange qu'il luy donna apres celle de cette benite femme mentionnée en nostre Evangile, beaucoup moins le serons-nous, nous autres.

  A009000664 

 Pourtant, mes cheres Soeurs, bien que nul autre que la Sainte Vierge puisse avoir cet honneur d'estre Mere de Nostre Seigneur en effect, nous devons neanmoins tascher d'en meriter le nom par l'obeissance à la volonté de Dieu.

  A009000674 

 Quelle plus grande sagesse, je vous supplie, que celle des Religieux qui connoissans leur foiblesse pour demeurer dans le monde, emmi les continuelles occasions de se perdre, s'en retirent pour plus à souhait servir Dieu fidellement? Ils ont esté touchés de ce feu du Saint Esprit lequel leur a fait connoistre, par un petit rayon de sa lumiere, qu'ils ont plusieurs maladies spirituelles auxquelles il faut remedier pour ne point tomber au peril de la mort eternelle..

  A009000675 

 Ces bigearreries, ces propres volontés qui ne se veulent point sousmettre, ces jugemens particuliers, ces intentions impures qui ruinent et gastent toutes nos meilleures actions, ces laschetés et cette negligence d'esprit qui n'a point de cœur pour la pretention de la perfection, [242] qu'est-ce autre chose que des maladies contractées par nostre ame en la communication que nous avons eue avec le peché?.

  A009000675 

 L'Eglise n'est autre chose qu'un hospital où il y a plusieurs sortes d'infirmeries pleines de malades; car les pecheurs ne sont-ce paà des malades? Mais comme aux hospitaux il y a tousjours quelque infirmerie ou chambre pour les convalescens, de mesme les Religions sont destinées aux ames relevées qui desirent grandement de se rendre quittes des maladies qu'elles ont apportées du monde et que Nostre Seigneur par sa grace leur a fait connoistre.

  A009000676 

 C'est en cette façon que tous peuvent estre appellés et estre par consequent dignes successeurs des Apostres; car si bien tous ne preschent pas et n'administrent pas les Sacremens, qui sont les remedes dont se sert la sainte Eglise pour la guerison de ses malades, tous neanmoins peuvent et doivent prescher d'exemple; et cette predication ne sera peut estre pas moins utile que l'autre.

  A009000678 

 La convoitise de l'honneur brusle les uns, celle de l'avarice les autres, et d'autres le sont par la convoitise des playsirs vilains, brutaux et deshonnestes; cependant ils ne sont point malades! ou du moins ils se vantent de ne l'estre pas.

  A009000679 

 Les Religieux ayans esté esclairés par le Saint Esprit constituent toute leur sagesse en la tres sainte sousmission, sujetion, humilité et mespris d'eux mesmes, car ils ont fort bien consideré que c'est l'abus de leur liberté qui a fait [244] descendre les Anges du Ciel et les a precipités en l'abisme de l'enfer, où ils seront eternellement esclaves de ses peines eternelles..

  A009000679 

 O pauvre miserable, respond-il, tu es «gouverné par un grand fol;» puisque tu es maistre de toy mesme, tu es par consequent disciple d'un sot.

  A009000680 

 Escoutez le Prophete, lequel introduisant les mondains dit qu'ils ont secoué leur joug, et ayans rompu les liens de charité se sont pris à dire: Qui est nostre maistre? se voulans ainsy gouverner eux mesmes, et protestans: Nous ne servirons pas; c'est à sçavoir, nous ne dependrons de personne sinon de nostre propre volonté, et par ainsy nous jouirons de nostre liberté.

  A009000681 

 Certes, la pluspart des mondains font presque tout par caprice et fantasie.

  A009000681 

 Mais quel est ce sel qui donne goust et saveur à toutes nos actions et sans lequel elles ne sçauroyent meriter que Nostre Seigneur les trouve bonnes ni aggreables à sa bonté? C'est la sainte obeissance qui les rend aussi meritoires de la vie eternelle; ouy, mesme une action qui de soy n'est nullement bonne et de nul merite, si elle est faite par obeissance elle devient bonne, et les indifferentes sont rendues meritoires et aggreables à Dieu.

  A009000681 

 S'ils s'en vont dormir ils le font souventesfois par caprice; ils mangent de mesme et ainsy des autres choses.

  A009000681 

 Voire, bien souvent ils font leurs prieres par caprice.

  A009000682 

 O qu'ils sont heureux ceux cy parce qu'ils ne font rien qui ne soit aggreable à Dieu! Vous estes le sel de la terre; c'est à dire vous assaisonnez les actions mesme terrestres, et par ce moyen vous les rendez celestes..

  A009000682 

 Or les Religieux et ceux qui vivent vertueusement et sagement dans le monde n'agissent pas de la sorte, car ils ne font chose quelconque que par obeissance.

  A009000682 

 S'ils se vont coucher ils le font simplement parce qu'il est expedient de donner du repos à leur corps à fin d'avoir par apres assez de force pour le travail ordinaire et necessaire pour la gloire de Dieu.

  A009000683 

 C'est pourquoy il est fort à propos de nous lier et engager à la poursuite des biens eternels par le moyen du vœu que nous faisons de l'obeissance à la volonté de Dieu qui nous est signifiée par ses commandemens, ses conseils, nos Regles et les ordonnances des Superieurs..

  A009000683 

 O que c'est une grande sagesse de ne s'estimer pas assez sage pour se conduire soy mesme! Je sçay bien que si nous nous laissions gouverner par la rayson elle nous meneroit bien avant dans le Ciel; mais le peché a tellement gasté et tracassé nos puissances interieures, que la partie inferieure de nostre ame a pour l'ordinaire plus de pouvoir pour nous tirer au mal que non pas la partie superieure pour nous [246] faire tendre du costé du bien.

  A009000683 

 Pourquoy pensez-vous que le Seigneur en l'ancienne Loy eust commandé aux Israelites qu'ils se gardassent bien de luy offrir aucun sacrifice où ils ne missent du sel? Nostre divin Maistre reconfirma ce mesme commandement par sa sacrée bouche, pour nous monstrer qu'il vouloit que tous nos sacrifices fussent offerts avec une grande sagesse et consideration.

  A009000684 

 Le roy ne seroit pas reputé sage et prudent s'il ne se faisoit paisiblement obeir par ses sujets et ne gouvernoit son royaume selon la justice et l'equité comme il convient à un souverain; un marchand ne sera pas estimé sage s'il ne tasche, par le moyen de son traffic, de s'enrichir et augmenter ses moyens; et ainsy des autres.

  A009000686 

 C'est cette droite intention qui amene icy ces filles pour se sacrifier à Nostre Seigneur par la resolution inviolable d'estre toutes à Dieu; elles ne se contentent pas d'observer ses commandemens, car elles ont esté touchées de cet amour du Saint Esprit qui fait qu'elles ne veulent pas seulement s'unir à Dieu par la prattique d'iceux comme le reste des Chrestiens, mais, par une pretention plus genereuse et amoureuse, elles se viennent obliger à l'observance de ses conseils et de ses volontés, pour estre tant soit peu plus unies au Ciel avec sa divine Bonté..

  A009000688 

 Vous allez devenir esclaves bien aymées de son Fils tres beni Nostre Seigneur, car que voulons-nous signifier quand nous jettons la croix au col de ces filles, ainsy que vous verrez tantost? Que nous les attachons à la Croix de Nostre Seigneur, pour passer le reste de leurs jours sur le mont de Calvaire à fin d'y considerer le renoncement parfait et les travaux qu'il a soufferts pour nous, nous excitant par ce moyen à cette continuelle attention de faire tout pour luy, et preserver ainsy nos actions de la corruption et putrefaction qu'elles contractent en la communication des intentions obliques et impures.

  A009000693 

 Pour le mesme sujet, les quatre-animaux n'avoyent pas seulement des aisles pour voler, mais aussi des mains au dessous d'icelles, à fin de nous donner à entendre que nous [250] ne nous devons pas contenter d'avoir des aisles pour voler au Ciel par des saints desirs et speculations, si avec cela nous n'avons des mains qui nous portent aux œuvres et à la prattique de nos desirs, estant chose asseurée que les seuls bons propos et saintes resolutions ne nous conduiront point en Paradis, s'ils ne sont accompagnés des effects conformes à iceux..

  A009000694 

 Sur ce sujet je fais trois considerations auxquelles je ne m'arresteray pas beaucoup, ains ne feray que les toucher en passant, les laissant par apres ruminer à vos esprits, comme des animaux mondes, pour en faire une bonne et heureuse digestion.

  A009000695 

 Quant à Nostre Dame, quelle necessité avoit-elle de se purifier, puisqu'elle n'estoit ni ne pouvoit estre souillée, ayant receu une grace si excellente dès l'instant de sa conception que celle des Cherubins et des Seraphins ne luy est nullement comparable? car si bien Dieu les prevint de sa grace dès leur creation pour les empescher de tomber en peché, neanmoins ils n'y furent pas confirmés dès cet instant en sorte qu'ils ne peussent plus prevariquer, ains le furent par apres en vertu du choix qu'ils firent de se servir de cette premiere grace, et par la volontaire sousmission de leur franc arbitre.

  A009000698 

 Or, celle-cy pour estre bonne, doit non seulement nous faire connoistre, mais reconnoistre pour des vrays neants qui ne meritons pas de vivre; elle nous rend souples, maniables et sousmis à un chacun, observant par ce moyen ce precepte du Sauveur qui nous ordonne de renoncer à nous mesmes si nous le voulons suivre..

  A009000698 

 Par ce divin exemple nous sommes enseignés qu'il ne nous faut pas contenter de pratiquer l'humilité en quelques actions particulieres ou pour un temps seulement, ains tousjours et en toutes occasions; non pas seulement jusques à la mort, mais jusques à la mortification de nous mesmes, humiliant ainsy l'amour de nostre propre estime et l'estime de nostre propre amour.

  A009000699 

 Il y en a plusieurs qui se trompent grandement en ce qu'ils pensent que l'humilité ne soit propre à pratiquer [253] que par les novices et commençans, et que dès qu'ils ont fait un peu de chemin en la voye de Dieu ils se peuvent bien relascher en cette prattique.

  A009000700 

 C'est une parole des philosophes, mais qui a esté approuvée pour bonne par les docteurs chrestiens: «Connois-toy toy mesme,» c'est à dire, connois l'excellence de ton ame à fin de ne la point avilir ni mespriser.

  A009000701 

 Le roy Saul que ne fit-il pas au commencement de son regne? L'Escriture dit qu'il estoit en l'innocence d' un enfant d'un an; et cependant il se pervertit de telle sorte par son orgueil qu'il merita d'estre reprouvé de Dieu.

  A009000701 

 Nos premiers peres et tous les autres qui ont peché ont presque tous esté esmeus à ce faire par l'orgueil.

  A009000703 

 Aussi est-elle la base et le fondement de tout l'edifice de nostre perfection, lequel ne peut subsister ni s'eslever que par le moyen de la prattique d'une profonde, sincere et veritable reconnoissance de nostre petitesse et imbecillité, qui nous porte à un vray aneantissement et mespris de nous mesmes..

  A009000703 

 Donc, pour conclusion de ce premier point (car il faut estre court, d'autant que le sujet se presente fort souvent), nous sommes enseignés par nostre divin Maistre de l'estime que nous devons faire [256] de la tres sainte humilité qui a tousjours esté sa bien cherie.

  A009000704 

 Nostre Seigneur mourut sur la croix par obeissance; et Nostre Dame, quels actes signalés n'en fit-elle pas à l'heure mesme de la mort de son Fils qui estoit le cœur de ses entrailles? car elle ne resista nullement à la volonté du Pere celeste, ains demeura ferme et constante au pied de la croix et pleinement sousmise au divin bon playsir.

  A009000704 

 Nous pouvons, ainsy que nous l'avons fait pour l'humilité, dire les mesmes paroles de saint Paul: Nostre Seigneur s'est fait obeissant jusques à la mort, et à la mort de la croix; il ne fit jamais rien que par obeissance tout le temps de sa vie, ce qu'il nous manifeste luy mesme quand il dit: Je ne suis point venu pour faire ma volonté, ains celle de Celuy qui m'a envoyé.

  A009000707 

 O combien cet exemple que Nostre Seigneur et Nostre Dame nous donnent de la tres sainte obeissance nous [258] devroit inciter à nous sousmettre absolument et sans aucune reserve à l'observance de tout ce qui nous est commandé, et ne nous pas contenter de cela, mais observer encores les choses qui nous sont conseillées pour nous rendre plus aggreables à la divine Bonté! Mon Dieu, est-ce si grand chose de nous voir obeir, nous autres qui ne sommes nés que pour servir, puisque le Roy supreme à qui toutes choses doivent estre sujettes s'est bien voulu assujettir à l'obeissance? Recueillons donques cet exemple sacré que nous donnent le Sauveur et la glorieuse Vierge, et apprenons à nous sousmettre, à nous rendre souples, maniables et faciles à tourner à toutes mains par la tres sainte obeissance, et non pas pour un temps ni pour certains actes particuliers, ains pour tousjours, tout le temps de nostre vie jusques à la mort..

  A009000709 

 Ce seroit une horrible meschanceté de vouloir exclure Nostre Seigneur Jesus Christ de nostre oraison et de la penser bien faire sans son assistance, puisque c'est une chose indubitable que nous ne pouvons estre aggreables au Pere eternel sinon entant qu'il nous regarde à travers son Fils nostre Sauveur; et non seulement les hommes, mais encor les Anges, car si bien il n'en est pas le Redempteur, il est neanmoins leur Sauveur et ils ont esté confirmés en grace par luy.

  A009000709 

 Il n'y a point d'autre finesse, et sans cette condition jamais nos oraisons ne vaudront rien ni ne pourront estre receues de Dieu; car le divin Maistre l'a dit luy mesme: Nul ne peut aller à mon Pere que par moy.

  A009000710 

 J'ay dit que l'oraison est «une eslevation en Dieu.» Il est vray, car si bien en allant à Dieu nous rencontrons les Anges ou les Saints en nostre chemin, nous n'eslevons pas nostre esprit à eux ni ne leur addressons pas nos [260] oraisons, comme l'ont voulu dire meschamment les heretiques; ains seulement nous les prions de joindre leurs oraisons aux nostres et en faire une sainte confusion, à fin que par ce sacré meslange les nostres soyent mieux receues de la divine Bonté, qui les a tousjours aggreables si nous menons quant et nous son cher Benjamin, ainsy que firent les enfans de Jacob quand ils allerent voir leur frere Joseph en Egypte.

  A009000711 

 Nostre cher petit frere c'est ce beni Poupon que Nostre Dame vient aujourd'huy apporter au Temple et qu'elle remet elle mesme ou par l'entremise de saint Joseph au bon viellard Simeon.

  A009000714 

 Mais cela ne se pouvant, il faut que nous nous accoustumions à rechercher l'evenement de nostre perfection selon les voyes ordinaires, en tranquillité de cœur, faisant tout ce que nous pouvons pour acquerir les vertus par la fidelité que nous aurons à les pratiquer, un chacun selon nostre condition et vocation; et demeurons en attente pour ce qui regarde de parvenir tost ou tard au but de nostre pretention, laissant cela à la divine Providence, laquelle aura soin de nous consoler, comme saint Simeon, au temps qu'elle a destiné de le faire.

  A009000714 

 O qu'heureux sont ceux qui vivans en attente ne se lassent point d'attendre! Ce que je dis pour plusieurs lesquels ayans le desir de se perfectionner par l'acquisition des vertus les voudroyent avoir toutes d'un coup, comme si la perfection ne consistoit qu'à la desirer.

  A009000716 

 Grand cas que ce divin Esprit ne fasse nulle reserve pour n'habiter point en nous, que celle de la feintise et artifice! Il faut donc estre simples et naïfs, si nous voulons qu'il vienne en nous, et par apres Nostre Seigneur; car le Saint Esprit semble estre le fourrier de nostre Sauveur Jesus Christ, et comme il procede de luy de toute eternité entant que [264] Dieu, il semble qu'il luy rende son change, Nostre Seigneur procedant de luy entant qu'homme..

  A009000716 

 Il est donques necessaire que nous donnions place en nous au Saint Esprit, si nous voulons que Nostre Dame ou saint Joseph nous donne à tenir et porter entre nos bras ce divin Sauveur de nos ames auquel consiste tout nostre bonheur, puisque nous ne pouvons avoir acces vers son Pere celeste que par son entremise et par sa faveur.

  A009000724 

 Oh que c'est une chose utile que cette reconnoissance! Car veritablement, au dire de plusieurs, Abraham, Isaac et Jacob eussent eu quelque excuse s'ils n'eussent pas reconneu la divine Majesté, d'autant qu'ils ne l'avoyent pas conneue si clairement que nous, qui sommes hors d'excuse, ayans appris de Dieu mesme ce qu'il est, par la divine bouche de Nostre Seigneur qui est, comme nous avons dit, un mesme Dieu avec son Pere.

  A009000726 

 Qui eust jamais pensé que des paroles si saintes eussent esté prononcées par la miserable bouche d'un si meschant homme qu'estoit Pilate? Pourtant elles furent tres veritables, et Nostre Seigneur les confirma pour telles en sa Passion, ainsy que nous verrons en la suite de nostre discours.

  A009000728 

 Aussi tost que les Anges eurent peché ils furent en mesme temps confirmés en leur malice par la volontaire election qu'ils firent du mal et de ce qui pouvoit estre desaggreable à Dieu; si que dès lors il n'y eut plus d'esperance pour eux de s'en pouvoir desprendre.

  A009000733 

 Il se posa et appliqua donques sur nos cœurs par le moyen de la tres sainte Communion comme un sceau sacré et un cachet tres aymable.

  A009000734 

 Absorbé donques en cet amour qu'il portoit aux pecheurs, il se [271] print à amadouer son Pere celeste l'appellant Pere: Mon Pere, par donnez-leur, parce qu'ils ne sçavent ce qu'ils font.

  A009000735 

 Mais pourtant plusieurs ne rendirent pas sur l'heure mesme leur vie par leur conversion, ains porterent le coup de ces divines sagettes des remords interieurs jusques à la Pentecoste, jour auquel, en la premiere predication de saint Pierre, se convertirent bien trois mille personnes, entre lesquelles estoyent indubitablement plusieurs de ceux qui se trouverent à la mort de nostre Sauveur; conversion [272] qui appartenoit au merite de cette tant admirable priere qu'il fit à son Pere celeste en l'acte mesme des injures et meschancetés que ses ennemis luy faisoyent souffrir..

  A009000737 

 Et semble qu'il commence par là sa priere pour charmer ce cœur paternel, à fin qu'il pardonne aux pauvres pecheurs pour lesquels il se rendoit pleige et caution devant la justice divine; comme s'il eust voulu dire: Mon Pere, pardonnez à ces pauvres pecheurs et à ceux mesme qui me crucifient, car je suis icy pour payer pour eux.

  A009000737 

 Mais outre la grace qu'il octroye aux pecheurs, il la demande pour eux à son Pere celeste avec une charité si artificieuse qu'il ne l'appelle point son Dieu ni Seigneur, comme nous verrons qu'il fera cy apres en parlant pour soy, ains il l'appelle mon Pere, sçachant bien que ce mot si tendre estant prononcé par l'amour cordial, est plus respectueux que celuy de mon Seigneur, et que partant il seroit plus tost exaucé.

  A009000738 

 Le premier legat qu'il fit en son testament fut de donner aux pecheurs sa grace, par le moyen de laquelle ils peussent par apres parvenir à sa gloire, où nul ne peut entrer sans sa grace et sans les merites de sa Passion.

  A009000740 

 Tous sans exception ont eu besoin du merite du sang respandu par Nostre Seigneur, lequel, comme je crois, jettoit des odeurs et des parfums si excellens, tant devant la Majesté du Pere eternel que devant les hommes, qu'il estoit presqu'impossible qu'il ne fust reconneu pour estre le sang non d'un homme seulement, mais d'un homme Dieu..

  A009000743 

 Nostre divin Maistre nous enseignoit par là que si nous voulons avoir part en son testament et aux merites de sa Mort et Passion, il faut que nous nous aymions tous les uns les autres de cet amour tendre et grandement cordial du fils envers la mere et de la mere envers le fils, qui est en quelque façon plus grand que non pas celuy des peres..

  A009000745 

 L'amour de Nostre Dame estoit vrayement plus fort et plus tendre qu'il ne se peut dire, et par consequent sa douleur plus vehemente que toute autre en la Mort et Passion de Jesus Christ; mais comme cet amour estoit selon l'esprit, conduit et gouverné par la rayson, il ne produisit point de mouvement desreglé en l'affliction qu'elle ressentit se voyant privée de son Fils, qui luy causoit une consolation incomparable.

  A009000746 

 Car si bien tout ce qu'il a fait durant le cours de sa vie mortelle a esté pour nous sauver et en intention de satisfaire pour nous vers son Pere celeste, neanmoins ce qu'il opera en sa Mort et Passion est appellé l'œuvre de nostre Redemption par excellence, comme en estant l'abbregé..

  A009000748 

 Elles seroyent trop longues à vous les rapporter toutes, c'est pourquoy je me contenteray d'en remarquer quatre tant seulement, lesquelles je ne feray que toucher en passant, les laissant par apres considerer le reste de cette journée à une chacune de vous autres, à fin que leurs odeurs tres aggreables puissent parfumer toutes vos ames et les embaumer d'un saint propos de les odorer souventesfois, ainsy que le Sauveur le desire pour vostre avancement en la perfection.

  A009000750 

 Cette fleur estoit fletrie par les douleurs mortelles dont il estoit desja environné, de sorte qu'il sembloit expiré, car durant tout ce temps là il ne dit pas un seul mot, ains observa un tres profond silence par l'espace de trois heures; d'où vient que l'on a tousjours ordonné quelques heures de silence en tous les monasteres bien reformés, pour imiter celuy de Nostre Seigneur en la croix..

  A009000750 

 Or, les Evangelistes nous disent que soudain que nostre Sauveur eut prononcé les trois premieres paroles que nous avons remarquées, les tenebres se firent sur toute la face de la terre par l'espace de trois heures et le soleil s'ecclipsa, non que cette ecclipse fust naturelle, ains elle arriva extraordinairement.

  A009000751 

 Mais que pensez-vous qu'il faisoit, ce doux Sauveur de nos ames, durant ce silence? Il rentroit en soy mesme et consideroit le mystere de son abjection; car l'humilité, qu'est-ce autre chose sinon un rentrement en nous mesme pour nous considerer plus meurement? Et que cela ne soit ainsy il nous le fait entendre par ce qu'il dit par apres: Mon Dieu, mon Dieu, pour quoy m'avez vous delaissé? Ayant consideré sa pauvreté, non tant [279] exterieure que beaucoup plus interieure, il eslança cette parole de parfaite humilité, faisant connoistre sa disette, son abjection et son delaissement.

  A009000756 

 En fin c'est grande compassion de voir combien nous sommes peu observateurs de la patience de nostre Sauveur, lequel s'oublioit de ses souffrances et ne taschoit point de les faire remarquer [282] par les hommes, se contentant que son Pere celeste, par l'obeissance duquel il les enduroit, les considerast, et apaisast son courroux envers la nature humaine pour laquelle il patissoit..

  A009000756 

 Helas! si nous avons tant soit peu de mal nous faisons tout au contraire de ce que nostre tres doux Maistre nous a enseigné, car nous ne cessons de nous lamenter et de nous plaindre; nous ne trouvons pas assez de gens, ce semble, pour leur raconter toutes nos douleurs par le menu.

  A009000757 

 Que les Religieux et Religieuses seroyent heureux si à la fin de leur vie ils pouvoyent dire bien veritablement avec le Sauveur: Tout est consommé; j'ay fait tout ce qui m'estoit commandé soit par les Regles, soit par les Constitutions ou par les ordonnances des Superieurs; j'ay persevere fidellement en tous mes exercices, il ne me reste plus rien à faire..

  A009000759 

 Nostre Seigneur ayme donques d'un amour extremement tendre ceux qui sont si heureux que de s'abandonner entierement en son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine providence comme il luy plaist, sans s'amuser à considerer si les effects de cette providence leur sont utiles, profitables ou dommageables; estant tout asseuré que rien ne nous sçauroit estre envoyé de ce cœur paternel et tres aymable, ni qu'il ne permettra que rien nous arrive de quoy il ne nous fasse tirer du bien et de l'utilité, pourveu que nous ayons mis toute nostre confiance en luy, et que de bon cœur nous disions: Je remets mon esprit entre vos mains; et non seulement mon esprit, mais mon ame, mon corps et tout ce que j'ay, à fin que vous en fassiez selon qu'il vous plaira..

  A009000760 

 Nostre cher Sauveur expose son ame, c'est à dire sa vie, à la cruauté des ennemis des hommes, pour les defendre de tous malheurs et leur redonner la paix qu'ils avoyent pour jamais perdue par le peché.

  A009000761 

 Il veut que nous apprenions de luy ces vertus en la consideration de sa Mort et Passion, et desire que nous luy tesmoignions par icelles nostre amour et nostre fidelité, puisque ç'a esté en les pratiquant qu'il nous a monstré l'excellence et l'ardeur du sien envers nous qui en estions si indignes.

  A009000773 

 Or, la bonté de Dieu qui est si grande envers les hommes, ayant abandonné les Israelites par l'espace d'environ sept ans, se resolut d'avoir pitié d'eux et envoya un Ange annoncer à Gedeon qu'il vouloit les restablir en leur premiere paix, et par son moyen.

  A009000774 

 Bien, dit Gedeon, je crois ce que vous m'annoncez, mais à fin d'en estre plus certain je voudrois qu'il vous pleust m'en donner quelques signes par lesquels je puisse reconnoistre que veritablement il arrivera tout ainsy que vous m'asseurez.

  A009000774 

 Mais s'estant un peu rasseuré il reprint cœur et forces, et fit ce qui luy estoit commandé par l'Ange, que jusques à cette heure il avoit tenu pour quelque prophete passager.

  A009000775 

 En cette mort il fut fait peché pour nous, ainsy que dit saint Paul; c'est à sçavoir, luy qui estoit impeccable fut rendu comme un pecheur devant la face de Dieu son Pere, ayant par sa bonté non ouye pris sur luy toutes nos iniquités à fin de satisfaire pour nous à la justice divine..

  A009000775 

 Il n'y a point de cloute, mes cheres ames, que la Croix ne represente merveilleusement bien cet autel sur lequel fut offert le sacrifice de la paix, et lequel fut nommé ensuite la paix du Seigneur; ou que plustost le sacrifice de Gedeon et son autel ne fust la figure de celuy que Nostre Seigneur et Maistre accomplit sur la croix, puisque ce sacrifice a esté appellé le sacrifice d'accoisement et de pacification; car les hommes ayant esté pacifiés avec Dieu, receurent la paix en eux mesmes au moyen de la grace que le Sauveur leur acquit par sa Mort et Passion.

  A009000777 

 Et tout ainsy que par ce signe Gedeon demeura confirmé en l'esperance de l'evenement de la paix et de la victoire qu'il devoit remporter sur les Madianites, comme l'Ange le luy avoit predit, de mesme le sacrifice de la Croix [289] estant consommé et Nostre Seigneur ayant dit: Mon Pere, je remets mon esprit entre vos mains, les hommes furent soudain confirmés en l'esperance que les Prophetes leur avoyent donnée par tant de siecles, que la paix seroit un jour faite en eux, et que l'ire de Dieu estant accoisée par le moyen de ce sacrifice, qui est un sacrifice de pacification, ils seroyent rendus victorieux et triomphans de leurs ennemis..

  A009000777 

 Le sacrifice de Gedeon estant dressé, l' Ange le toucha d'une baguette par le moyen de laquelle le feu du ciel descendit sur iceluy et le consuma; de mesme, le sacrifice de la Croix estant dressé, le Pere eternel et non un Ange, le toucha de sa toute bonté, et soudain le feu de la tres sainte charité survint qui le consuma.

  A009000778 

 C'est ce que nostre divin Maistre vouloit signifier à ses Apostres par ces paroles: La paix soit avec vous, voyci mes pieds et mes mains, leur monstrant un signe certain que la paix leur estoit asseurée par le moyen de ses playes.

  A009000781 

 En somme, le saint Evangile ne traitte presque par tout que de la paix; et comme il commence par la [291] paix, de mesme il finit par la paix pour nous enseigner que c'est l'heritage que le Seigneur Dieu nostre Maistre a laissé à ses enfans qui sont en la sujetion de la tres sainte Eglise, nostre bonne Mere et son Espouse tres chere..

  A009000781 

 Et par apres il ne presche que la paix: Je vous donne ma paix, dit le Sauveur parlant à ses Apostres, je vous baille ma paix, mais je ne la vous donne pas comme le monde la donne, ains comme mon Pere me la donne.

  A009000781 

 Il a esté commencé par la paix, comme nous voyons en l'Evangile qui se lit en la Nativité de Nostre Seigneur, en laquelle les Anges chantoyent: Gloire à Dieu ès lieux hauts, et paix en terre aux hommes de bonne volonté.

  A009000781 

 Mais moy je ne vous promets pas la paix tant seulement, ains je vous la donne; et non pas une paix telle quelle, ains telle que je l'ay receue de mon Pere, par laquelle vous surmonterez tous vos ennemis et en demeurerez victorieux.

  A009000782 

 C'est à cette fin que nostre divin Maistre institua le tres saint et tres auguste Sacrement de l'Eucharistie, à fin que comme nostre paix avoit esté faite avec son Pere celeste par le sacrifice qu'il luy offrit luy mesme sur la croix, il fust semblablement apaisé par ce divin sacrifice autant de fois qu'il seroit offert à sa justice irritée.

  A009000782 

 Quant au premier point, nous avons desja dit que c'est par le moyen de la Mort et Passion de Nostre Seigneur que nous avons esté reconciliés avec Dieu.

  A009000783 

 Hé, ne le voyez-vous pas, puisque Nostre Seigneur asseure ses Apostres qu'ils vivront en paix, ayant par [292] le moyen de ses playes et de ses tourmens terrassé leurs ennemis et abattu toutes leurs forces?.

  A009000783 

 La paix n'appartient qu'aux enfans de l'Eglise, il est vray; car tous les autres n'ont point les moyens de reconciliation que nostre Sauveur nous a donnés pour nous remettre en la bonne grace de Dieu son Pere autant de fois que nous la perdons, bien que veritablement nous la perdions par nostre faute.

  A009000784 

 Imaginez-vous un prince revenant de la guerre en laquelle il a battu à dos et à ventre ses ennemis et les a fait passer par le fil de l'espée, sans en laisser aucun en vie, sinon quelques fuyars, quelques laquais et couards auxquels il auroit fait grace par compassion.

  A009000787 

 Il n'y a rien qui ne puisse estre rangé et gouverné par l'homme que le seul homme; car si bien le pouvoir que Dieu avoit donné à Adam au paradis terrestre sur tous les animaux a receu quelque deschet par le peché, si est-ce pourtant que l'homme peut dompter les bestes les plus farouches, par l'entremise de la rayson dont Dieu l'a doué, ainsy que l'experience s'en fait tous les jours.

  A009000788 

 C'est ce qu'il a le plus inculqué à ses Apostres; si que le glorieux saint Paul dit ne vouloir sçavoir ni prescher autre chose que Jesus Christ crucifié, qui nous a pacifiés et donné cette paix par laquelle nous luy soyons rendus semblables en toutes choses, à luy, dis-je, qui est le Prince de paix, et qui a fait la paix tant en la terre qu'au Ciel.

  A009000792 

 En somme, tout ce que la chair desire est absolument contraire à l'esprit qui, estant esclairé de la lumiere celeste, ne peut s'empescher de voir que ces raysons inspirées par la chair sont bestiales et impertinentes, et qu'il ne les sçauroit approuver.

  A009000792 

 Il souffre par ce moyen une tres grande guerre, voyant l'un de ses soldats presque gaigné, et bien souvent tout à fait perdu.

  A009000792 

 Nous disons voirement tous [296] que nous avons la foy, mais nous ne la monstrons pas par les œuvres.

  A009000794 

 Nos entendemens sont ordinairement si pleins de raysons, d'opinions et de considerations suggerées par l'amour propre que cela cause de grandes guerres en l'ame.

  A009000795 

 Ce tres bon Maistre voyant les Apostres entortillés en diverses considerations et doutes de l'accomplissement de ses parolles, n'ayans pas la patience d'attendre que le soir du jour auquel il avoit dit qu'il ressusciteroit fust venu (estans seulement au matin ils commençoyent à douter), Pax vobis, leur dit-il; vostre entendement soit pacifié par le rejet de tant de reflexions.

  A009000796 

 Oh! pensoyent-ils en eux mesmes, que nous eussions esté heureux si nous eussions eu un Maistre immortel! et plusieurs telles raysons par lesquelles ils monstroyent qu'ils estoyent en doute de l'effect de la promesse du Sauveur; et partant il leur dit pour les accoiser: La paix soit avec vous.

  A009000797 

 La pluspart des troubles que nous avons en nostre ame viennent dequoy l'imagination de la chair presente des souvenirs à l'imagination de l'esprit, lesquels estans receus par nostre memoire, nous nous laissons aller à de vaines craintes de n'avoir pas assez de cecy et de cela, au lieu de nous occuper à nous resouvenir des promesses que Nostre Seigneur nous a faites, et ainsy demeurer fermes en cette confiance que tout perira plustost que ces promesses viennent à manquer, et partant les inquietudes arrivent.

  A009000798 

 Que nous serions heureux si nous nous occupions aussi des promesses que non seulement au Baptesme, mais, la pluspart d'entre nous, par le moyen des vœux, nous avons faites à Dieu de luy estre fidelles et de ne nous arrester jamais qu'à ce qui nous pourra rendre plus aggreables à ses yeux! Si les Religieux et Religieuses accomplissoyent les promesses qu'ils ont faites d'observer fidellement leurs Regles et Constitutions et de suivre les conseils qui leur seront donnés, ils possederoyent, dis-je, la paix en leurs ames, Nostre Seigneur viendrait en eux et leur dirait: Paix vous soit, comme il fit à ses Apostres..

  A009000803 

 Ils se vantent de dormir d'un bon repos, comme s'ils possedoyent la paix, mais en fin ils se trouvent bien trompés à leur resveil, se voyant environnés de mille troubles qui sont pres de les precipiter en la mer des tourmens eternels, s'ils ne se repentent et ne se retournent du costé de la divine Bonté pour implorer sa misericorde sur eux, à fin de pouvoir par leur contrition, recouvrer la grace qu'ils ont perdue emmi leur paix et tranquillité.

  A009000806 

 (C'est un livre qui n'a pas encor esté traduit en françois.) Je finiray par cet exemple.

  A009000807 

 Il faut passer par tous les degrés, commençant par les plus bas et montant l'un apres l'autre jusqu'au plus haut.

  A009000807 

 Lors le bon Pere adjousta: Mon fils, il faut que trois ans durant, outre la generale prattique de toutes les vertus, vous entrepreniez de soulager tous les freres; de sorte que, par exemple, si vous rencontrez le cuisinier qui va puiser de l'eau ou qui va querir ou fendre du bois, vous y alliez pour luy.

  A009000807 

 Ne voyez-vous pas qu'en l'eschelle de Jacob il y avoit des eschellons par lesquels il failloit monter de l'un à l'autre jusques à tant que l'on fust au haut bout auquel on rencontroit la poitrine du Pere celeste? Et avant que d'aller succer ses divines mammelles il faut monter de degré en degré, car la perfection que vous desirez ne se trouve pas toute faite.

  A009000811 

 Voyez-vous, Nostre Seigneur permet tousjours que les vertus de ses vrays amis et serviteurs soyent reconneues par quelques-uns.

  A009000812 

 Or, telle paix ne s'acquiert en cette vie que par l'union de l'entendement, de la memoire et de la volonté avec l'esprit, ainsy que nous avons monstré tantost; de plus, elle ne se peut trouver hors de la sainte Eglise, ainsy que l'experience nous l'enseigne tous les jours, et en fin finale elle ne se rencontrera jamais qu'en l'obeissance du saint Evangile lequel n'est que paix.

  A009000821 

 Ce n'est donques pas sans juste rayson que l'on a accoustumé de faire des grandes solemnités en la reception ou Profession des Religieux et Religieuses, puisque ce n'est pas seulement le jour où ils sont sevrés et retirés de la mammelle, de la jouissance des consolations terrestres et perissables, à fin d'estre sustentés de viandes plus solides et qui les nourrissent à l'immortalité, le bon Pere celeste les fortifiant petit à petit par l'exercice des vertus appartenantes aux plus forts, telles qu'elles se trouvent en Religion.

  A009000823 

 Lors que nous venons en Religion l'on ne nous amorce point par les promesses des consolations, comme fait le monde quand il veut attirer quelqu'un à sa suite; l'on ne nous fait point d'offre de biens terrestres, ni des honneurs, grandeurs ou dignités, ains des humiliations, des abjections, et au lieu des consolations on nous presente des mortifications.

  A009000824 

 O qu'il est bon, dit le saint Prophete, que les freres habitent par ensemble! Ouy certes, d'autant qu'ils s'entreporteront les uns les autres au bien.

  A009000825 

 Voyez, je vous prie, le pauvre saint Thomas aujourd'huy (et j'entre par icy dans le sujet de l'Evangile): il s'estoit absenté de la compagnie des Apostres pour aller se promener, promenade et séparation qui luy cousta cher.

  A009000828 

 Cette vanité de faire estime de son propre jugement produit l'incredulité et la mesestime des jugemens des autres, et fait que l'on raysonne en cette sorte: Pourquoy m'assujettiray-je à croire que ce que l'on me dit est vray? Ne l'aurois-je pas aussi bien compris ou sceu comme les autres? O que les ames qui faisans estime d'elles mesmes se laissent ainsy gouverner par leur propre jugement sont en grand danger! Nous le voyons en l'exemple du pauvre saint Thomas qui faillit se perdre..

  A009000830 

 L'orgueil ou la vanité ne leur peut permettre un petit defaut que tout incontinent ils n'entrent en de grans troubles qui les portent par apres au desespoir: O Dieu, il ne faut plus rien attendre de moy, je ne feray jamais rien qui vaille! C'est bien dit; hé, pensiez-vous estre si brave que de ne point faillir? En toutes sortes d'arts il faut estre apprentif, premier que d'estre maistre..

  A009000831 

 Peril tres grand, certes, auquel il avoit esté reduit par le defaut de la paix de l'entendement, de la memoire et de la volonté, paix de laquelle estans privés, l'ame et l'esprit courent grande risque de se perdre, ainsy que nous disions l'autre jour..

  A009000831 

 Voyez, je vous supplie, comme amiablement il contrecarre de point en point son incredulité; car premierement il l'appelle par son nom et luy dit: Thomas, mets ton doigt dans les ouvertures de mes mains, et fourre si tu veux toute ta main dans la playe de mon costè, et prens si tu veux mon cœur (car, bien qu'il ne die pas: Prens mon cœur, il semble qu'il le vouloit signifier, luy donnant liberté de le toucher); considere que l'esprit n'a ni chair ni os, et reconnois que je suis moy mesme.

  A009000832 

 C'est donc pour la conserver ou acquerir que ces ames viennent maintenant se dedier au service de la divine Majesté, resolues qu'elles sont de luy consacrer si entierement leurs cœurs, leurs corps et de plus leurs volontés, qu'elles ne s'en puissent jamais plus servir que pour suivre en toutes choses la volonté de Dieu qui leur sera signifiée par la direction des Regles et Constitutions de la Religion, direction qui les conduira à l'entiere mortification d'elles mesmes, «pour le service de la dilection» de leur celeste Espoux.

  A009000848 

 Bien qu'en l'ancienne Loy il octroyast de tres grans presens à son peuple, toutefois ce n'estoit que par mesure; mais en la nouvelle, dès qu'il revit son cher Benjamin, c'est à dire, dès que Nostre Seigneur fut entré en sa gloire, il ouvrit sa main pour respandre ses dons et ses faveurs sur tous les fidelles, ainsy qu'il estoit escrit qu'il deverseroit son Esprit sur toute chair, à sçavoir sur tous les hommes, et non point seulement sur les Apostres..

  A009000848 

 Il les renvoya tous-jours chargés de blé et de viandes; mais lors qu'on luy amena le petit Benjamin, il les renvoya non pas comme auparavant, chargés de grains et de vivres donnés par mesure, ains accompagnés de riches dons, avec des chariots remplis de tout ce qu'ils pouvoyent desirer.

  A009000848 

 Vous resouvenez-vous de cette belle histoire du grand Joseph qui a desja tant de fois esté ditte, mais qui ne peut assez estre considerée? Pendant qu'il estoit vice roy [315] de l'Egypte, ses freres le vindrent voir par plusieurs fois pour estre secourus de luy en l'extreme necessité où leur pere Jacob et eux se trouvoyent reduits à cause de la famine qui estoit en leur pays.

  A009000849 

 Ne sçavez-vous pas qu'il est dit que le Sauveur receut des graces infinies et que les dons du Saint Esprit reposerent sur son chef? Et pourquoy cela, puisque estant la grace mesme il n'en avoit ni pouvoit avoir nulle sorte de necessité? Ce ne fut donques sinon pour nous faire entendre que toutes les graces et benedictions celestes nous devoyent estre distribuées par luy, les laissant couler sur nous qui sommes membres de l'Eglise de laquelle il est le Chef.

  A009000851 

 Mais ce que nous disons que le Saint Esprit nous a esté donné par le Pere et par le Fils, ne se doit pas entendre qu'il soit separé ni de l'un ni de l'autre, parce qu'il ne se peut, n'estant qu'un seul et vray Dieu indivisible; ains nous voulons dire que Dieu nous a donné sa divinité, bien que ce soit en la personne de son Saint Esprit.

  A009000852 

 Nous pouvons considerer la grandeur du don du Saint Esprit avec tous ses effects, entant qu'il est envoyé par le Pere eternel et par Nostre Seigneur à son Eglise, ou bien entant qu'il est envoyé à un chacun de nous en particulier.

  A009000852 

 Qui ne sçait qu'elle opere tous ses mysteres par la langue? La predication se fait par la langue; dans le saint Baptesme, sans lequel nul ne peut estre sauvé, il est necessaire que la langue intervienne pour donner à l'eau la force de laver nos pechés et iniquités; de mesme le tres saint Sacrifice de la Messe ne se peut celebrer que par le ministere de la langue..

  A009000853 

 Par la suite que nous ferons de ces sept dons en remontant comme par une eschelle, nous connoistrons si nous avons receu le Saint Esprit ou non, puisqu'il a accoustumé de les communiquer aux ames dans lesquelles il descend et qu'il trouve preparées pour le recevoir..

  A009000854 

 Commençons donques par celuy de crainte.

  A009000857 

 Mais il ne nous serviroit de gueres d'avoir le desir de plaire à Dieu et la crainte de luy desplaire si le Saint Esprit ne nous octroyoit le troisiesme don, qui est celuy de science, par lequel nous apprenons que c'est que vertu et que c'est que vice, ce qui est aggreable à Dieu et ce qui luy est desaggreable.

  A009000857 

 Par le don de science, le Saint Esprit nous ayde à reconnoistre les vertus dont la prattique nous est necessaire et les vices qu'il faut eviter..

  A009000859 

 Au contraire, nostre grand Apostre semble vouloir subjuguer et parcourir toute la terre pour renverser non les murailles mais les cœurs des hommes, et les sousmettre à son Maistre par sa predication; et non content de cela, voyez, je vous prie, le pouvoir qu'il a sur soy mesme, debellant et assujettissant ses affections et passions à la regle de la rayson, et le tout à la tres sainte volonté de la divine Majesté.

  A009000859 

 Celuy ci ruine les villes, abat les chasteaux, s'assujettit le monde à force d'armes et se laisse à la fin vaincre par soy mesme.

  A009000860 

 Mais estans ainsy resolus et fortifiés pour embrasser la vraye prattique des vertus, il faut que nous ayons le don de conseil pour choisir celles qui nous sont le plus necessaires selon nostre vocation; car, bien qu'il soit [320] tousjours bon de prattiquer les vertus, si faut-il pourtant les sçavoir prattiquer par ordre.

  A009000861 

 Apres le don de conseil vient celuy d' entendement, lequel nous fait penetrer les mysteres de nostre foy par le moyen des meditations, et choisir les maximes de la perfection interieure au fond de ces mysteres.

  A009000861 

 Mais remarquez, je vous supplie, que je dis par la meditation et oraison, et non par la curiosité, speculation et estude, comme font les theologiens; car une simple et pauvre femmelette sera plus capable de le faire que non pas les plus excellens docteurs qui auront moins de pieté.

  A009000861 

 Vous voyez donques bien clairement les effects du don d'entendement, lequel, outre ce que nous avons dit, nous fait comprendre la verité des mysteres de nostre foy et combien il nous est necessaire de regarder à la vraye essence des vertus et non pas à l'apparence exterieure seulement, combien aussi il nous est utile de suivre les verités conneues, soit par le don de conseil ou par celuy d'entendement..

  A009000862 

 Or, le Saint Esprit n'a pas accoustumé de laisser l'ame à laquelle il a bien voulu octroyer ces six dons que nous venons d'expliquer, sans y adjouster celuy de sapience, c'est à dire de la «savoureuse science,» luy donnant un goust, une saveur, une estime, bref un [321] contentement en la prattique des maximes de la perfection chrestienne qu'elle a reconneues par le don d'entendement.

  A009000863 

 Je finis par cette consideration que tous ceux qui estoyent dans le cenacle receurent le Saint Esprit et parloyent tous selon que le mesme Saint Esprit leur donnoit; mais non pas tous d'une mesme façon, n'ayans pas tous esté commis pour prescher l'Evangile comme saint Pierre et les autres Apostres; car nous ne pouvons pas nier qu'il n'y eust des femmes, puisque l'Evangeliste escrit qu' ils estoyent six vingts avec Nostre Dame et les autres femmes.

  A009000864 

 Que veux-je dire par tout cecy, sinon que nous, qui [322] sommes plus que les cieux et que tout ce qui est creé, puisque le tout a esté fait pour nous et non point nous pour eux, sommes beaucoup plus capables d'annoncer la gloire de Dieu que non pas les cieux ou les astres.

  A009000871 

 Ces liens, comme dit le mesme saint Augustin, nous sont merveilleusement bien representés par les chaisnes et manottes de fer dont saint Pierre fut lié en la prison; car, bien qu'il fust emprisonné pour la justice, ses liens neanmoins ne laissent pas de nous representer le peché qui, comme manottes et chaisnes de fer, tient le pecheur si estroittement enserré qu'autre que Dieu ne le peut desenchaisner..

  A009000871 

 Le diable a des liens et cadenes par lesquels il tient les hommes enchaisnés et les rend ses esclaves et sujets.

  A009000873 

 Ce sont ces ames qui, sans aucune consideration de crainte, ains attirées par les suaves et amiables attraits de la dilection de nostre cher Maistre, viennent se dedier et consacrer entierement à son divin service..

  A009000873 

 Ceux de fer, comme dit nostre grand Pere saint Augustin, ne sont autres que la crainte des jugemens, de la mort et de l'enfer; ces menaces que nous lisons dans l'Evangile et celles par lesquelles l'Apostre saint Paul espouvantoit les roys et les princes, les laboureurs et artisans, les petits et les grans, leur disant: Je vous advertis qu'il y a un souverain Juge [325] des vivans et des morts, et c'est à luy à qui vous rendrez compte.

  A009000873 

 Or, plusieurs oyans telles et semblables paroles et redoutans les terribles jugemens de Dieu, faisoyent penitence, et se laissant enchaisner par la crainte et vive apprehension, ils se convertissoyent.

  A009000874 

 Et que ne firent pas Alype et ses autres amis pour l'en destourner, le persuadant de se marier, à fin, par ce moyen, de changer en licites ses playsirs illicites.

  A009000877 

 Un petit escolier de rhetorique, sur un petit mot de phrase ou d'histoire se paonnera et deviendra, par maniere de dire, un pedant, à sçavoir enflé, vain et superbe.

  A009000878 

 (Il n'estoit pas de grande extraction, mais ouy bien d'une bonne famille, quoy que pauvre. Il avoit des freres et des sœurs; il confesse luy mesme et n'a point honte de le declarer, qu'il fut entretenu aux estudes par un gentilhomme. O Dieu, cela ne se diroit pas par un homme de nostre temps!) Or, il estoit avaritieux.

  A009000878 

 C'est un puissant lien que celuy cy; car, par le moyen de son gain, il avoit de grandes pretentions et esperances de s'enrichir et avancer..

  A009000878 

 Il gaignoit beaucoup à cause de sa grande doctrine et il estoit fameux et renommé par tout.

  A009000879 

 O Dieu, qu'il failloit bien une main toute puissante pour le deslier de tant et de si fortes chaisnes! Helas! qui pourroit concevoir les combats et convulsions qu'enduroit cette pauvre ame lors qu'elle vouloit reprendre sa liberté et se desfaire des fers et manottes dont elle estoit enferrée? Mais lors que Dieu, par sa misericorde infinie, eut touché ces liens, se sentant en liberté, il commença, comme tout ravi, à chanter le cantique des misericordes divines et s'escria saisi d'estonnement: Dirupisti vincula mea! O Seigneur, mon Dieu, vous m'avez desliè des fers et cadenes de mes passions, vicieuses coustumes et habitudes.

  A009000880 

 Or, plusieurs, comme saint Augustin, sont ainsy desliés par le mesme Seigneur quand ils viennent en Religion.

  A009000882 

 Que veut il signifier par ces paroles? (Elles sont prises d'une de ces phrases hebraïques qui ont certes une proprieté admirable pour bien representer ce qu'elles expriment.) Il y a mille interpretations sur icelles, mais je me contenteray de celle cy.

  A009000885 

 Ce que voyant, le grand Archange saint Michel s'escria: Qui est comme Dieu? qui est comme Dieu? Ce qu'il repeta souventesfois, et fut suivi de tous les autres Esprits bienheureux qui respondirent de chœur en chœur ce mesme mot: Qui est comme Dieu? et donnerent par ce moyen la fuite à Lucifer et à ses complices.

  A009000886 

 Il estoit si devot à cette divine grace qu'il ne se pouvoit rassasier non seulement de l'exalter, mais encores de parler et escrire à sa louange; il refute d'une eloquence admirable ces heretiques qui en nient l'efficacité, et par ses escrits et disputes demontre que leurs doctrines sont des resveries.

  A009000887 

 Toutefois, par ces chœurs et ces armées nous devons entendre particulierement les Religieux et ecclesiastiques, lesquels non seulement louent Dieu par psalmes, hymnes et cantiques, ains de plus, tant par les sermons que par les fonctions propres à leur estat, taschent d'attirer les autres à la connoissance de la verité, à fin de les exciter à louer Dieu..

  A009000888 

 Et que la prudence humaine ne vienne point apporter icy ses raysons et dire: Oh! cela est bon pour les ecclesiastiques, predicateurs et docteurs, lesquels par leurs labeurs continuels assistent au public; mais à quoy servent ceux qui sont enfermés dans ces cloistres? A rien; ils sont inutiles à l'Eglise de Dieu.

  A009000888 

 Le chant des Religieux n'est pas si haut que celuy des autres, mais il est plus melodieux; ils ressemblent aux oyseaux qui sont dans des cages pour recreer leur maistre par leur gazouillement..

  A009000890 

 Hé, pauvres gens, que vous estes grossiers et terrestres! Il est vray que les chevaux eussent esté utiles, mais ce petit estourneau ne l'est pas moins parce que, dans cette cage, il n'a autre soin et estude que de resjouir son maistre par son chant melodieux; il est mesme trescontent de perdre sa liberté pour demeurer en cette prison toute sa vie à fin de donner du contentement à son seigneur.

  A009000891 

 Et non seulement cela, mais de plus, ceux qui travaillent pour l'Eglise sont merveilleusement fortifiés pour s'acquitter de leurs fonctions et perseverer aux travaux qui les accompagnent, par cette douce harmonie, c'est à dire par les prieres que les ames religieuses appliquent pour ce sujet..

  A009000891 

 L'on en peut dire autant des ames qui se sont enfermées dans les cloistres, lesquelles, comme des petits oyseaux, recreent leur Maistre par la melodie de leurs chants; elles quittent leur liberté, qui est la vie de l'ame, pour vivre en prison, et se privent de toutes sortes de contentemens pour le resjouir par leurs prieres, souspirs et continuelles meitations.

  A009000893 

 Pour bien qu'on leur fasse ils se font accroire que cela leur est deu, et ne pensent pas qu'on leur puisse rien donner gratuitement; ains, s'ils reçoivent quelques graces, ils croyent qu'ils les ont meritées par quelque signalé service..

  A009000896 

 Dieu mesme qui nous l'a donnée ne la veut point avoir par force, et quand il demande que nous la luy donnions il veut que ce soit franchement et de nostre bon gré.

  A009000896 

 Il va bien nous piquant, crochettant nos consciences, rodant à l'entour de nos cœurs, nous sollicitant à nous convertir et donner tout à luy, mais de nous prendre par force, jamais.

  A009000898 

 C'est ce que je voulois declarer par mon troisiesme point: Je boiray le calice de mon salutaire; mais il n'est pas moyen d'en parler, car le temps est desja passé.

  A009000898 

 Oh! celuy cy est bon par excellence, et nostre glorieux Saint passa de l'amour affectif à l'effectif.

  A009000899 

 Et vous, vous avez receu de grandes douceurs en l'oraison, mais hors d'icelle vous ne pouvez supporter une injure, une parole et action faite par [336] surprise; vous ne pouvez vous accommoder aux personnes d'une humeur contraire à la vostre! Il y en a à qui la nature a donné de grans advantages et il est bien facile de s'accommoder avec elles; d'autres n'ont pas ces qualités, elles ont au contraire je ne sçay quoy qui repugne à nos inclinations.

  A009000899 

 Mais certes, l'amour effectif franchit tout cela et quitte ses propres humeurs pour se conformer en tout et par tout à celles des autres..

  A009000900 

 On en trouve assez qui, venant en Religion, renoncent à toutes les commodités, biens et amis; mais on en trouve peu qui renoncent absolument à eux mesmes par cette parfaite et entiere abnegation.

  A009000900 

 Or, cela est bon pour prescher en public; revenons donques à cet amour qui nous fait mourir à nous mesme par une abnegation entiere et absolue.

  A009000900 

 Saint Augustin, dit au sujet de ces paroles addressées par Nostre Seigneur à Magdeleine, Va-t-en à mes freres: Pour marcher il faut faire deux pas: mourir et renoncer à toutes les choses qui sont hors de nous, et mourir et renoncer à soy mesme, qui est le plus difficile.

  A009000904 

 Et moy, mes cheres Sœurs, vous ayant dit quelque chose de ce grand saint Augustin, et me trouvant à la fin de cette mienne exhortation sur sa mort et parfaite abnegation, je paracheveray, non point de peur que vous mouriez d'une semblable mort, mais bien de crainte de vous ennuyer par un trop long discours; car ayans esté une partie du jour attentives à chanter l'Office divin, vous voudrez apres cette predication que vous avez entendue avec attention, faire quelque chose de ce que nous avons dit de ce glorieux Pere, lequel vous admirerez et imiterez.

  A009000904 

 Mais achevons par la mort amoureuse de saint [338] Augustin.

  A009000904 

 Pour vous laisser suivre vostre Office, je finiray donques en vous disant: Que Celuy qui a beni ce glorieux Saint vous benisse, que Celuy qui l'a sanctifié vous sanctifie, et que Celuy qui l'a glorifié vous glorifie là haut, par tous les siecles des siecles.

  A009000909 

 C'est une verité qui a tant et tant de fois esté dite par la Sainte Escriture et par les anciens Peres, que la perfection chrestienne n'est autre chose qu'une abnegation du monde, de la chair et de la propre volonté, qu'il semble qu'elle n'aye plus besoin d'estre repetée.

  A009000911 

 Cela ne se faisoit pas seulement pour [341] la bienseance et civilité, mais comme remarque l'Escriture, d'apres l'ordonnance de Dieu, qui monstra souvent par diverses figures et exemples les faveurs et graces qu'il devoit faire à la sacrée Vierge Nostre Dame..

  A009000911 

 Et lors que, par inspiration divine, il commanda à toute son armée de passer à travers la mer Rouge pour eschapper la furie et tyrannie de Pharaon qui la poursuivoit, la mer se separant laissa le chemin sec et libre aux Israëlites, et engloutit et submergea les Egyptiens.

  A009000912 

 Certes, cette glorieuse Dame a esté un mirouer et abbregé de la perfection chrestienne; mais bien que Dieu l'aye fait passer par tous les estats et degrés pour servir d'exemple à tous les hommes, si est-elle le particulier modele de la vie religieuse..

  A009000913 

 La divine Providence l'a donc fait passer par tous les estats à fin que toutes les creatures puissent puiser en elle, comme en une mer de grace, ce qu'elles auront besoin pour se bien former et dresser en leur condition..

  A009000916 

 C'est pourquoy tous les chefs et fondateurs des Ordres religieux, dans lesquels regnoit l'esprit de Dieu qui les gouvernoit et conduisoit en leurs entreprises, ont tous commencé par là.

  A009000916 

 Le grand saint François entrant dans une eglise ouyt ces paroles de l'Evangile: Va, vens tout ce que tu as et le donne aux pauvres, et me suis; il obeit et commença sa Regle par cette abnegation.

  A009000918 

 Voyez-vous par où il faut commencer la perfection chrestienne? Par ce renoncement et abnegation..

  A009000920 

 O Dieu, ja n'advienne qu'un seul petit doute contraire passe tant soit peu par nostre entendement! Or, sa vie fut une vie toute sainte et glorieuse, car sa tres benite ame jouit continuellement de la claire vision de la Divinité avec laquelle elle estoit unie dès le moment de sa creation..

  A009000920 

 Quand il donne sa grace à une ame il la luy donne pour tousjours et ne la luy oste jamais si celuy à qui il l'octroye ne la veut perdre luy mesme; ainsy en est-il des autres dons, qui ne nous sont point ostés si ce n'est par nos demerites.

  A009000921 

 Le grand Apostre saint Paul, qui certes est admirable en tout ce qu'il dit, [346] fait un argument par lequel nous pouvons entendre quelle est la dignité de Mere de Dieu: Y a-t-il Ange ni Seraphin à qui le Pere eternel ayt dit: Celuy-cy est mon Fils? O non, cela estoit deu seulement à nostre cher Sauveur et Maistre qui estoit son Fils vray et naturel.

  A009000925 

 C'est à quoy l'on arrive par le moyen de la mortification et renoncement continuel.

  A009000929 

 Il ne se faut point lasser en cette besoigne, car on doit commencer et finir la vie spirituelle par le renoncement de sa propre volonté.

  A009000932 

 Non par force mais de son plein gré, elle approuve et consent à la mort de Nostre Seigneur; elle bayse cent mille fois la croix sur laquelle il est attaché, elle l'embrasse et l'adore.

  A009000933 

 Je finiray par icy cette exhortation, en vous monstrant comme nostre cher Maistre et Sauveur a fait excellemment cette abnegation.

  A009000934 

 Mais pour finir par le glorieux saint Nicolas Tolentin, je vous diray qu'ayant fait ces trois renoncemens dont nous avons parlé et s'estant bien crucifié en la Croix de nostre Sauveur, il voulut qu'à l'heure de sa mort on luy apportast ce bois sacré; puis, le voyant et l'embrassant il s'escria, comme un autre saint André: «O bonne Croix, o Croix tant desirée, o Croix, je te salue!» O Croix unique, o Croix pretieuse, sur laquelle demeurant et m'appuyant comme sur un baston tres asseuré, je passe à pieds secs la mer tempestueuse de ce monde.

  A009000943 

 Mais le Sauveur, par un saint contreschange luy respondit: Bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000943 

 Voyez-vous par où commence cette femme qui veut louer Nostre Seigneur? Par le ventre qui l' a porté et par les mammelles qui l'ont allaitté; comme si elle eust voulu dire, poussée de la grande estime qu'elle avoit conceue de la grandeur et excellence de nostre divin Maistre: O qu' heureux [355] sont le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées! et par consequent, que la Dame qui a esté esleue pour ta mere est bienheureuse!.

  A009000944 

 Voyla pourquoy, o femme, il est vray ce que tu dis; mais d'autant que le sein et les mammelles que tu loues n'ont point d'intelligence et par consequent ne meritent point de louanges, je t'asseure que bienheureux sont ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000945 

 Laissant donques les premieres paroles prononcées par Nostre Seigneur pour considerer la derniere, je diviseray ce mien discours en trois points: au premier nous verrons que c'est qu'ouyr la parole de Dieu; au second, comme il la faut garder; au troisiesme, comment sont bienheureux ceux qui l'oyent et qui la gardent..

  A009000946 

 Ce n'est pas que l'on n'entende bien les semonces qui nous sont faites tant par les predicateurs que par les Superieurs; l'on en est mesme quelquefois touché, mais pour la pluspart des Chrestiens ces enseignemens ne font que passer par une oreille et sortir par l'autre..

  A009000946 

 Certes, nous les devons escouter avec beaucoup de reverence et attention, comme aussi nos Superieurs et toutes personnes inspirées et esclairées de l'Esprit de Dieu, par lesquelles il nous signifie ses volontés et son bon playsir.

  A009000946 

 La premiere c'est par le moyen des hommes qui ont [356] l'intelligence et connoissance de la Sainte Escriture, comme les docteurs et predicateurs qui journellement nous preschent et annoncent la divine parole, la laideur du vice et la beauté de la vertu.

  A009000947 

 De plus aussi, ces sacrées semonces sont proferées par les hommes qui ne peuvent pas donner à leurs discours la force et vertu qu'ils desireroyent.

  A009000948 

 Cependant saint Hierosme, fidelle interprete de la Sainte Escriture, tient que ce fut vrayement Dieu, mais par le ministere des Anges.

  A009000948 

 Dieu a encores une autre façon de parler à ses creatures: c'est par le ministere des Anges.

  A009000948 

 En tesmoignage dequoy tous ceux que la divine Majesté a tant favorisés en leur enseignant ses volontés et son bon playsir par le moyen de ces glorieux messagers, se sont tousjours grandement humiliés, les uns se jettant par terre en signe de profond abaissement, les autres escoutant avec crainte et tremeur ce qui leur estoit dit par iceux.

  A009000949 

 Il entretient Moyse cœur à cœur et luy enseigne ce qu'il doit faire touchant la conduite des Israelites, et en tant d'autres choses desquelles il l'instruisoit si clairement et confidemment, tantost par ses Anges, comme nous avons dit, et tantost par luy mesme.

  A009000949 

 Mais la troisiesme façon par laquelle Dieu se fait entendre aux hommes est tres admirable et familiere: ses effects sont tout autres, car il leur parle interieurement.

  A009000952 

 Et comment? Dans la bouche de nostre ame qui n'est autre que les oreilles du corps par lesquelles elle vient jusqu'à nous; car tout ainsy que l'on ne sçauroit manger les viandes corporelles sans les avoir premierement receuës dans la bouche, aussi ne sçaurions-nous mascher, c'est à dire mediter la parole de Dieu, sans l'avoir bien ouye.

  A009000954 

 Ce que saint Bernard entendoit fort bien lors qu'il exhortoit ses Religieux à garder diligemment ce pain sacré de la parole de Dieu: Soyez bien soigneux de garder vostre pain, si vous en avez, leur disoit-il; mettez-le en quelque lieu où il ne vous puisse estre desrobé par les larrons.

  A009000954 

 Ne peut il pas aussi estre mangé par les rats ou par les souris? Que si vous voulez bien faire, vous le devez manger, et non seulement cela, mais en faire aussi une bonne digestion par le moyen de laquelle vous le convertissiez en vostre propre substance..

  A009000954 

 Voyez-vous, pour que les viandes nous profitent il faut faire une bonne digestion par le moyen de laquelle elles aillent en l'estomach et se convertissent en sang, qui passant par toutes les veines se change puis apres en nous mesme.

  A009000956 

 Les naturalistes disent qu'il y a un animal terrestre auprès de la mer qui va si souvent s'y jetter qu'il se nourrit de ses eaux, et les conserve et digere en telle sorte par les frequentes entrées et sorties qu'il fait en icelles qu'il change en fin de nature, car luy qui estoit animal des champs devient poisson comme ceux qui vivent dans la mer.

  A009000956 

 O Dieu, que nous serions heureux si estans appellés à une vocation nous meditions et digerions tellement son excellence, que par la grande estime que nous en ferions et le grand amour avec lequel nous pratiquerions nos Regles et Constitutions, nous vinssions à la convertir en nostre propre substance, en sorte que, laissant d'estre ce que nous sommes, nous devinssions nostre vocation mesme! O que bienheureux sont ceux qui oyent la parole de Dieu et la gardent!.

  A009000957 

 Lors que Dieu punit les hommes par le fleau de la famine, nous voyons que quoy qu'ils mangent une grande quantité de pain ils ne sont point rassasiés, d'autant que la benediction de Dieu n'est pas sur iceluy; mais pour peu qu'il y ayt de pain beni par le Seigneur il rassasie l'homme.

  A009000958 

 Elle mesme a confessé en son sacré cantique que pour ce sujet elle seroit appellée bienheureuse de generation en generation; et Nostre Seigneur semble aussi le vouloir faire entendre en la response par laquelle il contreschangea la louange que cette femme donnoit à son ventre et à ses mammelles..

  A009000958 

 Et pour commencer par la sacrée Vierge, comme celle qui l'a mieux escoutée et gardée, que diray-je sinon emprunter pour ce sujet les paroles de ce grand saint Hierosme en l'epistre qu'il escrit à Eustochium sur la mort de sa mere Paula? Si toutes les parties de mon corps se convertissoyent en langues, si tous mes nerfs resonnoyent en voix humaines, je ne publierois encores assez dignement combien la Sainte Vierge est bienheureuse pour avoir entendu et gardé la parole de Dieu, car elle l'a fait avec tant de perfection que pour cela elle a esté dite bienheureuse par la bouche de sainte Elizabeth, qui estoit poussée de l'Esprit Saint.

  A009000960 

 Il vous a dit un mot en secret et vous luy avez obei; car c'est luy seul qui peut parler au cœur des hommes, et, par mesme moyen, leur donner la grace de faire ce qu'il demande d'eux.

  A009000960 

 Je sçay bien que plusieurs (je veux dire quelques-uns) entrent en Religion poussés ou forcés par les hommes, et ceux-là veritablement ne sont pas meus par l'Esprit de Dieu; aussi en arrive-t-il souvent de grans malheurs, et si la divine misericorde ne touche ces pauvres cœurs ils viennent non pas à se convertir en leur vocation mais à la corrompre.

  A009000966 

 Les uns parlent de la gloire des Saints et de leur felicité, les autres, autant utilement que louablement, discourent de leurs vertus et sainteté par laquelle ils ont acquis cette felicité.

  A009000967 

 Comment donques ferons-nous pour l'aymer d'un amour de bienveuillance? Nous ne pouvons exercer ces actes que par imagination de chose impossible, comme en luy disant que si nous luy pouvions souhaitter plus de gloire et de perfection qu'il n'en a, nous le luy desirerions et procurerions s'il estoit en nostre pouvoir.

  A009000967 

 Et voyla comme par tels moyens nous exerçons l'amour de bienveuillance envers Nostre Seigneur..

  A009000967 

 Par l'amour de complaisance nous nous complaisons au bien que possede celuy que nous aymons, et par l'amour de bienveuillance nous luy en desirons lus qu'il n'en a. On peut aymer Dieu de ces deux manieres.

  A009000968 

 Mais revenons à nous mesmes, et voyons comment la communion des Saints, en laquelle nous croyons, se peut entendre par cet amour de complaisance et de bienveuillance.

  A009000969 

 Les biens auxquels nous participons par ce moyen sont inexplicables, tant à cause de leur grandeur que de la multitude innombrable d'Anges et d'ames bienheureuses qu'il y a dans la gloire.

  A009000971 

 J'ay dit que cet amour de complaisance est la cause principale de la beatitude des Saints, car, tout en parlant tousjours avec estime et respect de ceux qui tiennent l'opinion contraire, je pense [369] que la cause principale de la gloire des Bienheureux ne consiste pas en l'entendement par lequel ils voyent et connoissent Dieu, mais en la volonté par laquelle ils l'ayment de cet amour de complaisance; et j'estime qu'en cela gist leur felicité.

  A009000971 

 Les Bienheureux ayment Nostre Seigneur; aussi le Ciel est rempli de cet amour de complaisance, qui est la cause principale de leur beatitude; car connoissans clairement la grandeur et perfection de Dieu et tous les divins attributs qu'ils voyent en luy, ils l'ayment souverainement de cet amour de complaisance, et par ainsy attirent en eux ses perfections.

  A009000972 

 Nous pouvons leur souhaitter et desirer les biens qu'ils n'ont pas encores, à sçavoir la resurrection de la chair, la reunion avec leurs corps, car en cette reunion consiste une partie de leur gloire; non pas de l'essentielle, qui appartient à l'ame, car celle cy ne sera point accreuë par la resurrection de la chair, mais de l'accidentelle, qui appartient au corps aussi bien qu'à l'ame..

  A009000973 

 Nous disons donc que l'homme est composé d'ame et de corps; et, bien que la mort, qui est entrée au monde par le peché, les separe, cependant nous esperons et croyons en «la resurrection de la chair,» par laquelle nos miserables corps seront reunis à nos ames, et par cette reunion ils participeront à leur gloire et felicité, ou à leur peine et condamnation eternelle.

  A009000974 

 Elle fait aussi des actes de bienveuillance lors qu'elle leur souhaitte la resurrection de la chair, comme nous voyons qu'elle la demande par tant de Psalmes et Cantiques tirés de la Sainte Escriture.

  A009000974 

 Quant à nous autres, qui sommes ça bas en terre, il nous est aussi desja advenu; car, Seigneur, vous nous en laissez le choix et disposition, et les justes le possedent par desir et esperance.

  A009000975 

 Outre ces actes de bienveuillance que nous exerçons a l'endroit des Saints, il y en a encores deux autres qui dependent immediatement de nostre cooperation, par [371] lesquels nous pouvons correspondre aux desirs qu'ils ont, et par cette correspondance leur causer une gloire accidentelle qu'ils n'auroyent point sans cela.

  A009000976 

 Et quoy que les louanges que nous donnons à Dieu doivent estre continuelles et invariables, neanmoins ce sera tousjours avec quelque pause; car il n'y a homme, pour saint qu'il soit, qui ose dire qu'il a sa volonté si collée et unie à celle de Dieu qu'il n'en peut point estre separé un seul moment ou distrait par aucun accident de cette vie, ni qui puisse tenir son cœur si attentif à louer Dieu, qu'il ne fasse quelque interruption en l'exercice de l'amour et benediction qu'il luy doit..

  A009000976 

 Mais quand nous disons qu'ils souhaittent que nous louions le Seigneur comme eux il ne faut pas entendre que ce soit en tout et par tout, parce qu'ils le benissent sans cesse, sans se reprendre ni discontinuer, et ils sçavent bien que, à cause de l'infirmité de nostre nature, nous ne le pouvons faire.

  A009000979 

 Voyla comme se fait la communion des Saints par l'amour de complaisance et de bienveuillance..

  A009000983 

 Or, que l'amour nous rende semblables à ceux que nous aymons, cela se pourroit monstrer par mille exemples.

  A009000984 

 Par l'amour d'imitation nous nous rendrons semblables à eux, imitant leur vie, aymant ce qu'ils ont aymé, faisant ce qu'ils ont fait, et taschant d'aller au Ciel par le chemin qu'ils ont suivi pour y [375] arriver.

  A009000984 

 Puis, regardant le reste du peuple il dit: Bienheureux ceux qui pleurent, qui ont faim et soif de justice, qui sont purs et nets de cœur; monstrant par là que ces conseils evangeliques estoyent non seulement pour les Apostres, mais pour tous, puisque tous doivent faire penitence, tous doivent estre purs et nets de cœur.

  A009000987 

 Je veux donques, mes chers enfans, estre battu pour vostre salut, flagellé, garrotté et emprisonné, non par moy mesme mais par les autres et à leur gré, donnant tout ce que j'ay pour vous, sans reserver ni mon corps ni ma peau..

  A009000987 

 Non seulement, disoit-il, je veux me sacrifier moy mesme pour vostre salut, mais qui plus est, je me veux laisser sacrifier et vendre par d'autres.

  A009000987 

 Par exemple, je me veux non seulement discipliner, ains je veux souffrir que d'autres me disciplinent; car si je me disciplinois tout seul, quand j'en aurois assez il seroit en mon pouvoir de m'arrester et ne passer plus outre; mais me laissant discipliner par d'autres à leur gré, encores que je fusse tout meurtri ils ne laisseront pas pour cela de frapper.

  A009000988 

 Or, comme les Saints sont tous entrés au Ciel par la pauvreté d'esprit, par les larmes, par la misericorde, par la faim et la soif de la justice et autres beatitudes, l'Eglise nous propose ces beatitudes au jour de leur feste, nous invitant de les suivre et marcher apres leurs vestiges.

  A009000999 

 Je m'arresteray seulement à trois de leurs conceptions, à sçavoir: premierement, que signifie cette cuve et ce que nous devons entendre par icelle; deuxiesmement, pourquoy elle estoit entre les deux tabernacles; troisiesmement, que veulent representer les mirouers dont elle estoit environnée..

  A009001000 

 Certes ils ont bien quelque rayson, car personne ne sçauroit entrer au tabernacle interieur, qui n'est autre que le Ciel, sans passer par l'exterieur qui est l'Eglise, à laquelle appartient cette cuve pleine des eaux baptismales où il faut estre trempé et lavé.

  A009001000 

 Ces eaux purifient, justifient et effacent toutes les taches du peché dont les hommes sont souillés; et pour offrir et sacrifier à Nostre Seigneur quelque victime et holocauste il est tellement necessaire d'estre lavé de cette eau, par effect ou du moins par un tres ardent desir d'icelle, que sans cela toutes les offrandes et oblations ne sont pas offrandes mais execrations..

  A009001001 

 C'est une regle si generale que celle cy que pas un n'en peut estre exempt, sinon la tres sacrée [381] Vierge, laquelle n'ayant point peché n'avoit point besoin d'expiation; et neanmoins elle n'est pas entrée au Ciel par une autre porte que par celle de la Redemption.

  A009001001 

 Il ne s'y faut point tromper, car nos anciens peres ont tous passé par là: jeunes et vieux, petits et grans, en somme tous ont lavé leurs pieds et leurs mains dans les eaux de la penitence.

  A009001002 

 Vous voyez donques que cette cuve placée entre les deux tabernacles represente le Baptesme, la penitence et la doctrine evangelique, qui sont les liens par lesquels l'Eglise militante est unie à la triomphante.

  A009001003 

 Elle les possedera en telle sorte qu'elle les gouvernera souverainement; et quant à eux ils participeront à sa gloire, par le moyen de laquelle ceux qui estoyent mortels seront rendus immortels comme l'ame..

  A009001003 

 Lors nous les verrons avec un contentement indicible, tout glorieux par leur reunion à l'ame avec laquelle ils n'auront plus aucun divorce ni rebellion, ains luy seront absolument sousmis et sujets.

  A009001003 

 Nous autres avons aussi deux tabernacles: l'un exterieur qui est ce corps que nous portons, et l'autre interieur, qui est l'ame par laquelle nous vivons.

  A009001004 

 Et tout ainsy que cette Loy les a ornés et enrichis, et que s'estans plongés dans icelle ils se sont purifiés et rendus capables d'offrir à la divine Bonté des sacrifices d'un prix et valeur inestimable, ils luy ont aussi, de leur costé, fait ce que faisoyent à cette cuve les mirouers des dames hebreuses et juifves; car ils l'ont embellie par la pratique des preceptes et conseils qu'ils ont puisés en icelle, nous laissant à imiter des admirables exemples, qui sont comme des mirouers dans lesquels nous [383] nous pouvons continuellement regarder.

  A009001005 

 Elle a un grand avantage par dessus tous les Bienheureux, qui est qu'elle s'est donnée et totalement dediée au service de Dieu dès l'instant de sa conception, puisqu'il n'y a nul doute qu'elle n'ayt esté toute pure et n'ayt eu l'usage de rayson dès que son ame fut mise en ce petit corps formé dans les entrailles de sainte Anne..

  A009001005 

 Me voyci maintenant sur le sujet de la feste de nostre tres chere Mere et Maistresse que nous celebrons aujourd'huy; car, je vous prie, quel plus beau et pretieux mirouer vous sçauroit-on presenter que celuy-cy? N'est-ce pas le plus excellent qui soit en la doctrine evangelique? N'est-ce pas elle qui l'a le plus ornée et enrichie, tant par ce qu'elle mesme a prattiqué que par les exemples admirables qu'elle nous a laissés? Certes, il n'y a point de Saint ni de Sainte qui luy puisse estre parangonné, car cette glorieuse Vierge surpasse en dignité et excellence non seulement les Saints, mais aussi les plus hauts Seraphins et Cherubins.

  A009001006 

 Elle luy donna l'usage de la rayson et la foy par laquelle Nostre Dame conneut Dieu et creut tout ce qui estoit de la verité, en sorte que, remplie de cette clarté, elle se dedia et consacra toute à la divine Majesté, mais d'une façon tres parfaite.

  A009001006 

 Les theologiens nous asseurent que Nostre Seigneur jettant un rayon de sa lumiere et de sa grace dans l'ame de saint Jean Baptiste lors qu'il estoit encor aux entrailles de sainte Elizabeth, le sanctifia et luy [384] donna l'usage de rayson avec la foy, par laquelle ayant reconneu son Dieu dans le ventre de la tres sainte Vierge il l'adora et se consacra à son service.

  A009001009 

 Cette glorieuse Vierge se comportoit en ce bas aage avec tant de sagesse et discretion en la mayson de ses parens qu'elle leur donnoit de l'estonnement, si qu'ils jugerent bien, tant par ses discours que par ses actions, que cette Enfant n'estait pas comme les autres, mais qu'elle avoit l'usage de rayson, et partant qu'il failloit anticiper le temps et la conduire au Temple pour servir le Seigneur avec les autres filles qui y estoyent pour ce sujet.

  A009001010 

 Ce Psalme est certes admirable et tout emmiellé à cause des paroles de louange et benediction qu'il donne à la divine Majesté; aussi le Prophete royal disoit: Je me sers de ce cantique comme d'une douce recreation pour entonner et psalmodier aux trois divers temps que je vay au Temple, selon qu'il est ordonné par la Loy.

  A009001012 

 La premiere est celle dont nous parlons à cette heure; l'autre est celle par laquelle on correspond promptement aux secrettes inspirations de Dieu lors que, se rendant tout à fait au premier mouvement et attrait d'icelles, en [387] quelque temps et aage que Nostre Seigneur nous appelle, l'on quitte tout pour le suivre..

  A009001012 

 O que bienheureuses sont les ames qui, à l'imitation de cette sacrée Vierge, se dedient comme des primices au service de Nostre Seigneur dès leur jeunesse! O qu'elles sont heureuses de s'estre retirées du monde avant que le monde les ayt conneùes, car n'ayans point esté mariées, ni par consequent flestries par l'ardeur de la concupiscence, elles donnent une odeur de grande suavité par leurs vertus et bonnes œuvres.

  A009001014 

 Les Pharisiens, pleins d'envie, commencerent à murmurer et à le calomnier, disant que ce n'estoit pas en son nom qu'il operoit ces choses, ains par la puissance du prince des tenebres.

  A009001016 

 Il n'appartient qu'à la sacrée Vierge; car tout ainsy qu'entant que Dieu je n'ay qu'un Pere sans mere, ainsy entant qu'homme devois-je avoir une Mere sans pere; et comme je n'ay qu'un Pere au Ciel, aussi ne devois-je avoir qu'une Mere en terre: cela a esté ordonné de toute eternité par mon Pere celeste.

  A009001018 

 O sainte, divine et admirable semonce que Dieu fait au cœur de tant de creatures, et qui a esté escoutée et entendue par un grand nombre! Cependant je ne sçay [390] comment cela est arrivé, plusieurs ont ouy la parole sacrée de la vocation et ne sont pourtant point sortis ni allés où Dieu les appelloit.

  A009001021 

 Je sçay qu'il y a diverses interpretations sur cecy, car les uns tiennent que par ce nom l'on doit entendre le saint et sacré nom de Jesus qui signifie Sauveur, par lequel il est venu sauver le monde, nom qui est demeuré gravé en son Eglise et dans le cœur de tous les vrays enfans d'icelle.

  A009001025 

 Or, bien que la douceur que vous recevrez par le regard et consideration de la vie de Nostre Dame tombe dans un vaysseau d'argile, elle ne lairra pas d'estre d'une suavité admirable, car le baume mis dans un vaysseau de terre est aussi suave que dans une fiole de cristal..

  A009001027 

 Oh! quel aveuglement est celuy cy! N'est-ce pas la parole et volonté de Dieu qu'il vous annonce? Or, si vous aymez cette divine parole, et Dieu qui vous l'envoye et qui commande qu'on fasse sa volonté, pourquoy ne la recevrez-vous pas d'aussi bon cœur de celuy cy comme d'un autre? Si un prince ou un roy vous envoyoit quelques lettres par un sien page, regarderiez-vous, pour avoir ces lettres aggreables, si le page est vestu de gris, vert ou jaune? Non certes, ains vous prendriez ces lettres et les mettriez sur vostre teste en signe de resjouissance et reverence, sans avoir esgard à la livrée de celuy qui les apporte.

  A009001029 

 D'où vient cela sinon de ce que nous ne regardons pas Dieu qui nous envoye le commandement, et que pour l'aggreer nous prenons garde si celuy qui nous l'apporte est vestu de vert ou de gris, et quelle est sa mine et contenance? Or, il ne faut pas faire cela, mais recevoir l'obeissance comme volonté divine, n'importe par qui elle nous soit signifiée, aymant Dieu qui ordonne, prenant ce commandement et le mettant sur nostre teste, c'est à dire dans le fond de nostre volonté, pour l'accepter et executer avec fidelité.

  A009001029 

 Quand nos Superieurs et ceux qui gouvernent sont à nostre goust, fantasie et inclination et selon nos humeurs, nous ne trouvons rien de difficile; mais s'ils ne sont pas selon nostre affection, les moindres choses ordonnées par eux nous sont rudes.

  A009001030 

 Par vos renouvellemens, mes cheres Filles, vous allez reprendre de nouvelles forces et rebander tous vos arcs pour le service et dilection de Nostre Seigneur; car certes, tant que nous vivrons nous aurons besoin de nous renouveller et relever.

  A009001043 

 Il fut l'escolier de Nostre Dame, et lors qu'elle alla visiter sa cousine Elizabeth il fut sanctifié par le cher Sauveur de nos ames, lequel il conneut; et tressaillant d'ayse dans les entrailles de sa mere, il l'adora et se consacra à son divin service.

  A009001045 

 J'ay esté comme un cerf qui a couru et sautelé par les fourrés les plus entourés de ronces et d'espines, mais vous estes ce divin chasseur qui de loin avez remarqué mes pas et mes vestiges; vous m'avez apperceu au lieu où j'estois, d'autant que vos yeux voyent et penetrent tout.

  A009001046 

 Mais d'autant qu'il ne le fit pas, nous sommes tous demeurés tachés du peché de nos premiers parens, et par consequent sujets à la peine qu'il tire apres soy..

  A009001046 

 Une partie des [400] Peres tiennent que s'il eust advoué son peché quand Dieu l'appella, s'il eust frappé sa poitrine et dit un bon peccavi, le Seigneur luy eust pardonné et ne l'eust pas chastié par le fleau dont il le menaçoit et duquel il a puni luy et tous ses descendans.

  A009001048 

 Par exemple, la Magdeleine, apres la Mort et Passion de Nostre Seigneur, s'en alla pour oindre et embaumer son sacré corps; mais trouvant le monument ouvert elle pleura amerement.

  A009001051 

 Comme s'il vouloit dire: Je ne me contente pas de vous asseurer que c'est Celuy que nous attendons, mais je vous envoye à fin que vous soyez instruits par luy mesme.

  A009001052 

 Au contraire, les serviteurs de Dieu ne preschent et n'enseignent ceux qu'ils conduisent que pour les porter à Dieu, tant par leurs paroles que par [403] leurs œuvres.

  A009001052 

 Ces maistres et ceux qui gouvernent les ames qui, par leurs belles paroles, taschent d'attirer à eux les disciples qu'ils enseignent et les ames qu'ils gouvernent, ressemblent à ces payens, heretiques et telles autres canailles de gens qui causent et babillent, et estans dans leurs chaires s'efforcent et donnent peine de faire de beaux discours, subtils et bien dits par merveille, non pour conduire les ames à Jesus Christ, mais à eux mesmes.

  A009001052 

 Ils les attirent à eux par leurs paroles et leur langage composé, ne se servant pour ce sujet que de la babillerie et caquetterie, et par ce moyen seduisent plusieurs esprits foibles.

  A009001054 

 Il pouvoit bien, par ses paroles, leur faire entendre cette verité, mais il ne le fait pas, ains les addresse à Nostre Seigneur pour estre instruits.

  A009001057 

 Hé Dieu, laissez-vous donc gouverner par autruy.

  A009001060 

 En fin, ce sont nos œuvres ou bonnes ou mauvaises qui nous font ce que nous sommes, et c'est par icelles que nous devons estre reconneus..

  A009001063 

 La partie concupiscible convoite des biens, des honneurs, des dignités et preeminences, des voluptés et mignardises; ce qui fait que l'homme devient cupide, avaricieux, et par ce moyen il cloche de ce costé là.

  A009001066 

 C'est cette parole sacrée qui ressuscite les morts; c'est en escoutant les predications que l'on reçoit de bons mouvemens, que l'on passe du peché à la grace; c'est aussi par le moyen de la lecture que le cœur est vivifié et prend tousjours nouvelle force et vigueur..

  A009001067 

 Aussi pouvons-nous dire avec verité que non seulement les pauvres sont evangelisés mais qu'ils ont evangelisé, Dieu se servant d'eux pour porter la verité par tout le monde..

  A009001067 

 Certes, les disciples de saint Jean ne trouverent pas Nostre Seigneur parmi les princes et premiers du monde, mais avec les pauvres, lesquels l'escoutoyent et le suivoyent par tout où il alloit.

  A009001067 

 Il refuit les cœurs altiers et orgueilleux et se communique aux simples; il leur oste leur esprit grossier et pesant et leur donne le sien par lequel ils operent choses grandes, et par ce moyen il confond les choses hautes et relevées par des basses et simples.

  A009001070 

 Certes, il faut tous passer par là.

  A009001071 

 Ou'ils estoyent remplis de grandes lumieres et connoissances touchant la venue de Nostre Seigneur! Qu'ils s'alloyent doucement entretenais de ces grans miracles et merveilles qu'il avoit faits en leur presence, et des choses qui leur avoyent esté racontées par les Apostres! Comme ils furent sortis, le Sauveur se tourna du costé du peuple qui l'environnoit et leur dit: Qui estes-vous allés voir au desert? Peut estre que vous y aurez veu un roseau, exposé aux orages et tempestes, ou bien un rocher immobile au milieu de la mer? (De mesme peut-on dire: Qui avez-vous veu au desert, ou en Religion? car desert signifie Religion, et la Religion n'est autre chose qu'un desert.) Donc, qui estes-vous allés voir? Peut estre y aurez-vous trouvé des roseaux? O non, saint Jean n'est point un roseau, car il est demeuré ferme comme un rocher au milieu de toutes les vagues et tempestes des tribulations..

  A009001073 

 S'il eust alors loué saint Jean on eust peu juger qu'il le faisoit par flatterie, cela luy pouvant estre rapporté par ses deux disciples; ce qui estoit grandement esloigné de l'esprit de nostre cher [413] Sauveur qui est la verité mesme.

  A009001075 

 Il faut tant d'affaires pour nous bien faire prendre une parole qui n'est pas selon nostre gré, que par apres l'on ne peut remettre ce cœur; il y faut appliquer tant d'emplastres! [414] Mon Dieu, quelle pitié, et quelle bigearrerie est la nostre! O non certes, il n'y a point d'esgalité parmi nous, et toutefois c'est l'une des choses les plus necessaires qui soyent en la vie spirituelle.

  A009001077 

 Dites donques ce que vous avez veu et entendu; car la renommée de ce grand Saint s'estendoit par tout, de maniere que des gens doctes et bien experimentés venoyent de fort loin pour entendre sa doctrine..

  A009001077 

 Et quand on luy representoit que c'estoit un empereur à qui il s'en prenoit, comme tesmoignoit-il par ses paroles qu'il n'avoit esgard qu'à la gloire de Dieu! Que ne dit-il pas à ceux qui, sur ce [415] sujet, luy representoyent la faute de David! Eh bien, respondoit-il, vous me parlez de la faute de David, mais vous ne m'alleguez rien de sa penitence.

  A009001077 

 Toutefois, bien que grandement doux et clement, si estoit-il fort severe à punir et reprendre ce qui estoit digne de reprehension, sans se laisser flechir par aucune consideration quelle qu'elle fust.

  A009001078 

 Voyla comme il est vray que l'homme se connoist par ses œuvres.

  A009001090 

 Or, cette [417] ambition leur donna si avant au cœur que, presumans de participer à la science et sapience divines, ils se laisserent seduire par le tentateur et descheurent par ce moyen de la justice originelle..

  A009001090 

 S'il faut en juger par toutes sortes d'arts, mestiers et professions, nous confesserons que la premiere et plus forte tentation c'est l'ambition, l'orgueil et l'outrecuidance.

  A009001090 

 Sçachant donc ainsy par sa propre experience comme l'orgueil et l'ambition sont une puissante amorce, il en usa pour tenter nos premiers parens, leur proposant le fruit defendu avec une telle outrecuidance qu'il les asseura que s'ils en mangeoyent ils seroyent semblables à Dieu.

  A009001091 

 Les autres tiennent que la cause de leur cheute fut l'envie; car ces esprits voyans comment le Seigneur devoit creer l'homme, comme il vouloit enrichir la nature humaine et comme il se devoit communiquer à cette nature s'incarnant et s'unissant à icelle d'une union hypostatique, en sorte que ces deux natures ne feroyent qu'une personne, ils furent touchés d'envie et marris de ce que le Createur pensoit relever cette nature par dessus la leur, et se dirent: Pourquoy Dieu voulant sortir de soy mesme pour se communiquer, ne choisit-il pas plustost la nature angelique et seraphique pour faire cette communication? n'est-elle pas plus noble et excellente que l'autre? Et de là ils vindrent à estre pleins de jalousie, d'ambition et d'orgueil, et tresbucherent miserablement..

  A009001091 

 Les theologiens philosophant sur la cause de la cheute de Lucifer et des autres anges, disent que ce fut une certaine complaisance spirituelle qu'ils eurent en eux mesmes, laquelle leur causa un tel orgueil par la connoissance de la grandeur et excellence de leur nature, qu'ils voulurent avec une outrecuidance insupportable estre comme Dieu, mettre leur siege à l'esgal du sien.

  A009001092 

 Pourquoy? Hé, parce qu'elle nous est suggerée par nostre ennemy, et partant il ne s'y faut pas fier..

  A009001092 

 Voyci donques qu'il s'esleva contre luy une tentation d'orgueil et d'ambition, la plus forte et la plus rude que l'on se puisse imaginer; car remarquez, je vous prie, qu'elle ne luy fut point presentée par l'ennemy en personne et qu'elle ne vint point immediatement de luy.

  A009001093 

 Mais cet esprit malin sçachant que s'il ne se couvroit lors qu'il veut donner un assaut, et s'il ne prenoit quelque masque ou figure d'amy il ne feroit jamais son coup, il use tousjours d'artifice; de là vient qu'il en seduit tant par ses ruses et tromperies.

  A009001094 

 Ce furent eux mesmes qui se tenterent, et par leur orgueil, devindrent diables, d'anges qu'ils estoyent auparavant.

  A009001094 

 L'homme, par son orgueil et outrecuidance, a perdu la justice originelle en laquelle il estoit creé et s'est fait un enfer ça bas en terre; car les maux que ses vices traisnent apres eux ne sont qu'un enfer, lesquels d'une peine temporelle conduisent aux eternelles..

  A009001095 

 Or, voyci que l'une des plus fortes, subtiles et dangereuses tentations qui se puissent voir s'addresse à saint Jean, non par des ennemis, comme j'ay desja dit, ni par des gens revestus de quelque masque d'hypocrisie, mais par ses amis, envoyés à luy de Hierusalem par les princes et docteurs de la Loy.

  A009001096 

 Remarquez un peu, je vous prie, les fantasies de l'esprit humain: ils attendoyent le Messie, ils voyoient que toutes les propheties estoyent accomplies, car ils avoyent en main la Sainte Escriture; le Sauveur estoit venu et alloit parmi eux enseignant sa doctrine, faisant des miracles, et confirmant tout ce qu'il disoit par ses œuvres; neanmoins, au lieu de le reconnoistre, ils en vont chercher un autre..

  A009001099 

 C'est par luy que les demons commencerent d'estre, car avant sa cheute il n'y en avoit point..

  A009001099 

 O non, mais son orgueil le porta jusques à vouloir estre semblable à Dieu; et le miserable, au lieu de devenir ce qu'il presumoit, il descheut par son outrecuidance de ce qu'il estoit, fut chassé et banni pour jamais du Ciel et rendu diable.

  A009001099 

 Son ambition n'arriva point jusques là; il sçavoit que Dieu seroit tousjours le premier et auroit quelque superintendance par dessus luy, car en somme il est Dieu et Lucifer ne pretendoit pas estre tel.

  A009001100 

 Nos premiers parens au paradis terrestre estoyent en la justice originelle, ils n'avoyent jamais peché, non seulement mortellement comme les Anges (car le premier peché qu'ils commirent fut mortel, et par consequent digne de mort eternelle), mais non pas mesme veniellement.

  A009001100 

 O que l'ambition et l'orgueil sont de fortes et dangereuses amorces pour seduire l'homme et luy faire transgresser la loy de Dieu! Il est donques bien vray, comme dit le grand saint Ambroise, que qui veut entrer au combat et en la guerre contre le vice il faut necessairement qu'il soit revestu et par tout armé de l'humilité..

  A009001103 

 Les anciens Peres expliquans ces paroles disent qu'elles nous representent le desir que les Anges avoyent de l'Incarnation; d'autres tiennent que par icelles nous devons entendre le desir que Dieu avoit de toute eternité d'unir la nature humaine avec la divine, desir qu'il communiqua aux Anges et aux hommes, quoy qu'en differentes façons.

  A009001103 

 Les uns, tels que les Patriarches et les Prophetes, [422] le souhaittoyent ardemment, et par les souspirs qu'ils jettoyent au Ciel ils demandoyent l'Incarnation du Fils de Dieu.

  A009001103 

 Salomon, au Cantique des Cantiques, nous foit entendre ce souhait par les paroles de l'Espouse: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche.

  A009001110 

 Hé, folie! vous vous moquez du monde en disant cela; comme si Dieu pouvoit estre honnoré par le peché! Non, cela n'est pas; il ne faut jamais mentir pour honnorer Dieu, et c'est une sottise et grande ignorance que celle là.

  A009001112 

 Ces paroles s'expliquent par un hebraïsme.

  A009001113 

 Je me suis mis en colere et j'ay [427] fait tel manquement par ce mouvement là, mais j'en avois bien sujet; l'on m'avoit fait ou dit telle chose, c'estoit pour une telle occasion.

  A009001113 

 Voyez-vous pas qu'en confessant vostre faute vous la niez? Dites donques: Ç'a esté par ma malice, par mon impatience et mauvais naturel, ou en suite de mes passions et inclinations mal mortifiées que j'ay commis telle et telle faute.

  A009001119 

 Ceux-cy ne se faschent pas si on leur dit qu'ils sont imprudens, qu'ils n'ont point d'esprit ni de jugement, ains ils s'abaissent, et Dieu les exalte et releve, leur donnant son Esprit par lequel ils operent de grandes choses..

  A009001120 

 En somme, saint Jean est proposé par Nostre Seigneur à toutes sortes de personnes pour estre imité.

  A009001132 

 par toutes les contrées d'alentour le.

  A009001137 

 Ce n'estoit pas saint Jean qui crioit, mais Nostre Seigneur par la bouche de saint Jean.

  A009001137 

 Humilité grande, à la verité, qui ne peut mieux estre exprimée que par ces paroles de saint Jean l'Evangeliste: Il confessa et ne nia point qu'il n'estoit pas le Christ.

  A009001137 

 Ne recevez point mes paroles comme paroles d'homme, mais comme paroles de Dieu, car je vous dis en verité que ce n'est point moy qui enseigne, ains Dieu par moy..

  A009001137 

 Pensez-vous, leur escrivoit-il, que ce soit moy qui vous parle? Oh non, mais c'est Dieu qui vous parle par ma bouche.

  A009001138 

 Comme s'il disoit: Ce n'est pas moy qui crie en ce desert: Faites penitence, ains c'est Dieu qui le vous dit par moy, et je ne suis que la voix, la trompette par laquelle il vous donne à entendre comment vous vous devez preparer à faire penitence et vous disposer à sa venue.

  A009001138 

 Voyla ce que je suis; vous devez donc escouter mes paroles non comme miennes mais comme de Dieu qui vous parle par ma bouche, car je suis la voix de Celuy qui crie au desert.

  A009001140 

 Or ce choix ou eslection est commun et ordinaire, et l'on ne doit point desirer ni rechercher des vocations particulieres et extraordinaires, car telles vocations sont dangereuses et suspectes quand elles ne sont pas approuvées ni autorisées par les pasteurs et maistres de la vie spirituelle.

  A009001141 

 C'est en ce sens que se doivent entendre ces mots de l'Evangile: La parole du Seigneur est tombée sur Jean, fils de Zacharie, lequel fut choisi par la divine Sapience pour estre le Precurseur de nostre divin Sauveur.

  A009001141 

 Nous sommes enseignés par là que lors que Dieu depart quelque charge à ceux qu'il a choisis pour son service, comme sont les predicateurs, ils doivent soigneusement s'appliquer à leur devoir et communiquer aux autres ce qu'ils ont receu et ce que Dieu leur a donné pour ce sujet.

  A009001142 

 Je viens icy pour vous prescher, mais si je suis obligé de vous apporter la divine parole, [434] vous l'estes par consequent de l'escouter, et non seulement cela, ains encores de bien entendre et prattiquer ce que l'on vous enseigne.

  A009001145 

 Vivez au jour la journée, mangez ce que l'on vous donne et vous en nourrissez bien par les prattiques que vous en ferez, et laissez le soin du reste à la divine Providence, car elle vous pourvoira assez selon vostre besoin; usez bien seulement de ce qui vous est donné et soyez libres de tout autre souci.

  A009001147 

 Ce que voyant par avance, le Prophete Isaïe, avec une divine poesie, entonna ces belles paroles: Consolamini, consolamini.

  A009001147 

 Lors donc que le peuple d'Israël fut mené en servitude par les Gentils et envoyé prisonnier parmi les Persans et Medes, le bon Cyrus, apres une longue captivité, se resolut de le retirer de cette servitude et le ramener en la terre de promission.

  A009001148 

 Les anciens Peres enseignent que ces parolles se doivent entendre en cette sorte: Lors qu'ils sont au plus fort de leurs travaux et afflictions, qu'ils sentent le plus le faix de leurs iniquités en cet esclavage et servitude, apres les avoir punis de leur meschanceté par ce fleau de tribulations, je les ay regardés et en ay eu compassion; et au comble de leur malice, c'est à sçavoir au plus mauvais de leurs journées, je me suis contenté de ce qu'ils ont souffert pour leurs pechés, et à cause de cela leurs iniquités leur seront pardonnées.

  A009001148 

 Que veut-il entendre par ces paroles sinon: Mes jours, c'est à dire ces jours que je vis, sont courts, car ils ne font que passer; ils ne sont rien qu' une ombre, c'en est aussi tost fait; mais ils sont mauvais parce qu'ils sont chargés et suivis de tant de travaux que cette vie presente apporte avec soy, qu'encores qu'ils soyent courts ils ne laissent d'estre pleins de malice.

  A009001149 

 Certes, quand la divine Providence a voulu monstrer aux hommes combien estoit grande sa misericorde, ç'a esté par des esclats admirables; et lors qu'on ne pouvoit esperer sinon de [438] sentir la fureur de son courroux et la terreur de sa justice, alors, dis-je, qu'il n'y avoit aucune disposition de la part des hommes ni aucun motif pour esmouvoir le Seigneur et l'attirer à faire misericorde, c'est en ce temps-là qu'il en a fait voir des effects admirables..

  A009001150 

 A la verité, ce sont de grans effects de la bonté de Dieu de departir ses graces à ses creatures, de leur pardonner continuellement les fautes qui journellement sont commises contre luy et de recompenser de si petits services par de si grandes faveurs; de sorte que celuy qui correspond à la premiere grace se dispose à recevoir la seconde, et correspondant à la seconde il se prepare à obtenir la troisiesme, puis de la troisiesme à une quatriesme, et ainsy consecutivement, selon le dire de la theologie scholastique, qui est tres veritable.

  A009001150 

 Car les theologiens enseignent que Dieu ne manque jamais de son costé; que si l'ame est fidelle à correspondre aux premieres graces elle se dispose à recevoir les secondes, troisiesmes et quatriesmes, et par cette correspondance elle se rendra digne de participer à de grans biens et d'obtenir de signalées faveurs.

  A009001151 

 En somme, le monde estoit arrivé au plus haut point de sa malice; [439] et ce fut alors que Dieu vint pour le racheter et nous delivrer de la tyrannie du peché et servitude de nostre ennemy, sans estre esmeu à ce faire que par son immense bonté qui le porta à se communiquer en cette sorte..

  A009001152 

 Ce fut alors que Nostre Seigneur contrepointa sa meschanceté et ingratitude par une debonnaireté et misericorde infinie, le touchant et luy pardonnant toutes ses iniquités au temps mesme où il l'avoit le plus demerité.

  A009001153 

 Helas, son peché eust esté en quelque façon excusable s'il l'eust commis en gardant ses brebis, quand il estoit berger; mais que David aye tant offensé Dieu apres en avoir receu des graces si singulieres, apres tant de clartés, de lumieres et de faveurs, luy qui estoit selon le cœur de [440] Dieu, par lequel il avoit fait tant de merveilles et prodiges, luy qui avoit tousjours esté nourri dans le sein de la douce clemence et misericorde divine, soit venu jusques là que de commettre de si grans forfaits et qu'il soit demeuré un an entier sans en avoir la connoissance, o certes, c'est une chose qui estonne grandement..

  A009001154 

 Il commença par l'adultere, mais c'estoit encores peu pour luy.

  A009001155 

 Il luy parla de quelque faute qui avoit esté commise par un de ses sujets, et soudain David jettant sa sentence dit: Il a desrobé la brebis de ce pauvre homme, il le faut faire mourir, monstrant en cela jusqu'à quel point il estoit endurci en son peché et n'en avoit aucun sentiment; mais pour les fautes des autres il les connoissoit fort bien et [441] sçavoit leur imposer le chastiment condigne à leur demerite.

  A009001155 

 Neanmoins Dieu ne le quitta point en ce temps là, mais par le moyen du Prophete Nathan luy fit confesser son crime.

  A009001156 

 Certes, il est vray que la meilleure disposition pour l'avenement du Sauveur c'est de faire penitence; il faut tous passer par là, et comme nous sommes tous pecheurs, aussi avons-nous tous besoin de cette penitence.

  A009001157 

 Il en prend tout de mesme en l'exercice de nostre vie, où il y a tant de monts, de vallées et de tortuosités; tout cela ne peut estre redressé que par la penitence.

  A009001158 

 Les vallées que le glorieux saint Jean veut que l'on remplisse ne sont autres que la crainte, laquelle, quand elle est trop grande, nous porte au descouragement par les regards sur les pechés commis.

  A009001159 

 Ce bon Saint luy respondit: Garde toy bien de lever les yeux pour regarder le Ciel, toy qui tant et tant de fois t'en es servie pour jetter des regards dangereux, pour muguetter et pour telles autres choses; ne leve point ces mains par lesquelles tu as fait tant d'œuvres malignes, mais exerce toy toute ta vie en humilité et te confie en la bonté de Dieu.

  A009001159 

 Il faut donques remplir ces vallées creusées par les frayeurs provenantes de la connoissance des grosses imperfections et des pechés commis; il faut, dis-je, les remplir par la confiance meslée avec la crainte de Dieu..

  A009001162 

 Redressez les chemins du Seigneur, c'est à dire, esgalez vos humeurs par la mortification de vos passions, inclinations et aversions.

  A009001172 

 Elle tomboit pendant la nuit comme de petits grains de dragées, elle estoit faite dans l'air par le ministere des Anges, comme disent quelques Docteurs.

  A009001172 

 Or, nous voyons en luy trois substances: le corps, la nature divine et l'ame; mais nous ferons mieux entendre cecy par des similitudes.

  A009001174 

 Le corps sacré de nostre Sauveur fut formé du plus pur sang de la Vierge, mais sa tres benite ame fut creée par le Pere et le Saint Esprit à l'instant mesme qu'ils eurent formé son corps.

  A009001177 

 Ces deux natures sont tellement unies par ensemble que l'on peut prononcer sans blasphemer: Ce sang est le sang de Dieu, le sang de l'Aigneau mort pour les pechés des hommes; Dieu a esté flagellé, fouetté; les mains de Dieu ont esté tendues et clouées à la croix.

  A009001178 

 Par le corps je suis un animal, mais ayant une ame toute spirituelle unie au corps, je suis un animal raysonnable.

  A009001179 

 Vous entendrez mieux cecy par des similitudes, non point toutefois comme on entend ce qui se passe au dessous des sens, ni comme on comprend la maniere de faire un ouvrage, une broderie; mais vous en aurez suffisamment l'intelligence pour le croire comme vous le devez.

  A009001180 

 Mais il y a une difference en cette similitude: en jettant de l'eau sur le fer embrasé le feu le quitte et le laisse en sa premiere forme toute seule, tandis qu'en l'union de la Divinité avec l'humanité il n'en prend pas ainsy; car despuis que la nature divine a esté jointe avec l'humaine elle ne s'en est jamais separée par aucune eau de tribulation que l'on ayt jettée dessus, ains elles sont tousjours demeurées tres estroittement unies et d'une union indissoluble et inseparable.

  A009001181 

 Gedeon trouvant la toison toute trempée de la rosée en telle sorte que Teau surnageoit par dessus, la prit, la fit tordre pour en espuiser l'eau jusqu'à ce qu'elle fust toute seche (et il en sortit une grande quantité), puis il entreprit la bataille et en eut une heureuse issue..

  A009001181 

 Il mit donques une toison sur la place, et, merveille qui monstre la bonté de Dieu, la rosée tomba du ciel en si grande abondance que la toison en fut trempée de toutes parts; et neanmoins la terre qui estoit dessous demeura si seche qu'il sembloit qu'elle eust esté battue par l'espace de plusieurs jours.

  A009001182 

 Gedeon voyant la toison toute detrempée de la rosée, et l'eau surnageant par dessus en sorte qu'elle estoit soustenue par la toison à ce qu'elle ne vinst à mouiller la terre, il la fit tordre et en separa l'eau; mais en l'Incarnation, les deux natures estans une fois unies ne se sont jamais separées.

  A009001183 

 Mais l'humanité n'est pas par tout où la Divinité se trouve, car la Divinité est une mer infinie qui comprend et remplit tout et ne peut estre comprise de personne.

  A009001183 

 Mais remarquez cecy, que bien que la mer soit dans toutes les parties de l'esponge, celle-cy n'est point par toute l'estendue de la mer, car la mer est un grand et vaste ocean qui ne peut estre compris par l'esponge.

  A009001183 

 Vous entendrez encores mieux cecy par une autre similitude.

  A009001183 

 Vous voyez par ces similitudes que c'est que l'Incarnation; quand donques on vous demandera que c'est que ce mystere, vous respondrez: C'est une telle union de la nature humaine avec la divine, une telle jonction de la Divinité avec l'humanité, que par icelle l'homme est fait Dieu et Dieu est fait homme, en prenant sa nature..

  A009001184 

 Ainsy les hommes qui vivent non point selon la rayson mais selon leurs appetits desordonnés, se jettent à corps perdu à la recherche de leurs satisfactions sensuelles; mais Nostre Seigneur, voulant les en sortir, leur vient tirer la bride en s'incarnant, à fin de les retenir leur enseignant par ses œuvres à mespriser toutes choses..

  A009001187 

 Alors il estendit ses bras sacrés, et s'offrant avec une dilection nompareille à patir toutes ces choses, il les embrassa et mit sur son cœur avec tant d'amour qu'il commença dès cet instant à ressentir tous les tourmens qu'il devoit par apres endurer au temps de sa Passion.

  A009001187 

 Il se priva dès lors, par une entiere soustraction, de toutes les consolations qu'il pouvoit recevoir en cette vie, ne se reservant que celles dont il ne se pouvoit priver, faisant que la partie inferieure de l'ame souffrist et fust sujette pour nostre salut et redemption aux tristesses, peines, craintes, apprehensions et frayeurs; et tout cela, non par force ni pour ne pouvoir faire autrement, mais volontiers et de son plein gré à fin de nous monstrer son amour..

  A009001187 

 O que nous serions heureux si nous lisions bien dans ce livre et que toute nostre preoccupation fust d'accomplir la volonté de Dieu par le renoncement et entiere abnegation de la nostre, n'ayant d'autre soin que de l'ajuster à la sienne! Ce seroit le moyen d'obtenir de sa Bonté tout ce que nous voudrions, car celuy qui n'a autre souci que de faire la volonté divine obtient d'elle tout ce qu'il requiert, et à mesure qu'il accomplit cette sainte volonté, Dieu fait la sienne ainsy qu'il est escrit: Le Seigneur fait la volonté de ceux qui le craignent, comme vous avez veu qu'il fit tout ce que voulut Gedeon quand il luy demanda un signe.

  A009001188 

 Aussi Nostre Seigneur merita plus en jettant un seul souspir amoureux que ne firent jamais tous les Saints et Saintes ou que tous les Cherubins et Seraphins; et Dieu fut plus honnoré par un seul acte d'amour et d'adoration que la tres benite ame du Sauveur fit à l'instant de sa creation, qu'il ne l'a esté et ne le sera jamais par toutes les creatures angeliques et humaines.

  A009001188 

 Neanmoins nostre cher Maistre ne voulut pas nous racheter par un seul souspir, mais pour ce faire il a voulu souffrir mille peines et travaux, payant en toute rigueur de justice nos fautes et iniquités, nous enseignant par son exemple cette sobrieté spirituelle, cet esloignement de toutes consolations pour vivre selon la rayson et non selon nos appetits et affections..

  A009001191 

 O que c'est une belle chose à considerer que le mystere tres haut et tres [460] profond de l'Incarnation de nostre Sauveur! Mais tout ce que nous en pouvons entendre et comprendre par le discours n'est rien, et pouvons bien dire à ce propos ce que disoit un sage qui lisoit un livre tres haut et obscur d'un ancien philosophe (je ne me souviens pas de son nom); il advoua franchement: Ce livre est si docte et difficile que je n'y entens presque rien; le peu que je comprens est extremement beau, mais je crois que ce que je n'entens pas l'est plus encores.

  A009001201 

 Or, avant que de dire comment, il faut sçavoir que par les mammelles sont representées les affections, parce qu'elles avoisinent le cœur et sont assises sur iceluy, et que du cœur sortent les affections de douceur, de mansuetude et de charité vers les pauvres, les infirmes et les petits enfans; aussi donne-t-on premierement la mammelle aux petits enfans, [462] qui sont vrayement pauvres, puisqu'ils n'ont rien et ne peuvent en aucune maniere gaigner leur vie, de sorte que si on ne leur donnoit la mammelle ils mourroyent incontinent..

  A009001202 

 La longanimité nous signifie la patience avec laquelle il attend les pecheurs à penitence; et la debonnaireté, l'amour et la compassion avec laquelle il les reçoit lors que, pleins de contrition et de larmes, ils viennent, à l'imitation de sainte Magdeleine, luy bayser les pieds par la conversion de leur cœur et de leurs affections, c'est à dire par un veritable regret de leurs pechés..

  A009001203 

 O que cette longanimité et debonnaireté de Nostre Seigneur reduit et ramene bien mieux les ames à leur devoir, et a beaucoup plus d'efficace et de pouvoir pour les retirer du peché que n'ont pas les corrections des hommes lesquelles sont signifiées par le vin! Nous en avons plusieurs exemples, entre lesquels en voicy deux signalés.

  A009001204 

 Car encores que les mammelles de Nostre Seigneur soyent tres douces et meilleures mille fois que le vin des delices mondaines, neanmoins nous ne nous en approcherions jamais s'il ne nous attiroit par le moyen de ses divines odeurs..

  A009001204 

 Mais apres que l'Espouse luy a dit: Meliora sunt ubera tua vino; Vos mammelles sont meilleures que le vin, elle adjouste: Fragrantia unguentis optimis; car elles respandent des odeurs tres suaves, qui ne sont autres que les saintes inspirations que Nostre Seigneur va respandant dans les cœurs des fidelles, par lesquelles il les sollicite à se convertir et retirer leurs affections des choses de la terre.

  A009001205 

 Quelques Docteurs ont encores interpreté ces paroles: Meliora sunt ubera tua, etc., en une autre maniere, entendant par les mammelles de Nostre Seigneur les consolations celestes et divines; car qui ne sçait que les consolations divines sont infiniment meilleures que le vin des consolations de la terre? Aussi n'est-ce pas merveille si les unes sont comparées au lait et les autres au vin, d'autant que le vin, comme vous sçavez, se tire du raisin.

  A009001206 

 Je ne dis pas qu'il ne faille point mediter et contempler; o non certes, il faut bien [465] bayser Nostre Seigneur du bayser de la bouche pendant cette vie mortelle, ce qui se fait en la meditation et contemplation, où l'ame se remplit de bonnes pensées et saintes considerations qu'elle convertit par apres à l'utilité du prochain.

  A009001206 

 Or maintenant, si ces paroles sont addressées par l'Espoux à l'Espouse, que pensez vous qu'il luy veuille dire? Saint Bernard explique ce passage admirablement bien.

  A009001206 

 Osculetur me osculo oris sui; Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, dit cette Espouse à son Bien-Aymé; bayser qui ne signifie autre chose, au dire de ce grand Saint, que le doux repos de la contemplation, où l'ame, par une affection amoureuse, desengagée de toutes les choses de la terre, s'occupe à considerer et contempler les beautés de son celeste Espoux, sans se resouvenir d'assister le prochain et le secourir dans ses necessités; à quoy ce divin Espoux, qui veut que la charité soit bien ordonnée, luy respond: Tu desires, ma sœur et ma bien-aymée, que je te bayse d'un bayser de ma bouche à fin de t'unir à moy par la contemplation.

  A009001208 

 Or, quelles sont les mammelles que les compagnes de l'Espouse desirent si ardemment, et sans lesquelles elles ne peuvent subsister ni se maintenir? La premiere est la mammelle de compassion, par laquelle l'on supporte et l'on a pitié des foibles, des infirmes et des pecheurs; ce qui fait qu'avec une grande charité on leur compatit, on les console, et on les flatte et caresse pour les attirer à Dieu et leur ayder doucement à se retirer du mauvais estat auquel ils sont plongés: en un mot, par cette compassion on se fait en certaine façon semblable à eux pour les gaigner plus facilement, et c'est la marque de la vraye devotion et de la bonne oraison, que de se faire, à l'exemple du grand Apostre, tout à tous, pour les gaigner tous..

  A009001210 

 La seconde mammelle que desirent les compagnes de l'Espouse est la mammelle de congratulation, par laquelle on se console et resjouit du bien et avancement du prochain comme du sien propre.

  A009001212 

 Ce grand serviteur de Dieu ayant saintement parachevé le pelerinage de sa vie et se voyant sur le point d'entrer en sa tant desirée patrie, pour recevoir la recompense de ses travaux et bayser Nostre Seigneur du bayser de la bouche par une parfaitte union avec sa divine Majesté, desja son ame battoit des aisles pour s'envoler sur ce bel arbre de l'immortalité, quand un grand nombre de Religieux et d'enfans spirituels qu'il avoit engendrés à Nostre Seigneur, s'affligeant autour de luy, commencerent à pleurer et luy dire: Helas, mon Pere, nous voulez-vous quitter? voulez-vous laisser vostre troupeau sans pasteur, à la merci des loups qui sans doute le raviront apres vostre despart? Ayez pitié de vos enfans, et ne leur ostez pas si tost la mammelle de vostre charité.

  A009001212 

 Ce qu'entendant ce grand serviteur de Dieu, touché d'une affection paternelle et despouillé de son propre interest, levant les mains et les yeux au Ciel où son cœur avoit desja pris place, il dit ces belles paroles: Domine, si adhuc populo tuo sum necessarius, non recuso laborem; O Seigneur, quoy que par vostre grace je me voye prest à jouir du bien apres lequel j'ay tant souspiré, neanmoins, si je suis encores necessaire à ces ames pour leur salut, je ne refuse point de demeurer davantage en cet exil, je me resigne entierement à vostre tres sainte volonté.

  A009001213 

 Voyla en fin quelles sont les mammelles de l'Espouse et de l'Espoux; voyla les fruits d'une parfaitte oraison, laquelle se fait non seulement à certaines heures et à certains temps limités, mais encores par des eslevations d'esprit et des eslancemens du cœur en Dieu, que l'on appelle oraisons jaculatoires, et par des actes frequens d'union de nostre volonté avec celle de Dieu, qui se peuvent faire à tous momens et en toutes sortes d'occasions..

  A009001214 

 Mais outre ce que nous avons dit pour l'explication de ce passage: Meliora sunt ubera tua vino, fragrantia unguentis optimis; Vos mammelles sont meilleures que le vin, et respandent des odeurs plus suaves que les onguens les plus exquis, plusieurs Docteurs qui ont escrit sur ce sujet disent que par ces mammelles nous sont representés les deux Testamens: à sçavoir, par la mammelle gauche l'Ancien Testament, qui contenoit une loy de crainte, et par la mammelle droite le Nouveau Testament, qui contient une loy toute d'amour; et disent qu'avec ces deux mammelles il faut eslever les enfans de l'Eglise, qui sont les Chrestiens, d'autant qu'il les faut soustenir par la crainte et les animer par l'amour, lequel sans la crainte vient aysement à se relascher, et la crainte sans l'amour abat et allanguit le cœur et l'esprit.

  A009001215 

 La foy nous est donnée par la parole: Fides ex auditu, auditus autem per Mot Dei; car la parole de [469] Dieu est un lait qui nourrit les ames, et nous ne pouvons avoir la foy que par cette divine parole, ni participer aux saints Sacremens si nous ne sommes fideles à croire ce qu'elle nous enseigne..

  A009001218 

 Mais l'Espouse, toute esprise de l'amour de son divin Espoux, ne se contente pas de l'esperance de le posseder un jour en la gloire eternelle, ains elle veut encores jouir de sa presence des cette vie mortelle; et à fin d'obtenir ce bien, voyez quelle diligence elle fait pour le trouver, apres que par la negligence qu'elle eut à luy ouvrir sa porte il fut passé outre: Surgam, et Circuibo civitatem, per vicos et plateas quaeram quem diligit anima mea; Je me leveray, dit-elle, et chercheray celuy que mon ame cherit, par toutes les rués et les carrefours de la cité.

  A009001218 

 Voyez, je vous prie, avec quelle promptitude elle court apres luy, et comme elle passe parmi les gardes de la ville, sans craindre aucune difficulté; puis en fin l'ayant trouvé, voyez avec quelle ardeur elle se jette à ses pieds, et l'embrassant par les genoux:, toute transportée de joye: Inveni quem diligit anima mea, tenui eum nec dimittam, donec introducam illum in domum matris meae; Ah, je le tiens, dit-elle, le Bien-Aymé de mon ame, je ne le laisseray point aller que je ne l'aye introduit dans la mayson de ma mere..

  A009001220 

 Nous avons, ce me semble, bien monstré par ce que nous avons dit quelles sont les mammelles de Nostre Seigneur; il faut maintenant sçavoir comment et de quelle sorte on les peut tetter.

  A009001221 

 Certes, si nous n'avons un grand desir de l'amour divin nous ne l'obtiendrons jamais; car comment pourrions-nous l'obtenir et recevoir des consolations de Nostre Seigneur, venant à luy nostre entendement tout distrait, nostre memoire remplie et occupée de mille choses vaines et inutiles, et [472] nostre volonté attachée aux choses de la terre? Il faut donques avoir l'estomach de nos ames vuide, si nous voulons tetter les mammelles de Nostre Seigneur et recevoir ses saintes graces, ainsy que Nostre Dame nous l'apprend en son sacré Cantique, quand elle dit que Dieu a rempli de biens ceux qui avoyent faim, mais que pour les riches, c'est à dire ceux qui estoyent pleins et rassasiés des choses de la terre, il les a rejettés et ne leur a rien donné: Esurientes implevit bonis, et divites dimisit inanes; paroles par lesquelles cette Sainte Vierge nous apprend que Dieu ne communique ses graces et ne remplit de biens sinon ceux qui ont cette faim spirituelle, et qui sont vuides d'eux mesmes et des choses terrestres et mondaines.

  A009001222 

 Cela veut dire que si nous n'avons la simplicité, douceur et humilité d'un petit enfant, et si nous ne nous reposons par une entiere resignation et parfaite confiance entre les bras de Nostre Seigneur, comme l'enfant entre les bras de sa mere, nous n'entrerons point en son Royaume..

  A009001224 

 [474] O certes, il est vray que cette vertu a un pouvoir incomparable par dessus toutes les autres de nous eslever à Dieu et nous rendre capables de succer ses divines mammelles, lesquelles il ne donne qu'aux petits et humbles de cœur; c'est pourquoy je vous exhorte, mes cheres Filles, pour finir ce discours, de vous exercer fidelement en la prattique de cette vertu; car par icelle vous recevrez de tres grandes graces en cette vie, et parviendrez en fin en la gloire eternelle, où nous conduise le Pere, le Fils et le Saint Esprit.


10-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome X-Vol.4-Sermons.html
  A010000012 

 Sermons recueillis par les Religieuses de la Visitation.

  A010000017 

 ADDITION DONNEE PAR L'EDITEUR DE 1641.

  A010000061 

 Nous verrons d'abord la cause du miracle, c'est à dire comment il a esté fait, et en second lieu, par qui il a esté fait et quelles personnes sont intervenues en iceluy.

  A010000061 

 Or, à fin de mieux establir le sentiment de saint Ambroise et des autres Peres, nous escarterons avant tout deux difficultés qui rendroyent leur opinion moins recevable, et nous ferons par apres une consideration pour la consolation de nostre foy..

  A010000062 

 Plusieurs prodiges, il est vray, se sont operés avant celuy-cy, les uns par Nostre Seigneur, les autres en Nostre Seigneur et les autres pour l'avenement de Nostre Seigneur, comme celuy de l'Incarnation qui est le plus grand de tous et la merveille des merveilles.

  A010000064 

 Mais quelle consideration tirerons-nous de cecy pour la consolation do nostre foy? Voyez-vous, ce premier miracle se fit par la conversion et transmutation de l'eau en vin, tout ainsy que le dernier operé par Jesus Christ en ce sejour mortel fut le changement du vin en son sang au tres saint Sacrement de l'Eucharistie.

  A010000065 

 Ainsy, en la recreation, Nostre Seigneur commença par la transformation de l'eau en vin, donnant ce signe pour manifester sa gloire..

  A010000065 

 Ouy, le Sauveur vint pour recreer l'homme, car il s'estoit perdu: Je viendray, dit-il, pour refaire un homme nouveau; car l'homme s'estoit tellement aneanti par le peché qu'il ne paroissoit plus ce qu'il estoit en sa premiere origine.

  A010000066 

 Ainsy nostre vray Salomon, bien qu'il soit né Roy souverain en cette terre, il a voulu naistre en pleurant, et par consequent il est mort aussi en pleurant..

  A010000066 

 Il naquit en pleurant ainsy que les autres enfans qui tous passent par là, car il ne s'en est jamais veu aucun qui ne soit né en pleurant, sinon Zoroastre, qui fut un tres meschant homme, «lequel se prit à rire en naissant.» Mais Nostre Seigneur n'est pas né en riant, ains en pleurant et gemissant, comme le tesmoigne un passage de l'Escriture qu'on luy peut bien appliquer, quoy que ce passage regarde Salomon, lequel parlant de soy dit: Bien que je sois un roy grand et admirable, si est-ce que je suis né sur la terre comme les autres enfans, en pleurant et gemissant.

  A010000067 

 Il a voulu donner entrée à l'Evangile par ce premier signe de la conversion et transmutation de l'eau en vin; il a aussi voulu donner fin à ses predications par la transformation du vin en sang.

  A010000069 

 C'estoit une petite villette proche de Nazareth, où demeuroyent les parens de la Vierge, et par consequent ceux de Nostre Seigneur.

  A010000069 

 Ils y allerent; mais comment? O certes, il est croyable que la Sainte Vierge s'y rendit dès la veille, car lors qu'il se fait des noces, les dames et parentes n'y vont pas le jour mesme mais dès la veille, et non seulement pour estre receues, ains encor pour ayder à recevoir les autres invités, et par ce moyen faire honneur à l'espouse.

  A010000070 

 Ce qui fut cause qu'estant invité il ne s'en excusa pas, ains s'y rendit, et par consequent retrancha beaucoup de legeretés et desbauches qui se commettent ordinairement en telles occurrences.

  A010000071 

 C'est peut estre par tel moyen que cela vint aux oreilles des dames, lesquelles se prindrent à deviser par ensemble de ce qu'il faudroit faire.

  A010000071 

 Il estoit ordinairement parmi eux; il ayme par tout la pauvreté, voirement dans les palais des roys, et prend un singulier playsir de se trouver où la pauvreté demeure.

  A010000071 

 La tres sainte Vierge, comme toute sage, prudente et pleine d'une tres grande charité, s'avisa d'un expedient admirable par lequel elle prouveut à tel inconvenient.

  A010000071 

 Mais que fera cette sainte Dame, car elle ne porte point d'argent pour faire acheter du vin? Son Fils n'en a point, non plus qu'elle; sur quoy fonde-t-elle donques son esperance de remedier à cette necessité? O certes, elle sçavoit qu'elle avoit amené avec elle Celuy qui est tout puissant et dont elle connoissoit la grande charité et misericorde, par laquelle il pourvoiroit infailliblement au besoin de ces pauvres gens.

  A010000075 

 Par quoy nous sommes enseignés qu'il n'y a point de doute ni de difficulté que l'on ne puisse et doive requerir de Dieu ses necessités spirituelles et temporelles..

  A010000078 

 Quelles paroles icy entre le Fils et la Mere, entre deux cœurs les plus aymans et les plus aymables qui furent jamais! Qu'avez-vous à demesler avec moy, femme? Ha, Seigneur, qu'a à faire la creature avec son Createur de qui elle tient l'estre et la vie! qu'a à faire la mere avec son fils, qu'a à demesler le fils avec la mere de qui il a receu le corps, c'est à dire l'humanité, la chair et le sang! Ces paroles semblent estre bien estranges, et en effect estans mal entendues par des ignorans qui les ont voulu interpreter, ils en ont formé trois ou quatre heresies.

  A010000079 

 Combien qu'en apparence elle soit un peu rude, ce n'est rien pour vous qui entendez le langage de l'amour, lequel ne s'explique pas seulement par les parolles, mais aussi parles yeux, par les gestes et par les actions.

  A010000081 

 Cependant, Dieu avoit veu de toute eternité que Rebecca concevroit et auroit des enfans, mais avec cette condition qu'elle les obtiendroit par ses prieres; et si elle n'eust prié avec son mary Isaac elle n'eust point conceu.

  A010000083 

 Cette parolle fut semblable sans doute à celle par laquelle il crea de rien toutes choses, donna la vie et l'estre à l'homme, et par laquelle aussi en ce dernier banquet qu'il fit avec ses disciples, il changea le vin en son sang au tres saint Sacrement de l'Eucharistie.

  A010000083 

 Le Sauveur commanda aux serviteurs de remplir six cruches de pierre qui estoyent là pour la purification des Juifs, d'autant qu'ils se lavoyent quand ils avoyent touché quelque chose defendue par la Loy; car ils faisoyent force ceremonies exterieures auxquelles ils estoyent grandement exacts, mais ils ne se soucioyent gueres de purifier leur interieur.

  A010000083 

 Vin tres excellent que celuy cy dont nous sommes nourris, car c'est par la reception du corps et du sang du Sauveur que nous sont appliqués les merites de sa Mort et Passion..

  A010000084 

 Ce Sacrement nous a esté figuré par les miracles qui se sont faits en l'ancienne Loy.

  A010000084 

 Le pretieux sang de Nostre Seigneur est comme la licorne, qui chasse le venin du peché lequel empoisonne nos ames; car par le Sacrement de l'Eucharistie nous est appliqué, comme nous l'avons dit, le fruit de nostre Redemption.

  A010000084 

 Moyse avoit une verge par laquelle il operoit des choses merveilleuses et espouvantables; car elle se changeoit en serpent et couleuvre, et puis, quand il vouloit, elle retournoit en sa premiere forme.

  A010000084 

 Tous peuvent avoir de cette poudre aussi bien que les princes; neanmoins ces derniers ont cet advantage par dessus les autres qu'on leur fait des gobelets de cette corne, et ils prennent dans iceux la poudre de la licorne.

  A010000085 

 Je vous feray entendre cecy par un exemple familier.

  A010000095 

 C'est ce que vouloit signifier le royal Prophete par ces paroles: Qui me monstrera le bien apres lequel j'halette et souspire? Comme s'il vouloit dire: O Seigneur, tout homme appete le bien et desire qui le luy monstre; et je ne suis pas du nombre de ceux qui ne l'appetent pas, car j'ay bien observé en moy un certain instinct naturel qui me porte et me fait tendre au bonheur.

  A010000095 

 En un autre endroit le mesme Psalmiste s'escrie: O Dieu, mon cœur s'est tout resjoui quand il a sceu que vous estiez sa felicité; et nostre grand Pere saint Augustin dispit: «O Dieu, mon cœur est creé pour vous, il n'aura jamais repos ni tranquillité qu'il ne jouisse de vous.» Nous voyons par ces paroles comme le cœur humain tend naturellement à Dieu qui est sa beatitude.

  A010000095 

 Il y a un negociateur qui cherche des perles, lequel est par dessus tous les autres.

  A010000095 

 Tous les Chrestiens sont ces chercheurs de perles, c'est à dire tous ont un appetit et mouvement par lequel ils appetent et recherchent le bien, la felicité et beatitude.

  A010000096 

 Elle a une telle convenance et rapport avec le cœur de l'homme qu'il ne sçauroit trouver de repos qu'en la possedant; de mesme, si je l'ose dire, elle, par un amour reciproque, ne semble pas estre vraye felicité qu'entant que l'homme la possede, car Dieu l'a faite pour la jouissance de l'homme, et la luy a tellement promise qu'il s'est obligé de la luy donner.

  A010000096 

 Mais il ne luy a pas fait cette promesse pour aucun sien merite, ni estant meu ou excité par aucune chose sinon par sa seule bonté et misericorde.

  A010000096 

 Or, bien que cette promesse n'ayt pour fondement que sa bonté, il s'ensuit neanmoins que cette obligation est de justice, mais d'une justice toute misericordieuse, car c'est par pure misericorde que Dieu s'est engagé de donner sa gloire à sa creature, gloire qui n'est autre que l'union de nos ames avec luy..

  A010000097 

 C'est ce qui nous a esté monstré par les anciens Religieux, lesquels furent nommés moines, ce qui signifie reliés, c'est à dire unis et resserrés.

  A010000097 

 La charité donques produit l'union icy bas; c'est elle qui retire et resserre les affections, qui relie et reunit tout ce qui est desuni, en somme c'est par cette union temporelle que l'on arrive à l'eternelle.

  A010000097 

 La grace nous y dispose, et la charité est comme la racine qui engendre et cause l'union; à mesure que nous aurons plus de grace en cette vie, nous aurons aussi plus de gloire au Ciel, et par consequent plus d'union.

  A010000099 

 Et non content de cela, il est venu ça bas en terre comme un divin negociateur pour chercher ces pierres pretieuses, s'exerçant à la prattique des vertus, leur baillant encores un plus [21] beau lustre par ce moyen, à dessein de nous en rendre amoureux, à ce que, les recherchant et nous adonnant à la conqueste d'icelles, nous puissions obtenir la vie eternelle qui leur est reservée; car c'est aux vertus et bonnes œuvres qu'elle se donne, voyla pourquoy tous les Chrestiens les cherchent..

  A010000103 

 C'est ce qu'on fait venant en Religion, par un entier renoncement de toutes les vanités du monde et de ce que l'on y possedoit; car il faut tout quitter, sans se reserver aucune chose pour petite qu'elle soit..

  A010000103 

 Cela se fait entrant en Religion par le renoncement entier et absolu de toutes choses, en rejettant le mal et en embrassant le bien, qui sont les deux principaux points de la perfection chrestienne.

  A010000104 

 Ananias et Saphira sa femme ayans vendu leurs terres, en deposerent les deniers aux pieds de saint Pierre; mais ayans voulu user de quelque reserve, ils furent aigrement repris par iceluy et rigoureusement chastiés de Dieu pour leur feintise et dissimulation.

  A010000104 

 C'est pourquoy aux Religions bien reformées on renonce absolument à toute proprieté par la Profession; et si on se reservoit la possession de quelque chose, pour petite qu'elle fust, ce seroit un grand crime.

  A010000105 

 (Il est hors de doute qu'il y a des lieux où les hommes naissent plus beaux qu'ailleurs. Or, l'Escosse a cet advantage par dessus les autres païs du monde, mais d'en vouloir deduire les raysons il n'est pas à propos icy; tout cela importe peu, pourveu que nous allions en Paradis c'est assez.).

  A010000106 

 Donques, parmi les filles de cette contrée, qui sont naturellement belles, sainte Brigide l'estoit singulierement; c'est pourquoy, bien qu'elle fust de basse extraction selon sa mere, elle fut recherchée en mariage par les plus advantageux partis de toute l'Escosse, lesquels s'oubliant de la bassesse de son origine, la desiroyent pour son extraordinaire beauté qui la rendoit fort aggreable.

  A010000111 

 Dès lors, ceux qui la recherchoyent n'en firent plus d'estat et la quitterent entierement; ce que voyant son pere, et que par cet accident il estoit frustré de l'esperance qu'il avoit de faire de bonnes alliances, il la rejetta aussi, la chassa hors de sa mayson et se resolut de la rendre Religieuse.

  A010000113 

 Quant à l'abnegation de la propre volonté j'ay tous-jours accoustumé de dire que c'est la principale piece de nostre renoncement; c'est par où il faut commencer et finir, car la volonté propre n'est qu'une formiliere de petits vouloirs, inclinations et humeurs, lesquelles on doit toutes assujettir à l'obeissance et à la rayson; autrement elles font un desordre et rebellion tant à la loy et volonté de Dieu qu'à celle des Superieurs.

  A010000114 

 Nous pouvons juger par ces parolles du violent combat que ce saint Apostre tant favorisé de Dieu souffroit en sa chair, qui repugnoit à l'esprit..

  A010000116 

 C'est pourquoy la correction regne en toute Religion bien reformée et y est perpetuellement prattiquée; de là vient le bon ordre qu'on y trouve, d'autant que par icelle on redresse, nettoye et corrige tout ce qui ne va pas bien ou qui est tant soit peu imparfait.

  A010000116 

 Pour nous autres mondains personne ne nous reprend; nous marchons par les grandes rues de ce monde avec des robes toutes boueuses, et pas un ne nous dit mot ni s'essaye de nous nettoyer; on nous laisse aller nostre chemin sans nous rien dire, ce qui fait que nous demeurons tousjours tout crotteux.

  A010000117 

 On renonce à ce qui est inutile et se contente-t-on du necessaire pour l'entretien de la vie, embrassant la sainte sobrieté qui retranche le superflu et donne ce qui fait besoin, sans permettre que l'on en souffre aucune grande disette; car si on trouve en quelque lieu ce qui est requis pour la conservation de cette vie miserable, c'est bien en la Religion où il se depart plus soigneusement que par tout ailleurs.

  A010000118 

 O que vous serez heureuse, ma chere Fille, si aujourd'huy que vous voulez vous dedier à Dieu vous vous donnez toute à luy sans aucune reserve, et si, à l'imitation de sainte Brigide, vous quittez et renoncez toutes choses pour acheter cette perle unique de la perfection religieuse! Vous serez bienheureuse si de bon cœur vous venez chercher en cette mayson la vraye paix et tranquillité d'esprit, qui consiste et se trouve non pas dans les consolations ou mignardises, comme plusieurs pensent lesquels se trompent, mais dans le renoncement parfait et absolu de vostre propre volonté et jugement, en la sujetion et sousmission de vostre liberté, vous laissant conduire et gouverner par autruy.

  A010000119 

 Aussi c'estoit son celeste Espoux lequel ne luy pouvoit rien refuser; et parce qu'elle luy donnoit tout ce qu'il requeroit d'elle, luy de son costé, par un amour reciproque, l'exauçoit selon ses desirs; car Dieu ne refuse rien à ceux qui font en tout sa sainte volonté.

  A010000121 

 En quoy elle nous fait une belle leçon de la charité et dilection mutuelle qui doit regner parmi les Chrestiens, et qui doit estre tout particulierement gravée dans le cœur des Religieux et Religieuses; car ils se doivent nettoyer reciproquement de la lepre spirituelle par le moyen de la reprehension et correction fraternelle qui s'exerce en tout Ordre bien reformé..

  A010000122 

 C'est par là qu'on recouvre sa premiere santé et que le corps de la Religion demeure net et libre de toute tache et macule.

  A010000124 

 Mais elle se sentit aussi tost esclairée d'une autre lumiere qui eschaufïa son cœur et qui luy fit appeter les biens eternels et perdurables, beaucoup plus excellens que ceux qu'elle appercevoit par ses sens; et lors, considerant combien cette veuë corporelle la pourroit empescher et retarder au dessein d'acquerir le souverain bien qui est Dieu, elle desira de la perdre une autre fois pour jouir plus pleinement de la veuë spirituelle.

  A010000125 

 Vous quitterez le rien pour avoir le tout sans fin; vous arriverez là haut au Ciel pour jouir de cette felicité apres laquelle nos cœurs tendent continuellement, et où nous serons unis de cette union indissoluble et eternelle par tous les siecles des siecles.

  A010000134 

 Cependant la pluspart des hommes ne demeurent gueres en cet estat, car aussi tost ils tombent en des fautes desquelles neanmoins ils se peuvent relever par le moyen de la Confession.

  A010000134 

 Il faut que vous sçachiez que nous naissons tous enfans d'ire et de perdition, mais par le Baptesme nous sommes transportés en l'estat de grace.

  A010000134 

 Tous se peuvent sauver en observant les commandemens; et pourtant il y en a si peu dans le Christianisme qui s'adonnent à la veritable vertu! Grace à Dieu il y a par tout des Chrestiens: en France, en Europe, en Asie, en Afrique, en fin dans tous les païs du monde; mais le malheur est qu'il y en a si peu qui fassent profession de vrays Chrestiens que c'est grand pitié.

  A010000135 

 Nostre Sauveur voyant la multitude qui l'avoit tousjours suivi par ces montagnes et ce desert, en un chemin aspre et raboteux, il en eut compassion et pourveut à sa necessité.

  A010000138 

 Or, cette multitude suivoit le Sauveur pour differens sujets; et c'est icy la derniere consideration par où je veux finir.

  A010000154 

 Il luy fut donné par son celeste Espoux au jour de l'Annonciation que nous celebrons aujourd'huy, au mesme moment qu'elle eslança ce souspir tres amoureux: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche! Ce fut alors que cette divine union du Verbe eternel avec la nature humaine, representée par ce bayser, se fit dans les entrailles sacrées de la glorieuse Vierge..

  A010000154 

 Les Peres, considerant cette parolle du Cantique des Cantiques que l'Espouse addresse à son Espoux: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, disent que ce bayser qu'elle desire si ardemment n'est autre que [41] l'execution du mystere de l'Incarnation de Nostre Seigneur, bayser tant attendu et souhaitté pendant une si longue suite d'années par toutes les ames qui meritent le nom d'amantes.

  A010000154 

 Mais en fin ce bayser qui avoit esté si long temps refusé et differé, fut accordé à cette Amante sacrée, Nostre Dame, laquelle merite le nom d'Espouse et d'Amante par excellence au dessus de toutes autres.

  A010000155 

 Cela estant donc ainsy presupposé par maniere de preface à ce que nous avons a deduire, nous ferons une petite meditation sur la suite des paroles que la divine amante dit à son Bien-Aymé, par lesquelles elle luy donne des louanges admirables..

  A010000155 

 Voyez, de grace, comme cette divine Amante exprime delicatement ses amours: Qu'il me bayse, c'est à dire: Que ce Verbe qui est la parole du Pere, sortant de sa bouche, vienne s'unir à moy par l'entremise du Saint Esprit, qui est le souspir eternel de l'amour du Pere envers son Fils et du Fils reciproquement envers son Pere.

  A010000158 

 Il avoit presque la seigneurie universelle de toute la terre, il en estoit quasi maistre absolu, de sorte que tout le monde observoit le silence en sa presence et les princes n'osoyent souffler mot; tout trembloit, par maniere de parler, sous son authorité, pour la grande reverence qu'on luy portoit.

  A010000161 

 Il arriva comme le Pape l'avoit desiré; car se voyant rejetté par tout, il revint servir en l'incomparable chapelle de sa Sainteté..

  A010000161 

 Or, le Pape pensant en soy mesme par quel moyen il le pourroit ravoir, s'avisa de cet artifice: il fit escrire à tous les princes et à tous les grans que si ce chantre s'en alloit presenter à eux ils ne le receussent point à leur service, jugeant que ne trouvant point d'autre meilleure retraitte, le pauvre chantre retourneroit en fin à luy.

  A010000162 

 Et si bien ce chantre revient plus [45] souvent par force que par amour, au lieu de le rebrouer il ne laisse pas de le recevoir et de luy donner le mesme office qu'auparavant en sa chapelle, voire mesme, ce semble, davantage..

  A010000162 

 Folie insupportable! car quel bonheur, ains quel honneur, quelle grace et quel sujet d'un parfait contentement que d'estre aymé de Dieu et de demeurer en la mayson de sa divine Majesté, c'est à dire d'avoir logé en luy tout nostre amour, sans autre pretention que de luy estre aggreable! Et cependant, voyla que ce cœur humain se laisse emporter à sa fantasie et s'en va de creature en creature, de mayson en mayson pour voir s'il ne pourra point trouver quelqu'un qui le veuille recevoir et luy donner du contentement parfait; mais en vain, car Dieu, qui s'est reservé ce chantre pour luy seul, a commandé à toutes les creatures, de quelque nature qu'elles soyent, de ne luy donner satisfaction ni consolation quelconque, à fin que par ce moyen il soit contraint de retourner à luy qui est ce Maistre bon d'une incomparable bonté.

  A010000162 

 Vous ne sçauriez croire combien Dieu se recrée à ouyr les louanges qui luy sont données par le cœur qui l'ayme; il se plaist grandement aux eslans de nos voix et en l'harmonie de nostre musique.

  A010000164 

 O que cette sainte Amante, nostre Dame et Maistresse, avoit bien gousté la douceur de ces divines mammelles lors qu'en l'abondance des consolations qu'elle recevoit en la contemplation, toute transportée d'ayse et d'un contentement indicible, elle se prit à les louer! Elle nous incite par son exemple à quitter toute autre pretention des satisfactions de la terre, à fin d'avoir l'honneur et la grace de les succer, et recevoir le lait de la misericorde qui en distille goutte à goutte sur ceux qui s'en approchent pour le recevoir..

  A010000165 

 Qu'est-ce que la divine amante desire que nous entendions par ces jeunes filles? Les jeunes filles representent en ce sujet certaines jeunes ames qui n'ayans encores logé leur amour nulle part, sont merveilleusement propres à aymer le celeste Amant de nos cœurs, Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A010000167 

 Les saints Peres s'arrestent à considerer ce que cette Espouse veut signifier par ces paroles: Tirez-moy et nous courrons, d'autant que c'est comme si elle disoit: Bien que vous ne tiriez que moy, nous serons toutefois plusieurs qui courrons.

  A010000167 

 Quelques-uns pensent que quand elle prie son Bien-Aymé de la tirer, elle proteste par là qu'elle a besoin d'estre prevenue de sa grace sans laquelle nous ne pouvons rien faire; mais quand elle adjouste nous courrons, c'est à sçavoir, vous et moy, mon Bien-Aymé, nous courrons par ensemble.

  A010000168 

 O qu'heureuses sont les Religieuses qui vivent sous l'Institut de cette divine Abbesse et qui sont instruites par cette grande Doctoresse, laquelle a puisé la science dans le co ur mesme de son cher Fils nostre Sauveur, qui est la sapience du Pere eternel....

  A010000169 

 Les Religieuses que font-elles autre chose sinon de se tenir dans leurs chambres? ains, non contentes de cela, elles s'enfoncent en elles mesmes pour demeurer plus seules, et par ce moyen se rendre plus capables de jouir de la conversation de leur Espoux.

  A010000169 

 Mais vous avez beau vous cacher, les Anges vous sçauront bien trouver; ne voyez-vous pas que Nostre Dame estant toute seule fut bien trouvée par saint Gabriel?.

  A010000173 

 L'Escriture Sainte tesmoigne que du temps qu'elle vivoit elle appel la desja une grande quantité de vierges, si que plusieurs l'accompagnoyent par toutou elle alloit: sainte Marthe, sainte Marcelle, les Marie et tant d'autres.

  A010000173 

 Mais en particulier, n'est-ce point par son moyen et par son exemple que sainte Magdeleine, qui estoit comme un chaudron noirci de mille sortes d'immondicités et le receptacle de l'immondicité mesme, fut par apres enroollée sous l'estendart de la pureté de Nostre Dame, estant convertie en une fiole de cristal toute resplendissante et transparente, capable de recevoir et retenir les plus pretieuses liqueurs et les eaux plus salutaires?.

  A010000175 

 De plus, la virginité de Nostre Dame surpassa celle des Anges parce que ceux cy sont vierges et chastes par nature.

  A010000175 

 Or, on n'a pas accoustumé de louer une personne de ce qu'elle a naturellement, d'autant que cela estant sans election, ne merite par consequent point de louanges.

  A010000176 

 Elles sont si importunes que le grand Apostre saint Paul escrit qu'il pria par trois fois Nostre Seigneur de les luy oster, ou bien d'en moderer de telle sorte la fureur qu'il peust y resister sans offense et sans cheute..

  A010000178 

 Certes, elle estoit familiere avec les Anges, mais elle n'avoit neanmoins jamais esté louée par eux [52] jusqu'à cette heure là, d'autant que ce n'est point leur coustume de louer personne, si ce n'est quelquefois pour encourager en quelque grande entreprise.

  A010000178 

 Lors elle fit le plus grand acte d'humilité qui ait jamais esté fait et qui se fera jamais par une pure creature; car se voyant exaltée par l'Ange, lequel la salua disant qu'elle estoit pleine de grace et qu'elle concevroit un fils qui seroit Dieu et homme tout ensemble, cela l'esmeut et la fit craindre.

  A010000178 

 Mais elle ne fut pas seulement vierge par excellence au dessus de tous autres, tant Anges qu'hommes, ains encores plus humble que tous autres; ce qu'elle monstra excellemment bien le jour de l'Annonciation.

  A010000179 

 Et pour monstrer qu'elle l'estoit et qu'elle la vouloit estre: Qu'il me soit fait, dit-elle, tout ainsy qu'il luy plaira, s'abandonnant à la merci de sa divine volonté, protestant que par son choix et par son election elle se tiendra tousjours en bassesse et qu'elle conservera l'humilité comme compagne inseparable de la virginité..

  A010000179 

 Nostre Dame estant rassurée par l'Ange et ayant appris ce que Dieu vouloit faire d'elle et en elle, fit ce souverain acte d'humilité disant: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole.

  A010000181 

 Nostre Dame s'humilia et se reconneut indigne d'estre eslevée à la haute dignité de Mere de Dieu; c'est pour cela qu'elle fut rendue sa Mere, car elle n'eut pas plus tost fait la protestation de sa petitesse, que, s'estant abandonnée à luy par un acte de charité incomparable, elle devint Mere du Tres Haut, qui est le Sauveur de nos ames..

  A010000186 

 La tres sainte Vierge fut tirée seule et la premiere par le celeste Espoux pour se consacrer et se dedier totalement à son service, car elle fut la premiere qui consacra son corps et son ame par le vœu de virginité à Dieu; mais soudain qu'elle fut tirée elle tira quantité d'ames, qui luy ont fait offre d'elles mesmes pour marcher sous ses auspices sacrés en l'observance d'une parfaite et inviolable virginité et chasteté; si que despuis qu'elle a tracé le chemin, il a tousjours esté couvert et chargé d'ames qui se sont venues consacrer par les vœux au service de la divine Majesté.

  A010000189 

 Où les filles qui se viennent dedier à Dieu, rejettent et abandonnent tout cela, renonçant à cette derniere piece que la nature veuille quitter, qui est la liberté; si que nous pouvons bien dire que ces filles font une chose au dessus de la nature, estant besoin que Dieu leur donne une force surnaturelle pour faire cet acte si parfait de se dedier à son divin service par un renoncement si grand comme est celuy qu'elles font.

  A010000192 

 Ceux qui sont passagers font la transmigration, d'autant qu'ils passent d'un lieu à l'autre, comme font les arondelles et les rossignols qui ne demeurent pas ordinairement en ces quartiers, ains ils n'y sont qu'au temps des chaleurs et du printemps, et l'hiver venant ils font la transmigration, se retirans aux autres pais où le printemps et les chaleurs sont en mesme temps que nous avons icy les froidures de l'hiver; mais nostre printemps revenant, ils reviennent et font derechef la transmigration, c'est à dire le passage d'une contrée à l'autre, nous venant recreer par leur petit gazouillement..

  A010000195 

 La seconde remarque que je fais sur les paroles de l'Evangile est que Nostre Dame fut trouvée par l'Ange en la cité de Nazareth.

  A010000196 

 A qui appartiennent, je vous prie, tant de fleurs dont l'Eglise a esté remplie et a esté tant embellie et ornée, sinon à la tres sainte Vierge, l'exemple de laquelle les a toutes produites? Et n'est-ce pas par son moyen que l'Eglise a esté parsemée des roses des Martyrs invincibles en leur constance, des soucis de tant de saints Confesseurs et des violettes de tant de saintes Vefves, qui sont petites, humbles et basses comme ces fleurs, mais qui respandent une tres bonne et suave odeur? Et en fin, n'est-ce pas à elle à qui appartiennent plus particulierement tant de lys blancs, tant de puretés et de virginités toutes candides et toutes innocentes? d'autant que ç'a esté à son exemple que tant de vierges ont consacré leurs cœurs et leurs corps à la divine Majesté, par une resolution et un vœu tres indissoluble de conserver leur virginité et pureté..

  A010000196 

 Il est donc dit de la tres sainte Vierge qu'elle estoit en la cité fleurie; mais qu'estoit-elle elle mesme, sinon une fleur choisie entre toutes les autres fleurs pour sa rare beauté et son excellence? fleur qui par son odeur tres suavement incomparable a la proprieté d'engendrer et de produire d'autres fleurs.

  A010000197 

 O quelle divine Abbesse! O que ces Religieuses estoyent heureuses d'avoir esté instituées par cette divine Doctoresse [60].

  A010000202 

 Mais s'il ayme souverainement ce qui est uni et conjoint, il est ennemy de la desunion, car ce qui est desuni est imparfait, la desunion n'estant causée que par l'imperfection.

  A010000204 

 C'est donc une union miraculeuse et surnaturelle, faite par la main toute puissante de Dieu, qui a donné ce privilege à nostre glorieuse Maistresse; et comme cette union a esté operée en elle seule, aussi demeurera-t-elle seule à jamais vierge et mere tout ensemble..

  A010000206 

 Or, il a uni la charité et l'humilité en la Sainte Vierge de telle sorte qu'il n'y sçauroit avoir en elle de charité sans humilité ni d'humilité sans charité; la charité demeurant humble et l'humilité charitable, la charité rehaussant l'ame par dessus toutes creatures et par dessus elle mesme, et l'humilité la rabaissant au dessous de toutes, ces deux vertus demeurant neanmoins tellement conjointes que l'une ne peut subsister sans l'autre..

  A010000207 

 C'est sur cette derniere union que je m'arresteray, laquelle me donnera entrée dans le sujet de cette feste; car qu'est-ce que la Visitation de Nostre Dame à sainte Elizabeth sinon un assemblage de l'humilité et de la charité, ou un sommaire des effects de ces deux vertus pratiquées par la Sainte Vierge envers sa cousine? L'humilité et la charité n'ont qu'un seul objet qui est Dieu, à l'union duquel elles tendent; neanmoins elles passent de Dieu au prochain, et c'est là où elles se perfectionnent.

  A010000207 

 Certes, nostre tres glorieuse Maistresse pratiqua ces deux vertus en un souverain degré au temps de l'Incarnation, lors que l'Ange Gabriel luy avant annoncé ce mystere ineffable, elle respondit: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait selon ta parole; car pendant qu'il la declaroit Mere de Dieu et Reyne des Anges et des hommes, qu'il luy faisoit entendre qu'elle estoit eslevée par dessus toutes les creatures angeliques et humaines, elle s'abaissa aux pieds [63] de toutes, disant: Voicy la chambriere du Seigneur.

  A010000208 

 Vous voyez donques comme en cet instant, Dieu unit en la Sainte Vierge la charité et l'humilité; en disant: Voicy la servante du Seigneur elle s'est abaissée jusques au profond abisme du neant, mais en mesme temps elle est relevée par la charité au dessus des Cherubins et Seraphins lors qu'elle adjouste: Me soit fait selon ta parole, car à cette heure le Verbe divin print chair dans son ventre virginal, et par ce moyen elle devint Mere de Dieu..

  A010000209 

 Ce qu'elle nous fait entendre elle mesme par ces paroles de son sacré Cantique: Parce que le Seigneur a regardé ma vileté, ma bassesse et ma misere, toutes les nations m'appelleront bienheureuse.

  A010000210 

 O Dieu, quelle douceur et suavité ressentoit-elle en son cœur par la connoissance de cette merveille! O que de saints devis et d'amoureux colloques entre le Fils et la Mere!.

  A010000211 

 Elle ne sortit donc pas le jour mesme de l'Incarnation, ains quelques jours apres, et s'en alla en grande diligence par les montagnes de Juda.

  A010000211 

 Mais quelle humilité est celle cy! Elle s'en va pour estre chambriere et servante de celle qui luy estoit en tout et par tout inferieure; car jaçoit que sainte Elizabeth fust de noble extraction, puisqu'elle estoit de la lignée de Levi, estant mariée au grand prestre, et que touchant sa mere elle appartenoit à la maison de David, si est-ce que pour tout [65] cela elle n'estoit rien au prix de la Vierge.

  A010000212 

 Mais que de benedictions et de graces entrerent en cette maison avec la sacrée Vierge! Ce qui se connoist par les parolles de sainte Elizabeth, laquelle avec un esprit de prophetie s'escria d'une voix claire et intelligible: D'où me vient ce bonheur que la Mere de mon Dieu vienne me visiter? Puis, poursuivant elle dit: Vous estes bienheureuse parce que vous avez creu.

  A010000213 

 Or, sainte Elizabeth fait foy de cette verité par les parolles qu'elle dit à la Vierge..

  A010000216 

 Mais la sacrée Vierge est venue pour regaigner par son humilité ce que cette premiere Eve avoit perdu par son orgueil; elle contrecarre donques par cette vertu la fierté et presomption d'icelle.

  A010000217 

 Comme elle l'avoit conceu par l'obombration du Saint Esprit, elle le portoit sans incommodité et l'enfanta sans douleur, Nostre Seigneur luy reservant les douleurs de l'enfantement pour le jour de son crucifiement auquel sa sainte Mere devoit assister..

  A010000217 

 Une profonde humilité et une ardente charité tant envers Dieu qu'à l'endroit du prochain, voyla donc les effects operés par la grace du Seigneur dans le cœur de Nostre Dame.

  A010000219 

 Ce seroit un grand abus; et celuy qui diroit telles et semblables paroles monstreroit bien par là son indigence, sa mendicité et le malheur qui le talonne; car à telles sortes de gens qui estiment avoir à suffisance, Dieu leur oste ce qu'ils ont.

  A010000220 

 Anciennement il se faisoit aussi plusieurs visites et salutations en priant, d'autres avec des complimens, comme il se prattique encores par les bonnes gens qui se rencontrent, lesquelles disent: Dieu soit avec nous, Dieu vous donne un bon jour, un bon an, Dieu nous ayde.

  A010000220 

 Nostre Dame va donques pour visiter sainte Elizabeth; mais cette visite ne fut point inutile ni semblable à celles qui se font par les dames de ce temps, seulement par ceremonie, esquelles on tesmoigne bien souvent des affections plus grandes qu'on ne les sent pas et où l'on discourt frequemment des uns et des autres, si que l'on en sort avec des consciences interessées.

  A010000221 

 Or, les principaux effects de l'Esprit Saint sont ceux qu'il opera en sainte Elizabeth; vous pourrez donc connoistre par iceux si vous l'avez aussi receu.

  A010000222 

 Je dis cecy pour refuter l'heresie de quelques uns lesquels ont voulu soustenir qu'il la failloit honnorer en la mesme façon que Nostre Seigneur, ce qui est faux; car on doit adorer Dieu seul par dessus et au dessus de toutes choses, et puis rendre un honneur tout particulier à Nostre Dame comme Mere de nostre Sauveur et cooperatrice de nostre salut.

  A010000222 

 Secondement, Elizabeth dit: O que vous estes heureuse parce que vous avez creu! Et par apres: Vous estes benite entre toutes les femmes, et le fruit de vostre ventre est beni.

  A010000223 

 Quand donques vous desirez sçavoir si vous l'avez receu, regardez quelles sont vos œuvres, car c'est par là qu'on le connoist..

  A010000224 

 Il a fait de grandes faveurs aux hommes par leur entremise, et d'autres fois il a employé celle des Anges.

  A010000224 

 Il a voulu que ceux-cy fussent servis par les Esprits celestes, et que la conversion des hommes fust pour iceux une augmentation de gloire à cause de cette union..

  A010000224 

 Mais remarquez que sainte Elizabeth receut le Saint Esprit par le moyen de la Vierge.

  A010000225 

 Mais, me direz-vous, comme est-ce que les hommes peuvent causer de la joye aux Anges? n'ont-ils pas en la vision de Dieu une parfaite beatitude? De cecy il n'y a nul doute; neanmoins, la Sainte Escriture ne tesmoigne-t-elle pas qu' il se fait plus de feste au Ciel pour un pecheur converti que pour nonante neuf justes? par lesquelles parolles vous voyez la joye des Anges sur la conversion d'un pecheur.

  A010000226 

 Certes, quand nous parlons d'eux nos cœurs doivent estre prosternés par terre, car il y a une si grande distance entre nous et ces Esprits celestes qu'il ne se peut imaginer; et neanmoins un si grand rapport, que tout ainsy que la terre ne peut rien produire sans les influences du ciel, aussi ne pouvons-nous rien de nous mesmes si nous ne sommes assistés des Saints.

  A010000226 

 Il est vray pourtant qu'à une telle et si grande Vierge il ne faut pas aller demander des bagatelles, comme quelques uns font: par exemple, d'estre plus riche, plus belle, et semblables niaiseries; car tout ainsy que ce seroit incivilité de se servir de l'entremission d'un grand prince pour obtenir du roy ou de l'empereur quelque chose de vil prix, aussi seroit-ce une incivilité en la vie spirituelle de se servir de l'entremise de nostre glorieuse Reyne pour des choses basses et caduques.

  A010000226 

 Il n'y a point de doute que nous ne puissions demander à Dieu, par l'intercession de Nostre Dame, non [73] seulement les biens spirituels, tels que les vertus, ains aussi les temporels.

  A010000226 

 Mais il faut nous prevaloir de leur assistance en des choses qui nous servent pour l'eternité, les priant de nous impetrer la grace de Dieu, les vertus, employant pour ces sujets et autres semblables le credit qu'ils ont aupres de nostre cher Sauveur et Maistre, et non point à fin d'obtenir par leur intercession la beauté, les richesses et telles bagatelles.

  A010000226 

 Voyla donc comment nous recevons le Saint Esprit par l'entremise des Saints et de la Vierge..

  A010000227 

 O que c'est une chose aymable et proffitable que d'estre visité par cette sainte Dame, car sa visite nous apporte tousjours beaucoup de benedictions.

  A010000227 

 Voulez-vous estre parente de la Vierge? Communiez, car en recevant le saint Sacrement vous recevrez la chair de sa chair et le sang de son sang, puisque le pretieux corps du Sauveur, qui est dans la divine Eucharistie, a esté fait et formé de son plus pur sang par l'operation du Saint Esprit.

  A010000228 

 Je finiray par deux exemples, et bien que le temps soit desja passé, neanmoins un petit quart d'heure en fera la rayson.

  A010000231 

 Nous voudrions bien avoir des revelations, mais que ce fust par forme de recreation, pour passer le temps, parce que c'est une chose bien douce et aggreable; or, Dieu ne les donne pas ainsy, il faut tousjours qu'il nous en couste quelque chose.

  A010000232 

 De plus, si vous voulez que la Vierge vous visite comme la petite Muse, il faut faire une transformation interieure, laquelle ne se peut operer sans endurer quelque chose, ce qui nous est representé par la chaleur de la fievre que supporta cette enfant.

  A010000237 

 Lors, pensant s'en affranchir par l'election d'un vray bien, il vient à se troubler davantage par ce moyen, car pour l'ordinaire il laisse les choses hautes et excellentes pour les basses, les utiles et bonnes pour les mauvaises, tant il est sujet à se tromper.

  A010000238 

 Cette verité paroist claire et manifeste ès Israëlites, ce peuple choisi et esleu de Dieu; car qui en a esté plus favorisé, aymé et caressé que ce peuple? Dieu le traittoit avec tant de bonté que c'est merveille; il le conduisoit par le desert avec autant de soin qu'une nourrice fait ses petits quand elle les mene esgayer par les campagnes.

  A010000238 

 Grand cas de l'esprit humain! Les Israëlites avoyent esté conduits dans le desert avec mille sollicitudes par Moyse et Aaron, Dieu leur avoit fourni abondamment tout ce qui leur laisoit besoin, et les miserables ne font par apres que murmurer et se plaindre de ce qu'ils n'ont point de roy.

  A010000238 

 Mais ce peuple ingrat, grossier et mesconnoissant n'estoit [78] point content, ains s'amusoit à la recherche d'un bien où il peust trouver plus de suavité; et quoy que le Seigneur fust, par maniere de dire, descendu du Ciel pour eux et leur eust donné des preuves plus que suffisantes de l'amour qu'il leur portoit, ils ne laisserent pour cela d'estre pleins de murmures et de chagrin.

  A010000239 

 Or, les princes du peuple de Dieu ne faisoyent pas comme ceux de cette heure, parce que le Seigneur leur communiquoit tellement son Esprit qu'ils ne commandoyent ni ordonnoyent que ce qu'ils sçavoyent estre de la divine volonté, laquelle ils connoissoyent par le moyen des Prophetes et souverains Prestres de la Loy auxquels ils s'addressoyent.

  A010000240 

 Dieu voyant donques qu'Israël ne cessoit de murmurer, en fut grandement courroucé et indigné, et luy fit sçavoir par son Prophete Samuel qu'il luy donneroit un roy.

  A010000242 

 Or, ce que ce roy faisoit à l'endroit des enfans d'Israël nous represente les diverses [80] vocations par lesquelles nostre divin Maistre appelle ses creatures à son service, non point en usant de tyrannie comme ce prince terrien, mais doucement et avec des entrailles pleines de misericorde.

  A010000243 

 Bref, par tout et tousjours elle a fait l'office de parfumeuse, Nostre Seigneur l'ayant choisie pour cela..

  A010000245 

 Certes, nostre cher Sauveur l'aymoit bien cette Samaritaine, car, par apres, elle travailla beaucoup pour sa gloire, preschant hautement et hardiment la venue du Messie, ce qui fut cause de la conversion de Samarie.

  A010000245 

 La Cananée vint pressée de l'affliction de sa fille; la femme hemorroïsse, pour recevoir la santé qu'elle n'avoit peu recouvrer par aucun art ni remede.

  A010000245 

 La pauvre Samaritaine n'estoit point venue chercher Nostre Seigneur; neanmoins, attirée et allechée par les offres et promesses qu'il luy fit, elle le suivit et se convertit à luy.

  A010000245 

 Les femmes qui l'accompagnoyent au mont de Calvaire le faisoyent par une pitié et compassion naturelle, qui estoit cause qu'elles pleuroyent sur luy, dequoy Nostre Seigneur les reprit.

  A010000246 

 Là, elle regarda et fut regardée du Sauveur, et tellement navrée de son amour qu'elle fit à cet instant une entiere conversion qui, par la vehemence et force de cet amour, passa jusques à la transformation de son esprit et de son cœur [82] dans celuy de son Dieu.

  A010000246 

 Par consequent il se communiqua à elle en une façon tres intime et abondante, tellement que de grande pecheresse qu'elle estoit elle devint une grande Sainte..

  A010000248 

 Ainsy nostre Sainte, qui estoit toute infectée du peché, fut puis apres rendue d'autant plus belle par la contrition et amour avec lesquels elle fit penitence..

  A010000248 

 Celle qui estoit un fumier de tres mauvaise odeur devint par cette cou version un tres beau lys, une fleur de tres suave odeur, et d'autant plus qu'elle estoit pourrie et puante, elle fut purifiée et renouvellée.

  A010000248 

 Cependant, ayant trouvé le divin Maistre, elle fit cette admirable conversion: d'une carcasse puante qu'elle estoit, elle devint un vaisseau de grand prix, propre à recevoir la liqueur tres pretieuse et odorante de la grace, de laquelle par apres elle parfuma son Sauveur.

  A010000249 

 Malheureux qu'ils sont, parce qu'à mesure qu'ils font vœu de mourir en leur obstination ils le font par consequent d'estre damnés..

  A010000251 

 La Sainte Escriture ne parle et ne nous remet rien tant devant les yeux que la penitence des Ninivites, laquelle fut si grande que c'est chose admirable de voir ce qu'ils firent et les effects operés par les paroles de Jonas.

  A010000252 

 Dieu luy donna en recompense un amour tres fort et ardent, accompagné d'une tres grande pureté; et tout ainsy que le divin Espoux luy navroit le cœur, de mesme luy blessoit-elle le sien par des desirs, souspirs et eslans amoureux.

  A010000252 

 Il faut croire qu'elle disoit souvent ces paroles de l'Espouse: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche, bayser tant desiré de la nature humaine, tant demandé par les Patriarches et Prophetes, qui n'est autre que l'Incarnation et l'union de la nature divine avec l'humaine: c'est cette estroitte union apres laquelle cette sainte amante souspiroit.

  A010000253 

 Remarquez combien il l'aymoit tendrement: il la voit pleurer au monument, il luy apparoist en forme d'un jardinier et l'interroge pourquoy elle pleure, comme ne pouvant souffrir de se voir plus long temps chercher par cette sienne et toute pure amante..

  A010000254 

 Tous les Chrestiens doivent l'aymer [86] et sont obligés de faire ce qu'ils font par le motif de l'amour, et si ce n'est avec tant de pureté, c'est du moins avec quelque amour interessé; car il faut de necessité aymer Dieu et le prochain pour estre sauvé et pour aller en Paradis, autrement l'on ira aux enfers..

  A010000256 

 Il est vray qu'une fois elle prit cette confiance amoureuse d'espandre son nard et rompre sa boëte sur son auguste chef, à fin que de là il s'espanchast sur son sacré corps et descendist par tout; mais elle s'estoit premierement jettée à ses pieds, et puis elle y retourna incontinent.

  A010000256 

 Je ne me souviens pas d'avoir veu en aucun lieu qu'elle soit jamais sortie de ces sacrés pieds: à sa conversion, elle entra par derriere et se jettant à ses pieds, les lava de ses larmes et les essuya de ses cheveux; quand elle l'alla trouver au festin qui se fit apres la resurrection du Lazare, elle portoit la boëte de parfums et onguens pretieux et se prosterna encores à ses pieds.

  A010000257 

 Là elle mena une vie plus divine qu'humaine, estant sept fois le jour eslevée par les Anges, sans que pour cela son cœur sortist des pieds de son Sauveur..

  A010000258 

 Nous voyons que les hommes estans offencés exigent qu'on leur satisfasse selon l'offence; par exemple, si on leur a desrobé un escu, ils veulent qu'on leur rende un escu; si on a apporté dommage à autruy, il requiert satisfaction à l'esgal de la perte qu'on a causée..

  A010000259 

 Ce n'est point trop exiger de nous que cela, car si nous avons tant fait pour le monde, nous laissant attirer par ses vains attraits, que ne devons-nous faire pour les attraits de la grace qui sont si doux et si suaves? Certes, ce n'est pas nous faire tort que de demander cela de nous; c'est pourquoy, comme on a employé son cœur, son ame, ses affections, ses yeux, ses paroles, ses cheveux pour le monde, il les faut aussi employer et sacrifier au service de la dilection sacrée..

  A010000261 

 Il est vray que la nature est un peu excusable: vous verrez, par exemple, une fille qui sera bien melancolique; et qui n'excusera cela? Une autre sera bien joyeuse, et pour ce elle excedera quelquefois à rire; cela est supportable.

  A010000261 

 Quelle folie! comme si par ce moyen la sentence devoit estre revoquée.

  A010000261 

 Une autre pleure de ce que sa mayson est bruslée; hé, pauvres gens, pensez-vous esteindre par vos larmes le [90] feu qui a desja bruslé vostre mayson? Toutes telles et semblables larmes sont vaines et inutiles; il ne s'en faut donc plus servir, ains mortifier ces tendretés et mollesses.

  A010000262 

 C'est par les yeux et par les cheveux que le divin Espoux dit au Cantique des Cantiques que son Espouse luy a navré le cœur; neanmoins les paroles qui sortent de la bouche expriment bien mieux encores que les yeux les mouvemens et sentimens interieurs.

  A010000262 

 On connoist par les yeux et par les paroles quelle est l'aine et l'esprit de l'homme, les yeux servant à l'ame comme la monstre à l'horloge.

  A010000262 

 On s'offence quelquefois par la croyance qu'on nous regarde de travers; en quoy l'on se trompe bien souvent, car cela peut arriver parce qu'on a les yeux bouffis, n'ayant assez dormi, ou pour avoir quelque chose en teste, ce qui est cause qu'on n'a pas les yeux doux.

  A010000264 

 Voyez vous comme elle nous apprend à ne chercher que Dieu, à ne pleurer sinon pour son absence causée par nos pechés, ou bien de quoy il est si peu conneu et glorifié du prochain.

  A010000265 

 Grande folie que celle cy! Ensuite on se surestime par dessus les autres et l'on vient par apres à dire: Je suis d'une telle mayson et celle là d'une telle..

  A010000272 

 Puissiez-vous, mes cheres Filles, estre toutes des Marie, c'est à dire des lumieres par vos bons exemples, et ayder les autres par vos prieres à parvenir au port de salut; des mers, pour recevoir les amples benedictions que Dieu communique à ceux qui se consacrent à son service; ameres, avalant et devorant les difficultés qui se rencontrent en l'exercice de la vie spirituelle; des dames exaltées, pour avoir excellemment mortifié vos puissances, vos appetits, vos sens et inclinations, leur commandant d'un pouvoir absolu; illustrées par la lumiere celeste, et illustratrices par une vraye humilité et mortification..

  A010000273 

 Je conclus ce discours en vous souhaittant, mes cheres Filles, l'une des benedictions de sainte Marie Magdeleine; et si, je ne vous souhaitte point d'extases, de ravissemens, ni d'estre eslevées par les Anges comme elle fut à la Sainte Baume, ni de vous apparoistre comme elle fit à plusieurs, ni de jetter une grande abondance de larmes, ni le don tres excellent de la contemplation.

  A010000274 

 Voyez la Magdeleine qui vous provoque par son exemple.

  A010000276 

 Et, comme Magdeleine, vous respondrez: Rabboni, mon Maistre! Maistre que nous avons suivi, Maistre auquel nous avons obei, Maistre auquel nous nous sommes conformées, et pour et avec lequel nous nous sommes «crucifiées, pour apres cette vie estre glorifiées avec luy» en l'eternité de la vie bienheureuse, et là chanter avec nostre reyne sainte Magdeleine les cantiques eternels par tous les siecles des siecles.

  A010000276 

 Ne craignez point de l'emporter et de vous en saisir par tout où vous le trouverez.

  A010000276 

 Vous serez par apres bien heureuses si le Sauveur, tesmoin de vos labeurs et travaux pris pour son amour, vous appelle en fin par vos noms: Marie! Ame [97] forte, vaillante, courageuse et perseverante.

  A010000287 

 Et encores qu'il eust un bon naturel, il estoit neanmoins tout corrompu par les mauvaises habitudes, il vivoit en toutes sortes de libertés, se vautrant ès impudiques playsirs, estant attaché à ses vicieuses coustumes en telle sorte qu'il compare les liens de son iniquité a une chaisne de fer, laquelle il luy sembloit ne pouvoir aucunement rompre et qu'il luy estoit impossible de s'en jamais affranchir..

  A010000288 

 Là, pressé de cette violente conteste qui se passoit entre son homme interieur et l'exterieur, il commença, comme un autre saint Paul, d'exprimer sa douleur par les paroles du mesme Apostre: Qui me delivrera de ce corps de mort, et qui m'affranchira de cette incomparable convulsion que je ressens ès deux parties de mon ame? Oh! qui me delivrera de cette chair si contraire à l'esprit? Hé, Seigneur, disoit-il (car ce sont ses propres mots, comme il raconte luy mesme au livre de ses Confessions ), jusques à quand, jusques à quand serez-vous courroucé contre moy? jusques à quand vous souviendrez-vous de mes pechés? O cieux, jusques à quand serez-vous irrités contre moy? jusques à quand y aura-t-il un si grand divorce entre vous et moy, et quand vous reconcilierez-vous avec mon ame? Au plus fort de ses plaintes, il entendit chanter ces paroles derriere la muraille où il estoit: «Prens et lis, prens et lis;» puis, prestant l'oreille pour mieux escouter, il ouyt encores: «Prens et lis.» Et pensant en soy mesme si ce ne seroit point une compagnie de filles qui repetoit cette chanson, il taschoit de se resouvenir s'il n'en couroit point pour lors auxquelles on trouvast ces paroles: «Prens et lis.» Car, comme vous sçavez, et si vous ne le sçavez pas vous l'apprendrez, en toutes les villes il court tousjours quelques chansons parmi le vulgaire et menu peuple, qui certes devroyent plustost estre mesprisées qu'escoutées.

  A010000295 

 Il disoit avoir fait des insignes meschancetés desquelles il n'estoit point coulpable, à fin de s'en glorifier et estre estimé par ces desbauchés un homme courageux, vaillant et genereux..

  A010000296 

 On le voit lors qu'en hiver ces jeunes fols s'assemblent et vont par les rues faisant milles bouffonneries et tintamarres; celuy là est tenu parmi eux pour le plus brave qui fait davantage le fol et le fantasque; c'est en de telles actions qu'ils mettent leur gloire.

  A010000297 

 Cependant les paroles de saint Paul qu'il trouva à l'ouverture de son livre, et qui luy estoyent envoyées par le Saint Esprit, nous font conjecturer qu'il estoit encores entaché de ce vice.

  A010000298 

 Par les vertus opposées à nos vices nous connoistrons les habitudes de l'homme et celles de Nostre Seigneur, celles desquelles il nous faut despouiller d'avec celles que nous devons revestir et dont il faut nous couvrir.

  A010000299 

 C'est en quoy saint Augustin l'a tout particulierement prattiquée, il l'a aussi fort recommandée à ses en fans, taschant de la leur inculquer si avant dans l'esprit que c'est chose admirable de voir comme il en parle dans sa Regle en termes tres expres, par lesquels il defend que nul ne «puisse avoir, sous quel pretexte [105] «que ce soit,» aucune «chose en proprieté.» De sorte que pour estre vray enfant de saint Augustin il faut avoir un grand amour à la pauvreté..

  A010000301 

 Ce que ce bon peuple faisoit, car il luy sembloit que ses charités n'estoyent point bonnes si elles ne passoyent par les mains de ce saint et digne Prelat.

  A010000301 

 Despuis qu'il fut prestre et Evesque, il prattiqua la pauvreté en telle sorte qu'il ne se laissa rien, donnant tout son vin et son blé aux pauvres, jusques là qu'il vendit les tapisseries et ornemens de l'eglise pour subvenir à leurs necessités; ce qu'il faisoit par une inspiration particuliere de Dieu, d'autant qu'il n'est pas loysible de devestir l'autel pour nourrir les indigens, sinon en cas de besoin.

  A010000304 

 Aussi saint Augustin s'en servoit-il pour conserver cette chasteté par laquelle il surpassoit la virginité des vierges; et, poussé de l'Esprit divin, de l'amour et connoissance qu'il avoit de la beauté et grandeur d'icelle, il en composa des livres, comme nous avons dit, addressés aux vierges et aux vefves, lesquels ravissent en admiration et portent à l'amour de cette vertu tous ceux qui les lisent.

  A010000304 

 Je sçay bien que le jeusne, la haire, la discipline et la sobrieté (qui ne consiste pas seulement à retrancher la gourmandise, mais encores à se priver des viandes exquises et par trop nourrissantes, à se contenter de ce qui est necessaire et à user d'alimens simples et grossiers), je sçay bien, dis-je, que tout cela est bon pour conserver la chasteté infuse dans une ame; mais certes, ce seroit peu s'il n'estoit accompagné de l'humble priere, parce que c'est à l'humilité que sont attachés tous les dons de Dieu.

  A010000304 

 Mais la chasteté est un don de Dieu qui ne s'acquiert pas à force de bras et qui ne peut estre conservé par artifice et industrie; car les dons de Dieu ne s'arrachent pas de ses mains par force ni par contrainte, ils se donnent gratuitement et selon la disposition du cœur.

  A010000304 

 Que faut-il donques faire pour acquerir et attirer ce don des mains de Dieu, puisque nul ne peut estre chaste si le Seigneur ne luy en fait la grace? Priez, dit l'Apostre; c'est à dire, demandez-la en esprit de profonde humilité, car c'est par la priere que vous l'obtiendrez, et que, l'ayant receuë, vous la conserverez.

  A010000306 

 Je ne fais non plus comparaison de nostre glorieux Pere avec l'Apostre saint Paul, car à celuy-cy la science fut infuse du Ciel par une voye du tout extraordinaire.

  A010000309 

 Secondement, saint Augustin monstra une grande humilité en se sousmettant à la censure de ses escrits et de sa doctrine, censure faite non seulement par ceux qui luy pouvoyent estre superieurs et esgaux, ce qui est la marque d'une tres profonde humilité, mais encores par ceux qui luy estoyent inferieurs et en sçavoir et en dignité.

  A010000310 

 Pour les inferieurs, o certes, il n'en faut pas parler: si cela m'estoit dit par un de mes Superieurs je le souffrirois encores, mais par un tel je ne l'endureray pas, je ne luy donneray point cette authorité sur moy, Neanmoins c'est là où gist un des principaux points de l'humilité et de la perfection de la vie chresienne.

  A010000311 

 Certes, nous serions bien heureux nous autres si nous empoignions le test de la correction pour nettoyer les ordures de nos consciences; mais vous estes bien plus heureuses, mes cheres Sœurs, d'habiter en une mayson où l'on fait la correction avec tant d'exactitude que par le moyen d'icelle on vous corrige des moindres petites imperfections.

  A010000312 

 Il fut certes du tout admirable en cecy, comme on le voit par la sincerité et naïfveté avec laquelle il a escrit le livre de ses Confessions, qu'il fit à la fleur de son aage, et où il raconte non en gros, ains par le menu, toutes ses fautes, ses humeurs, ses habitudes et inclinations vicieuses.

  A010000313 

 C'est un advertissement «Un le grand saint Augustin donnoit à tout le monde en general de ne se point appuyer sur ses merites ni de penser que l'on puisse entrer au Ciel par sa propre industrie, sans estre aydé de la grace divine.

  A010000313 

 Il refutoit ainsy l'heresie des Pelagiens, tant par ses disputes que par son livre De la Grace, où il monstre que nous ne pouvons rien sans icelle..

  A010000314 

 Ne pensez point entrer au Ciel par vos bonnes œuvres, car personne n'y entrera qu'en la vertu du sang et de la Passion de Jesus Christ.

  A010000314 

 Non, mes cheres Sœurs, n'ayez point de pretention ni pour le Ciel ni pour la terre que par les merites du sang et de la mort de nostre Sauveur.

  A010000315 

 Ne dites point: Voyla un homme qui par ses œuvres aura bien du merite; mais plustost: O que Dieu a fait de grandes graces à cette personne là! O que grande a esté sa misericorde en son endroit! N'ayez point d'autre fin que de chercher la gloire de Dieu, car c'est pour cela que vous estes entrées en Religion, et non pas seulement pour vous retirer du tracas du monde; les philosophes payens faisoyent bien ce renoncement, à fin d'avoir par ce moyen plus de temps pour vaquer à l'estude des sciences humaines.

  A010000326 

 Par exemple, quand le flegme vient à surabonder, il reduit l'homme à de graves infirmités; ainsy en est-il des autres humeurs peccantes de nostre corps.

  A010000327 

 En temps de carnaval on verra des joyes et liesses qui se monstrent par des actions badines et folastres, et bien tost apres vous verrez des tristesses et ennuis si extremes que c'est chose horrible et, ce semble, irremediable.

  A010000328 

 Les salutations qui se font par lettres ne sont que des souhaits exprimés par les amis absens; et quel souhait plus utile et profitable pour le coeur se peut-il faire que celuy de la paix? C'est en icelle que consiste le plus haut point de la vie spirituelle, et c'est pour l'acquerir et conserver qu'il faut continuellement veiller et travailler; car despuis la cheute de nos premiers parens nostre ame est demeurée une terre seche et sterile ne peut porter ni produire aucun fruit de bonnes oeuvres si l'on n'a soin de la cultiver..

  A010000328 

 Pour obvier à tel [118] inconvenient les Peres de la vie spirituelle ont opposé à ces passions la paix et tranquillité interieure, d'où naist cette douce esgalité de cœur et d'esprit tant recommandée et inculquée par les anciens Chrestiens, ainsy que le tesmoigne la salutation qu'ils se faisoyent par ces paroles: La paix soit avec vous.

  A010000329 

 Adam cultivoit la terre par recreation, courboit les jeunes entes pour en faire des treilles et pavillons, Dieu luy ayant ordonné cela pour son exercice et pour eviter l'oysiveté.

  A010000331 

 Mais quoy que tous les Chrestiens soyent obligés de se medeciner en cette sorte, si est-ce que cecy est plus propre aux Religieux, lesquels doivent reluire par dessus les seculiers en cette si desirable esgalité.

  A010000332 

 Il a fait paroistre tout le temps de sa vie une grande perseverance fermeté en ce qu'il a entrepris; car despuis qu'il lut avec saint Paul il ne le quitta ni abandonna jamais, ains le suivit par tout.

  A010000333 

 Il estoit non seulement medecin mais encores peintre; non point pour en tenir boutique et gaigner sa vie par cette profession, o non, il ne faut pas entendre cela, car estant medecin honnorable il avoit [121] assez de quoy s'entretenir honnorablement.

  A010000333 

 O que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si apres avoir bien medeciné et purgé vos cœurs vous venez à peindre sur iceux! Et quoy? O Dieu, rien autre que Nostre Seigneur crucifié, à l'imitation de sainte Claire de Montefalco qui, par une vive imagination et affection d'amour et compassion interieure, imprima en son cœur l'image de la Croix de son Sauveur.

  A010000334 

 Que vous serez heureuses si vous en faites de mesme, et ce, par une vive et meure consideration de ses vertus et perfections, les imprimant en vostre cœur par une affection amoureuse, meditant sa sainte vie et conformant la vostre à icelle.

  A010000337 

 Par où vous voyez que pour estre bonnes peintresses il ne suffit pas de purger vos cœurs de tout ce qui est mauvais, mais encores de toutes autres teintures desquelles vous les auriez voulu enrichir.

  A010000338 

 Combien de mariages verrions nous se dissoudre s'ils n'estoyent affermis par le Sacrement qui empesche de varier en cette sorte de vie! Combien d'ecclesiastiques verrions nous quitter le sacerdoce et s'oublier de la promesse qu'ils ont faite à Dieu en recevant l'ordre de prestrise! O Dieu, quel bonheur d'avoir eu necessité d'estre attachés par ces vœux pour vous garder fidelité! car sans cette necessité nous n'eussions jamais esté disposés à recevoir les traits de la peinture spirituelle, d'autant que nous eussions tousjours esté mobiles et sans aucune fermeté en nos resolutions..

  A010000338 

 [124] Vous estes donques fixées par vos trois vœux comme avec trois clous, pour ne jamais varier ni chanceler en en l'election que vous avez faite de cette vocation.

  A010000339 

 O que bienheureux sont ceux qui n'apportent pas en Religion de beaux et grans entendemens! Ceux cy sont les meilleurs, parce que n'ayans pas tant de lumiere naturelle ils sont plus propres pour recevoir celle du Saint Esprit qui leur est communiquée par autruy.

  A010000342 

 Quelle pudicité virginale y apperceut-il! Que si les filles, pour peu qu'elles soyent de bon naturel, monstrent leur pudeur en leur face, rougissant pour la moindre parole qu'on leur dise, o Dieu, quel pensez-vous devoit estre celle qui se voyoit en la face de cette sainte Vierge lors qu'elle estoit regardée de son peintre? Que d'admirables vertus il descouvrit en ce pudique et chaste regard! Quel contentement de considerer celle qui est plus belle que le Ciel ou que la pleine diaprée de la varieté de tant de fleurs, et qui surpasse en beauté les Anges et les hommes! Mais qui pourroit penser l'humilité avec laquelle saint Luc la pria de le regarder, et la douceur et simplicité avec laquelle Nostre Dame le fit? O que de lumieres il receut par ce regard sacré, que son cœur demeura enflammé de son amour, que de connoissances il tira quand les yeux de cette douce Vierge s'arresterent sur luy! Ils imprimerent alors en son cœur un si grand amour de la pureté qu'il y persevera constamment tout le temps de sa vie et garda le celibat..

  A010000343 

 Ce qu'il fit à l'endroit de saint Paul, lequel il ne quitta point, ains le suivit par tout, autant en l'adversité comme en la prosperité, parmi les chaisnes et les persecutions.

  A010000344 

 Mais il rapporte dans le sien des [128] mysteres plus simples, qui peuvent estre entendus par les Anges et par les hommes, pour nous apprendre que nous devons mediter et considerer ces mysteres simples et humbles, et non ceux qui sont au delà de nostre capacité.

  A010000345 

 Mais voyez encores mieux ce que je vous veux dire touchant les escrits de saint Luc. Ce glorieux Saint estoit souvent envoyé en mission par saint Paul pour le bien de l'Eglise; or, quand il raconte ses voyages, il le fait avec une simplicité et humilité admirables, sans parler des merveilles qu'il operoit ni des peines qu'il souffroit, ains il dit simplement: Nous allasmes, nous vinsmes, nous retournasmes.

  A010000346 

 C'est pourquoy il fait mention de l'election de saint Mathias, car Nostre Seigneur ne voulut point, n'avant que de monter au Ciel, nommer un Apostre pour mettre en la place de Judas, ains en laissa le choix et nomination au college apostolique pour destruire l'erreur [129] de ceux qui croyent que despuis l'Ascension du Sauveur la generation des Apostres a failli, ce qui n'est pas; car Jesus Christ luy mesme a voulu que les Apostres se soyent assemblés pour eslire ceux qui leur devoyent succeder, à commencer par saint Mathias.

  A010000346 

 Le college apostolique donques ne viendra jamais à defaillir, et bien que ce soit tousjours Nostre Seigneur qui fasse telles elections, comme Celuy qui preside aux assemblées reunies pour ce sujet, c'est neanmoins tousjours par la voix des creatures que sont faites telles nominations..

  A010000347 

 En effect, on trouve en cent endroits de la Sainte Escriture que les plus grans sont nommés les derniers; voire mesme aux supplications que l'Eglise addresse à Nostre Seigneur par les merites des Apostres, elle met saint Pierre et saint Paul à la fin.

  A010000347 

 Or, encores que saint Luc nomme la Sainte Vierge la derniere, il ne commet pourtant aucune incongruité, ains c'est par le respect et l'honneur qu'il luy porte.

  A010000348 

 [130] Sçachant donc cecy, et voyant qu'il la pouvoit contenter et suivre son intention, sans pour cela prejudicier tant soit peu à l'honneur qu'il luy devoit ni à l'estime qu'il en falloit avoir, il la nomma la derniere et tout à part, declarant par là en mesme temps qu'elle estoit plus grande que les Apostres et disciples, voire mesme que tous les Anges et les hommes ensemble..

  A010000349 

 La fidelité du serviteur se connoist en ce qu'il s'acquitte de ses devoirs en l'absence de son maistre aussi bien que s'il luy estoit present; car voit-on jamais un serviteur, pour negligent qu'il soit, ne point faire ce qu'il doit quand il sçait que les yeux de son maistre sont sur ses mains? Or, ne pas faire ce que l'on fait pour les [131] mains du Maistre, c'est agir par amour et non par crainte de chastiment..

  A010000354 

 Mais, comme les anciens Peres remarquent, lors que la divine Majesté eut separé la Mesopotamie et fait le paradis terrestre, il crea l'homme, puis il tira une de ses costes et en fit la femme; et regardant par apres tout son ouvrage, il le trouva non seulement bon, ains plus que tres bon.

  A010000355 

 Or, la sainte Eglise qui non seulement est espouse de Nostre Seigneur, mais encores son imitatrice, se voulant en tout et par tout conformer à luy, celebre les festes des Saints avec un playsir admirable.

  A010000356 

 O Dieu, combien pensez-vous qu'il y a eu de Saints dans les cavernes, dans les boutiques, dans les maysons devotes, dans les monasteres, qui sont morts inconneus et qui à cette heure sont exaltés dans la gloire par dessus ceux qui ont esté bien conneus et honnorés sur la terre? C'est pourquoy l'Eglise considerant la feste qui se celebre au Ciel en fait par consequent une en terre, en laquelle elle exalte ceux qu'elle connoist et aussi ceux dont elle ne connoist ni les noms, ni les vies..

  A010000357 

 On admire le merveilleux rapport et correspondance que la terre a avec le ciel, qui est tel que l'on peut dire que le ciel est le mari de la terre et qu'elle ne peut rien produire que par le moyen des influences qu'elle en reçoit.

  A010000360 

 A la verité, nous recevons la grace de sa misericorde et la gloire de sa justice; cependant sa misericorde est si grande qu'elle surnage par dessus tout, partant nous obtenons la gloire de l'une et de l'autre.

  A010000360 

 Dieu, de toute eternité, a desiré de nous donner sa grace et de nous faire ressentir les effects de sa misericorde, et par consequent de sa justice, par laquelle il nous veut donner sa gloire.

  A010000360 

 Il veut pour cela que nous nous servions de l'invocation des Saints et Saintes, qu'ils soyent nos mediateurs et «que nous recevions par leur entremise ce que nous ne meritons pas d'obtenir» sans [135] icelle.

  A010000360 

 Or est-il que ces Esprits bienheureux, les Cherubins, les Seraphins et tous les autres Anges nous aymans souverainement, non seulement nous desirent, ains aussi nous procurent les celestes faveurs, poussés par le motif de la charité; car l'amour du prochain procedant et naissant de l'amour de Dieu comme de sa source et origine, il s'ensuit que du grand amour des Bienheureux envers nostre Sauveur et Maistre procede un desir tres ardent qu'il nous donne et departe sa grace en ce monde et sa gloire en l'autre.

  A010000363 

 Mais d'autant que nous parlons de la priere, disons qu'il y a trois personnes qui interviennent en icelle: la premiere, celle que l'on prie; la seconde, celle par qui l'on demande; la troisiesme, celle qui prie.

  A010000365 

 La Chananée, apres avoir prié immediatement le Sauveur, se sentant rejettée par luy, luy parla mediatement par l'entremise des Apostres, les suppliant d'estre advocats pour elle.

  A010000365 

 Prier Dieu mediatement c'est s'addresser à luy par le moyen des Saints et de la Sainte Vierge, comme fit le centurion, lequel envoya ses amis pour conjurer Nostre Seigneur de venir guerir son serviteur.

  A010000366 

 Nostre Seigneur nous a luy mesme enseigné cette methode en l'Oraison Dominicale, qu'il commence par cette parole: Nostre Pere.

  A010000366 

 O Dieu, que c'est une parole pleine d'amour que celle cy, et qu'elle remplit le cœur de douceur et de confiance filiale! Ce que vous verrez par les demandes qui se font en la mesme Oraison, en laquelle on parle immediatement à Dieu; car apres l'avoir appellé du nom de Pere on luy demande son Royaume et que sa volonté soit faite ça bas en terre comme elle se fait là haut au Ciel.

  A010000367 

 Il n'y a point de doute que Nostre Seigneur Jesus Christ ne demande pour nous le Royaume des Cieux, qui luy appartient et qu'il nous a gaigné au prix de son sang et de sa vie, et pour ce il le demande comme chose qui luy est deuë par justice; de mesme pour toutes les autres demandes qu'il addresse à son Pere.

  A010000367 

 Or, soit que l'on objecte qu'il fait ces requestes par forme de supplication et priere, se rendant nostre Mediateur, je ne suis pas homme de conteste; tant y a que ce qu'il demande pour nous luy appartient par droit de justice..

  A010000367 

 Un autre [138] demandera ce qui luy est deu; celuy là ne prie pas comme par forme de priere, ains il exige ce qui justement luy appartient.

  A010000369 

 Par ce divin meslange elles se rendent encores pretieuses devant Dieu et meritoires pour nous et pour nos prochains, car la charité et l'amour divin ne veulent pas que l'on travaille seulement pour soy, ains aussi pour autruy..

  A010000370 

 Les Saints au Ciel ne cessent, comme nous avons dit, de desirer et demander que nous jouissions du fruit de nostre Redemption, et que par ce moyen nous arrivions à la felicité qu'ils possedent; ils sont poussés à ce faire par cette charité vraye et non envieuse qui n'a d'autre objet que la gloire de Dieu; de là vient qu'ils souhaittent que nous la possedions.

  A010000371 

 Celle des ames bienheureuses procede de la connoissance tres claire qu'elles ont, sans ombre ni figure, de la grandeur et essence de Dieu, de cette distance infinie qu'il y a entre Dieu et l'homme, entre la creature et le Createur; et plus ils ont de degrés de gloire plus ils connoissent cette distance infinie, et par consequent leur humilité est plus profonde.

  A010000371 

 Que si, en cette vie, une personne, par le frequent exercice des considerations et meditations sur la grandeur de Dieu et sur sa bassesse, vient à descouvrir une si grande disproportion et esloignement de l'une à l'autre qu'elle s'abaisse et humilie jusqu'au plus profond abisme de son neant, ne trouvant jamais de lieu assez bas pour s'y enfoncer, quelle doit estre, je vous prie, l'humilité de ces glorieux Saints qui voyent clairement la Majesté divine?.

  A010000373 

 Car voyez-vous, nostre cher Sauveur et Maistre nous a creés sans nous, c'est à dire il nous a donné l'estre lors que nous n'estions rien; mais il ne nous veut pas sauver sans nous, il ne veut point violenter nostre liberté ni sauver personne par force, il luy faut nostre consentement et cooperation à sa grace..

  A010000373 

 O quel abus est celuy cy! Certes, la misericorde de nostre Dieu veut que nous cooperions à sa grace et à ses dons; aussi, quand nous luy requerons quelques vertus par l'entremise des Saints, il nous les accorde si nous commençons d'abord à les pratiquer.

  A010000374 

 Aussi les Bienheureux supplient avec ferveur sa Bonté de se respandre sur nous, estans incités à ce faire, comme nous l'avons dit, par le desir et le playsir qu'ils voyent que Dieu prend à se respandre et communiquer..

  A010000374 

 Il n'y a point d'autre porte pour entrer en Paradis que celle de la redemption du Sauveur; c'est pourquoy l'Eglise termine toutes ses prieres par le nom de Nostre Seigneur Jesus Christ, pour nous monstrer que les prieres des Anges ni celles des hommes ne peuvent estre ouyes du Pere eternel si ce n'est au nom de son Fils.

  A010000374 

 Or, à mesure que nous correspondons aux dons de Dieu il nous en depart de nouveaux, et par suite nous augmentons le playsir qu'il prend de tousjours nous en donner.

  A010000374 

 Par consequent aucune creature, non pas mesme la sacrée Vierge, quelles que soyent les prieres qu'elle fasse, ne peut parvenir à la gloire sinon par la Mort et Passion de Nostre Seigneur qui nous l'a achetée et meritée par icelle.

  A010000375 

 Voyez-vous, si nous voulons nous rendre bien capables [142] des suffrages des Saints et les esmouvoir à prier pour nous, il nous faut fidellement prattiquer les vertus que nous demandons par leur intercession, et nous bien disposer à recevoir les dons du Seigneur: c'est icy mon troisiesme point.

  A010000376 

 Pendant que Nabuchodonosor regardoit la beauté d'icelle il apperceut une petite pierre se destacher de la montagne, laquelle heurtant les pieds de cette statue la renversa par terre et la reduisit en cendre, et il n'en resta rien.

  A010000376 

 Voicy une estrange doctrine qui est directement contre l'esprit du monde; mais vous l'entendrez mieux par la comparaison de cette statue que Nabuchodonosor vit en songe, laquelle avoit la teste d'or, les bras d'argent, le ventre d'airain, les pieds de terre et tout le reste comme vous l'avez souvent ouÿ dire.

  A010000377 

 Il est vray que cette doctrine evangelique a esté respandu par toute la terre et embrassée de plusieurs, [143] Voyez comme cecy s'est fait.

  A010000378 

 Nostre Seigneur jette derechef cette pierre et declare: Bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre; et par ces paroles il destruit cette fierté et arrogance en laquelle le monde fonde sa beatitude..

  A010000380 

 Il est vray qu'on l'est desja en quelque façon par ce renoncement; mais helas, ce n'est pas ainsy que l'entend Nostre Seigneur.

  A010000382 

 Soyons justes, souffrons et endurons toutes sortes de persecutions pour la justice, et en cette façon soyons-en alterés et affamés, et glorifions par ce moyen le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A010000398 

 Dès l'instant de son Incarnation il fut rempli de toutes sortes de graces et benedictions quant au corps et quant à l'ame par cette estroitte union de l'humanité avec la Divinité, à cause dequoy il fut non seulement comblé de la plenitude des graces, mais son ame fut encores toute glorieuse, jouissant de la claire vision de Dieu, de maniere qu'il n'avoit aucun besoin de s'assujettir à la loy de la circoncision, et neanmoins il n'a pas voulu laisser de s'y sousmettre.

  A010000398 

 Nostre divin Sauveur n'avoit point besoin d'estre circoncis, car non seulement il estoit Legislateur, mais il n'avoit point de tache ni de rouille de peché; il estoit Fils de Dieu, et par consequent tres saint et sans macule.

  A010000398 

 Secondement, la circoncision estoit comme une marque par laquelle le peuple de Dieu estoit reconneu d'entre les autres; mais Nostre Seigneur n'avoit pas besoin d'estre marqué de cette marque, puisqu'il estoit luy mesme le sceau ou le signacle [148] du Pere eternel.

  A010000399 

 Cette circoncision se faisoit en l'une des parties du corps la plus interessée et endommagée par le peché d'Adam.

  A010000399 

 Retranchez ces discours, cette compagnie, ces conversations et amitiés, ces muguetteries et telles autres niaiseries, car c'est par là qu'il faut commencer si vous voulez faire une bonne circoncision.

  A010000400 

 Retranchez de vostre cœur tant d'affections desreglées qui s'y trouvent pour les richesses, honneurs et commodités; mettez asseurement et hardiment à ce cœur, à ces affections le couteau de la circoncision, et commencez par là comme par la partie la plus malade qui est en vous..

  A010000401 

 D'autres feront de grandes penitences et austerités, macerant leur corps par toutes sortes de peines et travaux, mais ils ne se feindront point de tremper leur langue dans le sang du prochain en mesdisant et detractant.

  A010000403 

 Voyla donques en quoy consiste la circoncision spirituelle, à sçavoir, à rechercher les passions, affections, humeurs et inclinations à fin d'en retrancher et couper les superfluités; et pour cela il est besoin d'un soigneux et serieux examen pour bien reconnoistre quelle est la partie la plus atteinte, quelle forte passion, inclination [150] et humeur est en nous, à fin de commencer par la cette circoncision interieure..

  A010000404 

 Or, il faut que je vous dise cecy comme par maniere de preface: tous sont obligés de faire la circoncision, mais differemment, non pas esgalement; car les ecclesiastiques, Prestres, Evesques, Religieux et Religieuses ont une particuliere obligation à la faire et d'une façon toute autre que ceux qui vivent dans le monde, d'autant qu'ils sont plus specialement dediés à Nostre Seigneur..

  A010000409 

 Je sçay bien qu'il y a eu quelques hermites et anachoretes en la Palestine qui ont voulu soustenir que l'homme, par une soigneuse et frequente mortification, pouvoit arriver jusques là que d'estre sans passions et esmotions de colere; qu'il pouvoit recevoir un soufflet sans rougir, estre injurié, mocqué, battu sans le ressentir.

  A010000412 

 Certes, je sçay assez combien sont recommandables ces anciens hermites et anachoretes qui vivoyent parmi les deserts, et en quelle estime il les faut avoir pour les admirables triomphes et victoires qu'ils ont remportés en mortifiant ou circoncisant eux mesmes leur cœur et leurs passions interieures, aydés à ce faire par la grace de Dieu, et sollicités et poussés par l'inspiration du Saint Esprit, des Saints et de leurs bons Anges.

  A010000412 

 Je sçay bien qu'il y a diverses opinions des Docteurs et anciens Peres sur cecy, mais je ne les rapporteray pas maintenant; j'en diray seulement une, qui est que Nostre Seigneur a voulu estre [155] circoncis par la main d'autruy pour nostre exemple, à fin de nous monstrer qu'encores que ce soit une bonne chose de se circoncire soy mesme il est encores meilleur d'estre circoncis par les autres.

  A010000412 

 La troisiesme est qu'en l'ancienne Loy celuy qui devoit estre circoncis ne se circoncisoit pas luy mesme, mais il l'estoit par la main d'autruy.

  A010000412 

 Or, nostre Sauveur, qui se vouloit en tout et par tout conformer aux autres et s'assujettir à la Loy sans aucune exception, voulut aussi estre circoncis non de soy mesme mais par la main d'autruy, et quelle qu'elle fust.

  A010000413 

 Ils sont en l'oraison, et là leur cœur s'enflamme du desir de cette circoncision; en effect, se tournant sur eux mesmes, ils commenceront à la faire, voire avec une telle ferveur qu'elle ne leur coustera rien, et avec tant de douceur et consolation qu'ils en jetteront une grande abondance de larmes qui descouleront de leurs yeux avec une suavité nompareille; en un mot, ce qui vient de nostre invention ou que nous faisons par nostre propre choix et election ne nous couste quasi rien, tant les subtilités de nostre amour propre sont grandes.

  A010000413 

 Neanmoins dans les familles et maisons religieuses il y a tousjours des personnes qui, outre cela, se tiennent en attention et qui veillent continuellement sur leur propre cœur pour connoistre ce qu'il faut tordre et mortifier, et par consequent elles ont le couteau entre les mains à fin de se circoncire elles mesmes; ce qui ne les empesche pas pourtant de vouloir l'estre par autruy, et il n'y a point de doute que cette circoncision ne soit plus douloureuse et sensible que l'autre.

  A010000414 

 Vous luy avez coupé l'oreille droite, qui est celle par laquelle ou reçoit et on entend les choses spirituelles, les inspirations et bons mouvemens, et vous luy avez laissé la senestre de laquelle on entend les choses mondaines et Vaines.

  A010000415 

 Je finis, car le jour s'en va, et fermeray ce mien discours par une histoire, vous disant toutefois un mot de l'autre partie de l'Evangile.

  A010000415 

 La fille estant enlevée fut deshonnorée par le prince Sichem; dequoy il y eut grand bruit parce que le roy Hemor et son fils estoyent d'une autre nation que Dina..

  A010000415 

 La voyla qui se promene toute seule par cette grande ville de Sichem, considerant de tous costés ses merveilles et singularités.

  A010000415 

 Le predicateur qui a fait [157] aujourd'huy le grand sermon a commencé sa predication par un trait admirable que je ne lairray pas de vous rapporter, car c'est un mets bien propre pour servir à deux tables et il le sera aussi à conclure mon exhortation.

  A010000417 

 On leur dit que Jacob estoit d'une bonne nation, qu'il se joindroit à eux avec son peuple et que par consequent ils se fortifieroyent l'un l'autre, qu'il avoit beaucoup de troupeaux; en somme, on representa tant de choses que tous s'accorderent de se sousmettre à cette circoncision.

  A010000419 

 Il pouvoit asseurement satisfaire à la justice divine pour tous nos pechés par un seul souspir de son sacré cœur, mais il n'auroit pas contenté son amour qui vouloit qu'en prenant le nom de Sauveur il donnast son sang pour arrhes de celuy qu'il vouloit respandre pour nostre redemption.

  A010000419 

 Le nom de Sauveur luy a esté justement donné en ce jour, car il n'y a point de redemption sans effusion de sang et point de salut sans redemption, personne ne pouvant entrer au Ciel que par cette porte.

  A010000419 

 Mais achevons en disant un mot du nom qui fut imposé à Nostre Seigneur, et nous fermerons tout cecy par une autre histoire.

  A010000420 

 Le premier est celuy de souverain Estre, qui luy tellement reservé qu'il ne se peut attribuer à pas un autre; en ce nom il se connoist luy mesme par luy mesme.

  A010000420 

 Le second est celuy de Createur qui ne peut estre aussi donné qu'à luy, car nul n'est createur que luy; en ce nom il se connoist soy mesme par soy mesme, mais il se connoist encores en ses creatures.

  A010000420 

 Nous portons à cette heure le nom de Christ, à sçavoir Chrestien, et nous sommes tous oints par les Sacremens que nous recevons; quand nous serons au Ciel nous porterons celuy du Sauveur, d'autant que là nous jouirons tous du salut et nous serons tous des sauvés.

  A010000421 

 Mais comment faut-il prononcer ce nom sacré de Jesus à fin qu'il nous soit utile et profitable? C'est ce que je vous vay dire et monstrer par une histoire avec laquelle je finis.

  A010000421 

 Nostre Seigneur nous monstre comme il le faut repeter lors qu'en le prenant il donne son sang, car il tesmoigne par là qu'il est prest à faire ce que ce saint nom signifie, à sçavoir sauver les hommes.

  A010000422 

 Il est rapporté dans le Livre des Juges que Jephté, grand capitaine, remporta la victoire contre les Ammonites par le vœu qu'il fit au Seigneur.

  A010000423 

 Bienheureux seront ceux qui le prononceront devotement et avec un tres profond ressentiment de ce que le Sauveur nous a rachetés par son sang et par sa Passion, car ceux qui le nommeront bien en ce temps là seront sauvés; comme au contraire ceux qui ne le diront pas bien et qui le prononceront laschement et delicatement seront damnés et massacrés.

  A010000423 

 C'est un nom par dessus tout nom, il est tout divin, tout doux et suave; c'est un baume respandu, propre à guerir toutes les playes de nos ames.

  A010000423 

 O que nous serons heureux si à l'heure de la mort et encor pendant nostre vie nous prononçons bien le sacré nom du Sauveur, car il sera comme le mot du guet par lequel nous aurons l'entrée libre au Ciel, parce que c'est le nom de nostre redemption.

  A010000427 

 Le second nom est celuy de la Purification de la Vierge, parce que la Loy ordonnoit que les femmes iroyent au Temple quarante jours apres leur accouchement pour se purifier, et qu'elles apporteroyent deux animaux pour offrande (les deux tourterelles offertes par la Vierge sacrée estoyent un signe et tesmoignage de sa purification); ou, comme disent quelques autres, la feste du Rencontre, parce qu'en ce jour les differentes sortes de gens qui sont en l'Eglise de Dieu se rencontrerent quasi toutes au Temple.

  A010000428 

 Cette offrande nous est merveilleusement bien representée par les ceremonies que l'on fait aujourd'hy en l'Eglise; car la procession avec les cierges allumés nous rappelle cette divine procession de Vierge, quand elle alla au Temple portant entre ses bras son Fils, qui est la lumiere du monde.

  A010000429 

 Ce mystere nous est bien representé par les cierges que nous portons à ce jour, auxquels se trouvent trois natures fort differentes l'une de l'autre, qui neanmoins sont tellement jointes et unies par ensemble qu'elles ne [165] font qu'un cierge: à sçavoir, la nature du feu, la nature de la meche ou luminon, et celle de la cire.

  A010000429 

 Il existe mesme une telle liaison entre ces deux natures que les attributs, louanges et eloges que l'on donne à l'une sont aussi donnés à l'autre; en sorte que nous disons que par cette jonction Dieu s'est fait homme et l'homme a esté fait Dieu.

  A010000430 

 Dieu fait sa demeure en soy, son centre n'estant autre que luy mesme; aussi, lors qu'il a voulu se communiquer à l'homme il est sorti de soy mesme: il a fait comme un effort, il a esté comme en ravissement et en extase par laquelle il est sorti de soy pour se communiquer à sa creature; mais il n'eust peu demeurer en terre ni estre veu des hommes s'il ne se fust attaché à une nature qui luy servist en quelque façon de matiere pour le retenir.

  A010000430 

 Le feu est une lumiere qui esclaire; la Divinité est une lumiere qui esclaire les tenebres, mais ce qui est davantage, sa lumiere est si lumineuse et esclattante qu'elle en est toute tenebreuse et obscure, en sorte qu'elle ne peut estre regardée ni apperceuë en cette vie que par des ombres et figures.

  A010000430 

 Le feu fait sa demeure en la troisiesme region de l'air, il parpille tousjours en haut et jette ses estincelles contremont, et si l'on ne l'attachoit à quelque matiere on ne le pourroit retenir en terre; nous ne le voyons pas tel qu'il est en la region qui luy est propre, car il est au dessus de l'air, et bien qu'il soit chaud il ne nous brusle pas parce que sa chaleur est mitigée par l'air.

  A010000431 

 En cette vie, l'ame sans le corps est bien ce qu'elle est, par maniere de dire, mais elle est tout obscure, et ne peut faire paroistre ses passions et mouvemens, ses discours et pensées que par les organes, membres et sens d'iceluy.

  A010000431 

 L'homme est donc en quelque façon double, et tout ainsy que le corps a besoin d'estre uni à l'ame pour devenir lumineux, aussi l'ame, par une certaine correspondance, recherche cette union qui luy est necessaire; de mesme que le luminon a besoin d'estre uni à la cire pour esclairer, et qu'il faut esgalement que la cire soit jointe au luminon ou à la meche pour rendre de la clarté.

  A010000431 

 La nature du luminon est sans doute plus noble que celle de la cire, car les luminons sont faits pour l'ordinaire de coton, lequel croist sur des arbres grandement hauts; au contraire, chacun sçait que la cire est recueillie comme le miel par les avettes dans les fleurs qui mi sur la terre.

  A010000431 

 Or, quoy que, [167] comme nous l'avons dit, la nature de la cire et celle du luminon soyent bien differentes l'une de l'autre, l'une venant de la terre et estant façonnée par les avettes, l'autre croissant sur de grans arbres sans avoir besoin de l'industrie d'aucune creature pour le façonner, ayant esté fait tel qu'il est par le Createur mesme, neanmoins ces deux natures sont tellement unies et meslangées l'une dans l'autre ès cierges que nous portons, qu'elles ne font qu'un seul cierge, ce qui certes est admirable..

  A010000432 

 Le sacré corps de Nostre Seigneur ne fut pas spirituel, non plus que ceux des autres hommes, bien qu'il fust plus noble et excellent que les nostres, n'ayant point esté conceu par œuvre d'homme, mais du Saint Esprit, lequel print pour le former le plus pur sang de la Vierge; de sorte qu'en verité ce corps est esgal aux nostres quant à la substance.

  A010000432 

 Mais sa tres sainte ame fut creée par Dieu, qui au mesme instant de sa creation, la respandit dans ce corps formé par la vertu du Saint Esprit; et dès lors ces deux substances de l'ame et du corps demeurerent tellement jointes et unies ensemble qu'elles ne firent qu'une seule nature parfaite..

  A010000432 

 Or, bien que l'ame et le corps soyent si differens l'un de l'autre, ils ne font neanmoins qu'une personne que nous appelions homme; voire mesme ils viennent à faire un tel meslange par cette union et jonction, que nous parlons des deux comme s'il n'y en avoit qu'un; tout ainsy que quand on parle de la bonté, beauté, ou telle autre qualité du cierge on ne distingue pas la cire ni le luminon, ains on dit seulement et en un mot: Ce cierge est beau ou bon, parlant des deux natures qui se trouvent en luy comme s'il n'y en avoit qu'une seule.

  A010000433 

 Cecy nous est grandement bien representé par la subtilité avec laquelle le feu se prend au luminon et à la cire, car bien qu'il s'attache en premier lieu au luminon, il se trouve cependant au mesme instant uni à la cire..

  A010000433 

 Le feu estant mis au cierge pour l'allumer, il se prend [168] plus tost au luminon qu'à la cire; peut estre est-ce parce sa nature est plus noble que celle de la cire, et par consequent plus propre à se joindre la premiere à celledu feu.

  A010000433 

 Mais quand je dis qu'il commença premierement à se joindre à son ame, representée par le luminon, il ne le faudroit pas entendre en telle sorte que nous voulant esclaircir sur ce mystere de l'Incarnation, nous nous trompassions nous mesmes.

  A010000435 

 Tout le monde est en un estonnement nompareil de voir que cette tres sainte Dame se soit voulu assujettir à la loy de la Purification, elle qui estoit vierge, et qui par consequent n'en avoit point besoin.

  A010000435 

 Voyla pourquoy, par un privilege tout particulier, cette sacrée Vierge fut, par la grace divine, conceuë sans aucun peché: elle estoit donques tres pure dès sa conception et demeura pure en l'Incarnation, car ayant conceu par l'obombration du Saint Esprit elle demeura vierge en son enfantement et apres iceluy..

  A010000436 

 Comme est-ce donques que cette tres sainte Dame, estant toute pure et sans macule, a voulu aller au Temple pour se purifier comme les autres femmes, veu que, outre [170] tout cela, cette loy n'estoit pas une loy generale, ains seulement legale, instituée par Moyse? Il y a mille et mille raysons de cecy chez les anciens Peres, c'est à dire chez les anciens Docteurs; mais nous en trouvons en la Genese desquelles je me serviray pour vous monstrer pourquoy la sacrée Vierge, n'estant point obligée à la loy de la purification, s'y est neanmoins voulu assujettir..

  A010000437 

 Je vous diray donques briefvement l'histoire de la cheute de nos premiers pere et mere, Adam et Eve; elle ne sera pas hors de propos, puisque Nostre Seigneur, dont il est fait mention en cette feste, est appellé le nouvel Adam, qui est venu pour reparer la faute du premier, et par son obeissance satisfaire à la desobeissance d'iceluy, et que Nostre Dame est nommée la nouvelle Eve.

  A010000437 

 Or, il est escrit que Dieu avoit creé l'homme et la femme en la justice originelle, ce qui les rendoit extremement beaux et tellement capables de la grace qu'il n'y avoit point en eux de peché, ni par consequent fin rebellion de la chair à l'esprit.

  A010000438 

 Or Satan, cet esprit malin qui avoit tresbuché du Ciel par une desobeissance procedante de son amour propre et de sa propre estime, considerant la beauté de la nature humaine s'advisa d'essayer de la faire descheoir de cette justice originelle qui la rendoit si belle et aggreable; et comme l'amour propre et l'estime de soy avoyent causé sa desobeissance et par consequent sa perdition, il presenta la mesme tentation à nos premiers parens pour voir si, moyennant ses ruses, cet amour propre et vaine estime auroyent autant de prise sur eux comme ils en avoyent [171] eu sur luy.

  A010000439 

 C'est à quoy tendoit en premier lieu sa tentation, que de faire faire cette responce à Eve, car par icelle, elle tesmoignoit du degoust [172] et de la haine, comme si elle disoit: Il ne nous a pas seulement defendu d'en manger, ains encor de le toucher, et par consequent de le regarder, ce qui est une chose bien estrange et severe.

  A010000439 

 Remarquez, je vous en prie, combien cette tentation s'accroist par la responce d'Eve: Nous mangeons bien, dit-elle, de tous les fruits, mais pour celuy de science, il nous a defendu d'en manger et de le toucher; et vous me demandez pourquoy? C'est, adjouste-t-elle, de peur que nous ne mourions.

  A010000440 

 Or, nous voyons aussi que tous ces miserables qui se perdent en se retirans de l'Eglise passent par ce degoust et cette haine des commandemens; car Dieu a ordonné que les prestres et les ecclesiastiques garderoyent inviolablement la chasteté et virginité, et le diable est venu demander: Pourquoy a-t-on fait ce commandement? Et, voyla qu'il parvient à le faire haïr et persuader à plusieurs de se retirer de l'Eglise pour avoir la liberté de ne le pas observer.

  A010000444 

 Aussi ne leur enjoignit-il point cela; mais le malin esprit le dit par mespris de Dieu et à dessein de le faire mespriser par Eve.

  A010000444 

 Ce qu'elle dit comme par mespris de Dieu.

  A010000445 

 Oh! il ne faut pas aller d'une extremité à l'autre, ains marcher par le milieu, sans choisir ce que l'on ayme..

  A010000447 

 O que bienheureux fut ce glorieux saint Ignace qui fut pris de Nostre Seigneur et donné pour exemple aux Apostres! Que doux et pretieux fut ce bayser! Que de paroles sacrées et secrettes il dit à ce bien heureux enfant quand il le baysa! Qu'il fut heureux de se laisser porter et manier par le Sauveur, lequel pour recompense grava son nom sacré au fond de son cœur..

  A010000448 

 Or dites-moy, je vous prie, lequel estimez-vous estre le plus heureux, ou saint Ignace qui fut porté entre les bras de Nostre Seigneur, ou saint Simeon le juste qui le porta entre les siens? Dites-moy ce que vous aymeriez le mieux, ou d'estre portées par ce cher Sauveur comme saint Ignace, ou de le porter entre vos bras comme fit Simeon? Certes, tous deux sont bien heureux, et saint Ignace d'estre manié et porté non point où il veut mais où il plaist à Nostre Seigneur, et saint Simeon de porter entre ses bras Celuy qui luy causa tant de contentement qu'il respandit sur ce divin Seigneur une abondance de larmes de douceur et de consolation.

  A010000449 

 Le grand saint Ignace fut bien heureux d'estre porté entre les bras du Sauveur et de ne plus marcher sur ses pieds mais sur les siens, puisque celuy qui est porté ne marche pas sur ses pieds ains sur ceux de celuy par lequel il est porté.

  A010000449 

 Mais pour cheminer asseurement en celles-cy selon les affections divines, il faut estre simple et veritable à les descouvrir, et suivre la direction que l'on nous donne là dessus; par ce moyen nous serons portés par Nostre Seigneur et ne marcherons plus sur nos propres affections ains sur celles de Dieu..

  A010000450 

 Je trouve deux façons par lesquelles on le porte, et j'auray bien tost fait.

  A010000451 

 O que nous serons heureux si nous nous laissons bien porter par ce cher Seigneur, et si nous le portons sur nos espaules comme saint Christophe, et entre nos bras comme saint Simeon, nous abandonnant tout à luy pour nous laisser conduire comme il luy plaira! Remettez-vous donc entierement entre les bras de sa divine Providence, sousmettez-vous à ce qui est de sa loy et vous disposez à endurer toutes les peines qui vous pourront arriver en cette vie; ce faisant, les choses les plus dures et penibles vous seront rendues douces et suaves, et vous participerez au bonheur de saint Simeon et de saint Ignace.

  A010000458 

 C'est pourquoy nostre divin Maistre, qui a institué le jeusne, a bien voulu dans son sermon sur la montagne apprendre à ses Apostres comme il le failloit prattiquer, ce qui est d'un grand proffit et utilité (car il n'eust point esté seant à la grandeur et majesté de Dieu d'enseigner une doctrine inutile, cela ne se pouvoit faire); mais sçachant que pour tirer la force et l'efficace du jeusne il failloit observer autre chose que de s'abstenir des viandes prohibées, il les instruit, et par consequent les dispose à recueillir les fruits propres du jeusne, qui sont plusieurs, et entre tous les autres ces quatre icy: le jeusne fortifie l'esprit, mortifiant la chair et sa sensualité; il esleve l'ame en Dieu; il abat la concupiscence et donne force pour vaincre et amortir ses passions; en fin il dispose le cœur à ne chercher qu'à plaire purement à Dieu.

  A010000460 

 Combien de pechés sont entrés en l'ame par les yeux, que la Sainte Escriture marque pour la concupiscence de la veuë? C'est pourquoy il les faut faire jeusner, les portant bas et ne leur permettant pas de regarder des objets frivoles et illicites; les oreilles, les privant d'entendre les discours vains qui ne servent qu'à remplir l'esprit d'images mondaines; la langue, en ne disant point des paroles oyseuses et qui ressentent le monde ou les choses d'iceluy.

  A010000460 

 Il dit donques que le jeusne a esté institué de Nostre Seigneur pour remede à nostre bouche, à nostre gourmandise et à nostre gloutonie; car pour ce que le peché est entré au monde par la bouche, il faut aussi que ce soit la bouche qui fasse penitence par la privation des viandes prohibées et defendues par l'Eglise, s'abstenant d'icelles l'espace de quarante jours.

  A010000460 

 Mais, adjouste ce glorieux Saint, comme ce n'est pas nostre bouche seule qui a peché, ains encor tous nos autres sens, il est requis que nostre jeusne soit general et entier, c'est à dire que nous fassions jeusner tous les membres de nostre corps; car si nous avons offensé Dieu par les yeux, par les oreilles, par la langue et par nos autres sens, pourquoy ne les ferons-nous pas jeusner? Et non seulement il faut faire jeusner les sens du corps, ains aussi les puissances et passions de l'ame, ouy mesme l'entendement, la memoire et la volonté, d'autant que l'homme a peché par le corps et par l'esprit.

  A010000460 

 On doit aussi retrancher les discours inutiles de l'entendement, ainsy que les vaines representations de nostre memoire, les appetits et desirs superflus de nostre volonté, en somme luy tenir la bride à ce qu'elle n'ayme ni ne tende qu'au souverain Bien; et par ce moyen nous accompagnerons le jeusne exterieur de l'interieur..

  A010000461 

 Et en ce premier jour elle nous addresse ces paroles: «Souviens-toy, o homme, que tu es cendre et que tu retourneras en cendre;» comme si elle nous vouloit dire: O homme, quitte à cette heure toutes les joyes et liesses, toutes les considerations joyeuses et plaisantes, et remplis ta memoire de pensées ameres, aspres et douloureuses, faisant par telles cogitations jeusner l'esprit avec le corps..

  A010000462 

 Il est donques raysonnable, pour rendre nostre jeusne entier et meritoire, [184] qu'il soit universel, c'est à dire prattiqué par le corps et par l'esprit.

  A010000462 

 Ils prattiquoyent en ce temps de grandes et aspres penitences par lesquelles ils matoyent leur corps et faisoyent jeusner tous les membres d'iceluy, et cela d'une franche liberté, non point forcée ni contrainte.

  A010000462 

 Voyla comme leur jeusne estoit accompli d'un cœur entier et general; car ils sçavoyent bien que puisque ce n'est pas la bouche seulement qui a peché, mais encores tous les autres sens de nostre corps et puissances de nostre ame, ses passions et appetits se sont par consequent trouvés remplis d'iniquités.

  A010000463 

 Or, comme d'apres l'Apostre, tout ce qui se luit sans la charité n'est point aggreé de Dieu, aussi dis je de mesme avec ce grand Saint, que si vous jeusnez sans humilité vostre jeusne ne vaudra rien; car si vous n'avez l'humilité vous n'avez pas la charité, et si vous estes sans charité vous estes aussi sans humilité, d'autant qu'il est presqu'impossible d'avoir la charité sans estre humble et d'estre humble sans avoir la charité, ces deux [185] vertus ayans une telle sympathie et convenance par ensemble qu'elles ne peuvent jamais aller l'une sans l'autre..

  A010000463 

 Ouand vous vous disciplineriez, quand vous feriez de fraudes prieres et oraisons, si vous n'avez la charité cela n'est rien; quand mesme vous opereriez des miracles, si vous n'avez la charité ils ne vous profiteront point; voire si vous souffriez le martyre sans la charité, vostre martyre ne vaudroit rien et ne seroit point meritoire aux yeux de la divine Majesté; car toutes les œuvres, petites ou grandes, pour bonnes qu'elles soyent en elles mesmes, ne valent et ne nous profitent point si elles ne sont faites en la charité et par la charité.

  A010000463 

 Voicy le Caresme qui approche; preparez vous à jeusner avec charité, car si vostre jeusne est fait sans icelle, il sera vain et inutile, d'autant que le jeusne, comme toutes les autres bonnes œuvres, s'il n'est pas fait en charité et par la charité n'est point aggreé de Dieu.

  A010000464 

 Et qu'est-ce que jeusner par sa propre volonté? C'est jeusner comme on veut, et non point comme les autres veulent; jeusner en la façon qui nous plaist, et non point comme on nous l'ordonne et conseille.

  A010000464 

 Jeusner par vanité c'est jeusner par sa propre volonté, d'autant que cette propre volonté n'est point sans vanité, ou du moins sans tentation de vanité.

  A010000464 

 Mais qu'est-ce jeusner par humilité? C'est ne point jeusner pour la vanité.

  A010000464 

 Qui fait cela sinon la vanité et la propre volonté? car tout ce qui vient de nous nous semble estre meilleur, et nous est beaucoup plus aysé et facile que ce qui nous est enjoint par autruy, quoy que plus utile et propre pour nostre perfection.

  A010000465 

 Vous trouverez des femmes qui veulent jeusner tous les samedis de l'année et non le Caresme; elles veulent jeusner à l'honneur de Nostre Dame et non à celuy de Nostre Seigneur, comme si Nostre Seigneur et Nostre Dame ne tenoyent pas rendu à l'un le culte qui est deferé à l'autre, et qu'en honnorant le Fils par le jeusne fait à son intention l'on ne contentast pas [186] la Mere, ou qu'en honnorant la Vierge l'on n'aggreast pas au Sauveur.

  A010000466 

 Ces gens ne jeusnent point par humilité ains par vanité; ils ne reconnoissent pas qu'estans foibles et infirmes, ils feroyent beaucoup plus pour Dieu de ne pas jeusner par le commandement d'autruy et de se servir des viandes qui leur sont ordonnées, que de vouloir s'en abstenir par leur propre volonté; car si bien, à cause de leur foiblesse, leur bouche ne peut faire abstinence, il faut qu'ils fassent [187] jeusner les autres sens du corps et les passions et puissances de l'ame..

  A010000467 

 Nostre divin Maistre n'entend pas par cecy que nous ne nous devons point soucier de l'edification du prochain; o non, car saint Paul dit: Que vostre modestie soit manifeste à tous.

  A010000468 

 Car quoy que le jeusne et les autres penitences soyent bonnes et louables, si est ce neanmoins que n'estans pas pratiquées par ceux avec lesquels vous vivez, il y auroit de la singularité et partant de la vanité, ou du moins quelque tentation de vous surestimer par dessus ceux qui ne font point comme vous, et cela par une certaine complaisance en vous mesmes, comme si vous estiez plus saints qu'eux en faisant de telles choses.

  A010000468 

 Le glorieux saint Augustin, en la Regle qu'il a escrite pour ses Religieux, et encores en celle de ses Religieuses (car il les a dressées toutes deux, et l'une apres l'autre), ordonne qu'on suive la communauté autant qu'il se peut, comme voulant dire: Ne soyez pas plus vertueux que les autres, ne veuillez pas faire plus de jeusnes, plus d'austerités, de mortifications qu'il ne vous en est ordonné; faites seulement ce que les autres font et ce qui vous est commandé par vos Regles, selon la maniere [188] de vivre que vous tenez, et vous contentez.

  A010000468 

 Que les forts et robustes mangent ce qui leur est donné, gardent les jeusnes et austerités qui sont marqués, et qu'ils se contentent de cela; que les foibles et infirmes reçoivent ce qui leur est presenté pour leur infirmité, sans vouloir faire ce que font les robustes; et que les uns et les autres ne s'amusent point à regarder ce que celuy cy mange et ce que celuy là ne mange pas, ains que chacun demeure satisfait de ce qu'il a et de ce qui luy est donné: par ce moyen vous eviterez la vanité et particularité..

  A010000469 

 Dieu luy inspira cette retraitte si extraordinaire à fin de rendre recommandables les deserts qui estoyent pour lors inhabités et qui par apres devoyent estre habités par tant de si saints Peres; mais ce n'estoit pourtant pas à fin que chacun suivist saint Paul, ains seulement pour qu'il fust un mirouer et prodige de vertus, digne d'estre admiré et non imité de tous.

  A010000469 

 Oh! que l'on ne m'apporte point cela, car ce qu'a fait saint Paul a esté par une inspiration particuliere, laquelle Dieu veut estre admirée mais non Imitée de tous.

  A010000469 

 Que l'on ne me rapporte point non plus un saint Simeon Stylite lequel demeura quarante quatre ans sur une colonne, luisant chaque jour deux cens actes d'adoration par des [189] genuflexions; car il agissoit de la sorte, aussi bien que saint Paul, par une inspiration toute particuliere, Dieu voulant faire voir en iceluy un miracle de sainteté, et comment les hommes sont appellés et peuvent mener en ce monde une vie toute celeste et angelique..

  A010000470 

 L'araignée ourdit sa toile à la veue de tout le monde et jamais en secret; elle la va filant par les vergers, d'arbre en arbre, dans les maisons, aux fenestres, aux planchers, en somme sous les yeux de tous: elle ressemble en cela aux vains et hypocrites qui font toutes choses pour estre veus et admirés des hommes; aussi leurs œuvres ne sont-elles que des toiles d'araignées, propres à estre jettées dans le feu d'enfer.

  A010000472 

 Ces bons Religieux ne penserent donques rien de celuy qui estendoit ainsy ses deux nattes; mais saint Pacome, qui estoit son Superieur et à qui seul il appartenoit d'examiner le mouvement qui le poussoit, entra un peu en consideration sur cette action; et comme Dieu donne tousjours sa lumiere à ceux qui le servent, il luy fit connoistre que ce Frere estoit conduit par un esprit de vanité et de complaisance pour ses deux nattes, et qu'il avoit fait cela à fin que luy et tous les autres Peres vissent qu'il avoit bien travaillé ce jour-là.

  A010000472 

 Or, leur occupation plus ordinaire estoit de tresser des nattes et chacun en devoit faire une par jour; le Frere dont nous parlons en ayant fait deux pensoit pour cela estre plus vaillant que les autres, c'est pourquoy il les vint estendre au soleil devant tous à ce qu'on le conneust.

  A010000472 

 Voyez-vous, ces anciens Religieux gaignoyent leur vie du travail de leurs mains, ils s'employoient non point à ce qu'ils vouloyent ou aymoyent, mais ouy bien à ce qu'on leur ordonnoit; ils exerçoyent leur corps par letravail manuel, et l'esprit par la priere et oraison, joignant ainsy l'action avec la contemplation.

  A010000475 

 Chacun scait qu'il est ordonné en expiation du peché de nostre premier pere Adam, lequel prevariqua en rompant le jeusne qui luy estoit enjoint par la defense de manger du fruit de l'arbre de science; pour ce, il faut que la bouche fasse penitence en s'abstenant des viandes prohibées.

  A010000476 

 Laissons donques cela, et voyons plustost, par trois exemples que je vous rapporteray, combien c'est une chose dangereuse de vouloir faire les discrets sur les commandemens de Dieu ou de nos Superieurs.

  A010000478 

 Celuy cy estant un jour sorti de son monastere pour quelque affaire qu'il avoit dans la grande abbaye de son Ordre, où vivoyent trois mille moines, recommanda à ses Freres d'avoir soin de quelques petits Religieux qui estoyent venus à luy par une particuliere inspiration.

  A010000478 

 Comme la sainteté de ces Peres du desert s'estoit espanchée par tout, de pauvres jeunes enfans y accouroyent et prioyent le Saint de les recevoir en leur maniere de vivre.

  A010000480 

 La seconde condition est que vous n'accomplissiez pas vostre jeusne ni vos œuvres pour les yeux des hommes, et la troisiesme, que vous fassiez toutes vos actions, et par consequent vostre jeusne, pour plaire à Dieu seul, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000491 

 Ainsy que les Evangelistes nous racontent, il fut conduit par l'Esprit au desert pour estre tenté; sur lequel mystere je tireray des documens pour nostre instruction particuliere, le plus familierement qu'il me sera possible..

  A010000492 

 C'est pourquoy les Evangelistes disent que Nostre Seigneur fut conduit par l'Esprit au desert pour estre tenté; ce ne fut donques point par son choix (je dis quant à sa nature humaine) qu'il alla au lieu de la tentation, ains porté par l'obeissance qu'il devoit à son Pere celeste..

  A010000493 

 Bref, qu'elle y pensast ou non, ce jeune prince David commençant à laisser jouer ses yeux la regarda, et par apres perit en la tentation qu'il avoit recherchée par son oysiveté et faineantise.

  A010000493 

 Se tenant ainsy dans la faineantise il fut surmonté par la tentation; car Bethsabée, cette dame inconsiderée, vint se laver et baigner en un lieu où elle pouvoit estre veuë de la galerie du Roy.

  A010000494 

 Au contraire, le jeune prince Joseph, qui fut par apres vice roy d'Egypte, ne rechercha nullement la tentation, de sorte que la rencontrant il ne perit point en icelle.

  A010000494 

 Il fut vendu par ses freres, et la femme de son maistre le porta dans le peril; mais luy, qui n'avoit jamais mignardé ni regardé les doux yeux de sa maistresse, resista genereusement à ses assauts et demeura vainqueur, triomphant ainsy et de la tentation et de celle-là mesme qui la luy donnoit.

  A010000494 

 Si nous sommes conduits par l'Esprit de Dieu au lieu de la tentation ne craignons point, ains [197] tenons-nous asseurés qu'il nous rendra victorieux; mais ne la recherchons pas, ni ne l'allons point agacer, pour saints et genereux que nous pensions estre, car nous ne sommes pas plus vaillans que David ou que nostre divin Maistre mesme qui ne la voulut point chercher.

  A010000495 

 Ils n'ont pas si tost fait leur dessein que la tentation les attaque, ainsy que dit saint Pierre: Qui vous a tentés de mentir au Saint Esprit? Et le grand Apostre saint Paul, dès qu'il se fut donné au service divin et rangé du parti du Christianisme, le voyla tout incontinent tenté pour le reste de sa vie, luy qui tandis qu'il estoit ennemy de Dieu et qu'il persecutoit les Chrestiens n'avoit jamais senti les atteintes d'aucune tentation; au moins ne nous en tesmoigne-t-il rien par ses escrits, ains seulement dès qu'il fut converti par Nostre Seigneur..

  A010000498 

 Non, n' allons point de nous mesmes au devant de la tentation par aucune presomption d'esprit, ains seulement repoussons-la quand Dieu permet qu'elle nous attaque et qu'elle nous vienne chercher où.

  A010000499 

 Nous autres, au contraire, si bien par la grace de Dieu nous ne consentons pas aux tentations et evitons la coulpe et le peché en icelles, nous demeurons neanmoins pour l'ordinaire un peu blessés de quelque importunité, trouble ou esmotion qu'elles produisent en nostre cœur.

  A010000499 

 Tout de mesme qu'un homme qui seroit vestu du haut en bas de fin acier ne pourroit en façon quelconque estre offencé par les coups de pique, d'autant qu'elle glisseroit de part et d'autre sans seulement esgratigner les armes; ainsy la tentation pouvoit bien environner Nostre Seigneur, mais non jamais entrer en luy ni faire aucune lesion à son integrité et à sa parfaite pureté.

  A010000501 

 Ne vous estonnez donques point, et ne faites pas comme les paresseux qui se troublent quand ils se resveillent la nuit par l'apprehension que le jour viendra bien tost auquel il faudra travailler.

  A010000502 

 Saint Thomas s'esmerveilloit grandement dequoy les plus grans pecheurs s'en alloyent par les rues, rians et joyeux comme si leurs pechés ne leur pesoyent point sur la conscience.

  A010000505 

 Et tout incontinent son bon Maistre luy tendit la main, et par tel moyen le garantit du Bailliage.

  A010000507 

 C'est ce qui arriva au pauvre saint Pierre, lequel estant encores fort enfant en la vie spirituelle, fit cet acte de generosité dont je parlois tantost; mais il en fit encores un autre par apres qui luy cousta cher: ce fut lors que Nostre Seigneur annonçoit à ses Apostres comment il devoit souffrir la mort.

  A010000510 

 Nous eussions bien eu de l'espouvante, car le diable y vint tout à descouvert; il ne fit pas avec Nostre Seigneur comme avec saint Pacome ou avec saint Antoine, lesquels il effraya par des bruits et tintamarres qu'il fit autour d'eux, faisant fendre le ciel et la terre devant leurs yeux pour les faire craindre et fremir comme des enfans.

  A010000511 

 Helas, disent ces jeunes apprentifs de la perfection, que ferons-nous? Mes passions, que je pensois avoir mortifiées par la fervente resolution que j'avois faite de ne les plus suivre, me tourmentent grandement.

  A010000514 

 Vous devez sçavoir que ceux qui ont une vraye charité ne peuvent souffrir de voir quelque defaut au prochain qu'ils ne taschent de l'arracher par la correction, et sur tout en ceux qu'ils estiment saints ou fort avancés en la perfection, parce qu'ils les croyent plus capables de la recevoir; ils veulent aussi par ce moyen les faire croistre tousjours plus en la connoissance d'eux mesmes qui est si necessaire à un chacun..

  A010000515 

 Ne pensez pas non plus que la Magdeleine eust la jouissance de cette tant aymable contemplation qui la tenoit en un si doux repos avant d'avoir passé par des espineuses difficultés, par la voye d'une aspre penitence et avant d'avoir avalé les amertumes d'une confusion tres grande; car allant chez le Pharisien pour pleurer ses pechés et en obtenir le pardon elle souffrit les murmures que l'on faisoit contre elle, la mesestimant et nommant pecheresse et femme de mauvaise vie.

  A010000515 

 Ne pensez pas non plus vous rendre dignes de recevoir ces divines suavités et consolations, ni d'estre eslevées par les Anges comme elle l'estoit plusieurs fois le jour, si vous ne voulez premierement souffrir avec elle les confusions, les mespris et censures que meritent tres bien nos imperfections, lesquelles nous exerceront de temps à autre, veuillons-nous ou non; car cette regle est generale, que nul ne sera si saint en cette vie qu'il ne soit sujet à en commettre tousjours quelqu'une..

  A010000516 

 Il se faut donques tenir ferme et tranquille en la connoissance de cette verité, si nous voulons que nos [208] imperfections ne nous troublent point par la vaine pretention que nous pourrions avoir de n'en point commettre.

  A010000519 

 Pour moy il m'est advis (et cecy est le cinquiesme document que je vous presente) que ces negociations qui se font dans les tenebres nous representent l'avarice et l'ambition, vices qui font leur trafic en la nuit, c'est à sçavoir par dessous main et en cachette.

  A010000519 

 Saint Bernard remarque par apres quelles sont ces negociations qui se font en la nuit, lesquelles le Psalmiste dit que ceux qui seront armés de la verité ne craindront point.

  A010000520 

 Or, je ne parle pas de ceux qui sont eslevés non pas par leur election mais par leur sousmission l'obeissance qu'ils doivent à Dieu et à leurs Superieurs; car ceux-là n'ont rien à craindre, non plus que Joseph en la maison de Putiphar, parce que si bien ils sont au lieu de la tentation ils n'y periront point.

  A010000520 

 Ou que nous soyons, pourveu que nous y soyons conduits par le Saint Esprit, comme Nostre Seigneur au desert, nous n'aurons rien à redouter..

  A010000520 

 Quant à ce qui est de l'ambition, malheur à ceux qui taschent d'estre promeus aux charges ou superiorités, et [210] qui les obtiennent par leurs poursuites ou les embrassent par leur choix, car ils cherchent la tentation; c'est pourquoy ils periront en icelle, s'ils ne se convertissent et n'usent par apres avec humilité de ce qu'ils ont embrassé avec et par l'esprit de vanité.

  A010000521 

 Je l'ay desja dit fort souvent, mais il faut encores le redire: Dieu n'a pas mis la perfection en la multiplicité des actes que nous ferons pour luy plaire, ains seulement en la methode que nous sentirons en iceux, qui n'est autre que de faire le peu que nous ferons selon nostre vocation, en l'amour, par l'amour et pour l'amour.

  A010000522 

 Ils ne cessent d'estre tousjours en action pour inventer de nouveaux moyens à fin de ramasser toute la sainteté des Saints en une sainteté qu'ils voudroyent avoir; par consequent ils ne sont jamais contens, d'autant qu'ils n'ont pas la force de retenir tout ce qu'ils pretendent embrasser, car qui trop embrasse mal estreint.

  A010000523 

 [212] Cette divine lumiere a tellement esclairé nostre cœur qu'il luy est advis qu'il voit tout à descouvert celuy du Sauveur, lequel distille goutte à goutte une liqueur si suave et un parfum si odoriferant que cela ne peut estre assez estimé par cette amante qui languit tousjours de son amour.

  A010000537 

 Si j'y puis rencontrer, nous marierons ce que je vous en diray à ce qui se passa en l'Evangile entre Nostre Seigneur Chananée; et par ce moyen vous connoistrez les qualités que doit avoir la foy..

  A010000538 

 En nostre homme exterieur, la bonté est convoitée par nostre concupiscence et la beauté est aymée par nos yeux; de mesme prend-il de l'homme interieur à l'esgard des verités de la foy, lesquelles estans bonnes, douces et veritables, sont non seulement aymées et affectionnées par la volonté, ains encores prisées par l'entendement à [215] cause de la beauté qui se trouve en icelles.

  A010000539 

 Cecy se fait par forme d'abstraction.

  A010000539 

 Je dis aymées, car bien que la volonté aye pour objet direct de son amour la bonté, si est-ce que l'entendement luy representant la beauté des verités revelées, elle vient à y descouvrir aussi la bonté, et par consequent elle ayme cette bonté et beauté des mysteres de nostre foy.

  A010000540 

 Tous sont esgaux en cecy, parce que tous doivent croire toutes les verités de la foy, tant celles que Dieu a revelées par luy mesme, que celles qu'il a revelées par son Eglise.

  A010000544 

 Celle cy est excellente, parce qu'estant jointe et unie avec la charité et vivifiée par icelle, elle est forte, ferme et constante, elle fait plusieurs grandes et bonnes operations qui meritent qu'on la loue, disant: O que ta foy est grande! soit fait tout ce que tu veux. [218].

  A010000544 

 On connoist par les operations que fait la charité si la foy est morte ou mourante; quand elle ne produit point de bonnes œuvres nous disons qu'elle est morte, et quand elles sont petites et lentes, qu'elle est mourante.

  A010000546 

 De mesme en est-il de ceux qui ont la foy dormante: ils croyent tous les mysteres en general, mais demandez-leur ce qu'ils en entendent, ils n'en sçavent rien; et leur foy estant ainsy endormie est en grand danger d'estre assaillie et seduite par plusieurs ennemis, et mesme de tomber en de perilleux precipices..

  A010000549 

 Elle employe la prudence pour acquerir ce qui la peut fortifier et augmenter; elle ne se contente pas de croire toutes les verités revelées par Dieu et declarées par [220] l'Eglise, ce qui necessaire pour estre sauvé, mais elle veille pour, de plus en plus, en descouvrir de nouvelles; et non seulement cela, ains aussi les penetre à fin d'en tirer le suc et la moelle dont elle se nourrit, se delecte, s'enrichit et s'aggrandit.

  A010000550 

 [221] Ils monstrent bien par là qu'ils ne travaillent pas pour eux, ains pour l'amour qu'ils portent à leur maistre; car ils employent toute leur prudence non seulement à remplir leur devoir envers iceluy, mais encores à faire tout ce qu'ils descouvrent luy aggreer.

  A010000552 

 Cette foy attentive est tres grande et excellente, car outre qu'elle est vivante et veillante, elle vient, par cette attention, au plus haut point de la perfection.

  A010000552 

 Elle estoit en attention comme un chien qui est attentif ou mis en relay pour guetter la proye qui doit s'eschapper par là; car c'est ainsy que l'on peut interpreter les paroles de saint Marc, qui est un de ses Evangelistes..

  A010000552 

 Nostre Seigneur traversant les confins et frontieres de Tyr et de Sidon, et se voulant cacher pour ne pas manifester sa gloire, il cuyda se retirer dans une mayson à fin de n'estre point veu ou apperceu; car sa renommée allant de jour en jour croissant, il estoit suivi d'une grande multitude de peuple qui estoit attiré par les miracles et œuvres merveilleuses qu'il faisoit.

  A010000553 

 Ceux qui le suivoyent ou qui demeuroyent ès maysons prochaines de celle où il s'estoit retiré, avoyent bien veu et entendu parler des merveilles et des miracles qu'il operoit, par lesquels il confirmoit la doctrine qu'il enseignoit; ils avoyent autant de foy que la Chananée, car une grande partie croyoit de luy ce qui s'en disoit, mais leur foy n'estoit pas si grande que celle de cette femme parce qu'elle n'estoit pas attentive comme la sienne..

  A010000558 

 Mais la Chananée eut une grande confiance quand elle fir sa priere, voire mesme parmi les bourrasques et les tempestes, qui ne furent point suffisantes pour esbranler tant soit peu cette confiance; car elle l'accompagna de de la perseverance par laquelle elle continua fermement à [225] crier: Seigneur, fils de David, ayez pitié de moy.

  A010000562 

 Ciceron, en quelque lieu de ses escrits, mais je ne sçay pas où, dit par forme de proverbe, qu'il n'y a rien qui ennuye tant le voyageur qu'un long chemin quand il est plain, ou un court quand il est tout raboteux et montueux (il ne me souvient pas de ses mesmes mots).

  A010000562 

 Le voyageur, encores qu'il marche par un beau et plain chemin, si est-ce que sa longueur l'ennuye, et quand il voit arriver la nuit il se fasche et s'inquiete; en fin, il prendroit certes plus de playsir que ce chemin fust diversifié de quelque vallée ou colline.

  A010000563 

 Il est vray qu'elle est encores appellée un paradis par ceux qui la comprennent bien; mais aussi la peut-on nommer un martyre, car l'on y martyrise continuellement les fantasies de l'esprit humain, et toutes les propres volontés.

  A010000563 

 Qu'est-ce cecy sinon des bigearreries de l'esprit humain qui n'a point de perseverance en ce qu'il entreprend? C'est pourquoy les mondains, qui vivent selon leurs fantasies, sçavent si bien diversifier les saisons par des passetemps et recreations.

  A010000565 

 C'est encor pour tirer des preuves de nostre patience, la troisiesme vertu qui accompagna la priere de la Chananée; car le Sauveur voyant sa perseverance aussi esprouver sa patience, vertu par laquelle nous conservons, autant qu'il se peut, l'esgalité parmi les inesgalités des accidens de cette vie.

  A010000566 

 Certes, l'on void ordinairement qu'il n'y a rien qui offesse tant que les paroles piquantes et qui sont dites pour mepriser ceux à qui l'on parle, principalement si elles sont dites par des personnes de marque et authorité.

  A010000566 

 Mais comme est-ce donques que se doit entendre que Nostre Seigneur est venu pour les Gentils aussi bien que pour les Juifs? Voyez-vous, c'est que, comme il estoit venu pour marcher sur ses propres pieds parmi les enfans d'Israël, il devoit marcher sur les pieds de ses Apostres parmi les Gentils; il devoit guerir leurs malades non de ses propres mains mais par celles des Apostres, leur prescher sa doctrine mais par la bouche de ses Apostres, retrouver la brebis esgarée mais par le moyen et le labeur de ses Apostres.

  A010000566 

 On a veu des hommes mourir de douleur et desplaysir pour avoir receu des paroles de mespris de leurs princes, quoy qu'elles leur fussent dites par le mouvement ou surprinse de quelque passion.

  A010000567 

 Certes, toutes les vertus sont bien cheres à Dieu, mais l'humilité luy plaist par dessus toutes, et semble qu'il ne luy peut rien refuser.

  A010000568 

 Or sus, relevons donques nostre foy et la vivifions par le moyen de la charité et des prattiques et bonnes œuvres faites en charité.

  A010000568 

 Veillons soigneusement à la conserver et aggrandir tant par la consideration attentive des mysteres qu'elle nous enseigne que par l'exercice des vertus dont nous avons parlé, particulierement de l'humilité, par laquelle la Chananée a obtenu tout ce qu'elle desiroit.

  A010000588 

 La mere donques luy voulant enseigner toutes ces choses, l'on devale une lampe ou la petite lumiere de quelque chandelle, par le moyen de laquelle elle tasche tant qu'elle peut de luy faire comprendre la beauté d'un jour bien esclairé.

  A010000591 

 Mais avant que de le vous proposer il est necessaire que je leve de vos esprits quelques dificultés qui vous pourroyent empescher de bien entendre ce que je diray par apres; et je le fais d'autant plus volontiers que je desire que ce point soit bien masché, consideré compris..

  A010000594 

 Par exemple, nostre entendement verra, considerera et entendra non seulement une chose à la fois, ains plusieurs ensemble; nous aurons plusieurs attentions, sans que l'une nuise à l'autre.

  A010000598 

 Si en ce monde l'on estime bien heureux un esprit qui peut avoir plusieurs attentions à la fois, ainsy que le tesmoignent les louanges que l'on donne à celuy qui pouvoit estre attentif à sept choses en mesme temps, ou bien à ce valeureux capitaine de ce qu'il connoissoit cent ou cinquante mille soldats qu'il avoit sous sa charge, un chacun par leur nom, combien nos esprits seront-ils estimés bien heureux en cette beatitude où ils pourront avoir tant de diverses attentions! Mais, mon Dieu, que pourrions-nous dire de cette indicible felicité qui est eternelle, invariable, constante, permanente, et pour parler comme les anciens François, sempiternelle?.

  A010000599 

 Je ne parleray pas non plus de l'eternité de cette gloire des Saints, mais seulement d'une certaine gloire accidentelle qu'ils reçoivent en la conversation qu'ils ont par ensemble.

  A010000600 

 Mais, mes cheres Sœurs, il faut que vous sçachiez que tous les Bienheureux se connoistront les uns les autres, un chacun par leur nom, ainsy que nous l'entendrons mieux par le recit de l'Evangile, lequel nous fait voir nostre divin Maistre sur le mont de Thabor, accompagné de saint Pierre, saint Jacques et saint Jean.

  A010000600 

 Pendant qu'ils regardoyent le Sauveur qui prioit et estoit en oraison, il se transfigura devant eux, laissant respandre sur son corps une petite partie de la gloire dont il jouissoit continuellement dès l'instant de sa glorieuse conception ès entrailles de Nostre Dame; gloire qu'il retenoit, par un [239] continuel miracle, resserrée et couverte dans la supreme partie de son ame..

  A010000601 

 Tous deux s'entretenoyent avec nostre divin Maistre de l'exces qui devoit arriver en Hierusalem, exces qui n'est autre sinon la mort qu'il devoit souffrir par son amour; et soudain apres cet entretien les Apostres ouyrent la voix du Pere eternel lequel disoit: C'est icy mon Fils bien aymé, escoutez-le..

  A010000604 

 O mes cheres ames, quel bonheur à ce Saint de contempler la Hierusalem celeste en son triomphe, le grand Apostre (je ne dis pas grand de corps, car il estoit petit, rnais grand en eloquence et en sainteté) preschant et entonnant ces louanges qu'il donnera eternellement à la [241] divine Majesté en la gloire! Mais quel exces de consolation pour saint Augustin de voir Nostre Seigneur operer le miracle perpetuel de la felicité des Bienheureux que sa mort nous a acquise! Imaginez-vous, de grace, le divin entretien que ces deux Saints auront l'un avec l'autre, saint Paul disant à saint Augustin: Mon cher frere, ne vous resouvenez-vous point qu'en lisant mon Epistre vous fustes touché d'une inspiration qui vous sollicitoit de vous convertir, inspiration que j'avois obtenue de la divine misericorde de nostre bon Dieu par la priere que je faisois pour vous à mesme temps que vous lisiez ce que j'avois escrit? Cela, mes cheres Sœurs, ne causera-t-il pas une douceur admirable au cœur de nostre saint Pere?.

  A010000605 

 Si cela est ainsy, mes cheres ames, quelles consolations recevrons-nous entrant au Ciel, où nous verrons cette benite face de Nostre Dame toute flamboyante de l'amour de Dieu! Et si sainte Elizabeth demeura si transportée d'ayse et de contentement quand, au jour qu'elle la visita, elle luy ouyt entonner ce divin Cantique du Magnificat, combien nos cœurs et nos esprits tressailliront-ils d'une joye indicible lors qu'ils entendront entonner par cette chantre sacrée le cantique de l'amour eternel! O quelle douce melodie! Sans doute nous pasmerons et entrerons en des ravissemens fort aymables, lesquels ne nous osteront pourtant pas l'usage ni les fonctions de nos puissances qui, par ce divin rencontre que nous ferons de la Sainte Vierge, s'habiliteront [242] merveilleusement pour mieux et plus parfaittement louer et glorifier Dieu, qui luy a fait tant de graces et à nous aussi, nous donnant celle de converser familierement avec elle..

  A010000606 

 Mais, me pourriez-vous demander, s'il est ainsy que vous dites que nous nous entretiendrons avec tous ceux qui sont en la Hierusalem celeste, qu'est-ce que nous dirons? De quoy parlerons-nous? Quel sera le sujet de nostre entretien? O Dieu, mes cheres Soeurs, quel sujet! Celuy des misericordes que le Seigneur nous a faites icy bas, par lesquelles il nous a rendus capables d'entrer en la jouissance d'un bonheur tel que seul il nous suffit.

  A010000608 

 Ces veuës, ces regards, ces considerations particulieres que nous irons faisant sur cet amour sacré, duquel nous aurons esté si cherement et si ardemment aymés par nostre souverain Maistre, enflammeront nos cœurs d'une dilection et d'une ardeur nompareilles.

  A010000611 

 C'est pourquoy ceux cy recevront une felicité et un contentement singulier à parler de cette glorieuse Redemption, par le moyen de laquelle ils auront esté faits semblables aux Anges, ainsy que nostre divin Maistre l'a dit..

  A010000611 

 Quelles divines extases, quels embrassemens amoureux entre la souveraine Majesté et cette chere amante quand Dieu luy donnera ce bayser de paix! Cela sera pourtant ainsy, et non pas avec une amante seule, ains avec un chacun des citoyens celestes, entre lesquels se fera un entretien admirablement aggreable des souffrances, des peines et des tourmens que Nostre Seigneur a endurés pour un chacun de nous durant le cours de sa vie mortelle, entretien qui leur causera une consolation telle que les Anges, au dire de saint Bernard, n'en sont pas capables; car si bien Nostre Seigneur est leur Sauveur et qu'ils ayent esté sauvés par sa mort, il n'est pourtant pas leur Redempteur, d'autant qu'il ne les a pas rachetés, ains seulement les hommes.

  A010000618 

 Les damnés seront contraints de confesser, comme l'escrit saint Denis l'Areopagite, que c'est par leur faute et non par celle de la grace qu'ils ont esté precipités et condamnés aux flammes eternelles, parce qu'ils ont manqué à la grace et non point parce qu'elle leur a manqué; ce qu'ils connoistront fort clairement, et cette connoissance accroistra de beaucoup leurs tourmens..

  A010000619 

 Nostre Seigneur n'avoit pas encores dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; aussi en ce temps-là Dieu favorisoit ses amis en leur faisant part des richesses et commodités temporelles par lesquelles il les obligeoit à le servir..

  A010000620 

 Ce n'est pas que celuy cy n'y fust aussi tenu, mais d'autant que le riche avoit esté favorisé de beaucoup plus de biens que non pas l'autre, il avoit par consequent plus de devoir de servir son Seigneur.

  A010000621 

 Il ne fut pas instruit par le Sauveur mesme et ne vit point ses miracles, car il n'estoit pas des Apostres qui le suivoyent; neanmoins il persevera fidellement et mourut tres saintement.

  A010000621 

 Voyez d'abord comme la vocation et election de Judas estoit advantageuse par dessus celle de saint Mathias; car Judas, le plus meschant homme qui se puisse trouver, fut appellé à l'apostolat de la propre bouche de Nostre Seigneur qui l'appella mille fois par son nom; il fut instruit de luy comme les autres Apostres, il l'entendit parler et prescher, il fut tesmoin des œuvres merveilleuses qu'il faisoit et comment il confirmoit sa doctrine par de tres grans miracles; son cher Maistre luy avoit fait beaucoup de graces singulieres lesquelles saint Mathias ne receut point, car il ne fut pas appellé à l'apostolat par Nostre Seigneur ni de son vivant, ains par les Apostres apres [250] son Ascension, de sorte qu'il vint comme un avorton succeder à ce miserable Judas.

  A010000622 

 Grand sujet de craindre en toutes sortes d'estats et vocations, car par tout il y a du peril!.

  A010000625 

 Il y a par tout à craindre et sujet de se conserver en grande bassesse et humilité.

  A010000627 

 Pour bien entendre cecy il faut que vous sçachiez qu'il y a deux sortes d'avarice: l'une est temporelle, et c'est celle par laquelle on a une avidité d'acquerir les biens, les honneurs et commodités de cette vie; d'où vient que l'on en voit tant dans le monde qui ne pensent et semblent n'avoir autre chose à faire icy bas qu'à amasser des richesses et à mettre mayson sur mayson, pré sur pré, champ sur champ, vigne sur vigne, tresor sur tresor.

  A010000628 

 Hé quoy, dit la prudence humaine, le ciel, la terre et par consequent tout ce qui se trouve en icelle, n'est-il pas fait pour l'homme, et Dieu ne veut-il pas que nous en usions? Il est vray que Dieu a creé le monde pour l'homme avec intention qu'il usast des biens qu'il trouveroit en iceluy, mais non point à fin qu'il en jouist comme si c'estoit sa fin derniere.

  A010000629 

 S'ils prient, s'ils gardent les commandemens ou prattiquent quelques autres bonnes œuvres c'est de crainte que Dieu ne les chastie par quelque desastre ou infortune, ou à fin qu'il leur conserve leurs maysons, leurs champs, leurs vignes, leur femme, leurs enfans desquels ils veulent jouir, se contentant d'user de Dieu pour ce sujet ou tels autres.

  A010000630 

 Il y en a une autre qui serre et ne veut point quitter pour quoy que ce soit ce qu'elle a. Celle cy est grandement dangereuse et se glisse par tout, mesme clans les Religions et dans les choses spirituelles.

  A010000633 

 Or, ce ineschant homme Judas (pour ne parler que de luy et laisser à part le mauvais riche) estoit grandement avaricieux et cupide d'amasser de l'argent, mais non pas seulement ce qui estoit requis pour l'entretenement de Nostre Seigneur et de ses Apostres, car il leur failloit peu de chose, d'autant que le Sauveur establissoit son apostolat sur la pauvreté et qu'il devoit envoyer ses disciples apres luy prescher son Evangile avec commandement de ne porter ni bourse, ni besace, ni baston, ni bourdon, et de n'user d'aucune prevision pour le lendemain, ains de se confier en leur Pere celeste qui les nourriroit par sa providence.

  A010000635 

 Et lequel d'entre les Apostres sera celuy qui trahira son Seigneur? C'est celuy qui garde la bourse et qui pour la remplir d'argent, par ambition et avarice, le vendra et le livrera à la mort..

  A010000635 

 Par ce moyen il cuydoit faire un trait d'un insigne larron et voleur, d'autant qu'ayant receu l'argent des Juifs, il se moqueroit d'eux par apres, puisque son Maistre ne mourroit point.

  A010000637 

 Quelques uns demandent quelle a esté la cause de la cheute de Judas et par où elle a commencé, et c'est icy mon troisiesme point.

  A010000638 

 Advertissemens qui nous doivent faire vivre en grande crainte et humilité en quel lieu et estat que nous soyons, et dresser souvent nos cœurs vers la divine Bonté pour invoquer son secours, faisant le plus d'eslans de nos esprits en Dieu que nous pourrons, souspirant apres luy par frequentes prieres et oraisons..

  A010000638 

 Ayez soin et travaille à fin d'asseurer par bonnes œuvres vostre vocation.

  A010000638 

 Quelques anciens Peres disent que cela peut arriver pour avoir rejetté un advertissement, une inspiration; car quoy que ce rejet ne soit qu'un peché veniel qui ne nous oste pas la grace, neanmoins il en empesche le cours, la ferveur s'amoindrit, on s'affoiblit contre les vices; si qu'aujourd'huy que vous manquez à la grace luy refusant vostre consentement et commettant ce peché veniel, vous vous disposez à en commettre bien tost un autre, et par la multitude des veniels à tomber petit à petit dans les mortels, et par iceux à perdre la grace.

  A010000640 

 De là nous pouvons conclure que la mort entra par ses yeux et que cecy fut la cause de sa cheute, car par les yeux entre la convoitise, et avec icelle toutes sortes de maux.

  A010000641 

 Les Apostres s'estans assemblés par le commandement de Dieu, apres beaucoup de ceremonies en esleurent un autre pour occuper sa place.

  A010000642 

 Il y a un grand danger que delaissant la place que vous aviez en la Religion, vous ne perdiez par consequent celle qui vous estoit preparée au Ciel, et que, comme Judas, vous ne l'ayez dans les enfers.

  A010000645 

 Mais celle du Lazare fut portée au sein d'Abraham, et de là dansje Ciel, où avec saint Mathias, qui vescut et mourut en grand Apostre, il jouira sans fin de l'eternité qui est Dieu mesme, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000656 

 Tout royaume qui sera divisé et qui ne sera pas uni en soy mesme sera desolé, dit Nostre Seigneur en l'Evangile d'aujourd'huy, où par contre, tous royaumes qui seront bien unis en eux mesmes par la concorde, ne laissant point entrer de divisions, seront indubitablement remplis de consolations; car les propositions estans contraires, les consequences le doivent estre de mesme.

  A010000657 

 Cette union et concorde nous a esté preschée, recommandée et enseignée tant d'exemple que de parolle, par Nostre Seigneur, mais avec une exageration nompareille et avec des termes admirables; de sorte qu'il semble qu'il se soit oublié de nous recommander l'amour que nous luy devons porter, et à son Pere celeste, pour mieux nous inculquer l'amour et l'union qu'il vouloit que nous eussions les uns avec les autres; il a mesme appellé le commandement de l'amour du prochain son commandement, comme estant le sien le plus cheri.

  A010000658 

 Et pour monstrer qu'il ne parloit pas seulement pour les Apostres ains pour tous nous autres: Je ne te prie pas seulement pour ceux [266] cy, avoit-il dit auparavant, mais pour tous ceux qui croiront en moy par leur parolle.

  A010000658 

 Mais quelle doit estre cette union et concorde que nous devons avoir par ensemble? Oh, quelle elle doit estre! Telle que si Nostre Seigneur luy mesme ne l'eust expliquée, nul n'eust eu la hardiesse de le faire en mesmes termes qu'il l'a fait.

  A010000658 

 Qui eust osé, dis-je derechef, faire une telle comparaison, et demander que nous fussions unis comme le Pere, le Fils et le Saint Esprit le sont par ensemble?.

  A010000659 

 Nostre Seigneur ne nous appelle pas à l'esgalité, ains seulement à la qualité de cette union, c'est à sçavoir, que nous nous devons aymer et estre unis par ensemble le plus purement et le plus parfaitement qu'il se peut..

  A010000660 

 Nostre Seigneur avoit esté, un peu court en nous enseignant par paroles comme quoy il desiroit que nous pratiquassions [267] cette sainte et tres sacrée union; c'est pourquoy son glorieux Apostre s'estend davantage à nous l'exprimer, nous exhortant à marcher en la voye de la dilection comme enfans tres chers de Dieu.

  A010000660 

 Oh que ces paroles sont aymables et dignes d'estre considerées! Ce sont paroles toutes dorées, par lesquelles ce grand Saint nous fait entendre quelle doit estre nostre concorde et nostre dilection les uns envers les autres.

  A010000663 

 Mais un certain jeune fripon luy ayant representé que la ressemblance de ces esclaves estoit d'autant plus admirable qu'ils estoyent de diverses contrées et qu'ils n'avoyent point d'alliance par ensemble, il demeura tout apaisé et en fit tousjours despuis un si grand estat qu'il eust mieux aymé perdre tous ses biens que ces deux enfans, à cause de la rareté de leur ressemblance..

  A010000664 

 Que veux-je dire par là, sinon que le commandement de l'amour de Dieu et celuy de l'amour du prochain se ressemblent autant que ces deux jouvenceaux dont Pline parle, quoy qu'ils soyent de païs extremement lointains; [269] car quel esloignement y a-t-il, je vous prie, entre l'infini et le fini, entre l'amour divin qui regarde un Dieu immortel et l'amour du prochain qui regarde l'homme mortel, entre l'un qui regarde le Ciel et l'autre, la terre? Cette divine ressemblance est donques d'autant plus admirable.

  A010000665 

 Nul ne se peut excuser de ne pas sçavoir qu'il faut aymer nostre prochain comme nous mesme, Dieu ayant gravé cette verité au fond de nos cœurs en nous creant tous à la ressemblance les uns des autres; car portant tous en nous l'image du Createur, nous sommes par consequent l'image les uns des autres, ne representant tous qu'un mesme portrait qui est Dieu..

  A010000666 

 Et premierement, pourquoy appelle-t-il ce commandement nouveau, puisqu'il avoit desja esté donné en la Loy de Moyse, et que mesme, comme nous l'avons ja veu, il n'avoit pas esté ignoré en la loy de nature, ains reconneu, voire observé par quelques uns dès la creation de l'homme? Nostre divin Maistre appelle ce commandement nouveau d'autant qu'il [270] le vouloit renouveller; et comme quand on met du vin nouveau en quantité dans un tonneau où il y en a encor un peu de vieux, l'on ne dit pas que tel tonneau contient du vin viel ains du nouveau, parce que la quantité de celuy cy surpasse sans comparaison celle de l'autre, de mesme Nostre Seigneur appelle ce commandement nouveau, d'autant que, si bien il avoit esté donné auparavant, il n'avoit pourtant esté observé que par un fort petit nombre de personnes; si qu'il pouvoit le nommer tout nouveau, parce qu'il vouloit qu'il fust tellement renouvellé que tous s'aymassent les uns les autres..

  A010000667 

 Ainsy faisoyent les premiers Chrestiens, qui n'avoyent tous qu' un cœur et qu' une ame, entretenant une telle union par ensemble que jamais on ne voyoit entr'eux nulle division; aussi jouissoyent-ils d'une consolation tres grande par le moyen de leur concorde.

  A010000668 

 Mais ce qui establissoit une si grande union entr'eux n'estoit autre, mes cheres ames, sinon la [271] tres sainte Communion, laquelle venant à cesser ou à se faire rarement, la dilection est venue par mesme moyen à se rafroidir entre les Chrestiens et a grandement perdu sa force et sa suavité..

  A010000670 

 Aussi, avant de renouveller ce commandement de l'amour du prochain, il nous a aymés et monstré par son exemple comment nous le devions prattiquer à fin que nous ne nous en excusassions point comme si c'estoit une chose impossible; il s'est donné au tres saint Sacrement, puis il nous a dit: Aymez-vous les uns les autres comme je vous ay aymés.

  A010000671 

 Les hommes d'autrefois, je veux dire ceux qui vivoyent avant la glorieuse Incarnation de nostre cher Sauveur et Maistre, peuvent avoir quelques excuses, car si bien l'on sçavoit desja en ce temps là que Nostre Seigneur, unissant nostre nature humaine à la nature divine, viendroit reparer par sa Mort et Passion l' image et semblance de Dieu imprimée en nous, ce n'estoyent que quelques uns des plus grans, comme les Patriarches et les Prophetes qui avoyent cette connoissance, les autres hommes l'ignoroyent quasi tous.

  A010000673 

 Or dites-moy donques, l'amour cordial que nous nous devons porter les uns aux autres quel doit-il estre, puisque Nostre Seigneur nous a tous esgalement reparés et faits semblables à luy sans en exclure aucun? On doit neanmoins tousjours se resouvenir qu'il ne faut pas aymer au prochain ce qui est contraire à cette divine ressemblance ou qui peut ternir ce portrait sacré; mais hors de là, ne devrions-nous pas, mes cheres ames, aymer cherement celuy qui nous represente si au vif la personne sacrée de nostre Maistre? N'est-ce pas un des plus pregnans motifs que nous sçaurions avoir pour nous aymer d'un amour extremement ardent? Hé, quand nous voyons nostre prochain ne devrions-nous pas faire comme le bon Raguel quand il vit le jeune Tobie? Celuy-cy, estant allé en Rages par le commandement de son pere, fit rencontre de ce bon homme Raguel, lequel le regardant: Hé, dit-il à sa femme, mon Dieu, que ce jeune homme me represente bien nostre cousin Tobie! Sur quoy il luy demanda d'où il estoit et s'il ne connoissoit point Tobie; à quoy l'Ange qui le conduisoit respondit: Celuy cy à qui vous parlez est son fils; je vous laisse à penser si nous le connoissons! Lors le bon Raguel, tout transporté d'ayse, l'embrassa, et le caressant et baysant fort tendrement: O mon enfant, s'escria-t-il, que tu es fils d'un bon pere et que tu ressembles à un grand homme de bien! Puis il le receut en sa mayson et le traitta merveilleusement bien selon l'affection qu'il portoit à son cousin Tobie..

  A010000677 

 Et en l'une de ses Epistres, parlant à ses enfans tres chers, il escrit: Je suis prest à donner ma vie pour vous et à m'employer si absolument que je ne veux faire aucune reserve à fin de vous tesmoigner combien je vous ayme cherement et tendrement; ouy mesme je suis prest à laisser faire par vous ou pour vous tout ce que l'on voudra de moy.

  A010000677 

 pour eux, ou par eux..

  A010000678 

 C'est ce qu'il avoit appris de nostre doux Sauveur, lequel s'estant employé soy mesme pour nostre salut et pour nostre redemption, se laissa par apres employer pour parfaire cette redemption et nous acquerir la vie eternelle, se laissant attacher à la croix par ceux-là mesmes pour lesquels il mouroit.

  A010000678 

 Il s'estoit employé luy mesme toute sa vie, mais à sa mort il se laissa employer et faire tout ce qu'on voulut, non pas par ses amis, ains par ses ennemis qui luy donnoyent la mort avec une rage insupportablement meschante.

  A010000679 

 Il faut non seulement nous employer pour son bien et sa consolation, ains nous laisser employer pour luy par la tres sainte obeissance tout ainsy que l'on voudra, sans que jamais nous resistions.

  A010000679 

 Quand nous nous employons nous mesmes, ce que nous faisons par le choix de nostre volonté ou par nostre election apporte tousjours beaucoup de satisfaction à nostre amour propre; mais à nous laisser employer ès choses que l'on veut et que nous ne voulons pas, c'est à dire que nous ne choisissons pas, c'est là où gist le souverain degré de l'abnegation que nostre Seigneur et Maistre nous a enseigné en mourant.

  A010000681 

 Il l'avoit demandé à son Pere celeste, ou il le vouloit demander, et par mesme voye et en mesme temps il trouva comment cela se pourroit faire.

  A010000681 

 Quelle divine odeur ne respandit-il pas devant la divine Majesté lors qu'il institua le tres saint Sacrement de l'autel, auquel il nous tesmoigna si admirablement la grandeur de son amour! Ce fut un parfum incomparable que cet acte de perfection incomprehensible par lequel il se donna à nous qui estions ses ennemis et qui luy causions la mort, et ce fut alors qu'il nous octroya le moyen de parvenir où il nous desiroit, à sçavoir d'estre faits un avec luy, comme luy et son Pere ne sont qu' un, c'est à dire une mesme chose.

  A010000682 

 Jusqu'où s'est abaissée la grandeur de Dieu pour un chacun de nous et jusqu'où nous veut-il eslever? Nous unir si parfaittement à soy qu'il nous rende une mesme chose avec luy! C'est ce que Nostre Seigneur a voulu, pour nous enseigner que comme nous avons tous esté aymés d'un mesme amour par lequel il nous embrasse tous en ce tres saint Sacrement, aussi veut-il que nous nous aymions de ce mesme amour qui tend à l'union, mais à une union des plus grandes et plus parfaites qu'il se peut dire.

  A010000684 

 Aymons-nous donques de toute l'estendue de nos cœurs pour plaire à nostre Pere celeste, mais aymons-nous raysonnablement: c'est à dire, que nostre amour soit conduit par la rayson qui veut que nous aymions plus l'ame du prochain que son corps; puis que nous aymions encores le corps, et ensuite par ordre tout ce qui appartient au prochain, chaque chose selon qu'elle le merite, pour la conservation de cet amour..

  A010000685 

 Aussi son saint Apostre nous l'a-t-il plus particulierement exprimé, ne voulant pas que nous nous amusions à imiter ni les Anges ni les Cherubins en cette prattique tant necessaire, ains Nostre Seigneur mesme qui nous l'a enseignée beaucoup plus par œuvres que par paroles, principalement estant attaché à la croix..

  A010000685 

 Que si nous faisons cela, o qu'à bon droit nous pourrons bien chanter, et non certes sans beaucoup de consolation, ce Psalme dont la consideration estoit si suave au grand saint Augustin: Ecce quam bonum! O qu'il fait bon voir les freres habiter ensemble en une sainte union, concorde et paix, car ils sont comme l'onguent pretieux que l'on respandit sur le chef du grand Prestre Aaron, lequel par apres couloit le long de sa barbe et sur ses vestemens.

  A010000691 

 En la premiere partie de l'Evangile, sur laquelle je dois et me veux arrester, il est fait mention de la guerison de la belle mere de saint Pierre, operée par Nostre Seigneur en Capharnaùm.

  A010000691 

 Et luy ayant presenté leur requeste, Nostre Seigneur s'approcha du lit de la malade, et se penchant sur elle il la regarda, et l'empoignant par la main, commanda à la fievre de la quitter, ou, comme dit saint Luc, il tança la fievre, et elle la quitta; lors cette bonne femme se voyant saine se leva et les servit à table.

  A010000691 

 Or, cela arriva ainsy: le Sauveur estant entré en cette mayson avant le disner, saint Jean, saint Jacques et saint André, avec son frere saint Pierre, s'adviserent ou accorderent par ensemble, devant que se mettre à table, de luy demander la guerison de cette femme.

  A010000693 

 Aussi verroit-on par là que, bien qu'il n'eust pas tous-jours gardé le celibat, neanmoins il y estoit lors qu'il se mit à la suite du Sauveur, ce qu'il monstra par ces parolles qu'il luy addressa: Nous avons tout quitté pour vous suivre; quelle recompense nous donnerez-vous? Nous avons tout quitté: il ne dit pas en partie, mais tout, sans reserve d'aucune chose; et puisque nous avons tout quitté, quelle sera la recompense que nous recevrons de vous? Or, il n'eust peu parler de la sorte s'il eust eu une femme..

  A010000693 

 Mais si l'on disoit que puisqu'il avoit une belle mere il devoit avoir eu une femme, et par consequent une famille, cecy seroit autre chose et l'on auroit rayson.

  A010000694 

 Mais les ecclesiastiques qui se sont tout à fait dediés à Dieu ne doivent point avoir d'autre Seigneur que luy; c'est pourquoy ils se separent de la creature quant à cette union qui se fait avec elle par le mariage, à fin de s'unir plus estroittement [282] avec leur Dieu; car le Sacrement de Mariage est une union de la creature avec la creature, et celuy de l'Ordre ecclesiastique est en quelque façon une desunion de la creature d'avec la creature.

  A010000696 

 De plus, elles et nous avons part aux oraisons des Bienheureux qui sont en Paradis; et c'est en cela que consiste cette communion des Saints qui nous est representée en la guerison de nostre malade, [283] qui ne fut point delivrée par ses prieres, mais par celles des Apostres qui prierent pour elle..

  A010000696 

 Pour ce qui est escrit que les Apostres, à sçavoir Pierre, André, Jean et Jacques, s'assemblerent pour demander la guerison de la belle mere de Simon, c'est une chose bien considerable; car cette demande nous represente la communion des Saints par laquelle le corps de l'Eglise est tellement uni que tous ses membres participent au bien de chacun: de là vient que tous les Chrestiens ont part à toutes les prieres et bonnes œuvres qui se font en la sainte Eglise.

  A010000698 

 Nous le verrons en nostre febricitante, laquelle prattiqua tant et de si admirables vertus en sa maladie que je pense que l'histoire en devroit estre escritte par toutes les infirmeries des monasteres, à fin de servir d'exemple à tous ceux qui y souffriroyent quelque maladie et leur apprendre à en faire leur proffit.

  A010000699 

 Cecy sera par forme d'entrée en mon discours, et je me serviray des paroles de saint Paul au sujet de Melchisedech; je m'en serviray, dis-je, comme d'une «preface armée,» selon l'expression de saint Hierosme, à sçavoir, d'une preface qui ayt ses armes et qui porte en teste le morillon.

  A010000700 

 La premiere est de se servir des considerations pieuses dressées par plusieurs qui ont eu la conduite des ames, lesquels ont fait de belles conceptions tant sur la vie et mort de Nostre Seigneur que sur les autres mysteres de nostre foy, conceptions dont on peut user en la meditation.

  A010000701 

 C'est donques une imagination que nos peintres ont fait qui n'est non plus veritable que celle par laquelle quelques uns peignent le bon larron attaché à la croix avec des doux, ce qu'ils ne veulent pas faire du mauvais, comme s'il ne le meritoit pas; et telles autres suppositions sur la Sainte Escriture, lesquelles sont heteroclites et dangereuses et dont il faut user sobrement; de mesme de ce qu'on pretend des trois Maries..

  A010000701 

 On s'imagine, par exemple, tant de larmes qui se jetterent en la Passion au rencontre du Fils et de la Mere, quand le Sauveur portoit sa croix sur le mont de Calvaire, et tant d'autres qui se verserent à la flagellation et au pied de la croix.

  A010000702 

 Or, je ne dis pas qu'il ne se faille servir de l'imagination pour mediter, ni des considerations pieuses qui nous ont esté laissées par les saints Peres et par tant de bonnes ames.

  A010000705 

 O Dieu, qu'elle estoit heureuse cette bonne femme, et qu'elle meritoit bien que l'on prinst soin d'elle, comme firent saint Pierre et saint André et ces deux autres Apostres, Jean et Jacques, lesquels procurerent sa guerison; ils prouveurent à ce qui luy estoit necessaire sans estre sollicités par cette malade, qui ne leur en parla point, ains poussés par la charité et commiseration de ce qu'elle enduroit.

  A010000705 

 Que les malades qui sont parmi le monde seroyent heureux s'ils se laissoyent gouverner par ceux qui ont charge d'eux, et les Religieux et Religieuses s'ils faisoyent cette grande remise de nostre febricitante entre les mains de leurs Superieurs!.

  A010000706 

 Que si un pere ayant malade un fils qu'il n'ayme point ne laisse de le faire traitter selon son besoin, poussé d'une compassion naturelle, que n'attendrons-nous des Superieurs qui nous servent par une vraye charité?.

  A010000706 

 Si les gens du monde ont sujet de se delaisser ainsy à ceux qui les soignent, à cause de l'amour ou compassion [288] naturelle qu'ils leur portent, à plus forte rayson les Religieuses qui vivent sous des Superieures lesquelles, par le motif de la charité, les servent et pourvoyent à leurs besoins.

  A010000708 

 Certes, le centurion fut [289] voirement bien louable pour le soin qu'il prit d'envoyer au Sauveur des principaux de la ville à fin de l'advertir de la maladie de son serviteur, comme aussi pour sa vive foy par laquelle il confessa qu'il ne failloit qu' une parole pour cette guerison; mais il tesmoigna un grand empressement et inquietude pour le restablissement de son malade.

  A010000710 

 Saint Bernard paroist bien austere en cecy, mais il l'est encores davantage en ce qu'il leur escrit par apres en la mesme epistre: Que s'il vous semble que je sois trop rigoureux, je vous diray qu'en ce que je vous dis, j'ay l'Esprit de Dieu et que c'est avec iceluy que je vous parle.

  A010000711 

 Ailleurs il respond à l'objection de ceux qui luy pouvoyent repliquer que l'Apostre saint Paul, qui avoit pourtant l'Esprit de Dieu, commandoit à son disciple Timothée de boire du vin quand il luy escrivoit en cette sorte: Mon cher fils et tres aymé frere, nous vous ordonnons de laisser de boire de l'eau et de vous servir d'un peu de vin pour fortifier vostre estomach qui est affoibli par l'eau que vous avez beu.

  A010000711 

 Ce grand et digne Evesque Timothée s'estoit en effect reduit en de grandes infirmités par ses jeusnes et austerités; et maintenant, pour tout soulagement et medecine, saint Paul luy conseille de se servir d'un peu de vin.

  A010000711 

 Nous voyons par cecy que ce [291] grand Saint ne beuvoit que de l'eau avant ce temps là, comme saint Bernard le depose aussi de ses Religieux, desquels il asseure qu'ils ne prenoyent point de vin sinon en cas de necessité, et alors ils en usoyent par forme de remede, tout ainsy que saint Paul l'ordonnoit à son cher disciple.

  A010000714 

 Elle tesmoigne par là qu'elle est autant contente de l'une que de l'autre, et qu'elle ne veut point estre quitte de sa fievre que lors qu'il plaira à son Dieu.

  A010000717 

 Sa douceur et sa resignation furent grandes en ce [294] qu'elle ne mena aucun bruit de son mal ni ne le tesmoigna par ses paroles, car elle ne dit point au Sauveur ni à ceux qui la gouvernoyent, qu'elle desiroit plus la santé que la maladie.

  A010000718 

 Certes, il est bon de recourir à Dieu, mais pour l'ordinaire cela se fait avec tant d'imperfection que c'est pitié; l'on en a mesme veu commettre de notables pour ce sujet par des grans personnages, comme il arriva à un Roy de France: c'estoit Louys unziesme.

  A010000719 

 Cette parole fut secrette, neanmoins ayant esté ouye du [295] Sauveur il regarda la malade qui le regardoit; puis, s'approchant de son lit, il l'empoigna par la main, et se faschant contre la fievre luy commanda de la quitter; soudain elle fut guerie, et se levant de ce pas, elle l'alla servir à table..

  A010000720 

 Elle n'estoit point de ces femmes tendres et delicates qui ayans eu une maladie de quelques jours il leur faut les semaines et les moys pour les refaire, à fin que ceux qui n'ont pas appris qu'elles estoyent malades le sçachent en ce temps qu'elles prennent pour se remettre, et que par ce moyen ils ayent encores le loysir de les plaindre.

  A010000723 

 Aussi cette grande Sainte ne pouvant mourir en effect en cette pauvreté evangelique, y mourut du moins par desir et affection; et à ces deux saintes ames, comme à tous ceux qui les imitent, on peut dire: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux.

  A010000723 

 C'est ce qui a esté exactement prattiqué en cet aage par un grand Saint et une grande Sainte: par l'un en effect, et par l'autre en desir et affection.

  A010000742 

 Ceux cy ont une plus grande capacité que les autres pour bien entendre la parole de Dieu et estre attirés par la douceur de ses suavités.

  A010000744 

 Ils souffrent beaucoup, et si, ils n'y pensent pas, [300] tant ils sont attentifs à l'unique pretention qu'ils ont d'accompagner Nostre Seigneur par tout où il ira.

  A010000745 

 Hé, ne voyez-vous pas que les oyseaux, lesquels ne moissonnent ni ne recueillent, et qui ne servent à rien qu'à recreer l'homme par leur chant, ne laissent pas pourtant d'estre nourris et sustentés par l'ordre de cette divine providence? Vous sçavez que l'on tient de deux sortes d'animaux dans les maysons: les uns pour l'utilité, et les autres pour le simple playsir que l'on en tire.

  A010000745 

 Par exemple, on a des poules pour pondre, et des rossignols ou tels autres oyselets dans des cages pour chanter; tous sont nourris, mais non pas à mesme fin, car les uns le sont pour l'utilité et les autres pour le playsir..

  A010000746 

 C'est pourquoy il a ordonné que nous fussions sustentés et nourris par le moyen des dismes qui se recueillent sans sollicitude; je veux dire nous autres qui, estans consacrés à son service, sommes les oyseaux propres à recreer sa divine Bonté par le [301] moyen de nostre chant et des continuelles louanges que nous luy donnons.

  A010000748 

 Mais au contraire, mettez Elie pres du torrent de Carith ou bien dans le desert de Bersabèe, et vous verrez que là Dieu le sustente, en un lieu par l'entremise des Anges, et en l'autre par celle d'un corbeau qui luy apporte tous les jours des pains et de la chair pour son entretien..

  A010000749 

 Partant, appellant à soy saint Philippe, il luy dit: Ces pauvres gens s'en vont defaillir si on ne les secourt de quelques vivres: où pourrions-nous trouver de quoy les sustenter? Ce qu'il ne demandoit pas par ignorance, ains pour le tenter..

  A010000749 

 Quand donc les appuis humains nous manquent, tout ne nous manque pas, car Dieu succede et prend soin de nous par sa speciale providence.

  A010000753 

 Grand cas, que Dieu ayme tant l'humilité qu'il nous tente quelquefois non pour nous faire faire le mal, ains pour nous apprendre par nostre propre experience quels nous sommes, permettant que nous disions ou fassions quelque grande folie ou aucune chose qui nous donne matiere de nous abaisser.

  A010000756 

 Cette question a esté esmeuë entre plusieurs, à sçavoir mon, si tous mangerent des cinq pains ou si Nostre Seigneur, par sa toute puissance, en fit des nouveaux lesquels on distribua au peuple.

  A010000757 

 A la resurrection, comme se pourra-t-il faire qu'un chacun ressuscite en son mesme corps, puisque les uns [306] auront esté mangés par les vers, les autres par les bestes farouches, qui par les oyseaux, d'autres en fin auront esté bruslés et leurs cendres jettées au vent? Comme donques se pourra-t-il faire qu'en mesme temps que l'Ange appellera un chacun pour venir au jugement, tous, dis-je, en ce mesme instant, sans aucun delay, se releveront ressuscités en leur propre chair; raov, en ce corps que je porte à cette heure, lequel ressuscitera par la toute puissance de Dieu qui le produira de nouveau? car comme il ne luy a pas esté difficile de le produire tel qu'il est, il ne le sera pas davantage de le reproduire derechef..

  A010000759 

 Cela nous signifie que les mondains, qui sont figurés par les Israelites, lesquels pretendoyent voirement bien d'acquerir et parvenir en la terre de promission terrestre, les mondains, dis-je, et [307] ceux qui vivent dans le monde mais qui desirent le Ciel, ne laissent pas pourtant de s'aggrandir en la terre, et de rechercher encores au delà de la necessité leurs commodités et leurs ayses icy bas.

  A010000759 

 Mon Dieu, qu'est-ce que cecy nous represente? Les Israëlites murmurateurs sont sustentés du pain des Anges, c'est à dire de cette manne qui estoit petrie par leurs mains; et ceux qui suivoyent Nostre Seigneur avec une affection nompareille et un cœur tout benin et despouillé du soin d'eux mesmes ne sont nourris avec luy que de pain d'orge.

  A010000761 

 De mesme il ne veut pas que les Religieux retournent dans le monde pour rechercher de la consolation à fin d'entretenir leurs esprits, d'autant que c'est par son inspiration qu'ils sont venus en Religion; ains il veut les nourrir là dans ces deserts non de Bersabée mais de sa divine Majesté..

  A010000761 

 Dieu, comme nous avons dit, ne commanda pas à Elie dans le desert de retourner entre les Prophetes pour estre sustenté, ains il luy envoya un Ange parce qu'il estoit allé là par l'ordre de la divine Providence.

  A010000761 

 Les vrays amis de Dieu et ceux qui le suivent fidellement par tout où il va, poussés de l'amour ardent qu'ils portent à sa divine Majesté, et, pour dire en un mot, les Religieux et les Religieuses, qui ont fait profession de l'accompagner par les chemins les plus difficiles et aspres jusques sur la montagne de la perfection, doivent à l'imitation de ce peuple, n'avoir plus qu'un pied en la terre, tenant toute leur ame avec toutes ses puissances et ses facultés occupée aux choses celestes, laissant tout le soin d'eux mesmes à Nostre Seigneur au service duquel ils se [308] sont dediés et consacrés; partant ils ne doivent rechercher ni desirer autre chose que simplement ce qui est necessaire, et tout particulierement pour ce qui regarde les besoins spirituels; car quant aux temporels cela est tout clair, puisqu'ils ont abandonné le monde et toutes les commodités qu'ils avoyent d'y vivre selon leur volonté.

  A010000763 

 Par exemple, si nous avons des bons desirs ou des bons documens, et que nous n'ayons pourtant pas assez de force pour les prattiquer et mettre en effect, presentons-les-luy et il les rendra capables d'estre digerés; si nous mettons nostre confiance en sa Bonté il reproduira ces desirs autant de fois qu'il sera necessaire pour nous faire perseverer en son service..

  A010000764 

 Là nous ne pourrons jamais manquer de glorifier cette divine Majesté que nous aurons si cherement aymée et suivie, selon qu'il nous aura esté possible, par les deserts de ce monde miserable jusques au plus haut de la montagne de la perfection, où nous parviendrons tous par sa grace, pour l'honneur et gloire de Nostre Seigneur qui est nostre divin Maistre.

  A010000771 

 Celle cy seule fut operée par le propre mouvement de nostre cher Maistre, et par icelle il nous monstre comme toutes ses œuvres se font par sa seule bonté..

  A010000771 

 La fille du prince de la Synagogue fut rendue à la vie par les prieres de son pere lequel supplia Nostre Seigneur d'aller à cet effect en sa mayson; en somme, toutes les resurrections rapportées en l'Evangile furent demandées par quelques uns.

  A010000771 

 Premierement, le miracle de la resurrection de ce jeune homme a esté l'un des plus grans que Notre Seigneur ayt operé en Galilée, car il le fit de son propre mouvement, sans y estre incité que par sa seule bonté et misericorde.

  A010000772 

 Ce fut donc poussé de cette seule bonté par laquelle il fait toutes choses qu'il ressuscita ce jeune adolescent, sans y estre meu ni excité d'aucun autre motif, comme nous l'avons dit, car personne ne le pria de ce faire..

  A010000772 

 Cette bonté infinie de nostre Dieu a deux mains par lesquelles il fait toutes choses: l'une est sa misericorde, l'autre sa justice.

  A010000772 

 La misericorde nous fait embrasser le bien, la justice nous fait fuir le mal, et la bonté de Nostre Seigneur se communique par ces deux attributs, d'autant qu'il demeure esgalement bon en se servant de l'un comme de l'autre.

  A010000773 

 L'attouchement du Sauveur n'estoit pas necessaire pour ce miracle, non plus que pour aucun autre; il pouvoit bien, sans toucher la biere, faire arrester ceux qui la portoyent et ressusciter cet adolescent sans aucune ceremonie, par sa toute puissance et vertu divine; mais il ne le voulut pas, ains se servit de l'imposition de ses mains pour monstrer qu' aux jours de sa chair, à sçavoir quand il conversoit en sa chair parmi les hommes, il exerçoit sa vertu et puissance divine par l'entremise de son humanité.

  A010000774 

 Aussi, comme saint Hierosme l'escrit en ses epistres, la coustume de sepulturer les Chrestiens dans les eglises n'est venue qu'apres l'Incarnation du Fils de Dieu et ne s'est prattiquée que despuis la mort de Nostre Seigneur, d'autant que par cette mort nous a esté ouverte la porte du Ciel.

  A010000774 

 En troisiesme lieu, quant à ce qui est dit qu'il trouva ce mort à la porte de la ville, c'est qu'on le portoit [313] hors d'icelle, car en cette ancienne Synagogue l'on enterroit les morts hors des villes à cause de l'infection des corps et par crainte du mauvais air.

  A010000776 

 Les morts n'entendent pas: qui donques luy respondra? Il parle aux morts tout ainsy que s'ils estoyent vivans, pour monstrer que la voix de Dieu n'est point seulement ouye de ceux qui ont des oreilles, mais encores par ce qui n'est pas; qu'il a puissance sur les choses creées et sur les increées, de sorte que s'il addressoit sa voix aux choses increées elles luy respondroyent, tant sa parole est efficace..

  A010000777 

 Au jour du jugement, ou un peu devant iceluy, l'Archange viendra, qui par le commandement de Dieu dira: «Levez-vous, morts, venez au jugement.» Et à cette voix tous les morts ressusciteront pour estre jugés.

  A010000777 

 Et pourquoy l'Archange addresse-t-il ses paroles à ces cadavres tout reduits en cendre et poussiere? Ne sçait-il pas que les morts n'entendent rien? et s'il le sçait, pourquoy donc leur commandet-il ainsy: «Levez-vous, morts?» Comme se leveront-ils, puisqu'ils n'ont point de vie? Neanmoins c'est bien à ces carcasses mortes que l'Archange parle, et cette parole estant proferée par le commandement de Dieu, est tellement puissante et efficace qu'elle donne la vie à ceux qui ne l'ont pas; en disant elle opere ce qu'elle dit, et de ce qui n'est pas elle en fait ce qui est, si que ces morts qui estoyent reduits en cendre se leveront en corps et en ame, vrayement vivans, c'est à sçavoir ressuscités, tout ainsy que Nostre Seigneur ressuscita de soy mesme et par sa propre vertu au troisiesme jour..

  A010000777 

 Le Sauveur voulut aussi parler à ce mort comme s'il eust esté en vie, nous faisant encores entendre par là la façon avec laquelle nous ressusciterons.

  A010000778 

 Donques, si la parole non de plusieurs Anges, ains d'un seul Archange, proferée par le commandement de Dieu est si operatrice qu'elle donne l'estre à ce qui n'est point, pourquoy ne croirons-nous pas à toutes les paroles de Dieu? Pourquoy aurons-nous de la difficulté à croire que par icelles, qu'elles soyent dites par luy mesme ou par ceux à qui il en a donné la charge et le pouvoir, il ne puisse faire ce qui est de ce qui n'est pas, encores que nous ne le comprenions point? Et quelle difficulté y a-t-il en cet article de la resurrection des morts, puisqu'elle se fait par la toute puissance de Dieu?.

  A010000778 

 Mais comment se fait cecy? Par la vertu de la parole de Dieu.

  A010000782 

 Or, si ces gens voulant passer sur cette planche employent des bericles qui aggrandissent les objets, elles la luy representeront beaucoup plus large qu'elle n'est; si que s'asseurant là dessus ils se mettront en danger de poser les pieds hors d'icelle et par consequent de se perdre, car rencontrant le vuide ils tomberont dans le precipice.

  A010000784 

 Ainsy, quoy qu'il y ayt eu des Saints qui ont desiré et demandé la mort il ne faut pas penser qu'il ne l'ayent point apprehendée, car il n'y a personne, pour saint qu'il soit, qui ne l'ayt justement redoutée, si ce n'est ceux qui ont eu des asseurances toutes particulieres de leur salut par des revelations tres speciales..

  A010000784 

 Et que l'on ne me dise point que plusieurs Saints n'ont pas craint la mort, ains qu'au contraire ils l'ont souhaittée et demandée, voire se sont resjouis quand elle est venue, et que par consequent il ne la faut point apprehender non plus d'autant que cette crainte est pleine de frayeur.

  A010000785 

 Ah! qui me fera ce bien, s'escrie-t-il, que je meure à fin que j'aille voir mon Seigneur Jesus Christ! Par où il monstre qu'il n'avoit nulle apprehension d'estre separé de luy en mourant, ains qu'il avoit une certitude tres grande de sa part qu'il iroit en la beatitude eternelle jouir de luy; et pour ce il desiroit et demandoit la mort..

  A010000785 

 Oh! quand sera-ce donques que je le verray face à face? Hé, qui me delivrera de ce corps de mort? et plusieurs autres semblables paroles par lesquelles le grand Apostre veut exprimer la vehemente passion qu'il avoit d'estre dissous et disjoint de son corps, à ce que son ame, qui brusloit du desir de voir son Seigneur, ne fust pas davantage retenue par sa chair.

  A010000786 

 Neanmoins j'ay cet autre desir, de ne point mourir qu'il ne luy plaise, et par consequent de demeurer avec vous tant qu'il luy plaira et qu'il connoistra que ma presence vous sera necessaire.

  A010000786 

 Notez cependant que par son autre souhait il marque cette condition, à sçavoir, si c'estoit la volonté de Dieu; car, dit-il, je suis retenu d'un autre desir, qui est de demeurer parmi vous, mes tres chers enfans, parce que j'ay esté envoyé pour vous enseigner et instruire; de sorte que pendant que ma presence vous sera tant soit peu necessaire je suis pressé de ne me point separer de vous et de me priver du contentement incomparable et inexplicable que j'attens apres la mort, plustost que de vous quitter, sçachant que je vous puis estre encores utile et qu'il y a tant soit peu du bon playsir de mon Maistre.

  A010000789 

 Il en est de mesme de l'amour divin, la force duquel fait employer des mots qui sentent sujets à la censure s'ils n'estoyent compris par ceux qui connoissent le langage de ce celeste amour..

  A010000791 

 Je vous veux monstrer cecy par un exemple qui se trouve en l'Evangile.

  A010000791 

 Mais la sacrée Vierge, qui sçavoit que c'est que d'aymer, entendit bien ce que son Fils vouloit dire, car elle estoit toute faite à son langage, s'entend par l'experience qu'elle en avoit, et c'estoit elle qui luy avoit appris à parler..

  A010000792 

 Comme si elle eust voulu signifier: Si vous avez prins garde à la responce de mon Fils, vous penserez peut estre qu'elle est bien severe et qu'il veut m'esconduire; mais il n'en est pas ainsy, ains j'ay conneu par icelle qu'il veut faire tout ce que je voudray; pour ce, faites tout ce qu'il vous dira et ne craignez rien, car je suis asseurée qu'il m'exaucera.

  A010000792 

 Elle ne s'estonna donques point de ces paroles par lesquelles il paroissoit l'esconduire de sa demande, ains elle creut qu'il feroit tout ce qu'elle desiroit, et, pleine de confiance, elle donna cet ordre aux serviteurs: Faites tout ce qu'il vous dira.

  A010000793 

 Or, le grand saint Job parle amoureusement quand il dit: Que le jour perisse auquel je suis né, etc. Notez cependant que si bien par cette parole et autres semblables il paroist souhaitter et demander la [322] mort, ce n'est point toutefois qu'il manque de resignation et de sousmission à la volonté divine, car il ne la veut qu'entant qu'il plaira à Dieu; neanmoins l'amour luy fait dire ces choses d'autant qu'il souspiroit de voir Celuy qui le pressoit si fort de son amour.

  A010000796 

 Ce n'est pas en cette façon qu'il faut y penser, ni moins avoir tant de soucy pour sçavoir quand nous mourrons et en quel lieu: si ce sera aux champs ou à la ville, sur mon cheval ou au pied d'une montagne, ou par quelque pierre qui m'assommera; si je mourray dans mon lit, assisté de quelqu'un ou sans avoir personne.

  A010000796 

 Il me suffit que je sois tout à luy, non seulement par devoir mais encor par affection.

  A010000797 

 Et comme faut-il faire? Ce qu'enseigne saint Augustin vostre Pere par ces paroles qui sont assez triviales et communes, mais qui neanmoins contiennent beaucoup d'instruction.

  A010000797 

 L'horreur de ce dernier passage et la veuë de la multitude de leurs pechés les porteroyent au desespoir; [324] mais les merites de la Passion de Nostre Seigneur les remplissent de confiance, d'autant que par sa mort il a satisfait pour tous nos mesfaits..

  A010000798 

 O que bienheureux sont ceux qui seront en cette sainte indifference, et qui, en attendant ce que Dieu ordonnera d'eux, se prepareront par une bonne vie à bien mourir!.

  A010000798 

 Outre cela, nous avons encores les Sacremens de la sainte Eglise pour nous laver de nos iniquités, car ils sont comme des canaux par lesquels les merites de la Passion du Sauveur descoulent en nous, si que par iceux l'on recouvre la grace quand on l'a perdue.

  A010000799 

 Il y en a mesme eu qui ont prins pour prattique de destiner quelque temps de l'année pour s'appliquer tout particulierement à la consideration de la mort; les autres tous les moys une fois, d'autres toutes les semaines et les autres tous les jours, prenant une certaine heure pour y penser, le soir ou le matin; et par ce frequent souvenir ils se disposoyent à bien faire ce passage.

  A010000817 

 C'est ce que Nostre Seigneur nous apprend en l'Evangile que la sainte Eglise nous propose aujourd'huy, où il est fait mention d'un reproche qu'il addressoit aux scribes et pharisiens dequoy ils ne recevoyent pas ses paroles, reproche par lequel il jette toute la faute sur eux, disant: Pourquoy ne croyez-vous pas à la verité que je vous enseigne? Il s'estonne grandement de cela, comme s'il eust voulu dire: Vous n'avez nulle excuse, [328] car qui d'entre vous m'arguera de peché? Pourquoy donques ne me croyez-vous pas, puisque ce que je vous dis est la verité mesme? Moy ne pouvant errer, il faut indubitablement que vostre meschanceté en soit la cause, car le defaut n'est point en moy ni en la parole que je vous enseigne..

  A010000818 

 C'est pourquoy Dieu defend au pecheur d'annoncer sa parole, comme s'il disoit: Miserable, oserois-tu bien enseigner ma doctrine par tes levres et la deshonnorer par ta mauvaise vie? Hé, comment veux-tu qu'elle soit acceptée apres avoir passé par une bouche si puante et si pleine d'infection et de meschanceté? Ja n'advienne que j'aye un tel proclamateur de mes volontés.

  A010000818 

 Il est donques defendu aux pecheurs d'annoncer la sacrée parole, de crainte qu'elle ne soit rejettée par ceux qui l'ouyront..

  A010000820 

 Que si neanmoins il arrive qu'elle nous soit presentée par les meschans, [329] nous ne la devons pas rejetter, ains la recueillir, et faire comme les abeilles, lesquelles cueillent le miel sur toutes les fleurs des prairies, excepté sur une ou deux; et bien que quelques unes de ces fleurs soyent veneneuses et ayent du poison en leur propre substance, elles en tirent dextrement le miel qui, estant une liqueur toute celeste, n'est point meslé avec le venin..

  A010000822 

 Mais fichant ses yeux sur elle et la regardant fixement par forme de desdain, il s'apperceut [330] qu'elle le regardoit aussi avec beaucoup d'attention.

  A010000823 

 Le Seigneur voulut bien qu'un Prophete fust instruit par une asnesse; il permit bien que Pilate, qui estoit si meschant, nous prononçast cette grande verité que nostre divin Maistre estoit Jesus, c'est à dire Sauveur, tiltre qu'il fit poser dessus la croix, repetant: Cela est ainsy, c'est moy qui l'ay dit.

  A010000823 

 Nous sommes donques enseignés par cette histoire comme nous ne devons pas mesestimer la parole de Dieu ni les bons enseignemens, quoy qu'ils nous soyent presentés par des personnes de mauvaise vie.

  A010000824 

 Par ainsy nous voyons que combien qu'il ne faille pas estimer ni approuver la mauvaise vie des hommes meschans et pecheurs, neanmoins nous ne devons pas mespriser la parole de Dieu qu'ils nous proposent, ains en faire nostre profit comme saint Ephrem.

  A010000825 

 L'Escriture toute sage nous tesmoigne encores cecy lors qu'elle nous renvoye aux bestes les plus infirmes, mesme les plus brutes, pour estre instruits de ce que nous devons faire, disant que nous allions aux fourmis à fin d'apprendre d'elles le soin et la prevoyance que nous devons avoir, d'autant qu'elles amassent tandis que le temps est beau pour se nourrir par apres au temps qui n'est point propre à la cueillette.

  A010000826 

 Nous devons tirer du fruit de la parole de Dieu n'importe par qui elle nous soit presentée; mais pourtant les pecheurs qui ne veulent pas s'amender, ains qui perseverent en leur meschanceté, offencent grandement en l'exposant et en proferant les louanges de la souveraine Majesté, puisqu'ils mettent cette divine parole en danger d'estre mesprisée à cause de leur mauvaise conduite.

  A010000827 

 Par consequent il jouissoit en cette partie supreme de la claire veuë de la divine Majesté, veuë qui fera nostre beatitude eternelle, et de laquelle resuite necessairement une impossibilité de pecher, car il est impossible de voir Dieu sans l'aymer souverainement: aussi l'amour souverain ne peut souffrir le peché, lequel deshonnore la divine Bonté et luy est infiniment desaggreable..

  A010000832 

 De mesme nos premiers parens, faute de rester en la verité, c'est à dire attentifs en icelle, meriterent d'estre condamnés pour tousjours, si Dieu, par le merite de son Fils, ne leur eust pardonné.

  A010000833 

 Helas! ne voyons-nous pas que ceux qui sont fort affectionnés à ces choses si vaines et frivoles ne pensent point, ou du moins il le semble par leur mauvaise conduite, à cette verité qu'il y a un Paradis rempli de toutes sortes de consolations et de bonheur pour ceux qui vivront selon les commandemens de Dieu et qui marcheront apres luy à la suite de ses volontés? Or, ces commandemens et volontés sont tout à fait contraires à la vie qu'ils menent, car ils ne laissent point pour cela de s'adonner aux playsirs bas et caducs, quoy qu'ils voyent bien qu'ils les priveront eternellement, s'ils ne s'amendent, de la jouissance de cette felicité sans fin.

  A010000837 

 Nous serons dignes d'une tres grande punition, si ayant sceu que nous avons esté si cherement aymés de nostre doux Sauveur, nous sommes si miserables que de ne pas l'aymer de tout nostre cœur et pouvoir, et de ne pas suivre de toutes nos forces et avec tout nostre soin les exemples qu'il nous a donnés en sa vie, en sa passion et en sa mort, car il nous addressera le mesme reproche qu'il fait en l'Evangile d'aujourd'huy: Si je vous ay enseignés, moy qui ne puis estre accusé de peché, moy dont la vie est irreprochable, moy qui vous ay presché la verité que j'ay apprise de mon Pere celeste, pourquoy donques ne me croyez-vous pas? Ou si vous croyez que je dis la verité, pourquoy ne la recevez-vous pas et ne demeurez-vous pas en icelle, ains vivez tout au contraire de ce qu'elle requiert de vous? Nous serons alors convaincus par sa divine Majesté, et il faudra qu'à nostre confusion nous confessions que le defaut vient de nostre costé et que c'est nostre malice qui en est la cause.

  A010000839 

 Nos cœurs estans ainsy respandus devant Dieu par de bonnes propositions de tirer proffit des choses qui nous seront dites de sa part, tenons-nous attentifs et pensons que c'est sa Majesté qui nous parle et nous fait sçavoir sa volonté.

  A010000839 

 Oyons avec esprit de devotion et d'attention les verités que le predicateur nous propose; mettons cette parole sur nos testes, à l'imitation des Espagnols, lesquels quand ils reçoivent une lettre de quelque grand, ils la posent aussi tost sur leur teste pour monstrer l'honneur qu'ils portent à celuy qui leur a escrit, comme aussi pour tesmoigner qu'ils se sousmettent aux commandemens qui leur sont faits par cette lettre.

  A010000839 

 Sousmettons-nous à l'obeissance des choses qui nous sont enseignées, par lesquelles nous apprenons quelles sont les volontés de Dieu pour ce qui regarde nostre perfection et nostre avancement spirituel; escoutons-les et les lisons avec resolution d'en faire nostre proffit.

  A010000843 

 En fin il faut conclure en disant que nous ne devons point rejet ter la parole de Dieu ni les documens que Nostre Seigneur nous a laissés, à cause des defauts des predicateurs qui nous les proposent, d'autant que nostre divin Maistre les ayant proferés le premier par sa divine bouche, nous sommes inexcusables de ne les pas recevoir, parce que si bien ce baume pretieux nous est presenté dans des vases de terre, tels que sont les predicateurs, il ne laisse pas pourtant d'estre infiniment propre à guerir nos playes, et ne perd point ses proprietés et sa force.

  A010000843 

 Nous ne serons pas non plus excusables si nous doutons que ce qui nous est enseigné soit la verité, d'autant que Jesus Christ, qui est la verité par essence, nous a enseignés luy mesme et s'est rendu nostre tres cher Maistre.

  A010000843 

 la bien garder, et ceux qui la gardent sont declarés bienheureux au saint Evangile par Nostre Seigneur et Sauveur.

  A010000850 

 La colombe en mille endroits des saints Livres est prise pour nous representer la vertu; Nostre Seigneur s'en est servi luy mesme, disant: Soyez simples comme la colombe, lions monstrant par là comme il vouloit que nous fussions simples pour l'attirer en nos cœurs.

  A010000850 

 Nous voyons par cette similitude que le Texte sacré nous represente la colombe sans cœur et courage, lasche et sans generosité..

  A010000858 

 Certes, il y a des Chrestiens lesquels sont non point comme des abeilles, mais comme des guespes qui voltigent tousjours sur les fleurs, c'est à dire sur les œuvres et actions de leur prochain, non pour mesnager le miel d'une sainte edification par la consideration de leurs vertus, mais pour en tirer le venin, en remarquant les fautes et imperfections soit des Saints dont on leur raconte la vie, soit de ceux avec lesquels ils conversent, en prenant occasion de commettre les mesmes defauts..

  A010000859 

 Par exemple, entendant comme saint Hierosme rapporte que sainte Paule avoit cette imperfection de pleurer et ressentir si vivement la mort de ses enfans et de son mary qu'elle en tomboit malade et failloit presque en mourir: Hé, disent-ils, si sainte Paule, qui estoit une si grande Sainte, avoit tant et de si vifs ressentimens à se separer de ceux qu'elle aymoit, se faut-il estonner si j'en ay, moy qui ne suis ni saint ni sainte, et si je ne me puis resigner en tous les evenemens, quoy qu'ils soyent ordonnés de la divine Providence pour mon bien? De là vient que quand on nous reprend de quelque manquement ou imperfection, l'on n'a point envie de se corriger; l'on objecte promptement: Un tel Saint faisoit bien cela, je ne suis pas meilleur ni plus parfait que luy; ou: Si une telle fait cela, ne le puis-je pas bien faire? Belle rayson que celle-cy! Pauvres gens que nous sommes, comme si nous n'avions pas assez à travailler chez nous pour nous desfaire et detortiller de nos imperfections et mauvaises habitudes, sans nous aller encor revestir de celles que nous remarquons aux autres..

  A010000861 

 Il y a des ames tellement malignes et malicieuses, que non contentes de remarquer les fautes d'autruy pour se confirmer en leur malice, elles passent jusques là que de faire tant de regards et d'interpretations sur les œuvres du prochain qu'elles changent le miel en poison, tirant des mauvaises consequences de ses actions; et non seulement cela, mais elles excitent et provoquent les autres à en faire de mesme, tout ainsy que la guespe, par son bourdonnement, attire les autres à venir sur la fleur où elle a trouvé du venin.

  A010000861 

 Voyla un jeune homme qui entrera en Religion ou une autre personne qui fera une bonne œuvre: il s'en trouvera qui censureront cette retraitte ou cette bonne œuvre, et par leurs raysons et discours seront cause que plusieurs en feront autant.

  A010000864 

 Il advint donques que ce glorieux Saint voulant aller à Milan, il choisit plustost de s'y rendre par eau que par terre pour avoir plus de moyen de faire ses exercices spirituels, reciter son Office, prendre son heure de meditation, lire quelques bons livres, donner de bons documens; en somme il avoit bien plus de commodités de s'exercer ès œuvres pieuses allant dans un navire que s'il fust allé à cheval.

  A010000864 

 Le grand saint Charles fut observé et condamné de quelqu'imperfection par un honneste homme de qualité, lequel toutefois regardoit cette tare avec l'œil de la prudence humaine.

  A010000867 

 Le voicy donques qui, tenant le bonnet à la main, est prié en cette sorte par le Saint de luy declarer bien simplement ce qu'il sçavoit: O non, ne m'espargnez pas, je vous supplie, dites-moy bien mes verités, car je suis du tout disposé à vous entendre.

  A010000867 

 Monseigneur, dit-il, il y a fort long temps que l'on a observé qu'il y a en vous une grande indiscretion; et cecy n'a pas esté remarqué seulement par moy, mais par plusieurs autres qui vous ont estimé et tenu pour grandement inconsideré.

  A010000870 

 La pluspart des Peres anciens tiennent que Nostre Seigneur monta et sur l'asnesse et sur l'asnon, lequel n'avoit jamais rien porté; d'autres sont d'une opinion differente, et chacun s'efforce de prouver la sienne par raysons.

  A010000872 

 Il s'est humilié et aneantisoy mesme; on ne l'a point humilié ni mesprisé qu'il ne l'ayt voulu, c'est luy mesme qui s'est abaissé et qui a fait choix des abjections; car luy, qui estoit en tout et par tout esgal à son Pere, sans laisser de demeurer ce qu'il estoit, a voulu estre le rebut et rejet de tous les hommes.

  A010000872 

 O non certes, nostre beni Sauveur n'eust point fait de tort à son Pere eternel quand, au plus fort de ses mespris et humiliations, il eust dit: Je suis aussi puissant que le Pere, aussi bon que le Saint Esprit, j'ay la mesme puissance, sapience et bonté que le Pere et le Saint Esprit; car il estoit en tout et par tout esgal à eux.

  A010000873 

 Il a par sa douceur et son humilité captivé tous leurs cœurs, au lieu que s'il fust allé en quelqu'autre equipage il les eust tous effrayés.

  A010000878 

 Oh, dit-elle au serpent, Dieu nous a defendu de regarder et toucher ce fruit; voulant donner à entendre par là que ce commandement estoit hors de rayson, rude et difficile à garder.

  A010000881 

 Cet asnon et cette asnesse furent couverts des manteaux des Apostres; puis Nostre Seigneur monta dessus et fit en cette abjection et humilité son entrée triomphale en Hierusalem, confondant par là le monde, qui renverse toutes les maximes de l'Evangile, qui ne veut gouster l'humilité et le mespris, et qui ne cesse de dire que malheureux sont les pauvres et souffreteux.

  A010000882 

 O que bienheureuses sont les ames que nostre divin Maistre choisit pour sa monture et qui sont couvertes des manteaux des Apostres, c'est à dire revestues des vertus apostoliques, pour estre capables de porter nostre cher Sauveur et estre conduites par luy.

  A010000891 

 D'autant qu'il y a peu d'heures pour parler de la Passion par laquelle nous avons tous esté rachetés, je ne prendray pour sujet de ce que j'ay à vous dire que les paroles du tiltre que Pilate fit escrire sur la croix: Jesus Nazarenus, Rex Judœorum; Jesus de Nazareth, Roy des Juifs.

  A010000891 

 En ce tiltre sont comprises les causes de cette divine Passion qui sont toutes reduites à deux, signifiées par ces mots: Jesus de Nazareth, Roy des Juifs; car bien qu'il y ayt quatre paroles, elles ne signifient pourtant pas quatre causes de sa mort, ains seulement deux..

  A010000895 

 C'est ce qui nous a esté representé dans l'Ancien Testament par tant de figures et de similitudes, particulierement par le serpent d'airain que Moyse dressa sur la colonne pour garantir les Israëlites des morseures des serpens.

  A010000895 

 Ces serpenteaux mordoyent non d'une morseure trop piquante, mais certes grandement dangereuse, car elle estoit si venimeuse qu'infailliblement tous seroyent morts si Dieu par sa bonté et providence infinie n'y eust pourveu..

  A010000897 

 Mais voyci un estrange accident: il s'esleva de petits serpenteaux qui nous piquerent en la personne de nos premiers pere et mere, Adam et Eve, et les compagnons et complices de celuy qui avoit piqué nos premiers parens s'espancherent tellement par toute la terre du desert de ce monde que nous en avons tous esté mordus.

  A010000898 

 Elle a esté privilegiée et preferée par dessus toutes les autres creatures, et ce privilege est si grand et si singulier qu'il n'y en a aucune, quelle qu'elle soit, qui ayt jamais receu la grace en la façon que cette sainte Dame et glorieuse Maistresse la receut.

  A010000899 

 Or, cette piqueure estoit si venimeuse que nous en serions tous morts, et d'une mort eternelle, si Dieu, par son infinie bonté, n'eust pourveu à un si grand inconvenient, ce qu'il a fait, mais en une façon admirable, sans y estre esmeu d'autre cause que de sa pure et immense misericorde.

  A010000900 

 Quoy qu'il soit tout puissant, et que par consequent il puisse tout ce qu'il luy plaist, si est-ce pourtant qu'il ne pouvoit pas pecher: et pour cela il ne laisse d'estre tout puissant, car pouvoir pecher n'est pas une puissance ains une impuissance.

  A010000901 

 Mais Dieu ne pouvoit-il point fournir au monde un autre remede que celuy de la mort de son Fils? O certes, il le pouvoit bien faire, et par mille autres moyens que celuy là; car n'estoit-il pas en sa puissance de pardonner à la nature humaine d'un pouvoir absolu et par pure misericorde, sans y faire entrevenir la justice et sans l'intermission d'aucune creature? Il le pouvoit sans doute; et qui en eust osé parler ou y trouver à redire? Personne, car il est Maistre souverain et peut tout ce qu'il luy plaist.

  A010000901 

 Ou encores, s'il se vouloit servir pour [363] cette redemption de l'entremise de quelque creature, n'en pouvoit-il pas creer une d'une telle excellence et dignité que, par ce qu'elle eust fait ou souffert, elle eust suffisamment satisfait pour les pechés de tous les hommes? Asseurement, et il pouvoit nous racheter par mille autres moyens que celuy de la mort de son Fils; mais il ne l'a pas voulu, car ce qui estoit suffisant à nostre salut ne l'estoit pas à assouvir son amour; et pour nous monstrer combien il nous aymoit, ce divin Fils est mort de la mort la plus rude et ignominieuse qui est celle de la croix..

  A010000904 

 Certes, encor que son cœur eust esté chatouillé par les discours et raysons de cet esprit infernal et qu'en suite de cela elle n'eust fait que regarder ou toucher le fruit de l'arbre de science, voire qu'elle en eust cueilli et mesme presenté à Adam son mary, ils ne seroyent pas morts pour cela, car Dieu avoit seulement dit: Si vous en mangez vous mourrez.

  A010000905 

 Mais Nostre Seigneur ne s'est point voulu servir de ce privilege, ains il a pris un corps passible et mortel; il s'est incarné pour estre [365] Sauveur, il nous a voulu sauver en souffrant et mourant, et prendre sur soy et en sa sacrée humanité, en toute rigueur de justice, ce que nous avions merité par nos iniquités.

  A010000906 

 Mais quoy qu'il ne souffrist rien entant que Dieu, si est-ce que la Divinité qui s'estoit unie avec l'humanité donnoit un tel prix, valeur et merite à ses souffrances, qu'une petite larme, un petit mouvement de son sacré cœur, un petit souspir amoureux estoit plus meritoire, plus pretieux et aggreable à Dieu que n'eussent esté tous les tourmens imaginables de corps et d'esprit, voire mesme les tortures de l'enfer, endurées par les creatures douées de la plus grande perfection.

  A010000909 

 Là nous vivrons et ne pourrons pas mourir, car nous jouirons de la gloire de l'eternité, de la vie qui nous a esté achetée par la mort de nostre Sauveur, et la possederons avec tant d'asseurance que nous n'aurons nulle crainte de la perdre.

  A010000910 

 Ce fut donques par inspiration divine que Pilate mit sur le tiltre de la croix: Jesus de Nazareth, Roy des Juifs.

  A010000910 

 Ç'a esté sa vocation que d'estre Sauveur; c'est pourquoy le Pere eternel a tant contesté pour la prouver aux hommes, non seulement par les Patriarches et Prophetes, mais par luy mesme; voire, chose estrange, il s'est mesme servi pour cet effect de la bouche des impies et des plus scelerats qui se puissent trouver, comme nous dirons tantost.

  A010000911 

 Comme s'il vouloit dire: O pauvre peuple, vous m'aviez tellement fasché par vos vices et iniquités que j'avois resolu de vous perdre et abismer tous; mais voyci que je vous envoye mon Fils pour vous reconcilier avec moy, car tout mon playsir est à le regarder et considerer, et en ce regard je trouve tant de complaisance que je m'oublie de tous les desplaysirs que je reçois de vos pechés; escoutez-le donc.

  A010000911 

 Par laquelle parole il monstre qu'il l'a envoyé pour nous enseigner à nous sauver.

  A010000913 

 De plus Dieu, par le plus miserable, infidelle, traistre et desloyal homme qui fut jamais au monde, à sçavoir par la bouche de Caïphe, pour lors souverain Prestre, ne prononça-t-il pas cette parole de verité si grande qu'il estoit expedient qu'un seul homme mourust pour sauver tout le peuple? Admirable conteste que celuy de Dieu pour monstrer que veritablement son Fils estoit Sauveur et qu'il failloit qu'il mourust pour nous sauver, puisque mesme il tira cette sentence du plus detestable grand Prestre qui ayt onques esté sur terre.

  A010000914 

 Or, que reste-t-il à cette heure, sinon que puisque le Fils de Dieu a esté crucifié pour nous, nous crucifiions quant et luy nostre chair avec ses concupiscences? car l'amour ne se paye que par l'amour.

  A010000916 

 Et s'estant retiré, ce pauvre oyseau va chantant et souspirant un chant pitoyablement amoureux par la complaisance qu'il a de mourir en sauvant son homme.

  A010000916 

 Et si, il a cette proprieté, qu'estant attaché sur le haut d'un arbre il guerit ceux qui sont atteints de la haute jaunisse, et ce aux despens de sa vie; car le malade regardant cet oyseau jaune, en est pareillement regardé; et par son regard, l'oyseau vient pour ainsy dire, à estre tellement touché de commiseration [370] de voir l'homme, son grand amy, travaillé de ce mal, qu'il tire à soy toute la jaunisse de celuy qui l'a regardé et s'en charge en telle sorte qu'on le voit devenir jaune par tout son corps.

  A010000917 

 Certes, Nostre Seigneur est ce divin oyseau de paradis, divin loriot qui fut attaché sur l'arbre de la croix pour nous sauver et delivrer de la haute jaunisse du peché; toutefois, pour en estre rendu quitte, il faut que l'homme le regarde sur cette croix à fin de l'exciter à commiseration par ce regard; lors il tirera à soy toutes les iniquités de l'homme et mourra librement pour luy.

  A010000919 

 Il vouloit par là nous faire comprendre l'amour qu'il nous portoit, lequel ne pouvoit estre diminué par aucune sorte de souffrance, et nous apprendre aussi quel doit estre nostre cœur à l'endroit de nostre prochain..

  A010000919 

 Nous connoissons cela par les paroles que nostre divin Maistre dit sur la croix, par les larmes et souspirs amoureux qu'il y jetta.

  A010000919 

 O que grande estoit la flamme d'amour qui brusloit dans le cœur de nostre doux Sauveur, puisqu'au plus fort de ses douleurs, au temps auquel la vehemence de ses tourmens sembloit luy oster mesme le pouvoir de prier pour soy, il vint par la force de sa charité à s'oublier de soy mesme, mais non de ses creatures; et pour ce, avec une voix forte et intelligible il dit ces mots: Mon Pere, pardonnez-leur.

  A010000922 

 C'est pourquoy il ne faut nullement douter que les prieres faites avec une si grande et si admirable reverence par une personne d'un merite et perfection infinis ne fussent tout aussi tost accordées.

  A010000923 

 La seconde parole fut celle par laquelle Nostre Seigneur promit le Paradis au bon larron.

  A010000925 

 O Dieu, mes cheres Sœurs, que terribles et espouvantables sont les cheutes des serviteurs de Dieu, principalement de ceux qui ont receu de grandes graces; car quelle plus grande grace que celle qui avoit esté donnée à saint Pierre et à Judas? Celuy [374] cy avoit esté appellé à l'apostolat par Nostre Seigneur mesme, qui le prefera à tant et tant de millions d'autres lesquels eussent fait des merveilles en ce ministere; le Sauveur luy fit des faveurs signalées, car outre qu'il luy accorda le don des miracles, il luy predit encores ce qui luy devoit arriver touchant sa trahison à fin que, le sçachant, il eust moyen de l'eviter.

  A010000927 

 O bienheureux saint Pierre qui par une telle contrition de vos fautes receutes le pardon general d'une si grande desloyauté!.

  A010000929 

 L'on rapporte mesme, et il est vray, qu'il jettoit des larmes en telle abondance qu'elles luy avoyent creusé les joues et s'estoyent fait comme deux canaux: par ce moyen, de grand pecheur qu'il estoit il devint un grand Saint.

  A010000929 

 O glorieux saint Pierre, que vous fustes heureux de faire une si grande penitence d'une telle et si grande desloyauté, car par icelle vous fustes remis en grace, et vous qui meritiez une mort eternelle, vous rendistes capable de la vie eternelle.

  A010000931 

 En la seconde nous voyons deux larrons qui estoyent crucifiés avec Nostre Seigneur, hommes meschans au possible, qui n'avoyent jamais fait de bie; c'estoyent les plus scelerats, les plus perfides et insignes voleurs qui se puissent voir; aussi les avoit-on choisis comme tels pour mettre aux costés de nostre cher Sauveur à fin de le declarer par ce moyen maistre de tous les voleurs.

  A010000932 

 Mais l'autre larron, encores qu'il se trouvast au costé du doux Jesus, il y fut en vain, d'autant qu'il ne voulut jamais regarder la Croix; et combien qu'il receust beaucoup d'inspirations, et mesme des gouttes de ce sang divin qui l'aspergeoit, et que nostre cher Sauveur le sollicitast souvent en son cœur par des secrettes et tres amoureuses semonces de regarder ce bois sacré et le mystique Serpent qui y estoit attaché à fin d'obtenir sa guerison par ce moyen, il ne le voulut point faire; c'est pourquoy il se perdit miserablement, et s'obstinant mourut en son peché..

  A010000933 

 «Nous avons veu,» dit un grand Saint, «tomber les estoilles du Ciel,» lesquelles par apres s'obstinent et meurent sans penitence.

  A010000938 

 Mais son cher Enfant qui s'en alloit mourir, voyant que, demeurant vefve et orpheline, elle ne sçauroit où aller, il la voulut pourvoir en cette desolation, luy donnant son Disciple pour fils, comme la [380] chose la plus pretieuse qu'il luy pouvoit laisser en mourant; car c'estoit le disciple qu'il aymoit et auquel il inspira un veritable amour de fils pour une telle Mere, à fin que par ce moyen il eust plus de soin et de souci d'elle..

  A010000940 

 Combien donques estoit grand cet amour que le tres saint cœur de la Vierge avoit pour celuy de Nostre Seigneur! Et si cet amour estoit si grand, combien fut grande la douleur qu'elle ressentit de le quitter et de [381] le voir mourir, et par ce moyen d'estre frustrée de sa presence corporelle!.

  A010000940 

 Mais cette sacrée Vierge passa plus outre, d'autant qu'elle vit que Nostre Seigneur en luy donnant saint Jean pour fils luy donnoit par consequent tous les Chrestiens, desquels il vouloit qu'elle fust la mere, comme enfans de grace, car Jean signifie grace.

  A010000942 

 Aussi saint Denis, qui pour lors n'estoit pas Chrestien et qui par apres ayant esté converti par les predications du grand Apostre saint Paul, vint en ces quartiers et fut Apostre de la France, s'escria en voyant ce prodige: Il faut de deux choses l'une, «ou que le Dieu de la nature souffre, ou que la fin du monde approche,» car cette ecclipse est tout à fait surnaturelle, puisqu'elle est en plein midy et au plein de la lune, et que de plus elle surpasse le terme ordinaire des ecclipses (elle dura trois heures entieres).

  A010000944 

 Or, comme je me souviens de vous avoir desja parlé plusieurs fois sur ce sujet, je ne vous en diray rien à cette heure, sinon que je pense que la plus grande douleur qu'enduroit alors le cœur sacré de Nostre Seigneur fut causée par l'ingratitude de ces Chrestiens qui, mesprisans sa Mort et ne se servans pas de cette Passion qui luy estoit si penible et douloureuse, se perdroyent pour ne s'en vouloir prevaloir.

  A010000946 

 Elie estoit mort il y avoit plusieurs années, du moins il n'estoit pas de ce monde, ains avoit esté emporté dans un chariot de feu par les Anges; partant ils penserent que nostre cher Maistre l'appelloit à son secours parmi une si grande affliction.

  A010000946 

 Les autres murmuroyent par ensemble: S'il est si saint que l'on dit, que ne se sauve-t-il soy mesme! Il en a tant sauvé d'autres; il est fol s'il ne fait pour luy ce qu'il a fait pour eux.

  A010000947 

 Gracieuse offre que celle cy au cœur de nostre doux Sauveur qui estoit tant amoureux du salut de nos ames! Plusieurs blasphemoyent contre [384] luy, l'appellant sorcier et enchanteur, reputant ces tenebres à quelque trait de magie; d'autres disoyent que ce n'estoyent pas des tenebres, mais qu'ils avoyent les yeux sillés et esblouis par ses enchantemens; et par tels et semblables discours ce tres sacré cœur de Nostre Seigneur souffroit des douleurs incomparables..

  A010000948 

 Voyant la multitude des ames qui se perdroyent et ne voudroyent pas se servir de la redemption de la Croix, c'est à dire se sauver par le moyen d'icelle, il prononça la cinquiesme parole, parole de plainte et de lamentation: Sitio; Jay soif.

  A010000949 

 Il voyoit encores que plusieurs demanderoyent un autre moyen que celuy de sa Passion pour se sauver, comme faisoit ce peuple qui luy crioit de descendre de la croix et qu'il croiroit en luy; car, sembloit-il dire à nostre beni Sauveur, si tu as si soif de nostre salut, descens de cette croix et nous croirons en toy, et par ce moyen tu auras aussi le pouvoir de te desalterer.

  A010000949 

 Toutefois elle n'estoit rien en comparaison de la soif spirituelle dont son ame estoit pressée; car il desiroit avec une ardeur insatiable qu'un chacun se convertist au prix de sa Passion; aussi, voyant que tant d'ames en abuseroyent, il se plaint par cette parole: J'ay soif.

  A010000950 

 Aussi, tous ceux qui se voudront sauver par la croix trouveront le salut, mais ceux qui se voudront sauver sans elle periront miserablement, car il n'y a point de salut qu'en cette croix.

  A010000950 

 Ha! miserables que vous estes, dit nostre Sauveur, vous demandez que je descende de ce bois pour croire en moy; c'est à sçavoir vous voulez un autre moyen de redemption que celuy que mon Pere a ordonné de toute eternité, moyen qui a esté predit par tant de Prophetes et annoncé par tant de figures; vous pretendez donc estre sauvés comme vous voulez et non comme Dieu veut.

  A010000950 

 O miserable peuple, que dites-vous, que nostre cher Sauveur et Maistre descende de ce gibet? Oh! il ne le [385] fera pas, car, dit saint Paul, il s'est fait obeissant jusques à la mort, et à la mort de la croix; il est monté sur la croix par obeissance et mourra en icelle par obeissance.

  A010000951 

 C'est pour parfaire cette redemption que Nostre Seigneur ne voulut point descendre de la croix, de sorte que, comme dit le grand Apostre, il a esté vrayement obeissant jusques à la croix, car il est veritablement mort de la mort de la croix par une grande obeissance.

  A010000951 

 Cette redemption est si copieuse qu'elle ne sçauroit estre espuisée non seulement par des millions d'années, mais par des millions de millions de siecles.

  A010000958 

 Ah! mes cheres Sœurs, si quand nous nous consacrons au service de Dieu nous commencions par remettre absolument et sans reserve nostre esprit entre ses mains, que nous serions heureux! Tout le retardement de nostre perfection ne provient que de ce defaut d'abandon; et il est vray qu'il faut par là commencer, poursuivre et finir la vie spirituelle, à l'imitation du Sauveur qui l'a fait avec une admirable perfection au commencement, au progres et à la fin de sa vie..

  A010000962 

 Ainsy il le recevra comme il fit celuy de son cher et unique Fils, pour le faire jouir au Ciel, où nous le benirons eternellement de la gloire qu'il nous a acquise par sa Mort et Passion.

  A010000978 

 On voit par ces mots, chacun de vous, qu'il n'y a celuy lequel vivant ça bas, ne soit compris et enserré dans cette regle qui est sans exception aucune, tant pour ceux qui demeurent emmi le tracas et les distractions ordinaires de ce monde erroné, que pour ceux qui, desirans mener une vie de plus haute perfection, se sont separés d'iceluy; bref, soit grans soit petits, tous sont [392] compris dans cette proposition.

  A010000981 

 Cecy estant posé, le Fils de Dieu est venu en ce monde pour nous donner des maximes, comme fondemens generaux et tres asseurés par le moyen desquels nous puissions parvenir à la connoissance de la vraye perfection et à l'exercice d'icelle.

  A010000982 

 Mais puisqu'un contraire est chassé par son contraire, il est infaillible que les leçons de Nostre Seigneur renversent et abolissent totalement celles du monde.

  A010000982 

 Par où nous voyons clairement que celles que Dieu est venu donner au monde sont directement opposées à celles de ce siecle et qu'elles les destruisent totalement..

  A010000983 

 Il suffit que, par un esprit d'abnegation, ils ayent un ferme propos de souffrir toutes sortes d'incommodités, travaux, peines et mesme le martyre si l'occasion s'en presentoit, plustost que de preferer aucune chose de ce monde caduc et perissable aux commandemens, au service et honneur de Dieu.

  A010000984 

 La deuxiesme consideration est plus relevée et excellente que la premiere et appartient principalement à ceux qui aspirent à une plus haute perfection: c'est de quitter tout ce qu'ils possedent, non point seulement par un esprit d'abnegation, mais aussi de fait, et se despouiller de toutes les choses de ce monde caduc et transitoire.

  A010000985 

 La troisiesme consideration, qui n'est pas de peu d'utilité si elle est bien goustée, consiste à reconnoistre les choses que nous possedons, à fin que par adventure nous ne soyons point trompés en l'abnegation de celles qui ne sont pas en nostre puissance.

  A010000985 

 Mais la providence de Dieu est admirable en cecy, ayant voulu, par une prescience tres utile, exprimer ces mots, ce qu'il possede, pour nous enseigner que principalement et en premier lieu nous devons faire banqueroute aux choses possedées avant que de venir à l'abnegation des futures..

  A010000986 

 Miserable que tu es, tu veux donc faire present à Dieu de ce que par adventure tu n'auras jamais! Et s'il dispose de toy en tes tendres années, lesquelles tu pretens passer servant au monde, en quelle voye de salut te verras-tu reduit? O deplorable ignorance de la doctrine celeste! Lors qu'il s'agit du service de Dieu nous voulons renoncer aux choses futures pour laisser l'exercice des presentes..

  A010000987 

 La quatriesme et derniere consideration est de prendre garde que le ferme propos que nous avons de tout quitter ne soit vain, dissimulé et par flatterie; car si celuy qui fait edifier une tour est si imprudent qu'il ne considere point avant de la commencer s'il a des biens et des commodités suffisantes pour mettre à chef son edifice, et que par cette imprudence il ne puisse faire reussir son dessein, ne jugerez-vous pas qu'il est un sot et un mal advisé? De mesme, un roy ne seroit-il pas bien despourveu de jugement, si sçachant qu' un autre roy a mis vingt mille hommes sur pied pour luy donner la bataille, il ne consultoit pour sçavoir s'il pourra avec dix mille hommes aller au devant de celuy qui vient avec vingt mille? Autrement, s'il ne le fait, il sera contraint, et avec grande confusion et detriment de son honneur, d'envoyer au devant de l'ennemy demander les moyens de paix.

  A010000995 

 En premier lieu il faut sçavoir qu'il y a trois sortes de festes: celles que l'Eglise nous commande, celles qu'elle nous recommande, et les festes politiques, comme est celle qui se celebre aujourd'huy pour l'entrée du Roy en cette ville, laquelle estant ordonnée par les Messieurs de ville est ainsy rendue politique.

  A010000997 

 Par exemple, il n'est pas dit dans le Credo qu'il y a des Anges; neanmoins c'est une verité que nous croyons et trouvons dans la Sainte Escriture, et que mesme ils sont employés en des ministeres icy bas en ce monde.

  A010000997 

 Tout ce que nous devons croire est compris dans iceluy; et, bien qu'il n'y soit pas tout par le menu, si est-ce que tout y est en gros.

  A010000999 

 Pour la troisiesme nous avons les divins commandemens, par lesquels nous sommes instruits à aymer Dieu et le prochain; car de ces deux commandemens dependent toute la Loy et les Prophetes.

  A010001001 

 Saint Michel voyant cela, se prit à dire: Qui est comme Dieu? et par ce moyen le renversa en l'abisme des enfers, d'autant, comme l'escrit saint Bernard, que nul ne peut estre eslevé qu'au prealable il ne se soit humilié.

  A010001002 

 Lucifer s'estant ainsy rendu rebelle contre son Createur, et par consequent contre l'image d'iceluy qui est l'homme, s'addressa à nos premiers parens, et premierement à Eve et luy parla ainsy: Si tu manges de ce fruit tu sçauras le bien et le mal et seras semblable à Dieu.

  A010001003 

 Saint Jean fut sanctifié aux paroles de la sacrée Vierge Marie, par la presence de Celuy qui estoit enfermé dans ses entrailles.

  A010001003 

 Tous les hommes naissent enfans d'ire à cause du peché originel qui les rend ennemis de Dieu; mais par le Baptesme ils sont regenerés et faits ses enfans, capables de sa grace et de l'heritage de la vie [402] eternelle.

  A010001003 

 Tous ont esté atteints du peché originel, mais quelques uns en ont esté purifiés avant leur naissance par un miracle special, comme saint Jean Baptiste et encores le Prophete Hieremie.

  A010001004 

 Cependant, saint Jean et Hieremie ont esté conceus en peché par voye ordinaire de generation, mais il n'en a pas esté ainsy de Nostre Seigneur, car il a esté conceu du Saint Esprit et de sa sacrée Mere sans pere; c'est pourquoy il n'estoit pas raysonnable qu'il heritast du peché originel.

  A010001004 

 Il est vray, mais il est Dieu aussi, et par ce moyen il est parfaitement Dieu et homme, sans separation ni distinction quelconque.

  A010001004 

 Il n'est pas de la semence d'Adam, c'est à dire par voye de geneation, car il fut conceu de sa Mere sans pere, comme nous avons dit; il fut bien de la masse d'Adam, mais non pas de la semence..

  A010001005 

 Quant à Nostre Dame, la tres sainte Vierge, elle fut conceuë par voye ordinaire de generation; mais Dieu l'ayant de toute eternité predestinée en son idée pour estre sa Mere, la garda pure et nette de toute souilleure, bien que de sa nature elle pouvoit pecher.

  A010001006 

 Aussi, par une speciale grace, son ame ne tenoit-elle rien de ses parens pour ce qui est ordinaire aux autres creatures..

  A010001006 

 Et comme si la goutte de rosée ne trouvoit pas l'escaille pour la recevoir elle tomberoit dans la mer et seroit convertie en eau amere et salée, mais l'escaille la recevant elle est changée en perle, de mesme la tres sainte Vierge a esté jettée et envoyée en la mer de ce monde par voye commune de generation, mais preservée des eaux salées de la corruption du peché.

  A010001019 

 Par exemple, ceux qui sont sujets à l'avarice ne passent pas pour l'ordinaire au peché mortel; mais ils gardent leurs biens un peu trop exactement, ce qui est le premier fruit de la passion, et cela est peché veniel selon l'importance de la chose.

  A010001020 

 Il nous donne en cecy des preuves de la douceur avec laquelle il traitte les pecheurs, car il a deux bras: l'un de sa justice toute puissante et equitable, et l'autre de sa misericorde qu'il exalte par dessus celuy de sa justice..

  A010001020 

 Mais aussi les Apostres ne rejetterent pas le coulpable de leur compagnie, ains prierent pour luy, et Nostre Seigneur, par sa misericorde ineffable, vint une seconde fois pour saint Thomas seul.

  A010001021 

 Il faisoit cela par un zele ardent, mais qui estoit faux et indiscret, encores qu'il luy parust bon.

  A010001024 

 De mesme ès Religions, entre vous autres, quand l'une tombe, les autres l'aydent à se relever par la correction fraternelle, par les prieres et bons exemples; aussi les ames se perdent rarement en Religion sinon qu'elles le veuillent, s'obstinant et opiniastrant en leur mal.

  A010001025 

 Dieu nous fasse la grace de ne passer jamais à ce troisiesme degré, et si nous y passons, de nous en vouloir retirer par sa bonté et misericorde.

  A010001033 

 Et moy je responds que c'estoit bien celle des anciens en la primitive Eglise, lors qu'elle estoit en sa fleur et en sa vigueur; saint Gregoire nous [413] tenons par tradition certaine qu'il y a mil six cent vingt et deux ans que Nostre Seigneur est venu en ce monde et qu'en prenant nostre nature il s'est fait homme..

  A010001034 

 Pourtant le Fils nous est né du Pere, comme qui diroit de son sein, de sa propre substance; c'est ainsy, par exemple, que nous disons que les rayons du soleil sortent de son sein parce que le soleil et ses rayons ne sont qu'une mesme chose.

  A010001035 

 L'Evangile nous asseure que le Verbe divin s'est incarné ès entrailles de la tres sainte Vierge, par ces paroles de l'Ange: Spiritus Sanctus, etc., luy annonçant que le Saint Esprit viendroit en elle et que la vertu d'en haut l'obombreroit.

  A010001037 

 Tout cela nous monstre qu'il est plus qu'homme, comme au contraire, par les gemissemens qu'il fait en la creche, tremblottant de froid, nous le voyons vrayement homme..

  A010001038 

 Mais sa bonté l'a porté jusques là, que de se faire nostre frere à fin de nous donner exemple et nous rendre par ce moyen participans de sa gloire; c'est pour cela qu'il a voulu estre de la graine d'Abraham, car la tres sacrée Vierge estoit de sa race, et pour cette cause il est dit d'elle: Abraham et semini ejus..

  A010001042 

 Et par consequent il est impossible que ce que fait l'une des Personnes divines les autres deux ne le fassent semblablement; et, comme dit le Symbole de saint Athanase, le Pere est createur, le Fils est createur et le Saint Esprit est createur, et toutes les œuvres de la creation et autres ont esté et sont esgalement faites par les trois Personnes divines.

  A010001043 

 Or, en cette feste, ayant à considerer les œuvres du Saint Esprit, les uns les regardent comme fruits, ainsy qu'ils sont descrits par l'Apostre saint Paul en l'Epistre aux Galates: Fructus autem Spiritus est charitas, gaudium, pax, patientia, longanimitas, bonitas, benignitas, mansuetudo, fides, modestia, continentia, castitas; Les fruits de l'Esprit sont charité, joye, paix, patience, longanimité, bonté, benignité, mansuetude, foy, modestie, continence et chasteté.

  A010001045 

 De sorte que l'humanité sacrée de nostre Sauveur a esté comme une divine fleur sur laquelle le Saint Esprit s'est reposé pour luy communiquer ses sept dons; ce qui nous est tres bien representé par ce chandelier d'or avec ses sept lampes, qui estoit devant le tabernacle en l'ancienne Loy, et lequel pouvoit estre appellé une fleur parce que ses vases estoyent disposés en guise de fleurs de lys..

  A010001046 

 Mais nous, qui en devons parler pour nous instruire, commençons par le bas bout pour monter au plus haut, et puisque nous sommes en terre, commençons par le premier degré; quand nous serons parvenus en haut, je veux dire au Ciel, nous pourrons puiser les tresors dans le sein du Pere eternel..

  A010001048 

 De mesme il y a plusieurs personnes lesquelles ne quitteroyent jamais leur mauvaise [419] vie s'ils ne craignoyent la mort, le jugement et les peines d'enfer; et cette crainte est la plus generale entre les hommes, ainsy que l'experience le fait voir tous les jours; car de dix mille penitens, il n'y en a peut estre pas un qui ne commence son salut par cette crainte de la mort, du jugement et de l'enfer.

  A010001048 

 Mais cette [première] crainte est servile et semblable à celle des forçats de galere, qui ne voguent que par force et ne vogueroyent jamais s'ils ne craignoyent qu'on les accablast de coups de nerfs de bœuf.

  A010001049 

 Ces menottes et chaisnes de fer, dit saint Augustin, c'est la crainte d'estre damné, et cette crainte est bonne pour commencer son salut, parce que les hommes reconnoissans qu'il est impossible que Dieu ne se venge des pecheurs qui l'ont offensé, ils craignent et redoutent ses chastimens, et cette apprehension est naturelle; car comme la nature nous enseigne qu'il y a un Dieu, aussi, dit saint Chrysostome, il est impossible de penser qu'il y a un monde regi et gouverné par sa providence, [sans] que sa justice ne soit exercée sur les hommes pour punir les pechés.

  A010001051 

 Et saint Hierosme disoit que la crainte des jugemens de Dieu transperçoit si fort son ame qu'il luy sembloit tousjours entendre retentir à ses oreilles cette voix espouvantable des Anges: «Levez-vous, morts, et venez au jugement; Surgite, mortui, venite ad judicium.» Mon Dieu, que de personnes ont quitté le peché par cette crainte du jugement! C'est donc à tres juste rayson qu'elle est dite le commencement de la sapience, et l'amour la consommation, qui nous fait monter au Ciel pour nous joindre à Dieu; mais pour arriver à ce bonheur il faut quitter le peché, et pour le quitter il faut craindre.

  A010001053 

 Ce qui nous fait voir que cette crainte est bonne, et que c'est Dieu qui en est l'autheur et la met dans le cœur pour commencer par icelle nostre salut..

  A010001054 

 Le Saint Esprit donques venant au cœur luy communique le don de pieté, par lequel l'ame un tres grand honneur et respect à Dieu, accompagné d'un amour filial et d'une crainte amoureuse..

  A010001055 

 Et ne voyons-nous pas que sa divine Majesté se [422] plaint de ce defaut de crainte, d'amour, d'honneur et de respect par son Prophete Malachie, disant: Si je suis vostre Pere, où est l'honneur que vous me rendez? si je suis vostre Seigneur, où est la crainte que vous devez avoir de m'offenser? Si ergo Pater ego sum, ubi est honor meus? et si Dominus ego sum, ubi est timor meus? Le fils sert comme fils, et non point comme serviteur crainte d'estre battu, ni pour la recompense comme mercenaire, mais par amour, d'autant que cet amour est imprimé au cœur filial.

  A010001056 

 Les petits enfans vivent en une grande confiance: ils ne pensent point que leur pere les veuille battre ni qu'il leur prepare un heritage, ains seulement s'occupent à l'aymer sans penser à autre chose, parce qu'ils sont portés entre ses bras, qu'ils sont nourris, dorlottés et en fin entretenus par le soin de leur bon pere.

  A010001059 

 D'autres ont esté ignorantes, et en leur ignorance elles ont esté admirablement sçavantes, comme sainte Catherine de Genes; mais la presence du Saint Esprit les rendoit sçavantes, et parce qu'elles avoyent la crainte, la pieté et l'humilité, Dieu leur fit ce riche present du don de science qu'Eve a tant desiré, mais par orgueil, pour estre semblable à Dieu..

  A010001061 

 Mais, me direz-vous, puisque nous recevons le Saint Esprit et avec luy tous ses dons, lors que nous recevons les Sacremens avec les dispositions requises, d'où vient que nous retombons si souvent au peché? C'est par lascheté, d'autant que nous n'osons pas entreprendre la guerre contre le vice avec la fermeté et le courage necessaires pour surmonter nos ennemis.

  A010001061 

 Par exemple, l'on vient à la Confession où l'on reçoit le Saint Esprit avec la remission des pechés; et neanmoins combien y en [425] a-t-il qui recidivent aux mesmes pechés apres la Confession! Et d'où vient cela, sinon faute de courage? On pense: Qu'est-ce qu'on dira de moy si je deviens devote, si je fais penitence, si je quitte les conversations mondaines? On craint une parole dite en l'air; et n'est-ce pas tout à fait manquer de force que cela?.

  A010001062 

 Et c'est pourquoy le Saint Esprit nous communique le don de force par lequel tant de Martyrs ont vaincu les tyrans et surmonté les tourmens avec tant de constance que rien ne les a espouvantés, ainsy qu'on peut voir en lisant les histoires d'une sainte Agnes, d'une sainte Agathe et d'une infinité d'autres..

  A010001062 

 Mais il faut remarquer qu'encores que nous ayons receu les dons du Saint Esprit, si nous ne sommes grandement sur nos gardes nous les pouvons perdre à toute heure, quoy que nous nous puissions servir de l'un sans l'autre, parce qu'ils ne sont en nous que par maniere d'habitude, ce qui fait que nous ne nous en servons que quand nous voulons.

  A010001063 

 Par exemple, vous verrez une personne qui voudra suivre la devotion, qui dira en elle mesme: Quel conseil suivray-je pour prattiquer le bien que Dieu m'a inspiré et pour eviter le mal qu'il m'a fait reconnoistre? quel chemin tiendray-je? quel conseil observeray-je? Sera-ce celuy de la chasteté ou de la pauvreté? sera-ce l'obeissance simple et aveugle? Suivray-je la [426] viduité ou le mariage? Feray-je l'aumosne ou donneray-je tout mon bien aux pauvres? Le Saint Esprit, residant dans nostre cœur, nous conseille et nous pousse par son inspiration à faire ce qui est plus pour la gloire de Dieu et nostre salut.

  A010001064 

 Il nous conseille donques ainsy immediatement par ses inspirations, ou bien il nous conseille de nous conseiller à ceux qui ont la lumiere qu'il leur a communiquée..

  A010001065 

 Le don suivant est le don d' entendement, entendement spirituel que le Saint Esprit enchasse dans nostre entendement humain, lequel n'est autre qu'une certaine clarté par laquelle nous voyons et penetrons la beauté et bonté des mysteres de la foy.

  A010001066 

 Mais faute d'avoir fortement establi ces maximes dans nostre cœur, nous nous perdons miserablement, et le monde triomphe de nous et nous seduit malheureusement par ses fausses maximes.

  A010001068 

 Plusieurs sçavans sont fols, mais la sapience est une science par laquelle on savoure, on gouste et penetre la bonté de la loy et les choses les plus relevées de l'Evangile, non pour en parler ou prescher, ains pour les prattiquer, et, comme l'abeille, l'ame va dessus les fleurs de la loy, sucçant le miel de la bonté de Dieu.

  A010001078 

 Si le ciel, l'air et la terre et tout ce qui est en iceux semble de rajeunir et resusciter quasi de mort a vie en ceste douce sayson printaniere, auditoyre devot, ame chrestienne treschere et trescherie, recompense des travaux du Sauveur et Seigneur; puysque le ciel, lequel a demeuré si long tems sombre et obscur, semble s'estre revestu de la plus belle roubbe de ses clartés; l'air, ci devant tout plein de froides humidités, de brouillards et [431] melancolique nuage, se descouvre si pur, si calme et si bien [attrempé] assaysonné maintenant; la terre, toute ridëe, crottee et ternie par les rigueurs de l'hiver, comparoist maintenant toute diapree de son verdissant et fleurissant esmail; si l'Eglise nostre Mere, laquelle est demeurëe toute mortifiëe ce Caresme, ne portant que des habitz lugubres, ne chantant que des chans lamentables, ne faysant autre contenance que triste et faschee, comme celebrant le dueil de son cher Espoux, maintenant, comme pour fayre nouvelles nopces avec son mesme resuscité Seigneur et Espoux, faict tapisser et parer le mieux qu'elle peut toutes ses maisons, tient un maintien de cæremonies joyeuses et allegres, ne chante que des chans de liesse et de consolations; si l'enfer tenebreux a esté mesme changé en clarité par le lumineux aspect de Nostre Seigneur qui est descendu, si les Anges comparoyssent avec leurs roubbes plus blanches que l'ordinayre, demeurerons nous, o Chrestiens, entre toutes les creatures, morts et immuables en nostre laydeur et tristesse? Pour quoy ne prendrons nous nos beaux vestemens?.

  A010001110 

 [1.] Le pain jamais ne nous renforce que par reaction; mays cestuicy, comme humide et chaud, renforce absolument..

  A010001111 

 Le pain corrobore par dedans et nous garde du corrompant interieur, non de l'exterieur; l'Eucharistie, utroque modo.

  A010001115 

 des Juges: Les Ephraites interrogés par les Galaadites, Sciboleth, Sibollet [ ad ] vada Jordanis.


11-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XI-Vol.1-Lettres.html
  A011000036 

 La brièveté de cette lettre est occasionnée par le départ précipité du porteur.

  A011000050 

 — Premières difficultés suscitées par les ministres protestants.

  A011000069 

 Arbitrage du Sénateur réclamé par le Chapitre de Genève et un ecclésiastique qui demande à en faire partie. 70.

  A011000071 

 Emotion causée par le malheur d'un ami commun; vif désir de défendre sa cause.

  A011000079 

 — Accueil fait par les hérétiques à la Centurie premiere. — L'avocat de Prez adresse des vers à l'auteur. 84.

  A011000102 

 Opposition apportée par les syndics de Thonon à l'érection d'un autel, — Combien la protection du duc est nécessaire aux nouveaux Catholiques.

  A011000110 

 — Promesse faite par les Religieux d'Ainay.

  A011000116 

 — Tyrannie exercée par les Genevois sur les Catholiques.

  A011000128 

 Le voyage du Saint à Rome retardé par une maladie grave.

  A011000133 

 — Ebranlement produit par l'annonce des Quarante-Heures à Thonon.

  A011000133 

 — Zèle du duc de Savoie mal secondé par ses officiers. 160.

  A011000142 

 Invitation à exposer par écrit la mission dont il est chargé. 173.

  A011000144 

 Minutes écrites par saint François de Sales pour Monseigneur de Granier.

  A011000145 

 CXIX. A Sa Sainteté Clément VIII. Fruits merveilleux produits par les Quarante-Heures de Thonon.

  A011000148 

 Lettres adressées a saint François de Sales par quelques correspondants.

  A011000174 

 Dès que parut le premier volume (1892) de la nouvelle édition des œuvres de saint François de Sales, publiée par les soins des Religieuses de la Visitation du I er Monastère d'Annecy, avec l'intelligent concours du docte Bénédictin P. Mackey, il obtint l'applaudissement universel des érudits..

  A011000189 

 Il n'y a d'exception que pour les lettres envoyées au duc de Savoie par intermédiaire.

  A011000191 

 La fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi.

  A011000191 

 Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italiques des mots qui la précèdent immédiatement au texte, à moins que le point de départ ne corresponde à un alinéa, ou que la corrélation ne soit évidente.

  A011000203 

 Et maintenant que je suys au milieu et meillieur âge de mes estudes, si je puys cognoistre seulement par presumption que prenies en bonne part mes lettres, ce me sera comme un aultre corage pour poursuyvre mon entreprise en l'estude, laquelle j'oseroys bien me promettre (sans me flatter) reussira au bien que je desire, Dieu aydant, qui est de le bien pouvoir servir; puys apres, vous fayre service, a qui j'ay tant de debvoir et obligation..

  A011000203 

 Mays m'ayant escript un de mes amis de l'honneur et faveur que vous aves faict a une mienne seur, je me suys persuadé que le treuveries bon de moy, auquel vous fistes tant d'acueil dernierement en ceste ville; joinct aussi que ne pouvant encores (Dieu m'en face la grace pour l'advenir) fayre paroistre [1] l'affection que j'ay de vous fayre humble service, j'ay volu (comme il s'accoustume) vous en donner souvenance par lettres.

  A011000227 

 Je vous remercie donc d'avoir quelque souvenir de nous, et tant de sollicitude pour notre bien, que vous trouvant au milieu d'une ville où, si je ne me trompe, on se réjouit beaucoup de la nouvelle Navarraise qui s'y est répandue, par affection pour nous vous n'en éprouvez aucun contentement.

  A011000250 

 Or, vostre lettre me servira au moins de tesmoignage que vous prenes a gré l'affection que je vous porte, et partant j'ay pris un tres [4] grand contentement de voir que desires que je retourne bien tost par devers vous, tout plein de belles qualités....

  A011000265 

 Toutefoys, pour autant que peut estre ne vous trouvera il pas comme il desire, et aussy quil est fort aysé a oublier si peu de chose comme je suys, affin d'asseurer mon intention j'ay escrit ces deux mots que je vous addresse, par lesquels je vous saluë tres humblement et affectionnement, et vous remercie de la memoyre que vous eustes de moy quand monsieur de la Chapelle print congé de vous pour venir icy, lequel m'a encores dict que d'autrefoys vous luy avies parlé de moy; ce que cognoissant ne venir de mes merites, j'en honore d'autant vostre bonté, delaquelle je reconnoys toutes ces faveurs..

  A011000277 

 Despuys lhonnorable memoyre que vous fistes de moy par lettre a monsieur de Marry, il y a quelque tems, qui me fut comme un'arre de vos graces, le grand desir que ja auparadvant j'avoys d'estre accepté pour vostre serviteur tres humble s'estoit extremement accreu.

  A011000277 

 Dont vous pourres asses connoistre, sans que je vous en die autre, avec combien de satisfaction j'ay receu vostre lettre, combien j'en fays d'estat et combien estroittement je m'en sens obligé, mays beaucoup plus de ce que par icelle vous me presentes.

  A011000277 

 Et pourtant j'avoys a plusieurs foys prié monsieur de la Tornette et monsieur de la Porte de vous fayre present, de ma part, et de moy mesme et de mon service, pensant par ce moyen, sans que je vous importunasse par lettres (que je craignoys fort), vous pouvoir fayre sçavoyr combien je me connoissois honnoré de vostre mention et combien humblement je vous en remercioys.

  A011000278 

 Et bien que je n'aÿe autre merite, si est que la grande et bonne affection que j'ay est suffisante pour me fayre avoyr un lieu de mortepaÿe en vostre service, affin que j'aye le contentement, par la continuation de ceste vostre faveur....

  A011000290 

 Antonium, quem Franciscum vi simpathiæ nominas, Merindulensem suamet manu inter tuas (sic) adscribam, bonum, prudentem, ac supra ætatem philosophum [11] juvenem; hoc solo nomine miserandum quod tanto ingenio genioque minime par sit nactus corpusculum, sed calculo generando pessime aptum (lapidem philosophicum a generante nominarim).

  A011000299 

 En effet, bien qu'elles semblent au début engendrées par l'amour, souvent dans la suite, par de très petits, d'insensibles changements, elles tuent, avec le temps, celui-là même qui les a engendrées.

  A011000299 

 Quant aux paroles que vous semez sur mon compte, par ci par là, auprès de vos amis, surtout auprès de celui que vous appelez votre maître, prenez garde qu'on ne les interprète comme si vous semiez votre champ.

  A011000300 

 Si cet homme consentait à m'accepter comme sien ce serait pour moi un bien préférable à tout autre bien; rien donc ne me sera aussi avantageux que de lui être connu, au moins de nom, par votre entremise.

  A011000300 

 Sur ce sujet, je garde en mon cœur bien des choses que je ne puis entièrement révéler, et, le pourrais-je, que le temps laissé par le porteur ne me permettrait pas de les écrire..

  A011000301 

 Antoine de Mérindol que, par sympathie, vous appelez François, de sa propre main se consigne entièrement entre les vôtres.

  A011000301 

 Il a été retenu au lit par cette maladie très douloureuse pour lui et pour tous ses amis.

  A011000318 

 Depuis longtemps déjà vos mérites et vos vertus, homme très savant, auraient suffi pour m'attacher à vous sans réserve; mais aujourd'hui vous vous êtes acquis sur toute ma personne un droit sans égal par la bienveillance qui vous a porté à me dédier si amicalement vos très savantes thèses théologiques.

  A011000318 

 En effet, que pouvait-il humainement m'arriver de plus glorieux que de m'entendre donner le titre d'ami par un personnage si docte et si accompli? Il n'est rien en moi, homme obscur, qui puisse ainsi me concilier vos bonnes grâces.

  A011000335 

 J'ai reçu vos deux lettres qui m'ont été très agréables, surtout par les assurances qu'elles me donnent de votre affection pour moi.

  A011000336 

 Comme j'entends dire que les populations auxquelles vous consacrez vos talents sont si grossières qu'elles ne veulent pas vous affranchir des charges publiques, et n'ayant nulle autorité pour le faire par moi-même, je le fais du moins par l'autorité de l'empereur Constantin, qui a édicté le décret suivant dans la VI e Loi du Titre LII, intitulée: De Professoribus et Medicis, Livre X du Code: « Les médecins, les maîtres d'école et les docteurs en droit avec leurs femmes, leurs enfants et les biens qu'ils possèdent dans la ville (ce mot-là vous affranchit complètement) sont exempts de tout impôt et charge soit municipale, soit publique, de toute corvée et obligation de logement.

  A011000336 

 » C'est le sens qui est par la Glose attribué au décret de l'empereur (au mot Muneribus ).

  A011000363 

 Puisque vous êtes un arbre excellent, et, par ses fruits, reconnu comme tel dans tout le monde savant, depuis longtemps je me propose votre exemple, et, jour et nuit, je tâche autant que faire se peut de me conformer à ce modèle.

  A011000365 

 Alors que j'aspirais avec ardeur à saisir cette occasion, je ne sais par quel contre-temps elle m'a échappé.

  A011000365 

 Aux dernières fêtes de Pâques, me trouvant à Chambéry, je me présentai chez vous, conduit par le médecin Coppier; ce fut encore inutilement, car vous étiez absent..

  A011000366 

 Maintenant que par votre lettre, comme par un cartel signé, vous avez provoqué un combattant qui par nature est très ardent dans ces sortes de luttes, prenez garde d'avoir bientôt à considérer moins lequel de nous deux est le premier descendu dans l'arène que celui qui y demeurera le dernier..

  A011000367 

 Et pour ne pas paraître honorer en vous la dignité sénatoriale plutôt que la vertu consommée du sénateur, je n'estimais pas convenable de vous adresser mes hommages à distance, car je ne me croyais pas un jeune homme assez important pour mériter que mon nom eût été prononcé ou entendu par quelqu'un des membres de votre illustre corps.

  A011000367 

 Ne prétendez pas cependant, comme vous le faites, avoir été le premier à m'aimer, et ne croyez pas par suite que je vous doive moins ou que vous deviez davantage à mon mérite.

  A011000367 

 Si, par une bienveillance extrême, vous avez été le premier à m'écrire, cela prouve seulement que vous avez donné [22] le premier, ce qui est plus divin, et que j'ai été le premier à recevoir, comme il sied à mon infériorité.

  A011000368 

 Je ne m'informerai donc pas si c'est pour m'exciter à la vertu que, non content de m'aimer, vous daignez encore m'écrire, ou (comme vous vous y croyez obligé par ce qu'on vous a rapporté de moi) si c'est pour satisfaire votre propre inclination envers ceux qui ont en eux-mêmes quelque faible semence de cette probité et de ces talents qui fructifient si abondamment en vous.

  A011000368 

 Mais cette crainte sera modérée par la connaissance que j'ai de votre grande bonté, laquelle est unie à une prudence telle qu'aucune [23] exagération, addition, diminution, aucun artifice et habileté de langage en ceux qui vous parleront de moi, soit en bien soit en mal, ne saurait vous tromper.

  A011000370 

 En attendant le bonheur de vous voir, je vous remercie de ce que vous avez bien voulu m'écrire le premier, et je vous promets de ne [24] me laisser surpasser par qui que ce soit dans le soin de vous honorer et de correspondre à votre amitié.

  A011000386 

 Je ne puis nullement à cet égard vous rendre pareille faveur; car, bien qu'en affection je n'hésiterais pas à lutter même avec vous, que je reconnais par des signes indubitables être un homme des plus aimants, toutefois la prétention de vous concilier l'amitié de qui que ce soit n'est compatible ni avec la médiocrité de mon mérite, ni avec l'éclat de vos vertus.

  A011000387 

 C'est pourquoi je vous rends des actions de grâces d'autant plus vives pour m'avoir procuré un ami tel que, dussé-je vivre toute la vie d'un Nestor, je n'eusse pu l'acquérir par mes propres mérites.

  A011000387 

 Et si vous n'aviez pas toutes les qualités qu'on vous attribue, c'est précisément à François Girard, d'après ce que vous me dites de lui dans votre lettre, que je devrais aller pour les rencontrer... Vous voyez donc que ma preuve ressort plus évidemment par sa propre force que par l'habileté de celui qui l'expose..

  A011000388 

 Je ne vois rien en moi qui puisse provoquer (pour me servir de la propre expression de François Girard) l'amitié de ce personnage si grave, déjà vénérable par l'âge, et si magnifiquement [27] orné de toutes les sciences et de toutes les vertus.

  A011000389 

 Il convient donc que vous appeliez compagnon celui qui veut bien m'aimer, il est vrai, mais seulement par amour pour vous, puisqu'il ne me connaît pas personnellement, mais seulement d'après l'opinion que vous avez conçue de moi.

  A011000412 

 Par suite, me mettant en union de sentiments avec vous, vous m'y mettez aussi avec François Girard, de telle sorte que tout, jusqu'à la moindre bagatelle, vous devient commun..

  A011000415 

 Afin qu'il en soit ainsi, puissé-je vous ressembler non seulement dans la manière d'exprimer mes sentiments (comme a coutume de faire le Prévôt François, et en cela, ainsi qu'en plusieurs autres choses, il existe entre nous un certain air de famille), mais encore en réalité et par le mérite, comme vous vous persuadez que je le fais.

  A011000415 

 Que du moins cette indignité soit atténuée par l'aveu que j'en fais, et que je compense les qualités qui me manquent par le vif désir que j'éprouve de les acquérir..

  A011000434 

 (Ce Prince a sollicité [32] lui-même par lettres ces prières.) Afin que le peuple s'attachât avec plus d'ardeur à fléchir la justice de Dieu, un sermon a été annoncé pour le Dimanche suivant, et on a imposé le soin de le prononcer à votre apprenti qui, hors de l'école, ne sait guère refuser.

  A011000436 

 » C'était, ce me semble, me demander de vous écrire tant que je ne serais pas retenu par un empêchement qui arrêterait même « l'homme fort et constant.

  A011000437 

 Si d'une part il m'a été très pénible de ne pouvoir répondre à un homme tel que vous, j'oserais même dire (pour employer un terme plus doux qu'autorise votre extrême obligeance) à un tel ami, qui m'écrit avec tant d'affection, d'un autre côté ce m'a été une immense joie au milieu de préoccupations très pénibles de savourer le miel qui découle de votre plume, et de vous entendre en quelque sorte parler par vos lettres..

  A011000438 

 Toutefois, si je vous la recommandais, je passerais pour un sot; car ce que vous ne prenez pas à cœur n'est pas juste, toute cause juste, quelle que soit la personne intéressée, étant toujours patronnée par vous.

  A011000439 

 Ayant reçu trois lettres de vous, je n'estime pas, seulement par celle-ci, m'acquitter à votre égard.

  A011000454 

 A l'approche de ce jour terrible, de ce jour effroyable, comme l'appelle saint Chrysostome, où d'après la volonté de notre Evêque, c'est-à-dire d'après la volonté de Dieu (car je ne cherche pas d'autre interprète de cette divine volonté), à l'approche de ce jour, dis-je, où après avoir passé par tous les degrés des saints Ordres, je vais être promu à l'auguste dignité du sacerdoce, je ne puis me dispenser de vous annoncer l'insigne honneur et le bien excellent qui m'attendent.

  A011000455 

 Et certes, si je ne me trompe, il ne saurait rien arriver de plus difficile et de plus périlleux à l'homme que d'être appelé à tenir entre ses mains et à produire par sa parole, selon l'expression de saint Jérôme, Celui que les Anges, ces intelligences que nous sommes incapables de concevoir ou de louer dignement, ne peuvent pas même embrasser par la pensée ni célébrer par de justes louanges.

  A011000455 

 Leurs craintes s'apaisent par cette communication.

  A011000455 

 On peut améliorer, il est vrai, la condition d'un autre sans qu'il le sache, et le changement que je vais subir est le plus glorieux qui puisse m'arriver en ce monde; néanmoins votre sympathie me sera très avantageuse, car je suis assailli par la plus grande inquiétude que j'aie jamais ressentie.

  A011000457 

 Et pourtant, comment se fait-il (ici je m'éloigne insensiblement des considérations qu'il me suffit de vous avoir indiquées), comment se fait-il que si un ami s'efforce par la compassion qu'il porte à son ami malheureux d'éloigner de lui les maux qui le menacent, celui-ci se sente réconforté par cette compassion même, bien qu'en s'apitoyant sur lui, le premier n'ait pu s'empêcher de ressentir les mêmes maux? Sans doute cela vient de ce que la commisération est la marque incontestable de l'amitié, ce sentiment le plus exquis de tous, lequel, dans nos amis, nous est bien plus précieux étant mêlé de compassion que s'il se terminait à une froide bienveillance qui ne participerait en rien à nos douleurs..

  A011000458 

 Je me réjouis spécialement et j'exulte de pouvoir correspondre au moins par cet office le plus sublime de tous, je veux dire par des sacrifices et par le sacrifice de la plus auguste des victimes... [40].

  A011000485 

 Même, comme par l'effet d'une souveraine affection vous ressentiez ma fièvre, je dirais presque notre fièvre, si entre nous les maux étaient communs comme les biens (et de ceux-là je pourrais vous enrichir sans m'appauvrir, car j'en suis de beaucoup le mieux pourvu), j'en aurais été pour ma part tout glorieux; mais alors j'aurais souffert à mon tour de vos douleurs, à moins qu'il n'eût été préférable de mettre un terme à cette communication de peines..

  A011000486 

 Chappaz vous a bien représenté au festin antonien; je dis vraiment bien antonien par la sincérité de la tendresse fraternelle.

  A011000488 

 Quant à ce qui fait à vos yeux le principal charme du séjour habité par ma famille, le plaisir de nous y voir tous réunis, je crains que nous en soyons privés; car vers ce même temps de carnaval, [43] M. le sénateur Roget, un ami qui nous est si cher, devant célébrer le mariage de sa fille aînée avec le juge-mage du Faucigny, mes parents, qui ont déjà reçu des lettres d'invitation, ne pourront se dispenser d'assister à ce mariage sans manquer aux égards qu'ils doivent à la famille du Sénateur..

  A011000490 

 M. de Montrottier écrit encore une fois, mais il me dit que désormais il ne répondra que par le silence à vos lettres, dont le style élégant et délicat le remplit d'admiration.

  A011000519 

 A peine ai-je eu le temps d'écrire; il [48] accompagnait son oncle, M. de Passier, qui était sur son départ, et je craignais, si je l'eusse prié d'attendre, qu'il ne parût plus empressé à m'obliger qu'à répondre aux désirs de son oncle.

  A011000520 

 Par une [49] heureuse coïncidence assurément, votre lettre précédente me parvint au moment où je me retirais dans ma maison paternelle de Sales.

  A011000534 

 Une noble femme, M me de Ville, veuve de celui qui par suite des embûches des hérétiques périt, il y a quelques années, dans l'incendie de son château, attendait ces jours derniers la sentence d'un procès qui se plaidait devant le Sénat entre ses fils et M. Bessonnet, procès [50] dans lequel vous êtes rapporteur.

  A011000535 

 Toutefois cette hypothèse est détruite [51] par votre vif désir d'assister à mes petites prédications, lesquelles vous devriez pouvoir entendre de la seule oreille spirituelle, puisque je les prononce avec autant d'attention que de force.

  A011000554 

 Cependant je préfère vous écrire non seulement d'une façon laconique, mais à la hâte et avec précipitation, que de ne pas le faire du tout; car, dans ce temps de jeûne, j'ai pensé que je serais excusable de vous adresser une lettre un peu maigre, moi surtout qui rarement en écris d'autres, et qui, moins par la suppression des mets, que par la récente privation de votre présence, trouve tout fade et insipide.

  A011000567 

 Il était presque résolu à prendre une autre route [lorsqu'il s'est décidé à passer par Annecy]..

  A011000568 

 Quant à votre dernière lettre, elle offre une telle harmonie de pensées avec celle que je vous ai adressée le même jour, qu'elle montre clairement la parfaite unanimité de sentiments qui existe entre les deux frères, surtout en matière d'amitié, bien que ces sentiments ne soient pas exprimés de la même manière, car par l'élégance de votre style vous me laissez bien loin derrière vous.

  A011000577 

 Venio ad Rodulphum Mellierum, Torentianum rusticum, quem dum ut commendatum habeas peto, jam nunc gratias ago quantas maximas possum quod meæ commendationi longe plus deferas quam meis meritis deferre te par esset.

  A011000585 

 C'est non seulement avec empressement, mon très bon et très doux Frère, mais avec une véritable anxiété que j'ai cherché tous ces jours derniers à rencontrer un des nombreux personnages qui se sont rendus auprès de vous; mais, par un regrettable contretemps, aucun ne m'a prévenu.

  A011000585 

 La seule chose dont je sois accablé, ce sont les bienfaits si nombreux et si grands par lesquels, non sans peine, vous avez montré à nos gens de la Thuille votre amitié pour la famille de Sales; et si d'une part cette preuve d'affection me réjouit, de l'autre je déplore le sacrifice de vos précieux instants de loisir..

  A011000586 

 Je ne crains pas qu'on m'accuse de vouloir favoriser une mauvaise cause, si par ignorance je vous en recommandais une qui fût telle; car celui qui présenterait du cuivre pour de l'or à un orfèvre aussi habile que vous ne saurait être soupçonné d'agir de mauvaise foi.

  A011000606 

 en dehors de toutes les lois de la bienséance d'assimiler au temps du Carême, par je ne sais quel triste silence, ces jours de Pâques si pleins de joie, alors surtout que les prairies, les arbres, les oiseaux célèbrent le printemps avec tant de suavité.

  A011000607 

 D'ailleurs, la saison si favorable aux voyages nous fournira plus d'une occasion de nous rapprocher, alors que les plaideurs, même par simple divertissement, se rendront bien souvent auprès de vous.

  A011000608 

 S'il en va autrement, je le suivrai le plus tôt possible; les mets de Carême chargeraient trop douloureusement mon estomac, si, au commencement et à la fin, je ne les relevais par le condiment très salutaire de votre présence.

  A011000627 

 Avant-hier, me rendant ici dans l'intention d'aller à vous le lendemain avec M. Coppier, après environ trois milles de marche sous une pluie torrentielle, je fus arrêté par un obstacle que je n'avais pas prévu, je vous assure: le torrent était si enflé qu'il ne présentait aucun endroit guéable, et je fus forcé de rebrousser chemin.

  A011000627 

 C'est ce qui m'empêcha de rejoindre M. Coppier, lequel faisait route sans difficulté par le côté opposé du lac..

  A011000628 

 Je suis pressé par un incroyable désir de tenir ma promesse, et je le ferai aussitôt que je le pourrai; mais je me garderai bien de vous indiquer le jour, de peur que vous ne veniez encore à ma rencontre.

  A011000629 

 Mais il est digne de Salteur de plaider victorieusement une cause désespérée, et d'obtenir un pardon qui ne peut nuire à personne, pour celui qui est déjà puni de sa faute par la confusion qu'il en éprouve et par la perte qu'il a faite.

  A011000647 

 Louange soit donc à Dieu pour vous tous par Jésus-Christ, vous dirai-je avec saint Paul, parce que votre foi est maintenant annoncée partout.

  A011000658 

 Ego vero cum D. de Charmoysi, affini nostro, paulo citius expectaturi sumus; quorum enim longe majus futurum est bonum, expectationem anteriorem esse par est..

  A011000690 

 Ne vous laissez pas arrêter par la crainte de n'avoir pas d'appartement; si vous venez, vous aurez des maisons de ville à votre disposition.

  A011000706 

 Aussi, dans la confusion que j'éprouve de vous avoir donné un pareil sujet de mécontentement, à peine aurais-je osé, même par lettre, diriger sur vous mes regards, si le souvenir de votre douceur et de votre indulgence ne m'avait encouragé..

  A011000708 

 Avant que j'aie la peine d'être séparé d'un très aimable frère, je me suis persuadé que je pourrais obtenir le pardon de mon silence prolongé en vous promettant de vous dédommager à l'avenir par ma diligence et mon exactitude.

  A011000740 

 Deux raisons principales me portent à vous écrire, mes très chers Amis: la première est de répondre à la lettre dont vous m'avez favorisé récemment, et qui m'a causé tant de plaisir; la seconde est de vous demander une nouvelle lettre, car celle que vous m'avez écrite est tout endommagée par la lecture répétée que j'en ai faite.

  A011000758 

 Que j'étais donc simple et ingénu, mon Frère, quand je vous conseillais si naïvement d'être un peu condescendant envers ma sœur, [votre femme,] comme si jamais vous aviez eu d'autres pensées! Je serais déjà plein de confusion d'avoir été trompé en chose aussi [80] évidente si je ne l'avais été par un artisan tel que vous.

  A011000759 

 Certes, je félicite aussi grandement ma sœur de pouvoir jouir longuement de votre agréable présence; mais pourquoi vouloir être prié, pressé et presque contraint dans cette affaire? Pourquoi n'occuper qu'après les nombreuses instances de plusieurs, la place que vous avez choisie vous-même, si ce n'est par une extrême finesse digne des hommes de cour, à la manière de notre Locatel? C'est bien.

  A011000760 

 Mais je ne vois pas ce qui peut m'être attribué dans cet ouvrage, car vous l'avez vous-même tissé et enrichi de tant de belles pierreries, que, par une heureuse transformation, il a perdu son ancien nom et sa première forme..

  A011000776 

 J'ai reçu votre lettre par le porteur à qui vous l'aviez remise.

  A011000795 

 Il faut maintenant vous féliciter du fond du cœur, excellent Girard, puisque nous vous voyons combattre de toutes vos forces sous [84] l'étendard du très saint Crucifié; car n'est-ce pas combattre pour le Christ que de haïr ceux que Dieu hait, et de sécher de douleur à cause des ennemis de la Croix? Vous ne pourrez jamais rencontrer une occasion plus glorieuse pour bien mériter de Dieu et de l'Eglise que celle qui vous est présentement offerte par la souveraine providence divine.

  A011000796 

 » Votre gloire me [86] devient d'autant plus douce que l'excellent Jean Tissot, déjà vénérable par ses cheveux blancs, très digne prieur de notre Confrérie, vous a dernièrement inscrit avec plus de bonheur au nombre des confrères de la Croix; car maintenant il y a entre nous une certaine communauté de biens à divers titres, et principalement parce que nous sommes frères dans la Croix.

  A011000808 

 [88] Ils vous supplient donques, Monsieur, tres humblement, tous en general et moy en particulier, comm'ayant cest honneur d'estre Prevost en leur compaignie, de prendre ce leur affere en main; se promettans que si la bonne intention de Son Altesse, dressëe sur la pieté de la cause, est aydëe de vostre faveur et authorité, elle sortira en son effect avec grand merite de sa dicte Altesse, qui nous aura remis nostre pain en la main, et de vous, Monsieur, qui nous aures procuré ce bien, duquel je puys bien vous asseurer avec verité que nous avons bon besoin, pour s'estre la pauvreté de cest'eglise cathedrale de trente chanoynes, quasi tous gentilhommes ou gradués, fort rengregëe par ces guerres, sans avoir voulu jamais diminuer aucune chose de ce qui s'observoit pour la decoration du service divin..

  A011000828 

 Certes, je l'eusse fait plus tôt très volontiers, car nulle autre pensée ne m'est aussi douce, ne me récrée autant que celle par laquelle je tâche chaque jour de vous représenter à mon esprit le plus fidèlement qu'il m'est possible; il me semble alors qu'après de très épaisses ténèbres, une certaine lumière luit pour moi, tant me paraît sombre le nuage auquel commande sans doute le prince de ces ténèbres dont vous me parlez..

  A011000829 

 Ce ne serait pas assez, sans doute, de l'obstination privée de chacun, s'ils ne se moquaient des désirs du prince aussi bien que de nos efforts, et ne s'acharnaient à leur perte par une abominable entente.

  A011000829 

 Le gouverneur, avec quelques autres Catholiques, n'a rien négligé pour attirer, par de secrètes persuasions, les paysans des environs et les bourgeois d'Evian à nos sermons, et pour faire avancer, avec un zèle ardent et éclairé, les affaires de la religion.

  A011000829 

 Mais le démon s'en est bien vite aperçu; car les principaux de Thonon ayant assemblé leur conseil, se sont juré, par une souveraine perfidie, que ni eux ni le peuple n'assisteraient jamais aux prédications catholiques.

  A011000830 

 Mais il n'en sera pas ainsi; car aussi longtemps qu'il nous sera permis par les trèves et par la volonté du prince tant ecclésiastique que séculier, nous sommes absolument résolus de travailler sans relâche à cette œuvre, de ne pas laisser une pierre à remuer, de supplier, de reprendre avec toute la patience et la science que Dieu nous donnera.

  A011000831 

 Je soutiens à quiconque voudra discuter avec moi sur cette affaire, que non seulement les prédications sont nécessaires, mais encore qu'il faut rétablir la célébration du saint Sacrifice le plus tôt qu'il se pourra, afin que l'homme ennemi voie que par ses artifices il nous donne du courage au lieu de nous l'enlever.

  A011000851 

 Je diray donq simplement a Vostre Seigneurie Illustrissime que l'opiniastreté de ce peuple est si grande, qu'ilz ont derechef confirmé l'ordonnance publique que personne n'ayt a revenir a nos predications catholiques; et lhors que nous croyions que plusieurs viendroyent a nous, soit par curiosité, soit par quelque reste du goust de l'ancienne religion, nous avons experimenté leur endurcissement commun par leurs mutuelles exhortations.

  A011000852 

 Dans les discours familiers, les ministres mesmes ont confessé que nous tirions de tres bonnes conclusions des Saintes Escritures touchant nostre foy, mesme sur le tres auguste Mistere de l'autel; les autres confessent la mesme chose, et plusieurs viendroyent a nous s'ilz n'estoyent empeschés par ceste trop grande crainte du monde.

  A011000852 

 Mais, Monseigneur, nous esperons avec patience que ce fort armé qui garde sa mayson sera chassé par un plus fort que luy, qui est Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A011000860 

 Nunc demum mihi de rebus Tononiensibus bene sperare licet, quod te scire par est, Frater suavissime, cum me nudiustertius ex eis quidam tanto [obsequio] prosecutus fuerit quanto nihil jucundius nihil gratius, immutata [95] jam ex parte eorum lege qua cautum fuerat uti ne mecum non beneficiis modo, sed ne quidem verbis agerent.

  A011000868 

 Voilà qui est de bon augure, sans doute, si d'après le vieux proverbe, par un individu on peut juger de tous.

  A011000869 

 Il connaîtra par là combien je désire l'honorer, et ne me jugera pas tout à fait inculte.

  A011000884 

 Cet homme est vraiment notre père en Jésus-Christ; sa charité envers Dieu et envers ceux qui sont à Dieu lui donne droit à la vénération de tous, et il ne peut être aimé dignement que par des hommes qui [98] aiment comme nous.

  A011000894 

 Cum enim te discessum ad Albienses tuos parare audiverim, non debui committere quin, sin minus sacras illas [100] tuas manus religiose coram uti par est exosculari queam, saltem et veniam a te peterem simul ac, levi licet significatione, testatum facerem me immortali recordatione tuam illam qua me quondam complexus es benevolentiam animo servaturum, tuæque Paternitatis Reverendissimæ perpetuum ac humillimum cultorem futurum..

  A011000901 

 Le très grand respect et la profonde vénération dont je suis pénétré à votre égard m'ont seuls empêché jusqu'à présent de vous prévenir par mes lettres, sachant Votre Seigneurie toujours appliquée à des études ou à des occupations très importantes.

  A011000912 

 L'orayson, l'aumosne et le jeusne sont les trois parties qui composent le cordon difficilement rompu par l'ennemi; nous allons, avec la divine grace, essayer d'en lier cest adversaire....

  A011000933 

 En quoy, le peu d'asseurance que j'avoys du lieu ou vous esties et le respect que je dois a vos occupations me pourroit beaucoup excuser, puysque je n'ay pas layssé de demander a toutes occasions de vostre santé, tant quil y a quelques moys que j'en eus des nouvelles par le P. Jean Lorrini.

  A011000934 

 Et au reste, pour vous rendre quelque conte du vostre despuys que je suys de retour d'Italie, je me suys tellement faict ecclesiastique que j'ay celebré Messe le jour de saint Thomas l'Apostre dernier, en nostre eglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, ou je suys indigne Prævost, qui est la premiere dignité apres l'episcopale, et, par le commandement de mon Evesque, des demy annee en ça j'ay praesché icy et ailleurs parmi le diocæse la parole de Dieu; en quoy je m'accuseroys bien fort de temerité si l'obeissance ne m'en avoit osté le scrupule.

  A011000955 

 Je dois de fait maintenant écrire à la française, comme je vous le disais dernièrement, mon Frère, par manière de plaisanterie, car j'ai appris seulement pendant le souper que Thovex doit retourner vers vous cette nuit même.

  A011000956 

 Vous ne vous étonnerez donc pas si, comme je vous le disais récemment par manière de plaisanterie, je dois maintenant de fait écrire à la française.

  A011000970 

 Je suis très confus d'avoir tant tardé jusqu'ici de répondre à votre aimable lettre par laquelle vous réclamiez la mienne.

  A011000970 

 Vos lettres me sont si agréables [109] que, bien que le papier en soit tout endommagé par un continuel maniement, je trouve chaque jour tant de charme à les relire qu'elles me paraissent toujours récentes, surtout lorsqu'elles ne sont pas datées.

  A011000976 

 Ergo quod optas, priores mei in hæreticos operis paginas videre, ego quoque summopere desidero, nec prius qua par est alacritate in hostium cuneos signa inferam quam tu consilium meum ac ordinem modumque certandi probaveris.

  A011000985 

 Pressé par ma conscience, j'ai enfin écrit à notre Guichard, mais à la hâte, ayant employé la première partie de la journée à des conférences sur la doctrine chrétienne et à un [111] sermon.

  A011001014 

 Je commençais à m'affliger de votre départ pour la Bresse, lorsque j'ai vu, par la date de votre lettre, que vous étiez de retour au moment où je la recevais.

  A011001015 

 J'étais donc blessé par moi-même, moi dont la blessure venait de ce que je vous croyais blessé.

  A011001015 

 Je le savais, mon Frère: par l'observation attentive et le mépris des choses périssables du temps, par l'attente et l'amour des biens incorruptibles de l'éternité, vous avez porté jusqu'au dernier degré de perfection cette force d'âme dont la nature vous a gratifié.

  A011001015 

 Pendant que je suis dans ces pensées, mes yeux tombent sur un livre dont je remarque tout d'abord cette première ligne: « Nul n'est blessé que par soi-même.

  A011001015 

 Supposer que, si bien protégé et défendu, vous pouviez être blessé par quelque changement survenu dans les choses d'ici-bas, ce ne pouvait être que vaine imagination d'un esprit faible.

  A011001015 

 » O maxime bien propre à notre temps et digne du grand Chrysostome, dont une certaine homélie, vous le savez mieux que personne, est illustrée par ce célèbre frontispice.

  A011001020 

 J'étais blessé par moi-même, moi qui l'étais parce que je vous croyais aussi blessé; c'est qu'il appartient non à un apprenti, mais à un artisan de prévenir par la raison ces premiers mouvements de l'âme..

  A011001021 

 Enfin je suis descendu à Thonon; que l'ennemi s'attende à une lance très excitée par l'ennui du retard.

  A011001021 

 Il l'emporte par le nombre, nous l'emportons par la cause.

  A011001023 

 Ceci soit dit par plaisanterie, car ce n'est pas en [115] comptant sur la force de mon esprit, ni sur aucune science, mais sur la patience, que je suis descendu dans l'arène.

  A011001023 

 Il m'écrit qu'il a un très ardent désir de donner à l'œuvre commencée ici une plus grande impulsion par son industrie et son action personnelles, et voici ce qu'il nous recommande: Si ceux qui sont conviés à la noce refusent l'invitation d'un premier, d'un deuxième, d'un troisième serviteur, il faut en appeler un quatrième qui les force à entrer.

  A011001023 

 Je ne m'étonne pas qu'ils refusent de venir sur l'invitation d'un homme aussi froid que je le suis; mais s'ils refusaient encore après avoir été appelés par des hommes qui ont bien fait leurs preuves, alors je n'hésiterais pas à adopter le sentiment du P. Chérubin.

  A011001035 

 Par la grace de Dieu, nous sçavons que celuy qui perseverera sera sauvé, et que l' on ne donnera la couronne qu'a celuy qui aura legitimement combattu, et que les momens de nos combatz et de nos tribulations operent le prix d'une gloire eternelle..

  A011001061 

 Et si ce n'estoit que je suys icy engagé en un jeu ou qui la quitte la perd, je me serois desja rendu par devers vous; ce que je me prometz de faire, Dieu aydant, plus tost que je ne vous puys promettre et non jamays si tost que je souhaitteroys.

  A011001062 

 Et cest'occasion seule me prive pour quelques jours du bien que je recevray de vous ouyr, parce que Son Altesse ayant un gentilhomme en Suysse qui doit bien tost revenir, si par fortune il apportoyt point de bonnes nouvelles, je pourrois, me trouvant icy, fair'esclorre ceste foy secrette.

  A011001062 

 Et toutefois, ayant presché en ceste ville ordinairement toutes les festes, et bien souvent encor parmi la semayne, je n'ay jamays esté oùy des huguenotz que de troys ou quatre qui sont venuz au sermon quatre ou cinq fois, sinon a cachetes, par les portes et fenestres, ou ilz viennent presque tous-jours, et les principaux.

  A011001063 

 Au reste, tous les benefices de ce pais sont es mains des seculiers, ou bien peu s'en faut; on attendoit que leurs Altesses en fissent lascher quelques uns pour l'entretenement de quelques prædicateurs, mays nous en sommes encor là, sans autre ordre que celuy que le Gouverneur y a mis par provision..

  A011001090 

 Il ne m'est guère moins présent par cet écrit qu'il ne vous l'est en réalité.

  A011001090 

 N'allez pas croire cependant que, pour l'avoir vu dans son livre, j'éprouve un désir moins vif de le voir en personne; au contraire, l'appétit est aiguisé par un si agréable alléchement.

  A011001091 

 Je m'échapperai bientôt, d'autant plus vite que jamais ma patience n'a été mise à plus cruelle épreuve que par cet ennuyeux retard.

  A011001092 

 Ainsi, par leurs présents si pieux et si saints, tous les deux, remplis de bienveillance à mon égard, impriment plus profondément Jésus-Christ dans mon cœur.

  A011001092 

 De Possevin j'ai reçu un livre magnifique, et, à peine l'ai-je ouvert, que j'y trouve la charmante berceuse de la Vierge Mère au Christ enfant, composée par Horace Torsellini.

  A011001092 

 L'un a charmé mes yeux, que fatigue la vue de nos temples déserts et ruinés, l'autre a récréé mes oreilles, continuellement étourdies par d'horribles blasphèmes.

  A011001092 

 Pensez vous-même quelle conclusion je tirerai de ceci par rapport à vous qui êtes l'auteur de ces biens.

  A011001109 

 Comme le chevalier de Compois n'a pas envoyé son serviteur en ville au jour convenu, j'ai eu soin d'expédier tout récemment par une autre voie des lettres pour vous et pour le P. Possevin.

  A011001123 

 Cet ecclésiastique veut être chanoine, mais nous nous y opposons; car, en vertu de nos Constitutions, confirmées par un décret apostolique, nous devons exclure tout candidat qui ne serait pas noble dans les deux souches ou n'aurait pas le grade de docteur.

  A011001123 

 Le Souverain Pontife seul peut nous délier de cette obligation de conscience; mais la Bulle par laquelle Sa Sainteté admet ce prêtre au canonicat, stipule expressément qu'il sera reçu docteur dans l'espace d'une année.

  A011001124 

 En conséquence, nous ne voudrions pas voir la question tranchée par un autre que par vous, en qui nous honorons non seulement un très habile artisan, mais un très religieux confrère..

  A011001125 

 Pour moi, j'attends de vous des [131] nouvelles de notre Possevin, car j'en ai eu du Chantre, notre frère, et de Girard par un certain chanoine de Bresse qui est auprès de nous.

  A011001147 

 Aussitôt averti par vous, j'accourrai..

  A011001148 

 A peine ai-je pu jusqu'ici en savourer quelques pages, entraîné que j'étais, soit par les prédications, soit par d'autres affaires.

  A011001163 

 Nulla par me, fœlicius dicamne an infœlicius, ex clerico aulicum fecisset occasio.

  A011001179 

 Je rends les plus vives actions de grâces au Dieu tout-puissant qui n'a pas permis que notre amitié mesurât ses forces à des efforts suscités par le malheur d'un ami commun.

  A011001179 

 Je sais, en effet, que le premier à qui il appartient de venir en aide à Guichard, c'est vous, et par ordre de nature, comme on dit, et par ordre d'ancienneté; moi, je ne suis que le second; mais au point de vue de l'affection, que je ne sois, je vous prie, ni le premier ni le second, et que rien n'altère l'unité qui existe entre vous et moi.

  A011001180 

 Je ferai injure à ce très noble M. de Montrottier, qui vous est des plus attachés, si je ne vous dis combien il a dépensé d'énergie pour soutenir cette cause par son éloquence lorsqu'il ne pouvait le faire par l'action.

  A011001180 

 Ou plutôt, si je ne me trompe, ce serait déjà une grande injure que de vouloir rendre la grâce, la douceur toute de miel de ce plaidoyer; vous vous le représenterez mieux par la pensée que je ne pourrais vous le redire de mémoire..

  A011001182 

 J'avouerai volontiers encore qu'autant la dédicace que vous m'en [137] faites m'a merveilleusement charmé par sa grâce, autant elle laisse à désirer pour la franchise.

  A011001216 

 C'est pourquoi je ne pense pas avoir besoin d'excuse quand j'ose vous écrire, moi, homme de rien, inconnu et obscur; car vous n'êtes pas également un homme inconnu et obscur, vous qui vous êtes signalé auprès de tous les fidèles du Christ par tant de choses (j'emploie le terme le plus modéré) si bien faites, dites et écrites pour le Christ.

  A011001216 

 Tel est l'éclat de la vertu, vous le savez mieux que personne, très vénéré Père, qu'aucune distance ne peut l'empêcher d'être aperçue [140] et, par sa lumière, d'illustrer ceux qui la possèdent et les rendre aimables à quiconque honore au moins le nom de la vertu.

  A011001217 

 Ayant donc su que je n'étais pas à une grande distance de vous, et que nous n'étions séparés, pour ainsi dire, que par le seul lac Léman, j'ai pensé ne point vous être désagréable et m'être extrêmement utile [141] à moi-même, si, ne pouvant m'entretenir avec vous, je vous adressais par lettres, à l'occasion, des questions sur les matières théologiques et sur les difficultés qu'elles présentent, afin de recevoir aussi par lettres vos instructions.

  A011001218 

 Voyant dans des entretiens familiers, que le témoignage de l'antiquité faisait impression sur lui, je lui prêtai votre Catéchisme qui contient les enseignements des Pères rapportés au long par Busée.

  A011001261 

 Ces officiers laïques croyaient pouvoir châtier indifféremment pour ces délits aussi bien les ecclésiastiques que les laïques, et cela en vertu d'un privilège spécial accordé par Sa Sainteté aux sérénissimes prédécesseurs de Son Altesse.

  A011001261 

 Les officiers de l'illustrissime duc de Nemours et de Genevois commençaient à faire la recherche des délits d'usure commis par [148] les ecclésiastiques dans le diocèse de Genève, et même de la contravention faite à un édit annuel de Son Altesse Sérénissime défendant la vente des blés et autres grains hors du marché.

  A011001275 

 Et par ce que d'un costé il desire infiniment ne faire chose qui vous despleut, et de l'autre il est obligé au proufit de son neveu, tant qu'il se peut maintenir avec rayson, il m'a prié d'employer mon credit vers vous affin qu'il vous playse ne vous desplaire point s'il met a effect le droit de son neveu, quil a desja acheminé si avant et avec tant de frais quil demeureroit en grosse perte sil le quittoit ainsy tout court, sinon que sa partie voulut entendre a ce que Monseigneur le Reverendissime et monsieur d'Angeville en avoyent une fois ordonné a l'amiable.

  A011001275 

 Monsieur de Ronis m'est venu voir ce matin et m'a monstré une vostre lettre par laquelle il semble que [151] vous aves desplaysir de le voir poursuyvre le droict que son neveu a sur la cure d'Argonnay.

  A011001301 

 Cependant, je continue à préparer par toutes sortes d'expédients et d'industries de nouveaux ouvriers pour cette œuvre, et à leur chercher des moyens de subsistance.

  A011001301 

 La moisson de Thonon est un fardeau qui dépasse mes forces, mais j'ai résolu de ne l'abandonner qu'avec votre agrément, par votre ordre.

  A011001302 

 J'ai reçu en effet son petit présent, comme vous le dites, et le Sponde envoyé par notre Girard, double hommage dont je vous suis redevable, à vous qui avez fait valoir auprès de tous deux le respect que je leur ai voué.

  A011001302 

 Quant au Sponde avec sa nouvelle préface, vous pourrez juger par un seul fait combien il est arrivé à propos.

  A011001318 

 N'avais-je pas raison de vous dire, mon Frère, que je ferais en sorte désormais qu'il ne fût plus question de silence entre nous? Comme au milieu de nos gens de Thonon, je puis à peine vous écrire une fois par mois, je vous écris maintenant de ma maison paternelle [156] de Sales, par Coquin, avec d'autant plus de plaisir que je viens de recevoir des nouvelles un peu meilleures de nos affaires.

  A011001335 

 De mon côté, j'ai fait encore ceci dans cette chasse: j'ai promis qu'à la prédication suivante je mettrais, par les Ecritures, ce dogme en plus grande lumière que le plein midi, et que je l'appuierais [158] d'arguments si puissants que nos adversaires, sans aucune exception, à moins qu'ils n'aient renoncé au bon sens et à la raison, reconnaîtraient qu'ils sont aveuglés par les épaisses ténèbres dans lesquelles ils sont plongés.

  A011001335 

 Ils savent bien que ces espèces de rodomontades les invitent à descendre dans l'arène, en sorte que s'ils ne venaient pas ils seraient tenus pour gens tout à fait pusillanimes, qui redouteraient de se mesurer avec la religion catholique, même quand elle est défendue par je ne sais quel homme de rien..

  A011001336 

 En effet, ainsi que nous l'a appris l'avocat du Crest, les Thononais ont résolu d'un commun accord de nous présenter par écrit leur confession de foi dans les points où elle diffère de la nôtre, afin que nous puissions les discuter en particulier ou dans des entretiens familiers ou par écrit.

  A011001336 

 Quelques-uns voulaient charger le ministre de cette négociation, mais d'autres plus prudents furent d'avis contraire, [159] craignant qu'il n'engageât la lutte avec nous et ne fût vaincu par les subtilités scholastiques, car il ne sait rien de la philosophie..

  A011001337 

 Assurément nous sommes en bonne voie puisqu'ils acceptent le combat par leur lieutenant, que nos si petites forces les effraient et qu'ils pensent à nous proposer des conditions.

  A011001337 

 Pour nous, ayant grand courage par la grâce de Dieu, nous attendons avec empressement et avec joie cette lutte qui donne bon espoir..

  A011001344 

 Tu vero quam me male nunc hæc tantarum litterarum tanta torqueat expectatio, si ad justam observantiæ amorisque mei erga te Possevinumque nostrum trutinam omnia uti par est expendas, facile cognosces..

  A011001355 

 » [161] S'il en est ainsi, que la paix règne par la force du Seigneur! J'augure que cette paix sera d'autant plus heureuse que je la vois être plus désagréable à tous les hérétiques de Genève..

  A011001356 

 Seul, un pauvre ministre insensé ayant lu que vous nommez « heureuse la faute qui nous a valu un tel et si grand Rédempteur, » s'est écrié comme un homme tout à fait stupide et extravagant: « O blasphème! ô athéisme! ô Papisme! » Mais avec toute la modération possible, j'ai, par un tiers, remis à la raison cet effronté, car lui-même n'a pas encore osé en venir aux mains avec moi..

  A011001357 

 Mais parce qu'il sent sa conscience ébranlée par les arguments des Catholiques, il fuit le Christ Notre-Seigneur qui le poursuit..

  A011001392 

 En fin, en ce balliage chacun manie les Institutions; je suis es lieux ou chacun sçait ses Institutions par cœur.

  A011001392 

 Quant a Beze, [166] j'ay sceu despuis, que tant s'en faut qu'il escrive pour appoincter de religion, que son livre monstre le differend estre inappoinctable et rejette l'opinion d'un autre de mesme forme qui vouloit mesler les tenebres avec la lumiere; mays comme je n'en sçavois rien que par ouÿ dire, aussy j'avois esté trompé de l'autre costé pour trois relaps, gens de simple condition et de peu d'importance..

  A011001393 

 Mays il seroit requis pour la gloire de Dieu et le salut des ames que, selon la malice du tems et la distance des lieux, Sa Sainteté nous ouvrist par deça un peu liberalement la main de sa clemence in foro conscientiæ..

  A011001394 

 Si est il, a mon advis, necessaire que les necessités particulieres [soient] sceües, et revelees par ceux qui les voyent.

  A011001410 

 A faute dequoy voyci la second'annëe qui se passe des qu'on a commencé de precher icy a Thonon, sans jamais interrompre, avec fort peu de fruict, tant par ce que les habitans n'ont voulu croire qu'on prechast par commandement de Vostr'Altesse, ne nous voyans entretenir que du jour a [168] la journee, qu'aussy par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni dequoy les nourrir, puysque les frais mesmes qui s'y sont faitz jusqu'a present ne sont encor paÿés.

  A011001411 

 Encores seroit il necessaire de faire redresser les eglises et y establir revenu convenable pour les curés qui en auront la charge, ne pouvans les precheurs s'attacher a aucun lieu particulier, mays devans estre libres pour aller par tous ces balliages comme la necessité portera.

  A011001412 

 Playse donques a Vostr'Altesse fair'escrire une lettre aux scindiques de ceste ville, et commander a l'un des messieurs les [169] Senateurs de Savoÿe de venir icy convoquer generalement les bourgeois, et en pleyn'assemblëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr' Altesse a prester l'oreille, entendre, sonder et considerer de pres les raysons que les precheurs leur proposent pour l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz furent arrachés sans rayson, par la pure force des Bernois; et ce, en termes qui ressentent la charité et l'authorité d'un tres bon prince, comm'est Vostr'Altesse, vers un peuple desvoÿé.

  A011001430 

 A faute dequoy voicy la second'annëe que l'on preche icy a Thonon sans beaucoup de fruict, tant par ce que les habitans ne peuvent croire que ce soit par l'aveu ou bon playsir de V. A., ne nous voyans entretenir que du jour a la journee, que par ce qu'on n'a peu attirer nombre suffisant d'ouvriers a ceste sainte besoigne, pour n'avoir ou les retirer ni moyen de les y nourrir, mesme que la despence qui s'y est faite jusqu'a present n'a encor esté payëe.

  A011001430 

 Voicy la second'annëe que, par vostre bon playsir et le commandement de Monseigneur le R me Evesque de Geneve, quelques vertueux personnages et moy avons preché icy a Thonon et es Alinges.

  A011001431 

 Et puys, de main en main, a mesure qu'on jugera convenable, faudra ainsy par toutes les parroisses remettre sus l'exercice de la foy catholique et y colloquer des pasteurs..

  A011001432 

 Et par ce que l'on precheroit pour neant, sur tout en ceste ville, si les habitans fuyoyent les precheurs et la predication, comm'ilz ont faict cy devant, et ne veulent prester l'oreille a l'instruction ni conferer avec ceux qui viendront, je crois, Monseigneur, que sil plaict a V. A. fair'escrire une lettre au cors de ceste ville, et commander encores a l'un de messieurs les Senateurs de Savoÿe de venir icy faire assembler le conseil general des bourgeois de ceste ville, et en pleyne assemblëe, en habit de magistrat, les inviter de la part de Vostr'Altesse a prester l'oreille, ouyr, sonder et considerer de [173] pres les raysons et predications de l'Eglise Catholique, du giron de laquelle ilz ont estés arrachés par les Bernoys sans aucune rayson, et ce en termes qui ressentent et la charité et l'authorité d'un tres bon prince, vrayement catholique comm'est V. A., vers un peuple desvoÿé, ce leur sera une douce violence qui les contraindra de subir librement le saint joug de vostre zele.

  A011001435 

 Au contraire, [il] attirera par ses prieres la benediction du Pere celeste a quicomque l'advancera, et particulierement sur Vostre Altesse qui en est la cause principale et universelle, pour la prosperité de laquelle je prie ordinairement Dieu, comme je dois, puysque j'ay ce bien d'estre né et nourry, ainsy que je vivray et mourray, sil plaict a sa divine bonté,.

  A011001452 

 Illud autem unum te hæc scribere me scire par est..

  A011001460 

 Et moi aussi j'aurais raison de me plaindre de cette année dont le début m'a mis et remis en tourment par toutes sortes de courses, au point de ne pas me laisser, pour ainsi dire, deux jours de tranquillité de suite.

  A011001462 

 Comment? Je vous ai entendu dire si souvent et sérieusement que votre ardent désir était que votre nom fût écarté le plus possible de la bouche et de l'oreille des princes, et voici que je vous vois dans la plus grande [178] joie parce que vous avez appris que notre prince manifestait parfois dans ses paroles de magnifiques sentiments à mon égard! Et moi au contraire, mon Frère, je considère aussi bien que vous, comme le plus heureux le parti choisi par notre Genand, dont vous me dites plus loin envier le bonheur, ou plutôt essayer de ne pas l'envier.

  A011001462 

 Si notre nacelle occupe un rang inférieur, que du moins elle soit en sécurité dans le port, de peur que si elle voulait livrer sa voile au vent, elle ne s'exposât à une grande tempête et ne fût couverte par les flots..

  A011001463 

 Je dois le remercier par une lettre, et, afin de lui être plus agréable, si vous le trouvez bon, vous le ferez aussi en mon nom, après avoir retenu pour vous-même une part de mes remerciements..

  A011001466 

 Je reçois de cette noble et bonne veuve de Planaz une lettre par laquelle elle réclame très respectueusement au seigneur de Chissé l'argent qu'elle a prêté.

  A011001507 

 Afin de commencer [184] à exécuter les ordres qui me sont intimés par sa lettre, je la renseignerai fidèlement, et aussi souvent que faire se pourra, sur tout ce que je jugerai digne d'être porté à sa connaissance et à celle de Sa Sainteté pour le bien spirituel de la Savoie.

  A011001508 

 Bien que la crainte des hérétiques nos voisins ait grandement nui au succès de cette entreprise, on obtient néanmoins toujours quelques fruits par la conversion de plusieurs personnes, parmi lesquelles il s'en trouve deux des plus versées dans l'hérésie..

  A011001508 

 Bon nombre des habitants, plus touchés du fracas des arquebuses que des prédications qui leur étaient faites par ordre de Monseigneur l'Evêque, revinrent à la foi et rentrèrent dans le sein de notre mère la sainte Eglise; mais ensuite ces contrées ayant été infestées par les incursions des Genevois et des Français, le peuple retomba dans son bourbier.

  A011001508 

 Cependant, inspiré par l'occasion et invité par le petit nombre de Catholiques qui se trouvaient là, je commençai à faire plusieurs prédications, non sans quelque espérance de leur voir produire d'heureux fruits; dès lors, soit par moi-même le plus souvent, soit par d'autres prêtres, en partie chanoines et en partie curés de ce diocèse, l'exercice de la prédication s'est continué sans interruption tous les jours de fête, si ce n'est deux fois que nous avons été contraints de l'omettre.

  A011001508 

 Son Altesse Sérénissime d'un côté, et Monseigneur notre Révérendissime Evêque de l'autre, voulant remédier à ce mal, je vins ici par ordre de mondit [185] Révérendissime Evêque, non comme médecin capable de guérir tant d'infirmités, mais plutôt comme explorateur et comme fourrier, afin d'examiner les moyens à prendre pour pourvoir le pays de remèdes et de médecins.

  A011001508 

 Une partie de ce diocèse de Genève fut envahie par les Bernois, il y a soixante ans, et demeura hérétique; mais, ces années passées, ce pays, par la force des armes, rentra sous la domination de Son Altesse et fut réuni à son antique patrimoine.

  A011001510 

 Le plus important consiste à prendre les moyens pour avoir les revenus nécessaires; car bien qu'il y ait en ce pays bon nombre de bénéfices, ils sont détenus par diverses personnes, et surtout par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare.

  A011001560 

 Il pourra se faire qu'on en soit empêché par les Chevaliers de Saint-Lazare qui détiennent les revenus ecclésiastiques de ce pays, revenus nécessaires pour la réparation des églises et pour l'entretien des curés et des prédicateurs.

  A011001560 

 Mais Son Altesse se souviendra que la religion catholique est le fondement de tous les Ordres religieux, et que jamais les intérêts du prince ne seront aussi bien servis par aucune autre croix que par celle que nous tâchons de graver dans les cœurs de ses sujets.

  A011001575 

 et accedit, Frater suavissime? Videndi te ingens, ut par [193] est, et me apud te de mora in scribendo purgandi desiderium [erat] quod litteris nulla possum ex parte explere; nec otium quidem affuit, nec tabellarius; dicam candide, nec etiam animus, cum singulis propemodum momentis profectioni intenderem.

  A011001584 

 Combien il est vrai que l'espérance différée afflige l'âme! Je le savais très certainement par les Livres Saints; mais aujourd'hui, en punition de mes péchés, j'en fais personnellement une dure expérience.

  A011001588 

 Quand arrivera-t-il, Frère très aimable? J'ai eu, c'est tout naturel, un [193] immense désir de vous voir et de m'excuser de vive voix de mon retard à écrire, car je ne puis en aucune façon satisfaire par lettres mon affection pour vous.

  A011001589 

 Puisque je ne puis savoir par lettres quels sont ses sentiments, j'ai résolu de lui en extorquer l'aveu au nom du Seigneur.

  A011001622 

 Et pour ce qui est des bénéfices, je ne crois pas expédient de les rendre à ceux qui précédemment en avaient été pourvus, même par Sa Sainteté, à moins qu'ils ne mettent à leur place d'autres prêtres capables.

  A011001637 

 Et c'est la ou se rapporte la premiere partie du commentaire, quand il dict: « Mortui vero nihil valent adjicere; » c'est a dire, ilz ne peuvent plus acquerir de merites ni de justice, mais ilz peuvent bien percevoir le fruict de celle quilz ont eu en ce monde, et en vertu de la communion des Saintz, en laquelle ilz sont decedés, peuvent estr'aydés par les prieres, ausmones et satisfactions.

  A011001637 

 Et le secours que les ames qui sont en Purgatoire reçoyvent, n'est autre qu'une recompense de la communion de l'Eglise en laquelle les personnes chrestiennes meurent, communion par laquelle elles ont merité d'estr' aydëes par nos prieres.

  A011001638 

 [199] Je ne sçai si elles auront esté instruittes a plein fons, et partant je vous supplie, ou par lettre ou autrement, les consoler.

  A011001677 

 Je reçus hier, par M. d'Avully, la lettre que Votre Seigneurie Illustrissime eut la bonté de m'écrire le 27 août, et j'éprouvai une entière et parfaite allégresse du contentement que vous donna la conversion de ce chevalier.

  A011001679 

 Quant aux calomniateurs, j'espère qu'à la fin on connaîtra, et Dieu [203] le sait, combien en ceci je suis libre de toute ambition, et que, par ces quelques travaux, je ne cherche pas à être bien vu de mes supérieurs, sinon autant qu'il le faut pour remplir cette mission et d'autres semblables.

  A011001738 

 Je ne puis vous en dire davantage par le moyen de l'encre et du papier..

  A011001740 

 Nous saisissons toutes les occasions d'intéresser le prince à notre cause, soit par l'entremise du Nonce apostolique, soit par celle des Jésuites et des Capucins.

  A011001754 

 J'ay voulu vous saluer par ce mot de mauvays ancre et de mauvays papier, mais avec autant de bonne affection que peut et doit un qui desire de vous estre irrevocablement,.

  A011001802 

 Pressé par ces raisons et par la compassion que m'inspire la pauvreté de ces églises, j'ose adresser en leur nom cette supplique à Votre Seigneurie.

  A011001822 

 Si donc ce que nous attendons s'effectue par la grâce de Dieu: qu'en ces lieux, durant les jours consacrés aux fêtes de sa Nativité, le Christ, redevenant pour ainsi dire petit enfant, naisse enfin de nouveau parmi ce peu de fidèles qu'il a ici, je vous préviendrai très certainement de tout, puis je vous appellerai pour être témoin oculaire.

  A011001835 

 Me piace che i signori Cavaglieri habbino per poca cosa li beni ecclesiastici di Chiablais, perchè essendo poi loro persone magnanime, le (sic) lasciaranno volontieri a servitio d'Iddio, et quell'oglio che glie (sic) par poco bastarà per far un lume di santo essercitio che mandarà raggi sin a mezzo [dei] Bernesi et Genevini, pur che senza contrasto cie lo lascino..

  A011001856 

 Un certain nombre sont catholiques depuis que Son Altesse a passé ici; beaucoup, contraints par la force et par la violence des armées ennemies, sont relaps au for extérieur seulement; quantité d'autres sont indifférents, ne sachant pas même à quelle religion ils appartiennent, et tous sont sans pasteur comme des brebis errantes.

  A011001859 

 Et particulièrement Berne veut, par des menaces, l'empêcher d'en solliciter d'autres à se convertir à notre foi.

  A011001860 

 Je vous envoie ci-joint l'information secrète faite par ordre de [222] Votre Seigneurie.

  A011001874 

 Les scindiques de ceste ville y ont apporté de l'opposition, a laquelle par apres ilz ont renoncé.

  A011001874 

 On ne forçoit [225] personne, et ne faisoit on autre que se mettr'en la posture et au train auquel Vostre Altesse avoit laissé les Catholiques despuys ne fut elle icy, duquel ayant esté levés par force, on ne sçauroit dire pourquoy ilz ne puyssent s'y remettre toutes les fois qu'ilz en auront commodité, sous l'obeissance de Vostre Altesse..

  A011001875 

 Le zele que j'ay au service de Vostre Altesse me faict oser dire qu'il importe, et de beaucoup, que layssant icy la liberté qu'ilz appellent de conscience, selon le traitté de Nyon, elle præfere neanmoins en tout les Catholiques et leur exercice; et que partant elle se layss'entendre a ces gens quilz doivent simplement et seulement user de la permission quilz ont, sans se mesler d'empecher ceux qui, par toute rayson et par l'exemple mesme de leur souverain Prince, taschent d'avancer la foy catholique.

  A011001876 

 M. de Lambert veut user de liberalité a l'endroit d'un ministre qui se convertit et qui par sa sollicitation en tirera beaucoup avant quil se descouvre; je crois que Vostre Altesse l'aura agreable et luy commandera quil en face encores davantage.

  A011001911 

 Je vois toujours un plus grand nombre de personnes disposées à embrasser notre sainte foi, bien que d'autres nous suscitent des orages par les propos de leur mauvaise langue, des calomnies et semblables autres artifices diaboliques..

  A011001927 

 C'est pourquoy je vous escris ceste [lettre], par laquelle je vous invite de nouveau m'estre en secours, attendu que la charge et distraction des affaires de l'Eglise me levent la commodité de m'arrester dans Thonon pour la continuation des divins offices et administration des saintz Sacremens.

  A011001938 

 J'ay receu un'incroyable consolation quand j'ay veu par celle qu'il a pleu a Vostre Altesse signer le 7 janvier, qu'elle trouvoit bon que l'on aye dressé un autel en l'eglise Saint Hypolyte de Thonon.

  A011001966 

 Puisque M. le chevalier Bergera s'en retourne, je n'ai pas besoin de vous renseigner sur ce qui a été établi ici, par ordre de Vos Seigneuries Illustrissimes, à l'honneur de Dieu et pour la propagation [232] de la sainte foi catholique.

  A011001979 

 Son stato consolatissimo vedendo che V. S. Ill ma gusta la cosa della conferenza, purchè si faccia con debito modo; chè persevero io a dire che maggior cosa che quella non si è fatta ad honor d'Iddio da un pezzo, se perseverano i Genevrini in questa intentione, sì come da una lettera scritta da un citadino di Geneva, del 19 Febraro, al P. Cherubino, me par che si possa sperare.

  A011001992 

 Je vois par votre dernière lettre du 4 février que Votre Seigneurie Illustrissime s'étonnait de ce que lorsque je lui écrivis la dernière fois le 27 janvier, je n'avais pas encore reçu ses deux dernières lettres du 4 et du 6.

  A011001993 

 Et pour les défrayer (car ils chercheraient en vain l'aumône parmi ces gens-ci), il faudra faire l'une de ces deux choses: ou réserver à cet effet, pendant quelque temps, deux des six pensions, ou bien prélever par voie de contribution une partie des revenus que les particuliers tirent des biens ecclésiastiques de ce bailliage; car des Chevaliers il ne faut rien espérer de plus.

  A011001993 

 J'ai été bien consolé en voyant que Votre Seigneurie Illustrissime goûte le projet de la conférence, pourvu qu'elle se fasse dans les conditions voulues; car je persiste à dire que depuis longtemps il ne se sera rien fait de plus avantageux à la gloire de Dieu, si les Genevois persévèrent dans cette intention, comme il me semble qu'on peut l'espérer d'après une lettre écrite au P. Chérubin le 19 février par un bourgeois de Genève.

  A011002019 

 Quant à la première, par laquelle Votre Seigneurie m'ordonnait de revenir ici à Thonon, je n'ai pas à y répondre par écrit, puisque j'y ai répondu de fait en obéissant à votre intention..

  A011002020 

 Puisque Votre Seigneurie me commande par sa dernière lettre d'écrire à quelque savoyard habitant Rome, afin qu'il traite de cette affaire avec les mandataires de la fabrique et qu'il recoure au Cardinal Aldobrandino, ainsi sera-t-il fait..

  A011002021 

 Loué soit le Dieu éternel de la patience et du zèle qu'il vous a départis pour faire, par un modeste commencement, éclore enfin cette bénite entreprise.

  A011002023 

 Mais on ne saurait les introduire sans leur préparer d'abord les voies par quelques sermons catéchistiques faits par un prédicateur expérimenté; et maintenant il est impossible d'en avoir parce qu'ils sont tous retenus par les prédications quadragésimales.

  A011002024 

 Mais afin que messieurs les Chevaliers n'excitent pas la compassion de Sa Sainteté par leur pauvreté prétendue, j'assure Votre Seigneurie Illustrissime que le revenu qu'ils tirent des biens ecclésiastiques de ce bailliage est en moyenne de quatre mille bons ducats..

  A011002025 

 Par un billet de M. de Ruifia, les Chevaliers témoignent désirer que plusieurs curés qui prêtent leur nom à des laïques, possesseurs actuels de certaines cures en ces bailliages, remettent ces cures, s'ils ne sont pas aptes à les desservir, à l'Ordre qui est propriétaire, par concession de Sa Sainteté, des bénéfices des bailliages; et, s'ils ont les qualités requises, qu'ils soient compris au nombre des six curés pensionnés.

  A011002027 

 Je vois de plus la peine que Son Altesse a éprouvée en apprenant l'opposition apportée par ces gens de Thonon à l'érection de l'autel; j'en ai reçu une lettre qui m'a bien consolé.

  A011002027 

 Nous ne laissâmes pas pour autant d'ériger l'autel, malgré cette opposition, car elle ne se faisait pas du consentement public de la ville, mais seulement par la passion de quelques particuliers....

  A011002057 

 Outre les six pensions assignées par l'Ordre de Saint-Lazare, nous en aurons après Pâques une septième des Religieux d'Ainay, de Lyon, qui, ayant ici un bon prieuré, m'ont promis d'en donner une telle que je la demanderai, sans se régler sur les pensions des Chevaliers.

  A011002073 

 Il y a aussy certains petitz vilages qui estoyent anciennement de la parroisse d'Alinges, et personne ne leur contredisoit d'en estre encores maintenant; mays par ce que Vostre Altesse, selon son saint zele, a gratiffié la parroisse d'Alinges d'un'immunité de toutes charges pour quattre ans a venir, en contemplation de [252] leur retour a l'Eglise, on a opposé a ces petitz vilages que du tems de l'occupation des Bernois on leur commanda d'aller ailleurs a la præche.

  A011002073 

 Je supplie donques tres humblement Vostre Altesse d'eslargir plus tost sa liberalité sur ces vilages par une declaration, que d'estressir ceste premiere parroisse qu'on a dressé en ce païs a la foy catholique..

  A011002106 

 Si par hasard le porteur des présentes, M. de Blonay, avait besoin de recourir à votre protection, je vous supplie très humblement la lui accorder, car il est un bon et zélé catholique..

  A011002126 

 Et pur no mi par che si debba restringer il numero a questi soli, ma si estendere ad altri, se bisogno ne fosse a l'anime, chè in questo no vedo che vi possa esser abuso veruno.

  A011002139 

 Hier je reçus, par l'entremise d'un exprès que m'envoya M. le Vicaire de Genève, celle que Votre Seigneurie m'écrivit le 12 de ce mois, avec une autre pour M. d'Avully et la copie de la lettre de M. le Cardinal de Santa-Severina..

  A011002141 

 Ayant été naguère mandé à Genève, du commun consentement de M gr notre Evêque et du P. Chérubin, pour approfondir un peu mieux cette affaire, il vit en cette ville une grande porte ouverte au très saint Crucifix, pourvu qu'il y soit porté secrètement par des personnes humbles, patientes et familiarisées avec les mœurs des hérétiques.

  A011002142 

 Je dirai ingénuement mon avis: Sa Sainteté ne pourrait faire mieux que de laisser toute autorité et liberté d'action en cette affaire et en d'autres semblables à Votre Seigneurie et à M gr notre Evêque, puisque [259] cette guerre doit se diriger par l'œil et non par l'oreille; car bien souvent les occasions se présentent et passent sans retour pour ceux qui ne savent pas les saisir.

  A011002143 

 Hier les paroissiens me firent inviter à y retourner parce qu'ils désirent se faire catholiques; mais mon insuffisance d'une part, et de l'autre les affaires spirituelles et les confessions pascales de Thonon et des Allinges m'ont contraint de différer ce bien jusqu'après Pâques, où nous serons aidés par d'autres prédicateurs..

  A011002145 

 Je dis en vérité que cent écus par tête sont nécessaires, parce qu'il faudra à chacun un compagnon, et [261] à ceux qui ne sont pas Capucins il faut encore un cheval pour aller d'un lieu à un autre; mais les cures fourniront à cette dépense, pourvu qu'elles nous soient cédées, jusqu'à l'établissement des curés.

  A011002155 

 Je suppliay nagueres Vostre Altesse par une lettre qu'il luy pleust accorder une portion de cinq ou six muys de froment des aumosnes de Ripaille et de Filly pour le soulagement de sept ou huit vieux bons Catholiques, pauvres et indigens, et pour un qui servist a Thonon au clocher pour les Catholiques.

  A011002156 

 Je supplie encor Vostre Altesse pour certains petitz vilages qui estoyent anciennement de la parroisse des Alinges et en furent distraitz sous les Bernois, lesquelz desirent estre reunis a leur ancienne eglise et y faire l'exercice catholique; a quoy personne ne contrediroit, si ce n'estoit que Vostre Altesse a, par sa liberalité, exempté la parroisse des Alinges des charges et subsides, a quoy ilz auroyent part par consequent.

  A011002156 

 Plaise donq a Vostre Altesse estendre plustost sa liberalité sur ces petitz vilages, qu'accourcir la premiere parroisse qui s'est faitte catholique par deça..

  A011002157 

 Ces huguenotz ont intention de priver monsieur d'Avully de la judicature du supreme consistoire parce qu'il est catholique; mais puysque cecy ne touche en rien au traitté de Nion et qu'il a esté institué en cest office par [263] Vostre Altesse, je cuyde que ce soit pour l'honneur de Dieu et de Vostre Altesse qu'il y soit expressement continué.

  A011002157 

 Le ministre qui se veut catholiser et s'y dispose de plus en plus fut secouru de quelque peu de bled par monsieur de Lambert, et Vostre Altesse declaira l'avoir aggreable; mais monsieur de Lambert n'a pas osé en tirer consequence qu'il failloit continuer, qui me faict encor supplier Vostre Altesse de le luy faire entendre..

  A011002192 

 Jamais non plus je ne cesserai de presser, voire même de crier afin d'obtenir par les entrailles de Jésus-Christ, que l'on prenne des mesures pour la réforme ou le changement des Religieux des abbayes d'Aulps, d'Abondance, et d'autres encore qui sont en cette province des séminaires de scandales..

  A011002193 

 Par conséquent, s'il avait besoin de la protection de Votre Seigneurie Illustrissime, [266] en quelqu'une de ses affaires, je vous prierais de nous en accorder la grâce à lui et à moi.

  A011002228 

 L'année dernière le P. Esprit de Beaume, prédicateur de l'Ordre des Capucins, et moi-même, persuadés par les sérieuses affirmations d'un grand nombre, avions commencé à bien espérer de la conversion de Bèze et de son retour à l'Eglise Catholique.

  A011002229 

 J'ai dû mettre Votre Béatitude au courant de toute cette affaire, car je ne voudrais pas passer pour négligent ou peu attentif à exécuter les ordres qui m'ont été transmis, soit par les Lettres Apostoliques de Votre Clémence, soit par la bouche du P. Esprit..

  A011002230 

 J'ai entendu bon nombre d'hommes de ces pays se plaindre chaque jour de ce qu'étant [270] catholiques, ils sont empêchés par la tyrannie de la république de Genève de remplir leurs devoirs de catholiques, d'autant plus que cette république opprime ces peuples non pas en son nom, mais au nom du très chrétien roi de France.

  A011002230 

 Je croirais volontiers que si le roi lui-même était averti par le Siège Apostolique, les choses se passeraient tout autrement.

  A011002230 

 Si j'ai osé présenter à Votre Béatitude ce trop long exposé, [271] c'est que je n'ignore pas quel zèle Sa Clémence apporte à restaurer la discipline chrétienne, et que, dans les conditions de cette vie mortelle, on ne peut apprendre ce qui se passe au loin que par ceux qui sont présents..

  A011002265 

 Ma non patendo cavar da' nostri certa risposta, la quale non si poteva dar, mi par di vederli un poco ritirati sopr' il freddo.

  A011002286 

 Ce que je regrette incroyablement, c'est que cette affaire ait été divulguée à grand bruit par notre cour, qui est si discrète qu'elle suffirait à révéler les mystérieux secrets de l'Apocalypse; et nous avons à traiter avec des animaux auxquels le moindre bruit est suspect..

  A011002286 

 N'importe: si elle a lieu, elle sera fructueuse, et [275] si c'est par leur faute qu'elle ne se fait pas, ce sera glorieux pour la cause catholique.

  A011002288 

 Certes, dans ces choses si importantes, il vaut mieux tenter et espérer beaucoup, lorsque l'échec ne peut apporter grand dommage, que de perdre par trop de discrétion les occasions de faire le bien.

  A011002289 

 Ces fêtes, les nouveaux Catholiques m'ont lassé par leurs confessions générales; mais j'ai éprouvé une immense consolation de les voir si pieux, M. d'Avully à leur tête, lequel n'a pas manqué une seule occasion de donner le bon exemple.

  A011002305 

 Mays un bourgeois plus impatient vint [280] tirer par force le ministre de la compaignie affin qu'on ne sceut ce qu'il sçavoit faire.

  A011002349 

 Ces lettres sont en français, mais Votre Seigneurie pourra se les faire lire par M. de Lullin ou par d'autres.

  A011002349 

 J'écris [285] à ce sujet un mot à Son Altesse, suppliant Votre Seigneurie de daigner, par charité, nous obtenir une courte mais efficace réponse..

  A011002350 

 Toutefois, les fruits seront encore plus abondants lorsque ces prédicateurs et d'autres viendront ici pour y séjourner; ce que le P. Esprit n'a pu faire, ayant été rappelé par le P. Provincial.

  A011002352 

 Voilà l'excuse d'un petit nombre d'obstinés de la ville (dans la campagne nous n'avons pas ces difficultés), lesquels ensuite, par divers moyens et sous divers prétextes, empêchent les autres de se [287] convertir.

  A011002369 

 Quanto all'altro prædicator ch'il signor Abbate dice di dover mantener nella sua badia, credo che si deve far, ma so et credo che non si fa; nè saria troppo caricato l'Abbate havendo per lui duoi prædicatori, anzi mi par molto caricato non havendoli..

  A011002399 

 Qu'il s'efforce tant qu'il voudra d'insinuer de semblables opinions; pour moi je suis sûr de convaincre du contraire par des effets: c'est-à-dire, qu'en cela ni en chose quelconque je n'use point de mensonge ou d'artifice auprès de Votre Seigneurie, et que je ne demande pas un seul denier des revenus de son abbaye.

  A011002400 

 Dès qu'il aura achevé, Votre Seigneurie sera informée par le menu de nos moindres projets afin qu'ils soient tous dirigés par vous.

  A011002400 

 Nous vous demanderons plus ou moins de théologiens selon [295] le nombre de conférenciers voulu par ceux de Genève, et nous tâcherons de toute façon qu'il y ait deux ou trois Jésuites.

  A011002401 

 Depuis vingt jours Monseigneur est au lit très malade; il a reçu pendant ce temps deux lettres de Votre Seigneurie, l'une le 26, l'autre hier par M. le chanoine Floccard, et regrette beaucoup de n'avoir pu vous répondre, parce que le médecin n'a pas voulu le lui permettre.

  A011002402 

 Il est bien vrai que la prévôté n'a pas un liard de rente et le canonicat que l'on donne au Prévôt ne rapporte en moyenne que soixante écus par an; j'estimerais donc plus [297] avantageux d'être un curé renté, que d'être un pauvre Prévôt, n'était l'espoir de notre retour à Genève, lequel soutient encore maintenant plusieurs docteurs distingués et nobles qui ont appartenu à notre Eglise.

  A011002403 

 Ayant ainsi de quoi vivre selon ma condition, je ne chercherai plus autre chose sinon de servir le Seigneur et l'Eglise de ce diocèse par les petits travaux auxquels je serai [298] employé.

  A011002423 

 Ma non mi par che debbano li signori Cavaglieri, con questi prætesti, ritardar l'opra et dire che quasi tutte le cure siano nelle mani de'præti, perchè non saranno cinque præti che godano pacificamente detti beneficii.

  A011002434 

 Les lettres de Votre Seigneurie et le Bref de Sa Sainteté me furent envoyés si promptement par M. le président Pobel, qu'ils me parvinrent à Thonon le 23 juin.

  A011002436 

 Au sujet de ce qui a été promis par les Chevaliers, il est vrai que le chevalier Bergera obligea les fermiers en ma faveur; mais il est vrai aussi que j'ai protesté ne point vouloir plaider avec ces gens, qui sont tous habitants de Thonon; et il ne faut pas que ceux qui tâchent de les convertir aient ces démêlés avec eux, surtout en des temps si calamiteux, et en des pays où tout le monde est pauvre..

  A011002437 

 Sur les cinq je n'en connais qu'un qui ne soit pas molesté [302] par les Chevaliers mêmes, et celui-ci n'en a pas tiré un seul liard parce qu'il en a été empêché par les Genevois.

  A011002438 

 M gr notre Révérendissime Evêque m'a envoyé, pour faire parvenir à Votre Seigneurie, une lettre dans laquelle il vous annonce que, par la grâce de Dieu, il a recouvré la santé..

  A011002439 

 [304] Quant à la paroisse pour laquelle je désirais avoir une dispense, le frère du défunt prétend en être pourvu de Rome par résignation.

  A011002440 

 On m'avertit que M. le chantre de la métropole de Lyon adresse à M gr l'Illustrissime Cardinal Légat de France certains avis touchant les affaires de Genève; comme il est un homme digne de foi, j'ai cru devoir vous en informer, afin que si par hasard Votre Seigneurie écrit audit Légat et qu'Elle en ait occasion, Elle daigne le favoriser... [305].

  A011002462 

 Je ne puys penser d'ou me vient la faveur [par laquelle] il vous pleut embrasser dernierement l'honnorable souvenance que Son Altesse eut de moy sur la nouvelle qui courut de la maladie de Monseigneur l'Evesque de Geneve, si ce n'est vostre bonté, qui vous sollicite a bienfaire jusques aux inconneuz.

  A011002489 

 Tel est le résumé des propositions faites unanimement par les Pères et autres qui assistaient à l'assemblée.

  A011002492 

 Là, autour de l'église, qui a été tout endommagée par les huguenots, on construisit avec des toiles, des boiseries, des tapisseries et autres choses semblables une tente très vaste, afin que tout le peuple pût demeurer... [311].

  A011002502 

 L'ayse que j'attendois de vostre presence m'a fait moins gouster celluy que j'ay accoustumé de prendre quand je reçois de vos lettres, a la reception de vostre derniere, laquelle neanmoins, a faute de vous, a esté la tres bien venue en une heure en laquelle j'estois en conversation avec le Pere Cherubin, vers lequel je me suis servi de vostre authorité pour luy persuader de retourner bien tost par dela, ce quil fera.

  A011002539 

 Après avoir été visité de la bonté de Dieu notre Seigneur par une lièvre continue, j'ai fait récemment une rechute si dangereuse que [313] pendant sept jours consécutifs on n'attendait guère autre que ma mort.

  A011002539 

 Maintenant que, par la même divine bonté, je suis en convalescence, il m'est resté une telle faiblesse, surtout aux jambes, que je ne sais si je pourrai faire le voyage de Rome avant Pâques, quoique je désire infiniment de m'y trouver pour la Semaine Sainte; aussi ferai-je tous mes efforts à cette fin..

  A011002557 

 Or pensois je que ceste annee ilz envoieroient les commandementz necessaires a leurs fermiers pour faire delivrer tout entierement les six pensions [319] promises, affin non seulement de conserver l'exercice commencé en trois lieux par les trois ecclesiastiques dejaz establys....

  A011002558 

 Mais voiant quilz n'en tiennent aucun conte, je suis contraint de recourir a la bonté de Vostre Altesse pour la supplier tres humblement que, comme par son authorité et zele elle tira la promesse desditz seigneurs Chevaliers, il luy plaise aussy d'en faire sortir l'effait, commandant a ses officiers et ministres de Chablais de faire saisir sur le revenu des cures ces six pensions, au prouffit des trois curés dejaz constitués et de trois autres qu'on y establira tout aussi tost que l'on aura le moien de les entretenir.

  A011002560 

 Je pensois bien obtenir de Sa Sainteté la restitution universelle des cures des balliages, suivant l'expres consentement que Vostre Altesse en avoit donné par escrit, [320] si Dieu n'eust retardé par une longue maladie le voiage de Rome pour lequel j'avois prins a Barraux les commandementz et le congé de Vostre Altesse.

  A011002573 

 Desirant donq infiniment, pour l'honneur de Dieu, que Son Altesse daigne lire ou faire lire promptement ma lettre affin que je ne sois prevenu par les requestes de ces huguenotz, je n'ay sceu a qui mieux m'addresser qu'a vous, pour vous supplier tres humblement de bailler ma lettre et prier Son Altesse la voir, et, s'il ne la veut voir, luy discourir du sujet.

  A011002601 

 Du reste, ce n'est pas chose nouvelle d'inviter les hérétiques à des disputes, puisque les ministres du Vivarais et du Languedoc y ont été invités fort souvent par le collège de Tournon.

  A011002613 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse d'avoir aggreable ceste mienne responce, et l'advoüer pour la consolation de ces pauvres gens, lesquelz ne se laissent aller a ces craintes que par une grande jalousie qu'ilz ont de l'honneur de Dieu.

  A011002647 

 Ayant été averti de Rome que les expéditions de la cure du Petit-Bornand en ma faveur sont déjà depuis longtemps entre les mains de M. Favret, j'ai envoyé l'argent nécessaire par deux voies, sans que malgré cela j'aie pu jusqu'ici recevoir ces expéditions, ni un seul mot dudit Favret.

  A011002647 

 Et s'il faut de l'argent, il sera aussitôt délivré à Turin par M. Lucien Gilli là où il plaira à Votre Seigneurie l'ordonner.

  A011002649 

 Il ne se peut dire quelles excellentes dispositions on trouve en ce pays pour la foi catholique; mais elles demeurent infructueuses par le manque d'exercice du culte, lequel ne peut être rétabli sans des ecclésiastiques, et les ecclésiastiques ne peuvent être envoyés sans faire des dépenses et avoir besoin de revenus.

  A011002649 

 J'ai les lettres que Son Altesse Sérénissime adressait à Sa Sainteté pour prier le Saint-Siège de daigner retirer les paroisses du Chablais des mains profanes et les remettre à la disposition de [330] l'Evêque; mais, par suite de ma maladie, elles sont restées ici.

  A011002652 

 J'y dresserai la liste des personnes rentrées dans le sein de l'Eglise durant ces trois dernières années, pour en informer Votre Seigneurie, afin que par ce moyen Sa Sainteté soit encouragée à nous accorder les grâces qui sont nécessaires à cette entreprise..

  A011002653 

 Il a déjà commandé plusieurs fois de les saisir, cette mesure étant justifiée par la promesse que nous avons reçue des Chevaliers; mais les subordonnés font tant de considérations pour ne pas offenser celui-ci et celui-là, qu'ils finissent par offenser grièvement le Seigneur..

  A011002692 

 Quant au payement des six pensions promises en 1596 par les Chevaliers, aucun ordre n'a été donné, sinon l'année dernière pour trois; et cette année, pour aucune.

  A011002694 

 J'ai déjà par trois fois envoyé les autres lettres ci-jointes, mais elles n'ont pu passer..

  A011002727 

 Ce serait couper le calvinisme par la racine.

  A011002741 

 Je la dois du tout a vostre bonté, laquelle j'honnore d'autant plus que je me vois tous les jours obliger davantage a elle par tant d'effetz, qui me fait extremement desirer d'estre tel que je devrois estre pour estre digne sujet de ses bienfaitz; la ou je n'av rien de sortable a ce bon heur qu'une tres humble affection d'estre et vouloir estre, et confesser devoir estre vostre tres redevable..

  A011002742 

 Que si je puys, a la prochaine je me rendray par dela, et sans honte ni autre apprehension je prendray logis chez vous, comme vous me commandes; car puysque je suis des-ja tant insolvable des obligations que je vous ay, il ne m'importe meshuy de rien de l'estre tous-jours [341] plus; et quoy qu'on me juge importun, je ne lairray d'estre bien glorieux si par la je me puys faire connoistre tel que je suis, Monsieur, non seulement vostre tres et tres obligé, mais encores.

  A011002757 

 Et a ces fins je fais trois mandatz: un a Meynet, l'autre a Vernaz et l'autre a Castellani, affin quilz respondent vers quelqu'un [de] la despence qui se fera par lesditz musiciens, chacun jusques a la somme de cent florins.

  A011002757 

 Restera qu'il vous plaise d'essaier si l'on pourra trouver qui veuille fournir aux frais a ceste condition, en advançant, et je tiendrois main a les faire bien paier dans le terme quilz prendroient; et si vous le trouvies, il faudroit faire marcher (sic) a combien par jour ilz entretiendroient la personne honnestement et sans superfluité..

  A011002758 

 On paiera le louage a tant par jour, en fournissant seulement le bois, linge et vaiselle, car quant au reste, Monseigneur le Reverendissime fera sa despence luy mesme; mais il faut que ce soit chez un Catholique et qu'on aye pour le moins trois chambres.

  A011002815 

 Les préparatifs nécessaires à cette solennité n'ont pas été faits sans de grandes dépenses, couvertes en partie par les aumônes du Saint-Siège, en partie par celles de Son Altesse.

  A011002817 

 C'est pourquoi, nous supplions avec toute l'humilité possible Votre Excellence, et nous la conjurons par les entrailles de Jésus-Christ, par tout le sang qu'il a répandu pour ces âmes dont nous tâchons de procurer le salut au moyen de ces exercices, de daigner prendre un autre chemin pour son voyage et de laisser celui-ci libre au Sauveur.

  A011002829 

 Intempestive sane; at obtemperandum, et quemadmodum par est existimandum moram uberiores fructus allaturam..

  A011002847 

 D'après vos paroles, je vois que vous avez mis le comble à la solennité projetée de nos fêtes, non seulement par vos prières, mais encore par celles du peuple qui vous est confié.

  A011002866 

 Ceste infinité de peyne que vous aves pour l'affaire de Dieu vous sera recompensee par Celuy pour lhonneur duquel vous le faittes.

  A011002867 

 Sil nous baille moyen de loger honnestement des curés par tout ce balliage apres les 40 heures, tout est emporté pour la foy catholique.

  A011002868 

 Je pensois partir passé demain, aller vers vous et a Sales; mais j'attendray jusques a mercredi, par ce que le P. Cherubin me vient de dire qu'a son advis il ne seroit que bon que vous donnies un coup d'esperon jusques icy pour voir tant plus briefvement ouverture a vostre payement.

  A011002888 

 Puysque nous avons observé jusques a præsent de mettre nos dires de part et d'autre par escrit, je vous prie d'escrire le vostre encores sur le particulier de l'intention des messieurs vos superieurs touchant vostre venue, ce pendant qu'en responce (sachans que ce ne sera autre que ce que vous aves proposé a bouche) nous dressons les articles demandés..

  A011002927 

 L'heureuse moisson de plusieurs milliers d'âmes qui s'est faite ces jours passés dans ce bailliage de Thonon, nous a donné une consolation incroyable; consolation qui eût été vraiment à son comble, si la lettre de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, reçue aujourd'hui par le P. Chérubin, nous fût arrivée en ce même temps.

  A011002927 

 Or, si ce bien ne nous arrive par l'intermédiaire de Votre Seigneurie, je ne sais par quelle voie il peut nous venir..

  A011002928 

 Nous avons besoin de grâces spirituelles relativement aux absolutions, afin qu'elles puissent être accordées en toute liberté à ces peuples grossiers et nouvellement convertis, non seulement par M gr notre Révérendissime Evêque et par moi, mais aussi par tous [357] ceux qu'il sera nécessaire de déléguer à cet effet; car pour recueillir une telle moisson un grand nombre de moissonneurs peut à peine suffire.

  A011002929 

 Il faudrait que Sa Sainteté, conformément à la bonne intention de Son Altesse, fît restituer les bénéfices détenus par MM. les Chevaliers, aux pasteurs et ecclésiastiques qui s'établiront maintenant en ce bailliage par manière de provision.

  A011002929 

 Il n'est pas nécessaire de procéder en ceci selon les formalités ordinaires qui exigent beaucoup de temps, puisque en attendant les âmes rachetées par Jésus-Christ se perdent, et il est très vrai que « le salut du peuple doit être la suprême loi.

  A011002930 

 Les Bulles par lesquelles Sa Sainteté concède aux Chevaliers de Saint-Lazare les bénéfices de cette province exigent que dans le cas où la sainte foi y serait rétablie, ils donnent à chaque curé une provision de cinquante ducats.

  A011002930 

 » Je veux dire qu'il faut que Sa Sainteté, ayant égard à l'importance de cette affaire, intime des ordres pour que les Chevaliers permettent [359] que les revenus des biens donnés à cet effet par la piété et la religion de nos pères et de nos ancêtres soient employés au service de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

  A011002931 

 Je voudrais pouvoir et savoir vous donner la relation de ce que Dieu a fait ici pendant les premières Quarante-Heures célébrées le 20 et 21 du mois dernier, avant l'arrivée de Son Altesse, et pendant les secondes célébrées le I er et le 2 courant; je suis sûr que je vous dédommagerais de l'ennui que je vous ai causé par mes désirs de Jubilés.

  A011002932 

 Je dirais encore de moi-même que je suis très consolé, si un bruit qui se répand de nos côtés ne m'attristait beaucoup: c'est que le roi très chrétien veut que l'infâme Babylone de Genève soit comprise dans la paix honorable faite par la médiation du Saint-Siège entre les puissances catholiques.

  A011002932 

 Je ne puis y croire, car il serait trop inconvenant que cette terre maudite reçût la paix par l'entremise du Saint-Siège; je ne puis absolument pas le comprendre.

  A011002932 

 Mais, [361] de grâce, que le P. de Lorini vienne de Milan nous apporter sa coopération chaque fois qu'il sera appelé; ce que Votre Seigneurie peut obtenir par son autorité, ainsi que Son Altesse se propose de faire de son côté..

  A011002932 

 Quoi qu'il en soit, nous lui ferons la guerre par la prédication, et puisqu'on nous appelle à une conférence nous nous préparons à faire tous nos efforts.

  A011002946 

 At vero, dum ita fœliciter coram Domino lætamur, sicut qui lætantur in messe, sicut exultant victores capta præda quando dividunt spolia, hoc unum accidit intempestive et molestissime: nimirum Rex Christianissimus per litteras Serenissimum Ducem serio admonet, velie se ejus quam tam opportune Sanctitas Vestra, tanta totius orbis Catholici voluptate, perfecit pacis vinculo comprehendi hæresis totius Calviniana matricem et [364] fontem, Genevensem videlicet civitatem, quamvis pacis articulis, ut par erat, nulla illius mentio habeatur.

  A011002954 

 En effet, Dieu a disposé si heureusement les choses, que ce grand Cardinal a pris [363] la route de son retour par cette ville, où il s'est rencontré avec le duc au temps où l'on y célébrait les Quarante-Heures.

  A011002954 

 Votre Sainteté aura appris, je l'espère, par le rapport de l'Illustrissime Père et Seigneur en Jésus-Christ, le Cardinal de Médicis, son Légat a latere, quelle belle et abondante récolte d'âmes nous venons de faire ces jours passés dans la vigne de ce diocèse.

  A011002955 

 Cette nouvelle inspire une incroyable audace à tous les hérétiques et leur ferme l'entrée à la foi catholique; si elle n'abat pas entièrement le courage des nouveaux convertis, du moins les trouble-t-elle grandement, et nous ôte, aussi bien à moi qu'à mes chanoines, tout espoir de recouvrer les biens ecclésiastiques que les Genevois retiennent par une souveraine injustice..

  A011002955 

 Mais pendant que nous nous réjouissons heureusement devant le Seigneur comme ceux qui se réjouissent au temps de la moisson, comme se réjouissent les victorieux lorsqu'ils se partagent les dépouilles de l'ennemi, voici que nous arrive une nouvelle fort inopportune et affligeante: le roi très chrétien prévient sérieusement par lettres le duc de Savoie qu'il entend que Genève, mère et source de l'hérésie calviniste, soit comprise dans le traité de paix que Votre Sainteté a fait conclure à la grande satisfaction de l'univers catholique, bien [364] que, comme il était raisonnable, nulle mention n'ait été faite de cette ville dans les articles du traité.

  A011002956 

 Que, selon la clémence [365] paternelle qu'Elle témoigne à toute la Catholicité et surtout à cette province agitée par tant de maux, Votre Sainteté daigne intervenir sérieusement auprès du roi très chrétien et du sérénissime duc, afin qu'une telle paix ne soit pas accordée aux impies, et qu'ils n'en goûtent point les avantages ceux qui s'efforcent de bouleverser par tant de divisions la paix de l'Eglise; mais que plutôt ils soient contraints de rendre l'honneur à qui ils doivent l'honneur, le tribut à qui ils doivent le tribut, et que, par ce moyen, la paix vienne sur eux en la vertu du Seigneur et par l'autorité du Siège Apostolique que Votre Sainteté occupe si heureusement et avec tant de clémence, et sur lequel nous supplions le Dieu très grand et très bon de vous conserver de longues années pour le bien de son Eglise.

  A011002970 

 Il y a longtemps que Révérend François de Sales, Prévôt de ma Cathédrale, aurait visité en mon nom les tombeaux des Apôtres, s'il n'en avait été empêché par une très dangereuse maladie qui l'a tenu alité plusieurs mois, et si les voies d'Italie ne nous eussent été fermées par la peste qui a affligé et afflige encore presque toute cette province.

  A011002971 

 C'est autant pour ne pas employer plusieurs moyens là où un seul suffit dans les temps si difficiles où nous vivons, que pour donner occasion à mon procureur, qui n'a pas travaillé inutilement dans le champ du Seigneur, de se délasser par divers pèlerinages des fatigues qu'il a soutenues..

  A011003026 

 Nam quod iis usu venire solet qui longiore absentis aut defuncti alicujus desiderio torquentur, ut ea demùm ratione recreari se sentiant, si non solum amici memoriam diligenter et religiosè, ut par est, colant, sed etiam exactissima naturæ imitatione, quantùm arte effingi potest, ejus quasi præsentis imaginem oculis suis intuendam objiciant, id ipsum nobis, quotquot ad virtutem contendimus, faciendum existimo; ut quoniam admirabilem ejus pulchritudinem, qualis quantaque est, ne animi quidem cogitatione assequi possumus, eos saltem nobis ad amandum et imitandum proponamus in quibus vivam illa sui effigiem elegantioribus et aptioribus, ut ita dicam, coloribus depinxerit.

  A011003109 

 Etsi enim quæcumque probitatis, pietatis et eruditionis exempla ab homine ullo vel singula sperari [379] possunt ea scio expectari à te debere universa, quis tamen mortalium tantis misteriis pro dignitate exequendis par esse queat quibus ipsi quoque immortales, ut sanctè vereque profiteris, omnino sunt impares?.

  A011003226 

 Cupio ex tuis literis intelligere quid tu aut feceris aut facere constitueris; mihi probabuntur omnia quæ tu e re et dignitate tua esse putabis, si tamen primæ salutis tuæ quæ mihi mea charior est habueris ut par est rationem.

  A011003318 

 Id qua ratione, aut ut veriùs dicam, cujus culpa factum sit, si ex eo cognovisti, non excuso tam improbabilem hominis negligentiam, sed ignosco culpæ, satis enim mihi fuerit quòd culpa me vacare intelliges; sin fuit ille in hoc ipso negligens ne se accusaret, neque excuso, neque ignosco, tametsi querelas omnes et injurias à me hodie, ut par fuit, remissas esse non nesciam; adeò mihi constitutum est perpetuas cum iis inimicitias gerere si qui erunt quorum culpa fiet ut de mea, non dicam voluntate, (qui enim facere posset?) sed diligentia malè suspicandi quæsita tibi occasio videatur..

  A011003361 

 Non potui tamen facere ut is sine literis ad te meis proficisceretur, præsertim cùm haberem à Girardo nostro quas ad te perferendas curarem; ut taceam quòd politior illa scribendi ratio quàm tu, vel invitis hæreticis et barbaris, tam constanter retines, mihi jam tecum familiarius et ut inter fratres par est agenti, sicuti non necessaria ita minùs curanda videtur..

  A011003390 

 Quàm, putas, animo meo hæret hærebitque semper, quod te nuper cùm una essemus dicere memini, cùm quidam ad te retulissent me, levissimo implicitum morbo, graviore quàm par fuerat mortis metu cruciatum fuisse, id te de eo qui se fratrem tuum diceret et gloriaretur non temerè credere potuisse! Nam qui, te potissimùm magistro, didicerit mortem non pertimescere, quam ego nunquam sanè pertimescendam existimavi, an non multò stultior sit, si iis rebus moveatur quæ non aliam ob causam acerbæ videri possint quàm quia mortem, vel quod adhuc insanius fuerit, vitam quoque ipsam reddere soleant acerbiorem? Sed tamen facere non possum quin me communes miseriæ conturbent, quibus non valdè affici vereor ne inhumani potiùs quàm constantis hominis esse videretur.

  A011003415 

 Nam ut ea taceam quæ mutuam nostram necessitudinem jam tot vinculis constringunt, ut neque addi quicquam neque diminui posse videatur, placet mihi ratio illa quam tu proponis inducendæ accessionis, quòd Senatore nostro vita functo, quem nos singulari quidem sed tamen communi studio et voluntate prosequebamur, sic nos agere par est, ut quodam veluti accrescendi jure, viriles nostras amicitiæ partes augeri sentiamus: quamquam non improbarem, si jus hoc non tam accrescendi diceres quàm non decrescendi, ne qua incomparabili conjunctioni nostræ fiat injuria, si quid ad ejus magnitudinem accedere posse fateamur.

  A011003464 

 Publicæ in eum statum deductæ sunt ut eas miseratione multo faciliùs quàm auxilio prosequi quilibet possit; meæ verò ejusmodi ut earum conditionem parùm curare debeat quisquis publicis ita uti par est afficiatur.

  A011003481 

 Je ne suis plus marry que, pour faute de porteur, j'aye retardé plus que je ne voulois de respondre a voz premieres lettres, qui me furent rendues ces jours passés avec les sonnetz de ma Seconde Centurie par monsieur de Chavanes; car je me fusse plaint fort aigrement de nostre monsieur Portier, auquel j'avois remis mes precedentes lettres, avec celles du Pere Possevin et le livre quil m'avoit adressé pour vous faire tenir.

  A011003481 

 Maintenant je suis hors de ceste peine, voyant par les vostres dernieres qu'en fin le tout vous a esté rendu..

  A011003486 

 Ilz le font sans doubte par art et par finesse, affin quilz ne soyent tenus de rien preuver et quilz nous chargent tant plus de preuve, dautant quil est beaucoup plus aisé de nier la verité que de preuver le mensonge.

  A011003486 

 Mais ceste raison mesme monstre que la reigle doit estre entenduë d'une pure negative qui ne puisse estre circunstantiee de point de façon; car quand ell'est coarctee, comme parlent noz maistres, de la circonstance de quelque lieu ou de quelque tems, la preuve s'en peut faire, et faut qu'elle se face par celuy qui nie: comme si quelqu'un nioit d'avoir esté a Romme un tel jour, il pourroit et devroit preuver en quel autre lieu il fut ce jour là..

  A011003486 

 Noz loix dient que celuy qui dit et afferme quelque chose [est tenu de le prouver, mais que celui qui soutient la négative] n'est tenu de la preuver; la raison est parce que la preuve d'une negative semble estre impossible par la nature mesme, dautant que ce n'est qu'une pure privation qui en somme n'est rien selon les philosophes.

  A011003487 

 Il y a de plus que la negative mesme qui est pure privation, et quæ nihil ponit, nec includit affirmativam contrariam, doit estre neantmoins preuvee par celuy qui l'avance, toutes et quantes fois que c'est le fondement de son intention; et en ce poinct s'accordent tous noz docteurs, fondés sur ce que tousjours le demandeur doit estre chargé de preuver son intention et ce sur quoy il la fonde.

  A011003487 

 Il y en a une infinité d'exemples ramassez par le premier Marian Socin en ses Commentaires sur le Droit canon, qui traite ceste matiere plus amplement qu'autre docteur quelconque qui jamais en aye parlé.

  A011003489 

 J'ay esté presque botté pour vous aller voir affin de vous conduire au Baptesme de nostre neveu, lequel nous esperions [409] devoir estre fait le jour de la Toussainctz; mais j'ay esté retenu par une infinité d'incommodités, et pour avoir sceu aussy que monsieur le Commandeur doit partir aujourdhuy pour Lyon, et qu'a ceste occasion la solemnité du Baptesme sera remise en autre tems..

  A011003590 

 Je me doubte fort que la lettre que je vous escrivis la semaine derniere par la voye de monsieur de Crans ne vous aye pas esté rendue, par les dangers de contagion continués et accreus, comme l'on nous dit, du costé de Necy.

  A011003592 

 Au reste, j'ay a vous dire pour bonne nouvelle, et meilleure pour moy que pour vous, que monsieur de Jacob, venant de France, m'a fait entendre que Madame de Nemours l'avoit prié fort affectionnement de sçavoir de Son Altesse si elle auroit aggreable que je fusse convié d'estre President du Genevois; a quoy s'accorde un billet escrit par monsieur de Charmoisy, nostre parent, a monsieur son pere, qui adjouste que Monsieur et Madame de Nemours estoyent sur le poinct de m'en prier.

  A011003592 

 Je ferois tort a ceste lettre, pleine d'un sujet tant desiré, si je la chargeois d'autre matiere, sinon pour vous dire que j'ay fait tenir voz pacquetz a monsieur de Lullin par le secretaire mesme de monsieur de Jacob, qui m'a promis de les delivrer en mains propres..

  A011003610 

 Combien que je vous aye escrit ny a que deux ou trois jours par l'homme de monsieur de Coudree bien amplement, et avec beaucoup de contentement pour la bonne nouvelle de laquelle je vous ay fait part de ma promotion a l'estat que je desirois, tousjours plus pour m'approcher de vous, qui m'estes et serez in æternum instar omnium, que pour m'esloigner du reste de mes amis, si est ce que j'ay recherché encores ceste commodité de vous pouvoir escrire par monsieur le Gouverneur, pour me reintegrer en la possession de noz premieres diligences, autant que la commodité ou, pour mieux dire, l'incommodité et le malheur du tems le pourra permettre; car Necy est maintenant plus decrié que jamais pour le mal qui est naguieres survenu pres du pont de Nostre Dame.

  A011003610 

 Nous sommes de par deça assez asseurés, mais non pas entierement, parce quil y a deux villages ausquelz le mal va encores s'entretenant..

  A011003631 

 Ce pendant, pour accroistre ce contentement qui n'est qu'un a vous et a moy, je vous diray que je viens de recevoir lettres de monsieur de Jacob, par lesquelles il m'asseure que Son Altesse a tres aggreable que j'aille en Genevois et qu'elle m'en priera (voyez quelz termes); et qu'en tesnioignage de cela, mes gaiges de senateur me demeureront.

  A011003651 

 Estant au plus fort des Meditations poetiques que j'ay commencées despuis quelques jours sur les misteres du tressainct Rosaire, pour faire quelque provision de devotion pour ces bonnes festes, j'ay sceu par monsieur l'advocat Salteur, lequel m'a remis voz dernieres lettres, quil y avoit commodité de vous faire responce par le [419] greffier de Thonon; et a l'instant, sans poser la plume, j'ay seulement changé de papier pour vous faire ce mot, non moins pour accroistre en moy cet esprit de devotion par l'imagination que je conçoy de vostre conversation, que pour vous advertir comme du jour mesme que je receus vostre pacquet, ou, pour ne mentir, du lendemain, je le remis a la poste avec les autres que le Conseil d'Estat depechoit par courrier expres a Son Altesse et soubs une mesme couverture, de sorte que je m'asseure quil aura esté bien et seurement rendu; dequoy je n'eusse pas tant tardé de vous advertir si j'eusse heu la commodité d'un porteur..

  A011003654 

 La seule souvenance me recree infiniment; Dieu veuille que dans un an je la puisse rafreschir par une nouvelle jouissance..

  A011003655 

 Je n'escris rien a monsieur de Charmoisy, mon cousin, en responce de la sienne, tant pour n'en avoir a ceste heure le loisir, que pour avoir desja satisfait a tout ce quil attend de sçavoir de moy par celle quil aura receu de moy despuis la sienne escritte.

  A011003673 

 Despuis, j'ay receu une des vostres datee du jour de Sainct Thomas, non toutefois l'autre laquelle vous dites m'avoir escrit par autre voye..

  A011003673 

 Je vous avois escrit en grande haste la veille de Noel, comme vous verrez par la cy jointe, pour ne perdre la commodité qu'on m'avoit enseigné du greffier de Tonon; mais il se treuva au lendemain qu'il estoit parti le soir devant, fort tard, de peur, comme je croy, de se treuver a nostre Messe de minuit.

  A011003674 

 Tout ce que je treuve de plus considerable, c'est qu'il dit que par les lettres mesmes de Monsieur le Nonce a vous, il est fait mention des depeches qu'en veut faire Son Altesse, lesquelz ne sont encor venus; car sans doute s'ilz estoient entre vos mains, la chose se pourroit faire avec beaucoup plus de reputation.

  A011003675 

 Ce pendant, il faut presser Monsieur le Nonce pour avoir, par son moyen, le commandement de Son Altesse.

  A011003696 

 Nous avons resolu d'en conferer avec monsieur de Lambert, par lequel en apres je vous en escriray plus a plein, car je suis maintenant merveilleusement pressé.

  A011003717 

 En responce de celle que ce porteur m'a remis de vostre part, je vous diray qu'il n'y a que quattre ou cinq jours que je vous ay escrit bien a plein par le solliciteur de monsieur de Colombier, pour respondre aux deux dernieres que j'avois eu de vous, dont la premiere estoit datee du jour de Sainct Estienne, l'autre, du jour de Sainct Thomas.

  A011003717 

 Je m'asseure que ma lettre ne s'esgarera pas, car je l'ay recommandee fort estroittement; toutefois, parce que peut estre elle ne vous sera pas si tost rendue, je vous en feray par ceste cy un epilogue..

  A011003719 

 Dieu est bien le chef des Conseilz d'Estat, lesquelz se tiennent en ce tems par tout le monde; mais quand on vient a parler de luy et de ses affaires, je croy qu'il faut qu'il sorte de l'assemblee, comme s'il en estoit seulement le president ou l'un des conseillers.

  A011003719 

 Je me console en l'esperance que j'ay que vostre depeche ne tardera plus gueres, et que vous n'avez pas peu fait par ceste boutee..

  A011003720 

 Il m'a dit de plus que s'y estant une fois treuvé et convié par Son Altesse d'en dire son advis, il le dit tel qu'il devoit pour la cause de la religion, et se promet qu'a son retour, s'il reste a faire quelque chose, il s'y employera si chaudement que nous en verrons les effects.

  A011003721 

 Mais je n'ay encores point receu des lettres de Leurs Excellences, et croy que monsieur de Jacob a son retour de France, ou il n'est pas encores allé, me les apportera, et que par consequent la chose ira a la longue..

  A011003721 

 Si faut il qu'encor je vous die que j'ay receu par monsieur de Jacob les patentes de Son Altesse, qui me permet d'aller en Genevois en retenant mon estat de senateur avec mes gaiges.

  A011003723 

 J'ay escrit bien au long a Monsieur nostre pere par l'homme de Necy qui m'apporta la lettre de messieurs du Conseil; je m'asseure que la lettre luy aura esté rendue.

  A011003741 

 Il n'a pas tenu a moy que l'expedition ne s'en soit ensuyvie; mais quoy que j'aye sceu faire, mesme despuis mon dernier retour de Necy, il ne m'a jamais esté possible ny par courtoisie ny par force d'avoir de ce petit homme autre que paroles et vaines promesses.

  A011003741 

 Vous m'avez osté d'une extreme peine me faisant sçavoir de voz nouvelles et m'envoyant la requeste de ce bon gentilhomme qui languit des si long tems; car ayant eu je ne sçay combien de fois la main a la plume pour vous escrire, j'ay tousjours esté retenu et empeché par honte que j'ay du tort que nous avons, monsieur Chaven et moy, de l'avoir abusé si longuement.

  A011003741 

 Vous serez adverty par la premiere commodité de ce que j'auray peu negotier..

  A011003743 

 J'ayme mieux vous parler de monsieur Locatel, nostre frere, qui m'a chargé par sa derniere lettre de vous baiser bien humblement les mains, et vous advertir qu'il est pere d'une Marguerite.

  A011003759 

 Je ne pouvois desirer lettres plus favorables que celles qui m'ont esté escrittes par Leurs Excellences, outre les patentes.

  A011004078 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye, Chablais, Aouste et Genevois, Prince de Piedmont, etc..

  A011004079 

 A ceste cause, ayant remarqué la doctrine, vie exemplaire et autres rares qualitez qui reluisent en nostre tres cher et bien aymé Orateur Messire François de Sales, Prevost de Sainct Pierre de Geneve, heu d'allieurs esgard aux travaux que cy devant il a supportez et a present supporte a la conversion des devoyés de nostre religion riesre nostre Duché du Chablais, de quoy nous sçavons aussy Sa Saincteté estre bien informee, avons par ces presentes, en vertu des concessions et indultz que Nous avons du Sainct Siege Apostolique, icelluy nommé et presenté, nommons et presentons audict Evesché de Geneve, suppliant Tres Sainct Pere le Pape et le Sacré College des Cardinaulx quilz veuillent a nostre nomination prouvoir ledict Messire François de Sales dudict Evesché, soit par coadjutorie ou autrement, luy octroyant les despeches sur ce necessaires..

  A011004079 

 A tous ceux qui ces presentes verront sçavoir faisons qu'estant deuement informé du sainct zele que tres Reverend Pere en Dieu, nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur Messire Claude de Granier, Evesque de Geneve, a de faire colloquer en son Evesché, par coadjutorie ou autrement, homme cappable de telle charge, conforme a nostre intention, qu'a tousjours esté qu'es benefices dependantz de nostre nomination les personnes mentantes soient preferez aux aultres.

  A011004099 

 Nous avons receu un singullier contentement de l'asseurance que me donnez par vostre lettre du unziesme du present, de differer les Quarente Heures pour le vingtiesme du present mois, auquel jour je ne faudray de me treuver a poinct nommé, sans aulcune aultre sorte de dilation; ayant esté tres aise de l'expedient qu'a treuvé le sieur de Lambert pour arrester le Pere Cherubin, qu'indubitablement seroit tumbé mallade s'il heust voullu suivre sa deliberation d'aller a Saluces pour rendre son obeissance, que je m'asseure sera excusable aupres de son General, auquel j'en escris la cy enclose pour le prier de le nous laisser pour achever l'œuvre qu'a esté si bien encommencee par luy.

  A011004113 

 Sur l'advis que Nous avons heu du passage du Legat par nostre Estat et par le pays de Valley, nous depeschames hier un courrier au Pere Cherubin pour le prier de differer les Quarente Heures jusques [449] au [28] du present, qui sera justement le jour de son arrivee a Thonon.

  A011004129 

 Par mes antecedentes lettres, vous aurez sceu de la venue du Legat et le desir qu'avons qu'il se treuve aux Quarente Heures, qui les sollempnisera beaucoup plus; et seroit bien marry si pour un peu de temps luy et moy en perdions la commodité.

  A011004161 

 Nous ayant, appres vostre despart, le Reverend Monsieur Louys Perrucard faict apparoir de la nomination faicte en sa personne, des l'annee 1589, lhors que nous estions a Gex, du prieuré de Sainct Jean soubz le vocable de Sainct Jean hors les murs de Geneve, riesre ledict pays, et supplié de ne luy prejudicier en son anterieurité par l'aultre nomination qu'en avons faict au Baron de Viry: ce que [451] Nous semblant raysonnable, et estant d'ailleurs bien memoratif des causes que Nous meurent de le faire, Nous a semblé par ce de vous dire qu'ayez a vous desporter de la charge et sollicitation qu'en pourriez faire pour l'union dudict prieuré a la Collegiale de Viry, ains faire instance pour en obtenir les provisions necessaires en faveur dudict Perrucard, docteur es droictz et esleu de Seseri, en escripvant en ceste conformité a monsieur l'Ambassadeur Arconat et au Cardinal Aldobrandin.


12-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XII-Vol.2-Lettres.html
  A012000013 

 Réponses faites par le Saint-Siège à diverses requêtes présentées au nom de l'Evêque de Genève.

  A012000015 

 — Oppositions faites par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare à l'exécution du Bref pontifical concernant les biens ecclésiastiques du Chablais.

  A012000022 

 — Les intérêts de la mission activement poursuivis à Rome.— Aumône faite par le duc à une protestante convertie.

  A012000023 

 Ordres donnés par le duc de Savoie en faveur de la maison de refuge projetée à Thonon.

  A012000028 

 — L'Archevêque de Vienne expulsé par les Valaisans.

  A012000032 

 Constance des Catholiques de Thonon et de Ternier opprimés par les Genevois.

  A012000040 

 — Son désir de restituer au clergé les biens ecclésiastiques usurpés par les Genevois.

  A012000060 

 Achat de la terre de Thorens par la famille de Sales.

  A012000077 

 — Il implore sa protection pour un curé fait prisonnier par les Genevois. 104.

  A012000079 

 — Les ecclésiastiques persécutés par les Genevois. 106.

  A012000093 

 M me de Beaulieu demandée en mariage par M. de Sainte-Claire; avantages que présenterait cette alliance.

  A012000100 

 Désir de connaître les résultats obtenus par la visite épiscopale.

  A012000102 

 Exposé des causes qui ont provoqué l'apostasie du Chablais: pression exercée par les Genevois.

  A012000102 

 — Zèle déployé par le duc de Savoie; éloge de ce prince.

  A012000106 

 Union créée entre les deux Prélats par les persécutions qu'ils endurent de la part des hérétiques.

  A012000116 

 En quoi consiste la perfection propre aux femmes du monde: s'unir à Dieu par la méditation, l'usage des Sacrements, les pieuses lectures et les fréquentes oraisons jaculatoires.

  A012000116 

 — S'unir au prochain par l'affabilité, les œuvres de miséricorde, la condescendance envers ses proches.

  A012000122 

 — Combien sont indissolubles les liens formés par la charité.

  A012000130 

 — Combien est utile la méditation des fins dernières; elle doit se terminer par des actes de confiance.

  A012000130 

 — Formulaire pour la Confession dressé par le Saint en faveur de l'Abbesse.

  A012000133 

 — « Lien admirable » établi par Dieu entre les deux Saints.

  A012000136 

 Procès intenté par le Prévôt du Grand Saint-Bernard au sujet de la cure des Allinges.

  A012000148 

 — Un cœur attendri par la douleur est plus accessible à la grâce.

  A012000149 

 Minutes écrites par Saint François de Sales pour diverses personnes.

  A012000158 

 — Il faudra y employer les mêmes Religieux, secondés par une élite de missionnaires séculiers.

  A012000160 

 Espoir que la conversion du pays de Gex sera facilitée par la réunion de ce territoire à la France.

  A012000162 

 — Le Cardinal Baronius prié d'obtenir une réduction des frais exigés par la Chambre Apostolique.

  A012000171 

 — Contributions généreuses, mais insuffisantes, faites dans ce but par le duc de Savoie et d'autres personnes.

  A012000171 

 — Il serait nécessaire de subvenir à la gène des nouveaux convertis par la fondation d'un établissement approprié à leurs besoins.

  A012000174 

 Lettres adressées a Saint François de Sales par quelques correspondants.

  A012000194 

 Il a accordé que la provision desditz pasteurs se fit par vous absolument pour ceste premiere fois; que vous puissies donner portion congrue a tous curés etiam extra visitationem; absoudre les hæretiques comme ci devant, pour cinq ans a venir, licence laquelle ilz estiment icy perpetuelle par ce qu'il ne couste sinon d'envoyer pour demander la continuation avant qu'elle soit passee..

  A012000197 

 Neanmoins le Cardinal Borghesio, nostre commissaire, nous bailla par advis de faire traitter ce point par Monseigneur le Nonce, et que peut estre reussiroit-il; il faudra donq l'en supplier a nostre retour, et je crois quil s'y employera volontiers..

  A012000198 

 Quand au remuement de nostre cathedrale, il est encor en suspens, par ce que nostre Cardinal commissaire ne sceut pas dire si Tonon estoit plus pres de Geneve [2] qu'Annessy.

  A012000199 

 Mays au reste il y reluit presque par tout une courtoisie et maintien angelique, sur tout en nos trois commissaires, les Cardinaux Burghesio, Arigo ne et Bianchetto, et par excellence au Cardinal Baronius, qui nous a portés de toute sa faveur tant vers Sa Sainteté que vers les Cardinaux..

  A012000199 

 Sa Sainteté ne feroit pas une grace, pour petite qu'elle soit, qu'elle ne soit pesee et contrepesee par conseil de Messieurs les Cardinaux, lesquelz, voyans il Santissimo di questo parere, sont aussi eux mesmes d'iceluy.

  A012000255 

 Il suffit de dire que, grâce à vous, j'ai été connu et affectueusement traité par ces deux insignes Prélats, dont lesouvenir ne peut qu'exciter en moi le désir de bien vivre..

  A012000260 

 On espère que Son Altesse ira en France, où elle est ardemment [10] désirée par le roi, qui a chargé le prince de Conti et le comte de Soissons d'aller à sa rencontre jusqu'aux frontières, et de le conduire ensuite là où se trouvera Sa Majesté, avec tous les honneurs que l'on a coutume de lui rendre à elle-même; c'est ce que la princesse de Conti écrivit par un exprès à son chargé d'affaires en cette cour de Savoie.

  A012000261 

 C'est tout ce que j'ai à vous communiquer pour le moment, distrait comme je le suis par les poursuites que je fais pour nos affaires ecclésiastiques.

  A012000342 

 Fra molte ragioni per lequali la difficoltà dei passi ci è dannosa, a me particolarmente par di gran nocumento che per questo siamo privi della consolatione delle lettre di V. S. Ill ma et R ma, et anco di potergliene inviare così facilmente dal canto nostro come dovressimo et desideriamo..

  A012000369 

 Et même les ecclésiastiques établis de ces côtés n'ont pas les provisions strictement requises à leur entretien; de sorte que si M gr notre Révérendissime Evêque ne les avait charmés par des caresses et de belles paroles, il n'en serait pas resté la moitié.

  A012000371 

 Vraiment, si dans la conclusion de la paix on fait un effort pour faire resplendir l'exercice du culte et la doctrine catholique en ce pays, je suis sûr que nous verrons la gloire de Dieu et que peut-être, selon la Loi, les possessions seront, pendant ce Jubilé, restituées à leurs anciens maîtres; car on voit clairement que toute la résistance faite par les ministres Genevois provient moins du courage ou de l'ardeur qui leur reste que de rage et de désespoir; en sorte que si nous les pressons un peu énergiquement, c'en est fait d'eux, et leur peuple, déjà fatigué des sornettes qu'ils débitent, prêtera facilement l'oreille à la vérité.

  A012000372 

 Je suis venu ici pour le procès de [20] la cure du Petit-Bornand, laquelle m'ayant été accordée par la faveur de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, est occupée par d'autres sans titre, et j'espère que dans peu je me verrai délivré de ces compétiteurs..

  A012000416 

 J'ai reçu deux lettres de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime: l'une du 31 août, par M gr le Révérendissime de Vienne, et l'autre du 1 er septembre, par l'entremise de M gr de Tarentaise.

  A012000416 

 Quant à la première, je me mettrai avec toute diligence au service de M gr de Vienne pour tout ce qu'il voudra me commander; et quant à l'informer de l'état des choses, je l'ai fait jusqu'à présent et je le ferai toujours plus avec une entière fidélité; mais c'est un Prélat [23] de tant de mérite et de prudence, que, jetant les yeux autour de lui, il découvre par lui-même et pénètre jusqu'aux moëlles de l'affaire..

  A012000417 

 Dieu soit loué de ce que ces évènements se rencontrent sous le pontificat d'un Pape si zélé, pendant la nonciature de Votre Seigneurie, et que l'information soit confiée à un Prélat doué de tant de sagesse comme est M gr de Vienne, qui, par la grande expérience qu'il a de nos mœurs ultramontaines, en est singulièrement capable.

  A012000418 

 Mais ayant rencontré en route M. le Gouverneur de cette province avec M. d'Avully, il reçut l'annonce du don de douze mille écus fait par Son Altesse pour racheter le prieuré de Saint-Hippolyte de cette ville, ainsi que plusieurs autres biens ecclésiastiques, afin de renter [25] le collège déjà destiné aux RR. PP. Jésuites.

  A012000419 

 Ce sera un singulier avantage pour [26] ouvrir le collège projeté par Son Altesse, jusqu'à ce qu'il soit parfaitement pourvu de bâtiments et autres ressources, sans lesquelles on ne peut si tôt commencer les leçons et les autres exercices; mais en attendant, la mission établie si à propos y suppléera.

  A012000420 

 Je n'écrirai pas encore à Votre Seigneurie Illustrissime touchant les particularités nécessaires à connaître pour la supplique que j'ai présentée relativement aux prébendes théologales; car je n'ai conservé ni dans mes papiers ni dans mes souvenirs le nombre des abbayes et des monastères capables de supporter cette dépense; mais M gr le Révérendissime étant à Annecy m'en enverra l'indication exacte, tirée de ses livres de visite, et aussitôt j'en donnerai un compte-rendu détaillé [27] à Votre Seigneurie, que je supplie de vouloir bien me pardonner si, étant distrait par une multitude d'affaires, je lui écris si mal..

  A012000427 

 Je supplie Votre Seigneurie Illustrissime de me pardonner si j'ose expédier à Rome par son entremise la lettre ci-jointe, n'ayant d'autre moyen à cause de la difficulté des passages.

  A012000437 

 Suyvant le commandement que monsieur d'Avulli m'a porté de la part de Vostre Altesse de maintenir Monseigneur le R me Evesque de Geneve en bonne intelligence avec Monsieur l'Archevesque Gribaldo, envoyé par nostre Saint Pere, il m'a semblé que je devois l'asseurer qu'il ne s'est jamais rien passé entre eux qu'avec toute sorte de discretion, amitié et fraternité.

  A012000453 

 Si je vous remerciois au long par escrit de la souvenance que vous aves de moy, selon vostre lettre receüe par les mains de monsieur le Præsident mon frere, je meriterois que vous ne leussies pas ma lettre, car vous seres tant empressé a recevoir et caresser ces jeunes gentilshommes nouveaux venuz, que vous n'aures pas le loisir de parler avec ma lettre.

  A012000493 

 Etant enfin arrivé ici, j'ai tardé de jour en jour à expédier les lettres et les pièces ci-incluses, espérant les envoyer par le fils du baron de Chevron qui se croyait toujours sur le point de partir; mais voyant passer le temps, j'ai résolu de ne plus attendre et de livrer plutôt le pli aux courriers..

  A012000493 

 Non pas que la contagion soit à Annecy, par la grâce de Dieu; mais le seul respect dû à la personne du prince exige que nul venant des lieux qui ont été infectés, encore qu'ils soient entièrement purifiés, ne se présente à la cour que longtemps après la quarantaine.

  A012000495 

 Par la première lettre de Votre Seigneurie je vois la consolation qu'Elle a éprouvée du don fait par Son Altesse; une grande partie est déjà effectuée et versée, car Son Altesse a racheté, au prix de sept mille écus, le prieuré de Thonon qui est destiné au collège.

  A012000496 

 Le P. Bartoloni a reçu les cent huit écus expédiés par Votre [33] Seigneurie Illustrissime; il a aussitôt envoyé à Thonon un Père prédicateur, qui y est arrivé le dernier jour d'octobre.

  A012000497 

 Je sais que c'est au zèle, à la bonté et prudence de Votre Seigneurie que l'on doit de toute façon en attribuer le succès; s'il est [34] tel que je l'espère, il sera très glorieux à Sa Sainteté, très honorable à Votre Seigneurie, principal instrument d'une si grande œuvre, très utile à la sainte Eglise, particulièrement à ces populations; et, ce qui importe davantage, plus agréable au Seigneur notre Dieu que tout ce que l 'on a vu par le passé: Ce sera une montagne élevée pour les cerfs, un rocher de refuge aux hérissons..

  A012000498 

 On ne peut dire autre chose de M gr le Révérendissime de Vienne sinon que, par antipéristase, il prend toujours nouvelle vigueur et s'échauffe d'autant plus dans le combat contre les ministres et les hérétiques qu'il a eu la grande satisfaction de ramener à Jésus-Christ un gentilhomme, son neveu, lequel en conséquence il a retiré chez lui..

  A012000501 

 Il ne me reste plus autre chose à communiquer à Votre Seigneurie sinon de la prévenir, avec cette confiance que sa bonté me permet, et la priant de n'en rien dire à personne, que Son Altesse a trouvé un peu étrange de n'avoir pas été mise au courant avant tout autre, d'une manière exacte et très circonstanciée, de la manière dont les [36] affaires de Thonon sont traitées à Rome; je m'en suis aperçu par quelques mots relatifs à ce sujet; au reste, le prince se montre très affectionné à l'entreprise.

  A012000536 

 Il y a deux ans que Sa Sainteté par Bulles sub plumbo me pourvut de la cure du Petit-Bornand, avec dispense de l'incompatibilité de la Prévôté dont les revenus sont nuls.

  A012000536 

 J'ai cru devoir informer de tout cela Votre Seigneurie Illustrissime; car ayant obtenu par sa bonté cette grâce de notre Saint-Père, de même ai-je besoin de ses faveurs pour la suite du procès que je me propose de poursuivre, afin de ne pas ouvrir la porte aux fraudes qui se font au préjudice du concours; ce dont notre bon Sénat se soucie fort peu.

  A012000564 

 Si l'œuvre difficile et laborieuse de la conversion de ces provinces ne provenait de Dieu, il y a longtemps qu'elle serait ruinée; car les empêchements et les obstacles n'ont point manqué, et ils ont été en si grand nombre et de telle nature qu'ils n'auraient jamais pu [42] être surmontés par des moyens humains.

  A012000565 

 On ne pouvait, en effet, désirer un plus ardent et vigoureux défenseur et promoteur parmi ces forts et vaillants qui entourent le lit sacré de Salomon; de sorte qu'il est désormais évident que le Christ veut, par l'entremise du Saint-Siège, nous être un Dieu protecteur et une maison de refuge.

  A012000580 

 Nella lettera del Padre Cherubino vedo due cose: una [45] è la risposta che egli fa alli punti ricercati da Nostro Signore, circa laquale, già che la rilatione mandata da Monsignor Arcivescovo di Vienna è assai più distinta et copiosa, non mi par di poter dire altro senon che intorno all'articolo delli sogetti ecclesiastici, cie ne sonno moltissimi altri valenti, delli quali parte si è scordato il Padre Cherubino, et parte non li conosce per esser venuti doppo la sua partenza: come sonno li canonici Deagio, Grandis, Gottrio, Bochuto, tutti dottori et letteratissimi; oltra alli quali ne habbiamo altri che se ben non sonno dottori, sonno però molto letterati, et altri in numero che quest' anno si addotoreranno in Avignone; atalche, circa questo, non mi par che vi fosse difficoltà veruna..

  A012000592 

 La première est [45] sa réponse aux questions posées par notre Saint-Père.

  A012000592 

 Or, puisque le rapport envoyé par M gr l'Archevêque de Vienne est bien plus clair et étendu, il me semble ne pouvoir rien ajouter à cette réponse sinon en ce qui concerne nos ecclésiastiques.

  A012000593 

 En attendant elle pensait écrire à l'abbé d'Abondance afin qu'il donne audit docteur, pour cette [47] année, deux des cinq ou six prébendes vacantes de son abbaye, lesquelles sont mises dans le trésor commun par les administrateurs.

  A012000593 

 On le voit par expérience pour M. Nouvellet, dont le P. Chérubin parle dans sa lettre.

  A012000604 

 Cependant que j'ay suivi le proces que j'ay eu avec messire Nicolas Balli pour la parrochiale du Petit Bornand par devant les juges lais pour le possessoire, j'ay laissé en surseance la poursuitte de l'adjournement que j'avoys eu a Vienne des que maistre Coquin se presenta pour moy et vous constitua mon procureur, il y a environ deux ans.

  A012000604 

 Et je vous tiendray tres bonne et entiere rayson de toute la despense que vous m'accuseres par vostre lettre que j'attens en response de la præsente, par voye de monsieur de Medio, chanoyne a Lion..

  A012000604 

 Maintenant, desirant reprendre les arremens dudit proces, auquel je m'estois præsenté, je vous supplie de m'envoyer les lettres necessaires a ces fins pour, au moyen d'icelles, poursuivre par apres mon droit ainsy que je seray conseillé.

  A012000639 

 Au milieu de tant d'afflictions par lesquelles il a plu à Dieu de châtier nos péchés, il ne me reste autre chose à vous écrire sinon qu'en cette infirmité, la vertu divine s'est montrée par la constance de nos convertis de Thonon.

  A012000639 

 Menacés tantôt par les incursions des Genevois, tantôt par celles des Bernois, ils sont cependant demeurés fermes en notre sainte religion.

  A012000640 

 Les Pères de la mission sont encore en Chablais, quoique dispersés en différents endroits par crainte des Genevois et des Bernois.

  A012000640 

 M gr notre Révérendissime Evêque est encore assez malade, soit par suite des fatigues endurées en Chablais le mois dernier, soit à cause du chagrin qu'il éprouve en voyant nos affaires s'engager en une aussi mauvaise voie.

  A012000696 

 J'ai éprouvé une très grande consolation de la lettre que Votre très Révérende Paternité a daigné m'adresser par M. Philippe de [54] Quoex, et cela pour plusieurs raisons; mais particulièrement parce que j'ai compris par son contenu que non seulement vous me conservez un spécial souvenir, mais aussi que vous avez pour toute cette province une singulière sollicitude.

  A012000697 

 On ne saurait dire quelles ont été nos angoisses en voyant le péril que courait cette pauvre nacelle, déjà ruinée, hélas! par une telle peste de guerre.

  A012000698 

 L'espoir d'une prochaine paix nous réjouit tous; mais si à cause de nos péchés elle ne se concluait pas, nous aurions grand besoin de l'appui du Saint-Siège auprès du roi, afin de n'être pas maltraités par les Genevois.

  A012000735 

 Ainsi l'on a reconnu que leur saint changement était l'œuvre de la droite du Très-Haut, puisque, par antipéristase, ils célébrèrent les fêtes de Noël avec un entrain tout à fait inusité.

  A012000735 

 Je lui donnerai en [57] même temps une consolation: celle de lui apprendre que si bien à Thonon et à Ternier, d'où je revins seulement le Dimanche de la Quinquagésime, on a beaucoup souffert sous le gouvernement de M. de Montglat, huguenot, et par les diverses embûches des Genevois (à Ternier surtout ils ont exercé une tyrannie, et commis à l'égard des choses sacrées des indignités qui ne se peuvent dire), néanmoins, malgré tout cela, parmi un si grand nombre de convertis il ne s'en trouvera pas quatre qui soient retombés, et encore sont-ils de basse condition.

  A012000735 

 Mon oncle, M. de Villette, maître d'hôtel de Son Altesse, se rendant auprès de vous, il m'a semblé devoir rompre un silence forcément prolongé, en offrant par ces lignes mes très humbles hommages à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime.

  A012000736 

 M. de Villette suppliera Votre Seigneurie d'user de sa charité accoutumée pour obtenir à M. Nouvellet les prébendes promises par l'Abbé d'Abondance, non pour cette année passée, puisque M. de Sancy a saisi tout le revenu de cette abbaye, mais pour l'année prochaine.

  A012000751 

 A quoy ledit sieur Præsident a respondu qu'il le feroit infalliblement; et despuys je l'ay repris, et le Procureur patrimonial encores, lesquelz conformement m'ont dit que sil vous playsoit d'en venir par termes de justice, la chose ne pouvoit pas se terminer du tout si tost, et qu'en ce cas il sera requis de voir ledit Procureur patrimonial repliquer a vos responces.

  A012000757 

 Je n'ay pas parlé des 150 escus baillés au conte de Tournon par ce que je n'entendois pas bien l'affaire..

  A012000795 

 C'est pourquoi je dois vous remercier d'abord, comme je le fais très humblement, des faveurs infinies dont, par votre bonté, vous m'avez comblé pour ma consolation et pour le bien de cette province, de laquelle vous êtes non seulement le bienfaiteur signalé, mais aussi le père très aimant.

  A012000796 

 J'ai été ce mois-ci à Thonon et dans le bailliage de Chablais pour visiter toutes les églises, savoir en quel état elles se trouvent et par quel moyen on pourrait les doter, comme il m'avait été enjoint par M gr notre Evêque.

  A012000796 

 Pour ce qui concerne les âmes, j'ai trouvé que, malgré la guerre, le nombre des convertis s'est accru depuis Noël, bien que sous la domination du lieutenant du gouverneur donné par le roi de France, lequel pendant qu'il était là était huguenot au suprême degré, quelques brebis se fussent d'abord égarées; mais elles sont peu en quantité et nulles en qualité.

  A012000799 

 Là aussi il faudra pourvoir de pasteurs, car ce bailliage est maintenant entièrement huguenot et occupé par les Genevois, qui demeureront bien compromis par l' Intérim s'ils sont contraints de restituer les biens ecclésiastiques.

  A012000846 

 Bien que d'après ce qui m'a été dit par M. le président Favre et M. le baron de Chevron je sache que peut-être cette lettre ne parviendra pas entre vos mains pendant votre nonciature, je ne veux pas toutefois laisser de vous donner connaissance de deux choses, au succès desquelles votre autorité et votre bonté pourront beaucoup aider à l'occasion..

  A012000847 

 Ce bailliage a été occupé jusqu'à présent par les Genevois au nom du roi de France; mais depuis quinze jours il a été de nouveau [70] soumis à sa couronne et arraché aux mains desdits Genevois.

  A012000848 

 Mais ceci est peu de chose si le Saint-Siège n'emploie fortement [71] son autorité auprès de Sa Majesté, afin que, sans égard aux Genevois, on exécute cette restitution des biens de l'Eglise; par ce moyen, ces hérétiques recevront le plus grand affront qu'on leur ait jamais fait jusqu'à présent.

  A012000849 

 C'est que, ma famille ayant beaucoup souffert par le malheur des temps passés, et me trouvant privé de mon père depuis trois mois, je ne suis pas en mesure de faire une grande dépense.

  A012000849 

 L'autre chose est que, en étant vivement sollicité par M gr l'Evêque de Genève et aussi, pour le dire franchement, par toutes les personnes les plus notables et les plus distinguées du diocèse, non seulement ecclésiastiques mais encore laïques, cédant enfin à leurs instances j'ai consenti à ce que l'on reprit les négociations commencées pour m'obtenir la coadjutorerie de cet évêché avec future succession.

  A012000850 

 Pour cette raison, notre Evêque écrit à son agent qu'il tâche de découvrir, par le moyen de nos amis, et particulièrement de l'Illustrissime Cardinal Baronius, si l'on peut espérer quelque faveur [73] de Sa Sainteté.

  A012000877 

 Puisque les divers besoins de ce diocèse me donneront souvent occasion de recourir à l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, il m'a semblé que je pouvais et devais commencer par celui-ci, qui est remarquable et très important..

  A012000878 

 Le pays de Gex, occupé jusqu'à présent par les Genevois, est tombé, par les articles du traité de paix, entre les mains du roi de France, au nom de qui le baron de Lux en a pris possession depuis peu, en déclarant que l'intention du roi était d'y rétablir l'exercice de la foi catholique au moyen de l' Intérim de la même manière qu'il se [75] pratique en France.

  A012000879 

 M gr l'Evêque de Genève écrit à cet effet la lettre ci-jointe à l'Illustrissime Cardinal Aldobrandino, laquelle, pour plus grande sûreté, je lui adresse par votre entremise..

  A012000895 

 J'y ay employé tout mon cœur, et espere que Dieu en aura touché quelques uns par les motifz quil luy a pleu m'inspirer.

  A012000896 

 Et tous concourent a cest'opinion, quil n'y a plus aucun moyen de reste pour en chevir, sinon que Vostre Altesse, par un edit paysible, commande que tous ses sujetz ayent a faire profession de la foy catholique, et en prester le serment dans deux moys es mains de ceux qui seront deputés, ou de vuider ses estatz, avec permission de vendre leurs biens.

  A012000896 

 Plusieurs, par ce moyen, eviteront le bannissement du Paradis pour ne point encourir celuy de leur patrie; les autres, qui seront fort peu en nombre, sont de telle qualité que Vostre Altesse gaignera beaucoup en les perdant, gens desquelz l'affection est des-ja pervertie et qui suyvent le huguenotisme plus tost commun parti que comme une religion.

  A012000909 

 Puisqu'il vous a pleu me dispenser d'aller en personne aupres de vous pour vous donner l'advis que vous desires avoir de moy avant que de vous acheminer a Gex, je vous diray simplement sur ce papier que Monsieur l'Evesque se tient tout prest avec la petite trouppe pour arborer la Croix et en publier les mysteres par tout ou vous luy en marqueres les lieux et occasions; il attendra seulement l'assignation du jour que vous luy donneres pour vous rencontrer sur le chemin.

  A012000935 

 Et parce que le roi demandait que, quant au nombre, on s'en tînt exactement à celui qui serait marqué par M. le baron de Lux, lieutenant dans le gouvernement de Bourgogne, Bresse et autres pays récemment réunis au royaume, je suis venu ici pour apprendre plus particulièrement comment cette affaire doit se traiter; ce qui n'est pas encore résolu..

  A012000936 

 Entre autres choses, on a parlé des revenus de l'Evêque et du Chapitre de Genève et de ceux de Saint-Victor, usurpés par les [82] Genevois, ainsi que des moyens à prendre pour les recouvrer.

  A012000947 

 Et au progres des discours que j'ay eu avec luy, j'ay treuvé que le Roy et ses gens sont fort disposés a nous rendre nos biens, c'est a dire les biens de nostre Chapitre qui sont riere Gex, mais il desireroit d'en estre recherché et pressé par Sa Sainteté.

  A012000948 

 Or, pour ce faire, il eut esté requis d'en toucher un mot a Sa Sainteté mesme; mays parce que cela appartient ou a Monseigneur le R me ou a nostre Chapitre, je n'ay pas osé le faire, mais escris seulement au Cardinal Aldobrandin sur ce sujet simplement; mesmement par ce qu'iceluy ayant conclud la paix, demeslera mieux l'affaire avec le Roy, avec lequel, a ce que j'entens, il a quelque secrete intelligence pour ces affaires de religion.

  A012000949 

 Neanmoins, encor ay je apprins que c'est par ce [que] les cantons huguenotz et la Reyne d'Angleterre s'entremettent pour ceux de Geneve, qui sont les possesseurs ou usurpateurs desdits biens, et le Roy voudroit avoir un juste prætexte pour les esconduire.

  A012000949 

 Or, plus apparent n'en peut il avoir que d'estre sollicité par le Saint Siege..

  A012000949 

 Outre cela, il y a un point encor plus important, qui est quil seroit expedient que Monseigneur le Cardinal escrivit une lettre a Monseigneur de Geneve, par laquelle il luy donnast courage de demander la restitution de ses biens qui sont a Gex, et un'autre au Nonce, affin quil l'assistast en ceste demande.

  A012000961 

 Et d'effait, ce traitté la portoit par expres que la religion ne seroit point restablie es balliages; neanmoins, despuis on l'a restablie au veu et sceu de Berne, a quoy on n'a jamais rien opposé: signe evident que ceux de Berne tiennent ledit traitté pour nul.

  A012000961 

 Mays on replique: Que veut dire qu'avant la guerre vous ne recherchies pas ces biens? C'estoit par ce que feu Son Altesse avoit Iraitté autrement avec ceux de Berne, et despuis le traitté a esté annullé par ceux de Berne mesme.

  A012000974 

 C'est pourquoy j'ay voulu vous envoyer immediatement ces advis pour prendr'occasion de vous demander la faveur de vos bonnes graces et vous offrir mon humble service, me promettant aysement d'estre gratiffié par vostre bonté..

  A012000975 

 Je vous prieray m'excuser si je ne vous envoye pas pour l'heure les memoires que vous desires au premier article, par ce que je suis en voyage et ne puis pas obtenir de ma souvenance tout ce que je luy en demande, avec l'asseurance des particulieres circonstances qui sont requises pour s'en bien servir.

  A012000975 

 Mays estant de retour au diocsese, qui sera dans peu de jours, j'en iray a la queste par tout [88] ou je cuyderay en pouvoir rencontrer des pieces, et bientost apres je les vous envoyeray..

  A012001007 

 Ils y opèrent beaucoup de fruit, car il se trouvait en ce pays plusieurs anciens Catholiques dont la foi était cachée et couverte comme un feu sous la cendre du culte huguenot, qui seul s'y pratiquait depuis soixante-six ans; cette foi étant maintenant mise à découvert par le souffle de la parole divine, ils rendent témoignage à la vérité.

  A012001009 

 Pour répondre aux points touchés par Votre Seigneurie, je dirai [91] au sujet de la Maison de Thonon que, par son moyen, la bienheureuse Vierge, à qui elle est dédiée, foulera et brisera la tête venimeuse du serpent qui s'est refugié à Genève et à Lausanne; la religion sera rétablie dans le Valais, pays très corrompu et ravagé en ce qui concerne l'Eglise; elle illuminera les ténèbres des Bernois et autres Suisses; en un mot, le bien que ce dessein peut apporter à toutes ces provinces est indicible.

  A012001010 

 On pourrait y remédier par les moyens suivants: il faudrait que le Saint-Siège prît sous sa très spéciale protection cet établisse-ment de Thonon, et que, dans ce but, il employât le concours des princes catholiques; que le Sérénissime duc fît ceindre cette ville de murailles, ce qui, de l'avis de personnes expérimentées, peut se faire [92] en peu de temps; que l'on usât d'une grande charité et libéralité [à l'endroit de cette œuvre] et qu'on y appliquât largement les revenus de bon nombre d'abbayes inutiles et de bénéfices, en observant les réserves de droit.

  A012001010 

 Si ce bien ne peut s'exécuter tout d'un coup, que du moins on le fasse petit à petit, commençant par les parties les plus nécessaires, telles que le collège, le séminaire, et ainsi successivement..

  A012001010 

 Un si beau dessein peut être entravé par les incursions des Genevois et des Bernois, s'ils voulaient en faire, et par la pauvreté de ces pays.

  A012001046 

 Nous ne sommes pas contens de si peu, car nous demandons tout, tant pour l'exercice, qui va premier, que pour les biens; non seulement par ce que cela nous accommodera, mais encor plus par ce que cela incommodera la religion huguenotte, laquelle devant estre entretenue aux despens du peuple, manquera bien tost et indubitablement.

  A012001071 

 Nous n'avons aucunes nouvelles qui vaillent l'escrire, qui me fera finir par la tres humble reverence que je vous fay, vous baysant les sacrees mains, et priant Dieu qu'il vous donne, Monseigneur, ce que vous doit desirer et souhaitter.

  A012001094 

 Attendant l'issue de mes affaires, j'ay esté forcé, par [104] honnesteté, de precher en la chapelle de la Reyne trois lois la semaine, devant les princesses et courtisans, n'ayant peu refuser aux prieres et commandemens qui m'en ont esté faitz.

  A012001097 

 J'attendray de vous le signe pour faire les remercimens necessaires, et vous salue de toute mon ame, vous suppliant croire que vous obliges l'un des plus humbles et asseurés serviteurs que vous puissies avoir par tant de bons offices que vous me faittes.

  A012001174 

 De moy, je confesse n'y avoir contribué que ma foible enonciation et ma voix pour servir d'echo, dans l'estendue d'une petite heure, a la reputation de ce grand prince, qui parloit [111] asses d'elle mesme et qui esclatera a jamais par les beaux exploitz dont non seulement la France et l'Allemaigne, mays toute l'Europe, voire toute la chrestienté, ont esté tesmoins.

  A012001174 

 Et si bien l'escrit que j'en donne semble avoir plus de subsistance et de duree que ma voix n'en a eu en les prononçant, ce sera plus par la consideration des vertus de ce prince que par le tissu et l'ordre que j'ay tasché d'y apporter en l'escrivant..

  A012001176 

 Ce n'est pas qu'apres cela, s'il est permis, comme il l'est sans doute, de rechercher quelque adoucissement au dehors, vous n'en ayes un tres grand dans le pretieux gage que ce grand prince vous a laissé de vostre mariage; je veux dire en madamoyselle de Mercœur, laquelle estant une image vivante du pere, elle est aussi la legitime heritiere de ses vertuz, dont il a laissé le soin a vostre conduitte, Madame, pour les cultiver par la noble et chrestienne education que vous luy reserves.

  A012001190 

 Il ni a point de si parfaitte amitié qui ne se trouble quelquefois par quelque petit nuage, lesquelz estans passés, amoris redintegratio sunt..

  A012001190 

 Touchant monsieur le President, il n'a esté fasché sinon par ce qu'on luy a exaggeré que vous escrivies a Madame que luy seul estoit cause du proces, et seul d'opinion quii fut soustenable, et que les voix quii se promettoit pour nous n'estoyent que vanité; et così discorrendo.

  A012001191 

 Mes freres m'escrivent que par deux diverses voÿes ilz ont donné ordre a vous faire tenir les [114] 200 escus quil faut pour les escritures, propines, etc., et ne doute pas que des-ores vous ne les ayes receuz.

  A012001192 

 Or, a mon advis, il faut [que] le seigneur Persiani prenne resolution d'en voir une fin en ceste court, ou par la faveur de Monsieur le Cardinal d'Ossat ou de quelqu'autre; autrement il sera tous-jours inquieté..

  A012001193 

 Je bayse les mains a monsieur Reydet, a messieurs Gojon et autres de ma connoissance, mays sur tout a nostre R. P. Juvenal, s'il est encor a Rome, [115] dequoy je suis entré en doute par ce que on m'a dit quii venoit et estoit deputé pour Thonon..

  A012001212 

 Mais je pense bien avoir asses de vraye et franche affection pour correspondre a la faveur que vous me faittes de m'aimer, si ell'est mesuree par l'estendue de son acte et non pas par le merite de l'agissant; car a ce prix, toute mon ame demeureroit bien bas et hors des prises de la comparaison..

  A012001234 

 Ce pauvre homme d'Eglise a estimé quil auroit plus d'accès a vostre charité s'il avoit en main un'attestation de moy de la necessité en laquelle il est; et par ce qu'elle m'a esté asseuree d'asses bon lieu, je n'ay sceu luy refuser ceste assistence, laquelle il m'a fort instamment [119] demandee, me conjurant par toute la compassion qu'un Chrestien doit a un autre.

  A012001244 

 Croyes moy, je vous supplie, que je ne fay pas volontiers ni de mon gré ceste faute; j'avois trop de desir de vous revoir et representer mon humble service a toute la mayson de messieurs d'Acy et de Manœuvre, a quoy madamoiselle de Sainte Beuve m'avoit encor animé par le tesmoignage qu'elle m'a rendu qu'ilz s'y attendoyent.

  A012001244 

 Mais puisque je ne puis pas, et qu'aussi est ce un foible tesmoignage de l'affection des serviteurs d'aller faire bonne chere a la table de leurs maistres, je vous conjure, par nostre ancienne connoissance et reciproqu'amitié, de faire treuver bonne mon excuse a mesdits sieurs d'Acy et de Manœuvre, et de les asseurer que je prise leur bienveüillance autant qu'autre homme auquel ilz en puissent faire part, et que je suis infiniment obligé a la courtoisie dont ilz m'ont prevenu, et m'en tiens pour redevable serviteur.

  A012001245 

 Je ne veux dire pour tout sinon que je vous supplie de tout mon cœur de m'aymer de tout le vostre, de faire que messieurs d'Acy et de Manœuvre m'ayment tous-jours, de m'escrire quelquefois par l'entremise de monsieur Santeul; et je vous prometz de ma part de vous aymer, honnorer, servir toute ma vie, d'estre tous-jours humble serviteur de toute la mayson de ces seigneurs, et de vous rendre compte de ma vie le plus souvent que je pourray, glorieux que je seray de me resouvenir souvent que vous m'aymes et que je suis,.

  A012001245 

 Quant a vous, je me prometz que vous m'aymeres au travers de toutes les distances du monde, lequel n'est pas asses grand pour borner l'activeté de nostre amitié; car je juge de la vostre par celle que je sens en mon ame, nonobstant la difference que l'object y peut apporter, qui se treuve aussi grand pour mon action quii est petit pour [121] la vostre; mais l'agent de vostre part ne doit estre vaincu.

  A012001265 

 Ce que je me sens tous-jours plus obligé de faire, devant entrer en la charge d'Evesque par le trespas du bon et saint Prælat duquel Vostre Altesse avoit tant gousté la pieté; en la succession duquel (puisque ça esté le bon plaisir du Saint Siege et de Vostre Altesse de m'y appeller) j'espere vivre heureusement parmi une infinité de travaux et de peynes qui s'y presentent, sous la faveur et protection de Vostre Altesse, pour la prosperité delaquelle je feray toute ma vie prieres a Nostre Seigneur, et demeureray,.

  A012001296 

 C'est ce qui nous a fait penser a un autre remede, qui est d'emprunter sil se peut, quelque bonne somme de deniers, pour, par apres, vendre et mesnager a l'aise nos desseins; et nous sommes advisés de monsieur de Prangin, lequel on estime en semblables occasions asses bon medecin, pour autant quil a les drogues necessaires, pourveu que son urgent soit bien asseuré.

  A012001296 

 Reste quatre mille escus, lesquelz nous ne pouvions assembler que par l'exaction de l'argent qui nous est deu et par des ventes d'autres biens, et des engagemens; mais tout cela ne se peut bien faire qu'avec du loisir, comme vous pouves penser.

  A012001297 

 Et pour ce regard, la vielle amitié quil vous a pleu de nous porter, et a toute ceste mayson, nous a donné confiance de vous supplier de nous faire ce bon office en quelque façon que ce soit, ou par l'entremise d'amis ou par vous-mesme, comme vous jugerés plus a propos.

  A012001298 

 Et en cas que monsieur de Prangin vous semble le plus duisant, vous pourriés, sil vous plait, me mettre en consideration, et ma promotion a l'evesché, bien que la verité est que cela ni apporte rien; mais je le dis seulement par ce quil m'ayme et me connoist, et que telle cause est probable.

  A012001329 

 De ce Pontife bien connu de vous, ô Pontife suprême si vigilant, je ne dirai qu'un mot: chargé pendant vingt-cinq ans du gouvernement de cette Eglise, il l'a soutenue par l'assiduité de sa résidence.

  A012001329 

 Par son propre travail, aussi bien que par celui de ses coopérateurs, il a ramené vingt-cinq mille brebis errantes au bercail du Seigneur.

  A012001330 

 Ce grand homme, Très Saint Père, peu de temps avant sa mort, avait demandé de m'avoir pour coadjuteur et successeur, quoique je ne lui appartinsse aucunement par les liens du sang et de la parenté, et il l'avait obtenu, à sa très grande joie, de l'ineffable bienveillance de Votre Sainteté; j'ai en conséquence reçu les Lettres apostoliques du Saint-Siège qui m'établissent successeur de l'Evêque défunt.

  A012001331 

 Non content de m'élever à l'épiscopat, Elle a voulu, par une libéralité souveraine, bien digne de la suprême grandeur, me remettre les droits qu'à cette occasion j'aurais dû payer, d'après la coutume, au trésor apostolique..

  A012001332 

 Pour un tel bienfait, je ne puis en rien témoigner ma gratitude si ce n'est par ma bonne volonté reconnaissante et dévouée.

  A012001351 

 A cette occasion, madame Catherine d'Orléans, princesse de Longueville, très illustre non seulement par la noblesse des [131] princes de sa maison, mais encore, ce qui est le principal, par son amour pour le Christ, ayant projeté de fonder à Paris un monastère de femmes de l'Ordre des Carmélites réformées, jugea bon de m'adjoindre à d'autres théologiens d'une piété éminente et d'un profond savoir pour délibérer ensemble sur ce projet de fondation.

  A012001354 

 [133] Cette grâce, la vertueuse princesse, un grand nombre d'autres chrétiennes, et moi avec elles, nous la sollicitons par de très humbles instances..

  A012001386 

 Que si elles me mettent en danger de quelques inquietudes, ce n'est pas par leurs qualités, mais par la foiblesse de mon esprit qui est encor sujet au mouvement des vens et de la maree.

  A012001387 

 Mais [ne] penses [pas], je vous supplie, que ce fut un vent [de quelque rapport leger, envieux, ou mesdisant; non, a la verité, ce fut un vent venant] du midy d'une entiere charité; ce fut un rapport auquel je fus obligé de donner creance par la consideration de toutes les circonstances.

  A012001388 

 Dieu employe bien souvent les plus foibles pour les plus grans effectz: que puis-je sçavoir s'il veut porter son inspiration dans vos cœurs par les paroles qu'il me donnera pour vous escrire? J'ay prié; je diray bien plus et je ne diray que la verité, mais cecy suffira: j'ay arrousé ma bouche du sang de Jesus Christ en la Messe, pour vous pouvoir envoyer des paroles convenables et pregnantes.

  A012001388 

 Mais n'ayant pas deu arrester pour cela, estant appellé icy pour un bien plus grand, je me suis mis a vous escrire sur ce sujet, bien que j'aye quelque tems desbattu en moy mesme si cela seroit a propos ou non; car il me sembloit presque que cela seroit inutile, d'autant que ma lettre seroit sujette a recevoir des repliques, et m'en feroit donner; qu'elle arriveroit peut estre hors de sayson; qu'elle ne vous representeroit pas naifvement ni mon intention ni mon affection; que vous estes en lieu ou vous seres conseillees de vive voix par un monde de personnes qui vous doivent estre en plus grand respect que moy, et que si vous ne croyes a Moïse et aux prophetes qui vous parleront, malaysement croires vous a ce pauvre pecheur qui ne peut que vous escrire, et que, outre cela, a ce que l'on m'a dit, quelques autres predicateurs, meilleurs et plus experimentés a la conduitte des ames [138] que je ne suys, vous en ont parlé sans effect.

  A012001392 

 Et certes, toutes proprietés et particularités de moyens en Religion se reduisent a mammon de l'iniquité! « C'est pourquoy, » disoit il, « ces pauvres vierges sont appellees folles, par ce qu'apres avoir dompté le plus fort elles se rendent au plus foible.

  A012001392 

 » Vostre mayson excelle en beaucoup d'autres perfections et est incomparable en icelles a toute autre: ne sera-ce pas un grand reproche d'en laisser ternir la gloire par ces chetifves imperfections? On vous appelle par une ancienne estime et prerogative de vostre mayson, Filles de Dieu: voules vous perdre cest honneur par le defaut d'une reformation en ces petites defectuosités? pour un potage de lentilles, perdre la primogeniture que vostre nom semble vous avoir donnee par le consentement de toute la France? C'est, a la verité, une marque de tres grande imperfection au lion et a l'elephant, qu'apres avoir vaincu les tigres, les boeufs, les rhinoceros, ilz s'effrayent, s'espouvantent et tremoussent, le premier devant un petit poulet, et l'autre devant un rat, dont la seule veuë leur fait perdre courage: cela est un grand deschet de leur generosité.

  A012001396 

 Bien souvent les Superieures plient ce qu'elles ne peuvent rompre, et permettent ce qu'elles ne peuvent empescher; et la permission, par apres, a ceste ruse et malice, qu'ayant duré quelque tems elle s'en fait accroire et, au contraire des choses qui viellissent, elle se renforce et semble perdre petit a petit sa laideur et difformité.

  A012001396 

 Les permissions n'entrent jamais que par grace dans les monasteres; mais y ayant pris pied, elles y veulent demeurer par force, et n'en sortent jamais que par rigueur..

  A012001398 

 L'amour et tendre affection que vous portes a vostre mayson peut aussi estre un grand empeschement a la reformation d'icelle, par ce que ceste passion ne peut permettre que vous pensies mal d'elle, ni que vous oÿes de bon cœur les reprehensions qu'on vous en fait.

  A012001398 

 La femme du bon Tobie prit a point d'honneur un advertissement de son mary par ce qu'il sembloit revoquer en doute l'estime de sa famille.

  A012001398 

 Les abeilles ayment leurs ruches, qui sont comme leurs maysons (je vous dis un jour que c'estoit comme des religieuses naturelles entre les animaux); mays elles ne laissent pas d'esplucher par le menu ce qui y est et de les purger a certains tems.

  A012001398 

 Mais prenes garde, je vous supplie; car l'amour propre est rusé, il se fourre et glisse par tout, et nous fait accroire que ce n'est pas luy.

  A012001399 

 Pourquoy ne luy redonneres vous pas ses couleurs par une sainte reformation? Quand il y a quelque defaut passager dans une mayson, on le peut dissimuler; mais quand il est permanent et par maniere de coustume, il le faut chasser [a cor et a cry s'il en est besoin.

  A012001400 

 Au contraire, je pense que le monastere est pauvre par ce que ces pensions y sont.

  A012001400 

 Je pense qu'il y a un autre empeschement a la reformation de vostre mayson: c'est que, a l'adventure, vous estimes qu'elle ne pourroit se maintenir sans ces pensions par ce qu'elle est pauvre.

  A012001400 

 Si une fois vous esties a bon escient pauvres en particulier, vous series par apres riches en commun..

  A012001401 

 Les uns l'y jettent sous le travail et industrie que Dieu leur a donnee et par laquelle Dieu les nourrit; les autres, plus purement, sans l'entremise d'aucune industrie, tendent a cela.

  A012001402 

 Aussi nourrit il tous-jours ses devotes servantes et creatures, lesquelles, par la condition de leur estat et profession, se sont devouees a la communauté et pauvreté particuliere, [147] sans l'entremise d'aucun moyen contraire a leur condition.

  A012001402 

 Mais ne nourrit il pas aussi les autres animaux? Si fait, mais non pas de la [mesme] sorte ni si immediatement, d'autant que les autres sont aydés de leurs peres et meres [et de leur travail; mais par ce que la condition naturelle de ces petitz poussins porte qu'ilz sont abandonnés de leurs peres et meres,] et n'ont d'ailleurs moyen de travailler, nostre Seigneur les nourrit presque miraculeusement.

  A012001403 

 J'ay accoustumé de dire que nous devons recevoir le pain de correction avec beaucoup d'estime, encor que celuy qui le porte soit desaggreable et fascheux, puisque Helie mangeoit le pain [148] porté par les corbeaux.

  A012001405 

 Pries Dieu par des oraisons communes et distinctes a cest effect, qu'il vous fasse voir les defautz de vostre mayson et les moyens pour y remedier et pour recevoir la grace.

  A012001405 

 Vous aves des-ja fait la premiere journee par l'exacte chasteté, et la seconde par l'obeissance, et une partie de la troisiesme par quelque sorte de pauvreté et communauté: mais pourquoy vous arrestes vous en si beau chemin, et pour si peu de chose comme sont ces pensions particulieres? Marchés plus avant, achevés la journee: mettés tout en commun, renoncés a la particularité, affin que, selon la sainte Parole, vous fassies une sainte immolation et entier sacrifice [a nostre Dieu], en esprit, [en cors] et en biens..

  A012001406 

 Apres que vous aures traitté de vostre affaire avec vostre Espoux et par ensemble, appellés a vostre secours et pour vostre conduitte quelques uns des plus spirituelz qui sont a l'entour de vous; ilz ne vous manqueront pas.

  A012001407 

 Il me fasche de voir de si grandes qualités, comme sont celles de vostre mayson, esclaves sous ces menues imperfections, et, comme parle l'Escriture, de voir vostre vertu reduite en captivité, et vostre beauté spirituelle entre les mains des ennemis. C'est pitié de voir une pretieuse liqueur perdre son prix par le meslange d'une petite souilleure, et un vin exquis, par le meslange de l'eau.

  A012001407 

 Je vous supplie et conjure, par la charité qui est entre vous, ostes de vostre mayson ce qui est de trop et adjoustes ce qui y defaut..

  A012001458 

 La vostre que monsieur Santeul m'apporta m'a extremement consolé par le tesmoignage qu'elle me rend de la continuation de vostre bienveuillance en mon endroit, bien que je n'en eusse aucun doute, asseuré de vostre bonté et constance.

  A012001459 

 Ce que je vous dis par ce que je vous veux rendre conte de mon esprit comme vous me faittes du vostre, disant que vous continués en une grande varieté d'occupations et multitude d'imperfections.

  A012001459 

 Je suis Evesque consacré des le jour Nostre Dame, 8 de ce mois, qui me fait vous conjurer de m'ayder tous-jours plus chaudement par vos prieres, comme de ma part je ne vous oublie pas, sur tout en la recommandation de la Messe.

  A012001481 

 Je dois beaucoup a la constance de l'amitié quil vous plait me porter, qui me maintient si vivement en vostre souvenance ou je desirerois bien avoir pris place par quelque bon service que je vous eusse fait.

  A012001481 

 Je vous supplie de le croire et d'en tirer les preuves par les effectz ou vous me jugerés sortable..

  A012001517 

 A mon retour de Paris en ce pays, je trouvai M gr mon Révérendissime Evêque dont la mémoire est en bénédiction, retourné à son Créateur par un très heureux passage de cette vie à une vie meilleure.

  A012001517 

 Je désirais informer Votre Seigneurie Révérendissime de toutes ces choses, et la supplier, puisque le Seigneur notre Dieu nous a unis par une même vocation (car, à ce qu'on me dit, nous avons été préconisés le même jour), de daigner aussi, bien que j'en sois indigne, me tenir étroitement uni à Elle dans son cœur.

  A012001518 

 Que Votre Seigneurie m'accorde la faveur de me recommander en quatre mots à M gr le Nonce actuel, car il importe beaucoup, dans une foule de circonstances, qu'il m'ait en affection; ce qui ne peut se faire que par l'entremise de votre charité..

  A012001519 

 J'espère cette année faire un voyage en Piémont pour visiter l'église de Notre-Dame de Mondovì; à cette occasion je ne manquerai pas de me rendre là où se trouvera Votre Révérendissime Seigneurie, affin que, la main dans la main et bouche à bouche, nous renouvelions cette amitié qui ne peut vieillir, mais dont le sentiment toutefois s'accroit par la présence.

  A012001533 

 J'ay receu vos deux lettres par monsieur le president Favre un peu plus tard que vous ne pensies et que je n'eusse desiré, mais asses tost pour me donner de la consolation, y voyant quelque tesmoignage de l'amendement de vostre esprit.

  A012001534 

 Pour responce, je vous diray premierement, que je ne veux pas que vous usies d'aucune parole de ceremonie ni d'excuse en mon endroit, puisque, par la volonté de Dieu, je vous porte toute l'affection que vous sçauries desirer et ne m'en sçaurois empescher.

  A012001536 

 Or, on peut connoistre d'ou ilz viennent par certains signes que je ne sçaurois pas bien dire tous: en voicy seulement quelques uns qui suffiront.

  A012001536 

 Quand nous ne nous arrestons pas en iceux, mays que nous nous en servons comme de recreation, pour par apres faire plus constamment nostre besoigne et l'œuvre que Dieu nous a donné en charge, c'est bon signe; car Dieu nous en donne quelquefois pour cest effect.

  A012001537 

 Si qu'en lieu de s'estimer quelque chose par le sentiment, la partie superieure juge et reconnoist sa foiblesse, et s'humilie amoureusement devant son Espoux, qui respand son bausme et son parfum affin que les jeunes fillettes et tendres aines comme elle, le reconnoissent, l'ayment et le suivent; la ou le mauvais sentiment nous arrestant, en lieu de nous faire penser a nostre foiblesse, nous fait penser qu'il nous est donné pour recompense et guerdon..

  A012001539 

 Par ces quattre ou cinq marques vous pourres connoistre d'ou viennent vos sentimens; et, venans de Dieu, il ne faut pas les rejetter, mais reconnoissant que vous estes encores un pauvre petit enfant, prenes le lait des mammelles de vostre Pere, qui, par la compassion qu'il vous porte, vous fait encor office de mere.

  A012001539 

 Receves les donq au nom de Dieu, avec ceste seule condition, que vous soyes preste a ne les recevoir pas, et a ne les aymer pas et les rejetter quand vous connoistres, par l'advis de vos superieurs, qu'ilz ne sont pas bons ni a la gloire de Dieu, et que soyés preste de vivre sans cela, quand Dieu vous en jugera digne et capable.

  A012001540 

 Et pour vous, j'ay seulement un scrupule en ce que vous me dites que ces sentimens sont de la creature; mays je pense que vous aves voulu dire qu'ilz viennent a vous par la creature, et neanmoins de Dieu, car il me semble que, par le reste de vostre lettre, vous m'en donnes des argumens.

  A012001543 

 De la s'ensuit que nous ne devons pas nous estonner de nous voir imparfaitz, puisque nous ne nous devons jamais voir autrement en ceste vie; ni nous en contrister, car il n'y a remede; ouy bien nous en humilier, car par la nous reparerons nos defautz, et nous amender doucement; car c'est l'exercice pour lequel nos imperfections nous sont laissees, n'estans pas excusables de n'en rechercher pas l'amendement, ni inexcusables de [167] ne le faire pas entierement, car il n'en prend pas des imperfections comme des pechés..

  A012001546 

 Mon troysiesme commandement est que vous facies comme les petitz enfans: pendant qu'ilz sentent leur mere qui les tient par les manchettes, ilz vont hardiment et courent tout autour, et ne s'estonnent point des petites bricoles que la foiblesse de leurs jambes leur fait faire: ainsy, tandis que vous appercevres que Dieu vous tient [168] par la bonne volonté et resolution qu'il vous a donné de le servir, allés hardiment, et ne vous estonnes point de ces petites secousses et choppemens que vous feres; et ne s'en faut fascher, pourveu qu'a certains intervalles vous vous jetties entre ses bras et le baysies du bayser de charité.

  A012001547 

 En fin, Dieu vous a donné un pere temporel sur lequel vous pouves prendre beaucoup de consolation spirituelle; retenes ses advis comme de Dieu, car Dieu vous donnera beaucoup de benedictions par son entremise.

  A012001549 

 Il fera de vous, en vous, sans vous, et neanmoins par vous et pour vous, la sanctification de son nom, auquel soit honneur et gloire..

  A012001561 

 J'ay receu double consolation de la lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys, car elle me tesmoigne vostre bienveuillance, que je desire beaucoup, [171] et me donne advis des graces que Dieu fait a vostre monastere, qui me sont des nouvelles les plus cheres que je sceusse recevoir, d'autant que j'honnore et prise extremement ceste mayso'n par une certaine inclination que Dieu m'en a donné..

  A012001562 

 Je vous supplie seulement, Madame (et pardonnés a la simplicité et confiance dont j'use), que, parce que ceste porte est estroitte et malaysee a passer, vous prenies la peyne et la patience de conduire par icelle toutes vos Seurs l'une apres l'autre; car de les y vouloir faire passer a la foule et en presse, je ne pense pas qu'il se puisse bien faire.

  A012001564 

 Sur tout, je vous supplie, prevales vous de l'assistence de quelques personnes spirituelles, desquelles le choix vous sera bien aysé a Paris, la ville estant fort grande; car je vous diray, avec la liberté d'esprit que je dois employer par tout, mays particulierement en vostre endroit: vostre sexe veut estre conduit, et jamais, en aucune entreprise, il ne reuscit que par la sousmission; non que bien souvent il n'ayt autant de lumiere que l'autre, mais parce que Dieu l'a ainsy establi.

  A012001596 

 Je voudrois que la resjouissance que vous prenés de ma promotion a ceste charge eut autant de sujet en ma capacité et suffisance comm'ell'en a en l'amitié delaquelle il vous plait m'honnorer; Dieu, par sa bonté, m'aydera et suppleera a ce qui me manque.

  A012001624 

 Et ce desplaysir ne nous est pas defendu, pourveu que nous le moderions par l'esperance que nous avons de ne demeurer gueres separés, mays que dans peu de tems nous le suivrons au Ciel, lieu de nostre [177] repos, Dieu nous en faysant la grace.

  A012001624 

 Mais j'estime que vous aves tant de charité et de crainte de Dieu, que, voyant son bon playsir et sainte volonté, vous vous y accommoderes, et adoucirés vostre desplaysir par la consideration du mal de ce monde, qui est si miserable que, si ce n'estoit nostre fragilité, nous devrions plustost louer Dieu quand il en oste nos amis que non pas nous en fascher.

  A012001624 

 Si je ne sçavois que vostre vertu vous peut donner les consolations et resolutions necessaires a supporter avec un courage chrestien la perte que vous aves faitte, je m'essayerois a vous en presenter quelques raysons par ceste lettre; et, s'il estoit requis, je vous les porterois moy mesme.

  A012001638 

 Outre cela, Monsieur, je vous fay encor une supplication pour un pauvre curé de Ternier, qui s'appelle Burgiat, curé de Beaumont, qui a esté fait prisonnier de guerre par ceux de Geneve, affin que si il se fait quelque traitté dans lequel il puisse rencontrer sa delivrance par [179] quelque eschange ou autrement, il vous plaise, Monsieur, luy faire cette charité; et je puis vous asseurer qu'elle sera fleurie devant nostre bon Dieu, puisque il a esté pris sans sa coulpe et quil rendoit fort bien son devoir..

  A012001659 

 Dieu donq soit loué en tout et par tout.

  A012001660 

 Il ne suffit pas de croire que Dieu nous peut secourir par toutes sortes d'instrumens; mais il faut croire qu'il ne veut pas y employer ceux qu'il esloigne de nous, et qu'il veut employer ceux qui sont pres de nous.

  A012001660 

 Premierement, croyés fermement, je vous supplie, que l'opinion que vous aves de ne devoir recevoir allegement de Dieu que par moy est une pure tentation de celuy qui a accoustumé de nous mettre des objetz esloignés en consideration, pour nous oster l'usage de ceux qui nous sont presens.

  A012001662 

 Mays par quel ordre? Il faut commencer par les effectz palpables et exterieurs, qui sont le [181] plus en nostre pouvoir: par exemple, il n'est pas [requis] que vous n'ayes desir de servir aux malades pour l'amour de Nostre Seigneur, de faire quelques vilz et abjectz services en la mayson par humilité; car ce sont desirs fondamentaux, et sans lesquelz tous les autres sont et doivent estre suspectz et mesprisés.

  A012001663 

 On empesche les vignes et les arbres de porter des feuilles affin que leur humidité et suc soit par apres suffisant pour rendre du fruict, et que toute leur force naturelle ne s'en aille en la production trop abondante des feuilles.

  A012001665 

 Ayés bon courage: Cette maladie ne sera pas a la mort, mais affin que Dieu soit glorifié par icelle.

  A012001665 

 Faittes comme ceux qui sentent les ennuis et desvoyemens d'estomach sur la mer; car apres qu'ilz ont roulé et leur esprit et leur cors par tout le navire pour treuver allegement, ilz viennent en fin embrasser l'arbre et le mat d'iceluy, et le serrent estroittement pour s'asseurer contre le tournoyement de teste qu'ilz souffrent.

  A012001679 

 Mais la favorable plainte que vous me faites a moymesme de n'en point recevoir me couvriroit de honte si j'eusse autant eu de commodité de vous en envoyer comme j'en ay eu de desir; car, en l'asseurance de vostre bonté, Madame, je n'eusse pas failly de vous faire plus souvent la reverence par lettres, si je n'eusse esté empesché par le voyage et sejour que j'ay esté contraint de faire en Piemont, pour obtenir la mainlevee des revenuz de mon evesché que Son Altesse m'avoit fait saysir un peu apres que je fus fait Evesque.

  A012001710 

 Et pour faire cette grande et solemnelle mutation, il faut renverser vostre esprit et le remuer par tout; et pleust a Dieu que nos charges, plus tempestueuses que la mer, eussent aussi la proprieté de la mer, de faire jetter et vomir toutes les mauvaises humeurs a ceux qui s'y embarquent.

  A012001711 

 Je vous en nomme un autre, M. Galemand, curé d'Aumale; si par fortune il estoit a Paris, je sçay qu'il vous ayderoit beaucoup.

  A012001712 

 De la premiere sorte vous en deves avoir avant que d'entrer en charge, et les lire et mettre en usage; car il faut commencer par la vie monastique avant que de venir a l'œconomique et politique.

  A012001712 

 Il faut le lire avec reverence et devotion, comme un livre qui contient les plus utiles inspirations que l'ame peut recevoir d'en haut; et par la, reformer toutes les puissances de l'ame, les purgeant par detestation de toutes leurs mauvaises inclinations, et les addressant a leur vraye fin par des fermes et grandes resolutions..

  A012001712 

 Mon opinion seroit que vous commençassies a le [189] lire par la grande Guide des Pecheurs, puis que vous passassies au Memorial, et en fin que vous le leussies tout.

  A012001714 

 Item, je desire que vous ayes la Vie du bienheureux Cardinal Borromee, escritte au long par Charles a Basilica Petri en latin, car vous y verrés le modelle d'un vray pasteur; mais sur tout ayés tous-jours es mains le Concile de Trente et son Catechisme..

  A012001715 

 Je ne pense pas que cela ne vous suffise pour la premiere annee, pour laquelle seule je parle; car pour le reste, vous seres mieux conduit que cela, et par cela mesme que vous aures avancé en la premiere annee, si vous vous enfermes dans la simplicité que je vous propose.

  A012001717 

 Vous deves avoir beaucoup de confiance en l'un et en l'autre, et, par la frequente invocation d'iceux, contracter une certaine familiarité avec eux, et specialement pour les affaires avec celuy du diocese, comme aussi avec le saint Patron [192] de vostre cathedrale.

  A012001718 

 Tout cecy soit dit pour le commencement, car le commencement vous enseignera par apres le reste.

  A012001769 

 J'ay de peyne, par la grace de Dieu, autant que j'en puis porter; je desire que vous m'aydies fort par vos prieres et par celles de vos amis.

  A012001770 

 Je doy une lettre a monsieur Asseline et un'autre encores, que je luy addresseray, a un de ses amis qu'il a voulu rendre le mien par la regie de communication; je n'ay le loysir de payer maintenant, ce sera a la premiere commodité.

  A012001770 

 Vous m'aves salué au nom de madamoiselle de Fontaine, de madame Fillard; je vous prie qu'elles le [198] soyent de ma part par vostre entremise.

  A012001787 

 Et avant consideré l'un et l'autre, j'ay jugé que vous estiés de bon accord en effect, encor quil semble qu'il y ait quelque difference en paroles; car ayant demandé a [199] monsieur Loquet sil vouloit vous obliger par sa fondation a fournir plus quil ne vous reviendroit du revenu d'icelle, il m'a dit que nanni: aussi ne seroit-il pas bien raysonnable.

  A012001822 

 Je receu par mon frere une de vos lettres qui me fait louer Dieu dequoy il a donné quelque lumiere a vostre esprit.

  A012001822 

 Les fievres spirituelles, aussi bien que les corporelles, sont ordinairement suivies de plusieurs ressentimens, qui sont utiles a celuy qui guerit pour plusieurs raysons, mais particulierement parce qu'ilz consument les restes des humeurs peccantes qui avoyent causé la maladie, affin qu'il n'en demeure pas un brin; et parce que cela nous remet en memoire le mal passé, pour faire craindre de la recheute, a laquelle bien souvent nous nous porterions par trop de licence et de liberté, si les ressentimens, comme menaces, ne nous retenoyent en bride pour nous faire prendre garde a nous jusques a ce que nostre santé soit bien confirmee..

  A012001823 

 Car je suis asseuré que vous remarqueres aysement que les travaux interieurs que vous aves souffertz ont esté causés par une multitude de considerations et de desirs, produitz avec un grand empressement pour atteindre a quelque perfection imaginaire.

  A012001823 

 Maintenant donq prenés un petit haleyne, respirés quelque peu, et, par la consideration des dangers echappés, divertissés ceux qui pourroyent advenir ci apres.

  A012001823 

 Mais, ma bonne Fille, puisque vous voyla a moitié eschappee de ces terribles passages par ou vous aves esté conduitte, il me semble que vous deves maintenant prendre un peu de repos, et vous arrester a considerer la vanité de l'esprit humain, comme il est sujet a s'embrouiller et embarrasser en soy mesme.

  A012001829 

 Or, si cela est, soyés bien sage par ci apres..

  A012001830 

 Je ne dis pas qu'il ne faille monter par l'orayson, mays pas a pas..

  A012001833 

 Ce que je vous escrivis n'estoit pas pour vous garder de communiquer avec moy par lettres, et de conferer de vostre ame qui m'est tendrement chere et bienaymee, mais pour esteindre l'ardeur de la confiance que vous avies en moy, qui, pour mon insuffisance et pour vostre esloignement, ne puis vous estre que fort peu utile, bien que tres affectionné et tres dedié en Jesus Christ.

  A012001834 

 Vous me deves cette charité par les loix de nostre alliance, et puisque je vous contrechange par la continuelle souvenance que je porte de vous a l'autel et en mes foibles prieres.

  A012001845 

 Je la garde, par ce que c'est le seul tiltre par lequel je vous puis demander l'estroitte bienveüillance qu'elle me promet; je la regarde, pour y voir cette mesme bienveuillance si courtoysement depeinte que je ne la sçaurois voir ailleurs avec plus de douceur et playsir..

  A012001856 

 [Monsieur] de la Bastie de Dombes me fait une recharge de toute autre façon; car il vient (sic) a Farges [208] et Asserens, ou il monstra un'extreme affection et resolution pour empescher la jouissance des biens qui estoyent clairement donnés et ouctroyés pour l'entretenement du pasteur de ces lieux en l'ordonnance que vous, Monsieur, en avies faitte par les patentes de l'establissement.

  A012001857 

 Dieu vous a choysi pour commencer un si saint œuvre et, par la, vous a assés obligé d'en desirer et solliciter le progres et l'accomplissement.

  A012001858 

 J'ay deduit ce fait un peu bien au long affin que, par ce moyen, vous sceussies les accidens survenuz en une besoigne que je vous ay veu embrasser avec tant de ferveur, au milieu de la rigueur du plus grand froid de l'annee, avec tant de consolation de tous ceux qui furent presens, et specialement de feu Monsieur l'Evesque mon predecesseur, qui, pendant quil a vescu despuis, ne sceut onques s'empescher d'en faire feste..

  A012001872 

 Dequoy, sur la plainte faitte par le Chapitre de la cathedrale, il fut reprins par le Saint Siege, et condemné par sentence du Metropolitain a maintenir la preseance et præcedence de la cathedrale absolument.

  A012001872 

 Je remercie tres humblement Vostre Excellence du soin qu'ell'a eu de respondre a la supplication que je luy avois faitte, pour avoir congé de terminer par le droit et justice le different que le Chapitre de l'eglise cathedrale de ce diocæse a avec celuy de Nostre Dame de cette ville.

  A012001873 

 Et bien que la Sainte Chapelle et Sainte Genevieve soyent des eglises exemptes, si est ce qu'elles n'iroyent pas a costé de la cathedrale si elles n'avoyent des privileges speciaux du Saint Siege a cest effect; ce que tesmoigne le docteur Chassanee en son Cathalogue, disant que les Rois de France ont obtenu cela par privilege special, que leur chapelle estant prés de leur personne, sont esgalees (sic) avec toutes cathedrales.

  A012001883 

 Je remercie tres humblement Vostre Excellence du soin qu'ell'a eu de respondre a la supplication que je luy fis, pour avoir son congé de terminer par le droit et les constitutions de l'Eglise le different de precedence qui est entre le Chapitre de Saint Pierre et celuy de Nostre Dame en cette ville.

  A012001895 

 Je me suis fort peu meslé des affaires de la Mayson de Thonon jusques a præsent; neanmoins, ayant icy un creancier d'icelle, homme de merite et qui est en extreme necessité, je me suis des-ja essayé de le faire payer par autre voye, selon les moyens que le Pere Cherubin m'avoit proposés.

  A012001911 

 Despuis vostre despart, madame de Beaulieu a esté demandee en mariage par monsieur de Sainte Clere, qui est gentilhomme, fort homme de bien et d'honneur, grand Catholique et craignant Dieu, qui sont des qualités pour lesquelles ell'a fort gousté l'offre de ses affections.

  A012001917 

 Monsieur Le Grand est a Belley et me tient en suspens, par l'incertitude de son arrivee en ce diocæse, si j'auray la commodité d'aller a Thonon pour la mi aoust..

  A012001951 

 Si Madame eut fait response a la lettre de monsieur le marquis de Lulin par laquelle il luy demandoit la susdite terre a achepter, je penserois qu'elle la voulut vendre; mais ne l'ayant pas fait, j'estime qu'elle la veut garder, et en ce cas elle ne sçauroit mieux faire pour ce particulier que d'employer ce porteur..

  A012001972 

 J'attendray donques de vous, par ce porteur, la declaration de vostre volonté, a laquelle, toutes considerations laissees, je me rangeray entierement.

  A012002006 

 » Sil ne tient qu'a cela, il me semble, Monsieur, que je les doy envoyer; mais je ne puis si je ne l'ay, ni l'avoir que par vostre moyen, que j'implore a cet effect, et vous supplie de m'aymer tous-jours et croire que, priant Dieu pour vostre santé, je demeure toute ma vie,.

  A012002037 

 C'est pourquoi le Conseil de ladite Maison m'a demandé de supplier en son nom Votre Seigneurie de vouloir bien, en qualité de premier supérieur et de Primicier de cette institution, faire [224] rendre compte à M. Gabaleone et lui donner ordre de payer d'abord à M. de Prissy douze ducatons qui lui sont justement dus par cette Maison, ainsi que pourra l'attester le P. Chérubin.

  A012002037 

 Je ne doute point que Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime n'ait appris par le P. Chérubin avec quel soin ont été faits les comptes de la Sainte-Maison de Thonon pour ce qui a été trouvé au deçà des monts.

  A012002052 

 C'est pourquoy je vous prie de me faire ce bien de m'en donner advis entre cy et Noël, poinct par poinct, affin que si je doy contribuer quelque diligence a l'entiere execution d'icelles, je n'y manque par ignorance de la necessité..

  A012002070 

 Je ne sçai si je l'auray dressee au gré de Vostre Altesse; mais je sçai bien que je n'ay pas peu esgaler le merite du sujet par aucune sorte de narration, ni le desir que j'aurois de rendre tres humble obeissance aux commandemens et intentions de Vostre [227] Altesse.

  A012002104 

 Or, le diocèse dont, par la volonté du Siège Apostolique, j'ai la garde, a vu de nos jours ses affaires s'améliorer très heureusement.

  A012002105 

 D'autre part, on n'était pas en mesure de se faire justice par la force des armes; voici donc ce qui fut conclu et ce qui fut fait: le duc reprendrait ce qu'on appelle les quatre bailliages de Thonon, Ternier, Gaillard et Gay ou Gex, qui confinent à Genève de quatre côtés et s'étendent tout autour de cette ville, à la condition expresse toutefois qu'il ne s'y ferait aucun exercice de la religion catholique.

  A012002105 

 Ils en vinrent, par le plus malheureux des changements, à tomber jusqu'au fond de cette démocratie dont l'esprit séditieux agite à cette heure le pays, et en fait en quelque sorte une caverne de voleurs et de bannis.

  A012002105 

 Or, comme les armes des Français avaient occasionné cette irruption des Bernois et leur domination si funeste à nos Savoisiens, par contre, quand la paix se fit entre Henri, fils de François I er, et Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, ce fut avec la condition de rétablir l'ancien [229] état de choses.

  A012002107 

 Dès ce moment, encore que les choses fussent à peine assurées, Charles-Emmanuel se sentit délivré de la clause inique imposée par les hérétiques.

  A012002108 

 Partout des ministres, comme on les appelle, c'est-à-dire des maîtres d'hérésie, pervertissant les familles, insinuant leur doctrine, envahissant les chaires, en vue d'un gain honteux. Les Bernois, les Genevois, et autres semblables enfants de perdition, terrorisaient le peuple, par le moyen de leurs [232] émissaires, pour les détourner de nos prédications.

  A012002108 

 « La trêve, » disaient-ils, « n'est qu'une trêve, la paix n'est point conclue; bientôt nous chasserons par les armes duc et prêtres, et notre parti, défiant toute insulte, restera seul triomphant.

  A012002109 

 Quelques-uns des principaux seigneurs furent par eux retirés du gouffre de l'hérésie, et ramenés au port de la communion catholique.

  A012002109 

 Six paroisses furent érigées en divers lieux: trois dans le bailliage de Thonon et autant dans celui de Ternier (on ne put en établir davantage, faute d'ouvriers évangéliques, faute de fonds suffisants pour leur subsistance, et aussi parce que la paix n'ayant rien de stable, les choses flottaient dans l'incertitude), et l'Ordre des Capucins envoya de nouveaux aides, moissonneurs intrépides dont chacun, par son zèle infatigable, réalisait le travail de plusieurs..

  A012002111 

 Il apparaissait vraiment comme le prince établi par Dieu sur son peuple, pour annoncer ses préceptes, et il ne se donna du repos que le jour où les affaires changèrent de face.

  A012002111 

 Pendant les quelques mois que le prince s'occupa d'amener la conversion du pays, durant son séjour à Thonon, son cœur, par une grâce singulière, semblait être dans les mains de Dieu, tant il en suivait docilement les impressions.

  A012002112 

 Afin de le prévenir (n'ayant pas la possibilité de recourir à un autre moyen), il enjoignit aux obstinés, par un édit public, [235] de quitter le pays.

  A012002112 

 Terrifiés par cet ordre sévère, quelques-uns se convertirent; car les piquants des épines et de l'affliction donnent l'intelligence à l'ouïe.

  A012002115 

 C'est pourquoi j'ai cru que leurs signatures ne seraient [238] pas sans utilité, car les faits attestés par un grand nombre de témoins obtiennent du même coup une grande et solide créance..

  A012002139 

 Il serait expédient, me semble-t-il, qu'en certains monastères on introduisît des Religieux d'une Congrégation différente, tels que des Feuillants ou des Chartreux, et qu'en d'autres on remplaçât les moines par des prêtres séculiers ou des chanoines.

  A012002140 

 Il est vrai que ceux de Sixt et de Peillonnex sont visités par l'Evêque; c'est ainsi que je les ai visités moi-même, mais je n'ai pu les astreindre à l'observance de la Règle puisqu'ils n'en ont pas; seulement je leur ai fait observer les Constitutions ordinaires, comme s'ils eussent été chanoines séculiers, en attendant que leur situation puisse être régularisée... [243].

  A012002147 

 Ce billet n'est point cacheté, et je n'en ay aucune inquietude; car, par la grace de nostre Dieu, nous ne sommes plus en ce fascheux tems ou il nous failloit cacher necessairement pour nous escrire en termes d'amitié, et pour nous dire quelque parole de consolation.

  A012002148 

 Tenés vous joyeuse en Nostre Seigneur, ma bonne Mere, et sçachés s'il vous plaist que vostre pauvre filz se porte bien, par la divine misericorde, et se prepare de [244] vous aller voir le plus tost et le plus longuement qu'il luy sera possible, car je suis tout a vous.

  A012002190 

 Je pense donc que si je vous salue par lettres (et le puis-je faire autrement?), vous me recevrez d'un air souriant et vous m'embrasserez selon les effusions de votre charité..

  A012002218 

 Car si je ne puis par autre voye chevir de ce saint dessein, sur le souvenir que Sa Majesté a de cette affaire et de sa promesse par vostre moyen, je recourray a elle pour faire faire un commandement absolu audit Archevesque, plustost que de plaider a Dijon, comme j'ay fait ci devant, considerant bien que les proces entre gens de la qualité de laquelle luy et moy sommes ne peuvent estre que scandaleux.

  A012002218 

 Vostre seconde lettre me donne advis de quelques bons offices qu'avés pris la peyne de faire pour les affaires de Gex en mon nom, lesquelz ont esté faitz si a propos que non plus, sur les difficultés que Monsieur Fremyot, Archevesque de Bourges, me fait au relaschement des biens ecclesiastiques qu'il avoit obtenuz du Roy par surprise, au prejudice de la concession que Sa Majesté en avoit faitte precedemment a l'Eglise et aux curés.

  A012002220 

 J'escris sur ce sujet a mon frere, affin que, s'il ne l'a perdu, je le puisse avoir par la premiere commodité..

  A012002221 

 Je me suis extremement res-joui du bon succes des affaires des Peres Jesuites en France, a laquelle, comme vous sçaves, je desire et souhaitte toute bonne et sainte prosperité, qui ne luy peut jamais arriver que par la renaissance de son ancienne vertu et pieté, a laquelle cette excellente Compaignie peut infiniment contribuer, estant favorisee du zele de Sa Majesté comme elle va estre, a ce qu'on me dit..

  A012002239 

 Je vous remercie tres humblement du soin qu'il vous plait tesmoigner a mon bien par l'advis que le bon Pere [254] Recteur m'a donné de vostre part.

  A012002274 

 Néanmoins je n'ai pas voulu manquer de rendre compte à Votre Sainteté de cette détermination, comme je désire faire de toutes mes actions, qui doivent en tout et partout être réglées par le bon plaisir apostolique..

  A012002284 

 M. Deage fut celuy qui me trompa, ayant luy mesme le premier esté trompé par sa surdité; car il me dit que vostre laquais [260] estoit sorti de la ville le soir pour faire son partement plus matin, qui me garda d'escrire comme je devois..

  A012002286 

 J'ay sceu le trespas de monsieur vostre pere, mon Oncle, bien tost apres qu'il fut advenu, et en ressentis les afflictions que je devois a l'amitié de laquelle il avoit tous-jours honnoré nostre mayson et a la perte que vous aves faitte, laquelle je sçeus bien [apprehender] par la memoire de celle que peu d'annees auparavant j'avois l'ait moy mesme sur un pareil sujet.

  A012002301 

 J'ay veu un arbre planté par le bienheureux saint Dominique a Romme: chacun le va voir et cherit pour l'amour da plantateur; c'est pourquoy, ayant veu en vous l'arbre du desir de sainteté que Nostre Seigneur a planté en vostre ame, je le cheris tendrement, et prens playsir a le considerer plus maintenant qu'en presence, et je vous exhorte d'en faire de mesme et de dire avec moy: Dieu vous croisse, o bel arbre planté; divine semence celeste, Dieu vous veuille faire produire vostre fruit a maturité, et lhors que vous l'aures produit, Dieu vous veuille garder du vent qui fait tomber les fruitz en terre, ou les bestes vilaines les vont manger.

  A012002301 

 Madame, ce desir doit estre en vous comme les orangers de la coste marine de Gennes, qui sont presque toute l'annee chargés [264] de fruitz, de fleurs et de feuilles tout ensemble; car vostre desir doit tous-jours fructifier par les occasions qui se presentent d'en effectuer quelque partie tous les jours, et neanmoins il doit ne jamais cesser de souhaitter des nouveaux objetz et sujetz de passer plus avant, et ces souhaitz sont les fleurs de l'arbre de vostre dessein; les feuilles seront les frequentes reconnoissances de vostre imbecilité, qui conservent et les bonnes œuvres et les bons desirs: c'est la l'une des colomnes de vostre tabernacle..

  A012002302 

 Mais je dis, si vous l'aymes mieux, car en tout et par tout je desire que vous ayés une sainte liberté d'esprit touchant les moyens de vous perfectionner; pourveu que les deux colomnes en soyent conservees et affermies, il n'importe pas beaucoup comment..

  A012002302 

 Regardés au moins une fois le moys si l'une ou l'autre est point esbranlee, par quelque devote meditation et consideration pareille a celle de laquelle je vous envoye une copie, et que j'ay communiquee avec quelque fruit a des autres ames que j'ay en charge.

  A012002303 

 Tenes vous fort en la presence de Dieu par les moyens que vous sçaves.

  A012002318 

 Je ne vous puis pas donner tout a coup ce que je vous ay promis, car je n'ay pas asses d'heures franches pour mettre tout ensemble ce que j'ay a vous dire sur le sujet que vous avés desiré vous estre expliqué par moy.

  A012002319 

 Les moyens de parvenir a la perfection sont divers selon la diversité des vocations; car les Religieux, les vefves et mariés doivent tous rechercher cette perfection, mais non pas par mesme moyen.

  A012002321 

 Et a cet effect, il faut que vous ayés les autheurs qui ont couché les pointz des meditations sur la vie et mort de Nostre Seigneur, comme Grenade, Bellintani, [268] Capillia, Bruno, dans lesquelz vous choysirés la meditation que vous voudrés faire, et la lirés attentivement pour vous en resouvenir au tems de l'orayson, et n'avoir autre chose a faire que de les remascher, suyvant tous-jours la methode que je vous mis par escrit en la meditation que je vous donnay le Jeudy Saint..

  A012002323 

 Il faut s'exercer en cet amour du prochain, le caressant extérieurement; et, bien qu'il semble au commencement que c'est a contre cœur, il ne faut point laisser pour cela, car ceste repugnance de la partie inferieure en fin sera vaincue de l'habitude et bonn'inclination qui sera produite par la repetition des actions.

  A012002324 

 Mais en tout ceci prenes garde soigneusement que monsieur vostre mari, vos domestiques et messieurs vos parens ne soyent point offencés par des trop longs sejours aux eglises, des trop grans retiremens et abandonnement du soin de vostre mesnage, ou, comm'il arrive quelquefois, vous rendant contrerolleuse des actions d'autruy ou trop desdaigneuse des conversations ou les regles de devotion ne sont pas si exactement observees; car en tout cela il faut que la charité domine et nous esclaire, pour nous faire condescendre aux volontés du prochain en ce qui ne sera point contraire aux commandemens de Dieu..

  A012002346 

 Mais tenes la methode que je vous ay dite, de commencer par l'exemple; et bien qu'il vous semblera prouffiter peu au commencement, ayés neanmoins de la patience, et vous verrés ce que Dieu fera.

  A012002364 

 L'Eglise a tous-jours esté combattue par cette mesme façon; mais vos negatives doivent estre preuvees par une mesme sorte de preuve qu'est celle que vous exigés de nous, car c'est a celuy qui nie de preuver, quand il nie contre la possession et que sa negative sert de fondement a son intention.

  A012002365 

 La priere pour les trespassés a esté faitte par toute l'ancienne Eglise, Calvin mesme le reconnoist; les Peres l'ont preuvee par l'authorité du Livre des Maccabees et l'usage general de leurs predecesseurs.

  A012002366 

 Je vous conjure, par les entrailles de Jesus Christ, de vouloir meshuy lire et l'Escriture et les anciens Peres avec un esprit deschargé de preoccupations: vous verrés [274] que les parties principales et essentielles de la face de l'Eglise ancienne sont entierement conservees en celle qui est maintenant.

  A012002367 

 Il ne seroit pas possible de faire avec proffit des conferences par escrit entre nous, nous sommes trop esloignés de sejour; et que pourrions nous escrire qui n'ait esté repeté cent fois? Si la commodité le permettoit, croyes que je ne la refuserois pas, non plus que je ne la refuseray pas aux sieurs ministres de Geneve, mes voysins, quand il la desireront en bons termes..

  A012002381 

 J'ay receu commandement de Vostre Altesse de luy donner advis certain de l'estat du prieuré et monastere de Bellevaux, par ce que sil est si miserable que l'on [275] luy a fait entendre, elle veut relascher les decimes au Prieur.

  A012002381 

 J'obeis donques a la voulonté de Vostre Altesse, et sur une particuliere connoissance que j'ay de la verité, je la puis asseurer que ce monastere, qui fust jadis asses celebre, est presque ruiné quant aux bastimens, et tellement appauvri quant au revenu qu'il ne sçauroit de long tems rendre cent ducatons annuels a son Prieur; et pour la presente annee, ayant receu un grand degast par la tempeste, il n'y a pas, a beaucoup pres, dequoy supporter les charges.

  A012002398 

 Et quant au scrupule que vous aviés de m'avoir demandé mon advis pour l'addresse de toute vostre vie, je vous dis que vous n'aviés non plus contrevenu aux loix de la submission que les ames devotes doivent a leur pere spirituel, par ce que mes conseilz ne seroyent rien plus qu'un escrit spirituel duquel la pratique seroit tous-jours mesuree par le discernement de vostre directeur ordinaire, selon que la presence de son œil et la plus grande lumiere spirituelle, avec la plus entiere connoissance qu'il a de vostre capacité, luy donnent le moyen de le mieux faire que je ne puis, estant ce que je suis; joint que les advis que je pensois vous donner seroyent telz quilz ne pouvoyent estre que bien [278] accordans avec ceux du Pere directeur.

  A012002401 

 Monsieur l'Archevesque m'a escrit une lettre si excessive en faveurs que ma misere en est accablee; il le faut pardonner a sa courtoisie et naturelle bonté, mais je m'en plains a vous par ce que cela me met en danger de vanité.

  A012002402 

 Je vous tesmoigne par cette longueur combien mon esprit aggree la conversation du vostre.

  A012002438 

 Je suis bien d'accord avec ceux qui vous ont voulu donner du scrupule, quil est expedient de n'avoir qu'un pere spirituel, l'authorité duquel doit estre en tout et par tout præferee a la volonté propre, et mesme aux advis de tout autre particuliere personne; mais cela n'empesche nullement le commerce et communication d'un esprit avec un autre, ni d'employer les advis et conseilz que l'on reçoit d'ailleurs.

  A012002440 

 Encor faut il que je vous die, pour coupper chemin a toutes les repliques qui se pourroyent former en vostre cœur, que je n'ay jamais entendu quii y eut nulle liayson entre nous qui portast aucune obligation, sinon celle de la charité et vraÿe amitié chrestienne, delaquelle le lien est appellé par saint Paul le lien de perfection, et vrayement il l'est aussi, car il est indissoluble et ne reçoit jamais aucun relaschement.

  A012002440 

 Tous les autres liens sont temporelz, mesme celuy des vœuz d'obeissance, qui se rompt par la mort et beaucoup d'autres occurrences; mais celuy de la charité croit avec le tems et prend nouvelles forces par la duree.

  A012002440 

 Voyla, ma bonne Seur (et permettes moy que je vous appelle de ce nom, qui est celuy par lequel les Apostres et premiers Chrestiens exprimoyent l'intim'amour qu'ilz s'entreportoyent), voyla nostre lien, voyla nos chaysnes, lesquelles plus elles nous serreront et presseront, plus elles nous donneront de l'ayse et de la liberté.

  A012002441 

 Mais si est ce que ce n'eut pas esté duplicité, puisque si en cela vous avies fait quelque faute a cause du scrupule que vous avies en me communicant vostre cœur et me demandant des instructions, vous l'avies suffisamment effacee par apres pour n'estre plus obligee de le dire a personne.

  A012002443 

 Je me suis souventesfois animé parmi mes petites difficultés par les paroles de nostre doux Sauveur qui dit: La femme, quand elle enfante, a une grande detresse; mais apres l'enfantement elle oublie le mal passé parce qu'un enfant luy est né. Je pense qu'elles vous consoleront aussi, si vous les consideres et repetes souvent.

  A012002445 

 Mon frere se sent infiniment obligé a la souvenance que vous aves de luy et la contrechange par la continuelle memoire qu'il a de vous a l'autel; il est absent, maintenant que j'escris.

  A012002474 

 Plusieurs candidats ont été proposés au roi très chrétien afin d'être par lui recommandés au Saint-Siège.

  A012002517 

 Ce me fut une bien grande consolation, laquelle je vous tesmoignay par la response que je vous fis; car je n'eusse pas peu m'en empescher, j'en estois touché tres vivement.

  A012002517 

 Je suis par tout le reste de mon ame fort imbecille et foible; mais j'ay l'affection fort tenante et presque immuable a l'endroit de ceux qui me donnent le bonheur de leur amitié, comme je croy fermement que vous aves fait.

  A012002517 

 La derniere lettre que je receus de vous fut celle par laquelle vous me fistes l'honneur de m'advertir que vous avies receu la sainte consecration, et que vous vous retiries aupres de vostre troupeau.

  A012002518 

 Que Dieu est bon! Il connoist bien mon infirmité et ma delicatesse; c'est pourquoy il ne me permet point de seulement gouster les eaux de Mara que premierement il ne les ayt adoucies par le bois sacré de son assistence et consolation..

  A012002519 

 Ce Caresme j'ay presché a Dijon, ou j'avois de bonnes et importantes affaires pour cest evesché, lesquelles j'ay, par ce moyen, terminees avec tout l'heur que je pouvois desirer.

  A012002521 

 Il laisse a part la grande multitude de mes imperfections, qui sont sans doute blasmables, et ne me censure que de celles que je n'ay point, par la grace de Dieu: d'ambition, d'oysiveté exterieure, luxe en chiens de chasse et escuries, et semblables folies, qui sont non seulement esloignees [296] de mon affection, mays incompatibles avec la necessité de mes affaires et la forme de vie que ma charge m'impose.

  A012002521 

 Or, beni soit Dieu qu'il ne sçait pas mes maladies, puisqu'il ne les voudroit guerir que par la mesdisance.

  A012002522 

 Monsieur, je pense que vous connoistres par cette lettre combien est grande l'asseurance que je prens en vostre amitié, puisque je suis si long et si libre a vous dire ces menusailles de mon particulier, lesquelles ne vous peuvent estre presentees que sous une extreme confiance de vostre bonté.

  A012002523 

 Dieu, par sa bonté, nous rende dignes de l'office auquel il nous appelle.

  A012002563 

 Je ne dis pas qu'on ne puisse jouer a quelque jeu bien honneste une fois ou deux le moys par recreation; mais que ce soit avec une grande circonspection..

  A012002563 

 » Un seculier peut joüer, aller a la chasse, sortir de nuict pour aller aux conversations, et tout cela n'est point reprehensible, et, fait par recreation, n'est nullement peché.

  A012002573 

 Au sortir du sermon je ne voudrois point qu'on dist: O qu'il est grand orateur! o qu'il a une belle memoire! o qu'il est sçavant! o qu'il dit bien! Mais je voudrois que l'on dist: O que la penitence est belle! o qu'elle est necessaire! Mon Dieu, que vous estes bon, juste! et semblable chose; ou que l'auditeur, ayant le cœur saysi, ne peust tesmoigner de la suffisance du predicateur que par l'amendement de sa vie.

  A012002573 

 Saint Paul deteste les auditeurs prurientes auribus, et par consequent les predicateurs qui leur veulent complaire.

  A012002576 

 Au contraire donq il faut s'en servir, car ilz ont esté les instrumens par lesquelz Dieu nous a communiqué le vray sens de sa Parole..

  A012002579 

 Mays quant aux fables, je n'en ay jamais rencontré en pas un sermon des Anciens, sauf une seule [306] d'Ulysses et des syrenes employee par saint Ambroyse en un de ses sermons.

  A012002580 

 Ceux qui l'entendent par la meditation font fort bien de s'en servir, comme faisoit saint Anthoine, qui n'avoit nulle autre bibliotheque.

  A012002580 

 Et des histoires naturelles? Tres bien, car le monde, fait par la parole de Dieu, ressent de toutes pars cette parole; toutes ses parties chantent la louange de l'Ouvrier.

  A012002587 

 Ainsy ce mot diligere doit estre pesé, par ce qu'il vient de eligo et represente naïfvement le sens litteral, qui est qu'il faut que nostre cœur, nostre ame et nostre esprit choisissent et preferent Dieu entre toutes choses, qui est le vray amour appreciatif duquel les theologiens interpretent ces paroles..

  A012002587 

 Comme, par exemple, hier j'expliquois en ce village le commandement: Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde, ex tota anima, ex tota mente.

  A012002587 

 Je pensois avec nostre saint Bernard: ex toto corde, c'est a dire courageusement, vaillamment, fervemment, par ce qu'au cœur appartient le courage; ex tota anima, c'est a dire affectueusement, par ce que l'ame entant qu'ame est la source des passions et affections; ex tota mente, c'est a dire spirituellement, discretement, par ce que mens, c'est l'esprit et partie superieure de l'ame, a laquelle appartient le discernement et jugement pour avoir le zele [308] secundum scientiam et discretionem.

  A012002590 

 Secondement, ou il n'y a pas une tres grande apparence que l'une des choses ayt esté la figure de l'autre, il ne faut pas traitter les passages l'un comme figure de [309] l'autre, mais simplement par maniere de comparayson; comme, par exemple, le genevrier sous lequel Helie s'endormit de detresse est interpreté allegoriquement par plusieurs de la Croix; mais moy j'aymerois mieux dire ainsy: Comme Helie s'endormit sous le genevrier, ainsy nous devons reposer sous la Croix de Nostre Seigneur par le sommeil de la sainte meditation; et non pas: Ainsy qu'Helie signifie le Chrestien, le genevrier signifie la Croix.

  A012002591 

 Tiercement, il faut que l'allegorie soit bienseante; en quoy sont reprehensibles plusieurs qui allegorisent la defense faitte en l'Escriture a la femme de ne point prendre l'homme par ses parties deshonnestes, au Deuteronome, chapitre XXV: Si habuerint inter se jurgium viri duo, et unus contra alterum rixari cæperit, volensque uxor alterius eruere virum suum de manu fortioris, miseritque manum et apprehenderit verenda ejus, abscides manum illius, nec flecteris super eam ulta misericordia; et disent qu'elle represente le mal que fait la Synagogue de reprocher aux Gentilz leur origine, et qu'ilz n'estoyent pas enfans d'Abraham.

  A012002592 

 Quartement, il ne faut point faire d'allegories trop grandes, car elles perdent leur grace par la longueur et semblent [tendre] a l'affectation..

  A012002598 

 L'amour propre est l'aisné, car il est né avec nous; l'amour de Dieu est puisné, car il s'acquiert par les Sacremens et penitence; et neanmoins il faut que l'amour de Dieu soit le maistre, et quand il est en une ame, l'amour propre sert et est inferieur..

  A012002604 

 Ainsy ceux qui par la meditation ont rencontré des colloques, doivent observer deux regles en la predication: l'une, de voir s'ilz sont solidement fondés sur une apparente probabilité; l'autre, de ne point les proposer fort longs, car cela refroidit et le predicateur et l'auditeur..

  A012002606 

 Celles qui sont tirees des histoires naturelles, si l'histoire est belle et l'application belle, c'est un double lustre; comme celle de l'Escriture de la renovation ou rajeunissement de l'aigle, par nostre penitence..

  A012002607 

 Or, il y a un secret en ceci qui est extremement proufitable au predicateur: c'est de faire des similitudes tirees de l'Escriture, de certains lieux ou peu de g'ens les sçavent remarquer; et ceci se fait par la meditation des paroles..

  A012002609 

 Or maintenant, il faut voir les choses qui vont plus viste par dilatation, et vous en treuveres quelques unes, comme les navires quand le vent estend leurs voiles.

  A012002609 

 Par exemple: Viam mandatorum tuorum cucurri cum dilatasti cor meum; il faut considerer ce mot dilatasti et celuy de cucurri, car il se prend par metaphore.

  A012002610 

 Apres tout cela, je vous advise qu'on se peut servir de l'Escriture par application avec beaucoup d'heur, encores que bien souvent ce qu'on en tire ne soit pas le vray sens; comme saint François disoit que les aumosnes estoyent « panis Angelorum, » parce que les Anges les procuroyent par leurs inspirations, et applique le passage: Panem Angelorum manducavit homo.

  A012002615 

 Ce qui s'ensuit, c'est le tremble-terre, la venue et apparition des Anges, la recherche des dames, la response des Anges; et en toutes ces parties il y a merveilles a dire, et par bon ordre..

  A012002617 

 Apres avoir proposé par une petite paraphrase l'histoire, on peut quelquefois en tirer trois ou quattre considerations.

  A012002617 

 Combien est ce que nous devons estre fermes a croire qu'au Saint Sacrement ce mesme cors n'occupe point de place, ne peut estre offencé par la fraction des especes, et qu'il y est en une façon spirituelle, quoy que reelle.

  A012002617 

 O quel amour! Pour l'imitation: Il est resuscité le troisiesme jour; o Dieu, que ne resuscitons-nous par la contrition, confession et satisfaction? Il force la pierre; vainquons toutes difficultés..

  A012002618 

 Quand vous voules prescher une sentence, il faut considerer a quelle vertu elle se rapporte, comme par exemple: Qui se humiliat exaltabitur; voyla le sujet de l'humilité bien clair.

  A012002621 

 Ou bien de considerer comme il a combattu le diable, le monde, la chair: la superbe, l'avarice, la concupiscence, qui est la division de saint Jan: Omne, dit il, quod est in mundo, aut est concupiscentia carnis, etc. Ou bien, comme je fis a Fonteynes, sur saint Bernard: comme il faut honnorer Dieu en son [318] Saint et le Saint en Dieu; comme il faut servir Dieu a l'imitation de son Saint; comme il faut prier Dieu par l'intercession de son Saint; et ainsy effleurer la vie du Saint dont on parle, et mettre chaque chose en son lieu..

  A012002622 

 Il me reste a dire pour la methode, que je mettrois volontier les passages de l'Escriture les premiers, les raysons secondement, les similitudes troisiesmement, et quatriesmement les exemples, s'ilz sont sacrés; car s'ilz sont prophanes, ilz ne sont pas propres a fermer un discours: il faut que le discours sacré soit terminé par une chose sacree.

  A012002623 

 Par exemple, vous voules traitter de la vertu d'humilité, et vous aves disposé vos pointz en cette sorte: 1.

  A012002624 

 Pour remplir le second point, vous verrés humilitas ficta en la table, humilitas indiscreta, et semblables; et par la vous monstreres la difference entre la fause et vraye humilité.

  A012002629 

 Il faut que nos paroles soyent enflammees, non pas par des cris et actions desmesurees, mais par l'affection interieure; il faut qu'elles sortent du cœur plus que de la bouche.

  A012002632 

 Je suis bien d'advis qu'on tesmoigne le desir qu'on a de son bien, qu'on commence par des salutations et benedictions, par des souhaitz de le pouvoir bien ayder au salut; de mesme a sa patrie: mais cela briefvement, cordialement et sans paroles attiffees.

  A012002633 

 J'appreuve le plus souvent la recollection ou recapitulation, apres laquelle on dit quatre ou cinq motz de ferveur, ou par maniere d'orayson, ou par maniere d'imprecation.

  A012002633 

 On doit finir par des parolles courtes, plus animees et vigoureuses.

  A012002638 

 Je finis disant que la preédication c'est la publication et declaration de la volonté de Dieu faitte aux hommes par celuy qui est la, legitimement envoyé, affin de les instruire et esmouvoir a servir sa divine Majesté en ce monde, pour estre sauvés en l'autre..

  A012002643 

 Vous alles, Monsieur, a vostre troupeau: hé, que ne m'est il loysible de courir jusques la pour vous assister, comme j'eus l'honneur de faire a vostre premiere Messe! Je vous y accompagneray par mes vœux et desirs.

  A012002656 

 En cela seul ilz n'auront pas sceu passer la mesure a dire, ni vous, Monsieur, a croire que je leur ay voüé toutes mes affections, qui vous sont par ce moyen acquises, puisqu'il sont vostres avec tout ce qu'ilz ont..

  A012002656 

 Monsieur de Bourges et madame de Chantal, vos chers et dignes [326] enfans, m'ont sans doute esté trop favorables en la persiasion qu'ilz vous ont faitte de me vouloir du bien; car je voy bien, Monsieur, par la lettre qu'il vous a pleu de m'escrire, qu'ilz y ont employé des couleurs desquelles ma chetifve ame ne fut onques teinte.

  A012002657 

 Nous nous sommes bien couppé de la besoigne l'un a l'autre; nos desirs de servir Dieu et son Eglise (car je confesse que j'en ay, et luy ne sçauroit dissimuler qu'il n'en soit plein) se sont, ce me semble, aiguisés et animés par le rencontre..

  A012002658 

 Mais, Monsieur, vous voules que je continue de mon costé cette conversation, et sur ce sujet, par lettres.

  A012002658 

 Voyés, Monsieur, si je suis vostre, et par combien de liens.

  A012002665 

 Vostre saint Bernard dit que l'ame qui veut aller a Dieu doit premierement bayser les piedz du Crucifix, purger ses affections et se resoudre a bon escient de se [330] retirer petit a petit du monde et de ses vanités; puys bayser les mains, par la nouveauté des actions qui suit le changement des affections; et en fin le bayser en la bouche, s'unissant par un amour ardent a cette supreme Bonté.

  A012002668 

 Et pardonnés moy, je vous en conjure par vostre propre humilité, si ma simplicité a esté [331] si extravagante en son obeissance que de vous escrire avec tant de longueur et de liberté sur un simple commandement, et avec une entiere connoissance que j'ay de vostre extreme suffisance, qui me devoit ou retenir au silence ou en une exacte moderation.

  A012002682 

 J'ay longuement retenu vostre laquay Philibert, mais ç'a esté parce que je n'ay jamais eu un seul jour a moy, encor que je fusse aux chams; car la charge que j'ay porte tout par tout son martyre avec soy, et ne puis pas dire qu'une seule heure de mon tems soit a moy, sinon celles ausquelles je suis a l'Office: tant plus desiré-je d'estre tres estroittement recommandé a vos prieres.

  A012002686 

 Il faut donq, qu'ayant consideré [333] la grandeur des peynes, et l'eternité, et vous estant excitee a la crainte d'icelles et fait resolution de mieux servir Dieu, vous vous representies le Sauveur en croix, et, recourant a luy les bras estenduz, vous l'allies embrasser par les piedz, avec des acclamations interieures pleines d'esperance: O port de mes esperances, ah, vostre sang me garentira; Je suis vostre, Seigneur, et vous me sauveres.

  A012002686 

 Mais ne faillés pas a tous-jours finir par l'esperance, autrement vous ne retireries nul prouffit de telles meditations.

  A012002686 

 Mais, ma Fille, je vous prie, que toutes ces meditations la des quatre fins se finissent toutes par l'esperance et confiance en Dieu, et non pas par la crainte et l'effroy; car quand elles finissent par la crainte elles sont dangereuses, sur tout celles de la mort et de l'enfer.

  A012002688 

 Et ne doutés nullement qu'il n'en sera que mieux dit par toutes ces interruptions; et si vous ne le pouves achever a la Messe, ce sera a quelque heure du jour, et ne sera besoin que de poursuivre ou vous aures laissé..

  A012002692 

 Aux jours de jeusne on peut faire collation a sept heures; et pour le regard du jeusne, pour vous, il suffira de commencer par le vendredy et vous en contenter pour quelque tems, et mesmement parce qu'il faut que vous soyes avec les autres et qu'il faut les conduire petit a petit..

  A012002698 

 Ce sont: Platus, Du Bien de l'Estat religieux, lequel est traduit en françois et impunie a Paris; Le Gerson des Religieux, composé par le Pere Pinel, imprimé a Lion et a Paris; Le Desirant ou Thresor de Devotion, imprimé a Paris et a Lion.

  A012002698 

 Par exemple: Mon Dieu, que les [337] Abbesses qui ont des Superieures qui leur commandent, ou bien des Superieurs, sont bien plus ayses! elles ne craignent point de faillir, elles ne font rien qu'a propos, toutes leurs actions sont bien plus aggreables a Dieu; et semblables petites amorces..

  A012002700 

 Le quatriesme c'est de faire profession vous mesme de ne vouloir rien faire que par l'advis et conseil de vostre pere spirituel, auquel neanmoins vous n'attribueres nullement aucun tiltre de commandement, ni a ce que vous feres par sa direction aucun tiltre d'obeissance, de peur d'exciter des contradictions, et que les malins ne suscitent des jalousies en l'esprit de ceux qui sont Superieurs de vostre Monastere, car cela gasteroit tout.

  A012002701 

 Mais pourtant il ne faut donner nulle alarme de tout cela, ains les y conduire par des douces et souëfves inspirations, a quoy aussi serviront les livres susditz..

  A012002722 

 Je vous supplie par les entrailles de Nostre Seigneur de croire, sans aucunement douter, que je suis entierement et irrevocablement au service de vostre ame, et que je m'y employeray de toute l'estendue de mes forces, avec toute la fidelité que vous sçauries jamais souhaitter.

  A012002724 

 Il faut avoir patience en ce qu'il veut ses opinions estre suivies, car il fait tout par exces d'amitié, et j'espere qu'ainsy comme je luy escris nous gaignerons beaucoup sur luy.

  A012002724 

 Monsieur vostre pere me semble le desirer par la lettre qu'il m'a escritte..

  A012002726 

 Il n'y a nulle apparence humaine que je puisse jamais avoir la consolation de voir le Puis d'Orbe; mais le grand desir duquel je suis porté a vostre service spirituel me [342] fait esperer que Nostre Seigneur m'y conduira par sa providence quand il en sera tems, si ma chetifve cooperation est requise a vostre bon dessein..

  A012002728 

 Je vous demande un Chapelet pour son repos, car je sçai que si je fusse trespassé devant luy, il m'en eust fait faire la charité [343] comme cela par tout ou il eust eu du credit.

  A012002728 

 Si j'eusse eu le tems a moy, je vous eusse escrit en meilleur ordre; mais tout ce que j'escris ce n'est que par morceaux, selon le loysir que je puis avoir.

  A012002733 

 Madame, j'oubliois presque de vous dire que ma mere et moy avons fait un projet de vous envoyer apres l'hiver prochain ma jeune seur que vous vistes a Saint Claude, [344] en intention que si Dieu la favorise de l'inspiration d'estre Religieuse, elle le soit, le tems estant venu, par vostre grace et assistence; trop heureuse qu'elle sera d'arriver en cette Mayson-la a mesme tems que la devotion s'y allumera.

  A012002743 

 Mais si ce n'est que peché veniel, ou que vous l'ayes omis par oubliance et defaut de memoire, ne doutés point, ma chere Seur; car, au peril de mon ame, vous n'estes nullement obligee de refaire vostre confession, ains suffira de dire a vostre confesseur ordinaire le point que vous aures omis: de cela j'en respons.

  A012002746 

 Comme, par exemple, il est commandé aux Evesques de visiter leurs brebis, les enseigner, redresser, consoler: que je demeure toute la semayne en orayson, que je jeusne toute ma vie, si je ne fay cela je me pers.

  A012002751 

 Ceux qui ont la fievre ne treuvent nulle place bonne; ilz n'ont pas demeuré un quart d'heure en un lict qu'ilz voudroyent estre en un autre: ce n'est pas le lict qui en peut mais, c'est la fievre qui les tourmente par tout.

  A012002774 

 Pleust a nostre bon Dieu que j'eusse autant de moyen de me bien faire entendre par cest escrit comme j'en ay de volonté; je m'asseure que pour une partie de ce que vous desires sçavoir de moy vous series consolee, et particulierement pour les deux doutes que l'ennemy vous [352] suggere sur lo choix que vous aves fait de moy pour estre vostre pere spirituel.

  A012002775 

 Ce grand mouvement d'esprit qui vous y a porté presque par force et avec consolation; la consideration que j'y ay apporté avant que d'y consentir; ce que ni vous ni moy ne nous en sommes pas fiés a nous mesmes, mais y avons appliqué le jugement de vostre confesseur, bon, docte et prudent; ce que nous avons donné du loysir aux premieres agitations de vostre conscience pour se refroidir si elles eussent esté mal fondees; ce que les prieres non d'un jour ni de deux, mais de plusieurs mois ont precedé, sont indubitablement des marques infallibles que c'estoit la volonté de Dieu..

  A012002780 

 C'est tout un; patience, il se faut parler par signes: il se faut prosterner devant Dieu et demeurer la devant ses piedz; il entendra bien, par cette humble contenance, que vous estes sienne et que vous voules son secours, encores que vous ne puissies pas parler.

  A012002781 

 Je vous prie, ayés un livre intitulé De la Tribulation, composé par le P. Ribadeneira en espagnol et traduit en françois (le Pere Recteur vous dira ou il est imprimé), [355] et le lisés soigneusement.

  A012002782 

 Sçaves vous ce que vous feres pendant que l'ennemy s'amuse a vouloir escalader l'intellect? Sortés par la porte de la volonté et luy faites une bonne charge; c'est a dire, comme la tentation de la foy se presente pour vous entretenir: Mais comment se peut faire cecy? mais si cecy, mais si cela? faites qu'en lieu de disputer avec l'ennemy par le discours, vostre partie affective s'eslance de vive force sur luy, et mesme joignant a la voix interieure l'exterieure, criant: Ah traistre, ah malheureux, tu as laissé l'Eglise des Anges, et tu veux que je laisse celle des Saintz! Desloyal, infidelle, perfide, tu presentas a la premiere femme la pomme de perdition, et tu veux que j'y morde.

  A012002784 

 Mais de ce troysiesme remede il en faut user moderement, et selon le prouffit que vous en verrés reuscir par l'experience de quelques jours..

  A012002787 

 Salués tous les Saintz avec cette oraison vocale: « Sainte Marie et tous les Saintz, veuilles interceder pour nous vers Nostre Seigneur, affin que nous obtenions d'estre aydés et sauvés par Celuy qui vit et regne es siecles des siecles.

  A012002789 

 Or, la recollection se pourra faire avec une entree de l'ame en l'une des cinq playes de Nostre Seigneur pour cinq jours; le sixiesme, dans les espines de sa couronne, et le septiesme, dans son costé percé, car il faut commencer la semaine par la et la finir de mesme; c'est a dire, les Dimanches il faut revenir a ce cœur..

  A012002790 

 Le soir, environ une heure ou une heure et demie apres souper, vous vous retireres et dires le Pater noster, l' Ave, le Credo; cela fait, le Confiteor jusques a mea culpa; puis l'examen de conscience, apres lequel vous acheveres le mea culpa, et dirés les Litanies de Nostre Dame de l'eglise de Lorette; ou bien, par ordre, les sept Litanies de Nostre Seigneur, de Nostre Dame, des Anges, et ainsy des autres, telles qu'elles sont en un livre fait expres.

  A012002792 

 IL FAUT TOUT FAIRE PAR AMOUR ET RIEN PAR FORCE; IL FAUT PLUS AYMER L'OBEISSANCE QUE CRAINDRE LA DESOBEISSANCE..

  A012002793 

 Si vous aymes bien fort l'obeissance et sousmission, je veux que s'il vous vient occasion juste ou charitable de laisser vos exercices, ce vous soit une espece d'obeissance, et que ce manquement soit suppleé par l'amour..

  A012002795 

 Les meditations des quatre fins de l'homme vous seront utiles, a la charge que vous les finissies tous-jours par un acte de confiance en Dieu, ne vous representant jamais ni la mort ni l'enfer d'un costé, que la Croix ne soit de l'autre, pour, apres vous estre excitee a la crainte par l'un, recourir a l'autre par confiance.

  A012002800 

 Il nous faut le plus qu'il est possible agir dans les espritz comme les Anges font, par des mouvemens gracieux et sans violence.

  A012002800 

 Si Françoise veut de son gré estre Religieuse, bon; [360] autrement je n'appreuve pas qu'on previenne sa volonté par des resolutions, mais seulement, comme celle de toutes les autres, par des inspirations soüefves.

  A012002808 

 Il n'engage nullement son affection aux exercices spirituelz; de façon que si, par maladie ou autre accident, il en est empesché, il n'en conçoit nul regret.

  A012002810 

 A la moindre occasion on change d'exercice, de dessein, de regie; pour toute petite occurrence on laisse sa regie et sa louable coustume, et par la, le cœur se dissipe et se perd, et est comme un verger ouvert de tous costés, duquel les fruitz ne sont pas pour le maistre mais pour tous passans..

  A012002810 

 L'instabilité d'esprit ou dissolution est un certain exces de liberté par lequel on veut changer d'exercice, d'estat de vie, sans rayson ni connoissance que ce soit la volonté de Dieu.

  A012002811 

 La contrainte ou servitude est un certain manquement de liberté par lequel l'esprit est accablé ou d'ennuy ou de cholere quand il ne peut faire ce qu'il a desseigné, encor qu'il puisse faire chose meilleure.

  A012002812 

 Or, la volonté de Dieu se manifeste en deux façons: par la necessite et par la charité.

  A012002813 

 La deuxiesme regie est que, lhors qu'il faut user de liberté par charité, il faut que ce soit sans scandale et sans injustice.

  A012002813 

 Par exemple, je sçay que je serois plus utile quelque part bien loin de mon diocese: je ne dois pas user de liberté en cela, car je scandalizerois et ferois injustice, parce que je suis obligé icy.

  A012002814 

 Un esprit dissolu en eut fait trop; un esprit contraint eut pensé pecher mortellement; un esprit de liberté fait cela par charité..

  A012002815 

 Le pelerin n'en vouloit pas manger, non obstant sa necessité; Spiridion, qui n'en avoit nulle nécessité, en mange luy le premier par charité, affin d'oster par son exemple le scrupule du pelerin.

  A012002819 

 J'ay oublié a dire que non seulement la volonté de Dieu se connoit par la necessité et charité, mais par l'obedience; de façon que celuy qui reçoit un commandement doit croire que c'est la volonté de Dieu.

  A012002824 

 Et a vostre premier loysir, escrives-moy l'histoire de vostre porte de saint Claude, et croyés que ce n'est point par curiosité que je la vous demande..

  A012002825 

 Aydes-la et la visites par lettres; Dieu vous en sçaura gré.

  A012002829 

 ... avec liberté par ce que c'est par homme....

  A012002853 

 Or, de toute la chrétienté, le diocèse le plus exposé au fléau des mauvaises figues c'est celui de Genève, et pourtant nul n'aurait plus besoin de se refaire par une cueillette d'excellentes ligues.

  A012002870 

 C'est pourquoy je ne doute nullement que Vostre Altesse n'ayt fort aggreable le dessein que le sieur Abbé d'Abondance a fait d'introduire en son monastere les bons Peres de Saint Bernard, lesquelz, par leur bonne vie et doctrine, repareront les ruines que les autres ont faittes par leur mauvais exemple.

  A012002870 

 Je sçai des long tems combien Vostre Altesse desire la reformation des monasteres de deça les mons, et qu'ell'a tous-jours jugé que le meilleur moyen d'y parvenir c'estoit d'oster par voye raysonnable les moynes et [374] Religieux qui, jusques a present, s'y sont mal comportés, et y mettre en leur place des autres Religieux des Congregations reformees.

  A012002887 

 Je ne fus pas plus tost en cette charge que le sieur Praevost de Montjou m'a fait appeller pardevant Monsieur l'Archevesque de Tharantayse, et avec moy ledit curé, pour voir rompre toutes les provisions faittes de laditte cure par feu Monsieur l'Evesque mon praedecesseur, de devote memoire.

  A012002905 

 J'ay de l'advantage par tout, car ledit sieur de Montjou a esté condamné devant les officiers de Son Altesse, et je suis defendeur et en possession, et respons non de mes actions mais de celles de feu Monsieur de Geneve mon prædecesseur, et en faveur d'un curé qui, des le fin commencement, a servi fort utilement a la gloire de Dieu en cette parroisse la.

  A012002905 

 Je viens de recevoir une lettre de Son Altesse par laquelle elle me commande que je ne poursuive plus le proces qui est entre monsieur de Montjou d'une part, et le curé des Alinges et moy de l'autre.

  A012002923 

 Le bon homme monsieur Nouvelet avoit esté prouveu de la charge theologale d'Evian, et par consequent de la præbende dïcelle.

  A012002940 

 Je diray ce que je pourray tumultuayrement, et sil me reste quelque chose apres cela, je vous l'escriray dans bien peu de tems par homme de connoissance qui va a Dijon et revient..

  A012002942 

 C'est que j'ay veu que le contract des moulins et la transaction de la succession ont esté faitz a mesme jour, mesme heure, par le mesme notaire, en la mesme mayson, devant les mesmes tesmoins.

  A012002945 

 Vous adjoustés que neanmoins la volonté, par la grace de Dieu, ne veut que la simplicité et fermeté en l'Eglise, et que vous mourries volontiers pour la foy d'icelle..

  A012002946 

 Il vous semble que vos resolutions sont sans force par ce qu'elles ne sont pas [383] gaÿes ni joyeuses, mais vous vous trompés, car l'Apostre saint Paul bien souvent n'en avoit que de cette sorte-la.

  A012002947 

 L'oyseau attaché sur la perche se connoit attaché et sent les secousses de sa detention et de son engagement seulement quand il veut voler; et tout de mesme, avant qu'il aye ses aisles il ne connoit son impuissance que par l'essay du vol. Pour un remede donques, ma chere Fille, puisque vous n'aves pas encor vos aysles pour voler et que vostre propre impuissance met une barriere a vos effortz, ne vous debattes point, ne vous empressés point pour voler; ayes patience que vous ayes des aisles pour voler comme les colombes.

  A012002947 

 Vous voyes la beauté des clartés, la douceur des resolutions; il vous semble que presque presque vous les tenes, et le voysinage du bien vous en suscite un appetit demesuré, et cet appetit vous empresse et vous fait eslancer, mais pour neant; car le Maistre vous tient attachee sur la perche, ou bien vous n'aves pas encor vos aisles, et ce pendant vous amaigrisses par ce continuel mouvement du cœur et alanguisses continuellement vos forces.

  A012002952 

 Mais avec tout cela vous n'estes pas encor au pais ou il ni a point de jour, car vous aves le jour par fois et Dieu vous visite.

  A012002965 

 Je suis si pressé que j'ay transposé les pages, mais vous les remettres par la marque.

  A012002982 

 Tenes pour regie que la grace de la meditation ne se peut gaigner par aucun effort d'esprit; mays il faut que ce soit une douce et bien affectionnee perseverance, pleine d'humilité..

  A012002983 

 On ne le sent pas en jeunesse, mais on le ressent tant plus par apres, et plusieurs personnes se sont rendues inutiles par ce moyen la..

  A012002986 

 Prenes tous les jours une goutte ou deux du sang qui distille des playes des pieds de Nostre Seigneur et le faites passer par la meditation, et avec imagination trempés reveremment vostre doigt en cette liqueur et l'appliqués sur vostre mal, avec l'invocation du doux nom de Jesus, qui [392] est un huyle respandu, disoit l'Espouse aux Cantiques, et vous verrés que vostre douleur s'amoindrira..

  A012002987 

 Si ces lettres vous arrivent avant le coup, faites chercher par tout le Traitté de Cacciaguerre, De la Tribulation, et le lises pour vous preparer; si moins, faites-le vous lire paysiblement a quelqu'une de vos plus devotes pendant que vous seres au lict, et croyes moy, cela vous soulagera incroyablement.

  A012002989 

 Quand Nostre Seigneur fut a la croix il fut declairé Roy, mesme par ses ennemis; et les ames qui sont en croix sont declairees reynes..

  A012002992 

 [394] Dieu soit eternellement beni et glorifié sur vous, en vous et par vous.

  A012003021 

 Il est vray que c'est un grand abus de tellement se lier a un confesseur que sil advient de n'en avoir pas la commodité, pour cela on s'en inquiete ou trouble; car c'est s'attacher a l'instrument de nostre bien et non pas a l'ouvrier d'iceluy, qui est Dieu, et par consequent perdre la vraye liberté.

  A012003021 

 Mais aussi, d'aller changeant sans propos c'est un'espece de dissolution, delaquelle il arrive que jamais la complexion de nostr'esprit n'est reconnëue par nostre medecin spirituel; et comment donques nous sçaura-il gouverner? Or bien, cela suffit.

  A012003023 

 J'ay veu le testament des deux Religieux, par lequel l'ame se donne toute a Dieu.

  A012003023 

 Je voy la dedans, ma tres chere Fille, que vous aves tout laissé a Dieu, pour estre exercee par toutes sortes d'aridités, tentations et secousses selon son bon playsir: resouvenés vous en bien.

  A012003023 

 Mais voyla que vous me dirés: C'est que les testamens n'ont point d'effect que par la mort du testateur.

  A012003023 

 Mon Dieu, que vous estes obligee a l'amour de sa divine bonté! Sans doute, toutes choses bien considerees, il vous a esté expedient d'estre conduite par ou vous aves esté conduite jusques a present; mais [397] jusques a present.

  A012003025 

 J'attens tous les jours un assault, comme je vous escrivois par la derniere, mais il ne sçait venir.

  A012003030 

 Je veux bien que vous communiquies mes advis qui regardent vostre conscience avec vostre confesseur, mais nompas mes lettres qui sont un petit trop naifves et [398] cordiales pour estre veües par des yeux autres que bien simples, et respondans a mon intention toute franche et ronde en vostre endroit..

  A012003084 

 J'ay receu vostre lettre par les mains de ce mesme porteur, duquel le droit sera conservé fort soigneusement, non seulement pour le devoir que j'ay de rendre cet office a tous ceux de ce diocæse, mais aussi pour la recommandation que vous m'en faites, laquelle aura tous-jours autant de pouvoir sur moy que null'autre.

  A012003103 

 Entre plusieurs embarassemens qui rendent ma charge pesante, j'en a y un pour les cures de Saint Sergue, Perrigni, Fessi, Lully, Brenthonoz et Lulin, desquelles les portions congrues furent tirees par feu Monsieur mon prædecesseur, en partie sur les revenuz de l'abbaye d'Aux, d....

  A012003114 

 Ce n'est pas certes qu'il ne fust desiderale que nos maysons episcopales fussent dans ce [402] reglement, nous sçavons ce que saint Paul en dit; mais je sçay par mon experience qu'il faut s'accommoder a la necessité du tems, du lieu, de l'occasion et de nos occupations.

  A012003122 

 Aussi ay renversé sans dessus dessous mon entendement et mes livres et ceux de mes amis pour treuver quelque facilitation au dessein que je presageois vous devoir advenir, et ay treuvé que tout est aysé et revient a bien a ceux que Dieu veut tant aymer que de se faire aymer par eux.

  A012003122 

 L'amour fait quelquefois des præsages par la force de la simpathie.

  A012003123 

 Je me resoudray encor plus avant de ce que nous aurons a faire et, l'ayant bien dressé par ordre, je vous tesmoigneray que les offres que je vous fis partoyent [d'une] volonté bien asseuree a vostre service.

  A012003123 

 Mais si faut il que je vous die ce mot: le rocher d'Horeb estoit vif et dur; sil jetta de l'eau ce ne fut point par mollesse, ce fut que Dieu le toucha.

  A012003160 

 C'est par les lettres de nos dévoués amis de Rome, c'est surtout de la bouche de l'Archevêque de Vienne, arrivé parmi [406] nous, que nous en avons reçu l'assurance.

  A012003160 

 Nous voyons là, justifié sans aucun doute, l'enseignement recueilli à l'origine, des lèvres de ceux qui nous ont engendrés à Jésus-Christ par l'Evangile: c'est qu'il n'y a sur la terre qu'un Pasteur suprême, auquel le Christ a confié ses brebis, mais si absolument et si indistinctement qu'il est de toute évidence qu'il « ne lui en a pas désigné quelques-unes en particulier, mais qu'il les lui a remises toutes; » et c'est pourquoi celui-ci, en portant le poids de ses préoccupations quotidiennes, doit veiller avec un soin attentif sur toutes les Eglises..

  A012003161 

 Ainsi, non seulement en vertu de votre charge, mais encore par vos immortels mérites, vous aurez droit à la bienheureuse félicité..

  A012003185 

 Le bruit s'est répandu, dans le diocèse de Genève, que Sa Majesté très Chrétienne a conclu avec la république de Berne et de Genève un accord, par lequel elle autorise celle-ci à saisir, garder et posséder les bailliages de Chablais et de Ternier.

  A012003196 

 Ce que j'estois sur le point de faire, et cependant avois des-ja, des le passage de mondit Seigneur Legat, establi par tout des pasteurs par provision..

  A012003196 

 Dequoy ayant fait recit a Sa Sainteté, elle m'envoya un Brief apostolique affin que je reprinse les revenus ecclesiastiques de ces balliages et, par tout ou il me sembleroit, je restablisse les eglises, y constituant absolument des curés, pasteurs et prædicateurs.

  A012003196 

 Il y a environ soixante et cinq ans que les Bernois se saysirent de ces mesmes balliages et de celluy de Gex, et ne les eurent pas plus tost, qu'a vive force ilz y planterent l'hæresie, delaquelle ces pauvres ames demeurerent empestees, jusques a ce qu'appres, par la grace de Dieu, y avoir fait [412] prescher la foy catholique trois annees continuellement, en fin, des trois annees en ça, ces peuples pour la plus part (qui revient a quatorse ou quinze mill'ames) ont esté ramenés au giron de l'Eglise, sous l'expresse et formelle authorité du Saint Siege Apostolique.

  A012003196 

 J'entens un gros bruit qui porte que les Bernois taschent par toutes voyes d'avoir congé de Sa Majesté de se saysir des balliages de Thounon (sic) et Ternier, qui sont de mon diocæse; je me sens obligé en ma conscience de vous representer la dommageable consequence qui s'ensuivroit d'une telle saysie.

  A012003198 

 Or, Monseigneur, puysque la providence de Dieu, sans laquelle rien ne se fait icy bas, ouvre aux armes du Roy [413] le passage et chemin a ces balliages, il me semble que je vous dois supplier tres humblement et par les entrailles de Jesus Christ, comme je fais, de prendre en singuliere protection aupreès de Sa Majesté la conservation de ces saintes nouvelles plantes, lesquelles sont autant plus cheres a l'Eglise leur mere, a ceux qui les ont plantees et a Sa Sainteté, qui les a arrousees de tant de bienfaitz, qu'elles sont encor tendres et exposees a beaucoup de vens.

  A012003213 

 Vous m'aves donques infiniment obligé par ceste nouvelle asseurance que vous me faites que tout demeurera en son integrité, [415] sans alteration d'aucun nouveau meslange; dont je vous remercie bien humblement..

  A012003214 

 Sa Sainteté sachant fort distinctement la disposition de ces pauvres peuples, me depescha un Brief expres et bien ample par lequel elle me charge de desunir tous les benefices, tant curés qu'autres, des balliages de Thonon et Ternier, lesquelz jusques a l'heure avoyent estés unis a la Milice de Saint Lazare.

  A012003215 

 Or, Monsieur, j'estois sur le point de voir la derniere execution de ceste volonté du Saint Siege quand ces troubles de guerre survindrent, et, en consideration de la ruine de beaucoup d'eglises et du peu de revenu des autres, j'avois presque par tout uni plusieurs parroisses en une, selon les distances et autres circonstances des lieux, et entr'autres j'avois joint les cures de Vullionnex, Confignon et Bernex, tant pour la commodité des revenuz que par ce que l'eglise de Vullionnex est en masures; et du tout j'ay envoyé au Saint Siege distincte et vraye instruction.

  A012003216 

 Ce qu'attendant de tesmoigner par effect quand il plaira a sa divine Bonté m'en donner le pouvoir, je la prieray vous donner, Monsieur, longue et heureuse vie en la benediction de sa sainte grace..

  A012003233 

 J'ay tous-jours porté dans le cœur beaucoup de desir d'aggreer a tous vos semblables, et a vous particulierement des que j'eu le bien de jouir plus famillierement de [417] vostre conversation, au tems que vous me remettes en memoire par vostre lettre; qui me rend autant plus de regret me voyant les mains liees et me treuvant hors de pouvoir au sujet pour lequel vous m'escrives avec tant de courtoisie, et que monsieur de Sanci me recommande si affectionnement, puis que quant a la cure je suis engagé dans l'ordre que j'en ay pieça envoyé au Saint Siege Apostolique, par lequel ell'est unie avec celles de Bernex et de Confignon.

  A012003249 

 Je vous en supplie et conjure par lhonneur et fidelité que vous deves a Jesuschrist, et encor de me donner advis s'il sera besoin que je recoure derechef pour cest effect au Roy, de la bonté et parole duquel je me prometz toute justice, mesmement estant appuyé sur le credit de Sa Sainteté que j'imploreray, resolu que je suis de ne m'espargner en rien pour la bergerie qui m'a esté confiee..

  A012003269 

 Ils instruisent le peuple par leurs prédications, s'adonnent au ministère des confessions, et forment les enfants aux éléments des belles-lettres aussi bien qu'aux principes de la foi.

  A012003269 

 La cause chrétienne faisait dans cette province de consolants progrès, lorsque les guerres récentes lui occasionnèrent par leur [420] violence de sérieuses entraves; soudain Votre Béatitude Apostolique nous ménagea son intervention, et aussitôt, comme par enchantement, l'hiver et les pluies, cause de tant de désastres, s'enfuirent et prirent fin; cette vigne répandit son parfum, mais il était bien plus doux; le figuier poussa ses premières figues, mais elles étaient beaucoup plus belles.

  A012003270 

 Cependant, par la bénignité du Sauveur, le champ de la moisson s'agrandit de jour en jour; d'autre part, sur cette petite troupe de Jésuites quelques hommes de plus ne peuvent être enlevés à la vigne de Thonon sans qu'elle en reçoive un grave préjudice.

  A012003271 

 Je me plais à espérer, Très Saint Père, que, malgré de si délicates difficultés, l'importance de l'entreprise sera de vous justement appréciée, de vous, dis-je, dont l'autorité apostolique collabore en quelque sorte à mon œuvre par une providence générale.

  A012003281 

 Ce pendant que par l'heureuse reprise que Vostre Altesse fait de la possession de son balliage de Galliard, l'Eglise va regaignant sous son authorité les ames lesquelles y estoyent perdues par l'heresie, l'ennemi sousleve des secrettes embusches aux desseins qui furent si saintement faitz a Thonon.

  A012003281 

 Si que, par ces menees, le dessein du college est presque aneanti; dont les Peres Jesuites se fussent retirés, silz n'eussent esté retenuz par les offices que ceux ausquelz ilz ont de l'amitié y ont apporté..

  A012003281 

 Vostre Altesse, qui jugea bien que pour restablir la foy catholique en ce balliage un college de Jesuites en devoit estre l'un des fondemens, avoyt commandé aux scindiques de Thonon de vuider leurs mains du prieuré qui est en ladite ville, et le remettre aux Peres Jesuites pour le commencement dudit college, avec intention neanmoins de rembourser ladite ville de l'argent qu'elle avoit delivré a l'achapt de ce benefice, par de bonnes assignations qu'elle leur avoyt accordees.

  A012003295 

 Dequoy, bien que je ne doute nullement, si est ce que sur ce poinct je me sens redevable de supplier tres humblement Vostre Majesté qu'en suite de l' Interim publié par tout le royaume, il luy plaise donner libre et favorable acces a l'exercice catholique en ce petit coin de Gex, lequel meshuy depend de ce grand theatre auquel Vostre Majesté fait si heureusement les actions royales, et, qu'en execution, les biens ecclesiastiques jadis destinés a ce service, soyent restablis a ceux qui le feront et ausquelz ilz appartiennent, avec les temples et eglises..

  A012003295 

 Je loüe Dieu de la reception que Vostre Majesté a faitte de son païs de Gex, qui est dependant de mon diocese, par la fidelité que les habitans d'iceluy luy ont juree, croyant que leur reduction a son obeissance serviroit de porte a la reduction de leurs ames en l'Eglise Catholique.

  A012003325 

 Le pays de Gex, qui avoisine Genève et fait partie de mon diocèse, a été soumis de nouveau à la domination du roi très chrétien: les serments, hommages et protestations de fidélité usités en pareil cas ont été rendus par les habitants.

  A012003355 

 Je ne doute point, cependant, que ce qui a été une fois trouvé bon par Sa Sainteté ne lui soit toujours agréable; c'est pourquoi, me voyant accablé sous le poids des années, et les occasions [431] de travailler en cette vigne se multipliant de plus en plus, je recours de nouveau à la bonté de Votre Seigneurie, afin qu'Elle daigne employer son saint zèle pour m'aider à triompher de la difficulté que crée la situation gênée dudit Prévôt; c'est la seule qui nous reste à surmonter.

  A012003355 

 Néanmoins, soit par le malheur de la guerre qui survint alors, soit encore parce que le Prévôt manque des ressources nécessaires, la concession de cette faveur est restée jusqu'ici sans effet.

  A012003356 

 C'est pourquoi j'espère aussi de la providence divine et de celle du Siège Apostolique qu'aucune difficulté humaine ne pourra entraver l'exécution de mon projet, surtout si Votre Seigneurie veut bien l'appuyer par un effet de sa charité et de sa débonnaireté accoutumées, qui seules m'encouragent à l'en supplier.

  A012003356 

 De mon côté, il est évident que, dans le choix d'un tel coadjuteur, je ne suis poussé par aucune vue personnelle, par aucune considération du sang ou de la parenté, ni par aucune sollicitation étrangère; mon seul et unique mobile, c'est le désir de la plus grande gloire de Dieu et du service de la sainte Eglise.

  A012003386 

 Ce pays, qui fait partie [433] de mon diocèse, a été jusqu'à présent occupé par les Genevois.

  A012003403 

 Et pour ce que tout cecy doit dependre du bon playsir de Vostre Altesse, je la supplie tres humblement d'en escrire au R. P. General de l'Ordre, a ce qu'il commande au Provincial de ceste Province de faire entrer quelques Peres audit college d'Annessi, ou par ce moyen ilz pourront suppleer au besoin que la retardation du college de ceste ville peut apporter, auquel, par apres, ilz pourront estre transferés lhors qu'il sera dressé..

  A012003419 

 Je voy qu'il est requis de faire la distribution des diesmes ecclesiastiques qui ont esté saysis au balliage de Galliard par vostre authorité, aux pasteurs qui y sont en charge; et par ce que monsieur de Rovinoz, juge du lieu, qui les a saysiz, desireroit avoir vostre commandement pour les lascher, je vous supplie de luy ordonner quil ayt a les delivrer ou faire delivrer entre les mains du sieur chanoyne Gottri, lequel j'y ay deputé œconome, comme de mesme la rente de Colonge sur l'abbaye de Bellerive et autres revenuz ecclesiastiques, affin que, comme je puys prouvoir de pasteurs aux peuples, je puysse aussy prouvoir d'entretenement aux pasteurs, l'un estant necessaire a l'autre..

  A012003437 

 Et par ce que je n'en puis esperer sinon ce que le Roy en ordonnera, je vous envoye ce chanoyne de mon Eglise pour apprendre de vous ce que je m'en dois promettre; dequoy je vous prie luy vouloir donner les advis pour me les apporter, et de trouver bonne l'ardeur de mon desir en un affaire qui me doit estre si recommandable, et au succes duquel j'auray l'un de mes plus chers contentemens, et Sa Sainteté encores, laquelle en attend de jour a autre les premieres nouvelles..

  A012003455 

 Je me suis essayé d'establir les eglises de Chablaix et Ternier et l'ay presque fait, Dieu merci, en la façon [440] de laquelle je donnay n'a guere advis a Vostre Altesse; n'en demeurant que trois pour l'establissement desquelles je n'ay encor peu treuver les moyens necessaires, et entre autres pour celle de Thonon, en laquelle Sa Sainteté m'avoit ordonné par son Brief que j'establisse huit præstres avec un curé, outre trois prædicateurs qui devoyent estre communs pour les deux balliages.

  A012003456 

 Attendu mesme qu'aussi bien sera-il requis de procurer vers Sa Sainteté quelque recompense pour la Milice de Saint Maurice, en contrechange des biens qui ont estés appliqués aux autres cures des balliages; si que, par mesme moyen et avec mesme facilité, on la pourroit obtenir pour ce reste de Filly..

  A012003457 

 Ce que je represente fort volontier a Vostre Altesse, dautant que comme ça esté par son soin et pieté que la reduction de ces peuples a receu son commencement et progres, aussi en doit elle recevoir son compliment et perfection.

  A012003471 

 J'avois des-ja amplement donné advis a Vostre Altesse de tout ce que j'avois fait en Chablais et Ternier pour l'establissement des cures, quandj'ay receu la lettre quil luy a pleu m'escrire, du... octobre, par voye du seigneur chevallier Bergeraz, par laquelle j'ay conneu que mon action avoit esté bien mal representee a Vostre Altesse, en ce qu'on luy a dit que j'avois procedé sans ouÿr les seigneurs de la Milice de Saint Maurice; car j'ay trop de bons et irreprochables tesmoins au contraire, qui m'ont veu ouïr fort au long toutes les raysons et allegations que ledit sieur Bergeraz a voulu advancer, comme procureur general de ladite Milice, et, avec luy encores, le sieur juge de Prez, conseil ordinaire d'icelle.

  A012003472 

 Sur quoy j'ay, par une mienne lettre, demandé tres humblement la bonté de Vostre Altesse a secours, affin quil luy pleut me permettre de prendre encor d'avantage sur lesdits benefices que j'ay espargnés, ou bien me donner les moyens d'y appliquer quelqu'autre revenu, ne treuvant aucun autre expedient pour eviter le scandale, [444] qui sera extremement grand si Thonon et les autres deux lieux demeurent destitués de curés..

  A012003473 

 J'ay bien voulu ainsy particulariser a Vostre Altesse ce que j'ay fait pour, par apres, la supplier en toute humilité, comme je fay, quil luy plaise ne point croire ceux qui luy parleront de moy au contraire de ce que je luy en escris.

  A012003489 

 J'espere neanmoins encor; et, par la bonté du commencement que je vois, je suis tousjours tant plus invité d'en desirer le progres et compliment, lequel aussi nostre Saint Pere me commande d'attendre de la justice, equité et zele de Vostre Majesté, comme je fay, plein d'asseurance que ceste main royale, qui ne sçait laisser aucun de ses ouvrages imparfait, ayant donné commencement au restablissement de la sainte religion en ce petit coin de mon diocese, qui a l'honneur d'estre une piece de vostre grand royaume, ne tardera point d'y apporter la perfection que le Saint Siege en attend, que son edit promet, et que je luy demande tres humblement, avec la faveur de sa grace; suppliant nostre Sauveur, pour la gloire duquel je presente ceste requeste, qu'il comble de benedictions le sceptre tres chrestien qu'il a mis en la main de Vostre Majesté, et, qu'apres le luy avoir maintenu longuement, il le fasse heureusement passer en celle de Monseigneur le Dauphin, pour l'appuy de l'Eglise et religion catholique, qui est tout le bien qu'apres l'eternelle felicite peut souhaitter pour Vostre Majesté,.

  A012003489 

 Sur le bon playsir de Vostre Majesté, qu'elle me delaira par sa lettre, j'ay esté en son balliage de Gex, [445] et y ay establi des ecclesiastiques pour l'exercice de la sainte religion catholique es lieux que M. le baron de Lux m'a assigné, qui ne sont que trois en nombre; beaucoup moins, a la verité, que je n'avois conceu en mon esperance, laquelle, portee de la grandeur de la pieté qui reluit en la couronne de Vostre Majesté, n'aspiroit a rien moins qu'au tout.

  A012003515 

 Il reste encore dans le diocèse de Genève beaucoup d'hérétiques et quelques relaps; ceux-ci, subissant la pression de la force armée au cours des dernières guerres, ont fait profession de la foi catholique, et ensuite, violentés par une pression contraire, sont retombés dans l'hérésie.

  A012003515 

 On espère la conversion de tous, moyennant la grâce divine, par le ministère des prédicateurs.

  A012003517 

 Or, comme par la divine miséricorde, le nombre de ces personnes augmente, on ne sait comment pourvoir à leur entretien.

  A012003517 

 Parmi les milliers de personnes qui, par la bonté de Dieu notre Seigneur, se sont converties et soumises à la sainte Eglise cette année dernière aux environs ou sur les confins du territoire de Genève, bon nombre ont été, par suite de leur conversion, dépouillées de tous leurs biens: les unes, parce qu'elles sont sorties de Genève ou de quelque autre ville; et d'autres, parce qu'elles trouvaient dans leur commerce avec les Genevois la majeure partie des ressources nécessaires à cette misérable vie temporelle.

  A012003518 

 L'un des nouveaux convertis, gentilhomme distingué, poussé par une véritable compassion envers ceux qui, touchés de l'Esprit-Saint, embrassent la sainte foi, a donné huit mille écus d'aumône; quelques autres personnes ont fait de petites offrandes proportionnées à leurs ressources.

  A012003518 

 Mais un tel projet, suggéré et inspiré par la charité, ne peut aboutir sans une grande charité; car il est impossible d'établir cet hospice autrement que par des aumônes ou par l'application de quelques revenus ecclésiastiques.

  A012003541 

 Quant à l'application des bénéfices à l'entretien des pasteurs des paroisses revenues à la vraie foi: Que les biens des cures sont en partie aliénés de par l'autorité apostolique, et en partie ruinés et [451] abandonnés par suite du peu de soin qu'en ont eu les possesseurs; partant ils ne suffiraient en aucune manière à l'entretien des susdits pasteurs.

  A012003543 

 Quant à la dispense sollicitée par les chanoines de Genève pour avoir une église paroissiale: Qu'ils pourront desservir ces églises de temps en temps; que ce privilège leur a été concédé par d'autres Pontifes en semblable occasion; que si on le leur refuse il faudra les dispenser du statut établi et confirmé par le Pape Martin (à la teneur de ce statut, ils ne peuvent admettre dans leur Chapitre personne qui ne soit noble ex utroque parente, ou docteur); ou bien il faudra pourvoir convenablement à leur entretien d'une autre manière, jusqu'à ce que l'on recouvre les revenus usurpés par les hérétiques.

  A012003603 

 Nous avons veu par vostre lettre du septiesme du present, la devotion que ce peuple a monstré en ce qui est de sa nouvelle conversion; ce qui Nous a appourté un singulier contentement, comme aussy l'esperance que vous avez que le reste en fera de mesme, en quoy Nous nous asseurons que vous vous employerez avec la mesme affection et pieté qu'avez faict par cy devant, avec tant de louange et satisfaction nostre.

  A012003604 

 Quant a l'establissement de la Maison de vertu ou Refuge de Thonon, mise en avant par le Pere Cherubin a Romme, vous en traicterez avec ledict President, et par ensemble avec ledict Evesque, vous adviserez de ce qui est necessaire que faisions pour icelle; et Nous en envoyerez les memoires pour, sur icelles, y faire les dheues considerations et y prendre la resolution que verrons estre convenable..

  A012003619 

 Cecy je dis a l'occasion de quelques mauvaises relations qu'ont esté faictes a Sa Sainteté, qu'ont besoin de vostre soustien par le moyen d'une bien ample attestation qu'il faut que vous Nous envoyez de l'estat auquel vous avez veu vostre diocese auparavant les guerres en ce que concerne le spirituel; mais particullierement en combien d'endroictz l'on y frequentoit l'exercice de la religion pretendue reformee, et par combien de ministres elle y estoit divulguee et maintenue, et si des le commencement des guerres, l'on y a remis les cures et planté heureusement la religion Catholique et Apostolique, Romaine, et abolly ledict exercice de pretendue religion jusques sur les portes de Geneve ou, par tous les lieux, l'on celebre la sainte Messe.

  A012003619 

 Parce que les bonnes œuvres sont tousjours contrepesees par sinistres relations, et que bien souvent les publiques mesmes ont besoin d'appui particulier pour les soustenir et deffendre, aussy est il necessaire que, pour les balancer au poix de la raison, l'on y prenne les expedientz plus necessaires.

  A012003868 

 Je suis honteux d'avoir esté si long temps a vous respondre; je desirois satisfaire a vostre memoire affin de vous en donner advis par mesme moien.

  A012003868 

 Que si vous estimez que par cette voie il se puisse quelque chose davantage, commandez moy librement, comme vous pouvez, faisant estat, Monsieur, que je confesse de ne devoir point tant a homme du monde qu'a vous, l'obligation que je vous ay estant infinie par les bons offices que vous me rendez d'un bien quy n'a point de fin.

  A012003870 

 Je les lirey soigneusement et comme par vostre advis, vous suppliant neantmoins, Monsieur, me departir tousjours de voz bons discours et instructions par les vostres, que je prise et cheris par dessus tout, et ou je trouve plus d'ediffication qu'en livre quelconque, comme venant de personne que je tiens pour un digne exemple a tous ceux quy ont charge en cet estat..

  A012003889 

 Je ne vous direy pas combien je m'en tiendrey vostre obligé, quy vous suis desja tout acquis, et suis entierement a vous par tant d'occasions que je desespere de vous en pouvoir jamais assez donner de recognoissance; vous suppliant neantmoins de croire qu'il ne se descouvrira aulcun endroict de le pouvoir faire que vous ne me voiez efforcer en mon debvoir..

  A012003903 

 Nous jugeons des intentions d'autruy par les nostres; ainsi, cherissant voz merites d'une si particuliere inclination, je dois croire que si le sujet manque de mon costé pour vous convier a ce mesme desir, ne pouvant m'aymer pour l'amour de moy, du moins vous m'aymerez par ce que je vous honore et que je vous ayme.

  A012003919 

 C'est quil vous plaise, Monsieur, nous faire cest honneur qu'en l'Advent et Caresme prochain nous soyons instruictz par vos sainctes et doctes predications.

  A012003919 

 Ce vous sera beaucoup d'incommodité, voires aultant qu'a nous de bon heur de vous avoir; touteffois, tascherons par tous les moiens a nous possibles de vous en reverer..

  A012003919 

 La reputation qu'aves acquise par tout, et mesme en ces quartiers, du zele et affection qu'aves a l'honneur et service de Dieu et a procurer de tout vostre pouvoir l'advancement de son Eglise Catholicque, Nous a faict prandre la hardiesse de vous faire une priere aultant pleine d'affection que d'assurance que l'on nous a donné de la pouvoir obtenir et de n'en estre esconduictz.

  A012003923 

 Par ordre:.

  A012003933 

 Je me resjoüys infiniment avec vous de l'advenement de Vostre Reverendissime Seigneurie en l'Evesché titulaire de Nicopoli, et beaucoup plus en l'ample et grande evesché de Geneve, comme serviteur tres humble et tres ancien que je lui suis, mesme des nos estudes de Paris, et, pour mieux dire, des le berceau; me resjouyssant d'ailleurs du bien et bon heur que, par ce moyen, arrive a voz diocezes.

  A012003934 

 Attendant doncques l'honneur de voz commandementz, je supplie tres humblement Vostre Reverendissime Seigneurie qu'il luy plaise s'acheminer bien tost par deça pour donner ordre aux affaires de ceste Saincte Maison erigee en ce lieu, et notamment pour l'ouverture de l'Université, qu'il convient faire ce mois en ceste ville et ensuivant le tres expres commandement que j'en ay de Son Altesse.

  A012003934 

 Ce n'est pour user d'aucune flatterie, ains seulement pour vous tesmoigner par ces presentes, continuation du tres humble service et obeissance que j'ay voué a Vostre Reverendissime Seigneurie, comme aussy pour ne me perdre et esgarer en l'haute mer de vos louanges.

  A012003934 

 De quoy il m'a semblé estre expedient en advertir Vostre Reverendissime Seigneurie, a ce qu'il luy plaise favoriser ceste œuvre, et ce faisant permettre a Monsieur Grandis, a Monsieur Theodore, a Monsieur Chevallier et autres qu'il vous plaira (nommement le Reverend Pere Fourrier), qui sont de bonne volonté, moyennant vostre licence [481] ayants a ces fins esté assemblez pour pouvoir resider du moins la plus part de la sepmaine icy, et vacquer pour ce commencement aux lectures qui leur seront ordonneez; vous asseurant que, ce faisant, outre le merite que Vostre Reverendissime Seigneurie acquiert, et le bien qui en arrivera a ce pays et a tout l'estat de Monseigneur et a la voisinance, principalement pour la conversion des heretiques que Son Altesse aura tres aggreable, ainsy que je peux remarquer par les lettres qu'elle me faict, et comme j'estime, aydant Dieu, vous dire lors que j'auray ceste faveur recevoir vostre sainte benediction, comme aussy plusieurs autres choses sur ce subjet..


13-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIII-Vol.3-Lettres.html
  A013000016 

 — De qui faut-il l'obtenir et par quelle prière.

  A013000032 

 A qui revient la bénédiction des cloches; délégation générale et pouvoir de déléguer par l'Abbé d'Abondance, en des cas semblables.

  A013000033 

 Grâce inestimable pour une âme que Dieu a faite toute sienne: en garder la souvenance par la célébration du jour anniversaire.

  A013000054 

 — Remplacer les Heures par de brèves aspirations.

  A013000099 

 Conseils variés à une personne du monde: servir Dieu par les exercices de sa vocation et par l'accomplissement des devoirs d'état.

  A013000109 

 Pauvreté du prieuré de Bellevaux attestée par le Saint 141.

  A013000113 

 Pour bien implanter la réforme, il faut commencer par de petites règles.

  A013000114 

 Le Saint ne pourvoit aux cures que par la voie du concours. 146.

  A013000127 

 Lettre de créance pour les députés envoyés à Turin par l'Evèque et le clergé du diocèse de Genève. 157.

  A013000190 

 Minutes écrites par Saint François de Sales pour d'autres personnes.

  A013000193 

 Dévouement du Saint pour le service spirituel de la Baronne, suggéré par Notre-Seigneur.

  A013000195 

 Lettres adressées a Saint François de Sales par quelques correspondants.

  A013000215 

 Notre prédécesseur vénéré, M gr Isoard, voyait dans cette publication un de ces évènements providentiels par lesquels Dieu se plaît, au temps marqué par ses décrets, à glorifier ses Saints.

  A013000216 

 Il n'hésitait pas à entreprendre de lointains voyages pour rechercher en quelque coin ignoré de bibliothèque, une lettre, un écrit quelconque du Saint, et il prolongeait volontiers ses veilles, qu'il consacrait à coordonner les textes et à établir les sources des citations par des références très laborieusement notées..

  A013000218 

 C'est une œuvre inspirée par le cœur; c'est une tâche entreprise par la piété filiale, que les difficultés présentes ne troublent pas, que les craintes de l'avenir ne découragent jamais..

  A013000222 

 Par ses études antérieures appliquées à ces diverses matières, le P. Navatel était tout préparé à diriger la continuation du travail.

  A013000223 

 S'il a réussi à saisir la physionomie morale du Saint, on en jugera par l'Avant-Propos, où il expose avec un grand art toute la richesse et l'originalité du présent volume..

  A013000225 

 Le temps présent n'offre-t-il pas quelque analogie avec cette époque lointaine qui fut si agitée, et, par suite, cette Edition des Lettres de saint François de Sales n'est-elle pas vraiment opportune? Les âmes, enfiévrées et lasses de l'agitation des événements, trouveront dans cette lecture le repos, la quiétude de l'esprit, avec les saines pensées qui adoucissent les blessures du cœur et amènent par degrés, l'homme vers son Dieu, le souverain pacificateur..

  A013000235 

 Cette dispersion lamentable a nui par ses contre-coups à la célérité du travail, mais sans porter d'ailleurs la moindre atteinte aux soins, à l'exactitude critique qu'il réclame..

  A013000241 

 Ce sont les monastères d'hommes en Savoie qui se réforment; les tièdes et les récalcitrants se voient remplacés par des Ordres nouveaux.

  A013000242 

 De toutes parts enfin circule une ardeur généreuse pour réparer les brèches faites aux murailles de la cité chrétienne par les assauts des novateurs..

  A013000244 

 Les conversions se multiplient dans les foyers les plus contaminés par l'hérésie, et plus d'un père de famille donne à sa maison l'allure d'un monastère..

  A013000247 

 Ce mouvement de ferveur fut en grande partie provoqué et soutenu par la correspondance de saint François de Sales.

  A013000250 

 Bien des figures ne font que passer dans cette correspondance, qu'on voudrait revoir; d'autres reviennent souvent et finissent par nous devenir familières.

  A013000254 

 Esprit peu compréhensif, dévotieuse plutôt que dévote, pleine de stériles désirs, exagérant le but, puis découragée de ne pas l'atteindre, cette âme, par l'ensemble de ses aspirations et de ses défauts, ne représenterait-elle pas les tendances et l'idéal de beaucoup de femmes du monde? C'est donc à ces dernières que conviennent les lettres envoyées à la Présidente..

  A013000255 

 Les plus scrupuleuses verront par l'exemple d'une femme qui « est arrivee bien haut, » jusqu'où peut aller la condescendance d'une épouse chrétienne..

  A013000256 

 D'une vie négligente, prise par la mondanité, elle passa à une vie ordonnée et toute chrétienne.

  A013000258 

 Il semble qu'à cette vaillante Philothée les étapes intermédiaires furent épargnées; saint François de Sales prenait plaisir à former cette conscience virile et à la mener par des enseignements progressifs aux joies austères de la vraie dévotion.

  A013000260 

 Mais leurs intéressantes et fines analyses ont été trop souvent gâtées par des préjugés ridicules.

  A013000264 

 Et la volonté de Dieu pour le Saint, si partisan, comme on sait, du positif et du réel, ce n'est ni le désir capricieux du moment, ni le sentiment d'une commotion intérieure: c'est la volonté de Dieu notifiée par ses commandements, ou manifestée par les devoirs de notre vocation.

  A013000267 

 Un autre jour, elle est troublée par des peines d'esprit fort douloureuses.

  A013000267 

 » Est-ce que de telles paroles sont inspirées par la molle complaisance d'un fade attendrissement? Dans le retranchement des vaines consolations, le Saint va plus loin encore; sachant que toute douleur se soulage à être racontée, il n'hésite pas à lui déconseiller [XVI] même cette innocente consolation: « Vous feres bien de regarder simplement Nostre Seigneur... sans vous amuser a considerer vostre mal, non pas mesme pour me le dire.

  A013000271 

 A son école, l'âme apprendrait à se connaître, à se retourner sur elle-même, à régler sa vie intime et extérieure, mais elle ne songerait pas, comme de nos jours, à s'épanouir au dehors par les œuvres de charité.

  A013000273 

 Pour toutes les misères du corps et de l'âme, des instituts surgissent; mais qui les fonde? De grandes chrétiennes, la plupart admiratrices du saint Evêque de Genève, formées à la piété par ses écrits, ou même encouragées par les exemples de la baronne de Chantal devenue à son tour fondatrice, et laissant à ses filles son esprit de charité active et bienfaisante..

  A013000277 

 C'est tantôt l'accueil enthousiaste d'une petite ville qui s'illumine la nuit pour fêter son arrivée, tantôt c'est l'effroyable masse des montagnes glacées qui le saisit d'admiration; mais dans la plaine, au fond des vallées, il trouve toujours son Dieu; il le rencontre chéri et adoré sur les plus hauts sommets par les âmes simples, et même, comme le Patriarche Séraphique, il a su entendre les louanges que lui donnent les chevreuils et les chamois.

  A013000278 

 Sous sa plume, les scènes de l'Evangile méditées par manière de contemplation, sous l'inspiration évidente des Exercices de saint Ignace, deviennent des tableaux dignes de la grâce et de la gentillesse d'un Pérugin..

  A013000280 

 » Il faut le voir se divertissant des masques avec les enfants de son catéchisme, devant une assistance qui le « convioit par son applaudissement a continuer de faire l'enfant avec les enfans.

  A013000285 

 Par un rare bonheur, la fantaisie et le bon sens, la raison et la poésie, qui d'ordinaire s'excluent dans les œuvres de l'esprit, se pondèrent et s'unissent ici sans effort.

  A013000288 

 Il lui prêche sur un ton de conviction émue la résignation au bon vouloir de Dieu, mais une résignation entière, « sans reserve, sans si, « sans mais... en tout et par tout.

  A013000302 

 Les Editeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui précèdent chaque pièce; l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original, ou qu'elles sont authentiques, quoique fournies par les textes imprimés.

  A013000304 

 Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italique des mots qui la précèdent immédiatement au texte; la fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi.

  A013000306 

 Toutes les notes concernant le clergé de l'ancien diocèse de Genève sont tirées des Registres de l'époque, conservés à l'Evêché d'Annecy; elles sont désignées par les deux initiales R. E..

  A013000327 

 Frere Jean m'a treuvé au sortir d'une fievre continue, de laquelle les effetz ne me permettent en cor de vous escrire que par la main d'autruy, combien que je vous salue et souhaitte mille benedictions du propre fons de mon cœur.

  A013000327 

 Je n'ay pas voulu confier voz petitz livretz a ce porteur, lequel, s'acheminant fort lentement et passant par Chalon et autres lieux, auroit peu les esgarer; je m'imagine aussi que vous n'en estes pas beaucoup necessiteuse..

  A013000328 

 Je n'escris qu'a vous par ce que c'est un exercice qui m'est encor defendu; et je crois que vous me feres ce bien que de saluer tout le reste de ceux et celles qui m'ayment en Nostre Seigneur, puisque je vous en supplie bien humblement.

  A013000346 

 Je vous escrivis dernierement par Frere Jehan et n'ay jamais laissé escouler aucune commodité de vous envoyer de mes nouvelles que je ne l'aye embrassee.

  A013000346 

 Si vous m'eussiez nommé la voye par laquelle vous me l'envoyes, je me fusse essayé de la recouvrer.

  A013000348 

 Ny il ne fust pas loisible de s'enquerir pourquoy Dieu leur faisoit prendre tant de detours et les conduisoit par des chemins si aspres; et tous ceux qui en murmurerent moururent avant l'arrivee.

  A013000349 

 Aussy bande-on [5] les yeux a ceux sur lesquels on veut faire quelque grand coup par le fer.

  A013000349 

 Que nous doyt il chaloir si c'est par le desert ou par les champs que nous allons, pourveu que Dieu soyt avecq nous et que nous allions en Paradis? Croyez moy, je vous prie, trompez le plus que vous pourrez vostre mal, et si vous le sentez, au moings ne le regardez pas; car la veüe vous en donnera plus d'apprehension que le sentiment ne vous donnera de douleur.

  A013000350 

 Il est vray quil est un petit long par ce que la matiere le requiert, mais patience..

  A013000353 

 Que donques, hardiment et courageusement, elle se descharge pour ce regard avecq une grande humilité et [7] mespris de soy mesme, sans avoir crainte de faire voir sa misere a celuy par l'entremise duquel Dieu la veut guerir.

  A013000354 

 Je crains qu'elle ne s'engage plus avant et que, par appres, il ne soit malaysé de la reduire a l'indifference avec laquelle il faut ouyr les conseils de Dieu.

  A013000356 

 Je ne veux pas respondre a vostre derniere lettre par le menu, sinon en certains pointz qui me semblent plus pressans.

  A013000357 

 C'est le diable qui va par tout autour de nostre esprit, furetant et brouillant, pour voir s'il pourroit treuver quelque porte ouverte.

  A013000357 

 Sçaves vous comment Dieu fait en cela? Il permet que le malin forgeron de semblables besoignes les nous vienne presenter a vendre, affin que, par le mespris que nous en ferons, nous puissions tesmoigner nostre affection aux choses divines.

  A013000358 

 Et ne me dites pas qu'il vous semble que vous le dites avec lascheté, sans force ni courage, mais comme par une violence que vous vous faites.

  A013000358 

 Voyés vous, ma Fille, mon ame, c'est signe que tout est pris et que l'ennemy a tout gaigné en nostre forteresse, hormis le donjon imprenable, indomptable et qui ne peut se perdre que par soy mesme.

  A013000359 

 En fin notés cecy: pendant que la tentation vous desplaira, il n'y a rien a craindre; car, pourquoy vous desplait elle, sinon par ce que vous ne la voules pas?.

  A013000360 

 Au demeurant, ces tentations si importunes viennent de la malice du diable; mais la peyne et souffrance que nous en ressentons vient de la misericorde de Dieu, qui, [10] contre la volonté de son ennemy, tire de la malice d'iceluy la sainte tribulation par laquelle il affine l'or qu'il veut mettre en ses thresors.

  A013000376 

 J'eusse egalement desiré de pouvoir vous visiter tous les jours par mes lettres et d'estre visité par les vostres, pour participer au bien et au mal que Dieu a mis en vous depuis l'ouverture de vostre jambe.

  A013000376 

 Mais sçavez vous ce que j'ay pensé? L'Escripture dit que la porte du Royaume des cieux, c'est a dire du service et de l'amour de Dieu, n'est autre chose que la tribulation; et la dessus j'ay dit a moy mesme que vrayement Dieu vous avoit choisie pour estre fille de son royaume, puysque a ce commencement de vos resolutions il vous avoit fait passer par la porte ordinaire et plus certaine..

  A013000378 

 Mais affin de combler ma joye, faites moy ce bien, je vous prie, de me faire escrire par quelqu'une de vos plus confidentes du succez de vostre maladye, de laquelle monsieur vostre pere m'escript, mais en gros.

  A013000380 

 Les medecins m'ont tant crié de ne point escrire sitost apres ma maladie que, pour obeir, je vous ay escrit par la main d'autruy.

  A013000413 

 Et communiant au jour auquel je sçavois que vous en faysies de mesme, je logeois par desir ce beni Hoste en cette place et chez vous et chez moy..

  A013000414 

 Dieu soit en tout et par tout beni, et veuille se saysir de nos cœurs es siecles des siecles.

  A013000425 

 Je seray plus court a vous respondre que je ne desirerois, par ce que j'ay moins de loysir et plus d'empeschemens que je ne pensois.

  A013000427 

 Il faut donq avoir patience, et ne penser pas de nous pouvoir guerir en un jour de tant de mauvaises habitudes que nous avons contractees par le peu de soin que nous avons eu de nostre santé spirituelle.

  A013000427 

 Mais aussi, le mesme Dieu a laissé en plusieurs de ses chers disciples, beaucoup de marques de leurs mauvaises inclinations quelque tems apres leur conversion, et le tout pour leur plus grand proffit: tesmoin le bienheureux saint Pierre, qui despuis la premiere vocation choppa plusieurs fois en des imperfections, et s'abattit tout a fait et fort miserablement une fois par la negation..

  A013000430 

 Les arbres ne fructifient que par la presence du soleil, les uns plus tost et les autres plus tard, les uns toutes les annees et les autres de trois en trois, et non pas tous-jours esgalement.

  A013000430 

 Nous sommes bien heureux de pouvoir demeurer en la presence de Dieu, et contentons nous qu'elle nous fera porter nostre fruit ou tost ou tard, ou tous les jours ou par fois, selon son bon playsir auquel nous devons pleynement nous resigner..

  A013000431 

 La Mere Therese que vous aymes tant, dont je me res-jouys, dit en quelque endroit que bien souvent nous disons de telles paroles par habitude et certaine legere apprehension, et nous est advis que nous les disons du fond de l'ame, bien qu'il n'en soit rien, comme nous descouvrons par apres en la prattique.

  A013000434 

 Mais, Madame, il faut que je confesse la verité: je crains perpetuellement, en ces desirs qui ne sont pas de l'essence de nostre salut et perfection, qu'il ne s'y mesle quelque suggestion de l'amour propre et de nostre propre volonté; comme, par exemple, que nous nous amusions tant a ces desirs qui ne nous sont pas necessaires, que nous ne laissions pas asses de place en nostre esprit pour les desirs, qui nous sont plus requis et plus utiles, de nostre propre humilité, resignation, douceur de cœur et semblables; ou bien, que [21] nous ayons tant d'ardeur en ces desirs, qu'ilz nous apportent de l'inquietude et de l'empressement, et en fin, que nous ne les sousmettions pas si parfaittement au vouloir de Dieu qu'il seroit expedient..

  A013000435 

 Il faut donques, et par exemples et par paroles, semer parmi eux tout bellement des choses qui les puissent induire a vostre dessein, et, sans faire semblant de les vouloir instruire ou gaigner, jetter petit a petit des saintes inspirations et cogitations dedans leur esprit.

  A013000458 

 Je ne sçaurois jamais vous oublier en ces foibles prieres que je fay, estant par tant de raysons, d'une affection filiale, Madamoyselle,.

  A013000473 

 Acceptés mille fois le jour cette croix, et la baysés de bon cœur pour l'amour de Celuy qui vous l'envoye; c'est sans doute qu'il vous l'envoye par amour et comme un riche present.

  A013000474 

 Et pourquoy, je vous prie, plustost la qu'ailleurs, sinon parce qu'ailleurs elles demeurent dedans l'ame et la elles sortent dehors? L'agitation de la mer esmeut tellement toutes les humeurs, que ceux qui entrent sur icelle pensans n'en avoir point, ayant un peu vogué, connoissent bien qu'ilz en sont pleins, par les convulsions et vomissemens que ce bransle desreglé leur excite.

  A013000475 

 Se faut il laisser emporter au courant et a la tourmente? Laissés enrager l'ennemy a la porte: qu'il heurte, qu'il bucque, qu'il crie, qu'il hurle et face du pis qu'il pourra; nous sommes asseurés qu'il ne sçauroit entrer en nostre ame que par la porte de nostre consentement.

  A013000476 

 C'est par inspiration divine que vous m'interroges de la paix de l'ame et de l'humilité ensemblement; car c'est bien la verité que l'une ne peut estre sans l'autre..

  A013000478 

 Que veut dire que s'il nous arrive quelque imperfection ou peché nous sommes estonnés, troublés et impatiens? Sans doute, c'est que nous pensions estre quelque chose de bon, resolu et solide; et partant, quand nous voyons par effect qu'il n'en est rien et nous avons donné du nez en terre, nous sommes trompés, et par consequent troublés, offensés et inquietés.

  A013000479 

 Et sachés, ma chere Fille, que Nostre Seigneur est appellé Prince de paix en l'Escriture, et que partant, par tout ou il est maistre absolu, il tient tout en paix.

  A013000481 

 La premiere, c'est que bien souvent nous estimons avoir perdu la paix par ce que nous sommes en amertume, et neanmoins nous ne l'avons pas perdue pourtant; ce que nous connoissons, si pour l'amertume nous ne laissons pas de renoncer a nous mesme et vouloir du tout dependre du bon playsir de Dieu, et nous ne laissons pas pour cela d'executer la charge en laquelle nous sommes.

  A013000482 

 Il faut en tout et par tout vivre paysiblement.

  A013000484 

 L'humilité fait que nous ne nous troublons de nos imperfections, nous resouvenans de celles d'autruy; car pourquoy serions nous plus parfaitz que les autres? et, tout de mesme, que nous ne nous troublons point de celles d'autruy, nous resouvenans des nostres; car pourquoy treuverons nous estrange que les autres ayent des imperfections, puisque nous en avons bien? L'humilité rend nostre cœur doux a l'endroit des parfaitz et imparfaitz: a l'endroit de ceux la par reverence, a l'endroit de ceux ci par compassion.

  A013000485 

 Obeysses bien aux medecins, et quand ilz vous defendront quelque exercice, ou de jeusne, ou d'orayson mentale, vocale, ou mesme l'Office, horsmis la jaculatoire, je vous prie tant que je puis, et par le respect et par l'amour que vous me voules porter, d'estre fort obeissante, car Dieu l'a ainsy ordonné.

  A013000486 

 Ma chere Fille, vous m'escrives que vous estes par tout la cadette; mays vous vous trompés, les fruitz que j'espere de vous estans plus grans que de nulle autre.

  A013000487 

 Mays avec cela, je vous prie de faire en sorte que cet autre bon Pere qui a desiré de vous ayder ne puisse pas reconnoistre que vous ne le goustes pas, par ce qu'a l'advenir il sera utile pour estre employé a l'œuvre que vous et moy desirons, pour obtenir quelque chose du Saint Pere..

  A013000489 

 Quant a cet autre bon Pere, j'appreuve que vous l'oyes et l'escouties, et qu'encores vous vous prevalies de ses conseilz en les executant; mais non en ce qu'ilz se treuveront contraires aux projetz que nous avons faitz de suivre en tout et par tout l'esprit de suavité et de douceur, et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur.

  A013000504 

 Que vous m'obliges a vous rendre une vraye et entiere obeissance filiale par la faveur qu'il vous plaist me faire en m'escrivant si souvent et de vostre santé et de l'estat des affaires de madame l'Abbesse, ma tres chere Seur! Rien sans doute ne me peut donner plus de consolation que de me voir vivre en vostre souvenance et bonne grace, et de vous estre aggreable au desir que j'ay de servir cette Seur en tous ses vertueux desseins, pour la poursuitte desquelz j'appreuve bien qu'elle ne change pas le chemin que je luy ay proposé, qu'avec beaucoup de consideration.

  A013000520 

 Vous m'aves infiniment consolé a m'escrire si souvent comme vous aves fait; de mon costé, je n'ay jamais manqué de vous escrire par toutes les commodités qui s'en sont presentees.

  A013000522 

 J'ay escrit asses amplement a M. [Viardot,] a qui j'avois jetté beaucoup de mon amitié estant par dela.

  A013000539 

 Le lieu que je vous marqueray, c'est chez ma mere a Thorens, par ce qu'en cette ville je ne sçaurois promettre un seul moment de mon tems.

  A013000540 

 Sil vous arrivoit quelqu'incommodité pour laquelle il falust differer vostre venue, vous n'aures pas pour cela besoin de m'advertir par homme expres, mais seulement par la premiere commodité, puisque, passé ce tems-la, je seray a la visite et ne m'arresteray nulle part jusques a Nostre Dame de septembre que je seray icy quinze jours seulement: si que, entre ci et la, vous auries asses de loysir de m'advertir.

  A013000561 

 Il sera requis que tout de mesme, sur chacun d'iceux, on prenne des portions congrues pour les curés, affin que le service pour lequel les biens furent mis en l'Eglise, ne soit pas du tout delaissé; et si en ce commencement cela ne se fait, il sera par apres malaysé de le faire, d'autant que la douceur de la possession rendra les commendeurs difficiles a lascher..

  A013000563 

 Je ne sçai, Monsieur, si je doy plus rien esperer pour le college de cette ville, qui a tant besoin des Peres Jesuites, mays je sçai bien que n'en puis rien esperer [44] que par l'assistence de vostre charité, la grandeur delaquelle me promet qu'elle me pardonnera si je vous donne tant et si souvent de l'importunité..

  A013000590 

 La mere, au contraire, les esleve, par ce que c'est sur ceux de son Poupon.

  A013000590 

 Voyés la fille, comme elle tient les yeux baissés: c'est par ce qu'elle ne peut regarder ceux de l'Enfant.

  A013000592 

 Et si vous y prenes bien garde, il tient un monde en ses mains, lequel il destourne doucement a gauche, par ce qu'il sçait bien qu'il n'est pas propre aux vefves; mais de l'autre main il luy presente sa sainte benediction..

  A013000593 

 Hé, que je le desire, ma Fille! Ce souhait est respandu tout par tout en mon ame, ou il residera eternellement..

  A013000604 

 C'est sans doute que, de droit ordinaire, la benediction des cloches, come (sic) de toutes autres choses qui sont beneistes avec le cresme, ne peut estre faite que par l'Evesque, ou soit que telle benediction procede de l'Ordre episcopal, ou, come je crois plustost, qu'elle soit reservee pour la dignité.

  A013000604 

 Neantmoins, par tout deça les monts, ou les dioceses sont extremement grandes et embroulliees, la coustume porte que les Evesques puissent deputer digniorem sacerdotem; com'il est expressement declairé in Institutione Parrochorum Petri de Villars, Metropolitani nostri, a l'authorité duquel [48] je m'arreste non seulement par ce qu'il est nostre superieur, mais par ce quil est tres-docte et grand personnage.

  A013000625 

 Je veux, ma Fille, que nous celebrions toutes les annees les jours anniversaires de ceux ci, par l'addition de quelques particuliers exercices a ceux qui nous sont ordinaires.

  A013000639 

 Ne regardés nullement a la substance des choses que vous feres, mais a l'honneur qu'elles ont, toutes chetifves qu'elles sont, d'estre voulues de sa volonté divine, ordonnees par sa providence, disposees par sa sagesse.

  A013000640 

 On se mocqua du peintre qui, voulant peindre un cheval, fit un taureau excellemment bien fait: l'ouvrage estoit beau en soy, mais peu honnorable a l'ouvrier, qui avoit autre dessein et n'avoit bien fait que par hasard.

  A013000682 

 Je suis homme sans ceremonie, et vous cheris et honnore de tout mon cœur pour plusieurs raysons, mais sur tout par [59] ce que j'espere que Nostre Seigneur vous veut avoir pour toute sienne.

  A013000700 

 Je vous escrivis la lettre precedente, sur l'asseurance que j'avois au voyage d'un Pere Cordelier, lequel n'a [60] pas reusci, et elle m'est demeuree, en attendant de jour a autre, jusques a l'arrivee de la vostre, receu (sic) par l'homme de ma mere; en response a laquelle, permettes moy, je veux dire, ayes aggreable que je vous parle en vray pere..

  A013000703 

 Je m'attendois a sçavoir par vostre lettre, ou vostre inclination vous portoit pour la confession; c'est a dire, si vous receviés pas a plein cœur les advis de monsieur Viardot, si vous y avies pas de la confiance.

  A013000703 

 Ledit sieur Viardot m'en a esclarci, m'escrivant que, par une lettre, vous l'y avies invité, dont je suis bien ayse; et, suivant cela, je luy escris asses au long de ce que j'ay pensé propre pour vostre Mayson..

  A013000704 

 La patience vous est requise, par ce que vous y aures mille petitz degoustz; mais il ni a remede, c'est la gloire de Dieu.

  A013000721 

 Il y a un monsieur Viardot a Dijon, qu'elle gouste; il sera fort bon quil y face quelques voyages, et mesme par ce qu'il sera fort content de prendre mes advis.

  A013000735 

 Je vous escriray dans peu de jours par le Gardien des Cordeliers d'Aoustun qui doit venir a Lion au jour de saint Bonaventure; je luy envoyeray mes lettres pour les vous faire tenir..

  A013000765 

 Puisque le conte que mes freres vous ont envoyé se treuve bon au fons, je vous supplie avec toute mon affection de donner ordre au payement de ce qui reste, ou par quelque bonn'assignation ou autrement.

  A013000765 

 Vous termineres par ce moyen les importunités que vous recevés de nostre sollicitation et les incommodités que nous recevons de la retardation du payement, et vous nous obligeres encor de plus fort a vostre service, sur tout moy qui, priant Nostre Seigneur pour vous, me prometz un'entiere asseurance de vostre amitié et suis, Monsieur,.

  A013000780 

 Vous me demandies comme je voulois que vous fissies a l'entreveuë de celuy qui tua monsieur vostre mary; je respons par ordre..

  A013000792 

 Debeo et mihi, qui mirificam illam Tuam benignitatem jampridem sum expertus, dum Tu, Beatissime Pater, in ultimo illo et ad Pontificatum proximo Cardinalatus gradu tantisper hæreres, et ego hujus Ecclesiæ Præpositus negotium de ecclesiis, hæreticorum longissima occupatione dirutis, Catholicorum usui restituendis, apud [71] Sanctam Sedem tractarem, nuntiumque gratissimum deferrem de multis hominum millibus ad Christi caulas nuperrime reductis; ut me nunc propitium habiturum Pontificem et Patrem sperare par sit, quem tam beneficum jam inde nactus sum Cardinalem..

  A013000802 

 Alors, Très Saint Père, vous étiez par le cardinalat, tout proche de la dignité pontificale, tandis que moi-même, en qualité de Prévôt de cette Eglise, je négociais auprès du Saint-Siège; il s'agissait de faire restituer au culte catholique les églises que les hérétiques, à la suite d'une très longue occupation, avaient ruinées.

  A013000802 

 Et ce témoignage de ma joie, tout d'abord, je le dois à la Chaire Apostolique que je félicite d'être occupée [70] par un si grand Pape.

  A013000812 

 Je suis icy parmi mille traverses et tout plein d'impuissances a l'execution de ma charge, mais neanmoins consolé par Nostre Seigneur de plusieurs conversions d'heretiques, et nommement des bourgeois de Geneve qui, par un mouvement extraordinaire, sortent a la file de [73] l'heresie pour entrer en la sainte Eglise; mays tous presque de jeunes gens, comme si c'estoit un essaim qui cherchast une meilleure ruche....

  A013000851 

 Mais je ne lairray pas de vous supplier, Monsieur, de faire appeller par devant vous le sieur chevalier Bergeraz, et de me marquer le jour et le lieu auquel je me rende ensemblement pres de vous, pour, par vostre authorité, terminer une bonne fois les portions necessaires a l'entretenement du service de Dieu es eglises des balliages.

  A013000880 

 Non, de par Dieu, ma tres chere Fille, non, je ne seray point en peyne, je ne craindray point, je ne douteray point pour vos impuissances, ni pour le mal qui est dans vostre teste.

  A013000885 

 Mais mon Dieu, commenceray je par la a vous parler de moy, puisque vous le desires? C'est la verité; hier tout le jour et toute cette nuit, j'en ay porté une pareille, non pas en ma teste, mais en mon cœur; mais maintenant elle m'est ostee par la confession que je viens de faire.

  A013000885 

 Or sus, mays encores quand vous auries toute seule une croix a part, qu'en seroit ce? Elle en vaudroit mieux, et, par la rareté, en devroit estre plus chere.

  A013000886 

 On ne vous a pas encor ouvert la porte, mais, par le guichet, [82] vous voyes la basse cour et le frontispice du palais de Salomon: demeurés la.

  A013000887 

 Le filz de vostre bonne Maistresse escrivoit un jour a la devote Maxime, sa bonne fille spirituelle, et il luy dit presque ces paroles: Soiés avec les heretiques simple et gracieuse comme une colombe a leur parler, ayant compassion de leurs malheurs; soyés prudente comme le serpent a bien tost vous glisser hors de leur compaignie aux rencontres, aux occasions et encor par maniere de quelque rare visite.

  A013000891 

 O Sauveur de mon ame, quelle joye de l'ouyr si saintement accuser ses pechés, et, parmi le discours d'iceux, faire voir une providence de Dieu si speciale, si particuliere a le retirer, par des mouvemens et ressortz si secretz a l'œil humain, si relevee, si admirable.

  A013000904 

 Je vous escris volontier par ce porteur par ce qu'il m'est fort asseuré et que, dans peu de tems, il me rapportera de vos nouvelles, sil vous plait luy en donner.

  A013000905 

 Faites moy ce bien de m'en escrire quelque chose au retour de ce porteur, lequel peut estre ne sera pas si soudain qu'elle mesme ne puisse bien vous envoyer des lettres pour me faire tenir par son entremise..

  A013000922 

 Il me reste a vous respondre a celle de cette date la, puisque par les precedentes j'ay respondu a toutes les autres..

  A013000925 

 J'y ay bien eu de la peyne a ce voyage, et un terrible embarrassement, et parce que c'estoit pour les choses temporelles et provisions des eglises, j'y ay esté fort empesché; mais Dieu y a mis une tres bonne fin par sa grace, et encores s'y est il fait quelque peu de fruit spirituel.

  A013000926 

 [Qu'il] soit nostre cœur, ma Fille, et je suis en luy, par sa volonté, tout vostre.

  A013000928 

 L'Apostre saint Paul en souffre de terribles et Dieu ne les luy veut pas oster, et le tout par amour.

  A013000943 

 J'ay soudainement despeché vostre homme, et par ce que je doy prescher a midi, je ne vous diray sinon que je suis tous-jours fort consolé, quand j'ay de vos lettres, et le dois bien estre encor plus par celle ci qui m'asseure si asseurement que vostre cœur est ferme au dessain quil a fait de servir son Dieu a la poursuite de la vraye devotion..

  A013000944 

 Aspires y perpetuellement par les courtz mais vifz eslancemens de vostre esprit a son saint amour, desquelz je vous ay souvent parlé..

  A013000944 

 Souvenés vous que nostre Dieu n'est pas comme le reste des choses: il est bon a tous et en tous tems, vous le treuveres par tout a vostre support et consolation; c'est pourquoy ne vous lasses point a la queste d'un si grand bien.

  A013000959 

 Elle n'ayme que les lieux approfondis par humilité, avilis par simplicité, eslargis par charité; elle se treuve volontier aupres de la cresche et au pied de la Croix; elle ne se soucie point si elle va en Egypte, hors de toute recreation, pourveu qu'elle ayt son cher Enfant avec elle..

  A013000961 

 Allons cependant, allons, ma chere Fille, cheminons par ces basses vallees des humbles et petites vertus.

  A013000973 

 Ce me seroit pourtant de la consolation de vous voir assistee de quelqu'un qui fust propre a vostre dessein, et qui, par la veuë et presence, sceust mieux juger des particulieres convenances que je sçaurois faire de si loin..

  A013000973 

 Quand vous ne le voudriés pas, encor pensés que je me desguiserois pour, sous la personne d'une autre, vous rendre le service auquel je me sens attaché par la main de Nostre Seigneur.

  A013000976 

 Par ci apres, vous pourres me faire escrire tant que vous voudres, par l'entremise de madame de Chantal, qui a treuvé une voye fort aysee a Aoustun, par laquelle je vous escriray aussi le plus que je pourray.

  A013000982 

 J'escris un billet de salutation a madame de Chantal, vostre seur si affectionnee; elle l'aura par commodité, car il n'y a rien qui presse..

  A013000991 

 Tout aussi tost que nostre bon Dieu mit en l'esprit de madame vostre Abbesse la confiance qu'ell'a au mien, et qu'avec tant de volonté, ell'eut embrassé le dessein de restablir la discipline religieuse en son Monastere, je me sentis aussi tout soudainement lié et voué a vostre service, et commençai a vous souhaiter toutes les benedictions du Ciel, lesquelles je ne doutois point vous devoir bien tost arriver par la disposition en laquelle je voyois vostre teste, et celle en laquelle, par son recit, je vous voyois aussi toutes; car elle me dit tant de louables qualités de vostre bon naturel, que je m'en promis aysement les beaux et dignes effectz desquelz vous jouisses maintenant avec elle, et je m'en res-jouis extremement avec vous..

  A013000992 

 Vous appliques [déjà] fort vos entendemens a connoistre Dieu par l'orayson, vos memoires a vous resouvenir de ses bien faitz, par l'action de graces et meditation, vos volontés a son obeissance, par celle que vous rendes avec tant de soupplesse a vostre Abbesse.

  A013000996 

 Pour moy, mes cheres Dames, j'en ay une consolation indicible, et n'ay sceu me retenir de vous la tesmoigner par cest escrit, qui vous porte a la haste quelques unes de mes pensees sur vostre sujet.

  A013001045 

 Car il est vray, ma Fille, que nos fautes, lesquelles tandis qu'elles sont dans nos ames, sont des espines; sortant dehors par la volontaire accusation, elles sont converties en roses et parfums, d'autant que, comme nostre malice les tire dans nos cœurs, aussi c'est la bonté du Saint Esprit qui les pousse dehors..

  A013001075 

 Il y avait à Padoue un jeune gentilhomme savoisien, M. de Sales; [106] par une faveur singulière vous lui donniez un très libre accès auprès de vous, non seulement dans le Sacrement de Pénitence, mais encore dans votre commerce intime.

  A013001076 

 J'y rencontre, il faut l'avouer, mon Révérend Père, bien de la peine et du travail, mais ce n'est pas sans mélange de consolation, puisque, par la grâce de notre bon Dieu, tous les jours je vois nombre d'âmes quitter l'hérésie pour rentrer dans le giron de la sainte Eglise.

  A013001078 

 Avant que d'être en cette charge, il me fallut réfuter par écrit un livre que les ministres de Genève avaient publié contre l'honneur de la Croix.

  A013001092 

 Resveilles souventefois en vous l'esprit de joÿe et de suavité, et croyes fermement que c'est le vray esprit de devotion; et si par fois vous vous sentes attaquee du contraire esprit de tristesse et d'amertume, eslancés a vive force vostre cœur en Dieu et le luy recommandes, puis, tout soudainement, divertisses vous a des exercices contraires, comme de vous mettre a quelque conversation sainte, mais de celles qui vous peuvent resjouir.

  A013001109 

 Ayant jusques icy esté detenu par un monde de cuisantes affaires, ma chere Fille, je m'en vay a cette benite visite, en laquelle je voy a chaque bout de champ des croix de toutes sortes.

  A013001170 

 Quel bonheur que sa divine Majesté vous veuille employer a son service non seulement agissant, mays patissant! Ayés soin de conserver la paix et la tranquillité de vostre cœur; laissés bruire et gronder les vagues tout autour de vostre barque et ne craignes point, car Dieu y est, et par consequent le salut.

  A013001179 

 Ne voyci pas un estrange fait, ma chere Fille! Il y a un mois que je n'ay sceu vous escrire ni peu ni prou, par ce que j'estois engagé dans nos montagnes, du tout hors de chemin, et je tiens en ma main sept de vos lettres, dont la derniere est du 9 de ce moys, ausquelles il me semble que je n'aye pas encor respondu qu'a trois; et neanmoins je ne puis maintenant vous escrire qu'en courant.

  A013001180 

 Mais ne vous inquietés point pour cela, car, ayant le propos de vous conduire par mon advis en cela, vostr'ame n'en peut estre coulpable..

  A013001182 

 Ce vous est (et a moy par consequent) un extreme contentement de sçavoir que ce chevalier estoit bon, doux et gracieux a ceux qui l'avoyent blecé ou offencé; maintenant il en aura bien a voir que nous en voulons faire de mesme.

  A013001182 

 Mais que diray-je de nostre Espoux moderne? Quelle douceur exerça-il a l'endroit de ceux qui le tuerent, et non pas par disgrace et mesgarde, mais par une pleyne malice.

  A013001183 

 Il ne passe jour que je ne prie pour le bien de l'ame de monsieur vostre premier espoux, et je pense que vous m'en aves voulu souvenir par ces deux recitz que vous m'en aves fait, qui m'ont esté fort aggreables..

  A013001184 

 Je loue Dieu de tout mon cœur de la santé de messieurs nos pere, oncle et frere; mais que ce mot me console: [Monsieur vostre oncle,] plein de vertu et de constance, n'est plus arresté que par des defluxions... car je cheris ce bon oncle du fons de mon ame.

  A013001189 

 Que Satan est mauvais! Jusques ou se va-il fourrer! Mais ne vous en estonnes pas: les choses spirituelles luy sont fort accessibles, par ce quil est esprit; il ne luy faut pas beaucoup d'ouverture, pour se glisser es amitiés des mortelz.

  A013001192 

 Mais pourquoy vous dis-je ceci? Par ce que je parle avec vous comme avec mon propre cœur..

  A013001206 

 Je considerois l'autre jour ce que quelques autheurs disent des alcions, petitz oyseletz qui pondent sur la rade de la mer: c'est qu'ilz font des nidz tout ronds, et si bien pressés que l'eau de la mer ne peut nullement les penetrer; et, seulement au dessus, il y a un petit trou par lequel ilz peuvent respirer et aspirer.

  A013001206 

 La dedans, ilz logent leurs petitz, affin que la mer les surprenant, ilz puissent nager en asseurance et flotter sur les vagues, sans se remplir ni submerger; et l'air qui se prend par le petit trou, sert de contrepoids, et balance tellement ces petitz pelotons et ces petites barquettes, que jamais elles ne renversent.

  A013001208 

 O ma Fille, il a fallu que mon cœur ayt jetté cette pensee sur ce papier, jettant aux pieds du Crucifix ses souhaitz, affin qu'en tout et par tout le saint amour divin soit nostre grand amour.

  A013001234 

 C'est pourquoy je vous y veux saluer par cette commodité, pour non seulement me ramentevoir en vostr'amitié, mais aussi pour demander, par vostr'entremise, la faveur d'estre continué en la bienveuillance de madame nostre mere, a laquelle mon obeissance filiale est entierement dediee.

  A013001252 

 Je m'essayeray de persuader par lettres au Prieur de Bellevaux qu'il tienne sa parole et se rende a [131] Chambery pour s'accommoder a la rayson, pour le different quil a avec le seigneur Basso, et m'estonne bien quil vous aye respondu avec si peu de respect..

  A013001286 

 Je respons qu'ouy, car cela se prattique a Rome et par toute l'Italie, et moy mesme l'ay fait ainsy faire en cette ville et a La Roche.

  A013001302 

 Et me semble quil inclineroit plus que le lieutenant eut la charge que le jugemaïe, par ce quil est plus resident au lieu et a plus d'addresse pour la particuliere conduite de cett'affaire.

  A013001320 

 La, ma Fille, je pretens de me revoir par tout, et remettre toutes les pieces de mon cœur en leur place, a l'ayde de ce bon Pere qui est esperduement amoureux de moy et de mon bien..

  A013001322 

 Il y a tous-jours quelque chose a dire, car je fais des fautes par ignorance et imbecillité, parce que je ne sçai pas tous-jours bien rencontrer le bon biais.

  A013001329 

 Voyla que c'est, je pense vous l'avoir des-ja dit par une præcedente.

  A013001330 

 Mon Dieu sçait bien que si j'estois en liberté j'irois, je dis, je volerois souvent par tout ou j'ay du devoir.

  A013001330 

 Saint Paul dit a ses chers Romains, entre lesquelz et par lesquelz il devoit mourir: J'ay souvent proposé de venir a vous, affin que j'eusse [142] quelque fruit entre vous; mais j'ay esté empesché jusques a present.

  A013001331 

 Quoy que par les traverses et tribulations, vostre ame va bien, a ce que j'en voy; il reste de la tenir ferme.

  A013001331 

 Tout ce Caresme, si vous m'escrives par Lyon vous en aures une tres grande commodité; car de Lyon a Chambery ce n'est pas comme des icy, car tous les jours les courriers arrivent.

  A013001338 

 Vous estes maintenant a Dijon, ou je vous ay escrit il n'y a que peu de jours, et ou vous abondes, par la grace de Dieu, de plusieurs consolations ausquelles je participe en esprit.

  A013001342 

 La, comme vous sçaves que je ne puis faire autrement, je vous presenteray et representeray au Pere en l'union de son Filz, auquel, pour lequel et par lequel je suis uniquement et si entierement vostre..

  A013001372 

 De deux seules choses se doit on garder le jour de la Communion: du peché et de voluptés et playsirs recherchés, car pour ceux qui sont deus et exigés, ou qui sont necessaires, ou qui se prennent par une honneste condescendance, ilz ne sont nullement defendus ce jour la; au contraire, ilz sont conseillés, moyennant l'observation d'une douce et sainte modestie.

  A013001375 

 On peut fuir de donner bonne opinion de soy, mais non pas rechercher de la donner mauvaise, sur tout par des fautes faittes expres.

  A013001408 

 Et ne voyant rien de cela, je m'arrestay de ce costé la, avec dessein neanmoins de rafraichir la memoire audit seigneur, de la bonne volonté si souvent tesmoignee par sa parole, quil a en vostre endroit; et par mesme moyen je penserois sonder sil y auroit moyen de prendre quelque autre biais pour vostre contentement..

  A013001408 

 J'avois des-ja sceu par la voye de mon frere de la Tuille le desir que vous avies pris de faire donner page mon cosin vostre filz a monsieur d'Albigni, et tout [154] aussi tost je m'enquis sil y avoit place, ou vacante ou preste a vaquer.

  A013001428 

 Je regrette que mon frere du Vilaroget soit malade, comme monsieur Deage m'escrit; je le serviray le plus qu'il me sera possible par mes foybles prieres.

  A013001452 

 J'avois demeuré fort long tems sans avoir l'honneur de vos lettres, et tout en un jour, peu avant Pasques, j'en receu deux: l'une du 13 janvier, l'autre du 18 fevrier, par lesquelles, en un coup, j'ay receu aussi deux consolations; car je fus asseuré de vostre santé, de laquelle j'avois esté en peyne a rayson d'un advis que j'avois eu que vous avies eu des ressentimens de vostre gravelle, et de celle de madame l'Abbesse, ma tres chere seur, a laquelle j'en souhaite beaucoup pour le desir qu'elle [158] a de l'employer entierement a la gloire de Nostre Seigneur..

  A013001453 

 Vous seres consolé sans doute, Monsieur mon Pere, par le voysinage de ces bonnes Dames Carmelites, desquelles la bonne odeur se respand souefvement par tout ou elles sont receües; et moy, qui participe a tous vos contentemens, je m'en res-jouis beaucoup, comme aussi de la conversation de messieurs de Berulle [et Gallemand], que j'honnore de tout mon cœur pour sçavoir que Dieu a le sien tourné du costé du leur..

  A013001472 

 Les ames qui vous en font scrupule sont bonnes et devotes, comm'elles tesmoignent par leur scrupule, lequel neanmoins n'a nul fondement; c'est pourquoy il ne s'y faut pas arrester.

  A013001472 

 Pleut a Dieu que les hommes qui n'entrent en cette Mayson-la que par curiosité et indiscretion, en fisse (sic) bien scrupule, car ilz auroyent bon fondement pour cela; mais non pas vous, jusques a ce que, comme je dis, la clausure y soit establie, qui ne sera jamais si tost que je le desire..

  A013001503 

 Il n'est pas croyable combien vous me lies estroittement au grand devoir que je vous ay, par cette continuelle memoire que vous aves de moy, de laquelle vos lettres si frequentes sont les marques.

  A013001504 

 Je sçai que mes prieres sont superflües, puysque vostre bonne volonté est abondante; mais je ne puis m'empescher de vous en faire ces repliques, par ce que mon desir, qui est extreme au bien de cette seur et a la gloire de sa Mayson, m'en presse et sollicite incessamment..

  A013001505 

 [164] Je vous entens bien neanmoins, Monsieur mon tres bon Pere; vous me voules consoler par la devotion de ces deux ames que j'affectionne infiniment en Nostre Seigneur.

  A013001541 

 Ceux de la Roche envoyent le secretaire de leur ville, avec l'acte signé du consentement quilz prestent aux articles portés par la requeste quilz vous ont presentee pour l'establissement de leur college.

  A013001560 

 Mais ce pendant il s'eschappe de tems en tems, et par toutes les dilations qu'il peut obtenir, il fuit la sentence.

  A013001619 

 Il ne sera pas requis que cet escrit soit veu sinon par vous..

  A013001629 

 Avec icelle, j'ay receu l'advis que cette bonne fille que vous connoissés, m'a envoyé de ce petit accident [174] qui luy estoit arrivé en l'amitié spirituelle de la personne a laquelle ell'avoit pris de la confiance; et par ce que vous luy dires mieux ce que je desire qu'elle sache sur ce point, que je ne sçaurois luy escrire, je le vous diray..

  A013001630 

 Mais cette fille doit benir Dieu que cet inconvenient luy ayt esté manifesté au commencement de sa devotion, car c'est un signe evident que sa divine Majesté la veut conduire par la main, et, par l'experience de ce danger eschappé, la veut rendre et sage et prudente pour en eviter plusieurs autres.

  A013001631 

 Dieu soit a jamais en vostre cœur; je suis en luy et par luy, Madame,.

  A013001631 

 Et le discret conseiller des ames ne treuve jamais rien d'estrange, mais reçoit tout avec charité, compatit a tout, et connoist bien que l'esprit de l'homme est sujet a la vanité et au des-ordre, si ce n'est par une speciale assistence de la Verité.

  A013001631 

 [175] J'ay respondu a tout le reste de ce qu'elle m'escrivoit, par les precedentes que vous luy aures rendues.

  A013001649 

 Que si Vostre Altesse n'use de sa providence et pieté ordinaire a commander audit Conseil et sieur Bergeraz que, sans delay, il (sic) satisfacent a leur devoir, je n'espere pas d'en voir jamais aucune bonn'issue, laquelle j'affectionne extramement, non seulement pour mon devoir et le salut de plusieurs ames qui manquent d'assistence faute de pasteurs, mais encor par ce que ce sera le comble de lhonneur, qui est deu a la bonté et pieté de Vostre Altesse, de la reduction de ces peuples; qui me fait la supplier tres humblement, et par l'amour de Nostre Seigneur, quil luy playse employer sa bonne et puissante main a l'execution d'une si saint'œuvre, de laquelle la recompense sera immortelle au Ciel, que je desire a Vostre Altesse de tout mon cœur, apres que, par une longue suite d'annees, ell'aura heureusement regné en terre, pour le bien de son peuple et la gloire de son Dieu..

  A013001664 

 Que si monsieur le chevalier Bergera a des-ja l'ordre en main et que ce retardement vienne de sa part, je me plaindray beaucoup plus de luy, qui sçait par combien d'assemblees et de disputes je luy ay clairement fait voir la necessité de cette provision..

  A013001681 

 Il faut que je commence ma lettre en vous demandant pardon d'une faute que j'ay faite, mais je vous asseure, sans aucune malice, par une pure inadvertance.

  A013001684 

 C'est grand cas que je ne puis m'empescher de vous parler de ces exercices du cœur et de l'ame; c'est par ce que je n'ayme pas seulement la vostre, mais je la cheris tendrement devant Dieu qui, a mon advis, desire beaucoup de devotion d'elle..

  A013001710 

 J'appreuve encor plus que vous facies ces ouvrages de vos mains, comme le filer et semblables, aux heures que rien de plus grand ne vous occupe, et que vos besoignes soyent destinees ou aux autelz ou pour les pauvres; mais non pas que ce soit avec si grande rigueur que, s'il vous advenoit de faire quelque chose pour vous ou les vostres, vous voulussies pour cela vous contraindre a donner aux pauvres la valeur; car il faut par tout que la sainte liberté et franchise regne, et que nous n'ayons point d'autre loy ni contrainte que celle de l'amour, lequel, quand il nous dictera de faire quelque besoigne pour les nostres, il ne doit point estre [184] corrigé comme s'il avoit mal fait, ni luy faire payer l'amende comme vous voudries faire.

  A013001714 

 Car, qui sont ces choses hardies qui se rapportent au fuseau, sinon les mysteres de la Passion filés par nostre imitation? La dessus, je vous souhaittay mille et mille benedictions, et qu'a ce grand jour du jugement nous nous treuvassions tous revestus, qui en Evesque, qui en vefve, qui en mariee, qui en Capucin, qui en Jesuite, qui en vigneron, mais tous d'une mesme laine blanche et rouge, qui sont les couleurs de l'Espoux.

  A013001714 

 Or, mettés avec reverence cette quenouille a vostre costé gauche, et filés continuellement par considerations, aspirations et bons exercices, je veux dire par une sainte imitation.

  A013001720 

 A cet effect, je vous ay envoyé trente escus par Lyon, tant pour la despence qui sera necessaire a l'envoyer prendre, qu'a faire ses petitz honneurs avec les filles qui servent madame l'Abbesse, avec lesquelles elle n'aura pas tant demeuré sans les beaucoup incommoder.

  A013001723 

 On m'a dit qu'en sa place est arrivé un grand personnage, des premiers predicateurs de France, mais que je ne connois que par son nom, qui est grand et plein de reputation..

  A013001724 

 Je me conserveray tant qu'il me sera possible, pour l'amour de moy, que je n'ayme que trop, et encores pour l'amour [190] de vous qui le voules et qui aurés part a tout ce qui s'y fera de bon, comme vous aves en general a tout ce qui se fait en mon diocese, selon le pouvoir que j'ay par ma qualité de le communiquer..

  A013001754 

 Ravales-vous volontier aux actes desquelz l'escorce semble moins digne, quand vous sçaures que Dieu le veut; car, de quelque façon que la sainte volonté de Dieu se fasse, ou par des hautes ou par des basses operations, il n'importe.

  A013001754 

 Servés Dieu avec un grand courage et, le plus que vous pourres, par les exercices de vostre vocation.

  A013001764 

 Je vous supplie bien humblement de donner un passeport pour un moys au sieur d'Ivoyre, de Chablaix, qui donne de grandes esperances de s'instruire et convertir pendant ce tems-la, a ce que j'apprens par l'advis que m'en a donné le sieur chanoyne Grandis, homme tres digne d'estre creu, et sur la parole duquel je vous fay cette supplication sans scrupule, priant Nostre Seigneur quil vous conserve en parfaitte prosperité.

  A013001781 

 J'ay receu vostre lettre icy, emmy le chemin de ma visite, et l'ay renvovee a mon frere de la Thuille, affin qu'avec mes autres freres, il pourvoye a ce que Madame soit satisfaitte par les moyens plus convenables, puisque je suis en un'occupation qui ne me permet pour le present d'y pourvoir moy mesme.

  A013001828 

 Je viens de parler pour vous a Nostre Seigneur en la sainte Messe, ma tres chere Fille, et certes, je n'ay pas osé luy demander absolument vostre delivrance; car s'il luy plaist d'escorcher l'offrande qui luy doit estre presentee, ce n'est pas a moy de desirer qu'il ne le face pas; mais je l'ay conjuré et conjure par cette si extreme dereliction par laquelle il sua le sang et s'escria sur la croix: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as-tu delaissé, qu'il vous tienne tous-jours de sa sainte main, comme il a fait jusques a present, bien que vous ne sçachies pas de quel costé il vous tient, ou au moins que vous ne le senties pas.

  A013001841 

 Trois croix sans plus, et rangés-vous a celle du Filz, ou a celle de la Mere vostre Abbesse, ou a celle du Disciple: par tout vous seres la bien receuë, avec les autres filles de vostre Ordre qui sont la tout autour..

  A013001850 

 Comme, par exemple: cette femme mariee choysiroit toutes autres sortes d'abjection que celle de l'exercice du mariage; cette Religieuse obeyroit a toute autre qu'a sa Superieure; et moy je souffrirois plustost d'estre gourmandee d'une Superieure en Religion que d'un beaupere en ma mayson.

  A013001852 

 Croyés-moy, jamais les Israëlites ne peurent chanter en Babylone parce qu'ilz pensoyent a leur païs; et moy je voudrois que nous chantassions par tout..

  A013001854 

 Et quand j'en serois tout resolu, encor ne voudrois je pas contester et preferer mon opinion ou a vos inclinations, quand elles seroyent fortes en ce sujet particulier (car par tout ailleurs je vous tiendray parole a vous conduire selon mon jugement et non selon vos desirs), ou au conseil de quelques personnes spirituelles que l'on pourroit prendre..

  A013001855 

 Ne preoccupés point vostre esprit par des vaines promesses de tranquillité, de goust, de merites; mays [208] presentés vostre cœur a vostre Espoux, tout vuide d'autres affections que de son chaste amour, et le suppliés qu'il le remplisse purement et simplement des mouvemens, desirs et volontés qui sont dedans le sien, affin que vostre cœur, comme une mere perle, ne conçoive que de la rosee du ciel et non des eaux du monde; et vous verres que Dieu nous aydera, et que nous ferons prou et au choix et a l'execution..

  A013001872 

 Helas, ma chere Fille, disons avec saint Augustin: Que faysons-nous? Les ignorans et les grossiers se levent, et, se levant devant nous, ilz ravissent les cieux; et nous croupissons dans nostre negligence! Au moins, parmy cette misere, soyons humbles, et Dieu nous benira, et relevera nostre bassesse par sa sainte misericorde....

  A013001881 

 A l'arrivee de monsieur de Sauzea, j'ay receu mille consolations par le recit quil m'a fait de tout ce qui se [213] passe de dela, particulierement pour vostre regard.

  A013001883 

 Je dis que vous l'aymies et cherissies, non point pour ce qui est exterieur et qui peut regarder la sensualité en elle mesme, mais pour l'interieur, par ce que Dieu l'a ordonné, par ce que, sous cette vile escorce, la sainte volonté de Dieu s'accomplit.

  A013001884 

 En la mayson d'un prince, ce n'est [214] pas tant d'estre souillon de cuisine comme d'estre gentilhomme de la chambre; mais en la mayson de Dieu, les souillars et souillardes sont les plus dignes bien souvent, par ce qu'encor quilz se souillent, c'est pour l'amour de Dieu, c'est pour sa volonté et son amour; et cette volonté donne le prix a nos actions, non pas l'exterieur.

  A013001886 

 Et par ce quil me semble que vous m'aves dit qu'ouÿ, il ni a nulle difficulté non seulement que vous les pouves, mais que vous les deves faire.

  A013001886 

 Quant a la quantité, cela ne se peut mieux juger que par vous mesme.

  A013001887 

 Ains, plusieurs n'appreuvent pas qu'on escrive, c'est a dire ayment mieux qu'on s'accuse par cœur.

  A013001903 

 Mais pour adjouster quelque chose du mien a ce que monsieur et madame le President et Præsidente vous en escrivent, je vous diray quil me semble que pour faire une response bien asseuree, il seroit [a] propos que avec quelque bon prætexte, vous allassies jusques a Neci pendant que monsieur le President y est encor, c'est a dire dans huit ou dix jours; et la, vous pourries vous enquerir de toutes les particularités, voir le personnage sans faire semblant d'autre chose, et, par apres, prendre resolution selon ce que vous en connoistrés, puisque mesme ce gentilhomme dont il s'agit ne peut demeurer longtems quil ne prenne parti..

  A013001938 

 La lettre que ce secrétaire m'a apportée au nom de son auguste et sacrée Majesté m'est parvenue au moment que j'étais occupé à visiter les églises du territoire de Genève, en ce jour même du 29 septembre consacré par l'Eglise à honorer l'Archange saint Michel, pour la plus grande gloire du Christ.

  A013001947 

 C'est un petit miracle que Dieu fait, car tous les soirs, quand je me retire, je ne puis remuer ni mon cors ni mon esprit, tant je suis las par tout; et le matin, je suis plus gay que jamais.

  A013001961 

 On le tira donques avec son mort entre ses bras, lequel, par apres, il fit enterrer.

  A013001961 

 Quelz esguillons pour moy, ma chere Fille! Ce pasteur qui court par des lieux si hazardeux pour une seule vache; cette cheute si horrible que l'ardeur de la poursuite luy cause, pendant quil regarde plus tost ou est sa queste et ou ell'a mis ses pieds que non pas ou il est luy mesme et ou il chemine; cette charité du voysin qui s'abisme luy mesme pour oster son ami de l'abisme: ces glaces me devoyent elles pas ou geler de crainte ou brusler d'amour?.

  A013001962 

 Mais je vous dis ceci par impetuosité d'esprit; [car, au] demeurant, je n'ay pas beaucoup de loysir de vous [entretenir] ... Fille, apres mon retour de la [visite]... tient presqu'autant... aussi....

  A013001975 

 Selon ce que vous me proposes par la vostre du 26 septembre, j'appreuve que nostre bonne Abbesse commence a bien establir ces petites regles que nostre pere a dressees, non pas pour s'arrester-la, mais pour passer par apres plus aysement a plus grande perfection.

  A013001977 

 Ilz veulent estre maistres, et n'est ce pas la rayson? Si est, certes, en ce qui depend du service que vous leur deves; mais les bons seigneurs ne considerent pas que pour le bien de l'ame, il faut croire les directeurs et medecins spirituelz, et que, sauf les droitz quilz ont sur vous, vous deves procurer vostre bien interieur par les moyens jugés convenables par ceux qui sont establiz pour conduire les espritz.

  A013001979 

 Et comment est ce qu'apres l'avoir veu et baptisé, il peut le laisser aller sans s'attacher a luy de presence corporelle, comm'il estoit si estroittement lié de presence cordiale? Mais il sçavoit que ce mesme Seigneur estoit servi de luy par cette privation de la presence reelle.

  A013001981 

 Et par ce chemin, ell'est arrivee bien haut, comme je sçai pour avoir esté son pere de Confession fort souvent.

  A013001982 

 Les Pseaumes de David traduitz ou imités par des Portes ne vous sont nullement ni defenduz ni nuysibles, au contraire vous sont profitables.

  A013001984 

 Je suis en luy et par luy,.

  A013002007 

 Mais en l'occurrence que vous me marques, tout le monde sçait que j'ay les mains liees d'un lien indissoluble et que je ne puis les mettre a la provision des cures que par l'entremise du concours, duquel je ne puis forclorre personne..

  A013002064 

 Tout en envoyant mon frère à Rome pour visiter les tombeaux des Apôtres, je viens, par cette lettre, me rappeler à vous comme votre très affectionné serviteur.

  A013002080 

 Nous avons eu ces quinze jours un tres grand Jubilé, qui sera par tout le monde, sur le commencement de l'administration du Pape et la guerre de Hongrie.

  A013002107 

 Scis enim, Illustrissime ac Reverendissime Domine, scis, inquam, ubi habito, ubi scilicet sedes est Satanæ Geneva, et habeo adversum me multos tenentes doctrinam diaboli, quibuscum si, ut par est, pugnetur in gladio oris Christi, deficientes quemadmodum fumus deficient.

  A013002116 

 Comme je dois visiter le seuil des Apôtres par l'entremise de mon propre frère et solliciter du Saint-Siège plusieurs remèdes nécessaires au bien de ce diocèse, j'ai recours avec de très humbles instances à [239] l'intervention de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie.

  A013002124 

 Oh! qu'il tienne le second rang apres celuy de nostre Baptesme: jour du renouvellement de nostre temple interieur; jour auquel, par un eschange favorable, nous consacrasmes nostre vie a Dieu pour ne plus vivre qu'en sa mort; jour fondement, Dieu aydant, de nostre salut; jour presage de la sainte et desirable eternité de gloire, jour duquel le souvenir nous res-jouira non seulement en la mort temporelle, mais encor en la vie immortelle.

  A013002124 

 Ouy da, ma bonne et chere Fille, benissons Dieu ensemblement de cette heureuse journee en laquelle, par un feu tout nouveau, vous renouvellastes l'holocauste de [241] vostre cœur, offert et voué pieça a la divine Majesté; et que ce jour, donques, soit conté entre les jours memorables de nostre vie.

  A013002150 

 Si nostre Sauveur veut quil reuscisse, il le procurera par des moyens convenables qu'il sçait et que nous ne sçavons pas encor.

  A013002173 

 Nous, François de Sales, Evêque et Prince de Genève, certifions qu'on nous a remis la lettre par laquelle Sa Majesté Impériale, toujours [245] auguste, nous avertit que doit se tenir la diète convoquée jusqu'ici pour le 16 mai de l'année prochaine..

  A013002192 

 Il soit beni eternellement par vous, ma tres chere Fille, et par moy qui suis sans fin vostre..

  A013002200 

 Atqui miraberis [249] forsitan, Doctor optime, quod gratias quas ob id debeo tibi maximas tardius egerim longe quam par esset; et quidem puderet etiam me summopere, nisi visitationis generalis hujus nostræ diocæsis munus, cui obeundo annum elapsum bona ex parte insumpsi, multis mensibus aliati tui libri ac litterarum copiam, et mearum ad te mittendarum facilitatemi mihi sustulisset.

  A013002229 

 Je m'en vay en supplier l'Archer qui en porte le carquoy, par l'intercession de saint Sebastien, duquel nous celebrons aujourd'huy la feste..

  A013002241 

 Quæ eo majore acceptione et commendatione digna est, quod cum fuerit inter cives suos omnium primus, tum nobilitate, tum conditione, elegit abjectus esse in domo Domini, magis quant habitare in tabernaculis peccatorum; a quibus et uxorem et liberos jamdudum abduxisset, si illi par desiderio sors constaret..

  A013002256 

 Le Siège Romain séduit d'ordinaire par sa majestueuse splendeur tous les chrétiens de l'univers; cependant, Votre Sainteté, par l'attrait [253] de sa douceur, gagne surtout les cœurs de ceux qui, des ténèbres de leurs erreurs, sont venus se ranger sous son autorité.

  A013002285 

 Cependant, il a toujours eu pour ce qui concerne leurs âmes, le soin et la sollicitude convenables; en effet, par ses lettres, il les a tellement attirés à la connaissance de la vérité, que s'il pouvait les pourvoir d'un abri parmi les Catholiques, tous embrasseraient volontiers la foi.

  A013002305 

 Or, de par Dieu soit il.

  A013002306 

 Je vous avois dit que vous en fissies selon l'advis de vos confesseurs, mais puisqu'ilz ne sont pas d'accord, je vous diray comme j'ay dit a nostre madame de Chantal: quand les festes seront grandes, nonobstant la Communion ordinaire il ne faut pas laisser de les celebrer par une Communion extraordinaire; car, comme pourrons nous bien celebrer une grande feste sans ce festin? Ce que je vous renvoyois a vos confesseurs, c'est que je ne sçay pas clairement les particularités de vostre necessité.

  A013002318 

 Que si toutes les lettres que je vous ay escrittes pendant ce tems-la estoyent en un pacquet, elles seroyent bien en plus grand nombre; car, tant que j'ay peu, j'ay tous-jours escrit et par Lion et par Dijon.

  A013002319 

 Je m'en vay vous dire beaucoup de choses par ci par la, selon le sujet de vos lettres.

  A013002319 

 Prions Dieu, supplions sa volonté qu'elle se face connoistre, disposons la nostre a ne rien vouloir que par la sienne et pour la sienne, et demeurons en repos, sans empressement ni agitation de cœur.

  A013002320 

 Quand a celuy que je desire faire de dela, que de peyne a le præparer et de hazart a le faire! Mais Dieu, qui void mon intention, en disposera par sa bonté, et nous en parlerons [261] avant que le tems en arrive; et des desirs de ma petite seur aussi, laquelle est a Dijon avec le bon monsieur de Crespy qui ne la veut point trop confier a M me Brulart, de peur qu'elle ne la face Carmeline.

  A013002321 

 Cette petite Françoise, je l'ayme par ce qu'ell'est vostre polite et vostre Françoise..

  A013002326 

 Despuis que je suis de retour de la visite, j'ay tant esté pressé et empressé a faire des appointemens que mon logis estoit tout plein de playdeurs qui, par la grace de Dieu, pour la pluspart s'en retournoyent en pais (sic) et repos.

  A013002331 

 En eschange, je vous envoye le livre ci joint, auquel vous verres beaucoup de beaux traitz qui furent en partie faitz sur mes premieres prædications par M. le President de cette ville, homme de rare vertu et fort chrestien..

  A013002331 

 J'ay receu vos cantiques que j'aime bien, car si bien ilz ne sont pas de si bonne rime que beaucoup d'autres, ilz ne laissent pourtant pas d'estre de bonn'affection; et si je n'estois point meslé par la dedans, je les ferois chanter en mon cathechisme.

  A013002332 

 Que vous diray-je davantage? Je viens tout maintenant de faire le cathechisme, ou nous avons fait un peu de desbauche avec nos enfans a faire un peu rire l'assistence, en nous mocquant des masques et des balz; car j'estois en mes belles humeurs, et un grand auditoire me convioit par son applaudissement a continuer de faire l'enfant avec les enfans.

  A013002350 

 Mon ame, qui est toute voüee a la vostre, me fait des grans reproches sur cett'intermission; bien que je sçay que vous ne jugeres pas mes affections par cette sorte de tesmoignage, et que ce soit le moindr'effect de l'infini devoir que je vous ay..

  A013002351 

 Je passeray ce Caresme a faire residence en ma cathedrale et a rabiller un peu mon ame qui est presque toute descousue par tant de tracas qu'ell'a souffert despuis la chere consolation que j'eu aupres de vous en vostre maison a Dijon.

  A013002352 

 Voyla, Monsieur, ce que je m'essayeray de faire; ce que je vous dis par ce qu'estant si tres fort vostre comme je suis, vous deves sçavoir ce que je fay.

  A013002364 

 J'ay mieux aymé m'addresser a Sa Sainteté mesme qu'a nul autre, tant par ce que l'affaire le merite, que par ce que je ne sçai pas qui aura la commission de prouvoir a vos expeditions.

  A013002397 

 Or, ayant cett'opinion, pour contenter mon cœur j'ay creu que je devois en donner cet advis a Vostre Excellence, laquelle jugera par apres ce qu'ell'en doit faire, ne me restant qu'a prier Dieu qu'il la conserve et prospere longuement, et demeure, Monsieur,.

  A013002411 

 Je vous escris par Dijon une autre lettre tout maintenant, affin que si l'une vous arrive tard, l'autre puisse suppleer a l'attente..

  A013002451 

 Dites seulement de gros en gros les principales fautes que vous aures commises des Pasques dernieres, commençant par le premier commandement, ou vous treuveres vos Offices et oraysons; et puis au second, ou vous treuveres vos vœux, et ainsy de main en main.

  A013002481 

 Pressé de mille sortes d'empeschemens sur ce despart que je fay pour aller celebrer un grand Jubilé a Thonon, [281] je vous salue humblement par cette occasion, vous suppliant de me faire part un peu bien amplement de vos nouvelles par madame de Chantal, laquelle, comme je croy, fera avec nous la feste de la Pentecoste.

  A013002493 

 Dieu donques, ma tres chere Fille, veut que ce soit a Pentecoste que je vous voye, et icy a Neci ou, nonobstant le Jubilé de Thonon, je me treuveray en ce tems-la et y arresteray au fin moins quinze jours entiers, pour retourner par apres a la conclusion dudit Jubilé, a laquelle Son Altesse, comm'on dit, se treuvera.

  A013002494 

 Je vous prie de m'escrire par Lion tout aussi tost que vous aurés receu cette nouvelle, affin que je sois bien asseuré de ce que vous ferés et du jour auquel je vous devray faire rencontrer a Saint Claude, ou au moins environ.

  A013002511 

 Je salue messieurs du Val, Gallemend et Galot par vostre entremise, sil vous plait, avec messieurs de Berules, de Bretigni, Vivien et cætera id genus hominum « quos æquus amavit » Salvator.

  A013002530 

 Mais avant que vous parties, demandés la benediction a Monsieur d'Autun, s'il se peut, avec permission de vous prevaloir des Indulgences qui vous seront octroyees ou vous passeres par les Evesques.

  A013002541 

 Non, a la verité, je ne doute nullement que vous ne m'aymies fort estroittement; j'aurois bien peu de sentiment si tant de tesmoignages que vous m'en aves rendus ne m'en asseuroyent, outre lesquelz j'en ay un dans moy mesme qui me suffiroit pour cela; car il ne me semble pas que mon cœur vous peust aymer comm'il vous ayme si, par une secrette correspondance, le vostre ne l'attiroit; car l'on a beau dire que la connoissance des merites force a l'amour (je dis a l'amitié); c'en est vrayement un grand motif, mais inutile si on n'espere pas une reciproque affection.

  A013002558 

 La confiance que vous aves en moy me console tous-jours, et suis neanmoins marri de ne pouvoir si bien [289] correspondre par lettres comme je desirerois; mais Nostre Seigneur, qui vous ayme, supplee par tant d'assistances que vous aves la..

  A013002559 

 J'appreuverois qu'en l'orayson vous vous tinssies encor un peu au petit train, preparant vostre esprit par la leçon et disposition des pointz, sans autre imagination neanmoins que celle qui est necessaire pour ramasser l'esprit.

  A013002559 

 Or sus, je sçai bien que quand par bonne rencontre on treuve Dieu, c'est bien fait de s'entretenir a le regarder et arrester en luy; mais, ma chere Fille, de le penser tous-jours rencontrer ainsy a l'impourveu, sans preparation, je ne pense pas qu'il soit encor bon pour nous qui sommes encor novices, et qui avons plus besoin de considerer les vertus du Crucifix l'une apres l'autre et en detail, que de les admirer en gros et en bloc.

  A013002563 

 Mocques-vous de ces attaques frivoles par lesquelles vostre ennemy vous represente le monde comme si vous devies y retourner; mocques-vous en, dis je, comme d'une impertinence.

  A013002573 

 Je pense que maintenant vous estes arrivee en vostre mayson, ma tres chere Fille, car voyci justement l'octave de vostre despart; et je m'en vay, par cette lettre et en esprit, vous revoir et vous demander des nouvelles du succes de vostre voyage.

  A013002573 

 Vous estes vous bien portee, ma chere Fille? Aves vous point rencontré nostre Sauveur en chemin? car il vous attendoit par tout.

  A013002575 

 Nostre bon Pere Bonivard partit hier, qui, par une pure rencontre de sentiment, appreuve infiniment le choix que j'ay fait pour vous.

  A013002577 

 Il m'a rendu, ma chere Fille, et me rend tous les jours plus, ce me semble, au moins plus sensiblement, plus suavement, du tout, en tout et sans reserve, uniquement, inviolablement vostre; mais vostre en luy et par luy, a qui soit honneur et gloire aux siecles des siecles, et a sa sainte Mere.

  A013002587 

 Ne nous amusons point a la consideration de la beauté des autres, mais saluons seulement ceux qui passent par iceux et disons leur simplement: Dieu nous conduise a nous revoir au logis..

  A013002587 

 Ne nous faschons point de nos tempestes et des orages qui par fois troublent nostre cœur et nous ostent nostre [294] bonance.

  A013002589 

 Maintenant donq, y ayant pensé, je vous dis qu'il n'y a point de danger d'en parler quand l'occasion s'en presente, car cela ne tesmoigne que la memoire que vous en deves avoir; mais je croy qu'il seroit mieux, parlant de luy, d'en parler sans paroles et souspirs qui tesmoignassent un amour attaché et engagé a la presence corporelle; et parlant, en lieu de dire: feu mon pauvre mary, je voudrois [295] dire: mon mary, que Dieu ayt en sa misericorde; et ces dernieres paroles, les dire avec sentiment d'un amour non point affoibli par le tems, mais bien affranchi et espuré par l'amour superieur.

  A013002593 

 Tenés vostre cœur ferme et haut eslevé en Dieu par une entiere confiance en sa sainte providence, laquelle, sans doute, ne vous a pas donné le dessein de la servir qu'elle ne vous donne tous les moyens de ce faire.

  A013002594 

 A Dieu, ma chere Fille, ce n'est pas avec loysir que je vous escris; c'est par impetuosité que j'ay conduit ma plume jusques icy, partie avant la sainte Messe, partie apres.

  A013002633 

 Ne nous effrayons point de ses fanfares: il ne nous sçauroit faire nul mal, c'est pourquoy il nous veut au moins faire peur, et par cette peur nous inquieter, et par l'inquietude nous lasser, et par la lassitude nous faire quitter; mais contentons-nous que, comme petitz poussins, nous nous sommes jettés sous les aisles de nostre chere Mere.

  A013002634 

 Or, les sujetz estoyent anciennement obligés, par reconnoissance formelle, de faire taire les grenouilles des fossés et marecages voysins pendant que l'Evesque dormoit.

  A013002635 

 Tenés donques seulement la Croix de Nostre Seigneur sur vostre poitrine; repliqués doucement et par actes positifz nos resolutions; ne vous efforces point de ruiner la superbe, mais taschés de bien asseurer l'humilité en l'exerçant positivement; et ne doutés point, car tandis que vous aures la Croix entre vos bras, l'ennemy sera tous-jours dessous vos pieds.

  A013002636 

 Mon Dieu, ma Fille, que j'ay de consolation en l'asseurance que j'ay de nous voir eternellement conjointz en la volonté d'aymer et louer Dieu! Que sa divine providence nous conduise par ou il luy semblera mieux; mais j'espere, ains je m'asseure que nous aboutirons a ce signe et arriverons a ce port.

  A013002647 

 Non, ma Fille, ne marqués plus ainsy par le menu vos defautz, remarqués-les seulement en bloc; car cela suffira abondamment pour vous faire connoistre a qui vous desires et pour vostre direction..

  A013002647 

 Or, je n'ay le loysir de respondre aux vostres a plein fond, mais je diray seulement quelque chose par ci par la.

  A013002648 

 Il n'est pas besoin de nommer ceux pour lesquelz vous voules faire dire des Messes; il suffit que, par vostre intention, ce bien-la leur soit appliqué..

  A013002650 

 Ce n'est que par force que je la cheris, parce qu'elle est necessaire, je dis tres necessaire; et sur cela, je vay tout [303] a la bonne foy, a l'abry de la providence de Dieu.

  A013002653 

 Mais ne vous tourmentes point a prattiquer ce commandement; car c'est cela que je veux, que vous ne vous tourmenties point, ni par ces desirs, ni par autres quelconques.

  A013002661 

 C'est par nostre bon Pere Gardien des Capucins que je vous escris, ma bonne, ma tres chere Fille, car je [305] me suis imaginé que facilement quelques uns des leurs qui sont a Aoustun se treuveroyent en leur Chapitre provincial, qui pourroyent vous rendre ces lettres..

  A013002665 

 Ce que Dieu me dit par le prochain m'esmeut beaucoup..

  A013002668 

 Je fay par tout prier Dieu pour vous, et veux, Dieu aydant, prier encor plus et mieux que je n'ay fait ci devant.

  A013002687 

 Ouy, car ce que le cœur dit a Dieu, nul ne le sçait que Dieu mesme de premier abord, et, par apres, ceux a qui Dieu le fait sçavoir.

  A013002693 

 Je suis par sa volonté uniquement et irrevocablement tout vostre..

  A013002714 

 Je vous supplie donques, [314] Monsieur, de luy estre favorable en cela, puisque, par ce moyen, il retournera plus tost en son eglise a prier Dieu, comme je fay, quil vous conserve et prospere longuement, et que la faveur dont vous le gratifierés sera un juste adveu que vous me tenes et aymes,.

  A013002747 

 C'est pourquoi, me confiant en votre généreuse bonté et aimable charité, je vous supplie en toute révérence et humilité, de vouloir bien encourager par une de vos lettres ces deux gentilshommes, afin qu'ils soient consolés dans leur bon dessein.

  A013002760 

 Ne voyes [317] vous pas, ma Fille, que le trouble du jour est esclairci par le repos de la nuit? signe evident que nostre ame n'a besoin d'autre chose que de se resigner fort en son Dieu et se rendre indifferente a le servir, soit parmi les espines, soit parmi les roses..

  A013002763 

 Ouy, ma Fille, par la grace de Dieu, je puis dire maintenant mieux que ci devant que je fay l'orayson mentale, parce que je ne manque pas un seul jour sans cela, si ce n'est quelquefois le Dimanche pour satisfaire aux confessions.

  A013002792 

 Je vous en sçay vrayement bon [320] gré, mais si faut-il que vous ne perdies point courage pour cela; car encor que vous n'aures pas tant d'ayde exterieure, si est ce que, tenant tous-jours vos desirs et resolutions d'estre toute a Dieu bien vifs et formés en vostre ame, le Saint Esprit vous consolera par une secrette assistance qui suppleera aux exercices que vous laysses, puisque vous ne les laysses que pour l'honneur et la gloire de cette mesme divine Bonté..

  A013002792 

 Je voy que vous aves de l'apprehension de vous ranger au chasteau, d'autant que vous seres privee des commodités que vous avies de servir Dieu par la hantise du college des Jesuites.

  A013002793 

 Avec cela, vous pouves justement vous contenter, et suppleer le manquement des autres exercices par des frequentes et ferventes oraysons jaculatoires ou eslancemens d'esprit en Dieu, et les sermons, par une devote et attentive lecture des bons livres..

  A013002815 

 Permettes-moy, Monsieur, que, sans necessité, par la seule abondance de mes desirs, je vous supplie de me continuer ce bien que j'estime tant, et qui m'honnore et console si fort..

  A013002818 

 Je voudrois avoir envoyé l'Orayson funebre de Madame; mais j'attens des memoires de la grandeur de la mayson d'Este qui me doivent venir d'Italie, n'ayant jamais rien peu apprendre qui fust esclattant comme je desire, par les livres que j'ay peu avoir en ce païs ni aucun recit qu'on m'ayt fait.

  A013002848 

 En vérité, je désire beaucoup avoir cette copie; car la controverse soulevée en Espagne est de la plus [326] grande conséquence pour nos contrées désolées par l'hérésie.

  A013002848 

 Mais la susdite copie sera restée sur la table de monsieur votre Secrétaire, puisque je ne l'ai pas reçue avec votre lettre; par contre, j'ai trouvé la lettre ci-jointe qui, je pense, m'aura été envoyée par erreur, car elle ne vient pas du Cardinal et ne traite en aucune façon de la dispute de Auxiliis.

  A013002864 

 Jamais je ne vis une douleur plus tranquille: tant de larmes que merveilles, mais tout cela par des simples attendrissemens de cœur, sans aucune sorte de fierté.

  A013002865 

 Au demeurant, elle vous remercie infiniment du soin et de l'amour maternel que vous aves exercé a l'endroit de cette petite [329] defuncte, avec obligation aussi grande que si Dieu l'eust conservee par ce moyen.

  A013002869 

 Mais es pertes temporelles, o ma Fille, que Dieu touche et pince par ou il voudra et sur telle corde de nostre luth qu'il choysira, jamais il ne fera qu'une bonne harmonie: Seigneur Jesus, sans reserve, sans si, sans mais, sans exception, sans limitation, vostre volonté soit faitte sur pere, sur mere, sur fille, en tout et par tout.

  A013002873 

 Je vous envoye un escusson pour vous aggreer; et puisqu'il vous plaist de faire faire le service la ou cette fille repose en son cors, je le treuve bon, mais sans grandes pompes, sinon celles que justement la coustume chrestienne exige: car a quoy tout le reste? Vous feres, par apres, tirer en liste tous ces frais et ceux de sa maladie, et me l'envoyeres, car je le veux ainsy; et ce pendant on priera Dieu de deça pour cette ame et luy ferons joliment [332] ses petitz honneurs.

  A013002887 

 La Methode, la Perfection, la Perle sont des livres fort obscurs et qui cheminent par la cime des montagnes; il ne s'y faut guere amuser.

  A013002901 

 Mais si ell'est de la terre, je le connoistray aysement par le repentir qui la suivra de pres, et lequel, a mon advis, je descouvriray soudainement; et en ce cas, je m'employeray avec affection au dessein que vous agreés, et que, pour cela, j'ay [336] bien avant au cœur, comme je vous supplie de croire fermement..

  A013002918 

 Dieu soit loüé, beni et magnifié en tout ce que vous me dites par vostre lettre..

  A013002926 

 Failloit il pas que je vous disse cela? Mais non, ce n'est pas par vantance; oh! ce n'est que par liberté..

  A013002926 

 J'ay presché sur les paroles de Dieu recitees par Hieremie: Je pense des pensees de paix et non point d'affliction.

  A013002945 

 Et bien, Monsieur, que nous soyons fort esloignés des merites que vous pouvies justement requerir pour nous faire cette faveur et nous recevoir a une si estroitte alliance avec vous, si esperons nous de tellement y correspondre par une entiere, sincere et humble affection a vostre service, que vous en aures contentement..

  A013002965 

 Je loüe Dieu de tout mon cœur de la santé de madame ma chere tante, et permettes moy de commencer ma salutation par l'endroit qui m'est maintenant le plus sensible.

  A013002966 

 Nous jouirons cet Advent de la presence de madame de Chevron, laquelle viendra pour dissiper, par la conversation et hantise des saintz Offices, l'ennuy que le trespas de madame d'Autrechese luy donne; comm'aussi ma mere, pour addoucir la memoire de celuy de ma jeune seur..

  A013002986 

 Les heureuses promesses que le Ciel fait a la terre par la promotion de Vostre Altesse au cardinalat, donnent sujet [345] a toute l'Eglise de benir la Providence divine, laquelle, par ce moyen, fournit au grand Siege Apostolique une colomne de haut prix et d'excellente dignité.

  A013002986 

 Mais ce diocese de Geneve en doit ressentir une joye toute particuliere; car le voyla, Monseigneur, doublement asseuré de la protection de Vostre Altesse, par le sang duquel elle est extraitte et par celuy qui teint son sacré chapeau, puisque la couleur de pourpre n'y tient nulle place que pour representer le sang du Sauveur, dans lequel les grans de l'Eglise doivent tous-jours tremper leur zele..

  A013003001 

 O ma Fille, il est vray, nous pouvons faire toutes nos annees, nos mois, nos jours et nos heures saintes par le bon et fidelle usage.

  A013003029 

 Dans cette fonction, il déploya une fermeté d'âme, une force de [351] doctrine sans cesse grandissantes; aussi obtint-il en trois ans une faveur que d'autres gens de mérite, fortement patronnés, auraient à peine obtenue après bien des années: celle d'être présenté par le roi au Siège Apostolique pour l'évêché de Montpellier.

  A013003030 

 Aussi, Très Saint Père, c'est une heureuse fortune pour cette Eglise, on le conçoit aisément, d'être confiée à un homme qui a passé par tous les degrés des fonctions ecclésiastiques.

  A013003030 

 Et il sera bien plus alerte pour [352] cette tâche, si Votre Sainteté, dans sa bienveillance, daigne le stimuler, l'encourager, le protéger, l'affermir par son amour paternel..

  A013003031 

 C'est la grâce que je demande à Votre Béatitude pour lui, ayant été jusqu'ici son Evêque, et aussi à cause des obligations que lui a l'Eglise de Genève, et je la demande très humblement, par les entrailles du Christ, à vous qui êtes le Père de l'un et de l'autre, prosterné à vos pieds pour les baiser.

  A013003043 

 O quel bausme il respandroit en toutes les puissances de nostre esprit! Que nous serions heureux, ma Fille, de n'avoir en l'entendement que Jesus, en la memoire que Jesus, en la volonté que Jesus, que Jesus en l'imagination! Jesus seroit par tout en nous, et nous, par tout en luy.

  A013003044 

 Helas, ma Fille, je ne le sçai pas; mais je sçai seulement que, pour le bien exprimer, il faut avoir une langue toute de feu, c'est a dire qu'il faut que ce soit par le seul amour divin, qui, sans autre, exprime Jesus en nostre vie en l'imprimant dans le [354] fond de nostre cœur.

  A013003058 

 Vive Jesus! C'est en luy, par luy et pour luy que je suis sans fin, sans reserve et uniquement vostre..

  A013003070 

 Mais qu'entendes vous que l'on face digestion spirituelle de Jesus Christ? Ceux qui font bonne digestion corporelle ressentent un renforcement par tout leur cors, par la distribution generale qui se fait de la viande en toutes leurs parties.

  A013003070 

 Mais, ce Sauveur, que fait il par tout par la? Il redresse tout, il purifie tout, il mortifie tout, il vivifie tout.

  A013003071 

 Et puis, je m'en vay tantost a cette sainte refection avec vous; car c'est jeudy, et ce jour-la nous nous tenons l'un a l'autre, et nos cœurs, ce me semble, s'entretouchent par ce saint Sacrement..

  A013003073 

 Mais parce que, par une autre lettre, vous me dites que Jacques le connoissoit, je m'en enquis, et il me dit que c'estoit un enfant [358] bon a tout; c'est pourquoy je vous dis maintenant que, quand il vous plaira me l'envoyer, je le recevray de bon cœur.

  A013003073 

 Non point que, par ce mot de bon a tout, je le veuille traitter indiscrettement; mais je veux dire que je le pourray faire servir non seulement a la plume, mais a la chambre, et en fin a beaucoup de petitz services, et le tenir humble.

  A013003085 

 Mais, en vous promenant seule, ou ailleurs, jettés l'œil sur la volonté generale de Dieu, par laquelle il veut toutes les œuvres de sa misericorde et de sa justice au Ciel, en terre, sous terre; et, avec une profonde humilité, appreuvés, loués, puis aymés cette volonté souveraine, toute sainte, toute equitable, toute belle..

  A013003086 

 Jettés l'œil sur la volonté de Dieu speciale, par laquelle il ayme les siens et fait en eux des œuvres diverses de consolation et de tribulation.

  A013003087 

 En fin, conclués par une grande confiance en cette volonté, qu'elle fera tout bien pour nous et nostre bonheur..

  A013003088 

 J'ay presque dit ce qu'il faut, mais j'adjouste qu'ayant fait deux ou trois fois cet exercice en cette façon, vous [361] pourres l'accourcir, le diversifier et accommoder comme vous le treuveres mieux, car il le faut souvent ficher au cœur par maniere d'eslancemens..

  A013003089 

 Nostre chanoyne m'a dit quil vous escriroit; il s'est mis a la pesche des ames ces jours passés fort heureusement, y entrant par deux familiers..

  A013003117 

 Je vous ay escrit il n'y a justement que six heures, [364] par l'homme qui rameyne le cheval sur lequel Thibaut est venu.

  A013003120 

 Mais sçaves vous, tout cela va par ordre et n'y a rien a craindre, sinon parce que tout se tient a moy qui suis un grand miserable.

  A013003131 

 Hier seulement je vous escrivis, ma chere Fille, par la voye de Lyon; et maintenant, vovci arriver l'homme de M. de Sainte Claire, qui m'apporte vostre lettre du 24 fevrier, a laquelle je vay briefvement respondre; et, si je puis, je respondray encor a quelqu'une des autres..

  A013003132 

 Il ne faut pas, pour peu de chose, se detraquer comme cela, notamment les femmes; car par apres on ne vaut rien tout le long du jour..

  A013003132 

 Je commence par vostre coucher et lever matin.

  A013003132 

 Je fay cela, il est vray, mais c'est par vive force: autrement, je dors fort bien ce qui m'est necessaire, et je veux que vous en facies de mesme.

  A013003137 

 Ce sont des craintes sans sujet, car si l'ange de Satan, souffletant saint Paul par tant d'agitations de pensees deshonnestes, ne sceut neanmoins offencer sa pureté, pourquoy tiendrons nous nos resolutions offencees par ces mouvemens d'esprit?.

  A013003137 

 Usés fort de diversions en semblables occasions, par des actes positifs d'amour en Dieu et de confiance en sa grace.

  A013003138 

 Au demeurant, vous aves choysi un confesseur bon, prudent et docte; dites-luy hardiment nos resolutions telles qu'elles sont, affin de bien alleger vostre esprit par ses advis, car je ne doute nullement qu'il n'y bougera rien, mais vous y confortera.

  A013003141 

 Je suis, d'une affection incomparable, tout vostre en luy et par luy.

  A013003166 

 J'ay perdu des pacquetz en chemin qui vous auront fait estre quelque tems sans avoir de mes lettres, mesme celles par lesquelles je respondois a ce que M. de Sauzea m'avoit dit de vostre [371] part; dont j'ay esté bien fasché, car je vous escrivois avec grande confiance..

  A013003183 

 C'est en fin par monsieur Favre que je vous escris, ma chere Fille, et tous-jours neanmoins sans loysir, car il m'a faillu escrire beaucoup de lettres, et tous-jours vous estes la derniere a qui j'escris, ne craignant point pour cela de m'en oublier.

  A013003184 

 Car, si apres tant de tems, apres [373] tant de demandes a Dieu on ne se resoult pas sans difficulté, comme penserons, sur des considerations faites sans appareil (pour celles qui viennent a gauche) et faites par des simples odeurs et goustz (quant a celles qui viennent a dextre), comme penserons nous, dis-je, bien rencontrer? Or sus, laissons cela, n'en parlons plus..

  A013003186 

 C'est comme j'en ay veu plusieurs qui, s'estant mis en cholere, sont par apres en cholere de s'estre mis en cholere; et [374] semble tout cela aux cercles qui se font en l'eau quand on y a jetté une pierre, car il se fait un cercle petit, et cestuy la en fait un plus grand, et cet autre un autre..

  A013003186 

 Helas, ma chere Fille, c'est aussi un entortillement que celuy duquel vous m'escri vies par monsieur de Sauzea, ce tintamarre ... qui vous fait peur de ...ement de ....

  A013003211 

 Ce n'est pas pour elle, car ell'est toute ronde, mais parce qu'elle monstre quelquefois vos lettres aux autres par gloire.

  A013003211 

 Or, ne vous mettes pas en peyne si elle prendra vos parolles par advertissement ou non, car il n'y a rien a craindre; non, elle va fort rondement et naifvement.

  A013003226 

 J'ay sceu par monsieur d'Hostel que nostre R. Pere Recteur est bien malade, et si je croyois de luy estre utile j'irois le visiter en personne; mais puisque cela ne luy rendroit nul service, je le visiteray tous les jours en esprit, offrant le tressaint Sacrifice pour son portement.

  A013003245 

 Soyés fidelle a ce divin Espoux de vostre ame, et de plus en plus vous verres que, par mille moyens, il vous fera paroistre son cher amour envers vous..

  A013003247 

 C'est bien dit, ma Fille bienaymee; quand nous verrons mourir nos amis, pleurons les un peu, regrettons les un peu par compassion et tendreté, mais avec tranquillité et sans impatience; et faysons valoir leur deslogement pour nous preparer tout doucement et joyeusement au nostre..

  A013003259 

 C'est nostre miel, ma chere Cousine, dedans lequel et par lequel toutes les affections, toutes les actions de nostre cœur doivent estre confites et addoucies..

  A013003261 

 C'est pourquoy tenons nous bien a Dieu par la continuation de nos exercices: que ce soit le gros de nostre soin, et le reste, des dependances.

  A013003278 

 Combien de courtisans y a-il qui vont cent fois en la presence du Roy, non pour luy parler ni pour l'ouyr, mais simplement affin d'estre veus de luy et tesmoigner par cette assiduité qu'ilz sont ses serviteurs? Et cette fin de se presenter devant Dieu, seulement pour tesmoigner et protester de nostre volonté et reconnoissance a son service, elle est tres excellente, tres sainte et tres pure, et par consequent de tres grande perfection..

  A013003279 

 La seconde cause pour laquelle on se presente devant Dieu, c'est pour parler avec luy et l'ouyr parler a nous par ses inspirations et mouvemens interieurs; et ordinairement cela se fait avec un playsir tres delicieux, parce [386] que ce nous est un grand bien de parler a un si grand Seigneur, et quand il respond, il respand mille bausmes et onguens pretieux, qui donnent une grande suavité a l'ame..

  A013003280 

 Une autre fois nous serons tout esbahis qu'il nous prendra par la main, et devisera avec nous, et fera cent tours avec nous es allees de son jardin d'orayson; et quand il ne le feroit jamais, contentons-nous que c'est nostre devoir d'estre a sa suitte et que ce nous est une grande grace et un honneur trop plus grand qu'il nous souffre en sa presence.

  A013003282 

 Quant a la crainte que vous aves que vostre pere ne vous face perdre le desir d'estre Carmeline par la trop grande distance de tems qu'il vous veut prefiger pour executer vostre souhait, dites a Dieu: Seigneur, tout mon desir est devant vous, et le laissés faire; il maniera le cœur de vostre pere et le contournera a sa gloire et a vostre prouffit.

  A013003294 

 Vous estes obligés de m'oüir, car je veux implorer par icelles vostre justice et æquité contre tant de calomnies et injures desquelles mes concitoyens m'ont chargé despuis ma sortie, c'est a dire des un mois en ça..

  A013003296 

 Les autres me font un esprit melancolique et triste, qui ne peut se contenter que par le changement d'air et d'objet.

  A013003320 

 Je donne a ce porteur cette lettre par ce quil revient, et pourra m'en rapporter des vostres..

  A013003321 

 C'est aujourdhuy la feste de tous les Saintz; et faysant l'Office a nos Matines solemnelles, voyant que Nostre Seigneur commence les beatitudes par la pauvreté d'esprit et que saint Augustin l'interprete de la sainte et tres desirable vertu de l'humilité, je me suis resouvenu que vous m'avies demandé que je vous envoyasse quelque [392 a ] chose d'icelle, et il m'est advis que je ne l'aye pas fait en ma derniere lettre, quoy que bien ample et peut estre trop longue.

  A013003322 

 Mais aux vefves appartient sur tout l'humilité; car, qui peut enfler la vefve d'orgueil? Elle n'a plus son integrité (laquelle neanmoins peut estre contreschangee par une grande humilité viduale; et est bien mieux d'estre vefve avec force huile en sa lampe que d'estre vierge sans huile ou avec peu d'huile), ni ce qui donne le plus haut prix a ce sexe selon l'estime du monde; elle n'a plus son mari, qui estoit son honneur et duquel ell'a pris le nom.

  A013003323 

 O que c'est une belle fleur que la vefve chrestienne! Petite et basse par humilité, elle n'est guere esclattante aux yeux du monde, car elle les fuit et ne se pare plus pour les attirer sur soy.

  A013003377 

 Dequoy nous avons encores particulierement chargé le sieur Senateur Favre de vous prier de nostre part et vous asseurer tant plus que nous vous en aurons obligation perpetuelle, et laquelle nous tascherons tous, et en general et en particulier, de recognoistre en vostre endroict par toutte sorte de tesmoignage d'affection a vostre service, d'aussy bon cœur qu'appres vous avoir bien humblement baisé les mains, nous prions Dieu quil luy plaise, Monsieur, vous conserver et accroistre de jour en jour ses sainctes graces, et a nous les vostres..

  A013003393 

 Que je suis contant et consolé quant je reçois de voz nouvelles! Elles me ravissent; et qui n'en seroit touché, y reconnoissant une affection sans mesure envers moy, qui n'en suis digne que par vostre pure bonté et courtoisie? Les grandes obligations doivent estre plustot ensevelies dans le silence que non assez dignement remercieez.

  A013003412 

 Je n'estime pas que j'en aye grand besoin devant un mois, parce que le huictiesme et le neufviesme Livres restent encores a imprimer; et quoy quil en soit, vous le pouvez finir par la ou il vous plaira.

  A013003413 

 Je ne sçay si la nouvelle quil aura eu par monsieur de Charmoisy, des fievres tierces de Son Altesse l'aura retenu, en lieu qu'elle le devoit haster; car je croy bien quil ne va pas en Piemont en intention de croupir longue ment au pied du lict d'un malade..

  A013003416 

 La vie me sera tousjours aggreable, quand elle sera accompagnee de la grace de Dieu et de la vostre, et quand elle me donnera plus de moyens de vous tesmoigner par effect que je suis et seray eternellement,.

  A013003428 

 Je remercie tres humblement et de tout mon cœur la divine Bonté qui m'ha fait grace de recevoir de voz nouvelles, et de ce que [399] la main d'iceluy, qui est Episcopus animarum nostrarum, opere par vostre moyen.

  A013003429 

 Si est il que apres ce remerciement, je me ressent (sic) bien obligé à vous, Monseigneur, mesmes qu'avec ceste singuliere affection qu'il vous ha pleu me conserver, j'espere par voz saints Sacrifices estre offert à Dieu, au quel mon aage me talonne à chaque heure d'aspirer et me presenter.

  A013003430 

 Du seigneur Gaillon, comme fruit de vostre culture, j'ay entendu avec extreme contentement ce que la sainte misericorde et providence divine vont par vostre moyen operant dans Geneve.

  A013003431 

 De voz euvres, qui sont issues contre ceux qui avoient escrit au deshonneur de la Croix, j'eusse desiré participer, tant pour soulagement de mon esprit et pour en tirer proffit, que pour en faire mention en mon Apparatus sacer; mais, possible, par quelque occasion, si Dieu plait, j'en participeray, et lors, en la seconde edition du dict Apparatus, j'en feray mention, puis que la premiere est parachevee.

  A013003431 

 Que si le seigneur Gaillon aurà moyen de vous apporter quelcune de mes petites ou grandes pieces qui, possible, ne vous sont pas parvenues es mains, vous plairrà, Monseigneur, les accepter et prendre en gré, comme provenantes d'iceluy qui vous ayme par dessus tous ces (sic) enfans spirituels, et vous revere et honnore à l'egal de quelconque autre Prelat..

  A013003432 

 Ceux de Geneve, à l'instant et par l'espace des deux annees suyvantes, m'escrivirent contre par 4 divers aucteurs; je fus contraint, par l'advis de personnes zelantes, de leur respondre briefvement, mais tellement qu'ils n'oserent plus s'attaquer à moy.

  A013003433 

 Si vous envoye je un autre petit mien livre tiré de la Biblioteque Choisie, mais abbregé, le quel ha esté imprimé icy et reimprimé à Paris, vous priant, Monseigneur, de le lire; car, possible, vous jugerez qu'il puisse proffitter à vostre troppeau et, par une nouvelle maniere, clorre la bouche aux heretiques et rembarrer ceux qui mesdisent de nostre Compagnie et des autres Ordres religieux..

  A013003434 

 Et s'il vous plairrà, Monseigneur, me faire donner par fois quelque nouvelle de la conversion des ames et de ce que l'on pourroit faire d'avantage pardela par le moyen de Romme et d'ailleurs, peut estre que m'essayeray d'y songer et de vous y tenir la main, si tant est que l'aage et les indispositions du corps me donnent quelques treves pour m'employer au service de Dieu et de [401] vous, Monseigneur, au quel je prie la continuelle assistence divine, et plenissimam benedictionem de cœlo desuper et de terra deorsum..

  A013003440 

 par la grace de Dieu Evesque de Geneve..

  A013003471 

 Elle a porté le Cordon de sainct François, à gros nœuds, sur la chair toute nuë, mesmes au lict, par l'espace de vingt ans; dont elle estoit toute escorchée.

  A013003472 

 Si par fortune elle n'avoit pas la commodité d'ouyr la Messe, elle s'enfermoit dans son cabinet, et là prioit Dieu l'espace de deux heures.

  A013003475 

 Le jour estant venu, elle se mist à genoux pour prier Dieu avec son livre d'Heures, et estant retournée au lict par le commandement de son mary, elle fist un long discours des peines et travaux que la glorieuse Vierge Marie Nostre Dame avoit soufferts, tant en eslevant son divin Enfant, qu'en Egypte et autre part.

  A013003477 

 Elle fust encore visitée par sa sœur Nicole, qui vouloit demeurer aupres d'elle; mais elle luy dit: « Ma sœur, allez vous-en; vous avez des affaires à La Roche et [405] estes plus malade que moy; nous nous verrons bien-tost en Paradis, avec l'aide de Dieu.

  A013003477 

 Elle fust visitée par le curé d'Amancy, auquel elle demanda l'Extreme Onction; ce que toutesfois il ne luy accorda pas, ne croyant pas qu'elle fust si fort malade.

  A013003479 

 La Nicole sa sœur, après avoir receu les Sacremens de Penitence, de l'Eucharistie et de l'Extreme Onction, dans la mesme eglise de La Roche, l'Office des chanoines estant achevé, expira comme elle luy avoit predict, par jeudy, le quinziesme du mesme mois....

  A013003524 

 Admodum Reverendus Dominus Joannes Franciscus Salesius, Ecclesiæ tuæ canonicus et Amplitudinis Tuæ procurator, Beatorum Apostolorum limina superioribus diebus pie ac devote visitavit, ac de tuæ Ecclesiæ statu relationem præclarissime exaratam exhibuit, qua neque de clero et de Religiosorum Ordinum familiis, de parœciis et cæteris ecclesiis dilucidius, neque de abusibus, corruptelis ac hæresibus copiosius, neque de remediis ac orthodoxæ doctrinal ecclesiasticæ restitutione prudentius ac vigilantius perscribi potuit.

  A013003540 

 Mais puisque votre charge et de meilleures et plus importantes raisons vous retiennent par-delà, je vous supplie, Monsieur, de faire souvent part à lui et à moi du doux miel de vos saints et divins discours, pour nous réveiller du sommeil dans lequel nous nous trouvons presque toujours engagés par les affaires du monde, et rappeller notre esprit à la contemplation de la Divinité et de la béatitude éternelle..

  A013003541 

 Par les lettres qu'il m'en écrit, il s'en loue fort; mais ils ne sont [410] pas tels que les vôtres, ni si remplis qu'eux des graces de Dieu.

  A013003554 

 Nous pourrons dire de vous, Monseigneur, ce que saint Paul disoit de lui même: qu'afin que rien ne manque à vôtre apostolat, vous prenéz un soin continuel de toutes les eglises de Dieu sapées par les heretiques et relevées par vôtre travail..

  A013003562 

 J'en ay quelque desir, qui deviendra meilleur par la continuation que j'ose me promettre de vostre sainct et charitable secours..

  A013003562 

 Oultre les obligations passees que je vous ay, en voici une nouvelle et bien grande, puisque me voici hors de maladie par voz merites et par l'entremise de voz oraisons plus ferventes et saincts Sacrifices qu'il vous a pleu offrir a Dieu pour ma santé.

  A013003563 

 Bien souvent un mal est accompagné d'un autre, comme de fait, pour mon affliction corporelle j'ay esté frustré de la consolation spirituelle que Dieu m'envoyoit par vostre ministere; car celle qu'a voulu se charger de la presente pour la vous rendre en main, vous dira que je n'ay rien fait pour le bien spirituel de son ame.

  A013003564 

 Dieu recompensera, s'il luy plaist, la charité exercee en mon endroit par tant de personnes d'honneur.

  A013003564 

 Je conserveray, Dieu aydant, au secret de mon cœur se (sic) present riche et precieux, et en recognoissance me diray ce que je veus et doibs estre par tout devoir,.


14-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIV-Vol.4-Lettres.html
  A014000023 

 — Eloge de la sainte chasteté: vertu vraiment céleste, qui consacre à Dieu les âmes et les corps, vouée d'abord par Notre-Dame, et après elle, par toute la troupe des cœurs vierges.

  A014000026 

 Différend entre les chanoines du Chapitre de Saint-Pierre et les Augustins de Seyssel; pour le régler, une entrevue est proposée par le Saint.

  A014000031 

 Le Saint n'est «point homm'extreme;» il espère obtenir davantage de Rose Bourgeois par une entrevue.

  A014000031 

 — Dieu veut être servi par les exercices compatibles avec les devoirs d'état.

  A014000034 

 — Le Saint se réjouit d'apprendre le bien qui se fait à Paris par son entremise et celle de ses amis. 39.

  A014000041 

 — Le moyen de faire glorifier Dieu par le prochain.

  A014000041 

 — Quand les mortifications sont interdites par une santé délicate, que faut-il faire? 45.

  A014000052 

 — Les âmes que Dieu aime «en tout et par tout.».

  A014000053 

 La fête de la Dédicace; les cœurs et les corps, temples mystiques dédiés à Dieu par les vœux.

  A014000055 

 Souhaits de ferveur par le don du cœur à Dieu.

  A014000055 

 — N'aimer rien qu'en lui, par lui et pour lui. 58.

  A014000075 

 — Les petites et les grandes vertus; c'est par les unes qu'on arrive aux autres.

  A014000093 

 — Rappeler au monastère une Religieuse absente et par quels procédés.

  A014000112 

 Les conditions de la conférence contradictoire proposée par les Genevois sont acceptées par le Saint.

  A014000126 

 — Le corporal envoyé par la Baronne. 131.

  A014000127 

 Mme de Boisy est priée par son fils de consulter le médecin Marc Offredo.

  A014000131 

 — Le passage par Genève et les calomniateurs.

  A014000151 

 — M me de Boisy assistée par son fils; rapide éloge de la défunte.

  A014000160 

 Par plusieurs voies on va au Ciel, si l'on a pour guide la crainte de Dieu.

  A014000162 

 «Il est dangereux de marcher au chemin des proces.» — Par quelles pratiques les âmes chrétiennes témoignent-elles de la fidélité à Notre-Seigneur. 168.

  A014000171 

 — Sommaire et premier crayon de la vie religieuse proposée par manière d'essai.

  A014000196 

 — Par quelles vertus s'entretient le désir de la vie religieuse. 203.

  A014000204 

 Le Prélat destinataire est prié de vouloir bien réconcilier un cimetière profané par un assassinat. 209.

  A014000226 

 I. Lettres adressees a Saint François de Sales par quelques correspondants.

  A014000227 

 A. Facultés accordées par la Congrégation du Saint-Offic.

  A014000245 

 Mon Dieu, ma chere Fille, voudrions nous bien entrer au repos interieur sans passer par les contradictions et contestes ordinaires?.

  A014000294 

 J'ay esté bien consolé par les lettres que vous m'aves escrit, voyant que Nostre Seigneur vous a fait gouster les commencemens de la tranquillité avec laquelle, moyennant sa grace, il nous faut desormais continuer de le servir parmi la presse et multiplicité des affaires ausquelles nostre vocation nous oblige.

  A014000294 

 Que si bien il y entrevient beaucoup de manquemens par infirmité, il ne faut nullement s'estonner; mais, en detestant d'un costé l'offence que Dieu en reçoit, il faut de l'autre avoir une certaine humilité joyeuse qui ayt a playsir de voir et connoistre nostre misere..

  A014000296 

 Parmi le jour et entre les affaires, le plus souvent que vous pourres, examinés si vostre amour est point engagé trop avant, s'il n'est point detraqué et si vous ne vous tenes pas tous-jours par l'une des mains a Nostre Seigneur.

  A014000297 

 Au tems de paix et de tranquillité, multipliés les actes de douceur; car, par ce moyen, vous apprivoyseres vostre cœur a la mansuetude.

  A014000297 

 Ne vous amuses pas a combattre les menuës tentations qui vous arrivent, par des contestes ou disputes avec elles, mais par des simples retours de vostre cœur a Jesus Christ crucifié, comme si vous allies bayser son costé ou ses pieds par amour..

  A014000310 

 Et pour cela, Monsieur, je vous supplie d'apprendre de Sa Majesté que c'est qu'elle penseroit faire de moy et en quoy elle desireroit m'employer, car sans doute je ne suis pas bon a beaucoup de choses; et j'ay neanmoins cette generosité de ne vouloir pas estre appliqué que pour ce que je suis et en ce que je puis, d'autant plus quand ce seroit par la gratification et grace d'un si grand Roy, lequel ne pense pas a me faire transplanter de ce pais en son royaume, abondant en toutes sortes de personnes de merite, quil ne m'estime fructueux et propre a son contentement..

  A014000311 

 Dieu m'a fait la grace de reconnoistre que je suis fait pour luy, par luy et en luy.

  A014000311 

 Mais tout cela ne me tient qu'au bout des doigtz et ne me sçauroit empescher de m'embarquer a tout autre service ou je penserois estre plus utile a la gloire divine et au bien de l'Eglise, puisque des mon Baptesme et par vocation je suis consacré a cela..

  A014000332 

 Nostre Seigneur vous conserve et aggrandisse en ses saintes benedictions, et me face la grace de ne point paroistr'ingrat de tant de faveurs que je reçois de vous, ains de tesmoigner par effect que je suis de coeur tout entier,.

  A014000337 

 Oseray je donq bien supplier Monsieur le Reverendissime de Montpellier de me conserver ses graces, et sçavoir par ces trois lignes que je suis son tres humble serviteur? Monsieur, obliges moy de le luy dire, car il est fort vray..

  A014000347 

 J'ay fait responce (car, comme je vous dis, c'est tout de bon) que j'estois tout a Dieu et que je luy dirois: Seigneur, que voules vous que je face? Entre ci et deux mois, je seray hors de cette peyne par une resolution absoluë.

  A014000359 

 Et ne vous troubles point, ma Fille, je vous prie, de ce que je vous escrivis l'autre jour touchant la proposition qui se fait de me tirer moy mesme de ma terre et de mon parentage; car rien ne se fera que de par Dieu, et de quel costé que j'aille sous sa conduite, tout ira fort bien et pour vous et pour moy.

  A014000368 

 Par ce que monsieur de Fontaine, partant lundi de Turin, laissa monsieur de Vallon mon cousin en bonne santé et monsieur de Charmoysi aussi, j'ay voulu, par cette commodité, vous en donner l'asseurance, bien que peut estre aures vous des lettres aussi recentes que cela.

  A014000386 

 Or, pour le bien faire, prenés le loysir les trois jours precedens, de bien preparer vostre vœu par l'orayson, laquelle vous pourres tirer de ces considerations:.

  A014000389 

 Humiliés vous fort devant la trouppe celeste des vierges et, par l'humble priere, suppliés-les qu'elles vous reçoivent avec elles, non pas pour pretendre a les esgaler en pureté, mais au moins affin que vous soyes advoùee leur servante indigne, en les imitant au plus pres que vous pourres.

  A014000389 

 Suppliés-les qu'elles offrent avec vous vostre vœu a Jesus Christ, Roy des vierges, et qu'elles rendent aggreable vostre chasteté par le merite de la leur.

  A014000391 

 Playse vous accepter ce mien vœu irrevocable en holocauste de suavité, et puisqu'il vous a pleu m'inspirer de le faire, donnes moy la force de le parfaire a vostre honneur, par tous les siecles des siecles..

  A014000394 

 Et comme on n'ose plus toucher ni profaner un calice apres que l'Evesque l'a consacré, ainsy, le Saint Esprit ayant consacré vostre cœur et vostre cors par ce vœu, il faut que vous luy porties une grande reverence..

  A014000406 

 Vous aves besoin de la patience, et j'espere que Dieu la vous donnera, si vous la luy demandes soigneusement et que vous vous efforcies de la prattiquer fidellement, vous y preparant tous les matins par une application speciale de quelque point de vostre meditation, et vous opiniastrant de vous mettre en patience le long de la journee tout autant de fois que vous vous en sentires distraite..

  A014000407 

 Ne vous confiés pas de pouvoir reuscir en vos affaires par vostre industrie, ains seulement par l'assistance de Dieu; et partant, reposés vous en son soin, croyant qu'il fera ce qui sera le mieux pour vous, pourveu que, de vostre costé, [21] vous usies d'une douce diligence.

  A014000420 

 Je cours apres vous par ces deux motz pour vous rendre graces de la faveur que vous me faites, si abondamment tesmoignee par vostre lettre.

  A014000434 

 Les sieurs chanoynes de mon Eglise s'accommodent fort volontier au desir que j'ay de vous voir bien ensemblement [24] avec eux, par un appointement amiable de tous les differens qui sont entre vous.

  A014000436 

 Mais les causes estant ostees, tous ombrages, soupçons et rapportz cesseront, et, comme nous devons, et l'un et l'autre des cors s'entretiendront par une sainte charité a cooperer l'un a l'autre pour le service du cors general de Jesuschrist qui est l'Eglise..

  A014000458 

 Helas! ma chere Fille, il luy faut pardonner; ce n'est pas par infidélité qu'il manque, c'est par infirmité.

  A014000498 

 Ces pouvoirs étaient pour cinq ans; mais, absorbé par beaucoup d'autres pensées, j'ai laissé écouler cet espace de temps sans songer à demander de nouvelles permissions.

  A014000499 

 D'ailleurs, le profit que nous avons retiré de cette faculté ressort assez clairement de ce fait, que plusieurs milliers d'hommes et de femmes, dans ces douze dernières années ont abjuré l'hérésie, en partie par mon ministère, en partie par celui des autres, et sont rentrés par la grâce de Dieu dans le sein de l'Eglise Catholique..

  A014000499 

 Des hérétiques que nous avons encore dans le diocèse, le plus grand nombre reviennent chaque jour [31] au bercail de l'Eglise, tant par l'effet des prédications publiques que des entretiens privés.

  A014000510 

 Entr'autres choses, il me vint en l'esprit ce qui est dit de Bala, servante de Rachel, qu'ell'enfantoit ses enfans sur les genoux et dans le giron de sa dame, et les enfans n'estoyent plus siens, mais de Rachel sa dame; et me sembloit que si nous mettions, par une juste confiance, nos cœurs et nos affections sur les genoux et dans le giron de Nostre Dame, qu'ilz ne seront plus nostres, mais a elle: cela me consoloit beaucoup.

  A014000511 

 Je demanday voirement a Jan si nostre chere Marie bienaymee portoit le moule, mais je n'y entendois nul mal; car vous sçaves bien que j'ayme les testes bien moulées, et si cette petite teste est moulée par la vostre, je l'en cheriray davantage.

  A014000513 

 Il est fort entendu aux cas de conscience, pour le peu de doctrine qu'il a; mais par ce qu'il n'a pas le discernement si delicat quil seroit requis, ne vous amusés point a ses advis.

  A014000513 

 Si par fortune il s'en vouloit mesler, ou mesme qu'il parlast beaucoup de ce sujet-la, dites luy que je vous ay defendu de vous entretenir de ces choses-la et de vous en mesler, ni personne qui soit avec vous; car ce sont des discours auxquelz il s'engage plus avant quil ne faut.

  A014000515 

 J'ay fait ces jours passés une course a Thonon pour recevoir des habiles hommes ecclesiastiques qui s'estoyent mis entre les huguenotz par desbauche.

  A014000515 

 O Dieu, quelle grace ay-je receue d'avoir esté tant de tems, et si jeune et si chetif, parmi les haeretiques, et si souvent invité par les mesmes amorces, sans que jamais mon cœur aye [37] seulement voulu regarder ces infortunés et malheureux objetz! Benite soit la main debonnaire de mon Dieu qui m'a tenu ferme dans cet enclos..

  A014000516 

 Elle chemine fort bien et advance de bien én mieux; je la voy souvent, au pris de vous, mais non pas si souvent que je voudrois, par ce que je n'en ay pas la commodité pour le faire a propos.

  A014000516 

 Je vous ay escrit par M me de Traves, mais tous-jours en presse..

  A014000530 

 Je n'escris point a M me l'Abbesse, quoy que je le desire, par ce que je n'en ay pas le loysir, et il faut que je luy escrive un peu a mon ayse.

  A014000531 

 Est ce bien une vraye impatience, ou sont ce point seulement des repugnances naturelles? Mais puisque vous la nommés impatience je la tiendray pour telle, et en attendant de vous en parler plus amplement a bouche devant que l'automne se passe, je vous diray, ma chere Seur, en esprit de liberté, qu'a ce que j'ay reconneu de vous par vos lettres, plus que par le peu de conversation que j'ay eu avec vous, vous aves un cœur qui s'attache puissamment aux moyens de vostre praetention.

  A014000532 

 Le remede seroit de prendre la peyne de vous bien persuader et bien detremper vostre esprit en ce sentiment: c'est que Dieu veut que vous le servies ainsy comme vous estes, et par les exercices convenables a cet estat et par les actions qui en dependent; et en suite de cette persuasion, il faut que vous vous rendies tendrement amoureuse de vostre estat et des exercices d'iceluy pour l'amour de Celuy qui le veut ainsy.

  A014000532 

 Mays voyes vous, ma chere Seur, il ne faut pas penser a ceci simplement en passant; il faut mettre cette cogitation bien avant dans vostre cœur et, par des recollections et attentions particulieres, vous rendre cette verité savoureuse et bien venue dans vostre esprit.

  A014000534 

 Cette varieté en laquelle vostre esprit se void en l'orayson et hors de l'orayson, tantost fort, tantost foible, tantost regardant le monde avec playsir, tantost avec degoust, ce n'est autre chose qu'un sujet que Dieu vous laysse de vivre bien humblement et doucement, car vous voyes, par ce moyen, quelle vous estes de vous mesme et quelle avec Dieu; de sorte que vous ne deves nullement vous en descourager pour cela..

  A014000556 

 Mais la vérité, la voici: dans la visite générale de mon diocèse, que j'ai presque achevée, sans laisser aucune paroisse, je n'ai trouvé absolument aucun hérétique dans les paroisses qui n'ont pas été occupées par les Bernois et les [42] Genevois, ni aucun livre prohibé, si ce n'est quelques vieux ouvrages restés ensevelis, soit pure indifférence, soit mépris, dans la poussière de quelque maison.

  A014000586 

 Vous devés vous en resjouir par ce que la piece que nous avons gaignee est importante, mais specialement par ce que, comme vous avies receu de luy l'instruction de la philosophie, ainsy quil m'a dit, aussi vous avés beaucoup cooperé par vos lettres a sa reduction en l'Eglise; et si, vous m'aves beaucoup obligé, l'asseurant que je le servirois en ce dessein-la..

  A014000588 

 J'ay de la consolation d'oiiir le resonnement, quoy que confus, des biens qui se font a Paris par vostre entremise et de ces autres serviteurs de Dieu, que j'honnore de tout mon cœur.

  A014000606 

 Ce m'est tous-jours beaucoup d'honneur et de consolation de recevoir par vos lettres les tesmoignages que vous me donnes de la continuation de vostre bienveuillance en mon endroit.

  A014000638 

 Je n'ay pas respondu ci devant a vostre derniere lettre par ce que je n'ay point rencontré de porteur asseuré, et maintenant je n'ay pas le loysir requis pour vous bien [51] satisfaire.

  A014000639 

 La bienheureuse Angeline de Foligni disoit que Nostre Seigneur luy avoit revelé quil n'avoit nulle sorte de bien tant aggreable que celuy qui luy estoit fait par force; c'est a dire, que celuy qu'une volonté bien resolue luv fait contre les alanguissemens de la chair, les repugnances de la partie inferieure, et au travers des secheresses, tristesses et derelictions interieures.

  A014000640 

 Demeures avec Jesus, vives en luy et par luy, qui m'a fait.

  A014000663 

 Oüy, ma tres chere Fille, de bon cœur je rendray a la mayson de la Flechere le nom de François, qui me fut donné au saint Baptesme par monsieur le Prieur de la Flechere, vostre oncle et mon bon parrein; mais si c'est une fille, nous en ferons une bonne Religieuse..

  A014000712 

 A mesure que je m'esloigne de vous selon l'exterieur, mon esprit retourne plus frequemment ses yeux du costé [58] du vostre, d'avec lequel il est inseparable, et je ne manque point d'invoquer tous les jours la bonté de nostre Sauveur sur vous et la soigneuse assistance de vostre bon Ange pour la conservation de vostre cœur, auquel d'une ardeur nompareille, je souhaitte toutes les plus desirables faveurs du Ciel, et sur tout cette inviolable fidelité au saint amour que vous aves voué par tant de resolutions au cœur debonnaire de ce doux et cher Jesus.

  A014000712 

 Vivés tous-jours, ma chere Cousine, ma Fille, avec ce courage d'aggrandir perpetuellement en la dilection de Dieu; tenés bien estroittement sur vostre poitrine et entre les bras de vos saintes resolutions Celuy qui, par tant de signes visibles, vous a tesmoigné d'avoir eu eternellement vostre nom et vostre cœur gravé en sa volonté pleine de bienveuillance en vostre endroit..

  A014000713 

 Je pars pour aller voir cette chere seur que vous aymes tant, avec laquelle vous pouves penser si je m'entretiendray de vostre ame, laquelle je porte tous-jours presente a la mienne par affection.

  A014000713 

 Je vous supplie de visiter par lettre la bonne Madame l'Ancienne, a laquelle vos encouragemens seront profitables; car pour le present, je n'ay nul loysir que pour vous escrire ces quatre motz que je fay, vous donnant la sainte benediction de Dieu, qui tous les jours me rend plus vivement et singulierement,.

  A014000725 

 Nous voyci a vos portes, ma tres chere Fille; mais par ce que Thibaut m'a dit qu'avec beaucoup d'affection vous voulies estre advertie un peu devant nostre arrivee, j'ay voulu vous aggreer, et pour cela je l'ay fait partir trois heures avant nous..

  A014000739 

 Je vous avois promis, ma chere Seur, ma Fille, de vous escrire par le retour de vostre laquay; mais l'ayant rencontré en lieu ou je ne pouvois le faire, je repare ce defaut, vous escrivant ce soir de nostre arrivee en cette ville.

  A014000740 

 Je vous escriray, Dieu aydant, avant mon depart d'icy, et a mon premier loysir, je vous mettray par ordre tout ce qui me semble propre a la reprise de nos bons propos.

  A014000771 

 Par ce que, pour eviter l'imposition de decimes perpetuelles, les deputés de Bresse ont obtenu un arrest qui me semble asses favorable tant au clergé de Bresse qu'a vous, et qui est sorti au prouffit commun de tous les ecclesiastiques des pais eschangés, il me semble que pour concourir avec eux a l'execution dudit arrest, vous deves faire un deputé d'entre vous qui aille a Lion, pour traitter du payement des sommes convenues pour obtenir l'exemption.

  A014000790 

 Or sus, tout ceci soit dit en la confiance que vous me donnes par vostre lettre, et en la sincere amitié que je vous porte in visceribus ejus cujus viscera pro amore nostro transfixa sunt.

  A014000803 

 Ah! je vous prie, tenes bien vostre cœur en haut, attachés le indissolublement a la souveraine volonté de ce tres bon cœur paternel de nostre Dieu; qu'a jamais il soit obei, et souaivement obei par nos ames.

  A014000804 

 Demeures en paix, ma Fille; faites bien ce pourquoy vous restes au monde, faites le de bon cœur, et croyes que Dieu vous en sçaura meilleur gré que de cent sorties faites par vostre propre volonté et amour..

  A014000804 

 Plusieurs sortent du monde qui ne sortent pour cela pas d'eux mesmes, cherchans par cette sortie leurs goustz, leurs repos, leurs contentemens; et ceux ci s'empressent merveilleusement apres cette sortie, car l'amour propre qui les pousse est un amour turbulent, violent et desreglé.

  A014000805 

 Entr'autres choses, il me dit que sainte Françoise, nouvellement canonisee, avoit esté une des plus grandes Saintes quil est possible d'imaginer, et quil avoit luy mesme escrit sa Vie en latin, par le commandement du Pape, et quil alloit a Paris pour la faire imprimer.

  A014000807 

 veux pour cela que des ames, et que les cors ne s'en meslent point.» Or, j'ay dit tout cela par ce quil m'est ainsy venu, et avec un'ame que je connoy et en laquelle j'ay rayson d'avoir confiance absolue.

  A014000810 

 Je luy suis tout dedié, non seulement pour les obligations exterieures, mais par inclination interieure.

  A014000811 

 J'ay pensé a vostre cher filz, et connoissant son humeur, je pense quil faut avoir grand soin de son esprit affin que maintenant il se forme a la vertu, ou qu'au moins il ne panche pas au vice; et pour cela, il le faut bien recommander au bon M. Robert, et luy faire souvent gouster le bien de la vraye sagesse par des remonstrances et recommandations de ceux qui sont vertueux.

  A014000812 

 Et donques, dores-en avant, ce dis-je, il faut mettre la Croix au milieu de nos cœurs, pour arrester les mouvemens de nos affections en ce bois et par ce bois, affin qu'elles ne s'espanchent ailleurs, aux inquietudes et troublemens d'esprit.

  A014000813 

 J'escris au bon M. le Prævost, a l'ame duquel j'ay un grand amour par ce qu'elle me semble bonne, ronde et franche.

  A014000816 

 J'ay [72] ouvert les lettres de mon frere de Groysi, par curiosité de savoir ce quil vous disoit et a nostr'Aymee; mais celle de M lle de Brechart ça esté par mesgarde, la prenant pour la vostre.

  A014000834 

 Je vous supplie de m'assister aupres de Nostre Seigneur par vos prieres, et d'impetrer la mesme grace de vos Peres et Freres..

  A014000848 

 Car nostre bon Dieu esprouve quelquefois nostre courage et nostre amour en nous privant des choses qui nous semblent et qui sont tres bonnes a l'ame; et s'il nous void ardans a la poursuitte, et neanmoins humbles, tranquilles et resignés au manquement et a la privation de la chose poursuivie, il nous donne des benedictions plus grandes en la privation qu'il ne nous en donne en la possession de l'estat desiré; car, en tout et par tout, Dieu ayme ceux qui, de bon cœur et simplement, en toutes occasions et en tous accidens, peuvent luy dire: Vostre volonté soit faite ............................

  A014000857 

 Nous celebrons aujourd'huy, ma chere Fille, la Dedicace de nostre Eglise; mais, entre les Offices, je vous viens escrire cette lettre pour retourner bien tost a l'autel ou je veux, avec des particulieres affections, faire action de graces a nostre doux Sauveur de la dedicace de nos cœurs et de nos cors que par sa misericorde nous luy avons faitte par nos vœux.

  A014000858 

 Et demeurés donques ainsy, ma tres chere: demeurés de cœur et d'esprit avec nostre Sauveur, demeurés resignee a sa volonté, demeurés entre ses pauvres par affection.

  A014000871 

 Et pour presser la grace de Dieu, il faut multiplier l'orayson par les courtz, mais vifs eslancemens de nos cœurs; et pour presser sa promesse, il faut multiplier les œuvres de charité, car ce seront elles a qui Dieu donnera l'effect de ses promesses.

  A014000872 

 Combien de grains y ont treuvé les ames saintes, par la consideration de tant de graces et vertus que ce Sauveur du monde y a monstrees!.

  A014000875 

 A Dieu, Madame; vivés joyeuse, puisque vous vous estes toute dediee a la joye immortelle, qui est Dieu mesme, qui veuille a jamais vivre et regner au milieu de nos cœurs Je suis en luy et par luy,.

  A014000885 

 Je vous conjure, ma chere Fille, [79] d'aymer bien ce bon Dieu qui vous a tous-jours esté si doux, et de n'aymer rien qu'en luy, par luy et pour luy..

  A014000885 

 Mais sil est sien et quil me l'ayt donné, ne le luy puis-je pas donner comme tout mien? Qu'a jamais, et le vostre qui est mien et le mien qui est vostre, puissent estre tous siens, puis que, par son immense bonté, le sien est tout nostre.

  A014000885 

 N'advoués vous pas le don que je fay tous les jours a Dieu de vostre cœur? Je le luy donne comme tout mien et je le tiens pour tout mien, par ce quil me l'a donné.

  A014000903 

 Vos affections fortes s'addouciront tous les jours par les frequentes actions de l'indifference.

  A014000914 

 Je n'ayme nullement certaines ames qui n'affectionnent rien, et a tous evenemens demeurent immobiles; mais cela, elles le font faute de vigueur et de cœur, ou par mespris du bien et du mal.

  A014000914 

 Mais celles qui, par un' entiere resignation en la volonté de Dieu, demeurent indifferentes, o mon Dieu, elles en doivent remercier sa divine Majesté, car c'est un grand don que celluy la.

  A014000915 

 N'escrimés neanmoins point contre ces pensees, ains destournes-en tout bellement vostre esprit par un simple retour a l'object de vostre orayson..

  A014000935 

 Et pour cela je vous escris, vous conjurant, par vostre propre bonheur et honneur, que vous consideriés beaucoup avant de refuser un si bon moyen de faire une chose si utile, si necessaire et si desirable pour vostre ville, et sans laquelle, ou je me trompe en l'estime que je fay de vos ames, ou vous ne pouves pas vivre contens ni consolés en vos consciences.

  A014000936 

 Donnés donq, je vous prie, cette satisfaction a mon ame qui est vostre, ce bon exemple aux autres, cette douceur a vostre vie et cette consolation a vostre posterité, que par des dissensions et varietés de conceptions, une si bonne œuvre ne soit point remise ni divertie.

  A014000960 

 Conserves [86] le bien, ce cœur, pour lequel le cœur de Dieu fut triste jusques a la mort, et, apres la mort, transpercé par le fer, affin que le vostre vive apres la mort et soyt joyeux toute sa vie.

  A014000966 

 Je vous escrivis l'autre jour par l'homme de M me du Puy d'Orbe, et au bon M. de Lacurne que je vous prie saluer de ma part..

  A014000987 

 Non point que ce soit grand peché, car tout au plus il n'est que veniel; mais par ce que ce sera plus d'edification pour toute vostre compaignie et plus de satisfaction pour vostre ame, si vous vous retires demi heure devant souper pour dire vos Vespres, faysant paroistre que cela est vostre cher ouvrage et vostre besoigne bienaymee.

  A014001016 

 Mon frere, qui va la, vous dira peut estre que je vous [91] cheris et honnore bien fort; mais vous croiries peut estre bien aussi qu'il me feroit ce bon office par charité, et je desire que vous sçachies que c'est mon cœur qui a vrayement ce sentiment-la: c'est pourquoy je l'escris ainsy de ma main et de mon cœur..

  A014001017 

 Ayés donques aggreableque, sans desfiance de vostre vertu et constance, je vous demande par amour: Aymes-vous bien Dieu, Madamoyselle? Si vous l'aymes bien, vous vous plaires a le considerer souvent, a parler souvent a luy et de luy, a vous reunir souvent a luy au tres Saint Sacrement.

  A014001027 

 Je prieray Dieu pour elle, et specialement le jour de saint Thomas, que je conjureray, par son heureuse infidélité, d'interceder pour cette pauvre ame si malheureusement infidelle..

  A014001027 

 Les Confessions de saint Augustin et le chapitre que je luy montray passant vers elle, devoyent suffire pour la retenir, si elle n'estoit lancee a son precipice que par les considerations qu'elle allegue.

  A014001028 

 Quelles actions de graces devons nous a ce grand Dieu, ma chere Fille! Mais moy, attaqué par tant de moyens, en un aage fresle et flouet, pour me rendre a l'heresie, et que jamais je ne luy aye pas seulement voulu regarder au visage sinon pour luy cracher sur le nez, et que mon foible et jeune esprit, parcourant sur tous les livres empestés, n'aye pas eu la moindre esmotion de ce malheureux mal: o Dieu, quand je pense a ce benefice, je tremble d'horreur de mon ingratitude.

  A014001029 

 Les epistres de saint Hierosme luy seront encores bonnes, car voyes vous, outre les tesmoignages qui sont espars ça et la es escritz des saintz Peres en faveur de l'Eglise (car en fin ilz parlent tous comme nous), l'esprit mesme de ces grans personnages respire par tout contre l'heresie..

  A014001031 

 Estant a Paris et preschant en la chapelle de la Reyne, du jour du Jugement (ce n'est pas un sermon de dispute), il se treuva une damoyselle, nommee madamoyselle Perdreauville, qui estoit venue par curiosité; elle demeura dans les filetz, et sur ce sermon prit resolution de s'instruire, et dans trois semaines apres, amena toute sa famille a confesse vers moy et fus leur parrein a tous en la Confirmation.

  A014001032 

 Je suis en luy et par luy, tout vostre..

  A014001047 

 Mon Dieu, que de biens mon ame souhaite a la vostre! Faites bien vostre prouffit de vos travaux, rendes-les fructueux par une volontaire acceptation des croix que la necessité vous impose.

  A014001063 

 Je vous envoyay des chansons spirituelles par cette porteuse, et ne sçay comme elle ne les vous a donnees.

  A014001109 

 Quand il vous arrivera des pensees mauvaises et que vous vous en appercevres, faites un acte positif par une aspiration contraire, et ne perdes pas le tems a vouloir rien rechercher, mais passes outre..

  A014001110 

 Il est bon de representer ses necessités a Dieu par un simple regard, et l'invoquer au commencement de toutes vos actions.

  A014001117 

 Je ne me suis mis en cholere, pour justement que ç'ayt esté, que je n'aye reconneu par apres que j'eusse encores plus justement fait de ne me point courroucer..

  A014001118 

 Ceux qui se courroucent combattent le mal, mais ceux qui sont doux le vainquent: Surmontes, dit l'Apostre, le mal par le bien..

  A014001132 

 Vous descouvrires cette amitié par ses feuilles, par ses fleurs [et par ses fruits].

  A014001140 

 Elle ne croit pas de perdre le tems d'aller visiter sa cousine sainte Elizabeth, par office d'une charitable civilité.

  A014001140 

 Voyes vostre Abbesse par tout ou elle est.

  A014001144 

 Dieu prend playsir a vous voir faire vos petitz pas, et, comme un bon pere qui tient son enfant par la main, il accommodera ses pas aux vostres et se contentera de n'aller pas plus viste que vous.

  A014001149 

 Or, ma Fille, il arrive quelquefois que nostre esprit n'agit que par la clairté naturelle, et que l'esprit humain ne peut acquiescer a cette action, et beaucoup moins l'ame sensuelle, ains se contredisent et s'opposent; et lhors il nous semble que tout est perdu, et l'esprit, presque abandonné de toutes les facultés raysonnables et sensitives, demeure tout esperdu, ce semble, et estonné.

  A014001149 

 Resouvenes vous que nostre esprit connoissant et agissant, s'appelle ame agissante et connoissante; [connaissant] par le discours et raysonnement naturel, il s'appelle entendement, intelligence ou esprit humain; [112] mais connoissant et agissant par l'esprit de la foy, il s'appelle esprit de la foy ou esprit chrestien.

  A014001151 

 Cette dereliction ressemble a celle que Nostre Seigneur ressentit a sa Passion; et en icelle, il semble que nostre ame soit comme le Prophete que l'Ange tenoit et portoit en l'air par un de ses cheveux.

  A014001152 

 Aux tentations de la foy, humilies vous profondement devant Dieu, puis devant son Eglise, par une sainte inclination cordiale, et faites un acte positif de foy, protestant de vouloir a jamais croire tout ce que Dieu a revelé a son Eglise; et, sans plus disputer ni examiner [112] aucunes choses, divertisses vostre cœur a des autres occupations, et principalement exterieures.

  A014001155 

 Et comme au grand monde, le ciel n'est pas tous-jours serein et descouvert, mais souvent l'air se couvre par des nuages et brouillardz, ainsy au petit monde, qui est l'homme, l'esprit n'est pas tous-jours gay et clair, mais couvert quelquefois d'assoupissement qui trouble sa clairté et empesche sa gayeté..

  A014001156 

 Cloues vostre cœur au pied de la Croix, laissés-le la en asseurance, tandis que par la necessité de vostre condition il faut estre parmi le monde, car ainsy nous n'y aurons pas nostre cœur.

  A014001215 

 Il n'y a point a douter que vous vous expliqueries bien mieux et plus librement a vive voix que par escrit; mais en attendant que Dieu le veuille, il faut employer les moyens qui se presentent.

  A014001216 

 Quand le bienheureux Cardinal Borromee estoit sur le point de la mort, il fit apporter l'image de [119] Nostre Seigneur mort, affin d'adoucir sa mort par celle de son Sauveur.

  A014001217 

 A faute de cela, ma Fille, vos imperfections, que vous voyes subtilement, vous troublent encor plus subtilement, et par ce moyen se maintiennent, ny ayant rien qui conserve plus nos tares que l'inquietude et empressement de les oster..

  A014001219 

 C'est une rude tentation de se desplaire, en s'attristant, au monde, quand il y faut estre par necessité.

  A014001224 

 Revu sur l'Autographe communiqué par M. le chanoine Collonges, aumônier de la Visitation de Chambéry..

  A014001231 

 Mais je desire qu'en vos ferveurs vous ne facies pas des desirs de tentations ni occasions de mortifications; car puisque, [121] par la grace de Dieu, elles ne vous manquent pas, il n'est pas besoin d'occuper vostre cœur a les desirer.

  A014001247 

 Je receus le huitiesme de ce mois la lettre qu'il vous pleut m'escrire le 25 de l'autre prochainement passé, et proteste que rien ne m'est arrivé, il y a long tems, qui m'ayt rempli de tant de joye et d'honneur; car mon ame, qui reveroit la vostre d'un grand respect, desiroit par quelque heureuse rencontre avoir quelque digne acces a vostre bienveuillance.

  A014001249 

 Et puisque vous m'exhortes, Monseigneur, de continuer a mettre par escrit ce que Dieu me donnera pour l'edification de son Eglise, je vous diray librement et avec confiance mes intentions pour ce regard.

  A014001251 

 Et en ce dernier livre, je voudrois, par maniere de prattique, desfaire tous les plus apparens et celebres argumens de nos adversaires; et ce, avec un style non seulement instructif mais affectif, a ce qu'il proffitast non seulement a la consolation des Catholiques, mais a la reduction des [126] heretiques: a quoy j'employerois plusieurs méditations que j'ay faites durant cinq ans en Chablais, ou j'ay presché sans autres livres que la Bible et ceux du grand Bellarmin..

  A014001251 

 J'ay de plus quelques materiaux pour l'introduction des apprentifz a l'exercice de la predication evangelique, laquelle je voudrois faire suivre de la methode de convertir les heretiques par la sainte predication.

  A014001252 

 Voyla, Monseigneur, ce que mon petit zele me suggere, lequel, n'estant pas, a l'adventure, secundum scientiam, le tems, le peu de loysir que j'ay, la connoissance de mon imbecillité moderera; bien que, sans mentir, vostre authorité l'ayt bien fort enflammé par le favorable jugement que vous faites de ce premier livret, duquel encor faut-il que je vous die ce que Monsieur nostre Evesque de Montpellier m'a escrit..

  A014001254 

 Or, a l'un et a l'autre de ces defautz, je remedieray aysement si jamais cette Introduction se reimprime; car, pour finir par ou j'ay commencé, l'honneur qu'elle me donne m'ayant ouvert le chemin a vostre amitié, et l'opinion que vous aves qu'elle sera proffitable aux ames, sera cause que je l'aymeray et luy feray tous les biens qu'il me sera possible..

  A014001255 

 Mais, mon Dieu, que dires vous de moy, Monseigneur, me voyant espancher mon ame devant vous avec autant de naïfveté et d'asseurance, comme si j'avois bien merité l'accueil que vous me faites et l'acces que vous me donnes? [127] Je suis tel, Monseigneur, et vostre sainte charité me donne cette libre confiance; et, outre cela, me fait vous conjurer, par les entrailles de nostre commun et souverain object et Sauveur, de me continuer ce bien que vous aves commencé a me departir, non seulement me communiquant la suavité de vostre esprit, mais me censurant et advertissant en tout ce que vostre dilection et zele vous dicteront; vous promettant que vous rencontrerés un cœur capable, quoy que indigne, de recevoir de telles faveurs..

  A014001266 

 Je vous dis la verité, il ne me sçauroit plus donner de playsir que par la; et vrayement j'espere que tout ira fort bien et qu'il ne demeurera nul sujet de mescontentement a personne.

  A014001270 

 Apportes moy toutes les lettres et memoyres que je vous ay jamais envoyé, si vous les aves encor (ce que je dis a cause du naufrage que vous fistes a vandanges), par ce que sil faut reimprimer l' Introduction, cela me deschargera beaucoup, y treuvant plusieurs choses pour ce sujet; puisque l'on ne m'a encor corrigé pour la substance de ce livre-la que de m'estre trop peu estendu.

  A014001271 

 J'espere que Dieu la tiendra par tout de sa main; au moins il luy donne des bonnes resolutions.

  A014001272 

 J'ayme bien son cœur par ce quil m'est bien franc.

  A014001283 

 Je ne respons qu'aux deux lettres que ce porteur m'a rendues de vostre part; car la troysiesme, envoyee par la voye de madame de Chantal, ne m'est pas encor arrivee.

  A014001285 

 Mais, ma Fille, il y a bien d'autres choses a vous demander pour cette mesme devotion de la bienheureuse Mere Therese: c'est que je voudrois que vous me fissiés extraire son image au vif jusques a la ceinture seulement, sur celle qu'on dit que ces bonnes Seurs ont, et allant par dela, un de nos curés qui doit y aller [133] dans sept ou huit jours, la prendroit a son retour pour me l'apporter.

  A014001286 

 C'est une ame que j'ayme tendrement, et ou qu'elle aille, j'espere qu'elle servira bien Dieu, et je la suivray par les continuelles prieres que je feray pour elle..

  A014001297 

 Or sus, ma chere Fille, il se faut donq bien res-jouir en oubliant tout cela et s'humiliant bien fort devant Nostre Seigneur, et vous resouvenant que vostre sexe et vostre vocation ne vous permet d'empescher le mal hors de chez vous que par l'inspiration et proposition du bien, et des remonstrances simples, humbles et charitables a l'endroit des defaillans, et par advertissement aux Superieurs quand cela se peut; ce que je dis pour une autre fois.

  A014001305 

 Ce sera tous-jours quand je pourray que vous aures de mes lettres; mais maintenant c'est de meilleur cœur que je vous escris, parce que M. [de] Moyron, present porteur, est mon plus proche voysin de cette ville, mon grand amy et mon allié, par le retour duquel vous me pourres escrire en toute asseurance; et si l'image de la Mere Therese estoit faite, il la prendroit, payeroit et apporteroit, ainsy que je l'en ay prié..

  A014001306 

 Mais, ma Fille, il m'est advis que je ne vous dis pas bien par ma derniere lettre ce que je desirois touchant vos menuës, mais frequentes impatiences es occurrences de vostre mesnage.

  A014001307 

 Invoqués souvent l' unique et belle colombe de l'Espoux celeste, affin qu'elle impetre pour vous un vray cœur de colombe, et que vous soyes colombe non seulement volant par l'orayson, mais encor dedans vostre nid et avec tous ceux qui sont autour de vous..

  A014001308 

 Je salue par vostre entremise la bonne Mere et toutes les Seurs Carmelites, implorant l'ayde de leur orayson.

  A014001316 

 Or sus, venés donq, mon tres cher Frere, et que ce soit par mon ministere que vous soyes orné de ce grand caractere du sacerdoce evangelique, affin qu'en certaine façon [140] tres veritable, mais que le sang et la chair n'entend pas, nous contractions par ce moyen un parentage spirituel que la mort mesme, ni les cendres de nos cors ne pourront desfaire et qui durera eternellement, et pour lequel mon esprit aura une reelle relation de paternité, filiation et fraternité avec le vostre.

  A014001324 

 N'attendes pas de moy maintenant que je vous escrive a souhait, car bien que ce soit par mon frere, si n'ay-je pas beaucoup de loysir et si je ne sçai s'il passera a Dijon; mais je sçai bien pourtant qu'il fera rendre seurement ma lettre..

  A014001327 

 Vrayement, je luy escrivis par M. de Moyron, qu'elle fist ce qu'elle a fait de point en point, sur une lettre par laquelle elle me demandoit conseil..

  A014001328 

 Rendés-le bien utile a vostre advancemerit spirituel par vostre abnegation reelle des goustz, des suavités qu'il vous oste, non seulement quant au cors, mais encor quant a l'esprit.

  A014001329 

 Il faudra corriger les autres sur iceluy, car je l'ay corrigé par tout, tant que j'ay peu..

  A014001342 

 Cela est clair par l'authorité de tous les plus dignes Evesques de l'Eglise de Dieu, qui ont appellé de tiltres bien plus relevés non seulement les Patriarches et Archevesques, mais les autres Evesques mesmes.

  A014001342 

 Et a cet argument ne satisfait pas la response, que tous les prestres estoyent censés saintz, heureux, peres, et que par consequent il failloit qualifier les Evesques sur iceux: non, Monseigneur, car tous ces tiltres regardoyent leur estat, leur dignité, leur Ordre..

  A014001343 

 Je dis secondement, que non seulement je puis vous appeller Monseigneur, mais il est expedient que je le fasse, et seroit bon que cela se fist par tous les Evesques.

  A014001344 

 Je dis, troysiesmement, qu'il est bien seant; car encor que l'Italie et la France sont separees et qu'il ne faut pas porter le langage de l'Italie en France, si est ce que [144] l'Eglise n'est pas separee; et le langage, non pas de la cour, mais de l'Eglise de Romme, est bon par tout en la bouche des ecclesiastiques.

  A014001346 

 J'attendray vos commàndemens pour y obeir, car en somme, je suis prest a deposer toute sorte d'opinions que vous n'appreuveres pas, et suivre en tout et par tout vos volontés; mais je vous demande pardon pour ce coup.

  A014001353 

 Non, de par Dieu, car ce seroit joindre defaut a defaut; mais je veux dire que vous perseveries a vouloir bien faire, et que vous retournies tous-jours au bien, soudain que vous connoistres de vous en estre esloignee, et moyennant cette fidelité, que vous viviés tous-jours bien joyeuse..

  A014001353 

 Ouy, ma Fille, je vous dis par escrit aussi bien que de bouche: res-jouisses vous tant que vous pourres en bien faysant, car c'est une double grace au bon œuvre, d'estre bien fait et d'estre fait joyeusement.

  A014001357 

 Il sera a propos, en ces petitz Chapitres, de recommander souvent la mutuelle et tendre dilection des unes aux autres, et de tesmoigner que vous l'aves en leur endroit, mais particulierement envers celle de laquelle vous m'escrives, laquelle il faut, par charité, revoquer a une bonne et douce intelligence et confiance avec les autres.

  A014001359 

 Quant a celle qui est absente, il faut escrire et a elle et a son frere, que, pour la plus grande gloire de Dieu, salut de vos ames, edification du prochain et honneur de vostre Monastere, vous aves pris resolution avec toutes vos Seurs Religieuses de vivre plus retirees dans vostre Mayson qu'on n'a pas fait ci devant; et que la chose estant si raysonnable et honneste, vous ne doutes point qu'elle ne s'y veuille ranger: dont vous la conjurés et sommés, par l'obeyssance qu'elle vous a vouee et hors laquelle elle ne peut faire son salut, luy promettant qu'elle ne treuvera, ni en vous ni es autres, sinon une douce et tres amiable conversation, laquelle seule, outre [147] son devoir, peut la semondre a une sainte retraitte; et choses semblables.

  A014001361 

 Baysés souvent vostre croix que vous portes; renouvellés les bons propos que vous aves faitz d'estre toute a Dieu, immediatement devant le coucher, ou y allant, ou en vostre oratoire, ou ailleurs; et faites un plus grand renouvellement par demie douzaine d'aspirations et d'humiliations devant Dieu..

  A014001363 

 Mais resouvenés-vous donq bien de ce que je vous ay commandé de la part de Nostre Seigneur, auquel je vous recommande, le suppliant, par sa Mort et Passion, qu'il vous comble de son saint amour et vous rende de plus en plus toute sienne..

  A014001388 

 L'exercice auquel vous estes maintenant vous servira d'un petit martire, si vous continues a joindre les travaux que vous y aurés avec ceux du Sauveur, de Nostre Dame et des Saintz et Saintes qui, emmi la variété et multiplicité des importunités que leur soin leur donnoit, ont conservé inviolablement l'amour et la vraye devotion a la tressainte unité de Dieu, en qui, pour qui et par qui ilz ont conduit leurs vies a une fin tres heureuse.

  A014001407 

 Faites moy cette faveur que de me conserver en la vostre, a laquelle je correspondray fidellement par autant de tres humble affection [152] que vous en pouves desirer de celuy qui vous souhaite toute prosperité et benediction, demeurant,.

  A014001407 

 Nostre monsieur des Hayes m'escrivit l'autre jour par monsieur de Charmoysi une lettre toute d'amour.

  A014001424 

 Desirant sçavoir avant le depart de M me de Chantal que c'est que je pouvois esperer du gentilhomme qui croyoit de pouvoir guerir vostre jambe, je luy fis dire par M me de Chantal mesme toute l'origine et le progres de vostre mal, car je ne le sçavois pas.

  A014001425 

 Ce quil fera mieux qu'un autre, par ce qu'encor quil ne soit pas cyrurgien, il y entend neanmoins quelque chose a force d'en avoir ouy parler a son pere.

  A014001425 

 Et de peur que nous n'ayons oublié quelque chose en la qualité de ce mal, qui fit la chose plus aysee qu'elle n'est, le filz de cet homme la allant a Dijon pour autre chose, c'est a dire a la suite d'un gentilhomme qui est fort de mes amis, j'ay fait quil ira au Puis d'Orbe mesme, affin d'apprendre par monsieur du May toutes les particularités plus exactement, et apporter une bonne et veritable description de toute l'affaire.

  A014001425 

 Je vous prie donq, ma chere Fille, de vouloir le faire bien instruire et de luy faire donner par escrit tout le fait; car sur cela, si son pere espere de pouvoir faire cette cure, nous vous l'envoyerions sur le lieu, affin qu'avec toute commodité et loysir il fit ses operations..

  A014001426 

 Que si Dieu nous estoit [154] si misericordieux que vous puissies guerir par l'operation de ce viel homme, alhors non seulement je ne craindrois pas de vous donner la peyne le faire le voyage, mais je vous y provoquerois pour vous gouverner un peu a souhait en vostre esprit..

  A014001427 

 Cette lettre n'a point d'autre sujet que celuy ci, esperant de vous escrire de rechef par a itre voye dans peu de jours.

  A014001427 

 J'attendray donq la response par le mesme porteur, qui, partant ce jourdhuy, ne me donne pas le loysir d'escrire a vos cheres Seurs et filles, vers lesquelles je desire estre excusé sil vous plait.

  A014001451 

 Ah! Seigneur, vous estes mon miel et mon sucre; addoucises ce cœur par la douceur du vostre.

  A014001452 

 La bonne madame la Baronne de Chantal vous saluoit l'autre jour par une lettre..

  A014001487 

 Puisque toutefois il faut que vous passies par la, multiplies tant plus les communions spirituelles, que nul ne vous peut refuser.

  A014001500 

 Madame de Chantal se recommande bien fort a vous, ainsy qu'elle l'escrit par celle qui l'avoit accompagnee..

  A014001515 

 Il est vray que cette imaginaire insensibilité de ceux qui ne veulent pas souffrir qu'on soit homme, m'a tous-jours semblé une vraye chimere; mais aussi, apres qu'on a rendu le tribut a cette partie inferieure, il faut rendre [163] le devoir a la superieure, en laquelle sied, comme en son throsne, l'esprit de la foy qui doit nous consoler en nos afflictions, ains nous consoler par nos afflictions.

  A014001535 

 Et si, il ne faut pas que ce soit si tost, par ce que nous avons un peu de soupçon de guerre, qui s'evacuera, et que Monsieur le Duc de Nemours doit passer icy pour quelques jours, pendant lesquelz je ne pourray pas l'abandonner.

  A014001535 

 Si que, si vous prenes resolution, il faudra prendre le tems un peu bien avant, vers le moys d'aoust, sur la fin, ou sur le commencement de septembre; car quant au moys de julliet, je seray hors d'ici, et si, il me faudra aller consacrer un digne Evesque que nous avons a Beley, action laquelle, bien qu'elle soit courte, si est ce qu'elle me tient en suspens par ce que je ne sçai pas le tems precisement..

  A014001536 

 En un mot, prenes garde que vos congés soyent donnés franchement, et cela estant, ce me sera un grand contentement de vous voir un peu parmi nous, quoy que vous n'y seres nullement bien traittees... encor que nous voulussions; mais vous seres receues par certaine sorte de cœur ( sic ) qui ne sont pas vulgaires..

  A014001537 

 Et pour reparer ce manquement, il faut que vous facies au double des oraysons jaculatoires, et que vous appliquies le tout a Dieu par un acquiescement entier a son bon playsir qui [167] vous separe aucunement de luy, vous donnant cet empeschement la a la meditation; mais cet ( sic ) pour, vous unir plus solidement a luy par l'exercice, de la sainte et tranquille resignation.

  A014001553 

 Ah! que j'eusse bien voulu que mon cœur se fut ouvert pour recevoir ce pretieux Sauveur, comme fit celuy du gentilhomme duquel je vous fis le conte; mais helas! je n'avois pas le couteau quil failloit pour le fendre, car il ne se fendit que par [169] l'amour.

  A014001566 

 Je vis avec beaucoup de contentement de sçavoir que vostre ame est toute dediee a l'amour de Dieu, auquel vous pretendes de vous avancer petit a petit, par toutes sortes de saintz exercices.

  A014001576 

 Puisque Dieu a choisi un nombre de personnes fort petit, et encor des moindres de la Mayson en aage et [172] en credit, il faut que le tout s'entreprenne avec une tres grande humilité et simplicité, sans que ce petit nombre face semblant de vouloir reprendre ou censurer les autres par paroles ni par gestes exterieurs; ains que simplement il les edifie par bon exemple et conversation..

  A014001577 

 Dieu a fait des reformations par des moindres commencemens, et ne faut rien moins pretendre qu'a la perfection..

  A014001585 

 Sur tout prenes garde d'user de lait et de miel, parce que les viandes solides ne pourroyent pas encor estre maschees par les foibles dens des invités..

  A014001596 

 Pressé par le sieur Pergod de vous representer la priere qu'il vous a ci devant faitte, je n'ay sceu refuser, bien que, de vostre grace, monsieur de Vallon m'aye communiqué vos affaires, lesquelles, comme je croy, ne vous permettront pas d'embrasser pour le present celleci..

  A014001608 

 Cette fause estime de nous mesmes, ma chere Fille, est tellement favorisee par l'amour propre, que la rayson ne peut rien contre elle.

  A014001611 

 C'est, ce me semble, comme le guy, qui croist et paroist sur un [178] arbre et en un arbre, bien que non pas de l'arbre ni par l'arbre.

  A014001611 

 Mais, ma Fille, comment donques se peut il faire que sur une telle volonté tant d'imperfections paroissent et naissent en moy? Non certes, ce n'est pas de ma volonté ni par ma volonté, quoy qu'en ma volonté et sur ma volonté.

  A014001624 

 Et a cette intention, je desire que nous ne [nous] employons qu'a l'examen du fond des difficultés, et qu'on choisisse entre icelles les plus importantes pour les esplucher par les moyens desquelz auparavant il sera requis que nous convenions ensemble; a quoy, de mon costé, j'apporteray toute la franchise et facilité que je pourray, apres que vous m'aures adverti de la reciproque volonté de ces Messieurs pour ce particulier..

  A014001641 

 Puisque je sçai que vous croyés la verité que je vous ay si souvent juree d'estre tres absolument et invariablement vostre par inclination, par election et par un extreme amour, je ne vous feray point d'excuse du long tems que j'ay mis a vous escrire, car je suis asseuré que vous ne l'interpreterés nullement en mauvaise part.

  A014001642 

 Mais, Monsieur, dites donq la verité, je vous supplie: ces obediences et mortifications de n'oser pas estre libre quand on n'est pas serf, ne sont elles pas comparables a celles de ceux qui ne sont pas libres par ce qu'ilz sont serfz? Il faut neanmoins s'y accommoder, et tout doucement, qui est l'importance.

  A014001642 

 Que j'estois ayse en cette petite ombre d'esperance que j'avois conceue de me treuver a Paris aupres de vous, comme je faysois souvent par l'imagination, avec laquelle je prenois le tems de cette jouissance desiree!.

  A014001665 

 Ayant esté prié par le sieur de Crans, juge maje de Foucigni, d'interceder vers Vostre Excellence affin d'obtenir la survivance de sa charge en faveur de son filz, je fay tres volontier cet office, parce qu'il regarde un gentilhomme bien nay, qui a bon esprit et bonne ame, qui a fort bien estudié et qui, en l'exercice de la lieutenance de son pere, quil fait il y a quelque tems, tesmoigne qu'ayant la charge en chef, il s'en acquiteroit dignement et se rendroit utile serviteur de Vostre Excellence; a laquelle je fay donq tres humble demande de ce bienfait pour ce viel pere qui, se preparant a la sortie de ce monde, a cette juste ambition d'y laisser son filz au mesme service de son Prince, qu'il a eu lhonneur d'y exercer..

  A014001680 

 Ilz sont, pour la plus part, en scrupule de leur religion, quoy que, quand on leur en parle directement, ilz fassent semblant d'estre bien asseurés, par rayson d'Estat.

  A014001680 

 Je ne doute nullement que l'offre d'une douce et amiable conference avec ceux de Geneve ne soit tres utile [188] en ce tems, auquel ilz sont venus en quelque sorte de desir d'en avoir une, au moins a ce que j'apprens par les continuelz advis que j'ay de divers propos qu'ilz tiennent.

  A014001681 

 Une lettre a celuy que vous escrives, sera fort a propos; mais il faut qu'elle soit presentee par quelqu'un qui aye asses d'asseurance pour le presser de faire responce, en cas qu'il voulust la supprimer et faire le fin; a quoy quelque notable personne de la Franche Comté, qui fust des villes avec lesquelles ceux de Geneve ont commerce, seroit fort sortable.

  A014001682 

 Il seroit donq mieux pour ce coup de demeurer en cette generale proposition, que vous monstreres que leur religion est manifestement contraire aux Saintes Escritures, sans venir a la particuliere declaration des [190] moyens que vous voules tenir pour ce faire; car ainsy vous ne vous obliges a rien qu'a la fin de vostre intention, et laisses les moyens en liberté, pour les choisir par apre a vostre gré.

  A014001684 

 Comme par exemple: sur ce que vous m'escrives, de convaincre l'insuffisance de l'Escriture seule pour le parfait gouvernement de l'Eglise, sur ce mot d'«insuffisance de l'Escriture,» ilz crieroyent tous blasphemant.

  A014001693 

 En ceci, la dilation ne peut nuire, mon Reverend Pere; et je sçai tout maintenant par un advis, que si la conference se fait, il sera voirement bien requis que nous nous voyons, non pour autre chose, que parce que l'humeur de ce peuple la m'estant familiere, je vous pourray dire plusieurs [192] choses qui vous serviront en cette sainte et tres prouffitable entreprise..

  A014001693 

 Hier je vous escrivis le billet ci-joint; et despuis, ayant derechef consideré l'advis du Pere Provincial, je le treuve entierement bon, car le retardement ne peut estre que prouffitable; car tandis, l'ouverture se fera, a mon advis, plus grande et raysonnable par divers moyens que j'y employeray soigneusement, Dieu aydant.

  A014001705 

 J'espere en Nostre Seigneur que vous vous tiendres tous-jours en sa main, et que, par consequent, jamais vous ne trebuscheres du tout.

  A014001714 

 [Ayant appris par] les remonstrances que me fait le sieur [194] curé de Beaumont, que plusieurs des sujetz de vostre Mayson refusent de luy payer les premices, lesquelles neanmoins ilz luy doivent comme estant ses parroissiens, avant que de prendre aucun autre expedient pour l'ayder en sa juste intention selon mon devoir, j'ay voulu vous supplier d'user de l'authorité que vous aves sur ces refusans, pour les reduire a la rayson, esperant que vostre sage entremise aura tout le pouvoir requis pour l'effect de mon equitable desir, comme la mienne aura le credit envers vostre bienveuillance d'en obtenir le secours que je souhaitte a cet honneste et bon curé, lequel, je m'asseure, vous est des-ja asses recommandable, comme aussi il m'a tesmoigné qu'il vous honnore et revere de tout son cœur..

  A014001748 

 Il fut des-ja publié l'annee passee, mais si imparfait que je n'osay pas l'exposer a la veuë d'un si grand Prince; maintenant qu'il est un peu moins mal accommodé, j'en prens la hardiesse, porté par la seule consideration de cette douce bonté qui a tous-jours aggreablement receu les foibles tesmoignages de mon invariable fidelité.

  A014001748 

 La devotion est son sujet, la gloire de Dieu est sa fin, et son escrivain est, par toute sorte de devoirs, voué a l'obeyssance de Vostre Altesse.

  A014001763 

 Je dis infini, Sire, par ce qu'en effect, il regarde le salut des ames, qui s'estend jusques a l'eternité; et non seulement des ames qui ont esté maintenant favorisees de cet incomparable bonheur, mais de plusieurs autres qui, excitees par l'exemple de celles ci et par l'odeur de la sainte affection de Vostre Majesté, minutent des tres humbles requestes pour en obtenir une pareille grace.

  A014001776 

 J'ay eu fort peu de mal de ma cheute, qui ne m'avoit apporté qu'une fouleure de nerfz et un os demis; mais [202] j'en ay l'incommodité de demeurer au lict, et par consequent, de ne point celebrer.

  A014001792 

 Oüy bien, peut estre, que l'experience m'avoit apris de ne point estre dur aux ames revesches, tandis quil y avoit esperance de les gaigner par douceur..

  A014001794 

 Vrayement je ne voudrois nullement que si les promenades tendent a la rencontre de ces galantz hommes, vous vous y treuvassies; mais si cette fois-la ce fut par hazart, il n'en faut pas pour cela se scabrer.

  A014001811 

 Nous allons a la Messe, pour disner par apres et partir.

  A014001828 

 Vous m'obligés extremement par le desir que vous aves de mes preications, lesquelles seront utiles a vostre peuple, si Dieu me donne autant de force comm' il m'a donné [209] de courage et d'affection de vous rendre du service.

  A014001853 

 Si mon frere m'eut aussi bien sceu dire en quel estat estoit vostre esprit, ma consolation eut esté plus grande; mais il ne m'a sceu dire, sinon que par fois vous esties asses joyeuse et par fois triste, et que vous n'avies pas [212] voulu que l'on vous fit des souliers, estimant que vous ne vivrés pas asses pour les user.

  A014001872 

 Demeurés ainsy, chere Fille, et, comme un autre petit saint Jean, tandis que les autres mangent a la table du Sauveur diverses viandes, reposés et penchés, par une toute simple confiance, vostre teste, vostre ame, vostre esprit sur la poitrine amoureuse de ce cher Seigneur; car il est mieux de dormir sur ce sacré oreiller, que de veiller en toute autre posture .........................................................[214].

  A014001872 

 Et bien, vous voyla donq toute resignee entre les mains de nostre Sauveur, par un abandonnement de tout vostre estre a son bon playsir et sainte providence.

  A014001877 

 Ayant esté pres de deux mois entiers en Bourgoigne, partie au duché, pour assister aux noces de mon frere de Groysi, qui doit tant estre vostre serviteur, partie au comté, pour l'execution d'un commandement que le Pape avoit confié a Monsieur l'Evesque de Basle et a moy conjointement, j'ay treuvé a mon retour la lettre [215] que vous avies pris la peyne de m'escrire par le bon monsieur de Soulfour, qui passa a Chamberi tandis que j'estois sur mon voyage; lettre, comme toutes les autres, pleyne des marques de ce grand et fort amour que vous me portés, et duquel je suis reciproquement amoureux de toute l'estendue de mon cœur, et autant glorieux qu'homme du monde a qui vous le sceussies departir..

  A014001878 

 Et tandis, je m'esclarciray aussi de mon costé d'un autre que j'ay treuvé a mon retour, fort inopinement, lequel (affin que je vous le die, Monsieur, a qui je voudrois estre tous-jours tout ouvert) consiste en un esclarcissement d'un ombrage que quelqu'insolent a fait par l'interposition de sa calomnie, entre l'esprit de Son Altesse et moy, comme si j'avois certaine intelligence sur ma miserable Geneve, pour y entrer et regner par autre moyen que celuy de sa grace.

  A014001878 

 Le fondement du mesdisant a esté dix ou douze jours entiers que je fus a Gex ce mois de septembre passé, et ou allant, par une certaine imprudente hardiesse, je passay tout au travers de Geneve, apres avoir fait dire a la porte a celuy qui marchoit immediatement devant moy, que j'estois Monsieur l'Evesque, et escrire en la bullette: Franç.

  A014001881 

 Je les [217] offre a madame vostre chere moytié et un, par son entremise, a madamoyselle de Touteville, sinon que vous en voulussies prendre la peyne vous mesme, et un autre a madame la Marquise de Menelay.

  A014001918 

 Arrivé à la porte de la ville, le préposé demanda qui j'étais; je fis répondre par mon vicaire général que j'étais Monsieur l'Evêque.

  A014001918 

 Je le fis sans aucune appréhension, par une certaine hardiesse où il entrait plus de simplicité que de prudence.

  A014001918 

 Je ne sais s'il comprit le mot diocèse; du moins me laissa-t-il entrer, et ainsi je passai à cheval au milieu de la ville, salué par la plupart des hommes et des femmes avec un grand respect..

  A014001918 

 Naguère, allant à Gex, il me vint au cœur, après avoir célébré la sainte Messe dans un village voisin, de passer par Genève: c'était mon chemin le plus direct.

  A014001919 

 J'ai voulu vous raconter cette aventure parce qu'on m'a écrit d'Italie qu'à Turin le fait de mon passage par Genève a été présenté autrement; je serai donc bien aise que vous sachiez comment la chose s'est réellement passée..

  A014001919 

 Souvent je leur ai offert de me rendre auprès d'eux pour convaincre leur doctrine de fausseté, à la condition d'en recevoir quelque garantie pour ma personne et pour ceux qui viendraient avec moi; je leur ai meme fait porter la parole par des gens de qualité, avec un écrit signé de ma main et cacheté: jamais ils ne l'ont voulu; ils en ont été empêchés par les [224] ministres.

  A014001921 

 J'ai cru que si je vous en envoyais un exemplaire, à titre de [225] publication nouvelle, vous l'auriez pour agréable; voilà pourquoi je vous l'adresse par cette occasion.

  A014001933 

 Et moy, qui ay quelquefois du courage, je me suis fort plaint par une lettre, de laquelle la consequence peut estre diverse, mais tous-jours universellement a la gloire de Dieu et a ma consolation.

  A014001933 

 Helas! ceux qui me connoissent sçavent que je ne pensay jamais a intelligence et que je fay mille traitz de courage par une vraye simplicité; non pas certes simplicité d'esprit (car je ne veux pas parler doublement avec vous), mais simplicité de confiance.

  A014001934 

 Je vous escriray dores en avant le succes de tout, affin que, selon cela, par apres nous traittions de vostre venue a Salins ou non..

  A014001936 

 J'ay presque presché par tout et a mon gré, c'est a dire utilement.

  A014001937 

 Ouy, ma Fille tres chere, je dis tout incomparablement, je vous donneray un beau livre ou j'escriray, mais je veux attendre la troysiesme edition, a laquelle j'apporteray un soin tout particulier; mays ce pendant, je ne laisseray pas de vous en donner de cette seconde par la premiere commodité.

  A014001955 

 O ma Fille, il vous faut dire ce que je luy respondis, car je l'estime aussi bon pour la maistresse que pour la servante: que je desirois que les filles de nostre Congregation eussent les pieds bien chaussés, mais le cœur bien deschaussé et bien nud des affections terrestres; qu'elles eussent la teste bien couverte et l'esprit bien descouvert, par une parfaitte simplicité et despouillement de la propre volonté..

  A014001983 

 Et puis, vostre mal, qui n'est d'autre chose que de secheresse et aridité, ne peut estre remedié par lettre; il faut en presence ouyr vos petitz accidens, et encor, apres tout, la patience et resignation en est l'unique guerison.

  A014001985 

 Or sus, je vous conjure par nostre commun amour, qui est Jesus Christ, que vous vivies toute consolee et toute tranquille en vos infirmités.

  A014001997 

 Continues donq courageusement a bien ravaler vostre courage par humilité et a l'exalter par charité; car ainsy vous monteres et descendres, comme les Anges sur la sainte eschelle de Jacob.

  A014002022 

 Ni ces liens reciproques ne sont point rompus par la mort, car ce sont des liens de l'amour sacré, qui est aussi fort pour les conserver que la mort pour les dissoudre..

  A014002023 

 Nul ne luy a ce devoir en pareil degré avec Vostre Altesse, nul n'a le pouvoir si grand de le luy rendre, ni, par consequent, nul n'en doit avoir un vouloir si ardent..

  A014002036 

 Et vous, Monsieur, me refuseres-vous la grace que je vous ay requise, de voir et recevoir monsieur vostre filz, qui recourt a vostre sein paternel [241] pour y vivre meshuy avec toute humilité et obeissance qu'il vous doit rendre? Donnes-moy, je vous conjure, Monsieur, ce contentement, que ce soit par mon entremise que ce bonheur arrive a ce filz, affin qu'il sache que je tiens un rang en vostre bienveuillance aussi grand que celuy que vous tenes en mon honneur et respect..

  A014002037 

 Que si, tout en retour de mon attente, je suis par tout rejetté, je cesseray cet office d'interceder vers l'un et l'autre, mais non jamais d'estre,.

  A014002037 

 Tandis que les peres exercent leur severité a l'endroit de leurs enfans par necessité, ilz leur doivent preparer de la douceur en leur volonté, affin que la rigueur qui les a chastiés ne les accable pas, degenerant en dureté et fierté.

  A014002049 

 Tenes vous ferme en l'enclos de vos resolutions, et vous souvienne que vous n'aures jamais bien que par lâ..

  A014002069 

 Ayant appris par messieurs les coeschevins de vostre ville qui ont pris la peyne de venir icy, ce que vous leur aves confié pour me dire, il ne me reste que de vous prier de croire que je conserveray cherement en mon ame l'affection avec laquelle je vous avoys dedié les predications que vous aviés desirees de moy pour ce Caresme, lesquelles je veux contreschanger en autant d'oraysons que je feray pour le bonheur de vostre ville.

  A014002089 

 La pauvre chere seur est toute grosse, et vrayement fort bonne, ainsy que j'ay veu par la reveuë annuelle qu'elle a faite ces jours passés avec grande devotion.

  A014002099 

 Il m'est tombé ce matin dans l'esprit, pensant a elle, que c'est singulierement a son ame que s'addressent les paroles de l'Espoux sacré: Debout, hastés-vous, mon amie; car en fin, Amie c'est son nom, et l'Espoux l'appelle par son nom propre..

  A014002099 

 Je vous donne advis que, par la divine misericorde, le tems de la Visitation s'approche; je veux dire qu'en fin nos conclusions sont prises et que nous attendons a ce primtems madame de Chantal pour commencer nostre petite Congregation, a laquelle vous sçaves que le Saint Esprit a destiné vostre fille, que je tiens pour mienne.

  A014002132 

 Le bon monsieur Nouvelet, partie par vraye indigence, partie par une legitime ambition, demande quelque bienfait a Son Altesse.

  A014002132 

 Or, il m'a rendu pour cela intercesseur vers Son Altesse; et sachant bien que sans vostr' intercession, Monseigneur, la mienne sera vayne, il desire que, comme je demande le bienfait a Son Altesse, je supplie aussi Vostre Excellence de le luy impetrer par une favorable recommandation; et pour marque de sa perseverance au zele quil a a Vostre Grandeur, il vous offre une devise academique..

  A014002133 

 Je vous supplie donq, Monseigneur, de luy departir [251] vostre faveur, et a moy lhonneur d'estre par tout et tous-jours advoué par.

  A014002147 

 Il n'est pas croyable comme je suis tracassé deça et dela par les affaires; mais, ma chere Fille, vous vous troubleres si je n'adjouste que neanmoins, graces a mon Dieu, mon pauvre et chetif cœur n'eut jamais plus de repos ni de volonté d'aymer sa divine Majesté, de laquelle je sens une speciale assistance pour ce regard..

  A014002149 

 Je veux bien m'essayer d'y estre souvent avec vous; Dieu, par sa souveraine bonté, nous en face la grace.

  A014002164 

 Soyés donq bien consolee, ma chere Fille, et si vostre cœur ne peut s'empescher d'avoir du ressentiment en cette separation, faites au moins qu'il soit tellement moderé par l'acquiescement que nous devons au bon playsir de nostre Sauveur, que sa Bonté n'en soit point offensee, ni le fruit qu'il a mis en vostre ventre, malmené..

  A014002197 

 Voyes vous, Monsieur, je m'allege a vous dire cecy, car c'est grand cas comme c'est un' heureuse et souefve rencontre a un cœur aucunement blessé, de pouvoir se communiquer, quoy que par lettres seulement, a un cœur si doux, si gratieux, si cher, si pretieux et tant amy comme le vostre m'est par vostre bonté, en laquelle je vous conjure tous-jours de me continuer fermement, avec asseurance que je suis sans fin ni reserve,.

  A014002217 

 Que si vous luy permettes de vous dire quelque chose de plus, ce sera que je viens d'apprendre pourquoy Nostre Seigneur n'a pas voulu permettre que j'allasse a Salins; car ça esté, comme je pense, affin que j'assistasse a la mort de ma tres bonne mere, qu'il appella a soy le premier de ce moys, l'ayant, par sa misericorde, premierement disposee a bien et heureusement faire ce passage..

  A014002233 

 Mais, o Dieu, ma tres chere Fille, ne faut il pas en tout et par tout adorer cette supreme Providence, delaquelle les conseilz sont saintz, bons et tres aymables? Et voyla qu'il luy a pleu retirer de ce miserable monde nostre tres bonne et tres chere mere, pour l'avoir, comme j'espere fort asseurement, au pres de soy et en sa main droitte.

  A014002235 

 En voyci une petite histoire, car c'est a vous a qui je parle; a vous, dis-je, a qui j'ay donné la place de cette mere en mon memorial de la Messe, sans vous oster celle que vous avies, car je n'ay sceu le faire, tant vous tenes ferme ce que vous tenes en mon cœur; et par ainsy, vous y estes la premiere et la derniere.

  A014002235 

 [261] Mon pauvre frere vostre filz, qui dormoit encor, estant adverti accourt en chemise, et la fait relever et promener et ayder par des essences, eaux imperiales et autres choses qu'on juge propres en ces accidens, en sorte qu'elle se reveille et commence a parler, mais presqu'inintelligiblement, dautant que le gosier et la langue estoyent saysis..

  A014002236 

 On me vient appeller icy, et j'y vay soudain avec le medecin et apoticaire, qui la treuvent letargique et paralitique de la moytié du cors; mais lethargique en telle sorte, que neanmoins ell'estoit fort aysee a reveiller, et en ces momens de reveil elle tesmoignoit le jugement entier, soit par ces ( sic ) paroles, qu'elle s'efforçoit de dire, soit par le mouvement de sa main saine, c'est a dire delaquelle l'usage luy estoit demeuré.

  A014002240 

 Je le desire, mais je dis, sil se peut aysement; dequoy vous m'advertirés par le retour de ce garçon, et encor de ceux que vous amenerés, si vous amenes quelque compaignie extraordinaire, car quant a nostre bon Baron, je croy quil ne viendra pas nous voir sur ce nouveau dueil, parmi lequel nous ne pourrons nous res-jouir que devotement, et totalement en Nostre Seigneur.

  A014002248 

 Neanmoins (je parle simplement devant Nostre Seigneur, et a vous a qui je ne puis parler que purement et candidement) je ne pense pas tant sçavoir que je ne sois tres ayse, je dis extremement tres ayse, de me demettre de mon sentiment et suivre celuy de ceux qui en doivent par toute rayson plus sçavoir que moy; je ne dis pas seulement de cette bonne Mere, mais je dis d'une beaucoup moindre.

  A014002258 

 J'aurois tort d'avoir tant attendu a vous rendre les actions de graces que je vous dois, pour la souvenance que vous aves a moy tesmoignee par le petit poulet que mon frere m'apporta, si je n'avois esté distrait par le trespas de ma pauvre bonne mere, qui m'obligea d'estre a Sales quelque tems, pour rendre cette derniere assistance a cette chere personne.

  A014002259 

 Faites-le, je vous supplie, chere Cousine, et soyés bien devote, tandis que je m'attens de vous revoir bien tost icy, selon l'asseurance que vous en donnastes a mon frere, et tous-jours et par tout je seray,.

  A014002265 

 Oserois-je bien demander par vostre entremise, ma chere Cousine, le pardon requis a la faute que je fay de ne point escrire a monsieur le Baron mon cousin? Certes, c'est que je suis fort pressé d'escrire.

  A014002274 

 Pour le premier livre que je produiray, je suis tant engagé vers Rigaud, que je ne sçai si je le pourray donner a Dijon; car j'ay des-ja fort lié ma liberté par ma promesse..

  A014002275 

 Or bien, venés, chere Fille, venés es montaignes; Dieu vous y face voir l'Espoux sacré qui tressaille es mons et outrepasse les collines, qui regarde par les fenestres et a travers la treille, les ames qu'il ayme.

  A014002286 

 Dites donq ce reste de Caresme, cinq Pater noster et cinq Ave les genoux nudz et les mains nuës, par obeissance et pour vous conformer a Celuy qui va nud sur la croix pour nous, c'est a dire duquel nous allons rememorer la mort..

  A014002287 

 Il est mieux de choisir quelque pauvre prestre et luy faire dire une Messe le samedy, que de donner tous les jours un liard: ainsy vous soulageres le prochain et louëres la Vierge Marie par une plus excellente action.

  A014002321 

 D'autre part, quoique les provisions du Saint-Siège doivent être respectées de tous, Sa Sainteté n'entend pas, cependant, porter préjudice à l'alternative des Evêques, à moins qu'elle [272] ne le déclare expressément; ceux-là donc qui demandent les bénéfices, ont tort de prétendre enlever, par des provisions Apostoliques le droit des Ordinaires.

  A014002321 

 Je voudrais pouvoir obliger efficacement le Révérend Bresa, puisque Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime me le commande; or, sa cause n'a pas été jugée par mon Vicaire, mais par le Sénat séculier, lequel, selon l'usage de ces pays, connaît du possessoire.

  A014002349 

 Je crois qu'il y sera accueilli par la sacrée Congrégation des convertis, car ses mœurs et ses manières sont très honorables, et même il s'est rendu assez remarquable dans les belles-lettres et les sciences mathématiques..

  A014002350 

 Par ce moyen, il pourrait achever son voyage.

  A014002363 

 Mais puisqu'elle en sort par ordre des Superieures, elle doit estimer que Dieu, se contentant de son essay, veut qu'elle le serve ailleurs; si bien qu'elle fera mal, si, apres les premiers [277] ressentimens de sa sortie, elle n'appaise son esprit et ne prend ferme resolution de vivre toute en Dieu, en quelqu'autre condition; car par plusieurs voyes on va au Ciel.

  A014002364 

 Si N. est sage et humble, Dieu luy treuvera bien une place en laquelle elle pourra bien servir sa divine Majesté, ou par consolations ou par tribulations.

  A014002365 

 Ah! Dieu, par sa bonté, ne le veuille jamais permettre, ains face regner sans fin en nous, sur nous et contre nous et pour nous son tres saint amour celeste..

  A014002368 

 Entr'autres choses, ilz m'ont dit que tous-jours il commencoit sa journee par l'assistance de la sainte Messe, et qu'es occasions il tesmoigne un zele solide et digne de sa qualité, a la sainte religion catholique.

  A014002369 

 Le voyage de Lorette est un grand voyage pour des femmes: je vous conseille de le faire souvent en esprit, joignant par intention vos prieres a cette grande multitude de personnes devotes qui y vont honnorer la Mere de Dieu, comme au lieu ou premierement l'honneur incomparable de cette maternité luy arriva.

  A014002370 

 Pour vos aumosnes, ma chere Fille, faites-les tous-jours un peu bien largement et a bonne mesure, neanmoins avec la discretion qu'autrefois je vous ay dit ou escrit; car si ce que vous jettes dans le sein de la terre vous est rendu avec usure par sa fertilité, sçachés que ce que vous jetteres dans le sein de Dieu vous sera infiniment plus fructueux, ou d'une façon ou d'une autre; c'est a dire, Dieu vous en recompensera en ce monde, ou en vous donnant plus de richesses, ou plus de santé, ou plus de contentement.

  A014002377 

 Or sus, ma chere Seur, ma Fille, je m'en vay vous escrire tant que je pourray sur le sujet de vostre lettre, qui m'a esté rendue par la seur que vous aymés tant et qui vous cherit reciproquement de tout son cœur..

  A014002378 

 Nous ne laissons pourtant pas d'estre tous-jours jointz et unis, nous entretenans les uns aux autres par la commune pretention et entreprise que nous avons..

  A014002379 

 Or, voyci une bonne preuve de la fortification de ces cheres resolutions, que par la grace de Dieu vous aves perseveré a conserver ce que je vous dis en confession, ainsy que vous m'asseures; car cela vaut mieux que cent mille goustz spirituelz.

  A014002386 

 Combien y a-il de bons medecins qui ne sont gueres sains? et combien se fait-il de belles peintures par des peintres bien laidz? Quand donq vos filles viennent a vous, dites leur tout bellement en charité ce que Dieu vous inspirera, et ne les renvoyés point vuides d'aupres de vous..

  A014002421 

 Je vous remercie de la commodité que vous m'aves donnee de vous escrire par ce porteur sur le sujet que [286] vous desires.

  A014002443 

 Tout «en luy,» tout «par luy,» tout «avec luy,» tout pour luy, tout luy..

  A014002558 

 Estant icy de retour, j'ay treuvé le bon monsieur de Monthou mort, et mon frere, le sieur de la Thuille, nommé par le Conseil a Monseigneur pour estre prouveu de l'estat de chevallier, nomination a laquelle ni mondit frere ni moy n'avions seulement pas pensé.

  A014002578 

 Parmi tout cela, il me fallut surseoir le dessein d'eriger [305] un Monastere reformé; et neanmoins, pour donner lieu a une tres honneste retraitte a quelqu'ame bien resolue et saintement impatiente de se retirer du tracas du monde, je leur ouvre la porte d'une petite assemblee ou Congregation de femmes et filles vivant ensemble par maniere d'essay, sous des petites Constitutions pieuses.

  A014002591 

 Ah! Monsieur mon amy, il est vray, l'Europe ne pouvoit voir aucune mort plus lamentable que celle du grand Henri IV. Mais qui n'admireroit avec vous l'inconstance, la vanité et la perfidie des grandeurs de ce monde? Ce Prince, ayant esté si grand en son extraction, si grand en la valeur guerriere, si grand en victoires, si grand en triomphes, si grand en bonheur, si grand en paix, si grand en reputation, si grand en toutes sortes de grandeurs: hé, qui n'eust dit, a proprement parler, que la grandeur estoit inseparablement liee et collee a sa vie, et que, luy ayant juré une inviolable fidelité, elle esclatteroit un feu d'applaudissement a tout le monde par son dernier moment, qui la termineroit en une glorieuse mort? Non certes, Monsieur, il sembloit bien qu'une si grande vie ne devoit finir que sur les despouilles du Levant, apres une finale ruine et de l'heresie et du Turcisme.

  A014002591 

 Ces quinze ou dix huit ans que sa forte complexion et santé, et que tous les vœux de la France et de plusieurs gens de bien hors de la France luy promettoyent encor de vie vigoureuse, eussent esté suffisans pour cela: et voyla qu'une si grande suite de grandeurs aboutit en une mort qui n'a rien de grand que d'avoir esté grandement funeste, lamentable, miserable et deplorable; et celuy que l'on eust jugé [309] presque immortel, puisqu'il n'avoit peu mourir parmi tant de hasars, desquelz il avoit si longuement fendu la presse pour arriver a l'heureuse paix de laquelle il avoit esté jouissant ces dix annees dernieres, le voyla mort d'un contemptible coup de petit couteau et par la main, d'un jeune homme inconneu, au milieu d'une ruë!.

  A014002592 

 Qui eust dit, je vous supplie, Monsieur mon cher amy, qu'un fleuve d'une vie royale, grossi de l'affluence de tant de rivieres d'honneurs, de victoires, de triomphes, et sur les eaux duquel tant de gens estoyent embarqués, eust deu perir et s'esvanouir de la sorte, laissant sur la greve et a sec tant de navigans? N'eust-on pas plustost jugé qu'il devoit aller fondre dans la mort, comme dans une mer et un ocean, par plus de triomphes que le Nil n'a d'emboucheures? Et neanmoins, les enfans des hommes ont esté trompés et deceuz en leurs balances et leurs presages ont esté vains..

  A014002593 

 Mon Dieu, Monsieur, que ne sommes-nous sages par tant d'experiences! Que ne mesprisons-nous ce monde, lequel en tout est si fresle et si imbecille! Que ne nous tenons-nous aux pieds de ce Roy immortel qui a triomphé de la mort par sa mort, et duquel la mort est plus aymable que la vie de tous les rois de la terre? Vous estes bien heureux, Monsieur, de faire ces considerations; mais vous seres tres heureux, si, a la suite d'icelles, vous entres es resolutions convenables, exhalant le reste de vos vieux jours comme un encens, par le feu de l'amour unique du Roy de l'eternité.

  A014002594 

 Au demeurant, le plus grand bonheur de ce grand Roy defunct, fut celuy par lequel, se rendant enfant de l'Eglise, il se rendit pere de la France; se rendant brebis du grand Pasteur, il se rendit pasteur de tant de [310] peuples, et convertissant son cœur a Dieu, il convertit celuy de tous les bons Catholiques a soy.

  A014002609 

 Il nous faut bien mettre sur la grandeur de courage, pour servir Dieu le plus hautement et vaillamment que nous pourrons; car, pourquoy pensons-nous qu'il ayt voulu faire un seul cœur de deux, sinon affin que ce cœur soit extraordinairement hardi, brave, courageux, constant et amoureux en son Createur et son Sauveur, par lequel et auquel je suis tout vostre..

  A014002617 

 Or il est vray, chere Seur, ma Fille, j'ay esté un peu las de cors; mais d'esprit et de cœur, comme le pourrois-je [313] estre, apres avoir tenu sur ma poitrine et tout joignant mon cœur un si divin epitheme, comme j'ay fait ce matin tout au long de la procession? Helas! si j'eusse eu mon cœur bien creux par humilité et bien abbaissé par abjection, j'eusse sans doute attiré ce sacré gage en moy, il se fut caché dedans moy; car il est si amoureux de ces vertus, qu'il s'eslance a force ou il les void..

  A014002627 

 Si jamais nous sommes capables de vous tesmoigner nostre gratitude par nos services, vous pourres, Monsieur, les exiger comme chose que nous vous devons et que, de bon cœur, nous reconnoissons vous devoir rendre..

  A014002645 

 Certes, Monseigneur, rien ne donne tant de douceur a la vie humaine que la droitte administration de la justice, et la justice, quoy que tous-jours une en elle mesme, ayant sa source, comm'une belle eau, en la poitrine des Princes souverains en terre, coulant par les espritz des magistratz rudes, malpolis et raboteux, elle se rend autant nuysible qu'elle devoit estre utile, et mesmes jusques la que, comme parle un sacré Prophete, ell'est convertie en absinte.

  A014002645 

 Mais passant entre les peuples par les mains de gens doctes, bien affectionnés et equitables, elle remplit les provinces de bon heur et de suavité; estant es uns, comm'un torrent impetueux qui ravage tous les bords qu'il accoste, et es autres, comm'une douce riviere qui rend amenes les rivages qu'elle detrempe.

  A014002646 

 Et comm' Alexandre ne vouloit estre peint que par la main de l'unique Apelles, aussi les Princes ne devroyent jamais permettre que leur souveraineté fut exprimee que par les plus rares et dignes espritz du monde, ne pouvans jamais mieux faire connoistre la grandeur de leurs ames qu'au choix de celles qu'elles employent et eslevent..

  A014002646 

 Les magistratz, Monseigneur, representent la souveraine majesté des Princes sur les biens et vies des sujetz; c'est pourquoy les Princes, par une sainte jalousie, doivent avancer es offices, des personnes qui les sachent bien [317] representer.

  A014002647 

 Vostre Altesse, donq, recevra mille louanges des nations estrangeres en la promotion de ce grand personnage duquel elles connoissent la doctrine avec admiration, comme les voysines font la probité par experience; et nous la supplions tres humblement d'aggreer ce ressentiment que nous en faysons, plein de souhaitz qu'il playse a Dieu d'aggrandir et prosperer vostre couronne, de laquelle je suis,.

  A014002681 

 Les locustes representent la vie active, car la locuste ne chemine jamais sur terre, ni ne vole jamais en l'air, mays, par un mysterieux meslange, tantost on la voit sautante et tantost touchante la terre pour reprendre son air; car ceux qui font la vie active sautent et touchent terre alternativement.

  A014002683 

 Hé, voyés, je vous prie, ce saint jeune homme enfoncé dans la solitude: il y est par obeissance, attendant qu'on l'appelle pour venir au peuple.

  A014002683 

 Il se tient esloigné du Sauveur, qu'il connoissoit et baysoit par affection des le ventre de sa mere, affin de ne point s'esloigner de l'obeissance, sçachant bien que de treuver le Sauveur hors de l'obeissance, c'est le perdre tout a fait..

  A014002711 

 Mais penses que la Vierge ne sent que ce de quoy ell'est pleyne et qu'elle ne respire que le Sauveur; saint Joseph, reciproquement, n'aspire qu'au Sauveur qui, par des rayons secretz, luy touche le cœur de mille extraordinaires sentimens.

  A014002721 

 Le second est que, puisque non seulement vous aves desiré de vous retirer, mais vous le desireries encor s'il vous estoit permis de ceux qui vous ont retenue, c'est un signe manifeste que Dieu veut vostre retraitte, puisqu'il continue son inspiration parmi tant de contradictions, et vostre cœur, touché de l'aymant, a tous-jours son mouvement du costé de la belle estoille, quoy que rapidement destpurné par les empeschemens terrestres.

  A014002736 

 Comme par exemple: jeudi on reçoit une fille d'une fort [328] honnorable famille de cette ville: pour la premiere annee du Noviciat, elle donne 200 florins; au bout de l'annee, sa mere donne absolument 4000 florins en fons.

  A014002736 

 Or, ce fons peut estre donné en deux façons: car ou il est reversible aux parens apres le trespas de celle pour laquelle il est donné, et lhors on le demande plus gras et tel qu'il egale en revenu la nourriture de la fille; ou bien on le donne simplement pour demeurer par apres a la Congregation, et lhors on se contente de moins.

  A014002737 

 C'est pourquoy, si cette bonne damoyselle peut, il faut qu'ell'ayt une somme de trois ou quatre mille florins pour un coup, ou un fond qui les vaille, ou en fin une piece a jouir par elle mesme, qui porte 200 florins annuelz, reversible a ses parens quand elle mourra.

  A014002738 

 En leur establissement, elles offrent leur ame, leur cors et l'usage de leurs biens a Dieu et a Nostre Dame, pour estre le tout employé a son honneur, selon les Regles de la Congregation; mais cela se fait par une belle ceremonie..

  A014002738 

 Neanmoins elles font le vœu de chasteté simple, par l'advis du confesseur et de la Superieure.

  A014002760 

 Tandis que nos cors sont en douleur, il est malaysé d'eslever nos cœurs a la consideration parfaitte de la bonté de Nostre Seigneur; cela n'appartient qu'a ceux qui, par des longues habitudes, ont leur esprit entierement contourné du costé du Ciel.

  A014002762 

 Faites moy donq ce bien, je vous supplie, de m'escrire quelquefois, avec asseurance que je vous donne de tous-jours vous respondre, comm'aussi de correspondre fidelement a lhonneur que vous me faites de me vouloir du bien, par une tres sincere affection a vostre service..

  A014002785 

 Si je pouvo.is parler a celuy duquel tant de gens parlent, certes, je luy dirois fort franchement tout ce que je croirois estre propre a le retirer a soy, a Dieu, a son Eglise; mais je ne pense pas qu'il fut a propos de traitter cela par lettres.

  A014002804 

 Comme voulons-nous mieux tesmoigner nostre fidelité qu'entre les contrarietés? Helas, ma tres chere Fille, ma Seur, la solitude a ses assautz, le monde a ses tracas; par tout il faut avoir bon courage, puisque par tout le secours du Ciel est prest a ceux qui ont confiance en Dieu, et qui, avec humilité et douceur, implorent sa paternelle assistance..

  A014002810 

 Puysque le sieur de la Valbonne est actuellement receu au Senat et que Vostre Excellence a gratifié le sieur Arpeaud de la judicature de Genevois, je la supplie tres humblement de favoriser le sieur Bouvard de l'estat de son advocat fiscal, l'asseurant en toute verité que la recommandation que ci devant j'ay faitte de la personne et merites d'iceluy, se treuvera moindre que le sujet ne requeroit, et qu'.................................de Vostre Excellence........ne sçauroit faire un choix plus utile a son service que celuy de cet homme lâ, vertueux, sçavant, laborieux et nourri es lettres par la grace de Vostre Excellence..

  A014002826 

 Certes, le trespas de ce grand Roy m'a touché de compassion en cent façons et par cent motifz, car vrayement il a esté pitoyable.

  A014002839 

 Ce bon hermite, venu de la part du P. de Monchi, me dit hier au soir que si ledit P. de Monchi venoit, il reviendroit aussi avec luy, par ce qu'il s'estoit mis sous son obeissance et l'avoit pris pour Superieur.

  A014002854 

 Au demeurant, je me suis treuvé ce matin, avec une certaine douceur et tranquillité d'esprit, sans aucun ressentiment de l'estonnement que mon cœur avoit eu, que j'ay conneu clairement que la venue de Nostre Dame s'approchoit, par un presentiment de sa douce lumiere.

  A014002870 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que c'est chose douce de voir Nostre Seigneur couronné d'espines sur la croix et de gloire au Ciel! car cela nous encourage a recevoir les contradictions amoureusement, sçachans bien que, par la couronne d'espines, nous arriverons a la couronne de felicité.

  A014002911 

 Je réponds par ces quatre lignes à la dernière lettre de Votre très Illustre Seigneurie, en laissant au porteur, M. le collatéral de Quoex le soin de dire le restant, d'après les entretiens que nous en avons eus ensemble..

  A014002913 

 Or, il se rappelle très bien avoir vu dans un ancien missel cet office, et d'avoir servi ladite Messe du bienheureux Amédée, célébrée par un de ses oncles qui [349] était aussi prieur claustral et se nommait Amédée.

  A014002929 

 Cette grace si signalee par laquelle il fut retiré d'entre les bras de l'erreur pour estre remis au giron de la sainte Eglise militante, me fait croire que sa divine Majesté ne l'aura pas retiré du giron de la militante que pour le loger en celuy de la triomphante, puisque mesme, quoy qu'il soit mort au milieu de l'heresie, il est neanmoins trespassé en la foy et union de cette sainte Eglise militante, sa mere et mere de tous les enfans de Dieu..

  A014002930 

 Je la supplie qu'elle regne par son saint amour au milieu de nos cœurs, et suis,.

  A014002945 

 Je vay escrire a la petite seur par monsieur son mari qui s'en reva.

  A014002952 

 Et ce pendant, nourrisses cherement la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, par tous les bons exercices qui peuvent establir vostre cœur en l'humilité, douceur et pureté; car si vous jettes ainsy vostre fiance en cette souveraine Bonté, ell'abbregera les jours pour vous faire plus tost jouir de la retraitte a laquelle elle vous appelle..

  A014002968 

 A ce renouvellement des entrees de la cour, me voyci a vostre porte, requerant quil vous playse avoir le soin et de l'affaire de ce porteur et de celle que j'ay pour la cure des Abergemens contre le Chapitre de Belley, qui a le tort principalement en ce quil me veut priver de la garde des cures et eglises parrochiales vacantes, contre toute rayson, contre toute coustume et contre les [356] articles que nous avions signés et arrestés par composition amiable, mais articles lesquelz ayans esté rompuz de leur part, je ne restabliray pas si aysement; puysque mesme je reconnois tous les jours plus clairement que leurs provisions du doyenné de Seyserieu sont foibles et imbecilles, au pris de celles de monsieur de Vitré, et que d'ailleurs ces messieurs ne songent qu'a s'avancer sur l'authorité de l'Evesque, qu'a pervertir la discipline ecclesiastique et qu'a nous introduire des methodes contraires aux Conciles.

  A014002970 

 Je n'escriray point pour ce coup a madamoyselle ma chere mere, par ce que ce porteur me presse et m'a treuvé entre mille embarassemens; mais il ne passera beaucoup de jours que je ne repare ce defaut.

  A014002985 

 Certes, j'ay bien eu du contentement de sçavoir de vos nouvelles apres tant de tems que j'avois demeuré sans en recevoir, ma tres chere Fille, par vous mesme; car, que me peuvent dire de certain, de vous ni de vos affaires, tous les autres?.

  A014002986 

 O quelz tresors pouvies vous assembler par ce moyen! Il le faut faire dores en avant, et vivre comm'une veritable rose entre les espines..

  A014002989 

 Il se peut faire qu'ell'ayt le tort, mais du moins aures vous celuy la, de ne la pas ramener a vostre amour par le tesmoignage continuel et incessable de celuy que vous luy deves selon Dieu et le monde..

  A014002989 

 Or sus, ni auroit pas moyen que vous sçeussies treuver le biays par lequel il faut prendre et garder le cœur et l'affection de madame la Prieure nostre seur? car encor que selon le monde c'est aux inferieurs a rechercher la bienveuillance des superieurs, si est ce que selon Dieu et les Apostres c'est aux superieurs a rechercher les inferieurs et les gaigner; car ainsy fait nostre Redempteur, ainsy ont fait les Apostres, ainsy ont fait, font et feront a jamais tous les Praelatz zelés en l'amour de leur Maistre.

  A014002990 

 Vous voyes de quelle liberté j'use a vous [dire mes sentimens, ma chere Fille, car vous estes] une fille que je desire estre tous-jours victorieuse de la victoire que l'Apostre annonce: Ne soyes point vancu ( sic ) par le mal, mais vainques le mal par le bien.

  A014003020 

 Or, nous sommes reduitz a devoir preuver que nous avons ci devant conferé les cures par le concours, et que, quand il est arrivé quelque proces devant le Senat pour ce regard le Senat a jugé selon ce concours et en faveur d'iceluy.

  A014003021 

 J'en parlay l'autre jour a monsieur l'advocat general, qui me dit que malaysement obtiendrions-nous une telle declaration, mais que le Senat feroit bien faire un'information par un commissaire deputé de sa part, qui pourroit servir autant que l'attestation mesme; ce qui suffiroit, car je ne suis point attaché a la maniere.

  A014003037 

 J'ay appris que mon frere et vous, estes tous-jours, et de plus en plus, exercés par les volontés de monsieur vostre pere.

  A014003049 

 Or sus, il faut donq bien tous-jours perseverer, ma tres chere Fille, a colloquer vivement toute vostre confiance en Nostre Seigneur parmi ce grand embarras d'affaires qui sont dessus vos bras, qui vous servira de juste sujet pour vous bien fonder en la resignation et tranquillité; car la tranquillité qui n'est pas exercee par la tempeste est une tranquillité faineante et trompeuse..

  A014003051 

 Vrayement je desire fort de vous aller voir, mais je voudrois, s'il se pouvoit, que ce fust sans avoir occasion de m'engager en ceremonies, complimens et perte de tems ailleurs, comme je crois la chere seur vous devoir avoir dit; car si ce n'eust esté cette consideration, puisque j'avois le pied a l'estrier, je fusse retourné de Chambery par devers vous.

  A014003064 

 Le premier objet, c'est Marie conçeùe sans peché; le second, saint Jean, l'enfant de la grace, criant au desert pour faire aplanir les chemins pour FEspoux qui doit arriver; le troisiesme, ce mesme Espoux et Sauveur arrivant par sa sainte naissance, qui nous fait chanter joyeusement a Noël l' Emmanuel où Dieu avec nous..

  A014003095 

 Dimanche, c'est le jour des louanges de saint Jean Baptiste prononcees magnifiquement par le Sauveur de nos ames..

  A014003110 

 Madame du Foug, ma tante, et, comme je crois, vostre hostesse de Thonon, me prie par une lettre, que je vous recommande l'affaire qu'ell'a au Senat.

  A014003111 

 Je prie Nostre Seigneur quil vous renforce de plus en plus pour porter le [faix] quil a imposé sur vos espaules, et que ce soit par apres [tres] longuement, car ce sera tres heureusement.

  A014003123 

 Or bien, encor vous escris-je maintenant apres dix heures du soir, pour accompaigner le livre ci joint qui me semble un peu plus correct que ceux des autres editions, bien que je ne l'aye pas veu que par ci par la; et, outre ce, il y a trois chapitres: Des habitz, Des desirs et Quil faut avoir l'esprit juste.

  A014003124 

 Je n'eu pas le loysir de me resouvenir, quand je fus a Chamberi, de vous dire que je vous avois envoyé une copie des principaux statutz de la Visitation; et si, je ne me souviens pas par qui je les envoyay.

  A014003148 

 Tenes bon a la frequente Communion, et croyés-moy, vous ne sçauries faire chose qui vous affermisse tant en la vertu, lit pour bien vous asseurer en cet exercice, ranges-vous sous le conseil de quelque bon confesseur, et le priés qu'il prenne authorité de vous demander conte en confession des retardemens que vous feres en cet exercice, si par fortune vous en faisies.

  A014003151 

 Prenés garde, je vous supplie, a ne vous point embarrasser parmi les amourettes, et a ne point permettre a vos affections de prevenir vostre jugement et rayson au choix des sujetz aymables; car, quand une fois l'affection a pris sa course, elle traisne le jugement comme un esclave, a des choix fort impertinens et dignes du repentir qui les suit par apres bien tost..

  A014003152 

 Et je dis en fin chrestiennement, pour ce que plusieurs font profession de vouloir estre vertueux a la philosophique, qui neanmoins ne le sont ni ne le peuvent estre en façon quelconque, et ne sont autre chose que certains fantosmes de vertu, couvrant a ceux qui ne les hantent pas leurs mauvaise vie et humeurs par des ceremonieuses contenances et paroles.

  A014003152 

 Mais nous, qui sçavons bien que nous, ne sçaurions avoir un seul brin de vertu que par la grace de Nostre Seigneur, nous devons employer la pieté et la sainte devotion pour vivre vertueusement; autrement, nous n'aurons des vertus qu'en imagination et en ombre.

  A014003156 

 Je veux donq dire que je voudrois que parfois vous gourmandassies vostre cors a luy faire sentir quelques aspretés et duretés, par le mespris des delicatesses et le renoncement frequent des choses aggreables aux sens; car encor faut-il quelquefois que la rayson fasse l'exercice de sa superiorité et de l'authorité qu'elle a de ranger les appetitz sensuelz..

  A014003158 

 Et pour faire cela, il faut estre tres bon Chrestien, c'est a dire fort devot, pieux et, s'il se peut, spirituel; car, comme dit saint Paul, l'homme spirituel discerne tout: il connoist en quel tems, en quel rang, par quelle methode il faut mettre en œuvre chaque vertu..

  A014003158 

 Imaginés-vous que vous fussies courtisan de saint Louys: il aymoit, ce Roy saint (et le Roy est maintenant saint par innocence), qu'on fust brave, courageux, genereux, de bonne humeur, courtois, civil, franc, poly; et neanmoins, il aymoit sur tout qu'on fust bon Chrestien.

  A014003160 

 Et pour finir par ou j'ay commencé: vous alles prendre la haute mer du monde, ne changés pas pour cela de patron, ni de mat, ni de voyle, ni d'ancre, ni de vent.

  A014003168 

 En fin ce beau jour, si propre pour aller vers vous, ma tres chere Fille, s'escoule ainsy sans que j'aye ce [381] contentement; au moins faut que je supplee en quelque sorte par ce petit mot, que je sauve d'entre les affaires que certains Religieux m'apportent..

  A014003178 

 Je vous prie de m'envoyer par la premiere commodité le livre de La Venerie, de Jaques du Fouilloux, et celuy d'Esperron, et un petit livret du Combat spirituel, de ceux qui sont nagueres traduitz..

  A014003219 

 Neanmoins, je veux bien dire que malaysement pourroit-on luy permettre d'avoir une fille de chambre qui ne fust pas de la mayson, mais ouy bien qu'elle fust specialement servie par mie de celles qui seront en la mayson.

  A014003228 

 Ce n'est que simplement pour contenter mon cœur que je vous escris maintenant, car il faut, quand je puis, suppleer au bonheur que j'avois d'estre aupres de vous par ce petit allegement.

  A014003228 

 Et puis, encor faut-il garder les bonnes coustumes a vous souhaiter les bonnes festes; car, de m'attendre au bien que nous avions presque esperé, de vous voir a nos beaux Offices en ces si dignes solemnités, c'est chose que le tems et les affaires ne me peuvent permettre, si ce n'est en cette façon ordinaire par laquelle vous estes tous-jours present a mon ame, et principalement a l'autel et le jour de Nouel, environ lequel j'eu cette si chere grace de vous voir.

  A014003291 

 Elles passent donq, ces annees temporelles, Monsieur mon Frere; leurs mois se reduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en momens, qui sont ceux-la seulz que nous possedons, mais que nous ne possedons qu'a mesure qu'ilz perissent et rendent nostre duree perissable, laquelle pourtant nous en doit estre plus aymable; puisque cette vie estant pleine de miseres, nous ne sçaurions y avoir aucune plus solide consolation que celle d'estre asseurés qu'elle se va dissipant, pour faire place a cette sainte eternité qui nous est preparee en l'abondance de la misericorde de Dieu, et a laquelle nostre ame aspire incessamment par les continuelles pensees que sa propre nature luy suggere, bien qu'elle ne la puisse esperer que par des autres pensees plus relevees que l'Autheur de la nature respand sur elle..

  A014003292 

 Ainsy, Monsieur mon Frere, nous nous treuvons au pied du Crucifix, qui est l'eschelle par laquelle, de ces annees temporelles, nous passons aux annees eternelles..

  A014003292 

 Mon desir donq m'asseure que je puis avoir l'eternité: que me reste-il plus que d'esperer que je l'auray? Et cela m'est donné par la connoissance de l'infinie bonté de Celuy qui n'auroit pas creé une ame capable de penser et de tendre a l'eternité, s'il n'eust voulu luy donner les moyens d'y atteindre.

  A014003324 

 Revu sur l'Autographe communiqué par M. Robert de Courcel, Archives du Port Courcel,.

  A014003340 

 O je supplie ce Sauveur qu'il rende nostre cœur tout sien par effect, comm'il l'est, il y a long tems, par affection! Ouy certes, ma toute mienne tres chere Fille, nous n'avons point d'affection en nostre cœur que pour sa divine Bonté et ne voudrions pas en souffrir aucune, pour petite qu'elle fut..

  A014003406 

 Et, quoy qu'au syllogisme speculatif il puisse dire: «Je vois le bien et l'appreuve,» parce que l'entendement est vaincu par la verité, si est-ce qu'au syllogisme practic, il confessera qu'il suit le mal, d'autant que la [410] passion mal reiglée l'emporte, de façon que, quand le feu de la concupiscence est tombé sur les ames passionnées, elles ne voyent point le soleil.

  A014003406 

 Il faut donc bonifier la volonté pour empescher qu'elle ne nuyse a l'illumination efficace de l'entendement, attendu mesmes que les livres spirituels commencent par la doctrine purgative, pour despouiller les ames de toutes les mauvaises habitudes incompatibles au vray Christianisme..

  A014003406 

 Mais, que falloit-il attendre d'un Evesque de Geneve tel que vous, sinon quelqu'œuvre entre autres, qui mist fin à l'infamie de Geneve, dont toute l'Europe a esté infectée d'heresie? Je ne nie pas que les livres si doctement escrits par tant de Docteurs excellans, dont le Cardinal Bellarmin est le souverain, n'ayent grandement servy contre les heresies de ce siecle; mais je veux bien aussi dire et sous-tenir que ceux qui ont escrit sur la morale et de la devotion n'y ont pas apporté moins de remede.

  A014003407 

 Or, Monsieur, continuez de servir d'instrument à la divine Sapience, r'embarrant l'erreur des heretiques par la doctrine des controverses, et conduisant les volontez depravées au chemin de la vertu par vos traictez de pieté et de devotion.

  A014003415 

 Vostre dessein des deux Traictez sur les deux Tables, disposera des eschelles et degrez aux cœurs de ceux qui seront si heureux que de les lire, relire et retenir; car ils arriveront par ce moyen au supreme faiste de la charité qui accomplist la loy et qui est vrayement le tout homme; comme sans icelle, tout homme, pour grand qu'il puisse estre en tout le reste d'excellence, doit dire: Je ne suis rien..

  A014003416 

 Ces cinquante deux semaines, quoy que reïterées par plusieurs années, ne luy dureront rien, luy representant les deux septenaires de gloire spirituelle et corporelle qui suivront le grand Jubilé qui ne finira jamais..

  A014003417 

 Par les deux derniers projects que vous destinez, ce sera pepiner le monde de predicateurs qui fassent de mesme que vous; et je m'oseray promettre (s'il plaist à Dieu que vous puissiez esclorre ces [411] belles conceptions) une si acile et nombreuse reduction des desvoyez, soit en la doctrine, soit aux mœurs, que l'on sera contrainct d'advouër que l'on n'avoit encore point treuvé de semblable methode..

  A014003418 

 Et puis, vous appeliez tout cela de petites entreprises de courte haleine, de basse estoffe! Et je persiste en tout ce que ma precedente vous representoit de la valeur de vostre livre, au dessus des grands et immenses volumes de plusieurs qui s'essayent de combattre l'heresie, dont l'obstination ne peut estre vaincue que par la melioration des volontez, s'il faut user de ce terme: à quoy la reformation des mœurs sert directement..

  A014003433 

 Spes enim quæ differtur affligit animam; sed qui venit mittere ignem in terram, nec aliud vult nisi ut ardeat, eam reponit spem in sinu meo, ut quamvis me occiderit, sperem in eam; supliant en toute humilité Vostre Reverendissime Seigneurie d'aggreer recommander le tout a Nostre Seigneur, tant au famillier colloque du tres hault Sacrifice, comme en ses ferventes oraisons et sublimes elevations d'esprit a Dieu, afin que par sa toute puissante misericorde et paternelle providence, il ouvre les portes de salut a ceux qui s'amusent en l'ombre de mort.

  A014003434 

 Sur quoy, attendant vostre saint advis, je pourray escrire a nostre Reverend Pere General, gardant la subordination de la pleyne puissance par laquelle il peut disposer de ses sujets; veu mesme que si, suivant ce que nostre R. P. Recteur propose, il est de besoing que le R. P. Provincial de Lyon y entrevienne et qu'en cela je deusse respondre a luy (selon que le pourroit [413] exiger ce qui se passera), des le commencement l'on aye prouveu a telle suave disposition, que le cours d'une si bonne entreprise ne soit entrecoupé..

  A014003453 

 Toutesfois, à vostre exemple, Monseigneur, qui sur le decez de Madame vostre mere avez pris une ferme et constante resolution sur la volonté de Dieu, je me resous et conforme à ce qui plaist à Dieu; et puis qu'il veut avoir ma fille pour son service en ce monde, pour la rendre, par ce chemin, en sa gloire eternelle, je veux bien monstrer que j'ayme mieux son contentement avec le repos de sa conscience, que mes propres affections..

  A014003477 

 Or je croyais que par votre absence je serais défaite de cette secrète excitation, et néanmoins je m'en trouve plus pressée et si fort que je ne puis l'anéantir sans scrupule; c'est pourquoi, mon très-cher Seigneur, me confiant en votre débonnaireté et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds, je vous supplie et conjure, avec toute la révérence qui m'est possible, par la pure dilection que vous avez à notre divin Sauveur, et par l'amour que vous portait et que vous portez à notre Bienheureux Père, de vous déporter d'écrire contre les Religieux, et de prendre garde aussi de ne heurter personne, ni en général ni en [417] particulier, pour chétive qu'elle soit, dans vos livres, ni d'y rien dire qui puisse émouvoir des contentions ou réfutations, car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses contre notre bon Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de mortification pour le faire avec l'humilité et le respect qu'ils doivent à votre digne personne et à votre qualité..

  A014003478 

 Ce mépris que l'on donne des Religieux peut aussi grandement diminuer la piété des peuples, qui est fort soutenue et accrue par leurs bons exemples et doctrine, et de plus, mon très-cher Seigneur, les ennemis de la sainte Eglise se fortifient dans leurs erreurs, et font des trophées et des risées quand ils voient que ses propres enfants se dévorent l'un l'autre, et surtout quand les pères, qui sont Messeigneurs les prélats, découvrent les plaies de leurs enfants, avec confusion, et que les enfants ne le souffrent dans la soumission qu'ils doivent; cela, dis-je, donne un grand scandale, ce qui ne peut apporter qu'un très-grand détriment à la très-sainte Epouse de Notre-Seigneur.

  A014003478 

 Il vous a donné une âme et un esprit propres pour écrire de son divin amour, et enrichir l'Eglise d'infinité de traités de dévotion, pour le bien et avancement des âmes: c'est la sainte occupation que ceux qui vous honorent désirent maintenant à votre aimable loisir, afin que, par le moyen de cette pure dilection de notre divin Sauveur, dont votre chère âme est si parfaitement amoureuse, vous preniez garde dorénavant d'épargner dans vos écrits les Religieux.

  A014003478 

 Vous voyez qu'ils ne reçoivent pas avec profit vos avertissements, et qu'il y a grand risque, si cela n'est bientôt étouffé par votre bonté et charitable support, qu'il ne s'allume un feu qui éteigne celui de la sainte charité en plusieurs âmes, et ne cause de très-grands scandales en l'Eglise de Dieu, ainsi que plusieurs bien sensés appréhendent et prévoient qu'il arrivera infailliblement, si votre débonnaireté et votre zèle à la plus grande gloire de Dieu ne vous fait supporter sans revanche l'insolence d'une réponse que l'on dit avoir été faite à un de vos livres, laquelle, étant si extravagante et éloignée de la vérité et du respect qui vous est dû, ne peut porter coup contre l'estime que l'on a de v.otre véritable vertu..

  A014003479 

 L'on voit cette vérité dans ses écrits, où il oblige par témoignages d'honneur et d'estime tout le monde, et particulièrement les Ordres religieux qu'il révérait et aimait, et disait que c'était l'une des plus saines parties de l'Eglise.

  A014003479 

 Quand il en savait quelque défaut, il les couvrait tant qu'il pouvait, et s'employait soigneusement à les aider à réparer: je l'ai vu dans cette pratique seize années; avec combien de charité, de travail et d'écrits il se conduisait! les sensibles douleurs qu'il ressentait quand leurs défauts et ceux des ecclésiastiques venaient en évidence, parce que la mésestime de telles personnes diminue et affaiblit grandement la piété des peuples, qui est fort soutenue et conservée par leurs bons exemples..

  A014003480 

 Monseigneur mon très-cher frère, votre bonté me pardonnera-t-elle la confiance que je prends de lui dire ainsi simplement tout mon sentiment? Certes, après la gloire de Dieu, j'ai été excitée par le véritable amour que je vous dois et veux vous rendre toute ma vie, et prie Dieu de vous donner la sainte inspiration d'employer dorénavant ce talent qu'il vous a donné pour écrire de sa pure dilection, et par ce moyen enrichir la sainte Eglise de plusieurs traités utiles à ses enfants.


15-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XV-Vol.5-Lettres.html
  A015000058 

 — Facilité de l'imiter par la communion spirituelle, à défaut de la Communion réelle.

  A015000065 

 Ne rien rabattre de nos pratiques religieuses par respect humain.

  A015000071 

 Jubilé de Thonon, — Lorsque, par charité, l'on dérange ses exercices de dévotion, Dieu ne cesse pas d'être servi. 63.

  A015000092 

 Le meilleur témoignage de fidélité, — Souffrance et action, — La mortification par élection et par acceptation.

  A015000092 

 — Alerte provoquée par la Sœur de Chastel.

  A015000121 

 Une mère du Saint, par alliance spirituelle.

  A015000123 

 — Dangers de certaines discussions agitées par des docteurs incompétents.

  A015000165 

 Par « humeur », le Saint aime la discrétion.

  A015000192 

 Comment recevoir les remèdes imposés par l'obéissance et la raison.

  A015000194 

 Un voyage en Bourgogne empêché par un voyage à Turin.

  A015000200 

 L'oraison de la Mère de Chantal trouvée bonne par le Saint et agréable à Dieu.

  A015000224 

 Le Saint renonce par charité à la consolation d'avoir un ami pour compagnon de pèlerinage.

  A015000225 

 — Conseils adressés à Philothée par l'entremise du destinataire.

  A015000234 

 Minute écrite par saint François de Sales pour Madame de Saint-Cergues.

  A015000238 

 I. Lettres adressées a saint François de Sales par quelques correspondants.

  A015000254 

 Description de l'autre porte de l'entree de l'Eglise de Nostre Dame et par laquelle la procession est entree 224.

  A015000269 

 Et si mon impuissance et insuffisance ne m'a pas permis de la cultiver par mes services, ma connoissance pourtant ne m'a jamais permis de demeurer sans une tres forte affection de correspondre a cette faveur par tous les tesmoignages qu'il me seroit possible.

  A015000291 

 L'honneur que j'ay d'estr'aymé de vous, servira de [simple] praeface a ma supplication, laquelle je vous [5] fay [d'estre] favorable protecteur de ce porteur, frere de monsieur le premier President de Savoye et mon Vicayre general, pour les affaires qui le tirent vers vous, qui sont parties siennes et parties miennes; mais, a mieux dire, siennes et miennes tout ensemble, puisque luy mesme est mien par une longue et bonn'amitié..

  A015000308 

 Croyés, ma tres chere Seur, que mon cœur est fraternellement amoureux du vostre, et que si j'avois la commodité d'assouvir ses desirs, je serois bien tost en vostre solitude, laquelle, vous dites, je redoute pour son aspreté, mais laquelle j'ayme precisement pour mille sujetz, mais principalement pour l'amour de vous, qui, par vostre presence, me l'avés rendue ci devant plus douce et plus aggreable que ne furent jamais les plus delicieuses conversations des villes.

  A015000309 

 Il ne faut pas oublier de dire quatre motz, avant de finir, de la chere seur qui a manqué de nous estre ravie ces jours passés par un brave et galant gentilhomme qui la recherchoit en mariage.

  A015000309 

 Mon Dieu, ne nous verrons-nous jamais tretous ensemble? J'en suis un peu, a dire vray, impatient; mais je ne croy plus qu'elle m'ayme, puisque non obstant que je luy escrivisse dernierement, je n'ay point de ses nouvelles que par vostre entremise.

  A015000310 

 Vous connoistres bien, ma tres chere Seur, par la longueur de cette lettre, le playsir que j'ay de le faire et de m'entretenir avec vous; mais il n'y a remede, vostre charité me pardonnera.

  A015000311 

 Mais, ma chere Dame, vous estes, avec la petite seur, la souveraine friandise pour m'attirer par devers vous, tout le reste n'est qu'accessoire; ces deux personnes que je viens de nommer sont le principal..

  A015000324 

 Cheminés donq avec courage et parfaite confiance en [9] Nostre Seigneur, car il vous tiendra de sa main; et par la varieté des sentimens a laquelle nous sommes sujetz en ce miserable monde, il vous conduira au Ciel, ou nous n'aurons qu'un seul et invariable sentiment de la joye amoureuse de sa divine bonté, a laquelle je vous conjure de me recommander perpetuellement..

  A015000351 

 Il faut ainsy cheminer par varieté de petitz accidens spirituelz et temporelz, tenans tous-jours neanmoins a Nostre Seigneur qui, en cette sorte, nous conduira par sa grace a l'estat immobile de la sainte eternité..

  A015000353 

 J'ay escrit nagueres a Bons, par une bonne commodité.

  A015000383 

 Je vous envoye ce Miroir d'amour, et apres vous je le verray, car j'en ay envie, estimant que cette traduction faite par les Chartreux sera parfaite.

  A015000393 

 J'ay dit, il y a des-ja quelque tems, a M. Pergod que je voulois estre son tresorier d'ores-en avant; bien que je desire que mon office finisse bien tost par la vente de cette mayson, laquelle me sembleroit utile plus que la conservation, pourveu qu'elle se vendit a bonnes enseignes.

  A015000394 

 Voyes, ma chere Seur, que nos jours sont cours et que, par consequent, le labeur que nous y avons ne peut estre long; si que, moyennant un peu de patience, nous en sortirons avec honneur et contentement, car nous n'aurons point de si grande consolation a la fin de la journee que d'avoir beaucoup travaillé et supporté de peynes..

  A015000410 

 Je ne sçai si le diable nous veut espouvanter par la, ou si elle n'est point trop aspre a la cueillette; toutefois je sçai bien qu'elle n'a point de meilleur remede a son gré que de s'exposer au Soleil de justice..

  A015000420 

 Je voudrois vous pouvoir dire le sentiment que ce jourdhuy j'ay eu, en communiant, de nostre chere unité, car il a esté grand, parfait, doux, puissant, et quasi par maniere de vœu et de dedicace..

  A015000453 

 Vous deves croire le confesseur de N. en ce qui regarde son entree en Religion, car vous ne sçauriés mieux apprendre l'intention de Nostre Seigneur que par l'advis de celuy qu'il a donné pour directeur a la fille dont il s'agit.

  A015000455 

 O Dieu! que ce leur seroit chose utile a tous deux de renoncer a ces inutiles et inconsiderees complaysances, et que ce seroit une [24] grande charité de les en retirer! Mais, quant a la personne que je connois, quoy que jadis elle fust aucunement interessee en ce mal, qui pour n'estre pas vicieux ne laisse pas d'estre perilleux, je ne treuve aucun inconvenient que quelquefois, selon les occurrences, elle se confesse en toute liberté a ce personnage-la, dans le cœur duquel, s'il y avoit quelque impureté, elle ne se glisseroit pas par la confession, mais ouy bien par les autres conferences et conversations, ou privautés et hantises.

  A015000457 

 Et ce desir la tient lieu de conseil, auquel c'est espece d'obeissance de s'accommoder, quand on le peut bonnement, et par ce que vostre exemple est utile au simple peuple en la qualité que vous estes: or, il n'aura [25] point d'exemple de ce que vous feres en vostre oratoire.

  A015000457 

 Je dis qu'il est mieux, non seulement parce que cette reelle presence de l'humanité de Nostre Seigneur en la Messe ne peut estre suppleée par la presence mentale (bien que, pour quelque digne respect, on demeure esloigné d'icelle), mais aussi parce que l'Eglise desire fort que l'on assiste a la Messe.

  A015000482 

 Il veut bien que nous souffrions qu'on nous treuve importuns, puisqu'il nous enseigne d'importuner par son importune.

  A015000506 

 Je vous ay escrit par celuy qui m'a apporté ce matin vostre lettre; mais ces pauvres gens d'Estrembieres me forcent, par leurs remonstrances, d'interceder pour eux, puisqu'ilz recourent a moy pour cela, en qualité, disent-ilz, de mes enfans les plus exposés a la persecution de leurs freres rebelles.

  A015000542 

 Mais, me treuvant chez M. le [34] Præsident de cette ville lhors quïlz despechoyent, je me treuvay engagé par sa priere, et des autres seigneurs du Conseil, de joindre ma lettre a la leur.

  A015000570 

 J'ay veu par vos lettres vos petites cheutes et imperfections, pour lesquelles ni vous ni moy ne devons aucunement nous estonner, car ce ne sont que des petiz advertissemens de nous tenir bas et humbles devant nos yeux, et pour nous esveiller en cette sentinelle en laquelle nous sommes.

  A015000615 

 Apres disné, le P. Prieur des Feuillans m'a donné beaucoup de consolation par [41] la bonn'opinion quil a d'un grand progres de nostre Congregation..

  A015000628 

 Cet honnest'homme parisien a servi longuement, fidelement et aggreablement monsieur le premier Praesident de Savoye, et pour quelque sujet hors de luy, il quitte maintenant ce service, et a desiré de moy cette lettre pour vous faire la reverence en vous la presentant, estimant que, si d'adventure vous avies besoin de quelque serviteur de sa sorte, par cett'occasion il pourroit entrer au bien de l'estre.

  A015000628 

 Or, Monseigneur, cet (sic) ainsy sans artifice que je vous dis l'artifice louable de ce bon personnage, auquel je sçai bon gré dequoy, par ce moyen, je puis me ramentevoir en vostre sainte, sacree et inviolable bienveuillance, a laquelle je me recommande [42] tres humblement, luy dediant mon obeissance et service perpetuel..

  A015000646 

 Au demeurant, j'ay avec moy un jeune homme d'Eglise, neveu de feu Monsieur le Reverendissime mon predecesseur, qui s'est immaginé qu'a l'adventure il pourroit entrer par delà au service de quelques jeunes seigneurs pour leur instruction, et par ce moyen estudier aussi; et m'a tant pressé, sachant en quelle confiance je suis avec vous, que j'ay esté contraint de luy promettre de vous supplier de me donner quelque advertissement si cela pourroit estre.

  A015000679 

 O Dieu, ma chere Seur, ma Fille bienaymee, a propos de nostre cœur, que ne nous arrive-il comme a cette benite Sainte de laquelle nous commençons la feste ce soir, sainte Catherine de Sienne, que le Sauveur nous ostast nostre cœur et mist le sien en lieu du nostre! Mais n'aura-il pas plus tost fait de rendre le nostre tout sien, absolument sien, purement et irrevocablement sien? Oh qu'il le face, ce doux Jesus! je l'en conjure par le sien propre et par l'amour qu'il y enferme, qui est l'amour des amours.

  A015000725 

 Nostre Sauveur vous arrache le cœur, comme il fit a la devote sainte Catherine de Sienne de laquelle nous [50] faysons ce jourdhuy la feste, pour vous donner le sien tres divin, par lequel vous viviés toute de son saint amour.

  A015000729 

 Quand nous voyons que les persecutions ou contradictions nous menacent de quelque grand desplaysir, il nous faut retirer, et nous et nos affections, sous la sainte Croix, par une vraye confiance que tout reviendra au prouffit de ceux qui ayment Dieu..

  A015000742 

 Vivés toute pour Dieu, ma chere Fille, et puisqu'il faut que vous vous exposies a la conversation, rendés-vous y utile au prochain par les moyens que souvent je vous ay escritz.

  A015000743 

 Je prie cette souveraine Bonté qu'elle nous face la grace de la bien chercher par amour, et suis en elle tout entierement,.

  A015000769 

 Sil vous plait d'enrichir mon offrande de complimens, vous le pourres faire en asseurance, car vous ne devanceres point mon affection par tous les ornemens avec lesquelz vous l'exprimeres.

  A015000786 

 O Dieu, ma chere Fille, qui pouvoit mesler si parfaitement deux [56] espritz qui ne fussent qu'un seul esprit, indivisible, inseparable, sinon Celuy qui est unité par essence?.

  A015000787 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que ce m'est une honnorable et douce peyne que celle-cy, qui me fait esperer que, sinon maintenant, au moins par ci apres, tout ce païs pourra estre purgé de tant d'infection que le malheur de l'heresie y avoit assemblé..

  A015000845 

 J'ayme mieux estre infirme que fort devant Dieu, car les infirmes, il les prend entre ses bras et les fortz il les mene par la main.

  A015000855 

 Toutefois, il n'est [pas] asses bon messager pour vous porter la pensee que Dieu m'a donné cette nuit: que nostre maison de la Visitation est, par sa grace, asses noble et asses considerable pour avoir ses armes, son blason, sa devise et son cri d'armes.

  A015000856 

 Le Sauveur mourant nous a enfantés par l'ouverture de son sacré cœur; il est donq bien juste que nostre cœur demeure, par une soigneuse mortification, tous-jours environné de la couronne d'espines qui demeura sur la teste de nostre Chef, tandis que l'amour le tint attaché sur le throsne de ses mortelles douleurs..

  A015000866 

 Quelques vertueux gentilshommes et moy, ayans, Dieu merci, terminé les poursuites que le sieur de Blonnay faysoit a rayson de la perte de son filz contre le sieur [64] de Saint Paul, par un amiable et chrestien appaysement de toute inimitié et dispute, j'ay creu que je devois en donner asseurance a Vostre Altesse, affin quil luy playse de plus facilement incliner sa clemence et donner sa grace a celuy qui, ayant la paix avec sa partie par cet accomodement, et le pardon de Dieu par la contrition et confession, n'a plus a rechercher que la remission de la peyne, que Vostre Altesse seule luy peut ouctroyer et que la debonnaireté d'icelle luy fait esperer..

  A015000884 

 Et non seulement je n'ay point fait de mesnage contre le service de Vostre Altesse (ce qui ne m'est jamais arrivé ni ne m'arrivera jamais, ni en effect, ni en pensee), mais au contraire, autant que la discretion et le respect que je doy a ma qualité me le permettent, j'ay observé tout ce que j'estimois estre considerable pour le service de Vostre Altesse, affin de luy en donner advis, comme [66] j'eusse fait par escrit si, a mon retour, je n'eusse treuvé le commandement qu'elle me donnoit de les porter de bouche a monsieur le Marquis de Lanz, auquel je parlay en toute franchise et naifveté; l'asseurant entr'autres choses, que les bruitz touchant le dessein des François sur Geneve n'estoyent que des vrayes chimeres, que quelques uns avoyent peut estre fabriquées pour rendre probables leurs prætendus services.

  A015000885 

 Mays, soit quil donnast cett'atteinte par le commandement de la Reyne, soit quil la fit de son propre mouvement (dequoy je n'ay rien sceu apprendre de certain), elle fut si mal receüe, que [67] ceux de la ville, en diverses occurrences, disoyent tout haut qu'ilz se donneroyent plustost au malin qu'a Vostre Altesse et plustost a Vostre Altesse qu'au Roy; d'autant que, non seulement Vostre Altesse les recevroyt a meilleur marché que le Roy, mays quand elle voudroit alterer les conditions de leur donation, ilz auroyent plus de moyen de la rompre par l'assistence des voysins, que quand elle seroit faite en faveur du Roy.

  A015000885 

 Vray est que le sieur de la Noüe proposa la dedans, par maniere de conseil, qu'il seroit expedient de remettre les murailles au Roy de France, pour eviter les perilz qu'elles couroyent a tous momens.

  A015000899 

 En consideration de cela, un certain seigneur de Monluel, qui par longues annees avoit possedé un petit benefice simple audit Gex, de la valeur d'environ 20 ou 25 escus de revenu, ayant de son gré et par son election desiré que ce sien benefice fut uni a nostre dit Chapitre, je l'ay fait encor plus volontier, comme chose sainte et juste..

  A015000900 

 La petitesse de la piece, le travail passé de ceux de ce Chapitre, vostre credit, nous rendent un'esperance certaine que cela ne sera pas fort malaysé; car, bien que nostre Chapitre reside maintenant, par emprunt, de deça, si est ce que naturellement il est de Geneve.

  A015000900 

 Mays d'autant qu'a l'adventure, les cours laïques, en cas quil y eut quelque controverse ci apres, requerront que les proviseurs ayent le placet ou brevet du Roy, et que la valeur du benefice n'est pas si grande qu'on puisse envoyer expres pour en faire la supplication a Sa Majesté (a laquelle mesme, en tous evenemens, nous n'aurions aussi pas moyen d'avoir bon acces que par vostre entremise), partant nous vous supplions tres humblement tous, que si ce n'est point vostre incommodité, il vous playse [70] impetrer ledit placet.

  A015000902 

 A mon retour, je treuvay que mon voyage n'avoit pas esté seulement fertile en consolation, selon sa petitesse, mais [71] aussi, de ce costé de deça et de dela les mons, de soupçons et calomnies, que la verité neanmoins effacera, comme je pense, par la suite de quelques jours..

  A015000916 

 Sa casaque d'armes, faite de poil de chameau, representoit son humilité qui le couvroit par tout; sa ceinture de peau morte, mise sur son ventre et sur ses reins, signifioit la mortification avec laquelle il restrecissoit et serroit toutes ses concupiscences.

  A015000917 

 Mon Dieu, ma Fille, mangeons et du sauvage et du domestique; amassons de ce saint amour a toutes occasions, et par l'exemple de nos Seurs et par la consideration des autres creatures; car tout crie aux aureilles de nostre cœur: Amour, amour.

  A015000928 

 Je le treuve plus que vierge, parce qu'il est vierge mesme des yeux, qu'il a plantés sur les objetz insensibles du desert et ne sçait point par les sens qu'il y ait deux sexes; plus que confesseur, car il a confessé le Sauveur avant que le Sauveur se soit confessé luy mesme; plus que predicateur, car il ne presche pas seulement de la langue, mais de la main et du doigt, qui est le comble de la perfection; plus que docteur, car il presche sans avoir ouy la source de la doctrine; plus que martyr, car les autres martyrs meurent pour Celuy qui est mort pour eux, mais luy meurt pour Celuy qui est encor en vie, et contreschange, selon sa petitesse, la mort de son Sauveur avant qu'il la luy ait donnee; plus qu'evangeliste, car il presche l'Evangile avant qu'il ait esté fait; plus qu'apostre, car il precede Celuy que les Apostres suivent; plus que prophete, car il monstre Celuy que les Prophetes predisent; plus que patriarche, car il voit Celuy qu'ilz ont [74] creu, et plus qu'ange et plus qu'homme, car les Anges ne sont qu'espritz sans cors, et les hommes ont trop de cors et trop peu d'esprit: celuy ci a un cors et n'est qu'esprit..

  A015000929 

 J'ay un goust extreme a le regarder dans ce sombre, mais bienheureux desert qu'il parfume de toutes parts de devotion, et dans lequel il respand jour et nuit des soliloques et devis extatiques devant le grand objet de son cœur; cœur qui, se voyant seul a seul, jouit de la presence de son Amour, treuve en la solitude la multitude des douceurs eternelles, la ou il succe le miel celeste qu'il ira par apres bien tost distribuer dans les ames des Israëlites aupres du Jourdain..

  A015000941 

 Mon Dieu, ma Fille, je m'admire tant que je suis encor si plein de moy mesme apres avoir si souvent communié! Hé, cher Jesus, soyes l'Enfant de nos entrailles, affin que nous ne respirions ni ressentions par tout que vous.

  A015000952 

 Hier seulement que ce digne porteur, le P. Prieur des Feuillans, m'arriva, je receu la lettre que vous m'escrivites par luy mesme le VI avril.

  A015000953 

 Mays je voy en celle-ci, que vous aves longuement [77] esté sans en avoir des miennes J'avoue sincerement mes fautes, mais celle ci, elle n'est pas mienne, ains des porteurs; car je sçai bien que tous-jours, quand je puis, je vous escris de mes nouvelles, non seulement par ce que vostre desir a tout pouvoir sur ma volonté, mais aussi par ce que ma volonté a perpetuellement ce desir de vous parler, comm'il m'est possible de parler de vous et de vous oüir ou voir parler a moy.

  A015000955 

 Que de bruitz, que de vaynes esperances, que de vrayes afflictions avons nous eu par deça! Mays, graces a Dieu, nous voyci maintenant avec grand'apparence de tranquillité.

  A015001010 

 Cela a esté cause, ma tres chere Fille, que je n'ay peu luy donner cette lettre, par laquelle je veux respondre, quoy que couramment a mon accoustumee, aux dernieres lettres que j'ay receu de vous..

  A015001013 

 Toutefois, on pourroit bien le faire traitter dextrement, et par mesme moyen luy faire entendre qu'on ne l'invite qu'au seul exercice de charité et en lieu ou il n'y a rien a gaigner que les ames.

  A015001037 

 Le souvenir de vos vertus m'est si aggreable qu'il n'a pas besoin d'estre nourri par la faveur de vos lettres; elles vous acquierent neanmoins une nouvelle obligation sur moy, puisque je reçois par icelles et beaucoup d'honneur et beaucoup de contentement, de voir que non seulement vous aves reciproquement memoire de moy, mais que vous l'aves aggreablement.

  A015001095 

 J'ay bien aussi prié cette mesme bonne dame de vous porter de ma part l'asseurance de ce qu'avec une faveur trop excessive vous m'aves par deux fois demandé; mais il faut pourtant que je l'escrive icy de ma main, comme je le sens de tout mon cœur..

  A015001098 

 Mais commençons donq par icy a parler comme il faut entre les amis parfaitz, et venons au troisiesme point, a ce que je vous dois respondre.

  A015001099 

 Je hais par inclination naturelle, par la condition de ma nourriture, par l'apprehension tiree de mes ordinaires considerations et, comme je pense, par l'inspiration celeste, toutes les contentions et disputes qui se font entre les Catholiques, desquelles la fin est inutile, et encor plus celles desquelles les effectz ne peuvent estre que dissensions et differens, mais sur tout en ce tems plein d'espritz disposés aux controverses, aux mesdisances, aux censures et a la ruyne de la charité..

  A015001101 

 Ah! je sçai, je croy, je jure par tout que vous aymés l'Eglise, que vous estes constamment son enfant asseuré; mays le zele de l'authorité que vous aves si longuement et heureusement possedee vous a poussé un peu trop avant.

  A015001105 

 Aussi, comme j'ay tous-jours fait avec feu monsieur, je desire que par tout vous m'advoüiés,.

  A015001115 

 Dieu benira vostre bonne intention en ce voyage et en l'entreprise que vous aves faite de mettre en ordre les affaires de cette mayson-la pour vostre filz, et vous recompensera ou par une bonne issue, ou par une sainte humiliation et resignation.

  A015001116 

 Ma petite seur se porte bien, car la vostre petite, ma cousine, me l'escrit par une fille de chambre qu'elle a envoyee icy.

  A015001131 

 Et remarquons que Nostre Seigneur ne vous donne jamais de violentes inspirations de la pureté et perfection de vostre cœur, qu'il ne me donne la mesme volonté, pour nous faire connoistre qu'il ne faut qu'une inspiration d'une mesme chose a un mesme cœur, et que, par l'unité de l'inspiration, nous sçachions que cette souveraine Providence veut que nous soyons une mesme ame, pour la poursuite d'une mesme œuvre et pour la pureté de nostre perfection..

  A015001131 

 Il me tarde, ma tres chere Fille, que ce cœur que Dieu nous a donné, soit uniquement et inseparablement donné et lié a son Dieu par ce saint amour unissant qui est plus fort que la mort et que tout.

  A015001142 

 Ayant veu a Six l'espouventable et irreparable accablement survenu il y a quelques annees, par la cheute d'une piece de montagne, je n'ay sceu refuser aux habitans du lieu, qui recourent a la clemence de Vostre Altesse pour, a proportion, estre deschargés des tailles, mon veritable tesmoignage en faveur de leur trop juste praetention.

  A015001160 

 Je vous supplie donq, Monsieur, tres humblement, de m'en excuser vers eux pour cett'annee; et si, pour la suivante, les difficultés que vous sçaves se pouvoyent vaincre, je serois bien ayse de leur tesmoigner combien j'estime lhonneur de la semonce quilz me font faire par la personne du monde que j'honnore, respecte et cheris de toute l'estendue de mes forces, et a laquelle je suis sans reserve et sans fin, Monsieur,.

  A015001200 

 Le doux Jesus, auquel et par lequel je suis autant vostre que vous mesme, vous veuille benir et conserver a jamais, ma tres chere Fille mienne..

  A015001215 

 Quel desplaysir viens-je de recevoir en la triste nouvelle du trespas de madame ma tante, qui m'aymoit si tendrement et cherement, et a laquelle j'avois si justement voué tant d'affection! J'irois moy mesme vous tesmoigner ce ressentiment, si je croyois, par ce moyen, de pouvoir alleger le vostre, ou que cet engagement auquel je suis parmi les assignations de ma visite le me permist; mais au moins, voyla mon frere qui va recevoir vos commandemens pour luy et pour moy, et vous asseurer que, comme j'ay honnoré de tout mon cœur la vie de cette chere defuncte, aussi cheriray-je a jamais son honnorable memoire autant qu'aucun de ses parens et serviteurs qu'elle ayt laissés en ce monde..

  A015001218 

 Je m'en vay a l'eglise, ou, par le saint Sacrifice, je commenceray les recommandations de cette chere et pretieuse ame, et celle que je dois a jamais continuer pour vous et tout ce qu'elle aymoit le plus.

  A015001261 

 Je dis presque, a cause de celuy qui dit: Cum his qui oderunt pacem eram pacificus; autrement, je pense que je ne l'eusse pas dit, car les chasseurs poussent par tout dans les buissons, et retournent souvent plus gastés que la beste qu'ilz ont cuidé gaster.

  A015001261 

 La pluspart de ces propos mal mesurés qu'on dit ou qu'on escrit, sont plus heureusement repoussés par le mespris que par l'opposition.

  A015001286 

 Qu'est-il besoin, par exemple: « In hac difficultate tres nobis occurrunt quæstiones: prima nempe quæstio erit, quid sit prædestinatio; secunda, quorum sit prædestinatio; tertia, » etc.? Car, puisque vous estes extremement methodique, on verra bien que vous faites ces choses l'une apres l'autre, sans que vous en advertissies auparavant..

  A015001307 

 Si ce n'est que la necessité du meilleur estat des biens, vous n'y estes pas voirement obligee; mais pourtant, si cette necessité estoit extreme et grande et qu'elle ne peust estre remediee que par vous, c'est a dire que vous ne puissies suppleer par autruy aux affaires, vous pourries librement arrester le tems requis a cela, que je remetz a vostre discretion et prudence, ne pouvant dissimuler avec vous qu'en cette occasion je ne voye quelque sorte de tentation.

  A015001308 

 Ce que je ne dis pas pour ce bon chevalier qui vous souhaitte aupres de soy, car vrayement il a rayson de desirer le bien de vostre conversation, qui ne peut que luy estre fort aggreable; mays pour ceux qui en parlent par maniere de conscience et de scrupule, qui, a mon advis, ne sont pas bien fondés en cela, bien qu'en la lettre de monsieur N. je les voye fort doctes et de grand esprit.

  A015001381 

 Le sujet de mon voyage fut que les huguenotz ayant dressé des plaintes en leur assemblee de Saumeur sur l'inexecution de l'Edit de Nantes, le Roy de France, en son [127] Conseil, a deputé des commissaires en toutes les provinces pour rendre par tout ledit Edit executé.

  A015001382 

 L'un et l'autre estans arrivés a Gex, il fut proposé [128] de venir aux effectz de leur commission, et par consequent, de me remettre toutes les eglises et tous les biens ecclesiastiques possedés par les huguenotz, affin d'estre par moy pourveu en chasque lieu de pasteurs et services convenables.

  A015001382 

 Mays parce que je n'estois pas la, la proposition se fit en mon nom par un tres bon et digne Pere Capucin, originaire de Beugey, mays natif de Chamberi, qui neanmoins n'ayant point de procuration, promit de me faire ratifier..

  A015001383 

 Et en fin, apres trois ou quatre assemblees ainsy generales et publiques, la multitude des oppositions et allegations de nos adversayres fut causé que le tout a esté renvoyé au Conseil privé, pour estre par iceluy ordonné selon qu'il verra a faire; sauf pour le regard de l'eglise des Carmes de Gex, toute ruinee, et [129] une chapelle jointe a icelle, fondee par un bastard de la mayson de nos Princes, comme encor de l'eglise d'Alemoigne, qui, sur le champ, m'ont esté remises.

  A015001383 

 Sur cela, estant adverti et conjuré par les Catholiques de me rendre en praesence pour un coup de si grande importance, j'y allay nuit et jour, et me treuvay asses tost pour une assemblee generale de tout ce païs-la, ou je refis a vive voix mes requisitions et m'essayay de respondre aux allegations des ministres, qui n'ont rien oublié de leur costé pour empescher le fruit de cette commission demandee imprudemment par leurs confreres, qui ne prirent pas garde que, si ailleurs l'execution de l'Edit leur estoit favorable, a Gex elle leur estoit extremement contraire.

  A015001400 

 Me voyci lautrefoys [de retour.] Je ne fus presque pas arrivé de la visite [en ce pays] de deça, quil me falut partir pour aller [par delà] le Rosne pour chose qui importoit au service de Dieu.

  A015001401 

 Acceptons-le donques avec tres profond'action de [131] graces, de la main de ce Pere debonaire qui nous l'a imposé; et si nous avons de la difficulté a respirer, il nous faut tant plus aspirer et souspirer en Dieu par des desirs continuelz de faire progres en son saint amour.

  A015001401 

 Mays voyla pas un bon exercice de mortification que Dieu vous donne, et lequel tant de Sains ont prattiqué par election? Or il n'en vaudra pas moins, ains davantage, quand il sera prattiqué par acceptation.

  A015001402 

 Nostre pauvre Seur de Chatel nous fit tellement peur [hier] au soir, que, par l'advis du medecin, nous luy donnasmes le Saint Huyle, qu'elle receut avec une foy et devotion [très grandes.

  A015001403 

 Et si, il faut que je vous die qu'elle m'escrit par sa derniere lettre que l'on desseigne a Dijon, ou ell'est, une mayson de la Visitation pareille a celle d'icy; et faudra peut estre, dans quelque tems, y envoyer un couple ou troys des filles que nous [132] aurons, pour y donner commencement.

  A015001405 

 Bonsoir, ma tres chere Fille; continues a bien aymer Dieu, et moy pour l'amour de Dieu, puisque par ce mesm'amour je suis tres entierement tout vostre..

  A015001434 

 Gardés bien, dit l'Apostre, de perdre la confiance, par laquelle estans revigorés, vous souffrires et supporteres vaillamment le combat des afflictions, pour grand qu'il soit..

  A015001435 

 J'ay esté certes marri quand j'ay sceu cette petite alteration survenue entre les deux chers cousins, pour ce morceau de pain laissé par la pauvre M me de N.: ainsy arrive-il entre les enfans des hommes.

  A015001447 

 Fille, dites moy, je vous prie, sera-il mieux que je vous aille revoir demain matin pour assister au disner de cette grande fille, et encor de la Jaquemaz, sil y escheoit, ou que j'y aille [137] seulement apres Vespres pour la voir souper? Mon opinion est que ce soit apres Vespres, par ce que j'auray plus de tems, comme j'espere, d'estre avec moy (je veux dire avec vous) et avec elle; et lhors j'adjousteray aux tablettes le mot qui manque, car j'ay grand'envie d'estr'un jour homme de parole..

  A015001457 

 O, Dieu nostre Sauveur nous soit a jamais toute chose! C'est en luy et par luy que nostr'unique cœur est indivisible; qu'a jamais puisse-il tout vivre a son saint amour..

  A015001470 

 J'excepte pourtant la visite de la petite seur, qui vient de me laisser maintenant, et laquelle m'a laissé avec bon goust, par ce que nous avons parlé de bonnes choses.

  A015001486 

 Et bien, ma chere Fille, il n'est pas aussi requis que vous le fassies, ains que tout simplement vous esleviés, le plus frequemment que vous pourrés, vostre cœur a ce Sauveur et que vous fassies ces actions: premierement, d'accepter le travail de sa main, comme si vous le voyies luy mesme vous l'imposant et fourrant en vostre teste; secondement, vous offrant d'en souffrir encores davantage; troisiesmement, l'adjurant par le merite de ses tourmens, d'accepter ces petites incommodités en l'union des peynes qu'il souffrit sur la croix; quatriesmement, protestant que vous voules non seulement souffrir, mais aymer et caresser ces maux comme envoyés d'une si bonne et douce main; cinquiesmement, invoquant les Martyrs et tant de serviteurs et servantes de Dieu qui jouissent du Ciel pour avoir esté fort affligés en ce monde..

  A015001490 

 Vive Jesus! ma Fille, et qu'il regne parmi vos douleurs, puis que nous ne pouvons regner ni vivre que par celle de sa mort.

  A015001499 

 Ma tres chere Fille, il failloit escrire la premiere lettre de cette annee a Nostre Seigneur et a Nostre Dame; et voyci la seconde par laquelle, o ma Fille, je vous donne le bon an et dedie nostre cœur a la divine Bonté.

  A015001510 

 Que si Nostre Seigneur exauce mes vœux, cet an vous sera l'an de prosperité, de contentement et de benediction sur vous, Monsieur, en vous et tout autour de vous, qui, par apres, en verres une grande suite de pareilz, lesquelz en fin aboutiront a l'annee eternelle, en laquelle vous jouires immortellement de l'Autheur de toute vraye prosperité et benediction..

  A015001536 

 Je loüe Dieu de cette nouvelle santé, le retour de laquelle vous m'annoncés par vostre lettre du 6 decembre, avant que j'aye eu aucune sorte d'advertissement de vostre maladie.

  A015001547 

 O Dieu, quel bonheur que nostre amour, en attendant cette manifeste union que nous aurons avec Nostre Seigneur au Ciel, s'unisse par ce mystere si admirablement a luy!.

  A015001547 

 Or, la tablette de la sainte Communion est cela mesme qui a esté mis en tablette, affin que nous la puissions mieux prendre; bien que ce soit la tres divine et tres grande table que les Cherubins et Seraphins adorent et de laquelle ilz mangent par contemplation reelle, comme nous la mangeons par reelle Communion.

  A015001548 

 Le grand saint Anthoine, duquel les intercessions ont une extraordinaire influence [sur] cette journee, vous fera, par la bonté de Dieu, lever demain toute brave.

  A015001549 

 Cependant, ma bienaymee Fille, je ne laysse pas, dans le fond de mon esprit, de prendre des saintes esperances qu'apres que par ces petitz abandonnemens, Dieu nous aura espreuvé et exercé en la mortification interieure, il ne nous vivifie par ses consolations sacrees.

  A015001549 

 Il ne nous abbaisse, ce doux Amour de nostre cœur, que pour nous eslever: il se musse et cache, et regarde par le treillis quelle contenance nous tenons.

  A015001557 

 Je vois par vostre lettre, que [151] vous ne vous appuyés pas asses en la sainte providence divine.

  A015001557 

 Mays avec cela, ma chere Seur, il ne se faut pas former des craintes inutiles; il suffira bien de recevoir les maux qui de tems en tems nous arrivent, sans les prevenir par l'imagination..

  A015001557 

 Nous serions miserables, ma Fille, si nous n'establissions nostre appuy en Dieu que par l'entremise des creatures que nous affectionnons.

  A015001558 

 Au contraire, je voudrois, et Dieu voudroit, que vous l'exerçassies gayement et amoureusement, et par ce moyen il auroit soin du desir que vous aves d'estre deschargee et le feroit reüscir en son tems; car notés une fois pour toutes, qu'il ne faut jamais s'aheurter avec une de nos volontés, ains quand il nous arrive quelque chose contre nostre gré, il le faut accepter de bon cœur, quoy que de bon cœur on desirast que cela ne fust point; et quand Nostre Seigneur voit que nous sommes ainsy souples, il condescend a nos intentions..

  A015001562 

 Ainsy l'en supplie-je, par le merite de sa Passion et les intercessions de sa Mere et de sainte Françoise..

  A015001576 

 J'ay receu toutes les lettres que vous me marques par celle quil vous pleut m'addresser par les mains de monsieur de Marillac, et m'estonne comm'il est arrivé que vous n'ayes pas eu mes responses que j'ay quelquefois dupliquees, de peur de manquer au devoir que je vous ay et pour l'extreme contentement que je prens en la prattique de vostre sainte amitié.

  A015001578 

 Voyla comment je vous ay en tout et par tout esté inutile, mays certes je n'ay esté ni seray jamais sinon tres affectionné, mesm'en ce dessein qui est tant a la gloire de Nostre Seigneur et avancement de la pieté.

  A015001582 

 Monsieur, j'ay voirement receu les deux livretz qui me furent renduz par monsieur de Sauzea, et pleut a Dieu que vostre commodité fut de m'en envoyer encor deux autres, car je les employerois utilement..

  A015001596 

 Si vous m'aves souhaité par dela, j'ay bien correspondu de mon costé, estimant que un voyage seroit grandement utile, non aux autres, mays a moy qui, par la conference que j'aurois avec tant de gens de bien, rafraichirois les resolutions et l'esprit qui m'est necessaire en ma vocation..

  A015001598 

 Dieu, qui par sa misericorde est autheur de cette benite assemblee, la logera, la protegera et dilatera pour le salut et perfection de plusieurs.

  A015001613 

 « Vous nous aves demandé d'estre receues entre nous pour y servir Dieu en unité de mesm'esprit et de mesme volonté; et, esperans en la Bonté divine que vous vous rendres bien affectionnees a ce dessein, nous sommes pour vous recevoir ce matin au nombre de nos Seurs novices, pour, selon l'avancement que vous feres en la vertu, vous recevoir par apres aux oblations, dans le tems que nous aviserons.

  A015001614 

 « Or, entrant ceans, saches que nous ne vous y recevons que pour vous enseigner, tant que nous pourrons, par exemple et advertissemens, a crucifier vostre cors par la mortification de vos sens et appetitz de vos passions, humeurs, inclinations et propres volontés, en sorte que tout cela soit desormais sujet a la loy de Dieu et aux Regles de cette Congregation.

  A015001615 

 « Vous entreres donques en cett'escole de nostre Congregation, pour apprendre a bien porter la croix de Nostre Seigneur, par abnegation, renoncement de vous mesme, resignation de vos volontés, mortification de vos sens.

  A015001630 

 O Seigneur Jesus, par vostre tristesse incomparable, par la desolation nompareille qui occupa vostre cœur divin au mont Olivet et sur la croix, et par la desolation de vostre chere Mere, qu'elle eut tandis qu'elle fut privee de vostre presence, soyés la joye, ou au moins la force de cette fille, quand vostre Croix et Passion est tres uniquement conjointe a son ame..

  A015001661 

 Ainsy, o mon doux Maistre, je vous demande, sinon vostre digne Cors, au moins les benedictions qu'il respand sur ceux qui en approchent par amour.

  A015001661 

 Demeurés pour un peu en la posture de la Chananee: Ouy, Seigneur, je ne suis pas digne de manger le pain des enfans; je suis vrayement une chienne qui rechigne et mords le prochain sans propos, par mes paroles d'impatience; mais si les chiens ne mangent le pain entier, au moins [ont-ilz] les miettes de la table de leurs maistres.

  A015001674 

 Ce petit peuple catholique et moy le presentons en toute humilité a Vostre Majesté comme un cahier animé, contenant les moyens plus convenables pour la reduction de ceux de la religion pretendue et pour l'accroissement de la foy catholique au bailliage de Gex; affin que, si tel est le bon playsir [166] de Vostre Majesté, dont je la supplie tres humblement, elle en sçache par luy toutes les particularités plus clairement..

  A015001707 

 C'est par le retour de ce pauvre medecin, qui n'a sceu guerir nostre Mere et que je n'ay sceu guerir, que [168] je vous fay ce mot.

  A015001723 

 Je fais finir toutes mes pensees par: Fiat voluntas [tua]..

  A015001733 

 Or sus, je voy bien que nous ne serons jamais guere ensemble, si ce n'est en esprit; aussi est-ce l'Esprit de Dieu qui est l'autheur de la sainte amitié dont vous m'affectionnés, qui, par la distance des lieux, ne peut estre empesché qu'il ne face sa sacree operation dans nos cœurs..

  A015001734 

 Que vous veut cependant dire ce petit mot de nos nouvelles? La Reyne de France m'escrit qu'elle nous rendra toutes nos eglises et tous nos benefices de Gex occupés par les ministres; dont je prevoy que cet esté je seray grandement occupé a servir a cette besoigne, mays occupation aggreable et pretieuse.

  A015001764 

 Il a toujours été à propos que ceux qui ont servi Dieu par une sainteté de vie particulière et plus éclatante, fussent mis au nombre des Saints par l'autorité publique de l'Eglise et selon le rit consacré.

  A015001765 

 Aussi, puisqu' il n'y a plus de saint en ce monde, il faut, d'entre les justes qui ont été rachetés de la terre, évoquer le souvenir et ramener au milieu de nous la pensée de ceux dont la vie a jeté le plus d'éclat par le rayonnement de la sainteté.

  A015001767 

 Cette demande instante, la majesté du Dieu tout-puissant vous la fait, non par une prière, mais de plein droit, car elle apparaîtra plus manifestement admirable dans ce bienheureux Prince.

  A015001767 

 Cette requête vous est adressée par la famille des sérénissimes ducs de Savoie, dont la constance dans la foi et les glorieux exploits de [176] vaillance ont jadis et jusqu'à ce jour apporté à l'Eglise une grande consolation.

  A015001767 

 La Jérusalem céleste, notre mère, attend aussi cette faveur, à cause de la joie qu'elle aura de voir l'un de ses habitants honoré par nos justes hommages.

  A015001767 

 Voici la province entière de Savoie qui vous fait la même supplication, mais surtout ce diocèse de Genève qui, se sentant ennobli par la naissance d'un si grand prince, aura à juste titre, une grande confiance en son intercession.

  A015001768 

 Faites-nous donc cette grâce, Très Saint Père, et ne laissez pas plus longtemps sous le boisseau cette lampe allumée par le feu divin, mais placez-la sur le chandelier, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Sanctifiez le nom de celui qui a sanctifié le nom de Dieu avec tant de charité et l'a fait glorifier par tant de miracles; annoncez à toute l'Eglise qui est sur la terre que le Seigneur a exalté son Saint dans les Cieux, pour nous exaucer quand nous crierons vers lui.

  A015001780 

 Car il est bon; certes, ce chetif petit cœur de ma grande fille; et pourveu [179] qu'elle le traitte bien, qu'elle demeure un peu soigneusement en attention sur luy, que souvent elle le r'encourage par des petites oraysons jaculatoires, par des petites conferences de ses bons souhaitz avec nostre Mere et avec moy, par des petites bonnes cogitations faites sur ce sujet en diverses occasions, vous verres, ma chere Fille, que ce cœur deviendra un vray cœur selon le cœur de Dieu.

  A015001798 

 L'honneur que vos deux lettres m'ont donné ne peut estre dignement remercié par celle ci.

  A015001815 

 Il rimedio non par che sia di voler, col mezzo di valenti theologi, disputar la questione, perchè quanto più sarà fervente la disputa, tanto più s'accenderanno gl'animi et si farà grande la divisione.

  A015001833 

 Par des avis particuliers reçus de Paris et de Dijon et par des [183] opuscules imprimés dans ces deux villes, on voit clairement que la discussion touchant l'autorité du Très Saint Père sur les rois s'étend de plus en plus; de même en est-il de celle qui a pour objet de comparer les Conciles avec les Souverains Pontifes.

  A015001834 

 Faire discuter la question par d'habiles théologiens, ne paraît pas être le bon remède, car plus les débats seront brûlants, plus aussi les esprits s'échaufferont et la discorde ne fera qu'augmenter.

  A015001835 

 Se plaindre d'abord de ce que, tandis qu'aucun différend ne s'est élevé entre Sa Béatitude et le roi, tandis que le Pape a [185] témoigné en toute occasion un cœur vraiment paternel, très affectionné et très sympathique au bien et à l'affermissement de la prospérité de cet Etat, on voit maintenant surgir certains esprits piquants, inquiets et ennemis de la sainte union qui existe entre Sa Sainteté et Sa Majesté; ils viennent impudemment mettre en doute l'affection du Saint-Père pour cette couronne, soulèvent ces disputes oisives et inopportunes, et engendrent par ce moyen dans les esprits malades et faibles, une sorte de défiance pour l'attachement sincère de Sa Béatitude à l'égard du roi et du royaume.

  A015001836 

 Sans doute, il faut louer le zèle des prédicateurs qui se sont opposés à l'insolence des adversaires; mais puisqu'on voit que par la continuation des plaidoyers, des controverses, des altercations, le feu s'allume au lieu de s'éteindre, le silence sera bien plus avantageux que la discussion elle-même.

  A015001841 

 Ce but, on pourrait l'atteindre si l'on en traitait adroitement et prudemment avec la reine, lui montrant que, par ce moyen, l'hérésie serait considérablement affaiblie.

  A015001841 

 Il serait bon aussi de ménager, par l'entremise de Prélats dévoués et prudents, l'union et la bonne intelligence entre la Sorbonne et les Pères Jésuites, afin que, réunissant deux bœufs sous un même joug, on pût travailler dans le champ sacré d'une manière plus efficace.

  A015001843 

 « Le remède vient trop tard, lorsque, par de longues négligences, le mal a fait des progrès.

  A015001856 

 Difficile, non pas certes en elle mesme, car au contraire, elle est fort aysee a rencontrer aux espritz qui la cherchent par le chemin de la charité; mays difficile, parce qu'en cet aage qui redonde en cervelles chaudes, aiguës et contentieuses, il est malaysé de dire chose qui n'offence ceux qui, faysant les bons valetz, soit du Pape, soit des Princes, ne veulent que jamais on s'arreste hors des extremités, ne regardant pas qu'on ne sçauroit faire pis pour un pere que de luy oster l'amour de ses enfans, ni pour les enfans que de leur oster le respect qu'ilz doivent a leur pere..

  A015001857 

 Qu'est-il donq besoin de s'empresser maintenant a l'examen de son authorité sur les choses temporelles, et par ce moyen ouvrir la porte a la dissension et discorde?.

  A015001861 

 Grande, mais reciproque obligation entre le Pape et les Rois; obligation invariable, obligation qui s'estend jusques a la mort inclusivement, et obligation naturelle, divine et humaine, par laquelle le Pape et l'Eglise doivent leurs forces spirituelles aux Rois et aux royaumes, et les Rois, leurs forces temporelles au Pape et a l'Eglise.

  A015001861 

 Si que, comme par droit naturel, divin et humain, chacun peut employer ses forces et celles de ses alliés pour sa juste defense, contre l'inique et injuste aggresseur et offenseur, aussi l'Eglise ou le Pape (car c'est tout un) peut employer ses forces et celles de l'Eglise et celles des Princes chrestiens, ses enfans spirituelz, pour la juste defense et conservation des droitz de l'Eglise contre tous ceux qui les voudroyent violer et destruire.

  A015001885 

 Et par ce qu'en divers voyages qu'il a fait par deça je n'ay jamais reconneu en luy qu'un esprit franc, candide et vrayement chrestien, et que d'ailleurs plusieurs bons Religieux et gens de bien de cette ville m'ont conjuré de le secourir de ma tres humble intercession aupres de Vostre Altesse Serenissime, je la supplie en toute reverence qu'il luy playse accorder laditte delivrance, tant en consideration de l'innocence du pauvre prisonnier, que les Peres Capucins attestent n'avoir aucunement cooperé a la sortie du P. Bonaventure, seul sujet apparent de son emprisonnement, qu'en faveur de ce saint tems de Caresme, auquel le divin Aigneau d'innocence a si honteusement delivré nos ames coulpables de la perdition.

  A015001885 

 Vostre Altesse est supplies par le sieur Chapperon de luy vouloir donner la delivrance de la prison en laquelle il se treuve presentement.

  A015001903 

 Helas, ma tres chere Fille, que nous sommes heureux d'estre ainsy serrés et tenus de court par ce celeste Tuteur! Et ce que nous devons faire, n'est sans doute autre chose que ce que nous faysons, qui est d'adorer l'aymable providence de Dieu, et puis nous jetter entre ses bras et dedans son giron.

  A015001904 

 C'est le haut point de la sainte resignation de se contenter des actes nuds, secs et insensibles, exercés par la seule volonté superieure; comme ce seroit le superieur degré de l'abstinence de se contenter de ne manger jamais sinon avec desgoust, a contrecoeur, et non seulement sans goust ni saveur..

  A015001919 

 M'estant donques rendu depositaire de ces derniers souhaitz de ce bon defunct, je rens mon depost a Vostre Altesse, a laquelle il estoit addressé, la conjurant par sa propre bonté de departir ce bonheur a ce jeune gentilhomme, pour ne point rendre vain le contentement que celuy qui l'a fait son heritier prenoit en l'extremité de ses jours, en l'esperance qu'il avoit que Vostre Altesse ne l'esconduiroit point en cette tres humble supplication que je luy fay maintenant de sa part.

  A015001934 

 Nous attendons le passage du sieur de Granier, qui nous dira ce quil aura pris d'argent sur vostre faveur, et soudain, Dieu aydant, je l'envoyeray, voulant meshuy donner commencement a la satisfaction de tant de devoirs pecuniaires que je vous ay; car quant aux autres, je ne pourray ni ne voudray jamais en estre quitte, ayant un extreme playsir d'estre par obligation ce que je suis si absolument par inclination: c'est,.

  A015001949 

 Il m'a des-ja tant ennuyé par la dureté avec laquelle il traitte cette pauvre femme, que s'il ne fait autre chose, je la veux prendre avec luy le plus asprement que je pourray, et ne doute point qu'il ne soit en mon pouvoir de le ruyner, si je m'y resous..

  A015001950 

 Il m'escrit reciproquement qu'il est tout plein de consolation de voir que la terre qu'il cultive reçoit si utilement la graine sacree de la divine parole, et treuve que la promesse que je luy en avois faite est surmontee par les effectz.

  A015001966 

 Seroit-il bien possible que mon esprit oubliast jamais les chers enfans de ses entrailles? Non, mes tres cheres Filles, ma chere joye et ma couronne, vous le sçavés bien, je m'en asseure; et vos cœurs vous auront bien respondu pouf moy que si je ne vous ay pas escrit jusques a present, ce n'est sinon parce que, escrivant a nostre tres unique et bonne Mere, je sçavois bien que je ne vous escrivois pas moins qu'a elle, par cette douce et salutaire union que vos ames ont avec la sienne; et encor, parce que le saint amour que nous nous portons reciproquement, est escrit, ce me semble, en si grosses lettres dans nos cœurs, qu'on y peut bien lire presque nos pensees de Neci jusques icy..

  A015001968 

 Elles vont par tout furetant, sucçant et picorant tandis que leur esté et leur automne dure, et l'hiver arrivé, elles se treuvent sans retraitte, sans munition et sans vie; ou nos chastes abeilles, qui n'ont pour objet de leur veuë, de leur odorat, de leur goust, que la beauté, la suavité et la douceur des fleurs rangees a leur dessein, outre la noblesse de leur exercice, ont une fort aymable retraitte, une munition aggreable et une vie contente parmi l'amas de leur travail passé..

  A015001970 

 Quand l'air vous sera nubileux, entre les secheresses et aridités, travaillés au dedans de vostre cœur par la prattique de la sainte humilité et abjection; quand il sera beau, clair et serein, allés, faites vos spirituelles saillies sur les collines de Calvaire, d'Olivet, de Sion et de Thabor, et, de la montaigne deserte ou Nostre Seigneur repaist sa chere trouppe aujourd'huy, volés jusques au sommet de la montaigne eternelle du Ciel et voyés les immortelles delices qui y sont preparees pour vos cœurs..

  A015002004 

 Monsieur, je luy ay promis que j'y employerois ma priere, et je le fay avec confiance par ces deux motz, au bout desquelz j'adjouste un tres affectionné bon soir pour vous, Monsieur, et pour madame ma seur, estant et de vous et d'elle,.

  A015002025 

 Je vous donne le bonjour, et peut estre iray-je vous donner le bon soir en personne, cependant, si je puis; et mesme par ce que M me l'Ancienne est venue, laquelle, [210] on m'asseure, ira vers vous avec intention d'avoir plus de commodité de me parler; bien que je voye qu'ell'en aura peu ou que ce soit, a rayson de nostre Sinode, duquel les abors commencent demain..

  A015002037 

 Ma fille [de Vignod] doit estre bien sur ses gardes [211] pour ne donner aucun sujet aux hommes de soupçon, par aucun desreglement de contenance, ou amusement, ni sujet de jalousie a l'Espoux celeste, qui est, a la verité, jaloux des ames qu'il favorise, affin qu'on ne distraise de son amour aucune affection pour l'appliquer a la creature.

  A015002061 

 Il est appellé devant la cour pour un abus que sa partie pretend avoir esté commis par moy en l'endroit d'une provision de la chappelle.

  A015002090 

 Or je ne doute point de cela, ma tres chere Fille, ma Niece, que ce mesme Sauveur qui vous a prise par la main ne vous conduise jusques a la perfection de son saint amour; car j'espere que vous ne vous secoueres point d'une si douce et suave conduite et n'abandonneres jamais Celuy qui, par son infinie bonté, n'abandonne jamais ceux qui ne veulent pas l'abandonner.

  A015002091 

 Mais, en tout evenement, nous nous entretiendrons l'un l'autre par la sainte dilection qui me fera tous-jours estre,.

  A015002131 

 Il me semble qu'il ne faut pas estonner cette fille si ell'est tentee, ains seulement la bien examiner sur le desir d'estre de la Congregation, et si on la treuve foible, luy donner loysir d'y penser, affin qu'elle se resoulve sans præcipitation; car il m'est advis que ce soit une bonne fille, mais qui a repugnance a l'abjection, et par ce qu'ell'a l'esprit fort, elle ne peut bonnement le plier du tout pour encor..

  A015002165 

 Dans ce but, il tâcha par tous les moyens d'effacer le souvenir de leur nom, de profaner leurs reliques, de tourner en ridicule leurs intercessions, de blasphémer contre leurs mérites et les honneurs qui leur sont dus..

  A015002166 

 C'est pourquoi, par une sorte de réaction, les populations catholiques du reste de ce diocèse s'appliquent avec une ferveur spéciale à honorer et à invoquer les Saints.

  A015002167 

 Aussi, voyant avec quelle ardeur cet évènement est désiré dans tous les Etats du sérénissime duc de Savoie, et particulièrement par les Révérendissimes Archevêque de Turin et Evêque de Verceil, je viens à mon tour supplier de toutes les forces de mon âme le Saint-Siège Apostolique, afin qu'il daigne accorder cette faveur à tous les peuples environnants.

  A015002168 

 Il exalta de tout son cœur le nom divin, mais en retour, la divine Majesté a glorifié le sien, et par une telle multitude de vrais miracles, qu'on verra clairement, au moment des informations, que cette canonisation a été différée jusqu'ici par une providence de Dieu.

  A015002177 

 Ce que j'ay de plus prest, qui regarde la conduite des ecclesiastiques de ce diocæse, je le remettray, Dieu aydant, a ce porteur, non seulement par ce qu'il est mon diocæsain et quil a des-ja esté employé en semblable occasion, mays par ce aussi que vous le voules, puis que je suis de tout mon cœur,.

  A015002181 

 Presque toutes nos chaires sont occupees par les RR. Peres Capucins, qui ont huit Maysons, la plus part nouvellement fondees; et si, je vous puys dire que, excepté celle de cette ville, je n'oserois en presenter une [228] a quelque predicateur qui, pour y venir, eut besoin de faire une journee..

  A015002213 

 Celle-ci, étant aujourd'hui devenue catholique par la grâce de Dieu, conçoit des scrupules au sujet de son mariage, parce que quelques personnes lui ont dit que ce Crispiliani de Crassy avait été prêtre ou religieux profès.

  A015002231 

 Nos messieurs les examinateurs ont estimé que nous devions donner courage a M. de Marteret, puisqu'il a rendu un grand tesmoignage de vouloir dores-en-avant faire merveilles et quil est parti avec vostre licence, ainsy que vous tesmoignes par vostre lettre, me le renvoyant quant au dimissoire..

  A015002262 

 Et sur le sujet de vostre voyage par deça, je ne sçaurois vous le conseiller, pour l'apprehension que j'ay quil ne vous incommode en vostre foible santé, ni ne sçaurois vous le dissuader, pour le tres singulier contentement que j'aurois a vous tenir un peu parmi nous, en ces desertz.

  A015002268 

 Que j'escrirois volontier a monsieur d'Origni! mays je suis si pressé du depart de cette bonne dame, que je suis forcé de vous conjurer que ce soit par vostre entremise que je luy offre mon humble tres affectionné service..

  A015002281 

 Apres que le sieur Chapperon a eü receu la liberté par la bonté et equité de Vostre Altesse, il a voulu [236] aller a ses pieds pour luy en porter le tres humble remerciment quil en doit.

  A015002299 

 Je garderay pretieusement les traductions qu'il vous a pleu m'envoyer, non seulement par ce que ce genre d'escritz m'est fort aggreable, mais par ce que ce me sera un tiltre du bien que j'ay de participer a vos bonnes graces, lesquelles je vous supplie, Monseigneur, me conserver comm'a un homme qui les estime et revere autant que nul autre, et lequel, confessant quil ne les a jamais meritees, espere neanmoins quil ne meritera jamais de les perdre, puisque liberalement elles luy ont esté concedees..

  A015002319 

 Voyla du saint metail que j'envoye pour vos parroissiens, qui, esperans des benefices par l'intercession de saint Theodule qui l'a beni, devront tascher d'assister a la Messe qui se celebrera a son honneur au jour que nous avons marqué de sa feste au Manuel.

  A015002334 

 Et voyla donq, ma tres chere Fille, un bouquet spirituel ou vous voyes deux lys dans une rose, l'un qui est né dans l'autre, et qui tous deux benissent, de l'odeur de leur suavité et de la perfection de leur beauté, la [240] rose des cœurs qui, par une parfaitte mortification poignante, vivent nuds, despouillés et quittes de toute autre chose pour eux.

  A015002344 

 Je prens a tant d'honneur la recherche quil vous a pleu de faire de mes predications pour l'Advent et Caresme prochain, que si vostre rang en l'Eglise et le merite de tant de personnages signalés desquelz vostre compaignie est composee ne m'avoit des-ja obligé a vous honnorer et respecter, je ne laisserois pas de l'estre extremement par cette favorable semonce que, de vostre grace, vous m'aves faitte, a laquelle je vous supplie de croire que j'ay fidellement correspondu par un sincere'desir d'y satisfaire.

  A015002345 

 Or, voyant que jusques a present je n'ay aucune response et que si, par adventure, je la recevois negative dans quelque tems, la faveur que vous m'aves faitte de me souhaitter seroit suivie du desplaysir de n'avoir ni mes sermons, ni peut estre ceux des autres predicateurs sur lesquelz, a mon defaut, vous pourries avoir jetté les yeux, d'autant que ce pendant ilz se pourroyent engager ailleurs: cela, Messieurs, fait que je vous supplie de ne plus continuer envers moy l'honneur de vostre attente et de colloquer ce vostre choix en quelqu'autre qui ayt plus de liberté que moy pour l'accepter.

  A015002395 

 Faites moy ce bien, mon Reverend Pere, de m'escrire en quelz termes nous en demeurasmes a Chamberi, par ce que n'en ayant pas distincte memoire, selon mon imbecillité, je n'en puis pas si bien parler a ces Dames quil seroit requis..

  A015002435 

 La chose, agréée de tous les gens de bien, allait, semble-t-il, prendre commencement; mais tout à coup, elle a été dérangée par les hommes.

  A015002435 

 Oui, Serenissime Prince, cette association de jeunes filles, quoiqu'elle désirât prendre un Institut approuvé par l'Eglise et depuis longtemps établi en Bourgogne, a rencontré bien des contradicteurs parmi les enfants de ce siècle qui bien souvent, par une effroyable malice, renversent la piété au nom de la piété même; et ainsi, cette œuvre si sainte n'a pu aucunement se faire.

  A015002436 

 Aussi m'ont-elles prié, comme étant l'Evêque le plus voisin, de recommander par lettres à Votre très dévote Altesse, et leurs personnes et leur religieux désir.

  A015002436 

 Mais parce que la pudeur est la compagne inséparable de ce sexe et de la virginité, elles n'ont pas eu la hardiesse de se présenter à vos pieds sans être introduites par quelque prêtre.

  A015002437 

 Je le fais avec de très instantes prières, mais on ne doit pas croire pour cela que je veuille marcher en grandeur: si je marche avec assurance, c'est que je marche avec simplicité, bien persuadé que ma requête sera appuyée par plusieurs intercesseurs très influents auprès de Votre Altesse.

  A015002446 

 Nostre grand saint Pierre, resveillé de son sommeil par l'Ange, vous donne le bon jour, ma tres chere Mere.

  A015002447 

 Helas! qu'il fut heureux, nostre cher saint Pierre, car ce fut par mignardise d'amour que Nostre Seigneur luy demanda si souvent: Pierre, m'aymes-tu? Non point qu'il en doutast, mais pour le grand playsir qu'il prend a nous souvent ouÿr dire et redire et protester que nous l'aymons.

  A015002449 

 Les jeunes apprentifz en l'amour de Dieu se ceignent eux mesmes: ilz prennent les mortifications que bon leur semble, ilz choisissent leur penitence, resignation et devotion et font leur propre volonté parmi celle de Dieu; mais les vieux maistres au mestier se laissent lier et ceindre par autruy et se sousmettent au joug qu'on leur impose, et vont par lès chemins qu'ilz ne voudroyent pas selon leur inclination.

  A015002460 

 Ayant esté remis en la possession de toutes les eglises de Gex qui estoyent occupees par les ministres, hormis de celles que ceux de Geneve detiennent, pour le regard desquelles j'ay esté renvoyé au Conseil du Roy de France, je suis revenu a mon ordinaire residence, en laquelle je vous salue tres humblement et vous supplie me conserver lhonneur de vostre bienveuillance..

  A015002478 

 Apres avoir rendu graces a Dieu du restablissement de son Eglise es lieus et biens ci devant occupés et detenus par les ministres de la religion prætendue, au balliage de Gex, j'en remercie tres humblement Vostre Majesté, de la royale providence et pieté delaquelle ce bonheur nous est arrivé.

  A015002479 

 Dieu eternel veuill'a jamais establir la royauté du Roy vostre filz, puysque vous aves si grand soin du restablissement de celle de son Filz, Roy des roys; Dieu remplisse vostre royale personne de ses benedictions, puisque, par l'authorité quil vous a donnee, vous faites benir son saint nom en tant d'endroitz esquelz il estoit prophané..

  A015002480 

 Ce sont les continuelz souhaitz que, par un' immortelle obligation, fait et fera tous-jours, Madame,.

  A015002492 

 Je viens d'apprendre par M. le medecin Grandis le douloureux mais bienheureux trespas de madame vostre chere espouse.

  A015002551 

 C'est pourquoy je le fay, avec la reserve de vostre bon playsir, pour le tems et pour toutes autres conditions, et encor pour la chose mesme, laquelle je ne veux vouloir qu'a mesure que cela se pourra faire sans vostre incommodité, vostre contentement m'estant plus cher que tout l'honneur qui pourroit arriver a ma niece, laquelle, pour ne rien celer a ma tres chere et tres honnoree Mere, je m'essayeray de gaigner pour la Visitation; mais par ce que les humilités quil y faut exercer rebuttent quelquefois les filles, si je ne puis la tourner de ce costé la, j'imploreray encor de plus fort vostre faveur.

  A015002571 

 Ce fut qu'elle desireroit bien d'avoir la volonté d'estre Religieuse a la Visitation, mays qu'elle ne pouvoit s'y resoudre, par ce qu'elle ne pouvoit se ranger a une si grande perfection et ne luy estoit pas advis qu'elle la puisse entreprendre.

  A015002571 

 Mays par ce qu'elle me dit qu'elle vous en avoit escrit fort amplement, je ne vous diray point le reste de nos discours, desquelz la conclusion fut qu'elle me prioit de vous faire aggreer de la supporter en son imperfection.

  A015002591 

 Je desesperois du voyage de Milan, par ce que je n'estimois pas avoir les finances requises; mays voyci que tout a coup, il m'arrive un'inopinee esperance d'avoir plus de moyens quil ne m'en faut, pourveu que je ne parte pas de troys semaines.

  A015002610 

 Vous sçaures par cette si digne porteuse parmi quelle multitude de tracas je vous escris; qui me servira d'excuse si je ne vous parle pas si amplement comme je desirois..

  A015002637 

 Et si, je me promettois, par un certain exces d'amour a ce dessein, que preschant maintenant un peu plus meurement, solidement et, pour le dire tout en un mot entre nous, un peu plus apostoliquement que je ne faysois il y a dix ans, vous eussies aymé mes prædications, non seulement pour ma consideration, mais pour elles mesmes..

  A015002638 

 J'avois presque resolu de passer jusques a Thurin pour voir si je pourrois, par declarations de mes intentions bonnes et franches, esbransler son esprit.

  A015002639 

 Certes, si Son Altesse ne venoit point, l'authorité du Pape seroit toute [272] puissante, car j'employeroys son commandement sans prendre congé que par lettres; mais Son Altesse estant icy, j'aurois peyne a me desmesler des repliques qui me seroyent faites et ne croys pas que je le puisse.

  A015002659 

 Outre le desir que j'ay de me ramentevoir en vostre bienveuillance par un'occasion si asseuree comm'est celleci, je suis aussi obligé de gratifier les parens de ces jeunes gens par la tres affectionnee recommandation que je vous fay en la faveur d'iceux.

  A015002681 

 C'est par ce quil me dit hier quil vous iroit voir, que je vous donne cet advis, et par ce que je suis bien ayse de saluer un peu ce matin le cœur de ma tres chere Mere, qui est le mien propre, bien que j'espere de le saluer ce soir, Dieu aydant..

  A015002694 

 Madame de Chantal l'ayme tendrement et a esperance que par tout elle fera fort bien.

  A015002712 

 Or, la paix de Dieu, c'est la paix qui prouvient des resolutions que nous avons prises pour Dieu et par les moyens que Dieu nous ordonne.

  A015002713 

 Vous verres bien, ma tres chere Fille, que la providence de Dieu fera par tout faire place a vostre intention, puis qu'ell'est toute conforme a la sienne; il faut seulement avoir un courage un peu vigoureux et resolu.

  A015002748 

 Mays j'ay bien pourtant une si forte et sincere affection pour vostr'ame, que si vous me le permetties, je revoquerois en doute, par maniere de desfy, que vous eussies asses de bienveuillance pour y correspondre.

  A015002749 

 La distance de nos sejours limite presqu'a ce seul effect la volonté que j'ay sans limite de vous rendre fidele et humble service, et ne me reste, ce semble, aucun autre moyen de la tesmoigner, si ce n'est par le commerce des lettres que je vous envoyeray souvent, pour vous rafraichir la memoire de mon ame qui a tous-jours tant de besoin d'estre secourue de vos oraysons, et qui recevra tous-jours beaucoup de consolation de sçavoir de tems en tems des bonnes nouvelles de la vostre.

  A015002750 

 Et puis qu'il faut que bien tost apres vostre arrivee vous souffries de rechef son absence pour le voyage quil doit faire a la court, continués bien en vos exercices spirituelz, tenes vous bien serree a Nostre Seigneur, et il suppleera, sans doute, le manquement de la desirable presence du mari, par celle qui est incomparable de son Saint Esprit, lequel, habitant au milieu de vostr'ame, la comblera de sa suavité nompareille.

  A015002754 

 25 octobre 1612, a Neci, ou je salue humblement monsieur vostre mari et me dis par tout son serviteur.

  A015002757 

 Si vous le treuves a propos, je salueray bien humblement par vostre entremise madame de Tremon, que [285] vous m'aves obligé d'honnorer beaucoup par le recit que vous m'aves fait de ses merites.

  A015002769 

 Je ne dis pas le total abandonnement, mais je dis la moderation; car par cette moderation, nous sçavons treuver les heures franches pour l'orayson, pour un peu de lecture devote, pour eslever a diverses rencontres nostre cœur a Dieu, pour reprendre de tems en tems le maintien interieur et la posture cordiale de la paix, de la douceur, de l'humilité.

  A015002787 

 Son Altesse Serenissime luy a donné un appointement par aumosne, tant en consideration de sa viellesse que de sa famille, laquelle nous avons icy en grande disette; [289] mays, a ce qu'il me fait sçavoir, il demeurera privé de l'effect de ce benefice, si Vostre Excellence n'anime le commandement de Son Altesse par le sien.

  A015002820 

 A quoy ne [294] serviroit pas peu si monsieur Milletot, qui a si dignement prattiqué sa commission, avoit quelque charge particuliere d'ordonner et connoistre de tout ce qui en dependroit, par maniere de surintendance aux officiers de la justice; car iceux estans de contraire religion a la nostre, ce nous seroit un grand bien d'avoir qui eust un soin particulier de nous, comme auroit ledit sieur Milletot, qui certes a tesmoigné une grande prudence et bonn'affection en cette occurrence..

  A015002833 

 Juges je vous supplie, Monsieur, si cela est en la puissance ni des curés ni de moy; car, ou ces benefices estans enclavés au royaume sont par la en cette condition, et lhors, qu'est il besoin d'obtenir le [296] brevet mentionné? ou ilz ne le sont pas, et lhors, quelle temerité a des pauvres ecclesiastiques decousuz, de demander au Pape une chose de telle consequence? car vous sçaves, Monsieur, que les grans estiment leurs droitz cherement, et que ce n'est pas a des chetifs curés d'impetrer telles choses.

  A015002833 

 L'impossibilité est que ces bons prestres obtiennent de Romme un brevet par lequel nostre Saint Pere accordera que les benefices de ces curés venans a vaquer en cour de Romme, il n'en sera prouveu qu'a la nomination du Roy, ou par les Ordinaires.

  A015002834 

 La difficulté est en ce qu'on les veut astraindre que sil failloit playder pour les tiltres et possessions desditz benefices, ilz poursuivront les proces par devant les officiers du Roy et non ailleurs.

  A015002834 

 Mays icy en Savoye, ou on suit le stile des cours des Parlemens de France, nous connoissons du petitoire, et par consequent des tiltres; et a Vienne, je sçai qu'on en playde aussi.

  A015002835 

 Or, je vous represente l'un et l'autre, affin quil vous playse, Monsieur, si vous le juges raysonnable et que je ne me soys pas trompé en mon discours, d'oster l'un et l'autre, en sorte que les lettres puissent estr'utiles a ceux pour lesquelz vostre faveur les a obtenues; car il ne manquera pas d'entrepreneurs qui, par le manquement de l'execution de telles charges, attaqueront ces pauvres curés pour avoir leurs benefices, viande si friande en ce tems, que les plus incapables en veulent plus avoir..

  A015002836 

 Dieu, qui de sa grace a esté jusques a present avec moy en ce chemin ecclesiastique [297] par lequel je chemine, m'a donné du pain a manger et de l'eau a boire et des vestemens pour m'affeubler: c'est bien assés pour m'obliger a le tenir pour mon Dieu, a luy dresser des autelz a Gex, en France et par tout ou il luy playra employer ma misere pour la gloire de sa misericorde.

  A015002961 

 Ayes aggreable sur cela, je vous prie, Monsieur, que je vous en donne souvenance, et vous die que Dieu vous recompensera de tout ce que vous feres pour cette sienne pauvre creature, bien que ce soit par rayson d'equité et de vray devoir.

  A015002977 

 Vous ne recevés pas vos remedes par vostre eslection ni par sensualité; c'est donq par obeissance et par rayson: y a-il rien de si aggreable au Sauveur?.

  A015002978 

 Et saint André et tant de Saintz ont souffert la nudité par maniere de croix.

  A015002989 

 Ainsy puisse-il advenir, qu'ostés a nous mesme, nous soyons convertis en luy mesme par la souveraine perfection de son saint amour.

  A015003001 

 Et vous sçavés, ma tres chere Fille, que je vous ay tous-jours dit que vous m'escrivissies plus amplement par l'entremise de madame la Presidente, qui aura bien le soin de m'envoyer vos lettres, comme aussi de vous faire tenir les miennes..

  A015003015 

 Faut-il pas louer Dieu de tant de graces que nous avons receuës, et le supplier de respandre le sang de sa Circoncision sur l'entree de l'annee prochaine, affin que l'Ange exterminateur n'ayt point d'acces en icelle sur nous? Ainsy soit il, ma chere Mere, et que, par ces annees passageres, nous puissions heureusement arriver a l'annee permanente de la tres sainte eternité..

  A015003059 

 Corrigés-vous tous-jours de quelque chose; mais ne faites pas ce bon office par force, ains taschés d'y prendre playsir, comme font les amateurs des exercices champestres a esmonder les arbres de leurs vergers..

  A015003072 

 Mais apres qu'on s'y est mis, on s'y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement, ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit le regardant, ou regardant quelqu'autre chose pour l'amour de luy; ou ne regardant rien, mais luy parlant; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais simplement demeurant ou il nous a mis, comme une statue dans sa niche.

  A015003075 

 Mon Dieu, ma Fille, que je suis ayse de parler un peu de ces choses avec vous! Que nous sommes heureux, quand nous voulons aymer Nostre Seigneur! Aymons le bien donq, ma Fille; ne nous mettons point a considerer trop par le menu ce que nous faysons pour son amour, pourveu que nous sachions que nous ne voulons jamais rien faire que pour son amour.

  A015003075 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veuë, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sur le lit, comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenus en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A015003127 

 Lhonneur qu'il vous a pleu de me faire en m'escrivant, m'estonne egalement par sa grandeur et me ravit par sa douceur.

  A015003153 

 En verité, j'appreuve bien la confession que vous faites, que c'est pour vos pechés que cest enfant s'en est allé, par ce qu'elle procede d'humilité; mais je ne croy pas pourtant qu'elle soit fondee en verité.

  A015003154 

 En contrechange, il prie Dieu pour vous et respand mille souhaitz sur vostre vie, affin qu'elle soit de plus en plus conforme a la volonté celeste, et que par icelle vous puissies gaigner celle dont il jouit.

  A015003173 

 [334] Il voudra aussi peut estre voir nostre fille Bellod, par ce quil est beaufrere de M. l'esleu Bellod..

  A015003174 

 Mays faut il pas que je vous die le desplaysir que j'eu hier de la nouvelle de la mort de nostre monsieur le baron de Lux, tué, comme l'on dit, d'un coup de pistolet [335] par le chevalier de Guyse.

  A015003189 

 Nous attendrons les nouvelles apportees par le sieur de Farnex, et cependant espererons qu'elles sont bonnes, puisquil n'est pas empressé de les delivrer..

  A015003195 

 Je vous prie, par la premiere commodité, de m'advertir [339] quand nous pourrons loger un curé a Sacconex, c'est a dire quand nous aurons les moyens..

  A015003226 

 Or, il m'a prié d'attester envers vous et, par vostre entremise, envers Monseigneur l'Archevesque et le Conseil de la Sainte Mayson qu'il merite ayde et secours; ce que je fay en saine conscience, pour l'avoir ainsy reconneu jusques a present.

  A015003267 

 Que si nostre accoustumance et nos sens, amusés a voir et estimer ce monde et la vie d'iceluy, nous font un peu trop ressentir ce qui nous y contrarie, corrigeons souvent ce defaut par la clairté de la foy, qui nous doit faire juger tres heureux ceux qui, en peu de jours, ont achevé leur voyage.

  A015003278 

 Or, la conclusion neanmoins fut quil se sousmettroit a ce qui en seroit advisé par telz arbitres et amis que l'on jugeroit convenable de choysir pour vuider les pretentions d'eux et de vous a l'amiable, qui est en somme le bon mot; outre que vrayement il ne tesmoigna nullement de treuver mauvaise vostre recherche.

  A015003296 

 M me de la Flechere viendra ce soir ou ce matin, et ira descendre droit chez vous, venant toute seule, sans fille de chambre, selon que vous verres par sa lettre..

  A015003322 

 Vous m'obligés trop de rendre tant de tesmoignages de vostre affection envers moy qui ay si peu de force pour correspondre a mon gré, par quelque bon effect de gratitude, a lhonneur que vous me faites, quoy qu'en verité j'en aye un desir extreme.

  A015003343 

 Mais dites moy, je vous prie, ma chere Fille, eussies [352] vous bien peu croire qu'une affection plantee de la main de Dieu, arrousee par tant d'obligations que je vous ay et a vostre Mayson, fut sujette a diminution ou esbranslement? Non certes, ma tres chere Seur, ma Fille, il n'est pas possible qu'une amitié vraye et solide puisse jamais cesser..

  A015003345 

 Dieu, par sa bonté, vous tienne tous les jours de sa tres sainte main; c'est une priere quotidienne que je luy fay..

  A015003347 

 Je salue encor M. de Sauzea, [353] si par fortune il est la.

  A015003380 

 Sur les plaintes qui me furent faites de monsieur l'Abbé de la Tour, a rayson des bastonnades qu'il avoyt donnees au sieur Berthelot, la grandeur du respect que je doys a Vostre Altesse me suggera de ne point entreprendre de justice sur la personne dudit sieur Abbé, puys qu'il estoit ambassadeur ordinaire de Vostre Altesse et n'estoit icy que par maniere de passage, et de jour a jour en attente de retourner a l'exercice de son ambassade.

  A015003395 

 Conduisés-vous en la Communion au gré de vostre confesseur, car il luy faut donner cette satisfaction, et vous ne perdrés rien pour cela; car ce que vous n'aurés pas par la reception du Sacrement, vous le rencontreres en la sousmission et obeissance..

  A015003398 

 Vous deves avoir un grand soin de ranger vostre esprit a la paix et tranquillité, et estouffer ces mauvaises inclinations que vous aves, par une attention a la prattique des vertus contraires, en vous resolvant d'estre plus diligente, attentive et active a la prattique des vertus.

  A015003410 

 Obliges moy donq, je vous supplie, de le conjurer, par toute la bienveuillance quil me porte, de ne point se mettre au hazard, ni en la despence, ni en la peyne et travail de ce chemin, puisque il n'y regarde que ma seule consolation, laquelle, je confesse, seroit grandement languissante si je la recevois avec tant d'incommodité d'une personne que je cheris et respecte tant..

  A015003410 

 Par vostre lettre et par ce que j'ay peu apprendre de monsieur de Sainte Catherine, je voy que c'est une grande incommodité a monsieur l'Abbé de faire nostre pelerinage, lequel pourtant il n'entreprend que purement pour me favoriser.

  A015003417 

 Je reçois des nouvelles pour lesquelles peut estre je seray obligé de partir un peu plus tost; ainsy faut il changer selon le tems, mais sur tout selon ce que Dieu permet par sa providence..

  A015003431 

 Et peu s'en est fally que l'un de mes freres, chevalier de Malte, n'a esté ordonné a la prison (bien que tout le tems de la querelle il fut avec moy a Sales), seulement par ce quil est grand ami du sieur Abbé de Talloyres et qu'il l'avoit fort visité apres les bastonnades.

  A015003431 

 Vous verrés, je m'asseure, par la lettre que monsieur de Charmoysi vous escrit, comme des le despart de [361] madame de Charmoysi il a receu le desplaysir de se voir comme banni de cette ville, par un expres commandement que Son Altesse luy a fait de s'en retirer et ne plus y revenir, sur l'impression la plus fause du monde que Monseigneur de Nemours a receu de la part de quelques calomniateurs, que les bastonnades donnees au sieur Berthelot avoyent esté conseillees par monsieur de Charmoysi; dont mondit Seigneur de Nemours a entrepris le ressentiment si chaudement, que nous en sommes tous estonnés.

  A015003432 

 Ce que je vous dis, Monsieur, par ce que vous pourres mieux dire a cette bonne dame comm'elle se devra comporter que je ne sçaurois le luy escrire, bien que je luy en touche un mot..

  A015003455 

 Je prie donq Nostre Seigneur qu'il soit vostre consolation et qu'il vous face bien entendre que par plusieurs travaux et tribulations il vous faut entrer au Royaume des cieux, et que les croix et afflictions sont plus aymables que les contentemens et delectations, puisque Nostre Seigneur les a choisies pour soy et pour tous ses vrays serviteurs.

  A015003558 

 Il faut attendre, ma tres chere Mere, l'evenement de cette maladie le plus doucement qu'on pourra, avec parfaitte resolution de se conformer a la volonté divine [375] en cette perte, si perte se doit nommer l'absence de quelque tems, qui, Dieu aydant, sera reparee par une presence eternelle.

  A015003559 

 Quel cœur de pere! Et vostre sainte compatriote, la mere de saint Symphorien, par le traict de laquelle je finis mon livre!.

  A015003561 

 Il faut devenir tres humblement saintz, et respandre par tout la bonne et suave odeur de nostre charité.

  A015003571 

 Il est vray que, par une speciale grace du Saint Esprit, je suis retournee dans le giron de la sainte Eglise Catholique, duquel, par ignorance et inconsideration, je m'estois separee.

  A015003571 

 Mays je n'ay point esté attiree a cette si salutaire resipiscence par aucunes fables, traditions ou inventions humaynes, ains par la connoissance de la verité, prise en la pure, simple et claire Parole de Dieu, a laquelle je veux a jamais inviolablement adhaerer..

  A015003572 

 J'ay treuvé que l'on n'establissoit son salut qu'en la Mort et Passion de Jesuschrist, et que l'on ny estimoit aucunes œuvres bonnes et meritoires qu'en la vertu et valeur qu'elles ont par le merite du sang de Jesuschrist.

  A015003573 

 C'est pourquoy, ayant treuvé une si grande sainteté de religion ou l'on m'avoit tant asseuré ny avoir que superstition, un si grand zele pour lhonneur de Jesuschrist ou l'on præsupposoit estre le seul regne de l'antichrist, une si droite pureté d'intention ou l'on m'avoit tant dit ni avoir que faintise, une si grande clarté de doctrine ou l'on m'avoit fait entendre ni avoir qu'illusion, j'ay esté grandement confuse en moymesme d'avoir si longuement accusé, par une vayne persuasion, une si chaste et innocente Susanne, et, comme la charité m'obligeoit, je me suis res-jouye d'avoir tant treuvé de bien ou j'avois pensé ne treuver que du mal.

  A015003573 

 Dont, comm'une pauvre petite brebiette esgaree qui retrouve en fin le trouppeau que par mesgarde ell'avoit laissé, je m'y suis librement, [379] volontairement et par franche election, remise et reunie, n'ayant pas voulu refuser au Saint Esprit l'exercice de sa grace en mon cœur, ni a la verité divine, l'hommage que mon entendement luy devoit; affin que les propheties, qui prædisent en tant d'endroitz le retour des ames a l'Eglise, fussent heureusement accomplies en moy et par moy, et qu'ayant esté une des estoiles errantes, desquelles parle saint Jude, en un ciel apparent et contrefait, je fusse meshuy un'estoile du vray firmament, qui est l'Eglise Catholique, en laquelle on ne connoist le grand dragon roux que pour le combattre et fouler aux pieds, ains escraser et exterminer par la force de la Parole de Dieu, pure, simple et entiere; Parole qui est la vraye espee et le vray bouclier des croyans, et a laquelle nul homme n'a touché pour en oster un seul mot, y adjouster un seul point, ou y broüiller le vray sens, que soudain il n'ayt esté repris, puis condamné par la mesme Esglise..

  A015003574 

 Mais ce bon Dieu qui ne nous manque jamais es choses necessaires a nostre salut, m'a donné la lumiere requise pour le voir et l'embrasser, par ce que sans cela je me fusse perdue, et ne m'a pas donné le moyen de bien declairer ce que j'ay conneu et connois par cette lumiere, par ce que ce n'est pas a moy d'instruire ni enseigner.

  A015003574 

 Voyla ce que je vous puis dire de l'estat de mon ame qui sent une grande consolation en la misericorde de Dieu, si doucement exercee envers moy; et vous prie de croire qu'en cet heureux changement je n'ay jetté mes yeux que sur Jesuschrist crucifié et sur l'eternité glorieuse quil m'a acquise par son sang, au prix delaquelle j'estime toutes choses un vray rien.

  A015003585 

 Je ne respons encor pas aux articles quil vous a pleu me faire envoyer, par ce que je n'ay encor sceu retirer le double de la fondation de la Mayson de Thonon, qui estoit la principale piece que vous me commandiés de vous faire tenir.

  A015003586 

 Mais despuis, le Pere Cherubin m'a remis des Bulles [382] de nostre Saint Pere pour les executer, par lesquelles il m'est commandé de ranger la Sainte Mayson de Thonon a l'observation de certains articles signés par Monsieur le Nonce de Turin et de Son Altesse, lesquelz entr'autres choses, mettent ladite Mayson sous la protection de la Milice des saintz Maurice et Lazare..

  A015003632 

 Nous avons reçu la vostre par les mains du sieur present porteur, et pour response à icelle nous vous assurerons que nous monstrerons tousjours par effects l'affection et volonté que nous avons au service de Dieu pour son honneur et gloire, et mesmement au faict du restablissement de la sainte Messe audit lieu de Dyvonne.

  A015003633 

 N'entendant pas que la dite pension de trois cents florins et augmentation de quarante livres par cy apres, soient payez par nous lorsque le revenu de la cure sera reuny, comme il estoit anciennement..

  A015003633 

 Nous assurons que plusieurs curés n'en ont pas tant, et que la religion ne nous sauroit contraindre d'en donner davantage, d'autant que nous surpassons la portion congrue; et sommes mary ne pouvoir donner telle pension que celle de Cessy, selon qu'il est porté par la vostre, d'autant qu'il nous est impossible, [386] parce que le revenu n'est pas semblable, pour ce que ledit prieuré de Dyvonne est chargé de la troisiesme partie du revenu de pension annuelle au resignataire, par authorité du Saint-Siege, outre les pensions annuelles qu'il nous faut payer trois cent vingt livres, pour l'argent emprunté pour le remboursement du prix auquel on a esté condamné par arrest à Paris.

  A015003633 

 Quant à l'entretien du sieur Curé, outre ce que le ministre possedoit en domaine dependant de la cure et trois cents florins de pension qui estoyent par nos fermiers payez audit ministre, nous avons bien voulu nous charger et incommoder de luy augmenter l'entretien de quarante francs sur nostre revenu; qui fera une notable somme pour un homme d'eglise.

  A015003653 

 Il est vray, Monseigneur, je ne suis qu'un pecheur et le dernier de nostre Compaignie; mais Dieu me donnoit des mouvemens si vifs d'asseurer madame de Chantal que le Ciel luy vouloit donner l'eau de la Samaritaine par le canal de vos levres, que si les Anges fussent venus troupes a troupes pour m'en dissuader, je ne crois pas qu'ilz l'eussent peu faire, parce que l'impression estoit du Roy des Anges..

  A015003653 

 Vostre humilité, ma condition et mon humeur me defendent la flatterie et commandent la congratulation pour les biens que ma Mere, qui, de ses eaux salutaires, m'a engendré en vie eternelle, reçoit par vous.

  A015003654 

 Il est blanc, ce cœur, par la pureté de ses intentions; il est poli, par les diverses afflictions qui, en guise de coups de marteau, ont osté toutes les superfluités et l'ont jointe au point du lieu sacré ou elle devoit estre posee, et vostre ingenieuse main a gravé sur ce marbre poli, pour un monument eternel de gloire a Dieu, ces quatre belles paroles qui sont les devises de vostre cœur: VIVE JESUS! VIVE MARIE! Tout a Dieu, tout pour sa gloire!.

  A015003670 

 Cependant, je vous diray (Monseigneur) comme par la grace et support de mon Dieu je persevere en l'exercise ou il vous a pleu m'acheminer, qui apporte un grand repos à mon ame et contentement à mon esprit parmi les traverses et facheries qui faut supporter en ce monde.

  A015003687 

 Dieu me rende digne de voir nos terres ensemencees de cette bonne semence, et je prie Dieu de luy donner l'arrousoir d'en haut, par les benedictions, et l'arrousoir d'en bas, par les bons accueils que cette Congregation merite recevoir par tout, quand ce ne seroit qu'a la consideration de son Fondateur et de la Fondatrice, que j'honore sans difficulté, selon le conseil de l'Apostre, comme l'autel sacré de Dieu..

  A015003701 

 J'ey par plusieurs foys prié lesdictz sieurs mes nepveuz de prendre une journee pour y resouldre en vostre presence, lesquelz ne si veullent entendre, ains desmeurent saysis de tout, a mon grand prejudice, veu les grandz charges et debtes qui sont deubz sus noz biens..

  A015003701 

 Je vous prierey m'excuser si je vous importune de ces deux moctz pour vous prier representer, si vous voz (sic) treuvé en commodité, a messieurs de Chivron mes nepveuz, aux fins que, avec vostre assistance et du sieur de Villette nostre cousin, puissions faire noz partaiges sans aulcunes formallités de justice, ains par voye d'amytié, comme le debvoir nous oblige.

  A015003716 

 Vostre Introduction, certes, a esté si bien receüe par deça, que l'impression s'en est multipliée a l'esgal, sans doubte, du fruict qui en a reussi.

  A015003717 

 Nous ne sommes pas icy, par la grace de Dieu, oisifz, mais nous n'advançons pas tant que nous voudrions bien.

  A015003737 

 Il y a quelque temps que nous avez asseuré, monsieur de Gerlande et moy, par vostre reponce à celles que luy et moy vous avions escriptes, que me donneriez tout contentement pour le faict de mes biens de Crozet, pays de Gex, dans les limites de vostre evesché, desquels vous avez prins la possession sans qu'il vous appartienne; car de tout temps, ça esté un membre despandant de ma commanderie, fors des la prinse dudit pays par les seigneurs de Berne, qu'il a esté occuppé par ceux de la religion, ainsi que je [394] vous ay fait entendre par mes lettres et comme le sieur Girod, mon fermier, l'a fait voir sur lieux aux curez de Gex et Farges, qu'aviez a ces fins deputez, tant par mes derniers terriers, que ceux qui sont faiz des cent et quattre vingts ans en ça, desquels il leur a baillé les coppies pour les vous fere tenir des le moys d'octobre dernier; par ou il appert clairement, avec d'autres enseignements, que la chappelle de Crozet ne fust jamais cure ny parroisse, moings que lesdits biens en feussent depandants.

  A015003737 

 Tellement que, par le silence que m en a du despuis fait ledit Girod (auquel j'avois donné charge d'en suivre les poursuittes), a cause d'une maladie qui des lors l'a retenu au lit jusques a present, je croyois que luy en aviez relasché la possession..

  A015003738 

 C'est pourquoy je vous ay encor fait ceste, par laquelle je vous prie [395] mettre le tout en consideration; apres quoy je m'asseure qu'aurez pour agreable a me relascher amiablement lesditz biens, ensemble les fruicts tant de la presente que derniere annee.

  A015003738 

 Lhonneur et le respect que je vous porte me fait souhaiter de n'en venir par la voye que chacung recherche pour conserver le sien, que je seray contraint de suivre si, de vostre propre motif, vous ne vous rendez a la raison..

  A015003774 

 Vous pourrez fere donner la lettre par M. du Fresne, ou par quelqu'un quy en retirera responce.

  A015003794 

 Et de plus, comme Monseigneur le Reverendissime, a certaine assemblee quil feit faire, feit appeller messieurs les Scindics ausquelz fut remonstré la grande affluence de peuple qui accourera icy au Jubilé qui ce (sic) celebrera vendredy prochain, dont par ce moyen les logis seront remplis, tellement quil sera besoin de rechercher quelques licts pour les plus notables, dans ceste ville, vers les plus riches d'icelle, et ce quy il fault pourvoir.

  A015003795 

 Pour l'affluence des personnes qui arriveront en ceste ville pendant le prochain Jubilé, que en cas de necessité, l'on recherchera quelques licts vers les plus aisés, pour loger ceux que seront representés par mondict Seigneur le Reverendissime; estant donné acte de la remonstrance faicte par messieurs les Scindics, de la volonté de monseigneur le Marquis de Lans continuant le faict de la garde.

  A015003798 

 Cy commence la solemnité du grand Jubilé concedé par Sa Saincteté, de sept en sept ans, a la tres devote Chappelle de la tres sacree et tres heureuse Vierge Marie, fondé (sic) en l'eglise collegiale de ladicte Vierge d'Annessy, ou reside (sic) les Reverends Seigneurs doyen, secretain (sacristain), chantre, chanoines et Chapitre d'icelle..

  A015003801 

 Comme il plaict a Dieu de donner a chascun la commodité de son sauvement, il luy a pleu d'inspirer le tres sainct Siege Apostolique, plus de 200 ans, d'honnorer la Chappelle fondé (sic) en ceste cité d'Annessy, estant en l'eglise dressee soubz son nom, ou resident les Reverends Seigneurs doyen, secretain, chantre, chanoines, prebstres d'honneur de ladicte eglise, de plusieurs privileges et indulgences; et entre aultre d'ung Jubilé de sept en sept ans, lequel a esté continuellement, par le clergé, habitans de la dite cité, circonvoisins et estrangers, tres devotement celebré, ainsy que les livres et registres des archives de l'Hostel de ville ont delaissé par escript et enseigné..

  A015003804 

 Et ladicte compagnie finie par trois sargens, de quatre [qu'ils étaient,] d'aultant que le quatriesme estoit employé, par commandement du sieur scindic Marvin, sargent manent, a mettre en reng la compagnie..

  A015003804 

 Quatre rangs d'allebardiers, bien armés de cuirasses la pluspart; cinq arquebusiers tenant place de caporaulx; deux rengs de muscataires, et suivoient le tambour sonnant a l'accoustumee, j rangs d'aultres muscataires; et les arquebusiers, de rang a rang et a cinq par rang, suyvoient aussy deux tambours.

  A015003805 

 Et en tel ordre sont sortis par la porte du grand verger dudict College, proche de la grande porte du Pasquier Messieres.

  A015003806 

 Ledict sieur Falcaz seroit entré dans ladicte eglise, et arrivé au marchepied du grand autel, ou il trouva Illustre et Reverendissime Seigneur FRANÇOIS DE SALES, Esvesque et Prince de Geneve, revestu d'une estolle et la miltre en teste, auroit presente ledict drappeau (est ans messieurs les Scindics, accompagnés de plusieurs Conseillers et de secretaires, dans leurs sieges): lequel drappeau auroit benist, usant de plusieurs sainctes et belles ceremonies; puis, mise (sic) a son baston, mondict Seigneur l'auroit eslevé un peu hault par la poignee, et despuis remis audict sieur Falcaz qui, retournant a sa trouppe qui faisoit aussi alte, a continué son chemin par devant Saincte Croix, ou soit la porte Genotton; et se rendant devant l'Hostel de ville, auroit arborisé aux fenestres ledict drappeau, ou il a demeuré jusques au lundy apres, dixieme de ce moys.

  A015003807 

 Cependant, le pennon de la Procure estoit prest pour entrer en garde avec l'enseigne desployee, ce quil fet; et puis se feit la predication a Sainct François, par le Pere François, Capucin.

  A015003807 

 Estant a noter que pendant que la trouppe passoit par devant la Porte Genotton, le penon d'icelle s'estoit mis en tout debvoir, s'estant assemblé avec l'enseigne deployee, portee par lé fils ayné de M r Jean Gabriel Compte; qui neanmoins a esté aulcunement altein en sa charge par M e Jean Greyfié, procureur au Conseil de Genevoys, et par M e Claude et François Greyfié ses freres, qui se sont mis en debvoir de luy arracher ladicte enseigne: s'estant tous les pennons esmeus tellement, que les ungs ont levé les armes contre les aultres, estant le tout reucy, par la grace de Dieu, que nul n'a esté offencé..

  A015003810 

 Et estant entonné l'hymne Veni Creator Spiritus, la procession a commencé, au rang que dessus, a marcher, mise neanmoins en reng par le M e des Ceremonies de M rs de Sainct Pierre, qui portoit un beau baston d'argent et marchoit en teste de la croix de Sainct Pierre.

  A015003810 

 Puis suivoit un enfant de cœur portant un cros (gros) benistier d'argent, deux aultres portans chascun un chandellier d'argent, la grand croix de Sainct Pierre [portée] par un prestre revestu d'une tunique de damas roge; et apres les serviteurs et musiciens habillés de leurs surplis, nos Seigneurs les chanoines, chascun par ordre; enfin les deux chantres que dessus, puis celluy de la croce, et [403] Monseigneur avec ses assistans, a costé le porte miltre.

  A015003812 

 Et ladicte procession arrivee sur le Pont de Nostre Dame (tout ledict Pont, et fort bien loing, bordé de soldats, comme aussy celuy de la Hasle, du pennon de la Procure, l'enseigne desployee, et au devant l'Hostel de ville le drappeau neuf et tantost benist porté par ledict sieur Falcaz), s'est trouvé a costé du bout du Pont, pres la petite maison de M e Jean Baptiste Garbillon, la croix de la venerable eglise de Nostre Dame, avec les Reverends sieurs François de Lornay, doyen, revestu d'une chappe de drap d'or frizé; le porte croix revestu d'une tunique drap d'or parsemé quelque peu de soye viollette, et precedoit le maistre bedeau avec son baston d'argent de ladicte eglise; puis deux enfans de cœur (chœur) revestus de tuniques de diverses couleurs, ainsy'que les aultres enfans d'icelle eglise, portans deux chandelliers d'argent.

  A015003828 

 Dont lesdictes 4 colonnes estoient posees deux de chasque costé, soustenues par un lyon du costé de la chappelle, et d'ung chien de l'autre; et entre les deux colonnes estoit une colonne de papier, deuement eslaboree de beaux feullaiges.

  A015003828 

 Par laquelle porte la procession n'entra point, ains par celle cy apres..

  A015003831 

 Au dessoubz du couvert de ladicte porte, pres les degrez de l'Hostel de ville, par ou la procession fait son entree, estoit une Annonciade tres riche, et au dessoubz, aultre distique parlant a ceulx qui desiroient d'entrer:.

  A015003837 

 Et apres que mondict Seigneur a heu en main le tres sainct Corps de Jesus Christ, les deux chantres de Nostre Dame ont commencé Pange lingua, qui a esté chanté en musique par le cœur (chœur) de ladicte eglise, et celluy de Messieurs de Sainct Pierre chante le second verset dudict hymne; et ainsy successivement les ung (sic) apres les aultres, jusque a la fin d'icelle.

  A015003837 

 Et arrivé mondict Seigneur aupres des degrés du jubé, ou estoit paré l'oratoire pour reposer Jesus Christ, a esté conduict par ledict sieur Doyen, avec les deux assistans, audict oratoire richement paré, ou il a reposé le Sainct Sacrement; et cependant, les deux cœurs des deux eglises chantoient en musique divers mottetz a la louange de nostre Dieu..

  A015003837 

 Puis la procession a continué a marcher, sçavoir: les Peres Capucins et tout le reste du clergé, sauf Messieurs de Nostre Dame et de Sainct Pierre, contre l'hostel (autel) de Nostre Dame, au devant la trille de fer duquel s'estant reposés, Monseigneur le Reverendissime seroit allé prendre le tres sainct et tres auguste Sacrement, qui a esté remis par ledict sieur Doyen, qui continuellement, despuis l'arrivee a ladicte eglise, luy a assisté avec les aultres assistans que dessus.

  A015003850 

 Et a l'aultre estoit l'effigie du grand Prebstre Aaron, revestu de ses habitz sacerdotaux, portant le turibule ou encensoir es mains; serree au dernier (par derrière), de pareille tapisserie que l'aultre.

  A015003895 

 Et comme toutes les croix sont sorties de l'eglise, Messieurs de Nostre Dame sont pareillement sortis par le premier portai, avec leur croix et au mesme ordre que cy devant, et ont attendu aupres du Pont ladite procession qui passoit, saluans tout le clergé a mesure quil passoit, notamment Monseigneur le Reverendissime.

  A015003895 

 Et le tres sainct Sacrement mis au susdict oratoire, mondict Seigneur le Reverendissime est descendu, puis la procession avec tout le clergé a commencé a partir par la porte de la grand allee; et messieurs les Scindics sont demeurés dans Nostre Dame, sans avoir suivy et accompagné ladite procession.

  A015003900 

 Et aux cinq heures ont esté commencees les Matines par monsieur le doyen François de Lornay, avec le reste de l'Office de tout ce jour la, estant tousjours l'eglise remplie de peuple qui tachoit de se confesser; dont, pour le peu de confesseurs, plusieurs s'en sont allés confesser et communier a leurs parroisses, d'aultant que mondict Seigneur le Reverendissime, par ordonnance quil feit attacher aux portes des eglises, n'en commit la charge des confesseurs sinon a quatre sieurs chanoines de Sainct Pierre et a trois sieurs chanoines de Nostre Dame qui ne pouvoient souffire; estans lesdits quatre de Sainct Pierre: Reverends seigneurs Estienne de la Combe, Claude Grandis, Philibert Rogex et Janus des Oches; et les aultres, Jean Loys Jacques, Thomas Peyssard et Roux des Oches..

  A015003900 

 Puis arrivee la minuyct, l'on a commencé de sonner les cloches grosses et petites, par ce que a la dite heure commençoit le Jubilé, et aux quatre heures semblablement.

  A015003901 

 Estant si plain l'autel de la Communion, et la devotion des penitens [si grande,] qu'apres avoir esté repeus de ce tant sacré Sacrement, ils s'en alloient par les autelz baiser les linges par humilité.

  A015003902 

 Puis environ une heure, l'on a celebré Vespres, et apres, la predication par le Pere Capucin cy devant; et enfin, joyé (joué) une partie de l'histoire de la vie de Joseph, vers Sainct Mauris, sur ung theatre basti aux despens de la ville, et qui a duré deux heures et demye.

  A015003903 

 Et a esté continué la mesme devotion le jour de Nostre Dame, auquel ledict sieur Doyen a faict l'Office, saufz a la grand Messe, qui a esté celebré (sic) par Monseigneur le Reverendissime au grand autel, et a l'apres disné il a faict un tres rare sermon.

  A015003904 

 Ce qui a esté obmis, c'est que le cartier de Bœuf est entré en garde, [411] son enseigne desployee, portee par messire Humbert Falquet, conduict par noble Jean Jacques Demoliet, capitaine, et honnorable Petremand Jacquet, sergent, estans environ 250; dont arrivans devant l'Hostel de ville, a la salve qui a esté faict, a esté percer (sic) le drappeau d'ung coup de basle, et le cartier de la Perriere s'est retiré..

  A015003905 

 Et mondict Seigneur prescha a la coustumee, sçavoir apres Vespres; puis, environ les six heures du soir, la procession assemblee a Sainct Pierre et partant dudict lieu, seroit venue droict par dessoubz [la] rue, puis entree a Nostre Dame, chantans.

  A015003905 

 Et tous les cœurs des eglises assemblés en pareil ordre que celle cy devant, Monseigneur a prins le tres sainct Sacrement, puis marchand au mesme reng qu'a l'ouverture du Jubilé, la procession est partie par la grand allee de Nostre Dame, qui est allé (sic) vers le pré Chapuis, au coing Gouard; et puis revinrent a l'eglise, ou Monseigneur a remis le Sainct Sacrement au siboire de l'autel de Nostre Dame, et l'Ave Maria sonnee, la procession s'est retiree..


16-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVI-Vol.6-Lettres.html
  A016000014 

 Dépouillé par les Genevois de son pouvoir et de ses biens temporels, l'Evêque de Genève s'excuse de ne pouvoir prêter son concours à l'Empereur. 17.

  A016000106 

 Le texte des Litanies de saint Joseph, revu, corrigé et accentué par le Fondateur de la Visitation. 98.

  A016000124 

 Double interprétation du titre de «filz» désiré par le destinataire.

  A016000132 

 — Propriétés de l'eau vive que l'on puise en Notre-Seigneur par la sainte oraison; erreur et malheur des familles religieuses qui ne s'appliquent pas à cet exercice.

  A016000157 

 Le Saint retenu chez lui par le grand nombre des visiteurs; il se promet toutefois d'aller voir le lendemain la Mère de Chantal. 145.

  A016000167 

 — Un anniversaire très pieusement célébré par le Saint. 154.

  A016000191 

 — Le Cardinal est prié de s'intéresser à la prospérité du collège d'Annecy, gêné par l'insuffisance des revenus. 170.

  A016000204 

 — Précautions épistolaires suggérées par la charité.

  A016000206 

 Affectueux bonsoir à la destinataire dont la visite est très désirée par le Saint.

  A016000226 

 Minutes écrites par Saint François de Sales pour d'autres personnes.

  A016000232 

 I. Lettres adressées a Saint François de Sales par quelques correspondants.

  A016000268 

 Je vous escriray dans deux ou troys jours par M. de Vallon, et a tous mes amis, sinon que je fusse si heureux de pouvoir estre despeché pour aller moy mesme; mays ce tems de guerre ne me fait pas faveur pour cela.

  A016000290 

 Que je voudrais obéir à la lettre aux commandements de Votre Majesté Impériale, en assistant à la diète qu'elle publie maintenant, [3] et en consacrant mon industrie, selon mes moyens et mon travail, à ses très honorables entreprises! Que je voudrais aussi rendre en présence mes hommages à la très auguste personne du très invincible Empereur! Mais, du fait de la rébellion des hérétiques genevois, cette chaire épiscopale se voit absolument dépouillée, par une très grande perfidie, de tout moyen d'assistance humaine: de là, pour moi, l'impossibilité de faire le bien que je veux..

  A016000306 

 C'est luy qui sçait ce qu'il luy plaist que nous soyons, en la tres parfaite union qu'il a faite en luy mesme et par luy mesme.

  A016000321 

 Et sil m'eut adverti, je luy eusse rendu ce livret mille fois plus vendable, par la correction et amendement que j'y eusse fait.

  A016000378 

 Je voudrois bien que monsieur de Beaumont en fut, par ce quil rangeroit plus puissamment l'esprit de la partie.

  A016000389 

 Mays puisque cette action de grace ne vous est pas arrivee, je la refay maintenant de tout mon cœur, vous asseurant que c'est avec un grand surcroist de l'estime que j'avois de vostre bienveüillance, par la description plus particuliere que Madame de Baume m'a fait des qualités et conditions de vostre esprit, que j'ay treuvé extremement aymable, priant Dieu qu'il luy playse les affermir et accroistre de plus en plus.

  A016000412 

 La grande fille va par un chemin fort asseuré, pourveu que son aspreté ne la descourage.

  A016000426 

 Mais vous, ma tres chere Fille, vives tous-jours toute a Dieu, qui vous y a tant obligee par les graces et instructions quil vous a departies; et je suis, d'un cœur parfait,.

  A016000439 

 Puysqu'il vous pleut m'accorder la liberté de monsieur de Charmoysi, mon parent, je l'attens infalliblement de vostre bonté, laquelle j'ay des-ja supplié tres humblement par quattre diverses lettres, d'en avoir la memoire qu'ell'a accoustumé de tenir en faveur de ses tres obeissans serviteurs, entre lesquelz je suis des plus certains.

  A016000440 

 Je supplie donques tres humblement Vostre Grandeur, Monseigneur, de m'exaucer pour l'un et pour l'autre, et de recevoir la multitude des plaintes que, par artifice, pourront estre faites contre tous ses sujetz de cette ville, sans praejudice des defences et legitimes allegations des accusés.

  A016000468 

 Hé, je le supplie, par sa bonté, qu'il soit nostre protection..

  A016000500 

 Ces gentilshommes bourguignons pour lesquelz je fis encor pareille demande a Vostre Grandeur, attendent aussi les effectz de la bonne volonté qu'elle me tesmoigna pour leur regard, et meritent d'autant plus de les recevoir, qu'ilz ne les desirent que pour la jalousie qu'ilz ont de pouvoir sans contradiction porter par tout le nom de tres humbles serviteurs de Vostre Grandeur, puisque [30] soudain qu'ilz auront sa faveur, ilz se retireront en leurs pais, sinon que quelque digne service de Son Altesse ou de Vostre Grandeur les retint; auquel cas, ilz tesmoigneroyent bien le tort qu'on a eu de les accuser de manquement de respect et d'honneur envers elle, a laquelle ilz font speciale profession de tres humble affection, et sont de telle qualité et condition qu'ilz sont dignes d'estre estimés..

  A016000501 

 Et quant aux artifices par lesquelz, aforce deseplaindre, on voudroit faire treuver mauvaise l'intercession que j'ay faite pour tant de gens, je ne les crains nullement; car je sçai que Vostre Grandeur ne se laissera point surprendre par telles ruses, et moyennant cela, je suis trop asseuré de luy faire tous-jours paroistre la sincerité et equité de mes remonstrances et supplications.

  A016000520 

 Mes freres sont tous vos serviteurs et se rendront tous-jours pour vous suivre par tout; mais voyla Bernardet qui me dit qu'il n'est plus tems pour ce coup, puysque Son Excellence part soudain apres disné, estant arrivee des ce soir passé..

  A016000571 

 Je receu il y a trois jours une lettre de la petite cousine, qui a rencontré autant de bonheur dela, que son mari de rigueur par deça.

  A016000597 

 Je ne pouvois pas, ce me semble, vous offrir chose plus aggreable, Madame, ni qui tesmoignast mieux a Vostre Grandeur qu'en mon voyage j'ay eu memoire de recommander a la divine Majesté vos vœux et souhaitz par l'intercession de ce grand Serviteur de sa gloire..

  A016000611 

 Ell'est a la Thuille, ou nostre Jaques la va treuver, sinon que par fortune elle vint aujourdhui icy, ou ell'a envie de venir voir la ville avec madame de la Thuille et sa seur, sous praetexte neanmoins de voir la Visitation.

  A016000613 

 Vous sçaures toutes autres nouvelles par monsieur l'Abbé et par la lettre de Jaques, lequel est esperdument amoureux, et qui le voudroit ouïr, il seroit occupé jour et nuit au discours de sa passion.

  A016000668 

 Je ne prie point sans vous, je ne celebre point sans vous; et si, je ne le dis pas par vantance, car je m'y sens infiniment obligé..

  A016000681 

 Dieu, tout bon, tout juste et tout doux, exige par ses loix cette grace, cette justice, cette douceur de Vostre Grandeur, de laquelle il a voulu que je fusse,.

  A016000694 

 Comme je vous donnay connoissance de ce petit voyage de Gex, aussi veux-je donner advis a Vostre [47] Excellence de mon retour, et qu'hier, environ les trois heures que j'en partis, je laissay le baillif de Nion et quelques autres Bernois qui vindrent prier monsieur le Grand de France de faire revenir ses trouppes, attendu qu'ilz estoyent asseurés que vous, Monsieur, ne desarmies point et que les trouppes piemontoises et espagnoles passoyent les mons. A quoy monsieur le Grand respondit quil les remercioit de l'advertissement, mays qu'avant que rien remuer, il attendroit M. d'Amanzé, quil avoit envoyé par deça aupres de Vostre Excellence, pour apprendre ce qui est du desarmement.

  A016000701 

 Monsieur, et quant au sujet de mon voyage, nos ecclesiastiques et catholiques sont demeurés consolés par l'accommodement que nous avons fait de toutes les difficultés suscitees par nos adversaires, graces a Dieu..

  A016000711 

 Haussons nostre cœur, ma tres chere Mere, voyons [49] celuy de Dieu, tout bon, tout amiable pour nous; adorons et benissons toutes ses volontés: qu'elles tranchent, qu'elles taillent sur nous par tout ou il luy plaira, car nous sommes siens eternellement.

  A016000711 

 Vous verres bien que, parmi tant de destours, nous ferons prou et que Nostre Seigneur nous conduira par les desertz a sa sainte terre de promission, et que de tems en tems il nous donnera dequoy priser les desertz plus que les fertiles campaignes, dans lesquelles les blés croissent en leurs saisons, mais la manne pourtant n'y tombe pas..

  A016000712 

 O Dieu, ma Fille, mettons nous ainsy devant nostre Soleil crucifié, et puis disons luy: O beau Soleil des cœurs, vous vivifiés tout par les rayons de vostre bonté; nous voyci mi mortz devant vous, d'ou nous ne bougerons point que vostre chaleur ne nous avive, Seigneur Jesus..

  A016000713 

 Appuyés vostre esprit sur la pierre qui estoit representee par celle que Jacob avoit sous sa teste quand il vit sa belle eschelle, car c'est celle la mesme sur laquelle saint Jean l'Evangeliste se reposa au jour de l'exces de la charité de son Maistre Jesus.

  A016000777 

 J'escriray un memoyre court, mais qui vous sera, comme je pense, utile; bien qu'hier je dis a monsieur Ouvrier mon advis clairement, par le moyen duquel il aura changé d'opinion, mesme quil emporta un des livres qui faysoyent a ce propos.

  A016000791 

 Mays on pourra indirectement differer, sur ce que sa dote et les autres choses requises ne sont pas encor prestes, et on pourra les retarder par divers moyens; et pendant ce retardement, on taschera de donner ayde a son esprit pour le mieux disposer.

  A016000800 

 Il y a un mois, ma tres chere Seur, que je fus saysi d'une fievre, laquelle m'a presque tous-jours occupé [62] jusques a present, et tandis, j'ay receu trois de vos lettres par diverses voyes.

  A016000800 

 Sur tout, il y en a une qui m'a esté d'extreme consolation, y voyant les marques de la parfaite confiance que vous aves en moy, par la communication des accidens et troubles de vostre chere ame.

  A016000802 

 Mais avec cela, ma tres chere Seur, il ne faut nullement que vous vous descouragies, ains qu'avec une paisible vaillance vous prenies le loysir et le soin de guerir vostre chere ame du mal qu'elle pourroit avoir receu par ces [63] attaques, vous humiliant profondement devant Nostre Seigneur et ne vous estonnant nullement de vostre misere.

  A016000804 

 En somme, ne vous faschés point, ou au moins ne vous troublés point dequoy vous aves esté troublee, ne vous esbranlés point dequoy vous aves esté esbranlee, ne vous inquietés point dequoy vous aves esté inquietee par ces passions fascheuses; mais reprenés vostre cœur et le remettés doucement entre les mains de Nostre Seigneur, le suppliant qu'il le guerisse.

  A016000804 

 Et de vostre costé, faites aussi tout ce que vous pourres, par renouvellement de resolutions, par la lecture des livres propres a cette guerison et autres moyens convenables; et ainsy faysant, vous gaigneres beaucoup en vostre perte et demeureres plus saine par vostre maladie..

  A016000805 

 Reparés ce defaut par les frequens eslancemens de vostre cœur en Dieu, lisés souvent et peu a la fois quelque livre bien spirituel, faites des bonnes pensees en vous promenant, priés peu et souvent, offrés vos langueurs et lassitudes a Nostre Seigneur crucifié; et quand vous seres delivree, reprenés tout bellement vostre train et assujettissés-vous a suivre les matieres de quelque livre propre a cela, affin que [64] venant l'heure de l'orayson, vous ne demeuries pas esperduë comme celuy qui a l'heure du disner n'a rien de prest.

  A016000843 

 Je regrette que vous et monsieur de N. soyes a Paris pour un si fascheux exercice; mais puisqu'il n'y a remede, il faut en adoucir la peyne par la patience.

  A016000844 

 Il y a la, nombre suffisant de fort bons pasteurs et de bons Peres Capucins qui, n'estans point ouÿs des hommes, sont veus de Dieu, lequel sans doute aggree bien leur sainte inutilité presente, laquelle il recompensera par apres d'une moisson plantureuse, et s'ilz sement en pleurs, recueilleront en joÿe..

  A016000844 

 Nous avons bien un petit quartier ou, despuis peu, on a restabli l'exercice de l'Eglise par l'authorité du Roy et selon l'edit de Nantes; mais cet exercice me met plus en exercice de disputer contre les ministres pour les biens temporelz de l'Eglise qu'ilz nous retenoyent, que de leur persuader, ni au peuple, la verité des biens spirituelz auxquelz ilz devroyent aspirer; car c'est merveille comme ces serpens bouchent leurs oreilles pour n'ouÿr point la voix du charmeur, pour sagement et saintement qu'on les veuille charmer.

  A016000857 

 A quoy m'assurant vous appourteres tout' aide et faveur, je me remetz pour le reste a ce qui vous sera representé par le sieur Surveillant, auquel j'ay envoyé l'ordre que je desire estre tenu..

  A016000910 

 Mays, ma tres chere Fille, comme vous sçaves, cela [76] ne doit pas estre ainsy, car encor que l'innocence de ces cœurs de pere et de fille n'ayent pas besoin en leur candeur de tant de retenue, si est ce qu'il faut souffrir celle que l'aigreur des autres cœurs requiert, et que le pauvre pere, tout pauvre pere qu'il est, demeure sans estre visité par ses filles, voire par sa tres chere Mere, sinon qu'il ayt quelque mal qui puisse, par sa grandeur, meriter ce grand bien.

  A016000913 

 Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de la Mère de Bréchard par la Mère de Changy, conservée à la Visitation d'Annecy.

  A016000923 

 Nostre nature est ainsy faite, que nous mourons a l'heure impourveuë et ne sçaurions eschapper cette condition: c'est pourquoy il faut y prendre patience, et employer nostre rayson pour adoucir le mal que nous ne pouvons eviter; puis, regarder Dieu et son eternité, en laquelle toutes nos pertes seront reparees et nostre societé, desunie par la mort, sera restauree..

  A016000936 

 C'est la verité que je suis consolé de sçavoir comme cette pauvre nouvelle vefve se comporte vertueusement; car voyes vous, par ce que je fus l'officier en leur mariage, il m'est advis que sa viduité m'est plus a cœur et que je suis plus obligé de la servir et luy souhaiter du bien.

  A016000938 

 M me de Chantal est a present un peu occupee, par ce qu'aujourdhuy nous avons receu les oblations de deux Seurs: ma Seur Legros et ma Seur Rousset, de Saint Claude, et les parens font leurs petites affaires sur ce sujet.

  A016000953 

 En sorte que ce qui se boit apres la Communion par le peuple, ce n'est pas le sang du Sauveur, mais seulement du vin qui se prend pour laver la bouche et faire plus entierement avaler le precieux cors et sang des-ja receu en la tressainte Communion.

  A016000953 

 Que si par ci devant il a esté autrement fait, ç'a esté par abus et par la nonchalance et paresse des officiers de l'Eglise, et contre l'intention de l'Eglise mesme..

  A016000954 

 Et quant au Mariage, il n'est pas raysonnable de le celebrer ailleurs que devant l'autel, puisque c'est un Sacrement si grand, et que ceux qui le reçoivent ne sont pas hors de l'Eglise, comme les petitz enfans qu'on apporte au Baptesme, ains sont des-ja baptizés et, par consequent, introduitz en l'Eglise et a l'autel..

  A016000991 

 Maintenant il se presente un'occasion de luy faire avoir l'eglise et le prieuré du Sepulcre, par la resignation [85] de celuy qui en est prouveu.

  A016000991 

 Mays, Monseigneur, avant toutes choses, le bon playsir de Vostre Altesse est requis, lequel ledit Chapitre la supplie tres humblement de luy ouctroyer, comm'un'aumosne a des pauvres bannis et dejettés de leur siege par les ennemis de Dieu et de Vostre Altesse Serenissime; laquelle, certes, pour cela ne les rendra pas riches, puisque ledit prieuré n'est que de cent ducatons de revenu, mais elle les accommodera beaucoup, ce benefice estant en cette ville et [86] fort a la bienseance de cette compaignie qui ne cessera jamais, non plus que moy, de souspirer et aspirer devant la divine Majesté jusques a ce que, sous les auspices de Vostre Altesse, elle retourne en son ancien sejour..

  A016001006 

 Et je l'accompagne par cet escrit, comme tesmoin oculaire de la perpetuelle et invariable fidelité, et de feu son pere et de luy, envers la couronne de Vostre Altesse, parmi tant de divers accidens qui ont tiré leurs biens hors de sa sujettion..

  A016001007 

 Dieu, par son infinie bonté, soit a jamais a la dextre de Vostre Altesse pour la conduire en toute sainte prosperité: c'est le souhait ordinaire,.

  A016001020 

 J'estois a Belley quand M. de Blonnay passa en cette ville, et a mon retour je treuvay la lettre quil vous [88] pleut m'escrire le 18 du moys passé, par laquelle vous me renvoyes au recit quil me fera pour certaines particularités, en l'ignorance desquelles je demeureray jusques a son retour de Chablaix, mais avec bonne patience, puisque ce que je dois desirer le plus de sçavoir m'est si amplement tesmoigné par vostre escrit: c'est que vous vives en santé, et moy en vostre bienveuillance, laquelle mesme s'estend a faire des pensees si honnorables pour mes freres, comme est celle que vous me signifies, quoy que couvertement, et que ledit sieur de Blonnay a plus ouvertement fait entendre a mon frere de Thorens, quil gratifia de sa visite en son passage..

  A016001021 

 Et bien que l'insuffisance et la petite mediocrité des moyens de mes freres leur empesche la reception du bien et de lhonneur que vous leur desires, si est ce que la proposition seule né leur peut estre que fort desirable, car elle donnera, pour le moins, quelque commencement de bonn'impression d'eux au Prince; et eux, donques, et moy vous sommes extremement obligés, Monsieur, par cette nouvelle obligation qui nous rend tous-jours plus vos serviteurs..

  A016001026 

 Et en attendant des vostres par madame ma cousine, comme vous me faites esperer, je prie Dieu quil vous accompaigne tous deux et comble de benedictions, et suis,.

  A016001057 

 Cependant, ces freres vous porteront ces quatre motz, par lesquelz je vous salue avec tout l'amour et lhonneur qu'un frere le plus aymant peut rendre a une seur la plus aymee, et vous envoye un chapelet de ceux qui ont touché les reliques de saint Charles, n'ayant rien apporté de plus praecieux de ce pais-lâ.

  A016001071 

 J'espere bien pourtant de vous escrire encor avant vostre passage pour Chablaix, et si vous revenes par ou mes freres ont discouru ce matin, je pense que nous vous reverrons ou peu ou prou.

  A016001073 

 Vous me demandiés l'autre jour des nouvelles de la chere cousine, mais je n'en ay nulle, sinon par une lettre de Monsieur l'Evesque de Montpellier, du 22 octobre, qui me dit simplement qu'elle estoit encor en Normandie; mais maintenant qu'elle a receu des lettres de [94] monsieur son mary qui la rappellent de deça, je croy qu'elle est a son despart, ou par chemin..

  A016001083 

 Je n'ay pas eü le bien de voir monsieur de Rogemont, mais je ne laisse pas de sçavoir que vous aves esté affligee [95] a rayson de certain pasquin qui a couru par dela.

  A016001084 

 Le mal de la calomnie ne se guerit jamais si bien que par la dissimulation, en mesprisant le mespris et tesmoignant par nostre fermeté que nous sommes hors de prise, principalement en matiere de pasquins; car la calomnie qui n'a ni pere ni mere qui la veuill'advouer, monstre qu'ell'est illegitime..

  A016001085 

 Jettes vous au ( sic ) pieds du Crucifix, et voyes combien d'injures il reçoit; supplies-le, par la douceur avec laquelle il les a receües, quil vous donne la force de supporter ces petitz brins qui, comm'a sa servente juree, vous sont tumbés en partage.

  A016001086 

 Au reste, la reveüe annuelle de nos ames se fait, ainsy que vous l'entendes, pour les defautz des confessions ordinaires qu'on supplee par celle ci, pour se provoquer et exercer a une plus profonde humilité, mays sur tout pour renouveller non les bons propos, mais les bonnes resolutions que nous devons appliquer pour remedes aux inclinations, habitudes et autres sources de nos offences auxquelles nous nous treuverons plus sujetz.

  A016001086 

 Or il est vray quil seroit plus a propos de faire cette reveüe devant celuy qui auroit des-ja receue la confession generale, affin que par la consideration et rapport de la vie precedente a la suivante, on peut mieux prendre les resolutions requises; et en toutes façons cela seroit plus desirable.

  A016001087 

 Or, ceci soit dit par exemple.

  A016001087 

 Par exemple: vous ne deves pas enquerir combien de fois vous seres tumbee en cholere, car peut estre y auroit il trop a faire; mais simplement vous dires si vous estes sujette a ce desreglement, si lhors quil vous arrive vous y demeurés engagee longuement, si c'est avec beaucoup d'amertume et de violence, et en fin quelles sont les occasions qui vous y provoquent le plus souvent: si c'est le jeu, la hautaineté ou orgueil, si c'est la melancolie ou opiniastreté.

  A016001088 

 Quant a la troysieme difficulté, quelques cheutes es pechés mortelz, pourveu que ce ne soit pas par dessein d'y croupir, ni avec un endormissement au mal, n'empeschent pas que l'on n'ayt fait progres en la devotion, laquelle, bien que l'on perde pechant mortellement, on recouvre neanmoins au premier veritable repentir que l'on a de son peché, mesme, comme je dis, quand on n'a pas longuement trempé au malheur.

  A016001096 

 Mays je viens d'apprendre de plus, que si vous n'acquiesces a cette volonté tant pressante de Monsieur, Son Altesse vous mandera et fera aller recevoir ses commandemens en Piemont, ou si je sçavois que vous peussies effacer les faux entendre sur lesquelz cette persecution vous est faitte, je serois bien ayse que vous allasies; mais je crains, qu'outre la despense, vous ne recevies des nouveaux desplaysirs, car homme d'honneur m'a dit, il ny a pas 24 heures, qu'il sçavoit fort bien qu'en cas que vous vous opposies davantage, on vous fera une nouvelle attaque sur le nom de Gex, lequel ilz presupposent avoir esté pris par vous, quoy que ce soit un nom de prince et d'une terre qui estoit dependante de la couronne de Savoÿe..

  A016001096 

 On vous va signifier la recharge que Monseigneur de [98] Nemours fait pour le razement de vos armoyries et, comme je pense, on vous exhibera la lettre mesme quil en escrit, par laquelle vous verres ce que Sa Grandeur se promet de l'authorité de Son Altesse.

  A016001097 

 Mays il faudroit faire cela sans monstrer ni contre cœur ni desplaysir, car faysant cela, vous feries deux choses: l'une, que Monsieur connoistroit tant plus tost le tort qu'il permet vous estre fait par la trop grande creance quil a en vos hayneux; l'autre, que ceux qui vous pensent fascher n'en auroyent pas le goust qu'ilz s'en promettent, quand ilz verroyent que vous vous mocques et mesprises leurs attaques et les effets de leurs efforts.

  A016001098 

 Voyla mon advis, et vous asseure que si l'on faysoit le mesme tort qui vous est fait, a mes freres, je m'en rirois et voudrois [avoir] tant de courage que de mespriser le mespris et me moquer d'une si maigre vengeance; car en fin, tous les gens d'honneur voyent bien qu'on vous recherche par pure passion, et que le tems ne porte pas qu'on puisse treuver du remede a ce mal, et qu'en somme, il faut ceder aux volontés des puissances superieures, et qu'en somme, il ni va ni peu ni prou de vostre honneur.

  A016001126 

 J'escris au cousin, et par ce que je ne sçai ou il est, je vous envoye ma lettre.

  A016001127 

 Ceux qui sont a Dieu treuvent par tout ce qui leur est cher..

  A016001151 

 Cette Congrégation a été dressée sur le modèle d'autres semblables établies à Milan par le grand serviteur de Dieu, saint Charles; elle a acheté une maison et désire maintenant bâtir un oratoire sous le vocable de la sainte Visitation de la Bienheureuse Vierge, dans lequel il y aura aussi une chapelle que l'on dédiera au bienheureux Amédée, quand il sera canonisé.

  A016001152 

 Dans ce but, il serait nécessaire: Premièrement, que Votre Altesse déclarât par lettres patentes ou par lettres privées, qu'elle reçoit et prend sous sa protection cette Congrégation, et chacune des Sœurs ou Dames qui la composent maintenant et qui la composeront à l'avenir..

  A016001153 

 Deuxièmement, que Votre Altesse fit savoir par lettres cette sienne intention à M. le marquis de Lans et au Sénat de Savoie, afin qu'à l'occasion, ils prennent les intérêts de ladite Congrégation..

  A016001154 

 Elle ne prétend pas non plus avoir jamais de revenu, si ce n'est pour l'entretien des bâtiments, de la sacristie, de l'aumônier et pour payer le médecin, soit avec des rentes annuelles, soit par d'autres moyens qui ne chargent personne et qui n'apportent aucun empêchement aux impôts ou tailles du Sérénissime Duc.

  A016001154 

 Et si, comme on l'espère, cette Congrégation se trouve dans quelques années pourvue d'un revenu suffisant pour les dépenses ordinaires, les veuves déchargées de leurs enfants et les vierges qui voudront servir Dieu notre Seigneur dans la chasteté, l'obéissance et la piété, pourront le faire très facilement, puisqu'elles y seront admises moyennant une simple pension assignée par leurs familles, leur vie durant..

  A016001154 

 Troisièmement, il serait encore utile que Son Altesse Sérénissime Monseigneur le Duc de Savoie, notre souverain, écrivît également des lettres dans le même sens, pour signifier que cette Congrégation ayant été, par son ordre, placée sous la protection de Votre Altesse, il entend qu'elle soit favorisée et conservée dans ses Etats.

  A016001156 

 Votre Altesse aura par ce moyen toujours droit à la meilleure part de toutes les bonnes œuvres qui se pratiqueront dans la Congrégation et l'oratoire, mais particulièrement aux prières de ces Dames qui, jour et nuit, invoqueront l'Esprit-Saint pour l'éternelle consolation de Votre Altesse..

  A016001166 

 Pour moy, apres mon premier sentiment pour la douleur d'une seur si praetieuse et aymable, je me roydis, et dis que jamais la calomnie qui a honte de marquer son pere, ne fut ni forte pour durer, ni active pour entrer dedans l'esprit des gens qui en ont tant soit peu, et n'arrivera jamais que nostre seur, tant environnee de vertu et de reputation, puisse estre blessee par la mesdisance..

  A016001191 

 Je ne sçai comme il vous peut entrer au cœur que je puisse avoir aucune desfiance de vostre amitié pour tout le secours que vous feres a monsieur le Prieur et a sa trouppe reformee; car je leur souhaite toute sorte de sainte prosperité, et n'ay nulle sorte d'interest en l'evenement de vostre entreprise, sinon celui-la mesme que vous me marqués en vostre lettre estre le vostre: la plus grande gloire de Dieu et le plus grand service de son Eglise; et que Dieu soit servi ou par des Religieux vestus de noir ou vestus de blanc, cela est indifferent.

  A016001194 

 J'ay des-ja esté recusé par l'une des parties, qui se plaint de moy; il n'est pas a propos de me jetter les plaintes de l'autre sur les bras..

  A016001196 

 Je sçay qu'un autre moins discret et charitable que vous pourroit beaucoup dire de choses de moy entre les poursuittes, comme il a esté fait a Chamberi; dont je loue Dieu que ce soit vous plustost qu'un autre, bien que, pour parler franchement entre nous, je me sente fort asseuré de n'estre point blasmé de quicomque, sans passion, voudra conferer les tems et les occasions de ce qui s'est passé par mes mains, et de ce qui s'est passé par celles de ceux qui se deulent.

  A016001196 

 Nostre amitié n'est pas fondee sur la reformation ni des unes ni des autres: c'est pourquoy je vous supplie de me bien conserver la vostre au travers de toute cette negociation, comme, de mon costé, je suis invariable en celle que par tant de respectz je vous dois.

  A016001197 

 Je finis donq par ou j'ay commencé, vous remerciant de rechef de la peyne que vous prenes pour ces bonnes ames, [116] qui prient et prieront Dieu pour vous, et vous demeureront extremement obligees avec moy qui, de tout mon cœur, suis sans fin,.

  A016001207 

 C'est ainsy, ma Fille, qu'il faut tout de bon mettre la main dans les replis de nos cœurs, pour en arracher les ordes productions que nostre amour propre y fait par l'entremise de nos humeurs, inclinations et aversions..

  A016001207 

 Si fay, si fay de par Dieu, ma tres chere grande Fille, je sçay bien quel cœur vous aves en mon endroit; mais [117] ne voules vous pas que je prenne le tems et la saison pour y planter les plantes des vertus plus excellentes, desquelles le fruit est eternel? Or sus, je n'ay nul loysir, mais je vous dis en verité, que vostre lettre a embaumé mon ame d'un si delicieux parfum, que de long tems je n'avois rien leu qui m'eust donné une si parfaite consolation.

  A016001288 

 Tout cela mis ensemble, me fait vous prier et exhorter [127] de vouloir apporter tout le soin et l'ordre que vous pourres pour reduire ces jeunes gens sur le train de leur devoir, et de me donner advis de leur estat, affin que je puisse rendre tesmoignage de vostre diligence comme de la mienne, et contenter ma conscience, laquelle me pressera par apres a prendre d'autres expediens, si vostre prudence, vigilance et justice ne suffit a la recipiscence de ces discoles, desquelz j'admire d'autant plus la dissolution, que leur naissance les devroit porter a la poursuitte des vertus et de la pieté conforme a leur vocation.

  A016001296 

 Je travaille a vostre Livre neufviesme de l' Amour de Dieu, et aujourd'huy, priant devant mon Crucifix, [128] Dieu m'a fait voir vostre ame et vostre estat par la comparayson d'un excellent musicien, né sujet d'un prince qui l'aymoit parfaitement, et qui luy avoit tesmoigné se plaire passionnement a la douce melodie de son luth et de sa voix.

  A016001299 

 par la Mère de Chaugy, conservé à la Visitation d'Annecy..

  A016001306 

 Mais ce sont des infinités de petites niaiseries, que le monde par force m'apporte tous les jours, qui me font de la peyne et de la fascherie et rendent mes heures inutiles.

  A016001307 

 L'amour propre peut estre mortifié en nous, mais il ne meurt point pourtant jamais; ains, de tems en tems et a diverses occasions, il produit des rejettons en nous, qui tesmoignent qu'encor qu'il soit couppé par le pied, si n'est il pas desraciné.

  A016001308 

 Ce mesme amour propre fait que nous voudrions bien faire telle et telle chose par nostre eslection, mais nous ne la voudrions pas faire par l'eslection d'autruy, ni par obeissance; nous la voudrions faire comme venant de nous, mais non pas comme venant d'autruy.

  A016001309 

 Quant a se plaire plus a faire des choses aspres qu'a les voir faire aux autres, ce peut estre ou par charité, ou [130] par ce que, secrettement, l'amour propre craint que les autres ne nous esgalent ou surmontent.

  A016001309 

 Quelquefois nous nous mettons plus en peyne de voir mal traitter les autres que nous, par bonté de naturel; quelquefois c'est par ce que nous croyons d'estre plus vaillans qu'eux et que nous supporterions mieux le mal qu'eux mesmes, selon la bonne opinion que nous avons de nous.

  A016001310 

 C'est le seul remede qu'il y a, de desadvouer les sentimens, invoquant l'obeissance et protestant de la vouloir aymer non obstant toute repugnance, plus que non pas la propre eslection, louant Dieu par force du bien que l'on void en autruy et le suppliant de le continuer; et ainsy des autres..

  A016001324 

 Je viens tout maintenant de recevoir les deux lettres que vous avies confiees a M me de Trevernay, et une autre par laquelle elle me specifie la qualité de vostre desplaysir, que je vois estre grandement fascheux pour la multitude des accidens qui semblent attachés aux sujetz dont il vous est arrivé..

  A016001385 

 Il les faut faire escrire [140] aujourdhuy, et outre cela, escrire a madame la Comtesse de Tournon, et luy faire un article par lequel vous luy dires qu'elle face prier Monseigneur de Nemours, au nom de Madame la Serenissimo infante Duchesse de Mantoüe, d'escrire a messieurs du Conseil de cette ville qu'en toutes occurrences, ilz ayent vostre Congregation en speciale recommandation.

  A016001393 

 Cependant, quel contentement a ma pauvre ame de vous saluer encor un peu par cett'occasion! vous, dis-je, ma tres chere Mere, que mon ame cherit comm'elle mesme.

  A016001413 

 L'esperance que ce peuple de Neci et de Genevoys a conceüe de voir ce college, qui est maintenant presque en friche, remis a la Congregation des Peres Barnabites, n'a ni rayson ni fondement que sur la bonté [145] paternelle de Vostre Altesse Serenissime, laquelle en a eu aggreable le projet, non seulement par ce quil estoit propre pour le proffit publiq temporel de ses tres humbles sujetz, mais aussi pour l'utilité quil rapporteroit au salut des ames.

  A016001431 

 Par le premier, Dieu aydant, je vous escriray pour la Visitation des eglises des Apostres et vous envoyeray l'Estat de cette Eglise.

  A016001432 

 Puisque vous me parles du P. Monet, je vous prie [149] de le saluer de ma part et, par son entremise, le P. Richeome; et vous suppliant de ne point perdre courage en l'affaire de M me de Gouffier, je demeure de tout mon cœur, Monsieur,.

  A016001451 

 Il faut bien faire entendre comme non seulement avant que de faire la profession, elle protesta de la force et [153] violence que sa mere luy faysoit, et que par cette crainte seulement, et non de volonté, elle faysoit ladite profession, qu'elle desiroit estre declaree nulle en tems et lieu; dont il y a acte par deux notaires.

  A016001453 

 Que l'Abbesse du Paraclet est une grande dame qui tient grand train, et le monastere en lieu champestre, qui ne reconnoist aucun superieur; de sorte que si la suppliante alloit la, elle seroit forcee, et par sa mere naturelle et par l'Abbesse, d'y demeurer, et empescheroit on la verification de ses allegations, laquelle se fera mieux, plus solidement et plus facilement par l'Ordinaire du lieu ou ell'est.

  A016001459 

 Cette pauvre miserable Bellot a une ame qui ne veut point estre corrigee par censures, car elles ne luy ont pas manqué au commencement de ses vanités, cause de sa ruine; et la bonne Mere de Chantal n'a rien espargné de ce qu'elle pouvoit penser estre propre pour l'en retirer, prevoyant bien que cette humeur vaine la porteroit plus loin que pour lhors elle ne s'imaginoit..

  A016001506 

 Mais dès que nous eûmes appris la promotion de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, par un vénérable chanoine de [159] votre église qui était venu ici pour une Ordination, et qu'il nous eût dit, avec force détails, les très riches qualités de votre éminente personne, notre tristesse alors se changea en joie et nos airs de deuil en des chants d'allégresse.

  A016001506 

 Nous rendimes à Dieu de grandes actions de grâces de ce qu'il n'avait pas laissé sa lampe s'éteindre en Jérusalem, et de ce qu'il avait remplacé le père par le fils, pour l'établir sur cette cité de Sedunum, que nous appelons Sion..

  A016001507 

 Aussi, par nos amis (entre lesquels le noble seigneur de Quartery tient un des premiers rangs depuis longtemps), j'ai adressé mes félicitations à Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, et vous, Monseigneur, à votre tour, vous m'avez envoyé vos très cordiales salutations par l'illustre et Révérendissime Abbé de Saint-Maurice.

  A016001529 

 Mais en apprenant la promotion de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime par un révérend chanoine de votre Eglise, qui nous a dit aussi de quels dons le Dieu tout-puissant a comblé abondamment votre Révérendissime personne, notre tristesse s'est changée en joie ou, afin de parler comme la Sainte Ecriture, en cythare, rendant à Dieu de grandes actions de grâces de ce qu'il n'avait pas éteint sa lampe en Jérusalem, mais de ce qu'il avait fait naître à la place des pères un fils, pour l'établir chef sur tout ce pays; en même temps, nous avons songé à vous adresser tous nos vœux de bonheur et de salut..

  A016001530 

 C'est alors que, par des amis (au nombre desquels M. de Quartery tient depuis longtemps la première place), nous avons fait parvenir nos félicitations à Votre Révérendissime Seigneurie, mais déjà le très [163] illustre et Révérend Abbé de Saint-Maurice nous avait, par lettre, salué de votre part..

  A016001531 

 Ainsi, Illustrissime et Révérendissime Prélat, l'amitié de votre prédécesseur, qui me paraissait brisée pour toujours, va revivre plus ferme et plus suivie que jamais, si j'en juge par les sympathies que témoigne votre lettre.

  A016001531 

 Qu'il s'agisse de la cérémonie du sacre de Votre Illustrissime Seigneurie, ou de donner secours à votre peuple, suivant l'occasion, par le ministère de nos prêtres, autant que cela dépendra de nous, je vous l'assure, vous me trouverez toujours prêt et tout empressé..

  A016001532 

 En attendant, je continuerai avec plus d'instance ce que j'ai fait [164] jusqu'a present, en vous souhaitant, de Dieu notre Sauveur, le secours d'en-haut, afin que, confirme par l' esprit de force, vous conduisiez heureusement votre vaisseau parmi les redoutables tempetes qui 1'assaillent, au port désiré de la paix et de la bienheureuse piété..

  A016001540 

 Mays je vous en ay escrit plus au long par le sieur Jaquart.

  A016001561 

 Je suis a jamais, et par mille sorte de devoir ( sic ), Monsieur,.

  A016001561 

 Je vous escrivis il ny a que trois jours, et a M me de Charmoysi, qui me retiendra de vous entretenir davantage, estant mesmement presse du depart de ce jeune gentilhomme qui, par sa courtoysie, m'offre bien de retarder, mais il n'est pas raysonnable.

  A016001618 

 Je dis d'abord, par ce qu'en fin il faudra despendre pour faire les commodités domestiques hors de la tour, qu'on avoit projetté de faire dans icelle..

  A016001631 

 Conferant avec M. vostre Doÿen sur le reglement du service et affaires de vostre eglise, j'ay jugé quil falloit que vous eussies une copie des statutz de nostre cathedrale pour, sur iceux, former les vostres entre vous, et par apres en venir icy traitter avec moy.

  A016001646 

 L'autre jour que la bonne madame de Treverney fut icy, je sceu plus amplement la varieté des travaux parmi lesquelz vous vives, ma tres chere Seur, ma Fille, et certes, j'en eu de la compassion, mais plus de consolation encores, sur l'esperance que j'ay que Dieu vous tiendra de sa main et vous conduira, par ce chemin qu'il a frayé, a beaucoup de perfection; car je veux croire, ma chere Seur, que vous voulés demeurer eternellement liee a la tressainte volonté de cette divine Majesté et que vous luy aves consacree toute vostre vie.

  A016001682 

 C'est seulement aussi pour vous saluer cherement, ma tres chere Fille, que mon cœur souhaite toute sainte, et par consequent toute tranquille, toute juste, toute douce en la poursuite que vous aves a faire maintenant, sachant bien qu'une once de douceur et de charité emmi le soin d'un proces en vaut dix mille parmi les ordinaires occupations.

  A016001682 

 Je vous escris un billet par ce que c'est sans loysir, a cause quil me faut escrire en beaucoup de lieux.

  A016001697 

 Vous me rendes trop glorieux, Monsieur, de me promettre l'honneur de la bienveuillance de ce rare ambassadeur de Dieu, qui a si bien traitté des affaires celestes a Saint Jean le Caresme passé, et de me faire esperer la veuë de son Ajo del Christiano, livre qui, par le nom de son autheur et par son tiltre, ne promet rien moins que la perfection de son espece..

  A016001711 

 Mays du despuis, ayant sceu que Vostre Altesse avoit jette ses yeux et son desir sur Ripaille pour le mesme effect, je m'en suis infiniment res-joui; et en toute humilité je la supplie d'en ordonner au plus tost l'execution, affin que nous voyons en nos jours la pieté restablie en un lieu qui a esté rendu tant signalé par celle que Messeigneurs les predecesseurs mesmes de Vostre Altesse y tint si saintement et honnorablement prattiquee; asseurant qu'en meilleures mains le genereux et pieux dessein de cette restauration ne pourroit estre confié, qu'en celles d'un Ordre si ferme et constant comme est celuy des Chartreux, lequel, ayant tous-jours esté des son commencement fort obligé a la serenissime Mayson de Vostre Altesse, luy a aussi reciproquement tous-jours esté et est tres affectionné et dedié..

  A016001736 

 Je ne pense pas qu'il y ait excommunication, [185] car il n'est venu a aucun effect porté par les Canons.

  A016001736 

 Je voy par vostre lettre l'estat de l'ame du cher mari, par le duel desseigné, et non commis, auquel il s'estoit resolu.

  A016001738 

 Procurés donq que le cher mari se confesse, car encor que je ne pense pas qu'il soit en excommunication, il est neanmoins en un terrible peché mortel, duquel il faut qu'il sorte soudain; car l'excommunication ne se contracte qu'avec les effectz, mais le peché se contracte par la volonté..

  A016001819 

 J'ay receu la lettre par laquelle Vostre Grandeur s'abbaisse jusques a me conjurer que des-ormais je l'appelle mon Filz.

  A016001822 

 Le monde vous admirera et, malgré sa mauvaise humeur, il vous regardera par honneur quand il vous verra emmi ses palais, ses galeries, ses cabinetz, conserver soigneusement les regles de la devotion, mais devotion sage, serieuse, forte, invariable, noble et toute suave..

  A016001835 

 Monsieur, je me prometz qu'y ayant bien pensé, vous nous osteres ce juste sujet de plainte, et nous conserverés, comme je desire a jamais continuer, en l'affection qui m'a fait par tout nommer,.

  A016001855 

 Au demeurant, je suis icy aupres de ce Prince comme n'y estant point, dautant que la multitude des affaires que cette levee d'armees luy donne m'empesche de pouvoir si souvent jouir de lhonneur de sa presence, comme peut estre je ferois en un'autre sayson; laissant a part le viel enseignement: Episcopum in caulis, non in aulis invenire par est.

  A016001856 

 Je le revoy maintenant, par ce qu'on le reimprime en petit volume, et j'y treuve infinité de fautes, partie de l'imprimeur, partie de l'autheur, que je corrige tendrement, ne voulant pas, sil se peut, qu'on connoisse sensiblement autre changement que celuy de la correction de l'imprimeur..

  A016001856 

 Je ne nie pas, certes, que le favorable tesmoignage que vous rendes a ce pauvre petit livret de l' Introduction ne m'ayt grandement encouragé, et plus en verité que celuy de plusieurs grans personnages qui, sans me connoistre, me l'ont beaucoup recommandé par lettres.

  A016001876 

 par ce qu'aussi bien vous doys-je des-ja tout ce que je suis et puis estre, a rayson de tant de faveurs que vous m'aves departies ci devant, et sur tout pour cette rare bienveuillance delaquelle vous rendes tant de tesmoignages a mes amis, qu'ilz m'en glorifient tous extremement, que je vous conjure de me continuer, puis que, vous souhaitant sans fin toute sorte de sainte fœlicité, je suis d'un'affection tres parfaite,.

  A016001909 

 Vous aures receu une lettre par laquelle ces bonnes Dames de la Visitation demandent une nouvelle faveur a madame ma cousine, que je salue tres humblement, et suis, Monsieur,.

  A016001931 

 Qu'a jamais cette Bonté divine soit loüee, qui luy mesme s'est rendu une source d'eau vive au milieu de vostre compaignie; car a ceux qui s'addonnent a la tressainte orayson, Nostre Seigneur est une fontayne en laquelle on puise par l'orayson l'eau de lavement, de refrigere, de fertilité et de suavité..

  A016001933 

 Et neanmoins, en certaine façon, a ce que je voy, le doux Sauveur de vos ames vous a trompees d'une tromperie amoureuse pour vous tirer a sa communication plus particuliere, vous ayant liees par des moyens que luy seul a sceu treuver et conduittes par des voyes que luy seul avoit conneuës.

  A016001950 

 Vostre lettre m'a fort pleu, par ce que j'y voy [209] ces marques de vostre resolution de perseverance au dessein de servir a jamais Nostre Seigneur avec toute la pureté et fidelité que vous poures.

  A016001951 

 L'esperance de vous voir avec madame la Premiere m'excuse de vous parler plus au long par escrit, principalement pressé comme je suis.

  A016001984 

 Et vous purgeant souvent par le doux et gratieux syrop magistral de la confession, Monsieur, j'espererois que vous demeureries comme un celebre pyrauste entre les flammes, sans endommager vos aisles.

  A016001992 

 Mays ce tems est [214] ainsy fait, il ne produit pas les choses bonnes et desirables qu'avec plusieurs travaux de ceux qui les entreprennent, et au contraire, le mal s'avance sans culture, par la propre malice de cet aage..

  A016002009 

 Je voy bien, Monseigneur, par vostre lettre et par [216] celle de M. de N., qui, en verité, est mon amy et bon pere tres singulier, que nous ne sçaurions conserver les libertés ecclesiastiques que les Ducs nous avoyent laissees es pais estrangers.

  A016002027 

 Or, il me dit que c'est cent florins annuelz, et on pourroit les donner tous-jours par provision et sans consequence.

  A016002057 

 O Jesus mon Dieu, quel bonheur d'avoir un filz qui sçache par merveilles si bien chanter les chansons de Sion emmi la terre de Babylone! Les Israëlites s'en excuserent jadis parce que non seulement ilz estoyent entre les Babyloniens, ains encor captifs et esclaves des Babyloniens; mais, qui n'est point en l'esclavage de la cour, il peut emmi la cour adorer le Seigneur et le servir saintement.

  A016002083 

 Or, j'en parlay l'autre jour a Monsieur, qui treuva bon de le recommander aux Administrateurs du college par l'entremise de M. Dufresne.

  A016002139 

 Si la Providence divine vous employe, ma tres chere Fille, vous deves vous humilier grandement et vous [235] res-jouir, mais en cette Bonté souveraine, laquelle, comme vous sçaves, vous a asses fait connoistre qu'il vous vouloit vile et abjecte a vos propres yeux, par les consolations qu'il vous a donné es essays que vous aves faitz de vous avilir et abbaisser.

  A016002153 

 Ce sera, Dieu aydant, dans peu de jours, par le bon M. le contrerolleur Vulliat, lequel nous est demeuré de reste au partir de Monseigneur de Nemours et qui praetend, pourtant, d'aller tost a Lion mesme.

  A016002153 

 Et maintenant, c'est par M. de Foras, qui me promet de faire seurement tenir la lettre, que j'employe pour vous annoncer la venue de vostre despeche de Romme, mais despeche si bien faite, que si nous l'avions faite nous mesme nous ne l'aurions pas faite autrement.

  A016002157 

 Salues, je vous supplie, cherement de ma part le P. Grangier et le P. de Vilars, que j'honnore tous deux de toutes mes affections, comm'aussi le bon P. Philippe, en la bienveuillance duquel vous estes obligee de me conserver, puisque c'est par vostre entremise que j'y suis entré.

  A016002173 

 L'autre, c'est une certaine Peronne Marie qui a une tres bonne volonté d'estre toute a Dieu, et pour estre toute a Dieu, d'estre toute simplement humble et humblement douce envers tous les prochains; et c'est celle ci qui voudrait imiter saint Pierre, qui estoit si bon apres que Nostre Seigneur l'eut converti; c'est cette Peronne Marie qui est fille de la glorieuse Vierge Marie et, par consequent, de bonn'affection.

  A016002173 

 L'une est une certaine Peronne, laquelle, comme fut jadis saint Pierre son parrein, est un peu tendre, ressentante et depiteroit volontier avec chagrin, quand on la touche; c'est cette Peronne qui est fille d'Eve et qui, par consequent, est de mauvaise humeur.

  A016002173 

 Mais, non certes, ma pauvre chere Peronne Marie, cette mauvaise la n'est pas plus brave que vous, mais ell'est plus afficheuse, perverse, surprenante et opiniastre; et quand vous alles pleurer, ell'est bien ayse, par ce que c'est tous-jours autant de tems perdu, et elle se contente de vous faire perdre le tems quand elle ne vous peut pas faire perdre l'eternité.

  A016002174 

 Reveilles souvent vostre cœur affin quil soit un peu sur ses gardes a ne se laisser pas surprendre; soyes un peu attentive a cet ennemi; ou que vous mettres le pied, penses a luy, si vous voules, car cette mauvaise fille est par tout avec vous, et si vous ne penses a elle, elle pensera quelque chose contre vous.

  A016002188 

 Il m'escrit un trait de la Providence divine qui me plaist fort; car en la patente de permission que Leurs Majestés ont donnee pour l'erection de cette Mayson, on lanommoit «de la Congregation de la Visitation,» comme si Nostre Seigneur se fust voulu declairer par la voix royale.

  A016002191 

 J'ay conneu la bonne M lle de Breauté avant qu'elle fut Religieuse; [246] c'est une ame des mieux faites qu'on puisse voir, et madame d'Alincourt a rayson de favoriser sa Religion, ce qu'elle pourra faire par mille moyens.

  A016002201 

 Je ne sçai certes plus que faire avec ces gens, ma tres [248] chere et tres honnoree Mere, car ilz me tirannisent et, comme si c'estoit par conjuration, m'empeschent a vive force le bien que j'estime plus que tout, de vous aller au moins un peu voir de mes yeux.

  A016002222 

 Ce que je fay par ces quatre motz, de tout mon cœur, tant en consideration de la mere, qui est digne d'estr' assistee et qui est ma parente, qu'en consideration du filz qui, a mon advis, est plein de bonne volonté de reuscir en la crainte de Dieu..

  A016002241 

 En verité, Monseigneur, vous ne recevrés jamais des affections si fideles en lieu du monde comme vous feres icy, ou elles naissent avec les hommes, vivent avec eux, croissent sans bornes ni limites quand et eux envers la Mayson serenissime de Savoye, delaquelle les Princes se peuvent vanter d'estre les plus respectueusement aymés et amoureusement respectés de tout le monde par leurs peuples: benediction en laquelle Vostre Grandeur a la part qu'ell'a peu voir et remarquer en toutes occurrences.

  A016002242 

 Que si j'osois dire mes pensees sur les autres sujetz que Vostre Grandeur auroit de revenir, je luy marquerois le [253] desir ardent que Son Altesse Serenissime a eu qu'elle demeurast, auquel Vostre Grandeur correspondant par son retour, c'est sans doute qu'elle l'obligeroit non seulement a perseverer en l'amour plus que fraternel qu'ell'a tous-jours protesté envers icelle, mais elle en accroistroit extremement les causes, et par consequent les effectz..

  A016002246 

 Si la fidelité de ce porteur, mais sur tout si la bonté de Vostre Grandeur ne me donnoit asseurance, je n'aurois garde d'envoyer une lettre escritte avec cette liberté; mais je sçai d'un costé, qu'elle ne sera point egaree, et [255] d'ailleurs, que elle ne sera leùe que par des yeux doux et benins envers moy, qui aussi l'escris (ainsy Dieu tout puissant me soit en ayde) sans en avoir communiqué le dessein qu'a deux des tres humbles et fideles serviteurs, sujets et vassaux de Vostre Grandeur.

  A016002253 

 Oseray-je, Monseigneur, supplier Vostre Grandeur de recevoir cette lettre comm'en confession, et si elle ne luy est pas aggreable, de la punir elle mesme par son exterminement, en conservant neanmoins son autheur, a cause de l'innocence et bonne foy avec laquelle il l'a escritte, en qualité d'invariable tres obeissant serviteur de Vostre Grandeur..

  A016002263 

 Il est vray que c'est un prestre qui me l'escrit, et par consequent peut estre mal instruit des nouvelles de cette qualité lâ; mays le retour du sieur de Corbonex esclarcira ce point.

  A016002264 

 Le bon curé ne sçait ce quil demande en la proposition quil fait faire audit sieur de Blonnay, car il parle contre Dieu et rayson: contre Dieu, par ce quil desire une symonie; contre rayson, par ce quil refuse un soulagement qui luy est offert gratuitement.

  A016002282 

 Ce soir, M me de Treverney a receu une lettre en cette ville, escritte le 29 octobre par son mari, qui asseure expressement de la bonne santé du vostre.

  A016002284 

 Nostre Mere et les deux autres partent apres la Saint Martin pour Lion, d'ou on les envoyera prendre par des honnorables ecclesiastiques.

  A016002314 

 C'est par nostre M. de Medio que je vous escris, Monseigneur; il prendra, je m'asseure, playsir a vous dire nos petites miserables nouvelles.

  A016002352 

 J'ay apris par monsieur du Noyeret une partie de la negociation de Saint Rembert, car il a juge que vous [269] desiries que je la sceusse, puisque monsieur de Corbonnex avoit charge de me la communiquer.

  A016002352 

 Si ce bon Prince revient, je seray grandement trompé, car, a ce que j'apprens, on le porte tous-jours plus avant de delà, et il me le signifie luy mesme par une lettre quil m'a fait la faveur de m'escrire..

  A016002370 

 Je ne veux pas vous beaucoup entretenir maintenant par lettre, car en voyla une vivante qui vous va voir, [270] en laquelle vous lires plus de bien que je ne sçaurois vous en escrire..

  A016002405 

 Et par ce, Monseigneur, que le Valley estant si proche de Savoye et Piemont, ne peut estre qu'extremement utile aux affaires de Vostre Altesse, quand ell'en aura l'alliance et correspondance, j'ay pensé que cet advis estoit d'importance et que je le devois donner a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement de l'avoir aggreable, comm'encor que je luy die que ce jeune Prelat que nous venons de sacrer est de fort bonne esperance, devot, actif, de bon esprit et plus gentil que sa nation n'a pas accoustumé d'en produire, fort affectionné a Vostre Altesse, et qui attendoit avec honneur un anneau episcopal en present, de Monseigneur le Prince Cardinal, ainsy qu'on luy avoit fait esperer..

  A016002406 

 Et quant au cappitaine Valdin, il fait par dessus tous profession expresse d'estre tout affecté au service [275] de Vostre Altesse, a laquelle je fay tres humblement la reverence, et luy souhaitant toute sainte prosperité, je demeure infiniment,.

  A016002473 

 original des Mémoires, etc., par la Mère de Chaugy, conservé à la Visitation d'Annecy..

  A016002497 

 Quel bonheur, ma chere Mere, d'estre tout a luy, qui, pour nous rendre siens, s'est fait tout nostre! Mais il faut pour cela crucifier en nous toutes nos affections, et specialement celles qui sont plus vives et mouvantes, par un perpetuel allentissement et attrempement des actions qui en procedent, affin qu'elles ne se facent pas par impetuosité, ni mesme par nostre volonté, mais par celle du Saint Esprit..

  A016002507 

 A quoy je suis encor attiré par cette sçavante pieté qui vous fait si heureusement transformer les muses payennes en chrestiennes, pour les oster de ce viel prophane Parnasse et les loger sur le nouveau sacré Calvaire.

  A016002507 

 Or, puisque non seulement il vous a pleu, Monsieur, de jetter vostre pensee et, ce qui est encor le plus, vostre bienveuillance sur moy, je vous supplie tres humblement de me continuer cette grace par la mesme courtoisie et bonté qui l'a fait naistre en vostre ame sans aucun merite de ma part; et si je ne puis par les effectz, au moins par affection je m'essayeray de correspondre a cette faveur, vous portant a jamais un honneur, ouy mesme (si vous me permettes ce mot) un amour tres particulier.

  A016002521 

 Je salue nos filles, notamment la malade, et suis, comme vous sçaves vous mesme, tout vostre par Nostre Seigneur.

  A016002529 

 Dieu nous visite en sa douceur, et veut que la Visitation soit invitee par nostre tres bon Monseigneur de Lion de l'aller visiter en son diocese, pour y establir une Mayson de Nostre Dame comme la nostre d'Annessy.

  A016002538 

 Soyes riche en amour pour ce cher Sauveur; honnorable en la privauté que vous prendres avec luy par l'orayson, et toute delicieuse en la joye de sentir en vous les saintes inspirations et affections d'estre tres uniquement sienne..

  A016002540 

 Or, il faut que vous, au contraire, estendies vostre cœur par une frequente repetition de vostre protestation, que vous ne relascheres jamais, que vous persevereres en vostre fidelité, que vous [291] aymes mieux les rigueurs du service de Dieu, que les douceurs du service du monde, que jamais vous n'abandonneres vostre Espoux..

  A016002552 

 Il seroit requis que M. de Blonnay arrestast, mais je ne sçai si nous le pourrons faire, car je le voy disposé a tout quitter, par la recherche quil me fait de l'envoyer a Lion, servir de chapelain la nouvelle Visitation.

  A016002553 

 J'ay remis la lettre a M me de Chantal sans la voir, par ce que je n'avois pas encor leu celle que vous m'escrivies.

  A016002579 

 Voyci le souhait de vostre Pere, ma tres chere Fille: Dieu soit avec vous au chemin par lequel vous ires; Dieu vous tienne tous-jours vestue de la robbe de sa charité; Dieu vous nourrisse du pain celeste de ses consolations; Dieu vous ramene saine et sauve en la mayson de vostre pere; Dieu soit a jamais vostre Dieu, ma chere Mere.

  A016002604 

 Allés donq, ma Fille, allés avec mille et mille benedictions que vostre Pere vous donne, et sçachés que jamais il ne manquera de respandre, par toutes les aspirations que son ame fera, des combles de souhaitz sacrés sur la vostre.

  A016002608 

 O Dieu, que c'est une douce chose que d'avoir la sainte unité des cœurs qui, par une merveille inconneuë au monde, nous fait estre en plusieurs lieux, sans division ni separation quelconque..

  A016002621 

 Helas, mon Dieu, ma tres chere Mere, que j'ay esté estonné quand par vostre lettre j'ay sceu, comme tout a coup, la longueur et le danger de vostre maladie! car, croyés moy, je vous supplie, mon cœur vous cherit finalement.

  A016002622 

 Seigneur Jesus, quel vray bonheur a une ame dediee a Dieu d'estre fort exercee par la tribulation avant qu'elle parte de cette vie! Ma tres chere Mere, comme peut on connoistre le franc et vif amour, que parmi les espines, les croix, les langueurs, et sur tout quand les langueurs sont accompaignees de longueur? Aussi, nostre cher Sauveur a tesmoigné son amour desmesuré par la mesure de ses travaux et passions..

  A016002647 

 Les deux premiers jours quil ne se vid plus soymesme, il demeura en une douce tendreté et quelques larmes; mais quand je le portay la premiere fois ou il avoit accoustumé de treuver son ame et quil ne l'y treuva plus, il fut saysi d'un estonnement nompareil qui luy a duré trois ou quatre jours et le resaisit souvent, c'est a dire quand il y pense par maniere de privation du bien quil ayme plus que tout autre du monde.

  A016002647 

 Mays, ne disons plus rien de cela; car, ne suffit il pas que Dieu nous ayant rendus une mesme chose, nous soyons par tout nous mesmes tout siens?.

  A016002648 

 Je ne vis qu'elle, par ce que j'arrestay fort peu; mais au retour, je les verray toutes, et commencerons par les Novices.

  A016002651 

 Que vous puissiés voir vostre fille aysnee tous-jours recommençante par des nouvelles ardeurs, la seconde tous-jours croissante en vertu, la troisiesme tous-jours aymante, la derniere tous-jours benite; affin que la benediction du saint amour croisse et recommence a jamais en vostre petite assemblee.

  A016002680 

 Ce qui me rendit d'autant plus estonné, il y a quelque tems, quand je receu une lettre de Vostre Altesse Serenissime, par laquelle elle tesmoignoit d'estre esbahie elle mesme dequoy je tardois tant a rendre ce devoir d'obeissance envers elle et de pieté envers ce Saint.

  A016002680 

 Mays j'ay jugé que le trespas dudit seigneur Ranze avoit esté cause de l'esgarement de ces pieces et de l'apparence, par conseuent, de la neligence delaquelle je n'avois pas commis la verité.

  A016002699 

 La, les maladies et langueurs sont salutaires [310] et aymables, ou Dieu mesme nous a sauvés par ses langueurs..

  A016002738 

 Dieu me favorise de beaucoup de consolations et saintes affections, par des clartés et sentimens qu'il respand en la superieure partie de mon ame; la partie inferieure n'y a point de part.

  A016002750 

 Je me res-jouis de tous vos contentemens pour vostre heureux retour et pour celuy de madame ma cousine, en attendant de recevoir le comble de cette joye par l'honneur de vostre veuë et de la sienne.

  A016002751 

 Cette seur-la en fin desire sa retraitte, et, comme elle m'escrit, elle ne la peut faire que par vostre secours.

  A016002771 

 Mais ces pauvres gens de bien, qui estoyent revenus par la grace de Vostre Grandeur, preuveront qu'en ces nuitz la ilz estoyent ailleurs, et seroyent bien marris d'avoir ni cooperé, ni consenti a telles malices.

  A016002772 

 Ilz donnent quelquefois des rescritz qui sont emanés par obreption et surreption; c'est pourquoy ilz les renvoyent a leurs cours, Senatz et Conseilz, affin que, parties ouÿes, il soit advisé si la verité a esté teuë, ou la fauseté proposee par les impetrans, desquelz les belles qualités ne servent a rien pour exempter leurs accusations et narrés de l'examen convenable, sans lequel le monde, qui abonde en injustice, seroit tout a fait despourveu de justice.

  A016002772 

 Les Papes, les Rois et les Princes sont sujetz a estre souvent deceuz par les accusations et rapportz.

  A016002773 

 Elle a fait justement de les recevoir, si elle ne les a receuës que dans ses aureilles; mais si elle les a receuës dans le cœur, elle me pardonnera si, estant non seulement son tres humble et tres fidele serviteur, mais encor son tres affectionné, quoy qu'indigne Pasteur, je luy dis qu'elle a offencé Dieu et est obligee de s'en repentir, voire mesme quand les accusations seroyent veritables; car nulle sorte de parolle qui soit au prejudice du prochain ne doit estre creuë avant qu'elle soit preuvee, et elle ne peut estre preuvee que par l'examen, parties ouyes.

  A016002774 

 Les grans Princes ne remettent jamais les places ni les charges qu'a des gens de foy et de confiance, mais ilz ne laissent pas d'estre fort souvent trompés, et ceux qui ont esté fideles hier peuvent estre infideles aujourd'huy; comme ceux qui ont accusé ces pauvres gens peuvent, par leurs deportemens precedens, avoir acquis la creance que Vostre Grandeur leur donne, laquelle ilz meritent de perdre dores-en-avant, puisqu'en abusant, ilz ont fait de si fauses accusations..

  A016002782 

 Estant de retour de Sales, ou j'estois allé passer les jours de carnaval, j'ay treuvé le retour de nos des-ja trop vielles tribulations, par la calomnie faite contre mes freres.

  A016002784 

 C'est crime par tout le monde de haïr le prochain; icy, c'est crime de l'aymer.

  A016002784 

 Certes, mon cher Frere, j'ay de la gloire d'estre aymé par vous et d'estre passionné pour vous; mais puisque mon malheur est si grand, pour Dieu, ne disons plus mot des-ormais.

  A016002784 

 Messieurs les Collateraux, gens hors de reproche, sont reprochés par authorité extraordinaire, seulement parce qu'ilz m'ayment de l'amour qui est deu a tous ceux de ma sorte.

  A016002809 

 J'ay eu force plaintes du curé de Cervens par un certain homme du lieu, qui s'appelle, ce me semble, Pelliex.

  A016002838 

 Et par ce que leur intention, comme je pense, est fort juste et honneste, je n'ay sceu les esconduire; qui me fait vous supplier de les avoir en protection autant comme vous jugerés que vous puissies, sans vostre incommodité, les ayder et favoriser..

  A016002839 

 Je pensois vous faire cette supplication en presence, selon l'esperance que monsieur vostre mari nous en avoit fait concevoir; mais puisque ce bien ne nous est pas arrivé, estant pressé par ces pauvres desolees, je fay cet office en cette sorte, et vous conjurant de me conserver vostre bienveuillance et celle de monsieur vostre mari, je me nomme, comme je suis et seray pour jamais: c'est, Madame,.

  A016002850 

 Et je le veux bien, ma tres chere Mere, car l'amour ne va pas tous-jours en ordre; autrement, Nostre Seigneur eust commencé le soin qu'il eut en sa Passion, par sa Mere et son bienaymé saint Jean, dont je viens de parler a Sainte Claire sur le sujet de nostre grand saint Joseph, duquel j'ay fait le sermon et dit bien de bonnes choses, mais non pas avec la ferveur que j'ay tous-jours en parlant de cet admirable Papa de nostre Maistre.

  A016002850 

 Ma Seur Anne Jacqueline, qui est icy et qui me vient de bayser la main de vostre part, veut que je commence cette lettre par sa salutation.

  A016002867 

 Je m'en vay dire en desordre tout ce que je treuveray devant mon esprit sur le sujet de vos trois lettres: l'une, receuë par voye de Chamberi, l'autre par M. de Medio, la troysiesme par le sire Pierre..

  A016002867 

 Quoy que ce soit par nostre M. de Medio que je vous escris, ma tres chere Mere, si est ce que je vous escris [329] sans loysir et avec empressement, car sçachés que je ne pensois pas qu'il partist si tost; et outre cela, je suis tellement embesoigné du livre, que tout le tems que je puis gaigner bonnement, je l'employe la.

  A016002870 

 Voyés-vous, ma tres chere Mere, quand je vay voir nos filles, il leur vient de petites envies de sçavoir de vos nouvelles par moy, et si je leur pouvois monstrer de vos lettres, cela les contenteroit grandement.

  A016002874 

 Ceux avec lesquelz on confere ou on se confesse ainsy quelquefois par occasion ou rencontre, ne sont ni confesseurs ordinaires ni extraordinaires, mais confesseurs de devotion: or, estans gens qualifiés, il n'est pas besoin de demander licence.

  A016002874 

 On appelle confesseurs extraordinaires ceux qui, en certain tems, comme quatre ou cinq fois l'annee, viennent; mais ceux de devotion ne viennent que par rencontre..

  A016002884 

 Il faut que je vous parle a cœur ouvert, car a qui donq? Despuis que je suis en cette charge d'Evesque, rien ne [333] m'est arrivé qui m'ayt tant affligé que ce mouvement fait ces jours passés par les scindiques et plusieurs des habitans de Sessel, contre la pieté et la justice.

  A016002886 

 Or, forcé de mon devoir, j'envoye ces deux porteurs, qui ont esté plus que tesmoins oculaires de ce fait, sur [334] tout monsieur Roget, doüé d'une incomparable probité et predicateur fort capable, contre lequel ilz esmeurent les femmes, affin de le faire jetter dans le Rhosne par ce sexe facile a s'esmouvoir, comme s'il eust parlé contre l'honneur de toutes.

  A016002915 

 Je vous escrivis samedi par Chambery et ce dimanche par Sessel.

  A016002959 

 Nos Seurs ne sçavent pas que j'escris, car c'est par la voye de Chamberi.

  A016003010 

 Ce que je dis par l'experience que j'ay, que l'infirmité, ne nous ostant pas la charité, nous oste neanmoins la suavité envers le prochain, si nous ne sommes fort sur nos gardes..

  A016003021 

 Aussi n'a-ce pas esté sur ses livres que ce desir m'estoit venu, mays sur des autres, comme par exemple, de M. Valladier, qui a fait imprimer l'an passé ses Sermons sous un tel Privilege, et [353] de plusieurs autres; qui m'a fait estimer que ce n'estoit pas un Privilege tant special.

  A016003041 

 Ce porteur, gentilhomme de [356] marque, est mon parent, et je le pourray bien sçavoir par son retour..

  A016003060 

 J'escriray par la premiere commodité, mays [c'est] plustost un eschantillon de commodité que j'employe pour saluer mille fois un cœur maternel, de toute mon affection filiale.

  A016003068 

 Que vous soyes la ou icy, helas! qui nous peut separer de l'unité qui est en Nostre Seigneur Jesus Christ? En fin, c'est chose desormais, ce me semble, qui n'adjouste plus rien pour nostre esprit, que nous soyons en un ou deux lieux, puisque nostre tres amiable unité subsiste par tout, graces a Celuy qui l'a faite.

  A016003071 

 Je respons que la vivacité de ces espritz nourris en leur propre jugement ne m'estonneroit point, pourveu qu'on leur eust proposé les maximes generales de la douceur, charité et simplicité, et le despouillement des humeurs, inclinations et aversions naturelles, qui doivent regner en la Congregation; car en fin, qui ne voudroit recevoir que des espritz avec lesquelz il n'y eust point de peyne, les Religions ne serviroyent gueres au prochain, puisque ces espritz-la feroyent presque bien par tout..

  A016003094 

 Monsieur Grandis a eu peine a se resoudre d'aller, [362] par ce quil tenoit, d'un costé, la maladie n'estre pas dangereuse puisqu'elle est intermittente, et de l'autre, que les medecins de dela auroyent desja fait tous les remedes quand il arrivera.

  A016003105 

 Nous attendons certes avec une devote impatience M. du Crest, qui n'est encor point arrivé, pour [363] sçavoir un peu de vos nouvelles, car je m'imagine que nous en aurons a force, et par le sire Pierre aussi, par lequel je vous avois envoyé des lettres pour M. des Hayes, ouvertes, affin que vous les vissies.

  A016003106 

 O que bienheureuses sont les ames qui vivent de la seule volonté de Dieu! Helas! si pour en savourer seulement un bien peu par une consideration passagere, on a tant de suavité spirituelle au fond du cœur qui accepte cette sainte volonté avec toutes les croix qu'elle presente, que sera ce des ames toutes destrempees en l'union de cette volonté?.

  A016003107 

 Or sus, c'est bien asses, car je vous ay escrit ce jourdhuy mesme au matin par M. Grandis, par lequel nous attendons force lettres, et grandes; car, puisqu'il vous ira voir en arrivant et que ses affaires le retiendront un peu la, vous aures bon loysir d'escrire..

  A016003140 

 Je pense bien qu'a la fin elle le sçaura, car le bruit respandu penetrera jusques a ses oreilles par quelque rencontre; c'est pourquoy il seroit bon de la praeparer tout bellement a cet assaut, lequel, puisqu'elle ne peut eviter, on pourroit luy donner par apres, quand on auroit un peu fortifié son ame.

  A016003162 

 Et en lieu que vous luy escriviés quelquefois, parlés a Dieu pour luy, et il sçaura promptement tout ce que vous voudres qu'il sache, et recevra toute l'assistence que vous luy ferés par vos vœux et prieres, soudain que vous l'aures faite et delivree entre les mains de sa divine Majesté..

  A016003162 

 Mays en attendant l'heure [371] de faire voyle, apaysés vostre cœur maternel par la consideration de la tressainte eternité en laquelle il est et de laquelle vous estes toute proche.

  A016003180 

 Je suis, plus quil ne se peut dire, tout vostre, et a nos cheres Seurs Marie Peronne et Marie, et aussi a vos bienheureuses Novices, que j'appelle ainsy par ce que je connois de plus en plus le bonheur de ceux qui se dedient a l'amour et service divin.

  A016003210 

 Des il y a long tems, vostre charité et pieté m'estant conneue par la reputation qu'elle s'est acquise en nostre [376] France, elle l'est maintenant beaucoup plus par lhonneur que Vostre Illustrissime Grandeur me fait en une affaire que la divine Majesté a permis, ou plustost ordonné, vous estre tumbee entre les mains, pour mon bonheur et advantage; puisque je ne pouvois rencontrer ni une plus grande, ni une plus utile et necessaire faveur que celle quil plaira a vostre bonté, Monseigneur, me departir, et laquelle me licentiant, ce me semble, de representer encor de rechef sur ce papier ma necessité, je ramenteveray en toute humilité a Vostre Illustrissime Grandeur, comm'il y a des-ja quelques annees, pendant son sejour en France, je m'essayay me rendre sous vostre authorité pour le sujet dont il est maintenant question; et sachant bien que de moy je ne meritois pas cet honneur, je fus favorisee de Monseigneur le Duc de Nevers, lequel vous fit offrir quelques supplications [377] pour moy.

  A016003210 

 Mais lhors, a cause de quelque consideration, Vostre Grandeur Illustrissime ne jugea pas a propos de m'accorder ce dont je la suppliois; et je connois par experience que Nostre Seigneur avoit ainsy disposé pour mon bien, me reservant vostre faveur, Monseigneur, jusques a ce tems auquel elle me sera plus utile a mon avancement spirituel, que peut estre elle n'eut pas esté lhors que je la pretendois..

  A016003211 

 Le sieur Philipe de Quoex, recteur de Sainte Catherine, fera voir a Vostre Illustrissime Grandeur combien il me seroit desavantageux d'estre renvoyee par devant Monseigneur l'Evesque de Troyes, et je m'asseure qu'elle considerera et favorisera mes raysons, ainsy que tres humblement je l'en supplie, luy baysant en toute reverence les mains sacrees, et luy souhaitant une grande et abondante recompense de la grace et protection qu'elle exercera pour moy qui suis, Monseigneur,.

  A016003224 

 Ce moys d'aoust passé, madame de la Croix posa la premiere pierre de nostre eglise de la part de Vostre Altesse Serenissime, delaquelle action nous eusmes un grand contentement, pour l'esperance que nous avons que la divine Majesté sera saintement servie en ce petit lieu, par plusieurs bonnes ames qui s'y assembleront a l'advenir en son nom.

  A016003224 

 Ce que Monseigneur l'Archevesque de Lion ayant recommandé a Monseigneur l'Evesque de Geneve, qui est le Pasteur de ce lieu, il a esté jugé expedient de devoir estre accordé, attendu que, par la grace de Dieu, nostre nombre est des-ja asses grand pour pouvoir exercer cette charité, de sorte que troys des nostres sont deputees pour aller dresser cette nouvelle mayson, lesquelles toutesfois, cela estant fait, reviendront icy ou elles se sont premierement donnees a Dieu..

  A016003268 

 Au sortir de vostre cher Nicy, je ne puis qu'a ma premiere journee je ne retourne par le moyen de ma plume bayser vos sacrees mains et vous dire, comme au depositaire de mon cœur, que tirant contre Geneve et faisant mon oraison sur ce passage: Et instaura numerum militum qui ceciderunt de tuis, hé, Seigneur, ce disois je, restaurez ceux ci, reparez ce nombre infini de Genevois qui sont cheus en l'eternelle perdition.

  A016003270 

 Mais aussi ne le faut il pas dire la nuit, puisque sa Bonté le mettra bien tost au jour, et fera dire a plusieurs, voire a tous, ce que maintenant je dis avec le Prophete que vous aymez tant, Monseigneur: Tu m'as donné a conoistre les choses non sceuës et secrettes de ta sapience; voicy que la joye de mon salutaire m'est renduë, puis que tant d'ames seront confirmees de l'esprit principal dans la Visitation, que mon ame visite si souvent par ses souhaits a Dieu; car, Monseigneur, j'estime que si je pouvois servir ceste sainte Congregation, ce seroit vous tesmoigner que je suis.

  A016003286 

 par la Mère de Chaugy, conservé à la Visitation d'Annecy.

  A016003292 

 En fin, quand je voy que la charité, dont l'ordre est le desordre, vous a fait postposer l'indisposition de vostre corps à celle de mon cœur pour me tracer des douceurs dans le plus espais de vos douleurs, meslant la myrrhe avec les aromates, comme l'Espouse sacrée et sucrée, je ne peux dire autre chose, sinon que: Si je ne vous puis respondre par paroles, face le Ciel que je vous puisse au moins correspondre d'affection!.

  A016003294 

 Quid non speremus amantes? Soyez mon bon Seigneur et mon Apollon tant que vous voudrez, si me debvez-vous une veüe; l'amour se paye par l'amour, la visite par une autre.

  A016003295 

 Pensez y. O! Si nil rescribens, celer ipse venires? Quelle grace que je n'ose penser, de peur d'inquieter mon esprit par la flatterie de ceste esperance.

  A016003295 

 Venez seulement quand et comment il vous plaira; mon cœur est de si longue main preparé à cherir le vostre, que si le premier mouvement que les Stoïques pardonnent à leur inflexible sagesse donne quelque esmotion au sens par la surabondance de la joye, la partie superieure, partie de l'ame, n'en sentira aucune nouvelle impression.

  A016003300 

 Il nous essaye comme l'or par la coupelle, comme le soldat par les combats, comme le pilotte par les tempestes; il est avec nous en la tribulation, et nous tient, comme la nourrice l'enfant trotinant, par les longes, prest de nous relever de nos tresbuchemens..

  A016003308 

 L'Infante Duchesse de Mantoüe, ma fille, est toute joyeuse de se voir choisie pour estre protectrice d'une si vertueuse compagnie et saincte assamblee, le service de laquelle Nous aurons a cœur d'un soin tout extraordinaire, excité par l'amour particulier que Nous avons a vostre personne, et par la vertu que l'on Nous raporte reluire en ces bonnes Dames, pour l'edification de la province.

  A016003331 

 Encor que sellon le debvoir que Nous avons d'avoir soing aus affaires importants de nostre Empire, Nous avions assigné l'assemblee generale dans nostre ville Imperiale, a Ratisbonne, par une Nostre dernieredu 22 e octobre de l'annee dernierement escheüe 1613, au premier may de l'annee presente 1614, affin de deliberer et resouldre sur les points contenus en noz propositions faictes pour la derniere diette: Nous avons veu, et avec un extreme regret, cogneu et sceu par des advis tres asseurés, que l'ennemys ( sic ) immortel de toutte la Chrestienneté, tous les jours s'en va d'aultant plus avançant et empietant sur les pais voysins de la province de Sibebourg ( sic? ), laquelle il a soubjugué et reduict en sa puissance avec tout ce qui en despandoit; de sorte que, non content d'avoir, avec un tres grand dommage et cruelle guerre, surmonté ces dictz pais, mais, au tres grand prejudice de la Christienneté, commis plusieurs conflictz tres cruelz et sanglantz et desquelz a present il ne veult desister; car Nous sommes tres asseuré que, pour ce printemps, il se prepare pour attaquer avec touttes ses forces nostre royaume d'Ungrie et les pais Christiens qui luy sont voysins.

  A016003331 

 Et est facile a chequ'un de voir en quel grand danger et doubte doibvent estre lesdictz Estatz voysins, comme aussy noz royaumes frontiers, et par consequent tout le Sainct [393] Empire romain, sy Nous ne taschons de repoulser et empecher ce tyran en la defence de ces dictz pais, contre lesquels il va de plus [en plus] accroisant sa mauvaise volunté pour avancer la ruine, qu'il desire, du Christianisme; et semble avoir desja rencontré et empoigné les commodités pour executer sa tyrannique volunté et cruelz desseins..

  A016003332 

 Et particulierement, se puissent terminer les propositions avancees pour la derniere diette, et que vostre assistance serve a là resulution de ce qui a esté avancé et proposé contre ce cruel ennemy des Chrestiens, le Turc, et pour les necessités de la conservation des forteresses voysines d'icelluy, que sont les defences de tous les pais Christiens; et que le secour accordé pour trente moys ait lieu par tout l'Empire, et que l'on se puisse accorder pour la levee de quelque bonne armee, affin de l'emploier pour repoulser ledict ennemy des Chrestiens et aneantir ses forces qu'il va tous les jours accroisant.

  A016003332 

 Ou bien, estant V. R. empechee par l'indisposition de sa personne (que Dieu ne permette) ou par quelque ( sic ) aultres importantz affaires, de se treuver en personne, que ce soit par procureur, avec ample instruction et charge, affin que les communs affaires dudict royaume se puissent resouldre, et les malheurs desquelz il est menassé, empecher par l'asistance des Princes Electeurs et autres Princes et Estatz et par la vostre.

  A016003333 

 Et ne doubtons aucunement que vostre volunté, et de tous lesdictz Princes et Estatz, ne soit tousjours telle, que vous vous porterez tousjours avec une vraie affection pour le contenu ausdictes propositions, et serez tousjours zelé a l'avancement du bien de l'Empire, non seulement en ladicte assemblee, mais encor ou vostre assistance sera necessaire; protestantz, au deffault de ce que la ou lesdictz Estatz et assemblee ne se resouldront a quelque chose de bien, pour la tuition, deffense et soulas de la Christienneté, que ce ne sera a nostre coulpe, ains, comme Nous avons tousjours tesmoigné par tout, nostre syncerité et affection se rendra de plus en plus prompte, comme desja des nostre election Nous vous avons faict paroir en ce que Nous nous sommes portés en ce qui a esté du bien et repos de tout nostre dict Empire, et n'y avons espargné aucun hazard, mesme de nostre vie, comme Nous ne ferons encor par cy appres..

  A016003333 

 Or, puis que pour la conservation de la religion et paix de l'Empire, il est necessaire qu'ilz soient faictz des edictz, loix et ordonnances qui seront inviolablement gardees et observees sellon leur portee, affin que par ce moyen touttes les menees, factions, forces [394] et inquietudes qui se font en icelluy puissent estre empechees et aneanties, et a ces fins vous avons, il y a desja quelque temps, mis le tout en avant; comme aussy plusieurs aultres incommodités, qui desja vous furent proposees a la derniere diette et qui se vont tout le ( sic ) jours de plus accroissantz et augmentantz, Nous offrantz Nous mesme pour touttes les dictes necessités Nous emploier en tout et par tout sellon ce qui sera trouvé expedient et resoulu par tous lesdictz Princes et Estatz en ladicte assemblee.

  A016003384 

 Apres avoir baisé les sacrees mains de Vostre sainte et Illustrissime Seigneurie, je ne puis m'empecher de vous dire que, passant par Lion, tout foible que je suis, j'ay, comme un autre Samson, gousté, odoré et loué la suavité, douceur et pieté du mesnage et du miel de vos cheres abeilles, qui ont jetté leur premier essaim dans cette fameuse ville, ou elles sont en tres grande et rare estime.

  A016003384 

 J'en loüe Dieu, Monseigneur, et le benis de ce quil a fait, par vous et la tres digne Baronne de Chantal, une œuvre si sainte et digne de la main, de la peine, du travail des Saints; car tels ouvrages ne se peuvent jetter au moule que par des ames singulierement esleües.

  A016003413 

 Aussy vous avons Nous voulu asseurer par ceste, de vous vouloir avoir en particuliere protection, et vous ayder, favoriser et assister en tout ce quil sera necessaire pour l'effect d'un si bon œuvre, comme Nous escrivons aussi de le fere au Marquis de Lans, mon neveu, et a nostre Senat de Savoie, auquel vous pourres recourir pour touttes sortes d'occasions.

  A016003429 

 Il me reste donq a vous dire que, comme tous les fleaux que nous souffrons viennent du courroux que, justement, Nostre Seigneur conçoit contre nos pechés, ce quil ne se peut mieux apaiser que par les devotes oraisons des ames religieuses, Nous avons jugé que les vostres seraient tres a propos pour faire souvenir la divine Majesté de sa misericorde et regarder de son œil de pitié nos aflictions publiques.

  A016003443 

 Il y a aujourd'huy trois sepmaines que j'obtin la supersessoire, et vous donnay advis par diverses voyes comme je l'avois envoyé à Monseigneur par voye du Nonce; j'ay grandissime envie d'entendre la reception.

  A016003450 

 Aujourd'huy, M. d'Albon et moy sommes allé parler au sieur Ambassadeur et presenter la lettre du sieur de Savigny; il l'a leu fort attentivement, et puis a dict qu'il ne se voudroit point embarquer en cet affaire sans estre asseuré d'en pouvoir rapporter l'honneur et la victoire, car, dit il, «Si ces Feulliantz sont portés du Duc, il y aura bien que faire; que si Leurs Majestés m'en escrivoient un mot, alhors nous ferions prou.» Ce nonobstant: «Allés vous en (a il commandé audict sieur d'Albon, me presente ) aux Feulliantz et parlés au Procureur general, luy disant que je vous envoye expres vers luy pour [voir], par ce que Leurs Majestés et l'Abbé de Savigny m'ont escrit touchant un certain Prieuré, et qu'il nous dit ses raisons pourquoy; et outre ce, qu'il me vienne parler.» Ledict sieur d'Albon y vouloit aller sur le champ, a condition que je l'accompagnerais; je me suis excusé, et dict que pour avoir donné la lettre et informé une fois ledict sieur Ambassadeur, que je me contentois; mais que pour y retourner a solliciter et courtiser, ce sera tant furtive et rarement que je pourray, par raisons, etc.; tellement, qu'il a remis a demain mattin d'aller faire son ambassade.

  A016003451 

 Il faut encour escrire audict sieur de Savigny qu'il fasse escrire en sa faveur par le Roy audict Ambassadeur.

  A016003451 

 Quant a la surprinse de laquelle vous me donnés advis, il ne faut doubter qu'il ( sic ) procureront de se justifier, voyant que par tant de memoriaux je les [406] ay accusé d'avoir mal supplié; mais je ne pense pas pour cela que l'on n'entende et voye mes attestations quand serons en lice.

  A016003452 

 Si vous jugés que je perde courage, par la presente, vous le jugerés mieux par un'autre ou je vous parle plus sec, quand j'ay veu ne sçavoir ou donner de la teste au commandement du Dataire.

  A016003458 

 Collomb partit le 8 du present, tout seul, avec six ducattons que je luy rendis, qu'il m'avoit presté par.................................................

  A016003466 

 J'ay escrit et respondu a M. de Savigny par voye de Lyon, et luy di ( sic ) qu'il obtienne lettre du Roy, [et] qu'il m'envoye procuration ad cautelam pour les Peres S ti Pauli, etc..

  A016003468 

 Revu sur l'autographe inédit, communiqué en 1901 par M. Mugnier, président de Chambre honoraire à la Cour d'appel de Chambéry..

  A016003472 

 Et partant, vous avons voulu dire par ceste, qu'ayez a les aider, favoriser et assister en tout ce que vous sera possible pour l'effaict que dessus..

  A016003472 

 L'Infante Duchesse de Mantoue, ma fille, ayant prins en particuliere protection la Congregation de celle devote compaignie de Dames, nouvellement erigee a Nissy a imitation de celles que saint Carlo a establies a Millan, assavoir de vefves et de filles vierges, pour vivre ensemble en perpetuelle chasteté, soubz l'hobeissance d'une Superieure; les jeunes sans sortir jamais, comme es autres Monasteres les plus reformez, et les autres pour secourir les pauvres malades de ce lieu la, ou il ny a qu'un pauvre hospital lequel n'a le moien d'exercer la charité qui seroit necessaire ausditz mallades; sans qu'elles praetendent vivre d'aulmosne, ny d'accroistre jamais leur revenu de plus de mil cinq centz escus d'or l'annee, qu'elles esperent d'avoir ou par voye de rente constituee, ou en aultre [409] façon, sans agraver noz subjectz sur le faict des tailles, et se contentantz de recepvoir les vefves qui sont sans incommodité d'enfans, et les filles qui vouldront entrer en celle Congregation, moyennant seulement une pension annuelle leur vie durant: ce que Nous a esté fort aggreable, pour l'honneur et gloire qu'en doibt resulter a sa divine Majesté et pour le bien et fruict qu'en recevront nos bien amez subjectz.

  A016003483 

 Et non seulement vous Nous donnerés en cela ung grand contentement, mais aussy tesmoignerés par la vostre affection au bien de la ville et de nos subjectz d'icelle, qui en doibvent ressentir le fruict..

  A016003483 

 Et pour ce, Nous vous disons de faire promptement ladicte remission, par contract autentique, sans y aporter difficulté ny longueur, moins en attendre de Nous plus particulier commandement, puis que telle est Nostre [410] volonté.

  A016003514 

 Quil connoist clairement que toute la Savoye, et particulierement ses sugets de Genevois, Foucigny et Beaufort, sont lassés de la souveraineté par trop lisentieuse de S. A., qui n'a aucung esgard a leurs miseres depuis vingt ans, et les a reduit au desespoir; et qu'en la resolution quil prendra, ses voisins, bien conseillés, l'assisteront pour leur interest, et se pourront ensemble maintenir sous la protection de Leurs Magestez.

  A016003514 

 Quil croit qu'estant ainsy mal traité, et ses sugets tant oppressés, il peut justement rechercher d'establir la domination du prince, avec telle condition neantmoins, que luy ny aultre n'en puisse abuser a l'avenir, suyvant ses investitures et privileges, alterés par les declarations de ses predecesseurs qui ne luy doivent nuyre ny prejudicier.

  A016003514 

 Quil remet le tout a vostre prudent avis, et quil veut croire et se conduire en cecy et toute autre chose par vostre conseil, sous le bon plaisir de Leur ( sic ) Magestez; quil a tousjours eu une grande volonté d'entrer en conference avec vous des le tems du feu Roy, et en a esté souvent solicité par le sieur de la Bretonniere, son intendant..

  A016003515 

 Il est aussy extraordinairement pressé par le Duc de passer les monts sans attendre M. de Rambolliet, mais il s'est resollu de n'en rien faire que nous n'ayons de vos nouvelles.

  A016003517 

 Nous verrons aussy si nous pourrons nous confier a quelqu'un pour faire parler au Prince de Piedmont, qui est veillé de tous costez, et sera difficile de le pouvoir faire, si ce n'est par le moyen de quelque ecclesiastique partial d'Espagne, qui luy represente le peril quil y a de voir la religion nouvelle introduitte dans les terres de son pere, qui semble y incliner du tout.

  A016003518 

 Et pour ses troupes quil a en Piedmont, il les retirera toutes les fois qu'on voudra, avec cinq cens hommes de ses sugetz quil fait encores filler, et la trouppe du Conte de Salleneufve; et luy reste quinze cens hommes de pied, cinquante chevaux legers commandés par Noyson, et ses gardes..

  A016003549 

 Nous avons receu par le porteur present diverses lettres touchant l'incorporation faicte du College de feu Mons r Chappuis, en vostre ville d'Annessy, par Mess rs les Barnabites, par l'authorité, comme vous escrivez, de Son Altesse le Duc de Savoye.

  A016003549 

 Or, comme depuis un moys en ça ou environ, le Docteur de Bay, President du College par deça, est allé de vie a trespas, et que nous ne sommes bien informés de la fondation de par dela, n'avons pour le present sceu resoudre sur le faict de la dicte incorporation, ains tiendrons la dicte resolution preste pour le premier retour du porteur de ceste..

  A016003550 

 Touchant le jeune homme qu'il vous a pleu reccomander par vos lettres a feu Monsr Bayeus, sa mort cause que vous ne pourrez venir a l'effect d'icelle reccomandation, laquelle mort cause aussy que nous devons advertir de n'envoyer aulcuns nouveaux boursiers pour les Pasques prochaines, pour se trouver le College arriere de quelques cents escus, lesquels devront estre ramborsés a la maison mortuaire dudict Bayus, lequel, par sa bienveulliance envers ceux de vostre nation, a receu et porté plus de charge que le revenu du College ne portoit..

  A016003557 

 Messieurs, en suivant le pouvoir que nous est octroyé par la [416] fondation, nous conformant aux conditions prescrites par icelle, avons esleu pour President, en la place de feu Bayus, sire Jean Massen, prebtre, licencié en la saincte Theologie, ayant l'espace de quatorze ans regenté louablement le Pedagoge de la Fleur de Lys, esperant qu'il donnera contentement a touts en la regence de nostre College de Louvain..

  A016003575 

 M me Elisabeth des Gouffiers, l'une de ses Religieuses, ne l'était devenue que par force et sous la contrainte maternelle.

  A016003577 

 Grand sujet de peine pour M me Elisabeth, de se voir arrêtée, presque au terme du voyage, par ce malencontreux accident! Mais Dieu la secourut à propos, en lui ménageant la connaissance de Claude de Sevelinges, aumônier de l'abbaye de Belleville.

  A016003577 

 Séduit, lui aussi, par l'attrait d'une vie plus parfaite, il cherchait la direction du bienheureux Evêque de Genève; il aurait même voulu devenir l'un de ses fils, dans la Congrégation d'hommes dont l'établissement hantait, au commencement de 1613, l'esprit de l'éminent Fondateur.

  A016003577 

 Vivienne des Gouffiers, marquise de l'Ecluse, qui avait accompagné sa sœur, tomba gravement malade dès l'arrivée et dut retourner en son pays par ordre des médecins.

  A016003579 

 Celle-ci, d'ailleurs, lui demandait par une lettre à part, avec beaucoup de déférence, d'être admise au nombre de ses Filles.

  A016003580 

 Même sans se chercher, les âmes en quête de sainteté finissent toujours par se connaître et se rencontrer..

  A016003582 

 Leur première entrevue avec le Saint eut lieu dans la matinée du 27; il fut «bien content,» écrivait-il l'après-midi à la Mère de Chantal, «de voir ces bonnes damoyselles..., et particulierement M me de Gouffier, que je voy toute telle que vous m'aves dit.» Dès l'abord, les deux Fondateurs avaient donc distingué la noble étrangère qui tranchait sur les autres par son esprit de décision et sa vive personnalité..

  A016003585 

 Celui-ci, connaissant «le fond de cette grande ame,» ne se contenta pas d'encourager vivement son dessein, mais «luy ouvrit la pensée... d'oser quelque chose de plus avantageux pour la gloire de Dieu, par la fondation d'un nouveau Monastere» de la Visitation à Lyon même.

  A016003585 

 M me d'Auxerre paraissait la plus ardente à la poursuite de ce projet, mais son désir était sérieusement traversé par la présence de son fils encore jeune, qui avait besoin de sa conduite et de ses conseils.

  A016003585 

 «Et ce Reverend Pere, qui avoit contracté une sainte alliance avec» l'Evêque de Genève, «prit la charge de luy en écrire et de sçavoir son sentiment sur cette proposition.» Le saint Fondateur répondit qu'il l'agréait singulièrement et qu'il en favoriserait la bonne issue par «toutes sortes d'assistances.».

  A016003586 

 Vivement encouragées par cette assurance, M me d'Auxerre et ses compagnes acquéraient bientôt du «sieur André Olier, marchant epicier,» un immeuble situé rue du Griffon, sur les Terreaux, près de Saint-Claude, paroisse Saint-Pierre.

  A016003587 

 A l'imitation des anciens contradicteurs, qui disaient si Dieu ne parlait qu'à Moyse, ils dirent aussi... si Dieu ne faisait des merveilles que par l'Evêque de Genève; si d'autres Evêques ne pouvaient pas ériger des Congrégations autant parfaites et bien réglées que celle qui était établie à Annecy.

  A016003587 

 M me d'Auxerre se voyant pressée par une autorité supérieure, se soumit, mais ce ne fut pas sans un grand déplaisir intérieur de falloir renoncer à son cher projet..

  A016003589 

 Elles reçurent de M. Lourdelot des [422] règlements provisoires, en attendant de pouvoir choisir l'une des quatre Règles approuvées par l'Eglise..

  A016003592 

 Tout émue et déconcertée par la malheureuse issue de l'entreprise, M me d'Auxerre lui conta sa peine, ses regrets, mais aussi lui confia son désir toujours vivace qui la portait invariablement vers Annecy.

  A016003593 

 La lettre du 15 octobre 1614 semble répondre à cet exposé: on voit par sa teneur, que le Bienheureux, tout en adhérant à un espoir [423] qui lui sourit, se tient sur la réserve et conseille à la fervente négociatrice de prêter son concours suivant l'occurrence, mais sans rien laisser paraître qu'une «tres absolue indifference.» En même temps, il écrivit au P. Grangier, sans doute pour l'assurer qu'il persévérait dans son bon vouloir de favoriser, quand les esprits seraient préparés, l'établissement d'une seconde Maison de la Visitation.

  A016003593 

 Quelques jours après (26 octobre), il envoyait par sa correspondante, des messages pour le Religieux et pour les «Dames de la Presentation, M mes d'Auxerre, Colin et Belet.» Il semble donc qu'à cette date l'ancien projet était repris, et avec un cordial effort de part et d'autre pour le faire aboutir..

  A016003594 

 Le bon Prélat, comprenant bien que les pauvres filles «ne s'êtoient rangées» à la Congrégation «que par pure obeyssance» et que leur désir ne venait pas d'inconstance, mais de l'esprit de Dieu, promit de leur donner toute satisfaction et d'en écrire lui-même à l'Evêque de Genève..

  A016003599 

 «Toute cette belle compagnie,» écrit une annaliste, «fut très bien reçue à Annecy, tant par le saint Prélat que par notre bienheureuse Mère de Chantal,» à qui on donna pour coopératrices «nos Mères Marie-Jacqueline Favre, Assistante et Directrice; Péronne-Marie de Chastel, économe, dépensière, surveillante et robière; Marie-Aimée de Blonay, conseillère, sacristine, portière et lingère: toutes sujets d'élite et de choix.» Le 25 janvier 1615, François de Sales écrivait à M me de la Fléchère: «Nostre bonne madame de Chantal part demain pour aller coucher a Clermont, ces messieurs et ces dames de Lion estant venus la prendre.».

  A016003608 

 LOUYS, par la grace de Dieu, Roy de France et de Navarre, a touts presens et advenir, salut..

  A016003609 

 Noz bien amées JANNE CHAPUYS, YSABEAU DANIEL, CLAUDINE CALLON et ANNE MARIE BELLET NOUS ont faict dire et remonstrer que pour le desir qu'elles ont du despuis long temps de vivre soubz quelque saincte Reigle, en servant et se vouant a Dieu, elles auroient choysi et esleu celle de la Congregation des filles dediées à Dieu soubz l'invocation de NOSTRE DAME DE LA VISITATION; en laquelle ayant resolu de passer le reste de leurs jours, elles se seroient addressées à nostre amé et feal l'Archevesque de Lyon, lequel approuvant leur bonne et devotte intention, leur aurait, sur la requeste qu'elles luy auroient presentée, promis, pour ce qui regarde sa dignité archepiscopalle, soubz nostre bon plaisir, de faire construire et eriger en nostre ville de Lyon, un Convent, dans lequel elles puissent vivre soubz les Constitutions qui leur seraient par luy ordonnées, conformement à ladicte Congregation, et a la charge d'y demeurer en perpetuelle closture, et ne demander, ny faire demander aucunnes aumosnes pour elles, ains de renter et dotter ledict Convent à proportion des Religieuses qui y seront receues, dont on luy feroit apparoir avant que aucune s'y renfermast, et à condition qu'elles seraient entierement, elles et leur Maison, soubz son regime et jurisdition, et de ses successeurs Archesvesques.

  A016003610 

 Sçavoir faisons que Nous, désirans subvenir ausdictes exposantes en cet endroict, et Nous rendre participans de leurs devotes prieres et oraisons pour la prosperité de cest Estat, de l'avis de la Royne Regente, nostre tres honnoré ( sic ) Dame et Mere, et de nostre propre mouvement, grace speciale, plaine puissance et autorité royalle: Avons permis et accordé, et comettons et accordons par ces presentes, signées de nostre main, ausdictes exposantes, de faire construire, bastir et ediffier, en nostre dicte ville de Lyon, un Convent de la Congregation des Sœurs dediées a Dieu soubz l'invocation de NOSTRE DAME DE LA VISITATION, au lieu et place qu'elles choisiront ou auront choysi [428] pour cet effect, à elles appartenant, moings incommode au publicq, et par l'advis du Gouverneur et des Prevost et Eschevins d'icelle ville, pour s'y r'enfermer et vivre le reste de leurs jours aux conditions qui leur ont estes prescriptes par ledict Archevesque de Lyon et soubz son auctorité et jurisdition; sans qu'elles puissent estre en ce que dessus, troublées ou empeschées par quelque sorte de personnes ou en quelque maniere que ce soit.

  A016003613 

 Signé par le Roy: LOUYS..

  A016003615 

 Et sur le reply: Par le Roy, la Royne regente, sa Mere, presente..


17-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVII-Vol.7-Lettres.html
  A017000028 

 Pourquoi le jeune des Hayes a fini par se ranger à la discipline.

  A017000034 

 Une affaire très heureusement engagée par le Saint.

  A017000037 

 On peut attendre de grands fruits de l'établissement des PP. Barnabites à Thonon et de la restauration du culte qui sera faite par eux dans l'église de Saint-Augustin.

  A017000046 

 Dieu porte avec nous les charges imposées par l'obéissance.

  A017000056 

 L'Evêque de Genève s'excuse de n'avoir pu conférer un bénéfice à un candidat recommandé par Son Altesse.

  A017000057 

 — Souvenirs du séjour de M gr de Marquemont à Annecy, — Genève décimée par la peste 56.

  A017000059 

 Justification loyale et ferme du Saint au sujet des soupçons éveillés par la visite de l'Archevêque de Lyon.

  A017000062 

 Tristesse témoignée par la Mère Favre à une amie; encouragements paternels.

  A017000063 

 Le Saint empêché d'écrire une lettre par un appointement et un souper 63.

  A017000067 

 — Agir par obéissance, gage du secours d'En-haut.

  A017000072 

 Consolation donnée au Saint par la sage conduite de la Mère Favre.

  A017000084 

 Vicissitude des années et permanence des affections formées par Dieu.

  A017000088 

 Un voyage arrêté par les neiges.

  A017000105 

 Divers conseils pour l'administration des biens laissés par M. de la Fléchère — Paternels avis pour la vente de ses chevaux.

  A017000132 

 Bonheur de la possession de Jésus seul par le dénuement total du créé.

  A017000142 

 Un aumônier qui sera « bravement » remplacé par « un pauvre Evesque ».

  A017000147 

 — Trois particularités qu'il faudrait faire approuver par le Saint-Siège.

  A017000173 

 Résolution prise dans une assemblée présidée par le prince de Piémont.

  A017000175 

 Le Saint réclame une lettre écrite par Charles-Emmanuel au Vice-légat d'Avignon au sujet des étudiants au collège de Savoie. 170.

  A017000176 

 Contribution payée à Son Altesse par le clergé du diocèse de Genève.

  A017000183 

 Remplir son devoir de bon cœur, par amour, mais sans empressement.

  A017000186 

 Un galérien qui doit payer sa grâce par des œuvres pies. 178.

  A017000194 

 Le duc de Montmorency gagné par Mgr Fenouillet à l'estime de l'Evêque de Genève.

  A017000195 

 Que doit faire une âme continuellement attirée par Dieu à se reposer dans le sein de sa Providence.

  A017000219 

 Remplacer le jeûne corporel par la mortification du cœur.

  A017000225 

 La crainte excessive de la mort empêche l'âme de s'unir à Dieu par amour.

  A017000231 

 — Est-ce hypocrisie « de ne pas faire si bien que l'on parle? » — Marcher « par le milieu des belles vertus, » et non « par les extremités » des subtilités.

  A017000239 

 I. Lettres adressées a Saint François de Sales par quelques correspondants.

  A017000268 

 Et sur cela, M. de Vallon se chargea de rechef de s'enquerir des deportemens du sieur Rosset, et en alla parler aux Peres Barnabites et a d'autres qui, comme il me dit par apres, treuverent fort estrange qu'on parlast de ce changement; et alla treuver monsieur de Charmoysi qui m'escrivit une lettre par laquelle il me mandoit en termes generaux, que j'avois tout pouvoir, et ne me disoit nulle resolution..

  A017000268 

 Les porteurs de vos precedentes lettres m'ont pris en un tems auquel j'estois si fort embarassé de gens et d'affaires que je ne sçavois ou j'en estois, et ne pouvois me desrobber pour vous faire response, laquelle d'ailleurs je ne sçavois comme vous faire, par ce que vous presupposies que monsieur de Charmoysi mon cousin m'eust donné charge de pourvoir au changement de maistre de vos enfans, et jamais il ne m'en avoit fait un seul [1] mot, bien quil m'eust escrit seulement le jour precedent.

  A017000269 

 Or en somme, il ne me sembloit pas raysonnable que les peres estans presens, je fisse rien en cela, n'y ayant rien qui pressast (que je sceusse), et le parti de M. Rosset estant defendu par tant de gens dignes de creance..

  A017000270 

 Voyla tout, ma tres chere Fille, sinon quil faut que je vous die que des-ja le changement de M. Romain a M. Rosset fut treuvé mauvais, par ce que ceux la mesme qui parloyent en mal de M. Rosset ont dit despuis quilz avoyent eu tort, et M. de Charmoysi le fit seulement pour ne vous point desagreer, par condescendence.

  A017000367 

 Et tous-jours feres vous bien de vous humilier fort aux advis de vostre confesseur, qui void l'estat present de vostre ame, lequel, quoy que je m'imagine asses sur ce que vous m'en dittes par vos lettres, si est-ce qu'il ne me peut pas estre conneu si particulierement comme a celuy a qui vous en rendes conte.

  A017000368 

 Ce sera un voyage de 15 jours ou environ, apres lequel j'en veux faire un autre en Chablaix, pour estre de retour de tous deux en septembre; mais je repasseray par icy, et seray tous-jours bien ayse de vous escrire, si je puis..

  A017000384 

 Le meilleur moyen de reparer les ruines qu'ilz font, c'est de mespriser leurs langues qui en sont les instrumens, et de leur respondre par une sainte modestie et compassion..

  A017000385 

 Mays, plustost que de venir par proces, elle devroit faire tout autre chose.

  A017000400 

 Laissant les grans Ordres des-ja establis dans l'Eglise honnorer Nostre Seigneur par d'excellens exercices et des vertus esclattantes, je veux que mes filles n'ayent autre pretention que de le glorifier par leur abbaissement; que ce petit Institut de la Visitation soit comme un pauvre colombier d'innocentes colombes, dont le soin et l'employ est de mediter la loy du Seigneur, sans se faire voir ni entendre dans le monde; qu'elles demeurent cachees dans le trou de la pierre et dans le secret des mazures, pour y donner a leur Bienaymé vivant et mourant, des preuves de la douleur et de l'amour de leurs cœurs, par leur bas et humble gemissement... [17].

  A017000441 

 Et pour dire ma pensee, il me parla selon mon cœur, car il me recommanda ce pauvre homme, prestre et lié par les vœux de Religion, affin qu'il fust aucunement consolé..

  A017000441 

 Il me presenta ses patentes de [20] demission, ejection et expulsion de l'Ordre, et, par ses larmes, impetra aysement de moy le sejour de quelques semaines en ce diocese, pendant lesquelles je fus a Lion pour y visiter Monseigneur l'Archevesque, chez lequel le R. P. V. me parla.

  A017000454 

 Par cette premiere commodité, je vous rens conte de nostre voyage, ma tres chere Mere.

  A017000457 

 Elle se confessa derechef a moy, pour sa consolation et non par necessité, car elle avoit receu le jour precedent tous ses Sacremens, et mesme l'Extreme Onction, et fit la plus absolue indifference que j'aye jamais veuë; car ses domestiques et voysins la pressant de faire des vœux pour guerir, jamais elle ne voulut, mays dit que ce que Dieu feroit luy seroit le plus aggreable et qu'elle ne voudroit pas, par le moindre desir dû monde, demander a Dieu ni la vie ni la mort, luy laissant sans reserve sa vie entre ses mains, pour en faire a son gré; et ce qu'il [23] luy plairoit seroit aussi ce qu'elle vouloit.

  A017000458 

 J'escris a Monseigneur l'Archevesque par honneur..

  A017000471 

 Convié par Monseigneur l'Archevesque de Lion, j'ay esté aupres de luy ces jours passés, et pensois bien de la vous bayser les mains, comme je fay maintenant tres humblement par lettre; mais je n'en eus jamais le loysir, a cause de l'empressement des visitari et visitare.

  A017000488 

 Convié par Monseigneur l'Archevesque de Lion, j'ay esté ces jours passés aupres de luy, ou je pensois treuver le loysir de demy heure pour vous escrire; mays je ne sceu onques gaigner cela sur la multitude des visites et de quelques autres occupations qui me furent donnees, outre quelques predications.

  A017000489 

 Et je l'ay encor plus souvent reprimandé; en quoy il m'a extremement obligé, par le sentiment qu'il a tesmoigné d'estre marry de me desplaire, si que, en fin, pour l'amour de moy, il commence fort a se bien ranger; et par ce moyen, il tireroit encor mon cœur a soy, s'il ne luy estoit des-ja tout acquis.

  A017000489 

 La racine de son mal est en une certaine grace qu'il a de gaigner les espritz et tirer les cœurs a soy, lesquelz par apreès le tirent a eux et luy donnent telles impressions qu'ilz veulent.

  A017000491 

 Il ne se peut dire combien nous sommes grans amis, ni combien il me respecte: cela, avec un maistre particulier, suffira pour le bien conduire, si par adventure il ne perseveroit pas.

  A017000506 

 J'ay de rechef beaucoup de consolation, ma tres chere Fille, de vous voir si contente aupres de ce cher mari, [29] qui me fait beaucoup d'honneur de m'aymer, quoy que je ne le merite nullement, si ce n'est par la fidele affection que je vous ay a tous deux..

  A017000525 

 Je m'en vay cependant en Chablais pour quelques [31] semaines, ou les affaires de ces quartiers la m'appellent; mais je demeure par tout a jamais,.

  A017000556 

 Il faut, ma chere Mere, en telles occurrences me dire vostre advis; car, moy qui ne voy que par vos yeux comme par les miens, en ceci, comme puis-je bien juger sans vous?.

  A017000560 

 Et puis, en tous cas, il faut attendre que nos Regles soyent [bien approuvées et] la Mayson de Lion bien establie par [l'autorité de M gr ] l'Archevesque.

  A017000584 

 Le P. D. Juste viendra, je m'asseure, soudain icy, pour achever un affaire que Dieu a tres heureusement acheminé par mon service, et j'espere que luy mesme fera encor l'accommodement des jardins, que vous aves tant de justes sujetz de desirer et que nostre chere Mere affectionne tant; je dis nostre Mere en tout ce qu'ell'est.

  A017000586 

 ... et envoyer par la premiere commodité [le paquet] ci joint, et aymes [toujours bien mon] ame, la recommandant a la [miséricorde] de Dieu, qui vous comble toute de ses benedictions.

  A017000623 

 Mais encor, Monseigneur, je ne puis me retenir que je ne tesmoigne la joye que je sens dequoy, parla venue de ces bons Peres en cette ville, nous verrons refleurir le saint service divin dans l'eglise de Saint Augustin, fondee par le fameux Amé, grand aïeul de Vostre Altesse, et en une ville honnoree de la naissance de cet excellent Serviteur de Dieu, le bienheureux Amé, duquel nous respirons la canonization avec des desirs nonpareilz, esperant que, par la publique invocation de son secours, nous obtiendrons la fin de tant d'afflictions, de pestes et tempestes, desquelles, despuis quelques annees, il a pleu a Dieu de visiter ce peuple..

  A017000636 

 Et a propos de cette pension, il la faut establir en sorte que celuy a qui la cure sera adjugee, ne soit point mis en possession qu'il n'ayt, par consentement mis au greffe, declaré quil prend le benefice avec cette juste charge, imposee par mon authorité et par le conseil des examinateurs.

  A017000637 

 Or, je dis ceci seulement par maniere de proposition, m'estant advis que la charité oblige ces messieurs de gratifier, es occurrences, les plus pauvres d'entr'eux et ceux qui y ont des-ja esté asses d'annees.

  A017000660 

 C'est en cett'occasion de la vacance de Gruffy [que] je vous prie faire cette reserve jusques a la somme de 200 florins; et pour eviter les disputes que l'interest propre fait naistre en pareilles occurrences, je desirerois qu'en la mise en possession de celuy qui sera curé, on assignast une corne de dixme, telle quil seroit advisé, audit seigneur pœnitentier, laquelle il prendroit par ses mains..

  A017000661 

 Dequoy j'ay pensé de vous devoir donner cet advis, m'asseurant que vous le suivres, bien ayse aussi par cett'occasion, de me ramentevoir en vos prieres, comme....

  A017000674 

 J'ay regretté des hier au soir la perte que nous avons faite, mon cher Frere, de nostre bon monsieur le [54] Vicaire, car j'en sceu la nouvelle par une lettre de monsieur le premier President.

  A017000675 

 Je pense partir d'aujourdhuy en huit jours, et d'arrester trois ou quatre jours en chemin, estant prié par monsieur d'Angeville de passer [55] a La Roche pour voir certain different quil a avec ses chanoynes.

  A017000689 

 Au reste, mon cœur amoureux de la sainteté de vostre assemblee, quoy que je ne l'aye veuë qu'en passant, et plustost entreveuë que veuë, ne me permet pas de partir sans vous exhorter en Nostre Seigneur de poursuivre constamment l'execution de la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, de perfectionner de plus en plus cette vertueuse compaignie par une pure et simple privation de toute proprieté, par les exercices de la sainte orayson mentale et par une fervente frequentation des divins Sacremens..

  A017000691 

 Premierement, que le renoncement de toute proprieté et l'exacte communauté de toutes choses est un point de tres grande perfection, et qui doit estre desiré en tous les monasteres et suivy par tout ou les Superieurs le veulent; car encor que les Religieuses qui n'en ont pas l'usage en leurs maysons ne laissent pas d'estre saintes, la coustume les dispensant, si est ce qu'elles sont en extreme danger de cesser d'estre saintes, quand elles contredisent a l'introduction d'une si sainte observance tant aymable et tant recommandee par le Pere saint François et la Mere sainte Claire, et qui rend les Religions riches en leur pauvreté et parfaitement pauvres en leurs richesses, le mien et le tien estans les deux motz qui, comme disent les Saintz, ont ruiné la charité.

  A017000692 

 Certes, qui est douillet [58] de porter un linge et un drap lavé parce qu'il a esté, auparavant le lavement, porté par son frere chrestien, je ne sçay pas comme il ose dire qu'il ayme son prochain comme soy mesme; et faut qu'il ayt un grand amour propre, qui le fasse estimer si net en comparayson des autres..

  A017000694 

 Quant a l'orayson et a la frequence des Sacremens, il n'y a point de difficulté, ce me semble, sinon pour le dernier, de gaigner le Pere confesseur, affin qu'il ne se lasse pas de faire la charité aux Seurs, les oyant en confession quand il en sera requis par la Superieure..

  A017000695 

 Mays pour ce dernier point, il semble qu'il ne soit pas convenable de le demander, puisque l'ordre mis par le Concile suffit pour la satisfaction de vostre Congregation..

  A017000696 

 Et ne faut nullement recevoir les allegations au contraire; car rien ne se fait en ce monde qui ne soit contredit par les espritz minces et fascheux, et de toutes choses, pour bonnes qu'elles soyent, on en tire des inconveniens quand on veut picotter.

  A017000701 

 J'avois oublié de dire que quand le confesseur extraordinaire vient, il faut que toutes les filles se confessent a luy, affin que celles qui en ont besoin ne soyent point descouvertes et que le malin ne seme point de reproches parmi la Mayson; mais celles qui ne veulent pas prendre confiance a l'extraordinaire, pourront, avant que de se confesser a luy, faire leur confession a l'ordinaire, et par apres dire seulement quelques pechés ja confessés, a l'extraordinaire, pour servir de matiere a l'absolution..

  A017000765 

 C'est le seul sujet que j'ay maintenant, car pour le reste, a mesme que, graces a Dieu, nous sommes sans guerre, nous nous treuvons aussi sans nouvelles, hormis de nostre miserable [66] Geneve que la contagion afflige cruellement, sans qu'a 30 lieues a la ronde il y en ait aucun ressentiment; qui fait plus probable ce que plusieurs disent, qu'elle leur est venue par la puanteur de la foudre qui y tumba prodigieusement cet esté.

  A017000783 

 Ma tres chere Fille, moyennant l'ayde de Dieu, nous ferons prou; mais il faut, avec une courageuse humilité, rejetter toutes les tentations de desfiance en la tres sainte confiance que nous avons en Dieu, Certes, vous deves croire que cette charge vous ayant esté imposee par le choix de ceux a qui vous deves obeir, Dieu se mettra a vostre dextre et la portera avec vous, ains la portera, et vous aussi..

  A017000794 

 Que si nous en usons mal et que nous soyions treuvés en mauvais estat lhors que, par les causes naturelles, ....

  A017000829 

 Ma tres chere Fille, salues tendrement ma chere Seur Peronne Marie, qui est certes toute dedans mon ame, et ma Seur Françoise Hieronime (je ne vay pas par ordre), et ma Seur Marie Renee et ma Seur Anne Marie, et toutes nos autres Seurs que je n'ayme pas moins pour ne les connoistre que pour estre des servantes de Dieu et filles [tres cheres] de Nostre Dame..

  A017000877 

 Dieu, par sa bonté, commandera aux vens et a la mer, et la tranquillité se fera grande..

  A017000877 

 Je suis tout fasché des bruitz qui courent de guerre par dela souhaitant tous-jours beaucoup de bonheur a ce royaume, ou il y a tant de gens de bien.

  A017000905 

 Mais avec tout cela, ma tres chere Fille, jamais nous ne nous pouvons quitter, nous que le propre sang de Nostre Seigneur, je veux dire son amour par le merite de son sang, tient collés et unis ensemble.

  A017000906 

 Vous aves ci devant franchi plusieurs passages, et ç'a esté par la grace de Dieu; la mesme grace vous sera presente en toutes les occasions suivantes, et vous delivrera des difficultés et mauvais chemins l'un apres l'autre, quand il devroit envoyer un Ange pour vous porter es pas plus dangereux..

  A017000934 

 Sur la recommandation qu'il a pleu a Vostre Altesse de me faire en faveur du sieur du Chatelard, qui me [83] tient lieu de commandement, j'eusse grandement desiré de le pouvoir prouvoir du benefice qu'il praetendoit; mays d'un costé, il n'estoit pas en moy d'en disposer, puisque le Chapitre de mon eglise en avoit la nomination, et d'autre part, tant ledit Chapitre que moy, ne pouvons en sorte quelcomque nous departir des ordonnances du Concile de Trente, que nous avons juré d'observer; et elles ne nous permetent pas de distribuer les benefices curés que par le concours au plus capable, et faysans le contraire, nous nous exposerions a la disgrace de Nostre Seigneur et a la damnation.

  A017000951 

 Or il a desiré un passeport et sauf-conduit de moy aupres de vous, [85] par ce que le bonhomme son beaupere luy a dit que vous m'avies confié l'asseurance que vous pouves prendre de son amendement: qui m'a aussi fait entendre que je pouvois seul donner ouverture a son restablissement en vostre service.

  A017000951 

 Voyla qu'en fin le sieur de Barraux, repentant des il y a long tems, et corrigé de sa faute par le loysir et les raysons qui luy ont bien fait sentir le devoir quil a de vivre sage et sous-mis a vostre obeissance, il s'en va se jetter sous vostre protection, hors delaquelle il connoist bien quil ne peut bonnement durer.

  A017000952 

 On asseure que jusques a present il est mort bien six mille personnes de ce mal, lequel par miracle ne s'est comme point espanché sur la Savoye..

  A017000972 

 Il y a bien asses long tems que je n'ay point eu de nouvelles de ma seur madame de Grandmayson, mais j'en tireray un de ces jours, Dieu aydant, en luy escrivant par la commodité de Lion.

  A017000992 

 Des l'advenement de Monseigneur l'Archevesque de Lion en sa charge, il m'escrivit une lettre de faveur, par laquelle il me conjuroit d'entrer en une sainte amitié avec luy, a la façon des anciens Evesques de l'Eglise, qui [88] n'avoyent qu' un cœur et qu' une ame et qui, par la reciproque communication des inspirations qu'ilz recevoyent du Ciel, s'entr'aydoyent a supporter leurs charges, mais principalement quand ilz estoyent voysins les uns des autres.

  A017000993 

 Et luy, par sa courtoysie, a voulu contreschanger ma visite sur l'occasion de celle qu'il faysoit de son diocese, a Lagnieu, Saint André, Groslee et autres lieux qui en dependent, esquelz il avoit des-ja gaigné une journee des trois qu'il y a d'icy a Lion.

  A017000998 

 Je me prometz de la faveur de Vostre Excellence que Son Altesse demeurera parfaitement satisfaitte, et que rien ne se sçaura de cet ombrage, qui affligeroit le bon Monseigneur de Lion beaucoup plus qu'il ne m'afflige pas moy, qui, par la suitte du tems et les evenemens, seray tous-jours reconneu tres asseuré et tres fidele serviteur de Son Altesse, a laquelle je souhaitte toute sainte prosperité.

  A017001007 

 Voyla bien des lettres que j'ay ouvertes par ce que je suis vostre filz de confiance.

  A017001017 

 Tandis que j'estois avec vous moymesme au parloir, [92] M. de Monthouz me vint chercher, ce que je ne seu qu'en soupant; et lhors je luy envoyay un billet par lequel je le priois ne point partir quil ne vous parlast, affin d'arrester des affaires de sa cousine.

  A017001028 

 Mays je serois bien ayse de le sçavoir de vous mesme, pour, par apres, en oster plus hardiment la compassion de ceux qui vous plaignent extremement sur ce sujet et en tirent des consequences a leur gré.

  A017001032 

 Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de la Mère Favre, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.

  A017001061 

 Certes, aussi par un mesme moyen, je serois bien ayse si nous pouvions mettre bien cet enfant avec sa mere, a laquelle je souhaite une tres douce paix pour la consolation du reste de sa vie.

  A017001061 

 Et par ce qu'a l'aventure elle craindra de laisser Bassin, de peur que monsieur de Bressieu son filz n'y aille faire quelque passade, j'ay tiré promesse de luy quil ne bougera point tandis qu'elle sera de deça, de quoy encor monsieur de Montmeilleur est garand.

  A017001061 

 Faites moy la grace, ma tres chere Fille, de faire un peu sçavoir tout ceci a cette chere seur, de vostre part et de la mienne, car je n'ay nul loysir de luy escrire a present, ayant a faire un despeche a Thonon par nostre bon monsieur de Blonnay..

  A017001061 

 Mays je tarde d'aller a Chamberi, pour voir si nous pourrions accomoder a l'amiable le différend criminel qu'elle et messieurs ses enfans ont avec Charriere, par ce qu'au prealable, je voudrois [97] qu'entre nous autres nous eussions pris les resolutions convenables a cela, affin qu'a faute de ce, je ne fusse pas contraint de demeurer longuement a Chamberi, ou je ne puis guere estre sans incommoder mes affaires.

  A017001062 

 Certes, je ne luy ay point fait de declaration, mais je ne laisse pas en mon ame de le hair a mort, par ce quil hayt a mort l'esprit de Dieu et les enfans du Crucifix.

  A017001062 

 Pour moy, j'en seray tous-jours accusé, et si, je n'en puis mays; car encor que je prendrois a grand honneur d'avoir servi Dieu en cela, si est ce que sa Bonté a voulu le faire elle mesme, par des inspirations venues de sa Providence dans ces ames lhors que la mienne n'y pensoit point, et a la premiere connoissance que j'en ay eu, j'ay intimé le loysir et la dilation, pour voir si c'estoit bien des inspirations.

  A017001076 

 Graces a Dieu, nous voyons que sa divine Providence s'en veut servir pour le bien de plusieurs ames en divers endroitz, ou l'on desire cette Congregation, laquelle par miracle est fœconde, ce semble, au propre instant de sa naissance.

  A017001078 

 Si la peine vous tient au sentiment, comme il me semble que vous le signifies, changes d'exercice corporel quand vous en seres pressee; si vous ne pouves bonnement changer d'exercice, changes de place et de posture: cela se dissipe par ces diversités.

  A017001114 

 Sur les plaintes que l'on a fait de moy, je croy d'estre obligé a vous respondre non seulement par la voix de ces messieurs, qui m'ont parlé de la part de Vostre Excellence, mais encor par ma plume.

  A017001128 

 Et par ce que c'est de la part de Vostre Altesse que cela m'est enjoint, c'est a elle aussi a laquelle maintenant je m'addresse, conjurant en toute humilité sa douceur et bonté de croire que j'ay respondu en cett'occasion avec toute franchise et simplicité.

  A017001128 

 Que si, ou ce seigneur, ou autre quelcomque m'eut parlé de chose qui eut tant soit peu regardé le service ou les affaires de Vostre Altesse, ou mesme de chose d'Estat, je n'eusse point attendu de semonce pour la faire sçavoir; car de moy mesme, par le mouvement de mon inviolable fidelité envers la couronne de Vostre Altesse de laquelle je suis sujet, j'eusse promptement rendu le devoir auquel la nature et le serment que j'ay presté m'obligent.

  A017001129 

 J'ay si souvent experimenté la debonaireté et equité de Vostre Altesse en toutes les occurrences esquelles la calomnie a osé entreprendre sur mon innocence et candeur, que je demeure fort paysible en celle ci, puisque mesme le tems, garend et protecteur de la verité, a des-ja fait voir par longues annees, que je suis inviolable et immobile en la resolution que Dieu a establie en moy de ne vivre qu'a ma profession et, en icelle, avoir tous-jours le cœur dedié a l'obeissance de Vostre Altesse, a laquelle souhaitant sans fin mille et mille benedictions, je demeure,.

  A017001159 

 Et puisqu'elle ne peut pas aller a La Thuille, pour peu qu'elle nous en donne la commodité, nous ferons venir une partie de La Thuille icy; et je dis une partie, par ce que le petit enfant, qui est le plus beau garçon du monde, n'a garde de vouloir venir en ce tems..

  A017001159 

 J'attendray donq ma chere seur M me de Bressieu, qui ne m'oblige pas peu de venir, m'ostant par ce moyen de la necessité d'aller a Chamberi, ou je ne pouvois aller sans beaucoup [111] d'incommodité.

  A017001174 

 C'est mon extreme consolation de sçavoir que ma grande Fille marche avec sa petite trouppe selon la divine volonté, ne se lassant point d'avancer en la divine dilection par un soin constant et paysible, parmi ces cheres ames que Dieu a choisies pour son honneur..

  A017001177 

 Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de la Mère Favre, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.

  A017001201 

 Mon Dieu, que ce mystere est doux! Le premier ravissement de vostre saint Bernard fut d'une vision d'iceluy, et par ce moyen il rendit son cœur et sa bouche pleine du lait de la Sainte Vierge et des larmes de ce doux petit Enfant..

  A017001213 

 Ce doux Enfant soit a jamais la vie de vostre cœur, ma tres chere Fille, que je cheris nompareillement, et qui est tous-jours present au mien, tant il plaist a Dieu que mon affection se fortifie par cette petite separation de bien exterieur..

  A017001223 

 Je fay en partie ce que M. le Superieur et vous aves desiré, et ne me fusse pas arresté la, n'eust esté qu'hier, ceux qui ont esté employés pour vostre affaire m'y vinrent obliger par leurs remonstrances.

  A017001266 

 En attendant, je me réjouis extrêmement que M. Nicolas soit resté, persuadé qu'il effacera par l'intégrité de sa vie ses erreurs passées.

  A017001282 

 Et par ce quil me dit que vous luy avies dit que la petite n'en sçavoit encor rien, ni personne, sinon mon frere de Thorens et moy, je le laissay en cette opinion.

  A017001306 

 Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de la Mère Favre, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy..

  A017001332 

 Tenes vos yeux arrestés a cette sainte eternité [129] a laquelle nous allons par la course de ces annees, qui, passant, nous passent comme de poste en poste, jusques a cette fin-la.

  A017001333 

 Il ne se peut dire, Monsieur mon Filz, combien j'ay de consolation de sçavoir que monsieur vostre frere, ce digne et brave seigneur qui vous tient lieu de cher enfant, est enfin marié; car je ne doute point que cela ne luy soit un grand moyen pour bien servir Dieu, a quoy il est asses porté par la generosité de son courage, outre que je m'imagine que vostre contentement, Monsieur, en est grand.

  A017001355 

 Nostre Geneve est tous-jours dangereusement travaillee de contagion, et, par merveille, jusques a present toute la Savoye en est exempte, graces a ce bon Dieu qui, a l'adventure, par la peste temporelle, les veut guerir de la spirituelle, ou bien les prendre du costé du Ciel, puisque du costé de la terre, les hommes s'en empeschent les uns les autres..

  A017001386 

 Je desire que le zele de la tres grande gloire de Dieu arde et regne continuellement en vostre cœur, et qu'en [134] toute occasion il paroisse par modestie, douceur, humilité et devotion.

  A017001423 

 Et sur deux partis quil me propose, hors desquelz il ne veut nullement establir nostre pauvre Congregation en son diocæse, je luy laisse le choix sans reserve quelcomque, hormis celle de la principale fin de nostre Congregation: que les vefves, au moins en leur habit vidual, y puissent estre par maniere de retraitte jusques a ce que, desfaites de tous empeschemens, elles puissent faire la proffession et prendre l'habit; et que les femmes du monde y puissent avoir entree, pour s'exercer et resoudre a la devotion, selon les occurrences..

  A017001424 

 Mays, puisque du bon accueil que Monseigneur l'Archevesque fera a cette Congregation en sa ville depend celuy qu'elle peut prætendre en toute la France, j'acquiesce que l'on en face une Religion formelle, a la reserve de ces deux pointz sus marqués, puisque, comm'il dit, on ne changera rien aux Regles, quil loue et proteste estre « excellentes », car c'est son mot, que le fruit de cette Congregation est admirable, mais que la racine n'en vaut rien; combien que Nostre Seigneur die qu' un mauvais arbre ne sçauroit produire bon fruit. Je voy aussi que, par ce moyen, on contentera une quantité de censeurs, et les peres et parens des filles qui ne les veulent pas donner a Dieu que pour gaigner les portions qu'elles emporteroyent silz les donnoyent a quelque chetif mari..

  A017001425 

 Mays, de bon cœur (voyes vous, ma Fille, je dis tres suavement), j'acquiesce que ce soit une Religion, pourveu que, par la douceur des Constitutions, les filles infirmes y soyent receues, les femmes vefves y aient retraitte, et les femmes du monde quelque refuge pour leur avancement au service de Dieu.

  A017001427 

 Joint qu'en Italie, sur tout a Romme, l'esprit des femmes y est tellement soupçonné, que non seulement on ne permet pas aux hommes de parler aux Religieuses a la treille sans expresse et tres rigoureuse licence, mais mesme on ne le permet pas aux femmes sans cette mesme licence; on rie permet pas aux prestres, [140] quelz qu'ilz soyent, fussent ilz Jesuites, Capucins et tout ce qu'on voudra, d'y aller dire Messe, s'il n'a licence par escrit.

  A017001427 

 Or, de deça, les Carmelines mesme ne font pas ces misteres, par ce que les meurs et humeurs ne requierent pas tant de barricades ni de desfiances.

  A017001448 

 Nous prierons a cett'intention; et je m'en vay aujourd'huy a Mionnaz, d'ou je repasseray vers vous tout en passant, au retour, affin de visiter vostre malade, et rendray par mesme moyen le compliment avec M. le Comte qui est gueri.

  A017001477 

 Vous l'ouires un peu sur la fin, et madame la Comtesse, a laquelle j'ay bien envie de donner de la moderation en ses affections, selon le besoin que j'en voy par la demesuree ardeur qu'ell'a en la sollicitation de faire M. Nacot, vicaire.

  A017001539 

 J'appreuve bien que vous envoyes vostre filz faire la reverence a Son Excellence, puisque elle ne vous fait nulle response, ni a moy, a qui neanmoins ell'a respondu sur un'autre point dont je luy escrivois; et selon que vous la verres inclinee, vous pourres par apres recourir a Son Altesse, tandis que la memoire est fraische du defunct..

  A017001570 

 Il y a deux ans que par commandement de Vostre Altesse les Peres Barnabites ont esté receus en cette ville pour la direction du college, et ne se peut dire combien de fruit spirituel ilz y ont fait et en toute cette province; qui a donné un grand sujet aux gens de [153] bien de souhaiter plus ardemment toute sorte de prosperité a Vostre Altesse, de laquelle l'authorité nous avoit prouveus de ce bonheur..

  A017001571 

 Ce college est extremement pauvre pour la grandeur des charges qui y sont; et si on ne le secourt par addition de quelques revenus, ces bons Peres y vivront avec tant d'incommodités, que non seulement ilz ny pourront pas faire les progres que leur pieté et les necessités de ce païs requierent..

  A017001571 

 Mais, Monseigneur, puisque la providence de Vostre Altesse a planté ce bon arbre fruitier en cette province, c'est a elle mesme de l'arrouser, affin que, par la grace de Dieu, il puisse croistre.

  A017001572 

 Or, les moyens de leur accommodement seront fort aysés, pour peu quil playse a Vostre Altesse d'affectionner cette sainte œuvre; car nous avons icy deux prieurés ruraux, dont le plus grand n'excede pas la valeur de cent ducatz annuelz, par l'union desquelz ce college seroit fort soulagé.

  A017001573 

 L'un de ces prieurés s'appelle Silingie et l'autre Saint Clair, tous deux a une lieuë d'icy, fort propres [154] a l'intention que je represente a Vostre Altesse, laquelle je supplie tres humblement, et sous l'adveu de sa bonté je la conjure, par l'amour qu'elle porte au service de Dieu et de l'Eglise et par la paternelle affection qu'elle a envers ce païs, de vouloir estroittement embrasser et presser le bien de ce pauvre college, qui est au cœur de la Savoye et vis a vis, comme antagoniste, de celuy de Geneve, et qui est la premiere retraitte que cette venerable Congregation des Peres Barnabites a eue deça les monts, sous les favorables auspices de Vostre Altesse, laquelle en aura beaucoup de gloire en ce monde entre les serviteurs de Dieu, et en l'autre encor davantage entre les Anges et les Saintz de Paradis.

  A017001603 

 Combien suave a été pour moi la charité sainte de Votre Seigneurie Illustrissime, puisqu'elle a daigné garder le souvenir d'un [156] sujet aussi indigne que je le suis, et m'en donner un si précieux témoignage par le présent sacré des vénérables reliques du grand saint Charles, reçues par l'entremise de Monseigneur de Belley, Prélat de grande vertu.

  A017001603 

 Je vous donnerai néanmoins une agréable nouvelle, Monseigneur: dans ces pays et par toute la France, la [157] gloire et le culte de ce bienheureux Saint s'accroissent et s'étendent merveilleusement, et sa parfaite sainteté est toujours plus admirée et estimée..

  A017001605 

 Aussi, baisant très humblement vos mains sacrées [158] et vous souhaitant toute vraie prospérité, je termine par la protestation de vouloir demeurer à jamais,.

  A017001616 

 L'amour propre, l'estime de nous mesmes, la fause liberté de l'esprit, ce sont des racines qu'on ne peut bonnement arracher du cœur humain, mais seulement on peut empescher la production de leurs fruitz, qui sont les pechés; car leurs eslans, leurs premieres saillies, leurs rejetons, c'est a dire leurs premieres secousses ou premiers mouvemens, on ne peut les empescher tout a fait tandis qu'on est en cette vie mortelle, bien qu'on puisse les moderer, et diminuer leur quantité et leur ardeur par la prattique des vertus contraires, et sur tout de l'amour de Dieu.

  A017001620 

 Cela ne doit point estre combattu que par des eslans en Dieu, des diversions d'esprit de la creature au Createur, et avec de continuelles affections a la tres sainte humilité et simplicité de cœur..

  A017001631 

 Voyla Tolose qui veut de nos Filles de Sainte Marie, Moulins, [162] Riom, Montbrison, Reims; et c'est grand cas, par tout l'on veut la Mere..

  A017001634 

 original des Mémoires, etc., par la Mère de Chaugy, conservé à la Visitation d'Annecy..

  A017001641 

 Ainsy que je pensois vous renvoyer vos papiers [163] par mon laquay, ma tres chere Fille, ces deux cousins arriverent, qui en seront les porteurs.

  A017001642 

 Elles sont toutes deux fort affectionnees a nostre Visitation, et en seront, l'une par effect, comme je pense, estant libre, et l'autre d'affection, estant retenue par ses enfans.

  A017001662 

 Or, je ne dis pas que si vous vous treuves en devotion pour communier tous les huit jours, vous ne le puissies faire, et sur tout, si vous remarques que par ce sacré mistere vos inclinations fascheuses et les imperfections de vostre vie s'aillent diminuant; mais je vous ay marqué de quinze en quinze jours affin que vous ne differies pas davantage..

  A017001663 

 Faites vos exercices spirituelz courtement et fervemment, affin que vostre naturel ne soit point difficile a vous y rendre par l'apprehension de la longueur, et que, petit a petit, il s'apprivoyse avec ces actes de pieté.

  A017001663 

 Or, pour le faire courtement, vous pourres en vous habillant remercier Dieu, par maniere d'oraysons jaculatoires, dequoy il vous a conservee cette nuict la, et faire encor le deuxiesme et le troysiesme point, non seulement en vous habillant, mays au lit ou ailleurs, sans difference de lieu ou d'actions quelcomques; puis, tout aussi tost que vous pourres, vous vous mettres a genoux et feres le quatriesme point, commençant a faire cet eslan de cœur qui est marqué: « O Seigneur, voyla ce pauvre et miserable [167] cœur.

  A017001663 

 Par exemple, vous deves inviolablement faire tous les matins l'exercice du matin qui est marqué en l' Introduction.

  A017001663 

 » J'en dis de mesme de l'examen de conscience, que vous pouves faire le soir en vous retirant, par tout ou vous vous treuveres, pourveu qu'on face le troysiesme et quatriesme point a genoux, tandis qu'aucune maladie ne vous empesche..

  A017001667 

 Les aumosnes qui se font chez vous, soyent aussi faites par vous tous-jours, quand vous le pourres; car c'est un grand accroissement de vertu que de faire l'aumosne de sa main propre, quand il se peut bonnement faire..

  A017001682 

 Quant a la façon avec laquelle vous vous deves comporter en l'administration des biens delaissés par feu monsieur vostre mari (que Dieu absolve), monsieur de Charmoysi m'a dit que vous en avies pris toutes les resolutions convenables, et que vous feries un inventaire non solemnel pour plus grand esclarcissement de vos droitz, affin qu'a l'advenir rien ne vous fut imputé.

  A017001717 

 Vostre Altesse fera sans doute en cela un'oeuvre grandement aggreable a la divine Majesté, et laquelle il me semble que le bienheureux esprit du glorieux Prince Amé luy recommande des le Ciel tres saintement; estimant que, comme par ses prieres Dieu fortifia le cœur de Son Altesse pour establir la foy en ce lieu la, aussi, par ses merites, Dieu animera l'esprit de Vostre Altesse pour ayder efficacement a y bien establir la tressainte devotion par le moyen de ces bons Religieux, qui assisteront et arrouseront les vieux arbres affin quilz multiplient en fruitz de pieté, et esleveront les enfans comme jeunes plantes a ce que la posterité devance, s'il se peut, leurs prœdecesseurs, et sachent tant mieux reverer leur saint Prince Amé et obeir en toute sousmission au sceptre et a la coronne qu'il a laissé en sa serenissime Mayson, que Dieu veuille a jamais prosperer,.

  A017001731 

 Vostre Altesse ayme sans doute le pauvre Thonon; aussi est il doublement sien, d'autant qu'elle en est le souverain Prince, et par ce qu'elle luy a donné une nouvelle vie par le soin paternel qu'elle eut de remettre tout ce peuple dans le sein de l'Eglise: obligation non seulement immortelle, mais eternelle, puisque elle regarde un bienfait qui doit durer es siecles des siecles..

  A017001732 

 Or, Monseigneur, pour la perfection de ce saint ouvrage, Vostre Altesse me commanda, il y a environ un an, de procurer l'introduction des Peres Barnabites en ce lieu, et cela reuscit par le moyen de la remise que la Sainte Mayson fit du prieuré de Contamine auxditz [176] Peres.

  A017001760 

 Vous pouves jurer, ma tres chere Fille, en saine conscience, puisque ce que vous dites est vrayement vostre et que les juges ne vous peuvent demander le serment que pour les choses laissees par le mary, qui sont a luy; et vous n'estes aussi obligee de respondre que sur cela.

  A017001790 

 Je vous escris par le sieur Gilette, et ay mis avec cela trois lettres pour les Princes, en leur recommandant les affaires de Thonon et Contamine.

  A017001809 

 J'adjouste le continuel commerce de ceux de Geneve, qui leur donnera commodité de s'edifier par la residence des bons Religieux qu'ilz y verront.

  A017001809 

 Le desir ardent de la ville de La Roche, tesmoigné par les lettres ci jointes, a esté longuement desiré par moy qui ay tous-jours creu que si vous avies un convent en ce lieu la, vous en auries autant de contentement que de nul autre que vous puissies avoir de deça, puisque l'air y est extremement bon, le voysinage fertile et abondant en force bons villages, au passage de Thonon en [182] cette ville, esloigné de quatre lieües de tout autre convent de mendians, et ou, en verité, j'ay reconneu le peuple extremement enclin a la devotion.

  A017001810 

 C'est pourquoy, contribuant mes vœux a ceux de ce bon peuple, je vous supplie, et les Peres de la Province, de vouloir accepter les bonnes volontés presentes et d'en moyenner les effectz par les voyes convenables, affin qu'au plus tost on voye reuscir ce projet, plus desiré qu'il ne se peut dire et, comme je pense, grandement desirable.

  A017001837 

 La charité et bonté que Vostre Altesse a tesmoignee envers ces bons peuples de deça, par le soin qu'elle a eu de faire reuscir les projetz de l'introduction de l'art de la soye en ces pais et des Peres Barnabites a Thonon, ne peut jamais estre asses dignement remerciee.

  A017001853 

 J'ay receu la lettre de Son Altesse, par laquelle elle tesmoigne d'aggreer que je face les sermons du Caresme venant a Grenoble, et ay veu par celle qu'il vous a pleu m'escrire, le soin que vous aves eü de lire ce que j'escrivois a sadite Altesse sur le sujet de la venue de Monseigneur l'Archevesque de Lyon en cette ville; dont je vous rens graces, Monsieur, d'autant plus affectionnement et humblement, que ces bons offices n'ont origine que de vostre bonté et courtoysie, laquelle je vous supplie de vouloir exercer en toutes telles occasions qui m'arrivent plus souvent que je ne desirerois pas, plusieurs Praelatz de France me faysant l'honneur de m'aymer et de me vouloir visiter, encor qu'ilz ne me connoissent pas, ains peut estre par ce qu'ilz ne me connoissent pas..

  A017001854 

 Et en verité, onques il ne m'est advenu d'avoir esté seulement essayé par homme qui vive, ni qui ayt esté, de ce costé lâ; qui me rend d'autant plus estonné quand on me dit que les visites de ces seigneurs ecclesiastiques sont considerees comme suspectes, ne pouvant seulement deviner ni pourquoy ni en quoy, puisque mesme je suis en toutes façons savoyard, et de naissance et d'obligation, qui n'ay, ni n'eu jamais, ni pas un des [186] miens, ni office, ni benefice, ni chose quelcomque hors de cet Estat, et qui ay vescu tellement lié aux exercices ecclesiastiques, qu'on ne m'a jamais treuvé hors de ce train, et qui suis meshuy tantost envielly dans la naturelle et inviolable fidelité que j'ay voüee et juree a Son Altesse..

  A017001856 

 Tout cela, Monsieur, sont offices d'amitié, de civilité et de pieté rendus a la bonne foy par ces Praelatz, et que je ne puis empescher par aucune sorte de legitime prætexte, puisque je n'oserois seulement penser de leur faire semblant de la peine que mon esprit a dequoy leur visite me fait regarder.

  A017001856 

 Vostre charité, Monsieur, me protegera, sil luy plait, et je l'en conjure par celle de Nostre Seigneur, que je supplie vous estre propice et vous combler de ses benedictions, demeurant pour tous-jours,.

  A017001885 

 Je receu l'autre jour une lettre de monsieur le Marquis d'Aix, par laquelle il me dit que le sieur Charriere se resoult a vous rendre toutes les satisfactions possibles, telles qu'elles seront advisees par ceux qui prendront la peine de vouloir terminer l'affaire; et que sur cela, il vous avoit fait prier de vouloir ouïr les propositions, selon que je luy avois fait entendre que vous les ouïries, et feries ce que vos principaux parens et amis vous conseilleroyent; qui est, a mon advis, ce que nous resolusmes lhors que nous eusmes le bien de vous voir.

  A017001907 

 Demain je vay consoler madame la Comtesse de Tornon sur le trespas de son mari, y estant obligé par le parentage qui est entre nous et par les obligations que j'ay a la memoire du decedé.

  A017001908 

 Les desirs de la premiere sorte s'expriment ainsy: Je desirerois de faire, par exemple, l'aumosne, mais je ne la fay pas, par ce que je n'ay pas dequoy.

  A017001909 

 Et ces desirs ne sont pas empeschés par l'impossibilité, mais par la lascheté, tiedeur et defaut de courage; c'est pourquoy ilz sont inutiles et ne sanctifient point l'ame, ni ne donnent nul accroissement de grace: dont saint Bernard dit que l'enfer en est plein..

  A017001910 

 Par exemple, nul serviteur de Dieu ne peut estre sans ce desir: O que je desirerois bien de mieux servir Dieu! helas! quand le serviray-je a souhait? Et par ce que nous pouvons tous-jours aller de mieux en mieux, il semble que les effectz de ces desirs ne sont empeschés que faute de resolution; mays il n'est pas vray, car ilz sont empeschés par la condition de cette vie mortelle, en laquelle il ne nous est pas si aysé de faire que de desirer.

  A017001911 

 Mays quand en particulier il se presente quelque occasion de profiter, et en lieu d'en venir a l'effect on en demeure au desir, comme par exemple: il se presente occasion de pardonner une injure, de renoncer a la propre volonté en quelque particulier sujet, et en lieu de faire ce pardon ou renoncement, je dis seulement: Je voudrois bien pardonner, mais je ne sçaurois; je voudrois bien renoncer, mais il ny a moyen; qui ne void que ce desir est un amusement, ains quil me rend plus coulpable d'avoir une si forte inclination au bien et ne la vouloir pas effectuer? Et ces desirs ainsy faitz semblent estre de la premiere sorte, et sont de la seconde..

  A017001913 

 Car, ma tres chere Fille, de vouloir pour ces sales representations quiter la meditation de la Mort et Vie de Nostre Seigneur, ce seroit faire le jeu de l'ennemi, qui tasche par ce moyen de nous priver de nostre plus grand bonheur.

  A017001913 

 Celles qui sont tendres des imaginations messeantes, es meditations de la Vie et de la Mort du Sauveur, doivent, tant qu'elles peuvent, se representer les misteres simplement par la foy, sans se servir de l'imagination.

  A017001913 

 Et lhors que les imaginations deshonnestes veulent naistre, il faut se revancher et destourner par des affections procedantes de la foy.

  A017001913 

 Il faut donq gauchir et se destourner ainsy par le moyen de la simple foy..

  A017001913 

 Par exemple: Mon Sauveur a esté crucifié, c'est une proposition de la foy; il suffit que je l'apprehende simplement, sans m'imaginer comme son cors pendoit sur la croix.

  A017001914 

 En verité, j'escris sans haleine, mais vous suppleeres par vostre douceur.

  A017001934 

 J'escriray ce soir a M. Bonfilz, par le seigneur [194] Roc, du sujet que vous desires, et parleray a M. de Monregard si tost que je pourray le voir.

  A017001935 

 Mays il se faut garder, tant que vous pourrés, de contrister personne par vos responses, ains il faut tascher de rendre rayson a un chacun des refus ou retardemens que vous estes contrainte de faire.

  A017001950 

 Ce matin le sieur Roch est parti de cette ville, ma tres chere Fille, et j'ay escrit par luy a M. Bonfilz, qui est a Lagnieu, pour vostre affaire, puisqu'il n'y a pas apparence de le voir si tost, et ledit sieur Roch m'a dit quil y contribueroit son credit..

  A017001967 

 Les Peres Barnabites sont establiz a Tonon; reste de les y conserver, et pour cela il est requis que le prieuré de Contamine, sur lequel leur entretenement est principalement assigné, soit mis en asseurance pour eux et delivré de la conteste que le seigneur Abbé Scaglia en fait; ce que la prudence de Vostre Altesse fera fort aysement par les moyens convenables.

  A017002004 

 Elles vivent toutes ensemble et en communauté, sous l'obéissance d'une Supérieure élue par elles tous les trois ans; observent strictement cette obéissance, s'adonnent [199] chaque jour à l'oraison mentale, font visiter et secourir avec une charité incroyable, par quelques-unes d'entre elles, les pauvres femmes malades de la ville.

  A017002005 

 Or, Sa Sainteté a accordé à ces Dames et Sœurs certaines Indulgences, que je n'ai cependant pas voulu faire publier, parce qu'il [200] m'a semblé qu'elles avaient été concédées comme si cette Congrégation eût été une Association, Confrérie ou Compagnie de femmes vivant chacune dans sa maison; ce qui n'est pas, car elles demeurent au contraire toutes ensemble, avec une observance religieuse telle, qu'on ne saurait, même par la pensée, imaginer une fidélité plus pure et parfaite en chasteté, obéissance et pauvreté qui réduit tout en commun.

  A017002025 

 Le sens humain veut avoir part en tout ce qui se passe, et il s'ayme tant, qu'il luy est advis que rien n'est bon s'il ne s'en est meslé; l'esprit, au contraire, s'attache a Dieu et dit souvent que ce qui n'est pas Dieu ne luy est rien, et comme il prend part aux choses qui luy sont communiquees, par charité, aussi quitte-il volontier sa part es choses qui luy sont celees, par abnegation et humilité..

  A017002027 

 Je suis une pauvre chetifve cadette qui, par ma condition naturelle, suis craintifve, honteuse et desfiante de moy mesme, et pour cela, je voudrois bien qu'on me laissast vivre selon cette inclination, a part, parce qu'il faut faire beaucoup de violence a cette honte impertinente que j'ay et a cette crainte superflue.

  A017002039 

 Et par son advis, vous presenteres ces cahiers a monsieur Meschatin la Faye, vicaire general en l'archevesché de Lion, et a d'autres Docteurs; car, comme je me connois et suis tres fautif, et que j'ay peu [209] de loysir pour revoir mes petitz ouvrages, certainement je desire et supplie tres instamment qu'ilz soyent veus a loysir et charitablement examinés par les doctes serviteurs de Dieu..

  A017002100 

 Mais, ma tres chere Mere, entrejettés, [214] je vous prie, quelques actions de vostre part, par maniere d'oraysons jaculatoires, en approbation du despouillement, comme par exemple: Je le veux bien, Seigneur, tirés, tirés hardiment tout ce qui revest mon cœur.

  A017002110 

 O que bienheureux fut Joseph l'ancien, qui n'avoit ni boutonné ni aggrafé sa robbe, de sorte que, quand on le voulut attraper par icelle, il la lascha en un moment..

  A017002124 

 N'ayes plus d'autres bras pour vous porter que les siens, ni d'autre sein pour vous reposer que le sien et sa providence; n'estendes vostre veuë ailleurs et n'arrestes vostre esprit qu'en luy seul; tenes vostre volonté si simplement unie a la sienne en tout ce qu'il luy plaira faire de vous, en vous, par vous et pour vous, et en toutes choses qui sont hors de vous, que rien ne soit entre deux.

  A017002141 

 Mays neanmoins, ce divin Sacrement est principalement institué affin que nous receussions le cors et le sang de nostre Sauveur, avec sa vie vivifiante: comme les habillemens couvrent principalement le cors de l'homme, mais parce que l'ame est unie au cors, ilz couvrent par consequent l'ame, l'entendement, la memoire et la volonté.

  A017002141 

 Qui reçoit la tressainte Communion, il reçoit Jesus Christ vivant: c'est pourquoy son cors, son ame et sa divinité sont en ce divin Sacrement; et d'autant que sa divinité est celle la mesme du Pere et du Saint Esprit, qui ne sont qu'un seul Dieu avec luy, qui reçoit la tressainte Eucharistie reçoit le cors du Filz de Dieu et, par consequent, son sang et son ame, et par consequent, la tressainte Trinité.

  A017002166 

 Je m'asseure que nostre Mere vous escrira qu'il faut faire traitter Charles par les medecins, affin que l'enfleure de son ventre ne prenne pas suite; pour le reste, il se porte bien..

  A017002188 

 Je vous remercie bien humblement de la souvenance que vous aves de moy, tesmoignee par vostre lettre et vostre beau present, lequel certes, estant de prix, j'ay disputé en mon esprit si je devois l'accepter; et ne l'eusse nullement fait, si ce n'eut esté de peur de contrister vostre charité, laquelle neanmoins en cela je treuve excessive et vous supplie de la moderer, au moins envers moy, qui, au demeurant, vous porteray a jamais dedans mon esprit pour vous souhaiter le comble de toutes benedictions, et a tout ce que vous cherisses le plus..

  A017002243 

 Le P. Commissaire vous escrit la ci jointe par laquelle vous verres ce quil desire..

  A017002246 

 Je vous escris par cette mauvaise commodité qui me presse sans merci.

  A017002259 

 Vous verres par ces deux lettres le petit empressement que M me de la Flechere a pour marier son neveu a nostre fille; il luy est advis qu'il ne faut qu'estre filz de nostre Mere pour estre bien heureux.

  A017002272 

 Pour l'absolution de vos pechés de tant d'annees que vous me demandies, ma tres chere Fille, vous deves sçavoir que Dieu, par sa bonté, les aura effacés au mesme instant que vous luy voulustes donner vostre cœur, par la resolution que son inspiration vous fit prendre de ne vivre plus que pour luy.

  A017002283 

 Et vous treuveres les lettres et la Præface mesme de longue datte, par ce que tout estoit prest des la veille de saint Pierre, que le mesme voiturin devoit partir, mais alla despuis retardant jusques a mardi passé; et si j'eusse treuvé commodité plus tost, la chose eut encor esté plus avancée.

  A017002283 

 Je suis marri de la peine en laquelle monsieur Rigaud s'est mis pour la Præface, que je m'asseure vous aurés recëue des maintenant par un voiturin qui porte une charge de soye a M. Magnin, qui m'a promis de faire rendre le paquet soudain quil seroit arrivé.

  A017002293 

 J'ay sceu la courtoysie que M. Rigaud use a l'endroit des serviteurs de ceans; cela m'oblige fort, mais j'ay peur quil n'en face trop, et cela me tiendra retenu a ne demander pas certains autres livres que je desirois, lesquelz je ne sçaurois pas cotter par ce que je ne sçai pas leur tiltre, dautant que ça esté le P. Grangier qui m'en a donné l'envie lhors quil passa icy..

  A017002295 

 Je vous escrivis pour avoir un petit Combat spirituel [236] de ceux qui sont imprimés a Paris, par ce que tout y est, car si ilz estoit (sic) imprimés a Lyon avec tout le mesme, ce me seroit tout un..

  A017002330 

 Illustrissime et Révérendissime Seigneur, et par moi très vénéré dans le Christ,.

  A017002333 

 Par contre, à des heures diversement et convenablement réparties le long de la journée, elles récitent ensemble, au chœur, le petit Office de la Bienheureuse Vierge, et avec un chant si heureusement adapté aux règles de la piété, qu'il serait difficile de dire si la douceur l'emporte sur la gravité, ou la gravité sur la douceur.

  A017002336 

 Les devoirs religieux qui remplissent leur vie n'ont que trois [241] particularités, mais qui leur tiennent extrêmement à cœur, et dont la concession par le Siège Apostolique enlèverait à ce changement d'état tout ce qu'il pourrait avoir de dur ou d'amer.

  A017002337 

 En outre, ce petit Office de la Sainte Vierge est par elles récité avec une scrupuleuse observance des tons, accents et pauses, ce qu'elles ne pourraient absolument pas s'il leur fallait réciter un Office plus long.

  A017002339 

 Et voici la raison de ce désir: telle est, dans ces pays-ci, la liberté hardie des hommes à harceler les veuves, même les plus pieuses, de leurs conversations et provocations mondaines, que celles qui veulent pratiquer la véritable viduité, ont de la peine à le faire en toute sécurité; à quoi on obvie très heureusement par ce moyen.

  A017002339 

 L'obéissance et la clôture presque complète à laquelle ces veuves s'astreignent (car à peine leur arrive-t-il de sortir une ou deux fois par an pour régler leurs affaires domestiques), nous autorisent à croire que la pratique dont nous parlons, loin d'avoir des inconvénients, offre au contraire plusieurs avantages.

  A017002340 

 Quels fruits abondants produit cette sainte et courte hospitalité, on ne saurait assez le dire; car ce n'est pas là seulement une question de repos, mais de condescendance au sentiment de pudeur, de réserve et d'honnêteté, naturel à leur sexe, que l'on ménage en les mettant en rapport avec leurs confesseurs par une petite fenêtre munie d'un treillis de fer, pratiquée tout exprès pour les confessions des Sœurs; là, elles reçoivent des enseignements salutaires qu'elles peuvent ensuite, avec quelqu'une des Sœurs, méditer à loisir..

  A017002375 

 Et elles embrassent [249] d'une telle ardeur la modestie, la réserve chrétienne que, bien que non obligées à la clôture par une Règle, elles n'en gardent pas moins, par suite de leur ferveur d'esprit, une clôture presque perpétuelle.

  A017002375 

 Jamais, en effet, sans des motifs très graves et très pieux, elles ne mettent le pied hors de leur maison; et jamais non plus elles n'en permettent l'entrée à aucun homme, sauf des cas d'extrême urgence et nécessité, reconnus tels par un écrit de notre main..

  A017002379 

 En effet, la grande liberté qui unit la vie des hommes, en ces contrées, à celle des femmes, empêche le plus souvent celles-ci de se préparer, dans l'intérieur de leur famille, par des exercices convenables, à la contrition et à une intime douleur de leurs fautes.

  A017002380 

 Le second usage est qu'elles permettent parfois à des veuves d'habiter chez elles, même durant plusieurs mois; à des veuves, dis-je, qui, voulant être des veuves véritables, cherchent à cacher, pendant quelque temps, pour dire adieu au monde et aux solliciteurs en mariages, le trésor qu'elles portent dans des vases d'argile; de peur que, le portant dans leurs mains, au vu de tous, il ne leur arrive d'en être dépouillées par des larrons.

  A017002384 

 Que du moins Sa Sainteté, qui a la charge de tous et doit se faire tout à tous, daigne leur accorder des Indulgences et en enrichir leur église; qu'Elle daigne les encourager à progresser dans la piété par sa paternelle et Apostolique Bénédiction; car la plupart de ces femmes et de ces vierges sont de haute noblesse et issues de parents [253] illustres, et cette Congrégation tout entière est respectée des hérétiques eux-mêmes, tant sa piété sait triompher de l'obstination des ennemis même de la piété..

  A017002394 

 Il faut donq loüer Dieu et le benir de la faveur qu'il vous a faite de vous avoir longuement maintenu ce pere, et acquiescer a la volonté par laquelle il vous l'a osté maintenant.

  A017002406 

 Ces bonnes Seurs de la Visitation qui iront la commencer une nouvelle Congregation, ne pourront qu'estre [255] grandement consolees, puisque vous les protegeéres au nom de Monseigneur l'Archevesque de Lyon, par l'authorité episcopale; et loue Dieu de l'affection que vous tesmoignes a ce bon œuvre, duquel j'espere que vous aures contentement.

  A017002432 

 L'humilité, ma tres chere Fille, fait refus des charges, mais elle n'opiniastre pas le refus; et estant employee par ceux qui ont le pouvoir, elle ne discourt plus sur son indignité quant a cela, ains croit tout, espere tout, [259] supporte tout avec la charité; elle est tous-jours simple.

  A017002456 

 Et pour vous affermir en cette creance, a la fin de vostre exercice du matin, desadvoués par une courte et simple aversion toutes sortes de pensees qui sont contraires a l'amour celeste, comme disant: Je renonce a toutes cogitations qui ne sont pas pour vous, o mon Dieu; je les desadvoue et rejette a jamais.

  A017002456 

 Puys, lhors qu'elles vous attaquerons (sic), vous n'aures rien a dire, sinon par fois: O Seigneur, je les ay rejettees, vous le sçaves.

  A017002457 

 Alles donq doucement et suavement en paix, servir Dieu et Nostre Dame ou vous estes appellee par leur volonté, et la grace et consolation de son Saint Esprit soit a jamais avec vous.

  A017002521 

 Le sieur Bonfilz a esté saysi ce soir passé, environ les onze heures, et mené prisonnier a Chamberi ou Miolans, par ordre de Monseigneur le Prince.

  A017002533 

 Ah! veuille cette Sainte Vierge nous faire vivre, par ses prieres, en ce saint amour! Qu'il soit a jamais le tres unique objet de nostre cœur; que puisse nostre unité rendre a jamais gloire a l'amour divin, qui porte le sacré nom d'« unissant.

  A017002549 

 Nous avons icy despuis trois jours Monseigneur le Prince de Piemond, qui me fit lhonneur de venir descendre chez moy tout a l'improuveu, estant venu par les postes, luy septiesme; despuys, il a esté logé au chasteau.

  A017002607 

 Je vis en esperance, ma tres chere Fille, que si mon ingratitude ne me forclost point du Paradis, je jouiray un [276] jour par complaysance de la gloire eternelle en laquelle vous vous plaires par jouissance, apres avoir saintement porté la croix en cette vie, que le Sauveur vous a imposee, du soin de le servir fidellement en vostre personne et en la personne de tant de cheres Seurs, qu'il veut estre vos filles en ses entrailles..

  A017002619 

 Mays j'apprens par lettres venues de Lyon, que vous estes malade, et un peu mesme estonnee de n'avoir pas [277] treuvé les choses en si bons termes comme nostre desir nous le faysoit imaginer.

  A017002630 

 Vous aves la ces pauvres cheres Seurs, lesquelles sont sous vostre credit, et dependent de vostre assistance au progres du service pour lequel elles sont allees: unissés vos cœurs et foibles forces, car par l'union vous prendres des forces invincibles..

  A017002643 

 J'ay parlé au R. P. Gardien, par le commandement de Son Altesse, et il m'a dit quil attendoit dans peu de jours le P. Provincial, a la venue duquel la resolution se fera sans replique, et Son Altesse luy recommandera l'affaire, selon que ce matin elle me l'a dit.

  A017002669 

 Ce jeune homme de cette ville allant a Tolose pour y estudier en droit, je ne puis que je ne vous salue tres [283] humblement par la commodité quil me donne de vous faire presenter ces quatre lignes, auxquelles je joins une lettre de nostre grand amy, que j'aurois bien apprehension d'envoyer avec les marques d'avoir esté declose (comme en effect elle me fut rendue telle), si je n'estois asseuré de la confiance que vous aves en ma fidelité.

  A017002669 

 Je l'ay donq fait fermer de mon cachet, affin que, si d'adventure le paquet s'ouvroit, comme fit celuy dans lequel elle me fut addressee, elle ne fust pas ouverte par le froissement du port; car c'est ainsy qu'elle fut declose, et non par la malice du porteur, qui me rendit tout le paquet debiffé, mais en sorte que je conneus quil ny avoit point touché..

  A017002671 

 Dieu, par sa bonté, nous veuille donner sa tressainte paix, et vous conserver a longues annees, Monseigneur, a qui je suis,.

  A017002698 

 Et puis que le P. Recteur propose un expedient, il le faut prendre tel quil le dit, hormis qu'apres avoir envoyé a vostre choix ce qui sera plus propre pour cette Mayson-la et pour Rion, vouloir encor faire faire des absences a nostre Mere, c'est dire quil faut demanteler cette Mayson et la laisser a la merci des vens; car, comme vous sçaves, il y a peu de Meres et beaucoup de filles, [287] dont les unes sont des-ja venues, les autres viendront au premier jour, et il faut une Mere icy qui suffise a tout; laissant a part les grandes bonnes affaires qui sont par deça pour cette Congregation, ausquelles nostre seule Mere peut respondre..

  A017002730 

 Et pourres, sur cette lettre que je vous fay, en parler audit Conseil de la part de Son Altesse, puisqu'elle m'a commandé d'y tenir main, et que je le prie tenir..., suppliant Monseigneur lArchevesque de le faire, comme je fay par la lettre ci jointe, en vous tesmoignant que je desire que vous y ayes l'œil entant quil vous compete, vous parlant de la part de Son Altesse, et au Conseil par vostre entremise, et n'adjoustant plus rien, sinon que je suis,.

  A017002829 

 Le college d'Annessi fondé en Avignon recourt par un sien deputé, natif de Chamberi, a nostre Saint Pere le Pape affin d'obtenir de Sa Sainteté quelque digne remede contre les desordres qui y sont survenus au prejudice des sujetz de Vostre Altesse, qui est le mesme sujet pour lequel elle avoit escrit ces jours passés au Vice Legat du comtat d'Avignon; qui me fait la supplier tres humblement d'employer pour ce bon œuvre la mesme faveur a Romme qu'elle avoit accordé pour Avignon..

  A017002843 

 Or, il y aura besoin donq, peut estre, de la faveur de Son Altesse, a laquelle aussi je la demande tres humblement par une lettre; et croy que, selon sa bonté et la providence par laquelle elle veut et peut, elle l'accordera tres volontier..

  A017002843 

 Vous sçaures par ce porteur que toute l'affaire icy avance; il nous faut changer de methode et recourir a Romme, ou il va luy mesme en qualité de deputé du college.

  A017002844 

 Reste que monsieur Boschiz nous gratifie aussi de son assistance, laquelle je requiers par vostre entremise, le saluant humblement de tout mon cœur; car, quant a vous, Monsieur, je ne veux pas, en cett' occasion, employer mes prieres pour impetrer vostre courtoysie, sçachant que l'amour du bien de la patrie vous donnera asses d'affection.

  A017002856 

 De concernentibus, » suivy par le Pere Joan.

  A017002856 

 Joint qu'icy on ne traite pas d'imposer ni par voye de prest ni autrement, puisque ce n'est qu'un simple secours pour un cas particulier et qui ne tire nulle consequence..

  A017002881 

 Dieu, par sa bonté, nous [303] donne une vraye paix, en laquelle il soit servi et honnoré d'un chacun..

  A017002887 

 Si monsieur le collateral de Quoex est encor la, je vous supplie quil sache par vostre courtoysie que je le salue humblement et tres affectionnement..

  A017002901 

 Ce que vous verres pouvoir estre fait avec amour, il le faut procurer; ce qui ne se peut faire que par desbat doit estre laissé, quand on a affaire avec des personnes de si grand respect..

  A017002918 

 Voyla une lettre pour la seur, qui est vielle, mais ell'a besoin de l'avoir; je la luy envoyay par un prestre de Seyserieu qui, l'ayant treuvee partie, me la rapporta, et maintenant je ne puis luy escrire..

  A017002967 

 Et par ce que je voy combien Dieu en sera glorifié et le peuple edifié, j'en remercie tres humblement de rechef Vostre Altesse avec eux, la suppliant de continuer en ce tressaint zele, comme je ne cesseray jamais de luy souhaiter la perfection des graces celestes, non plus que d'estre, Monseigneur,.

  A017002982 

 Je feray selon le contenu de vostre lettre, si l'occasion s'en presente par la venue de M. de Charmoysi, et encor, passant a Chamberi, je confereray avec M. le President pour sçavoir ce qui se pourra faire.

  A017002983 

 Vous sçaures tous-jours de nos nouvelles et par mes lettres et par celles de nostre Mere..

  A017003002 

 Et par ce que vostre zele vous donnera asses de mouvement a ce bon œuvre, sans que j'y employe davantage de prieres, je ne m'estendray pas plus avant, ains vous asseurant de mon humble affection a vous honnorer, et [313] vous desirant mille et mille benedictions, je demeureray,.

  A017003021 

 Seulement y voy-je une tare: que vostre desir d'animer un chacun au saint amour, vous a rendu trop favorable a la bonne volonté que j'ay eue d'y exciter les nations de la langue françoise, par le Traitté que j'ay nagueres mis en lumiere, lequel je suis pourtant bien ayse qu'il vous aggree, estimant que vostre jugement luy pourra donner acces et rendre ses documens plus utiles a plusieurs ames..

  A017003076 

 Je n'ay garde que je n'employe cette si bonne commodité de vous bayser les mains, quand ce ne seroit que [319] pour vous remercier tres humblement de l'honneur que je receus de monsieur de Montmorency en son passage par cette ville, puisquil me declara que vous luy avies donné l'affection de me le faire, par l'honnorable mention que vous luy avies quelquefois fait de moy.

  A017003089 

 Ayés seulement celuy de luy plaire, par cette entiere dependance et confiance en son amour, et par la suave vigilance que vous deves avoir d'avancer ses cheres espouses a la pureté de son divin service, par une exacte observance, vous rendant extremement attentive a la douceur et support, sans crainte d'exceder en ces saintes vertus.

  A017003129 

 Monsieur, en cas que vous facies ce que nous demandons, il ne sera besoin sinon de faire la resignation en mes mains, c'est a dire une procure ad resignandum pure et simpliciter entre mes mains, ou de mon Vicaire [327] general; car par apres, le moys qui vient, auquel je suis en mon alternative je prouvoirois celuy dont il est question, qui s'appelle monsieur Questan, bourgeois de cette ville..

  A017003145 

 Je n'ay sceu prendre le contentement que je desirois de vous voir moy mesme, occupé par les visites.

  A017003156 

 L'ors que Vostre Grandeur vint en cette ville, je me treuvay si pressé de l'assignation præfigee pour les sermons de l'Advent a Grenoble, que je ne peu attendre le bonheur de vostre arrivee; dont j'eu un extreme desplaysir, mais addouci neanmoins par l'esperance qui me restoit, qu'a mon retour je pourrois en quelque sorte regaigner cet honneur.

  A017003157 

 Tout ce pais, Monseigneur, et les circonvoysins vous en auront un'obligation immortelle; et par ce moyen, Vostre Grandeur adorera et priera Dieu continuellement a jamais, en la personne de ces bons et devotz Religieux et de tous ceux qui, par leur zele, s'assembleront en ce saint lieu pour y sanctifier le nom divin.

  A017003173 

 Vostre Altesse me renvoya une requeste par laquelle elle estoit suppliee, de la part de damoyselle Marceline de Marcilli, ditte Belot, de luy prouvoir sur les promesses que le sieur de Chasse, filz de monsieur le President de Sautereau, luy avoit faites pour mariage, affin que je fisse ce que j'estimerois estre convenable pour ce regard et que je donnasse mon advis a Vostre Altesse sur le contenu de la supplication..

  A017003174 

 Et pour obeir, Monseigneur, a son decret, estant a Grenoble, je conferay avec le susdit seigneur Præsident de Sautereau de ce sujet, pour apprendre de luy son intention, laquelle il m'expliqua, se louant infiniment de la justice et equité dont Vostre Altesse l'avoit gratifié luy faysant rendre la promesse faite par son filz, lequel estant en la puissance de son pere, et d'un tel pere, ne pouvoit nullement s'engager en un mariage si deshonnorable, au præjudice de la reputation de sa famille.

  A017003174 

 non seulement il ne croyoit pas que cette femme peut rien prætendre par rayson, mais tenoit pour certain qu'elle pourroit estre recherchee par justice, [332] d'avoir seduit et attiré un jeune garçon, enfant de telle famille, a des promesses si præjudiciables et conceües en termes si extravagans.

  A017003175 

 Et c'est, Monseigneur, qu'il suffit bien que l'on tolere ces femmes scandaleuses en la republique, sans qu'on leur permette d'entreprendre sur les maysons honnorables et dignes de recommandation, par les infames attraitz desquelz elles charment la foible et legere jeunesse; et la condition d'espouser ou doter n'est ordonnee que pour les filles d'honneur qui ont esté deceües, non pour les femmes deshonnestes qui ont deceu.

  A017003240 

 Vous estes bonne, et vous m'excuseres bien, je m'en asseure, puisque ma faute ne procede pas de mon affection, [mais] de ma memoire, laquelle s'estant reservé ce devoir pour m'en faire souvenir a mon retour en cette ville, s'en oublia par la multitude du tracas qui m'accabla a mon arrivee..

  A017003241 

 Le bon Dieu, auquel vous serves, disposera par sa providence de tout ce qui sera requis pour vous loger un peu mieux en terre et tres heureusement au Ciel..

  A017003242 

 Si j'eusse sceu ce qui arriva despuis, j'eusse fait du Jubilé selon vos souhaitz; toutefois, Dieu n'a pas laissé de vous bien consoler par autre voye.

  A017003257 

 Le Pater que vous dites pour le mal de teste n'est pas defendu; mays mon Dieu, ma Fille, non, je n'aurois pas le courage de prier Nostre Seigneur, par le mal qu'il a en la teste, de n'avoir point de douleurs en la mienne.

  A017003258 

 Ne manger point chose qui ait eu vie, les vendredis de Caresme, n'est pas mal fait non plus, mais cela tire un [340] peu a la vanité d'esprit, quand cela se fait par le rapport de ce qui l'a euë; mays quand cela se fait par mortification, cela est bon.

  A017003259 

 Or, j'appelle amoureuse, la fidelité par laquelle, a nostre escient, nous ne voudrions rien oublier de ce que nous estimerions estre plus aggreable a l'Espoux, parce que nous aymons ses contentemens plus que nous ne craignons ses chastimens..

  A017003260 

 J'appreuverois que, par maniere d'essay, on taschast deux ou troys fois de se surmonter avec un peu de violence, au moins quelquefois; car, qui ne gourmande jamais ses repugnances, il devient tous-jours plus douillet..

  A017003306 

 Icy, on en desire une, je dis en une ville voysine, et tout est presque prest; mais on envoyera les filles faire leur noviciat a Nissi, ou estant façonnees, une mediocre Superieure suffira par apres..

  A017003321 

 Haussés vostre teste dans le Ciel; voyes que pas un des mortelz qui y sont immortelz n'y est allé que par des troubles et des afflictions continuelles.

  A017003333 

 Comme l'annee passee, sur la demande que le Parlement de cette ville me fit de mes prædications, je pris la resolution et response dans le commandement de Vostre [347] Altesse, de mesme maintenant, estant de rechef prié par cette mesme cour, de revenir encor prescher le Caresme suivant, je n'ay voulu rien dire en attendant que Vostre Altesse me face pour cela le commandement qu'il luy plaira, estant, comme je doy,.

  A017003358 

 Je m'estonne que vous n'ayes receu que le billet que j'escrivis par M. Charbonnet, car je vous ay certes escrit a toutes occasions, mon tres cher Frere, et fait response a tout ce que vous m'aves proposé..

  A017003359 

 Pour M. Vittoz, si les meurs et la renommee ne font point d'obstacle, l'habit quil porte ne luy en fait point, car cet Ordre-la est de Clercz reguliers qui, ayans licence de leurs Superieurs, peuvent servir de curés, ainsy que j'ay declaré par un escrit que je luy en ay fait..

  A017003360 

 Et sil y en a une, il faut bien considerer en quelz termes ell'est conceüe, et par apres on pourra la promulger (sic), [350] n'estant pas besoin d'autre (sic) monitions pour la promulgation des excommunications a jure.

  A017003360 

 Quant a y mettre l'excommunication par nostre authorité, la difficulté seroit grande, par ce quil y auroit lieu a l'appel; et c'est une grande besoigne d'avoir a faire a des Religieux qui remueront toutes choses par apres pour empescher les effectz de nostre intention, quoy que juste et sainte.

  A017003361 

 Et pour conclure, sil y a quelque Canon ou Bulle papale qui porte cette excommunication, je suis content qu'avec bon advis on la promulge (sic); sil ny en a point de telle, je suis d'advis que nous facions une simple defence, laquelle nous irons fortifiant, par reservation du cas, ou par excommunication, selon que le tems nous enseignera devoir estre fait..

  A017003396 

 Les affaires de la Sainte Mayson de Thonon appellans le sieur Gilette par dela, je supplie tres humblement Vostre Altesse de proteger et favoriser sa poursuite, qui ne peut aussi reuscir sinon par cet appuy, auquel nous recourons d'autant plus asseurement, que Vostre Altesse nous l'a ainsy commandé l'hors que nous avions le bonheur de sa presence.

  A017003397 

 Dieu, par sa bonté, veuille combler Vostre Altesse de ses benedictions; souhait continuel, Monseigneur, de.

  A017003412 

 Et par ce qu'il sçait que ledit Chapitre ne peut en conscience les luy distribuer, ni moy permettre qu'il en jouisse de la sorte, il obtient de tems en tems des lettres par lesquelles Son Altesse Serenissime commande audit Chapitre de delivrer lesditz fruitz.

  A017003413 

 Et d'autant que j'en parlay a Vostre Altesse l'ors que nous avions le bonheur de sa presence de deça, et qu'elle [355] tesmoigna de treuver mes remonstrances dignes d'estre protegees, je la supplie tres humblement de me commander ce que j'auray a respondre, avec ce Chapitre-la, aux lettres reiterees de Son Altesse que ce mauvais prestre obtient, et par lesquelles il presse plus ce Chapitre qu'il ne sçauroit faire par aucune autre voye, la seule ombre de la volonté de saditte Altesse nous estant en extreme reverence..

  A017003429 

 Je ne vis jamais un peuple plus docile que celuy ci, ni plus porté a la pieté; sur tout les dames y sont tres devotes, car icy, comme par tout ailleurs, les hommes laissent aux femmes le soin du mesnage et de la devotion.

  A017003453 

 Je vous diray, sur la difficulté qu'a cette bonne fille, qu'elle se trompe grandement si elle croit que l'orayson la perfectionne sans l'obeissance, laquelle est la chere vertu de l'Espoux, en laquelle, par laquelle et pour laquelle il a voulu mourir.

  A017003453 

 Nous sçavons par les Histoires et par experience, que plusieurs Religieux et autres ont esté saintz sans l'orayson mentale, mais sans l'obeissance, nul..

  A017003454 

 C'est bien fait, ma tres chere Fille, il ne faut point de reserve ni de condition; car, qui recevroit des ames en cette sorte, la Congregation se verroit toute pleine du plus fin, et par consequent du plus dangereux amour propre qui soit au monde.

  A017003454 

 Il faut que celles qui entreront sçachent que la Congregation n'est faite que pour servir d'escole et de conduitte a la perfection, et que l'on y acheminera toutes les filles par les moyens plus convenables, et que les plus convenables seront ceux qu'elles ne choisiront point.

  A017003454 

 L'une mettroit en condition de [359] communier tous les jours; l'autre, d'ouÿr trois Messes; l'autre, de faire quatre heures d'orayson; l'autre, de servir tous-jours les malades, et par ce moyen, chacune suivroit son humeur ou sa presomption, en lieu de suivre Nostre Seigneur crucifié.

  A017003455 

 Qu'elle demeure donq en paix entre les bras de sa Mere, qui la portera et menera par le bon chemin.

  A017003466 

 Passant par cette ville avec beaucoup de presse, j'ay receu vostre lettre et les memoires de vos prætentions; dont je suis bien ayse, puisque monsieur le Marquis d'Aix m'a escrit que je luy fisse sçavoir ce que vous prœtendies, et que, revenant en ce païs, il seroit tous-jours bien content de voir tous les differens quil pourroit avoir avec vous, avec le plus de douceur et d'amitié que vous pourries desirer.

  A017003467 

 Je luy feray donq part du memoire qui m'est laissé et, sur ses responses, je vous tiendray avertie, desireux que je seray toute ma vie de vous tesmoigner par effet que je suis,.

  A017003540 

 [1.] Immolés donq souvent toutes vos affections a Dieu par le renouvellement de la resolution que vous aves faite, de ne vouloir pas employer un seul moment de vostre vie que pour le service de la sacree dilection de l'Espoux celeste..

  A017003545 

 Or si, en faysant l'orayson, ou vous arrestant a la sainte presence, le sentiment se faysoit en la teste et qu'il en arrivast du travail et de la douleur en cette partie-la, il faudroit relascher l'exercice et n'appliquer pas l'entendement, ains, par des paroles interieures et affectionnees, appliquer le seul cœur et la volonté.

  A017003546 

 S'il vient des larmes, vous les respandres; mais si elles viennent souvent et avec trop de tendreté, vous releveres vostre esprit, si vous pouves, a gouster plus [368] paysiblement et tranquillement les misteres en la partie superieure de l'ame; non pas contraignant et serrant les souspirs ou sanglotz, ou les larmes, mays divertissant d'une heureuse diversion vostre cœur, en le relevant petit a petit a l'amour pur du Bienaymé par des doux eslans: O que vous estes aymable, mon Bienaymé! O que vous estes relevé en bonté et que mon cœur vous ayme! ou autrement, selon que Dieu vous tirera..

  A017003548 

 Par exemple: vous aves besoin de manger, selon la misere de cette vie; il faut que vous vous assoyes tout bellement, et que vous demeuries assise jusques a ce que vous ayes honnestement refectionné vostre cors.

  A017003549 

 Je vous dis, mays, ma chere Fille, je vous le dis fermement, que vous servies fidelement la volonté de Dieu et sa providence sur le sujet de vostre ancienne tentation, acquiesçant en toute humilité et sincerité au bon playsir celeste, par lequel vous vous treuves en l'estat auquel vous estes.

  A017003549 

 O combien d'ecclesiastiques sont embarqués par des mauvaises considerations et par la force que les parens ont employé pour les faire entrer en cette vocation, qui font de necessité vertu et qui demeurent par amour ou ilz sont entrés par force! autrement, que deviendroyent ilz? Ou il y a moins de nostre choix, il y a plus de sousmission a la volonté celeste..

  A017003551 

 Que s'il vous arrivoit quelque [370] notable difficulté sur ce sujet par le defaut de cette personne, ne remues rien neanmoins qu'apres avoir regardé l'eternité, vous estre mise en l'indifference et avoir pris l'advis de quelque digne serviteur de Dieu, si la chose presse, ou mesme de moy, puisque je suis vostre Pere, si le tems le permet; car l'ennemi, nous voyant vainqueur de cette tentation par nostre acquiescement au bon playsir divin, remuera, je pense, toutes sortes d'inventions pour nous troubler..

  A017003552 

 Au reste, que la tressainte et divine humilité vive et regne en tout et par tout: les habitz, simples, mais selon la propre bienseance et convenance de nostre condition, en sorte que nous n'espouvantions pas, ains allechions les jeunes dames a nostre imitation; nos paroles, simples, courtoises, et neanmoins douces; nos gestes et nostre conversation, ni trop resserree et contrainte, ni trop relaschee et molle; nostre face, nette et decrassee; et en un mot, qu'en toutes choses la suavité et modestie regne, comme il est convenable a une fille de Dieu..

  A017003561 

 A cette premiere commodité que j'ay de vous escrire, je tiens ma promesse, et vous presente quelques moyens [371] par lesquelz vous pourres addoucir la crainte de la mort, qui vous donne de si grans effroys en vos maladies et enfantemens: en quoy, bien qu'il n'y ayt aucun peché, si est ce qu'il y a du dommage pour vostre cœur, lequel, troublé de cette passion, ne peut pas si bien se joindre par amour avec son Dieu, comme il feroit s'il n'estoit pas si fort tourmenté..

  A017003564 

 Tiercement, relevés souvent vostre cœur par une sainte confiance meslee d'une profonde humilité envers nostre Redempteur; comme disant: Je suis miserable, Seigneur, et vous recevres ma misere dans le sein de vostre misericorde, et vous me tireres de vostre main paternelle a la jouissance de vostre heritage.

  A017003566 

 Cinquiesmement, ne lises point les livres ou les endroitz des livres esquelz il est parlé de la mort, du jugement et de l'enfer; car, graces a Dieu, vous aves bien resolu de vivre chrestiennement et n'aves point besoin d'y estre poussee par les motifs de la frayeur et de l'espouvantement..

  A017003568 

 Septiesmement, adorés souvent, loués et benissés la tres sainte Mort de Nostre Seigneur crucifié, et mettés toute vostre confiance en son merite, par lequel vostre mort [373] sera rendue heureuse; et dites souvent: O divine mort de mon doux Jesus, vous benires la mienne, et elle sera benite; je vous benis, et vous me benires, o mort plus aymable que la vie! Ainsy saint Charles, en la maladie de laquelle il mourut, fit mettre a sa veuë l'image de la sepulture de Nostre Seigneur et celle de l'orayson qu'il fit au mont des Olives, pour se consoler en cet article, sur la Mort et Passion de son Redempteur..

  A017003571 

 Dixiesmement, consideres souvent les personnes que vous aymes le plus et desquelles il vous fascheroit d'estre separee, comme des personnes avec lesquelles vous seres eternellement au Ciel: par exemple, vostre mary, vostre [374] petit Jean, monsieur vostre pere.

  A017003583 

 Par ces quatre lignes je vous asseure, ma chere Fille, que je vous cheris tous-jours sans varier et vous souhaite toute benediction, et a monsieur le Maistre et a toute [376] vostre famille.

  A017003603 

 On me fait peur par le bruit qui court qu'a Chamberi il y a des maladies si dangereuses, et que monsieur d'Avise s'en va mort, qui est le sujet du voyage de ce porteur.

  A017003622 

 C'est maintenant pour mon Eglise (et que puis-je dire de plus affectionné?) que j'implore vostre fraternelle faveur, et croy qu'elle me sera facilement accordee, sur tout quand vous aures ouy la remonstrance que ce porteur vous fera, par laquelle vous verres que le brevet dont il s'agit est non seulement fondé sur la pieté, mais encor, si je ne me trompe, sur la justice.

  A017003623 

 Vous me demandies l'autre jour, par la derniere lettre que j'ay eu le bien de recevoir de vous, des nouvelles de [379] monsieur de Charmoysi, mon parent; en quoy vous tesmoignes vostre bon et beau naturel, et cet honneste chevalier vous en sera grandement obligé quand il le sçaura; ce qui sera dans peu de jours, que luy et sa femme viendront en cette ville, puisque Monseigneur le Prince de Piemont ayant reconneu en cette derniere occasion sa valeur et suffisance es choses de la guerre, l'a creé grand maistre de l'artillerie de cet Estat, et despuis a esté embrassé et caressé sans mesure par Monsieur le Duc de Nemours, qui l'invitâ de venir en cette ville et le traitta tres honnorablement.

  A017003659 

 Puisque le P. D. Fulgence se rend auprès de vous pour les affaires que je recommandai à Votre Paternité Révérendissime par la mienne dernière, il n'est pas besoin que j'ajoute autre chose.

  A017003659 

 Si toutefois ce Père avait par hasard la tentation de rester là-bas, je [381] supplie Votre Paternité, pour l'amour de Dieu, de n'y pas consentir; car, en ce commencement, la persévérance et la stabilité des Pères qui ont déjà appris la langue et contracté la sainte amitié requise au maniement des Maisons, sont absolument nécessaires..

  A017003677 

 Bien que je n'aye pas le bonheur d'estre conneu de vous, si est ce que je ne laisse pas de reconnoistre en vous les qualités par lesquelles vous merites d'estre honnoree de tous ceux qui font profession de l'honneur; dequoy madame la Baronne de Giez, ma cousine, se rendra, je m'asseure bien, ma caution.

  A017003678 

 Le sujet de vostre lettre, qu'il vous a pleu de m'escrire, me tesmoigne asses que vous aves dedié vostre amour a Dieu; et que faut-il davantage pour m'obliger a vous dedier mon service? Je le fay donq certes de tout mon cœur, et a madame la signora Donna Genevra, benissant la bonté souveraine de Nostre Seigneur qui, par ses celestes attraitz, vous a donné de si desirables affections..

  A017003679 

 Or, voyla les Regles de la Visitation, esquelles neanmoins [383] on n'a pas estendu les derniers articles, par ce qu'ilz comprennent des formulaires asses longs et qui ne regardent pas tant les actions communes des Seurs, comme les particulieres des formes et ceremonies dont on use en leurs receptions seulement.

  A017003695 

 Dites a cette chere Barbe Marie, qui m'ayme tant et que j'ayme encor plus, qu'elle parle librement de Dieu par tout ou elle pensera que cela soit utile, renonçant de bon cœur a tout ce que ceux qui l'escoutent peuvent penser ou dire d'elle.

  A017003696 

 Dites luy donq qu'elle marche a la bonne foy, par le milieu des belles vertus de la simplicité et humilité, et non par les extremités de tant de subtilités de discours et de considerations.

  A017003699 

 La Socirté des Douze ne sçauroit estre mauvaise, car l'exercice duquel elle se sert est bon; mays il faut que cette Barbe Marie, qui ne veut point de peut estre, soufre celuy ci: que, peut estre, cette Societé est veritable, car n'estant nullement tesmoignee par aucun Prælat, ni aucune personne digne de foy, nous ne sçaurions estre asseuree (sic) qu'elle ayt esté instituee, le livret qui le dit n'alleguant ni autheur, ni tesmoin qui en asseure.

  A017003700 

 Or, puisque vous lises nos livres, je n'adjousteray rien, sinon que vous aillies simplement, rondement, franchement, et avec la naifveté des enfans, tantost entre les bras du Pere celeste, tantost tenue par sa main..

  A017003700 

 Qu'elle marche en l'orayson, ou par pointz, comme nous avions dit, ou selon son accoustumee, il importe peu; [387] ains nous nous souvenons bien que nous luy dismes que seulement elle praeparast les pointz et s'essayat, au commencement de l'orayson, de les savourer; et si elle les savoure, c'est signe que Dieu veut qu'elle suive cette methode, au moins alhors.

  A017003700 

 Que si neanmoins la douce presence accoustumee l'occupoit par apres, elle s'y laissast aller, et aux colloques aussi qu'elle fait par Dieu mesme, qui sont bons en la sorte qu'elle me les represente en vostre lettre; mays pourtant, il faut aussi quelquefois parler a ce grand Tout, comme voulant que nostre rien face quelque chose.

  A017003701 

 Or, de ceci faites en la responce a M me de Boqueron, sil vous plait, en cas que je ne puisse pas luy escrire, car je suis fort pressé, certes, et par consequent ne sçaurois escrire a M me de Saint André pour ce coup.

  A017003701 

 Quant a M lle de Gerard ou Reautier, sil y a apparence qu'on puisse eriger une Mayson par dela, il la faut faire venir icy, car il y aura plus de facilité de la renvoyer; si moins, je persevere qu'elle suive sa premiere visee.

  A017003703 

 Je n'escris donq a personne qu'a vous, mais je desire bien pourtant que, par vostre entremise, je puisse saluer madame de Saint André et madame de Virieu, que vous cherisses si ardemment.

  A017003719 

 Vostre Altesse est protectrice de la discipline ecclesiastique, et la regardant en cette qualité, je luy remonstre que le Doyen de Salanche, nommé Choysi, vient parmi ce pais faire des levees de gens de guerre et, tant de deça comme dela les montz, profane furieusement sa profession ecclesiastique et l'Ordre de prestrise qu'il a, par mille mauvais et scandaleux deportemens, indignes mesme d'un soldat desbauché..

  A017003720 

 Mays le bon est, qu'avec cela il obtient subrepticement et par surprise des lettres de Son Altesse, par lesquelles elle commande au Chapitre de Salanche de le faire jouir des fruitz de sa præbende comme s'il estoit resident; ce que Vostre Altesse sçait trop mieux estre contraire au droit divin, ecclesiastique et civil.

  A017003736 

 J'ay receu maintenant le commandement que Vostre Altesse me fait de me preparer pour aller prescher l'Advent et Caresme suivant a Paris; et neanmoins, par lettres de M. le Baron de Marcieu, j'ay sceu que [392] Vostre Altesse m'avoit accordé pour le mesme Advent et Caresme a la cour du Parlement de Grenoble: qui me fait supplier tres humblement Vostre Altesse de me faire sçavoir auquel des deux lieux je m'attendray d'aller, m'estant, pour moy, chose asses indifferente, pourveu que, ou que je sois, ce soit selon le bon playsir de Vostre Altesse, a laquelle je suis, et a laquelle je souhaite toute sainte prosperité, comme doit,.

  A017003749 

 Le cousin auroit grand'envie de sçavoir si c'est Son Excellence qui a dit quii ne s'estoit pas voulu engager d'escrire a M. de Saint Damian pour ce mariage; par ce que si c'estoit elle, il faudroit en parler plus reservement, quoy qu'il n'en soit rien.

  A017003791 

 Déjà, des tentatives furent faites par M gr l'Evêque mon prédécesseur, de pieuse mémoire; mais il y rencontra tant de contradictions, [397] qu'il ne fut pas possible de les poursuivre, car il procédait par voie d'application des bénéfices, dont les hommes sont si avides que, pour en jouir en leur particulier, ils en empêchent de tout leur pouvoir l'union aux collèges et à telles autres œuvres de piété..

  A017003792 

 C'est pourquoi je désirerais reprendre ce dessein par un autre biais, si toutefois Sa Sainteté daigne nous favoriser en la façon qui sera proposée à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime par le R. P. Benoît Giustiniani.

  A017003834 

 Elle retiendra, s'il vous plaist, ses anciens merites, bien que possedee par un successeur indigne qui vous en supplie, avec toutes les affections de son ame, et est,.

  A017003848 

 Intorno à che, se mi par superfluo di mandar à V. S. R ma altra instruttione, contuttociò, per obedire à superiori, le invio l'altro alligato foglio per quel più che m'è sovvenuto e par che soglia praticarsi in simili occasioni..

  A017003865 

 Puisque jamais plus il n'y doibt avoir entre nous de ceremonies, je vous direy tout naifvement que j'ay diferé si longtemps de vous escrire, pour ce que j'avois honte que vous vissies mes lettres sans veoir par mesme moyen l'advis que je vous avois promis sur les Regles de la Visitation.

  A017003866 

 Si vous trouves bon que madame de Chantal le voye, je m'an [405] remetz a vostre jugement; mais bien vous supplie je que personne autre ne le voye et quil vous plaise, dans quelques jours, me le renvoyer, pour ce que je fais dessein de m'an servir comme d'un Memoire qui, sur le sujet de cet Institut, me fournira diverses choses qui ont passé par mon esprit, mais ne s'arrestent point fidelement en ma memoire; et j'an ay besoing pourtant, tant que cet affaire soit terminé entierement..

  A017003866 

 Vous devineres un peu et les motz et le sens, mais aussy seres vous asseuré que cet escript n'ha point passé par les mains des copistes et que personne ne l'ha veu sinon celuy qui l'ha escript.

  A017003867 

 Je n'userey point icy de compliment; j'ay mis au commencement de cet escript, en peu de parolles, ce que j'ay deub dire, et que de nouveau je confirme et par ces lignes et par toute l'affection de mon cœur.

  A017003869 

 Que sil m'arrivoyt ce malheur que nous ne peussions convenir de cet article, je vous supplie de tout mon cœur quil vous plaise en ce cas me donner vos bons et charitables advis, si je debvrey ou continuer ma Congregation sur le modelle et les Constitutions de la vostre, y changeant ce que je jugerey necessaire en mon diocese, [406] comme nous voyons qu'ont fait diversement les Evesques de la province de Milan, ou bien si je changerey tout a fait ma Congregation en une Religion formelle, en la maniere portée par mon escript.

  A017003908 

 Mon Dieu nous veuille fortifier par sa douce bonté, et nous faire accomplir parfaitement ce qu'il désire de nous, mon très cher Père.

  A017003921 

 Quand Notre-Seigneur me donna cette douce pensée que je vous mandai mardi, de me laisser à lui, hélas! je ne pensais point qu'il commencerait à me dépouiller par moi-même, me faisant ainsi mettre la main à l'œuvre.

  A017003922 

 Aujourd'hui encore, plus ou moins, il me reste fort peu pour appuyer et reposer mon esprit; peut-être que ce bon Seigneur veut mettre sa sainte main par tous les endroits de mon cœur pour y prendre et le dépouiller de tout: sa très sainte volonté soit faite!.

  A017003934 

 Nous avons desja une maison propre, un fort bel oratoire, ou la benediction pontificale a esté faicte par procuration expresse de Monseigneur l'Archevesque de Lion, lequel, pour me favoriser, y fust venu luy mesme planter la croix, s'il n'heust esté retenu pour affaires pressez.

  A017003944 

 Vostre Illustrissime Seigneurie sera suppliee par tant d'autres de nous envoyer de voz cheres Filles, que j'ay douté si je devois adjouster ma priere a celle de sy puissans intercesseurs.

  A017003957 

 Madame des Goufier ayant pris desir, avec bonne compagnie, de quitter l'Egipte du monde pour se ranger en ceste ville en une Maison de vostre Ordre de la Visitation Saincte Marie, comme en la terre de promission en laquelle elle espere jouyr des delices de son celeste Espoux; apres y avoir aporté les ceremonies necessaires en la benediction du lieu faicte par monsieur le Doyen de Nostre Dame, en la presence de Monseigneur nostre Gouverneur, reste a present la favorable assistance de vos graces, pour envoyer des ouvrieres en sy copieuse moisson que celle de la vie contemplative, lesquelles, recuillans le pain des Anges en leurs ordinaires exercices [413] et s'acquerans les faveurs du Ciel, puissent rendre nostre ville participante des benedictions qui se reçoipvent par le merite de sy sainctes hostesses, lesquelles venant de vostre part nous apporteront un esprit celeste et nous seront autant cherès comme asseurement, et a Vostre Seigneurie et a leur pieté, nous demeurons a jamais,.

  A017003970 

 Passant par cete ville pour m'en aller a Paris, j'ay veu les commencemens que madame des Goufier a donné a une maison de la Visitation.

  A017003971 

 Les commencemens que je veoy icy sont si heureux, qu'il fault, Monseigneur, que je vous die ce que j'ay apris d'un bon medecin: qu'encor que l'on veuille faire nourrir les enfans par d'autres que par leur mere, il seroit a souheter, pour le proffit de l'enfant, que la vraye mere luy donnast le premier laict, par un secret de nature qui, donnant et faisant produire l'enfant, ne manque pas a fournir ce qui est pour son mieulx.

  A017003984 

 Au contraire, Dieu par sa bonté infinie, qui avec la tentation faict accroissement de grace, m'a depuis mon retour eslargy nouvelle force et vertu, voire jusques à surmonter et vaincre toutes les puissances adverses..

  A017003984 

 Quant je fus dernierement a Tonon, plusieurs considerations humaines et les troubles causées (sic) par l'ennemy de mon salut m'empescherent de passer outre, mais non toutefois en sorte que mon dessein fut aucunement changé, ni ma bonne volonté diminuee en façon quelconque.

  A017003985 

 Et afin, Monseigneur, quil soit evident que ce ne sont pas parolles seulement et que vous en aiez pleine asseurance, outre l'obligation que j'y ay desja, j'ay faict vœu a Dieu, et le faicts encor maintenant en vostre presence, de quitter et abandonner tout pour me rendre à la sainte Eglise Catholicque; et ce, dedans brief temps et sans beaucoup temporiser par negligence.

  A017003985 

 Si j'avois la cognoissance [415] des temps et des moments que le Pere Celeste retient en sa puissance, j'apposerois quelque terme prefix a ce mien vœu; mais au moins, incontinent apres la S. Martin prochaine, sil plaist a Dieu me prester santé, toutes mes pensees, touts mes efforts et desseins se banderont à effectuer ma promesse; et ay ferme esperance en Dieu, qui ne me confondra point, puis que l'entreprinse est pour son service, honneur et gloire, que par sa grace il me suppeditera touts moiens a ce necessaires, et ostera touts empeschements invincibles: Erunt prava in directa, et aspera in vias planas.

  A017003986 

 Je hay infiniment l'heresie et l'ay en telle abhomination que, par force, il faut que je quitte le lieu ou elle regne, nonobstant toutes affections naturelles vers les miens.

  A017003987 

 Le commun bruit est par deça que l'alliance entre Son Altesse et Messieurs de Berne est si fort avancee qu'elle s en va comme conclue.

  A017004009 

 J'attends avec avidité d'estudier en ces beaux traictez que vous me faites esperer par la vostre susdicte, afin, nous les donnant, qu'à moy et à ceux qui mieux que moy y feront leur profit, vous nous disiez le dire du Poëte:.

  A017004144 

 J'ai toujours des grands désirs d'être telle que vous nous désirez et que Dieu nous veut; mais il faut que tout vienne de lui, par l'intercession de vos saintes prières..

  A017004166 

 J'ay veu, passant a Lyon, ceste grande et admirable Fille de vostre cœur, devuider ses affaires avec un si profond jugement, accompagné d'un recueillement si religieux et d'une douceur si atrayante et sans alteration, que si je n'eus pas sceu qui elle estoit, je n'aurois pas laissé de juger, par une consequence indubitable: Voyla la grande Fille de nostre tres debonnaire Pere, Monseigneur de Geneve..

  A017004170 

 Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de la Mère Favre, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.

  A017004184 

 J'ay emprunté ses richesses, sans en rien diminuer le fonds, de ce tres-docte Gentilhomme et tres-devot Prelat, lequel je n'ay l'honneur de cognoistre que par lettres, mais que je recognois avec tous, particulierement en ce parfaict amour,.


18-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVIII-Vol.8-Lettres.html
  A018000142 

 — Par quelle pensée s'en consoler.

  A018000149 

 Comment apaiser, par humilité et douceur, un cœur mécontent.

  A018000166 

 — Moyen proposé par le Saint pour remédier au mal. 154.

  A018000177 

 Messages affectueux par un Capucin en route pour la Chartreuse. 164.

  A018000200 

 — Quelle conduite tenir à l'égard d'une âme qui marche par une voie extraordinaire; la leçon qu'elle doit apprendre.

  A018000242 

 Le Saint, malade, traité par une « archimedecine.

  A018000246 

 — Ne pas se lasser ni lasser les autres par la longueur des exercices spirituels.

  A018000249 

 I. Lettres adressées a Saint François de Sales par quelques correspondants.

  A018000274 

 Ni ne veux pas croire quil soit si outrecuidé de dire, comme quelques uns, qu'il est en l'Eglise gallicane en laquelle les prestres sont privilegiés; car je pense qu'il sçait que l'Eglise gallicane est un membre de l'Eglise universelle, et que les anciens canons des Conciles y sont receuz, et que les Evesques ne sont pas moins Evesques en France qu'ailleurs, et, qu'en particulier, je ne suis rien moins dela le Rosne que deça, ains j'affectionne d'establir la discipline ecclesiastique de dela, et sur tout a Gex, avec plus de soin que de deça, par ce qu'icy les adversaires de l'Eglise sont moins puissans et moins præsens..

  A018000275 

 Or, mon intention est que nul præstre n'ayt en sa mayson aucune femme qui y habite, sinon les meres, bellemeres, seurs, belleseurs, tante (c'est a dire seur du pere ou de la mere) et niece, fille de frere ou de seur, selon l'ordre porté par le Concile de Nicee.

  A018000295 

 Mays de cette crainte qu'on vous donne que vos frequentes Communions vous pourroyent tourner a mal, je pense que vous ne vous en deves point mettre en peine, et qu'on ne vous a pas dit cela par discernement de l'estat de vostre cœur, mays pour vous mortifier, ou peut estre simplement par maniere de desfaite, comme quelquefois il arrive aux personnes mesme fort sages de ne peser pas bien toutes choses..

  A018000309 

 Je suis un chetif homme, sujet a passion; mais, par la grace de Dieu, depuis que je suis berger, je ne dis jamais parole passionnee de cholere a mes brebis.

  A018000345 

 Je jointz ma tres humble supplication a la sienne, protestant que jamais Vostre Altesse ne gratifiera aucuns peuples de sa sujettion qui ayt (sic) plus de cœur, d'honneur, de fidelité et d'obeissance a vostre coronne, Monseigneur, que celuy ci qui, au reste, a un extreme besoin d'estre revigoré par telz bienfaitz, tandis qu'incessamment avec moy il leve les mains et les yeux au Ciel pour la prosperité de Vostre Altesse, delaquelle je seray a jamais,.

  A018000396 

 Donq, ma tres chere Fille, demeures consolee, et nous rendes la pareille par vos prieres pour mon pauvre tres cher frere de Thorens, lequel estant allé en Piemont avec un regiment de mille hommes, y fut enseveli mardy passé, comme on me vient d'escrire, et comme je m'attendois, il y a trois jours, sachant la qualité de la maladie.

  A018000428 

 Certes, je croy bien que M. de Giez, mon cousin, M. le Baron de Bonvilaret et mon neveu du Vuaz auront ressenti grandement cette perte, comme sçachant que ce pauvre trespassé les cherissoit et honnoroit tres particulierement, selon que la nature et plusieurs considerations l'y obligeoyent; mais s'il leur manque, ce n'est pas par son eslection, ni par sa faute.

  A018000428 

 Dieu, par sa bonté, les veuille proteger et conduire parmi les hazars ou cette guerre les porte..

  A018000429 

 Ma pauvre chere seur tesmoigne entre ses pleurs et regretz la plus aymable, constante et religieuse pieté qu'il est possible de dire: en quoy elle nous contente extremement, pour le desir que nous avons qu'elle conserve l'enfant que nous croyons, par bonnes conjectures, avoir esté laissé en ses flancs par le defunt, comme pour quelque sorte d'allegement a ses freres..

  A018000457 

 Je regrette extremement la perte que nous avons faite par le trespas du bon monsieur le President de Sautereau, qui vous honnoroit certes plus quil ne se peut dire, et me favorisoit d'un' amitié extraordinaire, a vostre consideration.

  A018000459 

 Je passeray vandredi a La Roche pour planter la premiere pierre de l'eglise des Capucins, et dela je m'en vay a Thonon, parti (sic) pour consacrer l'eglise que les mesmes Peres y ont dressee, avec le grand autel des Peres Barnabites, partie pour appayser, si je puis, quelques noyses, lesquelles par tentation humaine sont survenues en la Sainte Mayson.

  A018000461 

 Comm'au contraire, je regretterois infiniment monsieur de Bourgeois et monsieur de la Pierre, s'ilz s'estoyent entreservis de bourreau l'un a [23] l'autre, pour s'abismer en la damnation par le duel; mays, tandis que je le puis, je me veux abstenir de croire une chose si malheureuse.

  A018000461 

 J'ay perdu un bon et cordial amy en monsieur de Chanal, qui ayant esté appellé de Dieu a la vie devote des quelques annees en ça, sera mort en tel estat, je m'asseure, que nous avons occasion de benir l'heure de son trespas; et moy particulierement, qui ay une invincible rayson de l'estimer heureux, par le conte de sa conscience et de ses bonnes intentions quil me rendit avant son depart d'Annessi.

  A018000516 

 J'ay receu a beaucoup d'honneur la lettre que M lle Favreau [30] et M lle d'Albamé m'escrivirent de vostre part; car, outre la douceur que je prens a me ramentevoir le tems auquel nous estions compaignons d'escole, vos merites me font grandement estimer tous les tesmoignages quil vous plait me donner de vostre bienveuillance, laquelle je vous conjure de me vouloir continuer par vostre courtoysie, bien ayse de sçavoir que vous soyes arresté en nostre voysinage, sous l'esperance que, par ce moyen, il se pourra bien faire que j'aye encor un jour lhonneur de vous revoir..

  A018000532 

 Je suis tous-jours bien brave homme a me porter bien icy et par tout, et n'y a rien a craindre, ma tres chere Mere.

  A018000534 

 Je voy que cette venue apportera de l'incommodité, mais, peut estre, bienheureuse incommodité, qui se prend pour recueillir l'estranger par l'hospitalité spirituelle.

  A018000536 

 Or bien, je vous escriray a toutes occurrences, ma tres chere Mere, mon cœur et ma vie ne pouvant subsister avec consolation que par l'unité quil a pleu de faire a Dieu de nous, affin qu'aeternellement nous fussions siens..

  A018000537 

 C'est une sainte; elle a grand desir de vous aller voir et de vous mener une sienne brave fille a mon gré, laquelle est aagé (sic) de 19 ans, et, par ouï dire, est un peu touchee d'estre de la Visitation; et cette bonne mere, qui en brusle, estime que la veüe la fera resoudre..

  A018000551 

 Or, faites donq bien, ma chere ame, vos petitz effortz, doux, paysibles et amiables pour servir cette souveraine Bonté qui vous y a tant obligee par les attraitz et bien-faitz dont elle vous a favorisee jusques a present, et ne vous estonnes point des difficultés; car, ma chere Fille, que peut on avoir de pretieux sans un peu de soin et de peine? Il faut seulement tenir ferme a pretendre la perfection du saint amour, affin que l'amour soit parfait, l'amour qui cherche moins que la perfection ne pouvant estre qu'imparfait..

  A018000563 

 Helas! ma pauvre Fille, vous aves rayson de vous estonner qu'une creature veuille offenser Dieu, car cela surpasse tout estonnement; mais pourtant cela se fait, comme par malheur on voit tous les jours.

  A018000573 

 Je ne doute point que dans fort peu de tems vous n'en soyes entierement victorieuse, puisque je vous voy si courageuse au combat et si pleyne d'esperance et de confiance de vaincre par la grace de nostre bon Dieu.

  A018000573 

 La lettre que vous m'aves escrite le 16 may et laquelle je n'ay receuë que le 27 juin, me donne grand sujet de benir Dieu de la fermeté en laquelle il conserve vostre cœur pour le desir de la perfection de la vie chrestienne, lequel je descouvre bien clairement par la naïfveté sainte avec laquelle vous representes vos tentations et le combat que vous faites; et je voy bien que Nostre Seigneur vous assiste, puisque pied a pied et jour a jour vous conqueres vostre liberté et affranchissement des imperfections et infirmités principales qui vous ont ci devant affligee.

  A018000579 

 J'ay appris que vous esties grosse; j'en ay beni Dieu qui veut accroistre le nombre des siens par l'augmentation des vostres.

  A018000580 

 Dieu en fin soit en tout et par tout glorifié en nos peines et consolations..

  A018000613 

 Je demande tres humblement pardon a Vostre Altesse, si, en un tems auquel elle est environnee de tant d'affaires de consequence, je prens la confiance en sa [42] douceur de luy presenter cette supplication, a laquelle je suis forcé par le devoir que ceux de ma condition ont de compatir aux miserables et soulager les desolés, lors mesme qu'ilz sont abandonnés de tout autre secours..

  A018000614 

 Apres, donq, avoir bien sceu que l'estrange accident advenu au sieur [Président Crespin] estoit procedé de malheur, plustost que d'aucune malice ou deliberation; voyant qu'en une si extreme tribulation il recouroit a moy pour obtenir, par ma tres humble intercession, l'acces aux pieds de Vostre Altesse, je ne l'ay peu ni voulu esconduire, de peur d'offencer Celuy qui jugera les vivans et les mortz selon l'assistence qu'ilz auront faite aux affligés, puysque mesme les deux personnes [43] qui ont esté les plus touchees en ce desastre semblent conspirer au desir de la consolation de celuy auquel il est arrivé: car la fille ne souhaite rien tant que d'avoir son pere, puisqu'elle a perdu sa mere; et quant a monsieur [l'Abbé de la Mente,] soit qu'il ayt eu compassion de ce pere et de cette fille, soit qu'il ayt esté animé de ce divin Esprit qui nous fait vouloir du bien a ceux qui nous font du mal, il a des-ja protesté qu'il ne vouloit procurer aucune punition, ni faire partie..

  A018000631 

 Playse donq a Vostre Altesse de gratifier de sa faveur ce calamiteux demeurant de famille, affin que, par le pardon fait a son chef, elle puisse aucunement subsister apres un si funeste esbranlement..

  A018000643 

 Vous verres, sil vous plait, la lettre que j'escris et celles que j'ay receues, [46] par lesquelles, je pense, vous connoistrés que nous ne pouvons pas gauchir..

  A018000662 

 Et bien que je sois attaché icy encor pour quelque jours, si n'avois-je pas laissé de donner ordre que vous fussies receu (sic) Annessi, comme vous seres, Dieu aydant, a vostre arrivee, laquelle je suis infiniment marri avoir esté retardee par cette ...ntion.

  A018000662 

 Je sçavois vostre venue de deça par un advis que monsieur le Premier, vostre beaufrere, m'avoit envoyé, et par un billet receu des que je suis icy de madame la Premiere, nostre bonne seur.

  A018000722 

 Ce billet donq n'est que pour vous saluer en attendant, et vous dire que les fermiers de Monseigneur vostre frere ne me veulent point donner d'argent, par ce, disent ilz, qu'ilz ne peuvent faire vostre somme que d'icy a 15 jours.

  A018000782 

 J'ay bien sujet de vous remercier tres humblement pour l'offre qu'il vous a pleu de me faire par l'entremise de monsieur de Forax; mays j'attens de vous rendre ce devoir jusques a ce que je sache si j'auray occasion de me prævaloir de la grace quil vous plait me faire..

  A018000783 

 Cependant vous sçaves, comme je pense, quelle estime j'ay tous-jours faite de vostre Congregation, et pour cela, des qu'il a pleu a Dieu par sa bonté de la faire esclorre, j'ay tous-jours desiré d'en avoir une Mayson en ce diocaese; ce que je n'ay sceu faire jusques a present, qu'a mon advis je puis reuscir de ce dessein.

  A018000783 

 Reste qu'il vous playse de me faire [60] sçavoir si vous voudries accepter le parti, et si nous pourrions y avoir d'abord huit prestres, puisque la fondation requiert cela, et si il se pourroit pas faire que l'un des huit exerçast la charge des ames, aydé par les autres; car cela estant, je n'auray plus a faire que d'obtenir le consentement de Son Altesse qui, je m'asseure, l'accordera volontier..

  A018000802 

 Cependant il faut renvoyer le tout a ce que messieurs les deputés feront; ce que je vous dis par ce que je crain (sic) que ladite madame la fiscale n'aille encor vous parler et crier alarme..

  A018000802 

 Mais je ne puis bonnement m'expliquer par escrit; ce sera demain matin, Dieu aydant.

  A018000813 

 Je le croy que cette bonne dame sera un peu brune sur moy, par ce que ell' affectionne fort les serviteurs de sa mayson, et l'un d'iceux s'estant presenté au concours dernierement sous sa recommandation, ne fut pas [63] prouveu, quoy qu'il soit certes fort capable.

  A018000828 

 Je vous rens graces tres humbles de lhonneur que vous me faites, qui m'est certes infiniment prætieux; et pleut a Dieu que je peusse correspondre par autant de services comme j'ay de desirs!.

  A018000832 

 La femme du sieur Gautier m'a forcé par ses larmes de vous supplier, Monseigneur, de recommander sa misere a son mari, ou plus tost la misere de ses filles, car quant a la sienne, elle ne nie pas de l'avoir meritee.

  A018000876 

 Dieu, par sa bonté, nous veuille donner l'ame de cet enfant et la vie de la mere, que j'ay dedans mon cœur comme ma pauvre tres chere petite fille..

  A018000912 

 C'est pourquoi vous ferez très bien de profiter du temps et de tâcher d'en obtenir la nomination par ceux qui ont le droit de patronage, car les [71] médecins assurent que M. Nicolas mourra bientôt.

  A018000912 

 Par ces quatre lignes, je dis en hâte à Votre Seigneurie que M. Nicolas Clerc n'a jamais voulu résigner la chapelle ni aucun autre bénéfice, quoiqu'il soit malade depuis longtemps.

  A018000927 

 Nous n'avions encor achevé nos plaintes pour la perte que nous avions faite en Piemont, que voyci la seconde arrivee, laquelle, je vous asseure, nous est infiniment [72] sensible, cette chere ame ayant tellement vescu parmi nous, qu'elle nous avoit rendus tous parfaitement siens, mais moy plus particulierement, qu'elle regardoit avec un amour et honneur filial; et puis, le contrecoup receu par l'affliction de sa digne mere donne surcroist a nostre desplaysir..

  A018000991 

 Dans ces conditions, il lui est désormais difficile, ou plutôt impossible de vivre, étant par ailleurs privé de patrimoine et de tout autre bénéfice ecclésiastique.

  A018000991 

 Mais il y a de longues années déjà que, converti au Christ, Evêque et Pasteur de nos âmes, il est venu, ou plutôt revenu, à sa très douce Epouse, l'Eglise catholique, dans la communion de laquelle il a été rétabli à [77] Rome même, et par l'ordre du bienheureux Pontife Clément VIII. Plus tard, il reçut de notre Très Saint-Père le Pape Paul V — que Dieu conserve! — un canonicat de notre Eglise de Genève, ainsi qu'une pension qui devait tant bien que mal subvenir à sa pauvreté; car, en ce qui concerne le canonicat, personne assurément, si économe soit-il, ne peut vivre de ses revenus: à peine s'élèvent-ils a quarante écus, et encore, le plus souvent, ils n'atteignent pas même vingt-cinq pièces d'or.

  A018000992 

 Je saisis cette occasion pour vous féliciter vivement de vos deux derniers livres, pleins de piété, par lesquels vous avez ranimé le cœur [78] des fidèles et les avez excités à poursuivre une perfection plus haute.

  A018000998 

 Hélas! Illustre Seigneur, combien de maux, et quels maux sont suspendus sur nos têtes, si la paix ne se conclut par la vertu du Seigneur, Dieu des armées! Plût au Ciel que les princes catholiques [80] n'eussent qu' un seul cœur! Mais leur cœur est divisé, donc ils périront! Où est-il le Pacificateur? Oui, venez, Seigneur Jésus!.

  A018001007 

 Ayant sceu par monsieur le Prieur, monsieur Jean Moccand, la bonne disposition en laquelle vous [vous] treuves pour remettre vostre Monastere et Congregation au train de l'ancienne pieté de vostre Ordre, j'en ay loué Dieu de tout mon cœur et m'en suis grandement res-jouy, [81] comme de chose qui importe extremement au service de Dieu, et a vostre salut et consolation, et a l'edification des fideles..

  A018001028 

 Que les Dames de la Visitation ayant acheté au veu et sceu de toute la ville la mayson en laquelle elles sont [83] a present, pour y servir Dieu, et s'y estant logees sans opposition ni contradiction de personne, ni mesme des Peres de Saint Dominique, ains au contraire le Reverend Pere de Bollo, Superieur de l'Ordre, ayant favorisé leur Congregation et leur sejour en ce lieu la de plusieurs saintes exhortations faites par luy en leur oratoire, elles n'avoyent nul sujet de penser que lesditz Peres eussent pris en si mauvaise part leur demeure en ce quartier..

  A018001029 

 Que despuis, ayant pleu a Dieu de donner accroissement a leur Congregation, elles se sont treuvees en necessité d'eslargir leur habitation et s'accommoder des maysons voysines, par traittés legitimes faitz avec les possesseurs d'icelles et, par mesme moyen, elles se sont treuvees en necessité de bastir et former leur mayson en monastere pour pouvoir observer la clausure et la.

  A018001030 

 bienseance de l'habitation ...... Et partant, ayant besoin d'avancer leur bastiment sur le canal, il a pleu a la pieté de Sa Grandeur, a laquelle il appartient, de la leur accorder, ainsy qu'il appert par ses patentes; et ce, les gens de Sa Grandeur, Messieurs de cette ville, et le Reverend Pere nostre Maistre le Prieur ouÿs en toutes les remonstrances qu'il leur pleut de faire.

  A018001031 

 Qu'elles sont extremement marries de ne pouvoir eslever leur bastiment sans donner quelque ombre au jardin desditz Peres: que si en cela elles donnent quelque nuisance, c'est a leur regret et sans leur coulpe, puisque la necessite de leur edifice les contraint; en sorte que si elles font quelque incommodité, si ne leur font elles point de tort, estant des incommodités que les voysins, par disposition de droit et la coustume generale des gens, doivent souffrir des voysins..

  A018001032 

 A quoy elles perseverent, et prient lesditz Reverens Peres d'en venir a expedient amiable par les voyes qui seront advisees plus propres; et ce, en consideration de la charité religieuse qui doit regner entre des personnes qui, par commune vocation, ont quitté le monde pour servir Dieu, lesquelles se pouvant entr'ayder, le doivent faire, et non pas s'empescher l'une l'autre..

  A018001033 

 Qu'en ce qui regarde la bienseance et la juste distance qui doit estre entre les monasteres des femmes et ceux des hommes, elles s'en sont rapportees au jugement du Reverendissime Evesque de ce lieu, lequel est chargé par les Canons et par le Concile de Trente de prouvoir a tout ce qui regarde la clausure et asseurance des [85] monasteres des filles.

  A018001069 

 Cette dispense a déjà été accordée, à Grenoble, par la paternelle charité du Saint-Siège, à d'autres Sœurs du même Ordre, moins pauvres que celles-ci.

  A018001069 

 Mais désormais, ce diocèse, cruellement appauvri par les fréquentes incursions des hérétiques et les ravages de longues guerres, ne peut plus répondre à leurs demandes de [89] secours.

  A018001070 

 En effet, libres et affranchies par ce moyen des pénibles anxiétés qui, dans un si grand dénûment de toutes choses, semblent presque étouffer l'élément spirituel, elles se rendront avec ardeur parfaites observatrices des autres règles de leur Ordre; et, avec plus de [90] joie, de facilité, d'attention et de persévérance, elles s'adonneront à célébrer les louanges de Dieu et à prier pour l'Eglise..

  A018001096 

 Nous avons, l'un ici, l'autre à Evian, deux Monastères de Sainte-Claire, où les Sœurs, par les jeûnes, les veilles, la nudité des pieds et beaucoup d'autres macérations corporelles, s'efforcent de servir le Dieu très bon et très grand.

  A018001098 

 Aussi, voyant cette pauvreté extrême nuire beaucoup à leur vie intérieure et rendre ces Religieuses incapables de persévérer plus [92] longtemps dans leur vocation, si le Siège Apostolique ne pourvoit d'un remède opportun, j'ai tenu — bien que le soin de ces Sœurs incombe, non à moi, mais aux Frères Mineurs — à appuyer les demandes et les supplications qu'elles se proposent d'adresser à Sa Sainteté, par mes très humbles prières à la bonté de Votre Seigneurie Illustrissime, que je souhaite beaucoup leur être favorable..

  A018001099 

 Bien plus, alors que, pour le Jubilé, il est permis à chacun de choisir un confesseur à son gré, pourvu qu'il soit approuvé par l'Ordinaire, ce moyen de soulager leur conscience leur est interdit par une cruelle injustice.

  A018001129 

 Je sais qu'il a failli en faisant imprimer ses livres sans l'autorisation requise, mais je sais aussi que la cause principale de cette faute est une certaine simplicité et inadvertance; sans doute, grâce à la correction paternelle et pleine de bonté qui lui sera faite par Votre Paternité Révérendissime, il se tiendra désormais sur ses gardes.

  A018001161 

 Vous recevres par M. Rousselet une de mes lettres, par laquelle je vous supplie de nous assister vers Monsieur pour obtenir le Pré Lombard en faveur des Seurs de la Visitation, et nous vous ouvrons un expedient: qu'au moins il luy playse de permettre que les susdites Dames en eussent la moytié pour donner en eschange aux Peres de Saint Dominique, gardant l'autre moytié pour en faire ce que Sa Grandeur voudroit.

  A018001190 

 Il me semble, certes, que je le voy, ce Sauveur crucifié, au milieu de vostre ame comme un bel arbre de vie, qui, par les fleurs des bons desirs qu'il vous donne, vous promet les fruitz du divin amour qu'il produit ordinairement es lieux ou sont la rosee d'humilité, douceur et simplicité de cœur.

  A018001199 

 Or sus, ma tres chere Seur, il faudra bien tenir vostre cœur ferme, affin quil ne chancele point a cette secousse, mais qu'attaché a la Providence divine, apres les premiers eslans de douleur qui sont inevitables, il demeure doucement en paix, en attendant avec une sainte esperance le tems auquel, par le mesme passage, nous irons revoir ceux qui nous præcedent.

  A018001212 

 En fin, apres plusieurs incertitudes sur le lieu ou je devois prescher ces Advens et Caresme prochains, Son Altesse me commande de retourner a Grenoble pour complaire a monsieur le mareschal de Lesdiguieres, qui, prié par la cour du Parlement, en a tesmoigné un tres grand desir.

  A018001215 

 Qui cœpit bonum opus, perficiet solidabitque par sa misericorde.

  A018001230 

 Il pleut a Son Altesse, il y a plusieurs annees, d'ordonner quelques commodités au cappitaine Henry de la Rose, homme lequel meshuy n'est pas seulement viel, ains decrepite; et bien que la liberalité de saditte Altesse fut excitee par diverses considerations, si est ce que celle de la conversion de cette ame en fut le fondement.

  A018001231 

 Dieu, par sa bonté, veüille conserver et prosperer la personne de Vostre Altesse,.

  A018001262 

 Je dis que l'on n'avoit fait aucune demande, ains quelques significations par ci par la, lesquelles ne requeroyent point de responce, laquelle aussi on n'avoit point faite..

  A018001305 

 La glorieuse sainte Cecile m'appelle au chœur pour ouïr les louanges de son Seigneur, que les musiciens, par devotion particuliere, veulent chanter de sa part.

  A018001317 

 Et havendo io un par d'altri negotii buoni et laudabili nella Corte di Roma, cioè, per un Seminario in questa diocæsi, et per rendre conto di questa mia Chiesa alla Santa Sede, dovendo in ogni modo mandar costì persona aposta et ben qualificata, [118] sarei molto ubligato a V. Pta et alla Congregatione s'io potessi adoprar detto P. D. Giusto; et io farei la spesa del viagio, in maniera che la Congregatione non ne sentirebbe danno nessuno..

  A018001332 

 Quelques autres conditions seront expliquées à Votre Paternité par le P. D. Juste, car je les ai mises au long par écrit..

  A018001333 

 Mais cette sollicitation ne pourra jamais être bien faite que par ledit Père qui est très au courant de la situation locale, non moins que des motifs et des circonstances qui peuvent engager Sa Sainteté à accorder la faveur implorée.

  A018001333 

 Toutefois je crois avec le P. D. Jean-Baptiste, supérieur de ce collège, homme judicieux et qui donne beaucoup de satisfaction à la population, que cette affaire doit se traiter par le P. D. Juste [117] non seulement en notre cour auprès du Sérénissime Prince (ce qui, si je ne me trompe, sera chose facile), mais encore à Rome, où le Père la poursuivrait auprès de l'Ambassadeur de Son Altesse, laquelle, par exprès commandement, en ferait faire la sollicitation.

  A018001334 

 Par ce même moyen, le Père pourrait s'occuper encore de deux autres choses: il ménagerait l'union de certains bénéfices non conventuels pour l'établissement du Noviciat à Rumilly, et il obtiendrait l'approbation des Sœurs de la Visitation, à l'expédition de laquelle on s'emploie, mais très lentement, comme l'écrit le Révérend Père Procureur, parce que les Règles sont en français; le P. D. Juste achèverait rapidement l'affaire.

  A018001335 

 Et puisque j'ai parlé des Sœurs de la Visitation, je dirai encore quatre mots sur le dernier point de la lettre que vous m'avez envoyée par le P. D. Redento.

  A018001335 

 Je ne sais vraiment comment on peut nier qu'ils aient sur celui-ci jus luminis et fenestrarum, puisque par ces deux fenêtres ils en ont de fait la possession..

  A018001335 

 Toutefois, bien qu'au commencement le Père Supérieur actuel fût prévenu par l'opinion des autres, je pensai que la chose le regardait comme chef du collège, et je me crus obligé de lui en parler, non pour lui persuader de se ranger à mon sentiment, mais seulement pour lui donner à entendre que mon avis n'était pas aussi extravagant que quelques-uns le disaient.

  A018001362 

 Dieu, par sa bonté, vous conserve, ma tres chere Mere.

  A018001385 

 Dieu soit beni, et me donne la grace de luy rendre quelque service icy, et par tout ou il luy plaira de m'appeller, sur tout en mon diocese, puisqu'il luy a pleu de m'en charger, et du costé duquel, ou que j'aille, mon cœur s'y tournera a tous momens.

  A018001397 

 Je ne pouvois mieux faire recevoir mon remerciement au celeste Medecin qui vous a guerie, que par les mains de ma Dame sa Mere, Marie conceuë sans peché, nostre chere et souveraine Maistresse.

  A018001409 

 C'est pourquoy, bien que par les projetz de l'annee passee je devois m'imaginer que vous n'esties plus icy, si est ce que je n'ay peu m'empescher que d'abord mon cœur ne vous cherchast autour de [128] madame vostre mere.

  A018001410 

 Et puis, me resouvenant que vous aves esté un peu ma fille spirituelle, je vous supplie de vivre bien conformement a la grace que Nostre Seigneur vous a faite, et de correspondre fidelement a la lumiere qu'il vous a envoyee par tant d'instructions qu'il vous a fait donner..

  A018001432 

 Mais je dis trop: Dieu luy mesme vous tiendra de la mesme main de sa misericorde avec laquelle il vous a mis en cette vocation, et l'ennemy n'aura point de victoire sur vous, qui, comme la premiere fille de ce païs-la, deves estre bien espreuvee par la tentation, et bien couronnée par la perseverance..

  A018001442 

 Il est vray, on peut estre dispensé des vœux simples, et des autres aussi; plus facilement toutefois de ceux la que de ceux ci, mais non sans grande occasion, et lhors qu'il est expedient: dont les Peres Jesuites se treuvent extremement bien, maintenant en partie le lustre de leur tres illustre Compaignie par ce moyen, lequel le monde n'appreuve pas, mays ouy bien Dieu et l'Eglise.

  A018001445 

 Or, Dieu soit loué! J'espere que bien tost chacun s'accoysera par la conclusion qu'on y mettra a Rome..

  A018001455 

 Il faut bien tous-jours tenir ferme en nos deux cheres vertus, la douceur envers le prochain et la tres aymable humilité envers Dieu; et j'espere qu'il sera ainsy, car ce grand Dieu qui vous a pris par la main pour vous tirer a soy, ne vous abandonnera point qu'il ne vous ayt logee en son tabernacle eternel.

  A018001466 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que vous autres qui estes les premieres Meres et comme les colomnes de cette petite Congregation, deves estre grandement humbles, vertueuses et unies a l'esprit de Dieu, puisque vous voyes que de toutes partz l'on vous desire, par tout l'on cherche des greffes et plantes de vos pepinieres; car voyla Grenoble, Turin, Montpellier, Valence, Clermont, Le Mans, en somme par tout il semble que l'on vous veuille a l'envi, sans que par nul artifice on recherche ces recherches....

  A018001479 

 Comme Vostre Altesse Serenissime pouvoit choysir mille et mille personnes plus capables de servir dignement Monseigneur le Prince Cardinal au voyage de France, aussi ne pouvoit elle donner le commandement de ce faire a homme qui vive, qui, avec plus de fidelité et de cœur, receut cet honneur, ni qui, avec plus d'affection, se veuille essaÿer de correspondre par son tres humble service a la faveur et gloire que je sens d'y estre appellé.

  A018001520 

 Je desire encor obtenir une lettre de la Congregation des Evesques a moy et au clergé de ce diocese, par laquelle il me soit enjoint d'eriger un Seminaire de ceux qui pretendent a l'estat ecclesiastique, ou ilz puissent se civiliser es ceremonies, a catechiser et exhorter, a chanter, et autres telles vertus clericales; car, quant aux petitz enfans, nous en avons de reste qui veulent estre ecclesiastiques et qui n'estudient pour autre fin..

  A018001536 

 Voyla ce que j'en croy, quoy que j'ay treuvé tres mauvais le rencontre et la suite de celuy qui estoit si odieux a tant de gens de respect, et qui [144] devoit, par tant de raysons, ne jamais approcher cette trouppe..

  A018001538 

 Je fis tant par mes remonstrances, que l'esprit de M me du Puis d'Orbe, qui estoit aux abboys a cause de tant de troubles et de regretz dont il estoit accablé, reprit un [peu de vigueur] pour s'en aller en paix et vivre en paix en [son abbaye.] Mays elle m'escrit despuis son retour, qu'elle a de rechef treuvé tant de mauvais traittemens, qu'ell'a perdu presque toute esperance de jamais avoir la paix.

  A018001540 

 Vous aures sceu combien l'annee passee nous a esté dure par le trespas de mon frere, de son filz et de sa femme qui en moins de quatre moys ont esté emportés.

  A018001541 

 Et neanmoins, Monsieur mon tres cher Frere, je vous dis le cœur ouvert et devant le Scrutateur des cœurs, que ni directement ni indirectement, ni par moy ni par entremise d'aucun, onques je ne parlois a cette chere seur ni de tester, ni de rien faire de tout ce qu'elle fit pour mes freres.

  A018001541 

 Mays il est vray que ceux qui ont veu avec quel amour, quel honneur, quelle douceur cette pauvre fille estoit cherie de tous nous, ne treuvent pas si estrange qu'elle n'ayt pas volu tirer de nostre mayson que ce qu'elle y avoit apporté, sans que par autre voye nous luy ayons ni donné ni pensé a luy donner cette volonté..

  A018001542 

 Mais c'est trop d'une chose que j'escris par eschappee.

  A018001543 

 Dieu, par son infinie bonté, vous conserve et comble de bonheur, Monsieur mon Frere, avec madame ma chere seur, et suis.

  A018001565 

 Vay-je point trop souvent a vostre porte? Vous importune-je point par mes si frequentes supplications? Certes, je ne dois, ni ne puis, ni ne veux manquer au devoir que j'ay a monsieur le Marquis d'Aix, qui me fait la faveur de m'aymer tres particulierement et que pour ses rares qualités j'honnore parfaitement.

  A018001566 

 Le voyage du Prince Cardinal de Savoye estant differé pour quelque tems et, comme je croy, jusques a carneval, je suis par consequent d'autant esloigné de l'esperance que j'ay que par quelque rencontre ce voyage me pourra donner le bonheur de vous voir.

  A018001584 

 Conservés-le donq bien, ce cœur, en ce juste contentement qu'il a de se sentir en paix avec son Dieu; paix de laquelle le prix n'est point au monde, non plus que la recompense, puisqu'elle vous est acquise par le merite [150] du sang de nostre Sauveur, et qu'elle vous acquerra le Paradis eternel, si vous la gardes bien.

  A018001584 

 Et vous le feres, je le sçai bien; car vous invoqueres Dieu, affin qu'il vous en continue la grace, et prendres soin de bien prattiquer ce que je vous ay conseillé, que j'espere de confirmer par mon retour, puisque, comme j'ay opinion, le voyage de ce Prince que je devois accompaigner est retardé..

  A018001598 

 Cependant il est fort certain, comme vous dites, que ce bon œuvre ne se fera pas sans quelques contradictions; car, comme seroit-il bon autrement? Mais pour cette dame, je ne croy pas qu'elle la face longue, puisqu'elle est vertueuse et de bon esprit; et puis, Dieu dissipe les cogitations humaines par sa science celeste..

  A018001598 

 Et vous diray donq, ma tres chere Fille, que je suis bien ayse que ces filles soyent venues icy faire l'apprentissage du sacré mestier que par apres elles iront exercer, comme j'espere, dedans le païs de leur naissance et de mon affection: pour moy, je n'en puis plus douter, voyant cette generale concurrence des souhaitz qu'en font tant de gens de bien.

  A018001613 

 Et parce que maintenant il n'y a pas suffisamment pour entretenir une seule personne, s'il plaisoit a Vostre Majesté leur ordonner les cent cinquante livres sur les tailles, que ledit Pere Provincial luy a demandees en aumosne, il pourrait par ce moyen y colloquer quelque habile et discret Religieux, qui, par les voyes ordinaires de la justice et des loix publiques, retireroit petit a petit les pieces esgarees dudit couvent, sans que pour cela aucun eust occasion de se plaindre, ni que personne en fust grandement incommodé..

  A018001613 

 Pour obeir au commandement que Vostre Majesté me fait par sa lettre du dernier jour d'aoust 1617, que je n'ay receu sinon quatre mois apres, je diray ce qu'il me semble sur la proposition que le Pere Provincial des Carmes de la province de Narbonne luy a faite, pour [153] le restablissement du couvent que ceux de son Ordre avoyent jadis a Gex; et attendu qu'il y a quelques restes des edifices et des biens dudit couvent, je croy bien, Sire, qu'il seroit bon qu'ilz fussent remis en l'Ordre duquel ilz dependent, a la charge que le service y fust fait selon la proportion du revenu qui en proviendroit.

  A018001614 

 Mais quant aux trois cens livres que ledit Pere Provincial demandoit sur les autres revenus ecclesiastiques remis entre mes mains pour le restablissement de l'exercice catholique es eglises du balliage dudit lieu, je ne voy pas que cela luy doive ni puisse estre accordé; veu que tout est requis pour estre employé aux services et offices divins et a l'entretien et reparation des edifices sacrés, sans qu'on en puisse rien oster, ainsy que j'ay clairement fait voir audit Pere Provincial par les contes de ceux qui, de la part de Vostre Majesté, ont esté establis et commis a la recette desditz revenus.

  A018001615 

 Et quant a ce que Vostre Majesté veut sçavoir, s'il seroit point plus a propos d'introduire en la ville dudit Gex quelque compaignie de Religieux reformés, je pense, Sire, qu'il n'y a point de doute, puisque les desvoyés ne sont pas moins attirés a la connoissance du bon chemin par les bons exemples que par les bonnes instructions.

  A018001615 

 [154] Mais le reste des biens du couvent des Carmes estant si petit, serviroit de peu a cela, qui ne peut estre fait que par le dessein expres de Vostre Majesté et par union de quelque benefice riche, quand il viendroit a vaquer, ou par quelque autre liberalité royale.

  A018001643 

 O Providence celeste! sans esplucher vos effectz, je les adore et embrasse de tout mon cœur, et acquiesce a tous les evenemens qui en succedent par vostre volonté..

  A018001652 

 En la vacance de la chapelle de Sainte Catherine par le trespas du bon et devot M. de Quoëx, j'ay rencontré par mon desir le choix que monsieur vostre mari et vous aves fait; et je n'avois garde de faillir, puisque monsieur le Doyen vous est si proche en toutes façons, que vostre bon naturel ne vous eut pas permis de faire autrement.

  A018001673 

 Dieu, par sa bonté, vous comble de son Saint Esprit, affin que vous vivies en luy et a luy..

  A018001692 

 Mais venes nous voir, et souvent, et nous convertirons les pleurs en joye, nous souvenant par ensemble de celle de laquelle nostre bon frere jouit et laquelle jamais plus ne luy sera ostee.

  A018001742 

 D'après une copie de l'Autographe qui appartenait à M. Griolet, et qui a été vendu à Genève en 1910, par M. Thury.

  A018001748 

 C'est pourquoy, Monseigneur, le P. Don Laurens de Saint Sixt estant par dela, j'ay creu que ce seroit a propos d'en ramentevoir Vostre Altesse, a ce qu'elle oÿe avec confiance ce qu'il luy en [169] representera, puisque non seulement il a pour ce sujet la creance de son General, mais aussi une speciale fidelité au service et a l'obeissance de Son Altesse, delaquelle il est nay sujet et vassal.

  A018001765 

 En somme, nous voudrions tous-jours avoir un peu de consolation et de sucre sur nos viandes, c'est a dire avoir le sentiment de l'amour et la tendreté, et par consequent la consolation.

  A018001766 

 Ne permettes jamais a vostre esprit de nourrir volontairement des pensees contraires; et quand elles vous arriveront, ne les regardés point elles mesmes, destournés vos yeux de leur iniquité, et retournés devers Dieu avec une courageuse humilité, pour luy parler de sa bonté ineffable par laquelle il ayme nostre chetifve, pauvre et abjecte nature humaine, nonobstant ses infirmités..

  A018001776 

 Dieu garde et benit les sorties aussi bien que les entrees de celles qui font toutes choses pour luy, et qui n'occasionnent pas leurs sorties par leurs mauvais deportemens.

  A018001776 

 Sa providence fait vouloir le sacrifice qu'elle empesche par apres [174] d'estre fait, comme on voit en Abraham; et me semble que je dis je ne sçay quoy de ceci au livre de l' Amour de Dieu, mais je ne me souviens pas ou..

  A018001777 

 Dilatés cependant vostre cœur, ma chere Fille, mon ame, parmi les tribulations; aggrandisses vostre courage, et voyes le grand Sauveur penché du haut du Ciel vers vous, qui regarde comme vous marches en ces tourmentes, et, par un filet de sa providence imperceptible, tient vostre cœur et le balance en sorte qu'a jamais il le veut retenir a soy..

  A018001780 

 En somme, apres tout, nous sommes trop heureux d'avoir pretention en l'eternité de la gloire, par le merite de la Passion de Nostre Seigneur, qui fait trophee de nostre misere pour la convertir en sa misericorde, a laquelle soit honneur et gloire es siecles des siecles.

  A018001805 

 Il est cependant fait par un cœur qui honore grandement et chérit le souvenir de notre Monseigneur.

  A018001832 

 Il y a peu de jours, je reçus de la part du bon Père D. Juste un chapelet avec la croix du bois de saint François, qui, à ce qu'il m'écrivit, m'est aussi offert par [178] vous.

  A018001832 

 Si mes prières sont exaucées par le Seigneur notre Dieu, ce cœur recevra le comble de la perfection de l'amour céleste, et cette main l'anneau des éternelles épousailles avec le Rédempteur de nos âmes, afin que, suivant les désirs de Votre Seigneurie Illustrissime, elle vive toute pour le Christ, dans le Christ et au Christ..

  A018001833 

 C'est pourquoi on demande à Son Altesse de daigner faire en faveur de cette œuvre de piété ce qu'elle a fait en de semblables occurrences, ratifiant le [179] contrat passé avec le Duc de Nemours ou avec ceux qui contractent en son nom; et les Sœurs supplient la Sérénissime Infante de vouloir bien recommander cette affaire, et Votre Seigneurie Illustrissime, d'intercéder pour elles, par charité..

  A018001834 

 Mais on attend les dépêches de Rome; ayant maintenant pour les obtenir un solliciteur aussi habile que l'est le P. D. Juste, et de si nombreuses recommandations, il faut espérer qu'avec la grâce de Dieu nous les recevrons bientôt, d'autant plus [180] qu'il s'agit du service et de la gloire de sa divine Majesté, et du salut des âmes rachetées par le sang du Rédempteur.

  A018001846 

 La Sainte Mayson de Thonon ne peut subsister che (sic) par la bonté et liberalité de Son Altesse, qui en est la fondatrice, et laquelle partant est suppliee maintenant sur divers articles desquelz la resolution et execution est necessaire pour maintenir laditte Mayson, ainsy que le sieur Gilette, present porteur, representera..

  A018001862 

 Nostre Seigneur permet qu'en ces petites rencontres nous demeurions courtz, affin que nous nous humiliions, et que nous sçachions que si nous avons surmonté certaines grandes tentations, ce n'a pas esté par nos forces, mais par l'assistance de sa divine Bonté..

  A018001863 

 Je le voy bien, que par ces menues tracasseries il y a force sujetz d'exercer l'amour ou l'acceptation de nostre propre abjection: car, que dira-on d'une telle fille qui n'a point fait proffiter et n'a point bien dressé ni donné bonne action a cette petite fille? Et puis, qu'est ce que nos Seurs diront de voir que pour la moindre importunité qu'une creature nous fait, nous nous desbattons, nous nous plaignons, nous grondons? Il n'y a remede, ma tres chere Fille.

  A018001871 

 Et par ce qu'il m'a demandé pour l'amour de Dieu mon intercession aupres de Vostre Altesse, je ne la luy ay peu refuser; c'est pourquoy, croyant fermement que rien ne se treuvera en cette occasion contre son innocence, je fay tres humble supplication a Vostre Altesse de luy vouloir departir sa faveur pour sa briefve sortie et son renvoye en son cloistre..

  A018001871 

 Le Pere Frere Angelo Calcagnio, Gardien des Observantins de Playsance, est prisonnier des il y a trois moys a Chamberi; et par ce que je l'ay souvent veu a Annessi, ou il a quelquefois demeuré les moys entiers avec son frere, et n'ay jamais rien reconneu en luy contraire a la pieté et religion, je l'ay visité en sa prison, ou je l'ay treuvé comme un homme que le tesmoignage de sa conscience tient asseuré.

  A018001888 

 Mays pourtant, affin que de nostre costé nous attirons le bon succes par toute la sousmission quil nous sera possible, je vous diray, mon tres cher Pere: premierement, que si vous voyes du jour qu'avec un peu d'importunité nous puissions obtenir les trois articles que nous [186] demandons, je vous supplie de faire tout effort opportune, importune..

  A018001891 

 Que si en fin on ne peut mieux faire, il faudra au moins tascher d'obtenir que cette Congregation soit mise en tiltre de Religion, mais avec remission de l'obligation de dire le grand Office, tant en particulier qu'en general, pour le plus long tems que se pourra, comme pour cinquante ans ou soixante; car au bout dudit tems on obtiendroit peut estre bien une prolongation, quand le Saint Siege auroit veu par experience que cette dispense reusciroit a plus grand bien.

  A018001926 

 Je n'ay point servi monsieur de Lescheraine vostre [190] filz, ains je ne l'ay mesme pas veu, ni hier quil prit la peine de venir ceans tandis que je me præparois au sermon, ni aujourd'huy qu'il m'a apporté vostre lettre, par ce qu'il n'a pas fait sçavoir son nom a celuy a qui il a parlé et que sa discretion a esté trop grande a s'en retourner, me sachant en occupation.

  A018001999 

 Que dites vous, ma tres chere Fille? Vous semble-il qu'elle n'ayt pas tort de parler ainsy? Ne sont ce pas des paroles excessives? Rien ne les peut excuser que l'amour qu'elle me porte, lequel est certes tout saint, mais exprimé par des termes mondains.

  A018002009 

 Ce porteur, jeun'homme de Gex, quitte son pais et la mayson de son pere pour eviter les inhumaines et continuelles persecutions qu'il y a rencontrees des qu'abjurant l'hæresie il a embrassé la foy catholique; et c'est un grand cas, Monsieur, que cette faction de prætendus reformés, toleree par l'indulgence du Roy, est si [198] insolente que de vouloir, par des voyes extraordinaires, empescher aux sujets de la coronne la liberté de servir Dieu selon la religion du Roy et du royaume, en laquelle l'Estat a esté et laquelle a tous-jours esté en l'Estat, il a, graces a Dieu, environ douze cens ans..

  A018002010 

 Monsieur, c'est pour cela que je vous ay supplié de nous faire avoir des magistratz catholiques en ce balliage de Gex, qui, par l'authorité qu'ilz possederont, pourront donner le contrepoids a la multitude et malice des ennemis de la religion du Roy et du royaume, qui sont si hardis au mal et si pleins d'artifices pour l'executer que, s'ilz ne sont retenus de main forte, ilz ne cesseront d'empescher par toutes sortes de moyens violens le progres de la conversion des ames.

  A018002042 

 Le nous et nostre ne me deplaist pas, et toutefois il [202] faudra le moderer en sorte que par trop grande habitude de parler ainsy on ne rende pas les defautz, pechés, imperfections communs et les confessions inintelligibles aux confesseurs estrangers; et partant, il semble quil suffiroit de dire nous et nostre de tout ce qui est vrayement commun, comme: nostre chambre, nostre chapelet, nostre travail, nostre Seur, nostre Mere, nostre exercice; car on peut bien dire: Je n'ay pas fait nostre exercice du matin, je n'ay pas esté a nostre disner, j'ay pensé dans nostre lict, et semblables..

  A018002043 

 Si pour ne point differer de donner l'habit a nostre Seur de Collesieu jusques apres vostre despart, Monseigneur de Calcedoine veut dispenser du tems du premier essay, il faut accepter la dispense pour cette fois, et le supplier par apres de n'en point dispenser que pour des dignes sujetz, attendu que la regie de cet essay est fort utile et salutaire a la Congregation..

  A018002045 

 M. de la Roche m'en dit autant de la sienne, et par consequent vous voyes, ma chere Fille, quil y a un peu de consideration humaine en ces bons peres; neanmoins je vous dis tout, affin que vous le consideries et ruminies pour vostre retour, et peut estre que l'on ne demandera des Seurs de deça que pour un court emprunt.

  A018002053 

 Madame la conseillere Le Maistre me pria de la vous recommander, et sans doute elle a besoin qu'on asseure son ame, pleine de bonne volonté, mais un peu sujette aux abattemens de courage et melancholie: ce pourquoy il la faut encourager et un peu prendre par la main..

  A018002071 

 Et a la verité, puisque Dieu peut et sçait tirer le bien du mal, pour qui fera-il cela, sinon pour ceux qui, sans reserve, se sont donnés a luy? Ouy, mesme les pechés, dont Dieu par sa bonté nous defende, sont reduitz par la divine-Providence au bien de ceux qui sont a luy.

  A018002072 

 Et quoy que vous ne voyes pas les ressortz par lesquelz ce bien vous doit arriver, demeures tant plus asseuree qu'il arrivera.

  A018002074 

 La troysiesme maxime que vous deves avoir, c'est celle que Nostre Seigneur enseigna a ses Apostres: Qu'est ce qui vous a manqué? Voyes vous, ma chere Fille, Nostre Seigneur avoit envoyé les Apostres ça et la, sans argent, sans baston, sans souliers, sans besace, revestus d'une seule soutane, et il leur dit par apres: Quand je vous ay ainsy envoyés, quelque chose vous a-elle manqué? Et ilz luy dirent: Non.

  A018002096 

 Quant au jardin, mon tres cher Pere, je n'y pense plus; non que je ne voye bien que le projet que nous avions fait n'incommodoit pas le [collège,] ains l'accommodoit par le moyen de la recompense que nous eussions donnee; mais, par la grace de Dieu, je n'eus jamais [212] desir de me rendre contentieux, ni de blesser l'esprit de personne..

  A018002146 

 Il est certain que je vous escrivis des Grenoble une fois par monsieur de Bauvillars, gentilhomme de Cremieu, et l'autre, ce me semble, par monsieur Orlandini, ecclesiastique, frere de l'une de nos Seurs.

  A018002181 

 J'ay sceu par une lettre de madame de Chantal, que le desirable mariage qui fut conclu en mon logis se treuvoit plein de difficultés en l'esclaircissement des articles particuliers; et je confesse que, le croyant si convenable et propre au contentement des parties et de leurs amis, je ne puis m'empescher d'en estre en peyne.

  A018002194 

 En cette vacance de l'estât d'advocat de Vostre Grandeur en ce Conseil de Genevois, advenue par la promotion de monsieur Ouvrier a celuy de senateur, je croy que le sieur Mottier sera proposé a Vostre Grandeur; et je puis dire que si elle luy fait la grace de le recevoir en cette charge, ell'en sera extremement bien servie, non seulement par ce que c'est l'un des plus dignes advocatz que nous ayons en ce païs, mais aussi par ce qu'il [223] affectionnera ardemment son devoir.

  A018002211 

 Dieu, par sa bonté, vive et regne en nos cœurs.

  A018002226 

 Au reste, on nous a annoncé de toutes partz le mariage de Sa Grandeur; mais j'attens que vous me le facies sçavoir, avant que j'en tesmoigne ma joye, comme je dois, a sadite Grandeur, avec laquelle je me res-jouirois bien davantage si on ne nous asseuroit pas, par la mesme [225] nouvelle, qu'elle se resoult de ne venir plus icy.

  A018002245 

 La Visitation vous attend, et M me de Chantal me conjura a son depart, ou par une lettre, de vous conjurer de [226] les assister a present.

  A018002289 

 Ce n'est pas escrire, ceci, ma tres chere Fille; c'est seulement, comme par un petit signe, vous faire sçavoir que ce cœur duquel vous estes la fille a receu vostre lettre avec beaucoup de joye et ne cesse point de vous desirer la perfection de l'amour caeleste.

  A018002306 

 En somme, Madame, il faut s'accommoder a la necessité et la rendre utile a nostre felicité future, a laquelle nous ne devons ni pouvons aspirer que par ce chemin de croix, d'espines, d'afflictions.

  A018002317 

 Je vous diray, Madame, mais aussi, s'il vous plait, ma tres chere Fille, qu'il est impossible de n'avoir pas des ressentimens de douleur en ces separations; car, encor qu'il semble que les unions qui ne tiennent qu'au cœur et a l'esprit ne soyent point sujettes a ces separations exterieures, ni aux desplaysirs qui en procedent, si est ce que, tandis que nous sommes en cette vie mortelle, nous les sentons, d'autant que la distance des lieux empesche la libre communication des ames, qui ne peuvent plus s'entrevoir ni s'entretenir que par cet office des lettres.

  A018002317 

 Mays pourtant, ma tres chere Fille, il y a bien dequoy vivre content en la tressainte dilection que Dieu donne aux ames unies a mesme dessein de le servir, puisque le lien en est indissoluble, et que rien, non pas mesme la mort, ne le peut rompre, demeurant eternellement ferme sur son immuable fondement, qui est le cœur de Dieu, pour lequel et par lequel nous nous cherissons..

  A018002319 

 Certes, je le dis en verité, je vous cheris tres particulierement des que je vis en vostre cœur les arrhes du saint amour de Dieu envers vous, tesmoignees par les [232] attraitz qu'il vous fait a son service.

  A018002330 

 Oh! Dieu vous conserve, ma tres chere Mere, et vous comble de benedictions par tout ou vous estes, et moy aussi.

  A018002361 

 Nous sommes tous-jours esperant et attendant la reddition de nostre Verceil, laquelle devroit il y a long tems estre faite, selon la rayson et les promesses, mais qui ne devroit pas estre si tost attendue, selon l'honneur de celuy qui tient la ville, qui expres, dit on, ne la veut pas faire selon les articles et a point nommé, affin que l'on ne puisse pas dire que c'est par l'authorité du Roy qu'il fait ce dernier accomplissement de la paix.

  A018002376 

 Par cette si asseuree commodité, je vous diray, ma tres chere Fille, que nostre Mere dit la verité: je suis extremement accablé, non tant d'affaires comme d'empeschemens, mais d'empeschemens dont je ne puis me [237] desprendre.

  A018002376 

 Seulement faut-il que vous me soyes un peu bonne, en m'excusant quand je seray un peu tardif a respondre, puisque je vous puis asseurer que ce ne sera jamais que par necessité que je differeray, mon esprit prenant bien playsir a visiter le vostre..

  A018002381 

 Dieu, qui vous a pris par la main pour vous mettre au chemin de sa gloire, vous conduira, ma tres chere Fille.

  A018002399 

 Je vous respons bien courtement, mais c'est par force, n'ayant autre loysir que pour cela.

  A018002410 

 Il me semble que vous pourres luy respondre en peu de paroles quant a ce qui regarde la grace, en luy disant que en la grande presse qu'on vous a donnee, pour laquelle vous n'avies nul loysir d'attendre sa response, vous aves pris advis de ceux que vous aves jugé vous le pouvoir donner; et que, en fin, selon leur conseil, vous aves fait ce que vous aves fait, marrie que vous seres si elle l'a a contrecœur; et qu'elle excuse vostre simplicité, et n'impute toute cette procedure qu'au manquement d'experience es telles occurrences (car en somme, ma tres chere Fille, il faut affoiblir la passion de cette seur ainsy par humilité et douceur); qu'il ny a d'empesché que ceux qui se treuvent en la meslee, et les filles n'auront ni honneur [242] ni deshonneur en tout ceci, car on sçaura tous-jours que ce sont des filles.

  A018002435 

 Il faut que je vous die, ma chere Fille, que, gardant nostre liberté, je treuve qu'en plusieurs rencontres il y peut avoir un incomparable advantage (sans s'attacher toutefois a des directions particulieres) de faire passer le [244] jugement de quelqu'un par dessus le nostre pour nostre conduite interieure: ainsy le divin Espoux renvoyoit son amante aux tabernacles des pasteurs..

  A018002438 

 Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de la Mere de Chastel, par la Mère de Chaugy.

  A018002447 

 Que de divers advis j'ay receus il y a environ deux mois! Mais Dieu soit loüé, qu'apres avoir pleuré et amerement regretté sur vostre trespas, qu'on m'avoit annoncé, je benis sa divine Majesté et la supplie avec une incomparable consolation pour vostre vie que, certes, vous deves meshuy cherir, Monsieur mon tres cher Filz, puisque vous voyes combien elle est desiree, comme tres utile, par tant de gens de bien; car on m'escrit de Gex que parmi tout vostre gouvernement on a fait des actions de graces publiques a la divine Bonté pour vostre guerison.

  A018002448 

 L'une sera de la conserver soigneusement par les moyens [245] convenables, estayant et appuyant l'infirmité d'icelle et le penchant que l'aage et les maladies luy ont causé, par le repos et reglement propre a cela..

  A018002449 

 Pour moy, je ne cesse point, certes, de prier a ce dessein, que par un asseuré pressentiment je voy des-ja, ce me semble, tout executé, avec un surcroist de contentement indicible de sçavoir combien monsieur vostre frere fraternise heureusement pour ce regard..

  A018002450 

 Au demeurant, Monsieur mon Filz, le jeune Bursal, de Gex, s'estant converti a la foy catholique par la bonté de Dieu, a tant receu de mauvais et indignes traittemens en sa patrie par ses bourgeois et mesme par ses proches, qu'il a esté contraint de se retirer a Paris, ou il a pensé de pouvoir treuver quelque condition de service pour s'entretenir; et nos ecclesiastiques de Gex m'asseurent qu'il est fort bon enfant.

  A018002480 

 Dites a cette bonne ame qu'elle entre asseurement a Sainte Marie; bien qu'elle ne soit pas encor Religion, elle le sera bien tost, et j'oserois dire que, devant Dieu, elle l'a tous-jours esté, puisque, par sa grace, l'on y a tous-jours vescu religieusement.

  A018002514 

 Outre l'extreme desir que j'ay tous-jours eu de voir une resolution au maniment des affaires de la Sainte Mayson, par laquelle tous ceux qui y servent a Dieu puissent vivre avec plus de tranquillité qu'on n'a pas fait jusques a present, monsieur le Marquis de Lans me convie a m'employer a cela, s'offrant de son costé de contribuer toute son authorité et son pouvoir.

  A018002532 

 Cette lettre vous est estroittement recommandee, ma tres chere Fille, par celuy qui l'a escritte en chemin, allant d'icy en Bornand; car quant a moy, je ne vous dis rien pour le present, sinon que je feray response a ces bons Peres desquelz vous m'envoyastes les lettres.

  A018002532 

 Et ne laisse pas d'admirer comm'ilz desirent que j'escrive au Roy de leurs affaires, moy que le Roy ne sçait pas estre au monde; car, quel credit puis je avoir en chose de cette consequence? Neanmoins, puis que le P. de Lesseau [254] le veut, je le feray et vous envoyeray la lettre par ma Seur Barbe Marie, nostre tres chere fille..

  A018002544 

 La Congregation des Cœlestins, agitee maintenant en France de quelque contention, espere que la venue [255] de son Abbé general, qui est de plus commis expressement par nostre Saint Pere le Pape, calmera et accoysera aysement leur petite mer; mais sur tout, si l'œil de Vostre Majesté en favorise le dessein..

  A018002545 

 C'est de quoy, Sire, vostre justice et pieté est suppliee tres humblement par cette trouppe de tres fideles sujetz et tres devotz orateurs que Vostre Majesté a en cet Ordre, tous-jours jusques a present de grande edification, et mesme sous vostre couronne royale, laquelle les a aussi tous-jours gratifiés de sa speciale protection.

  A018002563 

 [Ce n']est pas mauvais signe, mais bon, quand il se fait ainsy quelque petite purgation; et comme ce seroit [257] cruauté de renvoyer les filles par nos caprices, aversions ou inclinations, aussi seroit ce cruauté de les retenir contre les leurs, quand ilz ne sont pas guerissables..

  A018002582 

 Je pense, Messieurs, que Monseigneur de Valence, vostre Evesque, pourra tout et voudra tout pour cette affaire, et que ces Peres luy seront fort agreables, et que par consequent il sera a propos que de bon'heure on [259] l'advertisse, affin qu'il coopere aupres de Sa Majesté et puis aupres de messieurs du Parlement..

  A018002596 

 Ce porteur m'a fort obligé par la peine qu'il a prise de me venir voir, mais encor plus par le soin qu'il a eu de me dire de vos nouvelles, puisqu'elles sont toutes bonnes, et qu'avec cela, pour me donner plus de gloire et de contentement, il m'a dit que vous avies souvent memoire de moy; car je confesse franchement que ce bonheur m'est grandement praetieux, selon l'extreme affection que je sens en mon ame a cherir et honnorer singulierement la vostre qui m'est tous-jours presente, je vous asseure, au moins en mes principales prieres, qui sont celles de la sainte Messe.

  A018002597 

 Dieu, par sa bonté, vous veuille combler de ses plus desirables benedictions, ma tres chere Fille, et vous rendre de plus en plus toute parfaitement sienne.

  A018002615 

 Je suis bien ayse que vous ayes une parfaite confiance a la Mere de dela, car je croy qu'elle vous sera utile, et c'est une Mere qui est toute ma tres chere fille et en laquelle j'ay toute confiance aussi; et sans cette confiance je luy escrirois plus souvent, mais je m'en dispense, comme je feray de vous a qui j'escris maintenant par rencontre, et j'en suis bien ayse.

  A018002634 

 Se bene par duro a questi nostri Padri che voglia quella communità astringerli di non pigliar altri studii in quella provincia 7 e leghe vicine a quel di Chabeuil, tuttavia non mi par inconveniente, già che la Congregatione può dilatarsi pigliando chiese ad ufficiare, et che si eccettarà la theologia et philosophia.

  A018002650 

 A la vérité, il est petit, mais néanmoins très propre à faire connaître votre Congrégation en ce pays, et par conséquent à la faire goûter dans le royaume de France et s'y étendre.

  A018002653 

 Les Messes pourront se réduire facilement par l'autorité de l'Ordinaire, et, avec le temps, les revenus étant augmentés, la Congrégation aura de moins lourdes charges..

  A018002697 

 Et il n'y a moyen d'en rien avoir, ains faut qu'ilz despensent beaucoup par empruntz, pour solliciter inutilement ce qui est deu si justement..

  A018002697 

 Quand Monseigneur le Serenissime Prince estoit icy il y a deux ans, je luy representay la justice de la demande des curés d'Armoy et de Draillens, selon la requeste ci jointe; et Son Altesse commanda, et par escrit et de bouche, qu'ilz fussent payés, en consideration de ce que leur payement estoit de droit divin et humain.

  A018002697 

 [268] Despuis, sadite Altesse l'a de rechef commandé par lettres fort expresses, que vous, Monsieur, escrivites environ les festes de Pasques a monsieur le Marquis de Lans, auquel je les rendis moy mesme; et ne se peut dire de quelle asseurance il me promit que j'en verrois les effectz.

  A018002704 

 Monsieur, je n'ay pas creu de devoir importuner monsieur Boschiz par une lettre en cette occasion, estimant de devoir en cela espargner son loysir et me contenter de le supplier, par vostre entremise, de [me] tenir pour son tres obligé serviteur, qui se promet sa faveur et en cette occurrence et es autres, pour sa bonté..

  A018002736 

 J'ai vu depuis le conseil que, par votre intermédiaire, l' Ange du grand conseil donne aux pauvres mortels touchant le choix de la vraie Religion.

  A018002750 

 Or, je voy bien que, quoy qu'on leur donnast, ou un autre jardin, ou autre chose, il sera impossible de les ranger, car ilz s'obstinent par pure tentation.

  A018002796 

 Oh! si j'estois veritablement Theophile, comme vostre grand Prelat m'appelle (plus selon la grandeur de sa charité que selon la connoissance qu'il a de mes infirmités), que je vous serois aggreable, mon tres cher Frere! Mays si vous ne me pouves aymer parce que je ne le suis, aymes moy affin que je le sois, priant nostre grand Androphile qu'il me rende par ses prieres son Theophile.

  A018002811 

 J'ay un Chapitre autant bien qualifié qu'il se peut dire; c'est pourquoy, outre le devoir que j'ay au service de Dieu et de l'Eglise, j'en ay un bien particulier a mes Chanoynes, qui, par un asses rare exemple, ne sont qu'un cœur et qu'un'ame avec moy au soin de ce [282] diocæse.

  A018002831 

 Ni je ne vous remercieray pas du bon accueil que vous aves fait a monsieur le President Crespin, soit que vous l'ayes fait selon la generosité de vostre esprit, qui vous est naturelle, soit que vous l'ayes fait selon la bienveuillance que vous me portes, de laquelle l'habitude est passee meshuy en nature par la multitude de l'exercice que vous en faites continuellement.

  A018002846 

 Vous ne sçauries, je vous asseure, Madame, m'escrire trop souvent, ni donner du divertissement a mes occupations par vos lettres, qui plus tost me soulagent par la consolation que j'ay de sçavoir des nouvelles de vostre cœur qui m'est extremement cher, et que je prie de tout le mien de vouloir continuer sa charité envers mon ame, la recommandant souvent a Nostre Seigneur; comme de mon costé je ne cesseray jamais de vous souhaiter la tressainte perseverance, avec un continuel accroissement en l'amour celeste de sa divine Majesté, qui est le comble de tout bonheur, Demeurés en paix, ma tres chere Fille, et benisses de plus en plus la Bonté divine qui vous veut toute pour elle..

  A018002877 

 Ainsy donq, mon tres Reverend Pere, je vous salue tres humblement par cette entremise, et vous souhaitant toute sainte prosperité, je demeure a jamais.

  A018002892 

 Jamais il ne se presentera occasion de vous rendre service, que je ne l'employe avec toute l'affection et sincerité que Vos Excellences pourroyent desirer; et non seulement par le devoir d'amitié et voysinage, mais par une speciale inclination que j'ay envers vostre tres catholique, tres pieuse et tres illustre Republique et Seigneurie, je m'estimeray tous-jours fort heureux quand je pourray executer vos desirs.

  A018002966 

 Ces honorés Pères Visiteurs des Barnabites ont trouvé chez moi un très particulier souvenir des faveurs reçues de Votre Seigneurie Illustrissime; et comme ils m'ont dit que vous aviez quelque [293] connaissance de notre langue française, je vous adresse en toute humilité ce discours ou harangue faite par le cardinal du Perron, œuvre très belle, si je ne me trompe, pour la vivacité du génie qui la caractérise.

  A018002980 

 Raccommandar a V. S. il nostro P. Dom Giusto par cosa ingiuriosa alla charità che ella tiene; ma mi è lecita per darglie qualche testimonio del mio affetto verso di lui..

  A018003049 

 Tout a la haste, et sans haleyne ni loysir, j'escris a monsieur vostre grand bienfacteur par cette si asseuree commodité.

  A018003064 

 Je vous envoyeray la copie du Bref par lequel nostre Congregation est establie en tiltre de Religion..

  A018003065 

 Oh! Dieu soit beni, qu'estant filles toutes et servantes de la mesme Mere de Dieu, quoy qu'elles grandes et vous petites, vos cœurs soyent unis par sa sainte dilection que cette sacree Mere verse dedans le cœur de toutes les Seurs.

  A018003066 

 Soyés tous-jours toute courageuse, ma tres chere Fille, et vives toute en Celuy pour lequel et par lequel vous estes creee, baptizee et eslevee a cette sublime dignité d'espouse de Jesus Christ..

  A018003114 

 Je reçus votre lettre hier au soir par M. Vardelli, et je remercie humblement Votre Illustrissime Seigneurie de la faveur qu'elle me fait de m'écrire, car cela me donne mille consolations..

  A018003115 

 La Mère, donc, par une spéciale providence de Dieu, se trouvait déjà en voyage et même était arrivée à Bourges lorsque me parvint le mémoire du Sérénissime Prince.

  A018003116 

 Il me dit en chemin qu'il voulait me parler de ce qui concerne Votre Illustrissime Seigneurie, mais il ne l'a pas fait jusqu'à présent; je ne crois pas même qu'il le puisse de si tôt, occupé comme il l'est par les affaires qui toutes retombent sur ses bras et sur ceux de M. le Marquis votre frère..

  A018003117 

 Deux fois par jour, Son Altesse lisait des livres français pour apprendre de plus en plus la langue et s'initier aux affaires de ce royaume.

  A018003118 

 Arrivés à Orléans, accueillis par MM. de Béthune et de Modène qui étaient venus à notre rencontre, nous arrêtâmes deux [307] jours pour nous reposer un peu; là, Son Altesse fit la sainte Communion pour la fête de la Toussaint, puis, à petites journées, nous vinmes jusqu'ici.

  A018003148 

 Je regarde meshuy vostre Mayson comme une pepiniere de plusieurs autres; c'est pourquoy il faut songer d'y enraciner les grandes et parfaites vertus de l'abnegation de son amour propre, l'amour de son abjection, la mortification des humeurs naturelles, la sincere dilection, affin que Nostre Seigneur et sa tressainte Mere soyent glorifiés en nous et par nous..

  A018003158 

 Voyla, ma tres chere Fille, comme Dieu multiplie et benit l'œuvre qu'il luy a pleu de faire commencer par la petitesse et abjection de troys petites creatures, lesquelles pour cela doivent s'esvertuer d'estre de plus en plus toutes a la divine Majesté et a cette vocation, pour la rendre tous les jours plus aggreable a Dieu..

  A018003172 

 Et parce que la Sainte Escriture dit que le mary d'une femme bonne est heureux, je puis des a present augurer toute sorte de bonheur a Vostre Altesse pour ce regard, et en benir Nostre Seigneur de tout mon cœur, puisque, [315] comme la mesme Escriture nous annonce, la mayson et les richesses nous sont acquises par nos peres, mais la femme sage et vertueuse, a proprement parler, est donnee comme un pretieux present de la liberalité divine..

  A018003173 

 Au surplus, Monseigneur, je ne sçaurois exprimer avec combien de grace Monseigneur le Cardinal se comporte en cette cour, et combien il est adroit a mesler la qualité de grand Prince que sa naissance luy a donnee, avec celle de tres digne Cardinal que sa profession luy fait tenir, alliant admirablement bien la franche et generale courtoysie, qui est si desiree et estimee de cette nation, avec la modestie et bienseance qui y est si pretieuse, comme par tout le monde..

  A018003185 

 Croyes, ma tres chere Fille, que le trespas de ce cousin et l'apprehension des regretz de la chere cousine m'ont vivement touché; mays parmi tout cela, Dieu soit [316] beni qui, par sa providence, reduit toutes choses au proffit des siens..

  A018003186 

 Vous en sçaures le detail par mon frere de Thorens, car je m'imagine qu'on luy en escrit par le menu.

  A018003231 

 Quand sera ce que nous ne voudrons rien, ains laisserons entierement le soin a ceux a qui il appartient de vouloir pour nous ce qu'il faut? Mais il n'y a remede: la propre volonté est bridee par l'obeyssance, et toutefois on ne peut l'empescher de regimber et faire des caprices; il faut supporter cette infirmité.

  A018003243 

 Je vous ay tesmoigné par mes lettres que je prendrois a faveur de me nommer vostre frere, qui est le mot du plus franc et desirable amour de tous ceux que la nature nous a donné et que la grace nous ordonne.

  A018003254 

 D'autre part, elles portent des manifestations de certaines choses que Dieu declare fort rarement: comme, l'asseurance du salut æternel, la confirmation en grace, le degré de sainteté de plusieurs personnes, et cent autres choses pareilles qui ne servent tout a fait a rien; de sorte que saint Grrgoire ayant esté interrogé par une dame d'honneur de l'Imperatrice, qui s'appelloit Gregoire, sur l'estat de son futur salut, il luy respondit: « Vostre douceur, ma Fille, me demande une chose qui est esgalement et difficile et inutile.

  A018003256 

 Elle en eut une extremement dangereuse, pour laquelle il fut treuvé bon de faire faire essay de la sainteté de cette creature; et pour cela, on la mit avec la bienheureuse Seur Marie de l'Incarnation, lhors encor mariee, ou estant chambriere et traittee un peu durement par feu monsieur Acarie, on descouvrit que cette fille n'estoit nullement sainte, et que sa douceur et humilité exterieure n'estoit autre chose qu'une doreure exterieure que l'ennemy employoit pour faire prendre les pilules de son illusion, et en fin on descouvrit qu'il ny avoit chose du monde en elle qu'un amas de visions fauses.

  A018003256 

 Et tout cecy m'a esté raconté par la bienheureuse Seur Marie de l'Incarnation..

  A018003256 

 Quand elle portoit l'aumosne a la porte, il multiplioit le pain dans son tablier, de sorte que, si elle ne portoit de pain que pour trois pauvres et il s'en treuvoit trente, il y avoit pour donner a tous tres largement, et d'un pain fort delicieux, duquel son confesseur mesme, qui estoit d'un Ordre tres reformé, envoyoit ça et la parmi ses amis spirituelz, par devotion.

  A018003257 

 Seulement, ma tres chere Seur, il luy faut tesmoigner une totale negligence et un parfait mespris de toutes ses revelations et visions, tout ainsy que si elle racontoit des songes ou des resveries d'une fievre chaude, sans s'amuser a les refuter ni combattre; ains au contraire, quand elle en veut parler, il faut luy donner le change, c'est a dire, changer de propos et luy parler des solides vertus et perfections de la vie religieuse, et particulierement de la simplicité de la foy, par laquelle les Saintz ont marché, sans visions ni revelations particulieres quelcomques, se contentans de croire fermement en la revelation de l'Escriture Sainte et de la doctrine apostolique et ecclesiastique, inculquant bien souvent la sentence de Nostre Seigneur: Il y aura plusieurs faiseurs de miracles et plusieurs prophetes ausquelz il dira a la fin du monde: Retires vous de moy, ouvriers d'iniquité; je ne vous connois point.

  A018003261 

 Il se peut bien faire que le malin esprit ayt quelque part en ces illusions; mais je croy plustost qu'il laisse agir l'imagination, sans y cooperer que par des simples suggestions.

  A018003264 

 Revu en partie sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée.

  A018003274 

 Mays il ny a remede; l'esprit de contrarieté se fourre par tout, mais plus violemment ou il sçait que l'unité et conformité seroit de plus grande edification.

  A018003277 

 Que si j'ay treuvé bon que M. Jaquin ny eut plus rien a faire, ça esté par ce qu'il failloit preferer l'un des deux, dont le premier ne vouloit point de compaignon, ni le second de maistre..

  A018003314 

 Je suis grandement en peine de vostre affliction, bien que je n'en sache pas les particularités; mais je voy bien, par ce peu de paroles que vous m'escrivés, que vous la sentés vivement.

  A018003328 

 L'aymant attire le fer, l'ambre attire la paille et le foin: ou que nous soyons fer par dureté, ou que nous soyons paille par imbecillité, nous nous devons joindre a ce souverain petit Poupon, qui est un vrai tire cœur..

  A018003328 

 Vous estes bien aupres de cette cresche sacree en laquelle le Sauveur de nos ames nous enseigne tant de vertus par son silence.

  A018003330 

 Aspirés donq souvent pour moy, ma Fille, et vous prescheres avec moy; et moy, croyes moy, je joins mon ame a la vostre tous les jours par le lien du tressaint Sacrement, que je ne reçoy point qu'avec vous et pour vous.

  A018003358 

 M'en remettant à ce qu'on apprendra par lui-même, je dirai seulement à Votre Illustrissime Seigneurie, que je ne manquerai pas de faire tout ce qui me sera possible auprès de Son Excellence M. le Comte, afin qu'il seconde votre pieux désir.

  A018003360 

 De grâce, que votre chère âme ne se laisse pas troubler par des scrupules touchant le vœu que vous avez fait d'être Religieuse; car, qui ne diffère le paiement que pour payer en meilleure monnaie ne doit pas être appelé mauvais payeur, surtout lorsque le jour ni le temps n'ont pas été fixés.

  A018003391 

 J'ay prié Dieu pour cett'ame que j'honnorois beaucoup, mais je n'ay pas escrit a ce filz par ce que je n'ay sceu cett'affliction que tard et hors de sayson de consoler..

  A018003391 

 Je participe par ressentiment au mal que monsieur vostre mari souffre et a la peine que vous en aves, parmi laquelle nostre tres sacree Maistresse et Abbesse vous peut bien donner de la consolation, vous menant sur la montaigne de Calvaire ou elle tient le noviciat de son monastere, monstrant la leçon non seulement de bien souffrir, mais de souffrir amoureusement tout ce qui nous arrive, et a nos plus chers.

  A018003394 

 C'est par luy et en luy que je suis et seray invariablement, tres absolument vostre, ma tres chere Fille, toute, certes, et a jamais bienaymee..

  A018003414 

 Ne prevenes point les accidens de cette vie par apprehension, ains prevenes les par une parfaite esperance qu'a mesure qu'ilz arriveront, Dieu, a qui vous estes, vous en delivrera.

  A018003427 

 L'autre, qui est a mon gré une brave et digne femme, par ce que voulant meshuy essayer si nous pourrons faire reuscir nostre dessein sans ce bon seigneur, qui, a la verité, est incomparable a tenir les affaires en longueur, nous aurons grandement besoin d'elle et de sa conduite qui est tres bonne..

  A018003427 

 Nous ne vous envoyerons pas encor ni l'une ni l'autre de ces dames: l'une, qui est la mariee, par ce qu'elle ne [345] veut donner que cinq cens francz de pension, se sous-mettant, quant au reste, que sa fille de chambre estant espreuvee, si elle n'est propre a demeurer on la puisse chasser; et pour ses moyens, bien qu'elle ne se determine a rien, si me semble-il qu'elle se laissera conduire.

  A018003431 

 Mays ce que je crain, c'est que d'abord on ne le mettra pas en fortune, ains faudra qu'il la gaigne par la sujettion et par sa vertu, bien que, moyennant cela, il y a apparence qu'il la fera proportionnee a sa condition.

  A018003432 

 M. de Forax le rencontra, et se firent mille caresses; mais par ce que c'estoit en rue ilz ne parlerent de rien.

  A018003451 

 Je vous escrivis avanthier, non sans un grand empeschement, car j'estois grandement chargé, et croyois que le messager deut partir hier de grand matin; despuis, j'ay receu la lettre ci jointe de la pauvre petite seur, et un'autre par laquelle elle me dit que je face entrer sa fille aupres de nostre Princesse, ce que je m'essayeray de faire, Dieu aydant.

  A018003468 

 [354] Celles donq qui voudront communiquer extraordinairement, qu'elles le facent en esprit d'une douce liberté, et qu'elles se confessent, sil [leur] plait, en communiquant, sans solliciter les autres au mesme desir et sans les forcer par menees a les imiter..

  A018003471 

 Je salue par vostre entremise madame la Presidente] ma tres chere fille, et M me de Vars, et si la chere seur de la Flechere estoit la, m[ille et] mille foys..

  A018003487 

 Laisserois-je bien aller aupres de vous ce digne frere, sans luy donner ces quatre motz par lesquelz il vous puisse tesmoigner la protestation que je luy ay faite de lhonneur et, si vous me le permettes, de l'amour que je vous veux porter toute ma vie? Faites moy, je vous prie, la faveur, ma tres chere Fille, de l'avoir aggreable, et de me departir reciproquement le bonheur que je desire tant, d'estre conservé en vostre bonne grace..

  A018003508 

 Ayant bien veu la lettre que vous me donnastes aux [357] Benedictins, j'ay certes ressenti grandement la peine de celle qui me l'a escritte, non que pour cela je la voye en aucun danger, mais par ce qu'ell'est affligee; et j'ay tant de part en elle qu'il est impossible que son affliction ne m'afflige.

  A018003523 

 original des Mémoires, etc., par la Mère de Chaugy, conservé à la Visitation d'Annecy.

  A018003548 

 Je ne sais pas les particularités du testament, quoique j'aie été témoin de l'approbation qui en fut donnée par le notaire..

  A018003588 

 Parce que l'autre jour je vous vis en peine pour Dorothee, j'ay creu que je devois vous donner advis [366] qu'hier, revenant du Louvre tout de nuit, je treuvay ceans des Peres Benedictins qui me dirent qu'une jeune fille s'estoit peu auparavant addressee a eux pour me faire sçavoir que Dorothee estoit detenue par force chez madame de la Trimouille, qui l'avoit mise entre les mains de deux ministres, et que ce matin ilz la vouloyent emmener, et non obstant toutes les resistances qu'elle faysoit.

  A018003604 

 Si nostre Dieu ne nous donne pas tous-jours ce que nous luy demandons, c'est pour nous retenir aupres de luy et nous donner sujet de le presser et contraindre par une amoureuse violence, ainsy qu'il fit voir en Emmaus, avec ces deux pelerins avec lesquelz il n'arresta que sur la fin de la journee, et bien tard, et quand ilz le forcerent.

  A018003604 

 Tasches donq, ma tres chere Fille, a fortifier de plus en plus vostre confiance en cette sainte Providence, et l'adorés frequemment en vos retraittes spirituelles, et par ces regars interieurs dont nous parlons en la prattique..

  A018003619 

 Or, elle m'a dit enfin quil failloit prendre la mayson qui est pres de l'hostel de Guise et qui est, ce dit elle, a madamoyselle de Creil; et qu'elle la nantira d'une rente qu'elle respondra de valoir 24 mille escus, dont par apres vous luy tiendres conte a commodité, ce qu'elle veut donner detrait.

  A018003661 

 Mays, a ce que je voy, mes remonstrances et supplications ont esté charmees par quelque esprit contraire, la force duquel Dieu a permis avoir esté plus grande.

  A018003662 

 Je vous prie de prendre la peine de les instruire de mon droit, comme encor de ne vous lasser pas a bien conduire par vos advis l'affaire que j'ay avec M. de Marcossey..

  A018003678 

 Non, je vous supplie, ne soyes jamais en crainte de m'importuner par vos lettres; car je vous dis en vraye verité qu'elles me donneront tous-jours une tres grande consolation, tandis que Dieu me fera la grace d'avoir le cœur en sa dilection, ou du moins desireux de la posseder.

  A018003680 

 C'est donq ce meschant esprit qui, a jamais privé d'amour sacré, voudroit empescher que nous jouissions des [378] fruitz de celuy que le Saint Esprit veut estre prattiqué entre nous, affin que, par les reciproques communications saintes, nous ayons moyen de croistre en sa celeste volonté..

  A018003681 

 Ma chere Seur, je ne voy pas qu'il y ayt grand danger en cela, puisque vous ne voules pas suivre vos inclinations qu'elles ne soyent appreuvees; et quoy que vous cherchies des juges favorables, si est ce toutefois que, les prenant bons, sages et doctes, vous ne sçauries mal faire de suivre leurs opinions, bien que desirees par vous, pourveu qu'au reste vous proposies naifvement vos affaires et les difficultés que vous aves.

  A018003697 

 Je ne vous sçaurois asseurer de mon sejour en cette ville, par ce que devant faire mon retour a la suite de Madame sœur du Roy, nostre Princesse, je seray obligé de partir quant et elle, qui partira sur la fin de ce moys, comme l'on dit.

  A018003715 

 Mays croyes moy, je vous supplie, que quand il y seroit, nous n'en aurions rien davantage, ni par la voye de Madame, qui ne demande rien en matiere d'affaires que ce que Monseigneur son mari luy suggere de demander; et il ne veut rien toucher, ni d'une sorte ni d'autre, a ce qui doit estre pris des mains de Son Altesse.

  A018003734 

 Salomon, le plus sage des mortelz, commença son inenarrable malheur par la complaysance qu'il prit es grandeurs, ornemens et magnifiques appareilz qu'il avoit, bien que tout cela fust selon sa qualité.

  A018003764 

 Ne vous charges pas de trop de veilles ni d'austerités (et croyés moy, ma tres chere Fille, car j'entens bien ce que je dis en ceci), mais alles au Port Royal de la vie religieuse par le chemin royal de la dilection de Dieu et du prochain, de l'humilité et de la debonnaireté..

  A018003775 

 La bonne madame de Saint George fait elle mesme par lettre ses excuses a Vostre Altesse, dequoy elle ne s'est [391] peu mettre en chemin pour suivre Madame; mays elle n'a pas l'asseurance de nommer la cause de son retardement, par ce qu'elle est extraordinaire pour elle qui, n'ayant peu devenir grosse en tant d'annees de son mariage, a rencontré ce contentement en celle ci, comme plus heureuse pour la benediction des noces.

  A018003787 

 La seule necessité de mon Eglise me dispense de ce respect, pour vous supplier, comme je fay tres humblement, de vouloir retirer la connoissance du different qui est entre maditte Eglise et les sieurs habitans de Sessel par devant vous, au tems et au lieu qu'il vous plaira de marquer.

  A018003787 

 Non que nous voulions vous donner l'importunité d'assister a la meslee des allegations qui se feront de part et d'autre, mais seulement nous souhaiterions que l'affaire se passast en lieu ou vous puissies, en un mot de vostre authorité, determiner ce qui sera jugé convenable par ceux a qui il vous plaira de donner le soin de voir le droit et le juste; autrement, Monsieur mon Filz, il ny a nul moyen de finir cette conteste, laquelle toutefois est de consequence pour le repos des ames des uns et des autres..

  A018003788 

 Et bien que je nomme ces deux lieux, ce n'est pas pour prsevenir vostre volonté, ains seulement pour tesmoigner qu'y ayant en l'un et en l'autre des gens dignes de creance, il sera peut estre plus a propos d'y faire venir des parties qui ont besoin d'estre rangees par l'advis de juges de qualité, et sur tout par vostre commandement..

  A018003807 

 Quant a vostre treille, je pense qu'il la faut, pour le present, faire de boys, tandis que vous estes a louage, et qu'il y faut faire une porte, sans que toute la treille s'ouvre; car, quant a la Profession, le Pontifical reveu [395] et imprimé par ordre du Pape, fait sortir les filles pour venir faire le vœu; et quant a parer l'autel, on verra si on pourra continuer a faire... Je n'y voy nul inconvenient; mais il faut subir l'esprit des autres..

  A018003818 

 Je n'ay encor rien sceu apprendre distinctement de la resolution prise par messieurs du Conseil de Monseigneur le Cardinal de Retz.Je croy neanmoins que je la sçauray ce soir, ayant supplié M. de Pierrevive, son Vicaire general, de m'en esclaircir..

  A018003820 

 Cependant, Madame, vous jugeres que si la chose est telle, je ne dois rien dire sur ces Messieurs, estans les interpretes du Prelat; et n'estant icy qu'en attente de mon depart, je dois en tout et par tout suivre leurs sentimens, outre que ce seul bruit donne tant d'apprehension a ces Seurs, que s'il est vray, je n'oserois leur persuader une reception de laquelle elles auroyent tant de degoust..

  A018003831 

 Mays je luy dis aussi que le chemin par lequel elle doit suivre cette vocation n'est point extraordinaire; car, ma chere Fille, c'est une douce, paysible et forte humilité, et une tres humble, forte et paysible douceur..

  A018003870 

 Mais toutefois, je ne laisse pas de croire fort asseurement et de dire constamment que, nonobstant cette admirable et amiable clarté de l'Escriture es choses necessaires a salut, l'esprit humain ne treuve pas tous-jours le vray sens d'icelle, ains peut errer, et d'effect erre tres souvent en l'intelligence des passages les plus clairs et les plus necessaires a l'establissement de la foy: tesmoins les erreurs lutheriennes et les livres calvinistes, qui, sous la conduitte des peres de la pretendue reformation, demeurent en une contention irreconciliable sur l'intelligence des paroles de l'institution de l'Eucharistie; et se vantant l'un et l'autre parti d'avoir soigneusement et fidelement examiné le sens de ces paroles par le rapport de la conference des autres passages de l'Escriture, et le tout adjusté a l'analogie de la foy, demeurent neanmoins contraires en l'intelligence des paroles de si grande importance..

  A018003871 

 C'est l'Esprit de Dieu, Monsieur, qui nous a donné l'Escriture, et c'est le mesme Esprit qui en donne le vray sens, et ne le donne qu'a son Eglise, colomne et appuy de verité; Eglise par le ministere de laquelle ce divin Esprit garde et maintient sa verité, c'est a dire le vray sens de sa Parole; et Eglise qui seule a l'infallible assistance de l' Esprit de verité, pour bien, deuëment et infalliblement treuver la verité en la Parole de Dieu.

  A018003871 

 Si que, qui cherche la verité de cette celeste Parole hors de l'Eglise qui en est la gardienne, ne la treuvera jamais; et qui la veut sçavoir autrement que par son ministere, en lieu de la verité, il espousera la vanité; et en lieu de la certaine clarté de la Parole sacree, il suivra les illusions de ce faux ange, qui se transfigure en ange de lumiere.

  A018003872 

 C'est donq cela que je vous dis en substance, Monsieur, qui n'est ni de loin ni de pres contraire a la doctrine des saintz Peres allegués par monsieur de Mornay au livre qu'il vous pleut m'envoyer hier au soir, et que je vous renvoye ce matin, avec remerciement et protestation que je desireray continuellement de pouvoir, par quelqu'heureuse occasion, tesmoigner,.

  A018003886 

 Dieu, par sa bonté, prosperera parfaitement Vostre Altesse, Monseigneur, sil luy plait exaucer les vœux de.

  A018003904 

 J'ay veu vostre papier, ma tres chere Mere, et j'en parleray quand vous voudres a vostre cœur, que Dieu par sa bonté veuille combler de felicité comme le mien propre..

  A018003915 

 Ayant sceu la peine en laquelle se treuve le sieur collateral de Quoëx, detenu es prisons de Chamberi pour la somme d'environ mille ducatons, esquelz il a esté condamné par quelques uns des seigneurs senateurs et maistres des Comptes a ce deputés specialement; asseuré que [407] je suis d'ailleurs, qu'en tout ce dont il a esté chargé il n'a commis aucune faute malitieuse, ni manqué en chose quelcomque a la tres humble sujettion qu'il doit a Vostre Altesse, en laquelle et luy et tous les siens ont tous-jours vescu tres fidelement; et de plus, estant fidele tesmoin qu'en l'occasion qui se presenta en Genevoys, il y a quatre ans, et luy et son frere rendirent force bons et laborieux tesmoignages de leur zele au service de Vostre Altesse, je ne puis m'empescher de la supplier tres humblement et, si elle me permet, de la conjurer par sa propre bonté de tendre sa main secourable a cet homme de bien et d'honneur, pour le retirer de la ruine en laquelle son malheur, et non aucun forfait, le va precipiter..

  A018003916 

 Il n'y a au monde personne si sage ni si juste auquel on ne treuve quelque chose a censurer, si a toute rigueur et curieusement on espluche par le menu la suite des actions de plusieurs annees; mays, Monseigneur, quand les fautes sont sans malice, sans dol, sans mauvaise intention et de.

  A018003942 

 La lettre que Vostre Altesse a escrit a Monsieur le Duc de Nemours a esté receue par luy trois jours avant que la copie m'ayt esté remise en main, de sorte que des-ja il m'avoit parlé sur le sujet d'icelle, non sans se douloir du retardement pour l'article qui regarde son payement, deu par le sieur Bonfilz des il y a long tems, a ce qu'il dit, et par le manquement duquel toute sa mayson et ses affaires sont extremement incommodés; dont il ne peut esperer le remede que de la [410] promesse qu'il a pleu a Vostre Altesse de luy faire, d'avoir du soin et de la bienveuillance pour luy qui, a la verité, n'est pas sans beaucoup d'inquietude parmi la necessité en laquelle il se treuvé (sic), ayant si peu de revenuz de deça, ou ses terres sont presque toutes engagees, et ne jouissant de celuy qu'il [a] en Savoye, qui est son fond principal.

  A018003957 

 Vous recevres cette lettre, Dieu aydant, par les mains [411] de madamoyselle du [Tertre], grandement bien apparentee en cette ville, laquelle estant demeuree vefve despuis peu et s'estant resolue a ne plus rentrer dans les liens du mariage, a creu de ne pouvoir mieux conserver sa resolution que dans l'estat religieux, auquel neanmoins ne sentant pas pour encor une si forte affection qu'elle souhaiteroit pour pouvoir d'abord s'y engager, elle a nonobstant un desir si grand de s'y voir arrestee, qu'elle veut rechercher cette grace de Dieu es lieux ou elle espere qu'elle luy sera plus facilement accordee.

  A018003960 

 Je vous escris a moytié malade, avec tant de distractions que je ne sçai si vous m'entendres bien; nostre Mere suppleera par la sienne..

  A018003965 

 Encor faut il que je vous die, que la retraitte de cette damoyselle en la Congregation a esté appreuvee par tout le Conseil de Monseigneur le Cardinal, luy absent, et notamment par le R. P. B[inet], bien qu'elle ayt declairé qu'elle n'avoit que le desir d'estre inspiree a demeurer en l'estat religieux; et si la Mayson d'icy n'eust esté toute en noviciat, incommodee de logis et embarrassee de tant de visites, nous l'eussions retenue tres volontier.

  A018003974 

 Cependant il faut avoir patience de demeurer sans vous voir pour ce jourd'huy, et de demeurer sans rien faire; car j'ay contremandé par tout ou j'avois promis de prescher, et, ce qui m'a bien fasché, j'ay contremandé le Pere Recteur du Noviciat des Jesuites, qui a les Quarante Heures et les octaves du bienheureux Ignace, duquel j'avois desir de parler.

  A018003985 

 Les enfans du siecle sont tous separés les uns des autres parce qu'ilz ont les cœurs en divers lieux; mais les enfans de Dieu ayant leur cœur ou est leur thresor, et n'ayant tous qu'un mesme thresor qui est le mesme Dieu, ilz sont par consequent tous-jours jointz et unis ensemble.

  A018003985 

 Ne croyes jamais, ma tres chere Fille, que la distance des lieux puisse separer les ames que Dieu a unies par les [415] liens de sa dilection.

  A018003986 

 Cependant, ma tres chere Fille, je commenceray a vous dire que vous deves fortifier par tous les moyens possibles vostre esprit contre ces vaines apprehensions qui ont accoustumé de l'agiter et tourmenter.

  A018003987 

 Es conversations, ma tres chere Fille, soyes en paix de tout ce qu'on y dit et qu'on y fait; car s'il est bon, vous aves dequoy louer Dieu; et s'il est mauvais, vous aves dequoy servir Dieu en destournant vostre cœur de cela, sans faire ni l'estonnee ni la fascheuse, puisque vous n'en pouves mais et n'aves pas asses de credit pour divertir les mauvaises paroles de ceux qui les veulent dire, et qui en diront encor de pires si on fait semblant de les vouloir [416] empescher; car ainsy faysant, vous demeureres toute innocente parmi les sifflemens des serpens, et, comme une aymable fraise, vous ne contracteres aucun venin par le commerce des langues veneneuses..

  A018004113 

 C'est pourquoÿ ne l'avons point voulu laisser partir sans les presentes, par lesquelles prions tres affectueusement Vostre Seigneurie Reverendissime de l'avancer et luÿ prester toute faveur et aide, si que il soÿ (se) puisse louer avoir jouÿ de ceste nostre intercession: Nous paroffrans en toutes les occasions de nous en revancher, prians le Tout Puissant et sa saincte Mere de conserver Vostre Paternité en bonne prosperité..

  A018004123 

 Or ce pendant, quand a Vernier, Matigni et Meirin, mentionnees dans les vostres, il me semble que l'ont (sic) ne pourroit affectér le revenu, soit les diesmes, de toutes troys, pour rendre bonne Sacconex, sans interesser grandement icelles paroisses, et par consequent d'autres qui demeuroient (sic) desertes; et ainsi l'ont mescontenteroit beaucoup de gens.

  A018004127 

 Je desiroys les donnér a des pauvres petitz enfantz tout nuds, et paroissiens, qui portent l'eau beniste par les maysons, qui seroient tres contens de les avoir et servir les Messes cum decóre.

  A018004128 

 Pour cela, ny pour autres choses, n'ayez, Monseigneur, aulcune doubte quil en survienne aucun desordre, car je prometz a Vostre Reverendissime Seigneurie que je m'armeray d'une forte patience jusques a ce que, par vostre ordonnance, droict soit faict a un chescun.

  A018004134 

 comme conste par les informations prinses, lesquelles le sr Curé n'a voulu poursuivre, voyant la difficulté et longueur de la Justice de Gex..

  A018004136 

 Jaçoit que la dicte fille fit tous les refus de les accepter, de peur de desobeir a M r sondit oncle, les reçoit neantmoins; mais, par la volonté de Dieu, au lieu de les manger elle les jette au feu pour les cuire, au moins une partie.

  A018004136 

 La sepmaine passee arriva un cas fort estrange a la maison dudit sr Curé, par lequel ce peut veoir de quel esprit sont guidez les auteurs d'iceluy, qui sont gens du lieu.

  A018004136 

 Voicy que ces pommes estant chaudes, qu'elles sautent toutes hors du feu, les unes en haut, les autres par la chambre, avec du bruit.

  A018004147 

 Car je ne doubte point quil n'en faille venir là, recognoissant ledit sr Abbé si passionné, quil ne se contentera point de m'avoir contrainct de le diffamer par ma fuitte [430] en tous les lieux que je me suis refugié, mais se voudra diffamer luy mesme a Paris par les difficultés quil y apportera, si vostre respect, auquel je m'asseure quil deferera, ne le retient.

  A018004147 

 Et comme, Monseigneur, vous m'avez tousjours favorisé de lhonneur de vostre amitié, c'est en l'occasion de ceste commune resjouissance que je desire d'en ressentir principalement les effects, sur l'asseurance que j'ay que le tort que monsieur de la Mente m'a fait luy estant representé par vous, Monseigneur, vostre respect adoucira sa passion et le fera rougir en son ame de la perfidie premierement, et despuis de l'impie cruauté avec laquelle il s'emporte en mon endroict, en recompense de mon affection, delaquelle monsieur le Presidant peut estre tesmoing.

  A018004153 

 Monsieur de la Mente se doit contenter que je porte la peyne quil meritoit luy mesme, par l'oppression quil m'a fait en justice et vers S. A., laquelle luy serrera la porte du Ciel sil ne me donne la satisfaction quil doibt.

  A018004163 

 Véritablement, Monseigneur, vos saints discours ont vêtu nos ennemis de confusion; car, combien d'âmes avez-vous tirées d'entre les dents cruelles de ce lion rugissant! Vous l'avez spolié de sa conquête, nous en sentons tous les jours les effets; et, si j'ose ajouter ma pensée, je dirai que la sanctification de Dieu fleurit sur Grenoble, par le moyen de vos très chères Filles, nos Sœurs de la Visitation.

  A018004165 

 Mais, vrai Dieu, Monseigneur, cette fille de votre cœur est bien fournie de votre [432] patience, douceur et discrétion, qu'à peine le bonhomme peut-il uger que par lui-même il se rend trop importun.

  A018004165 

 Tout va avec grande bénédiction; il n'y a que notre bon monsieur d'Ulme qui, par une jalousie spirituelle, voulant être tout à la Visitation, il veut la Visitation trop à lui, ce qui lui donne trop peu de repos et à notre bonne Mère trop d'exercices.

  A018004170 

 Revu sur le texte inséré dans l' Histoire de la Fondation de la Visitation de Grenoble, par la Mère de Chaugy, conservée au 1 er Monastère d'Annecy.

  A018004211 

 A tous qu'il appartiendra, sçavoir faisons que sur la remonstrance que Nous a esté faicte de la part des Reverendes Dames Religieuses de la Visitation de Nostre ville d'Annessy, contenant que pour avoir moyen de vivre et s'entretenir en ycelle, soubs les regles establies par nostre Sainct Pere le Pape, elles ont besoing d'avoir des revenus asseurés et proches de la dicte ville; et estant informées que M r Anthoine de Boege, dict de Conflens, tient de Nous, soubs grace de reachept perpetuel, les moulins assis dans Nostre dicte ville d'Annessy, soubs la riviere de Thiouz, proche l'eglise Saincte Claire, qu'elles ne peuvent commodement avoir sinon qu'il Nous plaise leur permettre d'entrer en Nostre lieu et place; Nous inclinant volontairement a leur priere, appres avoir ouy les gents de Nostre Conseil pres Nostre personne, et desirant de tout Nostre pouvoir l'accroissement et augmentation du culte divin, et preferant la gloire et honneur de Dieu a l'interest particulier des droicts de Nostre domeyne:.

  A018004212 

 Avons octroyé et permis, octroyons et permettons par ces presentes aux dictes Dames de la Visitation d'entrer en Nostre lieu et place, et de prendre et retirer les fruicts des dicts moulins, en payant par elles audict de Conflens les sommes portées par son contract d'engaigement du dixhuictiesme janvier mil cinq cents nonante six, et aux charges et conditions portées par yceluy, avec pouvoir de faire en yceux des nouveaux artifices pour la plus grande commodité de Nos subjects..

  A018004216 

 Visées, scellées par Monseigneur..

  A018004226 

 Et pour avoir ceste commodité, elles auroient supplié Monseigneur le Duc de Genevois et Nemours, de leur baillir pouvoir de rachepter les moulins par luy venduz, a faculté de rachapt perpetuel, situés dans Vostre dicte Ville d'Annessy, a feu Noble Anthoine de Conflens, pour le mesme prix et somme, charges et conditions portées par le contract de vente passée a Lagnieu, le dixhuictiesme [439] janvier mil cinq cents nonante six, par devant M e Burdet, nottaire, dont la copie est ci joincte..

  A018004226 

 Exposent en toute humilité les Reverendes Dames Religieuses de la Congregation par elles erigée dans Vostre Ville et cité d'Annessy, soubs le tiltre de la Visitation de Nostre Dame, Vous (sic) tres humbles Oratrices: comme pour vivre plus commodement dans leur dicte Congregation du peu de revenu que chescune d'elles y raporte, et mieux vacquer au service pour lequel elles se sont sequestrées tout a faict du monde, elles auroient besoing de quelque fond proche de la dicte ville, que leur raportast du bled pour leur provision.

  A018004227 

 Ce que mondict Seigneur de Nemours leur auroit accordé facilement, par Patentes données a Paris le vingt-huictiesme octobre dernier, cy joinctes, avec la verification qu'en a faict Vostre Chambre des Comptes de Genevois, et le contract de cession de droicts qu'en a passé noble Anthoine de Boege.

  A018004227 

 dict de Conflens, son [neveu], par devant M e Duret, nottaire.

  A018004228 

 Que les faict recourir a la bonté, clemence et pieté accoustumée de Vostre dicte Altesse, a ce qu'il luy plaise ratiffier, confirmer et approuver tout le contenu au dict contract, et ordonner qu'elles jouyront du fruict et benefice d'yceluy jusques a ce qu'elles soient remboursées du prix porté par le dict contract, et despence qu'elles ce trouveront avoir faicte aux bastiments et artifices nouveaux qu'elles pretendent faire au lieu ou sont situés les dicts moulins, conformement aux Patentes sus designées et verification d'ycelles..


19-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIX-Vol.9-Lettres.html
  A019000014 

 — Par quel motif la faire.

  A019000016 

 — Saint Bernard prêché par lui-même.

  A019000017 

 La courte durée des séparations faites par la mort.

  A019000052 

 — Des jaloux auxquels il faut répondre par des bienfaits.

  A019000064 

 — Science acquise à la cour par Jean-François de Sales; honneurs qu'il y reçoit.

  A019000066 

 — Mieux vaut avoir mille écus par une voie de douceur que douze cents en disputant.

  A019000070 

 — Se consoler sur le départ des nôtres et sur les circonstances de ce départ, par la raison et par la foi.

  A019000072 

 François de Sales célèbre le jour deux fois heureux où Dieu donna une princesse, à la France, par sa naissance, à la Savoie, par son mariage.

  A019000077 

 Nouvelles de la mort de M. Arnauld et de la résignation des siens, données par la Mère de Chantal au saint Evêque.

  A019000116 

 — Un accommodement des Ermites du Mont-Voiron procuré par les délégués de l'Evêque de Genève. 114.

  A019000126 

 — Nouvelle nomination faite par le marquis de Lans.

  A019000136 

 — Les procès, «tres mauvaise occupation.» — Etre pauvre plutôt que de s'enrichir par cette voie. 136.

  A019000137 

 Entreprise à l'avantage de Son Altesse, proposée par Louis de Sales.

  A019000145 

 — «Loup par nature, mais brebis par grace.» — Deux lettres que la Mère de Chantal pourra confronter plus tard.

  A019000158 

 — Ce qu'il apprit par une de ses lettres.

  A019000163 

 — Deux sœurs qui s'aiment bien et qui sont très aimées par leur Père spirituel.

  A019000179 

 — Grande qualité des amitiés créées par le Ciel.

  A019000207 

 Désagrément causé par les neiges.

  A019000207 

 — Témoignages d'honneur et d'affection donnés par le Saint au nouvel Evêque de Chalcédoine 213.

  A019000219 

 I. Lettres adressées a saint François de Sales par quelques correspondants.

  A019000254 

 Au premier point, je dis que vous fassies donq cette confession; au second, que vous vous y preparies par maniere d'une amoureuse humilité; au troysiesme, si vous voules faire quelques marques sur le papier, que je l'appreuverois, mais sans anxieté; au quatriesme, que cela se face en un jour, c'est a dire en troys ou quatre heures d'un jour, car cela suffit; au cinquiesme, que vous changees de motif, car je vous connois, a mon advis, fort entierement.

  A019000289 

 C'est pourquoy vous deves mitiger et adoucir tant qu'il vous sera [6] possible, par la rayson, la douleur que la nature vous donne..

  A019000301 

 Et comme se pouvoit il faire autrement, apres tant de caresses receues a Andilly, et par M. vostre pere en cette ville? car, a mon advis, il m'a veu et entretenu de bon cœur, et croy qu'en fin j'aurois grand acces en son amitié, si son loysir et mon sejour me permettoyent de le voir souvent.

  A019000317 

 Attendant de nous revoir par sa misericorde divine, je seray,.

  A019000330 

 Qui n'est qu'a Dieu ne se contriste jamais, sinon d'avoir offencé Dieu; et sa tristesse pour cela se passe en une profonde, mays tranquille et paysible humilité et sousmission, apres laquelle on se releve en la Bonté divine par une douce et parfaitte confiance, sans chagrin ni despit.

  A019000331 

 Quelle benediction plus grande vous puis-je souhaiter? Ainsy donq, par ce souhait que je feray incessamment sur vostre ame, ma tres chere Fille, je vous dis a Dieu; et vous priant de me recommander souvent a sa misericorde, je demeure.

  A019000342 

 Tasches, ma chere Fille, a le tenir en paix par l'esgalité des humeurs.

  A019000345 

 Le souverain Esprit de nostre Dieu est par tout, sans la volonté ou permission duquel nul esprit ne se meut.

  A019000359 

 Je treuve bon que vous escrivies, selon les occurrences, pour m'envoyer par apres selon que vous estimeres estre convenable, sans crainte de m'ennuyer; car vous ne m'ennuyeres jamais..

  A019000362 

 J'eusse voulu que vous ne vous fussies pas raillee et mocquee de ces gens la, mais qu'avec une modeste simplicité vous les eussies edifiés par la compassion dont ilz sont dignes, selon que Nostre Seigneur nous a enseigné en sa Passion.

  A019000362 

 Pour la seconde lettre: Ne falloit il pas que vous fussies espreuvee en ce commencement de plus grande pretention? Or sus, il n'y a rien en cela que des traitz de la providence de Dieu, qui a abandonné cette pauvre creature affin de faire que ses pechés soyent plus fortement chastiés, et que par ce moyen elle revienne a soy et a Dieu, duquel il y a si long tems qu'elle s'est departie.

  A019000363 

 Tenes vostre courage haut eslevé en cette eternelle Providence, qui vous a nommee par vostre nom et vous porte gravee en sa poitrine maternellement paternelle; et en cette grandeur de confiance et de courage, prattiqués soigneusement l'humilité et debonnaireté.

  A019000375 

 Que vos maysons soyent toutes remplies de douceur, de paix, de concorde, d'humilité, de pieté par vostre conversation; et croyes, je vous supplie, que la distance des lieux ni du tems ne m'osteront jamais cette tendre et forte affection que Nostre Seigneur m'a donné pour vos ames, que la mienne cherit tres parfaitement et invariablement..

  A019000376 

 Et par ce que la diversité de vos conditions peut requerir que quelquefois je vous escrive differemment, non [18] obstant l'unité de vostre dessein, je le feray un'autre fois; mais pour le present je me contenteray de vous dire et conjurer de le bien croire sans haesiter, mes tres cheres Filles, que je suis.

  A019000420 

 Et par ce que je n'[ai point oublié que] vous l'estes aussi fort particulierement, je ne vous appelleray plus ma Seur, [ains ma Fille,] en toutes les occasions qui se presenteront desormais..

  A019000434 

 A mesure que je m'esloigne de vous, ma tres chere Fille, selon les lieux, je me sens interieurement de plus [25] en plus joint et uni a vostre cœur selon l'esprit; et connois bien par la que c'est le bon playsir de Dieu que nous ayons ce sentiment de veritable et sincere dilection..

  A019000462 

 J'ay et auray a jamais part a vos contentemens et a vos desplaysirs, puisque je suis inseparable d'affection d'avec vous et vostre famille benite de Dieu, laquelle, en la personne de M. d'Andilly et de moy, vous conjure [30] d'avoir bien soin de vostre personne pour ne point tant travailler des-ormais, qu'a mesure que l'aage decline vous deves vous soulager par un juste repos.

  A019000474 

 De leurs nouvelles, je vous en escriray par chemin entre ci et Moulins, comme des nouvelles de celles [32] de Moulins entre Moulins et Lyon; car en ces villes ou on fait les complimens a Madame, il ny a nul moyen d'escrire qu'aux heures esquelles vous ne voules pas que j'escrive..

  A019000489 

 Je retourne en arriere vous revoir en esprit et saluer vostre chere ame par ce billet, ne me pouvant contenter [33] de cet a Dieu si court que je fus forcé de vous dire, m'estant demeuré sur le cœur que je ne vous parlay pas asses clairement sur le sujet de vostre conduitte en l'administration de vostre charge, selon que je m'estois proposé de vous en entretenir un peu plus amplement, si j'en eusse eu le loysir.

  A019000492 

 Faites si suavement cela, que vos inferieures ne prennent point occasion de perdre le respect qui est deu a vostre charge, ni de penser que vous aves besoin d'elles pour gouverner; ains faites leur connoistre doucement, sans le dire, que vous faites ainsy pour suivre la regle de la modestie et humilité, et ce qui est porté par les Constitutions; car voyes vous, ma chere Fille, il faut tant qu'il est possible, faire que le respect de nos inferieurs envers nous ne diminue point l'amour, et que l'amour ne diminue point le respect..

  A019000493 

 Ne vous troubles point d'estre un peu rudement contrerollee par cette bonne ame de dehors, mays passes outre en paix, ou a faire selon son advis es choses esquelles il n'y a point de danger de la contenter, ou a faire autrement quand la plus grande gloire de Dieu le requerra; et alhors il faut, le plus dextrement qu'on pourra, la gaigner, affin qu'elle le treuve bon..

  A019000494 

 Sil y a quelque Seur qui ne vous traitte pas avec asses de respect, faites le luy sçavoir par celle des autres [35] que vous jugeres la plus propre a cela, non comme de vostre part, mais de la sienne.

  A019000504 

 Revu sur une copie faite par la Mère Rosset, conservée à la Visitation d'Annecy..

  A019000509 

 Je ne la vis que deux fois, non seulement par ce que cette cour si grande et en laquelle j'avois tant de complimens a faire m'en empescherent, mais aussi, et encor plus, par ce que monsieur de Villesavin estoit en une si grande anxieté, crainte qu'on ne la fit parler, que nonobstant tout le soin que j'avois pour cela, il estoit merveilleusement en peine.

  A019000510 

 La, je vis la Reyne mere et luy fis la reverence a l'arrivee et au depart; et elle me favorisa grandement par le tesmoignage qu'elle rendit du desir qu'ell'avoit eu de [37] me voir, et de celuy qu'ell'avoit de m'ouïr et me voir plus longuement.

  A019000511 

 Je vis enfin M. le Cardinal de Retz, qui d'abord m'invita a demeurer en France par une proposition laquelle, [38] estant bien mesnagee, seroit la plus convenable a mon esprit de toutes celles qu'on m'eut peu faire.

  A019000517 

 Je luy parlay et a l'Assistente ensemblement, et dis qu'elle ne s'obligeast nullement a faire tous-jours venir l'Assistente au parloir avec elle; mays qu'es affaires de consequence, apres avoir ouy ce qu'on propose, elle prit loysir d'en conferer avec elle et les Coadjutrices, par ce qu'en cette sorte elle conservera la dignité de Superieure et la bonne conduite des affaires ensemblement; et non pas avec cette timidité avec laquelle elle n'osoit venir au parloir sans l'Assistente, de peur qu'on ne luy parlast d'affaires temporelles: en quoy elle se tenoit trop sujette, et privoit les Seurs de deux presences, [42] dont l'une pour le moins est requise pour tenir en devoir les Novices.

  A019000520 

 J'ay escrit sur chemin a la Superieure pour la soulager un peu, puisque mesme je ne peu luy dire a Dieu qu'a la desrobee, non plus qu'a nos Seurs de Moulins et de Lyon, a cause de la surprise de mon depart que, par force, il me faut faire soudain comme Madame monte en carosse, par ce que je suis de la carosse qui va immediatement devant elle..

  A019000521 

 Helas, que les enfans du monde sont niays de vouloir estre estimés grans et dignes de respect par ces mollesses d'esprit!.

  A019000547 

 A Chaires ( sic ) on me dit que vous esties a Estampes; a Estampes on me dit que vous esties a Chatres, et je croy que vous n'esties ni en l'un ni en l'autre des lieux, mays ou a Maubuisson ou par les chemins.

  A019000547 

 En somme, me voyci en mon nid; quelle qu'en soit la vallee, il me sera tous-jours avis que vous en soyes a une journee prés, et en vain, car vous seres dans vostre aymable Paris, parmi cette multitude d'ames que Dieu veut benir par vostre entremise..

  A019000554 

 Si je n'esperois d'escrire a la Visitation de Paris et a Maubuisson bien tost, je vous supplierois de commander a M. Jantet qu'il fit mes honneurs en ces deux [47] Maysons; mays puisque dans deux ou trois jours je les feray moymesme par lettres, je me contenteray, sil vous plait, quil asseure monsieur et madame de Saint Bonet de mon humble obeissance; et quand j'escriray par dela, je n'oublieray pas de rendre mon devoir a madame de Herce..

  A019000574 

 Je voy clairement cette formiliere d'inclinations que l'amour propre nourrit et jette sur vostre cœur, ma tres chere Fille, et sçai fort bien que la condition de vostre esprit subtil, delicat et fertile contribue quelque chose a cela; mays pourtant, ma tres chere Fille, en fin ce ne sont pour tout que des inclinations, desquelles puisque vous sentes l'importunité et que vostre cœur s'en plaint, il n'y a pas de l'apparence qu'elles soyent acceptees par aucun consentement, ou du moins par consentement deliberé.

  A019000574 

 Vostre cœur [50] peut estre tremoussé par le sentiment de ses passions, mais je pense que rarement il peche par le consentement..

  A019000575 

 O moy miserable homme, disoit le grand Apostre, qui me delivrera du cors de cette mort? Il sentoit un cors d'armee composee de ses humeurs, aversions, habitudes et inclinations naturelles, qui avoyent conspiré sa mort spirituelle; et parce qu'il les craint, il tesmoigne qu'il les hait; et parce qu'il les hait, il ne les peut supporter sans douleur; et sa douleur luy fait faire cet eslan d'exclamation, a laquelle il respond luy mesme que la grace de Dieu, par Jesus Christ, le garantira, non de la crainte, non de la frayeur, non de l'alarme, non du combat, mais ouy bien de la desfaite, et l'empeschera d'estre vaincu..

  A019000576 

 C'est pour respondre a ce que vous dites de la legereté et inconstance de vostre ame, car je le croy fermement qu'elle est continuellement agitee des vens de ses passions, et que par consequent elle est tous-jours en bransle; mais je croy aussi fermement que la grace de Dieu et la resolution qu'elle vous a donnee, demeure continuellement en la pointe de vostre esprit, ou l'estendart de la Croix est tous-jours arboré, et ou la foy, l'esperance et la charité prononcent tous-jours hautement: VIVE JESUS!.

  A019000576 

 Nostre glorieux saint Bernard dit que c'est heresie de dire que nous puissions perseverer en un mesme estat icy bas, d'autant que le Saint Esprit a dit par Job, parlant de l'homme, que jamais il n'est en mesme estat.

  A019000577 

 Voyes vous, ma Fille, ces inclinations d'orgueil, de vanité et de l'amour propre se meslent par tout, et fourrent insensiblement et sensiblement leurs sentimens presque en toutes nos actions; mays pour cela ce ne sont pas les motifs de nos actions.

  A019000578 

 Une seule chose ay je a vous dire, ma tres chere Fille, sur ce que vous m'escrives que vous fomentes vostre orgueil par des affectations en discours, en lettres.

  A019000579 

 Au reste, ma tres chere Fille, je ne doute point que parmi cette si grande quantité de tours et de retours de cœur, il ne se glisse par ci par la quelques fautes venielles; mais pourtant, comme estans passageres, elles ne nous privent pas du fruit de nos resolutions, ains seulement de la douceur qu'il y auroit de ne point faire ces manquemens, si l'estat de cette vie le permettoit..

  A019000596 

 par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy..

  A019000618 

 Des que Vostre Altesse eut l'heureuse pensee de contribuer son soin et son authorité a la reformation des Monasteres de deça, elle donna ordre que les praebendes vacantes de celuy de Contamine fussent reservees pour estre par apres appliquees selon ce dessein.

  A019000618 

 Or maintenant, un Religieux ancien dudit Contamine ayant un desir extreme de faire avoir place et prsebende a un sien neveu, jeune et ignorant, a obtenu des lettres de Son [55] Altesse, par lesquelles elle commande que l'on luy donne cette praebende.

  A019000632 

 Et comme je prendray tous-jours a gré de vous servir tandis que vous vivres de l'observance des resolutions prinses, aussi me despartiray je aysement de cette affection, si par vostre desunion vous m'ostés le moyen de vous assister..

  A019000647 

 Et bien que ce rassasiement s'entende pour le jour du jugement auquel on fera justice a tous ceux a qui elle a manqué, et qui par consequent en ont eu faim et soif en ce monde, si est ce que j'espere que le Parlement en fin rassasiera ce personnage, apres qu'il aura eu faim et soif de justice: et Dieu veuille pardonner a ceux qui le persecutent..

  A019000647 

 Je voy, ma tres chere Mere, par la derniere de vos lettres, du 12 passé, que monsieur [de Foras] est tous-jours en peyne, et que je suis exposé a divers jugemens pour son mariage.

  A019000660 

 Dieu les eslevera [59] et fera croistre; ce petit Institut se multipliera et, comme la violette, respandra par tout sa bonne odeur..

  A019000681 

 Nous patissons, nous souffrons, nous mourons avec ceux que nous aymons, par la dilection qui nous tient a eux; et quand ilz souffrent ou meurent en Nostre Seigneur, et que nous acquiesçons en patience a leurs souffrances et trespas pour l'amour de Celuy qui, pour nostre amour, a voulu souffrir et mourir, nous souffrons et mourons avec eux.

  A019000693 

 C'est pourquoy j'ay creu que je vous devois donner cet advis, affin que, s'il vous plaist, vous contribuies vostre authorité et dexterité pour haster [63] l'accommodement, et par consequent les noces; puisque je me souviens que vous me tesmoignastes de les desirer voir faites avant vostre despart pour Bourgoigne, affin de contenter monsieur du Boys, et que d'ailleurs, pour briefve que soit la voye de la justice, elle ne peut qu'estre longue et sujette a beaucoup d'accidens..

  A019000693 

 La dispense pour le mariage de madamoyselle vostre fille est arrivee, et neanmoins il reste encor a vuider un empeschement mis au greffe de l'evesché par M. de Paumier, et je voy monsieur du Boys aucunement disposé a l'oster par le moyen de quelque somme d'argent; mays je ne sçai pas si elle sera telle que les parties s'en contentent d'abord.

  A019000710 

 Je vous rens graces du livre, que je liray par ci par la, selon le tems que je pouray gaigner, en attendant que vous revenies icy faire les festes, ainsy que la chere cousine m'a dit avoir esté resolu entre vous deux.

  A019000711 

 Dieu, par sa Providence, le rende autant heureux que de tout mon cœur je le souhaite, apres qu'avec la benediction du Pape il aura esté legitimement celebré..

  A019000726 

 Permettes moy, je vous supplie, Monsieur, de soulager mon ame en me plaignant a vous mesme de vos plaintes, [65] lesquelles a la verité m'affligent et m'estonnent, ne croyant pas d'en avoir donné aucune occasion; puisque, hors le veritable tesmoignage que j'ay rendu une seule fois des merites et bonnes qualités du gentilhomme, et une autre fois de sa religion, je n'ay nullement cooperé a cette alliance que peut estre par la recommandation que j'en ay faite a Dieu, si elle devoit estre a sa gloire; et tout ce qui se dit de plus n'est qu'exageration..

  A019000734 

 Ceux qui me connoissent sçavent bien que je ne veux rien ou presque rien avec passion et violence; et quand je fay des fautes, c'est par ignorance.

  A019000746 

 Et quant a vous, Monseigneur, ce ne fut nullement faute d'attention, mais par la fause asseurance que mon hoste de Chartres me donna que vous esties a Estampes, ou apres je me reconneus trompé, mais trop tard.

  A019000746 

 Et vous me pardonnes aysement celle ci, par vostre douceur et bonté envers moy.

  A019000759 

 VIVE JESUS! auquel et pour lequel et par lequel je suis parfaittement vostre, ma tres chere Mere..

  A019000764 

 Je presche icy, ces Advens, les commandemens de Dieu, qu'ilz ont desiré ouÿr de moy, et je suis merveilleusement escouté, mais aussi je presche de tout mon cœur; [72] duquel cœur je vous diray, ma tres chere Mere, que Dieu, par sa bonté infinie, le favorise fort, luy donnant beaucoup d'amour des maximes du christianisme; et cela en suite des clartés qu'il me donne de leur beauté et de l'amour que tous les Saintz leur portent au Ciel, m'estant advis que la haut on chante avec une joye incomparable: Bienheureux les pauvres d'esprit, car a eux appartient le Royaume des cieux..

  A019000776 

 Je commence par ou vous finisses, ma tres chere et tres veritablement bienaymee Fille; car vostre derniere lettre, entre celles que j'ay receuës, finit ainsy: «Je croy que vous me connoisses bien.» Or il est vray, certes, je vous connois bien, et que vous aves tous-jours dedans le cœur une invariable resolution de vivre toute a Dieu; mais aussi, que cette grande activité naturelle vous fait [74] sentir une grande vicissitude de saillies.

  A019000779 

 Par tout ou je penseray mieux servir celle ci, j'y seray volontier, sans m'attacher a celle la..

  A019000791 

 C'est pourquoy je vous envoye tout a coup mes vielles lettres, et celle ci par laquelle je respons a celles que j'ay receües despuis par le sieur [Truytat] et par autre voye..

  A019000794 

 M. de [Duyn] aura response par les ci jointes, que [M lle ] de la Salle aura cent mille francs de son pere et trente mille de sa mere, ainsy que M. de Medio m'asseure..

  A019000795 

 M. Favre m'escrit que M. de Foras n'est pas encor [79] hors de prison, par l'opiniastreté des parens qui font le pis qu'ilz peuvent.

  A019000796 

 Je les luy demanday l'autre jour, et il m'escrivit qu'il en avoit un peu affaire pour encor, et qu'il me les envoyeroit par apres..

  A019000798 

 Neanmoins, parce que le Chapitre a cela en desir, vous pourres avec dexterité sçavoir ce qui se pourra faire par dela avec Monseigneur du Montdevis..

  A019000800 

 C'est le vray moyen de les fascher et combattre, mesprisant leurs effortz par l'asseurance que nous tesmoignerons d'avoir dans nostre innocence et inviolable affection au service de nos Princes..

  A019000800 

 Il y a apparence qu'ilz feront ce qu'ilz pourront pour [81] ravaler le peu de faveur qu'ilz voyent naistre pour nous; mais il ne faut pas que vous vous en remuies, ains que vous respondies seulement par bienfaitz a leur mesdire.

  A019000800 

 Mon frere [de Thorens] vous escrit de la lettre que les gens de bien font voir par ci par la a la desrobee.

  A019000804 

 Je suis grandement ayse de sçavoir que madame de Saint George demeurera, sachant combien elle a de pouvoir et de vouloir pour le bien de l'esprit de nostre Maistresse, et par consequent pour le contentement plus desirable de Son Altesse et de Monseigneur nostre Prince, et le bonheur de cet Estat.

  A019000823 

 J'envoye aussi a Vostre Altesse le projet dressé par son commandement, pour la reformation des Monasteres de deça les montz, duquel la lecture ne sera point hors de sayson parmi ces festes, puisque tout le dessein regarde la plus grande gloire du divin Enfant, la naissance duquel on celebre, et que je ne cesseray jamais de supplier qu'il face de plus en plus prosperer Vostre Altesse,.

  A019000841 

 Je salue cherement la chere trouppe de nos Seurs, que je regarde comme des simples bergeres veillantes sur leurs troupeaux, c'est a dire sur leurs affections, qui, adverties par l'Ange, vont faire l'hommage au divin Enfant, et pour gage de leur eternelle servitude luy offrent le plus beau de leurs aigneaux, qui est leur amour sans reserve ni exception..

  A019000856 

 Laisses absolument toutes ces guerisons par paroles: ce sont niaiseries que cela, que je permettrois a une ame moins resignee que la vostre; mais a la vostre, ma Fille, je dis hautement: Laisses ces enfances et bagatelles, lesquelles, si elles ne sont pechés, sont des amusemens inutiles, tendans a la superstition..

  A019000857 

 Je fus un moys, apres ma consecration a l'evesché, que, venant de ma confession generale et d'emmi les Anges et les Saintz, entre lesquelz j'avois fait mes nouvelles resolutions, je ne parlois que comme un homme estranger du monde, et il me semble que j'avois bonne grace; et quoy que le tracas ayt un peu alangouri ces bouillonnemens de cœur, les resolutions, par la grace divine, me sont demeurees.

  A019000879 

 Je tiens parole, et vous diray, qu'ayant tiré de la courtoysie de monsieur de Dalma tout ce que je desirois pour le dessein d'un accommodement amiable, et pris le mesme jour que j'avois des-ja marqué a monsieur de [92] Paschal qui, de sa grace aussi, m'avoit donné sa parole a mesme fin, voyci que ce billet m'a esté envoyé tout maintenant, par lequel vous connoistres que j'ay besoin en cet endroit d'estre aydé du credit que vous y aves..

  A019000906 

 Ne permettes plus tant a vostre esprit de faire des reflexions sur vostre misere et sur vostre incapacité; car, a quoy est bon tout cela? Dépendes vous pas de la Providence de Dieu en tout et par tout? Or, celuy qui habite dans le sejour du Seigneur demeurera en sa protection..

  A019000913 

 Et quant a moy, j'auray perpetuellement une grande affection a vostre avancement en la devotion, non seulement parce qu'estant fille d'un pere que j'honnore parfaitement, et madame vostre mere, j'ay mon interest en leur contentement, mais aussi d'autant qu'avec leur permission et celle de Madame vostre Abbesse, je pense avoir quelque part en vostre ame, puisque elle porte le sacré caractere de la Confirmation par mon entremise.

  A019000930 

 Helas! ma Fille, si nous n'avons pas correspondu ci devant a l'amour de ce gratieux Sauveur par une sainte et inseparable union de nos affections a sa sainte volonté, faisons maintenant en sorte qu'au bout de cette annee nous puissions estre appellés enfans d'un an..

  A019000932 

 Je l'espere, ma chere Fille, que nous serons inviolablement fidelles a ce Sauveur, et que ces annees suivantes nous seront comme les annees fertiles de Joseph, lequel, par le moyen du mesnage qu'il fit en icelles, se rendit vice Roy d'Egypte; car nous mesnagerons si bien nos ans, nos mois, nos semaines, nos jours, nos heures, voire nos momens, que le tout s'employant selon l'amour de Dieu, le tout nous sera profitable a la vie eternelle pour regner avec les Saintz.

  A019000957 

 O ma tres chere Mere, Dieu par sa bonté soit a jamais au milieu de nostre cœur, pour y vivre et regner selon son bon playsir..

  A019000958 

 Que diray je a ce commencement d'annee? Je suis roy de bon jeu en vostre Mayson, et nos Seurs en sont fort contentes, et m'ont envoyé par escrit une grande protestation de leur sousmission et obeyssance, et m'ont demandé quelques nouvelles loix selon lesquelles elles vivront; et je les mediteray pour leur en porter quand je pourray leur faire une exhortation, que je m'essayeray de faire dans cette octave le plus gratieusement que je sçauray, car j'ay des-ja une idee aggreable pour cela..

  A019000986 

 Et tous-jours l'action sera plus authorisee par ce moyen que par aucun autre.

  A019000988 

 Comme, par exemple, en la fille qui fait son essay: j'aymerois cent fois mieux doucement avoir mille escus, que douze cens avec amertume, et long et fascheux tracas.

  A019000989 

 Elle a consacré ses forces corporelles a Dieu; ce n'est plus a elle a les ruiner, sinon quand Dieu l'ordonnera, et elle n'apprendra jamais l'ordonnance de Dieu que par l'obeissance aux creatures que le Createur luy a donnees pour sa direction..

  A019000989 

 Elle a rayson, certes, la bonne fille, de croire que son humeur jeusneuse est une vraye tentation: ce l'a esté, ce l'est et ce la sera tandis qu'elle continuera de faire ces abstinences, par lesquelles il est vray qu'elle affoiblit son cors et la volupté d'iceluy, mais, par un pauvre eschange, elle renforce son amour propre avec sa propre volonté; elle amaigrit son cors, et surcharge son cœur de [105] la veneneuse graisse de sa propre estime et de ses propres appetitz.

  A019000990 

 Faites donq ainsy, pries monsieur N. de l'instruire et fortifier contre cette tentation; et s'il est par luy treuvé bon, que ce soit mesme en vostre presence..

  A019000990 

 Si faut, ma tres chere Fille, il la faut faire ayder contre cette tentation par les advis de quelque vray serviteur de Dieu; car il faut plus d'une personne pour desraciner ces persuasions de sainteté exterieure et cherement choisies par la prudence de l'amour propre.

  A019000991 

 Est ce tout de bon, ma tres chere Fille, quand vous dites: Nous sommes prou pauvres, Dieu mercy? O que, s'il estoit vray, je dirois volontier: Que vous estes donq trop heureuses, Dieu mercy! Mays je n'ose gueres parler d'une vertu que je ne connois que par le recit infallible du Roy des pauvres, Nostre Seigneur; car, quant a moy, je n'ay jamais veu la pauvreté de pres..

  A019001017 

 Commandes luy souvent, et luy imposes des mortifications opposees a ses [109] inclinations; elle obeira, et bien quil semblera que ce soit par force, ce sera pourtant utilement et selon la grace de Dieu..

  A019001017 

 Rompre des vœux pour jeusner, presumer d'estre bonne pour la solitude sans estre bonne pour la Congregation, vouloir vivre a soymesme pour mieux vivre a Dieu, vouloir avoir l'entiere jouissance de sa propre volonté pour mieux faire la volonté de Dieu: quelles chimeres! Qu'une inclination, ou plus tost fantasie et imagination, chagrine, bigearre, depiteuse, dure, aigre, amere, testue, puisse estre un'inspiration, quelle contradiction! Cesser de louer Dieu et se taire de depit es Offices que la sainte Eglise ordonne, par ce qu'on ne le peut louer en un coin selon son invention, quelle extravagance! Or sus, j'espere que Dieu tirera de la gloire de tout ceci, puisque cette pauvre chere fille se sousmet en fin a ce qu'on luy commandera et qu'elle revere vostre presence.

  A019001018 

 VIVE JESUS en tout et par tout, sur tout au milieu de nos cœurs! Amen..

  A019001031 

 Il n'y a point d'entredeux entre vostre sortie et vostre perte; [110] car ne voyes vous pas que vous ne sortiries jamais que pour vivre a vous mesme, de vous mesme, par vous mesme et en vous mesme? et ce d'autant plus dangereusement, que ce seroit sous pretexte d'union avec Dieu, qui toutefois n'en veut point avoir ni n'en aura jamais point avec les solitaires retirés, particuliers et singuliers, qui quittent leurs vocations, leurs vœux, leurs Congregations par amertume de cœur, par chagrin, avec depit et par degoust de la societé, de l'obeyssance des Regles et sainte observance..

  A019001033 

 Je vous laisse a penser, ma tres chere Fille: faire les genuflexions au Saint Sacrement comme par despit, en suitte de la tentation, quelle plus grande marque de tentation peut on avoir? La force des inspirations est humble, douce, tranquille et sainte; et comme donq peut estre inspiration vostre inclination, qui est si depiteuse, dure, chagrine et tempestueuse? Retires vous de la, ma tres chere Fille; traittés cette tentation comme on traitte celles du blaspheme, de trahison, d'heresie, de desespoir.

  A019001033 

 Ne devises point avec elle, ne capitules point, ne l'escoutes point; traverses-la le plus que vous pourres par des frequens renouvellemens de vos vœux, par des frequentes sousmissions a la Superieure; invoques souvent vostre bon Ange, et j'espere, ma tres chere Seur, que vous treuveres la paix et la suavité de l'amour du prochain.

  A019001042 

 Mays pourtant, bien que la douleur ne puisse pas estre si tost tout a fait appaysee, nous devons neanmoins l'adoucir le plus qu'il nous sera possible, par toute sorte de bonnes et veritables considerations..

  A019001043 

 Cette chere fille estoit bonne et vertueuse; et, comme je m'asseure, elle hantoit les saintz Sacremens, et par consequent estoit tous-jours bien disposee, au moins suffisamment, pour se conserver [112] en la grace de Dieu: c'est pourquoy son trespas n'a peu estre que bon, non plus que celuy de saint Simeon Stilite, que la foudre et feu du ciel tua sur la colomne.

  A019001068 

 Et j'espere que celle ci aura ce bonheur, comme escritte seulement pour contribuer, en la façon que je puis, mon sentiment a la joye publique et generale que toutes les provinces de la sujettion de Vostre Altesse recevront en ce jour anniversaire qui nous represente celuy auquel, par vostre naissance, Dieu vous donna a la France, et treize ans apres, par vostre mariage, il vous donna a cet Estat, dans lequel sans doute chacun benira a l'envi cet aggreable jour..

  A019001069 

 Mays moy, Madame, comme le plus obligé du monde, je le benis et beniray incomparablement par les plus ardens souhaitz que mon ame puisse faire.

  A019001070 

 Ce sont les vœux, Madame, que je fay, prosterné en esprit devant la divine Bonté, a laquelle, selon le rang qu'il vous a pleu me donner au service de Vostre Altesse, j'offre et consacre tous les jours vostre chere et pretieuse vie, affin que par sa souveraine Providence il luy playse de la multiplier par une longue suite d'annees, la sanctifier par une sainte fertilité d'actions chrestiennement royales, et qu'a la fin elle la glorifie par la couronne de l'immortalité..

  A019001084 

 Quand les Peres Barnabites allerent a Paris pour obtenir du Roy leur entree au college de Beaune, je les recommanday a Vostre Grandeur comme Religieux grandement estimables, fructueux et sinceres; mays je ne laisse pas, en confirmant cette creance, de repeter maintenant ma supplication pour leur rendre tesmoignage de l'affection que je leur dois, et non par aucune defiance que j'aye que vous ne leur facies ressentir vostre bonté et pieté en ce qui sera de vostre pouvoir.

  A019001103 

 Mays qu'un prestre, sans tiltre ni vray ni coloré, se tienne dans une cure par force, ne veuille reconnoistre l'authorité de l'Evesque, rejette l'œconome qui est legitimement envoyé, empesche que l'Evesque ne face inventaire de ce qui est dans une mayson presbiterale, appelle comme d'abus d'une tres legitime authorité, tout ainsy que si du moins le soin des benefices de ma charge, tandis qu'ilz sont vacans et jusques a tant qu'ilz soyent prouveuz, ne m'appartenoyt pas: tout cela, je ne le puis ni treuver bon, ni civil, ni supportable..

  A019001104 

 Que s'il est permis, sur des patentions, d'esloigner les justes et ordinaires procedures [119] des Praelatz par voye de fait, quelz inconveniens n'en verrons nous pas? Je me demettray quand il en sera tems; mays quant a present, je ne puis, ni ne dois, ni par consequent je ne veux point ceder mon droit de donner tel ordre que bon me semblera a ce benefïce vacant, en attendant qu'il soit prouveu; et ne veux nullement que ceux qui s'ahurtent y administrent les Sacremens, ayant deputé un prestre qui ira demain, pour empescher que ce peuple ne demeure pas desprouveu de ce qui luy sera necessaire de ce costé la..

  A019001121 

 Certes, je ne veux de reputation qu'autant qu'il en faut pour cela; car, pourveu que Dieu soit servi, qu'importe que ce soit par bonne ou mauvaise renommee, par l'esclat ou le descri de nostre reputation?.............................

  A019001138 

 O ma tres chere Fille, que vous puis je dire sur ce trespas? Nostre bonne Mere de la Visitation m'en a donné l'advis; mais a mesme tems elle m'escrit qu'elle avoit veu madame vostre mere et ma tres chere fille vostre seur Catherine de Gennes, braves, resolues et [122] vaillantes, et de plus, que M. de Belley avoit receu de vos lettres, par lesquelles vous luy tesmoignies vostre asseurance en cette occasion.

  A019001143 

 Je dis qu'il faut faire ces rejetz tout doucement, simplement, et comme si on les disoit par amour et non pour la necessité du combat..

  A019001144 

 Mais souvenes vous bien de faire ainsy tout bellement, et parles tout bellement es occasions ou la soudaineté ne vous pressera point et ou il n'y aura nulle apparence de la craindre: comme, par exemple, a vous mettre au lit, a vous lever, a vous asseoir, a manger, quand vous parleres avec nostre Seur Marie ou Anne, ou avec nostre Seur Isabelle; en somme, en tout et par tout, ne vous en dispenses point.

  A019001161 

 Ce n'est pas pour vous separer de monsieur vostre cher mari, que je vous escris separement et a l'un et a l'autre, Madamoyselle ma tres chere Fille, mais c'est par ce que l'inscription seroit trop grande si je la faysois a tous deux ensemble..

  A019001180 

 Ce papier va treuver vos yeux, pour saluer par leur entremise vostre cœur tres aymé du mien, ma tres chere [129] Fille.

  A019001181 

 Je suis grand partisan des infirmes, et ay tous-jours peur que les incommodités que l'on en reçoit n'excitent un esprit de prudence dans les Maysons, par lequel on tasche de s'en descharger, sans congé de l'esprit de charité sous lequel nostre Congregation a esté fondee, et pour lequel on a fait expres la distinction des Seurs qu'on y veut.

  A019001194 

 Mais, c'est son calice; ne faut il pas qu' elle le boive? Et puis, je m'imagine que vous luy escrives souvent, et alleges son tendre cœur par la communication des sentimens du vostre..

  A019001213 

 Cependant, madame de Chevron, ma bonne tante, a pensé jusques a present que j'avois esté l'autheur de cette retraitte; qui a esté la cause que je ne suis point allé voir madame de Boege, en attendant que, par mesme voye, allant visiter l'une de ses ( sic ) dames, je puisse aussi visiter l'autre, estant si voysines comme elles sont; et lhors je n'oublieray pas ce quil vous a pleu de me recommander, Dieu aydant, ayant tous-jours un desir invariable de vous pouvoir, par quelque preuve, asseurer,.

  A019001230 

 Voyla ma procuration, mon tres cher Frere, et le Memoire des choses qui me semblent a propos d'estre remonstrees a Rome; mais puisque vous aves le vent en pouppe et que tout le monde sçait cette affaire par dela, je pense que les faveurs de Son Altesse et de Messeigneurs les Princes osteront toute difficulté.

  A019001232 

 Je voudrois bien sçavoir, s'il se peut, en quoy Son Altesse me veut employer, selon que monsieur Cavoret vous a dit; mais si vous le pouves tirer, quand vous m'escrires il ne sera pas besoin de me marquer sinon en tierce personne, comme par exemple: L'amy sera employé en telle et telle chose..

  A019001234 

 Presque tout le monde icy tesmoigne de la joye de vostre promotion, et ceux qui ne la tesmoignent pas sont de trois sortes: les uns, parce qu'ilz ont opinion que c'est tout a fait pour m'oster d'icy, et ilz nous voudroyent tous deux; les autres, parce que cela leur est tellement [137] inopiné, qu'a l'abord ilz ont eu peine de le croire; et les autres, qui sont fort peu et si peu que ce n'est rien, par envie, jalousie et amertume de cœur.

  A019001235 

 Je vous envoyeray mes Bulles par mon neveu, ou par autre premiere commodité, affin que s'il y avoit quelque chose qui servit, on le prit; mais on sçait tout cela en chantant.

  A019001320 

 Et de plus, s'il se treuve quelque ame, voire mesme au noviciat, qui craigne trop d'assujettir son esprit aux exercices marqués, pourveu que cette crainte ne procede pas de caprice, outrecuydance, desdain ou chagrin, c'est a la prudente Maistresse de les conduire par une autre voye, bien que pour l'ordinaire celle ci soit utile, ainsy que l'experience le fait voir..

  A019001320 

 Le Directoire du noviciat propose quantité d'exercices, il est vray, et il est encor bon et convenable pour le commencement de tenir les espritz rangés et occupés; mays quand, par le progres du tems, les ames se sont un peu exercees en cette multiplicité d'actes interieurs et qu'elles sont façonnees, desrompues et desengourdies, alhors les exercices s'unissent a un exercice de plus grande simplicité: ou a l'amour de complaysance, ou a l'amour de bienveuillance, ou a l'amour de confiance, ou de l'union et reunion du cœur a la volonté de Dieu; de sorte que cette multiplicité se convertit en unité.

  A019001356 

 En somme, nous voyla asses bien selon le lieu ou nous sommes, car mon frere retiendra ses benefices, qui suffiront avec la pension, puisque a la cour [151] il aura cinq bouches et des chevaux entretenus par departement de plat porté en son logis..

  A019001356 

 Saches, ma tres chere Mere, que par une voye admirable Son Altesse a nommé mon frere a ma coadjutorie et succession en cet Evesché, sur le desir de Madame et de Monseigneur le Prince, brevet expedié et toutes les faveurs les plus favorables pour Rome; mays avec des paroles si avantageuses de Son Altesse et de Madame pour toute nostre mayson, pour mon frere et pour moy, que rien ne s'est veu de pareil.

  A019001357 

 Je me taste par tout dans le cœur pour voir si la viellesse me porte point a l'humeur avare; et je treuve au contraire qu'elle m'affranchit de souci, et me fait negliger de tout mon cœur et de toute mon ame toute chicheté, praevoyance mondaine et desfiance d'avoir besoin.

  A019001358 

 Que je me chargeasse de l'espouse d'autruy par obligation, moy! cela, comme je pense, me seroit impossible.

  A019001361 

 Je vous dis courtement qu'ouy: cet abandonnement en Dieu parmi les douleurs interieures et exterieures est tres [153] bon, et bon aussi de dire vocalement les paroles que vous me marques, de tems en tems, pour faire sçavoir au cœur qu'il est en Dieu, par le tesmoignage que ces paroles luy rendent.

  A019001379 

 Je me sens si extremement obligé a la faveur que vous exerces envers mon frere et moy, que je ne sçai comme commencer ni par ou finir a vous en faire action de [156] graces.

  A019001379 

 Seulement vous supplie-je tres humblement d'accepter la veritable protestation que je fay d'en avoir un aussi grand sentiment qu'on sçauroit desirer d'un'ame toute pleine de connoissance de son devoir, avec un'infinie affection de correspondre par toute sorte de fidele service..

  A019001389 

 Il m'est advis que je voy vostre cœur comme un cadran qui est posé au soleil et qui ne remue point, ains demeure immobile, tandis que l'esguille et calamite qui est dedans [157] s'agite incessamment et, par des continuelles inquietudes, s'eslance du costé de sa belle estoile; car ainsy vostre cœur demeurant immobile, vostre volonté tend par des bons mouvemens a son Dieu.

  A019001399 

 Il vint icy les festes de Noël, renvoyé, ainsy qu'il me dit, par son Pere confesseur qui, ne se pouvant pas bien resoudre sur sa vocation, me l'addressa affin qu'il en conferast avec moy.

  A019001416 

 Et pour cela je me contenteray de luy en faire tres humblement la reverence et l'asseurer que, comme elle pouvoit gratifier grande multitude de gens de plus de merite, aussi n'eut elle peu en regarder de plus de fidelité et d'obeissance [161] que mondit frere et moy, qui ne cesseray jamais de louer Dieu de quoy il m'a rendu, par tant de devoirs,.

  A019001429 

 Pour cela, Monseigneur, je ne destine pas ces lignes au tres humble remerciment que je devrois faire a Vostre Altesse pour la grace qu'il luy a pleu d'exercer envers mon frere et moy, le nommant a ma succession en cet Evesché; mais je luy en fay seulement tres humblement la reverence, pour tesmoignage qu'en cette nouvelle obligation je renouvelle et confirme l'hommage et la fidele obeissance que je doy a la bonté de Vostre Altesse, la suppliant en toute humilité de continuer, comme ell'a commencé, de me proteger tous-jours avec mes freres sous la douceur de sa debonnaireté, puisque nous ne respirerons jamais si cherement et cordialement autre chose quelcomque de ce monde, que l'inviolable devoir par lequel nous sommes si heureux que d'estre et vivre en la sujettion de Vostre Altesse, a laquelle souhaitant incessamment le comble de toute sainte prosperité, je suis,.

  A019001442 

 Si vous mesures vos faveurs a ce que Dieu a voulu que vous fussies, il n'y en aura jamais de trop grandes; mays [163] si elles sont balancees avec le merite de ceux qui les reçoivent, celle dont il vous a pleu de gratifier mon frere et moy, en la nomination faite par Son Altesse, sera sans doute des plus excessives, et faudra advoüer, Madame, qu'elle n'a nul fondement qu'en la grandeur de vostre bonté; sinon que, parmi plusieurs graces de Dieu, vous aves encor celle la de connoistre les cœurs, et que dedans les nostres Vostre Altesse ayt regardé l'incomparable passion que Dieu mesme y a mise, pour nous rendre infiniment dediés a vostre service et nous faire resigner a jamais a l'obeissance de vos commandemens: car en ce cas, Madame, s'il vous a semblé bon de mettre en consideration nostre tres humble sousmission, Vostre Altesse aura bien eu quelque sujet de nous departir ce bienfait, duquel je luy rens tres humbles graces..

  A019001455 

 Demeurés en paix, ma tres chere Seur, et ne croyes point que j'aille ni en Espagne ni ailleurs, au moins ny [164] a-il nulle apparence de cela; et j'espere que j'auray le contentement de vous rendre quelque service pour vostre logement avant mesme que j'aille en l'autre monde, qui est le plus long et le plus esloigné, comm'aussi le plus asseuré de tous les voyages que j'aye a faire, et lequel je vous supplie tous-jours de recommander et faire recommander a Dieu par vos cheres Filles, affin quil me soit heureux.

  A019001471 

 Outre que les venerables Religieux de Six, pour leur bonne vie et affection a la reformation, meritent d'estre [165] protegés, l'affaire qu'ilz ont maintenant prenant son origine en partie de la visite que j'y ay faite, et en laquelle je puis bien prendre Dieu mesme a tesmoin d'avoir eu seulement son service en veüe, et en laquelle, de plus, je n'ay presque rien ordonné qu'apres avoir, par raysons, tiré le consentement amiable des parties, je me sens obligé de faire avec lesdits Religieux une mesme supplication aupres de vous, affin qu'il vous playse de les favoriser en la conservation de leur bon droit; en quoy vous feres chose grandement aggreable a Nostre Seigneur et qui m'obligera extremement, qui suis a jamais,.

  A019001489 

 Et j'ay un si grand playsir de sçavoir cela, que je n'ay pas voulu laisser partir cette Seur Jeanne sans luy donner ce billet, par lequel je vous remercie de tout mon cœur et vous asseure que reciproquement je vous honnore passionnement, et voudrois bien estre si heureux que de vous rendre quelque service.

  A019001501 

 J'attens tous les jours un Brief du Pape, que mon frere m'escrit avoir veu entre les mains de Monseigneur le Nonce, par lequel je suis commis pour ranger au meilleur ordre qu'il se pourra toutes affaires de la Sainte Mayson; et je vous prie que l'on attende jusques a ce tems la de remplir la place que monsieur Thomas laisse, lequel il me fait mal de voir partir de ce diocese, pour la vertu qu'il a tous-jours tesmoignee, bien que d'ailleurs [168] je suis grandement consolé qu'il aille en la vigne de Lyon, qu'on me dit avoir tant besoin de cultivateurs..

  A019001520 

 Revu sur la copie faite par la Mère Rosset, conservée à la Visitation d'Annecy.

  A019001548 

 Pour moy, je n'y suis nullement, non pas mesme par la pensee, car mon ame est toute contournee a la vie contraire, et ne sçauroit s'amuser a la consideration d'un objet qui luy revient si peu..

  A019001562 

 Donq, ma Fille, pour conclure, je feray pour vostre petit contentement tout ce que je pourray, qui est peu; de dela, je m'asseure qu'on fera de mesme; mais au Ciel on fera tout, on vous comblera de consolations par les moyens que la Sagesse supreme connoist et void, et que nous ne sçavons pas..

  A019001594 

 On m'escrit que vostre amitié nuptiale est si entiere et parfaite que rien plus: et n'est ce pas cela la veritable et certaine marque de la benediction de Dieu sur un mariage? Et ce que Dieu benit, qu'importe-il que les hommes le censurent? Continues seulement en cette benediction, et nourrisses soigneusement ce bonheur par une perseverante fidelité au service de la divine Majesté; et que tout le monde parle tant qu'il voudra.

  A019001608 

 J'ay loué sa divine Majesté quand j'ay sceu que vous esties acouchee heureusement apres tant de maux et de peines, par lesquelles la divine Providence vous veut associer a sa croix, qui est la plus estimable marque de sa dilection parmi ses enfans.

  A019001650 

 Or, ce constitus la se peut avoir de tous les docteurs, tant de droit que de theologie, et peut on le demander ou faire demander par maniere de curiosité.

  A019001704 

 Néanmoins, je ne laisserai pas de dire à Votre Paternité Révérendissime, comme très désireux du bien et de l'honneur de sa Congrégation, qu'il serait aussi très à propos d'envoyer avec eux un des Pères anciens, dont l'âge inspirerait plus de respect encore [186] pour ces collèges récemment fondés qui s'augmenteront peut-être bientôt d'un troisième pour le Noviciat; ainsi, par la présence et l'autorité d'un si vénérable personnage, toutes ces Maisons recevraient leur entier perfectionnement..

  A019001726 

 J'eusse desiré que le sieur Grassi se fut contenu dans les termes du respect et de la verité a Vienne, et que monsieur Gariod n'eut pas fait l'esclat qu'il a fait a Chamberi (sur lequel monsieur le Marquis de Lans m'a escrit que le service de Son Altesse requeroit qu'on donnat la cure de Villy aux doctes, et monsieur le procureur general a appellé comme d'abus, et le Senat a tesmoigné de l'affection a la conservation du concours), ou qu'il eut eu encor un peu de courage pourvoir sortir les effectz de sa requeste et de son bon droit, affin que l'equité estant victorieuse et l'authorité des Evesques maintenue, on eut par apres plus honnorablement et courtoysement accommodé toute cette affaire en la façon mesme qu'il a, comme je voy, acceptee.

  A019001727 

 Pour l'autre chef, les Hermites seront contens en l'accomodement quilz ont fait, et, comme j'espere, encor monsieur de Boege; mays je ne sçai pas encor les particularités, cela s'estant passé par l'advis de monsieur le Prevost mon cousin, monsieur Jai, M. Questan, M. Rosetain que j'avois commis pour cela..

  A019001740 

 Non veritablement, ma tres chere Fille, il n'est pas vray que je vous puisse dire de quel cœur je vous cheris et honnore, ni par consequent que jamais je vous puisse obliger en vous escrivant le plus souvent que je puis; quoy que je le fay avec bien plus de douceur, sachant que vous aymes a recevoir ce petit tesmoignage de mon infinie affection, que vous ne pouves guere connoistre humainement d'autre sorte, et de laquelle en suite vous auries bien sujet de douter si Dieu, qui en est l'autheur, ne vous en donnoit la certitude dans le fond de vostre ame, comm'au milieu de la mienne il a planté un invariable sentiment de ce que vous m'estes et de ce que vostre cœur est au mien.

  A019001757 

 Je vay doucement, quoy qu'avec grand travail, supportant les charges de la mienne, avec laquelle je suis envielly: mais, avec une toute nouvelle a moy, que ferois-je? La seule gloire de Dieu, manifestee par mon superieur le Pape, me peut oster de cette demarche..

  A019001786 

 Mais cette verité, il la faut doucement mesnager et ne point l'alleguer par maniere de resistance, mais plustost la luy faire dire par quelqu'homme qui la sache dire avec dexterité..

  A019001823 

 Quelques uns de mes amis me conseillerent de demander a Son Altesse, quand ell'estoit icy, la nomination au prieuré de Ripaille, vacant par le trespas de Monseigneur de Saint Paul; et je le fis, en sorte qu'elle me fut accordee fort favorablement, la consequence de cette [204] nomination me pouvant estre utile par ce que, du revenu de ce benefice, a esté erigee une commenderie de Saint Lazare, delaquelle, par ma naissance, je suis capable, et, venant a vaquer, ce ne me seroit pas une petite ouverture de la demander quand j'aurois des-ja le tiltre du prieuré.

  A019001824 

 Or ay je sceu que monsieur Drujon, vostre frere, a en son pouvoir plusieurs tiltres et papiers appartenans audit prieuré; qui me fait vous prier, par nostre commune vocation et l'amitié que vous me portes, de faire que je les puisse avoir, et qu'en attendant que je voye ce que je devray faire pour cela, je vous prie qu'ilz soyent soigneusement conservés..

  A019001851 

 Dieu, par sa bonté, ne permette pas que nous en ayons jamais d'autre que de le servir et aymer eternellement..

  A019001872 

 Ce porteur mesme me remit une lettre de Vostre Excellence, addressee a monsieur de la Feuge, colomnel de la ville dAnnessi; et j'ay eu peine a me resoudre si je [209] la luy envoyerois, puisque il y a long tems quil n'est plus colomnel de cette ville, monsieur de Villette l'ayant esté l'annee passee, et mon frere le Chevalier l'estant celle ci, lequel, n'estant pas a present icy, j'eusse adverti promptement d'y venir, si ce n'eut esté que, par un bruit commun, j'ay sceu que Vostre Excellence avoit donné tout le commandement et du chasteau de cette ville et des compaignies de la ville mesme a monsieur de Monthouz, en sorte que mondit frere ne semble y avoir plus rien a faire.

  A019001884 

 Cet Amour increé, qui, sans esgard a ses propres advantages, s'employe par tout a chercher nostre bien, nous cachant souvent les plus belles flammes ou nous le pensions moins, a ce saint artifice pour nous engager a l'aymer de toute nostre puissance; et parce que cet amour est un don [211] gratuit de son amour, aussi devons nous le chercher de toutes nos forces.

  A019001894 

 Et puisque vous le connoisses ainsy, benisses du plus profond de vostre esprit cette divine douceur; et moy je l'en beniray avec vous, destinant a cela les Sacrifices tressaintz que j'offriray sur ses autelz sacrés, car plus grande action de graces ne puis je faire a la divine Majesté, que de luy presenter Celuy pour lequel et par lequel tout luy est aggreable au Ciel et en la terre..

  A019001899 

 Et neanmoins, il faut par force vous le dire, puisque ni les mœurs ni les humeurs de la France, ni les inclinations de vos parens, ni vostre aage, ni vostre mine ne vous sçauroyent permettre de demeurer comme vous estes.

  A019001899 

 Je vous dis donq ainsy, par force: Ma Fille, entres en Religion; mais en vous le disant, je sens une secrette suavité dans cette force, qui fait que cette force n'est point forcee, ains douce et aggreable.

  A019001899 

 Les Anges contraignirent le bon homme Lot, et sa femme, et ses filles, et les empoignerent par la main, et de force les tirerent hors de la ville; mays Lot ne treuve point de violence en cette force, ains il dit qu'il connoist bien qu'il est en leurs bonnes graces.

  A019001901 

 Helas! pauvre miserable que je suis, qui me delivrera du cors de cette mort? La grace de Dieu par Jesus Christ; ou bien: Je rens graces a Dieu par Jesus Christ.

  A019001945 

 Mais nous acheminons le plus que nous pouvons l'eschange de son benefice avec un autre qui est possedé par un autre changeant, affin quil puisse revenir; et le tems nous fera sages..

  A019001946 

 Pour [224] cela, sil se peut bonnement, il faudroit prier mondit sieur Argentier de faire une lettre a moy, par laquelle, en cas que ledit messire François se treuvast capable et desiré par les parroissiens, on le preferast; attendu que despuis plusieurs annees en ça il fait effectivement la charge de curé, exhortant, administrant les Sacremens et cathechisant, et en somme suppleant le devoir du curé qui, a cause de son mal, ne le peut faire..

  A019001949 

 J'ay receu la lettre de Son Altesse, par laquelle elle me commande ne rien mouvoir au fait de M. Perret jusques a ce que je luy aye donné advis de ce qui m'en semble.

  A019001950 

 Il seroit donq besoin que l'on sceut ad quos fines ladite commisson tend, et en communiquer avec Monseigneur le Prince; que si il le treuvoit bon, on pourroit par apres me l'envoyer, et je l'executerois selon la necessité ou utilité..

  A019001951 

 J'ay un desir extreme de servir monsieur Pernet, mesme en la mauvaise affaire que son cousin a avec [226] ce soldat; et y ay des-ja mis la main par l'entremise de monsieur de Mesme, qui a fort heureusement gaigné sur ledit soldat quil se contentera de ses despens, la difficulté n'estant plus que sur la quantité, laquelle je voy estre fort grande par la liste que j'en ay tiree, et delaquelle, si je ne puis maintenant, au premier jour je vous envoyeray copie.

  A019001952 

 Je verray neanmoins de quel biays je pourray prendre quelque occasion de servir ce cher frere, utilement et [228] efficacement, par l'entremise de mes amis et par toute sorte de bons offices.

  A019001952 

 Mays il ny a moyen de le servir en cela par lettres; car d'un costé, je suis engagé des il y a long tems pour M. de Saint Agné, frere de monsieur de Lucei, et d'autre part je sçai que les lettres n'ont nul pouvoir sur l'esprit de cette damoyselle, qui est si pleine de considerations qu'il faut parler, et de presence l'esclarcir des repliques que son esprit luy fournit.

  A019001954 

 Dieu, par sa bonté, vous conserve, mon tres cher Frere, mon ami..

  A019001970 

 Vostre Altesse, qui m'avoit commandé de faire recevoir le neveu du sacristain Perret a Contamine,.me commande par un'autre lettre de ne le point faire jusques a ce que je luyaye donné mon advis.

  A019001988 

 Monsieur vostre frere le plus jeune m'a grandement tesmoigné de ne vouloir nullement estre ecclesiastique, non seulement par sa façon de vivre, mais par la priere quil m'a faite de supplier madame sa mere d'avoir aggreable qu'il en quitte la robbe.

  A019002002 

 Item, nostre frere le bon P. D. Juste, duquel j'attens des nouvelles par nos Peres Barnabites au premier jour..

  A019002021 

 J'escriray pour M. le General si tost que je pourray, et au moins par la Seur qui ira-la, laquelle nous voudrions estre grandement excellente; mais il est malayse d'en treuver de telles.

  A019002024 

 Je vous envoyeray le Formulaire de la reception au Noviciat par la premiere commodité..

  A019002025 

 Elle sera asses professe, puisque elle sera si devote et resignee, comme j'espere, et que par son entremise tant de filles parviendront a la veritable devotion..

  A019002025 

 O ma Fille, il ny a pas moyen d'escrire davantage, non pas mesme a ma tres chere grande fille de Paris, a laquelle neanmoins je dis icy qu'il faut qu'elle ne desire plus la Profession avant l'annee, par ce que cela est impossible.

  A019002044 

 Ne veuilles pas estre riche, ma tres chere Fille; ou du moins, si vous ne le pouves estre que par ces miserables voyes de proces, soyes pauvre plustost, ma tres chere Fille, que d'estre riche aux despens de vostre repos..

  A019002046 

 Mays il ne m'est pas loysible d'escrire davantage, ravi par les affaires, pressé par le depart de ce porteur.

  A019002052 

 Or, il a une grande esperance que, par ce moyen, il rendra un bon et fructueux service a la coronne, car ceux qui entendent en l'affaire l'asseurent qu'ell'est fort bonne et digne d'estre entreprise.

  A019002052 

 Vous verres, par la lettre et le memoire de nostre frere, la proposition qu'il desire estre faite a Son Altesse ou a Monseigneur le Prince.

  A019002053 

 Or, pour parvenir a cela, il seroit requis d'user de praeparatifz, en quoy vous pouvés obliger l'un et l'autre es occasions; comme seroit de faire naistre des propos parmy lesquelz vous puissies, par ci parla, jetter dans l'esprit de Leurs Altesses et de Madame les conceptions suivantes:.

  A019002054 

 Puys, que M. de la Valbonne paternise en cela, qu'il est grandement conscientieux; quil harangue heureusement et fait fort bien toutes sortes de complimens; qu'il preside merveilleusement bien et prononce avec beaucoup de grace les arrestz; quil est fort docte; qu'il a esté dix ans au Senat, trois ans juge mage et trois ans President icy, et que, par ces degrés, il s'est acquis une grande habitude a bien distribuer la justice; quil a environ 38, aage de maturité et propre pour rendre beaucoup de service.

  A019002057 

 Ces messieurs de Nostre Dame ont, par commune conspiration, un grand desir que vous accepties le doyenné, estimans quilz ne sçauroyent mieux relever leur eglise.

  A019002057 

 Leur desir ne peut nuire, et qui pourroit transporter nostre eglise en la leur, par les moyens et avec les articles convenables, selon qu'on en a parlé ci devant, non seulement je ne verrois point d'inconvenient en cela, mais j'y treuverois beaucoup de bien; car, comme Doyen, vous gouverneries l'un des Chapitres; comme Chantre, le chœur de l'un et de l'autre uni, et comm'Evesque, tous deux et tout le clergé de la ville, parmi lequel on pourroit faire renaistre toute sorte de bonne discipline; et vostre canonicat pourroit estre donné a mon neveu.

  A019002058 

 Je suis grandement en peine des parroisses d'Armoy et Draillens pour lesquelles on ne sçauroit avoir un liart, et ceux qui les servoyent, acablés de pauvreté et de dettes dont je suis respondant, se sont retirés par force.

  A019002058 

 Monsieur le President d'Hostel, qui me tesmoigne de l'amitié autant que jamais, me dit qu'a l'advenir on sera payé annee par annee, mais que pour le passé il faut treuver quelque moyen, que pourtant il ne void pas.

  A019002059 

 Nous avons esté contraint de destiner M me de [245] Monthouz a Moulins pour y estre Superieure, par ce que M. Grandis dit que si elle ne changeoit d'air elle mourroit dans peu de semaines, comm'ell'a pensé faire ces jours passés, et l'office de Maistresse des Novices occupoit trop son esprit, qui se portera mieux des affaires exterieures..

  A019002103 

 Il y a un peu d'extraordinaire qui doit estre consideré sans empressement, affin qu'il n'y arrive point de surprise ni du costé de la nature, qui se flatte souvent par l'imagination, ni du costé de l'ennemi, qui nous divertit souvent des exercices de la solide vertu pour nous occuper en ces actions specieuses.

  A019002108 

 J'ay veu des femmes Religieuses, non pas de la Visitation, qui, ayant leu les livres de la Mere Therese, treuvoyent par leur conte qu'elles avoyent tout autant de perfections et d'actions d'esprit comme elle, bien qu'elles en fussent bien esloignees; tant l'amour propre nous trompe..

  A019002108 

 On peut laisser lire le livre de la Volonté de Dieu jusques au dernier, qui, estant asses inintelligible, pourroit estre entendu mal a propos par l'imagination des lectrices, lesquelles, desirant ces unions, s'imagineroyent aysement de les avoir, ne sachant seulement pas que c'est.

  A019002110 

 Quand le medecin doit entrer dans le monastere pour quelque malade, il suffit quil ayt licence au commencement par escrit, et elle durera jusques a la fin de la maladie; le charpentier et masson, jusques a la fin de l'œuvre pour laquelle il entre..

  A019002116 

 Tenes vos yeux haut eslevés, ma tres chere Fille, par une parfaite confiance en la bonté de Dieu.

  A019002136 

 En somme, la discretion doit regner par tout..

  A019002136 

 Monsieur Michel me demandoit ce que j'avois escrit a monsieur le Grand sur le sujet de la chasse; mais, ma tres chere Fille, ce ne fut qu'un article par lequel je luy disois qu'il y avoit trois loix selon lesquelles il se failloit gouverner pour ne point offencer Dieu en la chasse.

  A019002150 

 Je croy que parmi la multitude des affaires importantes que Son Altesse peut avoir pour le bien de sa coronne et consolation de ses Estatz, il y en a peu qu'elle doive affectionner plus fortement que celle que je proposay a Vostre Altesse quand j'eu l'honneur d'estre aupres d'elle au chasteau de cette ville, pour le retirement de cette autre ville, par voye douce, paysible et asseuree.

  A019002151 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse, ains, si elle me le permet, je la conjure par sa propre bonté et par son bonheur, de l'oüir promptement et favorablement, et de donner des maintenant un bon commencement a ce saint projet, puis que il ny a rien a perdre, mais tout a gaigner et encor plus a esperer, par la bonne issue que Dieu en donnera a Vostre Altesse, selon les vœux universelz de tous les gens de bien et mes continuelles prieres pour la prosperité de la coronne de Son Altesse et la vostre,.

  A019002176 

 Et certes, ma tres chere Fille, quand en m'escrivant vous me dites par fois: Vostre tres chere fille vous cherit, et que vous me parles en cette qualité, je confesse que j'en reçois un contentement admirable.

  A019002196 

 Ma Seur Françoise Marguerite est demeuree Assistante par election et consentement des deux tiers des voix; ma Seur Marie Magdeleine en eut plusieurs, et sans consideration, a mon advis, puis que elle n'est encor point du Monastere, ains seulement de la Congregation, ayant encor demandé terme pour achever ses affaires; ma Seur Marie Andrienne en eut aussi quelques unes.

  A019002198 

 Loup par nature, mais brebis par grace.

  A019002198 

 Qu'une [264] fille soit de tant mauvais naturel qu'on voudra, mais quand elle agit en ses essentielz deportemens par la grace et non par la nature, selon la grace et non selon la nature, ell'est digne d'estre recueillie avec amour et respect, comme temple du Saint Esprit.

  A019002199 

 Mais tous-jours ayme je cette fille, et ne crain nullement ses emotions de decouragement; car apres tout cela, Dieu qui a volu que je luy sois ce que je luy suis, luy seul fera qu'elle n'en doutera jamais, ou si elle en doute, ce ne sera que par secousses et comme par maniere de tentation..

  A019002200 

 Vous recevres les Formulaires de la reception des Novices a la Profession et des praetendentes a l'habit; je croy qu'il ny a rien a dire par rayson.

  A019002244 

 J'attendois que vous m'escrivissies, non point pour penser que vous le deussies, mais ne doutant point que vous ne le feries et que, par ce moyen, je vous escrirois un peu plus amplement.

  A019002275 

 Aussi, ce doyenné venant à vaquer par la mort de son titulaire, pourrait, par brigues et intrigues, tomber aux mains [276] d'un homme ennemi de l'unité catholique et de l'autorité Apostolique, car il en est beaucoup de cette sorte, très en faveur, et qui pourraient exciter dans cette grande ville de redoutables soulèvements qui s'apaiseraient difficilement ensuite, non sans de tristes conséquences..

  A019002310 

 Et je dis ainsy, par ce que [280] n'ayant pas l'honneur d'estre conneu de ce Prelat, je ne pense pas que ma lettre puisse adjouster aucun degré de chaleur a son saint zele..

  A019002337 

 Monseigneur le Prince ayant sceu que vostre Bulle fondamentale obligeoit la Congregation des Reverens ecclesiastiques de Nostre Dame a vivre a l'instar de ceux de l'Oratoire, et ne doutant point que cela ne se fit plus heureusement si quelques uns desdits Peres de l'Oratoire, qui sont maintenant establis presque par toute la France, venoyent en ladite Congregation de Nostre Dame pour la dresser et perfectionner selon leur Institut, il me commanda d'en traitter avec ceux de Paris; et despuis peu, j'ay receu nouvel advis de la part de Son Altesse, qu'elle vouloit faire reuscir ce projet, et bientost, avec ordre de tenir la place vacante en attente, affin que plus librement et aysement on la puisse employer pour une si sainte intention.

  A019002354 

 Mays si d'adventure ces Messieurs de Moulins ne vouloyent pas entendre au parti duquel le P. Recteur et moy sommes d'advis, que feroit on? O certes, je ne me puis imaginer cela; mais en ce cas, il faudroit avoir bien soin de nostre Seur Paule Hieronime et de sa compaignie, et advertir nostre Mere, qui peut estre a quelque autre [287] fondation par les mains, ou elle pourroit estre employee.

  A019002379 

 Je croy fort seurement, ma tres chere Fille, que vous tesmoignerés par tout en faveur de la verité, que parmi les desirs que j'ay eu de rendre du service et de la consolation a vostre ame, je ne me suis jamais meslé de sçavoir quelz estoyent vos moyens temporelz, ni ne vous ay jamais incité de les employer pour les Maysons de Sainte Marie.

  A019002380 

 En quoy vostre conscience demeurera du tout accoysee sur la plus grande gloire de Dieu qui] reuscira de ce partage, par le moyen duquel vous servires Dieu au monastere dans lequel vous demeureres, en vostre propre personne et par vos propres actions, et en celuy auquel vous ne seres pas, en la personne des Seurs qui, par vostre moyen, y seront assemblees..

  A019002380 

 Si vous n'esties point obligee par vœu, j'aurois [290] bien tost donné mon advis.

  A019002396 

 Je respons a celuy qu'il vous a pleu de me faire par vostre lettre du 16 de ce moys, et, sans artifice ni deguisement, je vous feray celuy de ma conduite a ce propos..

  A019002398 

 Or, quand je passay a Moulins, je ne treuvay encor point de disposition en cett'ame pour faire le choix qu'ell'a fait du despuis; seulement, il y a, je pense, deux moys que je sceu par une de ses lettres qu'elle s'estoit engagee envers Nostre Seigneur, non seulement pour sa vocation, mays aussi pour l'erection d'une Mayson a Nevers.

  A019002433 

 Si vous aves un nouvel Evesque, vous n'aves pourtant rien de nouveau a faire avec luy, sinon de luy offrir vostre [296] obeissance et de luy demander sa protection; et selon que vous le verres aysé et doux, ou par vous mesme ou par une discrette entremise, vous pourres luy demander un Pere spirituel a qui vous vous puissies addresser es occurrences, et par le soin duquel vous puissies traitter avec luy quand l'affaire le requerra.

  A019002447 

 Certes, s'il se pouvoit, je voudrois tous les jours recevoir des nouvelles de vostre ame et tous les jours vous en donner de la mienne, car je m'imagine que vous ne vives gueres sans afflictions; si est-ce que par le sentiment de mon coeur je connois que le vostre seroit aucunement soulagé par le commerce spirituel qu'il pourroit avoir avec le mien, selon qu'il a pleu a Dieu de me donner une affection toute singuliere pour vous cherir de toutes mes forces..

  A019002449 

 Faites moy ce bien, ma tres chere Fille, que par la premiere bonne commodité qui se presentera, je puisse sçavoir quelque chose de l'estat de vostre cœur et de toute vostre chere petite trouppe de petitz enfans, que Dieu vous a donnés affin que vous fussies leur mere selon l'esprit encor plus que vous ne l'estes selon le cors; et de nostre frere N. et de nostre seur N., et Sur tout de la bonne madamoyselle vostre mere.

  A019002460 

 Quelle consolation pour vous que c'est Dieu mesme qui vous a faite Superieure, puisque vous l'estes par les voyes ordinaires.

  A019002482 

 Dieu, par sa bonté, soit a jamais glorifié en nostre unique cœur.

  A019002493 

 Dieu, par sa bonté, y veuille mettre sa sainte main, et guerir son esprit de ce desvoyement de conscience..

  A019002508 

 Et sil vous plait faire l'information en sorte que je m'en puisse servir, il y aura moyen de rendre justice, a l'un par vous, et a l'autre par moy..

  A019002526 

 J'ay receu vostre grande lettre, a laquelle je ne me suis pas hasté de respondre par ce que des-ja j'avois respondu a tout ce qu'elle contient par la lettre que j'escrivis et a vous et a M lle du Tertre, que je mis dans un paquet que j'addressay a monsieur le Mareschal par monsieur des Hayes qui, revenant de Constantinople, alloit en poste au Roy; et je m'asseure que vous l'aures receue..

  A019002527 

 Il me dit que, dans l'interest de Dieu et le mien, je devois me tenir en cette ville, mais neantmoins ayder l'establissement de la Mayson de Nevers, et quil me feroit voir par ses livres que c'estoit avec des tres bonnes raysons quil me disoit que je pouvois transmuer mon dessein.» Sur cela, je luy escrivis, et a vous, qu'elle [307] devroit suivre l'advis de ce Pere, qui ne peut estre que grave personnage, et donner une partie de ses moyens pour Nevers, gardant l'autre pour Moulins, en sorte qu'en faisant l'un elle n'abandonnast pas l'autre..

  A019002528 

 Certes, j'adjouste donq que, tout au fin moins, les dix mille francz employés par ordre de madamoyselle du Tertre, sur sa parole, en suite de son vœu, ne peuvent ni doivent estre retirés, sinon que, comm'il se peut faire, je sois grandement deceu en l'intelligence des docteurs.

  A019002528 

 Le vœu n'est pas demeuré entre Dieu et M lle du Tertre; la promesse est passee jusques a Nevers et ell'y a esté acceptee, et en suite de l'acceptation, on a acchepté places, mayson et meubles jusques a dix mille francz, par commission donnee de la part de madamoyselle du Tertre.

  A019002528 

 Mais je m'asseure que le P. Recteur se sera bien fait expliquer tout le fait et aura, par sa prudence, accommodé toutes choses selon le droit; et je m'asseure que M lle du Tertre aura eu de la consolation de voir que, par ses moyens, l'une des Maysons soit fondee et l'autre mieux establie en commodités; et cela ne luy devra nullement oster le tiltre de fondatrice, au contraire, elle le meritera doublement..

  A019002549 

 C'est la verité que le vœu de M lle du Tartre ( sic ) ayant esté fait en faveur de Nevers, et ayant esté non seulement accepté, mays en bonne partie executé jusques a l'employ de dix mille francz fait par ordre et procuration de M lle du Tertre, il ny a nulle apparence qu'elle s'en puisse desdire, au moins quant a la part des-ja employee.

  A019002552 

 Enfin, l'experience a fait voir que quand les filles demeurent a la treille un peu eslevees, on les void mieux et on les entend mieux par tout l'oratoire..

  A019002554 

 Jamais il ny eut Religion delaquelle toutes les Constitutions ayent esté appreuvees a Rome par le Saint Siege, il suffit que les Regles le soyent.

  A019002558 

 ...............la feu Infante et Madame eut on fait faire ce de le pouvoir par l'entremise de celle ci..

  A019002585 

 Je me res-jouys avec vous, ma tres chere Fille, de la retraitte de la chere seur, tant par ce qu'en verité ell'a esté faite genereusement, saintement et, pour le dire comme je l'entens, heroiquement et a la façon de ces anciennes ames du christianisme de l'aage plus saint, qu'aussi dautant que, comme m'a escrit la bonne Mere Superieure, vous aves autant de part en cette retraitte, et plus encor, que si vous vous fussies retiree vous mesme, en cas quil vous eut esté loysible.

  A019002585 

 O c'est ainsy, ma Fille tres cherement bienaymee, quil faut servir Dieu, car c'est le servir en Dieu et par l'amour souverainement et incomparablement excellent.

  A019002630 

 J'ai corrigé beaucoup d'endroits où l'imprimeur de Lyon avait fait des fautes, et quelques-uns où les mots français n'avaient pas été bien compris, comme: «austruches,» qui ne signifie par tartaruche (tortues), mais struzzi; «detraquer,» sconcertare; «détraqué,» sconcertato; «goderon,» lattuca; et quelques autres du même genre, peu nombreux et aussi de peu d'importance..

  A019002634 

 Plaise à Dieu notre Seigneur que la peine prise par Votre Paternité et l'humilité avec laquelle Elle a daigné donner à ce petit ouvrage le beau vêtement italien dont il est orné, devienne très profitable au salut de beaucoup d'âmes..

  A019002653 

 Dans l'incertitude où je suis au sujet d'un nouveau voyage en France, et craignant un départ précipité au moment où j'y penserai le moins, ayant d'autre part cette bonne occasion des Pères Barnabites qui s'en vont là-bas, je renvoie à Votre Paternité l' Introduction traduite par Elle en italien.

  A019002654 

 Détraquement, qui [324] vient du verbe détraquer, sconcertare; détraqué, sconcertato; mais je ne sais si détraquement peut se traduire par sconcertamento; et détraquer signifie aussi sviare.

  A019002654 

 En certains endroits, l'imprimeur de Lyon s'est trompé, et, par conséquent, a occasionné des erreurs dans la traduction; je les ai corrigées.

  A019002655 

 Je dirai simplement à Votre Paternité que j'ai reçu, au sujet de ce livret, des avis très différents par des personnages italiens.

  A019002689 

 O combien de benedictions Dieu espandra-il sur vostre cœur, et que de consolations sur le mien, si vous alles croissant en la prattique parfaite du divin amour, ma tres chere Fille! Le Saint Esprit tient quelquefois la methode d'inspirer par parties ce qu'il veut faire du tout, et ces vocations ont accoustumé d'estre grandement solides.

  A019002694 

 Aussi vous est il egal de donner ou icy ou la, puisque le Dieu du Monastere de [Nevers] est le Dieu du Monastere de [Moulins], et que toutes les deux Maysons sont egalement a la tressainte Vierge, et a vous, ma tres chere Fille, que je conjure de perseverer a m'aymer constamment en Nostre Seigneur, comme tres invariablement je suis a jamais et sans reserve vostre; et ne cesse point de supplier la tressainte Vierge, la plus aymee Dame du Ciel et de la terre, qu'elle vous ayme et vous rende toute bien-aymee de son Filz, par les continuelles inspirations qu'elle impetrera de sa Majesté divine..

  A019002708 

 Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de la Mère Favre, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.

  A019002713 

 Hier bien tard je receu vos lettres, ma tres chere Mere, de la veille de Nostre Dame, et ce matin je vous escris hastivement par le sire Pierre qui va partir; et c'est le 22 de septembre, jour de saint Maurice..

  A019002715 

 Apres cela, ma tres chere Mere, il faut que je vous die que le voyage de M. le Prince Cardinal en France se remet en train, et mon frere m'escrit qu'on le tient pour asseuré et, quant et quand, que je le feray, ce Prince voulant que je l'accompagne par tout ou il ira; de sorte que me revoila a la veille de vous aller voir, si le Roy va faire l'hiver a Paris.

  A019002717 

 Et tandis que je m'en resouviens, je vous prie de dire a monsieur de Saint Jaques que j'attens de luy respondre par les effectz de ce quil m'a demandé, mon frere m'ayant escrit quil n'oubliera rien pour satisfaire a son desir..

  A019002718 

 Je vous escriray de rechef par luy, qui part au commencement du moys prochain..

  A019002719 

 Elle l'est a mon gré tout a fait, non obstant tout ce qu'elle dit contre elle mesme, qui [est] voyrement veritable, mais qui est contrechangé par une si bonne et franche volonté que cela ne tient point de place, et sur tout par ce qu'elle ne l'ayme pas et que un jour tout cela s'esvanouira devant la grace de Dieu.

  A019002748 

 J'ai prié M. l'avocat Bouvard, porteur de cette lettre, de se [338] rendre à Montmélian pour une affaire qui m'intéresse aussi bien que Monseigneur de Chalcédoine, mon frère, comme vous l'apprendrez par le susdit porteur.

  A019002761 

 Un cors delicat estant appesanti par le faix d'une grossesse, debilité par ce travail du port d'un enfant, incommodé de plusieurs douleurs, ne peut pas permettre que le cœur soit si vif, si actif, si prompt en ses operations.

  A019002776 

 C'est une qualité des amitiés que le Ciel fait en nous de ne perir jamais, non plus que la source dont elles sont issues ne tarit jamais, et que la presence ne les nourrit non plus que l'absence ne les fait languir ni finir, parce que leur fondement est par tout: puisque c'est Dieu, auquel j'ay rendu graces tres humbles de vostre vocation et de celle des deux cheres Seurs a un si saint Institut; et sur tout dequoy il vous y maintient avec tant de faveur, que toutes trois vous y rendes du fruit et devenes toutes, les unes apres les autres, Meres en une si honnorable famille, pour l'establissement de laquelle, en France, vostre veritablement sainte mere avoit tant prié et travaillé, comme pour sa finale retraitte et vostre habitation en cette vie.

  A019002778 

 Vous me demandes par vostre premiere lettre, ma Reverende Mere, certaines reliques que je m'essayeray de treuver, et si ma queste en cela se rencontre heureuse, je vous les envoyeray.

  A019002799 

 [346] La prudence même, confirmée par de nombreuses expériences, nous apprend à ne pas ajouter foi au premier venu, quand il se dit chargé de recueillir des aumônes au nom des établissements de piété, et de ne pas lui accorder ce qu'il demande.

  A019002810 

 Je voy des gens de qualité qui penchent grandement et jugent qu'il faudra que les Monasteres soyent sous l'authorité des Ordinaires, a la vielle mode restablie presque par toute l'Italie, ou sous l'authorité des Religieux, selon l'usage introduit des il y a quatre ou cinq cens ans, observé presque en toute la France..

  A019002813 

 Et en fin, il me semble que veritablement le Pape sousmis en effect ces bonnes Religieuses de France au [348] gouvernement de ces Messieurs; et m'est advis que ces bonnes filles ne sçavent ce qu'elles veulent, si elles veulent attirer sur elles la superiorité des Religieux, les-quelz, a la verité, sont des excellens serviteurs de Dieu, mais c'est une chose tous-jours dure pour les filles, que d'estre gouvernees par les Ordres, qui ont coustume de leur oster la sainte liberté de l'esprit..

  A019002822 

 Je me resouviens, ma tres chere Fille, que vous m'escrivistes une fois que messieurs les confesseurs de ce païs-la vous renvoyoyent les femmes, affin de les faire esclaircir, par vostre entremise, des difficultés et scrupules qu'elles avoyent es choses secrettes de leur vocation.

  A019002832 

 Mays pour avoir l'evenement propice, il seroit requis, Monseigneur, que Vostre Altesse nous tesmoignast son consentement et contentement, et que par apres elle favorisast les poursuites qu'il sera requis de faire a Rome..

  A019002833 

 Et de tout cela, je l'en supplie tres humblement, comm'aussi de commander que les pauvres cures d'Armoy et de Draillens soyent assistees de l'argent que tant de foys Vostre Altesse leur a ordonné; n'estant pas en nostre pouvoir, ni par prieres, ni par sousmissions, ni par [351] importunité d'en rien avoir, des cinq ou six ans en ça, sinon 50 escus, sans plus.

  A019002847 

 J'attens M. Michel, et par luy bien des nouvelles de nos Seurs.

  A019002849 

 Helas, je n'ay encor veu que la fine moindre partie des lettres que [353] M. Michel m'a apportees; j'escriray par tout ou vous voudres..

  A019002849 

 Mays pressé, je la salue par vostre entremise, et toutes nos cheres Seurs.

  A019002864 

 Ce m'est une douceur toute aggreable de penser a cela, ma tres chere Fille, et supplie sa divine Majesté qu'elle me face la grace de bien correspondre a ses bien-faitz et au soin qu'ell'a d'appuyer mon pauvre chetif courage par l'association qu'il luy donne avec plusieurs ames, et particulierement avec la vostre, a laquelle je suis lié d'un nœud indissoluble.

  A019002865 

 Je luy escris, et je vous salue de tout mon cœur, ma tres chere Fille en Jesuschrist, par qui et pour qui et en qui je suis tres absolument vostre, et le seray eternellement..

  A019002877 

 La douleur que vous aves sous le sein gauche a quelque autre cause que la blesseure du cœur par les vers. Je croy bien toutefois que vous en aves: vostre teint, vostre couleur, vostre action le font connoistre, et deves prendre quelque remede contre iceux..

  A019002877 

 O ma pauvre fille Peronne, si les vers avoyent blessé vostre cœur, vous series morte, car cette partie, qui est la premiere a recevoir la vie et la derniere a la perdre, n'est jamais piquee pour peu que ce soit qu'elle n'en meure, et par consequent celuy en qui elle est.

  A019002881 

 de Chastel, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.

  A019002886 

 Or sus, laissons cela a discerner a la celeste et eternelle providence de Nostre Seigneur, si elles sont pour le bien de vostre ame ou pour celuy de la sienne, toutes deux exercees qu'elles sont, par ce moyen, en la sainte patience.

  A019002897 

 Au reste, hier au soir je receus lettres de Piemont, par lesquelles mon frere m'escrit que Monseigneur le Prince attendoit de m'envoyer la response sur la proposition que je luy ay faite de vostre affaire, jusques a ce qu'il ayt conferé avec Son Altesse son pere; et qu'il aura soin de solliciter.

  A019002907 

 Voyes cette varieté de Saintz, et vous enqueres d'eux comme ilz sont parvenus la; et vous apprendres que les Apostres y sont allés principalement par l'amour; les Martyrs, par la constance; les Docteurs, par la meditation; [360] les Confesseurs, par la mortification; les Vierges, par la pureté de cœur, et tous generalement, par l'humilité.

  A019002915 

 On le peut donq dire, ains, en beaucoup d'océasions on est obligé de le dire, comme on est obligé d'y remedier; mais cela se doit faire paysiblement, sans l'aggrandir par paroles ni plaintes.

  A019002957 

 Ce n'est icy qu'une lettre d'attente, ma tres chere Fille, pour seulement vous dire qu'au premier jour je respondray par le menu a toutes celles que vous m'aves fait la consolation de m'escrire jusques alhors.

  A019002961 

 Vous pouves employer les Seurs qui doivent estre Domestiques, et qui ne sont point vestues, au service du dehors, par lequel elles meritent tous-jours davantage leur reception future a l'habit..

  A019002989 

 Ayant sceu que M. le Prieur de Rumilly inquietoit le sieur Curé dudit lieu pour certaine reconnoissance qu'il prœtend de luy, j'ay creu que je vous devois rendre ce veritable tesmoignage, que la cure de Rumilly n'est plus au Curé (bien que, comme il est raysonnable, les fruitz luy soyent reservés), puisque il l'a resignee par supplication qu'il m'a faite de l'unir au Chapitre ou cors des Altariens de cette eglise-la, et que j'ay fait toutes les formalités praeparatoires a laditte union, delaquelle les finales expeditions seroyent signees et mises en execution, si Monseigneur le Serenissime Prince ne m'eust fait sçavoir que, voulant faire unir quelques autres pieces [370] pour le plus grand bien de cette eglise, il desiroit que j'attendisse pour un peu, affin de faire tout ensemble ce qui sera requis..

  A019002990 

 De sorte, Messieurs, que la cure estant hors des mains du sieur Curé et se treuvant es miennes pour laditte union, a laquelle le sieur Prieur a consenti par authorité mesme de ses Superieurs, je vous supplie tres humblement de tenir ledit sieur Curé exempt de faire cette reconnoissance que le cors des Altariens fera, en la façon convenue, soudain que l'union sera achevee..

  A019003008 

 Voyla que ces Messieurs de nostre eglise cathedrale recourent a moy en vostre personne, qui represente par dela la mienne, pour un'affaire qu'ilz ont, a mon advis, grande rayson d'affectionner.

  A019003042 

 Si elles desirent par apres de prendre l'habit, ce n'est pas par le vray et pur motif que requiert la sainteté de l'Institut..

  A019003057 

 Il faut, a la verité, bien reverer l'Evesque, establi superieur en l'Eglise par le Sacrement de son Ordre, c'est a dire par le Saint Esprit, comme dit saint Paul, et par la Regle propre et par la Constitution; et Dieu benira vostre obeissance, qui est l'obeissance des Religieux anciens..

  A019003058 

 Il ne faut pas dire au Confiteor: et beatum Augustinum, par ce que vostre Congregation est sous le tiltre de Sainte Marie de la Visitation, quoy que sous la Regle de saint Augustin.

  A019003062 

 Vostre sentiment est le mien: il ne faut pas recevoir les riches au choeur par ce qu'elles sont riches, mais par ce qu'elles ont le talent d'y servir; et si elles ne l'ont pas: qu'elles soyent des Associees si elles sont foibles, ou vielles, ou maladives; si elles sont fortes, qu'on les puisse employer au service de la Mayson, ou du moins a cooperer aux Domestiques si quelque consideration les fait mettre parmi les Associees, comme seroit leur delicatesse, ou la bonté de leur esprit qui les rendra habiles a servir de Superieure ou aux autres offices, hors celuy d'Assistente.

  A019003093 

 Est il possible que ce qui ramena et maintint saint Augustin en l'Eglise n'aye peu retenir cest esprit? Est il possible que la reverence de l'antiquité et l'abjection de la nouveauté n'aye point eu le pouvoir de l'arrester? Est il possible qu'il aye creu que l'Eglise ayt tant erré, et que les huguenotz ou Anglo-calvinistes ayent si heureusement rencontré par tout la verité, qu'ilz n'ayent point erré en l'intelligence de l'Escriture? D'ou peut estre venue cette si universelle connoissance du sens de l'Escriture en ces testes-la, es matieres de nos controverses, que par tout ilz ayent rayson, et nous tort par tout, en sorte qu'il nous faille quitter pour adherer a eux?.

  A019003094 

 J'estois a la veille de luy faire faire place ici, et monsieur Jantet avoit charge de traitter avec luy pour cela; et maintenant, le voyla separé de tout le reste du monde par la mer, et de l'Eglise par le schisme et l'erreur! Dieu neanmoins tirera sa gloire de ce peché..

  A019003096 

 Que si vous luy escrives, selon qu'il me semble vous y inviter, par la voye de monsieur Gabaleon, asseures le que toutes les eaux de la mer d'Angleterre n'esteindront jamais les flammes de ma dilection, tandis qu'il me pourra rester quelque esperance de son retour a l'Eglise et a la voye de son salut eternel..

  A019003111 

 Or il ne sçait pas pourtant le projet, sinon par conjecture quil tire de l'entree que fit, il y a dix jours, monsieur de Saunaz en l'Oratoire de Lyon, d'ou il m'a escrit avec beaucoup de tesmoignage de consolation..

  A019003116 

 Je ne sçai plus que vous dire, mon tres cher Frere, pour cette fois, ayant le cœur si oppressé de douleur de la perte de ce miserable qui vous escrit, que je confesse de n'avoir jamais eu tant de sensible desplaysir que j'en ay eu; mays par ce que je sens encor un peu d'esperance en Dieu pour son retour, je vous escris la lettre ci jointe, affin que vous la luy envoyïes.

  A019003116 

 Qui sçait si, conservant un peu de credit sur son esprit par cette voye, Dieu s'en servira pour le retirer? Mays je ne sçai pourtant que vous dire la dessus, sinon que bienheureux sont les humbles, car a eux appartient le Royaume des cieux.

  A019003128 

 O la vanité de l'esprit humain tandis qu'il se fie en soy mesme! O que les hommes sont vains quand ilz se croyent eux mesmes! Il est expedient que scandale arrive, mais malheur a celuy par qui il arrive.

  A019003130 

 Je salue tres parfaitement madame N., a laquelle je dis par vostre entremise, n'ayant nul loysir, que sa retraitte est comme une datte, qui en fin produira une belle palme de triomphe, mais peut estre seulement d'icy a cent heures, ou a cent jours, ou cent semaines, ou cent moys; et les contradictions qu'elle a eues serviront a cela..

  A019003132 

 Il faut finir] en vous asseurant, ma tres chere Mere, que par la cheute de ce jeune homme, Dieu m'a gratifié de nouvelles douceurs, suavités et lumieres spirituelles, pour me faire tant plus admirer l'excellence de la foy catholique..

  A019003162 

 Il faut laisser a nostre doux Seigneur la tres aymable disposition, par laquelle il nous fait souvent plus de bien par les travaux et afflictions que par le bonheur et consolation..

  A019003172 

 Ayant sceu que la Pernon Bottollier a donné l'enfant qu'ell'a fait a François de Levaut, je vous commetz par ce billet pour oüir ladite Pernon et ledit François sur ce cas; et leurs responses ouÿes, vous m'en envoyeres l'information et l'acte du baptesme de l'enfant..

  A019003184 

 L'aspreté du tems et la grandeur des neiges ont retenu comme par vive force le bon M. l'Abbé [jusques] a present, mon tres cher Frere; et ce qui me desplait en ceci, c'est qu'il n'arrivera pas asses tost pour vous donner la commodité de nous faire jouir de vostre chere presence pour ces premieres festes.

  A019003187 

 Tenés aujourd'huy,........pour toutes asseurances de la triomphante sortie de M. Bonfilz, qui est a mesme tems establi General des Finances, avec un si extreme credit que nul ne pourra plus vivre que par sa bonne grace.

  A019003188 

 Quelle grace Dieu luy a faite de l'avoir reduit, par sa providence, dans la prison!.

  A019003196 

 C'est aujourd'huy le jour anniversaire de mon sacre, par lequel je commence la dix neufviesme annee..

  A019003224 

 Puisque vous aves treuvé bon, par l'advis mesme de monsieur l'Aumosnier vostre frere, que la charité que vous avies destinee pour le bien spirituel de Belley soit employee pour l'establissement des RR. PP. Capucins en ce lieu-la, qui feront les offices que vous desiries y introduire, il ne restera sinon qu'en suite il vous playse d'ordonner a monsieur de Courtines qui a l'argent, de le delivrer ainsy que les Peres qui sont la luy marqueront.

  A019003238 

 Despuys, on a de beaucoup amoindris les moyens qui y devoyent estre employés et, pour un seul coup, on a osté le prieuré de Nantua, qui sont mille escus de revenu, et environ deux mille ducatons que Son Altesse par sa liberalité y a destinés, ne sont pas touchés a commodité.

  A019003240 

 Mays tandis que tous ces biens s'acheminent sous les auspices et par le soin de Vostre Altesse Serenissime, je croy qu'il sera requis que, pour le present, elle face recevoir l'argent des assignations a ce porteur, le sieur Gilette, affin qu'il en secoure les necessités pressantes de laditte Sainte Mayson.

  A019003257 

 Par la premiere occasion, je vous supplie, un peu des nouvelles de madame la Generale des Galeres, de M lle de Frouville et de madame de Villesavin, et de M lle de Montigni, si ell'est tous-jours malade ou non..

  A019003258 

 Or, il suffira que cela s'essaye par la voye d'un banquier ordinaire, mays auquel, par le moyen du commis d'un secretaire d'Estat qu'elle m'escrit luy estre grandement affectionné, on envoye une lettre qui puisse obliger monsieur [402] l'Ambassadeur de favoriser l'affaire en cas de besoin.

  A019003259 

 Mays, ma tres chere Mere, voyci un fascheux rencontre, car il seroit expedient que cette fille fut un peu assistee et dressee par vostre amour tout affectionné; et neanmoins, voyla qu'a Turin le Monastere est accepté, et le P. D. [Juste].....................................................................

  A019003261 

 Helas! il n'est nullement vray que je me soys fasché en la partie superieure des advis que vous m'aves envoyés sur les Constitutions; mais ayant de prim'abord jetté les [403] yeux sur celuy de l'exclusion des maladives, qui est tout a fait contre mon esprit et sentiment, je dis par un'inconsideree soudaineté: Qui laissera gouverner la prudence naturelle, elle gastera la charité et ne sera jamais fait..

  A019003275 

 Je vous escris l'histoire seulement affin que vous la sachies, et par ce que monsieur le President a recouru a monsieur le Marquis de Saint Damien qui, peut estre, vous en parlera; affin que vous sachies que, quant a moy, je ne me suis nullement plaint, et avois de tres bon cœur pardonné l'insolence, laquelle fut sans doute faite de guet a pend et sans que j'aye jamais offencé ni les maistres ni les valetz; mais je sçai de certaine science qu'il faut dissimuler beaucoup et mespriser toutes les offences qui le peuvent estre, et que, par cette methode, on garde la paix et en fin on gaigne les cœurs des plus inconsiderés.

  A019003276 

 Mays tout ceci, mesnages-le selon que vous jugeres a propos, car il ne faut pas de lite facere lites, ni rien dire ou faire qui puisse ennuyer monsieur le Marquis de Saint Damien, puis que il nous fait lhonneur de nous [406] aymer et qu'il oblige chacun, par sa vertu, a lhonnorer.

  A019003297 

 Vos Superieurs modernes ont tant travaillé pour vous: cela ne merite-il pas que vous les reveries comme vos Peres, puisque mesme s'ilz ne sont Carmelites d'habit, ilz le sont en effect par le zele et la pieté d'Helie? O combien de Carmelites y aura-il au monde qui n'ont receu que le manteau d'Helie, et non son esprit au double! et combien de prestres seculiers qui, sans le manteau, auront receu son esprit! Combien de Theresiennes sans l'habit, combien de Theresiennes sans l'esprit de la Mere Therese!.

  A019003307 

 Pour moy, je dis a vostre cœur de tout le mien, ma tres chere Fille, ce que le grand saint Augustin disoit en une epistre aux Seurs de sa Regle: «Perseveres en vostre bon propos, et vous ne desireres point de changer de» Superieurs, sous lesquelz, «par tant d'annees, vous estes accreuës en nombre, en aage,» en Monasteres, en reputation.

  A019003337 

 Je vous prie d'achetter tout ce qui sera requis pour les tableaux que les Reverens Peres Capucins me font la faveur de faire faire par l'un des leurs, pour l'eglise de Viu et de Thorens..

  A019003388 

 Chose qui Nous occasionne de vous donner charge pour cela d'embrasser avec votre saint zèle accoutumé, de Notre part, cette affaire; tenir main que le Prieur claustral dudit Contamine mette le froc audit Claude du Noyer, et dispose par même moyen lesdits Pères à payer librement le revenu de sa prébende dès le jour de la vacance, en suite de la provision qu'il en a de Nous; en quoi ils Nous feront chose très agréable de consentir, sans Nous donner plus sujet d'en être importuné davantage ni d'un côté ni d'autre.

  A019003388 

 D'ailleurs, vous verrez le Mémorial ci-joint du [419] Sacristain, qui s'offre de payer auxdits Pères les 500 ducatons qui leur sont assignés sur ledit prieuré, d'employer annuellement 200 ducatons aux réparations d'iceluy et d'accroître encore l'aumône de dix coupes de froment, si [l'on] veut laisser à sa disposition le revenu avec les autres deux prébendes vacantes: qui sont véritablement toutes considérations remarquables et qui Nous font désirer d'autant plus l'effet de la consolation dudit du Noyer, lequel Nous vous recommandons par ce bien particulièrement..

  A019003419 

 Il ne vous escrit pas, estant asseuré que vous vous contenteres de luy pour ce coup s'il vous salue de tout son cœur par nostre entremise, estant occupé aupres de cette bonne dame, qui l'a tout a fait guery; de quoy je benis Nostre Seigneur, comme aussi de vostre santé, laquelle il faut conserver pour faire le voyage allegrement..

  A019003419 

 Vous aures, ce croy je, receu la response a celle que vous pristes la peine de m'escrire dernierement; maintenant je la fais a celle que François m'a apportee, par laquelle je voy que, graces a Dieu, nous sommes presque a la veille de nostre depart.

  A019003420 

 Monsieur de Royssieu nous oblige infiniment par le soin qu'il [421] prend de noz affayres; je luy escris, et vous luy feres tenir la lettre, sil vous plait.

  A019003421 

 J'ay receu les nouvelles du gentilhomme dont vous me parlies par la vostre precedente, et j'ay tres bien opiné du succes de ses affayres.

  A019003440 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye, Chablais, Aouste et Genevois, Prince et Vicaire perpetuel du Sainct Empire Romain, Marquis en Italie, Prince de Piemont, Marquis de Saluces, Conte de Geneve, Nice, Ast et Tendes, Baron de Vaux et Foucigny, Seigneur de Verceil, du Marquisat de Ceve, Oneille, Marro, etc..

  A019003441 

 Dautant que l'Evesché de Geneve est de tres grand poidz et tire appres soy beaucoup de soing et de travail, tant pour la grande estendue de sa diocese que la voysinance de l'heresie de Geneve, outre les grandes fatigues que tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire François de Sales, moderne Evesque, faict aux predications et autres exercices spirituelz pour exciter les ames a luy commises a leur perseverance a la devotion: il Nous a semblé luy estre grandement necessaire un Coadjuteur, et que Nous ne pourrions faire nomination de personne plus digne et de plus de merite que de Reverend nostre tres cher, bien amé et feal, devot Orateur Jean François de Sales, frere dudict Evesque et premier Aulmosnier de Madame; lequel, pour sa bonne vie, doctrine et autres vertuz, et pour satisfaire au desir dudict Evesque, Nous avons nommé et presenté, et par ces presentes, en vertu du droict de nomination qui Nous appertient sur ledict Evesché, nommons et presentons a Nostre Tressainct Pere le Pape, pour Coadjuteur et futeur successeur audict moderne Evesque et Evesché de Geneve, suppliant Sa Saincteté de le vouloir aggreer et luy faire expedier ses Bulles et provisions a ce necessaires, moyenant lesquelles Nous voulons qu'il soit receu, admis et maintenu en la plaine et legitime jouissance de ladicte coadjutorie, aucthoritez, prerogatives et autres choses quy en despendent, sans aucune difficulté: car ainsy Nous plait..

  A019003564 

 Manœuvrant par dessous main, elle donna promesse en bonne forme de trente mille francs à M. Bonsidat, avec facilité d'en toucher le tiers sans retard; elle se constituait ainsi fondatrice temporelle d'une Maison dont — elle n'en doutait pas — la Mère de Bréchard serait la pierre fondamentale.

  A019003565 

 De son côté, la prétendante réclamait des exemptions et privilèges qu'il était difficile de spécifier «par le menu,» comme elle le voulait.

  A019003565 

 Grâce à l'inlassable charité des deux Saints, on finit par s'entendre: en juin, les pièces furent signées à Paris et à Moulins..

  A019003566 

 M. Bonsidat, avec les dix mille livres de M me du Tertre, et trois mille avancées par le Monastère de Moulins, achetait, au mois de juin, des maisons et jardins, faisait faire les répations nécessaires pour recevoir les Religieuses..

  A019003569 

 M. Michel Favre, qui conduisait la Mère de la Roche et ses compagnes en France, en parla à Paris; la Mère de Chantal prit aussitôt la plume: «J'ai appris par l'aumônier de Monseigneur de Genève,» dit-elle, «ce qui se [433] passe à Moulins contre le dessein de la fondation de l'une de nos Maisons à Nevers.

  A019003569 

 Si maintenant elle est persuadée par d'autres raisons et inclinations, qu'elle les suive; mais je vous supplie que ce soit en sorte qu'il ne s'ensuive point de brouillerie ni de procès.

  A019003570 

 Les amis du Monastère de Moulins, par un zèle qui n'avait rien de désintéressé, n'entendaient pas qu'on portât ailleurs ces ressources, et M me du Tertre écoutait volontiers de tels conseillers.

  A019003571 

 La solution indiquée par la Sainte était conforme, pour le partage des biens, à celle que donna quelques jours plus tard François de Sales: que M me du Tertre demeure à Moulins avec ses vingt mille francs, et que les dix mille autres, déjà employés, appartiennent à la Maison de Nevers.

  A019003572 

 La première, blâmée par ceux de Nevers comme leur ayant manqué de parole, se voyait à Moulins en butte aux calomnies: on lui attribuait faussement «le dessein premier de M me du Tertre;» on l'accusait d'avoir eu «de grandes passions pour aller à Nevers» et de s'être montrée «trop inflexible et sensible sur la rupture de ce dessein;» des esprits «plus curieux que charitables» allaient plus loin, et semaient contre la vénérable Mère les bruits les plus injustes..

  A019003573 

 La seconde, qu'on n'attendait pas à Nevers, fut accueillie très froidement par Messieurs de la Ville.

  A019003575 

 Le Saint, averti plutôt que consulté par la dame bienfaitrice, déclare que son vœu subsiste; et la Mère de Chantal multiplie ses lettres pour parer le coup qu'elle redoute: «Il faut, s'il vous plaît, contenter Monseigneur de Genève et le croire,» écrit-elle à M me du Tertre, «car pour nous, nous ne voulons avoir ni débat, ni procès; nous quitterions plutôt cent fois autant que ce que vous donnez, estimant incomparablement davantage la paix avec la sainte pauvreté, que tous les biens du monde et le moindre trouble... Or sus donc,... qu'il ne se parle plus de tout cela, s'il vous plaît, puisque vous avez le sentiment de Monseigneur de Genève et son avis; car nos pauvres Sœurs des deux Maisons sont affligées d'entendre parler de choses qu'elles n'ont pas accoutumé d'ouïr.» Et quatre jours après, elle expose les choses avec sa logique et sa clarté ordinaires à M. de Palieme, soutient le conseil donné par le Saint, supplie d'accepter ce moyen terme, et conclut: «Si après toutes ces raisons et prières très humbles, M me du Tertre et ceux de Moulins veulent agir contre ceux de Nevers, qu'elle fasse ce qu'il lui plaira; mais pour nous, nous n'attaquerons ni ne nous défendrons.

  A019003576 

 La Maison de Nevers paya même à celle de Moulins la rente des mille écus qui lui avaient été par elle avancés, jusqu'à ce qu'elle pût rembourser le capital.


20-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XX-Vol.10-Lettres.html
  A020000022 

 Ce qui empêche une âme d'être submergée par les eaux de la tribulation.

  A020000027 

 — Le voyage de France retardé par celui du Prince Cardinal à Rome. 28.

  A020000028 

 Voyage rompu par la mort du Pape.

  A020000043 

 — Comment l'Evêque de Genève veut contribuer à la récompense de nombreuses bonnes œuvres faites par le destinataire.

  A020000060 

 Nombreuse famille en détresse par suite de la longueur d'un procès.

  A020000064 

 — Elle en sollicite l'autorisation du prince par l'intermédiaire de l'Evêque de Genève. 64.

  A020000074 

 Advis particulier pour les necessités presentes de la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, fondee par Son Altesse a Thonon.

  A020000081 

 — Edification donnée par les Sœurs d'Annecy.

  A020000091 

 » — Contradictions au sujet de l'Office récité par les Sœurs de la Visitation.

  A020000103 

 Exhortation à parachever la réforme du Monastère par la Profession religieuse. 102.

  A020000143 

 Mission assignée par Dieu aux grands de ce monde.

  A020000145 

 Réclamation d'un legs fait pour une chapelle par le beau-père du destinataire. 142.

  A020000148 

 Bourrasque et contradiction suscitées par l' « ennemy.

  A020000167 

 — Papiers égarés par inadvertance.

  A020000175 

 — Par quel moyen aider une âme que la nécessité et non l'attrait a conduite au monastère.

  A020000181 

 — Avis différents, donnés par l'Evêque de Genève sous l'inspiration divine. 176.

  A020000192 

 — Moyen terme proposé par François de Sales. 184.

  A020000193 

 Fonctions épiscopales exercées à Pignerol par l'Evêque de Genève.

  A020000198 

 — Son avis sur la réforme du Bréviaire cistercien; pourquoi il ne le fît pas prévaloir par un coup d'autorité. 191.

  A020000207 

 — Son vouloir limité par son pouvoir.

  A020000209 

 L'Abbesse a été avertie par François de Sales du désir de quelques-unes de ses Filles; quel était le sien pour la réforme.

  A020000209 

 » — Se garder d'aller contre la volonté de Dieu par intérêt propre.

  A020000213 

 — Combattre le mal par le bien.

  A020000220 

 » — Un candidat à une cure recommandé par la destinataire.

  A020000222 

 Annecy foulé par les troupes.

  A020000235 

 Désirs rendus plus ardents par la charge que la Providence a donnée à la Mère de Chastellux.

  A020000239 

 I. Lettres adressées a Saint François de Sales par quelques correspondants.

  A020000265 

 Et sur ce mesme fondement, j'ay une ferme esperance que vous me favoriseres de vostre bienveüillance, ainsy que tres humblement je vous en supplie, me resjouissant de tout mon cœur de vous sçavoir au rang ou vous estes en la cour, comme en un chemin par lequel, moyennant la grace de Dieu, vous arriveres un jour aux honneurs ausquelz l'exemple de vos predecesseurs et vostre vertu vous doyvent faire justement [1] aspirer.

  A020000316 

 Il a réclamé et réclame instamment la protection tutélaire de Votre Illustrissime Seigneurie, et parce qu'il sait quel culte profond j'ai pour vous, il m'a demandé de solliciter par lettre le secours de votre charité.

  A020000391 

 Dieu, par sa bonté, vous face croistre de plus en plus en sa sainte grace..

  A020000406 

 Dieu, par sa bonté, en veuille bien sanctifier son nom et exalter sa gloire..

  A020000407 

 Et quand elle ira en esprit a Rome voir celuy qui y est, nostre bon frere, c'est son chemin de passer par icy, et sa commodité de s'arrester un peu parmi ces montaignes.

  A020000416 

 Il a rayson de m'aymer, non pas que je le merite, mais par ce que Nostre Seigneur le veut et le commande, et que, de ma part, je le cheris beaucoup.

  A020000418 

 Et je luy ay dit que vous ne devies en sorte quelcomque en estre en peine, car nostre Saint Pere le Pape qui sied a present, par une lettre bien expediee que j'ay, vous donne le pouvoir non seulement d'avoir de telles rentes legitimement constituees, mais aussi d'avoir des fons terriens; et peu s'en falut que, en lieu de le permettre, il ne le commandast expressement, tant il estime la mendicité onereuse es monasteres des filles qui sont situés en ces petitz lieux, bourgades et vilettes: de sorte que [13] vous deves demeurer en paix de ce costé la, ma tres chere Seur ma Fille, et moy je suis et demeureray de tout mon cœur,.

  A020000434 

 Mays vous vives, ma tres chere Fille, mays vous subsistes, [14] mays vous perseveres et receves constamment tous ces accidens; c'est par cet essay que Dieu vous connoist pour sa fille legitime.

  A020000447 

 En fin, Monsieur mon tres cher Frere, voyla, comme je pense, l'esperance de nostre voyage, ou plustost de [15] nostre conversation au voyage, tout a fait dissipee; mais, quel remede? Demeures en paix, mon tres cher Frere, et demeurons, malgré la distance des lieux, tous-jours tres unanimement serrés ensemble par ce lien indissoluble de nostre sainte amitié, que Dieu a fait et a rendu exempt de tout le dechet que la distance et absence a accoustumé de faire sur les amitiés humaines et transitoires: n'est ce pas, mon tres cher Frere?.

  A020000459 

 Revu sur le téxte inséré dans la Vie manuscrite de la Mère Favre, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy..

  A020000469 

 Que si mes vœux estoyent exaucés, il seroit tout a fait rompu par la promotion de Monseigneur le Prince Cardinal a la papauté, non tant pour lhonneur que j'ay d'estre son tres obeissant serviteur, comme pour le bien que, je m'asseure, en reviendroit au Christianisme.

  A020000514 

 Mais maintenant que la mort du Pape, ayant appellé a Rome M. le Prince [Cardinal], a par consequent rompeu le voyage, ... se peut, le nouveau Pape ... ou immediatement issues de ... que vous marques ni fait ....

  A020000540 

 O par combien de rencontres fascheux allons nous a cette sainte eternité! Jettes bien vostre confiance et vostre pensee en Dieu: il aura soin de vous, et vous tendra sa main favorable..

  A020000550 

 Mais je sçai bien aussi que Dieu, qui par sa divine providence vous a dediee a cette sorte de vie en [24] ce monde, ne manque pas de vous fournir des saintes inspirations qui vous sont requises pour vous y comporter saintement..

  A020000567 

 Dieu, par sa bonté, veuille bien tost faire reuscir cette si bonn'œuvre, pour en suite combler de bonheur Vostre Altesse, de laquelle suis,.

  A020000582 

 Par la lettre que Monseigneur le Serenissime Prince m'a fait despecher, il me commande encor de luy envoyer un Memoyre des concessions qu'il faut obtenir a Romme pour la restauration de la discipline ecclesiastique deça les montz.

  A020000583 

 Ce pendant, Monsieur, je vous supplie tres humblement d'avoir un soin particulier de l'introduction des PP. de l'Oratoire a Rumilly, par ou il faut commencer, puisque c'est un'affaire qui ne peut souffrir aucun delay; et excuses mon importunité, puisque je suis de tout mon cœur, Monsieur,.

  A020000592 

 Sur la maladie du plus ancien chanoyne de Nostre Dame de cette ville, Vostre Grandeur sera suppliee de [28] nommer messire Jean Baptiste Gard; et sa vertu, sa pieté, sa suffisance m'obligent a luy desirer cet honneur qu'il a en quelque sorte merité par le service qu'il a des-ja rendu en cette mesme eglise des quelques annees en ça.

  A020000607 

 Si le tems n'empire point, je pense partir demain pour aller a Lion, et par ce voyage, je serois bien ayse si je [29] pouvois esclarcir le cœur de M. Magnin avec le Frere Adrien, et que le Frere Adrien accommodast pour une bonne fois toutes les affaires que l'on a de cette ville a Lyon pour ce qui regarde la soye.

  A020000637 

 L'esperance que j'ay tous-jours eu des une annee en ça d'aller en France, m'a retenu de vous ramentevoir mon inviolable affection a vostre service par lettre, puisque je croyois que quelque heureux rencontre me donneroit le moyen de vous rendre ce devoir en presence.

  A020000637 

 Mais maintenant que je n'espere presque plus ce bien et que ce digne porteur me donne une commodité si asseuree, je me res-jouis de tout mon cœur avec vous, ma tres chere Fille (car ce mot est plus cordial), je me res-jouis et loue Nostre Seigneur de vostre si estimable et aymable mariage, qui [32] vous servira de fondement pour bastir et eslever en vous une douce et aggreable vie en ce monde, et pour heureusement passer cette mortalité en la tressainte crainte de Dieu, en laquelle, par sa grace, vous aves esté nourrie des vostre berceau; car tout le monde me dit que monsieur vostre mary est un des plus sages et accomplis cavaliers de France, et que vostre liayson est non seulement noüee de la sainte amitié qui la doit serrer de plus en plus, mais aussi des-ja benite de la fertilité, par laquelle vous estes a la veille de vos couches, ainsy que [nostre Mere] m'asseure..

  A020000660 

 J'ay fait asses heureusement mon petit voyage, et ay escrit a nostre filz par M. Sappin, qui partit de Lyon pour Avignon il y aura demain trois semaines, et qui me promit de m'en rapporter des nouvelles avant [les] festes..

  A020000678 

 Mais puisque tel a esté le bon playsir de Dieu qu'il s'en allast en son repos, non seulement j'acquiesce, ains je loüe la divine Providence qui luy a donné un bon long sejour en cette vie mortelle, et, ce qui importe le plus, l'a conduit si amiablement par le chemin de sa crainte et de sa grace, que nous avons tout sujet d'estre asseurés qu'il le fait jouir maintenant de sa gloire.

  A020000746 

 C'est de tout mon cœur que je me res-jouis avec nostre tres chere signora D. Genevra du bon œuvre qu'ell'a fait, donnant dequoy jetter les fondemens de vostre eglise de cette ville, et je l'en remercie aussi par la lettre ci jointe..

  A020000780 

 Cette bonne dame, qui est mere, me parle d'un vœu de chasteté fait par la fille, et dit que c'est precipitamment.

  A020000784 

 Au reste, elle ne desire de vous sinon que vous employiés vostre entremise pour moderer le zele que sa bonne fille a a ses retraittes, qui est chose qui ne se peut ni doit refuser, la moderation estant tous-jours bonne en tous les exercices, ormis en celuy de l'amour de Dieu, qu'on ne doit aymer par mesure, ains tout fait « sans mesure.

  A020000795 

 Je serois bien en peine de vous escrire sur le sujet qui me convie si je n'estois authorisé de madame vostre mere; [51] car a quel propos oserois je mettre la main aux affaires qui se passent entre vous deux, et vous parler de vostre conscience, moy qui sçai que vous estes l'unique digne fille d'une si digne mere, pleyne d'esprit, de prudence et de pieté? Mais puisqu'il le faut, sous cette si favorable condition, je vous diray donq, Madame, que madame vostre mere m'escrit tout ce qu'elle vous a dit et fait dire [52] par plusieurs excellens personnages en comparayson desquelz je ne suis rien, pour vous ranger au desir qu'elle a que vous ne l'abandonnies de vostre assistence filiale en cette grande presse d'affaires temporelles en laquelle les occurrences que vous sçaves ont poussé sa mayson, qu'elle ne peut supporter de voir tomber sous le faix, et sur tout faute de vostre secours qu'elle tient y estre seul et uniquement necessaire..

  A020000800 

 Vous pouves aussi vous en contenter et suppleer, par des retraittes spirituelles dans vostre mayson, la longueur de celles que vous pourries faire en celle de Sainte Marie..

  A020000801 

 Elles ont souvent de la jalousie; si on s'amuse un peu hors de leur presence, il leur est advis qu'on ne les ayme jamais asses et que l'amour qu'on leur doit ne peut estre mesuré que par le desmesurement.

  A020000815 

 Mais, Madame, permettes moy que j'admire comme vous aves peu penser qu'apres tant de remonstrances faites de vive voix par ces grans serviteurs de Dieu, si excellens ouvriers, le Reverend Pere Coton, le Pere Duchesne et autres, et sur tout l'employ de vostre authorité maternelle, de vos larmes, de vos souspirs et de cette puissante representation de vos douleurs et amertumes de cœur que vous aves mieux sceu faire qu'homme du monde, je puisse moy, pauvre prestre, homme esloigné et de si peu de sens que je suis, par des seules lettres, qui n'ont ni repliques, ni mouvement d'action, mettre la main dans le cœur de madame vostre fille pour le contourner a vostre volonté.

  A020000820 

 Revu sur le texte inséré dans l' Histoire de la Fondation de la Visitation de Montferrand, par la Mère de Chaugy, conservée au 1 er Monastère d'Annecy..

  A020000828 

 Je confesse que je ne fus jamais si empesché d'escrire que j'ay esté, car apres vous, apres le grand Pere Coton, apres le P. Duchesne et tant d'autres serviteurs de Dieu, comme ose-je dire mot? Je le fay neanmoins tumultuairement, comme ayant la teste toute pleyne des affaires de mon Sinode, et par consequent en une grande confusion d'attentions..

  A020000846 

 C'est pourquoy il faut, par charité, faire ce qui se pourra bonnement faire pour son salut.

  A020000848 

 Dieu est un esprit infini, qui est la cause et le mouvement de toutes choses, auquel et par lequel tout est, tout subsiste et a son mouvement.

  A020000848 

 Il est infini, il est par tout et tient tout par sa puissance; rien ne le tient pour le comprendre, ains il comprend et contient [60] tout, sans estre contenu de chose quelcomque.

  A020000848 

 Il est, par consequent, invisible en soy mesme, ne pouvant estre veu qu'en l'humanité de Nostre Seigneur, qu'il a unie a sa Divinité.

  A020000937 

 Mais pourquoy vous dis je cela? Parce, ma tres chere Fille, que je ne vous ay pas escrit si souvent que vous eussies peut estre desiré, et que quelquefois on fait jugement des affections plus par les feuilles de papier que par les fruitz des veritables sentimens interieurs, qui ne paroissent qu'es occurrences rares et signalees, et qui sont plus utiles..

  A020000942 

 Mais quel peché? Peché, parce que par ce moyen ilz scandalizoyent les mondains infideles qui disoyent: Voyes comme ces Chrestiens sont Chrestiens! leur Maistre dit: A qui te veut oster ta tunique, donne luy encor ton manteau; voyes comme pour les biens temporelz ilz mettent en hazard les eternelz, et l'amour tendre et fraternel qu'ilz doivent avoir les uns pour les autres.

  A020000944 

 Que si je n'ay pas vescu conformement a cela, ç'a esté par foiblesse de cœur, et non par sentiment; le clabaudement du monde m'a fait faire exterieurement le mal que je haïssois interieurement.

  A020000947 

 Que de duplicités, que d'artifices, que de paroles seculieres, et peut estre que de mensonges, que de petites injustices, et douces, et bien couvertes, et imperceptibles calomnies, ou du moins des demi calomnies, employe-on en ce tracas de proces et de procedures! Dires vous point que vous vous voules marier, pour scandalizer tout un monde par un mensonge evident, si vous n'aves un precepteur continuel qui vous souffle a l'oreille la pureté de la sincerité? Ne dires vous point que vous voules vivre au monde et estre entretenue selon vostre naissance, que vous aves besoin de cecy et de cela? Et que sera ce de toute cette formiliere de pensees et imaginations que ces poursuittes produiront en vostre esprit? Laisses, laisses aux mondains leur monde: qu'aves vous besoin de ce qui est requis pour y passer? Deux mille escus, et moins encor, suffiront tres abondamment pour une fille qui ayme Nostre Seigneur crucifié.

  A020000948 

 Mays si je n'estois pas Religieuse de clausure, ains seulement associee a quelque Monastere, je n'aurois pas dequoy me faire appeller Madame sinon par une ou deux servantes.

  A020000963 

 Que pense elle? Quatre vies des siennes ne suffiroyent pas pour terminer son affaire par voye de justice.

  A020000979 

 Vous sçaures que dans peu de jours j'iray par dela avec deux des seigneurs de la Chambre des Comptes de Savoye, par ordre de Son Altesse et de Monseigneur le Prince..

  A020000999 

 Il est tout vray que vous n'estes nullement obligee par droit de justice d'assister de vos moyens la mayson de monsieur vostre pere, puisque vos moyens et ceux [77] de vos enfans, par l'ordre establi en la republique, sont separés et independans de la mayson de monsieur vostre pere, et qu'il n'est point en necessité effective; et d'autant plus qu'en effect vous n'aves rien receu de vostre dot, promis seulement, et non payé..

  A020001000 

 Au contraire, s'il est veritable que vous ruineries vos enfans et ce qui est a eux, et que vous vous ruineries vous mesme si vous vous chargies des affaires de vostre mayson paternelle, sans pour cela l'empescher de se ruiner, vous estes obligee, du moins par charité, de ne le faire pas; car a quel propos ruiner une mayson pour en laisser encor ruiner une autre, et donner des remedes contre un mal irremediable, aux despens de vos enfans? Si donq vous sçaves que vostre secours sera inutile au soulagement de monsieur vostre pere, vous estes obligee de ne l'y point employer au prejudice des affaires de vos enfans..

  A020001005 

 Vives tous-jours ainsy, ma tres chere Fille, et ne vous [79] glorifies qu'en la Croix de Nostre Seigneur, par laquelle le monde vous est crucifié, et vous au monde.

  A020001017 

 Et par ce qu'ilz ont desiré mon [80] intercession aupres de Vostre Altesse, affin qu'il luy playse d'ordonner au Magistrat de leur faire bonne et brieve justice, je la supplie en toute humilité, Monseigneur, de leur departir cette si juste et charitable faveur qu'elle ne refuse a personne et que, plus que nul autre, je me prometz de la veritable bonté et equité de Vostre Altesse Serenissime, delaquelle j'ay lhonneur d'estre,.

  A020001102 

 Non seulement la tres humble sujettion a Vostre Altesse Serenissime que la nature a imposee au sieur de Charmoysi par sa naissance, mais le soin qu'il a pleu a Vostre Altesse, par sa bonté, de tesmoigner pour luy et l'honneur de tant de faveurs qu'il en a receües, [87] obligent madame de Charmoysi, sa mere, et ses parens a ne point disposer de sa personne sinon avec la permission et l'aggreement de Vostre Altesse..

  A020001122 

 Je respons a vostre lettre, et correspons, autant que je le puis, a vos desirs, vous asseurant que je laisseray le plus long tems que le service de Dieu me le permettra ma Seur Marie Jacqueline Favre au monastere ou, par vostre pieté, elle se treuve maintenant, et ou je suis grandement consolé qu'elle employe les graces que la divine Providence luy departira.

  A020001174 

 Ce porteur, le sieur de Lespine, se treuvant accablé de la recherche qui se fait par la Chambre des Comptes des restatz et deniers desquelz feu son pere estoit demeuré debiteur et obligé, sans moyen quelcomque ni esperance de pouvoir exiger lesditz restatz qui sont deuz par les communes, lesquelles ont asses a faire de fournir aux charges presentes, il recourt a l'unique remede, qui est la bonté et debonaireté de Son Altesse et a la vostre, Monseigneur, affin qu'il luy playse d'estre propice a son impuissance et le delivrer de cette recherche.

  A020001174 

 Et par ce qu'il est grandement chargé d'enfans et d'aillieurs homme d'honneur, je l'accompaigne de ma tres humble supplication et recommandation aupres de Vostre Altesse Serenissime, delaquelle je suis,.

  A020001212 

 Je sçai que vous estes malade; mais, ma chere Fille, a mesure que vostre maladie redouble, vous deves redoubler vostre courage, en esperance que Celuy qui, pour monstrer son amour envers nous, a choysi la mort de la croix, vous tirera de plus en plus a son amour et a sa gloire par la croix et tribulation quil vous envoye.

  A020001241 

 Vostre Altesse verra par le resultat ci joint ce qui a esté treuvé bon par les sieurs de Lescheraine et Bertier et moy touchant l'estat present de la Sainte Mayson de Thonon, en la visite que, par le commandement de Son Altesse et de la Vostre, Monseigneur, j'y ay faite ces jours passés.

  A020001252 

 Mays premierement: l'eglise n'est pas entretenüe proprement, ni assortie des meubles convenables, par ce que lesditz prestres tirans un chacun son gage a part, il ny a pas dequoy fournir aux necessités communes, lesquelles ensuite sont negligees.

  A020001252 

 Quartement, le revenu de laditte Congregation n'est pas bien ramassé, parce que chascun y estant a gage particulier, nul ne fait le mesnage commun, ains donnent tout le bien a cense, et l'admodiateur gaigne une grande partie, de laquelle, par consequent, la Congregation est privee..

  A020001252 

 Tiercement, les maysons sont en mauvais estat, par ce que ladite Congregation n'en a point de soin, et ce, dautant [101] que tout le revenu d'icelle s'employe a l'entretenement des personnes et payement des gages; de sorte que l'argent de Son Altesse manquant, il ny a pas ou prendre les commodités requises aux reparations.

  A020001253 

 Et ainsy, le revenu que possedent a present les ecclesiastiques seculiers de Nostre Dame n'estant point employé en gages particuliers, ains estant mis tout en commun, il y aura dequoy faire une Congregation de beaucoup davantage de Peres, qui, mesnageant par leurs freres les biens, auront dequoy entretenir les meubles de l'eglise, les Offices et ce qui dependra d'eux, en une grande reverence et politesse: et cette partie de la Sainte Mayson, qui est la fondamentale, et laquelle paroist le moins, paroistra indubitablement le plus et edifiera infiniment.

  A020001253 

 Et dautant que les prestres qui y sont maintenant sont gens de bien, on pourra leur prouvoir d'entretenement convenable leur vie durant, estans presque tous vieux, cependant que l'on introduira les Peres de l'Oratoire petit a petit, par les moyens qui seront advisés..

  A020001267 

 Et par aventure, Monseigneur, qu'il seroit a propos que Vostre Altesse ou Monseigneur le Prince Cardinal appellast ledit sieur President [104] pour ouïr plus de particularités sur ce sujet et sur celuy de la Sainte Mayson que les escritz n'en peuvent declarer; ce que je dis dautant plus volontier, que j'ay reconneu audit sieur de Lescheraine une grande suffisance d'esprit et beaucoup de bon zele..

  A020001267 

 J'adjousteray de plus, Monseigneur, qu'il seroit requis, pour l'establissement des PP. Chartreux a Ripaille et en l'abbaye d'Aux, que Vostre Altesse commandast et fit commander par leur General au P. D. Laurens de Saint Sixt, leur Procureur en Savoye, de se rendre aupres d'elle pour terminer ce projet ainsy qu'il est requis; car, Monseigneur, de reformer ces Religieux d'Aux qui y sont maintenant, il est impossible.

  A020001268 

 Dieu, par sa bonté, face de plus en plus prosperer Vostre Altesse, delaquelle je suis tout a fait,.

  A020001321 

 Nous avons trop de considerations d'estat et trop de finesse mondaine en ces choses que Dieu fait par une speciale grace.

  A020001321 

 On diroit que l'erection des Maysons religieuses et la vocation des ames se fait par les artifices de la sagesse naturelle; et je croy, certes, que, quant aux murailles et a la charpenterie, l'artifice en peut estre naturel; mais la vocation, l'union des ames appellees, la multiplication d'icelles, ou elle est surnaturelle, ou elle ne vaut rien tout a fait.

  A020001322 

 Croyes moy, le bien qui est vray bien ne craint point d'estre diminué par le surcroist d'un autre vray bien..

  A020001322 

 Qu'importe il a une ame veritablement amante que le celeste Espoux soit servi par ce moyen ou par un autre? Qui ne cherche que le contentement du Bienaymé, il est content de tout ce qui le contente.

  A020001336 

 Et par ce, Monseigneur, que je suys tesmoin d'une partie du soin que ledit sieur Floccard et le sieur de la Pesse ont eü pour cela, je ne fay nulle difficulté d'interceder maintenant en ce sujet, auquel il me semble que Vostre Grandeur doit tesmoigner le gré qu'elle sçait a ses serviteurs quand ilz luy ont rendu des bons services; laissant a part que la tranquillité et l'asseurance des serviteurs anime et tient en ordre les affaires, comme les mouvemens ont accoustumé de les embarasser..

  A020001336 

 Mays ce pendant, monsieur de la Pesse m'ayant communiqué la prætention qu'il a de perseverer au service qu'il a exercé ci devant en vostre Conseil de ce pays, je me sens obligé de recommander a Vostre Grandeur sa tres humble supplication, non seulement par ce qu'il est fort homme de bien, mais par ce qu'il s'est tres affectionnement employé en sa charge en un tems difficile et pour des occasions esquelles on ne pouvoit pas nier qu'il ne fallut qu'il eüt du zele et du courage; et peut on dire que sans la fermeté et la diligence [111] de monsieur le collateral Floccard son beaufrere, et la sienne, le sieur Bonfilz, qui avoit une grande industrie et un grand support, ne fut jamais venu au compte auquel l'authorité de Son Altesse l'a reduit.

  A020001368 

 L'edification que les Maysons donnent tous les jours fait foy de l'intention du Saint Esprit; car c'est merveille combien la reputation de la vie devote s'aggrandit par la communication de nos Seurs, lesquelles je voy aussi proffiter tous les jours et devenir plus affectionnees a la pureté et sainteté de vie.

  A020001379 

 Il n'a pas tout a fait son air, mais seulement un peu, et la forme de son visage: si vous en desires un, je vous le feray faire par nostre peintre..

  A020001411 

 Certes, vous estes grandement ma tres chere fille; or, penses donq si mon cœur n'est pas touché de tendreté sur l'apprehension que vous me tesmoignes par vostre derniere, du retour de nostre tres chere Mere de Sainte Marie en ce païs.

  A020001416 

 Revu sur le texte inséré dans l' Histoire de la Fondation du 1 er Monastère de Paris, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy..

  A020001442 

 Je vous connois asses, ma tres chere Seur, ma Fille, pour vous cherir de tout mon cœur en la dilection de Nostre Seigneur, qui, ayant disposé de vous pour la charge en laquelle vous estes, s'est par consequent obligé soy mesme a soy mesme de vous prester sa tressainte main en toutes les occasions de vostre office, pourveu que vous correspondies de vostre part par une sainte et tres humble, mais tres courageuse confiance en sa bonté.

  A020001445 

 Ces Seurs qui sont avec vous sont bien heureuses de servir la, par leur bon exemple et humble observance, de fondement a cet edifice spirituel.

  A020001469 

 Or, je les vous envoyeray ou par cette commodité, si le porteur retarde un jour de plus, ou par la fine premiere qui se presentera, laquelle sera bien tost.

  A020001472 

 Quand il sera tems de vous envoyer un ecclesiastique pour vous accompaigner au retour, vous m'advertires, et je vous envoyeray ou M. Michel, ou M. Rolland qui a une affaire par dela, laquelle il pourroit peut estre bien faire en ce tems la, et vous serviroit bien au voyage pour tout le tems que vous desireries, puisqu'il n'est plus chanoine de Nostre Dame, ayant quitté cette place pour avoir plus de commodité de faire ce que je desire de luy; mays il ne faut encor pas faire bruit de ceci..

  A020001497 

 Au reste, ma tres chere Fille, cette si grande crainte qui vous a ci devant si cruellement angoissee doit estre meshuy terminee, puisque vous aves toutes les asseurances qui se peuvent avoir en ce monde d'avoir fort entierement expié vos pechés par le saint Sacrement de Penitence.

  A020001497 

 Qui dit qu'il a bruslé une mayson, il n'est pas requis qu'il die ce qui estoit dedans par le menu; ains suffit de dire s'il y avoit des gens dedans, ou s'il n'y en avoit point..

  A020001497 

 Qui dit: J'ay tué un homme, il n'est pas besoin qu'il die qu'il a tiré son espee, ni qu'il a esté cause de plusieurs desplaysirs aux parens, ni qu'il a scandalizé ceux qui l'ont veu, ni qu'il a troublé la ruë en laquelle il l'a tué; car tout cela s'entend asses sans qu'on le die; et suffit seulement de dire qu'il a tué un homme par cholere, ou de guet a pend par vengeance, qu'il estoit homme simple ou ecclesiastique: et puis, laisser le jugement a celuy qui vous escoute.

  A020001498 

 Pensés meshuy a vostre advancement a la vertu, et ne pensés plus aux pechés passés sinon pour vous humilier doucement devant Dieu et benir sa misericorde qui vous les a pardonnés par l'application des divins Sacremens..

  A020001502 

 Vous feres un acte d'humilité tous les jours, donnant la salutation du bon jour ou du bon soir a quelqu'un de vos serviteurs ou servantes, avec un acte interieur par lequel vous reconnoistres cette personne-la vostre compaigne en la redemption que Nostre Seigneur a faite pour elle..

  A020001506 

 Il vous servira, si vous vous accoustumes de recommander une fois le jour mon ame avec la vostre a la misericorde de Dieu, par quelque orayson jaculatoire, comme en sortant de table: O Dieu, ayes pitié de nous et nous receves entre les bras de vostre misericorde..

  A020001518 

 J'ay bien eu d'autres bonnes pensees, mais plustost par maniere d'escoulement de cœur en l'eternité et en l'Eternel que par maniere de discours..

  A020001518 

 O mon Dieu, ma chere Mere, que j'ay esté ayse ce matin de treuver mon Dieu si grand que je ne pouvois seulement pas asses imaginer sa grandeur! mais puisque je ne le puis magnifier ni aggrandir, je veux bien, Dieu aydant, annoncer par tout sa grandeur et immensité.

  A020001536 

 J'ay tous-jours conservé la vive affection que vos merites ont aquise sur moy des il y a long tems, et a laquelle vous m'aves obligé par les demonstrations d'amitié dont vous m'aves favorisé, particulierement au passage de monsieur Michel par vostre ville.

  A020001574 

 Entre toutes les œuvres de pieté par lesquelles Vostre Altesse a signalé sa devotion envers la tressainte Vierge Mere de nostre Sauveur, il n'y en a peut estre point de plus illustre que celle de la fondation de la Sainte Mayson de Thonon; mays, pour l'affermir, il faut remedier a quelques defautz quy y sont.

  A020001574 

 Et par ce que monsieur le President de Lescheraine, qui vint sur le lieu aux festes de Pentecoste de la part de Vostre Altesse, en [139] sçait toutes les particularités, je la supplie tres humblement de l'oüir ou faire ouir sur cela, et de seconder de sa protection une si digne fondation; qui suys invariablement,.

  A020001590 

 Et je ne doute point qu'il ne represente a Vostre Altesse, qu'entre tous les remedes par lesquelz on peut le mieux empescher la decadence de ce lieu de pieté, l'introduction des Peres de l'Oratoire seroit le plus propre, ainsy qu'estans a Tonon ensemblement nous l'avions jugé; dont j'ay des-ja donné advis [à] Vostre Altesse Serenissime, laquelle je supplie tres humblement de proteger tous-jours cette Sainte Mayson, comme un œuvre de grande qualité pour la gloire de Dieu et le lustre du nom de la serenissime Mayson de Son Altesse, de la main delaquelle est sortie cette piece de devotion, affin qu'elle ne [140] perisse pas, ou du moins qu'elle ne perde pas, faute de bon ordre, la grande reputation sous laquelle ell' a esté fondee contre l'heresie et pour l'accroissement de la sainte religion catholique..

  A020001591 

 Je supplie encor Vostre Altesse Serenissime de se resouvenir de l'establissement des Prestres de l'Oratoire en l'eglise de Rumilly, en l'occasion qui se presente maintenant, que le sieur de Saunas, sujet de Son Altesse, un jeune gentilhomme des plus sçavans theologiens de son aage, y desire contribuer sa personne des-ja vouee a cette Congregation, et son prieuré de Chindrieu, et que le Curé de Rumilly, decrepite et extremement malade, est jugé a mort par les medecins qui asseurent que dans bien peu de jours il decedera..

  A020001640 

 Dieu, par sa bonté, tienne de sa sainte main madamoyselle de la Ramilliere par tout ou ell'ira, et vous console de plus en plus en son saint service.

  A020001670 

 Demeures ainsy en paix, ma tres chere Fille, entre les bras paternelz, du soin tres amoureux que le souverain Pere celeste a et aura de vous, puisque vous estes sienne et n'estes plus vostre; car en cela ay je une suavité nompareille de me ramentevoir le jour auquel, prosternee [148] devant les pieds de sa misericorde, apres vostre confession, vous luy dediastes vostre personne et vostre vie, pour, en tout et par tout, demeurer humblement et filialement sousmise a sa tressainte volonté..

  A020001685 

 Ma tres chere Fille, je vous dis en toute verité que j'ay du contentement bien particulier a penser en vous, ayant conneu en vostre cœur une veritable inspiration de bien servir Nostre Seigneur par la sainte obeissance que vous deves a sa volonté.

  A020001702 

 De sçavoir si, en les faysant reimprimer, il faudra les faire de rechef appreuver par les docteurs de Paris, c'est a l'imprimeur de le sçavoir.

  A020001704 

 Deux maysons de Congregation de Provence, qui ne sont es terres du Pape, veulent estre reduites en Monasteres de nostre Institut et en ont escrit a Grenoble affin d'y pouvoir envoyer des filles pour faire le novitiat; si cela reuscit, ce sera par l'ordre de Rome, et cela affirmera de plus en plus l'approbation, comm' aussi un autre Monastere ancien de la Val d'Aouste, qui fera mesme supplication.

  A020001710 

 Je n'ay point veu madame de Royssieux, ni ne sçai pas ou elle est, bien que par la lettre de madame la Premiere il semble qu'elle ne soit plus a Dijon.

  A020001713 

 Le bon Pere Binet ne me presse point de vous laisser; je luy escriray par M. Jantet, et [à] madame la Marquise de Menelay qui [m'a écrit] si cordialement.

  A020001714 

 J'escriray par M. Jantet a Orleans, a nostre Superieure, et a toutes nos Superieures, et a la bonne Mere des Carmelites d'Orleans et a la Sousprieure.

  A020001725 

 Ayant treuvé icy monsieur Lachat, Curé de Vuallier, j'ay voulu employer sa bonne volonté pour vous faire tenir en main propre ces quattre motz, par lesquelz je desire vous ramentevoir l'affection que vous aves tesmoigné ci devant, de vouloir faire la Profession de Religion, qui est grandement necessaire pour le bon establissement de vostre Monastere.

  A020001742 

 Ma tres chere Fille, Dieu benira vostre sousmission, et supleera a la consolation que vous auries de communier plus souvent, par celle que vous aures d'avoir obei a vostre confesseur..

  A020001742 

 Si c'estoit luy seul qui retranchast les Communions, j'auroys bien eu asses de courage; mays quand c'est par l'advis de toute la Compaignie, il me suffit bien d'user de mon opinion contraire, [157] sans que je les importune contre la leur.

  A020001758 

 Je vous envoye le Memoire requis pour retirer les fruitz que, par artifice, on veut celer appartenir a la cure [158] de Rumilly, et avec cela le double de la response que Monseigneur le Prince a fait a la lettre par laquelle je luy ramentevois le desir qu'il a eu de l'introduction des RR. PP. de l'Oratoire en l'eglise de ce lieu la; et lundi prochain je luy envoyeray les Memoires qu'il demande, affin quil ne tienne pas a moy que sa commission [d'] institution ne soit bien tost executee..

  A020001820 

 Apres avoir souhaité a l'ame de feu monsieur Talon l'æternel repos que Nostre Seigneur a aquis par son sang a tous ceux qui meurent en sa grace, je souhaite a vostre cœur la tressainte consolation qu'il doit prendre en la volonté de sa divine Providence qui dispose de ses creatures en sa bonté.

  A020001820 

 Vostre bon Ange et vostre pieté vous auront des-ja suggeré les raysons pour lesquelles il faut recevoir avec tranquillité ces ordinaires evenemens de nostre commune mortalité; et pour cela, il ne me reste qu'a vous asseurer que, comme j'estimois beaucoup les bonnes qualités et l'amitié de ce cher trespassé, aussi vivray-je tous-jours avec un grand desir de vous pouvoir tesmoigner par quelque service que je suis,.

  A020001835 

 C'est la plus grande ambition, mays la plus juste que je puysse avoir, que celle d'estre conservé au service de Madame, puisque Vostre Altesse, par sa seule bonté, m'y a appellé.

  A020001835 

 Et par ce que ma charge ne me permet pas d'y rendre mon devoir par ma presence, non plus que mon insuffisance d'y estre utile, je remercie en toute humilité Vostre Altesse dequoy elle aggree que l'un des enfans de feu mon frere entre au nombre des pages de Madame, pour apprendre en son enfance les premiers elemens de ce service auquel sa naissance l'oblige de faire l'employ de toute sa vie; tenant lieu d'une marque visible que Vostre Altesse me fait lhonneur de m'advouer,.

  A020001861 

 Il y a un peu de l'extraordinaire en l'action de cette fille, et peut estre encor en sa reception; mays ce n'est pas merveille qu'une eguille non engraissee, non distante, non frottee d'ail, non empeschee par le diamant, s'attache si promptement et si puissamment a son aymant.

  A020001892 

 Je sçai veritablement, ma tres chere Fille, que mes lettres vous sont aggreables; car Nostre Seigneur, qui a voulu que mon ame fust toute vostre, me donne connois-sance de ce qui se passe en vostre cœur par ce que je sens dans le mien.

  A020001894 

 Je suis bien ayse de la possession en laquelle nos Seurs sont de leur monastere, et vous aussi avec elles, puisque, par vostre assistence et de ces bonnes dames, les y ayant colloquees, vous y estes en leurs personnes, et elles [170] y sont pour vous, qui, servant le mesme Seigneur en vostre pieuse vocation, estes un mesme esprit avec elles..

  A020001895 

 Et vous aves aussi esté une petite infirmiere, puisque vous aves eu tant de malades ces moys passés; et vous aves esté infirme de leur infirmité, car puisque c'estoyent mesme des personnes si cheres, comme monsieur vostre mary et vostre filz bienaymé, vous aves bien peu dire: Qui est infirme, que je ne sois infirme avec luy? Dieu soit loué, qui, par ces alternatives, nous conduit a la ferme et invariable tranquillité de l'eternel sejour..

  A020001906 

 Comme que ce soit, nous sçaurons la verité par le tems; mays ayant veu la grande indisposition de la volonté des parties, je ne puis que je ne doute qu'a l'advenir il ny ait quelque sorte de repentir.

  A020001922 

 Mais maintenant il faut que je me courrouce un peu [172] avec vous, par ce que mon neveu n'est pas habillé convenablement ni a sa qualité, ni au service auquel il est; et outre que cela luy detraque l'esprit, voyant tous ses compagnons beaucoup mieux que luy, cela est blasmé par ses amis, desquelz quelques uns m'en ont parlé avec zele.

  A020001939 

 En fin, ma tres chere Mere, monsieur Crichant est donq arrivé, puisque, comme je voy par vostre derniere lettre, vous aves receu celles que je vous envoyois par luy.

  A020001940 

 Elle nous a dit tout ce qui s'est passé a Dijon, ou il sera a propos que vous arresties deux ou trois moys pour appaiser ces messieurs du party contraire, qu'il faut combattre et abbattre par la douceur et l'humilité; encor qu'a mon advis nous ayons l'advantage, puisque monsieur le Duc et madame la Duchesse de Bellegarde, madame de [175] Termes et la pluspart du Parlement est pour nous, et particulierement Monsieur l'Evesque de Langres, qui a le zele, la prudence et l'authorité apostolique en ce païs la, et qu'outre cela nous aurons l'assistance de Monseigneur nostre bon Archevesque..

  A020001941 

 Mais, ma tres chere Mere, je vous supplie de ne point parler de ceci, si vous ne voyes tout a fait qu'il en soit tems; et je croy que son cœur se laissera gaigner par la verité, puisque mesme, comme m'asseure madame de Royssieu, madame la premiere Presidente est toute portee a nous favoriser, comm'aussi elle me l'a tesmoigné par une sienne lettre, et que la bonté et sincerité de son cœur me le fait croire fermement..

  A020001944 

 Et a ce propos, ma tres chere Mere, je ne fay nulle difficulté que les Evesques et, en leur absence, les Peres spirituelz des Maysons de la Visitation, ne puissent, ains ne doivent charitablement faire entrer les dames en telles occurrences, sans quil soit besoin quelconque que cela soit [178] declaré dans les Constitutions, par la douce et legitime interpretation de l'article du Concile de Trente qui est mis en la Constitution De la Clausure, car on le pratique bien ainsy en Italie et par tout le monde, mesme pour des moindres occasions: car je vous laisse a penser, si l'on fait bien entrer des jardiniers, des jardinieres, non seulement pour l'ageancement necessaire des jardins, mais aussi pour les embellissemens non necessaires, ains seulement utiles a la recreation, comme sont les berceaux, les palissades, les parterres, les entrees de telles gens estant jugees necessaires non par ce que ce quilz font soit necessaire, ains seulement par ce que ces gens la sont necessairement requis pour faire telle besoigne, si nous ne pourrons pas justement estimer l'entree des dames desolees par quelque evenement inopiné estre necessaire, quand elles ne peuvent pas aysement treuver hors du monastere les soulagemens et consolations si convenables.

  A020001948 

 M. Crichant m'a dit que nostre tres chere et tres bonne madame de Villesavin avoit une de mes lettres qu'elle [180] aymoit bien fort; et par ce que je crois que ce soit celle par laquelle je luy envoyois l' Exercice du matin et de la reunion a Dieu, que j'escrivis avec une grande affection, je vous prie de luy en demander une copie dextrement, comme de vous mesme; m'estant advis que l'affection que je porte a cett'ame me fit exprimer mieux qu'a mon ordinaire..

  A020001950 

 M. Crichant m'a veritablement escrit du bruslement des deux pontz; mais il ne me donne point advis comme se sera passé cet accident pour le regard de madame Baudeau, marchande gantiere qui demeuroit sur le Pont aux Oyseaux, de laquelle pourtant je ne puis m'empescher d'estre en soucy, et a laquelle j'avois escrit par luy mesme..

  A020001957 

 Revu sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée à la Visitation d'Annecy..

  A020001964 

 Avec mille actions de graces de la peine que vous aves prise a m'escrire, je vous diray pour response, qu'estant [183] a Paris, je ne voulus jamais acquiescer au desir que Madame de Port Royal me tesmoigna de se retirer de l'Ordreauquel elleavoit si utilement vescu jusques alhors, et veritablement, je n'apportay en ce païs non pas mesme aucune cogitation de cela; mais, coup sur coup, je receu par lettres force bonnes remonstrances par lesquelles elle m'excitoit a treuver bonnes ses pensees et appreuver ses souhaitz.

  A020002003 

 Mille et mille benedictions a Dieu, dequoy en fin, Monsieur mon tres cher Frere et Madame ma tout a fait tres chere Seur ma Fille, vous voyla exemptz de ces fascheux proces, par lesquelz, comme parmi des espines, Dieu a voulu que les commencemens de vostre heureux mariage se soyent passés.

  A020002005 

 O mon tres cher Frere, continues a bien soulager par vostre aymable presence ma tres chere fille.

  A020002064 

 M. le Prince Thomas, qui a logé ceans ces trois ou quatre jours passés pour faire la chasse en ces plaines voysines, a mis, comme l'on vient de me dire, en alarme ceux de Geneve, qui ont le plus grand tort du monde de se laisser agiter par tant de vaines apprehensions, puisqu'on observe si soigneusement les derniers articles qui ont esté passés..

  A020002075 

 Je vous prie, par la premiere commodité, de les bien saluer toutes, specialement la Superieure, la fondatrice et madamoyselle de la Gamelle..

  A020002075 

 Selon vostre lettre, ma tres chere Fille, du 14 e novembre, nous avions des-ja pensé de choisir icy une Superieure pour Valence; mais Dieu soit loué dequoy pour maintenant vous n'en aures pas besoin, puisque par sa [193] misericorde celle qui y est est hors de danger, ainsy que vous nous escrives du 19 de ce mesme moys; et je suis grandement consolé de ce que vous me dites, qu'elle et ses compaignes sont si bien disposees a souffrir pour Nostre Seigneur, qui ne leur aura pas donné ce courage qu'avec plusieurs autres vertus.

  A020002076 

 J'ay certes grande compassion du cœur de la mere de vostre malade; car, combien qu'en verité cet accident de la fille soit honnorable devant Dieu et ses Anges, et par consequent doive estre souffert avec amour et douceur, si est ce neanmoins que je sçay combien les cœurs des meres sont tendres et sujetz a s'inquieter en des pareilles occasions esquelles, selon les yeux vulgaires des hommes, il y a quelque sorte d'abjection; et c'est l'abjection des maux qui mortifie principalement l'esprit du sexe.

  A020002077 

 Les verités de la foy sont quelquefois aggreables a [194] l'esprit humain, non pas seulement parce que Dieu les a revelees par sa parole et proposees par son Eglise, mais parce qu'elles reviennent a nostre goust, et que nous les penetrons bien, nous les entendons facilement, et sont conformes a nos inclination s. Comme, par exemple: qu'il y ayt un Paradis apres cette vie mortelle, c'est une verité de la foy que plusieurs treuvent bien a leur gré, parce qu'elle est douce et desirable; que Dieu soit misericordieux, la pluspart du monde le treuve fort bon et le croit aysement, parce que la philosophie mesme nous l'enseigne: cela est conforme a nostre goust et a nostre desir.

  A020002077 

 Or, toutes les verités de la foy ne sont pas de la sorte: comme, par exemple, qu'il y ayt un enfer eternel pour la punition des meschans, c'est une verité de la foy, mais verité amere, effroyable, espouvantable et laquelle nous ne croyons pas volontier, sinon par la force de la parole de Dieu..

  A020002078 

 Et maintenant, je dis premierement: que la foy nue et simple est celle la par laquelle nous croyons les verités de la foy sans consideration d'aucune douceur, suavité et consolation que nous ayons en icelles, par le seul acquiescement que nostre esprit fait a l'authorité de la parole de Dieu et de la proposition de l'Eglise; et ainsy nous ne croyons pas moins les verités effroyables que les verités douces et aymables.

  A020002079 

 Il y en a des autres lesquelles nous ne pouvons nullement apprehender par imagination: comme la verité de la tressainte Trinité, l'eternité, la presence du cors de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement de l'Eucharistie; car toutes ces verités sont veritables d'une façon qui est inconcevable a nostre imagination, d'autant que nous ne sçavons imaginer comme cela peut estre, mais [195] neanmoins nostre entendement le croit tres fermement et simplement, sur la seule asseurance qu'il prend en la parole de Dieu.

  A020002079 

 Secondement, il y a des verités de la foy lesquelles nous pouvons apprehender par l'imagination: comme, que Nostre Seigneur soit né en la cresche de Bethleem, qu'il ayt esté porté en Egypte, qu'il ayt esté crucifié, qu'il soit monté au Ciel.

  A020002132 

 Or, par l'introduction des Peres de l'Oratoire, cette eglise demeure toute unie, et administree par un mesme esprit de paix et de douceur; car les Peres de l'Oratoire ne sont pas comme les autres Religieux, qui ne peuvent pas avoir la charge des parroisses.

  A020002134 

 Comm' aussi, le prieuré de Chindrieu depend de Cluni, et bien que le Prieur moderne n'ayt pas esté institué de la part de monsieur de Cluni, ça esté par une grace speciale que fit le Pape Clement a ce jeune gentilhomme, qui estoit lors un enfant, a ma remonstrance et supplication, en consideration de la mort du pere qui mourut a moytié martir dans Geneve; en faveur dequoy Sa Sainteté se contenta de donner ce morceau de pain en commende, pour cette fois tant seulement..

  A020002148 

 Mais Dieu est bon, il void la grandeur de ma charge et la vanité de mes forces; c'est pourquoy je dis comme saint Ambroyse: Je ne crains pas d'une crainte qui oste le courage, par ce que j'ay un bon Maistre..

  A020002156 

 Je compatis infiniment a cette bonne dame; elle n'est que de trop bon naturel, ou du moins, son bon naturel n'est pas asses dompté par le surnaturel en elle.

  A020002202 

 Ilz vous supplieront, mon tres Reverend Pere, de les gratifier de vostre authorité, requise pour cela; et puis qu'ilz le souhaitent, j'implore avec eux vostre charité, ce que je fay d'autant plus volontier, que si je puys prendre connoissance des qualités de cette fille par celles de son aysnee qui est ma belleseur, elle sera vertueuse et bonne servante de Dieu.

  A020002233 

 Helas! ma Fille, vous m'estes toute chere, parce que vous n'aves rien de cher que Jesus et, qu'en luy et par luy, je sçai bien que je vous suis bien cher.

  A020002254 

 Je vous respondray en peu de paroles, puisqu'aussi bien sçay je ce que vous m'eussies dit, par vostre lettre, comme si je vous eusse oüye parler de bouche; car en fin, c'est que vous estes tous-jours celle la que vous m'aves dit les annees passees.

  A020002279 

 Sur la resolution que vous aves declairee a monsieur vostre pere, je vous exhorte de perseverer a demander sans cesse la clarté du Saint Esprit et sa sainte conduite, en attendant que vous venies icy, et que M me de Chantal [soit de re]tour, affin qu'en chose de si grand' importance et en laquelle il s'agist de la disposition de toute vostre [217] vie mortelle, nous ne facions rien que par la volonté et inspiration de Celuy qui nous a preparé l'eternelle.

  A020002293 

 Croiries vous que, tout pesant que je suis, je fay dessein d'escrire, par une methode de narration historique, les principaux pointz de nostre [219] croyance? Mays, helas! si je n'ay point d'autre loysir que celuy que la cour me laisse, je mourray comme les femmes enceintes, sans produire ce que j'ay conceu... [220].

  A020002312 

 Si nous avons une fille, par exemple, que la prudence humaine dicte devoir estre colloquee en Religion pour quelques raysons de l'estat de nos affaires, or sus, nous dirons en nous mesmes (je ne dis pas devant les hommes, mais devant Dieu): O Seigneur, je vous veux offrir cette fille, parce que, telle qu'elle est, elle est vostre; et bien que ma prudence humaine m'incite et incline a cela, si est ce, Seigneur, que si je sçavois que ce ne fust pas aussi vostre bon playsir, malgré ma prudence inferieure je ne le ferois nullement, rejettant en cette action ladite prudence que mon cœur sent, mays a laquelle il desire ne [222] point consentir, et embrassant vostre volonté que mon cœur n'apperçoit pas selon son sentiment, mais a laquelle il consent selon sa resolution..

  A020002313 

 Ce ne sera plus pour la prudence mondaine, bien que ce soit elle qui ayt excité la volonté, que vous feres cette resolution, mais parce que vous aves conneu que Dieu l'auroit aggreable: ainsy, par l'infusion de la volonté divine, vous corrigeres la volonté humaine..

  A020002325 

 Je vous prie de vous mettre souvent devant les yeux et rappeller en vostre esprit ce que la tres sage bonté de Dieu a voulu operer en vostre ame et par vostre moyen, en vous donnant des biens, de la faveur et de l'authorité..

  A020002338 

 Je suis sans fin vostre, en Celuy qui sera par sa misericorde, s'il luy plait, sans fin tout nostre..

  A020002347 

 Ayant fort souvent esté prié par le sieur Peyssard, vicaire en l'eglise parroissiale de cette ville, de vous representer combien la chapelle de Chitri, qui y est, a besoin de vostre soin et d'un legat que feu M. de Treverney avoit fait pour icelle, je le fay maintenant par cette commodité, sachant que vous aurés grandement aggreable que je vous rende ce devoir, et que vous prendres playsir a faire ce bien-la en un lieu qui porte le nom et les marques d'une mayson qui n'est qu'une avec la vostre et qui s'est si honnorablement, jadis, signalee en la vertu et pieté..

  A020002370 

 Par la calomnie on enchante,.

  A020002390 

 Sa divine Bonté nous veuille a jamais defendre de la prudence et sagesse, et des saillies de l'esprit humain, et nous face tout a fait vivre en la suite de l'esprit du saint Evangile, qui est simple, doux, amiable, humble, et qui ayme le bien en tous, pour tous, et par tout ou il est; et qui nous fait tellement aymer nostre vocation que nous n'en aymons pas moins les autres, et qui nous fait parler avec veritable sentiment d'honneur, de respect et d'amour de tout ce que Dieu veut estre en son Eglise pour le bien de ses enfans et pour son service..

  A020002404 

 Dieu vous a mis au lieu et au grade auquel il vous a eslevé par vos merites, affin que vous soyes, pour l'amour de luy, le refuge commun des affligés, mais particulierement de ceux qui tombent en adversité plus par malheur que par malice..

  A020002420 

 Ce pendant l'œil de la Providence eternelle, qui regarde vostre cœur, ne laissera pas de vous tenir au nombre de ses espouses, puisque si vous n'estes pas encor Religieuse par effect vous l'estes en affection, et ne differes de l'estre que pour l'estre mieux..

  A020002434 

 Il faut que je vous die naivement et comm'a vous, que je n'ay nulle authorité es Maysons qui ne sont pas en mon diocsese, ni sur les personnes, ni sur les dependences, ormis sur les Seurs qui sont sorties d'icy, qui, selon leurs vœux et la reciproque obligation qu'elles ont a ce Monastere duquel elles sont tous-jours, et le Monastere envers elles pour les recevoir a toutes bonnes occurrences, demeurent tous-jours membres inseparables de cette Mayson, delaquelle elles ne sont nullement privees, puisque elles n'en sont point dehors sinon par obeissance et selon l'Institut..

  A020002435 

 Et quand c'est hors de la diocæse qu'il faut aller fonder et que l'obeissance est donnee par le Pere spirituel, il faut que le Vicaire general de l'evesché atteste que le Pere spirituel est deputé pour la direction du [236] Monastere; et faut observer encor cela quand, selon que le Concile de Trente l'ordonne, un Monastere eslit et desire une Superieure d'un autre monastere hors du diocæse ou se fait l'election..

  A020002436 

 De sorte, ma tres chere Fille, que pour les deux fondations que vous me marques, vous n'avies nul besoin de m'advertir sinon en ce qui regarde la disposition de vostre chere personne, pour laquelle je ne voy nul lieu de me dispenser contre les promesses faites a tant de personnes, mays sur tout a monsieur vostre pere, qui ne peut quasi plus rien esperer pour l'accomplissement de ses consolations en ce monde, que de vous voir au Monastere de Chamberi que l'on va entreprendre, affin de vous avoir aupres de luy, d'ou il a esloigné tous messieurs vos freres par les charges honnorables dont ilz sont tous prouveuz maintenant, puisque, comme vous sçaves, M. de Feliciaz est senateur et juge maje de la province de Chablaix; monsieur de Charmettes a la cour, aupres de Madame; monsieur nostre President de Genevois icy, d'ou il ne peut absenter, non plus que monsieur de Vaugelaz de la cour de France; de sorte quil ne reste que monsieur [237] le Doyen de la Sainte Chapelle.

  A020002439 

 Je croy que nostre Mere ira la; et avec ces dames [239] du païs et elle, vous pourres prendre meilleur advis par l'opinion de vos bons Peres spirituelz que vous aves-la, et vos amis, que non pas par la mienne qui ne void pas des icy ce qui pourroit estre plus a propos.

  A020002440 

 L'inconvenient que vous apportes pour Aurillac seroit dissipé par celuy que je propose, que les filles vinssent faire leur novitiat a Montferrant..

  A020002443 

 Je treuve que c'est une grande Providence de Dieu que [240] les Supperieurs, en ce commencement, ne soyent pas trop empressés de vostre conduite; elle se fera plus suavement par les advis des amis que vous employerés..

  A020002518 

 Je ne sçay pas bonnement combien il y a de Moulins a Montferrant, mais si cela est asses commode, je pense que ce seroit de la consolation a ces filles que vous allassies prendre leur Superieure pour Dijon, laquelle, comme je prevoy, il y aura peine de tirer, selon que vous verres par la lettre qu'elle m'escrit, ci jointe.

  A020002518 

 Puisque la conduite de vostre chemin de Paris a Dijon, pour passer par les monasteres, requiert que vous venies a Moulins, et que les Seurs que l'on prendra icy et a Grenoble vous aillent prendre la, il faudra donq sçavoir a point nommé le tems auquel il les faudroit envoyer et comme quoy les choses passeront, c'est a dire d'ou viendra l'advis que nous devons recevoir; mais il me semble [248] pourtant que n'y ayant que quarante lieuës d'icy a Dijon, ce sera grandement allonger le chemin de passer a Moulins.

  A020002519 

 Je suis de l'advis de M. de Marillac, que nos Seurs allant par les chams portent leur crucifix avec elles..

  A020002529 

 Je l'espere, ma chere Fille, et que vous seres comme l'ancienne Anne, laquelle, avant qu'elle fut mere, changeoit souvent de visage, comme touchee de diversités de pensees et d'apprehensions; mays estant devenue mere, dit l'Escriture sacree, sa face ne fut plus variante ni diversifiee, par ce, comme je croy, qu'elle fut accoysee en Dieu qui luy avoit fait connoistre son amour, sa protection et son soin sur elle.

  A020002529 

 Ma tres chere Fille, Je vous souhaite de tout mon cœur une grande humilité dedans un grand courage, affin que vostre courage soit [253] tout a fait en Dieu, qui par sa bonté vous soustienne, et, en vous, la sainte charge que l'obedience vous a imposee.

  A020002544 

 Vives donq de plus en plus en ce celeste amour de Nostre Seigneur qui vous y oblige par mille benedictions qu'il [256] vous a donnees, et sur tout par l'inspiration qu'il vous a departie de le vouloir et de le desirer; et, en ce desir, vivés joyeuse et saintement contente, voire mesme parmi les ennuis et les afflictions qui ne manquent jamais aux enfans de Dieu..

  A020002558 

 Les larmes receües par les mains de M me de Royssieu, vostre lettre tout maintenant venue par la voye de Lyon, mais sur tout vostre dilection tesmoignee par l'un et l'autre moyen, ma tres chere Fille, me donnent un'extremement douce consolation.

  A020002559 

 Ce luy sera un grand bien de s'obliger a la vie apostolique par cette solemnelle action de l'authorité apostolique.

  A020002559 

 J'ay grande envie de luy escrire, mais il ny a moyen [258] maintenant, tant je suis accablé; et cependant je vous prie, ma tres chere Fille, de luy baiser tres humblement les mains de ma part, l'asseurer de mon fidele service et, sans en faire semblant, sçavoir dextrement de luy sil aura aggreable que je luy escrive par foys..

  A020002559 

 Je connois certes en luy beaucoup d'excellentes qualités grandement propres au service de Dieu et de l'Eglise, lesquelles il faut esperer devoir estre egalement utiles quand elles seront bien employees, ainsy qu'il commence a les rendre par la prædication, et qu'il continuera sans doute tous-jours plus fructueusement.

  A020002560 

 Nostre chere et cordiale Seur Prieure des Carmelites recevra, je m'asseure, le chapelet et ma lettre par monsieur Jantet, a qui, si je m'en souviens bien, je remis le tout; et n'estant pas encor parti de Beley, ce n'est pas merveille si ni elle ni vous ne l'aves encor pas receu.

  A020002562 

 Je confesse que j'ay grand tort de ne point escrire a ma Seur Marie Michele, que j'ayme neanmoins de tout mon cœur; ni a ma Seur Marie Françoise Belet, que j'affectionne grandement non seulement parce qu'ell'est ma fille, mays par ce qu'ell'estoit chere a la bonne M me Le Blanc; ni a ma petite fille Anne Marguerite Clement [259] qui, a la verité, est grandement bienaymee de mon ame, nonobstant la petite duplicité des scrupules qu'elle me demanda avant son depart..

  A020002589 

 Dites moy donq, ma tous-jours plus chere Fille, que fait il? car maintenant il sçait la resolution qui a esté prise par ces six ou sept grans serviteurs de Dieu qui s'assemblerent pour son sujet..

  A020002603 

 Quand sera ce que nous ne chercherons que Dieu? O que nous serons heureux quand nous serons arrivés a ce point la, car par tout nous aurons ce que nous chercherons, et chercherons par tout ce que nous aurons..

  A020002615 

 Je suys tous-jours attendant les despeches necessaires pour remettre l'eglise de Rumilly entre les mains des Peres de l'Oratoire, bien en peyne dequoy je n'ay plus que seze jours de loysir pour disposer de la cure vacante, apres quoy elle vaquera en Cour de Rome, sans que j'y puysse plus mettre la main; et c'est sans doute qu'il ne manquera pas d'impetrans, qu'il sera par apres malaysé de ranger au salutaire dessein de Vostre Altesse..

  A020002616 

 Que si Elle me permet de joindre a cette remonstrance un mot pour la Mayson de Thonon, je luy diray qu'elle n'a pas moins besoin de la venue des mesmes Peres de l'Oratoire que l'eglise de Rumilly, par ce que, sans cela, tout ce qui regarde l'eglise de Nostre Dame et les bastimens qui en dependent s'en va ruiné, ainsy que messieurs les deputés de la Chambre ont reconneu et ont tesmoigné a Vostre Altesse, la providence et pieté delaquelle je reclame en toute humilité, qui suis,.

  A020002632 

 Je respons a nostre chere Seur Superieure de Montferrant sur ce que vous me proposes par vostre lettre, bien marri que, pour ce qui regarde sa personne, je ne puis pas seconder le desir de madame de Chazeron; car, quant au vostre, Madame, je sçai bien les limites dans lesquelles vous le contenes affin que le service de Dieu soit en toutes occasions purement prattiqué: c'est pourquoy je ne vous fay point d'excuse..

  A020002633 

 Et quand, par une entiere sousmission et resignation a sa providence, vous vous despouilleres du soin du succes de vostre vie, mesme eternelle, es mains de sa douceur et de son bon playsir, il vous delivrera de cette peyne, ou vous donnera tant de force pour la supporter que vous aures sujet d'en benir la souffrance..

  A020002633 

 Quant a la crainte de la mort et de l'enfer qui afflige vostre chere ame, c'est veritablement une tentation de l'ennemy, mais que l'Amy bienaymé de vostre cœur employera par sa bonté a vostre progres en la pureté et humilité.

  A020002646 

 J'ay fait ce mot par scrupule, ma tres chere Fille, car il me sembloit que je ferois mal si je ne vous escrivois ce mot pour saluer vostre cœur de la part du mien, puisque j'envoyay expres a M. Billet..

  A020002660 

 Madame ma tres chere Fille, J'ay loué Dieu de vostre santé et du contentement que madame la Comtesse de Saint Maurice vous a donné [269] et a tous ceux qui l'honnorent, par sa grossesse; et si mes vœux sont exaucés, il reuscira a la parfaite jouissance du fruit que vous en desires..

  A020002661 

 Quant aux papiers que vous avés desirés de mes freres pour les affaires qu'ilz ont eü avec feu monsieur de Treverney, puisque ilz ne les treuvent pas, il vous plaira d'en faire dresser telle declaration pour l'aquit que vostre conseil jugera convenable, et ilz la passeront; vous suppliant de croire que l'egarement a esté fait sans dol ni dessein, par seule inadvertence.

  A020002698 

 Le bon Pere de Saunaz, qui est venu comme une brebis par obeissance, s'en reva comme un aigneau par obeissance, prest a revenir pour sacrifier a la gloire de Dieu sa vie, sa (sic) prieuré et sa cure pour le bien de Rumilly et de tout ce païs.

  A020002725 

 Or sus, cependant humilies vous sous la main de Jesuschrist qui vous a tiree par sa misericorde a soy..

  A020002727 

 Je salue madamoyselle vostre chere mere, que j'ay tous-jours cheri filialement des que je l'ay conneue; nostre tres chere seur Le Maistre, que je prie Dieu vouloir establir en l'amour du martire que son soin luy peut et doit donner; madame la Coadjutrice de Port Royal, que Dieu veuille rendre sainte par la tressainte et courageuse humilité, et toutes nos autres Seurs qui sont tous-jours au milieu de mon ame, notamment nostre Seur Anne, et nostre Seur Marie, et nostre petite seur Magdeleine, et nostre frere Simon..

  A020002738 

 Il ny a nulle difficulté qu'on ne puisse, ains qu'on ne doive recevoir madamoyselle de Pressin, ma tres chere Fille, si son esprit est appellé, ainsy que vous me dites; car encor bien qu'ell'eut fait promesse de mariage, et de plus encor, bien qu'ell'eut contracté et celebré le mariage en la face de la tressainte Eglise, pourveu qu'elle ne l'eut pas consommé, il est constant entre les docteurs tant des loix que de la theologie, qu'elle ne laisseroit pas de pouvoir entrer en Religion, et que par sa Profession elle rendroit le contract annullé et de nul effect.

  A020002738 

 Il se [276] faut arrester en cette affaire a la determination de l'Eglise, declaree par le Concile de Trente en ces motz: « Si quelqu'un dit que le mariage fait, appreuvé et confirmé, mais non pas consommé, n'est pas dirimé et annullé par la solemnelle profession de Religion, qu'il soit anatheme.

  A020002739 

 Quant au second point que vous demandes, si cette damoyselle pourra tenir lieu de fondatrice, je dis qu'oùy, s'il est treuvé a propos par ceux qui vous conduisent, car les bienfacteurs notables peuvent tenir ce rang la.

  A020002742 

 A tant, je salue tres cordialement vostre ame, ma tres chere Fille, et par vostre entremise celles de nos Seurs, et celle de monsieur dAouste tres cherement, et celle encor de cette chere prætendente que je prie Dieu de vouloir benir eternellement..

  A020002756 

 Je n'ay garde de vous divertir par mes lettres de vostre sainte et fructueuse occupation quadragesimale, du bon succes de laquelle on nous dit icy des merveilles.

  A020002776 

 Plantés sur ces sauvageons les greffes de l'eternelle dilection que Dieu est prest de vous donner si, par une parfaitte abnegation de vous mesme, vous vous disposes a les recevoir..

  A020002789 

 Entre les filles desquelles la conversion est illustre en l'Evangile, il ny eut que la Magdeleine qui vint par amour et avec l'amour; l'adultere y vint par confusion publique, comme la Samaritaine par confusion particuliere; la Chananee vint pour estre soulagee en son affliction temporelle.

  A020002789 

 Saint Paul premier hermite, aagé de quinze ans, se retira dans sa spelonque pour eviter la persecution; saint Ignace Loyole par la tribulation, et cent autres..

  A020002790 

 Il est tout certain, ainsy que on raconte l'histoire, que cette pauvre fille de laquelle nous parlons, n'avoit pas asses de generosité pour quitter l'amour de celuy qui la recherchoit en mariage, si la contradiction de ses parens ne l'y eusse contrainte; mais il n'importe, pourveu qu'elle ayt asses d'entendement et de valeur pour connoistre que la necessité, qui luy est imposee par ses parens, vaut mieux cent mille fois que le libre usage de sa volonté et de sa fantasie, et qu'en fin elle puisse bien dire: Je perdois ma liberté si je n'eusse perdu ma liberté..

  A020002790 

 Il faut regarder principalement les dispositions de ceux qui viennent a la Religion, par la suite et perseverance; car il y a des ames, lesquelles ny entreroyent point si le monde leur faisoit bon visage, et que l'on void neanmoins estre bien disposees a veritablement mespriser la vanité du siecle.

  A020002790 

 Il ne faut pas vouloir que tous commencent par la [282] perfection: il importe peu comme l'on commence, pourveu que l'on soit bien resolu de bien poursuivre et de bien finir.

  A020002791 

 Or, ma tres chere Fille, le moyen d'ayder cet esprit pour luy faire connoistre son bonheur, c'est de la conduire le plus doucement que l'on pourra aux exercices de l'orayson et des vertus, de luy tesmoigner un grand amour de vostre part et de toutes nos Seurs, sans faire nul semblant de l'imperfection du motif par lequel ell'est entree, de ne point luy parler avec mespris de la personne qu'elle a aymé.

  A020002791 

 Que si elle en parle, il faut renvoyer [283] le propos a Dieu, comme seroit de luy dire: Dieu le conduira par le chemin qu'il sçait estre plus convenable..

  A020002792 

 Et ainsy, sans faire semblant de craindre par trop leurs entreveiies, il faut petit a petit les conduire de la voye de l'amour en celle d'une sainte et pure dilection..

  A020002792 

 pourveu quil permette la presence de deux ou trois tesmoins; et si vous en estes l'un, il faut avec dexterité les ayder a se dire adieu, et, en louant leurs intentions passees, leur donner le change et dire qu'ilz sont bienheureux de s'estre arrestés au chemin dans lequel la rayson les a conduitz, et qu'une once du pur amour divin quilz se porteront l'un a l'autre des-ormais, vaut mieux que cent mille livres de l'amour par lequel ilz avoyent commencé leurs affections.

  A020002796 

 Quant a madamoyselle N., je dis de mesme qu'il la faut laisser venir, bien que le choix du lieu tesmoigne quelque imperfection de tendreté ou de motif meslé parmi sa vocation; comme reciproquement il y en peut avoir en l'aversion que nostre Seur Supérieure] de N. a, par adventure, de la voir venir de deça.

  A020002799 

 Revu en partie sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée à la Visitation de Venise..

  A020002808 

 Et par ce, Monseigneur, que veritablement sa femme et ses enfans qui sont en grand nombre sont dignes de compassion, et qu'en la grace du pere est en-close la grace des enfans, de la femme et de toute la famille, qui ne peut vivre sans l'assistence actuelle de ce pauvre homme, je joins a la tres humble supplication que la Confrairie fait a Vostre Altesse pour ce sujet, ma tres humble recommandation; qui suys, Monseigneur,.

  A020002808 

 Il a pleu a Son Altesse d'accorder a la Confrairie de la Sainte Croix, autrement ditte du Crucifix, de Chamberi, la delivrance d'un criminel prisonnier, tel qu'elle [285] nommeroit chasque annee, le Jeudi Saint, en reverence de la Mort et Passion de Nostre Seigneur; et la pitoyable famille d'un homme de ce mandement d'Annessi a obtenu que il fut nommé et demandé en grace cette annee par laditte Confrairie pour estre liberé de la galere.

  A020002847 

 Et par ce que nous vous envoyons ma Seur Paule Hieronime Favrot qui de jour a autre attendoit de faire la Profession, affin de ne l'envoyer pas novice nous la recevons a Profession ce mattin; et soudain la ferons partir avec les autres troys, puisque il ny a pas lieu dans la carrosse pour plus de filles que pour 4.

  A020002867 

 Le pauvre peuple de Rumilly attend tous-jours en bonne devotion la venue des Peres de l'Oratoire en leur ville, et moy j'attens de Vostre Altesse les expeditions necessaires pour les faire venir et la et a Tonon, ou c'est la verité que rien ne peut remedier au mal qui y est, quant au mauvais ordre qu'il y a en l'administration des biens, que par cette venue dé ces Peres.

  A020002881 

 Voyla encor la lettre que monsieur vostre pere vous escrit et celle qu'il m'escrit a moy, par lesquelles vous verres comme tout se dispose a la fondation d'un Monastere a Chamberi; et tandis que pour le commencement on fera preparer les logis, nostre Mere pourra y estre, et vous a Dijon, affin que, comme en passant, vous y establissies cette Mayson-la avant que de venir establir celle de Chamberi: et ainsy sera vray tout ce que nous escrivons a Monseigneur de Clermont..

  A020002894 

 On vous donnera le loysir de vous bien preparer par une entiere sousmission a la celeste Providence et un parfait encouragement a vous bien exercer a l'humilité et douceur, ou debonaireté de cœur, qui sont les deux cheres vertus que Nostre Seigneur recommandoit aux Apostres, qu'il avoit destinés a la superiorité de l'univers..

  A020002895 

 Ne demandes rien ni ne refuses rien de tout ce qui est en la vie religieuse: c'est la sainte indifference qui vous conservera en la paix de vostre Espoux eternel, et c'est l'unique document que je souhaite estre prattiqué par toutes nos Seurs, que mon cœur salue tres cherement avec le vostre, ma tres chere Fille..

  A020002908 

 Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de la Mère Favre, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.

  A020002916 

 Nos Filles de Paris font merveilles et respandent par tout la bonne odeur de leurs vertus.

  A020002926 

 Monseigneur, Puysque ça esté l'intention de Son Altesse que la Sainte Mayson de Thonon servit de refuge a ceux qui, [300] de l'heresie, se convertiroyent a la sainte religion catholique, et que pour cela ell'a commandé par lettre expresse, et par mon entremise, encor, que, des revenuz d'icelle Sainte Mayson, fussent donnés cinquante escus d'or de pension annuelle au sieur de Corsier, gentilhomme bien nay qui, despuys sa conversion qu'il fit entre mes mains, a tous-jours vescu fort vertueusement en bon ecclesiastique, apres avoir perdu tous ses biens, il recourt a Vostre Altesse Serenissime, affin qu'il luy playse de luy faire effectivement joüyr de ce bienfait que la Sainte Mayson ne nie pas luy estre deu, mays qu'elle dit ne pouvoir payer, parce que les deniers que Son Altesse luy a assignés pour sa fondation manquent..

  A020002964 

 Je salue monsieur Vincent et, par son entremise, madame la Generale, et suis.

  A020002983 

 Ayant receu un brevet de Sa Sainteté, du vint huit d'avril, par lequel elle me commande de me treuver au Chapitre general des PP. Feuillantins qui se doit celebrer d'aujourdhuy en quinze jours a Pignerole, je prevoy qu'il me sera presque impossible de partir asses tost d'icy pour pouvoir aller faire, comme je serois obligé, la reverence a Son Altesse Serenissime et a vous, Monseigneur, et a Madame, avant que de me rendre au lieu de l'assignation; de sorte que je seray contraint de differer la tres humble reddition de ce devoir jusques apres la celebration de l'assemblee.

  A020002997 

 Cette fille me donne tout a propos la commodité de saluer vostre chere ame de tout mon cœur, ma tres chere Fille; et je le desirois bien fort, puisque il faut que je parte dans peu de jours pour aller en Piemont, par le commandement du Pape, qui m'oblige de me treuver au Chapitre general des Feüillans le 30 de ce moys, affin d'y præsider au nom du Saint Siege.

  A020003014 

 Or, monsieur de Bellecombe est l'un des principaux suivans ordinaires de Son Altesse et son maistre d'hostel actuellement servant maintenant; chevallier que je regarde avec un honneur extreme, non seulement par ce qu'il est serviteur d'un si grand Prince et qu'il est de mes principaux amis, mais aussi par ce que veritablement il est plein de tant de vertu et de merite qu'il est impossible de le connoistre et ne l'affectionner pas ardemment.

  A020003031 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, combien estes vous obligee a cet Amour eternel, qui vous est si bon et si doux, et qui, comme un bon Pere, a tant de soin de vous inspirer continuellement le desir d'estre toute sienne! Comme pourries vous jamais esconduire ses paternelles semonces, ni rompre le sacré et advantageux marché qu'il a fait avec vous, par lequel il se donne tout a fait a vous, pourveu que vous soyes tout a fait a luy? Soyons le meshuy sans reserve, ma tres chere Fille, et sans condition quelcomque.

  A020003033 

 Tenes, voyla une des larmes de Vandosme, c'est a dire une goutte de l'eau dans laquelle on a trempé la fiole dans laquelle est, ainsy qu'on tient par la tradition ancienne des habitans de Vandosme, de la terre sur laquelle tomberent les larmes de Nostre Seigneur, tandis qu'au tems de sa mortalité et de ses peynes il pria et adora son Pere eternel pour la remission de nos pechés.

  A020003058 

 Hier, 10 de ce mois, à la vingtième heure, fut clôturé et terminé le Chapitre général des Feuillants; et à la vingt-quatrième je reçus la lettre du 28 mai que Votre Seigneurie Illustrissime voulut bien me faire adresser, par laquelle, suivant l'ordre de Sa Sainteté, elle [312] m'enjoignait de faire élire un italien pour Prieur de Saint-Bernard de Rome..

  A020003059 

 La Congrégation, et surtout son Général, n'auront jamais de plus ardent désir que de demeurer soumis au bon plaisir de Sa Sainteté et à ce qui leur sera indiqué par Votre Illustrissime Seigneurie.

  A020003072 

 Comme j'estoy ces jours passez à Pignerolle pour assister à la celebration du Chapitre general des Peres Fueillans, j'ay esté convié par Vostre Seigneurie Illustrissime, par vostre Vicaire general et encore par [315] Monseigneur le Nonce, qui est en ces quartiers, d'administrer le Sacrement de Confirmation au peuple de ce lieu, dequoy je me suis acquitté pendant les deux jours consecutifs de Dimanche qui se sont rencontrez au temps de la tenuë du Chapitre.

  A020003073 

 Je m'asseure, que Vostre Seigneurie Illustrissime aura pour chose fort aggreable de le voir favorablement quand il se rendra à Rome l'automne prochain; parce que c'est un personnage de tres-grand merite, et qui a servy et servira à l'advenir la saincte Eglise par ses doctes escrits, et d'ailleurs, parce qu'ayant esté creé General au Monastere de Vostre Seigneurie Illustrissime, il se promet et attend beaucoup de vostre protection..

  A020003073 

 On y a fait l'eslection d'un General doué d'une doctrine eminente, d'une prudence rare et d'une singuliere pieté; et ceste eslection a esté faicte quasi par le concours de tous les suffrages.

  A020003086 

 Il n'a esté veu entr'eux ny discorde, ny dispute, ny la moindre contradiction, mesmement à l'eslection du General, qui a esté faicte d'une approbation tres-generale et par le concours quasi de tous les suffrages; comme certes il estoit tres-convenable, puis qu'ils faisoyent choix d'une personne dont le sçavoir est tres-eminent, la probité exquise et la prudence admirable, et duquel les travaux ont esté tres-heureusement et utilement employez pour la propagation de la saincte foy catholique, comme ses diverses traductions de quelques anciens Peres grecs et quelques traictez qu'il a escrits contre les heresies de ce temps le demonstrent visiblement: de sorte qu'il n'estoit point necessaire que l'authorité Apostolique intervinst en un Chapitre de telle qualité..

  A020003101 

 Il a tres-bien merité de la saincte theologie; car il a traduict beaucoup de livres de grec en latin, comme il se voit au second tome de sainct Gregoire de Nice (sic). La traduction [319] françoise qu'il a faicte de sainct Denys Areopagite, avec de tres-belles annotations, est cogneuë par tout le royaume.

  A020003113 

 Ses rares escrits rendent une manifeste preuve de cecy, Dieu s'estant servy de sa plume pour apporter beau-coup d'ornement à la saincte doctrine catholique, par les tres-utiles traductions qu'il a faictes de quelques Peres grecs et par les tres-beaux livres qu'il a composés pour la refutation des heresies de ce temps: dont je ne doute point que Vostre Seigneurie Illustrissime ne reçoive un grand contentement de ceste eslection et de l'heureux succez du Chapitre.

  A020003128 

 Toutesfois, puis que la divine Providence l'a ainsi ordonné, il est à esperer qu'elle se veut servir de sa promotion au Generalat pour faire reüssir par ce moyen quelque grand fruict à son Ordre et à la saincte Eglise catholique..

  A020003158 

 Ce n'est pas seulement un homme d'une érudition remarquable et vraiment éminente, par la variété de ses pieux écrits et par de brillants travaux (il a en effet illustré l'Eglise, il l'a défendue contre les hérétiques), c'est encore un homme d'une prudence très avisée et fort exerce aux affaires; enfin, ce qui est capital, il est versé dans la piété et dans la science de l'apostolat.

  A020003159 

 A mon avis, toute l'affaire se conclura plus heureusement et avec plus de facilité si Votre Sainteté fait un précepte au Général de laisser au plus tôt ce Bréviaire vieilli, pour adopter l'édition monastique, laquelle est non seulement approuvée, mais absolument recommandée à tous les moines par le Siège Apostolique.

  A020003173 

 In quo, ut par erat, de variis, quæ undique aliata sunt, negotiis totius Congregationis plurima decreta sunt et sancita; ac de more Superior Generalis, aliique tum Provinciales, tum Abbates ac Priores electi, et quidem tanta animorum consensione, tanta pace, tanta morum suavitate, ut nihil suavius, nihil amabilius videri potuerit.

  A020003185 

 Cette Congrégation possède maintenant pour Supérieur général un homme qui a réuni la très grande majorité des suffrages, et auquel, sans contredit, tous doivent céder la palme du savoir, de la prudence et du talent; un homme d'une vertu et d'une piété remarquables, qui, par des écrits très profonds, a enrichi et défendu l'Eglise de Dieu, et reste prêt à l'enrichir et à la défendre encore, quand ses loisirs le lui permettront.

  A020003201 

 Je vous en donne ma parole plus clairement: je n'ay nulle authorité sur les Monasteres de la Visitation qui sont hors de mon diocese, de sorte que je ne puis m'obliger sinon a ne point consentir, ains a faire tout ce que je pourray, non point par authorité, mais par credit que j'espere d'avoir envers les Superieures de ces Monasteres, et particulierement avec madame [Favre], de laquelle je suis grandement certain qu'elle suivra en cela ma direction.

  A020003201 

 Mais quant a moy, Madame, je vous proteste que je n'use point d'equivoque quand je vous prometz en bonne foy que, demon costé, je ne consentiray point que madame [de Dalet] prenne l'habit de la Visitation que quand, par une veritable attestation, j'auray esté asseuré de vostre consentement: de cela je vous prie de le bien croire.

  A020003217 

 Revu sur le texte inséré dans l' Histoire de la Fondation de la Visitation de Montferrand, par la Mère de Chaugy, conservée au I er Monastère d'Annecy..

  A020003225 

 Et tandis, je vous asseure que je n'ay nullement oubliee la priere que je vous fis a mon depart, de prendre resolution sur l'affaire de Dumont par l'advis de nos amis; et ce fut la premiere chose que je luy dis quand il vint icy.

  A020003225 

 Mays par ce que, d'un costé vous m'escrivies d'une sorte [334] qu'il sembloit que vous n'avies pas faite une resolution finale, et que d'ailleurs il se sousmettoit a l'examen de la cause, je luy dis que, estant arrivé, nous considererions de rechef son affaire, et que si ce n'estoit point chose contraire a l'equité, nous aurions soin de ne point le precipiter dans la demission de sa charge..

  A020003252 

 Oh! que je serois heureux si d'icy a un an ou deux je pouvois tellement partager avec vous ma charge, que je peusse tenir la partie de Magdeleine, et vous celle de Marthe! Non certes que je desire celle de Magdeleine parce qu'elle est meilleure; mais parce que, si je pouvois estre un peu en repos aux pieds de Nostre Seigneur, il m'est advis que j'apprendrois certaines choses que je pourrois laisser tres utilement a la posterité par escrit, selon l'exhortation que tant de gens de bien m'en ont fait.

  A020003275 

 Celles-ci proclament avec tant d'affection les vertus accordées par la Bonté divine à Votre Altesse, qu'elles vous tiennent toujours présente au souvenir de ceux qui, en tout respect, jouissent de leur auguste société, comme je l'ai fait ces deux derniers mois.

  A020003275 

 Me trouvant maintenant à la veille de mon départ de cette cour, je viens, par ces quelques lignes, offrir aussi mes très humbles hommages à Votre Altesse Sérénissime que j'ai eue continuellement [338] devant les yeux de l'esprit en la personne des Sérénissimes Infantes.

  A020003276 

 Je ne parlerai pas à Votre Altesse des faveurs reçues de leur bonté; mais je dirai bien que celle que me fait la Sérénissime Infante Françoise-Catherine en m'ordonnant de saluer ainsi par écrit et à la hâte Votre Altesse, est une des plus grandes et précieuses que je [339] pusse attendre en ce monde.

  A020003302 

 Et comme toutes regardent la plus grande gloire de Dieu et qu'elles ne peuvent réussir que par l'intervention de la main très puissante de Votre Seigneurie Illustrissime, je les lui recommande, et à sa piété et à sa sollicitude, avec un très profond respect.

  A020003316 

 J'estois malade en Piemont quand je receu vostre lettre du 27 may; maintenant, de retour au lieu de ma residence, je vous remercie tres humblement de la souvenance que vous aves de moy qui, reciproquement, ay gravé en mon ame le respect que je doy a vostre vertu [342] et pieté, tesmoignee, de vray, par l'assistence que vous fistes a madame de Gouffier pour la reception des Filles de Sainte Marie de la Visitation..

  A020003317 

 Neantmoins, Monsieur, ( scientibus legem loquor ), je doys limiter mon vouloir par mon pouvoir, qui ne s'estend pas hors de mon diocæse sinon par maniere d'intercession.

  A020003338 

 Je ne treuve nulle difficulté que la [mère de monsieur] de la Gamelle soit receue en vostre Mayson pour y demeurer [en habit] seculier, pourveu qu'il soit modeste, selon son ordinaire; qu'elle] couche sur les plumes ou [en autre] telle sorte, pourveu...; car en tout cela [il n'y a aucune] messeance... p[our la] cha[rité]... par la plus douce... bonne... le plus grand secours de son aage.

  A020003340 

 Je salue tres humblement le cœur de nostre devote Seur Marie et celuy de madamoyselle des [Con]ches, les conjurant de recommander souvent le mien tres chetif a la souveraine bonté de celuy de Nostre Seigneur, auquel [346] et par lequel je suis tres asseurement, ma tres chere Fille,.

  A020003367 

 Mais je suis tout a fait de vostre advis, que l'on n'ouvre point la porte au changement de monastere pour les filles qui le desireront, ains seulement pour celles qui, sans le desirer, seront pour quelqu'autre rayson envoyees par les Superieurs; car autrement, le moindre [349] deplaisir qui arriveroit a une fille seroit capable de l'inquieter et luy faire prendre le change, et en lieu de se changer elles mesmes, elles penseroyent d'avoir suffisamment remedié a leur mal quand elles changeroyent de monastere..

  A020003369 

 [350] Monsieur Sanguin m'escrit une grande lettre et m'a fait escrire par Monsieur le Duc de Nemours sur les difficultés que l'on fait a sa fille; mais je n'ay rien a respondre sinon que les Superieurs qui sont sur les lieux doyvent decider ce fait, et non moy, qui ne puis estre instruit que par le recit des parties et qui, au reste, ne suis pas juge competant..

  A020003371 

 J'ay aussi presque une mesme aversion au grand desir que les Superieures ont que l'on decharge leurs Maysons [351] par le moyen des fondations; car tout cela depend du sens humain et de la peine que chacune a a porter son fardeau.

  A020003371 

 Soit donq que l'on decharge la Mayson de Monferrant ou celle de Moulins par la fondation de celle de Rion, il me semble qu'il importe fort peu..

  A020003373 

 Je vous ay escrit cy devant sur le sujet des bienfaitrices, lesquelles, comme vous, je ne voudrois pas estre en grande quantité; mais pourtant cela se doit ordonner par la charité et par la discretion.

  A020003375 

 Je suis consolé de l'agreable ædification qu'elle a laissé par les bons exemples de sa vie, qui estoit certes totalement dedié (sic) au service de Dieu, ainsy que j'ay reconneu des que j'ay eu le bien de la connoistre.

  A020003399 

 Cecy est vray, je vous asseure, ma tres chere Fille: il arrive quelquefois que les jeunes enfans eslevés en Religion en rejettent par apres la sujettion, comme les chevaux que l'on charge trop tost de la selle.

  A020003399 

 La vocation a la Religion est une grace trop particuliere pour estre donnee par l'industrie et prudence humaine.

  A020003400 

 Mais mon esprit s'escarte par la consolation que je sens a vostre occasion.

  A020003412 

 Ma Fille, gardes vous bien de correspondre en sorte quelconque a ces bonnes Seurs ni a leur fondatrice, sinon par une tres invariable humilité, douceur et naïfveté de cœur.

  A020003412 

 Ne vous defendes nullement, ma tres chere Fille; ce sont propres paroles du Saint Esprit, escrittes par saint Paul.

  A020003432 

 Il faut moderer la prudence par la douceur, et la douceur par la prudence.

  A020003436 

 Il faut combattre le mal par le bien, l'aigreur par la douceur, et demeurer en paix; et ne commettre jamais cette faute de mespriser la sainteté d'un Ordre ni d'une personne, pour la faute qui s'y commet sous l'erreur d'un zele immoderé..

  A020003436 

 Nostre Seur [Paule Jeronyme] m'escrivit que quelques Religieuses, bonnes servantes de Dieu, la contrarient a descouvert; je luy ay escrit [par] un billet, qu'elle demeurast en paix.

  A020003479 

 Monsieur, on m'asseure que le R. P. General a mis en lumiere un livre excellent; sil se treuvoit a Lion, je voudrois bien, par vostre entremise, en pouvoir avoir une copie..

  A020003490 

 Monseigneur, A mon arrivee en ce pais, j'ay treuvé les sieurs Sousprieur et Sacristain de Contamine, prestz a remplir les quatre præbendes que Vostre Altesse avoit ordonné devoir demeurer vacantes pour estre appliquees aux colleges des Peres Barnabites; et d'effect, ilz les ont maintenant remplies de quatre jeunes parens, ausquelz ilz ont mis l'habit de leur Religion par l'authorité de Monsieur l'Abbé de Cluni qui en est le General.

  A020003507 

 C'est la vraye assiete d'un esprit religieux, que de ne point s'attacher sinon a la volonté de Dieu, et ceux qui sont si heureux que d'avoir cette si bonne condition sont bien par tout et peuvent demeurer par tout en bonne conscience.

  A020003526 

 Rien autre donques, sinon que nous nous disposions tous a faire le trespas saintement et selon lhonneur que nous avons tous d'estre vivans par la mort de ce grand Dieu qui a voulu, par sa bonté, acheter nostre vie au pris de la sienne, et nous aquerir par sa mortalité la tressainte et seternelle immortalité..

  A020003541 

 Et puis dire en verité, que la consideration de vostre ennuy fut une des plus promptes apprehensions dont je fus touché, a l'abord de l'asseurance du mal qu'on nous avoit presagé par les bruitz incertains qui nous en arrivoyent..

  A020003542 

 Mais, or sus, ma tres chere Cousine, il faut pourtant accoyser vostre cœur, et pour rendre juste vostre douleur, il la faut borner par la rayson.

  A020003542 

 Nous avons deu sçavoir que nous ne sçavions l'heure en laquelle quelque semblable evenement nous arriveroit par le trespas des autres, ou aux autres par le nostre.

  A020003558 

 On pourra cependant procurer l'union, que Son Altesse favorisera tant qu'il pourra par l'entremise de son Ambassadeur a Rome, selon la lettre quil en a des-ja faitte et que j'ay entre les mains..

  A020003558 

 Voyla une lettre de Son Altesse Monseigneur le Duc de Savoye, par laquelle il vous prie d'envoyer de vos Peres pour prendre l'eglise de Rumilly, laquelle, quant a la cure, est des-ja au Pere de Saunaz.

  A020003561 

 Mays je reserve a vous dire plus au long mes pensees quand j'auray tout leu, et je voudrois bien encor avoir veu tous les escritz qui se sont divulgués, qui ont donné sujet ou occasion au vostre; car j'en ay seulement eu [376] quelque vent par la communication de nostre Monseigneur de Belley et du tres Reverend General des Feuillans.

  A020003577 

 Je supplie tres humblement Vostre Altesse Serenissime d'avoir aggreable, que je recoure a Elle pour le soulagement de cette ville en la necessité delaquelle elle est pressee maintenant, pour l'entretenement des trouppes [378] qui sont icy, lesquelles sont a [la] veille d'entrer en des effortz impitoyables pour faire treuver en desordre, aux particuliers, ce que la communauté ne peut plus fournir par aucun ordre dont on se puisse adviser, puisque meshuy l'on a espuisé jusques aux bourses mesmes des Religieux et des Religieuses.

  A020003586 

 A Dieu encor la louange de l'exercice que sa providence vous donne par cette affliction de maladie, qui vous rendra sainte, moyennant sa sainte grace; car, comme vous sçaves, vous ne seres jamais espouse de Jesus glorifié, que vous ne l'ayes premierement esté de Jesus crucifié, et ne jouires jamais du lit nuptial de son amour triomphant, que vous n'ayes senti l'amour affligeant du lit de sa sainte Croix.

  A020003610 

 Le nom de la divine Providence est si excellent qu'il merite bien un an de terme, pour voir si vous vous en rendres toutes dignes par vostre perseverance et par le progres que vous feres dans la perfection religieuse.

  A020003618 

 Et par ce que Vostre Altesse m'a commandé que je l'advertisse des choses qui regardent l'avancement de la gloire de Dieu en ce diocæse, je joins cet advis a la supplication dudit P. Prevost des Barnabites..

  A020003618 

 Tous-jours les vieux Religieux de Contamine taschent, par divers moyens, de continuer la possession de leur Ordre de Cluni es præbendes de ce Monastere, quoy qu'ilz sachent bien que Vostre Altesse Serenissime a resolu de les faire employer a l'entretenement des colleges et du Novitiat qui sont establis en ce pais pour les Peres Barnabites.

  A020003619 

 Et de plus, Monseigneur, je supplie tres humblement Vostre Altesse d'escrire a Monseigneur le Serenissime Prince Tomas quil face convenir pardevant luy tous les principaux conseillers de la Sainte Mayson de Tonon, [383] affin que par son authorité il soit mis ordre aux affaires de cette Mayson la, qui sans cela s'en vont tout a fait en ruine; qui seroit un extreme dommage, qu'un'œuvre de si sainte et grande consequence, fondee avec tant de pieté par Son Altesse, perit faute de secours et d'ordre..

  A020003620 

 Dieu, par sa bonté, conserve longuement Vostre Altesse, Monseigneur, delaquelle je suis inviolablement.

  A020003665 

 Certes, ma tres chere Cousine, ma Fille, qui ne veut aggreer qu'a ce celeste Amant, il est par tout tres bien, car il a ce qu'il veut.

  A020003706 

 Au retour d'Avignon, que j'espere faire dans quinze jours, je rendray tous ces devoirs, Dieu aydant, avec mille desirs de me conserver la bienveuillance de ceux a qui je les ay, comm'a vous principalement, Monsieur mon Frere, a qui je donne la nouvelle, si des-ja vous ne l'aves eue, que nostre cher cadet, en fin fut marié par mes mains il y a aujourduy huit jours, avec tous les tesmoignages de reciproque contentement que l'on pouvoit souhaiter es deux parties.

  A020003776 

 Cette chere damoyselle qui vous porte ce billet est digne d'estre singulierement cherie, parce qu'elle cherit tres affectionnement la divine Majesté de laquelle nous celebrons aujourd'huy la sainte nayssance; mais outre cela, ma tres chere Fille, elle vous ayme saintement, et a desiré que je vous escrivisse par son entremise..

  A020003778 

 vous fera la faveur de vous voir ... dire par lettre et de vive voix ... prose latine qu'il vous donna ... C'est un personnage tout aymable, et qui a une affection toute sincere pour vous et pour vostre Monastere.

  A020003819 

 Revu sur le texte inséré dans une copie de la Vie manuscrite de la Mère Favre, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy..

  A020003826 

 Ce que n'ayant effectué jusques à present, et estant ledit temps espiré il y a une piece, ledit S r Prince a voulu que je vous disse de sa part par cette, qu'il sera bien que [402] vous faciez executer les exprditions desja faictes, et mettiez sans autre delay lesdits Peres en possession dudit prieuré..

  A020003826 

 Vous vous ressouviendrez bien comme Monsieur le Prince mon frere, estant en Savoye, vous commit d'assigner le prieuré de Saint Clair aux Peres Bernabites du Colleige d'Annessi, et des oppositions qui y furent apportées par le Baron de Menton, pretendant avoir droict sur ledit prieuré.

  A020003840 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye, Chablais, Aoste et Genevois, Prince de Piedmont, etc..

  A020003841 

 Estant amplement informé, et à nostre particulier contentement, du bon progrez et avancement que prend de jour à autre la reforme restablie dez quelques annees en ça au prieuré de Talloires en l'estroite observance de la Regie de S t Benoist, et desirant, pour le service et plus grande gloire de Dieu, non seulement de maintenir et favoriser ce louable commencement qui y paroist aujourd'huy, mais encor de procurer autant qu'il Nous est possible l'entiere introduction de la ditte reforme dedans tous les Monasteres du mesme Ordre qui ne sont encor unis à aucun autre corps de Congregation reformee, riere nos Estats et pays dela les monts: pour a quoy parvenir, comm'il est tres requis et necessaire de leur pourvoir d'un chef resident dans nos Estats, qui, par capacité, dignité et vie exemplaire, puisse meriter et exercer dignement cette charge, et travailler soigneusement a l'introduction de la ditte reforme, attandu mesme [403] que le dit prieuré de Talloire depend de Superieurs d'Ordre non reformés et estrangers: Aussy, apres avoir jette l'œil sur les Prelats et Evesques de nos provinces de Savoye, Nous avons, entre les autres, choisi la personne de tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, pour les preuves signalees et remarquables qu'il a en tout tems donnees, tant de sa suffisance et vigilance au salut des ames, que par la connoissance que Nous avons d'ailleurs de ses saintes œuvres, vie devote, tres louable et tres exemplaire; esperant que non seulement il sera tres agreable aux Religieux de cette sainte reforme, mais tres utile au bien et avancement d'icelle..

  A020003842 

 Pour ces causes, en tant qu'il Nous concerne, Nous avons deputé, choisi et eleu, ainsy que par les presentes, de nostre certaine science, pleine puissance et authorité souveraine, avec l'advis et participation de nostre Conseil, deputons, choisissons et elisons le dit Evesque de Geneve pour chef de tous les Religieux reformés Benedictins riere nos dits Estats, avec pouvoir de visiter tous les Monasteres qui s'y trouveront fondés et dependans de cet Ordre; d'y introduire la dite reforme, particulierement en ceux de Bellevaux, Contamine, Sindrieux (Chindrieu) et Saint Paul, en taschant de disposer tous les Religieux d'iceux a la recevoir chacun selon son pouvoir, eu esgard a l'aage et force d'un chacun, et prenant en particuliere protection tous ceux qui se rangeront et disposeront à cette salutaire et tres sainte resolution; luy permettant en outre d'y restablir ponctuellement l'observance, ensemble l'Office divin et autres fonctions spirituelles et publiques, de predication, confessions, administration des saints Sacremens et autres qui s'y trouveront annexees, lors toutefois que le nombre des Religieux se trouvera estre suffisant pour ce faire..

  A020003865 

 Revu sur le texte inédit, inséré dans l' Histoire de la Fondation de la Visitation de Grenoble, par la Mère de Chaugy, conservée au 1 er Monastère d'Annecy..

  A020003873 

 Vive le cœur de mon Père qui met tous les cœurs en paix par l'admirable brièveté de ses grands, incomparables et moelleux discours!.

  A020003885 

 J'espère de votre débonnaireté toute autre chose qu'un refus, et [407] vous dirai volontiers un mot de la chanson que j'ouïs dernièrement chanter à quelques filles, en passant par la rue:.

  A020003898 

 Revu sur le texte inédit, inséré dans l' Histoire de la Fondation de la Visitation de Belley, par la Mère de Chaugy, conservée au I er Monastère d'Annecy..

  A020003912 

 Revu sur le texte inédit, inséré dans l' Histoire de la Fondation de la Visitation de Dijon, par la Mère de Chaugy, conservée au 1 er Monastère d'Annecy.

  A020004020 

 Pour dignes respects nous vous avons voulu dire par ces lignes que n'envoyez aucune personne a Louven, pour la ratification de la transaction passée avec les RDS Peres Bernabites du College d'Annissy, sans nostre advis et commandement expres; ains vous prolongerez le terme accordé auxdits Peres pour procurer ladite ratification, jusques au mois de may prochainement venant: car tel est le vouloir de S. A..

  A020004067 

 Ce que ce saint Prelat fit le 19 esme d'octobre de l'annee 1621, et peu de tems apres il pleut au Seigneur de retirer a luy ce saint homme pour luy donner sa couronne; et puis, quelques annees apres estant beatifié et puis canonisé par le Pape Alexandre VII, dans le tems de la Beatification, Madame Royale, Duchesse de Savoye, voulut bien dire un jour aux dames de sa cour qu'elle avoit une lettre de S t François de Sales qu'il luy avoit escrit de sa propre main de son vivant.

  A020004074 

 La susdite Lettre de S t François de Sales a esté presentée et donnée a tres illustre Seigneur Monseigneur Henri Charles du Cambout de Coislin, Evesque de Metz, Prince du S t Empire, Conseiller du Roy dans tous ses Conseils, Commandeur de l'Ordre du S t Esprit et premier Aumosnier de Sa Majesté, par son tres-humble et tres-obeissant serviteur..


21-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXI-Vol.11-Lettres.html
  A021000030 

 — Recevoir avec amour ce que Notre-Seigneur nous envoie par amour.

  A021000033 

 — N'ouvrir la bouche que de par Dieu.

  A021000052 

 — Une affection puisée au Calvaire par la Sainte Vierge, et par elle répandue dans le cœur de ses vraies filles 38.

  A021000057 

 Les communications spirituelles plus aisées de vive voix que par écrit.

  A021000063 

 — l'Eglise de Genève dépouillée de toutes ses ressources par les hérétiques.

  A021000075 

 Un mal qui ne se guérit que par l'expérience.

  A021000098 

 — Pourquoi le gentilhomme, réduit à la pauvreté, ne peut profiter des libéralités assignées par le Duc à la Sainte-Maison de Thonon.

  A021000118 

 — Dans les maladies spirituelles et corporelles, user des remèdes voulus par Dieu, mais s'en remettre, pour le résultat, à son bon plaisir.

  A021000119 

 MMLXIII. Les effets de l'amour pur à l'égard du prochain expliqués par une belle comparaison.

  A021000139 

 — Par la souffrance, l'âme parvient à une très simple et délicate union au bon plaisir de Dieu.

  A021000146 

 MMXC. Deux choses demandées à l'âme conduite par la voie de simplicité.

  A021000156 

 — S'humilier de ses faiblesses, mais « remonter son cœur en Dieu » par la confiance.

  A021000186 

 Oh! il ne faut point parler d'en avoir, et, par la grace de Dieu, je n'en attens ni n'en desire autre en ce miserable monde, que celle que le Filz de Dieu a voulu prattiquer dans la cresche de Bethlehem....

  A021000220 

 Alles et benisses Nostre Seigneur de la favorable inspiration qu'il vous a donnee, pour vous retirer de ce grand et large train que ceux de vostre aage et de vostre profession ont accoustumé de suivre, et par lequel ilz arrivent ordinairement a mille sortes de vices et d'inconveniens, et de la, bien souvent, a la damnation eternelle.

  A021000228 

 Communies tous les dimanches, et tous-jours avec prieres pour impetrer la lumiere requise; et ces jours la de feste, vous pourres bien visiter, par maniere d'exercice, les lieux saintz des Capucins, Saint Bernard, les Chartreux..

  A021000236 

 Que si je pouvois, par quelque bonne rencontre, vous tesmoigner en effect ce que je vous suis, vous auries grand sujet de vous asseurer de la veritable profession que je fays d'estre,.

  A021000259 

 Mais ce qui me donne plus d'apprehension maintenant, c'est ce qu'on crie, qu'outre le mal que vous aves par les accidens corporelz, vous estes surchargé d'une violente melancholie; car je m'imagine combien cela retardera le retour de vostre parfaitte santé et engendrera de dispositions contraires.

  A021000260 

 Mais, Monsieur, il faut que je vous parle un peu cœur a cœur, et que je vous die que quicomque a un vray desir de servir Nostre Seigneur et fuir le peché ne doit nullement se tourmenter de la pensee de la mort, ni des jugemens divins; car encor que l'un et l'autre soit a craindre, si est ce que la crainte ne doit pas estre de ce naturel terrible et effroyable qui abat et deprime la vigueur et force de l'esprit, ains doit estre une crainte tellement meslee avec la confiance en la bonté de Dieu, que par ce moyen elle en devienne douce..

  A021000283 

 Je suis bien esloigné de cette pureté: pour y parvenir, secoures moy en ce dessein, je vous supplie, par vos prieres et oraysons, ainsy que, de mon costé, je ne presente jamais le tressaint Sacrifice au Pere eternel que je ne luy demande pour vous abondance de son saint et sacré amour et ses plus desirables benedictions, et pour vostre famille..

  A021000312 

 Je participe, par compassion, a tant d'aigres douleurs que vous souffres, et ne laisse pas de recevoir beaucoup de consolation dequoy vous les souffres en esprit de resignation.

  A021000331 

 Par tout, je vous honnoreray de tout mon cœur, vous souhaitant incessamment la grace, paix et consolation de Nostre Seigneur, selon lequel je suis,.

  A021000349 

 Madame, je ne vous diray pas que vous ne regardies point vos afflictions, car vostre esprit, qui est prompt a repliquer, me diroit qu'elles se font bien regarder par l'aspreté de la douleur qu'elles donnent; mais je vous diray bien que vous ne les regardies pas qu'au travers de la Croix, et vous les treuveres ou petites, ou du moins si aggreables, que vous en aymeres plus la souffrance que la jouyssance de toute consolation qui en est separee.

  A021000361 

 S'il vous plaist de renouveller le vœu de continence a la Messe, ainsy que j'offriray le saint Sacrifice, offrés le a mesme tems a Dieu le Pere; et moy, en vostre nom, je [le] luy offriray aussi avec son Filz, le chaste Aigneau, auquel je le recommanderay, pour le garder et proteger envers tous et contre tous, comme aussi le propos de vœu d'obeissance; et l'ayant mis par escrit, vous me le donneres apres la Messe..

  A021000368 

 Il est vray, la joliveté de l'esprit nous donne quelquefois bien de la vanité, et on leve plus souvent le nez de l'esprit que celuy du visage; on fait les doux yeux par les paroles aussi bien que par le regard.

  A021000368 

 Ma Fille, prenes donq a prix fait de vous mortifier en cela; faites souvent la croix sur vostre bouche, affin qu'elle ne s'ouvre que de par Dieu.

  A021000369 

 Continues a me dire bien franchement et souvent des nouvelles de ce cœur la, que le mien cherit d'un grand amour, pour Celuy qui est mort d'amour affin que nous vescussions par amour en sa sainte et vitale mort..

  A021000394 

 Or, je ne sçai pas comme ces choses passent par dela, ou souvent on ne suit pas les regles que nous avons en nos affaires ecclesiastiques..

  A021000396 

 La pluspart des injures sont plus heureusement rejettees par le mespris qu'on en fait que par aucun autre moyen; le blasme en est plus pour l'injurieux que pour l'injurié..

  A021000396 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, j'estime qu'en vraye verité le mespris du mespris et le tesmoignage de generosité que l'on rend par les desdains de la foiblesse et inconstance de ceux qui rompent la foy qu'ilz nous ont donnee, c'est le meilleur remede de tous.

  A021000405 

 Continues a souffrir ces petites disettes et pauvretés spirituelles que Nostre Seigneur en sa bonté permet arriver en vostre ame, car ce n'est que pour l'affermir et rendre solide, tandis que, par resolution, vous vous attachés a sa divine Majesté, sans entremise d'aucune sorte de consolation.

  A021000414 

 Et par ce que le cœur fidele se connoist es rencontres, employes bien toutes les occasions qui se presenteront de vous associer doucement aux personnes moins relevees; traittes les amiablement, uses envers elles de paroles courtoyses et de cordialité.

  A021000423 

 L'homme n'est en ce monde que comme un arbre planté de la main du Createur, cultivé par sa sagesse, arrousé du sang de Jesus Christ, affin qu'il porte des fruitz propres au goust du Maistre, qui desire estre servi en ceci principalement, que, de plein gré, nous nous laissions gouverner a sa Providence qui mene les volontaires et traisne a force les refractaires..

  A021000424 

 Madame, vous estes sa fille, vous protestes tous les jours et le pries que sa volonté s'accomplisse en la terre comme au ciel; que vous reste il a faire, qu'a vous resoudre courageusement a consoler monsieur vostre espoux et a vous conduire en ce pelerinage par les voyes qu'il plaira a la Majesté divine de vous tracer?.

  A021000432 

 Helas! ma chere Fille, nous sommes miserables de sçavoir par tant d'experiences combien cette vie est mortelle, et de nous affliger neanmoins si fort quand, ou nous ou les nostres passons de la vie a la mort.

  A021000432 

 O Dieu, qu'il fait bon mourir, puisqu'il le faut, autour de ces bonnes festes! car on se prepare, par les Sacremens, a l'advantage..

  A021000441 

 Helas! ce sont des accidens naturelz que l'apoplexie et cheute de catarrhe; et Nostre Seigneur, voyant arriver nostre fin, nous prepare doucement par ses inspirations affin que nous ne soyons pas surpris, ainsy qu'il a fait cette bonne seur..

  A021000470 

 Je connoissois cette bonne seur deffunte, non seulement de veuë exterieure, mais encor par quelque communication de son ame qu'elle me fit en ma visite; et n'y a qu'environ une annee que je luy envoyay l'habit du Tiers Ordre des Carmes, qu'elle m'avoit mandé requerir pour sa devotion, et, a la reception, elle fit une confession generale a un homme fort capable, qui me l'escrivit ou me le dit, je le sçai bien.

  A021000481 

 Cette vie est courte, ma tres chere Fille, mais elle est pourtant de grande valeur, puisque par icelle nous [37] pouvons acquerir l'eternelle: bienheureux sont ceux qui la sçavent employer a cela..

  A021000482 

 N'en doutes jamais, ma tres chere Fille, la vraye lumiere du Ciel vous a fait voir vostre chemin; elle vous conduira par iceluy fort heureusement.

  A021000482 

 Rien n'est si aggreable que la perseverance, a la divine Majesté, et les plus petites vertus, comme l'hospitalité, rendent plus parfaitz ceux qui perseverent jusques a la fin, que les plus grandes qu'on exerce par change et varieté..

  A021000483 

 Demeures donq en repos et dites: O combien de voyes pour le Ciel! benis soyent ceux qui marchent par icelles; mais puisque celle ci est la mienne, je marcheray en icelle avec paix, sincerité, simplicité et humilité.

  A021000491 

 L'advis que la bonne cousine vous donna si constamment, de demeurer en vous mesme au service de monsieur vostre pere et en estat de vous consacrer par apres cœur et cors a Nostre Seigneur, estoit fondé sur une grande quantité de considerations tirees de plusieurs circonstances de vostre condition; c'est pourquoy, si vostre esprit se fust treuvé en une pleine et entiere indifference, je vous eusse sans doute dit qu'il failloit suivre cet advis la, comme le plus digne et le plus propre qu'on vous sceust proposer, car, sans difficulté, il eust esté tel.

  A021000491 

 Mays puisque vostre esprit n'est nullement en l'indifference, ains totalement penché au choix du mariage, et que nonobstant que vous ayes recouru a Dieu vous vous y sentes encor attachee, il n'est pas expedient que vous facies violence a une si forte impression par aucune sorte de consideration; car toutes les circonstances, qui d'ailleurs seroyent plus que suffisantes pour me faire conclure avec la chere cousine, n'ont point de poids au prix de cette forte inclination et propension que vous aves; laquelle, a la verité, si elle estoit foible et debile, [39] seroit peu considerable, mais estant puissante et ferme, elle doit servir de fondement a la resolution..

  A021000492 

 Je dis: s'il est d'humeur compatissante, parce que ce manquement de taille requiert cela; comme il requiert de vous que vous contreschangies ce defaut par une grande douceur, par un sincere amour et par une humilité fort resignee, et bref, que la vraye vertu et perfection de l'esprit couvre universellement la tare du cors..

  A021000500 

 J'ay donq appris, par la bouche de la chere cousine, en combien de façons Nostre Seigneur avoit tasté vostre cœur et essayé vostre fermeté, ma tres chere Fille.

  A021000501 

 O qu'heureux sont ceux que Dieu manie a son gré et qu'il reduit sous son bon playsir, ou par tribulation ou par consolation! Mais pourtant, les vrays serviteurs de Dieu ont tous-jours plus estimé le chemin de l'adversité, comme plus conforme a celuy de nostre Chef, qui ne voulut reuscir de nostre salut et de la gloire de son nom que par la croix et les opprobres..

  A021000502 

 Mais, ma tres chere Fille, connoisses vous bien en vostre cœur ce que vous m'escrives, que Dieu, par des voyes espineuses, vous conduit a une condition qui vous avoit esté offerte par des moyens plus faciles? car si vous avies cette connoissance, vous caresseries infiniment cette condition que Dieu a choysie pour vous, et l'aymeries d'autant plus que non seulement il l'a choysie, mais il vous y conduit luy mesme, et par un chemin par lequel il a conduit tous ses plus chers et grans serviteurs.

  A021000504 

 Bienheureux sont ceux qui changent ainsy leurs eaux en vin! mais il faut que ce soit par l'entremise de la tressainte Mere..

  A021000522 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que j'ayme vostre cœur, puisqu'il ne veut plus rien aymer que son Jesus et pour [43] son Jesus! Helas! se pourroit il bien faire qu'une ame qui considere ce Jesus crucifié pour elle, peust aymer quelque chose hors d'iceluy, et qu'apres tant de veritables eslancemens de fidelité qui nous ont si souvent fait dire, escrire, chanter, aspirer et souspirer: VIVE JESUS! nous voulussions, comme des Juifz, crier: Qu'on le crucifie, qu'on le tue en nos coeurs? O Dieu, ma Fille, je dis ma vraye Fille, que nous serons fortz si nous continuons a nous entretenir liés l'un a l'autre par ce lien teint au sang vermeil du Sauveur! car nul n'attaquera vostre cœur qu'il ne treuve de la resistance et de vostre costé et du costé du mien, qui est tout dedié au vostre..

  A021000547 

 Je prieray, quoy que indignement, pour N. N., et les serviray par tout ou je pourray..

  A021000556 

 Vives ainsy, ma tres chere Fille; demeures en ce point, et aymes cette sainte simplicité, humilité et abjection que la divine Sagesse a tant estimee, qu'elle a laissé pour un tems l'exercice de sa royauté pour prattiquer celuy de la pauvreté et abbaissement de soy mesme jusques au signe et periode de la croix, ou sa Mere ayant puisé cette affection, elle l'a respandue par apres dans le cœur de toutes ses vrayes filles et servantes.

  A021000567 

 La difficulté consiste a bien entendre ceci, et il se peut aucunement comprendre par cet exemple: vous n'aves qu'une ame, ma chere Fille, et neanmoins cette ame est entendement, memoire et volonté.

  A021000569 

 De mesme, je dis vray quand je dis que vostre ame agit dedans vostre cœur et dedans vostre cerveau; [50] et neanmoins, au cœur elle agit par la volonté et l'amour, et au cerveau elle agit par l'entendement et la connoissance.

  A021000569 

 Or Dieu, qui n'est qu'un en Divinité ou nature divine, apres avoir creé le monde, et long tems apres, c'est a dire environ cinq mille ans apres la creation, prit la nature humaine, joignant l'humanité a sa Divinité au ventre de la Vierge, et par ce moyen il se rendit homme; car, comme ayant la Divinité il est Dieu, aussi ayant l'humanité il est homme.

  A021000570 

 Il faut encor sçavoir que le Pere, le Filz et le Saint Esprit, un seul vray Dieu, sont par tout et totalement par tout le monde, comme vostre ame est par tout vostre cors; mais parce qu'au Ciel sa divine Majesté se manifeste plus clairement, nous imaginons plus facilement sa presence au Ciel..

  A021000571 

 Maintenant donq, ma chere Fille, quand vous vous representies Nostre Seigneur revenant d'Egypte, vous consideries Dieu le Filz, lequel, bien qu'il fust par tout, selon qu'il est Dieu, estoit neanmoins par les chemins, en travail, selon qu'il est homme.

  A021000580 

 Cela ne vient pas de nostre faute le plus souvent, mays de la providence de Dieu, qui nous veut faire faire nostre chemin par terre et par desert, et non par eaux, et veut que nous nous accoustumions au travail et a la dureté..

  A021000580 

 Non, ma Fille, car le pauvre cœur n'en peut mais, puisque cela n'arrive pas faute de resolutions et vives affections d'aymer Dieu, mays faute de sensible passion, laquelle ne depend point de nostre cœur, mais d'autre sorte de dispositions que nous ne pouvons procurer; car tout ainsy, ma chere Fille, qu'en ce monde il n'est pas possible que nous puissions faire pleuvoir quand nous voulons, ni empescher qu'il ne pleuve quand nous ne voulons pas qu'il pleuve, aussi n'est il pas a nostre pouvoir de pleurer quand nous voulons, par devotion, ni de ne pleurer pas aussi quand l'impetuosité nous saysit.

  A021000581 

 Tenés vostre bouquet en main, mais s'il se presente quelque autre odeur souëfve et profitable par rencontre, ne laissés pas de l'odorer avec action de grace; car le bouquet ne se prend sinon que pour ne vous laisser pas le long du jour sans confort et playsir spirituel.

  A021000583 

 O ma Fille, ostés bien toutes les robbes de vostre captivité par des continuelz renoncemens a vos affections terrestres; et ne dites point que le Roy ne vous en donne des royales pour vous tirer a son saint amour.

  A021000589 

 Et puis, nostre grand rendes vous est en cette eternité, au prix de laquelle que peut sur nous tout ce qui se finit par le tems?.

  A021000605 

 Une autre fois, il vous faut bien tenir vostre cœur ouvert et sans aucune sorte d'apprehension, car il vous sera bien plus utile de conferer bouche a bouche que par escrit..

  A021000606 

 Ces inclinations que vous aves sont pretieuses occasions que Dieu vous donne de bien exercer vostre fidelité en son endroit, par le soin que vous aures de les reprimer.

  A021000606 

 Faites aboutir vos oraysons es affections qui leur sont contraires, et soudain que vous sentires d'avoir fourvoyé, repares la faute par quelque action contraire de douceur, d'humilité et de charité envers les personnes ausquelles vous aves repugnance d'obeir, de vous sousmettre, de souhaitter du bien et d'aymer tendrement; car en fin, puisque vous connoisses de quel costé vos ennemis vous pressent le plus, il vous faut roidir et vous bien fortifier et tenir garde en cet endroit la.

  A021000606 

 Il faut tous-jours baisser la teste, et vous porter au rebours de vos coustumes ou inclinations, recommander cela a Nostre Seigneur, et en tout et par tout vous addoucir, ne pensant presque a autre chose qu'a la pretention de cette victoire..

  A021000617 

 Ma Fille, il faut de tems en tems vous exercer a cette abnegation et nudité, et la demander a Dieu en tous vos exercices; mais quand il vous arrivera quelque autre trait d'amour, d'union envers Dieu et de confiance, il faut les [57] bien exercer, sans les troubler par l'abnegation, a laquelle vous laisseres sa place a la fin et en son lieu..

  A021000632 

 Au moins ay je asses de discretion pour me contenter si vous vous en souvenes par fois, a tems perdu.

  A021000632 

 Je ne vivrois pas a mon gré par deça si je ne vis par dela en vostre souvenance.

  A021000656 

 Je receuz nagueres un billiet de vous par lequel vous m'advertissies de la reception de nostre coffre et du moyen que vous estimies propre pour le nous faire tenir; dequoy je vous remercie affectionnement..

  A021000659 

 Icy nous avons si peu de commodité quil nous a fallu partager la somme pour la faire tenir a Lion; de maniere que pour cest'heure nous faisons tenir cinq cens escus par une commodité, et dans trois jours, Dieu aydant, le reste par un' autre commodité.

  A021000696 

 Certes, si mes forces et mes biens égalaient mes sentiments envers votre Couronne sacrée, j'égalerais aussi par les actions et par les œuvres tous les autres princes et Evêques soumis à l'Empire..

  A021000697 

 Il ne me reste donc rien, sinon la ferme espérance que Dieu fera lever bientôt le jour heureux où les Empereurs, après avoir autrefois fondé cette Eglise par leurs nombreux bienfaits, sauront de nouveau, par leur autorité et leur puissance, la rendre à son antique splendeur..

  A021000713 

 Les abeilles aiment leurs ruches, mais elles ne laissent pas pour cela de remarquer par le menu ce qui s'y trouve, et de les nettoyer et purger.

  A021000716 

 Mais pourquoi les nourrit-il, sinon parce que, par la condition de leur nature, ils ne reçoivent pas leur pâture de leurs père et mère qui ne prennent aucun soin de leurs fruits? Ainsi pourvoira-t-il bien plus ses servantes qui, par la condition de leur profession, se sont vouées à la pauvreté et communauté, sans l'entremise de ces moyens contraires à la pauvreté et à la parfaite communauté.

  A021000717 

 Peut-être est-ce aussi un empêchement à votre réforme qu'elle ait été entreprise trop âprement par ceux qui, jusqu'à présent, vous l'ont proposée, et qui n'ont pas manié doucement la plaie.

  A021000720 

 Mais s'il heurte votre vœu en quelques-unes de ses parties principales, telle que la pauvreté, je vous en supplie et conjure, par l'amour que vous portez à votre Isaac, au vœu et à votre Maison, chassez-le, bannissez-le. Qu'il soit petit tant que vous voudrez, il ruinera votre Isaac et gâtera votre Maison. Prenez garde à ces œufs d'aspics; si vous les couvez en votre sein, ils vous causeront la mort et la perdition.

  A021000761 

 Et parce quil a besoin de vostre faveur pour obtenir ce bien pour sa seur et quil a desiré ma recommandation aupres de vous, estimant qu'elle vous sera aggreable et utile a son dessein, je me suis treuvé redevable, et pour la qualité de la chose qui est bonn' en soy, et pour plusieurs autres devoirs, de vous en supplier comme je fay par ces quatre lignes, m'offrant [77] entierement a vostre service et vous demandant l'assistance de vos saintes oraisons..

  A021000791 

 Disposés vous a la plus rigoureuse residence que vous [79] ayes encor faitte icy, sil vous plait, mon tres cher Frere, car je ne vous en dispenseray nullement; non tant fondé sur l'extreme contentement que j'ay en vostre presence, comme sur la necessité que vostre santé a de repos en ce tems-la auquel le froid ne peut estre vaincu par le mouvement..

  A021000810 

 Pour ce qui me regarde, je m'accommoderay a ce que vous treuveres raysonnable, et ne veux pas quil tienne a moy quil ne soit deschargé de la somme d'avoyne quil a perdue par le feu.

  A021000835 

 Le sieur chanoyne Gottri desirant de vous une ratification sur un contract quil a fait, m'a prié de m'employer aupres de vous pour la luy faire obtenir; et par ce quil m'a asseuré que son desir estoit juste, et quil est bien fort de mes amis, je vous supplie de l'en gratifier, en contemplation mesme de celuy qui, priant [82] Nostre Seigneur pour vostre bonheur, demeure toute sa vie,.

  A021000850 

 Et vous, ma chere Fille, n'estes vous pas toute pleyne d'esperance, mais d'un'esperance vive et qui dilate le cœur, le renforçant contre les difficultés du chemin? Si faut, ma Fille, il faut avoir un cœur grand, bien large et bien estendu, affin de recevoir la celeste rosee que le [83] petit Agnelet d'innocence secouera sur nos ames a cette Circoncision, et dont sa blanche layne, sa toyson et son humanité est toute detrempee; car bien que les goutes soyent encor toutes petites, si ne sont elles receües que par les cœurs fort ouvertz du costé du Ciel.

  A021000853 

 Je m'accuse de ne vous avoir point escrit de tout ce moys de decembre, par ce que j'ay esté quelque tems a Sales aupres de ma bonne mere, laquelle est attachee sur la croix par les piedz, souffrant extremement de la goutte.

  A021000905 

 Nous avons parlé quelquefois de sagesse, ce Baron et moy; mais, ma chere Fille, le mal que vous aves fort bien reconneu en luy ne se guerit que par l'experience, car ceste fause estime de nous mesme est tellement [89] favorisee par l'amour propre, que la rayson ne peut rien contr'elle.

  A021000908 

 C'est, ce me semble, comme le guy, qui croist et paroist sur un arbre et en un arbre, bien que non pas de l'arbre ni par l'arbre.

  A021000908 

 Mais, ma Fille, comme donq se peut il faire que sur une telle volonté tant d'imperfections [91] paroissent et naissent en moy? Non certes, ce n'est pas de ma volonté ni par ma volonté, quoy qu'en ma volonté et sur ma volonté.

  A021000908 

 O Dieu, pourquoy vous dis-je tout ceci, sinon par ce que mon cœur se mest tous-jours au large et s'espanche sans borne quand il est avec le vostre?.

  A021000911 

 Je vous escrivis la derniere fois asses longuement, et vous disois l'estat des affaires de nostre nouveau Monastere, qui estoit que l'esperance que nous avions de treuver des justes moyens pour l'eriger, nous estoit demeuree partagee par la moytié, et que neanmoins nous perseverions, sur la resolution que celles qui contribuent font de se retirer la, et au moins, si elles ne peuvent faire selon leur project premier, s'addonner entr'elles au service de Dieu et des pauvres malades; mais cela vient de leur esprit, et le tout, disent elles, attendant que Dieu dispose autrement: si que vous ne seres pas seule a ce conte lâ.

  A021000912 

 Je vous envoye un livre, mais ce n'est encor pas le beau, par ce que je me reserve a le vous donner apres la troysiesme edition, laquelle j'espere rendre fort entiere et correcte; car en celle ci je fus si pressé que quelques chapitres entiers y manquent, comme celuy Des habitz et Quil faut avoir l'esprit juste et raysonnable: dequoy je ne m'estois apperceu qu'avant hier.

  A021000915 

 Il faut que je vous die que j'ayme tous les jours plus vostre filz, par ce qu'a mon advis, il devient tous les jours plus doux et gracieux.

  A021000917 

 Mais apres qu'on s'y est mis, on s'y tient tous-jours, tandis que, ou par l'entendement, ou par la volonté, on fait des actes envers Dieu, soit le regardant, ou regardant quelque autre chose pour l'amour de luy; ou ne regardant rien, mais luy parlant; ou ne le regardant ni parlant a luy, mais simplement demeurant ou il nous a mis, comm' une statue dans sa niche.

  A021000918 

 Pourquoy ne te remüe tu point? Par ce qu'il veut que j'y demeure immobile.

  A021000918 

 Si une statue que l'on auroit mise en une niche au milieu d'une sale, avoit du discours et qu'on luy demandast: Pourquoy es tu la? Par ce, diroit-elle, que le statuaire mon maistre m'a mis icy.

  A021000920 

 Mon Dieu, ma Fille, que je suis ayse de parler un peu de ces choses avec vous! Que nous sommes heureux quand nous voulons aymer Nostre Seigneur! Aymons le bien donq, ma Fille; ne nous mettons point a considerer trop par le menu ce que nous faysons pour son amour, pourveu que nous sachions'que nous ne voulons jamais rien faire que pour son amour.

  A021000920 

 Pour moy, je pense que nous nous tenons en la presence de Dieu mesmement en dormant, car nous nous endormons a sa veùe, a son gré et par sa volonté, et il nous met la sulle lict comme des statues dans une niche; et quand nous nous esveillons, nous treuvons qu'il est la aupres de nous, il n'en a point bougé, ni nous aussi: nous nous sommes donq tenu (sic) en sa presence, mais les yeux fermés et clos..

  A021000953 

 Aussi, voyant qu'une occasion s'offre à eux d'être aidés quelque peu par l'union du prieuré de Saint-Paul et de l'église paroissiale d'Arthaz, ils recourent à la providence et clémence de notre Saint-Père, afin qu'il daigne leur accorder cette faveur complètement, d'autant que [99] la même pauvreté qui les presse ne leur permet pas de l'obtenir par de l'argent..

  A021000954 

 Bien que je n'aie part aucune dans la mense capitulaire, touché de pitié pour une Eglise si pauvre et d'un amour sincère pour une compagnie si honorable et méritante, je viens avec mes Chanoines supplier Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime, par les entrailles du Christ, de vouloir bien employer sa charité et sa magnanimité en cette occasion, en intercédant pour eux de telle sorte qu'ils reçoivent ce bienfait de sa libéralité.

  A021000973 

 Au demeurant, j'ay esté grandement consolé de voir cett' ame bonne et vrayement chrestienne de monsieur l'Aumosnier de Belleville, lequel je n'eu pas loysir de beaucoup entretenir, par ce quil pressoit son retour; mais en ce peu de tems, je vis en luy beaucoup de bonne et sainte affection pour vous et vostre Mayson, a laquelle il ne peut estre que fort utile..

  A021000974 

 Si ce porteur m'eut donné un peu de loysir, je l'eusse advertie, affin qu'elle vous eut escrit, et moy j'eusse escrit a madame de la Vergeonniere, non seulement affin de m'acquiter de l'obligation en laquelle elle m'a mise (sic) par la peyne qu'elle a prise de m'escrire la premiere, mais pour le saint amour que je porte a ses vertus, desquelles ce m'est de la consolation d'avoir ouïr (sic) parler a monsieur l'Aumosnier.

  A021000991 

 Bonsoir, ma tres chere Fille; Nostre Seigneur nous veuille de plus en plus rendre tous siens par effect, comme par affection nous le sommes.

  A021001030 

 Voyla la response de monsieur de Charmoysi, lequel m'ayant fait sçavoir le sujet d'icelle, je ne me suis pas hasté de vous l'envoyer, l'ayant receue avant-hier, parce que le retour de monsieur de Vaudrey m'a [107] fait sçavoir aussi que tout ce mauvais bruit estoit effacé par les paroles qu'il avoit soustenues devant [Sa Grandeur.].

  A021001031 

 Il nous faut donq tous bien employer pour maintenir le parent innocent, non seulement parce que nous le devons a son merite, mais pour tenir en quelque crainte les meschans par la resistance qu'ilz verront leur estre faitte..

  A021001031 

 Je vous diray donq, Monsieur, si vous me le permettes, ce qui me sembleroit a propos maintenant: c'est qu'il vous pleust, par cette occasion, faire bien valoir l'innocence du cousin, laquelle on tasche, sans rayson ni propos, de rendre suspecte par tant d'inventions et d'exagerations; car ces petitz mensonges sont bons pour donner connoissance des plus grans.

  A021001044 

 Et puis, la très sainte Vierge, Protectrice de notre sacrifice, relève toujours mon cœur par l'espérance qu'elle me donne de sa faveur.

  A021001069 

 Me representant le sentiment que vous aves eu de monsieur vostre filz par le ressentiment que j'en ay eu, je [111] m'imagine qu'il a esté extreme; car c'est la verité que me resouvenant du contentement que vous preniés a me parler l'autre jour de cet enfant, j'entray en une grande compassion quand je me representay combien vostre regret seroit douloureux a la nouvelle de son deces; mais je n'osay pourtant vous tesmoigner ma condoleance, ne sachant pas ni que la perte fust certaine, ni qu'elle vous eust esté annoncée..

  A021001071 

 Et ce n'est pas bien parler entre nous autres Chrestiens, car il faudroit dire: Vostre filz, ou vostre pere s'est retiré en son païs et au vostre; et parce qu'il le failloit, il est passé par la mort, en laquelle il n'a point arresté.

  A021001105 

 Dieu, par apres, la consideration duquel a donné naissance a cette si grande liayson, la benira de sa sainte grace, affin qu'elle soit fertile en toute consolation pour l'un et l'autre des cœurs qui, ensemblement, l'un par l'autre et l'un en l'autre, ne respirent emmi cette vie mortelle que d'aymer et benir l'eternité de l'immortelle en laquelle vit et regne la vie hors de laquelle tout est mort.

  A021001105 

 Il est vray, Monsieur, je veux des-ormais cherir Vostre Grandeur si fortement, fidelement et respectueusement, que le meslange de la force, de la fidelité et du respect fasse le plus absolu amour et honneur qui vous puisse jamais estre rendu par homme quelcomque que vous ayes provoqué; en sorte que le tiltre de Pere dont il vous plaist me gratifier, ne soit ni trop haut, ni trop puissant, ni trop doux pour signifier la passion avec laquelle j'y correspondray.

  A021001112 

 Je m'imagine que vous estes sur vostre depart pour Languedoc, ma tres chere Fille (car c'est le mot du cœur), et avant que vous soyes en chemin, je vous resalue mille et mille fois, priant Dieu qu'il vous accompaigne et vous tienne tous-jours de sa sainte main, puisque, par sa bonté, il vous a saysie affin que vous fussies a jamais toute sienne..

  A021001141 

 Le P. D. Redento part pour l'Italie, et je devine, par conjecture, ce que Votre Paternité désire de lui; après quoi, si votre grande prudence le juge à propos, peut-être serait-il bon que vous le fissiez revenir ici.

  A021001163 

 Je demande à Votre Altesse, par les entrailles de la miséricorde de Notre-Seigneur, de s'employer efficacement afin qu'il me soit permis de me retirer.

  A021001163 

 Je dois, par tous moyens, chercher à le faire pour ne pas offenser Dieu, car j'entends chaque jour des nouvelles qui m'affligent beaucoup; de sorte que, à cause du relâchement du Clergé, je vois que ma présence est nécessaire en l'évêché de Genève..

  A021001184 

 Les bonnes Religieuses d'Evian ont desiré que je vous les recommandasse en l'affaire qu'elles envoyent solliciter aupres de Son Altesse; mays elles ont tort, ce me semble, car n'ont elles pas avec elles la devote et bienaymée Seur Beatrix, apres l'intercession de laquelle la mienne ne doit point tenir de rang devant vous? [122] Et neanmoins, puisqu'elles le veulent, je vous supplie donq, Monsieur, de les assister; comm' aussi de perseverer a m'aymer par vostre bonté, ainsy que vous aves tous-jours fait ci devant, et de croire que je vous veux tres affectionnement honnorer toute ma vie,.

  A021001219 

 Et comment? que j'eusse retenu nostre Seur Superieure de Grenoble par surprise? Vrayment, je ne suis pas de ces gens-la; je ne frappe point sans dire: Garde! Or sus, vous l'aves donq, et vous n'en doutes plus..

  A021001220 

 Mays, quand j'eusse eu une grande colere contre vous, ell' eut esté toute appaysee par le doux et gracieux presage que vostre ame bienaymee fait, que nous aurons encor le bien de nous revoir avant mon depart pour Romme; car je le desire certes grandement, et de plus je le croy, y voyant maintenant des tres grandes apparences, puisque ce voyage commence d'estre douteux..

  A021001222 

 Je n'ay nul loysir d'escrire a la chere Mere, mais je la salue de tout mon cœur par l'entremise du vostre tres cher, ma Fille, que Dieu a uni au mien en sa sainte dilection..

  A021001248 

 Mays comm' il a quitté son pere pour Dieu, il a quant et quant quitté tous les moyens de sa mayson; et si ceux que Vostre Altesse donne a la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion de Tonon pour le refuge des convertis estoyent effectivement receuz selon son [128] intention, j'eusse procuré qu'il en eut eu sa part; mays cela n'estant pas, je supplie tres humblement Vostre Altesse de le gratifier de sa providence paternelle, affin que par sa liberalité, ou par l'employ de la personne d'iceluy, il puisse subsister.

  A021001248 

 Me resouvenant avec extreme consolation du grand zele que Vostre Altesse tesmoigna a la conversion des huguenotz a Thonon, il y a 25 ans, et sur tout du soin qu'elle prit pour le sieur Depréz, l'un des plus obstinés d'entre eux et qui, par son malheur, ne sceut pas faire son proffit de la debonaireté de son Prince souverain, [127] je prens une sainte confiance en la pieté de Vostre Altesse, Monseigneur, pour la supplier qu'en lieu du pere il luy playse recevoir le filz, qui, ayant tres bien estudié es loix et se treuvant fort estimé parmi les heretiques, apres avoir meurement examiné les raysons catholiques, avec un courage que Dieu seul peut donner, a la veüe de son pere et de tous ceux de ce malheureux parti, et, s'il se peut dire ainsy, les foulant saintement aux pieds, fit la profession publique de la foy catholique il y a justement un moys; et apres avoir soustenu une rude batterie de convices, injures, reproches et calomnies, qui sont les armes des hæretiques, en fin s'est retiré, comme au port, dans les Estatz de Vostre Altesse delaquelle il est nay sujet et vassal, dont il s'estime fort heureux.

  A021001262 

 Ah! quand serons nous entierement mirrhe par mortification, encens par orayson et or par charité? Quand traitterons nous des affaires de ce siecle avec les yeux fichés au Ciel? Quand affectionnerons nous un chacun au rang qui luy appartient, selon le desir de Nostre Seigneur? Quand ne chercherons-nous plus rien pour la consolation de nos cœurs? Quand ne chercherons nous plus que Celuy qui nous va par tout cherchant pour avoir nos coeurs et les remplir de benedictions? O qu'il est desirable que nous aymions Dieu solidement et constamment! ... [130].

  A021001277 

 Et puisque vous le voules ainsi, comme fils (et fils unique, puisque Dieu ne s'est point servi de mon ministere pour consacrer aucun autre Evesque que vous), à raison de la grace que Dieu a respanduë en vostre ame par l'imposition de mes mains; grâce que je ne vous conjure pas de resusciter en vous, car je suppose qu'elle n'y est jamais morte, mais de ne la laisser point vuide, c'est a dire inutile, mais de l'employer utilement au service de nostre grand Maistre, selon les talens qu'il a pleu a sa bonté vous communiquer.

  A021001285 

 Quel honneur pour vous, quel bonheur, que Dieu s'en daigne servir pour deslier tant de pauvres ames, ou les retirer de la mort du peché, qui est la region de l'ombre de mort, pour les ramener au jour et à la vie de la grace! Ce fardeau est semblable a celuy du cinnamome, qui fortifie et recree par son odeur celuy qui en est chargé.

  A021001286 

 Je vous avouë donc, que, comme l'on appelle martyrs ceux qui confessent Dieu devant les hommes, c'est a dire qui rendent tesmoignage par leurs souffrances à la verité de la foy, il n'y auroit pas grand danger quand on appelleroit ceux la encore martyrs, en quelque maniere, qui confessent les hommes devant [133] Dieu, voire quand on les nommeroit confesseurs et martyrs tout ensemble..

  A021001303 

 Vrayement, vous avez bonne grace de me consulter sur ce que des soldats mangeront en Caresme, comme si la loy de la guerre et celle de la necessité n'estoient pas les deux plus violentes de toutes les loix et par delà toute exception! N'est-ce pas encore beaucoup que ces bonnes [135] gens se sousmettent à l'Eglise et luy deferent à respect, de demander son congé et sa benediction? Certes, ils font mentir celuy qui a chanté que.

  A021001310 

 Ma Fille, ne quittes point de veuë la sacree Vierge, vostre sainte Dame; ayes-la tous-jours presente, non par imagination qui tyrannise votre teste, mais par affection qui dilate vostre cœur, et par memoyre qui occupe saintement vostre ame....

  A021001323 

 Revu sur l'Autographe appartenant au comte d'Asnières de Sales, à Metz, par Annecy..

  A021001405 

 Adores Dieu le plus souvent que vous pourres par des courtz mais ardens eslancemens de vostre cœur, desquelz je vous ay si souvent parlé.

  A021001416 

 Outre les deux ordinaires motifz d'aymer les parens et amis, par nature et consideration de vostre devoir, adjoustes le troysiesme: parce que Dieu veut que vous les aymies en luy, par luy et pour luy, car cet amour est eternel, et non point fragile; doux, mais non point pliable; ardent, mais non point empressé; affectionné, mais non point chastouilleux.

  A021001435 

 De mesme, l'amour parfait du prochain qui est selon Dieu, se communique en diverses manieres: il l'ayde par paroles, par œuvres et par exemple; le prouvoit de toutes ses necessités entant qu'il luy est possible; il se res-jouit de son bonheur et felicité temporelle, mais beaucoup plus de son avancement spirituel; luy procure les biens temporelz entant qu'ilz luy peuvent servir pour obtenir la beatitude eternelle; luy desire les principaux biens de la grace, les vertus qui le peuvent, selon Dieu, perfectionner; les luy procure par toutes les voyes licites avec grande affection, mais avec quietude d'esprit, sans aucune alteration; avec une pure charité, sans aucune passion de tristesse ou indignation pour les evenemens contraires..

  A021001447 

 Pour ne vous point troubler de ce qui arrive en cette vie temporelle, penses souvent a sa briefveté et a l'eternité de la future; penses aussi a la Providence de Dieu, laquelle, par des ressortz inconneus aux hommes, conduit toutes sortes d'evenemens au prouffit de ceux qui le craignent.

  A021001454 

 Je voy que par tout on les regarde selon leur extraction et condition temporelle; mais je ne le puis souffrir sans mal de cœur..

  A021001466 

 Celuy, a la verité, est tres bon et fidele serviteur qui ne regarde d'avoir response conforme a sa volonté, mais veut seulement ce qu'il oyt et entend estre a Dieu aggreable par la response qu'il luy plaist de faire, conformant sa volonté a celle de la divine Majesté..

  A021001466 

 » Plusieurs personnes demandent conseil a Dieu de diverses choses; il respond a tous par une seule response et tout a coup, par parole ouverte et claire; mais ilz ne l'entendent pas tous-jours, bien qu'il ayt parlé clairement, car ilz s'addressent a luy pour demander conseil de ce qu'ilz veulent, et ilz n'ont pas tous-jours ce qu'ilz demandent.

  A021001467 

 Si tost que l'entendement vous representera quelque gloire ou honneur, ou que le monde vous en donnera, incontinent jettes-les tous aux pieds de Nostre Seigneur par un simple regard, luy baysant les pieds ou les mains..

  A021001469 

 Faites ce que celuy qui vous a en charge dit, pourveu que vous n'y reconnoissies point de peché; et par consequent, veuilles ce que veut vostre superieur, et vous voudres ce que Dieu veut: et vous voyla vrayement obeissante et contente..

  A021001478 

 Je suis tous-jours plein de desirs que Jesus Christ nous remplisse en toutes les parties de nostre ame, et qu'il nous pousse en l'interieur et en l'exterieur; qu'il soit le mouvement et le repos de nostre cœur, affin qu'en tout et par tout il soit glorifié en nous.

  A021001508 

 « L'on parvient a l'humilité par l'humiliation et le contemnement de soy mesme, » dit saint Bernard; « et il m'est expedient que mon » impuissance et « insipience soit conneuë et, quant et quant, confondue et blasmee de ceux qui la connoistront, car souvent il m'est advenu d'estre injustement loué de ceux qui ne me connoissoyent.

  A021001513 

 Nous ne sommes point esloignés de Dieu par cette indisposition, ains nous nous en approchons, d'autant que l'amour nous sanctifie dans ces estatz qui semblent si bas..

  A021001532 

 Que vostre affection soit en la partie superieure, par une ferme et resolue resolution de n'abandonner jamais la confiance et l'obeissance que vous deves..

  A021001537 

 Penses souvent aux vertus de Nostre Seigneur par forme d'entretien, et a celles des Saintz..

  A021001539 

 Unisses vous souvent a la volonté de Nostre Seigneur aux occasions petites et grandes, et par aspirations, disant: Seigneur, je suis vostre! Je veux ce que vous voules.

  A021001567 

 Si par la prattique d'une seule vertu l'on peut parvenir a la perfection? — Il y en a certaines que l'on peut avoir en perfection sans estre parfait, parce qu'elles ne sont pas vertus essentielles: comme la virginité, l'aumosne et autres semblables.

  A021001570 

 Les habitudes des vertus ne s'acquierent que par des [157] actes multipliés et [ne] se peuvent conserver que par les mesmes actes, lesquelz venant a cesser, les vertus se perdent et se ruynent.

  A021001601 

 Faysons en sorte que par nos petites obeissances et souffrances nous soyons en quelque chose conformes a Nostre Seigneur..

  A021001601 

 Que puissies-vous souffrir si amoureusement vos petites douleurs, que la douleur soit toute d'amour de la Croix de Celuy qui, par amour, eut tant de douleurs et par tant de douleurs tesmoigna tant d'amour.

  A021001624 

 Colloquons nostre bonheur en Jesus Christ crucifié, et passons en paix et patience le reste de ces espineux chemins par lesquelz nous allons au port..

  A021001629 

 Je ne sçai si par ces consolations et ardeurs Nostre Seigneur veut disposer nostre cœur aux travaux du service du prochain et au service de l'accroissement de sa gloire, ou bien a la souffrance de quelque grande croix et tribulation que, comme j'espere avec sa grace, nous embrasserons courageusement, humblement et paysiblement, [et] tout ce que sa divine Providence nous presentera..

  A021001648 

 Quand nous sommes travaillés de tentations ou de choses penibles, quelles qu'elles puissent estre, il faut premierement regarder la Providence divine par l'ordre de laquelle nous sommes en ces combatz; et, soit qu'ilz nous soyent envoyés pour nostre chastiment, soit qu'ilz nous soyent envoyés pour nostre exercice (ce qu'il ne faut jamais s'amuser a discerner), il faut aymer cette divine Providence, qui est tous-jours tres juste et tres sainte, nous complaysant en son bon playsir et nous conformant a tout ce que sa sagesse fait ou permet, pour penible qu'il soit..

  A021001655 

 Demeurés ainsy toute en Dieu, ou sensiblement, ou par la foy; aymés vostre pauvreté, car il est escrit que les yeux du Seigneur regardent sur les pauvres et que ses oreilles escoutent leurs prieres..

  A021001656 

 contraire, ma Fille, j'ayme mieux estre [164] foible que fort devant Dieu; car les infirmes il les porte entre ses bras, et les fortz il les mene par la main..

  A021001660 

 Contentes vous d'estre en sa presence, encor que vous ne le voyies ni senties, et que vous ne puissies vous le representer; mais commences par un acte de foy et, de tems a autre, regardés si vous ne le verres point.

  A021001681 

 Par la fidelité a cet exercice, vous parviendres a la fin que vous pretendes.

  A021001699 

 Il faut beaucoup dire en se taisant, par la modestie, tranquillité, esgalité et patience.

  A021001707 

 Il se faut contenter de sçavoir que l'on fait bien, par celuy qui gouverne, et n'en rechercher ni les sentimens ni les connoissances particulieres, mais marcher comme aveugle dans cette Providence et confiance en Dieu, mesme parmi les desolations, craintes, tenebres et toute autre sorte de croix, s'il plaist a Nostre Seigneur que nous le servions ainsy; demeurant parfaitement abandonnee a sa conduite, sans aucune exception ni reserve quelconque, toute, toute, et le laisser faire; jettant sur sa Bonté tout le soin du cors et de l'ame, demeurant ainsy toute resignee, remise et reposee en Dieu sous ma conduite, sans soin que d'obeir.

  A021001715 

 Il [ne] faut point laisser faire tant de choses a l'esprit; il le faut retenir doucement, et l'accoyser en Dieu par un mouvement d'amour en la partie superieure, tant parmi les tentations, douleurs, afflictions, craintes, qu'en tous autres evenemens, quelz qu'ilz puissent estre..

  A021001717 

 Hé vrayement, je me soucie bien qu'elles arrivent! — En toutes les tentations extravagantes, il faut plustost parler a Nostre Seigneur de toutes autres choses que d'elles, s'en destournant simplement par un retour amoureux du cœur envers son Sauveur.

  A021001752 

 Puisque nous ne sommes plus a nous, mais a luy, laissons-nous conduire par ou il luy plaira..

  A021001760 

 [175] Le doux ne se trouble jamais, mais destrempe toutes ses paroles en l'humilité, vainquant le mal par le bien..

  A021001761 

 Traittes avec une extreme douceur et charité avec le prochain et les Seurs, sur tout envers celles qui, par l'imperfection de leur esprit, defaut de graces naturelles ou mauvais offices, vous occasionneront quelqu'aversion ou degoust..

  A021001790 

 Il faut recevoir de toutes mains les advis que Dieu nous donne; faut seulement les faire examiner par celuy qui gouverne, et prattiquer fidellement ceux qui simplifient l'esprit.

  A021001795 

 Il faut vivre tout a Dieu, par la volonté de nos Superieurs..

  A021001796 

 Quand il arrive de ces soupçons, opinions, sentimens, mesfiances, desirs, assautz et semblables, il ne se faut nullement forcer de les surmonter par imagination ni autrement; il ne s'y faut point amuser du tout, mais dire promptement: « Mon Dieu et mon tout! » Vive Dieu! VIVE JESUS!.

  A021001832 

 Quantité d'ames recourent a moy pour sçavoir comme il faut servir Dieu; secoures moy bien par vos prieres, car pour l'ardeur je l'ay plus grande que jamais; mais, voyes vous, tant d'enfans se jettent entre mes bras et me succent les mammelles, que j'en perdrois la force si l'amour de Dieu ne me revigoroit..

  A021001836 

 Cette bonne volonté vit en moy, mais je suis mort en elle, et n'en ressens qu'un lent et foible mouvement, par lequel je souspire presque imperceptiblement le mot sacré de nostre fidelité: VIVE JESUS! VIVE JESUS!.

  A021001836 

 Luy qui le sçait faire, le face donq en moy et par moy; mays qu'il face tout pour luy, a qui je n'ay treuvé que je puisse contribuer autre chose que ce petit filet de bonne volonté que je sens au fin fond de mon miserable cœur.

  A021001876 

 Jamais l'on ne parviendra a la hauteur de la perfection de l'amour de Dieu qu'on ne se soit profondement [185] abaissé par l'humilité.

  A021001880 

 Il faut faire ses actions par l'obligation que nous y avons, ou par un simple acquiescement au bon playsir de Dieu, et faire ceci autant dans l'orage que dans le calme..

  A021001889 

 L'habitude des vertus s'acquiert par la rayson.

  A021001889 

 Les vertus peuvent faire leurs actes par cette habitude, sans le congé de la rayson.

  A021001898 

 Il faut assujettir la nature a la grace, et ne s'estonner nullement pour les difficultés que l'on rencontre; car tous-jours il faut faire estat de commencer a s'aneantir, perseverant en cet exercice jusqu'a l'extremité de nostre vie, a laquelle nous treuverons nostre besoigne faite, si nous perseverons, mays non pas plus tost; car il faut coudre nostre perfection piece a piece, parce qu'il ne s'en treuve point de toute faite, sinon que, par une grace miraculeuse, Nostre Seigneur peut donner une habitude en un instant, comme il fit a saint Paul.

  A021001945 

 Ce que je vous dis par expérience; car m'étant trouvé avec monsieur de Bérulle seul, il a proposé beaucoup de petites choses qui seront négligées par notre ami parce qu'ils (sic) regardent son honneur particulier; mais il y en a d'autres très importantes où il faut son jugement et qui ne se peuvent écrire: c'est pourquoi je conclus que, sans sa personne, rien ne se fera.

  A021001945 

 La révérence en laquelle notre cher et précieux ami est tenu par deça sera cause que l'on ne pourra rien résoudre de ce qui lui a été ci-devant écrit, parce qu'en toutes affaires, comme vous savez, il y a des circonstances et petites difficultés par dessus lesquelles il convient passer, et principalement en l'établissement que l'on desire faire, pour être nouveau.

  A021001945 

 Le remède à cela serait qu'il acceptât de prêcher les Avents ou le Carême en cette ville (je l'en ferais bien convier, et même par Sa Majesté s'il en était besoin), ou que les affaires qu'il a autrefois eues lui permissent de faire un voyage ici, où, en quinze jours de présence, nous ferions plus d'affaires qu'en un an d'absence..

  A021001946 

 M. de Bérulle ne trouve pas bon que l'on parle encore au Roi de la proposition, parce qu'elle s'éventerait et serait traversée par plusieurs..

  A021001966 

 Je suis sans fin vostre en celuy, qui sera par sa misericorde, s'il luy plaist, sans fin tout nostre..


22-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXII-Vol.1-Opuscules.html
  A022000038 

 — Preuves qui la confirment: Dieu qui ordonne la fin, ordonne aussi les moyens; il ne réprouve que par justice et en prévision du péché; textes de l'Ecriture à l'appui de cette doctrine.

  A022000038 

 — Réfutation de l'opinion contraire par neuf remarques.

  A022000038 

 — Sentiment de Tolet et de trois théologiens éminents entendus par saint François de Sales. 33.

  A022000051 

 10) Souvenir de l'examen subi par le nouveau docteur.

  A022000076 

 — Projet d'une lettre à écrire par son Altesse au corps de Ville de Thonon; le Saint suggère au prince d'en adresser une autre au gouverneur du bailliage et une troisième au juge-maje de Thonon. 69.

  A022000077 

 — Remplacer l'ancien «Consistoire» huguenot par un Conseil composé de prêtres et de laïques. 71.

  A022000079 

 — De quelle utilité serait l'établissement à Thonon d'un collège dirigé par les Jésuites; le prieuré de Saint-Hippolyte pourrait lui être attribué.

  A022000080 

 — François de Sales déclare que nul, après l'abjuration, ne sera soumis aux peines encourues par le fait de l'hérésie. 77.

  A022000083 

 — Pourquoi il serait bon que le Prélat et plusieurs ecclésiastiques désignés par lui, eussent d'amples pourvoira pour absoudre les hérétiques.

  A022000084 

 — Prébendes théologales à constituer, et par quel moyen.

  A022000087 

 — Le Bref de Clément VIII, rapporté de Rome par le Prévôt, est de tous points conforme à celui de Grégoire XIII qu'allèguent les Chevaliers.

  A022000088 

 — Moyen suggéré par François de Sales pour acheminer heureusement la restitution des revenus ecclésiastiques du Chablais, sans léser les droits des Chevaliers des saints Maurice et Lazare.

  A022000092 

 Un Arrêt du Sénat contre les détenteurs des revenus d'Armoy et de Draillant, annulé par le duc de Savoie.

  A022000095 

 — Ce qu'a fait le baron de Lux, délégué par Sa Majesté.

  A022000098 

 — Usurpation par ceux-ci des revenus ecclésiastiques; quels sont ceux qui peuvent être restitués à leurs propriétaires légitimes. 113.

  A022000099 

 — Concessions faites aux Bernois par Emmanuel-Philibert et Charles-Emmanuel, ducs de Savoie.

  A022000101 

 L'Evêque réclame, pour le curé de Gex, le presbytère et le jardin attenant, encore occupés par le ministre hérétique. 116.

  A022000102 

 Plaintes et demandes au sujet du cimetière de Gex disputé aux catholiques et violé par les protestants. 116.

  A022000105 

 — Renvoyé au Roi pour ce qui regarde les biens de l'évêché et du Chapitre, injustement usurpés par Genève, saint François de Sales expose ses raisons et demande qu'ils soient rendus à leurs propriétaires légitimes. 120.

  A022000110 

 — Par quels moyens surtout obtenir cette union. 130.

  A022000133 

 IV. Memoires pour les affaires de Gex, adresses a saint François de Sales par le Cure Etienne Dunant 158.

  A022000195 

 Je tascheray par tous moyens de recevoir reveremment le plus souvent que fayre se pourra le tres auguste et tressaint Sacrement de l'autel, me resouvenant qu'il est institué pour la reparation de l'[humeur] radical spirituel de nostre ame, et a iceluy est attribuee la conservation et perseverance de la vie spirituelle militante, [11] jusques a ce qu'on soit en la spirituelle triomphante.

  A022000196 

 Et communieray encores chaque moys a fin de loüer Dieu de chaque revolution de la lune, et a fin que, par ce nombre d'université, je consacre mon universel aage a Dieu.

  A022000197 

 Je n'estimeray pas legitime empeschement de ceste sainte devotion toute sorte d'incommodité, mays seulement celle qui sera telle qu'avec icelle on ne puysse communier; sçachant que ce n'est pas grand service celuy que l'on faict seulement quand on en a commodité, par maniere d'inadvertance et occurrence..

  A022000198 

 Que si je ne puys, par quelque legitime empeschement, aller a la table de Nostre Seigneur et me refectionner de ceste sainte viande quand sera le tems ordinaire, je feray quelque extraordinaire bonne œuvre en contreschange: comme sera quelque effort de prieres, de misericorde tant spirituelle que corporelle, d'austerité, d'humilité et abjection, et autres semblables; imitant en cecy ceux lesquelz en hyver n'ont pas du feu pour se garder du froid, qui s'advisent de fayre d'autant plus d'exercices et mouvemens: ainsy, ne pouvant m'approcher du Saint Sacrement, qui est le feu que Nostre [12] Seigneur vint mettre au monde, je feray d'autant plus d'exercice et mouvement en la vertu, a fin que le froid et vent de bize a quo omne malum panditur, qui est le peché, ne me gele interieurement; et particulierement je feray a la façon des François, qui passent la faim en chantant, car je passeray la faute de ce Pain celeste faysant d'autant plus de prieres..

  A022000260 

 Et pour [21] ce que la Preparation est comme un fourrier a toutes nos actions, je m'y occuperay selon la diversité des occurrences et tascheray, par le moyen d'icelle, de me disposer a bien et loüablement traitter et prattiquer mes affayres..

  A022000261 

 J'ay eslevé mon cœur a vous; pour cest effect, delivres moy, o mon Dieu, de mes adversaires; apprenes moy a fayre vostre volonté, puysque vous estes mon bon Dieu; vostre bon esprit me conduira par la main au bon chemin, et vostre divine Majesté me donnera la vraÿe vie par son indicible amour et par son immense charité..

  A022000264 

 Pour [24] ceste fin je me serviray des parolles du Prophete royal David: Nonne Deo subjecta eris, anima mea? ab ipso enim salutare meum; eh bien, mon ame, n'obeyres vous pas de bon cœur aux saintes volontés de Dieu, veu que de luy depend vostre salut? Ah, que c'est une grande lascheté de se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent! Certainement, ce Seigneur d'infinie majesté estant reconneu de nous digne de tout honneur et service, ne peut estre mesprisé qu'a faute de courage.

  A022000273 

 Or, j'appelle Preparation, en cest endroit, un Exercice particulier par lequel on se dispose a bien et loüablement prattiquer, converser et fayre les affayres; et iceluy a plusieurs parties..

  A022000277 

 La quattriesme sera la discretion et separation, par laquelle, de tout ce qui se pourra presenter a fayre, nous rejetterons ce qui [24] est contre l'honneur de Dieu et la charité du prochain, ce qui est scandaleux et vituperable..

  A022000278 

 La cinquiesme sera la resolution et ferme propos de ne jamais offencer Dieu, et particulierement en toute ceste journee, disant a bon escient a l'ame: Nonne Deo subjecta eris, a nima mea? ab ipso enim salutare tuum; et pensant combien c'est grande lascheté, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent, se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, lequel, estant reconneu pour digne de tout service, ne peut estre mesprisé que par faute de courage de resister [25] au mal du cors et de l'honneur que nous peut fayre la creature.

  A022000285 

 Par apres, je penseray a quelque sacré mistere, signamment a la devotion des pasteurs qui vindrent sur le lever de l'aurore adorer le divin Poupon; a l'apparition qu'il fit a Nostre Dame, sa douce Mere, le jour de sa triomphante resurrection, et a la diligence des Maries, lesquelles, esmeües de pieté, se leverent de bon matin pour honnorer le sepulchre du vray Dieu de la vie, trespassé.

  A022000287 

 Or, tout ainsy que par le sommeil corporel toutes les operations corporelles se resserrent tellement dans le cors qu'elles ne s'estendent rien pour tout au dela [28] d'iceluy, aussy donneray je ordre que mon ame, en ce tems la, se retire tout a faict en soy mesme, et qu'elle ne face autre fonction que de ce qui luy touchera et appartiendra, obeyssant humblement au dire du Prophete: Surgite postquam sederitis, qui manducatis panem doloris; O vous qui manges volontier le pain de douleur, ou en la doleance de vos fautes, ou en la condoleance de celles du prochain, ne vous leves pas, n'alles pas aux occupations exterieures de ce siecle laborieux, que vous ne vous soyes au prealable suffisamment reposés en la contemplation des choses eternelles..

  A022000287 

 — Comme le cors a besoin de prendre son sommeil pour delasser et soulager ses membres travaillés, de mesme est il necessaire que l'ame ayt quelque tems pour sommeiller et se reposer entre les chastes bras de son celeste Espoux, a fin de restaurer par ce moyen les forces et la vigueur de ses puyssances spirituelles, aucunement recreües et fatiguëes; partant je destineray tous les jours certain tems pour ce sacré sommeil, a ce que mon ame, a l'imitation du bienaymé Disciple, dorme en toute asseurance sur l'amiable poitrine, voire dans le cœur amoureux de l'amoureux Sauveur.

  A022000288 

 Voyci donques comme je feray: ou je veilleray, mesmement dans le lict, quelque peu apres les autres, si autrement je ne puis fayre, ou je m'esveilleray apres le premier sommeil, ou bien le matin je me leveray devant les autres, et me resouviendray de ce que Nostre Seigneur a dict a ce propos: Vigilate et orate, ne intretis in tentationem; Veilles et faites orayson, de peur que vous ne soyes vaincuz par la tentation.

  A022000289 

 Puys, par la consideration des tenebres exterieures entrant dans la consideration de celles de mon ame et de tous les pecheurs, je formeray ceste priere: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros in viam pacis; Hé, Seigneur, puysque les entrailles de vostre misericorde vous ont faict descendre du Ciel en terre pour nous venir visiter, de grace, illumines ceux qui gisent estenduz de leur long dans les tenebres d'ignorance et dans l'ombre de la mort eternelle, qui est le peché mortel; conduises les aussy, s'il vous plaist, au chemin de la paix interieure.

  A022000291 

 — D'autant que les nocturnes [31] frayeurs ont accoustumé d'empescher telles devotions, si par fortune je m'en sentois saysy, je m'en deslivreray avec la consideration de mon bon Ange gardien, disant: Dominus a dextris est mihi, ne commovear; Mon Seigneur est a mon costé droict a fin que je ne craigne de rien; ce qu'aucuns docteurs ont expliqué du bon Ange.

  A022000296 

 Item: comme le cors a besoin de son sommeil pour delasser [27] et soulager les membres travaillés, aussy prendray je tous les jours quelque tems pour le repos et sommeil de mon ame, a fin que si, comme par le sommeil corporel toutes les operations corporelles se resserrent dans le cors, ne s'estendant rien plus loin qu'iceluy, ainsy en ce tems la, l'ame estant retirëe en soy mesme, ne face autre operation que de ce qui luy touche et appartient, obeyssant au dire du Prophete: Surgite postquam sederitis..

  A022000298 

 Et puys, par la consideration des tenebres exterieures venant a considerer les interieures de mon ame premierement, puys celles de tous les pecheurs, je crieray en l'amertume de mon cœur: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros; obeyssant en cela au Prophete qui dict: Et in cubilibus vestris [29] compungimini; In noctibus extollite manus vestras in sancta, et benedicite Dominum; lachrimis meis stratum meum rigabo..

  A022000302 

 D'autant que les frayeurs nocturnes ont accoustumé d'empescher les exercices, si par fortune je m'en sentois saysy, je m'en deslivreray avec la consideration de mon bon Ange protecteur, disant: Dominus a dextris meis, ne commovear, qu'aucuns docteurs ont entendu de l'Ange; et considereray encores que scuto circumdabit me veritas ejus, nec timere debeo a timore nocturno (90 Ps.), qui est l' escu de la foy et confiance.

  A022000308 

 Premierement: ayant pris le tems commode pour ce sacré repos, avant toute autre chose je tascheray a raffraischir ma memoyre de tous les bons mouvemens, desirs, affections, resolutions, projetz, sentimens et douceurs qu'autresfoys la divine Majesté m'a inspiré et faict experimenter en la consideration de ses saintz misteres, de la beauté de la vertu, de la noblesse de son service et d'une infinité de benefices qu'elle m'a tres liberalement departi; je mettray ordre aussy a me ramentevoir de l'obligation que je luy ay de ce que, par sa sainte grace, elle a quelquefoys debilité mes sens en m'envoyant certaines maladies et infirmités lesquelles m'ont grandement prouffité.

  A022000312 

 Cinquiesmement: je m'arresteray en l'admiration de la beauté de la rayson que Dieu a donné a l'homme, a fin qu'esclairé et enseigné par sa merveilleuse splendeur, il haïsse le vice et ayme la vertu.

  A022000315 

 O Seigneur, diray je, il n'y a que vous de bon par essence et par [36] nature, vous seul estes necessairement bon; toutes les creatures qui sont bonnes, tant par la bonté naturelle que par la surnaturelle, ne le sont que par participation de vostre aymable bonté..

  A022000329 

 Item, je tascheray a raffraischir ma memoyre de tous les bons desirs, mouvemens, affections, resolutions et projetz, suavités et douceurs que Dieu m'a inspiré autresfoys en la consideration de ses saintz misteres, de la vertu et de son service, avec tous ses autres benefices, principalement lhors qu'il avoit, de sa grace, debilité les sens par maladies..

  A022000336 

 — Il y a difference entre rencontre et conversation; car le rencontre se faict fortuitement et par occasion, la ou la conversation est de choix et d'eslection.

  A022000338 

 Encores me faudra il par tout exercer le jugement et la prudence, puysqu'il n'y a regle si generale qui n'aye quelquefoys son exception, sinon celle ci, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Donques, en conversation, je seray modeste sans insolence, libre sans austerité, doux sans affectation, souple sans contradiction, si ce n'est que la rayson le requist; cordial sans dissimulation, parce que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent; toutesfoys il se faut ouvrir plus ou moins, selon que sont les compaignies..

  A022000349 

 Mays il y a difference entre un rencontre et la conversation; car la conversation doit estre d'eslite et de choix, mays le rencontre se faict par fortune et occasion; le rencontre estant une compaignie faicte a cas, sans aucune familiarité, ny affection, ny durëe, et la conversation estant une frequentation, avec familiarité, de personnes choysies, pour loüablement vivre et s'entretenir.

  A022000359 

 Il faut par tout exercer le jugement et la prudence, ne se faysant regle si generale qui ne doive avoir son model d'exception, sinon ceste regle, fondement de toute autre: RIEN CONTRE DIEU. Si est ce que la conversation doit estre modeste, sans aucune insolence; libre, sans austerité; douce et souëfve, sans monstrer affectation ny effort, et souple, sans contredite sans rayson; ouverte et cordiale, d'autant que les hommes se playsent de connoistre ceux avec lesquelz ilz traittent.

  A022000360 

 Non quil ne faille par tout mesler l'exquis, le bon et l'indifferent, mays pour autant quil faut s'accommoder a le mesler selon la diversité des personnes..

  A022000367 

 Si je ne peux entrer dans l'eglise, j'adoreray de loin le tressaint Sacrement, mesme par quelque acte exterieur, ostant mon chapeau et fleschissant le genou, si l'eglise est proche, sans me soucier qu'en diront mes compaignons..

  A022000367 

 — De si loin que je verray une eglise, je la salueray par ce verset de David: Je vous salue, eglise sainte, dont Dieu a mieux aymé les portes que tous les tabernacles de Jacob.

  A022000368 

 — Je communieray le plus souvent que je pourray, par l'advis de mon Pere confesseur.

  A022000369 

 — La veille du jour de ma Communion, je mettray hors de mon logis toutes les immondices de mes pechés par une soigneuse confession, a laquelle j'apporteray toute la diligence requise pour n'estre poinct troublé des scrupules; mays, d'autre part, [43] j'esviteray l'inutilité des recherches curieuses et empressëes..

  A022000370 

 — Si je m'esveille la nuict, je donneray de la joye a mon ame, disant, pour la consoler dans les frayeurs nocturnes qui me travaillent: Mon ame, pourquoy es tu triste? pourquoy me troubles tu? Voyci ton Espoux, ta joye et ton salutaire, qui vient; allons au devant par une sainte allegresse et amoureuse confiance..

  A022000382 

 Ce Conte, tres faché, par apres luy dressa.

  A022000383 

 Ce tombeau, par honneur quil porte a sa memoyre..

  A022000401 

 J'ai noté ceci avec crainte et tremblement, l'an 1590, le 15 décembre, pour ne pas avoir peut-être à en regretter la perte, si dans la suite cette façon de penser, dans laquelle je me suis affermi quand j'eus atteint l'adolescence et quand j'eus acquis plus d'expérience par l'âge et par la science, continue à paraître vraie selon le jugement et la décision de l'Eglise, comme elle m'a paru vraie alors, dans mon enfance.

  A022000402 

 Ces choses, donc, je les ai écrites très humblement, étant tout prêt à abandonner non seulement les conclusions que j'ai prises ou prendrai, mais la tête même qui les a conçues, et cela, même si toute mon intelligence y répugne, pour embrasser l'opinion qui est ou qui sera à l'avenir adoptée par l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, ma Mère et la colonne de vérité.

  A022000418 

 Ceci dit par surcroît de précaution; car l'opinion paraît si conforme aux Ecritures, aux Pères, à la façon adoptée par l'Eglise pour traiter ces sujets, aux Docteurs de notre siècle, que je peux la recevoir sans trouble et sans aucune crainte.

  A022000418 

 Cependant, comme je peux me tromper, de telle sorte que ce qui paraît ne soit pas, je me remets en tout à l'Esprit Paraclet qui gouverne les intelligences par notre Eglise.

  A022000418 

 Et à notre Bienheureuse Dame, Marie, Mère de Dieu; étant Mère du Verbe, qu'elle daigne par ses prières [48] diriger mes paroles selon le Verbe, son Fils; aux bienheureux Pierre et Paul, Augustin, Thomas, au divin Bonaventure, Docteur illustre, et de même au bienheureux Joseph.

  A022000419 

 Or, Dieu lui-même est le Père de toute consolation, et nous ne devons pas nous glorifier comme si quoi que ce soit venait de nous comme de nous, puisque, comme je l'ai montré ailleurs, toute notre suffisance vient de Dieu; car si la doctrine de la prédestination dit que nos actions sont prévues, ce n'est pas au préjudice de la grâce du libre arbitre, mais il est toujours besoin de la prévision de la grâce du Seigneur, par la miséricorde de qui nous irons dans sa maison, si, en cette vie, nos pieds ont été dans tes parvis, Jérusalem, car, sans le Christ, nous ne pouvons rien faire..

  A022000448 

 Dans son excellente Confession de fo i, sous le titre en question, il [51] affirme expressément la même chose que nous: à savoir, que non seulement la réprobation a lieu par suite des démérites prévus, mais aussi que la prédestination se fonde sur les mérites prévus, et il prouve cela avec force.

  A022000448 

 Les enseignements que nous avons tirés de nombreux auteurs, au sujet de la prédestination fondée sur les mérites prévus, enseignements exposés aux pages XV, LXII et LXX, peuvent être confirmés par l'autorité de Pierre Emotte, docteur en théologie de Paris.

  A022000450 

 Deuxième preuve: La damnation ou réprobation ne plaît pas à Dieu comme telle, surtout en tant qu'elle dit privation, mais elle lui plaît seulement en tant qu'elle est juste; par ailleurs, elle ne peut évidemment être juste sans relation avec la faute.

  A022000451 

 Enfin, Dieu n'a-t-il pas créé l'homme [55] pour jouir de sa vue? pourquoi donc a-t-il pu déterminer qu'il ne le verrait pas, et cela en dehors de toute cause préalable? En outre, toutes les fois que deux causes sont en de telles relations entre elles que l'une étant posée elle ne peut obtenir son effet en l'absence de l'autre, celui qui n'a pas l'une des deux en son pouvoir ne peut être dit en mesure d'obtenir l'effet voulu, et celui qui écarte l'une d'elles écarte par le fait même l'effet voulu.

  A022000451 

 Et cependant les expressions ci-dessus sont couramment employées par l'Eglise; en sorte que si on les expliquait dans le sens si caché et si décevant des adversaires, ce serait accuser l'Eglise de tromper les gens simples, elle qui à tout bout de champ les présente à tous également dans les prédications, les Offices et les prières.

  A022000451 

 Mais sans la volonté de Dieu nous ne pouvons rien; par conséquent, une fois cette volonté de Dieu écartée, nous ne pouvons être sauvés, et une fois cette volonté de Dieu écartée et enlevée, ou refusée par Dieu, son effet paraît refusé, c'est-à-dire la gloire: ce qui est parfaitement absurde.

  A022000452 

 Mais prouvons clairement la même vérité par un nouvel argument.

  A022000452 

 Si Dieu en a destiné certains à la peine avant la prévision de la faute, pourquoi a-t-il été dit: Comme chacun aura agi dans son corps, soit en bien soit en mal? Comment peut-il se faire qu'à une peine ordonnée par Dieu sans aucune relation avec la faute, corresponde aussi justement cette faute provenant de notre libre arbitre? Il a fallu certainement, ou que Dieu ordonnât la faute [56] pour qu'elle répondît à la peine déjà ordonnée, ou bien qu'il abandonnât à notre libre arbitre le soin de décider si nous devrions être condamnés sans faute, comme cela est clair.

  A022000453 

 Au sujet de la même opinion, il faut noter: Premièrement, [57] cette opinion, étant que la prédestination a lieu sans la prévision des œuvres, mais non la réprobation, pourrait peut-être s'expliquer en ce sens que Dieu tout d'abord donne à tous les hommes un secours suffisant; qu'ensuite, voyant que beaucoup n'en usent pas, il réprouve ceux-ci, et que les autres, soit qu'ils usent, soit qu'ils n'usent pas de ce secours, il les sauve par des moyens efficaces: en sorte que parmi ceux qui n'usent pas du secours suffisant, Dieu en damne certains, et les autres, il les retire efficacement du chemin de damnation où ils se précipitent.

  A022000453 

 Telle que nous venons de la présenter, elle est suffisamment intelligible, et ainsi le Seigneur ne fera tort à personne; car ceux qu'il damnera, il les damnera à cause de leurs démérites, et ceux qu'il sauvera, il les sauvera par sa miséricorde, et à celui qui se plaindra il répondra: Mon ami, prends ce qui te revient; si je veux donner quelque chose à ceux-ci, que t'importe?.

  A022000479 

 Courage, petit serviteur, indigne certes, mais fidèle; puisque tu as espéré en moi, ayant confiance en ma miséricorde, et p arce que tu m'as été fidèle en peu de choses (à savoir, en me glorifiant par la souffrance et par la damnation, s'il me plaisait ainsi), je t'établirai sur beaucoup; et parce que tu as voulu glorifier mon nom, même en souffrant, s'il en était besoin (bien qu'en cela, cette glorification et l'exaltation de mon nom qui n'est pas «damnateur», mais «SAUVEUR», soient petites), je t'établirai sur beaucoup, afin que tu me loues dans la perpétuelle béatitude où la gloire rendue à mon nom est abondante.

  A022000479 

 En effet, quoique je ne doute pas que les choses que j'ai écrites ne soient vraies, parce que je n'y vois rien qui puisse former un doute solide au sujet de leur vérité; cependant, parce que je ne vois pas tout et qu'un mystère si profond est trop brillant [64] pour pouvoir être regardé en face par mes yeux de chouette, si, dans la suite, le contraire apparaissait (ce qui, je pense, n'arrivera jamais); bien plus, si je me savais damné (que cela n'arrive pas, Seigneur Jésus!) par cette volonté que les thomistes placent en Dieu afin que Dieu montre sa justice, frappé de stupeur et levant les yeux vers le Juge suprême, volontiers je dirais avec le Prophète: Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu? Amen, Père, parce qu' il vous paraît bon ainsi; que votre volonté soit faite.

  A022000479 

 Je t'ai fait, comme toutes les autres choses, pour moi-même; bien plus, même les impies qui, par leur faute, sont destinés au jour de malheur, je les ai faits pour moi-même.

  A022000479 

 Par moi-même j'ai juré: parce que tu as fait cela, c'est-à-dire, parce que tu as préparé ton cœur à obéir à ma justice, et que tu ne t'es pas épargné, acquiesçant à ma volonté, même jusqu'à la géhenne à cause de moi, je te bénirai d'une perpétuelle bénédiction, et tu entreras dans la gloire de ton Seigneur..

  A022000514 

 En ce qui concerne la cohabitation, il est très difficilement dissous, parce que ce qui était un pur contrat chez ces nations qui n'ont pas connu Dieu et n'ont pas invoqué le saint nom de Dieu, et ce qui n'était consenti que par un simple engagement, est aujourd'hui un très auguste Sacrement par le Christ notre Seigneur, à qui, ainsi qu'au Père et à l'Esprit-Saint, soit louange, honneur, puissance; et à notre Bienheureuse Dame la Vierge Marie, Mère de Dieu, aux saints Apôtres Pierre et Paul, dont aujourd'hui même la mémoire est célébrée dans toute l'Eglise, à raison de la chaire de [69] saint Pierre [à Antioche]; aux saints Fabien et Sébastien, martyrs; aux saints Joseph, François et Bonaventure, confesseurs.

  A022000532 

 Gloire à Dieu très bon, très grand, au Christ Jésus et à Notre-Dame la Vierge Marie, sa très puissante Mère (nous avons [70] commencé à célébrer la solennité et la Vigile de son Annonciation et de sa salutation par l'Ange), aux saints Pierre, Paul, Fabien, Sébastien, François, Bonaventure, mais spécialement au grand saint Joseph et à l'archange Gabriel qui annonça que le Verbe s'était resserré dans le sein très sacré de la Vierge; gloire à lui! Amen..

  A022000563 

 J'ai achevé, par la volonté de Dieu et avec la protection de la Très Sainte Mère de Dieu et de mes saints Patrons, ces petites notes sur les Pandectes, très légères par elles-mêmes, mais assez [72] pénibles et laborieuses pour moi, novice, l'an 1591 après le salutaire Enfantement de la Vierge, au mois de juillet, le dixième jour, mémorable par le tremblement de terre que nous avons perçu à cinq heures et demie de l'après-midi, et par la solennité des sept Saints Frères..

  A022000565 

 Cherchez donc d'abord le royaume de Dieu, et tout vous sera [74] donné par surcroît, afin qu'un roi soit établi par Dieu sur la sainte montagne de Sion, un roi qui proclame sa loi, qui croie en son nom et ne soit pas né de la chair, mais de Dieu..

  A022000565 

 Dieu, Roi des rois, très bon et très grand, crie par la voix de Grégoire, accuse, gourmande: Evite l'hérétique.

  A022000565 

 Pourquoi aimez-vous le mensonge connu par l'expérience de la promesse non gardée? Pourquoi recherchez-vous et aimez-vous le mensonge qui vous causera tant de déceptions dans l'avenir? que reste-t-il donc? Et la terre a été remuée.

  A022000592 

 Etant donné que tout pouvoir appartient à Dieu et s'appuie avec raison sur le Dieu de sagesse comme sur un fondement, selon ce mot du Sage: C'est par moi que régnent les rois (L. IV), et celui-ci: «De Jupiter vient le principe du pouvoir,» et que d'autres preuves majeures puissent être mises en avant, c'est avec raison que l'Empereur commence par cette considération le texte qui [75] contient les constitutions destinées à maintenir et sanctionner intégralement la dignité de la vraie foi..

  A022000593 

 Mais parce que, à cette époque, la foi catholique au sujet du très auguste mystère de la Trinité était attaquée par les hérétiques, et que ces mêmes hérétiques méprisaient l'autorité du Saint-Siège Apostolique et des Conciles catholiques, il pose comme premier titre du premier Livre: «DE LA SOUVERAINE TRINITE ET DE LA FOI CATHOLIQUE.» Et il donne à cette Trinité le nom de «Souveraine» parce que, comme il y a plusieurs trinités dans les choses créées (car trinité désigne non l'unité, mais la réelle distinction des trois parties), il emploie le mot «Souveraine» quand il parle de la Trinité divine, parce que les autres sont infimes en comparaison de celle-ci.

  A022000594 

 Or, la foi appelée «catholique» est celle qui, en raison tant des [76] lieux que des hommes et des temps, est universelle et sans limites, c'est-à-dire, qui à toutes les époques, depuis qu'elle a commencé, et en tous lieux, fut enseignée et confessée par tous les Chrétiens (car la différence du catholique de l'hérétique existe seulement parmi ceux qui professent la loi chrétienne)..

  A022000596 

 Seuls, les chrétiens «qui suivent cette loi» doivent être appelés Catholiques; les autres ne méritent que le nom d'insensés et de «fous.» De même, que les [77] hérétiques soient appelés «infâmes», et qu'ils soient punis par le Prince selon l'occurence.

  A022000598 

 Or, les mots de l'Empereur: «Lui que nous espérons et que nous recevons du souverain Père de toutes choses,» ne confirment pas cette opinion des Grecs, que le Saint-Esprit procède du Père seulement, puisqu'elle n'est apparue que plusieurs siècles après; mais il parle de la réception de la grâce du Saint-Esprit, car il est dit ainsi, que l'Esprit-Saint est donné aux hommes par le Père au moyen du Fils, que le Père enverra en mon nom.

  A022000600 

 Le pouvoir s'appuie sur la religion; l'Eglise Romaine est «la tête des Eglises.» Ce qui est dit dans les Lois I, II, III, et même tous les décrets compris sous ce Titre, tout cela a été confirmé par l'autorité du Souverain Pontife.

  A022000601 

 Il professe que «le Fils de Dieu est consubstantiel au Père selon la Divinité, et à nous selon l'humanité;» et aussi que la bienheureuse Vierge Marie est vraiment et proprement la Mère de Dieu, car c'est d'elle que le Fils de Dieu, «né du Père avant les siècles, s'est incarné» dans le temps «par le Saint-Esprit.».

  A022000603 

 «Il est juste que» ceux qui n'obéissent pas aux décisions du Souverain Pontife «soient considérés par l'Eglise comme bannis;» cependant, «l'Eglise ne ferme jamais son sein à ceux qui reviennent.» (L. VI.).

  A022000630 

 Un hérétique peut être accusé par n'importe qui; L. IV. Les seigneurs temporels détruisant les hérétiques, les biens de ceux-ci peuvent être enlevés par n'importe quel catholique; si un seigneur d'un rang supérieur, comme un roi, veut s'y opposer, il sera lui-même privé du pouvoir..

  A022000645 

 Etsi satis apud me reputo quantum existimationis meae intersit ut eas vobis gratias agere enitar, quas exigit a me maximas sacrosanctum illud quod hodierna die in me collocastis beneficium, Reverendissime Proantistes, venerande Prior, Patres conscripti; cum [82] tamen iis agendis, ut par est, neque me satis esse, et vos gravissimis occupationibus intentos interesse commode non posse, cognoscam; vestrae commoditatis quam meae ipsius existimationis amantior, ab hoc debito grati animi officio libenter abstinuissem.

  A022000658 

 Je reconnais, honorables Auditeurs, que ce bienfait qui m'a été conféré par ces Pères éminents est de telle sorte qu'on n'en peut attendre de plus grand en cette vie.

  A022000659 

 Mais aujourd'hui, hélas, quel changement! Cette école de Paris, mère illustre des lettres, est désolée par les terreurs de la guerre et, à première vue (que Dieu écarte ce malheur!), est sous la menace de devenir déserte.

  A022000660 

 Il me fut encore permis d'entendre les paroles vivantes de Jacques Menocchio dont tout le monde admire et révère les paroles mortes, je veux dire ses admirables écrits, et dont la retraite aurait apporté grand dommage à cette Académie, si Ange Matteazzi, maître [86] consommé en toutes sortes de sciences, n'eût été mis en sa place après mûre délibération et par un très juste échange.

  A022000660 

 Jusqu'alors, je n'avais consacré aucun travail à la sainte et sacrée science du Droit: mais lorsque, ensuite, j'eus résolus de m'y employer, je n'eus aucunement besoin de chercher où je devais me tourner, où je devais me porter; ce Collège de Padoue m'attira aussitôt par sa célébrité, et sous les plus favorables augures, car, [85] en ce temps, il avait des docteurs et des lecteurs tels qu'il n'en eut et n'en aura jamais de plus grands: Guido Panciroli, prince de la jurisprudence, votre lumière et votre gloire, Pères, et qui ne périra jamais.

  A022000662 

 Grâce à presque tous ces maîtres, Pères, tout ce que je possède de science civile est dérivé de votre Collège jusqu'à moi, et vous l'avez jugée telle que, par votre sentence, vous l'avez déclarée suffisante pour m'acquérir la couronne de laurier, et cette sentence [88] devient un jugement définitif.

  A022000689 

 Ainsi je détachais quelques extraits des Titres du troisième Livre, l'an 1591; au mois de septembre, le 17me jour, jour rendu mémorable par les Stigmates du saint Père François, je fus forcé [90] d'abandonner ce travail, et je l'abandonne jusqu'à ce que Dieu me donne loisir et commodité.

  A022000696 

 De là, le même jour, nous entrâmes à Lorette, et le 19, après avoir reçu les Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, nous répandîmes nos prières à Dieu et à sa Mère dans la sainte chambre habitée par eux-mêmes.

  A022000696 

 Le lendemain, ayant entendu le saint Sacrifice de la Messe, comme nous avions résolu de nous diriger vers Rome, par crainte des brigands qui, disait-on, avaient élevé leur nombre jusqu'à mille et dévastaient [91] terriblement toute la plage d'Ancône, principalement les chemins menant à Rome, nous retournâmes, bien malgré nous, à l'endroit d'où nous étions venus; puis, grâce à un léger détour, nous vîmes à Sirolo l'image du Christ Notre-Seigneur suspendu vivant à la Croix, que l'on dit peinte par saint Luc. Bientôt [nous atteignions] Ancône, nous étant servis du même navire sur lequel nous avions été précédemment portés; et toujours sur la même heureuse embarcation de Chioggia, mais par une traversée beaucoup plus pénible, après avoir bien payé les frais du voyage, nous débarquâmes le 5 novembre, vers le soir, aux colonnes de la grande place de Saint-Marc.

  A022000697 

 Ce qui surtout rendit incommode et périlleux notre voyage à Rome par le territoire d'Ancône, c'est que le Souverain Pontife Grégoire XIV, longtemps victime d'une longue et dangereuse maladie, avait dit adieu à la vie; nouvelle que nous apprîmes d'abord par un rapport certain au moment même où nous entrions à Ancône.

  A022000697 

 La chose nous fut ensuite confirmée à Chioggia, en partie par la joyeuse sonnerie des cloches, en partie par ce que disaient les habitants, et, à Venise, nous sûmes qu'il avait pris le nom d'Innocent IX. [94].

  A022000721 

 Or, elle n'est pas obligée, même pour son fils, le Sénatusconsulte Velléien ne lui permettant pas de s'obliger; Loi III. Elle n'en reçoit pas non plus de secours quand elle promet de doter sa fille; Loi XII. C'est cette Loi que, par voie de tirage au sort, m'attribua pour mon examen solennel le Collège de Padoue, en cette année, le 5 septembre, messire Quarantotto étant Prieur..

  A022000759 

 DES DONATIONS ENTRE MARI ET FEMME ET DE CELLES FAITES PAR LES PARENTS A LEURS ENFANTS, ET DE LA RATIFICATION.

  A022000762 

 C'est ce qu'avait fait pour moi ma très bonne et très chère mère lorsqu'elle n'avait encore que moi comme seul et unique fils; dans la suite, pourtant, cette donation fut révoquée, non par une diminution de son amour maternel, mais parce qu'il m'était survenu des frères, que Dieu bénisse: notre commune et très sage mère a jugé que, de même qu'elle ne les préférait pas à moi, ainsi elle ne me préférait pas à eux..

  A022000812 

 François, tu te dois souvenir que Dieu t'a faict beaucoup de misericordes le dix neufviesme de may 1593, par les intercessions du glorieux saint Celestin, protecteur de ta retraitte preparatoire aux Ordres..

  A022000832 

 «Le vingt-cinquiesme de may 1595, jour auquel l'Eglise solemnise la feste du Corps de nostre Sauveur et Redempteur Jesus-Christ, à trois heures du matin, comme il meditoit profondement sur le tres-sainct et tres-auguste Sacrement de l'Eucharistie, il se sentit ravy à une si grande abondance de suavité par le Sainct Esprit,...que son cœur se laissant aller par trop de delices, il fut en fin contrainct de se jetter par terre...» Il y «demeura assés de temps prosterné de son long et criant:».

  A022000863 

 Ne peut estre gaigné que par l'humilité..

  A022000937 

 Ayant receu la sainte Eucharistie de la main du Souverain Pontife le jour de l'Annonciation, mon ame fut fort consolee interieurement; et Dieu me fit la grace de me donner de grandes lumieres sur le mistere de l'Incarnation, me faisant connoistre d'une maniere inexplicable comme le Verbe prit un cors, par la puissance du Pere et par l'operation du Saint Esprit, dans le chaste sein de Marie, le voulant bien luy mesme pour habiter parmy nous, des qu'il seroit homme comme nous..

  A022000947 

 Et premierement, quant a l'exterieur, FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, ne portera point d'habitz de soye ni qui soyent plus pretieux que ceux qu'il a portés par cy devant; toutesfois ilz seront netz et bien proprement accommodés autour de son cors..

  A022000948 

 Il ne portera point a ses piedz d'escarpins avec les mules ou galoches, tant parce que cela ressent la vanité du monde, que parce qu'il est defendu par les Statutz de son Eglise..

  A022000949 

 En la mayson, en l'eglise et par la ville, autant que la commodité le luy permettra, il portera tousjours son bonnet carré..

  A022000949 

 Jamais il n'ira en point d'eglise sans rochet et camail, ni par la ville, et mesme observera cela par la mayson, [111] quant au camail, autant qu'il se pourra faire.

  A022000953 

 Point de ses serviteurs ne portera de pennaches, ni d'espee, ni des habitz de couleur esclatante, ni de grans cheveux, ni des moustaches par trop relevees..

  A022000963 

 Il recitera ordinairement l'Office debout ou a genoux: Matines et Laudes sur le soir, apres la lecture de devotion; Prime, Tierce, Sexte et None entre six et sept heures de matin, c'est a sçavoir apres la meditation; Vespres et Complies devant souper, et le Chapelet apres Vespres, avec les meditations, d'autant qu'il est obligé par vœu de le reciter.

  A022000964 

 Il sortira le matin a neuf heures pour offrir le tressaint Sacrifice de la Messe, laquelle il celebrera tous les jours, sinon qu'il soit empesché par quelque extreme necessité; et affin de la celebrer avec plus de devotion, [122] il fera un recueil et abbregé de diverses considerations et affections par lesquelles la pieté peut estre excitee envers ce grand mystere, et s'y occupera et entretiendra en sortant de sa chambre et en allant a l'autel.

  A022000968 

 Si toutesfois il y avoit esperance de retirer le peuple de ceste dissolution par quelque notable exercice (dont il sera parlé es articles de la republique), alhors il faudra choysir pour ceste recollection quelqu'une des semaynes qui sont entre Pasques et Pentecoste, affin que l'Esprit de Dieu que l'on y aura acquis, opere le bien de ces festes solemnelles et Octave du tressaint Sacrement; pour ce encor, qu'alhors on est moins pressé d'affaires, et que la sayson est fort propre pour la purgation de l'ame aussi bien que du cors, voyre que la [125] purgation du cors pourra servir de praetexte a la purgation de l'ame..

  A022000968 

 Tous les ans, par l'espace de huict jours, et davantage quand il pourra, il fera la recollection et purgation de son ame, et ce tems pendant, examinera ses succes et progres despuis l'annee passee; et apres avoir marqué les principales offences, il les accusera a son confesseur, avec lequel il conferera de ses mauvayses inclinations [124] et difficultés au bien.

  A022000980 

 Comme aussi, pour celebrer plus devotement la sainte Messe, je m'occuperay, jusques a ce que je sois a l'autel, dans toutes les considerations et affections par lesquelles la pieté peut estre excitee envers ce grand mystere..

  A022000981 

 C'est par la prattique de cest exercice que nous apprenons si nous advançons a la vertu; en un mot, c'est en ce tems et en ce lieu ou l'on prend les saintes et solides resolutions de vivre selon les lois de la veritable et eternelle sagesse..

  A022000987 

 Je soussigné, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, voulant manifester et faire sçavoir a tous quil appartiendra ma derniere volonté et faire mon testament:.

  A022000991 

 4 nt Appreuvant de tout mon cœur les sacrees ceremonies de l'Eglise, j'ordonne qu'a mon ensevelissement treze cierges allumés et flambans soient portés et mis autour de mon cercueil, sans autres escussons que ceux du nom de JESUS, pour tesmoigner que, de tout mon cœur, j'embrasse la foy preschee par les Apostres.

  A022000992 

 5 nt Je fais, cree et institue mes heritiers universelz en tous les biens immeubles, noms et actions qui m'appartiennent ou peuvent appartenir, procedés et parvenus a moy de la part de mes Pere et Mere, de messire Bernard de Sales, mon frere, de dame Marie Aymee de Rabutin, ma belleseur, a sçavoir: Messire Jean [129] François de Sales, mon frere, chantre et chanoyne de mon Eglise, et mon Vicaire general, pour la tierce part; les enfans masles de feu Galois de Sales, mon frere, en son vivant seigneur de Boysi et du Villars Roget, pour la tierce part; et messire Louys de Sales, Baron dudit lieu et de Thorens, seigneur de la Thuille, Chevalier au magnifique Conseil de Genevois, pour l'autre tierce part: les trois faysans le tout, a condition que mesdits heritiers ni les leurs ne viendront jamais a conte ni deconte, ni ne s'entredemanderont jamais aucune chose les uns aux autres pour les substitutions faites entre eux et moy par feu nos Pere et Mere..

  A022000993 

 6 nt Je laisse et donne par praelegat et institution particuliere au susnommé messire Jean François de Sales, mon Vicaire general, tous mes autres biens meubles et tous mes autres moyens de quelle nature qu'ilz soyent, a la charge neanmoins qu'il les distribue et departe exactement comme je luy ordonne par un memorial que je luy en ay fait a part, chargeant de cela sa conscience en laquelle je me fie..

  A022001006 

 Nous soubsignés, certifions a tous quil appertiendra, que nous avons estés priés, appellés et requis de Monseigneur le Reverendissime François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, de signer et sceller cette carte qui est son testament solemnel et par escrit..

  A022001023 

 Nous Philibert Roges, docteur en theologie, Chanœnne de Geneve, Vicayre et Officiai substitut de l'Eveché de Geneve, certifions a tous qu'il appartiendra, qu'en l'an et jour et lieu sus escript, a comparu par devant nous Monseigneur le Reverendissime FRANÇOYS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, lequel, en presence des tesmoins sus nommés et signés, nous a dict et declaré avoir faict son testement et ordonnance de derniere volonté, comm'ell'est dans la presente carte escripte de sa main et soubsigné, comm' il nous a declayré en presence desdits tesmoins, vouliant et entendant que sadite volonté escripte en cette ditte carte sorte son plain et entier effaict a l'advenir, par tous meilleurs moiens qui se peuvent faire, de droict et de coustume; priant lesdits tesmoins vouloir estre recors par cy appres, si besoingt est, de ladite declaration par luy faicte, nous requerant de mesme luy vouloir octroier acte de ses requisions ( sic ): ce que luy avons accordé..

  A022001024 

 En tesmoignage dequoy avons signé et faict contresigné par Jacque Maurice Durnont, secretayre et greffier de ladite Eveché, et faict apposer le seel ordinayre d'icelle, le vingtneufviesme Novembre mil six centz dixsept, dans le palais de mondict seigneur et maison susdicte..

  A022001032 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, et JEAN FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Chalcedoyne et Coadjuteur en l'evesché dudit Geneve, voulant manifester et faire sçavoir a tous qu'il appartiendra nostre derniere volonté et faire nostre testament:.

  A022001036 

 Quatriesmement, appreuvans de tous nos cœurs les sacrees ceremonies de l'Eglise, Nous ordonnons qu'a nostre ensevelissement treize cierges seront allumés, portés et mis autour de nos cercueilz, sans autres escussons que ceux du nom de JESUS, pour tesmoigner que de tous nos cœurs Nous embrassons la foy preschee par les Apostres.

  A022001040 

 Lesquelz legatz Nous ordonnons estre payés une annee apres le deces du dernier mourant de Nous deux, et les deux cens florins de nostre frere le Chevalier tous les ans, par semblable jour que le dernier de Nous mourra; sauf que, quant au payement desditz deux mille escus legués a nos neveux, il sera loysible au sieur Baron de Thorens, nostre frere et heritier, d'en faire payement par la cession et transport de semblable somme qui luy est deuë et qui luy doit estre payee apres la mort du seigneur Baron de Cusy son beaupere; laquelle cession lesditz legataires seront tenus d'accepter pour payement, leur maintenant ledit sieur Baron de Thorens semblable somme luy estre bien deuë et exigeable, ou autrement il demeurera chargé dudit legat..

  A022001040 

 Moyennant quoy, lesditz legataires ne pourront demander aucune chose, quelle qu'elle soit, et particulierement lesditz sieurs de Boysi, ni sur nos heritages, ni sur les biens de La Thuille, Sales, Thorens et leurs dependances, sous pretexte d'aucun partage definitif, allegation de moindre lot, payement d'aucune somme a laquelle Nous leur soyons obligés, ou autrement comme que ce soit; ordonnons qu'ilz nous en tiennent quittes a nostre heritier sousnommé, et que les partages provisionnelz [136] faitz entre nos freres, de nos biens et des leurs, a forme qu'ilz les ont ci devant possedés a part et posseèdent encor a present, tiennent definitivement et perpetuellement, et qu'ilz ne viennent jamais a conte ni deconte, ni s'entredemandent jamais aucune chose les uns aux autres pour les substitutions faittes entr'eux et Nous par feu nos Pere et Mere.

  A022001041 

 Voulans et entendans que nos biens soyent conservés, et parviennent entierement et sans detraction de trebellianique, que Nous prohibons, aux enfans masles qui descendront par loyal mariage de nostre dit [137] frere heritier jusques a l'infini, preferant tous-jours l'aisné d'iceux pour le tout; esperans que nostre dit frere fera semblable disposition pour ce qui est a son pouvoir, pour la conservation de nostre famille; et ainsy Nous substituons vulgairement et par fidecommis perpetuel, pour la faveur du masle aisné descendant de nostre dit frere heritier.

  A022001042 

 Que si l'evenement des affaires faisoit que l'un de Nous changeast de volonté et fist par ci apres un autre testament, le present neanmoins demeurera sur pied, valable, entant que concerne la disposition de l'autre qui ne la changera point..

  A022001042 

 Voulons que ceci soit nostre dernier testament; a ces fins revoquons tous autres que Nous pourrions avoir faitz et tout leur contenu; et s'il ne vaut a present ou a l'advenir comme testament, qu'il vaille comme codicille, et par tous meilleurs moyens.

  A022001053 

 Il fut faict haeretique par la violence des Bernois, il y a environ 60 ans, sans que les [139] habitans eussent ny loysir ny moyen de considerer ce qu'ilz faysoyent abandonnant l'Eglise catholique..

  A022001054 

 Plusieurs eglises y furent reconciliees, et plusieurs personnes aussy, quand Son Altesse y fut au commencement des guerres; mays despuis, tous les lieux y ont estes pillés et violés par l'ennemy, et les personnes retombees en l'erreur par crainte: si qu'en tout le balliage il n'y a qu'un autel, tout nud et sans aucune commodité pour y celebrer, qui est en la paroisse des Alinges.

  A022001055 

 Et des lhors y furent envoyés deux predicateurs par Monseigneur le Reverendissime, qui ont praeché ordinairement en la ville de Thonon et en la parroisse des Alinges des le mois d'octobre en ça, n'y ayant point eu de moyen ny commodité ailleurs d'y faire le mesme.

  A022001055 

 Or Son Altesse, l'annee passee, declaira par une lettre a Monseigneur le Reverendissime de Geneve, que son intention estoit que l'Eglise catholique fut restablie en ce balliage par la praedication et autres exercices.

  A022001057 

 En quoy ilz se sont d'autant plus resoluz, qu'ilz n'ont jamais voulu croire que Son Altesse desire leur reduction, par ce que, comme plusieurs ont dict, si ell'eust eu cest œuvre a cœur, elle eust faict inviter les habitans a la prendre, par quelque declaration de son intention.

  A022001058 

 Si donq il playsoit a Son Altesse favoriser cest œuvre d'une sienne lettre addressee a la ville de Thonon, par laquelle elle declarast son desir en ce faict, il ne faut pas douter qu'une grande partie des bourgeois et habitans ne vint a la praedication, ou peu a peu ilz se pourroyent instruire de la verité.

  A022001060 

 Esperant qu'avec ceste commodité vous pourres reconnoistre le bon chemin de vostre salut, le mesme zele qui Nous a poussé a vous procurer ce bien Nous faict encor vous inviter et exhorter par ce mot a bien user d'iceluy, ouyant diligemment les raysons qui vous sont proposees, les pesant et considerant de pres, et proposant les difficultés que vous y trouveres aux predicateurs, ne Nous pouvant estre chose [143] plus aggreable que d'entendre vostre advancement et prouffit en nostre sainte religion catholique..

  A022001061 

 Que s'il playsoit, outre ceste vostre, en faire une autre a monsieur le Baron d'Hermance, gouverneur du duché de Chablaix, et une troysiesme a monsieur le Juge maje de Thonon, par lesquelles il leur fut commandé de remonstrer en une generale assemblee de Ville l'obligation que tout le pais a de seconder une si douce et charitable invitation de son Prince, il y a dequoy esperer en Dieu que bien tost tout le Chablaix, et peu a peu tout l'entour de Geneve, se reunira a l'Eglise catholique: qui ne sera pas peu de chose, ny de peu d'importance, ad laudem Christi Dei totiusque cœlestis Curiae.

  A022001071 

 Et affin qu'ilz peussent continuer, Leurs Altesses commandèrent a diverses fois qu'on delivrast quelque somme pour leur nourriture: ce que n'ayant esté faict, les habitans n'ont peu croire que ces prœdicateurs fussent la par la volonté de Leurs Altesses, et lesdits praedicateurs ont estés contraints de se reduire a un seul qui praechast en deux lieux, pour ne charger trop les particuliers qui avançoyent la despense.

  A022001071 

 L'annee 94, Son Altesse fit sçavoir par une sienne lettre tres expresse a Monseigneur l'Evesque de Geneve, [145] que son intention estoit que l'exercice catholique fut [146] restably en Chablaix; et par ce, y furent envoyés deux praedicateurs, desquelz l'un commença au mois de septembr' a praecher dans Thonon, et l'autr'en la parroisse des Alinges.

  A022001072 

 Et des ores y ayant certaine esperance de bon succes, et mesme plusieurs parroisses demandant l'exercice catholique, il faudroit y acheminer environ huict predicateurs debrigués de tout'autre charge, pour precher de lieu en lieu selon la necessité; et leur entretenement pourroit venir a cent escus pour homme, dequoy il (sic) ne manieront rien, mais sera delivré selon le besoin par qui il sera advisé..

  A022001075 

 Or, pour trouver tant de revenu, il est expedient que messieurs les Chevaliers de Saint Lazare et autres qui y tiennent les revenuz d'Eglise, se contentent de payer ces sommes par forme de pension, attendant qu'autrement soit prouveu et que tous les benefices curés soyent laissés a cest effect.

  A022001080 

 L'annee 94, Son Altesse fit sçavoir a Monseigneur l'Evesque de Geneve, par une sienne lettre, que son intention estoit que [145] l'exercice catholique fut remis en Chablaix, et partant y fut envoyé le Prevost de Saint Pierre de Geneve, avec le chanoine de Sales, pour voir comme on pourroit donner commencement; et ce pendant, il pourroit consoler le peu de catholiques qui y restoyent, de quelques praedications.

  A022001080 

 Ledict Prevost commença au mois de [146] septembre de praecher a Thonon, et le chanoine de Sales aux Alinges; et despuis fut commandé d'y continuer, par l'advis mesme de feu monsieur le Baron d'Hermance, gouverneur de Chablaix.

  A022001091 

 Et pour le bien de cest' escole, il seroit bon y employer un léegat faict par François [152] Echerny, de douze cens florins annuelz, pour l'entretenement de quelques pauvres escoliers..

  A022001095 

 Plays' encor a Son Altesse user de sa liberalité vers une petite parroisse nommee Mezinge, voysin' aux Alinges, laquelle se reduict maintenant tout' entier' a la foy catholique, et qui fut toute bruslëe par les gens de Son Altesse affin qu'elle ne servit aux embuscades des ennemis; comm' il appert par l'attestation que leur en a faicte le sieur Juge maje de Chablaix.

  A022001097 

 Et partant sembleroit bon de leur en laisser quelque forme, avec ce changement: que puisque telles corrections se doivent faire a [155] la forme de l'Evangile, ce president seroit l'un des praedicateurs, constitué par l'Evesque; les conseillers, [156] des plus apparans dela autour, moitié ecclesiastiques, moitié lais, entre lesquelz le premier seroit un des seigneurs officiers de Son Altesse, avec voix decisive.

  A022001097 

 La seroit ( sic ) corrigés telz vices que ceux qui y estoyent corrigés parmi les huguenotz, et la peyne, tant pecuniaire que corporelle, pourra estre limitee par Son Altesse comm' elle l'estoit au Consistoire des huguenotz..

  A022001105 

 Et partant sembleroit qu'il sera bon de leur en laisser quelque forme, mays avec ce changement: parce que ces corrections se doivent faire par parolle et remonstrance a la forme de l'Evangile, le praesident sera l'un des praedicateurs, tel qu'il plaira a l'Evesque de deputer; aura pour conseillers les plus notables de la ville et lieux de la autour, moidé ecclesiastiques, moitié laiz, vieux, graves et de reputation, et entre les laiz assistera tousjours l'un des seigneurs et le premier officier de Son Altesse, qui y aura voix decisive.

  A022001105 

 Et quant a la peyne pecuniaire, Son Altesse la pourra limiter a quelque somme, et sera tousjours toute appliquee aux pauvres [du lieu] et a la reparation de l'eglise, par l'advis de l'assemblee; et la peyne corporelle, elle pourra aussy estre limitee par sadicte Altesse a quelques jours de jeusne qui se passeront es prisons de sadicte Altesse, sans note d'infamie..

  A022001107 

 Les biens stables de tous ces benefices ont esté presque tous alienez par les Bernois.

  A022001107 

 Quelques personnes ecclesiastiques en possedent quelques uns legitimement; les autres fruicts ont esté unis à la Milice de l'Ordre des saincts Maurice et Lazare par le Pape Gregoire treiziesme, le treiziesme jour du mois de juin, l'an mil cinq cens septante neuf, et de son Pontificat le huictiesme; et d'iceux quelques commanderies ont esté érigées.

  A022001108 

 Et Vostre Altesse, selon sa pieté, ne permettra point que tous ces desseins et tous ces efforts soyent en vain; mais plustost, puis qu'elle s'est des-ja acquise la grandeur par la pieté mesme, elle preferera ceste victoire qu'elle peut Remporter sur la cruauté de l'heresie à toutes les autres qui sont preparées à sa vertu.

  A022001115 

 Ces années passées, Monseigneur, que Vostre Altesse [158] estoit venuë en Savoye pour faire la guerre aux huguenots, selon son zele à la religion catholique, elle avoit déclaré par lettres patentes que sa volonté estoit que tous les biens d'Eglise fussent restituez, specialement à l'Eglise cathedrale de Geneve, qui est des principales de vos Estats, et, entre les principales, la plus illustre et plus ancienne; et ceste volonté vostre a esté enterinée par vos cours souveraines du Senat et de [159] la Chambre des Comptes de Savoye.

  A022001116 

 Privez de tout secours humain et chassez de leur cité comme des larrons, ils sont contraincts de celebrer leurs Offices dans une eglise mendiée, que toutesfois ils font si bien, par la grace de Dieu, qu'il n'y a point d'eglise en l'Europe (et que cecy soit dit sans envie) où les divins Offices soyent celebrez avec plus de solemnité, ayant esgard à leur pauvreté, qui est presque extreme..

  A022001117 

 Le Pape Pie IV et le Pape Gregoire XIII les avoyent exemptez du payement des decimes, quelque grande que fust la necessité; neantmoins, les années passées, huictante neuf, nonante et nonante une, toutes les graines de ceste Eglise furent enlevées par les officiers de Vostre Altesse, de sorte que les Chanoines furent contraincts de mendier leur vie chez leurs parens et amis..

  A022001122 

 Pour introduire entierement la tres sainte religion catholique en Chablaix, il est grandement necessaire de prier Son Altesse Serenissime qu'elle remette tous les benefices curés qui ont esté possedés jusques a present par les Chevaliers des Saintz Maurice et Lazare, aux pasteurs qui ont esté et qui seront establis par l'Evesque de Geneve, affin que les exercices et Offices sacrés y soyent deuement observés, les Sacremens administrés aux peuples..

  A022001123 

 Rien ne peut arriver de plus utile a ceste province de Chablaix que si l'on construit et erige un college de la [162] Compaignie de Jesus en la ville de Thonon; car d'iceluy, non seulement maintenant plusieurs Religieux pourroyent aller par tous les autres lieux du diocese, mais encores, comme d'un Seminaire, plusieurs prestres et jeunes hommes pourroyent sortir par cy apres, qui porteroyent l'Evangile par toutes les villes et villages du voysinage.

  A022001124 

 Mays affin que ce college puisse subsister, il faut ceder le prieuré de Saint Hippolite, situé au milieu de la ville et [avec] commodité de beaux et grans bastimens, de revenu annuel de mille et deux cens escuz, uni par cy devant a l'eglise parroissiale de Viry par le Pape Sixte cinquiesme; laquelle eglise collegiale en fera volontier la cession pour une chose si sainte et de si grande importance, et luy suffira si, a ceste consideration, il plaist a Sa Sainteté de luy unir quelque autre benefice..

  A022001126 

 Quant a ce qui regarde l'eglise collegiale de Viry, au balliage de Ternier, affin qu'elle soit restituee en son premier estat, selon la teneur de la Bulle de son erection, il faut prier Son Altesse qu'en compensation du prieuré de Thonon, il luy playse de consentir a l'union des egiises de Saint Julien et de Thoiry, comme encores qu'elle puisse percevoir les dismes des lieux voysins de [164] Beaumont et de Bernex, appartenantes au prieuré de Saint Jean hors les murs de Geneve et maintenant possedees par les Chevaliers des Saints Maurice et Lazare, de la valeur annuelle de cinq cens florins, avec une pension de trente couppes de froment de la mesure de Chaumont, ou de vingt couppes de la mesure de Chamberi; a rayson de laquelle pension ceste eglise collegiale fournira d'un aumosnier aux soldatz du fort de Sainte Catherine..

  A022001127 

 Et parce que les Genevoys ont si souvent dit par cy devant qu'ilz vouloyent conferer avec les theologiens catholiques, quoy qu'ilz semblent d'avoir manqué de courage, neanmoins il faut les contraindre a ce faire; et pour ce, escrire au ministre Perrot qu'il fasse avoir la response dont il s'est chargé.

  A022001128 

 Et parce que le curé d'Annemasse doit supporter plusieurs charges pour ce fait, tant a recevoir les predicateurs, secourir les energumenes, qu'a reparer les ruines de son eglise, il faut supplier Son Altesse qu'elle consente a l'union des dismes que les Religieuses de Bellerive percevoyent autresfois riere la parroisse [166] d'Annemasse, maintenant possedees injustement par un heretique de Geneve, achetees d'une Religieuse..

  A022001157 

 Or, nous souhaitons ardemment que beaucoup d'autres viennent également à pénitence; mais nous avons appris avec un profond étonnement qu'un grand nombre sont retenues dans l'erreur par la fausse crainte et la vaine frayeur de ne pas être en assurance pour leur vie et leurs personnes parmi les catholiques, malgré les absolutions données par l'autorité du Siège Apostolique.

  A022001157 

 Quelques personnes vertueuses, touchées de la miséricorde de Dieu, sont retournées à lui avec un humble repentir, et, quittant les ténèbres de l'hérésie calviniste, sont venues à la vraie lumière du Christ Jésus, notre vrai Soleil; puis, par notre entremise, en [168] vertu de l'autorité qui nous a été accordée par le Saint-Siège Apostolique, elles ont été admises au baiser de paix de la sainte Eglise Catholique, Apostolique, Romaine.

  A022001158 

 Nous lui donnons l'assurance que, revenant au vrai bercail du Christ, il sera reçu et traité avec bonté, et qu'avec une loyauté parfaite, il sera, comme il est dit ci-dessus, affranchi et libéré de toute peine infligée pour cause d'hérésie et aux hérétiques par n'importe quel juge ecclésiastique ou séculier..

  A022001171 

 Lever le maistre d'escole heretique de ceste ville, avec rafraischissement des inhibitions et defences portees par les statutz de Savoye, qu'aucun subject ne [171] puisse envoyer a l'estude ses enfans hors les Estatz de Son Altesse sans expres congé d'icelle..

  A022001172 

 Pour le particulier du maistre d'escole, S. A. l'accorde; et quant a mander les enfans dehors, elle y a prouveu par son Edict general..

  A022001173 

 Et au lieu du maistre heretique en loger un catholique, et donner une expresse commission a messieurs les Gouverneur, Juge maje et Procureur fiscal, de restablir et faire representer un legat laissé par François Echerny et sa femme, destiné a l'entretenement de douze pauvres escoliers, pour estre employé, selon l'intention du legateur, pour la nourriture de ces douze escoliers, qui soyent catholiques..

  A022001194 

 Qu'il soit defendu a toutes personnes de lire ou tenir livres heretiques, censurés et prohibés, et faict commandement a ceux qui en ont de les remettre dans le moys es mains du Reverendissime Evesque; lequel moys expiré, pourront lesditz deputés en faire recherche particuliere par les maysons, et y proceder par censures ecclesiastiques et autres peynes de droit, assistés des officiers locaux pour leur faire main forte et y proceder, non obstant opposition et appellation..

  A022001195 

 De nouveau sera faict Edict general touchant tous les livres prohibez qui sont portez par sus l'Estat de Savoye; defence a tous d'en transmarcher ça et la, a grosse peine.

  A022001196 

 Qu'es jours des festes chacun assistera aux divins offices de l'Eglise, mesme de la Grande Messe, Vespres, presche, processions, et y seront a ce contraintz par les officiers locaux; a telle peyne qu'il playra a Son Altesse..

  A022001197 

 Et quant à ceux qui ne sont catholisez, sadicte Altesse veut et commande, pour obvier a un atheisme, que tous les hommes et femmes assisteront aux presches catholiques, et ordonne a tous ses officiers d'y tenir main, et y contraindre les defaillans par toutes voyes possibles et necessaires; et que tous peres et meres et chefs de famille feront venir leurs enfans au catechisme, defendant de porter baptizer, instruire et faire mariages autre part qu'en l'Eglise Catholique, a peine de son indignation et amende arbitraire..

  A022001198 

 Qu'il ne sera permis a personne de se monstrer en public, ni demeurer dans les tavernes, moins de danser, ni ouvrir les boutiques, es jours des festes, pendant les Grandes Messes, Vespres, processions et presches; a peyne portee par les Editz de Son Altesse..

  A022001200 

 Que les peres et meres de famille envoyeront leurs enfans, filles, serviteurs, chambrieres et autres domestiques a l'eglise es jours deputés, pour ouyr le cathechisme; et a ces fins, seront commis par les ruës des villes et villages des parroisses des dizainiers pour les enrooller, et accuser aux peres spirituelz l'absence de ceux qui ne s'y trouveront, pour y estre procedé contre les desobeyssans par telles peynes qu'il playra a Son Altesse..

  A022001202 

 Que l'Edit de la privation de tous offices publiez contre ceux qui demeurent obstinés en leur heresie sera observé selon sa forme, avec declaration qu'ilz ne pourront exercer lesditz offices ni fermes par interposites personnes, moins y participer; a peyne de l'Edit pour ceux qui les associeront..

  A022001209 

 Les droicts et tiltres requis seront remis es mains du sieur d'Angeville, œconome deputé par sadicte Altesse, et du Procureur fiscal, qui s'en chargeront par inventaire.

  A022001210 

 Qu'il playse a Son Altesse de remedier a l'abus qui se commet aux graines des aumosnes destinees pour les pauvres villageois et reservees par les baillafermes, affin qu'elles soyent employees ainsy qu'il appartient; et par ce moyen en faire declaration expresse, deputant des commissaires pour ouyr les contes des precedens fermiers sur le faict des aumosnes, et commander au Senat de contraindre ceux qui les ont retirés, de les rendre et tenir conte, suyvant ce qui sera ordonné par le Reverendissime Evesque..

  A022001211 

 Se fera la reddition des comptes desdicts bleds des aumosnes de trois en trois mois, en presence du seigneur Reverendissime Evesque de Geneve, ou de son Official; present le Juge mage, ou Procureur fiscal, appeliez les deux syndiques de Tonon; auquel Juge mage est mandé de faire observer ce qui sera resolu, nonobstant opposition ou appellation, par ledict seigneur Evesque, tant pour le regard de la distribution desdictes aumosne, que pour reddition desdicts comptes de ce qui est escheu pour le passé et n'a esté distribué par les fermiers, que pour les aumosnes du temps a venir.

  A022001216 

 Et que, tant lesditz seigneurs Gouverneur que magistratz, tiendront main a l'observation de ce que dessus, et, en ce qui concerne la jurisdiction spirituelle, assisteront aux officiers par toutes voyes de justice deuë et raysonnable, a la forme du droict, et suyvant les Editz de Son Altesse et son intention..

  A022001248 

 C'est pourquoi, comme nombreux sont les curés si pauvres qu'ils sont contraints d'abandonner leurs enfants spirituels, on demande que l'Evêque puisse, chaque fois qu'il en sera prié, même en dehors de la visite générale, leur assigner une portion congrue sur les dîmes, prémices et oblations de leurs paroisses, possédées par les Abbés, Prieurs et autres ecclésiastiques; et cela, nonobstant n'importe quelle opposition ou appel..

  A022001249 

 Sans l'autorisation désirée, les chanoines, n'ayant pas de quoi vivre, se disperseront, non sans grand préjudice du diocèse qu'ils servent par leurs prédications et en prêtant leurs concours aux affaires de l'évêché..

  A022001255 

 Aussi supplie-t-on Sa Sainteté que, ayant compassion de la faiblesse de ces brebis égarées, Elle accorde à perpétuité, tant à l'Evêque et à son Vicaire, qu'à dix ou douze hommes doctes et capables choisis par le Prélat, le pouvoir et la permission d'absoudre ces hérétiques, même relaps, de n'importe quelle hérésie; et, pour cet effet, et afin de pouvoir répondre à leurs mensonges, qu'Elle les autorise [186] tous à garder et lire les livres défendus, notamment ceux que les [calvinistes] font paraître tous les jours.

  A022001255 

 On demande cette permission à perpétuité, à causé des nombreux empêchements qu'on peut avoir de recourir à Rome, parfois même quand le besoin en est plus grand, comme maintenant; et d'autant plus que, jusqu'ici, les pouvoirs accordés à l'Evêque ont été, par la grâce de Dieu, employés heureusement et avec fruit..

  A022001255 

 Par suite des guerres passées, nombreux sont les hérétiques, même relaps, qui, originaires ou habitants de ce diocèse, désirent rentrer dans le sein de l'Eglise; toutefois, ils ne peuvent s'y résoudre, surtout les femmes, les vieillards, les domestiques et tels autres, parce qu'ils ne veulent pas se rendre chez l'Evêque.

  A022001256 

 Il serait bon aussi que l'Evêque pût communiquer la faculté de bénir les ornements et les nappes d'autel, vu la grande quantité qui en sera nécessaire et la notable incommodité qu'il aurait à tout faire par lui-même..

  A022001257 

 Les Monastères de Savoie, d'hommes et de femmes, donnent à tous d'incroyables scandales par la mauvaise vie de ceux qui les habitent: c'est pourquoi, et parce que le mal est invétéré, on demande qu'un Prélat ultramontain, ou un autre des Etats de Savoie, comme mieux informé de ce qui est requis, reçoive commission de visiter tous les Monastères, assisté de deux Pères [187] Jésuites, Capucins ou autres, selon qu'il sera expédient; de les réformer et corriger de par l'autorité Apostolique, sans appel ni opposition quelconque; et cela d'autant plus que tel est le désir du Sérénissime Duc de Savoie qui, à cet effet, prêtera tout secours du bras séculier là où il sera nécessaire..

  A022001318 

 Expose très humblement à Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève, comme autrefois, à l'instance d'Emmanuel-Philibert [189], alors duc de Savoie, ont été unis à l'Ordre militaire des Saints Maurice et Lazare tous les bénéfices simples, cures, monastères, prieurés et autres, des pays de Gex, Ternier et Chablais, sous prétexte que les habitants de ces bailliages étaient luthériens ou calvinistes, et que pour cette raison le culte divin n'y pouvait être exercé; cette union fut limitée avec une clause, par laquelle le Pape Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, déclara que si les habitants de ces bailliages venaient à se convertir à [190] la sainte foi, les Chevaliers de Saint-Lazare devraient donner à chacun des curés que nommerait l'Evêque cinquante ducats par an.

  A022001318 

 Or, comme ces jours derniers, par le moyen de prédications continuelles, tous les habitants de Ternier et du Chablais sont revenus au giron de la sainte Eglise, au nombre de soixante-quatre paroisses, il faudra y établir des curés capables et savants; et en outre, dans l'église de Thonon, principale ville de ces bailliages, huit prêtres au moins seront nécessaires, tant pour entendre les confessions que pour administrer les Sacrements, ainsi que trois prédicateurs robustes pour exercer sans discontinuer le ministère apostolique de la prédication.

  A022001324 

 Supplie donc Votre Sainteté qu'Elle daigne concéder la permission de supprimer une prébende monacale dans les monastères et prieurés conventuels de son diocèse, vacante ou à vaquer, en sorte qu'il puisse assigner à chaque théologien deux prébendes, selon [192] qu'il paraîtra expédient; et, à défaut de prébendes, de pouvoir supprimer quelques bénéfices simples des églises dans lesquelles sera constituée une prébende de cette sorte, et d'en appliquer les fruits à cette théologale; puisque, par ce moyen, dans lesdits monastères, prieurés et églises le culte divin ne sera pas du tout diminué, mais au contraire prendra de jour en jour un nouvel accroissement..

  A022001329 

 Supplie donc Votre Sainteté, qu'Elle daigne lui donner permission d'assigner une portion congrue à ces curés, même en dehors de la visite générale sur les dîmes, prémices et oblations possédées par les Abbés, Prieurs et autres ecclésiastiques, selon qu'il le jugera nécessaire, nonobstant toute opposition ou appellation quelconques.

  A022001334 

 C'est pourquoi supplie Votre Sainteté qu'Elle daigne lui accorder permission de dispenser du quatrième degré de consanguinité ou d'affinité, et d'absoudre ceux qui jusqu'à ce jour, nonobstant ce quatrième degré, ont contracté mariage, avec le pouvoir de déclarer légitimes les enfants issus de ces unions, et cela au moins au for de la conscience; attendu qu'ils sont empêchés par leur pauvreté de recourir à Rome, et qu'ils sont contraints par la petitesse du lieu de contracter ensemble..

  A022001348 

 Supplie très humblement Votre Sainteté Claude de Granier, Evêque de Genève, qu'Elle daigne en ce qui concerne les chanoines de son Eglise cathédrale, accorder dispense pour qu'ils puissent obtenir et retenir, avec leurs canonicats, des églises paroissiales, en y mettant des vicaires capables et suffisants pour exercer charge d'âmes; attendu que tous sont ou nobles ou docteurs, et ne [196] peuvent avec les revenus de leur canonicat, qui ne dépassent pas la somme de soixante ducats, vivre décemment, ni ne peuvent aspirer à d'autres bénéfices, puisque presque tous sont soumis au droit de patronage et ne sauraient, par conséquent, être obtenus sans la présentation du patron.

  A022001379 

 Or, il est arrivé que les mois derniers, par la vertu du Saint-Esprit et par les prédications continuelles de la parole de Dieu qui ont été faites, presque tous ceux qui habitent les contrées du Chablais et de Ternier en Savoie, ont embrassé la sacrosainte foi catholique, [200] et surtout ceux qui habitent Thonon, ville principale de la province, avec soixante-quatre paroisses qui s'étendent tout à l'entour.

  A022001380 

 A Thonon, d'autre part, il y avait autrefois une église avec un couvent de l'Ordre des Ermites de Saint-Augustin, d'une valeur annuelle de cent écus environ, unie à l'Ordre militaire des saints Maurice et Lazare par le Pape Grégoire XIII, d'heureuse mémoire, sous prétexte que ce peuple était loin de la conversion; or, ce couvent est détruit et l'église souffre de ruines nombreuses, en sorte qu'il serait presque impossible à ces Frères de la rebâtir.

  A022001381 

 Par ce moyen ils pourront se transporter à Thonon, restaurer l'église, et produire le fruit que l'on peut attendre de l'effet de la parole divine; en decrétant, toutefois, que tous ceux qui possèdent des bénéfices quelconques fondés dans l'Eglise de Genève, principalement [202] les douze prêtres de la chapelle des Saints Machabées, qui, d'après la fondation, sont obligés de faire résidence en cette chapelle, soient tenus, sans aucune opposition ni exception, de suivre et accompagner les Chapitre et Chanoines, sous peine d'être retranchés de ce même Chapitre; auquel cas, d'autres seront élus en leur place.

  A022001406 

 Cette partie des décimes pourrait être facilement payée par d'autres bénéficiers moins chargés et plus riches..

  A022001408 

 Or, bien qu'on ait recouru par plusieurs Mémoires à M. le Cardinal et qu'on en ait fait souvent ressouvenir son Secrétaire pour qu'il daignât écrire conformément à l'intention de Sa Sainteté, on nous a toujours répondu que la chose se ferait, mais jamais qu'elle avait été faite.

  A022001408 

 Si donc Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime n'a pas encore reçu l'ordre requis pour cette affaire, Elle est suppliée de la [208] rappeler à M. le Cardinal, afin que l'Evêque jouisse des effets de la faveur accordée par le Saint-Siège..

  A022001412 

 Ces pouvoirs seraient nécessaires non seulement au Prévôt, mais encore à ceux qui seront délégués sous peu par l'Evêque de Genève, à cause de l'abondance de la moisson et de la pénurie des moissonneurs.

  A022001420 

 Que le Brief rapporté par luy du Saint Siege a esté demandé, accordé et obtenu pour le service de Dieu, de l'Eglise et de Son Altesse, a laquelle il touche de le [213] soustenir, et non a celuy qui, comme simple serviteur, le porte et produit, et qui n'a en cest affaire autre interest que le general de l'advancement du royaume de Dieu..

  A022001421 

 Que neanmoins, s'il plaist a Son Altesse que ledit Prevost, comme serviteur, rende rayson de la volonté du Pape portee par le Brief par luy obtenu, il dira:.

  A022001422 

 Le Brief de nostre Saint Pere Clement huictiesme est en conformité de celuy de Gregoire treiziesme allegué par les supplians, auquel ledit Gregoire, prouvoyant au cas heureusement advenu en nos jours sous l'authorité de Son Altesse, baille les benefices des balliages a la Milice (comme inutiles alhors a leur naturel usage, qui estoit indubitablement le maintien des gens d'Eglise), avec ceste condition:.

  A022001429 

 Et quand audit Brief de Gregoire treiziesme telle condition ne seroit apposee, le Pape du jourd'huy, qui peut en cest endroict absolument disposer, dispose en faveur des peuples et de l'advancement de la religion chrestienne, comme il appert par son Brief..

  A022001434 

 Troysiesmement, que la determination de l'entretenement soit remise a l'Evesque, par ces parolles: in quello che ragionevolmente et bonamente.

  A022001436 

 Mais la condition apposee par Gregoire, a laquelle ilz ont consenti, relevoit de ceste peyne.

  A022001444 

 Partant ledit Prevost, comme tres humble sujet et orateur de Vostre Altesse, supplie pour l'amour de Dieu que l'execution ne soit aucunement retardee, ains avancee, maintenue et soustenue par les graces necessaires a icelle..

  A022001455 

 Vostre Altesse avoit donné mainlevee, par maniere de provision, du revenu de tous les benefices de Chablaix et Ternier pour l'entretenement des ecclesiastiques necessaires pour l'exercice de la religion Catholique nagueres restablie en ce pais par le zele de Vostre Altesse.

  A022001456 

 Vostre Altesse commande au Praevost de Sales, par un decret du 29 avril 99, qu'on sursoye a tout'execution: si que ce pauvre païs demeure tout nud et desprouveu de tous les moyens requis a la continuation de la religion sainte quil a embrassé, avec tant de satisfaction de Vostre Altesse et de bon exemple pour tous les catholiques..

  A022001457 

 Et partant, quil luy playse, ou de commander [219] absolument, purement et efficacement que le Brief de Sa Sainteté soit mis en execution sans dilation, sauf a la ditte Milice de recourir en cas d'abus et se prouvoir comme et vers qui elle verra a faire; ou de commander expressement a l'un des seigneurs de son Senat ou Chambre des Comtes de Savoye d'assister a laditte execution qui se fera par ledit Reverendissime Evesque de Geneve, a laquelle pourra aussi entrevenir un deputé par le Conseil de la susditte Milice, affin que toute accusation d'abus soit evitee.

  A022001462 

 Et bien que tout le revenu ecclesiastique de Chablaix qui est en estre et n'a esté aliené, malaysement peut suffire a ce quil seroit besoin faire en ce commencement, auquel on ne peut jamais faire que trop peu, si est ce que ledit Evesque, quand a ce qu'il luy touche, se contentera simplement de ce qui est necessairement [221] necessaire, layssant au surplus a la pieté de Vostre Altesse de prouvoir et au college des Jesuites, ja conclud et destiné par elle avec le Pere General de l'Ordre, et aux autres œuvres qui sont de telle importance qu'elle sçaura tres bien juger..

  A022001484 

 Sonno poi notati li monasterii et priorati doue sonno delle prebende vacanti, se ben mi par molto più sicuro se nella provisione si concederanno dette prebende [230] sotto questa alternativa: cioè, le prime vacanti o da vacare, perciochè mentre si va deliberando et proponendo, potria esser che delle vacanti si provedesse dalli Abbati o Priori..

  A022001495 

 Partant, on pourrait, avec cette prébende, ménager à la Cathédrale une bonne théologale qui monterait à 200 écus par an, tout en restant chargée de la fabrique.

  A022001498 

 Ses prébendes [226] n'atteignant pas les vingt-cinq écus par an, on pourrait leur en ajouter une de l'abbaye d'Entremont, ou Intermontium, des Chanoines réguliers blancs, qui n'existent pas, que je sache, en Italie, et une autre du prieuré de Contamine, de l'Ordre de Cluny; ces deux prébendes montent à cent écus.

  A022001499 

 En effet, Grégoire XIII lui accorda une prébende, mais actuellement le théologal, Dominicain, n'est guère payé, et par suite ne peut y faire sa résidence.

  A022001504 

 On a indiqué les monastères et prieurés qui ont des prébendes vacantes; mais, en accordant la provision, il me semblerait [230] beaucoup plus sûr de le faire en ces termes: les premières vacantes ou à vaquer; parce que, pendant que l'on propose et délibère, celles qui actuellement se trouvent vacantes pourraient être pourvues par les Abbés ou Prieurs..

  A022001515 

 Et par ce que les sieurs Chevaliers rachettant les biens des autres benefïces pourroyent, ou par mesgarde ou autrement, prendre les biens des cures en guise des autres, seront obligés monstrer les contractz aux deputés de l'Evesque, par lesquelz il sera regardé si lesdits biens sont ou aux cures ou aux autres benefïces..

  A022001523 

 Et par ce que Son Altesse, selon sa pieté, voulut que neantmoins l'exercice catholique fut continué es dittes deux parroisses, a ces fins ordonna que cent escus d'or seroyent [235] delivrés annuellement aux deux prestres qui feroyent ledit exercice, assignation donnee sur la gabelle a sel; delaquelle somme, neanmoins, on n'a jamais peu estre [236] payé que pour troys ans, de sorte que les ecclesiastiques deservans es ditz benefices ont esté contraintz de s'entretenir d'empruntz faitz tant par eux que par ledit Evesque..

  A022001523 

 Il y a dix et sept ans, qu'a la poursuite de l'Evesque de Geneve fut obtenu un Arrest du Senat par lequel les cures d'Armoy et de Draillans furent adjugees a leurs curés et legitimes titulaires.

  A022001523 

 Mays soudain [234] apres, par commandement expres et absolu de Son Altesse Serenissime pour certaines justes et extraordinaires considerations, lesdites cures furent remises a la ville de Geneve, les curés en demeurant privés.

  A022001524 

 Et parce que la pieté, l'equité et la justice requerans que, a l'advenir, ledit exercice catholique soit continué, et par consequent les prestres entretenuz, Son Altesse est suppliee en toute humilité de faire poser ce payement au bilan, pour cette annee et les suivantes, comme encor pour les arrerages................................................................................................

  A022001535 

 Ce qu'il n'a onques esté possible d'obtenir, se passant maintenant la sixiesme annee sans que lesditz pauvres supplians ayt ( sic ) jamais peu avoir un seul liart des gabeliers, non obstant toutes les poursuites, sollicitations, supplications et remonstrances faites tant par les supplians que par le seigneur Evesque de Geneve, leur Praelat, et non obstant encor plusieurs ordres donnés par Vostre Altesse a diverses fois, et plusieurs Arrestz et sinceres diligences faitz par la Chambre des Comtes de Savoye qui n'a rien obmis en cela, jusques a ne vouloir clorre les comtes des gabeliers; en sorte que le sieur Velasque, dernierement a Chamberi, declara audit Evesque que lesditz curés [239] n'en auroit ( sic ) onques rien, les gabelles estant toutes espuysees et employees pour les maysons de Vos Altesses et autres assignations praecises, et que jamais nul ordre, quel qu'il fut, ne serait suffisant pour cela..

  A022001535 

 Et pour, d'un costé, reparer aucunement l'evidente et grand ( sic ) perte des supplians causee par ledit commandement, comm' aussi, d'autre part, pour ne laisser les eglises et peuples desditz Armoys et Draillans destitués de pasteurs, et par consequent de Sacremens et de religion, Son Altesse assigna pour l'entretenement desditz pauvres curés, a chacun cinquante escus sur la gabelle a sel dudit Chablaix; sommes petites, mais desquelles lesdits curés, tres humbles sujetz de Son Altesse, demeuroyent contentz, si elles leur eussent esté delivrees an par an.

  A022001535 

 Supplient en toute humilité, les pauvres orateurs de Vostre Altesse, curés des parroisses d'Armoy et Draillans en Chablaix, disans qu'apres avoir, par un tres juste Arrest de vostre Senat de Savoye, et duquel ilz ont payé un grand emolument, otenu ( sic ) contre ceux de [238] Geneve, detenteurs et tres injustes occupateur ( sic ), la pleine possession et jouissance des dixmes et revenus dependans de leurs cures, il pleut a Son Altesse, pour certaines raysons a Elle conneues, leur commander absolument de quitter lesdits revenus ausdits de Geneve.

  A022001554 

 Oltre che havendo Sua Maestà [247] dichiarato che vuole l'Editto suo esser osservato nelli paesi nuovamente uniti circa quello che è favorevole all'essercitio della heresia, par che reciprocamente debba farlo osservare circa quello che è favorevole alla Chiesa..

  A022001562 

 Il ne faut pas craindre que pour cela ils se révoltent; le duc de Savoie a bien établi le culte catholique dans les autres bailliages, et cependant ils n'ont pas bougé, quoique, [243] pressés par leurs ministres, ils s'en soient plaints.

  A022001563 

 Quelques-uns ont été vendus et aliénés par les Bernois: la restitution de ceux-ci serait bien difficile, parce qu'en les vendant, ils ont promis d'en maintenir la possession à ceux qui les ont achetés; aussi la seule requête qu'on fait au sujet de ces revenus, c'est qu'on puisse les recouvrer en faveur de l'Eglise quand les ecclésiastiques seront en mesure de payer en argent le prix exact donné aux Bernois..

  A022001564 

 C'est pourquoi, bien que ces revenus soient dans le pays de Gex, on n'en espère rien, sinon par la Providence de Dieu..

  A022001564 

 D'autres bénéfices sont situés dans le bailliage de Gex; ils appartenaient jadis à l'Evêque de Genève, et maintenant ils sont détenus par les Genevois.

  A022001565 

 D'autres sont occupés par les ministres et par des laïques, sans aucun titre légitime; et quant à ceux-ci, il n'y a point de difficulté, puisqu'ils sont dans le domaine du Roi et sous sa juridiction.

  A022001566 

 D'autres enfin sont aussi sous la juridiction de Sa Majesté, mais détenus par la prétendue République de Genève; ceux-ci appartiennent principalment à l'Eglise cathédrale, au Chapitre et [246] à la chapelle dite des Machabées qui est unie à la même Cathédrale.

  A022001575 

 Claude de Granier, Evesque de Geneve, avec tout son Clergé, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que, par la misere des troubles advenuz a l'occasion du schisme et division de religion, l'exercice de la religion Catholique, Apostolique et Romaine a esté entierement expulsé du balliage de Gex, et les saintz temples, maysons et patrimoines de l'Eglise occupés et detenuz violemment; les prestres et pasteurs dechassés.

  A022001576 

 A laquelle juste supplication Vostre Majesté s'estant inclinee, a renvoyé le suppliant par devers le sieur Baron de Lux, son lieutenant general es gouvernemens de Bourgoigne, Bresse, Bieugey, Valromey et Gex; lequel, donnant commencement a l'execution d'un si saint œuvre, a restably l'exercice catholique en trois cures et parroisses, remettant par mesme moyen les trois pasteurs constitués en icelles en l'actuelle jouyssance et possession des terres, maysons, fondz et autres revenuz dependantz des dittes cures, et des dismes qui proviennent es confins des territoires des dittes parroisses, selon les limites qui souloyent estre [250] au paravant l'expulsion du Clergé: et ce, tant seulement..

  A022001577 

 Mays pour le regard de la restitution requise, tant de l'exercice de la sainte religion en tous autres lieux anciennement dediés a cest usage, qu'aussi des autres benefices et biens d'Eglise aux personnes ecclesiastiques, ledit sieur de Lux a renvoyé ledit suppliant a Vostre Majesté et a son Conseil, pour luy estre par icelle fait droit et son bon playsir déclairé.

  A022001579 

 Et en particulier, le mesme Seigneur Duc restablit au balliage de Gex, dont il est question, la religion Catholique l'an 1590, rendant les benefices aux ecclesiastiques, bien que, par la misere de la continuation des guerres, ledit restablissement dura fort peu et fut rendu presque inutile..

  A022001579 

 N'estant au reste considerable le traitté jadis passé entre le Seigneur Due de Savoye d'une part, et les Seigneurs de Berne d'autre part, touchant ledit balliage de Gex et autres, au prejudice de la religion et Eglise Catholique; d'autant que ledit traitté a esté entierement [252] rompu, cassé et annullé par les guerres subsequentes.

  A022001580 

 Si que il ne demeure aucune rayson ni apparence aux detenteurs et occupateurs des eglises et benefices de Gex, pour laquelle, le balliage estant uni a la Couronne, [253] ilz ne doivent estre contraintz de subir le droit, justice et equité portée par l'Edit de pacification, au prouffit des ecclesiastiques; lequel Edit, le suppliant implore, avec la pieté et zele de Vostre Majesté..

  A022001593 

 Mays pour le regard du restablissement de la religion, requis et supplié pour tous les autres lieux qui sont en grand nombre, et de la restitution des autres biens, ledit sieur de Lux a renvoyé le suppliant a Vostre Majesté et a son Conseil, pour luy estre, par icelle, fait droit et son bon plaisir declairé.

  A022001594 

 Puisque, reciproquement, le mesme Edit sera observé, en ce qui concerne l'exercice de la religion praetendue [255] reformee, es pais eschangés comm' es autres du royaume, ainsy que Sa Majesté a declairé en la responce faitte aux Articles prsesentés par les deputés de Beugey et Valromey, qui supplioyent que l'exercice de laditte religion praetendue ne fut introduit es confins des dittes provinces; et que, au tems de la publication de l'Edit, le balliage de Gex estoit sous l'obeissance de Vostre Majesté, tenu, possedé et administré au nom d'icelle..

  A022001595 

 N'estant en ce fait considerable ( sic ) les traittés faitz entre le Seigneur Duc de Savoye et les sieurs de Berne touchant ledit balliage, au praejudice de la religion Catholique, d'autant que ledit traitté a esté entierement annullé par les guerres subsequentes; en suitte dequoy, ledit Seigneur Duc a despuis restably et remis l'exercice de la religion Catholique es trois autres balliages comprins au mesme traitté, en mesme forme et sous mesme article, ou l'Eglise fleurit maintenant et les ecclesiastiques [256] jouissent paysiblement de leurs biens, sauf de certaine partie delaquelle ilz sont en proces ordinaire, [poursuivant] la jouissance par devant le Senat de Savoye..

  A022001610 

 L'Evesque de Geneve, avec tout son Clergé, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que par la misere des troubles advenuz par le schisme et division de religion, l'exercice de la foy Catholique, Apostolique et Romaine a esté entierement expulsé du balliage de Gex; les saintz temples, maysons et patrimoine de l'Eglise, occupés et detenuz violemment; les prestres et pasteurs dechassés.

  A022001611 

 A laquelle juste supplication Vostre Majesté s'estant [258] inclinee, a renvoyé le suppliant par devers le sieur Baron de Lux, son lieutenant general es gouvernemens de Bourgoigne, Bresse, Beugey, Valromey et Gex; lequel donnant commencement a l'execution d'une si sainte œuvre, a restably l'exercice catholique en trois cures et parroisses, avec provision pour l'entretenement des pasteurs establis en icelles..

  A022001612 

 Mays pour le regard de la restitution requise, tant de l'exercice de la sainte religion en tous autres lieux anciennement dediés a cest usage, qu'aussi des autres benefices et biens d'Eglise aux personnes ecclesiastiques, ledit sieur de Lux a renvoyé le suppliant a Vostre Majesté et a son Conseil, pour luy estre par icelle fait droit et son bon playsir declairé.

  A022001624 

 En [260] quoy, aucun n'aura rayson de se lamenter, puisque ce sera traitter ledit balliage comme tous les autres sujetz du royaume, le laissant en mesme liberté; n'estant raysonnable que les pretenduz reformés d'iceluy soyent plus respectés que les autres, et que ce seul coin du royaume soit excepté de la regle generale de l'Edit, tous traittés faitz au contraire ayans esté cassés par les guerres subsequentes; n'y ayant mesme pas si long tems que l'exercice de la sainte religion y a esté, d'autant que l'an 1590 il y fut restably par le Duc de Savoye, apres que les Bernois eurent violé le traitté fait avec le pere dudit Duc.

  A022001624 

 L'une est que l'exercice de la religion Catholique soit restably en tous les lieux dudit balliage ou il estoit avant les troubles survenuz par le schisme et division de religion; et ce, selon les termes et teneur de l'Edit.

  A022001625 

 Les uns donq desditz biens ont esté alienés par les Bernois, desquelz partant ilz sont evictionnaires; et touchant ceux ci, on ne demande sinon qu'il soit loysible aux ecclesiastiques de les repeter, en rendant les deniers donnés par les acheteurs..

  A022001626 

 Autres sont possedés par ceux de Geneve, mays en tiltre de souveraineté; et de ceux ci on n'en parle point, puisque, bien qu'ilz soyent riere les terres du Roy, si [261] ne sont ilz pas sous son obeyssance.

  A022001627 

 Autres sont possedés par ceux de Geneve, mays sous l'obeissance du Roy.

  A022001628 

 Autres sont possedés par les ministres, sujetz du Roy, et riere son obeyssance, touchant lesquelz il n'y a nulle difficulté..

  A022001635 

 Que par les articles de la paix du Roy et du Duc de Savoÿe, le balliage de Gex fut inseparablement [263] uni a ceste Couronne; au moyen de quoy il doit, comme membre du royaume, jouïr de tous les privileges d'iceluy.

  A022001638 

 Et par [ce] que quelques uns de Messieurs du Conseil ont objecté que ledit balliage de Gex estant au Duc de Savoye il ni auroit pourtant pas restabli l'exercice de la religion Catholique, l'on respond que la verité est telle; mays il faut entendre pourquoy:.

  A022001639 

 Le Duc de Savoye estant contraint par le traitté de paix quil fit il y a fort long tems avec les Bernois, de [264] leur permettre que le balliage de Gex demeureroit en l'exercice de la religion praetendue reformee qui s'y estoit nouvellement introduitte par leur moyen, il a pensé quil ne devoit contrevenir, pour le bien de son Estat, a ceste promesse, laquelle pourtant il gardoit fort envis et contre son inclination.

  A022001640 

 Est aussi a considerer que le Roy tient le baillage de Gex a pareilles conditions que le Duc de Savoye tient les autres baillages qui confinent les Bernois, ou le Duc de Savoye a restabli l'exercice de la religion Catholique sen ( sic ) que les Bernois s'en soyent offencéz, non plus que de l'ordre que le Duc de Savoye a mis aux biens ecclesiastiques desdits baillages qui est tel, que il a permis aux ecclesiastiques de rachepter ce qui en a esté aliené par les Bernois, selon la forme du droit.

  A022001640 

 Quant a ce qui estoit occupé par les ministres, il l'a entierement remis aux ecclesiastiques; et pour le regard de ce qui est occupé par ceux de Geneve, il en a renvoyé la connoissance a sa Justice ordinaire.

  A022001654 

 ( sic ) Mais pour la presente annee, l'Evesque de Geneve laissera les fermiers quil a mis pour les diesmes provenus dans les confins et territoires des parroisses d'Asserens et Farges selon les anciennes limites, a la forme de l'establissement fait par monsieur le Baron de Lux.

  A022001664 

 Expose humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, comme du dernier novembre 1601, suyvant le bon playsir de Sa Majesté, il avoit esté, par monsieur le Baron de Lux, mis en possession, saysie et jouissance tant de l'eglise Saint Pierre de Gex que des maysons presbiterales et biens dependans du doyenné et [272] cure de laditte eglise, comme plus a plein est contenu par ledit establissement sur ce fait lesditz an et jour, duquel il est prest faire apparoir..

  A022001665 

 Dequoy le seigneur exposant informé, desireroit par vostre authorité, ce que dessus consideré, vous playse, en ensuyvant la teneur de la commission qu'aves de saditte Majesté, de remettre ce qui a esté establi par le sieur Baron de Lux en deu estat; ordonner que tres expres commandement sera fait au ministre qui jouit a present de laditte mayson de [273] la cure et jardin, que dans brief delay (que pour ce faire prefigeres) il ayt a en vuider, avec injonction de restituer les fruitz qu'il en a perceu: le tout en suitte dudit establissement, et sur ce, luy prouvoir remede convenable, implorant humblement vostre benigne justice..

  A022001670 

 Commissaire en cette partie, deputé par Sa Majesté..

  A022001679 

 Expose humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, comme par l'establissement fait par monsieur le Baron de Lux le dernier novembre 1601, il auroit esté mis en possession de l'eglise parroissiale de Gex, cimetiere, cure et droitz appartenans et dependans de laditte eglise, avec inhibition a tous de ne le troubler, ni attenter aucune chose au prejudice dudit establissement.

  A022001679 

 Il auroit esté limité lieu joignant au cimetiere, pour la sepulture des cors mortz de ceux de la pretendue religion reformee dudit Gex; ce neanmoins, se seroyent de leur authorité absolue et sans aucun pouvoir, du moins qui luy ayt apparu, saysis et emparés du cimetiere de [274] laditte eglise, et illec sousterré lesditz cors mortz: chose qui est directement contrevenante audit establissement, et par consequent a la volonté de Sa Majesté.

  A022001679 

 Qu'est la cause qu'il requiert playse a vous, Monsieur, en ensuyvant la portee de vostre commission de saditte Majesté, le reintegrer de plus fort en la jouissance et possession du susdit cimetiere, par les susnommés indeuement occupé, avec inhibition et defense tres expresses de par ci apres ne commettre semblables abus, sous peyne d'estre punis selon la rigueur des ordonnances, comme vrays perturbateurs du repos publiq, et sous autres peynes qu'il vous plaira leur imposer: et sur ce, luy prouvoir et faire justice..

  A022001684 

 Commissaire en cette partie, deputé par Sa M té..

  A022001694 

 Supplie humblement Messire François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, disant que son evesché, quy estoit aultrefois tout enclos dans les Estatz de l'Altesse de Monseigneur le Duc de Savoye, sauf ce qui est detenu et usurpé par les heretiques, se treuve maintenant, et despuis la paix de Lyon de l'an mil six centz et ung, en partie riere les terres de Sa Majesté: a [276] sçavoir, tout le pays de Verromey, une partie du Bieugey et toutte la terre et baronnie de Gex, que sont envyron soixante parroysses; dont quelques unes, qui sont en laditte terre de Gex, ont obtenu naguieres, par la grace et bonté de Dieu et du Roy, l'exercice de nostre saincte foy et religion Chatollique, demeurant neanlmoins le seul exercice de la religion pretendue en tout le reste dudit pays de Gex, ou, pour ceste cause, plusieurs ministres, faisantz leur ministere a l'acoustumee, jouissent des revenuz ecclesiastiques et font jornellement mille traverses aux pauvres Chatoliques et aux curés que le sieur suppliant y a establis..

  A022001695 

 De sorte que le sieur suppliant est contrainct bien souvent de [277] se porter pour appellant par devant la court de Dijon, et recourir en oultre, pour diverses occations, tant a monsieur le Grand, gouverneur de Bourgoingne, de Bresse, Beugey, Verromey et Gex, qu'a monsieur le Baron de Lux, lieutenant du Roy au dit gouvernement, comme encores, par foys, a Sa Majesté; non sans beaucoup de difficulté et de despens, tant pour ne pouvoir ledit sieur suppliant abandonner son evesché, qui n'est que trop pleyne d'affaires, pour fere les poursuittes qui seroyent necessaire ( sic ) a faire pres de sadite Majesté pour obtenir une finale resolution sur lesdites difficultés, qu'aussy pour les vives solicitations que font continuellement au contraire les scindicques et deputés de ladite pretendue religion demeurantz ordynairement en cour.

  A022001695 

 Par le moyen de quoy, l'avancement de nostre saincte religion et de l'exercice d'icelle est beaucoup retardé, [278] au grand scandalle et prejudice des pauvres convertys de ladite terre de Gex, lesquelz sont tellement estonnés et degouttés, quil est a craindre que plusieurs d'entreux ne soyent contrainctz de regarder en arriere, silz ne sont retenus et confirmés par quelque esperance quil leur naisse de veoir la religion Chatolique favorizee, supportee et avancee audit pays plus qu'elle n'a esté jusques a present..

  A022001696 

 A quoy desirant le sieur suppliant pourveoir ainsy quil doibt et le mieulx quil luy sera possible, il luy a semblé que le mellieur et unique remede seroyt de recourir a Voz Reverences, pour obtenir de leur charité que, comme lesdits pays de Beugey, Verromey et Gex sont unis et incorporés a l'Estat et Coronne du royaume, aussy son evesché, pour la part qui est dans l'obeissance de Sa Majesté, fust unie ( sic ) et incorporé au corps du Clergé de la France et, par ce moyen, rendu participant des faveurs, graces, benefices dont jouissent touttes les aultres personnes, dignités et biens ecclesiasticques..

  A022001697 

 C'est pour quoy, estant informé de ceste solennelle assemblee quy se faict pour entendre l'estat et les necessités de tout le Clergé de France, afin d'y apporter les remedes et provisions convenables, il recourt a Voz Reverences, a ce qu'en consideration des choses susdites et en commiseration de tant de pauvres ames, les unes ja converties, les aultres encores captives dans les liens de l'eresie, comme encores au grand interest qu'a toutte la Chrestienté, et particullierement la France, de veoir toutte ladite terre de Gex, qui confine et aboutit aux portes de la ville de Geneve, entierement convertie et reunie a nostre saincte foy et religion Chatolique, il vous plaise, mes Seigneurs, declayrer et ordonner que ledit evesché de Geneve, pour toutte la part qui est [279] dans les terres de l'obeissance du Roy, sera par cy appres et des a present unie et incorporé au corps general dudit Clergé de la France, et que, en telle quallité, ledit evesché, pour ladite part, jouira des ores des privileges et immunités dont jouit le reste dudit Clergé.

  A022001697 

 En ce faisant, que les seigneurs scindicz et procureurs generaulx dudit Clergé, qui sont et seront cy appres deputés pour demeurer en court pour traitter avec Sa Majesté les affaires dudit Clergé sellon les occurrences, seront tenus de prendre en main les memoyres, requestes et aultres poursuittes quy leur seront addressés par le sieur suppliant, pour en obtenir les provisions necessaires, soit de Sa Majesté, ou du corps mesmes dudit Clergé..

  A022001707 

 Despuys, ilz rendirent ledit balliage au Serenissime seigneur Duc de Savoye Emmanuel Philibert, il y a environ 40 ans, par traitté fait avec luy, par lequel, entr'autres conditions, il fut arresté que l'exercice huguenot y seroit entretenu; lequel traitté fut rompu, il y a seize ans, par les mesmes Bernois qui, au prejudice d'iceluy et contre leurs promesses, se saysirent de laditte baronnie pour la seconde fois, les armes au poing.

  A022001707 

 Mays ilz n'en demeurerent maistres que pour peu, parce que le Serenissime seigneur Duc de Savoye la reprit avec vive force tout incontinent apres, et l'ayant ainsy reprise, ne se treuvant plus engagé dans l'obligation des conditions precedentes, il restablit par tout les eglises et l'exercice catholique.

  A022001708 

 Et en cest estat demeura ledit balliage jusques a la paix de Lyon, par laquelle il fut laissé a Sa Majesté pour une partie de l'eschange du marquisat de Saluces; et par ce moyen a esté ledit balliage uni et incorporé a la Couronne et au royaume.

  A022001709 

 Que servant d'une partie de l'eschange du marquisat de Saluces, le Clergé y doit avoir les privileges et jouissances qu'il avoit au marquisat; que les Serenissimes seigneurs Ducs de Savoye y ayant remis par tout l'exercice catholique, lequel n'en a point esté osté que par la guerre, il y doit estre restabli par les articles de paix qui reduisent toutes choses a l'estat auquel elles estoyent avant les guerres.

  A022001710 

 Dequoy non contente l'audace d'iceux, ilz ont despuys peu fait saysir les revenuz ecclesiastiques de Gex et Asserens appliqués aux gens d'Eglise, pour suppleer certaines pensions qu'ilz estiment n'estre pas asses grasses; dequoy s'ensuyt un proces entre l'Evesque de Geneve et eux par devant la cour de Bourgoigne..

  A022001710 

 Despuys, en quattr' autres parroisses du mesme balliage: Peron, Sessy, Versonnex et Challex, plusieurs habitans demanderent l'exercice catholique par requestes addressees a Sa Majesté, laquelle le leur ouctroya, et renvoya l'execution [282] au seigneur Baron de Lux; laquelle neanmoins n'a pas esté faitte, et ainsy tous les revenuz ecclesiastiques des cures, si ce n'est de ces trois premieres, sont appliqués a l'entretenement des adversaires de l'Eglise, et outre cela, encor prennent ilz des portions sur les prieurés et autres benefïces dudit balliage.

  A022001711 

 On peut donques justement desirer, demander et solliciter que les biens ecclesiastiques soyent remis aux gens d'Eglise, et l'exercice catholique restabli par tout ou il se treuvera des personnes qui en supplieront..

  A022001723 

 Le sieur de Sales, Evesque et Prince de Geneve, remonstre tres humblement a Vostre Majesté, que sur la deputation des commissaires par tout vostre royaume pour l'execution de l'Edit de Nantes, iceux estans au balliage de Gex, ledit suppliant, au mois de decembre 1611, se pourveut par devant eux pour estre reintegré en la possession de toutes ses eglises, cimetieres, maysons presbiterales, revenuz et domaines ecclesiastiques; ou ceux de la religion pretendue reformee formerent tant d'oppositions, que son voyage fut infructueux pour la Catholique, et furent contraintz les ditz commissaires ordonner que des dittes oppositions et remonstrances rapport en seroit fait en vostre Conseil, pour y pourvoir selon vostre bon playsir.

  A022001724 

 Et lesditz sieurs commissaires ayans esté ouys en vostre Conseil, sans avoir esgard aux oppositions formees par ceux de laditte religion pretendue reformee, par Arrest du mois de may dernier, auries commis les sieurs Milletot, conseiller en vostre Parlement de Dijon, et de Brosses, lieutenant civil et criminel de vostre dit balliage, pour l'execution dudit Edit; les-quelz, reellement et actuellement, auroyent remis tous les ecclesiastiques dudit balliage en la possession de leurs eglises, revenuz et domaines ecclesiastiques..

  A022001725 

 Mays pour le regard du suppliant en son particulier, et du Chapitre de son Eglise cathedrale [et] de Saint Victor, sur la demande qu'il auroit faitte pour estre reintegré en la possession des domaines ecclesiastiques usurpés par la ville et cité de Geneve en ce qui est dans la souveraineté de Vostre Majesté, et a cest effect ayant presenté requeste ausditz sieurs Milletot et de Brosses, commissaires, au lieu de luy faire droit conformement a vos Editz et commission particuliere a cest effect a eux decernee, neanmoins ilz ont renvoyé ledit suppliant par devers Vostre Majesté pour luy estre pourveu.

  A022001726 

 A ces causes, Sire, [on remontre] que ledit suppliant ne doit estre de pire condition que tous les autres ecclesiastiques de vostre royaume, duquel il a l'honneur d'estre l'un des Prelatz et en cette qualité luy a fait le serment de fidelité; et attendu qu'il ne possede autre domaine en tout vostre royaume que ce qui luy est usurpé par lesditz de Geneve, joint que, injustement, ilz luy detiennent presque tout le surplus de ses revenuz qui sont dans l'Estat et territoire dudit Geneve, et que dudit renvoy il vous appert par les pieces cy attachees: il playse a Vostre Majesté ordonner qu'il sera reintegré et restabli, tant en [son] particulier que dudit Chapitre de son Eglise cathedrale, et du Chapitre de Saint Victor et des autres ecclesiastiques, en la reelle possession et jouissance des eglises, maysons presbiterales, biens et revenuz ecclesiastiques occupés par laditte ville et cité de Geneve, dans la souveraineté de Vostre Majesté; avec defenses a tous detenteurs et occupateurs de ne le troubler ni molester, a peyne d'estre declarés perturbateurs du repos publiq.

  A022001737 

 Qui fait recourir a luy et le supplier tres humblement quil luy playse faire deslivrer les ditz accensemens et mandatz au curé, affin quil puisse exiger lesdites ( sic ) restes [d'Jargent pour les employer a la reparation des bastimens ecclesiastiques; a quoy les revenuz presens dudit doyenné, entierement remis audit curé par la charité de mondit seigneur, avec quelques autres aumosnes donnees a cett'intention, ne peuvent nullement suffire..

  A022001752 

 Le droit sera observé pour ce regard, et par consequent la residence observee d'autant plus estroittement que le lieu [la] requiert plus entiere; et les contrevenans [290] estans deferés, seront punis de la privation proposee..

  A022001815 

 Le venerable sacristain fournira le luminaire convenable, et tiendra conte des frais qu'il fera pour ce regard, luy estant neanmoins donné par avance ce qui sera jugé necessaire; et se prendra [sur] l'œconomie generale, a laquelle sera contribué de la pension de Bonmont ce qui sera jugé raysonnable.

  A022001819 

 Le maistre d'escole se pourra contenter de huit centz florins, et sera deschargé de la sonnerie qui ne luy pourroit estre que de grande distraction; et ladite sonnerie se fera par le sieur curé..

  A022001881 

 PAR MONSEIGNEUR LE REVERENDISSIME EVESQUE ET PRINCE DE GENEVE..

  A022001885 

 Et ceux qui auront des vicaires deserviront les annexées a sept heures, les Dimanches et testes, par eux ou leurs vicaires, affin que tous deux assistent aux Grandes Messes au lieu de leur residence..

  A022001890 

 Sera tenu d'avoir un vicaire a ses propres coustz et despens; mais parce que celuy d'aujourduy a tous-jours fidellement et avec prou peyne servy aux faitz de nostre religion, luy sera assisté par les deux prestres institués, avec la pension de six centz florins, le tems qu'il jouyra de sa cure..

  A022001901 

 Les Dimanches et festes communes, a la Grande Messe, quattre chandelles, et a Vespres deux; les festes solennelles, six [293] par tout, et deux a l'Elevation.

  A022001904 

 Sera aussy audit lieu de Gex estably un maistre d'escoie, avec neuf centz florins de gage; apprendra a lire et escrire aux enfans, et les rudimens; nourrira et apprendra a chanter a deux enfans telz quilz luy seront donnés par Monseigneur, et assistera a chanter les Offices divins et sonner l'Ave Maria et les Messes parrochiales..

  A022001906 

 Le curé de Thoiry deservira audit lieu, et prendra par les mains de l'oeconome sept centz florins, outre ce peu de terrage qui est annexé a l'esglise, a condition toutesfois qu'il restablira la maison de la cure..

  A022001907 

 Le curé de Chalex deservira audit lieu, et prendra par les mains de l'oeconome la somme de six centz florins..

  A022001908 

 Les curés de Sessiez et Divone deserviront ausditz lieux et percevront les pensions ordinaires deües par Messieurs les Religieux de Saint Claude..

  A022001909 

 Le curé de Sacconay deservira audit lieu, et prendra par les mains de l'oeconome la somme de douze centz florins, demeurant tout le terrage, rente et revenu de ladite cure et chapelles unis a l'œconomie, fors son jardin.

  A022001912 

 Les chapelles rentées seront deservies par les institués (celles qui seront en estre); les ruinées qui seront de la nomination d'autruy, seront restablies du revenu dans dix ans, a faute dequoy seront les patrons descheuz de leurs droitz et lesditz revenus annexés a rœconomie, comm' aussy tout revenu dependant des chapelles qui ne seront d'aucune nomination..

  A022001916 

 Le sieur Dunant, curé de Gex, est declairé œconome par Arrest du Roy en son privé Conseil, entre les mains duquel seront reduitz tous les biens ecclesiastiques dependantz de l'authorité de Monseigneur de Geneve, fors l'es nommés cy dessus..

  A022001917 

 Payera les pensionnaires et curés establis, ou leur delivrera [297] mandat, sans qu'il soit permis a aucun d'iceux de se faire paier par autres voyes sans son sceu, sous peine de perdre autant de leur pension qu'ilz en auront perceu.

  A022001929 

 Revu sur une copie faite par M. Michel Favre,.

  A022001938 

 Vous delivreres a M. Poncet, curé de Sessi, la somme de cent florins pour l'annee mille six cens et seze; et rapportant quitance d'iceluy, vous sera par Nous alloüee..

  A022001948 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A022001949 

 Nous commettons par ces presentes venerable messire Claude de Nambruide, curé de Divone, a l'administration et œconomie des biens ecclesiastiques du balliage de Gex non appliqués ny assignés aux eglises de Farges, Gex, Thoyri, Grilly, Chalex, Versoix, Divone, mais destinés aux autres eglises qui, pour le present, ne sont encor pourveues de pasteurs, a fin que [ledit messire Claude de Nambruide] en donne les admodiations et fermes ainsy qu'il vera a faire; puis retire, exige et distribue les revenus procedenz desdites fermes, selon qu'il sera requis, ainsy qu'il est porté par l'ordre estably du jour d'hyer, et autrement selon les mandaz qui luy seront faitz de nostre part: le [tout nean]tmoins en l'assistance et avec l'advis de venerable messire [300] [Claude] Jacquin, curé de Grilly.

  A022001978 

 Revue sur une copie faite par M. Michel Favre conservée à la Visitation d'Annecy.

  A022001982 

 Sur l'ordre des Révérendissimes Seigneurs qui firent l'Office, je donnai le sermon solennel, dans lequel je traitai de la succession Apostolique en la sainte Eglise, exhortant la population (en partie hérétique, mais [302] elle vint à cette assemblée par curiosité) à l'amour de sa sainteté, unité et succession.

  A022001983 

 A mon départ, ayant été député par la ville, il accompagna jusqu'aux frontières de l'Etat du Valais M gr l'Archevêque de Vienne, Prélat consécrateur, et moi, qui revenions dans ce pays.

  A022001985 

 Cette proposition devrait se faire simultanément par tous, avec des arguments solides et clairs prouvant l'avantage public qui en reviendrait à la Chrétienté, très affaiblie par la division, et qui, par l'union, serait grandement fortifiée contre les Turcs et autres.

  A022001987 

 Premièrement: les princes devraient convoquer pour ce seul but un concile national, c'est-à-dire, un en France et un en Allemagne, et tâcher, par tous les efforts possibles, d'y faire intervenir [305] quelques délégués des princes et des républiques hérétiques, pour qu'ils puissent ouïr les propositions relatives à cette union, non point pour disputer ou argumenter, mais seulement pour conférer sur la façon de la ménager..

  A022001992 

 Mais si, par hasard, on trouvait que les conciles nationaux ne sont pas à propos, les princes pourraient alors convoquer seulement quelques Prélats et quelques hommes de bon jugement pour traiter de cette sainte affaire en exposant leurs pensées.

  A022001996 

 Peut-être serait-il difficile maintenant d'unir les cœurs des princes catholiques que nous voyons, excités par des tentations si multiples, se livrer en proie à la division.

  A022001996 

 Toutefois, cette grâce pourrait s'obtenir de Dieu notre Seigneur par la prière, et la main sacrée du Saint-Père s'y employant sincèrement, pourrait opérer ce miracle, comme jadis on fit les croisades et autres entreprises belliqueuses et périlleuses, tandis que celle-ci serait toute pacifique et sans péril..

  A022001998 

 Que le Seigneur nous envoie son secours d'en-haut es que les tentes d'Israël soient élargies par le Seigneur! [310].

  A022002028 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu, Duc de Savoye.

  A022002059 

 4° II n'y a aucune ville en l'Europe ou il y aye tant de commodités d'entretenir l'heresie: I a L'assiette et situation de la ville a la porte de France, de Flandres, d'Allemagne, d'Italie, Espagne et autres provinces; elle est sy commode qu'en icelle se treuvent habitants de toutes sortes de nations, voire mesme d'Angleterre; elle est comme le centre des autres provinces, et par icelle tout passe.

  A022002059 

 Le livret de Roche Chandiou fut imprimé a en donner pour 700 escus; car ils en font distribuer, expensis publicis, par les villes.

  A022002060 

 Et n'y a rien qu'il leur est venu un personnage de Levant qui, a leur solicitation, a cherché des moyens d'empoisonner Sa Saincteté et tous les Cardinaux, ou engendrer certaines vapeurs pestiferes à Rome par certaine poussiere: tesmoin monsr le chanoine de la Biollée qui a sceu cecy par un espion secret quil y a dans Geneve..

  A022002070 

 Cela se pourroit iaire par Sa Saincteté, en appliquant quelque abbaye ou benefice ecclesiastique a ces bonnes œuvres, ou prendre autres moyens.

  A022002070 

 Et par faute d'argent et de moyens, on laysse a fere de grands biens qu'on feroit pour la saincte foy Catholique; et soudain qu'on aura des moyens on en verra beaucoup sortir de Geneve, et peut estre des mesmes ministres..

  A022002077 

 Surtout ayants la protection du Roy de France pour leur principal appuy, quand ils se verront par luy solicités a recevoir l' Interim, ils diront: De quel costé que nous regardions, nous avons tousjours ceste poursuitte de l' Interim; et facilement accorderont au Duc de Savoye plusieurs choses pour la commodité de la foy Catholique, qu'ils n'accorderoient jamais.

  A022002083 

 Et n'y a rien de plus facile que d'avoir ladite lettre par ce moyen: c'est que le sieur Conte de Saconay a un amy secretaire du Roy, voire des premiers; il s'appelle monsieur Ruzé, seigneur de [320] Beaulieu, lequel facilement dresseroit la lettre a ceux de Geneve en bonne forme.

  A022002083 

 Et par ladite lettre le Roy commanderoit audit de Saconay, qui se tient a Lyon, d'aller a Geneve avec quelques personnes honorables qu'il choysiroit.

  A022002083 

 Il faut aussy un autre Brief ou Lettre au secretaire du Roy, par lequel Sa Saincteté le prye de s'y emploier comme bon catholique, et luy promettant une belle recompense sy la chose reussit.

  A022002083 

 Pour ce, estant ledit sr Conte de Saconay bien zelé et au gré de S. A., il y pourroit venir; mais il est necessaire que Sa Saincteté le luy commande, ou prye par une Lettre ou Brief Apostolique, tant pour aller à la court de France vers Mons r le Legat, vers le Roy et vers ledit secretaire pour negocier, et autres solicitations qu'il faudra fere; luy promettant, Sa Saincteté, qu'on n'obliera de le remunerer des frays qu'il y fera.

  A022002087 

 Ce seroit par le moyen des cantons des Suysses Catholiques, leurs voisins, qui s'ayderoit ( sic ) a prier ceux de Geneve d'accepter l' Interim, et que ne le faisants, s'il survient une guerre ilz ne les ayderoit, voire donneroit secours, car Sa Saincteté les en prye.

  A022002087 

 Cecy se pourroit negocier par Mons r le Nonce ou Légat qui est en Suysse, auquel Sa Saincteté le recommanderoit..

  A022002088 

 Que l'Empereur escrivit à Geneve, qui est ville imperialle, qu'ilz doivent prendre l' Interim comme les autres villes d'Allemagne, et que, ne condescendantz, ils seroient privéz de tous honneurs, droits, privileges, mesmes du commerce en ses villes; et que sa lettre fut portée par homme qui fit bien sonner le faict.

  A022002117 

 Nous avons receu vostre lettre du XXIIII du present et joinct a ycelle le double de la requeste que Nous a esté presentee par ceulx de Tonon, et vous disons, en responce, que Nostre intention aiant tousjours esté de donner l'avancement possible au service de Dieu et l'exaltation de son Eglise generalement riere noz Estatz, et particulierement de remettre riere le Chablais la mesme foy et vraye Religion que Noz predecesseurs y avoint si sogneusement plantee avant que les usurpateurs du peys en heussent desbouché Noz bien amez subjectz: Nous avons, sur ceste consideration, volontiers presté l'oreillie a ceulx qui Nous ont proposé leur soing, jeur talent et leur industrie pour la perfection d'un si bon euvre; et telz ayant esté le Pere Cherubin et le President Favre, Nous apreuvasmes le zele qui les poulsoit d'y volloir fere quelque notable fruict..

  A022002118 

 Et cependant, pour remedier aux inconvenientz qui en pourroint resulter, Nous escrivons audict President de ne proceder plus avant a la declaration des peines par luy imposees, et au Pere Cherubin d'y fere valloir par cy apres sa doctrine, sans y adjouster les menaces, jusques a ce que Nous voions quelque aultre temps plus propre pour ce fere..

  A022002118 

 Il est bien vray que Nous estimions que ce deubst estre par le [324] moien de bonnes exortations et par la voye des presches, et non par commination ny menaces, pour ne donner aulcun subject d'ombrage aux circonvoisins, ny subject d'alteration ausdictz de Thonon, bien sacheantz que la conjuncture du temps present ne portoit pas que l'on procedast aultrement, et que la procedure rigoureuse estoit mal convenable a la disposition des aultres affaires que Nous avons sur les bras, encores que bien deue a l'obstination de quelques particuliers dudict Thonon qui se rendent les plus difficiles.

  A022002137 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye, Chablais, Aouste et Genevois, Prince de Piedmont, à nostre cher, bien-amé et feal Procureur fiscal de Chablais, noble Claude Marin, salut..

  A022002138 

 Desirans de faire prouvoir prompcernent à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, tant en ceste ville de Tonon qu'aux lieux circonvoisins: A ceste cause, et autres Nous mouvans, vous mandons, ordonnons et commandons par ces presentes qu'ayez à saisir et reduire sous Nostre main, et par bon et loyal inventaire, tous et un chacun les revenus, biens, fruicts, argens, appartenances et dependances des benefices riere le bailliage de ceste ville, et particulierement du prieuré de Sainct Hyppolite, qui n'auront charge d'ames, pour le temps de trois ans prochains advenir; et lesquels fruicts et autres choses sudittes, Nous voulons estre employez à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, ainsi que Nous avons dit.

  A022002138 

 Vous defendans tres-expressement de delivrer, mettre ou employer aucun desdicts fruicts et revenus à autre usage qu'à ce que dessus, et suivant les ordres qui vous en seront faicts par Reverendissime Claude de Granier, Evesque de Geneve, Reverend messire François de Sales, Prevost de l'eglise Cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, et Reverend messire Claude d'Angeville, Primicier de l'eglise collegiale de Sainct Jean Baptiste de La Roche: ausquels, en tant qu'il Nous concerne et peut appartenir, leur en avons donné et attribué tout pouvoir et authorité; et à vous, de contraindre et faire contraindre tous ceux qui seront à contraindre, par toutes les voyes de justice deuë et raisonnable, d'y obeyr et obtemperer.

  A022002178 

 Dans leur Requête, les Chevaliers «narroyent qu'ils s'estoyent apperceuz que le Prevost de Sales, Esleu de Geneve, avoit apporté du Souverain Pontife des Lettres par lesquelles la Milice de leur Ordre estoit entierement spoliée non seulement des benefices curez, mais encore de tous autres des bailliages de Chablais et de Ternier, contre la teneur des Lettres obtenues du Pape Gregoire treiziesme, sous pretexte de l'entretenement necessaire des Prestres qui y estoyent des-ja establis, ou qu'on devoit y establir..

  A022002180 

 «Ils adjoustoyent que cela apportoit un grand prejudice aux droicts de S. A. et de ses successeurs, à raison du patronage et de la nomination; concluans, qu'il fust du bon plaisir de S. A. de commander qu'on sursoyast à toute execution, jusques à ce qu'ils fussent appelez à voir faire la discussion de tous les revenus, et que les Lettres Apostoliques r'apportées par le Seigneur Esleu de Geneve leur fussent communiquées.».

  A022002182 

 «Le Duc, par son decret, commanda que la Requeste fust intimée au Prevost de Sales, pour y respondre dans deux jours; et jusques à tant et qu'il fust autrement prouveu, de sursoyer à [333] toute execution; avec commandement de bailler copie à la Religion du Bref Apostolique et des raisons pretenduës contre icelle, à fin d'y pouvoir respondre, et apres, estre prouveu ainsi que de raison..

  A022002213 

 5° Quanto all' ultimo capo, mi par conveniente che Sua Santità commandi che sopra la Badia dell'Abondantia si paghi una prebenda per il predicatore et theologo di Eviano, essendoli stata assignata fin in tempo di Gregorio XIII et pagata lungo tempo, et non ci essendo causa perchè non si habbia a pagar per l'avvenire..

  A022002268 

 Supplient humblement les pauvres Aulmosniers d'Armoy et de Draillans, disants: quil est plus que notoire a la Chambre la pention quil a pleu a S. A. Sme leur establir vers le S r Gabellier general, de cinquante escus annuels a chacung d'eulx, pour estre les biens desdits curés occupés par les Seigneurs de Geneve; dallieurs, les divers voiages, frais et despens quil a convenu faire et supporter pour estre paiés d'une partie d'icelle, appres tant de decretz, arrests et jugement de ceans contre les ja dits Gabelliers.

  A022002269 

 A quoy la Chambre est tres humblement suppliee de fere consideration et prouvoir une fois pour toutes; et, [ce] consideré, nos Seigneurs, vous plairra ordonner au sieur moderne Gabellier general leur continuer la dite pention, quartier par quartier, a la forme de leur provision, patentes de S. A. et Arrests de ceans portant veriffication d'icelles, et leur fere rescription une fois pour toutes vers le commis du grenier a sel de Chablais, pour eviter aux voyages quil convient de fere pour ce regard, et a ce que le service de Dieu ne vienne a manquer: et sur ce, plaira leur prouvoir..

  A022002280 

 Et cest, pour le paiement de la pention a eulx establie par S. A., par Patentes veriffiees par Arrest de ceans, du vingt neufviesme may 1610, l'estraict desquelles rapportant et du dit Arrest, ensemble du present et quictance, et leurs quictances aux [340] aultres paiements; et [ce] qu'aura esté payé en ceste conformité sera entré et alloué sur le pris de sa ferme, sans difficulté..

  A022002280 

 La Chambre ayant esgard au faict privillegié duquel s'agist, et que ce sont charges ordinaires sur la gabelle, suivant les diverses et reiterees jussions et commandements de S. A., et au consentement sur ce presté par le Procureur patrimonial: a ordonné et mande au moderne Gabellier general, de fere rescription aux Reverends Curés suppliants sur son commis a la vente du sel en Chablais, que servira une fois pour toutes pendant le temps de sa ferme.

  A022002293 

 J'esperois que la premiere lettre que j'aurois a vous escrire en response de celle dont il vous a pleu m'honorer vous seroit rendue par monsieur le Prevost mon frere, pour l'esperance que me donnoyent ses diligences quil pourroit estre depeché avant les testes.

  A022002293 

 Mais j'espere que Dieu le favorisera de telle sorte, quil surmontera en ce voyage non pas peut estre toutes les difficultés, mais du moins un bonne partie, et quil s'en retournera pour le moins a demy content, si son contentement n'est du tout empeché par le desplaysir quil aura de n'avoir pas entierement satisfaict a ce que vous desirez.

  A022002293 

 Monsieur de Lux est arrivé icy bien a poinct pour y faire de tres bons offices, comme Vostre Seigneurie Reverendissime entendra plus a plein quelque jour, car il seroit trop long et difficile de vous en representer par lettre toutes les particularités..

  A022002294 

 Cependant monsieur mon Frere, parmy tant d'embarrassemens, ne laisse de se faire admirer par les doctes et belles predications qu'il faict en divers lieux, et aux plus honnorables de la ville, a certains jours de la semaine; chose qui rend favorable a luy et a sa negociation non seulement tous les bons catholiques, mais encores les princes et princesses qui assistent presque ordinairement a ses predications..

  A022002295 

 Tout le Conseil de Madame se doit assembler en brief pour en prendre une finale resolution, laquelle attendant de vous escrire par monsieur mon Frere, qui partira devant moy pour la retardation de l'arrivee de Monsieur, je vous baise cependant tres humblement les mains, Monseigneur, comme celuy qui est,.

  A022002308 

 Je me sens obligé par double devoir, en l'absence de monsieur le Prevost mon frere, vous donner advis de sa santé, et quil est allé des hier a Fontainebleau vers le Roy, pour tirer de Sa Majesté quelque bonne resolution avant qu'elle parte pour aller a Blois, ou l'on tient qu'elle va bientost..

  A022002319 

 Et partant, s'il vous plaist envoyer par devers nous quelques ungs de vostre part, vous nous trouverez disposez a vous rendre toutte sorte de contantement qui despendra de nostre pouvoir..

  A022002331 

 Nous avons receu la lettre par laquelle Nous faictes entendre que vous estes au balliage de Gex pour la commission a vous addressee par S. M. touchant l'execution de l'Edict de Nantes, et [345] que le S r Evesque mentionné en la vostre vous a presenté quelques requestes concernant choses ou Nous pouvons estre interessés..

  A022002332 

 Et sommes encores tellement asseurez de la bienveuillance de Leurs Majestez envers ceste Republique, declaree mesmes par effects et tesmoignages tous recents et bien signalez, qu'il ne peut entrer en nostre creance qu'Elles ayent donné quelque commission pour Nous molester en nos droicts et possessions; Nous dis je, qui dez si longues annees, [soit en temps de paix, soit en temps de guerre,] avons [tousjours] faict profession de nostre tres humble et devotieux service a leurs Couronnes.

  A022002332 

 Sur quoy Nous vous dirons que Nous avons jugé entierement superflu l'envoy d'aucuns des nostres par dela, d'autant que l'Edict de Nantes ne regarde point (comme vous sçavez trop mieux) nostre Seigneurie et Republique, ne les terres ou droicts d'icelle.

  A022002332 

 Voire, Nous avons traitté de paix avec S. A. de Savoye, en observation duquel, et de nos anciens droicts, Nous possedons du costé de Savoye diverses terres en souveraineté, et aultres du mesme S t Victor et Chapitre, avec les mesmes immunitez, libertez et prerogatives, soit au regard de la religion, soit d'aultres points, que celles dont Nous jouyssons du costé du dict balliage en nos terres susspecifiees; lesquelles, [d'abondant], le feu Roy, de tres heureuse et glorieuse memoire, par patentes authentiques, verifiees partout ou besoing faisoit, a recogneiies telles et promis de ny rien innover, ains de laisser toutes choses a Nous appartenantes au mesme estat qu'elles estoyent pendant que Sadicte Altesse tenoit le dict balliage.

  A022002333 

 Et finalement Nous croyons, suyvant ce qu'il vous plaist Nous promettre et protester par la vostre, que vous ne ferez rien au prejudice de nos droicts.

  A022002334 

 Sur quoy, apres vous avoir remercié tres affectueusement de la [346] bonne volonté qu'il vous pleust Nous tesmoigner, a laquelle Nous desirons correspondre par tous plaisirs et services a Nous possibles, d'aussy bon ceur ( sic ) que Nous prions Dieu, Messieurs, vous avoir en sa saincte garde..

  A022002363 

 plus, cent florins deus par le sieur de Boisy pour l'albergement de la cure de Collex, et partant.......... ff.

  A022002438 

 Pour le service de ladite eglise seront establis, oultre la personne du curé, trois prestres, l'un desquelz sera entretenu et payé du curé, et les autres deux auront pour chacun six centz florins par an, qui leur seront payés par ledit sieur curé sur les revenus et biens cy specifiés, et annexés a ladite cure..

  A022002439 

 Plus, sera payé au filz du sieur Paris, par ledit sieur curé, la somme de deux centz florins pour assister à l'Office qui se fera en ladite eglise de Gex; il enseignera le plain chant aux vicaires et enfans qui voudront apprendre..

  A022002439 

 Plus, seront payés par ledit sieur curé trois centz florins pour les luminaires accoustumés et necessaires en ladite eglise, selon l'ordre qui en a esté fait par cy devant par Monseigneur le Reverendissime.

  A022002440 

 Et ledit curé, prestres et vicaires feront l'Office en ladite eglise selon ce qui a esté ordonné par cy devant par mondit Seigneur.

  A022002442 

 Et premierement, les cinq pour centz non pourveuz, qui montent par an a la somme de neuf centz septante deux florins trois solz, selon le roolle qui en sera fait et remis audit curé. ff.

  A022002447 

 Et parce qu'il y a quelques proces des Gex intentés, ilz' seront poursuivis a la diligence dudit sieur [curé] de Gex ou de ceux quil commettra, tant pour la recepte des deniers susditz que pour la poursuitte des proces, et aux despens et frais de l'œconomie qui sera establie par Monseigneur le Reverendissime..

  A022002450 

 Et touchant l'establissement du curé de Divonne, auquel l'on avoit ordonné par cy devant la somme de, centz florins annuelz sur l'œconomie, Monseigneur le Reverendissime luy a ordonné.

  A022002451 

 Et pour les jardins qui sont annexés a ladite maison de la cure, ilz seront partagés par esgales parties entre ledit sieur vicaire qui fera l'escole et le sieur Paris..

  A022002465 

 Le curé de Pouilly, oultre l'establissement cy dessus, article 7, il a acquis tous les biens de la cure de Pouilly autrefois albergez par les seigneurs de Berne, a sçavoir: une maison et grange proche de l'eglise; plus, une seytine de pré proche de ladite maison; plus, cinq seytines de prez en l'estang; plus, trois seytines de pré en praz Punel; plus, deux poses de pré proche l'eglise..

  A022002467 

 En ladite cure il y a plus de trente pieces, que vignes, chams, prez, bois, censes albergez, possedés par le sieur de Fernex et encor les dismes..


23-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIII-Vol.2-Opuscules.html
  A023000072 

 B. Eloge de saint François de Sales par le President Antoine Favre.

  A023000114 

 Ordonnances faictes et prononcees par Monseigneur le Reverendissime au Synode de l'an 1617.

  A023000151 

 Car, de même qu'il suffit que la volition des moyens suffisants ait été précédée par une volition antécédente de la fin et d'une velléité ou volonté conditionnelle, ainsi la volonté des moyens suffisants présuppose absolument la volonté et l'intention de la fin, cette intention de la fin devant différer de la volonté des moyens et la précéder d'une priorité de nature.

  A023000151 

 L'agent, dit-il, vise et veut d'abord la fin, avant les moyens; or, la gloire est la fin, et la préparation par la grâce est le moyen: donc, Dieu veut donner la gloire aux élus avant de vouloir leur donner la grâce.

  A023000151 

 La prédestination n'est donc pas, d'après saint Thomas, la volonté et l'élection se rapportant d'abord à la grâce, ensuite et conséquemment à la gloire, comme vous l'imaginez afin de vous soustraire à nos arguments; mais au contraire, elle consiste plutôt à vouloir accorder la gloire aux uns de préférence aux autres, et à la refuser à ceux-ci: par conséquent, à refuser aux derniers les moyens efficaces, et à les donner aux premiers.

  A023000152 

 La première a été réfutée par l'argument de saint Thomas: la volition de la fin, en effet, précédant celle des moyen?, la préparation de la fin doit précéder aussi celle des moyens; bien plus, les moyens ne sont préparés qu'en vue de la fin.

  A023000152 

 Par suite, cette volition de la fin est la racine première de tous les biens surnaturels.

  A023000153 

 Par conséquent, vous ne pouvez dire: «avant toute action de leur part,» car le mot «action» doit se prendre là, non seulement dans le sens positif, mais dans le sens privatif.

  A023000154 

 Donc d'après les œuvres: non seulement les œuvres faites, mais aussi l'absence des œuvres par rapport au devoir à accomplir.

  A023000154 

 Par suite, si Dieu les a haïs, c'est-à-dire ne les a pas aimés (selon l'interprétation même des adversaires), s'est qu'ils n'ont pas employé cette grâce.

  A023000155 

 La seule chose qu'ils adoptent de celui-ci, c'est qu'ils nient comme lui la prévision [des mérites et des démérites]; mais ce qu'il entend et prétend par cette négation, c'est ce dont ils ne s'embarrassent pas.

  A023000156 

 Nous aussi, à la vérité, nous sommes d'accord avec lui, car nous savons que le but poursuivi par Augustin a été par dessus tout de combattre Pélage: celui-ci [6] enseignant que nous méritons le salut par le seul usage de notre libre arbitre, Augustin, pour l'attaquer avec plus de force, a nié qu'il y ait en nous une cause à la prédestination.

  A023000168 

 L'homme peut-il par le seul effort de ta nature connaître les vérités naturelles?.

  A023000170 

 Par vérités naturelles nous entendons celles qui peuvent être tirées des objets sensibles..

  A023000171 

 L'homme peut connaître séparément, soit telle vérité spéculative, soit telle vérité d'ordre pratique, parce que cela n'est pas hors de proportion objective avec la force naturelle; parce que cela est indiqué [par l'Ecriture]: Romains, 1, Ps.

  A023000172 

 Cette raison est apportée par Justin, in Parenetica; par Théodoret, De curandis Græcar.

  A023000172 

 Inst.; par Augustin, lib. VIII Civit.

  A023000172 

 Toutefois les empêchements ci-dessus, quoique extrinsèques par rapport à l'intelligence humaine, ne sont pas extrinsèques, mais bien intrinsèques à l'homme, parce qu'il est mortel..

  A023000172 

 [Autre raison:] parce que l'erreur est la peine du péché originel; Clément d'Alexandrie (lib. V Strom.) présente cette [8] preuve en s'attachant aux empêchements extrinsèques, à savoir la brièveté de la vie, etc. Par ailleurs, les vérités en question ne sont pas en dehors de l'objet proportionné à l'intelligence humaine, mais il faudrait, pour les connaître, une vie d'une durée infinie et une mémoire également d'une étendue infinie.

  A023000172 

 aff.; par Lactance, lib. III Divin.

  A023000185 

 Si donc l'homme connaît Dieu et rapporte son acte à Dieu, cet acte sera bon, bien que non d'une bonté parfaite; s'il ne connaît pas Dieu, et qu'il fasse telles œuvres parce qu'honnêtes et conformes [9] à la raison, alors ces œuvres de par leur nature même sont rapportées à Dieu..

  A023000207 

 De même encore, Dieu concourt à l'élément matériel du péché, en tant qu'il est cause naturelle et nécessaire par supposition; mais pour ce qui est du bien, il peut aussi y concourir en tant que cause libre.

  A023000207 

 Il y a, en effet, différence réelle entre acte mauvais et acte bon: par conséquent, [le concours de Dieu s'exerce] à l'égard de l'acte bon tout entier, non à l'égard de l'acte mauvais tout entier.

  A023000222 

 Par suite, ce ne serait pas Seulement une permission que nous aurions à l'égard du mal à accomplir; car la permission est indifférente aux deux termes de l'opposition, et toutes les fois qu'il est [11] en notre pouvoir de nous déterminer à un acte mauvais, il est aussi en notre pouvoir de nous déterminer à un acte bon..

  A023000228 

 BERNARD, placé vis a vis de François, respondra: Ouy, mon frere, je le suis, par la grace de Dieu..

  A023000262 

 BERNARD — Ouy, par la grace de Dieu, en quattre parties de mon cors, au Baptesme et en la Confirmation..

  A023000297 

 Moi GABRIEL DE SAINT-MICHEL, je reconnais et confesse, de coeur contrit et humilié, devant la Très Sainte Trinité et toute la Cour céleste, et vous autres témoins, que j'ai gravement péché en adhérant aux hérétiques et en croyant leurs diverses hérésies, surtout celles-ci: que le saint Corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ n'est pas vraiment, réellement et substantiellement dans le très auguste Sacrement de l'Eucharistie; qu'il n'est pas un vrai et [16] propitiatoire Sacrifice pour les vivants et les morts, lorsque, d'une manière non sanglante, il est offert à la Messe par les prêtres; qu'il n'existe aucun feu purificatoire après cette vie; que les Saints et les Bienheureux qui sont dans les Cieux ne doivent pas être invoqués; que l'Eglise Catholique visible peut errer et se tromper; et autres très nombreuses..

  A023000298 

 Venant maintenant, par la grâce de Dieu, à résipiscence, librement, spontanément et sincèrement j'abjure, j'exècre et j'anathématise ces hérésies et toutes autres, de quelle provenance, espèce ou nom qu'elles soient.

  A023000305 

 Si je considere sur vos saintz autelz, o mon Sauveur, mon Dieu, vostre tres sacré Cors, que vous aves assaysonné par tant de miracles pour nous nourrir en ces desers, et que, tout ravy en admiration, autre ne me demeure en bouche que ceste protestation de mon insuffisance: Qu'est cecy? qu'est cecy? Manhu? manhu? o Seigneur, regardes a moy! mon jugement naturel, ma chair, mes sens, me livrent [18] mille assautz: Hé, ce me disent ilz, comme se peut il faire que le Sauveur aye donné sa chair a manger? O que ceste parolle est dure! et qui la peut ouyr ni croyre?.

  A023000306 

 Et quoy? disois je, ceste sacree parolle qui est sur le commencement de ce Symbole, ne suffiroit elle pas, quand il n'y auroit autre, pour rompre tous les effortz de ces seditieux? JE CROY: c'est le mot que j'ay ja prononcé des mon Baptesme par la bouche de ceux qui m'y presenterent; je suis donques croyant et fidelle, non pas entendeur ou compreneur, et partant, plus on me rend ce Sacrement malaysé a entendre et comprendre, plus on me le rend croyable et venerable.

  A023000306 

 Mays, c'est par vostre grace, mon Dieu, que ces seducteurs n'ont encor rien gaigné sur moy; je leur ay tousjours opposé le mot et Symbole que vos Apostres enseignerent jadis a nos anciens.

  A023000311 

 La parolle de Dieu a eu tant de vertu que, par elle, les choses qui n'estoyent ont esté: combien plus en aura elle, pour faire estre ou bon luy semble celles qui sont, et les changer en autres? Elle a bien mis en un lieu ce qui n'estoit point: pourquoy ne mettra elle en plusieurs ce qui estoit en un? [20].

  A023000314 

 Quand je voy, o mon Sauveur, vostre Pere avoir tant aymé le monde qu'il vous a donné pour en estre le Pasteur et Medecin, hé, quelle merveille est ce, dis je, [si] le Filz, d'esgale ains de mesme bonté, s'est encor donné luy mesme pour estre la pasture et la medecine, pour se rendre tousjours tant plus Sauveur, Roy et Seigneur, du tout et par tout nostre?.

  A023000321 

 Celuy qui [t'a] tant aymé, o mon ame, que te pouvant sauver par une seule goutte de son sang et la moindre de ses souffrances, a voulu neantmoins tout exposer son cors aux douleurs et passions d'une mort tres amere pour te donner la vie, hé! c'est Celuy la mesme qui, pour la te conserver, te nourrit de ce mesme cors.

  A023000325 

 Que si, par la resurrection, il a delivré son cors des qualités grossieres de passibilité, pesanteur, espesseur et obscurité et autres semblables, si qu'il a traversé la pierre, est entré les portes fermëes (ce qui ne s'est peu faire sans mettre deux cors en un lieu, en sorte que l'un n'en occupast point); s'il s'est rendu, invisible, impalpable, imperceptible et sans occuper place, pourquoy ne sera il, en ce saint Sacrement, invisible et sans occuper lieu, puysqu'il a dict qu'il y estoit? A quel propos rechercherions nous plus en luy les conditions d'un cors mortel et corruptible?.

  A023000331 

 Ainsy, n'estant pas sujet a lieu, ni place, ni pesanteur, il comparoistra en l'air au dernier jour avec ses Saintz, visible a tous les hommes ou qu'ilz soyent, quoy qu'avec divers effectz; non sans aussy grand miracle que celuy par lequel il est invisible en ce grand Sacrement.

  A023000332 

 De quelle viande fut il jamais dict que qui la mangeroit indignement estoit coulpable du Cors de Jesuschrist, sinon de celle cy, laquelle estant reellement le Cors de Jesuschrist, rend aussy reellement coulpables d'iceluy ceux qui en abusent et ne le discernent point? On n'avoit pas rendu un si severe arrest pour la manne et l'aigneau paschal, quoy qu'en iceux on mangeast, par foy et spirituellement, Jesuschrist mesme..

  A023000335 

 Comme tout ce que Dieu a faict il l'a faict par l'œuvre du Saint Esprit, ainsy maintenant il faict, par l'œuvre du Saint Esprit, ces choses supernaturelles qu'autre que la foy ne peut concevoir.

  A023000335 

 Et maintenant tu demandes comme le pain sera faict Cors de Jesuschrist? Et je te respons aussy, moy: Le Saint Esprit enombre et opere ces choses par dessus toute parolle et intelligence..

  A023000340 

 Et si nous ne mangions qu' une mesme viande spirituelle par foy, quelle plus grande communion auroit le Chrestien avec les autres Chrestiens qu'avec les anciens Juifz qui mangeoyent aussy Jesuschrist par foy, et par consequent une mesme viande spirituelle? N'avons nous rien plus qu'eux?.

  A023000346 

 Hé, beny Jesus, quand sera ce qu' en un moment, en un clin d'oeil, a la derniere trompette, les mortz resusciteront, et la mesme chair d'un chacun, ja dissipee en cent mille façons, sera reproduitte l'autre foys en chair incorruptible et immortelle? Mon Dieu, quelle merveille Mays ce pendant, j'admireray chose presque pareille: [24] en un moment, en un clin d'œil, a la trompette de vostre parolle, vostre mesme Cors, qui est assis a la dextre du Pere au Ciel, est en certaine façon reproduit en ce saint Sacrement par tout ou le mistere en est celebré..

  A023000357 

 Dans son Histoire du Bien-Heureux François de Sales, Charles-Auguste donne l'indication suivante au n° 138 de la Table des Preuves: « Traicté de la Demonomanie ou des Energumenes, par François de Sales, Prevost de l'Eglise de Geneve.

  A023000358 

 Et ce qui aydoit à la continuation de telles meschantes parolles, estoit le pernicieux livre d'un certain qui se disoit medecin de Paris, combattant la puissance des exorcismes, contre le commun sentiment de l'Eglise; lequel livre, tout remply de calomnies, quoy qu'il eust esté dédié au Roy, monstroit bien par son tiltre l'impieté et tromperie de son autheur.

  A023000358 

 Il place sa composition avant la controverse touchant la virginité de Marie, Mère de Dieu, soutenue par notre Saint contre le ministre Viret en 1597.

  A023000358 

 «En ces temps, plusieurs Chablaisiens estoyent tourmentez des malins esprits, et le Bien-heureux François prenoit beaucoup de peine pour les chasser de leurs corps, et de faict les chassoit.» Les «ministres continuoyent à dire que le Papiste estoit un sorcier et magicien; les autres disoyent que ceste apparence de vexation se faisoit par la force de l'imagination...; d'autres encores, ou nioyent qu'il y eust des diables, ou, s'il y en avoit, qu'ils eussent tant de pouvoir sur les corps humains.

  A023000363 

 On a vu au tome précédent, p. 158, note (575), qu'il a indiqué sous son nom, à la Table des Preuves, n° 94, des Mémoires rédigés par le P. Chérubin de Maurienne, auxquels il fait de larges emprunts dans son Histoire (liv. II, pp. 120-122).

  A023000364 

 (Voir Lettres missives de Henri IV, publiées par Berger de Xivrey, tome V, 1850 pp.

  A023000364 

 Le témoignage du biographe est déjà fort infirmé par cette contradiction; mais il y a plus..

  A023000364 

 — Le même biographe, suivi par Cambis, place en 1597 la rédaction du Traité de la Démonomanie, motivée, dit-il, par «le pernicieux livre d'un certain... medecin de Paris... dedié au Roy» Henri IV. Or, ce livre est, sans nul doute, le D iscours veritable sur le faict de Marthe Brossier de Romorantin, imprimé à Paris par Mamert Patisson, en 1599; il fut, en effet, dédié au Roi, et même écrit sur son ordre; le privilège est du 13 juillet.

  A023000365 

 — Habert ( La Vie du Cardinal de Berulle, Paris, Camusat et Le Petit, 1646), pariant des ouvrages du fondateur de l'Oratoire, dit: «Le premier a esté celuy de l' Abnegation interieure... En suite on le pressa d'escrire celuy... des Energumenes, pour deffendre, à propos d'une possedée qu'il exorcisoit, la verité des possessions en general... Il est vray que ce traité, qui peut passer pour une merveille d'esprit, de doctrine et d'éloquence, ayant esté imprimé sans nom, a esté attribué au Bien-heureux Evesque de Sales... Une copie que M. de Berulle avoit envoyée A ce Bien-heureux Prelat pour luy en demander son sentiment, s'estant trouvée apres sa mort parmy ses papiers, avec quelques remarques faites de sa main, donna sujet de croire que l'original estoit à luy... Mais le digne neveu et successeur de ce grand Prelat, M. de Geneve que nous avons aujourd'huy, ne s'est pas plutost apperceu de cette erreur, que par une lettre escrite au Reverend Pere Gibieuf, il a renoncé pour son Bien-heureux Oncle à ce bien qui s'estoit trouvé dans sa succession; il a voulu, pour user de ses propres tomes, faire restitution à nostre saint Cardinal pour cét autre Saint, quoy qu'il n'en fust pas besoin entre deux grands hommes à qui toutes choses avoient esté communes par l'amitié.» (Liv. III, chap. XII, pp. 818, 819.) — Ainsi, Charles-Auguste lui-même se serait dédit plusieurs années après la publication de son Histoire du Bien-Heureux François de Sales, parue en 1634..

  A023000367 

 — Si l'on compare le Traicté des Energumenes de M. de Bérulle avec l'analyse détaillée que M. de Cambis donne de l'ouvrage qu'il croyait être de notre Saint, on y retrouve absolument les mêmes divisions et le même ordre de pensées, (Voir Œuvres complètes de de Bérulle publiées par l'abbé Migne, Paris, 1856, tome unique, col.

  A023000368 

 Cela concorde parfaitement avec la déposition de des Hayes citée par le savant Bénédictin (tome I er, note (7), p. XXXVII): «En l'annee mil six cens, ayant a passer dans la ville de Necy, quantité de personnes me donnerent des lettres et des livres pour luy; entre aultres, un docte Traicté des Energumenes, composé par monsieur de Berulle.» ( Process.

  A023000368 

 Cette date fut sans doute mise au dos de la pièce par Charles-Auguste, comme il l'a fait pour d'autres documents qu'il a cotés, non sans commettre parfois quelques erreurs..

  A023000368 

 De tout ce qui précède on doit conclure que l'hypothèse émise par D. Mackey dans la note indiquée plus haut ne peut plus être soutenue et qu'il faut penser tout le contraire; au lieu de céder à M. de Bérulle un écrit sorti de sa plume, saint François de Sales reçut de lui le Traité qu'il venait de composer.

  A023000369 

 On pourrait objecter, au sujet de l'envoi fait par Pierre de Bérulle à François de Sales: Se connaissaient-ils déjà en 1600? leurs relations ne datent-elles pas de 1602? — L'on ne rencontre, en effet, aucune trace de relations antérieures; Bérulle était de huit ans plus jeune que notre Saint, et quand il entra au collège de Clermont, le gentilhomme savoyard avait quitté Paris.

  A023000369 

 Toutefois, la conversion très récente du Chablais dut porter jusque dans la capitale le nom de l'Apôtre; sa Briefve Meditation sur le Symbole y avait été réimprimée par Binet en 1598, la Defense de l'Estendart de la sainte Croix venait de paraître à Lyon (1600): dès lors, rien d'étonnant que M. de Bérulle ait eu la pensée [29] d'envoyer son Traité à «M. le Prevost de Sales» pour «luy en de mander son sentiment.».

  A023000376 

 Les raysons que vous produyses contre ma Consideration sur le Symbole establissant tousjours tant plus sa verité par les fausetés sur lesquelles elles sont fondëes, prenes a gré, je vous prie, que je les vous monstre..

  A023000377 

 Que si vous entendes, par le mot de femme, quelque femme que ce soit, quoy que vierge, vostre assumption sera vraye, mays vostre premiere proposition sera tres inepte; car estre faict de la semence d'une vierge, estre porté en son ventre, quoy que l'espace accoustumé, estre nourry de son laict et substance, sont choses outre tout ordre de nature.

  A023000377 

 Si donques il est dict a la Vierge: Tu concevras et enfanteras, il est dict aussy cela devoir estre faict outre l'ordre de nature, par les paroles [31] suyvantes: Le Saint Esprit surviendra en toy, et caetera.

  A023000377 

 — Je dis que si, par le nom de femme, vous entendes une femme qui aÿe eu accointance d'homme, vous parles bien; mays vostre assumption, par laquelle vous dites Jesuschrist avoir esté faict ainsy, est un blaspheme.

  A023000378 

 La proposition de saint Pol, que Jesuschrist a esté faict semblable a nous en tout et par tout, hormis le peché, n'est veritable au sens que vous la proposes contre l'intention de l'autheur, car voyci des instances inevitables: Jesuschrist a esté faict en tout et par tout semblable a nous; nous ne sommes point nés d'une vierge, ne marchons dessus les eaux, n'entrons pas en aucun heu les portes fermëes; donques, ni Jesuschrist.

  A023000378 

 Qui ne voit ceste absurdité? Il faut donques entendre la generale proposition de saint Pol avec ces deux declarations: l'une, que Nostre Seigneur a esté faict semblable a nous, mays non pas en semblable façon; car il a esté faict par l'operation surnaturelle du Saint Esprit, et nous par l'operation naturelle de l'homme.

  A023000380 

 Et vostre argument ne vaut non plus que celuy ci: Tout cors humain est faict de l'accointance de l'homme a la femme; le cors de Jesuschrist est cors humain, donques il est faict par l'accointance.

  A023000380 

 — Si, en la premiere proposition, vous entendes du cors humain selon l'ordinayre de la nature, vous parles bien; si vous entendes du cors humain eslevé et assisté par la vertu divine, vous parles mal, car l'instance est inevitable en la sortie de Jesuschrist du ventre de sa Mere et du sepulchre, et a l'entrëe qu'il fit les portes fermëes.

  A023000381 

 Quand vous dites que si le cors de Nostre Seigneur n'occupa point de place sortant du ventre de sa Mere, il n'en occupa donques point estant dans iceluy, d'autant que la virginité n'est non plus lezee par l'un que par l'autre, il semble que vous ne consideries pas bien en quoy gist la parfaitte virginité.

  A023000382 

 Sed in adjutorio ipsjus Salvatoris, sicut spreverunt Catholici velut acutissimum quod Jovinianus exseruerat argumentum, et nec sanctam Mariam pariendo fuisse corruptam, nec Dominum fuisse phantasma crediderunt, sed et illam virginem mansisse post partum, et ex illa tamen verum Christi corpus exortum, sic» spreverunt «vestra calumniosa vaniloquia.» Et quelle virginité pouvoit nier Jovinien estre en la Vierge en l'enfantement, sinon celle que vous nies? Et quelle autre corruption y pouvoit il mettre que celle que vous y mettes? car de méttre en l'enfant la corruption qui se faict par l'accointance de l'homme, c'est une chose inintelligible.

  A023000383 

 Saint Augustin donques, en ceste epistre, combat les Ubiquitaires qui disent le cors de Nostre Seigneur estre par tout, et non les Catholiques qui confessent qu'il est en certains lieux, quoy que sans occuper lieu, a la façon des espritz; ainsy qu'il penetra dedans la salle, les portes estans fermëes.

  A023000384 

 Ceste loy donques est observëe par ses parens, parce qu'il estoit estimé né comme les autres.

  A023000399 

 Mais cela destruit bien la consequence que vous tiries de saint Pol, disant Jesuschrist avoir esté faict semblable en tout et par tout a nous, hormis le peché, dont vous faisies conclusion: donques il n'a pas esté faict outre l'ordre naturel; car ces instances monstrent evidemment quil faut entendre le texte de saint Pol comme je vous ay declairé..

  A023000402 

 N'occuper point de place n'est aucunement contraire a la nature d'un vray cors humain, mais c'est bien sur et outre la nature; et partant, un vray cors naturel humain, estant eslevé et assisté par la vertu divine, peut n'occuper point de place: vous ne prouveres jamais le contraire.

  A023000402 

 Or, saint Pierre, assisté de la vertu divine, marchoit sur les eaux, et neanmoins occupoit place; aussi ne dis je pas qu'un cors eslevé par la vertu divine n'ayt jamais occupé place, mays seulement quil peut estre sans l'occuper, asçavoir estant assisté et eslevé a cest effect, qui n'est aucunement possible..

  A023000403 

 Mes instances ne m'ont point esté niëes cy devant, sinon celles de la sortie du ventre de la Mere, laquelle j'avois tellement prouvëe que je la pouvois bien reproduyre; et de faict, vous n'aves aussi rien respondu a mes preuves, sinon par simples negatives qui vous sont fort aysëes.

  A023000405 

 Il y a donques plusieurs choses surnaturelles au cors de Nostre Seigneur, particulierement maintenant quil est triomphant; et si ne laisse pas d'avoir esté faict en tout et par [40] tout semblable aux nostres, quoy quil n'ayt pas tousjours demeuré en mesme façon..

  A023000406 

 Et bien que l'un viole plus que l'autre, si est ce que l'un et l'autre repugne a la perfection de la virginité de la Vierge Marie; je craindray donques tous-jours de dire et de penser que Nostre Seigneur ayt ouvert le ventre de sa Mere, et par consequent quil ayt occupé place, d'autant que c'est une proposition condamnee pour haeretique de l'ancienneté..

  A023000409 

 Ceux qui veulent le cors de Jesuschrist estre en plusieurs lieux sont autant esloignés de ceux qui le veulent estre par tout ou Dieu est: comme il y a difference entre te tout et une petite partie, entre le fini et l'infini.

  A023000430 

 Pourquoy donques est ce, et par quelle authorité, que les ministres l'ont produit a leurs gens en tant de differens langages, difformes, desreglés et bastars? Ont ilz eu plus de soin et de charité vers les peuples que les Apostres?.

  A023000438 

 Quelle asseurance donques peuvent avoir les ministres, qu'il faille employer, en l'usage du calice, le vin pur plustost que l'eau, ou la cervoise, ou le vin attrempé par l'eau? Si cela revient plus a leur goust, si n'est il pas pourtant plus commandé [45] en l'Escriture.

  A023000438 

 Saint Luc descouvre tres clairement que ces parolles de Nostre Seigneur: Je ne boyray du fruicl de la vigne jusqu'à ce que le Royaume de Dieu soit venu, furent dittes sur autre subject que celuy de la sainte Eucharistie, quoy qu'elles soyent rapportees apres le recit de l'institution d'icelle, par saint Matthieu et saint Marc.

  A023000446 

 Puysque nul autre Sacrement au Viel ni au Nouveau Testament, voire ni aucun sacrifice ni ceremonie n'ont jamais esté institués avec parolles figurees, comme peut estre que ce tres grand et, sur tous les autres misteres de la religion chrestienne, principal Sacrement du Cors de Jesuschrist, ayt esté institué par un parler figuré, comme vous dites? Au lieu qu'il est escrit: Cecy est mon cars, vous voules gloser: «Cecy signifie mon cors.» Dieu commanda aux Israëlites de se circoncire: c'estoit un commandement un peu difficile; toutesfois on le prend tout simplement, sans l'eluder et divertir par figures et metaphores.

  A023000450 

 Mays si vous voules entendre toutes choses qui semblent absurdes, quoy qu'elles ne le soyent, devoir estre expliquees par figure, on vous soustient que vous estes lourdement trompés.

  A023000451 

 Aucun d'eux ne voulut recourir aux figures et interpreter spirituellement, par metaphore, ce qui estoit commandé; tout fut prins comme il sonnoit; ni l'apparence du crime, ni du deshonneste ne leur fit chercher aucune figure..

  A023000456 

 Or, la loy de nature n'a pas esté abolie, ains consolidëe par l'Evangile: pourquoy donques ne veulent les ministres recevoir en leur religion aucun sacrifice exterieur?.

  A023000460 

 Or, ceux qui ont servi au tabernacle ont eu l'autel de leur cœur, sur lequel ilz pouvoyent offrir les sacrifices spirituelz, et ont mangé par foy et en esprit Jesuschrist crucifié; autrement ilz seroyent tous damnés.

  A023000464 

 De Beze escrit clair et net, en sa Preface sur Josué, que c'est à Calvin, «apres Dieu, qu'appartient l'honneur de la resolution despuis suyvie par toutes gens de bon jugement,» touchant «ce qu'il faut croire, chercher et recevoir en la Cene.» Que sont donques devenuz tous les devanciers? Ce mistere si important aura il esté caché a toute l'Eglise ancienne, pour estre descouvert a ce seul pretendu mignon et favory du Saint Esprit? Que ne confesse on donques franchement que ceste reformation est toute nouvelle et non jamais conneûe a l'ancienneté!.

  A023000472 

 Nostre Seigneur establit ce saint mistere de son Cors et Sang le soir apres souper: qui vous a dispensés de le faire a autre heure? Ou si vous estimes que les circonstances observees par Nostre Seigneur sont peu considerables?.

  A023000504 

 Frere Cherubin, respondant a la proposition faitte ce [52] jourdhuy, seziesme d'aoust 1598, par noble Jean Sarazin, envoyé par les seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve, dit:.

  A023000505 

 Premierement, que la sommation faitte et affichee au pilier de la Place a esté faitte en consequence des conventions et promesses passees entre le sieur Herman Lignarius et luy, suivant lesquelles maistre Loüys Viret, ministre, auroit esté comminé, par ordonnance du lieutenant du [53] sieur Juge maje de Chablaix, le sixiesme de ce moys, d'advertir dans six jours ledit Herman de comparoistre en ceste ville dans ledit tems, ppur parachever ladite conference a la forme desdites conventions; delaquelle ordonnance fut baillé extrait audit Viret, et l'original du passeport.

  A023000513 

 Ce qu'estant fait maintenant par [55] carte proposition en laquelle ell'est advoüee, il accepte de nouveau les offres contenus en laditte lettre..

  A023000513 

 Frere Chérubin, respondant a la proposition faitte ce jourd'huy, 18 septembre 1598, par noble Jean Sarazin, [54] deputé des sieurs Scindiques et Conseil de Geneve, dit: qu'outre l'ample acceptation des offres faitz par ledit sieur Sarazin en une sienne prœcedente proposition (laquelle acceptation auroit esté redigee en escrit et signee, puys remise a iceluy sieur Sarazin), il n'a a respondre autre, sinon que, quant a sçavoir la volonté des Seigneurs de Berne, il ne s'en estoit aucunement chargé, moins s'en veut charger des-ores, pour ny estre obligé, ni tenu de faire aucune consideration sur l'alliance qui pourrait estre entre lesdits Seigneurs dé Berne et lesdits Seigneurs de Geneve; et que touchant la lettre envoyee a l'advocat des Prez, n'y ayant reconneu aucune marque publique, il attendoit de la voir authorisee, selon l'advis des seigneurs magistratz de ce pais de Chablaix.

  A023000514 

 Dont la communication pourra estre faitte [56] par lesdits Seigneurs de Geneve aux Seigneurs de Berne, ne voulant ledit Fr.

  A023000522 

 Frere Cherubin, suyvant la demande faite ce jourdhuy, 24 septembre 1598, par noble Jean Sarazin, tendant a ce que communication luy soit faite des termes et justes conditions a observer en la conference dont a esté traitté cy devant, et suyvant les offres faitz en la premiere proposition du susdit sieur Sarazin, en date du 16 aoust, an present, de la part des seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve et acceptee par ledit Frere Cherubin, ainsi quil appert par les actes cy devant sur ce passés, sur lesquelz il insiste, respond quant a present par les articles suyvantz:.

  A023000533 

 Des marques d'icelle assignees par le Symbole Constantinopolitain: une, sainte, catholique, apostolique;.

  A023000537 

 De la Justification par les œuvres..

  A023000551 

 Frere Cherubin, respondant a la proposition produicte ce jourdhuy, 15 octobre 1598, de la part des seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve par noble Jean Sarazin leur deputé:.

  A023000553 

 Que le moyen choysi par les ministres de seulement s'escrire l'un a l'autre n'a aucune conformité a ce qui a esté cy devant traitté touchant la conference, ains en rompt la suitte et le fil; c'est sortir hors les termes d'icelle, et venir a nouveau traitté et renoncer au precedent..

  A023000554 

 Et de plus, que la conference de laquelle a esté traitté cy devant comprent asses touttes les commodités de ce nouveau moyen proposé maintenant, puisqu'on y devoit tout escrire, et fidellement; et, outre cela, apportoit plusieurs autres commodités, comme: le bien de la briefveté des resoulutions; de l'exibition des aucteurs qu'on auroit a proposer; de la plus particuliere et claire declaration de l'intention d'un chacun, laquelle est bien souvent mal aisee a tirer des escritr faitz entre absentz, et y va une grand piece de temps a envoyer et renvoyer, et les raisons se presseront plus et mieux en presence; avec autres telles occasions qui se perdent par la voye proposee par les ministres.

  A023000554 

 Ne voyant qu'on puisse amener autre difficulté sur ceste conference verballe, si non la crainte de l'aigreur des parolles: a quoy desja a esté remedié, tant par les protestes faites cy devant d'apporter toutte la douceur et tranquilité d'esprit possible et necessaire en chose si importante, qu'aussi par la nomination des moderateurs, qui sont personnes d'honneur et empecheront les desordres et accidentz sinistres (en tant que touchent les nostres), par l'auctorité de Son Altesse qu'on offre d'y faire entrevenir.

  A023000555 

 Ce moyen est trop adventageux pour les ministres, non pour la substance du moyen, car elle n'est pas autre que celle de celluy de la conference reduicte par escrit, [62] mais pour plusieurs circonstances; car les ministres sont tousjours en grand nombre, dans Geneve, ensemble, pour s'entraider et entreprester la main les uns aux autres, la ou, de nostre cousté, nous ne pouvons demeurer longuement plusieurs ensemble.

  A023000582 

 Possumus enim vere affirmare, nihil a nobis hac in re factum esse, nisi quod pio et Christiano cuilibet facere licuerit, eamque nos in tanti momenti negotio adhibuisse cautionem, quae fuit necessaria, ne justissimas Ecclesiae censuras, quas et veremur ut par est, et reveremur, ullo modo incurreremus.

  A023000591 

 Abandonnant l'unité de la religion chrétienne et de notre sainte foi catholique, et, par une juste conséquence, la vérité, ils introduisirent de tous côtés [67] de nouveaux dogmes et de nouvelles hérésies, mais tirés en grande partie d'erreurs anciennes déjà condamnées.

  A023000592 

 C'est donc d'eux seuls que nous nous occuperons, car des autres, si ce n'était par les livres et renommée, nous ignorerions presque jusqu'au nom..

  A023000593 

 Du reste, les édits de nos Princes et les nombreux décrets de notre Sénat touchant la religion (édits et décrets que nous n'avons pas [69] jugé à propos de transcrire ici, parce qu'ils ont été imprimés) flétrissent et poursuivent non seulement les luthériens et les calvinistes, mais tous les autres hérétiques, comme sont évidemment tous ceux qui, sous un nom quelconque, ont abandonné la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, et dont les erreurs ont été frappées d'un très juste anathème par le saint Concile de Trente agissant sous l'impulsion du Saint-Esprit..

  A023000595 

 Nous pouvons, en effet, affirmer en toute vérité que rien n'a été fait par nous en cela qui ne soit permis à tout homme pieux et chrétien; nous avons, dans une affaire de si haute importance, apporté les précautions nécessaires pour n'encourir en aucune façon les très justes censures de l'Eglise, censures que nous craignons et respectons.] [71].

  A023000723 

 Il signifie par là que les hérétiques ne construisent presque rien, mais détruisent tout; n'affirment rien, nient tout; sont tels enfin que, s'il faut les appeler chrétiens, il faut les dire chrétiens négativement, non pas affirmativement.

  A023000727 

 A cette négation est opposée l'affirmation du Christ, disant qu'il aurait pu prier son Père, et que son Père lui eût fourni plus de douze légions d'Anges; et aussi faire passer un chameau par le trou d'une aiguille; de même l'affirmation de Jean-Baptiste, que des pierres mêmes Dieu pourrait faire naître des fils à Abraham.

  A023000727 

 Quelqu'un d'esprit sain ne niera pas davantage que Dieu ait le pouvoir de faire ce dont il menace: par exemple, la destruction de Ninive, et une infinité d'autres choses du même genre, que cependant Dieu n'a jamais ou faites ou voulu faire.

  A023000731 

 Ils nient en Dieu une volonté permissive, et cela contre les innombrables affirmations de la Sainte Ecriture, par exemple celles-ci, Psaume LXXX: Il les a abandonnés aux désirs de leur cœur; Actes, XIV: Il a laissé toutes les nations suivre leurs voies; Luc, VIII: Ils le prièrent de leur permettre d'entrer dans les porcs, et il le leur permit.

  A023000739 

 Fils du Père et procède du Père par génération.

  A023000739 

 Qui donc peut, en effet, comprendre par un effort de son esprit ou de sa pensée, que celui qui est et est appelé Fils, n'ait pas son essence ou sa nature [76] de celui dont il est le Fils? Qu'a donc pu avoir le Fils du Père, sinon la Divinité? Qu'y a-t-il de commun entre le Père et le Fils en dehors de l'essence? Qu'a donc communiqué le Père au Fils, si ce n'est l'essence même? C'est pourquoi les Ecritures, les Conciles, les Pères, enfin tout l'univers chrétien, proclament que le Fils est «Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu.» Par conséquent, Dieu le Père possède la véritable essence divine, qu'il n'a ni de lui-même, contrairement à l'expression peu prudente de Calvin, ni de quelque autre, mais tout à fait de personne, l'essence n'engendrant pas et n'étant pas engendrée.

  A023000743 

 Ils nient que la mort corporelle du Christ, si le Christ n'avait fait que subir cette mort, nous eût servi en quoi que ce soit: «Rien n'était fait,» dit Calvin, «si tout s'était borné à la mort corporelle du Christ.» Dieu immortel! chaque mot de l'Ecriture rapporte [77] notre salut au sang, à la croix, à la mort du Christ; tous les chrétiens proclament que le Christ a détruit notre mort par sa mort; tous les Saints chantent le cantique de leur rédemption par ces mots: Vous nous avez rachetés, ô Dieu, par votre sang.

  A023000743 

 Quelle n'est pas l'audace de ces hérétiques de dire que rien n'eût été fait par la mort du Christ, alors que, à cause de la dignité infinie de Celui qui l'a subie, la plus petite goutte de son sang royal et divin eût suffi à racheter des mondes innombrables!.

  A023000743 

 [Et ces crapauds osent coasser dans leurs mares,] que rien n'a été fait par cette mort vivifiante! Mais Isaïe va jusqu'à dire que nous avons été guéris par la seule meurtrissure du Christ.

  A023000747 

 Ils nient que le Christ soit Législateur et, par suite, qu'aucune loi soit proposée dans l'Evangile.

  A023000751 

 Tout autre est l'enseignement de saint Pierre, qui affirme ouvertement que le Christ a été établi par Dieu, Juge des vivants et des morts.

  A023000755 

 Et en réalité, quelle sera la certitude et l'autorité des Saintes Ecritures, si l'on supprime la Tradition, puisque cette certitude et cette autorité peuvent se prouver non par le témoignage de l'Ecriture, mais seulement par la Tradition? Pourquoi appellerons-nous Livres canoniques les Evangiles de Matthieu et de Luc, plutôt que ceux de Thomas et de Nicodème? Et si quelqu'un se met à nier cela et à rejeter, avec nos hérétiques, la Tradition non écrite, comment arriverons-nous à trouver une preuve contre lui? En outre, où étaient donc l'Eglise et la foi de l'Eglise pendant tous les siècles où les matières de foi étaient traitées, non par l'écriture, mais seulement par la parole? Est-ce que l'Eglise n'a pas été antérieure aux Ecritures? Dans quel endroit de l'Ecriture trouveront-ils quelque chose qui nous oblige à croire qu'il faut ajouter foi seulement à ce qui est écrit? Que dire du Baptême des enfants; du Dimanche à sanctifier, de préférence à tout autre jour, en remplacement du Sabbat juif; de la création des Anges, et de tant d'autres choses du même genre dont la croyance est très certaine dans l'Eglise, et même parmi tous les [80] hérétiques, mais dont la preuve par l'Ecriture est tout à fait inexistante? C'est bien autrement, et magnifiquement comme toujours, que parle Augustin: «Je ne croirais pas à l'Evangile, si» l'Eglise ne me disait que c'est l'Evangile..

  A023000755 

 Ils nient qu'il existe une Tradition simplement orale, et cela [79] contrairement à l'affirmation expresse de saint Paul dans l'Epître aux Thessaloniciens: Gardez, dit-il, les traditions que vous avez reçues, soit de vive voix, soit par lettre.

  A023000759 

 Quelques-uns, parmi ceux-ci, n'ont été écrits qu'après la fixation du Canon des Juifs: qui s'étonnera donc de ne pas les voir insérés dans ce Canon, si ce n'est celui qui, par ignorance de la chronographie, ne sait pas que c'est là une impossibilité? [81].

  A023000763 

 Je laisse de côté, en effet, que plusieurs affirment avec grande probabilité que cette Epître n'est pas de l'Apôtre Jacques, ni digne de l'esprit apostolique, bien que par l'usage elle ait obtenu de l'autorité, quel que soit par ailleurs son auteur.

  A023000768 

 Par cette négation ils accusent de mensonge saint Pierre, lequel, quoique fidèle lui-même et instruit (à moins qu'il n'ait été peut-être inférieur à Luther en foi et en doctrine), a écrit cependant que les Epîtres de saint Paul contiennent beaucoup de passages difficiles, que les infidèles et ceux qui sont peu instruits dénaturent, dit-il, comme les autres Ecritures, pour leur perdition.

  A023000772 

 Si cela était, pourquoi le Christ notre Seigneur l'aurait-il comparée à une ville située sur une montagne, à un festin, à un bercail, à un édifice construit sur le roc? Pourquoi, en outre, nous renverrait-il à l'Eglise par ces paroles de l'Evangile: Dis-le à l'Eglise? Ne rendent-ils pas le Christ ridicule et imposteur, lui qui nous renvoie à l'Eglise, si celle-ci est invisible et si l'on ne peut l'apercevoir?.

  A023000776 

 Où se rencontrera donc ce qui doit être pour nous tellement certain et assuré, que si un Ange du ciel voulait nous enseigner le contraire nous ne devrions pas le croire? Et, en effet, qui ne devrait plutôt croire à un Ange du ciel qu'à soi-même, si d'un autre côté l'autorité et la certitude de foi de l'Eglise était supérieure à l'autorité contraire de n'importe quel ange, en admettant, par impossible, qu'il puisse jamais exister une telle autorité contraire?.

  A023000781 

 Belle raison vraiment, qui en arrive à faire conduire, régir et juger le pasteur par sa brebis!.

  A023000791 

 Ils nient que les fidèles puissent pécher mortellement, parce que, dit Calvin, «les péchés des fidèles sont véniels; la raison en est que, grâce à la miséricorde divine, il n'y a pas de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, leurs péchés ne leur sont pas imputés, ils sont effacés par le pardon.» Comme si les imprécations et les reniements de Pierre à l'égard de son Maître, l'adultère et l'homicide de David, bien mieux, la désobéissance d'Adam et d'Eve n'avaient pas été des péchés mortels! Qu'a donc voulu dire celui qui, dans l'Apocalypse, a adressé ces paroles à l'Evêque: Tu as un nom de vivant, et tu es mort? Pourquoi donc David a-t-il, au prix de tant de larmes, de tant de sanglots, demandé que son péché fût effacé, qu'un cœur nouveau fût créé en lui, qu'il fût lavé de son iniquité, purifié de son péché, si, puisqu'il était [89] fidèle, il n'avait à craindre aucune condamnation, aucune imputation de péché?.

  A023000799 

 S'il faut, en effet, en croire Calvin, l'eau du Baptême n'opère pas «notre ablution et notre salut,» ne contient [90] pas «en soi la vertu de purifier, de régénérer et de renouveler.» Tout ceci cependant est affirmé très clairement par l'Apôtre Paul dans son Epître à Tite, lorsqu'il dit que le Christ nous a sauvés par le bain de la régénération.

  A023000803 

 Personne ne doute que Paul, et encore moins le roi David, n'aient été engendrés par des parents fidèles; et cependant ils n'hésitèrent pas à se confesser, le dernier, conçu dans le péché, le premier, enfant de colère par nature.

  A023000803 

 Voici, en effet, ce que dit Calvin: «L'enfant d'un fidèle, dès le sein, de sa mère est compris dans l'alliance par droit héréditaire, selon la formule de la promesse.» Comme si vraiment l'Apôtre ne s'écriait pas: Ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité.

  A023000808 

 C'est, en effet, ici l'enseignement paradoxal sur lequel Calvin et les calvinistes reviennent sans cesse; ce qui les fait appeler par tout le monde les Sacramentaires, caractéristique qui leur est attribuée en propre et les distingue, parce qu'ils imaginent et inventent un Sacrement sans la chose de ce Sacrement.

  A023000808 

 Sous ce nom ils sont, non seulement condamnés par tous les orthodoxes, mais encore rejetés même par les luthériens, comme perfides, rebelles et hérétiques..

  A023000809 

 De peur toutefois qu'on ne crût qu'il avait apporté un tempérament à son impudence passée et, de bon gré ou par bassesse, adopté l'opinion de l'Eglise Romaine, il protesta qu'il [93] eût volontiers rejeté cette opinion, s'il avait aperçu la moindre possibilité de nier avec audace ce que le Christ avait affirmé d'une manière aussi ouverte et aussi constante.

  A023000810 

 Ceci ne s'est pas produit sans un jugement admirable et profondément sage du Dieu très bon et très grand: il fallait, en effet, que ceux qui ont osé, par cette épouvantable négation allant à l'encontre de la parole divine, violer et profaner un si grand Sacrement, un si parfait symbole d'unité, fussent précipités par là même dans un abîme de division..

  A023000811 

 L'autre est celle qui, pour ne pas avoir l'air de s'écarter même matériellement des paroles du Christ, admet que son vrai corps se trouve dans le Sacrement de l'Eucharistie, mais par la foi, non par une présence réelle et corporelle qui précéderait la manducation; en somme, [95] qu'il s'y trouve sans s'y trouver, et que cette présence n'est vraie qu'en imagination.

  A023000812 

 Cela admis, il reste en outre certainement manifeste que l'addition du verbe grec substantif ( est ), faite d'un commun accord par tous les autres Evangélistes et par [96] saint Paul (celui-ci d'après l'enseignement, non de ses collègues en apostolat, mais du Seigneur déjà monté au Ciel), que cette addition, disons-nous, n'a pas été, faite dans le but d'aplanir la voie à l'interprétation mensongère ci-dessus et de faire croire qu'ils voulaient donner au verbe est le sens de signifie; mais pour exprimer plus ouvertement le même sens que saint Matthieu a exprimé dans la langue maternelle du Christ.

  A023000813 

 Donc, le vrai corps du Seigneur est là, même s'il est mangé indignement et par un infidèle.

  A023000813 

 Pour enlever tout doute à ce sujet, nous avons un grand nombre de miracles, attestés en de multiples relations historiques, où telle ou telle hostie consacrée, sacrilègement profanée, ici par un Juif perfide, là par un hérétique impie, a répandu du sang: miracles dont la vérité apparaît encore de nos jours aux yeux des habitants de Paris, de Dijon et de nombreux endroits de l'univers chrétien.

  A023000817 

 Je laisse de côté l'annonce faite par le Prophète Malachie, d' une oblation pure qui serait offerte dans le monde entier; j'omets bien d'autres très solides arguments scripturaires que les théologiens, eux, n'omettent pas.

  A023000817 

 Notre foi est surabondamment établie par la parole ci-dessus, prononcée par la bouche du Seigneur, qui prouve avec la plus grande force et évidence que l'Eucharistie n'est pas uniquement un Sacrement devant nous être présenté, mais encore un Sacrifice devant être offert pour nous..

  A023000817 

 Tous aussi, par le fait même, s'éloignent de l'enseignement exprès de Dieu et de la foi de tous les anciens Pères et de tous les chrétiens.

  A023000818 

 Et si vous ajoutez: le Christ est ressuscité et il est monté aux cieux pour tous les fidèles et les élus, donc personne ne ressuscitera et ne montera aux cieux, le vulgaire le croira aussi, pourvu toutefois que ce soit Luther ou Calvin qui l'affirme; c'est, en effet, par un argument de même sorte que le leur que s'obtient ce dernier mensonge.

  A023000818 

 Je me contenterai de mentionner cette affirmation retentissante des novateurs, que ceux-ci présentent comme quelque chose de nouveau et d'inouï pour nous: à savoir, qu'il y a une oblation unique, par laquelle le Christ a procuré la perfection pour toujours à ceux qui sont sanctifiés.

  A023000818 

 Mais alors, dira quelqu'un, ces hérétiques renversent le sacrifice de l'autel en se basant sur le sacrifice de la Croix: qui peut vraiment croire cela? Tu es [100] dans le vrai en tirant une semblable conclusion; car la coutume ordinaire de ces hérétiques est de détruire une vérité par une vérité.

  A023000820 

 C'est le même Christ qui s'offre lui-même, mais sur la croix c'est sans le ministère d'un autre prêtre inférieur; sur l'autel, c'est non seulement par lui-même, comme au jour de l'institution [du Sacrement], mais aussi par les co-ministres de son sacerdoce établi par lui selon l'ordre de Melchisedech, qu'il a voulu être offert en tout lieu comme une oblation pure.

  A023000820 

 De même, pour arriver à ce qui noua occupe, de ce que le Christ s'est offert lui-même en sacrifice sur la croix, concluons plutôt qu'il s'est aussi offert en sacrifice dans l'Eucharistie, but évident de recommander et appliquer le premier sacrifice par le second.

  A023000820 

 Il est très vrai que par le sacrifice de la Croix tout a été consommé et qu'il n'est nul besoin d'une nouvelle oblation; toutefois il n'est pas moins vrai que l'Eucharistie est un sacrifice: il n'y a pas, en effet, deux sacrifices, celui de la Croix et celui de l'autel, mais un seul, parce que, d'un côté comme de l'autre, c'est une même chose qui est offerte, par un même sacrificateur, à une même fin et au même Père.

  A023000820 

 La fin pour laquelle il est offert est la même des deux côtés: à savoir, la rémission des péchés; mais elle n'est pas atteinte de la même façon dans l'un [103] et l'autre cas, attendu que sur la croix la rémission se fait par une rédemption, satisfaction et réparation sans bornes, tandis que sur l'autel, elle se fait par l'usufruit et l'application de cette rédemption, de cette satisfaction, de cette réparation.

  A023000820 

 Par conséquent, la différence n'est que dans la manière et la forme, puisque, comme nous l'avons dit, la chose offerte est le même Christ; mais sur la croix il est offert dans sa propre apparence et forme, d'une manière sanglante, tandis que dans l'Eucharistie, il l'est sous l'espèce du pain et du vin, selon l'ordre de Melchisédech, d'une manière non sanglante.

  A023000821 

 Ainsi le soleil, par un acte unique et continu, offre et communique sa lumière au monde inférieur, et n'est aucunement affecté en lui-même par l'alternance des nuits et des jours, bien que, par rapport à nous, la diversité des nuits et des jours nous fasse distinguer en lui un cours sans cesse recommencé dans son unité.

  A023000821 

 De manière que cette oblation s'opère, de la part du Christ, non plusieurs fois ou [103] par des actes réitérés, mais par un acte unique que ne vient interrompre aucune cessation, bien que, par rapport à nous et à notre ministère, et par rapport aux actes extérieurs, cette oblation soit plutôt répétée que continue, tout en méritant toujours d'être considérée comme une même oblation.

  A023000821 

 Il n'est pas tant la répétition de l'offrande faite sur la croix, que sa continuation et sa reproduction persévérante, puisque l'acte de volonté, par lequel le Christ Rédempteur s'est offert et s'offre pour toujours au Père, est unique, perpétuel et très constant.

  A023000821 

 Par suite, le sacrifice de la Messe n'est pas différent, mais est le même que celui de la Croix, bien loin de lui être contraire.

  A023000822 

 Cependant, lorsqu'ils passent au sacrifice de la Croix, ils lui enlèvent toute force et vertu, en affirmant, comme nous l'avons dit ci-dessus, que rien n'a été fait par lui, et ils réduisent toute l'œuvre de notre rédemption à je ne sais quels supplices de l'enfer dont il n'est pas fait la moindre mention dans l'Ecriture tout entière.

  A023000826 

 Cependant les paroles du Sauveur, par lesquelles il affirme ce pouvoir, sont plus claires que le jour dans l'Evangile de saint Matthieu et de saint Jean.

  A023000834 

 Ils nient que les bienheureux Saints doivent être invoqués par nous, et conséquemment ils nient que Dieu ait permis aucun commerce de nous à eux ou d'eux à nous: en quoi ils détruisent, [107] autant qu'ils le peuvent, cette «communion des Saints» que tous les Apôtres ont enseignée d'une même voix.

  A023000842 

 Et saint Augustin, dans tout son livre intitulé: De la sollicitude que nous devons exercer envers les [109] morts, a-t-il lait autre chose que nous apprendre, par le titre même du livre, que les prières des vivants aident ceux qui sont morts dans le Christ?.

  A023000842 

 Ils nient que nous devions nous occuper des morts; ils nient que les âmes des défunts soient aidées par les prières des vivants, et qu'il soit laissé aux morts un lieu où ils puissent obtenir la rémission de leurs péchés.

  A023000908 

 Parole [127] enim ejus gallica haec sunt: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos peches, nous ne pouvons estre damn6s non plus que luy.» Horresco referens! et quis non horrescet, sive legens, sive audiens?.

  A023000941 

 Dans le même endroit il soutient en propres termes que Dieu, «par le ministre de sa colère, Satan,» dirige «les desseins» des impies «jusqu'au but vers lequel» il lui a plu d'exciter «les volontés et» d'affermir «les efforts».

  A023000941 

 J'avoue,» dit-il, «que tous les fils d'Adam sont tombés dans ce malheur,» (il parle du péché) «et cela doit être en définitive, comme je le disais en commençant, attribué au seul libre arbitre de la volonté divine.» Tout aussitôt il attaque ceux qui «ne veulent pas attribuer à un décret divin la perte d'Adam par suite de sa défection.» Parlant ensuite des damnés: «C'est de la prédestination de Dieu,» dit-il, «que dépend leur perdition.» De nouveau: «L'homme tombe, la providence de Dieu en ordonnant ainsi.» Bien plus, il appelle «œuvre de Dieu» l'inceste commis par [111] Absalon et les mauvais traitements infligés aux Juifs par les Chaldéens.

  A023000941 

 Prenant son exemple dans le cas de Séhon, roi des Amorrhéens, il dit: «Par conséquent, Dieu voulant le perdre, l'obstination de son cœur fut la préparation divine à sa ruine.» Il affirme aussi que Satan, lorsqu'il pousse les hommes au péché, «est plutôt l'instrument» dont se sert Dieu «pour agir, qu'un agent agissant de soi-même.

  A023000942 

 Par une si abominable affirmation ils enlèvent à la volonté du Dieu très bon et très grand son immense bonté, et en nient la force, l'efficacité et la solidité, le péché consistant, non dans une efficience, mais dans une déficience, et vouloir le péché étant par conséquent déficience et non efficience.

  A023000942 

 Saint Augustin a cette belle expression: «Affirmer que la divine providence ne s'étend pas jusqu'aux choses de ce bas monde, ou que tous les maux sont commis par la volonté de Dieu, sont deux propositions impies; mais la seconde l'est davantage.» Quant à saint Basile, il a prononcé un discours entier sur ce sujet: «Dieu n'est pas l'auteur des maux.» [112].

  A023000946 

 Ils affirment que la rémission des péchés se fait par simple non-imputation, ce qui n'est pas autre chose que nier la vraie rémission des péchés.

  A023000946 

 Mais si le Père a horreur du péché, le Fils n'en a pas moins horreur; si le Père ne peut le tolérer et le voir sans s'irriter, le Fils non plus ne peut le cacher ou le couvrir par sa justice.

  A023000950 

 De cela on trouve presque autant de témoignages que de paroles dans les Saintes Ecritures: La charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné: Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.

  A023000950 

 Ils affirment que l'impie est justifié par la seule imputation de la justice du Christ, en sorte qu'il n'y a en nous aucune justice provenant du Christ, mais que nous est seulement imputée celle qui est dans le Christ, non en nous.

  A023000950 

 Par cette affirmation ils nient la force et l'efficacité de la justice du Christ, qui se montre surtout en ce qu'elle nous est utile non seulement par son imputation, mais par une dérivation et une infusion d'une justice formelle dans nos cœurs, en sorte que, non seulement n ous soyons appelés enfants de Dieu, mais aussi que nous le soyons; que, par conséquent, nous ne soyons pas seulement justes de nom et de réputation, mais en réalité et en effet.

  A023000954 

 Ils affirment que la foi seule nous justifie, niant par cette affirmation que la charité et ses œuvres justifient en même temps.

  A023000954 

 «Par la foi,» dit Luther, «l'homme devient Dieu; par la charité il reste un simple homme.» Paul, au contraire: Sans la charité, je ne suis rien.

  A023000955 

 Aussi est-ce avec raison que Luther s'étonne de lui-même et s'exclame ainsi: «Cette théologie, qui est la nôtre, contraire à la raison, est étonnante et absurde, à savoir que je ne sois pas seulement sourd à la loi et délivré d'elle, mais que j'y sois entièrement mort.» Et un peu après: «Nous répondrons avec Paul que nous méritons le nom de justes par la seule foi dans le Christ, non par les œuvres de la loi ou la charité.» Où donc Paul a-t-il ajouté les mots: «ou la charité», que tu ajoutes de toi-même, ô Luther? [116].

  A023000959 

 Et pour empêcher quelqu'un qui aurait meilleure opinion de la bonté morale d'appliquer cette proposition aux simples actions moralement bonnes, Luther l'a expliquée par ces paroles plus claires: «Toute œuvre bonne est un péché dans les saints tant qu'ils sont viateurs.» Calvin, de son côté, soutient dans le même sens «que pas un seul acte n'est produit par les saints qui, s'il est examiné en soi, ne mérite une juste punition.» Ailleurs il ajoute: «Toute action d'un homme pieux, si elle était examinée au sévère jugement de Dieu, serait condamnable.».

  A023000961 

 Que répondront nos hérétiques, si je leur demande non par quelle croyance, mais par quelles actions je mériterai de posséder la vie éternelle? Répondront-ils par la parole du Christ au docteur de la loi: Tu aimeras ton Seigneur, etc.; fais cela, et tu vivras? Ils devront plutôt répondre: Ne fais rien, et tu ne pecheras pas.

  A023000965 

 Par suite ils nient que nous soyons tenus ou liés par aucune loi; car, suivant la règle de notre Droit, «les choses impossibles ne créent aucune obligation,» et personne ne peut justement exiger de nous plus que nous ne pouvons faire, sans être un bourreau excessivement dur et tyrannique.

  A023000970 

 «Le Christ,» dit Luther, «a ainsi ordonné les choses, qu'il n'existe aucun péché en dehors de l'incrédulité, et aucune justice si ce n'est la foi.» Ailleurs, il soutient âprement cette proposition: «Le baptisé, même en le voulant et au prix des plus grands péchés, ne peut perdre son salut, à moins qu'il renonce à la foi, parce que,» dit-il, «la foi enlève tous les péchés et empêche de pécher celui qui le voudrait.» Par [120] cette affirmation ils nient de toute évidence que les impudicités les homicides, les parjures, les blasphèmes soient des péchés; et cependant, c'est là une telle absurdité, que si quelqu'un ne la voit pas, jamais il ne trouvera quoi que ce soit d'absurde.

  A023000974 

 La voie est étroite, il faut y entrer seul si tu veux y passer et pénétrer dans le rocher; ceux qui sont tout garnis de leurs œuvres, comme les pèlerins de saint Jacques de leurs coquilles, n'y peuvent pénétrer; si tu es chargé des lourdes pierres de tes œuvres, tu ne passeras pas avant de t'être déchargé de ton fardeau.» [121] Et ailleurs: «La justice de la loi, même du Décalogue, est impure et abolie par le Christ.» Qui t'a donc révélé, ô Luther, ces paroles du Christ? Car tu ne les as pas trouvées dans l'Evangile, où rien n'est si fort recommandé par le Christ que l'observation des commandements, si nous voulons entrer dans la vraie vie, et où il promet de donner une récompense, non aux croyants, mais aux ouvriers..

  A023000978 

 Ils affirment que les péchés ne sont aggravés par aucune circonstance.

  A023000978 

 Luther, en effet, défend cette proposition parmi celles qu'il considère comme très certaines: «Les circonstances des péchés, qu'il s'agisse des personnes (mères, filles, sœurs, parentes), du jour, du lieu, ou de tout ce qui est extérieur, sont égales et ne méritent pas qu'on s'en occupe.» Par quelle belle raison? «Parce que le Christ n'a rien ordonné là-dessus dans ses lois.» Et ailleurs: «Pour les chrétiens, une seule circonstance compte, celle d'avoir péché contre son frère.» Par cette affirmation ils nient l'inégalité des péchés, au moins dans le même genre de fautes.

  A023000986 

 Ils [124] nient par là l'unité de la hiérarchie ecclésiastique, dans laquelle le Christ a, par l'Esprit-Saint, établi des Evêques pour régir l'Eglise de Dieu; ils contredisent aux témoignages unanimes de Cyprien, d'Augustin, de Chrysostôme, de Denys, et aussi de tous les Conciles, lesquels, depuis le premier jusqu'au dernier, accordent un honneur spécial et une mission spéciale aux Evêques.

  A023000990 

 Par cette affirmation, ils nient l'enseignement de toute l'Ecriture, à savoir, que nous devons faire notre salut avec crainte et tremblement, nous efforcer de rendre certaine notre vocation par les bonnes œuvres, et ne pas être sans crainte au sujet du péché même pardonné.

  A023000994 

 Par cette affirmation, de nouveau ils enlèvent toute crainte aux fidèles, de façon à remplacer l'espérance et la confiance, dignes d'un chrétien, par la présomption et l'impudence.

  A023000995 

 Voici les paroles françaises: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos pechés, nous ne pouvons estre damnés non plus que luy.» C'est avec horreur que je cite! et qui lira ou entendra ces paroles sans horreur?.

  A023000999 

 Ce n'est pas chez eux manque d'audace (il y a certes plus d'audace à se prétendre juste qu'à se confesser timoré), c'est plutôt honte, non évidemment de mentir, mais de s'exprimer en telle sorte que, par un mensonge sur le point en question, ils aient l'air de dire la vérité..

  A023000999 

 «Grégoire,» dit Calvin, «a fait chose très mauvaise et pernicieuse en assurant, dans son homélie XXXVIII e, que nous sommes seulement sûrs de notre vocation, non de notre élection, et en exhortant, par conséquent, tout le monde à la crainte et au tremblement.» Par cette affirmation ils nient que l'espérance et la crainte puissent se trouver chez les prédestinés; car, qui peut craindre la perte d'un bien qu'il est sûr de ne pouvoir perdre? En nous exhortant à la crainte et au-tremblement, que fait le grand et jamais assez loué saint Grégoire, si ce n'est de nous donner le même [128] conseil que nous donnent à chaque page les Saintes Ecritures? Car, pourquoi pensons-nous que l'Evangile loue Siméon, non seulement de ce qu'il était juste, mais aussi de ce qu'il était timoré, sinon pour nous faire comprendre que la justice doit avoir pour compagne continuelle cette crainte sainte, non celle qui est servile, mais celle qui est filiale? Aussi, que nos hérétiques mentent tant qu'ils voudront en s'appelant justes; il suffit pour faire apparaître leur mensonge, qu'ils ne veuillent pas se dire timorés, même au prix d'un mensonge.

  A023001004 

 D'où il s'ensuit évidemment que le Christ a été incertain du salut de son âme; car, pour craindre d'une crainte d'appréhension, telle que celle dont parle Calvin, il faut prévoir et soupçonner, comme au moins [130] probable, le mal qu'on craint: qui peut redouter ou craindre un mal dont il se sait certainement garanti? Affirmation, certes, digne de l'esprit et de la subtilité de Calvin: d'un côté, avec une souveraine impudence, il ordonne à chacun de ses disciples d'être très certain de son salut; de l'autre, par un blasphème inouï jusque là, il assure que le Christ était incertain du salut de son âme.

  A023001008 

 Ils affirment que le Christ a laissé échapper une parole de désespoir, causée par l'impression ressentie dans sa chair: c'est là l'enseignement de Calvin.

  A023001008 

 Par cette horrible affirmation ils nient que le Christ ait eu la pleine possession de toutes les passions de son âme, puisqu'elles ont pu se produire et s'échapper à son insu et [131] sans son commandement.

  A023001008 

 Que cet enseignement soit faux au delà de tout ce qu'on peut dire, cela apparaît d'abord très clairement du simple énoncé ci-dessus, mais aussi de ce fait que le bienheureux Jean l'Evangéliste, dans le récit de la résurrection de Lazare, assure que le Christ s'est troublé lui-même: il convenait, en effet, que Celui qui n'était pas moins vrai Dieu que vrai homme, excitât volontairement en lui-même les craintes, les angoisses et les sentiments de cette sorte avant d'être excité par eux.

  A023001012 

 Ils affirment que le Christ a subi pour un temps l'ignorance, «Il a fallu,» dit Calvin, «que le Christ fût pour un temps semblable aux simples enfants, en sorte qu'il fût privé d'intelligence pour ce qui regarde les choses humaines.» Mais par cette affirmation ils nient que fussent cachés dans le Christ tous les trésors de la science et de la sagesse; ce qu'affirme cependant en termes exprès l'Ecriture.

  A023001016 

 Cependant, qui ignore que la foi vient de l'audition, et que l'audition a lieu par la prédication de la parole de Dieu? Et [133] comment la parole de Dieu est-elle parvenue à l'âme de l'enfant sans prédicateur? Qui donc a prêché aux enfants? De plus, les actes de foi ne peuvent exister sans l'usage de la raison, comme tout le monde l'avoue et comme l'enseigne le bon sens naturel; or, qui peut croire que les enfants jouissent de l'usage de la raison?.

  A023001016 

 En affirmant cela, ils nient par le fait même que les enfants soient justifiés par le Baptême; car s'ils ont la foi avant le Baptême, et si, comme l'assurent nos hérétiques, «la foi seule» justifie, il s'ensuit que les enfants sont justifiés avant le Baptême.

  A023001016 

 Ils affirment que les enfants, avant leur Baptême, croient et ont la foi, qu'ils ne possèdent pas seulement l' habitus de la foi, ni ne croient pas seulement par la foi de l'Eglise, mais ont l'acte de foi et la foi proprement dite.

  A023001043 

 Et Paul s'écrie: Comment prêcheront-ils, s'ils ne sont envoyés? Ailleurs encore: N ul ne s'arroge cet honneur; il faut y être appelé par Dieu comme Aaron..

  A023001043 

 Ils couraient, dit Dieu par la bouche d'Ezéchiel, en parlant des faux prophètes, et je ne les envoyais pas.

  A023001044 

 Calvin, en effet, assure que Luther et les autres novateurs, instigateurs des sectes nouvelles, ont entrepris leur ministère par suite d'une vocation, non ordinaire, mais extraordinaire, en sorte qu'il les considère comme des apôtres et des évangélistes.

  A023001044 

 Or, il est évident par plusieurs raisons que Luther, Zwingle, Calvin et les autres hérésiarques du siècle passé manquaient totalement d'appel de Dieu: mais la première et la principale est que, devant la question qui leur est posée sur l'origine de leur vocation, ils ne savent trouver une réponse concordante.

  A023001045 

 Luther, au contraire, avoue ouvertement avoir été appelé par une vocation, non extraordinaire, mais ordinaire et médiate: [135] «Nous sommes donc,» dit-il, «appelés, nous aussi, non pas, à la vérité, immédiatement par le Christ comme les Apôtres, mais par un homme.» Et lorsqu'il explique de quelle manière il a été appelé par un homme, il dit ceci: «Quand un prince ou un autre magistrat m'appelle, je puis me glorifier avec certitude et confiance d'être, par la voix d'un homme, appelé sur l'ordre de Dieu; c'est là, en effet, le commandement de Dieu par la bouche du prince, qui m'assure de la vérité et de la divinité de ma vocation.» Ailleurs il enseigne que «l'appel autrefois était fait par les Apôtres, qui ont choisi leurs successeurs, comme,» dit-il, «ces successeurs sont encore appelés, même par les puissances charnelles et les magistrats, ou par les communautés.» Vous voyez ainsi Luther affirmer de sa vocation qu'elle n'est pas, comme celle des Apôtres et des Evangélistes, extraordinaire, mais ordinaire et médiate, et qu'elle dérive, non des Evêques ou des personnes ecclésiastiques, mais «des magistrats charnels;» c'est là sa propre expression..

  A023001046 

 En effet, dit-il, ils ont été ordonnés prêtres par les Evêques, et comme prêtres ils ont eu le devoir de dispenser la parole de Dieu.

  A023001046 

 Par suite ils l'ont dispensée, non comme le faisaient leurs consécrateurs les Evêques, mais d'une façon bien plus juste et plus pure..

  A023001047 

 De même, si tu demandes à Calvin: Qui t'a appelé? Dieu, répond-il, par un appel extraordinaire.

  A023001047 

 Si tu interrogés Luther: Le magistrat charnel, répond-il, par un appel ordinaire.

  A023001053 

 Cette forme de vocation s'est continuée jusqu'à nos temps et persistera jusqu'à la fin du monde; et elle est médiate, parce qu'elle se fait par le ministère humain, bien qu'elle soit divine.» Et Calvin: «Il nous reste,» dit-il, «des Evêques et des curés; puissent-ils faire tous leurs efforts pour s'attacher à leur ministère, car volontiers nous concéderions que ce ministère est bon et excellent, pourvu toutefois qu'ils s'en occupent.» Et ailleurs: «Nous voyons aujourd'hui comment les papistes s'attribuent avec arrogance le nom d'Eglise, sous prétexte de la succession ininterrompue qu'ils mettent en avant.

  A023001053 

 Et à la vérité, nous sommes forcés d'avouer que le ministère ordinaire est de leur côté; mais comme ils ont abusé de leur pouvoir, nous pouvons nous moquer de leurs prétentions.» Quant à Mornay, puisqu'il fait dériver de nos Evêques la mission de Luther et de ses disciples, ne reconnaît-il pas par là très ouvertement la vocation de nos Evêques? Aussi Calvin avait-il raison, plus même qu'il ne le croyait, lorsqu'il disait que «dans les églises régulièrement constituées» il n'y a pas place pour sa mission ni celle des siens..

  A023001054 

 C'est le cas d'interpeller nos réformateurs apostats avec les paroles de Tertullien: «Qui êtes-vous,» vous autres, et «d'où venez-vous?» Qui vous a envoyés évangéliser? «Qu'ils montrent les origines de leurs églises,» ajoute-t-il, «qu'ils déroulent la filière de leurs évêques.» Bien mieux, servons-nous des expressions mêmes de Luther parlant du mode d'appel institué par les Apôtres: «Il ne faut donc pas mépriser la vocation, car il ne suffit pas d'avoir la parole et la pure doctrine, il faut aussi que la vocation soit certaine; celui qui s'ingère sans elle, vient pour égorger et perdre, Dieu ne bénissant jamais le travail de ceux qui ne sont pas appelés.

  A023001054 

 Ceci étant admis, on nous permettra de raisonner ainsi: L'Eglise du Christ a été une fois pour toutes constituée de telle manière [139] que les portes de l'enfer ne puissent jamais prévaloir contre elle; donc, il ne peut y avoir en elle de vocation extraordinaire, si ce n'est en tant qu'approuvée par l'ordinaire, le Christ n'étant pas divisé.

  A023001067 

 Et dans cette fameuse dispute, de toutes la plus délicieuse, qu'il se glorifie d'avoir eue avec le démon, il rapporte que c'est convaincu par les arguments de ce dernier qu'il a abandonné la doctrine de l'Eglise.

  A023001067 

 Les novateurs de notre époque montrent bien leur impudence à fouler aux pieds l'autorité de l'Eglise par ce seul fait que tous, d'une voix unanime, proclament qu'elle est tombée dans l'erreur et l'apostasie, au point de s'attribuer audacieusement le qualificatif de réformateurs et de restaurateurs de l'Eglise.

  A023001099 

 J'ai dit.» Et ailleurs: «Par conséquent, l'enseignement et le sentiment du Pape, des Pères ou du Concile ne doivent servir de règle à personne, mais que chacun abonde dans son sens.» Mais pourquoi continuer là-dessus? Si l'on retranchait des livres de Luther et de Calvin les insultes et calomnies déversées contre le Siège Apostolique, il en resterait bien peu de pages..

  A023001099 

 La cinquième caractéristique des hérétiques est le mépris du Siège Apostolique, point où excelle Luther qui, dans un certain endroit, après avoir dit que tout ce qui se fait contre l'Eglise Romaine tend à la gloire de Dieu, ajoute: «Etant moi-même un des antipapes, appelé par révélation divine à dissiper, perdre et détruire ce royaume [de malédiction], je remplis cette mission avec passion et plaisir, comme je l'ai fait jusqu'ici.» Ailleurs tout en soutenant que la guerre contre les furcs est illégitime, il dit ceci: «Combien mieux n'agirait-on pas si l'Empereur et les Princes empêchaient l'idole Romaine de perdre les âmes! car, s'il m'est [144] permis de prophétiser une fois ce que je sais, au risque de n'être pas écouté, je dirai que c'en est fait du Christianisme, si le Pontife Romain n'est pas mis à la raison... La Papauté ne peut rien produire, si ce n'est péché et perdition... Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende, et s'abstienne de faire la guerre aux Turcs tant que le nom du Pape se fait entendre sur terre.

  A023001100 

 Et cependant, si quelqu'un doute que le mépris du Siège Romain soit une caractéristique de l'hérésie, qu'il écoute les paroles par lesquelles le Christ a établi l'Apôtre Pierre chef de l'Eglise: Et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise.

  A023001100 

 Par suite, celui-là n'appartient pas à l'Eglise qui ne s'appuie pas sur la pierre que la bouche du Christ a si grandement magnifiée.

  A023001101 

 Or, personne n'a jamais été appelé par l'Eglise successeur de Pierre dans ce sens, en dehors du Pontife Romain.

  A023001101 

 Que les hérétiques ne viennent pas, après cela, prétendre que le Pontife Romain n'est pas le successeur de Pierre, ou que l'autorité accordée à Pierre n'a pas été transmise au Pontife Romain; car cette autorité ayant été conférée à Pierre pour le bien commun de l'Eglise, elle n'a pas dû cesser avec Pierre, lequel devait disparaître par la mort au bout de peu d'années, mais durer autant que l'Eglise militante, qui demeurera jusqu'à la fin du monde: par conséquent, l'Eglise doit avoir un successeur revêtu de l'autorité même dont jouissait Pierre.

  A023001101 

 Si à celui-là l'universalité des frère6 obéissait selon les enseignements reçus de Dieu, personne ne s'opposerait au collège des Prêtres; personne ne se constituerait, après la sentence de Dieu, [146] après le suffrage du peuple, après l'assentiment des Evêques, le juge, non plus de l'Evêque, mais de Dieu; personne ne romprait l'unité de l'Eglise du Christ; personne, par satisfaction et ambition personnelles, ne créerait une hérésie nouvelle.» Ailleurs le même Docteur a des paroles à peu près semblables.

  A023001104 

 Voici donc les noms qu'il décerne au Pontife Romain: Confirmateur des Frères, grand Prêtre, Souverain Pontife, Prince des Evêques, héritier des Apôtres; Abel par sa primauté, Noé par son gouvernement, Abraham par son droit de patriarche, Melchisédech par son ordination, Aaron par sa dignité, Moïse par son autorité, Samuel par sa fonction de juge, Pierre par sa puissance; Pasteur du troupeau du Seigneur, Porte-clefs de la maison du Seigneur, Pasteur de tous les pasteurs..

  A023001105 

 Et Calvin lui-même ne peut s'empêcher d'avouer et de reconnaître que dès le temps du grand Athanase, tous les gens pieux ont accordé volontiers à l'Eglise Romaine le plus possible d'autorité: «Mais,» dit-il, «tout cela n'avait pas d'autre sens que d'estimer à un grand prix sa communion, et de considérer comme une injure d'être excommunié par elle.» Pourquoi donc, ô Calvin, n'avais-tu pas, et tous les tiens aussi, l'obligation de faire de même, s'il vous restait une étincelle de la piété antique? [149].

  A023001120 

 La sixième caractéristique des hérétiques est le mépris des anciens Pères de l'Eglise, qu'ils devraient vénérer et avoir en grande estime s'ils écoutaient Jérémie, ou mieux l'Esprit-Saint parlant par Jérémie: Voici ce que dit le Seigneur: Tenez-vous sur les routes, et regardez, informez-vous des sentiers d'autrefois, quelle est la voie du salut, et marchez-y, et vous trouverez du soulagement pour vos âmes.

  A023001122 

 Ailleurs le même Augustin, parlant de Cyprien, de Basile, d'Hilaire et autres Pères: «Tous ces [152] grands hommes» dit-il, «admettent ces vérités [relatives au dogme du péché originel], ainsi que toutes celles conformes à la foi catholique, partout répandue dans le monde, en sorte qu'il suffit de leur autorité pour écraser votre nouveauté, bien fragile et bien subtile; outre que leurs enseignements sont tels que la vérité atteste parler elle-même par leur bouche.» Et de nouveau un peu plus loin: «Ce qu'ils ont trouvé dans l'Eglise, ils l'ont retenu; ce qu'ils ont appris, ils l'ont enseigné; ce qu'ils ont reçu de leurs pères, ils l'ont transmis à leurs fils.» Nous en disons aujourd'hui autant de toi, grand Augustin, et de tes contemporains, contre ces imposteurs, sans arriver cependant à les faire rougir de leur folie et de leur impudence..

  A023001122 

 Pour ce qui est des nouveautés profanes des profanes, saint Augustin les pourchasse en se basant sur l'autorité des anciens Pères: «J'écrirai,» dit-il, «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques, mais des choses telles que nos contradicteurs soient forcés de rougir et de s'avouer vaincus, si toutefois il leur reste quelque crainte de Dieu ou des hommes.» Son expression «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques» s'explique par ce fait, que le «petit nombre» en question était uni de communion ouverte avec les autres hérétiques.

  A023001139 

 Elle [154] est vraiment admirable la sottise de Satan qui, par une pétition de principe continuelle, m'attaque au moyen d'arguments que j'attaque moi-même.».

  A023001140 

 Quant à Calvin, en homme plein de fraude et de tromperie, d'un esprit rusé et tenant du renard, il commence par dire qu'il aurait toutes chances de vaincre les catholiques, «si la dispute devait être tranchée» sur l'autorité des Pères.

  A023001141 

 Et cela, non en matière légère, [155] mais à propos des plus graves articles de notre foi: pax exemple, au sujet de la question du libre arbitre, sur laquelle il dit que les Latins ont parlé avec arrogance, «mais les Grecs avec plus d'arrogance encore;» relativement à la question de la personne du Médiateur, question où il soutient que l'erreur des Anciens est inexcusable; par rapport à la question de la concupiscence, où, après avoir dit qu'à lui seul le témoignage d'Augustin contient le sens de toute l'antiquité, il avoue bientôt après qu'il n'est pas de son avis.

  A023001141 

 Il affirme, dans la question de la satisfaction, que tous les Anciens, «ou ont fait erreur, ou ont employé un langage âpre et dur;» dans celle des prières pour les défunts, que tous les Anciens sont tombés «dans l'erreur;» dans celle du mérite, que les vieux Docteurs ont fort mal veillé à la pureté de la foi; que l'antiquité a péché «par une excessive sévérité,» en exigeant «le célibat de l'Evêque;» à propos de la pénitence, que «l'austérité exagérée des Anciens ne peut en aucune façon être excusée;» touchant celle du Carême, que les anciens Pères ont jeté des germes de superstition et ont été les victimes «d'un zèle mal placé et plein de superstition.» Ailleurs il reproche à toute l'antiquité d'avoir permis aux laïques «de baptiser en cas de péril de mort,» tout en avouant que cet usage [156] remonte presque aux origines de l'Eglise.

  A023001142 

 Lorsqu'il traite de l'Eglise Romaine, il s'exprime ainsi: «Je veux commencer par dire que je ne nie pas le grand honneur que rendent les Anciens à l'Eglise Romaine, et la façon respectueuse dont ils parlent d'elle.» Et un peu plus loin: «L'opinion, répandue je ne sais comment, que cette Eglise a été fondée et constituée par le ministère de Pierre, avait pour résultat de procurer à cette Eglise une faveur et une autorité considérables; c'est pourquoi en Occident elle s'appelait, par honneur, le Siège Apostolique.» Or, au même endroit il méprise, autant qu'il le peut, l'Eglise Romaine, et nie qu'elle ait été fondée par Pierre.

  A023001143 

 De même il reconnaît que dans l'Eglise antique les moines ont été en grand honneur, surtout à l'époque d'Augustin lequel, comme il l'observe, oppose, «dans son livre De moribus Ecclesiæ Catholicæ, [157] la sainteté de la profession monastique aux calomnies des Manichéens.» Et cependant, il n'en méprise pas moins les moines, et non seulement ceux de notre temps, mais les anciens si loués par saint Augustin.

  A023001156 

 Ce qu'il a fait si bien et dextrement, que qui voudra bien considerer ses escrits, confessera que c'est à luy, après Dieu, qu'appartient l'honneur de la résolution depuis suivie par toutes gens de bon jugement.» Ergone, Beza, solus Calvinus recte de Eucharistia sentiendi regulam novit? Omnes usque ad Calvinum tanti Sacramenti vim et efficaciam ignoraverunt?.

  A023001156 

 Theodorus Beza, in Praefatione quadam sua Gallica, ita extollit Calvini sui doctrinam de re sacramentaria, ut ipsum etiam Apostolis praetulisse videatur; scribit namque in haec ipsa verba: «Une chose est a noter, comment ledit Calvin se porta prudemment a traitter ceste matiere, tant en son Institution qu'au dit [164] petit livret; car, voyant que la miserable contention esmeue pour le faict de la Cène, avoit allumé un feu qui etoit pour mettre division entre les eglises, tout son desir fut de l'esteindre par une claire exposition de la matière, sans s'attacher à personne.

  A023001173 

 Videbis Paulum et Pauladiam, par miserum, tremore membrorum, ex maledicto matris, quassatum, ad memoriam ejusdem Martyris sanatos.

  A023001183 

 Par contre, le propre des catholiques est d'ordinaire de conserver les dépôts reçus des saints Pères et de condamner les nouveautés profanes.».

  A023001185 

 Dans ce combat nous avons commenté nombre de textes scripturaires, et si nous n'avions pas ainsi ouvert la voie, il est à croire qu'ils n'auraient compris rien du tout au Christ ou à l'Evangile, tant s'en faut, je pense, qu'ils eussent pu par leurs propres efforts secouer le joug pontifical; ou bien, s'ils en avaient trouvé le moyen, la force d'âme leur eût tout à fait manqué.

  A023001186 

 Il dit aussi que les Strasbourgeois lui ont rapporté le grand bruit et tumulte excité par Carlostadt au sujet de l'Eucharistie, de la destruction des images et du Baptême.

  A023001189 

 Calvin a condamné très ouvertement le mot de mérite, très ancien, très saint et très employé par tous les anciens chrétiens.

  A023001189 

 Luther a remplacé le mot antique de libre arbitre par l'appellation blasphématoire de «serf arbitre»; Calvin, de son côté, a taxé d'arrogance le même mot.

  A023001189 

 Mais si vous voulez voir plus ouvertement l'attrait violent qu'ont ces novateurs pour la nouveauté, vous vous en [165] rendrez facilement compte par leurs écrits et leurs actions.

  A023001189 

 Par une anarchie nouvelle, ils ont dénaturé la hiérarchie ecclésiastique; par une invention toute récente, ils ont mis les ministres, à savoir les diacres, au-dessus des prêtres et des évêques, et ceux-ci, que toute l'Eglise a toujours entourés de l'honneur dû au premier rang, ils les ont relégués au dernier.

  A023001190 

 En outre, alors que toujours les anciens Pères et toute l'Eglise prêchent la subsistance de l'Essence divine dans les Personnes, Calvin, au contraire, soit par une honteuse ignorance, à lui assez familière, soit par une in [167] croyable envie d'innover, qui l'a très fortement agité, a dit que les Personnes subsistent dans l'essence..

  A023001190 

 Il faut, en effet, ajouter ceci: dans la dernière édition latine, qui est de l'année 1602, on trouve non pas «résidence,» mais «subsistance», pour signifier la personne; par conséquent, comme je le suppose, les disciples de Calvin, avertis par ceux de notre religion, ont eu honte de cette nouvelle théologie, et ont jugé à propos de corriger ainsi leur docteur.

  A023001191 

 Enfin Luther s'exprime ainsi à propos de ce mot, consubstantiel: «Rien ne sert de m'objecter l'όμοούσιον employé contre les Ariens; ce mot n'a pas été employé par beaucoup, ni par de très illustres personnages.» Et peu après il dit qu'il faut pardonner aux Pères qui, à un moment donné, se sont servis du mot consubstantiel, dont nous nous occupons, mot profane, étranger à l'Ecri ture.

  A023001191 

 Quelle différence avec Jérôme écrivant autrefois au Pape Damase: «Je supplie Votre Béatitude, par le Crucifié, salut du monde, par la Trinité όμοούσιον,» etc. Tel était, en effet, le respect religieux que les très saints Pères avaient pour le mot consubstantiel, qu'ils s'en servaient dans leurs formules d'attestation.

  A023001191 

 «Si je hais cette expression,» ajoute-t-il ensuite, «et que je me refuse à m'en servir, je ne suis pas pour cela hérétique; car, qui peut me forcer à l'employer, pourvu que je tienne la chose elle-même que le Concile a définie d'après les Ecritures? Quoique les Ariens aient erré dans la foi, cependant (que ce soit avec une bonne ou une mauvaise intention) ils ont très bien fait d'empêcher qu'il fût loisible d'introduire dans les règles de la foi un terme profane et nouveau.» Que peut-on imaginer, je le demande, de plus impudent que ce charlatan? Les Pères antiques et catholiques ont combattu près de trois cents ans pour maintenir ce mot très vénérable de consubstantiel, dont la prononciation diverse faisait reconnaître les hérétiques des catholiques, et voici que ce [168] novateur et mauvais plaisant l'appelle un mot nouveau et profane! Aussi, rien d'étonnant que parmi ses disciples et sectateurs, il s'en soit trouvé qui ont substitué, par une souveraine perfidie, «semblable en substance» à consubstantiel; dignes disciples, à la vérité, de Cet apostat et déserteur de la foi qui, après treize cents ans, accuse de profanation le Concile de Nicée, le plus auguste de tous ceux qui eurent jamais lieu, tout en attribuant aux Ariens un zèle pieux.

  A023001195 

 De la face extérieure de l'Eglise ancienne, transformée par nos hérétiques.

  A023001197 

 Comment, en effet, pourraient-ils s'en dispenser, eux qui avouent que vous avez été fidèles et saints? En outre, pour éviter toute tergiversation possible, je ne parlerai que de ce qui est bien constaté avoir été habituellement pratiqué par l'Eglise pendant les premières cinq cents années de son existence; car Calvin, après Luther, nous fait cette remarque: «Souvenons-nous des cinq cents ans environ pendant lesquels la religion florissait encore dans tout son éclat, et la doctrine plus pure était en vigueur.» Et ailleurs, à propos de l'époque d'Augustin: «C'est une chose hors de discussion que rien n'a été changé dans la doctrine depuis le commencement jusqu'à cette époque-là.».

  A023001199 

 C'est pourquoi, dès l'époque du même Augustin, Aérius fut condamné par l'Eglise comme hérétique pour avoir affirmé qu'il n'y avait nulle différence entre l'évêque [171] et le prêtre.

  A023001200 

 Vous verrez Innocentia, pieuse femme de Carthage, obtenir la guérison d'un cancer incurable, par le signe de la Croix du Christ.

  A023001200 

 Vous y verrez Hespérius de Fussales recourir aux prêtres pour faire délivrer sa maison de la présence des esprits malins, et un «de ces prêtres y offrir le Sacrifice du Corps du Christ» (ce sont les paroles mêmes d'Augustin), «priant de toutes ses forces pour faire cesser l'importunité des démons; et cette dernière cessa aussitôt, par la miséricorde de Dieu.» Par conséquent, à une époque où l'Eglise était dans toute sa pureté, le Sacrifice du Corps du Christ, au témoignage d'Augustin, était offert par les prêtres..

  A023001201 

 Vous verrez le même Hespérius, pour n'avoir à souffrir lui-même aucun mal, suspendre dans sa chambre de la terre, apportée par un ami de Jérusalem, du lieu où le Christ ressuscita le troisième jour; puis, après que sa maison eut été purifiée de la présence des démons, ne plus vouloir garder dans sa chambre la terre sainte, et cela uniquement par respect.

  A023001202 

 Donc, on faisait déjà bénir de l'huile par les prières des prêtres, pour enchaîner et chasser les démons..

  A023001202 

 Vous verrez un jeune homme dont l'œil fut guéri par les prières des Saints pendant qu'il embrassait l'autel.

  A023001203 

 Vous verrez la jolie histoire du vieillard Florentius, tailleur d'Hippone, qui par les prières des Vingt Martyrs obtint de Dieu de quoi se nourrir et se vêtir, grâce au gros poisson qu'il vit tout palpitant au sortir de sa prière, et qu'il vendit trois cents bourses au cuisinier Carchisus, chrétien.

  A023001204 

 Vous verrez Martial, homme de la première noblesse, avancé en âge, mais ayant horreur de la religion chrétienne, converti subitement, à la grande admiration de tout le monde, [174] par les prières de saint Etienne et après avoir touché des fleurs rapportées de son autel; puis, pénitent, baptisé par les prêtres, et ayant ensuite coutume, toute sa vie durant, de dire fréquemment cette prière de saint Etienne: O Christ, reçois mon esprit..

  A023001204 

 Vous verrez le même prêtre, à demi-mort par suite d'une autre maladie, rendu à la vie par l'apposition sur son corps d'une tunique rapportée du tombeau du Martyr.

  A023001205 

 De même, un enfant écrasé par une roue de char et presque mourant, saisi et emporté aussitôt par sa mère au tombeau du Saint, où non seulement il fut rendu à la vie, mais apparut sans la moindre blessure.

  A023001205 

 Il termine son chapitre remarquable par ces mots: «Qu'est-ce qui remplissait le cœur de ceux qui se réjouissaient ainsi, sinon la foi du Christ, pour laquelle le sang d'Etienne a été répandu?».

  A023001205 

 Vous verrez Paul et Pauladia, affligés tous deux d'un tremblement des membres par suite de la malédiction de leur mère, guéris à la confession du même Martyr.

  A023001205 

 Vous verrez aussi trois podagres guéris par le même Martyr.

  A023001205 

 Vous verrez le fils d'Irénée mort, et ressuscité par l'onction de l'huile du Martyr; et aussi Eleusinus, petit enfant, déposé inanimé sur la confession du Martyr, ressuscité après la prière.

  A023001206 

 Cependant, de l'aveu de nos mauvais plaisants, au temps d'Augustin l'Eglise était pure, sainte, nullement encore déformée par une doctrine perverse.

  A023001206 

 Il est par suite étonnant que de ce seul chef tous les luthériens et calvinistes ne se sentent vaincus et convaincus, et ne considèrent Luther et Calvin comme des imposteurs, eux qui confessent l'état très pur de l'Eglise à l'époque d'Augustin, et qui d'autre part, ne tiennent pas pour un menteur ce dernier qui rapporte comme très vraies et très certaines toutes les choses racontées plus haut..

  A023001206 

 Ne voyez-vous pas les clercs, les diacres, les prêtres, les évêques? Ne remarquez-vous pas le Sacrifice du Corps du Christ, l'autel, la dédicace de l'église, les Religieuses, la bénédiction de l'huile et la bénédiction épiscopale, les corps des Saints conservés précieusement et glorifiés par tant de miracles, et leurs tombeaux placés dans les églises? Avez-vous entendu le récit de la femme guérie par le signe de la Croix, du pauvre vêtu à l'invocation des Saints, la terre des Lieux Saints tenue en vénération, les reliques transportées avec honneur, et cela par les évêques, les Religieuses chantant des hymnes et des oraisons? Qu'y a-t-il de semblable, je le demande, dans les synagogues de Calvin ou de [176] Luther? Ces derniers se moquent de tout cela, comme si c'étaient des coutumes introduites abusivement et superstitieusement, aux siècles derniers, dans l'Eglise de Dieu.

  A023001207 

 En vérité, quels réformateurs, bon Dieu! sont ces gens qui ont méprisé et repoussé comme profanes toutes les pratiques, toutes les œuvres de l'Eglise, tout ce dont celle-ci se parait à son époque de pureté et de sainteté! N'est-ce pas plutôt le nom de déformateurs qui leur convient, et ne doivent-ils pas être considérés, hués et chassés par tout le monde comme d'ineptes et impudents novateurs? Déjà autrefois Tertullien avait écrit ces belles paroles: «Nous avons coutume de récuser les hérétiques comme de date récente.» Pourquoi donc ne récuserions-nous pas aussi les nôtres?.

  A023001207 

 Reconnaissez-vous donc vaincus maintenant par ce que vous avez avoué plus haut.

  A023001207 

 Vous nous avez trop libéralement concédé, ô Luther et Calvin, que l'Eglise de Dieu n'a été déformée par aucune erreur et aucun abus pendant ses cinq cents premières années: quoi, en effet, de plus facile pour nous que de prouver que les Pères de cette époque ont cru exactement tout ce que nous croyons aujourd'hui et qui fait le sujet de nos controverses? Pour que vous ne pussiez plus en douter, deux Illustrissimes Cardinaux, remarquables lumières et ornements de notre siècle, Baronius dans ses Annales Ecclésiastiques, et Bellarmin dans ses Controverses, en avaient fourni la preuve.

  A023001241 

 Les hérétiques de notre temps poussés par l'esprit de dissension.

  A023001243 

 Et les hérétiques de notre temps, non seulement sont divisés de [181] sentiment, mais aussi, comme nous l'avons déjà dit, sont poussés par l'esprit de dissension, car ils ont supprimé tout ce qui pourrait amener la diversité des croyants à l'union ou à l'unité d'esprit et de foi.

  A023001243 

 Parmi eux, nul siège principal auquel, comme le disait saint Irénée, toute l'Eglise puisse recourir; chacun s'arroge la verge du censeur; ils méprisent l'autorité des Conciles, dont la première utilité est de concilier entre elles les opinions divergentes par l'échange mutuel de vues entre les catholiques.

  A023001244 

 Y a-t-il un hérétique, à l'exception d'un ou de deux, qui ait jamais autrement entamé sa lutte et troublé les foules dans l'Eglise de Dieu, qu'en en prenant prétexte dans l'Ecriture? Tous les hérétiques ont l'habitude de crier: La Parole de Dieu, la Parole de Dieu! tout en bouleversant [182] l'Ecriture par les Ecritures, c'est-à-dire en étouffant l'esprit vivifiant sous la lettre qui tue.

  A023001245 

 Cependant, jamais exemple n'a été si frappant que celui des hérétiques de notre époque; ces quatre mots de l'Evangile: Ceci est mon corps, ont été, en effet, compris par eux avec une telle diversité et contradiction de sentiments, que déjà de son temps Luther, comme nous le disions tout-à-l'heure, avait observé sept interprétations très dissemblables.

  A023001245 

 Et cependant il nous faut continuellement lutter avec lui.» Et un peu après, à propos de Satan: «Il trouvera le moyen de faire naître par l'Ecriture tant et de si grandes sectes turbulentes, que tu ne sauras plus retrouver l'Ecriture, la foi, le Christ et toi-même.» Et aussitôt, revenant à la même pensée: «Quoique le démon soit forcé de nous laisser tranquilles, cependant il n'a pas oublié ses artifices; car à la dérobée il a semé dans nos assemblées la zizanie, je veux dire les faux frères qui ont embrassé notre doctrine et nos paroles, non pour nous aider à propager l'Ecriture, mais pour attaquer par derrière notre armée, au moment où nous combattons en première ligne, afin d'exciter les foules et nous faire une guerre furieuse.» Et peu après: «Mais il ne cessera pas; il ira plus loin dans une occasion si favorable, et attaquera plusieurs articles de foi.

  A023001245 

 Par conséquent, l'Ecriture toute seule ne peut amener l'union des esprits et des fidèles, mais elle a besoin d'un interprète qui en manifeste le sens dans le même esprit où elle a été écrite et révélée.

  A023001245 

 Un peu plus haut, en parlant des sacramentaires et de leur hérésie, il avait dit: «En cette partie, il [le démon] a fait par l'Ecriture une dizaine de brèches environ et s'est préparé des échappatoires, si bien que je ne sache pas qu'il ait jamais existé une hérésie plus difforme, ni qui dès son origine ait eu tant de chefs, tant de sectes différentes, tant d'opinions discordantes, tendant toutefois finalement au même but, qui est de poursuivre le Christ.» Jusqu'ici Luther..

  A023001246 

 Toutefois, pour ne pas manquer de se montrer hérétique même ici, Luther fait un beau mensonge en appelant «moyens humains de défense» les Conciles; car elle est divine, non humaine, l'assemblée qui commence ses décrets par ces mots: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous. S'il s'agit ici d'un moyen de défense purement humain, où en trouvera-t-on un, je le demande, qui sera divin? Et s'il existe quelque part un autre moyen divin de défense, pourquoi donc Luther fait-il de si grands efforts pour éviter les moyens humains, pouvant s'en procurer de divins et, par le fait même, évidemment meilleurs et plus sûrs que les humains? En vérité, quelqu'un peut-il croire que le Dieu très bon et très grand n'ait pas songé à fournir pour le besoin en question le moyen de défense voulu, moyen, par suite, totalement divin, destiné à conserver l'union et la paix de toute son Eglise? [187].

  A023001246 

 que l'usage des Conciles a été pratiqué par les Pères dans ce but: toutes choses parfaitement vraies, bien que dites par un menteur habitué à mentir.

  A023001296 

 Ils sont nuées sans eau, emportées au hasard par les vents, vagues furieuses de la mer, jetant l'écume de leurs hontes, astres errants.

  A023001297 

 Que celui qui aura le premier dompté l'autre, soit le vainqueur; qu'il vous soit fait selon votre désir.» Et dans le même livre: «Nous n'appartenons pas au Pape, mais le Pape nous appartient; à nous de ne pas être jugés par lui, mais de le juger lui-même: car l'homme spirituel n'est jugé par personne, et juge tout le monde.» [190].

  A023001298 

 Lui-même, du reste, ne le nie pas, car répondant par lettre à un certain ami: «Tu me rappelles avec raison à la modestie,» dit-il; «je sens cela moi-même, mais je ne suis pas en pleine possession de moi, je suis entraîné par je ne sais quel esprit Tout en ayant conscience de ne vouloir du mal à personne, je suis poussé à bout furieusement par mes ennemis, à tel point que je ne traite pas l'adversaire avec la convenance voulue.».

  A023001299 

 Mais je me vois pris; nulle voie pour m'échapper.» Et peu après: «Si encore aujourd'hui quelqu'un pouvait me prouver, par un témoignage solide des Ecritures, que dans le Sacrement de l'Eucharistie il n'y a que du pain et du vin, il ne serait pas nécessaire de m'entreprendre à ce sujet sur un ton si mordant; car je suis, hélas! porté plus qu'il ne faut de ce côté, autant que je puis connaître la nature de l'Adam qui est en moi.» Peut-on imaginer, je le demande, un esprit plus contentieux que celui de cet homme, qui ne cherche pas, selon ses propres expressions ce qui est vrai ou faux, mais ce qui peut ennuyer le Pape ou l'Eglise, et étudie, non par amour et désir de la vérité, mais par haine de la Papauté?.

  A023001301 

 Quoi de plus arrogant que l'accusation lancée par Calvin contre tous les Pères, qui, d'après lui, seraient tombés dans l'erreur ou auraient parlé avec [193] arrogance? De même, quoi de plus arrogant que Bèze, qui attribue au seul Calvin l'honneur d'avoir vu juste, d'avoir découvert la vérité au sujet du mystère de l'Eucharistie, comme si personne, absolument personne d'entre les mortels, n'avait possédé la vraie doctrine sur l'Eucharistie avant l'époque de Calvin? Et que donne-t-il à entendre, je vous prie, lorsqu'à la fin de la Vie de Calvin écrite par lui, Bèze ajoute ces paroles d'Elisée voyant Elie enlevé au ciel: Mon père, mon père, char d'Israël et son conducteur! sinon qu'il veut qu'on prenne Calvin pour Elie et lui-même pour Elisée?.

  A023001307 

 Par exemple, qu'on leur demande si les actes de charité justifient, ils le nieront.

  A023001309 

 Ne voyez-vous pas l'entêtement? Il exige les Ecritures, nous les fournissons; il les détourne par une interprétation fuyante.

  A023001311 

 Au commencement, il en [197] appela du Légat du Siège Apostolique au Siège Apostolique lui-même; puis, une fois condamné par le Siège Apostolique, se tint-il tranquille ou se soumit-il? Ni l'un ni l'autre, mais avec une impudence plus grande il en appelle au Concile.

  A023001318 

 Nous apportons encore le texte où le même Augustin écrit que «les âmes des défunts sont recommandées aux prières des Martyrs, lorsque les corps des défunts sont ensevelis dans les lieux consacrés à l'honneur de ces Martyrs et contenant leurs reliques.» Comment nos mauvais plaisants échappent-ils à ces textes? En disant tout simplement que ces choses ont été écrites non avec intention, mais en passant et par inadvertance.

  A023001318 

 Nous apportons un texte tiré de ses Commentaires sur l'Exode, où il enseigne ouvertement que, «par les prières des Martyrs, Dieu pardonne aux péchés de son peuple.» Nous apportons aussi le passage cité plus haut, où il affirme clairement que plusieurs personnes ont été guéries ou aidées par les prières de saint Etienne.

  A023001318 

 Or, nous citons un passage plus remarquable, où Augustin lui-même invoque le bienheureux Cyprien en présentant ainsi son désir: «Puisse-t-il nous aider par ses prières, afin que, par la grâce du Seigneur, nous imitions ses vertus autant que nous le pouvons.» C'est là peu de chose, [199] disent-ils, car Augustin ne s'arrête pas longtemps à ces prières.

  A023001319 

 Que par toi soit digne de pardon ce que par toi nous présentons; que nous puissions obtenir ce que nous demandons avec confiance.

  A023001319 

 Reçois ce que nous offrons, obtiens-nous ce que nous demandons, éloigne ce que nous craignons, car tu es l'unique espoir des pécheurs; par toi nous attendons le pardon de nos fautes, et en toi, toute Bienheureuse, est l'espérance de notre récompense.

  A023001321 

 J'ai vu un des premiers ministres de Genève qui, après s'être insolemment emporté contre l'intercession des Saints, ne pouvant être convaincu par l'autorité non seulement de l'Ecriture, mais aussi des Pères, finit par dire qu'il s'avouerait vaincu s'il était prouvé qu'Augustin eût jamais invoqué la Bienheureuse Vierge.

  A023001322 

 C'est là un trait commun à tous les hérétiques présents et passés, ainsi que l'a autrefois observé notre Vincent de Lérins: «Lorsque,» dit-il, «ils complotent d'échafauder une hérésie sous un faux nom, le plus souvent ils s'emparent de paroles écrites un peu trop obscurément par quelque ancien, pour que, par leur obscurité même, elles s'accordent en quelque façon à leur enseignement, et afin que le je ne sais quoi qu'ils émettent, ils ne paraissent ni les premiers ni les seuls à l'émettre.» Notre distingué ministre, dont nous venons de parler, appliquant cette façon de faire à tous les passages si clairs d'Augustin que nous avons cités, opposait ce seul endroit où, à propos du Christ, il s'exprime ainsi: «Il est le Prêtre qui, maintenant entré dans l'intérieur du voile, est seul, de tous ceux qui ont porté la chair, à intercéder pour nous.» Ainsi ce docteur subtil voulait montrer une contradiction entre Augustin et [204] Augustin, sans voir que dans le dernier texte il s'agit de l'intercession qui s'opère par la rédemption, ce que le contexte indique très clairement.

  A023001330 

 Aussi ne reconnaissons-nous pas les Saints comme médiateurs, c'est-à-dire comme se tenant entre Dieu et nous, à la manière du [207] Christ, qui est en effet entre Dieu et nous, parce qu'il participe à la fois à la nature divine et à la nature humaine, étant Fils de Dieu et fils de l'homme; mais nous invoquons les Saints, pour que ceux-ci coopèrent aux prières que nous adressons par l'intermédiaire du seul Jésus-Christ notre Seigneur.

  A023001330 

 Nous répondons en termes on ne peut plus clairs et précis que nous ne donnons de coadjuteurs, ni à Dieu que nous prions, car nous savons fort bien qu'il n'a pas besoin de coadjuteurs pour faire miséricorde, ni au Christ par qui nous prions, attendu que nous savons que son intercession auprès du Père est toute-puissante; mais c'est à nous qui prions, que nous donnons des coadjuteurs, en ce sens que nos prières sont aidées par celles de nos frères, les pieux et les saints surtout, pour que Dieu les exauce par le seul Christ.

  A023001380 

 Pour Luther, il est vrai, c'est une gloire dont il se pare d'avoir le premier et seul excité des troubles; car il se félicite de ce que «les allemands, l'esprit en suspens, attendaient» quelle serait l'issue de la lutte provoquée par lui, et «que personne auparavant,» dit-il, «ni évêque, ni théologien n'avait osé entreprendre.» Pour lui, cette gloire hérétique était d'un si grand prix, qu'il se considérait comme offensé si l'on disait qu'il avait emprunté à d'autres ses opinions; et parce que la plupart le considéraient comme un hussite, il réclamait par cette exclamation: «C'est faux de m'appeler hussite! Hus n'est pas de mon avis; mais s'il a été hérétique, je le suis dix fois plus que lui, car il a dit bien moins de choses que moi, et de moindre importance.».

  A023001381 

 Il est évident que ce n'est pas sous l'impulsion divine qu'il a commencé toute l'affaire (bien qu'il se vante ailleurs, comme le font tous les hérétiques, d'avoir été appelé par Dieu), mais que ç'a été par un entraînement [213] humain et tout à fait charnel: «C'est,» dit-il lui-même, «par hasard, non volontairement et à dessein, que je me suis jeté dans ces agitations; j'en atteste Dieu lui-même.» Qu'y a-t-il de plus opposé à une impulsion divine que ce qui arrive par hasard? Quoi de plus clair, d'après les paroles ci-dessus, que notre apostat s'est jeté, non dans la prédication pacifique de l'Evangile, mais dans les agitations? Et il n'est pas le seul à affirmer cela; Philippe Mélanchton, fameux luthérien, s'exprime ainsi: «Tels ont été les commencements de cette controverse dans laquelle Luther, ne soupçonnant ou ne rêvant rien au sujet du changement futur des rites, ne répudiait pas même absolument les Indulgences, mais y réclamait seulement de la modération.

  A023001381 

 Voyons maintenant par quelles voies et sous quelle influence Luther est arrivé à ces nouvelles doctrines.

  A023001382 

 Voici, en effet, ce qu'il écrit de lui-même: «Je haïssais ce mot: Justice de Dieu, que, par suite de l'usage de tous les docteurs, j'avais appris à comprendre philosophiquement de la justice formelle et active de Dieu, par laquelle Dieu est juste et punit les [214] pécheurs et les coupables.» Et peu après: «Je n'aimais pas, bien plus, je haïssais un Dieu juste et punissant les pécheurs, et je m'indignais contre lui en silence; ce qui, si ce n'était un blasphème, était certes un grand murmure.» Et ailleurs, expliquant ce texte de saint Paul: La justice de Dieu est révélée dans l'Evangile, il dit que tous les Docteurs, à l'exception d'Augustin, l'ont interprété dans le sens de justice punissante de Dieu.

  A023001383 

 D'abord, que la nouveauté de Luther commença par la haine de Dieu, de tous les péchés le plus grave: source digne, en vérité, de s'épancher en tant de ruisseaux d'hérésies..

  A023001384 

 En second lieu, que Luther ne s'amenda pas après avoir lancé son hérésie, mais persista dans cette haine exécrable: «Car,» dit-il, «qui peut aimer un Dieu qui s'irrite, qui juge, qui condamne?» Par ces paroles, non seulement il affirme sa haine de Dieu, mais aussi son impossibilité passée et présente d'aimer Dieu.

  A023001385 

 En effet, même en laissant de côté Chrysostôme et Théodoret, certainement Thomas et Nicolas de Lyre (ce [216] dernier est entre les mains de tous) interprètent ouvertement notre texte dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie, bien que l'opinion contraire ne soit pas entièrement improbable..

  A023001386 

 Augustin lui-même, Nicolas de Lyre et la Glose ordinaire expliquent clairement ainsi: Délivrez-moi dans votre justice, c'est-à-dire: Ma justice étant nulle, je ne puis être délivré par elle; aussi désiré-je être délivré par la vôtre, ô Dieu bon.

  A023001386 

 En quatrième lieu, Luther montre bien son impudence lorsqu'il affirme que le passage cité plus haut du Psaume n'a été compris par personne, parmi les catholiques et les Pères, dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie.

  A023001387 

 Car longtemps il flatta le Pontife Romain lui-même, et, quoiqu'il eût écrit injurieusement contre le Roi d'Angleterre [217], il lui envoya ensuite une lettre où, par des flatteries et des caresses, il s'efforce d'amadouer l'esprit du Roi en écrivant sur ce toi: «J'ai conscience que Votre Majesté a été très gravement oflfensée par mon petit livre que j'ai fait paraître sottement et précipitamment.» Et peu après: «Maintenant, grandement honteux, je n'ose lever les yeux devant Votre Majesté, moi qui me suis laissé aller à agir par légèreté contre un tel et si grand Roi, étant donné surtout que je ne suis que du rebut et un ver de terre, qui méritait seulement d'être vaincu ou laissé de côté par mépris.» Ensuite, à genoux aux pieds du Roi, il demande pardon et promet, si le Roi le désire, de chanter la palinodie.

  A023001387 

 Mais, peu de temps après, le Roi d'Angleterre ayant une seconde fois écrit contre lui, de nouveau il attaque le Roi avec des injures beaucoup plus atroces encore, se repent d'avoir écrit sa lettre, s'efforce par tout moyen d'excuser l'hypocrisie avec laquelle il avait promis de chanter la palinodie, et montre qu'il lui a écrit la lettre en question pour [218] l'attirer à son hérésie: «Tout plein de mes convictions,» dit-il, «j'ai fait cette prière, et écrit cette lettre vainement suppliante, que ces porcs traitent indignement et déchirent.» Peu après il dit avoir usé du même stratagème à l'égard de Georges, duc de Saxe; quelques mots plus loin il affirme de nouveau qu'il ne se repent pas de ses stratagèmes, ayant agi pour propager l'Evangile, et n'a pas honte d'appeler zèle pieux et honnête de telles fictions et hypocrisies.

  A023001388 

 Qui croira jamais que ces lèvres trompeuses d'un Luther parlant d'un cœur double, ont été choisies par Dieu pour allumer de nouveau dans le monde la lumière de l'Evangile! Où a-t-on jamais vu ou lu qu'une hérésie ait eu des origines si basses et plus exécrables que celle où tout a commencé, non sous l'impulsion d'un motif sérieux et volontairement, mais par l'effet du hasard; par haine de Dieu, non par amour; au moyen de mensonges et d'hypocrisie, non pour la vérité? Quant à son auteur, c'était un homme fauteur de troubles et tellement violent, que, au témoignage de Philippe Mélanchton, non seulement Erasme, mais aussi le duc Frédéric, soud la protection et les auspices duquel Luther lança [219] son aventure tragique, lui souhaitaient une douceur et une modération que lui-même reconnaissait lui faire défaut, en avouant qu'il agissait sans être en pleine possession de soi-même..

  A023001395 

 Enfin Luther ajoute: «J'avouai devant le démon, convaincu par la loi de Dieu, que j'avais péché, que j'étais damné comme Judas; mais je me tournai vers le Christ avec Pierre, et je considérai son immense bienfait et mérite.

  A023001395 

 S'adressant alors aux catholiques: «Si vous deviez soutenir les chocs du démon, et écouter ses argumentations, vous ne chanteriez pas longtemps votre refrain sur l'Eglise et les anciennes coutumes; car Satan, en un clin d'oeil, remplit [221] de terreurs et de ténèbres l'esprit tout entier.» Ensuite, pour répondre au nom du diable à l'objection qu'il avait faite, il s'efforce de montrer par beaucoup de raisons que parfois le diable lui-même enseigne la vérité, et ment de telle sorte que son mensonge est mélangé de vérité.

  A023001396 

 Allons, hommes de cœur, nos oreilles ont entendu, nos yeux ont vu! Voilà donc cette fameuse liberté évangélique que Luther, et, à son exemple, les autres hérétiques de notre temps ont introduite! «Nous avons été délivrés,» dit Luther, mais non au moyen de la liberté que le Christ nous a acquise par son sang précieux, mais au moyen de la liberté que Satan a apportée à Luther du fond des enfers.

  A023001464 

 [Même à ne tenir compte que de l'ennui qu'il y a à s'occuper de pareille matière, il serait temps que je misse fin à cette discussion [223] qui m'a retenu plus longtemps que je n'avais pensé, si je ne me voyais obligé, par le zèle du bien public, de dévoiler le plus brièvement possible la ruine toujours plus grande dont les inventions de nos novateurs menacent les intérêts civils des chrétiens.

  A023001470 

 La première proposition est exprimée par ces claires paroles de Calvin: La meilleure façon d'administrer la République est la façon aristocratique ou même démocratique, et par conséquent, la façon monarchique est la pire de toutes.

  A023001470 

 Notre homme, en effet, qui a voulu passer pour un grand politique, n'a pas ignoré que rien n'est plus dangereux que d'exciter le peuple et la partie dirigeante du peuple, par l'espérance d'un gouvernement meilleur, à ambitionner ou désirer le pouvoir; car, après l'avoir ambitionné ou désiré, ils peuvent chercher à le capter.

  A023001471 

 Ainsi le Dieu très bon et très grand a régi son peuple d'Israël par des chefs, des Juges, des Rois; les affaires de son Eglise, par les Souverains Pontifes; celles du Ciel, par l'Archange Michel, sous la dépendance duquel sont, dit-on, les autres Anges.

  A023001477 

 La seconde proposition est celle de Luther, que nous avons déjà rapportée plus haut: «Il n'y a absolument aucune distinction à [226] faire entre les diverses circonstances que l'opinion commune de tous les hommes considère comme aggravant les péchés;» de sorte que l'inceste commis par un individu avec sa fille ou sa sœur n'est pas plus grave que s'il était commis avec une veuve étrangère ou avec une courtisane; de sorte aussi que l'homicide d'un ennemi est l'égal de celui d'un père, d'une mère ou du prince.

  A023001477 

 [Si quelqu'un ne voit combien cela est préjudiciable à la République, il est bien digne d'être accusé d'avoir commis un inceste avec sa fille ou sa mère, ou bien d'avoir attenté à la vie du prince, pour apprendre par son expérience s'il pourra persuader aux princes ou aux magistrats ce qu'il s'est si sottement laissé persuader par Luther.].

  A023001483 

 Faudra-t-il ne pas combattre la peste par les remèdes, la famine par les approvisionnements de diverses sortes, uniquement parce que, au moyen de ces afflictions, Dieu, non seulement nous visite et nous châtie, mais nous éprouve, nous traite comme siens et nous perfectionne? Pourquoi donc le prince porte-t-il le glaive et le soldat les armes, si ce n'est pour réprimer les attaques des ennemis et chasser les envahisseurs de la République? C'est pour cela, sans aucun doute, que les soldats sont loués, même dans l'Evangile, parce qu'ils peuvent être justes, comme Corneille, ce noble centurion dont il est question dans les Actes des Apôtres; c'est pour cela aussi qu'ils reçoivent l'approbation de Jean-Baptiste lui-même, non s'ils quittent la milice, mais s'ils ne frappent personne, s'ils ne font pas de calomnie et s'ils se contentent de leur solde.

  A023001483 

 La troisième proposition est encore de Luther: «Combattre contre les Turcs, c'est s'opposer à Dieu, qui visite nos iniquités par leur moyen.» Que peut-on dire, je le demande, de plus insensé, de plus inique et de mieux fait pour perdre toute la République chrétienne que cette proposition? Faudra-t-il donc qu'aucun prince [227] ne réprime les brigands des grands chemins, les ravageurs des champs, les incendiaires, enfin les ennemis qui portent la ruine au dehors ou au dedans? Il est en effet certain que les hommes pervers qui tourmentent les bons, le font pour que, avec la permission de Dieu, ceux-ci soient visités par Dieu et corrigés.

  A023001492 

 Il est donc nécessaire d'être soumis, non seulement par crainte du châtiment, mais aussi par motif de conscience, car ce sont des ministres de Dieu.

  A023001503 

 Aucun état ne peut être heureusement administré par des lois.

  A023001505 

 Aussi la Sagesse éternelle dit-elle ceci: C'est par moi que les rois règnent, et que les législateurs décrètent ce qui est juste.

  A023001505 

 Donc, ceux qui, comme rois, règnent par Dieu, ceux-là aussi par Dieu font des lois afin de décréter ce qui est juste.

  A023001505 

 Il est inutile de discuter cette proposition d'après ce qu'en disent Aristote et les auteurs profanes; [je voudrais plutôt, si nous avions le loisir de le faire avec toute l'ampleur et l'abondance requises par la matière, traiter celle-ci comme elle le mériterait, d'après les raisons qui conviennent à un jurisconsulte, et que nous [233] fournirait facilement notre Jurisprudence.] Qu'il suffise de dire que jamais chez les chrétiens un état n'a été administré sans lois..

  A023001505 

 La sixième proposition est de Luther (nous parlons indifféremment de Luther et de Calvin, parce que nous ne croyons pas que leur enseignement soit fort dissemblable): «Aucun état n'est heureusement administré par des lois.» Et lorsque nos docteurs [232] catholiques eurent tiré cette proposition des assertions de Luther et la lui eurent opposée comme une très absurde erreur, lui, non seulement ne la nia pas, mais l'affirma expressément et en donna la raison par ces paroles: «C'est là un fait d'expérience.» Quelle expérience, ô Luther? As-tu connu, peut-être, de tes yeux, par ouï dire, ou par tes lectures, un état monarchique, aristocratique ou démocratique, qui ne soit régi et dirigé par des lois? Es-tu par hasard meilleur politique et plus prudent que le Dieu très bon et très grand, ou mieux exercé dans l'art d'administrer heureusement un état? Or, à son peuple d'Israël, Dieu a proposé et ordonné des lois à observer, non seulement morales et cérémonielles, mais aussi politiques et judiciaires.

  A023001511 

 La septième proposition de Luther, par laquelle nous voulons terminer, est tirée du passage qui traite de la différence entre la loi et l'Evangile: «La conscience n'a rien à voir avec la loi, les œuvres et la justice terrestre.

  A023001511 

 Par ces paroles il est hors de doute, comme tous les [234] Anciens l'ont observé, que tous les rois sont invités au culte du Christ..

  A023001511 

 Par contre, qu'en matière civile l'obéissance à la loi soit exigée très sévèrement; qu'on ignore tout de l'Evangile, de la conscience, de la grâce, de la rémission des péchés, de la justice céleste..., du Christ, pour ne s'en tenir qu'à Moïse, à la loi et aux œuvres.» Jusqu'ici, Luther.

  A023001512 

 Et si le Christ po rte écrit sur sa cuisse: Roi des rois et Seigneur des seigneurs, ce n'est pas pour autre chose que pour apprendre aux rois qu'ils ne peuvent régner d'une manière plus heureuse et meilleure qu'en étant fidèles au Christ, à l'Evangile et à la piété, car le Christ est la Sagesse qui dit dans les Proverbes: C'est par moi que règnent les rois.

  A023001519 

 Aujourd'hui, en effet, presque personne dans le monde ne se fait hérétique; seuls à le devenir sont ceux qui naissent parmi les hérétiques [237] et d'hérétiques, et qui n'ont jamais entendu parler de notre religion catholique, sinon par des calomniateurs; ou encore, ceux qui désirent plutôt abandonner l'état monastique ou sacerdotal que la religion elle-même, pour chercher parmi les hérétiques l'impunité des crimes qui les ont rendus infâmes parmi nous; ou bien pour obtenir une plus large commodité de se livrer à la luxure et à la débauche, commodité qu'ils «appellent liberté de conscience; ou enfin, ceux qui sont empêchés de revenir à nous pour des motifs d'utilité ou même de fausse honte, plutôt que pour des raisons tirées de la science ou de la conscience.

  A023001520 

 J'ai de la peine vraiment, et une peine si profonde que je pleure presque en écrivant, de ce que tant d'hommes, nourris dès l'enfance de toutes ces sornettes, y persistent avec tant d'obstination; hommes, du reste, de grande valeur et remarquables par leur doctrine et leur esprit; bien mieux, plusieurs parmi eux (ce qui me chagrine davantage) sont à la fois des jurisconsultes et de grands amis à moi, que, en dehors de la question de religion, je vénère et [238] vénérerai toujours profondément.

  A023001521 

 Je vous prie instamment, par les entrailles de la miséricorde du Christ, hommes illustres, vous tous en quelque lieu que vous soyez, vous surtout qui m'aimez, d'examiner enfin une affaire de si grande importance avec sérieux et tranquillité, comme il convient, et dans un esprit d'humilité, non de superbe, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici.

  A023001521 

 Quant à l'Eglise elle-même, il fallait la conserver telle quelle, parce qu'à la rendre nouvelle on la rendait par le fait même fausse.

  A023001521 

 Qui croira jamais que vous avez été d'assez grands jurisconsultes pour pénétrer tous les textes les plus obscurs et les plus cachés de Papinien, et que cependant vous, même avertis et éclairés par tant de livres de nos théologiens, vous n'avez pas su percer à jour leurs inepties si sottes et puériles, si éloignées du sens commun? Revenez, je vous en prie, à l'Eglise de Dieu qui vous a reçus avec bonté à votre naissance dans le bain de la régénération, et qui, pour vous recevoir de nouveau, toute vénérable par ses soupirs et ses larmes, va au-devant de votre conversion.

  A023001521 

 Si donc vous en créez une nouvelle, confessez qu'elle est fausse; si vous conservez la nôtre, c'est donc de la nôtre que Paul a dit qu'elle est la colonne de vérité, en union avec laquelle, par conséquent, vous ne pouvez pas plus errer que demeurer dans la vérité en vous en éloignant.

  A023001521 

 Si notre Eglise est la vraie, pourquoi en cherchez-vous une autre? pourquoi en créez-vous une nouvelle? Les abus, que vous étiez convaincus faussement d'y reconnaître si nombreux, ils devaient être corrigés dans la mesure où ils existaient, non par vous, mais par le Pasteur et le Recteur de l'Eglise.

  A023001582 

 Quand il est dit que «Jesus Christ, vray Dieu et vray homme,» y est, il est par consequent dit que le vray cors de Jesuschrist y est; car un vray homme ne peut estre sans un vray cors..

  A023001583 

 Et affin de tellement declairer la presence de ce cors sacré au tressaint Sacrement que nul ne puisse plus douter comme les Catholiques la croyent, je dis et asseure: que le vray cors reel, substantiel, naturel de Jesus Christ, c'est a dire le mesme cors qui fut formé au ventre de la Vierge et de son tres pur sang, le mesme cors qui fut attaché en la croix et mis dans le sepulchre, le mesme cors qui fut resuscité, qui fut touché par saint Thomas, qui fut eslevé au Ciel et qui y est maintenant, lequel saint Estienne vid, ce mesme cors, dis-je, est vrayement, reellement et substantiellement present en ce divin Sacrement de l'Eucharistie..

  A023001585 

 Ainsy, le vray cors naturel du Sauveur fut formé au ventre de la tressainte Vierge, non naturellement mais surnaturellement, par l'operation du Saint Esprit; ainsy ce mesme vray cors naturel fut enfanté de la tressainte Vierge, demeurant vierge, non naturellement [245] mais surnaturellement, par miracle; ainsy ce mesme cors naturel estoit transfiguré sur la montaigne de Thabor, non naturellement mais surnaturellement; ainsy est-il resuscité, non naturellement mais surnaturellement..

  A023001585 

 Mays par ce qu'un cors, cors vrayement naturel, peut estre en quelqu'endroit ou naturellement ou surnaturellement, je dis que le sacré cors naturel, reel et substantiel de Nostre Seigneur Jesuschrist est au divin Sacrement non point naturellement, mais surnaturellement, par la toute puissance de Dieu.

  A023001605 

 J'estimoys, suyvant celle quil vous avoyt pleu m'escripre, que monsieur Sarrazin seroyt venu pour y satisfere entierement; mais je voys bien que l'on luy a baillé sa leçon par escript, a fin de fere prendre long traict a ceste dispute et l'eviter entierement, sil est possible.

  A023001605 

 Mais je laisse juger a la prudence de Messieurs si un faict si important peut estre traicté de ceste façon, car par ledit seigneur Sarrazin, leur delegué, et encores par vostre lettre ils sont obligés a la dispute.

  A023001605 

 Or, cecy n'est pas un affaire d'Estat ou il y aille aulcun hasard de perdre aulcune place; mais il est question de maintenir par dispute, publiquement, la doctrine de laquelle on faict profession, afin de desabuser ceux qui nous tiennent pour heretiques et de raffermir les infirmes en la foy et qui s'esbranlent par la veue d'une doctrine contraire; car les escripts de nos docteurs ne peuvent estre leus ni entendus du peuple, qui veut estre esclaircy par une conference faicte par vive voix, joint que tels escripts n'ont point de replicque.

  A023001614 

 Toutesfois, pour l'esperance du residu qui demeure encor sus pieds [252] par la grace, je vous supplies au nom de Nostre Seigneur, que l'on ne recule plus ceste conference; aultrement tout est perdu..

  A023001615 

 Dieu, par sa grace, vueulle avoir pitié de sa pauvre Eglise et la delivrer de tous dangers, fortifiant ses enfans par sa vertu, afin qu'ils ne defaillent en la foy.

  A023001615 

 Je ne parle plus par cueur; mon apprehension n'est pas une terreur panique, vous en voyez les effects.

  A023001629 

 Jay communiqué la vostre a ceux que jay peu de nostre Eglise, lesquels, au lieu d'en estre consolés, en ont comme receu un desespoir, puis qu'ils croyent vostre derniere resolution estre de ne vouloir entrer en dispute par vive voix: ce qui estoyt tres necessaire pour raffermir les infirmes, lesquels entrent en doute de la doctrine laquelle vous presches publiquement, et cependant ne la voules soustenir que par escript; forme de disputer qui ne prendra jamais fin, et n'en pourra on jamais tirer aulcune resolution, car il ny a là que pour les gens sçavants et de loysir qui peuvent lire et comprendre vos escripts..

  A023001631 

 Si les Apostres se feussent voulu contenter d'estre enfermés dans des chambres a leur aise, et enseigner le peuple par escript sans oser soustenir leur doctrine de vive voix, ils n'eussent pas donné grand avancement au regne de Jesus Christ, lequel estant establi par ce moyen, doibt estre conservé de mesme.

  A023001632 

 Dieu, par sa grace, nous fasse misericorde, car nous pouvons dire maintenant:.

  A023001632 

 Nous sommes arrivés au temps de la desolation, et semble que Dieu, par un juste jugement, ayt bandé les yeux aux plus entendus et frappe les voyans d'aveuglement.

  A023001645 

 Tous perissent par ton courroux;.

  A023001651 

 Quant a moy, je pense que tous fidelles qui sont membres d'un mesme corps se doibvent unir par charité; car, comme dit S. Augustin: Non est particeps divines charitatis qui hostis est unitatis.

  A023001651 

 Si ce chemin a esté licite, voyre choysible aultrefoys, pourquoy ne le sera il encores aujourdhuy? sinon que par nostre opiniastreté nous veulions donner lieu a nos passions plustost qu'a la raison..

  A023001652 

 [254] Le principal lien, c'est la charité: que donc elle nous eschauffe, afin que non point par vaines disputes et ergoteries, mais par le fil de la verité nous puissions amortir le feu de la dissention qui embrase tout le monde, afin que la charité de Nostre Seigneur nous unisse tous par une vraye et vive foy ensemble pour le glorifier eternellement..

  A023001687 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique, Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux qui ces presentes verront, salut..

  A023001688 

 Suyvant les ordonnances et Constitutions apostoliques, et le general consentement de l'Eglise de Dieu, Nous intimons par ces presentes le jeusne et abstinence du saint Caresme en tout ce diocese, defendant tres expressement a toutes personnes, de quelle qualité qu'elles soyent, de ne point manger, vendre ni debiter les viandes lesquelles, selon les loix et coustumes de l'Eglise, sont prohibees en ce tems la, sans expresse licence par escrit de Nous, nostre Vicayre general ou autres a ce deputés, nommés au bas des presentes..

  A023001689 

 Par lesquelles Nous intimons encor le Sinode pour le mercredy du second Dimanche apres Pasques, selon la louable coustume; commandant a tous curés et autres a qui il appartiendra, de s'y trouver personnellement pour y entendre les Constitutions et ordonnances necessaires a leur charge et bien de leur troupeau.

  A023001690 

 Nous intimons aussi la residence a tous ceux qui ont des benefices qui, de droit ou par coustume, la requierent; a ce que, dans deux moys precisement des la publication des presentes, ilz ayent a se rendre en leur devoir pour exercer personnellement leurs charges et offices, ou dire cause pour laquelle ilz pourroyent pretendre n'y estre obligés; a faute dequoy il sera procedé contre eux, selon la rigueur des loix et canons..

  A023001694 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve: a tous les ecclesiastiques de Nostre diocese, salut.

  A023001698 

 Neanmoins, le service annuel se fera par le curé qui aura ensevely le cors, au moyen dequoy le linceul et autres aumosnes des funerailles luy demeureront; tous autres differens estant remis au jugement des Surveillans..

  A023001701 

 VI. Tous ecclesiastiques suyvront en tout et par tout les decretz du tressaint Concile de Trente, et specialement en ce [266] qui est de l'Office divin et celebration de la Messe; et nul ne sera receu dores-en-avant a l'examen pour estre ordonné prestre, qu'il n'apporte attestation du Surveillant de son lieu de sçavoir exactement les saintes ceremonies de la divine Messe, selon l'usage de Trente..

  A023001705 

 Les tavernes et cabaretz sont interditz a tous ecclesiastiques es lieux de leur residence, sans aucune exception de quel pretexte que ce soit, mesme des appointemens et par tout ailleurs, sinon en cas d'evidente necessité, auquel ilz s'y comporteront en toute modestie et sobrieté..

  A023001710 

 XV. Les curés ne permettront cy apres aux dames et autres femmes de dresser leurs bancs dans les chœurs des eglises, et procureront de faire oster ceux qui par abus y auroyent esté mis; comme aussi que les chassis ou vitres de leurs eglises soyent entiers et fermés, notamment ceux qui respondent aux autelz, pendant qu'on y celebre la sainte Messe..

  A023001711 

 Et est defendu a tous exorcistes generalement de commander au malin qu'il aye a reveler les sorciers et sorcieres par leurs noms, ni aucune autre sorte de peché..

  A023001714 

 XIX. Les curés feront publier au Prosne par troys divers Dimanches que les recteurs ou fondateurs des chappelles qui sont en leurs parroisses, ayent dans un moys apres la derniere publication, a comparoistre par devant nostre Vicaire general pour l'instruire du service et moyen d'entretenir lesdites chappelles; a faute dequoy elles seront rasees, et le revenu qui se trouvera, appliqué au maistre autel de la parroisse ou a quelqu'autre, selon qu'il sera plus convenable..

  A023001716 

 XXI. Les curés feront au plus tost venir par devant eux les sages femmes de leurs parroisses pour les examiner de la forme et matiere du Baptesme, et, si elles l'ignorent, la leur apprendront, a ce qu'en cas d'extreme necessité elles puissent baptizer, avec la matiere, la forme et l'intention requises..

  A023001718 

 XXIII. Toute autre façon de Prosne que celle qui a esté publiee par feu Monseigneur nostre predecesseur (que Dieu absolve) est entierement prohibee..

  A023001739 

 L'un et l'autre portera une courte dalmatique bleue, avec le nom de JESUS peint devant et derriere, et porteront chacun une clochette par le son delaquelle se fera la convocation des enfans.

  A023001743 

 Seront priés Messieurs du Conseil faire publier l'Edict fait par Son Altesse pour la Doctrine chrestienne..

  A023001749 

 On convoquera le peuple par le signe de la cloche, devant Vespres, de si bonne heure, que le Cathechisme puisse avoir deux heures, sur tout en tems d'esté..

  A023001754 

 Il les fera quelquefois arrester et leur demandera ce qu'il voudra, affin de les rendre par ce moyen plus prudens et plus attentifz.

  A023001757 

 Apres cela on entendra le sermon ou l'exhortation qui se fera par le prestre..

  A023001757 

 Il baillera des recompenses a ceux qui auront esté diligens et modestes: comme de devotes images, chapeletz, medailles et autres choses semblables; car il fera, par ce moyen, qu'ilz se comporteront tousjours mieux.

  A023001758 

 Tous les moys une fois pour le moins, le Prieur envoyera quelqu'un des officiers ou maistres a la Congregation generale ou diocesaine, qui rapportera tout l'estat et les necessités de son eschole; comme pareillement toutes les escholes se visiteront les unes les autres par quelqu'un des leurs, affin qu'il se fasse une sincere et sainte communication de tous les fruitz et utilités spirituelles a la plus grande gloire de Dieu.

  A023001764 

 Vos bouches sont les [279] canaux par lesquelz la paix coule du Ciel en terre sur les hommes de bonne volonté; vos voix sont les trompettes du grand JESUS, qui renversent les murailles de l'iniquité, qui est la mistique Hiericho..

  A023001765 

 C'est un honneur extreme aux hommes d'estre eslevés a ceste dignité a laquelle les Anges mesme ne sont point appellés; car, auquel des ordres angeliques fut il onques dit: Receves le Saint Esprit; de ceux desquelz vous remettres les pechés, ilz seront remis? Cela neanmoins fut dit aux Apostres et, en leurs personnes, a tous ceux qui par succession legitime recevroyent la mesme authorité.

  A023001774 

 Si donques, par exemple, vous le voyes travaillé de honte et de vergogne, donnes luy asseurance et confiance, luy remonstrant que vous n'estes pas ange, non plus que luy; que vous ne trouves pas estrange que les hommes pechent; que la confession et penitence rend infiniment plus honnorable l'homme que le peché ne l'avoit rendu blasmé; que Dieu premierement, ni les confesseurs n'estiment pas les hommes selon qu'ilz ont esté par le passé, mais selon ce qu'ilz sont a present; que les pechés, en la confession, sont ensevelis devant Dieu et le confesseur, en sorte que jamais ilz ne soyent rememorés..

  A023001776 

 Si vous le voyes craintif, abbattu et en quelque desfiance d'obtenir le pardon de ses pechés, releves le en luy monstrant le grand playsir que Dieu prend en la penitence des grans pecheurs; que nostre misere estant plus grande, la misericorde de Dieu en est plus glorifiee; que Nostre Seigneur pria Dieu son Pere pour ceux qui le crucifioyent, pour nous faire connoistre que, quand nous l'aurions crucifié de nos propres mains, il nous pardonneroit fort librement; que Dieu fait tant d'estime de la penitence, que la moindre penitence du monde, pourveu qu'elle soit vraye, luy fait oublier toute sorte de peché, de façon que si les damnés et les diables mesmes la pouvoyent avoir, tous leurs pechés leur seroyent remis; que les plus grans Saintz ont esté grans pecheurs: saint Pierre, saint Matthieu, sainte Magdeleine, David, etc.; et en fin, que le plus grand tort qu'on peut faire a la bonté de Dieu et a la Mort et Passion de Jesus Christ, c'est de n'avoir pas confiance d'obtenir le pardon de nos iniquités, et que, par article de foy, nous sommes obligés de croire la remission des pechés, affin que nous ne doutions point de la recevoir lhors que nous [282] recourons au Sacrement que Nostre Seigneur a institué pour cest effect..

  A023001782 

 Quand vous rencontreres des personnes qui, pour des enormes pechés, comme sont les sorcelleries, accointances diaboliques, bestialités, massacres et autres telles abominations, sont excessivement espouvantees et travailles en leurs consciences, vous deves par tous moyens les relever et consoler, les asseurant de la grande misericorde de Dieu, qui est infiniment plus grande pour leur pardonner que tous les pechés du monde pour les damner, et leur promettes de leur assister en tout ce qu'ilz auront besoin de vous pour le salut de leurs ames..

  A023001787 

 Vous y seres donq en robbe et surplis, et l'estole au col et le bonnet en teste, assis en lieu apparent de l'eglise, avec une face amiable et grave, laquelle vous ne deves jamais changer par aucuns gestes ou signes exterieurs qui puissent tesmoigner de l'ennuy ni du chagrin, de peur de donner quelque occasion a ceux qui vous verront de soupçonner que le penitent vous die quelque chose de fascheux et execrable..

  A023001799 

 Il leur faut donques apprendre a s'accuser premierement eux mesmes en ce qu'ilz pourront, et puys les ayder et secourir par les demandes et interrogations..

  A023001800 

 Il ne suffit pas que le penitent accuse seulement le genre de ses pechés, comme seroit a dire, d'avoir esté homicide, luxurieux, larron; mais est requis qu'il nomme l'espece, comme par exemple: s'il a esté meurtrier de son pere ou de sa mere, car c'est une espece d'homicide different des autres et s'appelle parricide; s'il a tué dans l'eglise, car en cela il y a sacrilege; ou bien s'il a meurtry un ecclesiastique, car c'est un parricide spirituel et est excommunié.

  A023001802 

 Par exemple, il y a bien de la difference entre se courroucer, injurier, frapper du poing, ou avec un baston, ou avec l'espee; qui sont divers degrés du peché de cholere.

  A023001803 

 De mesme, il se peut faire qu'avec un mauvais exemple on scandalizera une seule personne, et avec un autre mauvais exemple de mesme espece on [en] scandalizera trente ou quarante, et n'y a point de proportion entre l'un et l'autre peché; c'est pourquoy il faut particulariser, tant qu'il se peut bonnement faire, la quantité de ce qu'on a desrobbé, des gens qu'on a scandalizés par une seule action; et ainsy consecutivement des autres pechés, desquelz la malice croist et decroist selon la quantité de l'object et de la matiere..

  A023001803 

 J'en dis de mesme des pechés desquelz la malice se peut redoubler et multiplier en une seule action: par exemple, celuy qui desrobbe un escu fait un peché; celuy qui en desrobbe deux ne fait aussi qu'un peché, et tout de mesme espece, mais toutesfois la malice de ce second peché est double au pris du premier.

  A023001805 

 Or, le peché consiste plus a l'application du cœur qu'a celle du cors, et n'est nullement loysible de prendre a son escient playsir et contentement au peché, ni par les actions du cors, ni par celles du cœur.

  A023001805 

 Par exemple: celuy qui prend playsir a penser en soy mesme a la mort, ruine et desastre de son ennemy, encor qu'il ne desire point telz effectz, neanmoins, s'il a volontairement et a son escient pris delectation et res-jouissance en telles imaginations et pensees, il a peché contre la charité et doit s'en accuser rigoureusement.

  A023001806 

 Outre tout cela, encor faut il que le penitent s'accuse des pechés d'autruy, a l'exemple de David; car si par mauvais exemple ou autrement il a provoqué quelqu'un a peché, il en est coulpable, et cela s'appelle proprement scandale.

  A023001812 

 Ceux qui sont en excommunication majeure, le confesseur ne les en peut absoudre sans l'authorité du Superieur, sinon qu'elle ne fust point reservee par iceluy..

  A023001814 

 Item, les faussaires, faux tesmoins, larrons, usuriers, usurpateurs et detenteurs des biens, tiltres, droitz et honneurs d'autruy, et de mesme les detenteurs des legatz pieux, aumosnes, primices, decimes, plaideurs iniques, calomniateurs, detracteurs, et generalement tous ceux qui tiennent tort au prochain ne peuvent estre absous s'ilz ne font reparation du tort et dommage en la meilleure façon que faire se pourra, ou au moins qu'ilz ne promettent de satisfaire par effect..

  A023001824 

 Et par ainsy, si c'est un larcin, il le faut faire rendre, ou chose equivalente, par quelque personne discrette qui ne nomme ni decele en aucune façon le restituant; si c'est une fause accusation ou imposture, il faut procurer dextrement que le penitent donne, sans en faire semblant, contraire impression a ceux devant lesquelz il avoit commis la faute, disant le contraire de ce qu'il avoit dit, sans faire semblant d'autre chose.

  A023001824 

 Mays sur toute chose, il faut prendre garde que ceux desquelz on prend le conseil ne puissent en façon quelconque connoistre ou deviner le penitent, si ce n'est par son congé tres expres; encor ne le faut il faire avec son congé, si ce n'est par une grande necessité et qu'il en prie le confesseur hors et apres la confession.

  A023001830 

 J'ay dit griefvement, parce que, quand le coup est leger et le mal de peu d'importance [290], il peut estre absous par l'Evesque, sinon que le coup, quoy que leger de soy mesme, fust grandement scandaleux: comme par exemple, estant donné a un prestre faisant l'Office, ou en un lieu et compaignie de grand respect et considerable..

  A023001830 

 Tuer ou frapper griefvement une personne ecclesiastique, par malice et volontairement.

  A023001834 

 La violation des immunités de l'Eglise, lequel cas cinquiesme estant difficile a discerner et n'arrivant gueres souvent, et tousjours par des actions publiques, ne se decide presque point en confession qu'il n'ayt esté decidé hors d'icelle par les Evesques ou leurs Vicayres..

  A023001852 

 Les penitences ne doivent point estre embrouillees et meslangees de diverses sortes de prieres et oraysons: comme par exemple, de dire trois.

  A023001852 

 Pater, une hymne, les oraysons des Collectes, d'antiennes, de Psaumes: ni ne doit pas estre donnee en varieté d'actions: comme par exemple, de donner troys jours l'aumosne, de jeusner troys vendredis, de faire dire une Messe, de se discipliner cinq foys.

  A023001867 

 Or, les confesseurs estans eux mesmes pecheurs, ilz sont obligés d'estre humbles, debonnaires, et de se ravaler avec les pauvres penitens par une douce condescendance.

  A023001876 

 ( Pour les Ordonnances faites aux Synodes de 1604, 1606-1612, 1614-1616, nous n'avons que les sommaires insérés par le greffier épiscopal dans les Registres de l'ancien Evêché de Genève.

  A023001876 

 On y trouve la pensée de saint François de Sales et les mesures prises par lui pour le bon gouvernement de son diocèse, mais exprimées dans un style qui, souvent, n'est pas de lui; pour cette raison, nous croyons devoir renvoyer ces documents à l'Appendice I.) [298].

  A023001884 

 Mays la pierre de touche pour esprouver le bon d'avec le mauvais esprit et faire la difference de celuy qui commence d'avec l'autre qui est bien avancé, c'est d'estre prompt a souffrir: car le mauvais devient pire par les afflictions, et murmure contre la providence de Dieu; celuy qui commence se fasche d'endurer, et puys il a regret de s'estre laissé saisir a l'impatience.

  A023001886 

 Mais prenes garde a la ruse de nostre ennemy: avant que de les avoir portés au peché, il leur represente Dieu sans mains et sans foudre; et quand il les a renversés par terre, il le fait venir en leur imagination environné d'esclairs et de flammes, et tout couvert de feu pour les reduire en cendre..

  A023001887 

 Les operations surnaturelles, dit saint Bernard, se peuvent aussi bien faire par les personnes hypocrites que par les Saintz; les humbles de cœur en font reconnoistre la solidité et la verité..

  A023001888 

 Par exemple, quand elles disent: Je suis asseuree de ce que Dieu veut de moy; il vous advertit par ma bouche de ce qui est necessaire a vostre salut et a vostre conduitte, faites cela par mon advis, j'en respons devant Dieu; et semblables paroles qui marquent un grand esclarcissement des choses interieures et une conversation dans les Cieux: juges avec discretion si leurs actions sont conformes a ces hautes lumieres..

  A023001890 

 De plus, examines si, lhors qu'on parle de Dieu, ces personnes s'esgarent en des termes affectés, voulant faire voir que leur feu ne peut demeurer sous la cendre et que, par ceste estincelle, on pourra descouvrir les brasiers qui sont en leur interieur..

  A023001891 

 Si vous voules probablement juger si ces ames ont de vrays sentimens de Dieu et si les graces qu'elles disent recevoir de sa Bonté sont veritables, voyes si elles ne sont point attachees a leur propre jugement et a leur propre volonté, et a ces mesmes faveurs; mais au contraire, si elles [301] leur donnent du soupçon et les laissent irresolues jusques a tant que, par l'advis de leurs directeurs et de plusieurs personnes pieuses, doctes et experimentees, elles soyent confirmees en la creance de ce qu'elles doivent estimer de tout cela: car le Saint Esprit cherit sur toutes choses les ames humbles et obeyssantes; il se plaist merveilleusement a la condescendance et a la sousmission, comme estant Prince de paix et de concorde.

  A023001893 

 C'est, tout au contraire, un effect de l'heureuse conduite du Pere des lumieres d'inspirer par des sentimens interieurs, se couler doucement dans l'ame et y descendre comme la pluye sur la toison.

  A023001893 

 Saint Jean Chrisostome dit qu'a la verité Dieu fit entendre aux Hebreux ses commandemens avec de grans effroys et plusieurs bruitz de tonnerres, mays il le failloit pour espouvanter des gens qui ne se fussent pas rendus a composition que par crainte; et que, d'autre part, nostre Seigneur vint doucement a ses Apostres, qui estoyent plus dociles et moins ignorans des misteres divins.

  A023001900 

 C'est par la que nostre miserable Geneve nous a surpris, lhors que, s'appercevant de nostre oysiveté, que nous n'estions pas sur nos gardes et que nous nous contentions de dire simplement nostre Breviaire, sans penser de nous rendre plus sçavans, ilz tromperent la simplicité de nos peres et de ceux qui nous ont precedés, leur faisant croire que jusqu'alhors on n'avoit rien entendu a l'Escriture Sainte: ainsy, tandis que nous dormions, l'homme ennemy sema l'ivraye dans le champ de l'Eglise, et fit glisser l'erreur qui nous a divisés et mis le feu par toute ceste contree; feu duquel vous et moy eussions esté consumés avec beaucoup d'autres, si la bonté de nostre Dieu n'eust misericordieusement suscité ces puissans espritz, je veux dire les Reverens Peres Jesuites, qui s'opposerent aux heretiques et nous font en nostre siecle glorieusement chanter: Misericordiae Domini quia non sumus consumpti.

  A023001900 

 Ce sont des austruches qui digerent le fer des calomnies en la mesme façon qu'ilz devorent les livres par leurs continuelles estudes; qui ont, en supportant une infinité d'injures et d'outrages, estably et affermy nostre creance et tous les sacrés misteres de nostre foy; et encor aujourd'huy, par leurs grandissimes travaux, remplissent le monde d'hommes doctes qui destruisent l'heresie de toutes partz..

  A023001900 

 Pour cela, pressés des heretiques, mays plus sensiblement oppressés de ceux qui ne sont nos freres qu'en apparence, ilz souffrirent et souffrent encor des persecutions qui sont toutes venues de Geneve; mays leur courage infatigable, leur zele sans apprehension, leur charité, leur profonde doctrine et l'exemple de leur sainte et religieuse vie, les a, par revelation de leur saint Fondateur, asseurés que ces violences dureroyent un siecle, apres lequel ilz seroyent triomphans de l'erreur et des heretiques.

  A023001909 

 Premierement, Nous avons ordonné que les Constitutions par Nous faittes au Sinode du second octobre l'an mil six cens et trois seront derechef publiees, mesme en ce qui est des tavernes et cabaretz, sous quelque pretexte que ce soit, pour estre observees avec les presentes..

  A023001910 

 Et affin que les possesseurs de ces benefices ne pretendent cause d'ignorance, il est enjoint a leurs vicayres de les en advertir et leur notifier la presente Ordonnance, de bouche ou par escrit, et de rapporter dans le moys a nostre Vicayre general un acte par lequel il apparoisse de leur diligence; a peyne, contre chaque defaillant, de cinquante livres..

  A023001910 

 Que tous possedans des benefices ayant charge d'ames, ayent a resider en personne dans six semaines, a peyne d'excommunication, s'ilz ne sont deuement dispensés; dequoy ilz seront tenus de faire apparoir par devant Nous ou par devant nostre Vicayre general dans le mesme tems.

  A023001911 

 Il est inhibé a tous ecclesiastiques de n'exorcizer par cy apres, sinon qu'ilz soyent de nouveau admis par Nous ou par nostre Vicayre, et l'admission sera donnee par escrit a ceux qui seront treuvés capables d'exercer telle charge; ausquelz Nous defendons, a peyne d'excommunication, [306] d'exorcizer sinon dans les eglises, et de tenir les possedés dans leurs maysons, sur tout les femmes et filles, et de faire des voyages et pelerinages avec elles; a peyne de vingt cinq livres, et autre arbitraire..

  A023001912 

 Il ne sera loysible a aucuns Religieux, de quel Ordre qu'ilz soyent, de prescher riere Nostre diocese s'ilz n'ont la permission par escrit, de Nous ou de nostre Vicayre; laquelle ilz seront tenus de monstrer aux curés des lieux ou ilz voudront prescher, et de les en advertir avant qu'ilz commencent leurs Grandes Messes, affin qu'ilz ayent loysir d'en advertir les parroissiens pour y assister..

  A023001913 

 Que s'il s'en treuvoit quelques uns qui ne voulussent pas se communier de la main de leurs curés, ilz seront tenus de les en advertir et de leur demander licence d'aller ailleurs, laquelle leur sera donnee par le curé sans s'informer autrement de l'occasion; et les mesmes parroissiens rapporteront attestation, dans huit jours apres Pasques, du prestre qui les aura communiés, a peyne d'estre tenus pour heretiques..

  A023001913 

 Tous les parroissiens seront tenus de se confesser a Pasques vers leurs curés, ou autres qui auront pouvoir d'ouyr les confessions; et pour la sainte Communion, seront tenus de la prendre en leur parroisse, de la main de leurs curés ou autres par eux deputés.

  A023001914 

 Pour ce qui est de ceux qui frequentent parmi les terres des heretiques, voysins de Nostre diocese, ou bien qui sont contraintz d'y demeurer pour gaigner leur vie, Nous avons donné pouvoir a tous curés et autres qui ont permission de confesser, de les ouyr en confession, et absoudre de n'avoir pas celebré les festes commandees par nostre Mere la sainte Eglise, de n'avoir pas jeusné les jours de Veille, de [307] Quatre Tems et de Caresme; comme aussi d'avoir mangé de chair ces mesmes jours, excepté les vendredis et samedis; et pareillement, d'avoir esté aux presches des ministres, pourveu qu'ilz n'ayent pas pris la Cene..

  A023001918 

 Ayant reconneu qu'il y a plusieurs chappelles de peu de revenu et chargees par la fondation de grand service, auquel les recteurs ne peuvent pas satisfaire, Nous avons ordonné que le recteur d'une chappelle qui n'aura, pour exemple, que dix florins de revenu, ne sera obligé de dire que vingt Messes par an, a rayson de six solz pour Messe, et ainsy des autres; n'entendant pas, toutesfois, d'obliger ceux qui possedent des chappelles de bon revenu a plus de service qu'elles ne se treuvent chargees par leur fondation..

  A023001919 

 Nous commandons a tous ecclesiastiques demeurans riere Nostre diocese de faire par cy apres celebrer la feste de saint Pierre aux Liens avec son octave, comme estant le Patron de Nostre Eglise cathedrale; comme aussi le jour de la Dedicace d'icelle, qui est le huitiesme d'octobre..

  A023001920 

 Nous estant venu a notice que plusieurs curés et autres possedans des benefices riere Nostre diocese intentent des proces contre leurs parroissiens, quelquefois plustost par animosité que pour zele qu'ilz ayent de maintenir les biens de leurs eglises et benefices, et lesquelz il seroit facile d'appointer au commencement: Nous avons defendu a tous curés et autres beneficiers d'intenter par cy apres des proces avec leurs parroissiens qu'au prealable ilz n'en ayent conferé avec leur Surveillant, lequel ayant entendu les parties, taschera de les mettre d'accord; que s'il voit le tort estre du costé des parroissiens et qu'ilz ne veuillent pas se mettre a la rayson, il sera permis aux curés de poursuivre leur droict par justice..

  A023001921 

 Sur la remonstrance qui Nous a esté faitte par nostre [309] Procureur fiscal que, bien que toutes alienations des biens d'Eglise soyent defendues de droict, sinon qu'elles soyent evidemment au prouffit et utilité d'icelle (auquel cas faut il avoir encor la permission des Superieurs), plusieurs beneficiers, tant curés, recteurs des chappelles qu'autres, sans Nostre sceu et consentement ou de nostre Vicayre general, vendent, eschangent et alienent les fons de leurs benefices, ce qui donne occasion a beaucoup de procez, ausquelz desirant obvier: Nous avons declairé nulz tous les contractz d'alienation et eschange des ecclesiastiques, faitz et qui se feront par cy apres sans Nostre sceu ou de nostre Vicayre, enjoignant aux possesseurs des benefices de remettre dans six moys ce qui se treuvera aliené de la façon, a peyne de cinquante livres; avec inhibition a tous beneficiers de n'aliener les biens dependans de leurs benefices sans Nostre permission, a peyne de cent livres; commandant aux Surveillans d'y tenir la main, chacun riere sa surveillance, et d'advertir nostre Procureur fiscal de ceux qui contreviendront, pour y estre par apres pourveu ainsy que de rayson..

  A023001968 

 Il y a soixante-et-onze ans que l'Evêque de Genève, en même [311] temps que son clergé, fut chassé de sa ville épiscopale par les hérétiques, et se vit indignement dépouillé de tous ses biens meubles et de la majeure partie de ses biens immeubles.

  A023001970 

 [Ayant été empêché, pendant les deux premières années, par suite des guerres et des mauvais temps, de visiter son diocèse, [313] il a, ces deux dernières années, visité personnellement deux cent soixante églises paroissiales, distribué lui-même au peuple partout, du mieux que ses faibles moyens le lui ont permis, le pain de la parole de Dieu, et administré le Sacrement de la Confirmation à d'innombrables fidèles.] Il compte l'an prochain visiter le reste du diocèse.

  A023001976 

 Il est cependant remarquable de voir avec [316] quelle perfection et dévotion, malgré une si grande pauvreté, les Offices divins sont célébrés par cette Eglise [laquelle, loin de suspendre ses instruments aux saules et de se taire à cause de son exil, chante sur la terre étrangère le cantique de Sion et le cantique du Seigneur ].

  A023001976 

 Or, déduction faite des charges et dépenses nécessaires, la part qui revient à chaque chanoine n'arrive pas à quarante écus d'or par an; c'est là une prébende tout à fait insuffisante à entretenir le moindre individu.

  A023001976 

 Tous les chanoines sont ou nobles de père et de mère, ou docteurs, d'après leur Statut confirmé par le Saint-Siège; parmi eux il s'en trouve actuellement dix qui sont de bons prédicateurs de la parole de Dieu..

  A023001981 

 Elles sont toutes possédées par des commendataires..

  A023001985 

 Les églises paroissiales sont au nombre de quatre cent cinquante, dans chacune desquelles les Sacrements sont administrés et le peuple est instruit des points de la religion catholique par un enseignement à sa portée..

  A023002001 

 Ommino tamen, vel [323] isto modo, vel per communem cleri contributionem, opus hoc erigi par est..

  A023002041 

 Pourtant il faut absolument [323] qu'elle se fasse, soit de cette façon, soit par une contribution générale du clergé..

  A023002041 

 Quant aux abbayes ou prieurés, bien que riches, on ne peut rien en toucher du tout, parce que ceux qui les tiennent les tiennent bien, et que le plus souvent ces bénéfices sont rendus exsangues par suite des diverses pensions qui leur sont imposées.

  A023002045 

 Mais ces deux chanoines, ne pouvant être sustentés sur leurs prébendes, qui ne montent pas à quarante écus par an, ne peuvent remplir convenablement leurs fonctions.

  A023002050 

 Le premier remède est très facile; le troisième est très utile et, vu les besoins de cette province, serait excellent pour procurer la plus grande gloire de Dieu; le second est très difficile et très incertain, car ce qui s'obtient par la force est presque comme n'existant pas..

  A023002050 

 On peut remédier à ce mal, soit en envoyant des sujets meilleurs pris dans d'autres Ordres, soit en faisant des visites annuelles et en employant des moyens de coercition, soit enfin en remplaçant les Religieux par des chanoines séculiers.

  A023002055 

 D'un autre côté, soit les Cisterciennes, soit les Clarisses manquent du secours que le Concile de Trente, non sans y être poussé par l'Esprit-Saint, veut leur voir accordé: à savoir, qu'au moins trois fois par an leur soit donné un confesseur extraordinaire.

  A023002060 

 Àu début, le nombre des familles étant très restreint en ces lieux de difficile accès, cette visite extraordinaire des curés devait tout à fait suffire; d'autre part, il eût été impossible de maintenir là à demeure des clercs, qui, surtout à cause du petit nombre des champs et des paysans, n'auraient pu être nourris et entretenus sur la dime fournie [328] par les habitants.

  A023002061 

 Mais aujourd'hui, que généralement, comme cela a été dit plus haut, leurs successeurs n'ont conservé du moine que l'habit, ces pauvres habitants des montagnes crient comme des troupeaux sans pâturages: Pourquoi donc ces gens-là se nourrissent-ils de notre lait s'habillent-ils de notre laine, et ne paissent notre troupeau ni par eux ni par d'autres? Et ce qu'ils disent paraît juste..

  A023002062 

 Dès que j'arrivai, tout le [330] monde, hommes et femmes, du premier au dernier du pays, de s'écrier: Comment se fait-il que nous respections tous les droits ecclésiastiques, que nous payions les dîmes et les prémices, et qu'aucun curé ne nous soit accordé, mais que nous soyons au contraire comme des béliers qui ne trouvent pas de pâturages? Tout, en effet, était touché par l'Abbé le plus voisin..

  A023002067 

 Outre les quatre cent cinquante paroisses qui, nous l'avons dit, sont habitées par de vrais catholiques, il y en a cent trente autres qui sont, partie sous la domination tyrannique de Berne, partie sous le gouvernement du Roi Très Chrétien.

  A023002067 

 Pour ce qui regarde celles qui sont occupées par les Bernois, il n'y a rien à en espérer jusqu'à ce que la ville de Berne elle-même soit ramenée à l'ordre..

  A023002068 

 Pour ce qui regarde les autres qui sont en la possession du Roi Très Chrétien, [avec raison le Roi lui-même ordonne de toujours espérer, et sur son ordre j'ai espéré pendant quatre longues années; mais mes yeux commencent à se lasser d'attendre sa parole, et [332] disent; Quand me consolera-t-il? Au sujet de toute cette affaire, le très docte et Illustrissime cardinal del Bufalo, étant Nonce du Saint-Siège en France, poussé par son zèle pour la gloire de Dieu, a fait les plus grands efforts pour amener le Roi à établir pour nous, dans les églises en question, le même droit d'entrer en possession des biens ecclésiastiques et, ce qui est le principal, de [333] remplir les fonctions de la religion catholique, qui a été établi dans tout le reste du royaume en faveur des Evêques et des clercs (*).].

  A023002092 

 Si htibus jus Ecclesiae prosequendum, id omne Episcopi expensis fit ut par est..

  A023002095 

 EPISCOPO GEBENNENSI, pro ejus sustentatione et familiae episcopalis non remanent 860, et regimen illi incumbit 600 ecclesiarum parrochialium: regimen difficillimum, gravissimum ac variis expensis maxime obnoxium, ut cum aegre admodum ac ne vix quidem necessariis sumptibus obeundis censuum tenuitas qualem recensui par esse possit.

  A023002114 

 Item, outre les aumônes spontanées et à la volonté de l'Evêque, celui-ci est tenu de par la coutume, de partager aux mendiants chaque semaine au moins un quart de froment; or, le total du froment annuellement distribué monte environ à florins........................150 [336].

  A023002119 

 Cependant, il faut de nouveau noter que si, par suite d'un hiver ou d'un été excessif, d'une tempête ou d'une peste, les champs ont à souffrir ou restent incultes, les revenus de l'Evêque diminuent bien, mais nullement ses charges, lesquelles alors surtout augmentent plutôt, à moins qu'il ne veuille être plus cruel que l'autruche dans le désert.

  A023002121 

 Aussi, le très saint Concile de Trente ayant décidé qu'aucune [337] pension ne devait être imposée aux Evêques dont la mense n'excéderait pas la valeur de mille ducats par an, il n'est pas équitable que l'Evêque de Genève soit obligé à payer un droit de décime, posé que..

  A023002130 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, aux RR. Curés, Vicaires et autres Ecclesiastiques ayans charge des ames en son diocaese..

  A023002137 

 INDULGENCES CONCEDEES PAR N. S. PERE PAUL V POUR LES.

  A023002145 

 Item, chasque fois qu'on dira cinq fois le Pater noster par devotion du tressaint nom de Jesus, ou des cinq Playes, ou bien disant cinq foys l' Ave Maria, ou faysant commemoration, avec l'antienne Sub tuum praesidium et une [340] orayson de Nostre Dame, par devotion d'icelle sacree Vierge, ou faysant quelqu'autre chose pour son amour, ou devotion de quelque Saint ou Sainte, on gaigne deux cens ans d'Indulgence..

  A023002147 

 Item, chasque fois qu'on s'exercera en quelqu'œuvre de misericorde, ou qu'on accompaignera ou visitera le Saint Sacrement, ou escoutera la Messe ou le sermon, ou par devotes leçons ou meditations on acquerra ferveur d'esprit ou bons propos, ou qu'on recommandera a Dieu les ames de Purgatoire, ou priera pour celles qui sont en peché mortel, on gaigne cent et cinquante ans d'Indulgence..

  A023002164 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, aux RR. Curés et autres ayans charge des eglises de Nostre diocaese..

  A023002166 

 Affin que les peuples qui Nous sont commis ne perdent point la favorable occasion de prendre les graces du saint Jubilé qui se celebre maintenant en cette ville de Thonon, ainsy que ci devant il a esté publié, Nous ordonnons par ces presentes que vous ayes a repeter la publication d'iceluy, exhortans de rechef un chacun d'employer cette benediction [342] au proffit et salut de son ame, asseurans de Nostre part qu'en laditte ville de Thonon ni es lieux circonvoysins il ni a aucune sorte, pas mesme de soupçon, de maladie contagieuse, ni incommodité qui puisse empescher le libre et desirable acces a cette sainte devotion..

  A023002167 

 Si supplions tous les Seigneurs R mes Ordinaires des autres lieux, de vouloir prendre la mesme asseurance sur ce tesmoignage que Nous en faysons, et la faire donner aux peuples de leurs diocaeses, affin que ceux qui auroyent l'intention [et devote] volonté de venir puiser en cette pleyne source les saintes Indulgences, n'en soyent point [343] divertis par les faux bruitz que l'ennemi des ames fidelles a respandu a cett'intention..

  A023002170 

 Par commandement de mondict Seigneur,.

  A023002190 

 Que le malheur de cest aage a tellement perverti la conscience de plusieurs que, destournant l'usage du secours de la justice a une inique et maligne production de proces, se ruinant eux mesmes ilz font miserablement consumer, par toutes sortes de procedeures, contentions et chicaneries, les personnes, moyens et loysir des gens d'Eglise qui estoyent destinés au service de Dieu et des ames, au grand prejudice du bien publiq et de l'intention de ceux qui, anciennement, ont fait les fondations pieuses; entre lesquelles, [345] comme les devanciers de Vostre Altesse tiennent en toute sorte le premier rang, aussi semble il qu'Elle ayt plus d'interest a la maintenance et conservation d'icelles..

  A023002191 

 C'est pourquoy les susditz ecclesiastiques la supplient? tres humblement de les relever de tant d'ennuis par une favorable, mais tres juste et tres equitable declaration, suyvant les Articles ci jointz, affin qu'avec plus de tranquillité ilz puissent s'acquitter de leurs devoirs spirituelz envers Dieu et le peuple; continuant d'implorer la souveraine bonté de Dieu pour la prosperité et benediction de la couronne de Vostre Altesse, laquelle ne les obligera pas moins en la grace qu'Elle leur fera de les rendre paysibles en la jouissance de leurs revenuz, que ses Serenissimes praedecesseurs ont fait leur en donnant les droitz et tiltres..

  A023002207 

 D'autant que les dismes et premices doivent estre payees a l'Eglise, tant par disposition du droict divin que humain, et neanmoins, a tous propos et contre toutes les raysons, les payemens d'icelles sont differés, evités et empeschés par mille sortes de subterfuges que la longueur des proces fournit: playse a Son Altesse d'ordonner a ses magistratz, entant que de leur connoissance et ïurisdiction, pourvoir a ce que, sans difficulté ni dilation, lesdittes dismes et premices soyent payees aux ecclesiastiques, au moins par provision, moyennant bonne et suffisante caution de rendre le tout, avec despens, dommages et interestz, s'il est dit en fin de cause..

  A023002208 

 Parce que plusieurs, sans tiltre ni fondement, refusent le payement des dismes des biens de leurs universités et aux communs par eux cultivés et ensemencés, apres l'expiration de troys annees des leur culture et ensemencement et de la collecte des fruitz; comme aussi ilz le refusent des terres semees de meslange d'orge et pesettes, avoyne et pesettes, et encor de toutes lesdittes troys especes que l'on appelle communement bataille, au moyen dequoy, par divers artifices, petit a petit ilz s'exemptent dudit payement: playse a Son Altesse ordonner que les dismes seront payees de tous lesditz fons et desdittes batailles, comme dessus..

  A023002209 

 D'autant qu'en plusieurs lieux et presque par tout il se treuve [347] grande diversité de quotes de la disme en la mesme dismerie, sans qu'il y ayt autre rayson que de la diversité des humeurs, du pouvoir et de la conscience des personnes, les plus riches et moins conscientieux amoindrissant tous-jours la quote, appuyés sur les commodités qu'ilz ont de donner delay et duree aux proces; au moyen dequoy les ecclesiastiques n'ont aucune certitude de leur revenu, d'autant que les dittes dismes leur sont differenciees, non seulement par regions, mais voire aussi par particulieres prestations en chacune d'icelles, au moyen de quoy lesditz ecclesiastiques les vont petit a petit perdant par la continuelle mutation de la quote: playse a Son Altesse ordonner qu'en chacune dismerie la disme se payera a mesme quote et la plus commune d'icelle dismerie, et uniformement par tous, sinon que les particuliers refusans fussent munis de tiltres suffisans au contraire..

  A023002210 

 Comme aussi les servis et prestations annuelles deuës aux ecclesiastiques seront payés sur une reconnoissance et deux confins deuement verifiés par devant les commissaires, qui, a ces fins, seront deputés par les juges, au moins par provisions et a caution telle que dessus..

  A023002229 

 Quamvis enim inter populares nostros nemo palam haeresim profiteretur, aliqui tamen haeresis crimen non ita ut par est execrandum existimabant: homines non frigidi quidem, sed certe neque etiam calidi in fide; pauci quoque aliquot scioh, rerum literarumque humaniorum spectatores, ritus catholicos non sane damnare, sed tamen ad censuram et in discrimen suo judicio examinandos revocare contendebant.

  A023002242 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, aux très chers dans le Christ et [349] Révérends Recteurs des églises paroissiales du diocèse de Genève, salut éternel..

  A023002243 

 Ils ont résolu, en effet, soit de supprimer tout à fait, soit de corrompre par leurs fausses opinions les Sacrements, au moyen desquels comme par autant de canaux et de conduits bien adaptés, notre Sauveur très bon et très grand fait couler dans nos cœurs les ondes salutaires de la grâce.

  A023002243 

 Tout d'abord, ils s'efforcent, par une simple négation, d'abolir entièrement la Pénitence, l'Ordre, la Confirmation, le Mariage et l'Extrême-Onction; puis, par une souveraine impiété ou impudence, ils enlèvent au Baptême la rémission efficace des péchés, et à l'Eucharistie la présence du Corps du Seigneur qui donne la vie..

  A023002244 

 Mais l'Eglise possédant, non hors de ses murs, mais au milieu d'elle-même le Saint-Esprit, cette source abondante d'eaux vivifiantes qui, par les Sacrements, se répand dans les âmes des fidèles, c'est chose vaine et puérile de la part des hérétiques d'avoir imaginé, délibéré et tenté de prendre par la soif et de réduire à discrétion la Béthulie des chrétiens.

  A023002244 

 Quant aux rites antiques par lesquels notre Mère l'Eglise, comme [350] revêtue de tissus d'or d'une agréable variété, brille et resplendit dans l'administration de ses Sacrements, ils s'efforcent de tout leur pouvoir, non seulement de les repousser, mais de les faire disparaître sous leurs sarcasmes et leurs éclats de rire.

  A023002245 

 Bien plus: par le fait même que les ennemis de l'Eglise, avec des efforts plus violents et une excessive audace, ont tourné leurs attaques contre le nombre, la dignité et les cérémonies des Sacrements, tous les Evêques d'abord, réunis au très auguste Concile de Trente, puis la plupart d'entre eux séparément dans leurs provinces, avec une ardeur toujours croissante, ont lutté avec d'autant plus d'énergie et de fermeté en faveur de leur nombre sacré de sept, de [351] la religieuse solennité de leurs rites et de la sainteté qui appartient à tout ce qui les touche..

  A023002246 

 A toutes ces maladies de l'âme, l'excellent Pontife, avec la puissance remarquable de parole qu'il avait [352] lorsqu'il devait traiter des choses divines, opposa un remède de toute actualité par ses très fréquentes prédications et ses entretiens particuliers.

  A023002246 

 Au milieu de ces soucis, occupé et empêché aussi par les embarras multiples et très compliqués, par lesquels la malice des hommes et des temps a coutume d'entraver les efforts des meilleurs pasteurs, notre Evêque, quoique plein de vigilance et de force, ne put, dans le bref espace des douze années qu'il exerça sa charge épiscopale, rendre entièrement leur splendeur à la discipline ecclésiastique et à l'administration des Sacrements..

  A023002246 

 Mais ayant, par suite de la récente et malheureuse défection de la ville de Genève, trouvé tout ce diocèse un peu troublé, il jugea à propos de consacrer la principale partie de ses travaux à la confirmation de la foi catholique.

  A023002247 

 C'est lui qui, le premier dans nos provinces françaises, adopta la coutume, on ne peut plus utile et sainte, et prescrite par le même Concile, de conférer les églises paroissiales au concours: il donna ainsi l'exemple aux autres Evêques, afin que, comme il avait fait, ils fissent aussi eux-mêmes.

  A023002249 

 Mais, pendant environ les dix dernières années de sa vie, il se trouva tracassé, occupé et empêché en partie par des guerres désastreuses, en partie par le devoir de restituer plusieurs églises au culte et d'amener à la pénitence, par lui-même ou par ses collaborateurs, des milliers d'hérétiques qu'il rendit, tels des fils ressuscités, à notre Mère l'Eglise qui les pleurait.

  A023002250 

 Est aussi ajouté un Calendrier [356], où sont notés les fêtes et Offices établis et reçus dans Notre diocèse, soit par la coutume ancienne, soit par les récentes Constitutions synodales.

  A023002250 

 Vous aviez déjà à part ce formulaire édité par ordre de Notre Révérendissime Prédécesseur; maintenant, vous le trouverez ici revu et corrigé des erreurs qui s'y étaient glissées, afin que le présent volume réunissant tout ce qui touche à votre ministère, vous l'ayez ainsi plus facilement sous les yeux..

  A023002252 

 Et afin que personne n'omette de le faire par paresse ou négligence, Nous vous ordonnons et prescrivons au nom du Seigneur, à chacun de vous en particulier et à tous ensemble, que dans l'administration des Sacrements et l'accomplissement solennel des bénédictions et cérémonies saintes, nul dorénavant n'ait la présomption, sous aucun prétexte, d'employer d'autres rites que ceux qui sont contenus dans ce Rituel.

  A023002252 

 Maintenant donc que, par la grâce de Dieu, Nous avons opportunément terminé une œuvre désirée depuis tant d'années, il vous reste à vous en servir tous avec joie et unanimité.

  A023002323 

 Appendice au calendrier contenant l'index des fêtes dont les offices doivent être récités non seulement dans l'église cathédrale, mais aussi par tous les clercs du Diocèse de Genève.

  A023002331 

 Le 1 er février, fête de sainte Brigitte, vierge; double, et la fête de saint Ignace est transférée au premier jour non empêché par une fête de neuf leçons..

  A023002337 

 Le 22 avril, fête de saint Anselme, confesseur pontife, lequel, originaire du diocèse voisin d'Aoste, élevé à l'archevêché de Cantorbéry en Angleterre, illustra toute l'Eglise par ses exemples, ses écrits et ses miracles.

  A023002337 

 Semi-double, mais qui, à cause de la fête des saints martyrs Sotère et Caïus, est transféré au premier jour non empêché par un double ou un semi-double..

  A023002342 

 Semi-double; mais à cause de l'Apparition de saint Michel, on le transfère au premier jour non empêché par un double ou un semi-double..

  A023002347 

 Le 15 juin, fête de saint Bernard de Menthon, confesseur non pontife, qui, né dans ce diocèse d'une illustre famille, devenu archidiacre d'Aoste, illustra spécialement toutes nos régions par la sainteté de sa vie et de nombreux miracles.

  A023002349 

 Le 26 juin, fête de saint Anthelme, évêque et confesseur, lequel, après avoir été longtemps prévôt de l'Eglise cathédrale de Genève, puis Chartreux, fut élevé à l'évêché voisin de Belley, et brilla par sa grande sainteté et ses divers miracles.

  A023002349 

 Semi-double, mais transféré, à cause de la fête des saints martyrs Jean et Paul, à un jour non empêché par une fête de neuf leçons.

  A023002367 

 Le 22 septembre, fête des saints Maurice et ses Compagnons, dont le sang a baigné presque tous ces pays, qui sont les protecteurs devant Dieu de nos provinces et ont été déjà autrefois très honorés par nos aïeux.

  A023002372 

 Le 1 er octobre, fête du saint Ange Gardien, d'après l'Office récemment publié par l'ordre de Paul V, Souverain Pontife; double.

  A023002386 

 L'adoration de ce Sacrement étant, par une insigne perfidie, un objet de moquerie de la part des hérétiques, il convient que, surtout dans ce diocèse, on l'honore avec la plus grande dévotion possible..

  A023002392 

 C'est pourquoy la sainte Eglise, fondee sur les divines promesses et coustumes apostoliques, a tres bien ordonné qu'es saintz jours de Dimanches et festes nous nous assemblions en l'eglise, laquelle a esté appellee par Nostre Seigneur mayson de Dieu et de priere.

  A023002392 

 Et c'est pour, en icelle, celebrer le tressaint Sacrifice de la Messe, auquel nostre Sauveur, par les mains des prestres, s'offre et presente reellement, sous les especes de pain et de vin, a Dieu son Pere eternel, pour hostie et offrande vivante, en remembrance et commemoration de sa Mort et Passion; affin que, par ce divin Sacrifice, nous fassions hommage, reconnoissance et action de graces a Dieu nostre Createur de tous nos biens et personnes, et qu'en vertu d'iceluy nos prieres soyent encor plus aggreables devant le throsne de sa divine Bonté..

  A023002393 

 Pour donq faire aujourd'huy cette sainte celebration au mieux que nous pourrons, sçachans que Dieu regarde volontier a la priere des humbles et ne mesprise point le coeur contrit et humilié, nous mettrons les genoux a terre et, nous humiliant de tout nostre cœur devant sa divine face, nous le remercierons de tous les biens que nous avons eus et qui nous sont preparés, et principalement de la Mort et Passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, par laquelle nous avons esté delivrés de la damnation eternelle; nous tenans et reconnoissans pour ses pauvres et miserables creatures, indignes et inutiles serviteurs, dependans en tout et par tout de sa sainte misericorde et mercy, a laquelle nous recourons pour avoir pardon et remission de nos offenses et iniquités..

  A023002395 

 «Je me confesse a Dieu tout puyssant, a la glorieuse [366] Vierge Marie, au bien heureux saint Michel Archange, au bien heureux saint Jean Baptiste et a saint Pierre et saint Paul, apostres, a monseigneur saint N., mon Patron, et a tous les Saintz et Saintes de Paradis, et a vous, mon Pere spirituel, pour ce que j'ay grandement peché en pensees, en parolles et en œuvres: et le tout par ma faute, par ma coulpe et par ma tres grande coulpe.

  A023002399 

 Et premierement, qu'il luy playse dresser nos ames a son saint service, affin que, sur le fondement de la vraye foy, nous puissions avoir une sainte esperance de nostre salut par le moyen de la charité, en l'observation de ses commandemens..

  A023002400 

 Nous prierons par apres pour tous nos superieurs, tant spirituelz que temporelz; pour nostre Saint Pere le Pape et pour tous les Prelatz, pasteurs et personnes ecclesiastiques qui sont legitimement deputés au gouvernement des ames, et specialement pour Monseigneur le Reverendissime nostre Evesque et Pasteur, affin qu'il playse a Dieu leur faire la grace de si bien repaistre et guider les brebis qui leur sont commises, que, estans garantis de toutes fauses opinions et seductions, elles vivent et perseverent ça bas en l'union de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, attendans d'estre receus en l'Eglise triomphante, la haut en Paradis..

  A023002401 

 Nous prierons de mesme, comme conseille saint Paul, pour tous Princes et magistratz chrestiens, et particulierement pour Sa Majesté et pour la Reyne regente et pour [367] Messeigneurs les Princes du sang; et non seulement pour eux, mays pour tous ceux qu'ilz ont ordonnés pour gouverner de leur part, affin qu'il playse a Dieu leur donner le don de force et de conseil pour nous maintenir en sainte paix et tranquillité, et administrer droittement la justice, affin que, sous leur obeissance, «nous passions tellement par les biens temporelz, que nous ne perdions pas les eternelz.».

  A023002411 

 Or, affin que nos requestes soyent plus aggreables au Pere eternel, nous les luy presenterons selon la forme que Nostre Seigneur son Filz nous a monstree en l'Orayson dominicale, laquelle nous reciterons maintenant, tant pour nous en resouvenir que pour commencer nos prieres par icelle..

  A023002415 

 Nous reciterons aussi la Salutation angelique, tant en memoire de nostre Redemption qui fut annoncee par l'Ange en cette Salutation, que pour nous joindre a la communion de tous les Saintz en la personne de la glorieuse Vierge Marie, laquelle nous prions de prier pour [369] nous Dieu le Pere, au nom de son Filz, nostre unique Sauveur.

  A023002418 

 De plus, parce que non seulement nos prieres, mais aussi toutes nos actions doivent estre fondees en la vraye foy, sans laquelle, comme dit l'Escriture, il est impossible de plaire a Dieu, nous ferons generale protestation de vouloir vivre et mourir en la foy de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, par le recit du Symbole des Apostres, disans:.

  A023002422 

 Benisses le Seigneur, ains plustost, que le Seigneur nous benisse, et que, tant nous que tout ce qui est pour nostre usage, soit beni par la dextre de Jesus Christ.

  A023002435 

 S'il faut publier quelque mariage, il dira: Il y a traitté de mariage en la face de nostre Mere sainte Eglise entre N. et N.; parquoy, si quelqu'un sçait aucun empeschement pour lequel ledit mariage ne deust sortir en son plein et dernier effect, qu'il ayt a le reveler, autrement il n'en sera creu par apres..

  A023002454 

 Laquelle ordonnance ayant des long tems esté publiee par tout ce diocese, vous est maintenant derechef declairee, publiee et annoncee, affin que nul n'en pretende cause d'ignorance..

  A023002558 

 Notes que sont aussi de commandement tous les jours du Dimanche, le second et tiers jours de Pasques, le jour de l'Ascension de Nostre Seigneur, le second et tiers jours de Pentecoste, le jour de la Feste Dieu; item, les jours des Dedicaces et Patrons des eglises, comme de mesme les testes legitimement voüees par authorité du Praelat, a chacun selon sa parroisse et lieu d'habitation.

  A023002612 

 Declarer qu'es oppositions qui se feront aux proclamations des mariages, l'opposant sera tenu de specifier la cause de son opposition, laquelle sera mentionnee au renvoy qu'en fera le proclamant; et, en tous cas, seront tous-jours renvoyees les parties par devant 1'Official.

  A023002613 

 Item, que les fiancemens seront tenus pour nulz, si les promesses ne se font par paroles expresses entre ceux qui peuvent parler, et sous le tesmoignage de deux tesmoins (masles ou femelles)..

  A023002647 

 Sed visitatio ista a Superioribus Ordinum illorum minime fieri par esset; nam Cluniacenses, Savigniacenses, Sancti Rufi Monachi et Abbates, neque quid sit reformatio norunt; et cum sint sal infatuatum, quo modo condiendis inferioribus adhiberi possunt?.

  A023002661 

 D'abord, en introduisant des moines meilleurs, appartenant à d'autres Ordres, par exemple: à la place des Cisterciens, les Feuillants; à la place des Chanoines réguliers de cette ville d'Annecy, les Barnabites; et ainsi pour les autres.

  A023002662 

 Ce que les chanoines séculiers touchent par des distributions journalières, eux ont coutume de le toucher par des prébendes, et, après les avoir touchées, ils assistent aux Offices quand cela leur plaît; s'ils n'y assistent pas, ils n'en sont pas plus pauvres.

  A023002662 

 En second lieu, en remplaçant les Chanoines réguliers par des chanoines séculiers.

  A023002663 

 Mais il ne conviendrait pas du tout qu'une telle visite fût faite par les Supérieurs de leurs Ordres; car les moines et les Abbés de Cluny, de Savigny et de Saint-Ruf ne savent pas même ce que c'est que réforme.

  A023002664 

 Aussi devraient-ils être visités par un autre Visiteur..

  A023002664 

 Quoique les Monastères de Sixt et de Pellionnex soient visités par l'Ordinaire, auquel ils sont assujettis par un droit antique (bien que jusqu'ici ils aient à peine voulu obéir), cependant Nous n'avons rien obtenu d'eux, parce qu'ils manquent de Règle et de Constitutions, et que par ailleurs, en ce qui regarde la profession ecclésiastique, ils se conduisent avec assez de bienséance.

  A023002665 

 J'avoue que le premier et le second remèdes semblent devoir être très utiles, tandis que le troisième est très difficile et très [386] incertain; car ce qui s'obtient par la force est presque comme n'existant pas..

  A023002666 

 Quant aux Religieuses, les deux Monastères de Clarisses marchent fort bien, et je n'y vois rien à désirer si ce n'est qu'il soit donné aux Religieuses le secours que le saint Concile de Trente, non sans être inspiré de l'Esprit-Saint, leur a accordé et a voulu qu'on leur donnât: à savoir, qu'au moins trois fois par an un confesseur extraordinaire leur soit envoyé.

  A023002689 

 Tous les curés, apres leur retour du Sinode, diront trois Messes: une du Saint Esprit, pour tout le clergé de ce [389] diocese; un'aultre pour la paix et pour la prosperité de noz Princes et bonne conduicte des magistrats establis par iceulx; la troisiesme, pour les Evesques, curés et ecclesiastiques du diocaese, trespassés..

  A023002701 

 Les prebstres qui vouldront estre admis a l'administration des Sacrements se presenteront aux Examinateurs deputés au Synode, le premier jeudy de chasque moys, si l'ors ne se rencontre feste solemnelle; et en ce cas, ils se presenteront le jeudy prochainement suivant pour estre examinés, et puis appreuvés par le Reverend sieur nostre Vicaire general ou ses substituts.

  A023002705 

 Ils seront aussy tenus de s'exercer en l'exercice des Ordres quilz ont et d'en apporter le certificat de leurs curés par [391] escrit, comme encores de leurs aages et bonnes meurs; en quoy les sieurs curés sont exhortés et conjurés, de la part du Juge eternel, d'estre fort conscientieux et veritables..

  A023002709 

 Nous exceptons touttesfois les docteurs et gradués en theologie, qui pourront estre admis sans examen, et ceux ausquels par le passé Nous avons donné telle licence; et n'entendons comprendre en cette defence les sieurs curés qui, par leurs establissemens, non seulement peuvent, mais doivent enseigner les peuples a eux commis, selon leur portee..

  A023002709 

 Nul ecclesiastique, tant seculier que regulier, ne sera receu a prescher la parohe de Dieu avant quil soit examiné par les deputés et appreuvé par Nous ou nostre Vicaire general.

  A023002717 

 La distribution des sainctes Huiles se fera premièrement [392] par le petit Ouvrier ou sous Sacristain de l'Eglise cathedrale, aux deputés des villes et bourgades, qui luy avanceront, pour chasque cure qui sera marquee en leurs reolles, deux sols.

  A023002729 

 Pour remedier, aultant que Nous pouvons, aux grands scandales que plusieurs ecclesiastiques donnent au peuple chrestien par la frequentation des tavernes, mesprisants les deffences auparavant faictes, Nous les renouvelions soubz plus grande peine, asçavoir, d'excommunication ipso facto incurrendae et reservee a Nous; laquelle encourront tous ecclesiastiques qui, dans l'enclos de leurs parroisses et lieux de leur sejour, boiront et mangeront en taverne, saufz es cas de nopces, baptesme, funerailles et Confrairies seulement; dont Nous n'exceptons aucunement les fiançailles, ni anniversaires, ni mises de dismes, ni appointements, ni aultre pretexte quel quil soit..

  A023002757 

 Nous renouvellons le commandement de la residence es benefices aiants charge d'ames, en suitte du sainct Concile, avec ordonnance de citer ceux qui ne resident n'en estants dispensés par la faveur des induits apostolicqs..

  A023002777 

 Et estants arrivés, se presenteront au greffier de l'Evesché pour donner leurs noms et payer le droict que les saincts Canons appellent cathedraticum, estimé a deux sols; et ceux qui n'assisteront au Synode feront le mesme debvoir par procureurs..

  A023002812 

 Il y a bien des degrés auparavant que d'entrer au cabinet de la vraye doctrine: il faut passer par devant ceux qui veulent sçavoir pour sçavoir, et qu'on appelle curieux; de la, venir a ceux qui veulent sçavoir pour paroistre sçavans, et qu'on nomme vains; par apres, a ceux qui veulent sçavoir pour tirer la science a leur usage et a leur commodité, et qu'on peut estimer avaricieux; et puis, monter a ceux qui veulent sçavoir pour edifier, et c'est la qu'est la charité.

  A023002814 

 L'experience m'a fait connoistre que le peuple se [400] portoit facilement aux exercices de devotion lhors qu'il avoit des personnes ecclesiastiques qui, par la parole de Dieu et le bon exemple, l'excitoyent a fuir le vice et embrasser la vertu; et qu'au contraire la populace se detraquoit fort facilement de l'exercice des vertus chrestiennes lhors que leurs prestres estoyent ignorans, peu soigneux du salut des ames et de mauvaise vie.

  A023002820 

 Et que au paravant que venir a la seconde publication, l'impetrant se viendra purger par serment sur la verité du contenu en icelluy, entre les mains du curé ou vicaire des lieulx.

  A023002822 

 Les ventemens qui se font en plusieurs endroictz de ce diocese, par les vicaires, curés et autres prebstres tant seculiers que reguliers, avec les corporaux, sur ceux qui ont mal aux yeux, sont des a present prohibés; comme aussi d'y mettre de l'eau qui a esté versee dans le calice apres la Postcommunion.

  A023002832 

 Monseigneur le Reverendissime, en l'assistence des sus nommés et autres de son Clergé, a ordonné et statué de nouveau que les defenses des tavernes estoient reiterees, et autres constitutions pourtees par ses Ordonnances synodales faictes le second octobre 1603; et notamment la residence a tous curés de sa diocese, et aux vicaires de le notifier a leurs maistres, et de justifier de la dispense dans six sepmaynçs, a peyne de privation de leurs benefices..

  A023002837 

 Et par ce quil Nous est venu a notice que, en plusieurs endroictz et parroches de ceste diocese, la coustume est que ensepvelissant les [404] decedés, de mettre ung linceul sus les corps d'iceulz et de se servir d'un linceul honneste, lequel les curés ne perçoipvent, mais appartient [aux héritiers]: affin que l'honneur deubt et service soit faict avec la decence requise, a esté ordonné quil ne sera plus exigé par cy apres pour ledict linceul sinon six florins, et pour le couvre-chief accoustumé mettre sus les petitz enfans, deux florins seulement..

  A023002840 

 Et comme Nous avons heu des plaintes et veu des proces sur l'excessive exaction qu'aucuns curés font de luminaire qui se faict en la sepulture des decedés et durant l'annee du dueil: a quoy desirant obvier, a esté dict quil ne sera loisible a qui que ce soit d'user es eglises que de cire pure, et que pour chasque livre de ladicte cire pure fournye par les curés, ne sera permis de demander et se fere paier plus haut que de cinq florins, poidz de ceste ville d'Annessy, lequel sera pesé au commencement et a la fin du dueil..

  A023002842 

 Plus a esté ordonné que la feste de sainct Pierre ad vincula, avec l'octave, seront celebrees par toute la diocese; ensemble, le jour de la Dedicasse le jour qu'elle tombera, qu'est le huictiesme d'octobre..

  A023002851 

 Monseigneur FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, avec son Clergé assemblé dans le refectoir de Sainct François de ceste ville d'Annissi, a dict, constitué et ordonné:.

  A023002852 

 Que pour eviter a tous pechés que pourroient estre commis par les parrochains de chasque parroche occasion des testes qui ne sont observees, que par cy apres les Survelliantz en ballieront dispense..

  A023002853 

 Plus a esté conclud, ordonné et arresté, par l'advis de mondict Seigneur et sondict Clergé, que dores en avant il sera permis a tous de pouvoir user de beurre en temps de Caresme, en conferant l'aulmone aux pauvres, telle que sera ordonné, ou d'assister a une procession [en compensation]; en consideration que, en ce pais, ny a ny huille d'olive ny de noix des environ trois ou quattre annees..

  A023002854 

 Tous curés et vicaires seront tenus de fere les quattre livres des baptizés, communiés, [mariés] et decedés, chacun en leur parroche, mesme de ceulx qui ne feront leur debvoir a Pasques; les appourter et remettre par devers nostre greffe, et lesdictz vicaires s'en allantz, les laisser [à la cure].

  A023002857 

 Et l'ayantz, iceulx prebstres [sont tenus] d'user de la forme d'absolution par Nous prescripte, a peyne cinquante livres..

  A023002857 

 Tous vicaires sont suspendus de l'exercice de l'administration des sainctz Sacrementz jusques a ce quilz ayent comparu par devant les Surveilliantz pour sçavoir silz ont le pouvoir et admission.

  A023002861 

 Et dautant que les messagiers de Sainct Bernard, Sainct Antoenne et Nostre Dame du Puys, faisant cuelliette des questes par les parroches de ceste diocese, vont faisant icelles questes par les maisons pour frustrer les curés de leur quattriesme, avons dict [et] ordonné que de toutes lesdictes oblations, lesdictz curés en auront la quattriesme partie par cy apres et comme ilz ont heu cy devant..

  A023002863 

 Et affin que tous confesseurs puissent sçavoir comme ilz se pourront compourter pour les cas de conscience, l'on fait sçavoir que tous les quatriesme jours du mois l'on s'assemblera en ceste ville, si ce n'est jour de feste, pour decider des questions occurrentes; ceulx qui ne pourront y assister, ilz pourront mander par missive..

  A023002871 

 Mondict Seigneur le Reverendissime, en l'assemblee de sondict Clergé, sur la plainte faicte par le seigneur et commandeur de Sainct Antoenne de Chambery, sur ce que, allant et venant leur messagier et procureur a la queste par ce diocese de Geneve, quelques uns des curés et seculiers les veullent molester et inquieter en leurs questes: suivant la coustume de tous temps observee, a esté dict et ordonné que des aulmones et questes que seroient faictes en commun aux eglises, les curés en retireroient seulement la quatriesme partie; et pour le regard des Messes et aulmones donnees ausdietz messagiers de Sainct Antoenne en particulier, que lesdietz curés ny prendroyent et percepvroient aucune chose: avec inhibitions et defenses a tous scindiques et curés de les troubler, ny en retirer rien et d'emploier aucune chose en taverne ny autre usage prophane; et ce, a peyne de l'amende de dix livres..

  A023002872 

 Comme aussi pour les Messes et aulmones qui se font par les parroches pour la boyte de touttes ames et trespassés, que les curés exigent plus exactement quilz ne doibvent: a esté dict, que les Survelliantz se transpourteront par les parroches dependant de leur surveillance, pour avoir instruction des coustumes observees en icelles, pour, icelles instructions veues et rapportees par devers Nous, estre donné tel ordre et reiglement que verrons estre expedient et de raison..

  A023002873 

 Plus a esté dict et ordonné que aucun Monitoire apostillé ne sera publié par aucun curé; lesquelz Monitoires les impetrantz d'iceulx seront tenus aporter au paravant la Messe: autrement, la publication sera diferee au prochain Dimenche par ledict curé, auquel est inhibé que pour la publication d'iceulx, ny pour autres offices pastoraulx quelz qu'ils soyent, ilz n'en prennent aucune chose, sinon que ilz fussent requis se transporter par les maisons..

  A023002875 

 Est inhibé de ne frequenter jeux publics, tavernes, sous les peynes pourtees par nos precedentes Constitutions sinodales, et ne travailler de labeurs rustiques [publiquement.].

  A023002876 

 Comme aussy, de ne conferer le sainct Sacrement de Baptesme [408] par les maisons et chappelles avec application du sainct cresme et autres cerimonies de l'Eglise, a peyne de vingt cinq livres, sinon que ce soit de Nostre particuliere et expresse licence; ce qui se faisant, sera le tout redigé par escript, [et] lesdictes cerimonies avoir estés observees..

  A023002877 

 Et seront tenus iceulx curés enseigner les meres sages de chacune parroche la maniere et forme de baptizer l'enfant, prenant par trois fois de l'eau, disant: «Je te baptize au nom du Pere, et du Filz, et du Sainct Esprit»..

  A023002878 

 Et de comparoir toutes les annees au Sinode et appourter les quattre livres que leur [est] commandé de fere; iceulx remettre par devers le greffe, a peyne de l'amende de dix livres.

  A023002881 

 Est ordonné ne recepvoir a confesse et a la saincte Communion ceulx qui vont a Geneve et mangent le vendredy et sammedy de la chair, prennent la Cene et font autres actes par lesquelz ilz renoncent purement a nostre religion [catholique]; et ne seront neantmoins refusés ceulx qui, par necessité, se transportent a Geneve et travaillient les jours de feste, et ne sont obligés icelles observer, en cas de necessité..

  A023002882 

 Les chappelles ausquelles ne sera faict aucun service, combien que soient esté proclamees par trois diverses Dimenches, suyvant les attestations rapportees, les revenus d'icelles seront joinctz et unis au maistre autel..

  A023002883 

 Item, que toutes permissions de travallier les jours de feste seront par cy apres donnees solemnellement et autentiquement, affin que l'on n'en puisse abuser..

  A023002885 

 Et finalement a esté dict et arresté que les trois [jours] de la celebration du Sinode, comme la veille, jour d'icelluy et de lendemain, seront par cy apres privilegiés, et ne se pourra esdictz jours fere aucune execution, quelle qu'elle soit, a peyne de nullité et de l'amende..

  A023002893 

 Mondict Seigneur le Reverendissime, en l'assemblee de sondict Clergé, sur les plaintes et contestes qui seroient survenues sur les permutations de benefices pourtant cure d'ames qu'autres simples benefices, aurait dict, statué et ordonné, comme il [appert] par les presentes Constitutions synodales:.

  A023002894 

 Autrement, et en cas que les provisions fussent expediees avant ledict temps de vingt jours sus establys espiré, a declaré telles provisions nulles et nullement faictes, lesdictz benefices vaccans, et sera d'iceulx benefices proveu par voye de concours.

  A023002894 

 Et en cas que telles permutations soient treuvees justes et raisonnables, seront les dictes permutations registrees par devers le greffe deuement, a charge tout-tesfois que les provisions qui pourraient estre faiçtes en suite d'icelles ne pourront et ne sera loysible d'estre expediees que passés et escoulés vingt jours entiers, y comprenant le jour de ladicte resignation.

  A023002894 

 Que si lesdictz benefices sont chappelles dependant de droict de patronage, seront les patrons et presentateurs d'icelles tenus presenter et nommer pour recteurs desdictz benefices, dans le temps pourté par le droict, gentz capables pour estre institués: a faute de quoy fere, seront les chappelles par Nous conferees comme si icelles chappelles ne dependoient d'aucun presentateur..

  A023002894 

 Que tous beneficiés desirant resigner leurs benefices par cause de permutation, par devant Nous ou nostre Vicaire general, seront tenus par cy apres exprimer la situation et vraye valeur du revenu et en quoy le dict revenu consiste.

  A023002896 

 Tous tenant cures ou qui en obtiendront par cy apres, qui les auront resigné ou resigneront par cause de permutation avec des chappelles ou autres benefices en faveur de quelques uns, soit moiennant provision ou permutation simplement, des a present ne leur [sera] permys de se pouvoir inscrire au concours pour en obtenir d'autres..

  A023002897 

 Sera touttesfois loisible a ceulx qui auront obtenu benefices ou qui en obtiendront par cy apres, et desquelz ilz seront possesseurs, de se pouvoir inscrire a un autre concours, a charge neantmoins qu'en obtenant un'autre cure ou benefice, ilz seront tenus au mesme instant de resigner purement et simplement entre [Nos] mains, ou de nostre Vicaire general, celle qu'ilz possedoient au paravant, pour estre mise en concours..

  A023002899 

 Et par ce que plusieurs chappelliers tiennent et possedent chappelles sans estre d'icelles institués, a esté dict et ordonné que tous chappelliers feront et Nous rapporteront leurs institutions par devers le greffe dans trois mois; autrement, et a faute de ce, seront par Nous tenus comme intrus, et d'icelles en sera par Nous proveu a d'autres comme verrons a fere..

  A023002902 

 Et ou ledict Monitoire sera esté refusé de publier, sera mis au pied: «N'a esté publié par ce que l'impetrant ne s'est purgé par serment.».

  A023002902 

 Ne sera aussy publié aucun Monitoire que preallablement les impetrantz d'iceulx ne se purgent par serment sur la verité du contenu en iceulx.

  A023002905 

 Et par ce que plusieurs prebstres ignorantz s'entremeslent de la collation des Sacrementz sans avoir permission de Nous ou de nostre Vicaire, Nous avons enjoinct a tous Surveilliantz de Nostre diocese de Nous rapporter rolle desdictz vicaires et prebstres, pour, sur ce, estre proveu..

  A023002906 

 Et par ce que il se treuve plusieurs riere Nostre diocese qui font profession d'enseigner la jeunesse, qui ne sont d'Eglise, avons dict et ordonné quilz seront tenus au paravant fere profession de foy entre les mains de leur Surveilliant; a peyne d'estre declaré incapable et rigoureusement chastié..

  A023002907 

 Ausquelz Surveilliantz est permis donner a leurs parrochains, en cas de necessité seulement, permission par escrit de pouvoir travallier, et defendu de ny commettre aucun abus; qui n'en pourront estre recherchés aucunement.

  A023002908 

 Puisque par Nos Sinodales cy devant faictes estoit inhibé a [411] tous prebstres ne tenir femmes suspectes, est derechef inhibé de ne tenir femme, sinon que ce soit mere, bellemere, tante, seur; a peyne d'estre chastié rigoureusement..

  A023002909 

 Comme semblablement les tavernes et jeux en lieu public sont defendus a tous prebstres, sous les peynes cy devant par Nous indites..

  A023002913 

 Sur la remonstrance verbale faicte [par] nostre Procureur fiscal, comme encour qu'il soit pourté par Nos Constitutions sinodales cy devant faictes, se presenter au Sinode et de rapporter annuellement leurs quattre livres, ce neantmoins, au mespris d'icelles, plusieurs curés ne tiennent compte d'obeir a icelles, de sorte quil Nous auroit requis qu'elles fussent refrechies: quoy ouy par Monseigneur le Reverendissime, seroit esté dict et ordonné que tous curés seroient tenus de se presenter audict jour de Sinode touttes les annees personnellement, produire et remettre leurs quattre livres en bonne et deue forme; a peyne de dix livres.

  A023002921 

 Et neantmoins, faisant droict sur les requisitions dudict Procureur fiscal, a dict et ordonné que tous curés seront tenus de comparoir au Sinode par cy apres et donner leur nom, payer deux solz; a peyne de l'amende de dix livres, laquelle est declaree contre chacun contrevenant et defaillant..

  A023002921 

 Mondict Seigneur le Reverendissime, apres avoir donné acte de la presentation de comparantz pour leur servir et valloir ainsi que de raison, a dict [et] ordonné quil sera passé a la celebration dudict Sinode par les cy devant nommés, que sera autant vallable comme si tous avoient esté presentz.

  A023002932 

 Estant l'enfant baptizé par un laic, sera redigé par escript..

  A023002932 

 Tous curés ministrantz le sainct Sacrement de Baptesme escripront le jour de la nativité par cy apres; ausquelz est defendu de ne baptizer solemnellement dans les maisons, a peyne d'irregularité.

  A023002942 

 Mondict Seigneur le Reverendissime... dict que tous les absentz seront adjournés pour comparoir par devant nous, [Procureur fiscal,] pour se voir declarer d'avoir encouru la peyne de dix livres..

  A023002951 

 Et n'est loisible a aucun curé ou prebstre pour ouyr confession [414] prendre aucune sorte d'argent, sinon [ce] qui leur sera ballié par voye d'aulmone..

  A023002953 

 En la reception des permutations, a esté ordonné que touttes permutations seront faictes par les permutantz en plaine santé; a ce appeller les Examinateurs, pour sçavoir si elles seront de recepvoir ou non.

  A023002954 

 Tous prebstres et curés seront tenus de comparoir par cy appres au Sinode avec le surpellis, bonnet carré et habitz decens; a peyne de trois livres.

  A023002955 

 Et par ce quil y a plusieurs proces pour le Clergé, que aussy quil y a restatz, a esté dict et ordonné que les deputés du Clergé s'assembleront demain a une heure apres midy, pour les afferes dudict Clergé, au pallais de Monseigneur le Reverendissime, pour deliberer ce qui sera de fere pour le bien et utilité dudict Clergé..

  A023002963 

 Monseigneur le Reverendissime... dict et declare avoir esté dressé un Manuel pourtant la maniere de ballier et conferer les sainctz Sacrementz, lequel veut et entend estre observé dans son diocese par tous les curés estantz dans icelle ( sic ), et d'en achepter chacun et d'en avoir dans deux mois, a peyne de l'amende..

  A023002970 

 Que par cy apres ne sera publié aucun Monitoire quil ne soit deuement scellé et signé, et en probante forme..

  A023002972 

 Et finalement, que au Mariage sera observé le Rituel par Nous dressé..

  A023002982 

 Attendu la grande estendue de Nostre diocese, environné en divers endroitz d'heretiques avec lesquelz une partie de nos diocesains sont contraintz non seulement de frequenter, mays encor de demeurer la pluspart du temps; desirans sçavoir si un chacun fait devoir de vray catholique, Nous enjoignons a tous curés, vicayres et autres ayans charge d'ames riere ce diocese, de rapporter toutes les annees au Sinode, par devant Nous ou nostre Vicayre general et Official, les noms et surnoms dé ceux qui ne se seront confessés et communiés aux Pasques precedentes, ainsy que dessus a esté dit..

  A023002983 

 Leur commandons d'abondant de rapporter aussi les noms et [416] surnoms des adulteres et concubinaires qu'ilz reconnoistront en leurs parroisses, lesquels ayant esté par eux admonestés de quitter telz vices n'y auront satisfait..

  A023002991 

 Que sur l'opposition de publication de Monitoire ou de mariage, les parties seront renvoyees par devant Nous ou nostre Vicaire general et Official, pour estre reiglé comme en ayant la cognoissance..

  A023002993 

 Auront aussy tous curés de ce diocese le Rituel et [auront soin] d'observer les ceremonies portees par icelluy; a peyne de dix livres..

  A023002995 

 A esté commandé a tous curés de fere le Cathechisme, comme aussy feront le Prausne le jour de Dimenche, selon la forme prescripte et balliee par le Rituel..

  A023002999 

 Touttes provisions Apostoliques fulminees par devant Nous, ou nostre Officiai et Vicaire general, seront mises a execution et mises en possession par nostre greffier qui en fera registre dans le mois..

  A023003000 

 Se paiera le luminaire fourny par les curés, a discretion des curés et ciriers voisins..

  A023003010 

 Plus, a esté dict et ordonné que les festes commandees par le Rituel seront celebrees; et quant aux festes de devotion, l'on pourra travallier, et ne sera loisible adjouster condition.

  A023003012 

 Il a esté aussy ordonné quil sera loisible aux curés, comme par advertissement paternel, de pouvoir advertir les parrochains d'appourter argent, soit pour les tallies, que pour paier les soldatz, attendu l'urgente necessité..

  A023003023 

 Plus, que tous curés viendront querir les sainctz Huilles touttes les annees et les viendront prendre vers les distributeurs accoustumés (ausquelz seront tenus paier quattre solz pour leurs despenses), qui registreront les noms de ceulx qui en seront [pourvus] et les remettront] par devers Nostre greffe dans l'octave de Pentecoste..

  A023003027 

 Plus, que le Praune sera faict selon la forme prescripte par Nostre antecesseur..

  A023003038 

 CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu, Duc de Savoye, Prince de Piedmont, etc..

  A023003040 

 Veu les Requeste et Articles cy attachés, a Nous presentés de la part du Clergé de Savoye, et le tout bien consideré, attendu le faict dont il s'agit; de Nostre certaine science et avec l'advis de Nostre Conseil, vous mandons et ordonnons par ces presentes, que, le tout bien et deuement consideré, ayes a pourvoir sur les fins et conclusions desdicts articles le plus promptement que faire se pourra, ainsy et comme verres estre a faire par rayson et justice, vous donnant de ce faire plein pouvoir, authorité, mandement et commission: car tel est Nostre vouloir..

  A023003049 

 Sur la Requeste presentee par les seigneurs Reverendissimes Evesques de Maurienne et de Geneve, les Reverens seigneurs Abbé d'Abondance et Conservateur de la Saincte Mayson de Nostre Dame de Thonon, du premier de ce mois, tendant a fin verification de lettres patentes par eux obtenues de Son Altesse le dernier janvier dernier, et Articles par eux presentés a sa dicte Altesse y attachés:.

  A023003050 

 Et en cas de refus et empeschemens, seront les possesseurs contraincts au payement de la quote accoustumee et dont les parties seront d'accord, et qualité des fruicts decimables; nonobstant opposition ou appellation, et sans prejudice d'icelle, en prestant par les supplians la caution offerte..

  A023003050 

 Veu par le Senat ladicte Requeste presentee par lesdicts seigneurs demandeurs et supplians y nommés, du premier de ce mois, ensemble les dictes lettres par eux obtenues de Son Altesse, du dernier janvier, ensemble les Articles y attachés, et autre Requeste presentee a sa dicte Altesse dudict jour de janvier, avec les conclusions du Procureur general, signé FAVIER, et tout ce qui faisoit a voir et [420] considerer, et qu'a esté produict et remis par devant le Senat, veu et consideré: Le Sénat, en enterinant quant a ce lesdictes lettres et Articles y annexés, a dict et ordonné que les supplians seront maintenus en la possession, jouissance et perception des dismes, premices et novelles y mentionnees, chacun en droict soy et riere leurs dismeries respectivement: le tout selon la coustume locale et ancienne observation des lieux ou lesdictes dismes, premices et novelles y sont deues, tant par la quote que qualité des fruicts decimables.


24-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIV-Vol.3-Opuscules.html
  A024000014 

 II. Procès-verbal et Ordonnances concernant le différend entre le Chapitre cathédral et la Collégiale de Notre-Dame d'Annecy, par rapport à la préséance en la procession de la Fête-Dieu, 6 et 7 juin 1605, (Inédit).

  A024000020 

 I. Patentes d'érection d'une chapelle contigue à l'église de Notre-Dame de Compassion de Thonon, fondée par le marquis de Lullin, 16 septembre 1603, (Inédit).

  A024000021 

 II. Patentes d'érection d'une chapelle en l'église paroissiale d'Allinges, réédifiée par M. de Bonivard et sa femme, 21 septembre 1603.

  A024000038 

 XVIII. Ordonnances touchant le service de l'église de Rumilly dû par les Altariens, 11 mai 1609, (Minute inédite) 44.

  A024000048 

 XXVIII. Supplique des habitants de Macherine au sujet d'une chapelle récemment érigée par eux, et décrets de saint François de Sales, 24 mai 1612, (Inédit).

  A024000049 

 XXIX. Concession d'Indulgence pour chaque visite à la chapelle rebâtie par les habitants de Macherine, 11 août 1612, (Inédit).

  A024000051 

 XXXI. Approbation et homologation des conditions faites entre M. et M me de Bonivard et le Curé d'Allinges pour la dotation d'une chapelle fondée par les premiers, 29 janvier 1613, (Inédit).

  A024000108 

 VIII. Ratification de l'élection de Frère Maximien de Moulins, Capucin, député par le clergé du bailliage de Gex aux Etats généraux, 31 juillet 1614.

  A024000121 

 I. Lettres testimoniales données par saint François de Sales agissant au nom de Monseigneur de Granier, [1597-septembre 1598], (Fragment inédit).

  A024000130 

 Approbation de la Vie de saint Bernard de Menthon par M. Nicolas de Farnex, 12 septembre 1611 128.

  A024000176 

 D. Sommaire du Briefz octroyé par le Traissaintz Père Paul, Pape, cinquiesme, en confirmation des Confrairies du Tressainctz Sacrement instituees au diocese de Geneve.

  A024000180 

 H. Relation de la double apostasie et conversion de Claude Boucard faite par lui-même.

  A024000182 

 Acte d'érection de la Confrérie du saint Nom de Jésus dans la paroisse d'Abondance, par le Père Bernardin de Charpenne, Prieur des Dominicains d'Annecy.

  A024000188 

 III. Sommaire des Statuts de la Confrérie et Indulgences accordées a celle-ci par Sa Sainteté Paul V, 1607 213.

  A024000191 

 II. Mandement sur les Indulgences accordées par le Saint-Siège à la Confrérie de Notre-Dame de Compassion de Thonon, [1 er -11 août] 1603.

  A024000192 

 III. Acte par lequel saint François de Sales, cessant d'être Préfet de la Congrégation de la Sainte-Maison, se dédie à ladite Congrégation, vers le 21 septembre 1603, (Minute).

  A024000218 

 Approbation desdictes Reigles d'un Theologien commis par Monseigneur, et au bas, celle de sa Seigneurie Reverendissime.

  A024000220 

 Profession desdictes Reigles en main du Sieur et R d Surveillant de ce sainct hermitage a la requisition desdictz hermites, commis par Monseigneur Reverendissime.

  A024000277 

 Cæterum, in gratiam populi, et [ut] ejus devotio[nem] erga ecclesiam parrochialem Sancti Mauritii, quantum in Nobis est promoveamus, censuimus in dicta ecclesia solemne Missæ officium a Nobis ut par est celebrandum, cui respondebunt tum Cathedralis, tum Collegiatæ clerici, et ibidem, ut omnes [ad pro]cessionem ineundam et finiendam conveniant..

  A024000283 

 A l'approche, presque à la veille de ce jour de fête périodique où l'Eglise catholique notre Mère a ordonné que le grand et vénérable Sacrement de l'Eucharistie soit honoré d'un culte spécial et solennel, et porté en procession en grande pompe et magnificence [3] sur les chemins et places publiques, pour montrer à ses ennemis, par tout ce joyeux apparat, la vérité victorieuse du mensonge et triomphante de l'hérésie: le Saint-Esprit Nous ayant, établi, par la volonté du Siège Apostolique, pour gouverner cette Eglise de Dieu où Nous sommes placé, le soin primordial Nous incombe de tout ordonner, afin qu'il n'y ait rien que de convenable et de beau dans cette solennité..

  A024000285 

 Pour établir cet ordre il ne faut pas néanmoins s'en rapporter à chacun, mais à cet Esprit qui est répandu dans tout le corps de l'Eglise et qui manifeste ses volontés par les Conciles, surtout par les Conciles généraux, et par les Souverains Pontifes du Siège Apostolique, vicaires de Jésus-Christ..

  A024000286 

 C'est pourquoi Nous, par le présent édit, Nous ordonnons et décrétons ce qui suit: Parmi les ecclésiastiques, viendront en premier lieu les Frères de Saint-François, de l'Ordre des Capucins, puis les Révérends Frères de Saint-François de l'Observance et les Révérends Frères de l'Ordre de Saint-Dominique.

  A024000287 

 L'ordre ci-dessus indiqué étant conforme au Cérémonial Romain, au droit commun et aux décrets pontificaux, Nous ordonnons, en vertu de la sainte obéissance, qu'il soit observé par tous les ecclésiastiques, tant réguliers que séculiers, sans aucune contestation.

  A024000296 

 L'an mille six centz et cinq, je, greffier en l'Evesché de Geneve soubsigné, suivant le commandement verbal a moy faict par l'Ill me et R me Seigneur FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ay baillé assignation a noble et R d seigneur Loys de Sales, Prevost en l'eglise de Sainct Pierre de Geneve, ensemble aux seigneurs Chanoennes et Chappitre dudict Geneve, parlant a sa personne trouvé au devant le palais et maison de mondict Seigneur le R me de Geneve, a comparoir a demain, septiesme dudict mois de juing, heure de midy, en la maison de mondict Seigneur le R me de Geneve.

  A024000301 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ayant deuement faict citer les sieurs Prevost et Chanoennes de Sainct Pierre de Geneve d'une part, et les R dz sieurs Doien et Chanoennes de Nostre Dame de ceste ville d'Annissy, a comparoir par devant Nous a ce jourdhuy, septiesme dudict mois de juin, a l'heure de midy, pour [9] recepvoir l'ordre auquel ilz doibvent respectivement marcher en la future procession du Tressainct Sacrement de l'hostel (sic), et iceulx ayant comparus d'une part et d'autre a l'heure assigné, Nous avons premierement faict ouverture d'une lettre venant de la part de Monseigneur le R me Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain, de la teneur que s'ensuit:.

  A024000304 

 Voyant que la feste du (sic) auguste Sacrement de l'hostel est proche, et ayant esté adverty de ce qui est arrivé l'annee passee, que les sieurs Doien et Chanoennes de Nostre Dame furent contrainctz se tenir hors leur cueur en une chappelle, estant leur cueur occupé par vous, Monsieur, et les sieurs Prevost et Chanoennes de vostre Eglise de Sainct Pierre, chose qui pouvoit appourter quelque occasion de plainte et de scandale: cela m'a occasionné de vous fere la presente (puis que l'affaire est sur le poinct d'estre jugé) pour vous prier de leur donner au cueur de leur eglise le cousté gauche, et que, a la Grande Messe, ilz offrent conjoinctement avec les sieurs de vostre Eglise; que marchant processionnellement ledict jour ils ayent pour ce coupt, et sans le tirer en consequence, ilz soient mis a vostre main gauche.

  A024000305 

 Je m'asseure que, par vostre prudence, il sera prouveu a mon contentement et des sieurs desdictz Chappitres.

  A024000311 

 Et avons demandé audict sieur Doien de Nostre Dame sil ne la Nous avoit pas appourté et rendue de main en main de la part de Monseigneur l'Archevesque; lequel l'ayant veue, a faict response l'avoir appourté en la presence et assistence de R dz sieurs Barthollomé Floccard et Jacquiert, Chanoennes de ladicte eglise [10] de Nostre Dame, Dimenche dernier, cinquiesme de ce mois; lequel dict quil a un commandement particulier, non par lettre mais verbalement, de donner la main droicte a messieurs de Sainct Pierre et d'officier ensemblement et marcher en cest ordre de procession..

  A024000314 

 « Nous voyons par ceste lettre et le discour d'icelle, que mondict Sieur de Vienne, a l'occasion d'un advertissement quil a heu [11] de plusieurs chiefz et cas advenus narrés en icelle, que ledict Doien et Chanoennes de Nostre Dame furent contrainctz se tenir hors leur cueur, estant ledict cueur occupé par mondict Seigneur le R me, lesdictz Prevost et Chanoennes de son Eglise; et que l'on collige probablement d'icelle que plainte a esté faicte de la part des sieurs Doien et Chanoennes, lesdictz Prevost et Chanoennes de Geneve leur avoir denyé et donné empechement formel de ne louer Dieu et chanter en ladicte eglise et procession les uns avec les autres.

  A024000315 

 Lequel sieur Doien avec ses Chanoennes revenu, a faict response n'avoir donné aucun advertissement particulier; ains, interrogé par ledict Sieur Archevesque de Vienne comme le tout se passa, luy respondit que certain billiet avoit esté apposé aux portes de leur eglise, contenant l'ordre a debvoir tenir et observer en la procession de l'annee derniere, signé: DECOMBA, qui estoit que tous ecclesiasticques se deussent treuver a Sainct Mauris pour, en fin de la Messe, marcher en procession suivant le contenu dudict billiet; et quils se retirarent en une chappelle.

  A024000316 

 A quoy replicquant, ledict sieur Prevost a dict [à] mondict Seignieur: « Il ne conste de la volonté pretendue de mondict Seigneur de Vienne que par une lettre, laquelle ne faict aucune mention des jugemens rendus sur ce faict par sa justice, mesme de la sentence provisionelle rendue l'annee passee en jugement contradictoire a l'encontre desdictz sieurs de Nostre Dame; par vertu de laquelle, vous, Monseigneur, commandates l'ordre qui fust tenu l'annee passee, laquelle sentence, comme dict est, n'a esté infirmee ny revocquee par jugement definitif.

  A024000316 

 Et de vostre Eglise faisant aller leur plainte jusques au Pape Gregoire treiziesme, il commanda au sieur Cardinal de de fere une lettre au Sieur Justinian, tesmogniant le degoust qu'avoit heu Sa Saincteté de telle procedure, avec inhibition de plus y revenir et commandement de maintenir son Eglise en son autorité et preeminence: chose qui ne peut estre ignoré par lesdictz seignieurs Doien et Chanoennes, veu que le tout leur a esté communiqué au proces.

  A024000316 

 Et partant, nous persistons aux fins que ladicte sentence desja executee demeure en sa force et vigueur; vous suppliant, Monseigneur, prendre en la bonne part la remonstrance que vous est faicte, que feu d'heureuse memoire Monseigneur Justiniani, pour avoir commandé semblable meslange que pretendent se debvoir fere lesdictz sieur et Chanoennes avec vostre Eglise et Chappitre, se y pourtant lors pour appellantz, par sentence du Metropolitan telle procedure fust recogneue et decleree nulle et mal faicte, avec despens.

  A024000317 

 Et a esté respondu par ledict sieur Doien que mondict Seigneur Archevesque de Vienne a esté informé de la sentence provisionelle et veu icelle.

  A024000319 

 Sur quoy Nous avons summé les deux parties d'acquiescer a l'ordre, par la mesme missive de mondict Seigneur l'Archevesque de Vienne, sellon sa forme et teneur.

  A024000320 

 Lors, ledict sieur de Sainct Pierre de Geneve replicquant, a dict: « Nous protestons en tout et partout vouloir obeir aux commendementz de Monseigneur l'Archevesque, soit par sentence, lettre, voire mesme si nous pouvions apprendre sa volonté par signes nous aurions autant de promptitude a nous y submettre que nous ferions a une sentence definitive; mais nous soustenons la lettre estre subreptice et obreptice, obtenue sus ung faulx donné entendre: ce que se verifie par la lecture de la lettre..

  A024000321 

 Ce que je fis, les priant mesme de la part de vostre Eglise quilz eussent a fere ce qu'estoit par vous commandé; ce quilz ne volurent fere..

  A024000321 

 « Premierement, il est dict que lesdictz Chanoennes et Doien ont esté contrainctz se tenir hors de leur cueur en une chapelle, estant le cueur occupé par vous, Monseigneur, et les Chanoennes de vostre Eglise.

  A024000322 

 « De plus, ilz sçavent tropt mieulz que vostre Eglise n'occupoit poinct le cueur, s'estant reduictz les Chanoennes d'icelle en une chappelle a cousté dudict cueur, ny ayant occupé que le sancta sanctorum par vous, Monseigneur, et ceulx qui vous servoient a l'autel.

  A024000323 

 « Et beaucoupt plus en ce quil a dict que vostre Eglise faisoit difficulté de chanter avec eulx; par ce que vous sçaves, Monseigneur, que tant s'en faut que l'on leur fasse telles difficultés es eglises quilz servent, que mesme, quand ilz sont convocqués en vostre Eglise, vousdictz Chanoennes les prient ordinairement de chanter avec eulx: notamment aux Synodes, ou vostre Eglise doibt paroir, et son autorité, plus qu'en poinct d'autre acte, elle permet ausdictz sieurs Chanoennes, voire les en prie, de chanter avec eulx et psalmodier alternativement.

  A024000324 

 « Et quant a l'exemple de vostre predecesseur susmentionné, si celuy qui a informé n'eut pas teuct le vray et parlé contre verité a dessaing (parlant civilement), ains eut dict que Monseigneur vostre predecesseur eut esté condamné de telle procedure et le degout que le Pape [en] avoit receu, nous tenons pour bien asseuré que Monseigneur l'Archevesque ne vous eut faict telle priere, comme se void par ces motz de la lettre: « Ayant esté adverty » et: « m'a occasionné, » etc. Par ou l'on void que l'advertissement estant faulx, il n'a heu volonté de fere telle pretendue priere..

  A024000325 

 Et de plus requerons que lesdictz sieurs Doien et Chanoennes et Chappitre ayent a declerer s'ilz ont demandé la declaration pourté par ladicte lettre, et faict instruire au pres de mondict Seigneur l'Archevesque de Vienne aux fins quil commanda telle (sic) meslange de corps en ladicte procession.

  A024000326 

 Et par [ce que] lesdictz sieurs Doyen et Chanoennes et Chappitre de Nostre Dame en persistant estre dudict ordre ordonné jouxte et a forme de ladicte missive de mondict Seigneur le R me de Vienne, et respondu ne l'avoir pas poursuivi, mais seulement demandé l'ordre a debvoir tenir en la procession future, et son intention, puis que le proces est pendant par devant luy:.

  A024000328 

 Et, en suitte de cela, Nous avons ordonné et ordonnons, tant comme commis par le Siege Metropolitain a l'execution de la sentence provisionelle donnee l'annee passee, que comme deputé par le sacré Concile de.

  A024000328 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par ia grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, ayant ouy les requisitions, responses et repliques des parties sus mentionnees, et principalement ayant consideré que la lettre de Monseigneur le R me Archevesque de Vienne, nostre Metropolitain, ne Nous donne aucun nouveau pouvoir [15] pour contraindre par voye de justice les parties respectivement, pour tenir l'ordre quil desire, et beaucoup moins d'executer nonobstant opposition et appellation; et ayant, entant qu'en Nous est, procuré par voye d'exhortation et de sommation que laditte lettre fust reduitte a son plein et entier effect, ce que n'avons obtenu: apres avoir invoqué l'ayde du Saint Esprit, avons receu et recevons les oppositions et appellations des sieurs Prevost et Chanoynes de Nostre Eglise entant que de droit et de rayson.

  A024000329 

 Et a la procession, de pouvoir faire un chœur pour chanter alternativement les hymnes et cantiques sacrés, et en telle sorte que le commencement desditz hymnes et cantiques soit fait par le clergé de Nostre Eglise; et ce, selon les offres et declarations desditz sieurs Prevost et Chanoynes de Nostre Eglise..

  A024000332 

 Lesquelz sieurs Doien et Chanoennes de Nostre Dame, par [16] l'organe dudict sieur Doien, ont dict quilz s'opposent, et ou ilz ne seront receu opposantz, quilz en appellent par devant Monseigneur l'Archevesque de Vienne..

  A024000336 

 Quoy ouy par Nous, Nous avons declairé Nostre sentence executoire, nonobstant opposition et appellation quelcomque, et sans procedeure, attendu l'exigence du cas et la briefveté du tems dans lequel il faudra comparoir a laditte procession.

  A024000350 

 Sur le different et proces meu et pendant indecis par devant le Conseil de Genevois entre les venerables Dames Prieure et Religieuses de la Chartreuse de Melan demanderesses, en possession et jouissance, seu quasi, de prendre et percevoir de tout temps certain disme et nouveletz riere la paroisse de Samoen, comme plus amplement [18] est contenu en leur requeste fondamentale et lettres dudict Conseil, du 23 juin 1606; comparant pour icelles venerable Pere Anthoine Curtet, Chartreux et procureur de ladicte Maison de Melan, assisté de M e Jean Greyffié, procureur audict Conseil et leur procureur, et les R ds sieurs Doyen, Chanoines, Chapitre et Curé de Samoen, defendeurs, comparant pour eux M re François Cornu, Doyen de Samoen:.

  A024000351 

 Apres avoir ouy bien au long les parties et veu les titres et contractz par elles respectivement produitz, notamment de la part des dictes demanderesses, ausquelz sont les confins et limites speci fiez ou lesdictes Dames doivent prendre.

  A024000353 

 arbitrateurs et amiables compositeurs soubsignez, verbalement nommez et convenus par les parties, avons esté et sommes d'advis:.

  A024000355 

 Et neanmoins, ayant aucunement esgard que les nouveletz pour lesquelz le present proces a esté intenté sont de fort peu de revenu, et [que] pour regard d'iceux ne pourroit estre deub que quatre ou cinq quartz au plus d'avoine: nous trouverions bon et raisonnable que lesdictes Dames [19] demanderesses s'emploiassent envers le R. P. General des Chartreux pour obtenir de luy declaration en bonne forme que lesdictz nouveletz contentieux demeurassent acquis audict sieur Curé et a ses successeurs, affin de donner tesmoignage du desir quil a de contribuer quelque chose a l'erection et amplification de l'eglise collegiale de Samoen; a la charge neanmoins que la dicte liberalité ne puisse par cy apres estre tiree a aucune consequence au prejudice de ladicte Maison de Melan, et sans que ledict sieur Curé ny ses successeurs puissent pretendre aucun droict ny disme aux nouveletz qui se feront cy apres riere toute ladicte dismerie (quand elle viendroit a tomber en friche en tout ou en partie, et a estre par apres defrichee et renouvelee), sinon dans les confins dudict quartier auquel lesdictes Dames ne sont costumieres que de prendre les deux tiers du disme.....

  A024000361 

 La susdite sentence arbitrale a esté leue, prononcee et signifiee par moy, scribe soubzsigné dudict President, au V. P. Dom Anthoine Curtet, Chartreux, Procureur en ladicte Maison de Melan, qui y a acquiescé et s'est soubsigné, a Necy, ce dernier jour d'apvril 1610; et le mesme jour a R d messire François Cornu, Doyen de l'eglise collegiale de Samoen, qui a dict quil en vouloit communiquer a son Conseil pour y respondre, et n'a voulu signer..

  A024000388 

 [22] Ceux qui, pour des fautes ou excès légers, auront été punis ou corrigés, ne pourront plus être molestés, en quelle manière que ce soit, par l'Ordinaire du lieu ou tout autre..

  A024000395 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A024000396 

 Reverend sieur messire Philippe de Quoex, prestre, né en loyal mariage et noble, tant de la part de son pere que de sa mere ayant presenté des lettres d'institution et provision obtenues de Nous le 6 janvier 1615, pour le [23] canonicat lhors vacant en Nostre Eglise par le deces de feu R. S r Claude Estienne Nouvelet, decedé en l'an 1613, au mois d'octobre, au venerable Chapitre de Nostre ditte Eglise: les RR. SS rs Louis de Sales, Prevost, Jean François de Sales, chantre, Estienne de la Combe, sacristain, Jean Favre, Marc Anthoine de Valence et Janus des Oches, deputés par iceluy Chapitre de Nostre Eglise, se sont presentés devant Nous et, avec les termes et reverence convenables, Nous ont fait plusieurs remonstrances, requisitions et protestations, tant pour la conservation du droit quilz ont d'eslire, nommer et instituer es canonicatz et præbendes de Nostre ditte Eglise es mois de mars, juin, septembre et decembre, comm'aussi pour l'observation des autres privileges et prerogatives desquelles Nostre ditte Eglise et le Chapitre ont accoustumé de jouir... [24] Toutes lesquelles remonstrances, requisitions et protestations Nous avons declairé et declairons, tant pour Nous que pour Nos successeurs quelconques:.

  A024000397 

 Lequel Chapitre en est en paysible et non jamais alteree ni interrompue jouissance, possession et coustume des un tems immemorial, ainsy qu'il conste et appert par plusieurs bons tiltres et documens, et par la continuation de l'usage dudit droit; lequel, comme bon, legitime et solide, et tel reconneu par Nous, non seulement Nous ne voulons en sorte quelconque violer ni contredire, mais plustost, entant qu'en Nous seroit, Nous voudrions maintenir, confirmer et entretenir, selon le devoir que Nous avons a la conservation des droitz, privileges et biens de Nos ditz Eglise et Chapitre..

  A024000397 

 Premierement, que Nous avons esleu et institué le susnommé M re Philippe de Quoex du canonicat et præbende vacans, en vertu de l'alternative [accordée] par nos Saintz Peres aux Evesques et autres Ordinaires residens actuellement en leurs eglises; comme d'ores en avant Nous voulons, en acceptant laditte alternative, jouïr du benefice d'icelle, sauf neanmoins es mois de juin et de decembre, esquelz Nostre alternative auroit lieu si le droit d'eslire et instituer esditz mois n'appartenoit a Nostre dit Chapitre: esquelz mois de juin et de decembre Nous ne pretendons de prouvoir, non plus qu'es autres deux mois de mars et de septembre: advouant, reconnoissant et declairant par ces presentes que ledit droit d'eslire, nommer et instituer es canonicatz et præbendes de Nostre ditte Eglise, qui sont venus, viennent ou viendront a vacquer esditz quatre mois de mars, juin, septembre et decembre, appartient purement et solidairement au Chapitre d'icelle Nostre Eglise.

  A024000399 

 Tiercement, Nous declairons que l'eslection et nomination [25] aux canonicatz et præbendes desquelz la provision dependra de Nostre authorité ne pourront en aucun cas estre faittes que par Nostre propre personne et par celle de Nos successeurs, sans que laditte election et nomination puisse jamais estre faitte par Nos Vicayres generaux, officiaux ou substitués de nos successeurs....

  A024000400 

 Et en fin, Nous declairons que toutes les provisions par Nous ou Nos successeurs, Nos Vicayres ou les leurs, devront estre commises et addressees a Nostre dit Chapitre; a faute dequoy elles seront tenues pour nulles, comme obtenues subrepticement et contre Nostre intention..

  A024000401 

 Et a ces fins, Nous avons commandé Nostre ditte declaration estre enregistree en Nos greffes, et avons signé les presentes et corroboré par l'impression du grand seel de Nostre Evesché, et contresigné par Nostre greffier, et expedié a la faveur de Nostre ditte Eglise et Chapitre..

  A024000401 

 Toutes lesquelles declarations, comme convenables au bien de Nostre Eglise et a la conservation de la splendeur, bon ordre et sainte discipline d'icelle, Nous avons promis et promettons, par Nostre foy et serment, pour Nous et Nos successeurs, d'inviolablement vouloir observer et tenir.

  A024000412 

 Comme en l'annee derniere 1613, et le mercredy, troisiesme jour de julliet, les scindicz de la ville dudict Samoen, tant a leurs noms que des aultres procureurs et tout le peuple de ladicte ville et parroisse dudict Samoen, assemblé en la sacristie de l'eglise dudict lieu, en presence des conseilliers et partie des apparentz de ladicte ville, auroient prié et requis les suppliantz de celebrer tous les mercredys, durant une annee entiere, une Grande Messe a l'honneur de Dieu et des glorieux saintz Fabien et Sebastiain, et, a l'issue d'icelle, fere la procession a l'entour de ladicte eglise, avec le cantique ou prose de Sebastiain, ainsy qu'appert par la memoire de la devotion prinse et prieres sur ce faictes, signee par lesdictz sieur Chastelain de Cornut, de Lestelley et aultres des illec assistantz; avec promesse lhors verbalement faicte..., de reconnoistre et recompenser honnestement le sallaire desdictz suppliantz, obligeantz par ce moyen tout le Chappitre, assisté de deux clercz de chœur, et de la peyne du maniglier occasion de ladicte procession..

  A024000413 

 Laquelle devotion estant benignement receuë... lesdictz suppliantz auroient poursuivy, puis accomply, par la grace de Dieu, [27] leur debvoir si bien qui leur a esté possible desja des le mois de julliet escheu, sans quilz ayent perceu aucune chose pour leur-dict sallaire, des clercz de choeur et maniglier.

  A024000413 

 Or, creignant fere naistre quelque estonnement ou scandale lhors quilz viendroient a demander, selon leur advis, ce que leur pourroit competer pour raison dudict service, ou quand ilz refuseroient la recompense desmesurement petite qui leur seroit offerte par ledict sieur Chastelain et aultre peuple:.

  A024000414 

 A ceste cause, lesdictz suppliantz recourent tres humblement a Vostre Reverendissime Seigneurie, quil luy plaise les regler en leurs demandes et ordonner ce que raisonnablement leur est deubt ausdictz clercs et maniglier, a cause dudict service; car ilz desirent en tout et par tout de se ranger par la mesure de voz commandementz, ainsy quilz sont voz serviteurs et creatures tres humbles, et tres affectionnez a prier Dieu pour la prosperité de Vostre dicte Reverendissime Seigneurie, de laquelle ilz attendent devotement un tres charitable et equitable office..

  A024000416 

 Attendu que les parties suppliees ont desiré que la devotion mentionnee se fit a leur intention particuliere, elles sont exhortees de donner aux parties suppliantes, par maniere de subside convenable, dix ducatons.

  A024000442 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut..

  A024000443 

 Comme la meilleure chose qui puisse arriver à l'homme est de chercher, pendant cette vie et pour les nombreux siècles à venir, les moyens les plus propres à s'assurer la vie éternelle: pour cette raison, et aussi poussé par le souvenir affectueux et reconnaissant de ses parents qui lui donnèrent la vie temporelle, [29] la noblesse de la race et une éducation distinguée, il a résolu (l'aide de Dieu venant appuyer ses saints efforts) de construire, moyennant Notre bon plaisir, en l'honneur de Dieu, de la Bienheureuse Marie et de tous les Saints, surtout en mémoire du très saint Nom de JESUS, une chapelle contigue à l'église de Notre-Dame de Compassion dans la ville de Thonon.

  A024000444 

 De ce recteur il s'est réservé à perpétuité la nomination, la présentation (c'est-à-dire le droit patronal de le présenter), pour lui-même et ses légitimes successeurs, hommes et femmes, aussi bien pour l'election du premier titulaire comme pour celle des autres à venir, que la vacance se produise par voie de mort, de renonciation, de permutation, ou par toute autre cause.

  A024000445 

 Nous donc, FRANÇOIS DE SALES, Evêque et Prince de Genève, approuvant avec bienveillance de si pieux désirs qui tendent à l'augmentation du culte divin, à l'édification de tout le peuple et à l'honneur même de l'église de la Compassion de la Bienheureuse Marie, Nous concédons par les présentes, de Notre autorité ordinaire, au très illustre et très magnifique marquis de construire la chapelle en question, sous le vocable du très saint Nom de JESUS, au lieu indiqué et en la forme marquée, avec ornements et dotation de cent cinquante [32] florins payables annuellement.

  A024000446 

 En foi de quoi Nous avons signé ces lettres d'approbation et les avons fait contresigner et munir de Notre sceau par Notre secrétaire.

  A024000468 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, faisons savoir à tous:.

  A024000469 

 Que noble et puissant Jean-Louis de Bonivard, chef de la garnison du Sérénissime Duc de Savoie au lieu appelé des Allinges, et [34] sa très chère épouse Anne de Mareschal, dite de Duyn, Nous ont exposé que dans l'église paroissiale des Allinges il y avait jadis une chapelle érigée sous le vocable de la Bienheureuse Vierge Marie et de Saint-Claude, laquelle fut entièrement détruite et rasée par les Bernois et les Genevois, méchants hérétiques, qui envahirent le pays il y a soixante ans ou environ; tellement que l'on ne rencontre plus trace ni de la chapelle, ni de quelques revenus en dépendant, ni du possesseur du droit de patronage, bien que le recteur de l'église paroissiale ait fait les recherches suffisantes en lançant une monition trois dimanches de suite..

  A024000470 

 En corroboration de cette dotation de vingt-cinq florins, ils engagent et hypothèquent tous leurs biens et ceux des leurs jusqu'à ce que satisfaction légitime soit donnée au recteur au moyen de prés, champs ou vignes achetés par les fondateurs susnommés ou leurs légitimes successeurs, et rendant chaque année la somme de vingt-cinq [36] florins.

  A024000472 

 En foi de quoi, Nous avons concédé les présentes lettres d'approbation, signées de Notre main, et avons ordonné qu'elles soient contresignées par Notre secrétaire et munies de Notre sceau..

  A024000501 

 Sachant pertinemment que le vénérable M. Humbert Bochet, prêtre de Notre diocèse de Genève, [recteur] moderne de l'église paroissiale de Saint-Nicolas des Clefs, a atteint la quatre-vingtième année de son âge, ou à peu près, en sorte que, par suite de cet âge avancé et de ses infirmités physiques, il ne peut plus faire les fonctions sacrées, administrer les Sacrements de l'Eglise et accomplir [39] les autres devoirs d'un vrai pasteur; sachant, en outre, que vous Nous êtes présenté, pour les causes susdites, comme coadjuteur dans l'administration et le gouvernement de ladite église, par le Révérend Etienne de la Combe, chanoine de l'Eglise de Genève, procureur de M. Bochet, en vertu de la procuration reçue par François Galmeris (?), notaire, le 3 de ce mois de novembre:.

  A024000502 

 Nous, poussé par les raisons susdites, et dûment informé de votre honnêteté de vie et de mœurs, ainsi que de vos aptitudes et capacité suffisantes, vous décrétons, constituons et députons comme coadjuteur, pour diriger l'église paroissiale de Saint-Nicolas des Clefs, pour y distribuer les Sacrements de l'Eglise et en administrer les revenus.

  A024000503 

 Bien plus, ils doivent vous recevoir et admettre comme coadjuteur, ainsi établi et député par Nous, toute opposition et appellation cessant et ne pouvant porter préjudice..

  A024000522 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ.

  A024000523 

 Il estime devoir obtenir ce résultat plus facilement et plus heureusement, si l'esprit des fidèles est alléché par des Indulgences..

  A024000523 

 Son but était d'exciter les passants, par cette sorte d'invitation, à s'écarter un peu de leur route terrestre pour se souvenir de la Patrie céleste, et à adorer le Dieu tout-puissant par quelques pieuses prières.

  A024000537 

 Supplient tres humblement les scindicqz et parrochiens de Veyrier pres Annessy, disantz que pour l'entretien de leur esglise et service divin deubt fere en icelle, ilz desireroient que Visitation feust faicte par Vostre Reverendissime Seigneurie, a tel jour qu'il vous plaira; appeller a ces fins le Doyen et Chappitre de Nostre Dame de ceste ville, qui ont interestz, et aultres chappelliers et altariens de leurdicte esglise.

  A024000550 

 Honnorable Mermet Humbert, moderne scindique de ladicte parroesse,... tous parrochiens de Domansier, lesquelz ont dictz et declairé que, suyvant la devotion prinse par leurs predecesseurs de tenir et solemnizer apperpetuité les festes suyvantes:.

  A024000551 

 Et lesquelles festes, tous les susnommés et leurs successeurs en ladicte parroesse et parochiens, serment faict main levee, ont promis et par ces presentes promectent a Dieu leur Createur et nostre Mere saincte Eglise, icelles solemnizer et tenir aperpetuité, eulx abstenir de faire aulcune oeuvre mecanicque, tant riere ladicte parroesse que dehors, ny moins permettre estre faict par aulcuns habitantz ou censiers estant dans ladicte parroesse; et c'est a peyne aux contrevenantz, par chescune fois, de cinq florins applicables a la reparation de l'eglise de ladicte parroesse, et en oultre, porter la Dimenche secutive, au devant de la croix, en la procession, une chandoille en signe d'amende honnorable a Dieu..

  A024000552 

 Priant, avec tous les susnommés, Mons r le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve touttes lesdictes festes les leur volloir reconfirmer, et leur donner plain pouvoir de faire chastier tous les contrevenantz par tous voies de justice dheues et raisonnables.

  A024000568 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut dans le Seigneur..

  A024000569 

 Nous faisons savoir qu'après avoir vu l'acte écrit ci-dessus, reçu et signé le 16 août 1596 par l'honorable notaire du Gerdil, et après avoir examiné avec grand soin tout ce qui y est contenu, Nous l'avons confirmé, approuvé et ratifié et tout ce qu'il renferme, comme Nous le confirmons et approuvons par la teneur des présentes.

  A024000583 

 Disans un Pater noster et par apres invoquant le nom de JESUS, trois mille ans d'Indulgence..

  A024000592 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve:.

  A024000593 

 Attendu que l'institution de la Confrairie du saint Rosaire tourne a la plus grande gloire de Dieu et porte de [48] grans fruitz de pieté au milieu du peuple qui Nous est confié, appreuvons de Nostre authorité celle qui a esté establie dans l'eglise de Sainte Marie du Petit Bornand par le R. P. François Sebastien de Maurienne, de l'Ordre de Saint François, des Capucins..

  A024000603 

 Supplie humblement M gr Aubert Darand, de la parroisse de S t Felix, disant que par ses predecesseurs, desquelz il a droict, auroit esté fondee une chappelle en ladicte parroisse, souz le vocable de Nostre Dame de Consolation [et] de S'Anthoine; pour le service de laquelle ledict suppliant auroit presenté pour recteur, dernierement, M re Pierre Gros, de Rumilly, lors vicaire dudict S t Felix, et a present curé de Lullin en Chablais, lequel Gros, pour son absence, ne faict ny faict faire aucun service en ladicte chappelle, et, par ce moien, l'intention et subside desdictz feu fondateurs et suppliant se treuve defraudee..

  A024000604 

 Et par ce que ladicte chappelle est sans ornements et mal propre, tant la voute que murallie, et encores le toict mal couvert, supplie de plus ledict M e Aubert Darand vous plaise, mondict Seigneur, luy decerner lettres pour saizir tous les revenus et arrerages dependants de ladicte chappelle, pour iceux estre appliquez tant au divin service que reparation decente, et, pour cest effect, commettre tel quil vous plaira pour iceux estre emploié selon quil est requis et supplié; et autrement, luy prouvoir comme de raison.

  A024000604 

 Qui a causé ledict suppliant comparoir par devant vous, en ce lieu de La Biolle, ce jourdhuy, 2 du present mois de julliet, vous remonstrant le deffaut dudict service et vous requerant que ladicte [49] chappelle soit perpetuellement servie par le sieur curé dudict S t Felix ou son vicaire, sans que jamais autre recteur y puisse ny doibje estre que ledict curé ou sondict vicaire.....

  A024000604 

 Sauf que ledict suppliant se reserve le droict fondataire, c'est a dire, estre procedé ladicte chappelle de leur maison; voulant et requerant que la fondation, tiltres et documents, rentes foncieres et autres dependantz de ladicte chappelle soient et appartiennent audict curé, pour le service quil [y] fera, selon que par vous, sur ce, sera ordonné.

  A024000611 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous prebstres, clercz, tonsurés, sergent (sic) et officiers de Nostre diocese, salut..

  A024000612 

 Nous vous mandons et commandons par ces presentes, que suyvant Nostre decret mis au bas de la requeste cy joincte, a Nous presentee ce jourdhuy par M e Aubert Daran, et, a sa requeste, adjournons en personne a domicile venerable messire Gros, partie supplié, a comparoir Annessy par devant nostre Official, a jour certain et competent, dont requis seres, duquel Nous certifions, pour respondre et defendre au second chiefz de ladite requeste.

  A024000624 

 Laquelle remonstrance, par la multiplicité d'autres affaires, demeura irresolue; pour a quoy remedier, vous plaise ordonner comme l'on se devra regler, tant des sepultures desja cy devant sans droict faites, comme celles du temps a advenir..

  A024000625 

 Expose encores le Rev. Curé: comme par cy devant les paroissiens et luy ont esté en conteste de faire des cordes aux cloches, disant lesdits paroissiens n'y estre tenus, et au contraire le Curé remonstroit que les cloches ne sont faites pour luy, mais pour appeller les paroissiens a leur devoir; et que mesme ils ont fait et sont tenus maintenir non seulement les cloches, mais le clocher: qui fait paroistre y avoir lieu a la fourniture et maintenance des [51] cordes, comme dependances du clocher.

  A024000645 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024000646 

 Nous avons vu l'acte écrit ci-dessus de la fondation, donation et [52] augmentation faite par noble Guillaume de Riddes, seigneur des Jalliets, principal auteur de cette fondation, et les nobles François et Jean-François de Riddes, frères du dit Guillaume.

  A024000646 

 Par le présent décret, Nous la confirmons et l'homologuons, sur la demande des nobles frères fondateurs et augmentateurs, [53] à cause d'un don aussi remarquable, qui est un témoignage de leur piété et de leur dévoûment envers la religion catholique et le culte divin, souhaitant et demandant pour eux, selon les promesses du Christ, le centuple en ce monde et la vie éternelle dans l'autre..

  A024000671 

 Et a cause dudict bruict et clameur du peuple, iceulx suppliant et questant sont aucunes foys contrainctz leur quicter l'esglise et oblation... L'annee passee ledict questant, nonobstant leur cri, fut d'accord qu'a forme des coustumes, ledict suppliant prist et levast comme dessus, et du reste la troysiesme partye, comme se verra par une quictance qu'il en fit, signee Pasqual..

  A024000685 

 Ce consideré, Monseigneur, et que ladicte cure est despendante dudict prieuré de Bellevaux, vous playse declayrer que ledict suppliant sera distraict et rayé des cottizés pour lesdictes decimes, et qu'inhibitions soyent faictes aux exacteurs de proceder a aulcune execution en son prejudice, saltem par provision, jusqu'autrement soyt cogneu.

  A024000694 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A024000695 

 A tous qu'appartiendra, sçavoir faisons, qu'en suite de la visite par Nous faitte de la parrochiale de Versonnex du vingt sixiesme novembre mil six cens et cinq, sur la remonstrance que Nous auroit esté faitte pour lhors par M re Jean Delavenay, moderne Curé dudit Versonnex, du peu de revenu qu'il y a en laditte cure, requerant avec toute humilité luy vouloir assigner portion congrue aux fins d'avoir moyen de s'entretenir honnestement et de faire ce qui est de sa charge:.

  A024000696 

 Apres Nous estre informé diligemment de tout ce qui en pourroit estre, tant des parroissiens dudit lieu qu'autres qui en pouvoyent sçavoir quelque chose, ayant treuvé le revenu de laditte cure ne pouvoir valoir par communes annees, pour consister en terrage, plus de dix huit couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et d'une sommee de vin, tous les dismes de laditte parrochialle tant du blé que du vin estans possedés et perceus par le sieur [58] Prieur de Bonneguette: Le tout meurement consideré, avons ordonné et ordonnons, qu'outre ce qui est du terrage de laditte cure, le sieur Curé present et ses successeurs en laditte cure prendront et percevront annuellement, sur les dismes de laditte parroisse appartenant audit seigneur Prieur de Bonneguette, la quantité de vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure de Rumilly, et quattre sommees de vin, mesme mesure; et c'est pour complement de la portion congrue demandee par ledit sieur Curé, et pour laquelle avoir il auroit tiré en instance ledit seigneur Prieur de Bonneguette..

  A024000697 

 Et attendu que par le saint Concile de Trente il est ordonné et establi que telles portions congrues s'assigneront en fons, avons ordonné et ordonnons que tant lesditz seigneur Prieur que Curé modernes conviendront de prudhommes et d'expertz dans six moys, pour prendre desditz dismes, tant en blé qu'en vin, qui puisse rendre par communes annees vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure que dessus, et quattre sommees de vin; qui seront desunis dudit prieuré et unis a la parrochiale de Versonnex pour le supplement de la portion congrue par Nous sus adjugé; condamnant en outre ledit seigneur Prieur de delivrer pour l'entretien du sieur Curé, pour la presente annee, a commencer des le jour et feste de saint Jean Baptiste mil six cens et sept, laditte quantité de [59] vingt cinq couppes de blé, moytié froment, moytié seigle, mesure que dessus, et quattre sommees de vin..

  A024000708 

 Sur les defautz par Nous observés tant en l'Office qu'autres choses concernans l'eglise de Rumilly:.

  A024000711 

 Mais a cause que les tiltres et biens dependans desdits [60] Altariens se sont esgarés ci devant par le mauvais mesnage desditz Altariens, Nous avons ordonné ausditz Altariens de faire dans tout ce moys un inventaire, en bonne, deüe et probante forme, de tous les tiltres quilz ont a present et de tous les biens quilz possedent, avec les confins d'iceux entant quilz seroyent fonciers, et avec toutes les specifications requises entant quilz seroyent d'autre nature.

  A024000712 

 Et pour le regard des biens ci devant mal alienés, Nous enjoignons a la communauté desditz Altariens de prendre dans la quinzaine un monitoire, pour iceluy faire publier aux fins de revelation des alienations ci devant faites, pour, selon icelles revelations, lesquelles Nous seront rapportees, estre par Nous prouveu par rayson..

  A024000718 

 Nous, dict FRANÇOIS DE SALES, etc., suivant le pouvoir a Nous donné par icelles parties, avons dict, sententié et pour bien de paix arbitré:.

  A024000719 

 Et pour le regard de la prise de l'annee mil six centz et huict et sequutives a l'advenir, avons dict et ordonné que le tout sera partagé en trois parties, la troisiesme partie desquelles avons unys (sic) et unissons a leurs dictes parrochiales [62] de Surjouz et Cra; et ce faisant, dict et ordonné qu'icelle troisiesme partie sera et appertiendra ausdictz Curés de Surjouz et Cra, chacun rierre sa parroche respectivement, pour toutte la portion congrue par eulz pretendue contre ledict seigneur chamarier de Nantua, sans aucuns despens entre lesdictes parties, et saufz ausdictz Curés de Surjouz et Cra de pouvoir poursuivre plus ample portion congrue contre tous autres ecclesiastiques ainsi et comme ilz verront a fere..

  A024000719 

 Tant que touche l'annee mil six centz et sept, que tout ce qui est accoustumé percepvoir par ledict seigneur chamarier rierre lesdites parroches de Surjouz et Cra a rayson de son office, appertiendra et demeurera ausdictz Curés de Craz et Surjouz pour ladicte annee seulement.

  A024000730 

 Ayant comparu par devant Nous les R. sieurs Prieur et Curé de l'eglise de Rumilly d'une part, et les venerables Altariens d'icelle, pour estre reglés sur les Offices et services [63] deuz par la communauté desdits Altariens en ladite eglise, Nous avons ordonné ainsy qu'il s'ensuit:.

  A024000732 

 Secondement, que pour gaigner la prebende, un chacun desdits Altariens sera tenu de celebrer ou faire celebrer les Messes quotidiennes, chacun en son rang et a son tour; et en cas qu'aucun d'iceux manque a ce devoir, sera privé, pour chasque fois quil laissera de dire la Messe deue, de trois solz; et laissant de dire les Messes de toute la semaine, par soy mesme ou par autruy, sera privé de tout le quartier de ladite præbende..

  A024000740 

 Faire trois clefz: une pour le Prieur, la 2 e pour le Curé et la 3 e pour celuy qui sera nommé par les Altariens..

  A024000748 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolicque Evesque et Prince [de Genève], a tous ceulx qui ces presentes verront, salut..

  A024000749 

 Sçavoir faisons que messire Guilliaulme Coudurier, prebstre, Curé de la parroisse de Sainct Lazare du lieu de Feigieres, au balliage de Ternier, se seroit presenté ce jourdhuy, quattriesme jour de juing mil six centz et neufz, par devant Nous, en Nostre palaix, lieu de Nostre accoustumee residence en la ville de Nicy; lequel auroit presenté requeste tendant a ce que portion congrue luy fust assigné, et ce faisant, qu'il Nous pleut d'ordonné que Reverend messire Janus des Osches, prebstre, Sacristain et chanoienne de l'eglise Collegiate de ceste ville de Nicy, en qualité de Curé de l'eglise parrochiale de Sainct Jullien audict balliage de Ternier, seroit tenu et contrainct relascher une corne du dixme qu'il prend et perçoipt riere la parroisse de Feigieres, attendu quil n'a portion congrue..

  A024000750 

 A quoy seroit esté replicqué par ledict sieur des Osches, present Curé dudict Sainct Jullien, que ledict messire Guilliaulme Coudurier dudict Feygieres, au contraire, avoit plus que pourtion congrue, puisque il avoit possedé ladicte cure de Feigieres par l'espace de huict annees sans avoir jamais demandé ladicte portion congrue ny le dixme quil demande a present, a feu M re Scipion Machet, jadis Curé dudict Sainct Jullien.

  A024000751 

 Et cas advenant que ledict sieur Curé de Sainct Jullien ou ses successeurs se trouvassent par troupt grevés de paier lesdictes cinq coppes, il leur sera loisible de relascher audict sieur Curé de Feigieres ou ses successeurs les dixmes que ledict curé de Sainct Jullien a accoustumé de prendre et percepvoir riere la parroisse de Feigieres; et moyennant ce, demeurera quiete du paiement annuel d'icelles cinq coppes de froment..

  A024000751 

 Et moyennant ce, lesdictz dixmes perceups par le sieur Curé dudict Sainct Jullien seront tousjours par luy perceus et possedés soub ladicte charge; saufz que si par tempeste, brulement, gelees ou ventures notables, ou onnailles de guerre estoient perdus ou gastés passé la moitié, seroit faict rabbaix du degat sellon l'estimation qu'en seroit faicte par expers que seront pris et convenus par lesdictes parties.

  A024000764 

 Supplient humblement les nobles François (sic) et Jaques de Vallon, freres, disantz que par diverses requestes ils auroient recouru a Vostre R me Seigneurie aux fins d'avoir une chapelle dans l'esglise de Samoen, pour y faire le service divin et y eriger ung banc pour prier Dieu; et ce, en contre eschange d'une quils en a voient, fondee par leurs predecesseurs, laquelle plus n'est leur, pour la place estre employee au bastiment du chœur....

  A024000766 

 Apres avoir veu et consideré le proces verbal dressé par le sieur de Ronis, par Nous commis pour entendre la verité des choses exposees par les autres requestes a Nous ci devant presentees par les sieurs supplians, et ayant esgard a icelles, assignons a iceux supplians la chapelle de Saint Laurent; a la charge quilz la maintiendront, orneront et feront les autres incombences, selon les offres par eux faittes, et mesme celle de l'augmentation du revenu..

  A024000767 

 Si commettons le sieur Doyen du lieu pour passer les contratz convenables avec les sieurs supplians en faveur de ladite chapelle, et iceux contratz rapporter par devers Nous pour estre homologués entant que de rayson..

  A024000772 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A024000773 

 Nous publions et annonçons par les presentes, le Briefz Apostolique sus designé, et extraictz, confirmans, en vertu d'iceluy, la Confrairie erigee en l'eglise du grand Sainctz [69] Felix en Genevois, laquelle il Nous appert avoir esté canoniquement instituee; et communicons, en faveurs des confreres d'icelle, tant presentz que futurs, toutes les Indulgences et graces sus escriptes..

  A024000797 

 Nous avons assigné les dixmes de Loysin, les charges accoustumees destraittes, pour l'entretenement du sieur Curé de Thonnex, jusques a ce qu'autrement soit par Nous prouveu audit entretenement..

  A024000814 

 Et a telle devotion et consideration, mondict Seigneur le Reverendissime, vous plaise, pour lhonneur de Dieu, impartir et permettre il soit cellebré la saincte Messe devant les erigens et leurs voysins, a perpetuitté, par ung prebstre de Sallanche ou d'aultre parroissiale, estant premier fourny de tous ses habitz et pierre sacree ecclesiasticques necessaires; attendant Vostre Reverance, a sa premiere venue, pour icelle sacrer èt benyr a son chemin pour quelque aultre respect.

  A024000815 

 Et a ce effect sera ipothequé expressement une piece de terre de bonne valleur, size illec pres, et dans laquelle ladicte chappelle est bastie au cuyng: sçavoir, de la valleur de cent ducattons pour une foys, delaquelle sera possedé les fruictz pour la securation annuelle desdictz quattre florins ou plus apperpetuitté; en consideration que lesdictz pere et filz et les leurs en demeureront presenteurs du prebstre ou recteur que fera ledict office, et en passeront acte de fondation par main de notaire, auctantique et vallable.

  A024000833 

 Supplient humblement moy, Reverend messire Pierre Vallet, prebstre et curé de la parrochiale de Vacheresse, les habitantz dudict Vacheresse et parrochains, comme les parrochains de Bonnevaux [75] et Chevenoz, disant qu'ilz tiennent et possedent deux montagnes, sçavoir: ceux de Vacheresse, la montagne appellee Ubene, et ceux de Bonnevaux et Chevenoz, autre montagne appellee Darbon; ausquelles montagnes lesditz suppliantz sont en coustume et possession de faire conduire et reduire leur bestail toutes les annees a la feste de sainct Jean Baptiste jusques en hiver, pour despasquier, et y demeurent par l'espace de quattre a cinq moys ou environ.

  A024000834 

 Et pour faciliter leur intention et devote deliberation, voudroyent, par vostre permission et auctorité, bastir et construire ausdictes montagnes deux oratoires, sçavoir: en la montagne d'Ubene, un sous le vocable de Nostre Dame et de Sainct Ours; et en celle de Darbon, un autre sous le vocable de Sainct Jean Baptiste, Sainct Mauris et Sainct Martin; ausquelz oratoires seroyent celebrees deux ou trois Messes par ledict curé de Vacheresse, ou autre de sa part, pendant ledict tems..

  A024000837 

 Nous permettons l'erection des oratoires requis pour, par apres, estre en iceux celebrees les Messes, ainsy que le sieur Curé de Vacheresse verra estre a faire; n'entendant qu'il soit obligé a la celebration d'icelles, ni a plus grande charge d'office pour l'erection desditz oratoires, esquelz se faysant des offrandes, appartiendront a iceluy Curé, ainsy que de droit..

  A024000862 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve,.

  A024000874 

 Supplient humblement les habitantz du village de Macherine, parroesse de Dousard, disant qu'y ayant au pres de leur village, lieu dict au Crestet, une place ou, par tradition, ceux du lieu ont [79] tousjours entendu des plus vieulx qui le rapportoient aussy de leurs plus anciens, quil y avoit heu une esglise, mesmes quil y apparoissoit une grosse pierre qui estoit reputee avoir esté celle du grand autel; qu'en temps des Rogations la procession de Douzard y vient tousjours fayre une station, et en temps de contagion l'on y a ensevely ceulx que en sont mort (sic): sur ces considerations, ilz se sont mis en devoir d'y bastir une chappelle, en quoy faysant ilz ont treuvé les fondementz de la vieillie esglise, la separation du cœur et de la neufz (sic), ou il y avoit quattre fort grosses pierres mises deux a deux en esquarre et de distance comme pour l'entree au cœur, trouëes au dessus, ou estoient les fertz des treillies; et loin de la, a cousté, pres des fondementz, ont treuvé des charbons, apportés, comme est a croyre, pour allumer le feu ou s'en servir a l'encensoir.

  A024000885 

 Nous commettons le seigneur Prevost de Nostre Eglise pour faire la benediction du lieu sur ladite chapelle; et cela fait, permettons que la Messe y soit celebree au jour porté par le consentement du [sieur] Curé, reservans a [80] Nous de prouvoir sur les services et celebrations qui se doivent exercer en ladite chapelle par ordinaire.

  A024000902 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024000909 

 Et attendu la [82] necessité quil y a de pourvoir presentement d'un curé audit Maxillier, a cause de la longue privation dont les habitans ont esté affligés, eu esgard a la bonté de vie, suffisance de science et autres louables qualités de messire Leonard Monnod, prestre natif d'Evian, Nous luy confions ladite cure, ordonnant que lettres luy en soyent expediees en bonne et deue forme, affin quil jouysse paysiblement dudit benefice et des fruitz en dependans, et notamment de ceux qui sont portés par le consentement sus mentionné, en faysant par luy le service et incombances requis.

  A024000919 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux que ces presentes verront, salut..

  A024000920 

 Sçavoir faisons, aiant veu l'acte de cession, remission, conventions et promesses faictes entre messire Pierre Mojonier, Curé d'Allinges d'une part, et noble sieur Jeanloys [83] de Bonnivard, gouverneur au fort des Allinges, et damoyselle Anne Mareschal de Duing sa femme, du vingt huictiesme decembre mil six centz et neufz, receu et signé par M e Jean Soudan, avons icelluy et tout son contenu confirmé, appreuvé, emologué et authorisé, comme par ces presentes Nous confirmons, appreuvons, emologuons et authorisons; et.

  A024000921 

 En foy dequoy avons signé les presentes, faict sceller du scel de Nostre Evesché et contresigner par le greffier d'icelle..

  A024000933 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve, appres avoer entendu les parties respectivement et consideré leurs demandes et defences, et que lesdictz deffendeurs sont demeurés d'accord et ont spontaneement confessé la coustume estre et avoer esté inviolablement observé riere les villages du Jourdil, les Costes et Pussye, dependantz dudict Aviernoz, que la premice se paye par les habitantz desditz trois villages en temps de moisson, sçavoer: une bonne gerbe froment, pour ceulx qui ont charrue, et des aultres qui n'en n'ont point une gerbe froment mediocre, a [85] forme que paient tous les parrochiens desdictes Ollieres.

  A024000934 

 Et le tout, sans Nous arrester aux Visites prodhuittes la par lesdictz deffendeurs audict proces, heu esgard a l'Ordonnance sur ce rendue par le sieur Nostre Vicaire general, par Nous a ce delegué, en datte du vingtiesme aoust mil six centz et douze; laquelle Ordonnance Nous avons approuvé, et de nouveau, entant que de besoeng, approuvons.

  A024000934 

 Et ordonnons que, sans s'arrester ausdictes Visites, tous les habitantz desdictz villages paieront la premice, suyvant ladicte ancienne coustume sans aulcune interruption observé jusque a ce jourdhuy; et que tel amendement sera apposé sur le Registre de Nous (sic) Visites par Nostre greffier, auquel est enjoinct de n'expedier cy appres aulcong extraict, sinong a forme de Nostre presente Ordonnance et amendement.

  A024000935 

 Et entant que concerne ledict Biais de Lachinal, qu'est parrochien desdictes Ollieres, avons ordonné et ordonnons quil continuera le paiement de ladicte premice, comme font les aultres parochiens dudict lieu, sçavoer: aiant charrue, une bonne gerbe froment; et ceulx qui n'en ont point, une gerbe froment mediocre, ainsy qu'est pourté par les Visites faictes en la parroesse desdictes Ollieres..

  A024000950 

 Au reste, a cause que lesdictes cures estoint possedee par des seigneurs [88] maistres, lesquelz ne faisoint residance au lieu, qu'a occasione confusion entre les parroissiens et parroisses au passé, aujourduy encoure ce practique.

  A024000950 

 Comment entendre, par appres, nonobstant la d'annexation et limitation desdictes parroisses? car ceux qui estoint procedé a longo tempore de Flumet, ou bien de La Giete, estant venu habiter riere la parroisse dudict Sainct Nycolas, auquel lieu fontz residance continuelle et sont tous leurs moyens terriens, nonobstant ce, n'ontz laisé et laisent de continuer d'estre toujour parroissiens de La Giete et Flumet, desquelz lieux leurs antecesseurs sont sortis et provenu.

  A024000950 

 Premierement: Monseigneur, Vostre R me Paternité cest ( sic, pour sait ) tres mieux que, aultre fois, les quattres cures d'embas du mandement de Flumet estoint annexeé ensemble et posedee par un mesme recteur, comment estoint feu Monsieur le Protenotaire de Savoye et autres; et lesdictes cures furent d'annexeé par feu Monseigneur Claude de Granier, que Dieu absolve.

  A024000951 

 De plus, grande confusion entre ces parroissiens et grand scandalle pour les miens; car, y lia envyron trois ans, que certains desdictz parroissiens furent reprins par la justice temporelle a cause qui labouroint le jour du Patron dudict lieu.

  A024000952 

 Par appres, grande confusion a Pasque, car l'on ne sçait qui faict le debvoir de bon catholique, et, in conscientia, je ne sçait qui est mon parroissien, pour cause que checung faict a sa faintasie et volonté..

  A024000975 

 Et ce, selon l'offre volontairement fait auxditz habitans du vilage Saint Robert par les autres parroissiens de Moncel..

  A024000982 

 Remonstre en toute humilité R d M re Nicolas Clerc, prebstre, Prothonotaire apostolique, Curé de S t Felix, comme prieur de la venerable Confrerie du S t Sacrement, des long temps par les R d Peres Capucins en l'eglise dudict S t Fœlix erigee, et du despuis par V. S. R. confirmee par authorité du S t Siege, et dict que, de tout le temps passé, ne s'estoit faict aulcune procession generale pour regard de ladicte Confrerie, choses (sic) que les confreres desiroient fere.

  A024000998 

 Supplient tres humblement les parroissiens de La Gietaz, disant qu'en leur eglise parrochiale se treuvent fondees diverses chapelles, entre lesquelles celle de Saint Barthelmy est de la nomination des suppliantz, et les autres de quelques particuliers: en toutes lesquelles, neanmoins, ne se fait aucun service par les [94] recteurs, ny aucune reparation, nonobstant la ruyne imminente qu'elles menacent, et autres manquemens notables, au prejudice mesme de ladite eglise parrochiale..

  A024000999 

 En suitte de quoy ilz recourent a vous, Monseigneur, affin qu'attendu la negligence desditz recteurs et fondateurs a rendre leur devoir respectivement, dont ilz ont esté sommés par trois diverses proclamations faites au Prosne, suyvant les Decretz sinodaux de ce diocese, il vous plaise priver tant les patrons de leurs nominations que les recteurs de leur possession, pour icelles chappelles unir au maistre autel; ou du moins faire saisir par vostre authorité les revenus desdites chapelles, pour d'iceux estre pris ce qui sera convenable pour faire faire le service deuz et les reparations requises..

  A024001000 

 Et quant aux autres chapelles qui ne sont de leur dite nomination, soyent appelés les recteurs d'icelles par devant Nostre Vicaire general; et soit le present decret et la requeste signifiee aux prsetendus patrons..

  A024001012 

 Et mesme que ledict suppliant desire faire celebrer la saincte Messe en icelle chappelle es jours celebres et qui seront plus propres selon sa droitte devotion; a la charge neantmoins qu'il s'offre [doter] ladicte chappelle d'une piece de terre pour l'entretien et maintenance d'icelle, et pour le revenu et salaire du service qu'il desire y estre faict par le sieur Curé dudit lieu, a forme de l'acte de fondation qu'il s'offre faire et passer.

  A024001013 

 A ces fins, ce consideré, il vous plaise, mondict Seigneur... vouloir permettre audict sieur Curé dudict Vacheresse, et a ses successeurs, de pouvoir celebrer Messe en ladicte chappelle, et autres prebstres qu'il plaira audict suppliant, toutefois par la permission et licence dudit sieur Curé qui sera pour lhors.

  A024001013 

 Suppliant en outre Vostre Ill me et R me Seigneurie, il vous plaise imputer, en faveur de laditte chappelle de sainte Anne, les pardons et Indulgences qu'il vous plaira pour ceux qui entendront Messe en icelle [96] et que, par devotion, se confesseront et communieront sacramentellement et iront visiter icelle, tant les jours de Dimanche, feste, que autres jours..

  A024001025 

 Et ou ledit Curé d'Ardon ne vouldroit accepter ledit legat, auroit institué le recteur de la chappelle de Sainct [Georges] dudit Chastillion [aux] mesmes charges et condition de ladite Messe, et non autrement, ainsi que par ledit testament en datte du neufviesme janvier mil six centz et treze..

  A024001025 

 Supplie humblement messire Jaques Evrard, chastellain d'Ardon, comme mary d'honnorable Magdeleine Passerat, heretiere dameoiselle d'honnorable Claude Passerat: disant que ledit [97] honnorable Claude Passerat, de la ville de Chastillion en Michallie, auroit faict son dernier testament, reseu et signé Evrard, par lequel, entre autres legats par luy faitz, auroit donné et legué au sieur Curé d'Ardon, pour une foys, la somme de cent huictante livres pour la fundation d'une Messe a debvoir estre, tant par luy que par ses successeurs Curés d'Ardon, perpetuellement celebré en la chappelle de Saint George (fondee dans la ville de Chastillion en Michallie) touttes les Dimenches, pour le remede de l'ame dudit testateur.

  A024001026 

 Lequel sieur de Chastillion auroit faict response ladite rente n'estre capable et suffisante pour l'entretien d'un prebstre, et que ladite Messe estoit fundeé un jour de Dimenche, jour incommode audit Curé, tant pour l'une et l'autre qualité; comme par acte receu et signé Cobet, notaire royal, du septiesme decembre dernier.

  A024001026 

 Qui le contrainct recourir par ceste, a ce quil soit de vostre volonté appeller summairement par devant vous en vostre estude ledit sieur Abraham de Chastillion, prebstre, pour declarer formellement si en l'une et l'autre qualité il veut accepter ledit legat, soub la charge et condition pourté par ledit testament de la celebration de ladite Messe le jour de Dimenche, puisque il est en ville; pour, suyvant sa declaration faicte, estre par ledit suppliant satisfaict a forme dudit testament, et autrement sur iceluy provoir..

  A024001027 

 Oüyes les parties sommairement, et pour, en conservant les droitz parrochiaux, ne point retarder l'intention du defunct en son principal: ordonnons que le sieur Curé mentionné acceptera le legat pour luy et ses successeurs curés, a la charge de dire, par luy ou ses vicaires, ladite Messe hebdomadale en la chapelle de Chatillon, en autre jour neanmoins que celuy du Dimanche et feste commandee.

  A024001028 

 Et soit inseré Nostre present Decret es actes de Nostre Visite, par appendice a la fin du livre, pour y avoir recours par qui et comm'il appartiendra..

  A024001041 

 Et de plus, estant prié par les supliantz, [vu] sa bonne doctrine, d'instruyre la junesse (sic) aux lettres et pieté, il le leur auroit liberalement acordé par tollerance, et y seroit entré en exercice des Pasques en ça, par forme d'essay, attendant la permission de vous, Monseigneur; laquelle les suplians, humiliés aux piedz de Vostre Illustre et Reverendissime Seigneurie, vous supplieent octroyer, avec la dispence requise audit sieur du Martherey de la residance audit Pelliones, attendu le grand fruit et utilité qui en peult reussyr par la bonne instruction quii a encommencé de donner a la junesse de ladite ville et circonvoysins qui envoyent leurs enfans audit lieu.

  A024001070 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut dans le Seigneur..

  A024001071 

 Le R d M. Claude de Reydet, dit de Choisy, doyen de l'église collégiale de Saint-Jacques de Sallanches et recteur de l'église paroissiale de Saint-Nicolas de Bonne, dans Notre diocèse, ne pouvant, à cause de son office de doyen, étant donnée la distance du lieu, et pour d'autres causes raisonnables, exercer sa charge d'âmes dans l'église en question, et ayant jugé à propos de choisir et de Nous présenter un vicaire perpétuel, approuvé cependant par Nous, Nous a humblement demandé, par acte de nomination reçu et signé du notaire Bourgeois, en date du 8 juillet passé, d'admettre et de recevoir comme capable M. Jean-François du Martherey, prêtre..

  A024001072 

 Aussi avons-Nous jugé à propos de choisir, créer et [102] décréter à perpétuité M. du Martherey pour vicaire de l'église paroissiale de Bonne, comme nous le choisissons, créons et décrétons par les présentes; Nous la lui conférons et l'en pourvoyons en qualité de vicaire perpétuel capable, l'avertissant d'avoir à faire dans les deux mois la profession de foi entre Nos mains.

  A024001072 

 En lui faisant baiser Notre vêtement, Nous lui donnons l'investiture, et l'instituons par les présentes, en lui assignant pour son entretien tous les fruits qui appartiennent à la susdite église paroissiale, pourvu qu'ils n'excèdent pas la portion congrue..

  A024001074 

 En foi de quoi Nous avons signé de Notre main les présentes, et les avons fait signer par Notre secrétaire et munir de son sceau.

  A024001091 

 Ayant examiné les articles ci-dessus, Nous confirmons par ce Décret la Confrérie du saint Martyr Sébastien, accordant, en la forme habituelle de l'Eglise, une Indulgence de quarante jours à tous ceux qui en font ou en feront partie, chaque fois que, selon les articles ci-dessus, ils assisteront dévotement aux processions, aux [104] Messes solennelles et aux Offices, et chaque fois aussi qu'ils recevront les Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie..

  A024001112 

 Nous requerant vouloir iceluy homologuer et insinuer, et sur iceluy interposer Nostre decret et auctorité pastorale, suivant les conventions et astrictions portés par ledict contraict; et ce en presence de M e Pierre Heretier, procureur desdictz scindicques et parroessiens, et tous deux constitués a ces fins au corps dudict contraict: lequel M e Heretier a presté consentement et, en tant que de besoingt, requis la mesme homologation et insinuation..

  A024001112 

 Par devant Nous, FRANÇOYS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque Evesque et Prince de Geneve, s'est presenté et comparu au palaix de Nostre habitation et residence ordinayre de cette cité M re Jacques Duret, procureur de M re Laurent de Collonges, Curé de [106] Morzine, lequel Nous a remonstré comme les scindicques et procureurs dudict lieu auroyent fondez et donné a laditte eglise a perpetuité, et promis paier annuellement audict sieur Curé et a ses successeurs la somme de douze vingtz florins, monnoye de Savoye, pour l'entretien d'ung vicayre audict lieu de Morzine, ainsi que plus amplement est contenu au contraict du premier de ce mois, qu'il exhibe, receu et signé par M e Galliard, notayre.

  A024001113 

 Quoy ouy par Nous, dict Evesque, et appres que lecture a esté faicte dudict contraict, avons iceluy homologué et insinué selon sa forme et teneur, et sur iceluy interposé Nostre decret et authorité pastorale, et ordonné qu'il sera enregistré es Registres de l'Evesché; a la charge que les chappelles mentionnees audict contraict, assignees pour partie de l'entretient dudict vicayre, seront unies, comme par ces presentes Nous les avons uny et incorporé a perpetuité, [107] ensemble les fruictz et revenus d'icelles, a laditte cure de Morzine..

  A024001121 

 Veu par Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque Evesque et Prince de Geneve, le testement sus escript et derniere volonté du sieur [108] testateur y nommé, avons icelluy aucthorisé, confirmé, approuvé et esmologué, ainsy que par ces presentes authorisons, confirmons, approuvons et esmologuons en ce qui regarde la fondation d'icelle et erection d'escolle y mentionnee; dict et ordonné qu'il sera enregistré es Registres de Nostre Evesché pour y avoir recour en tempz et lieu..

  A024001122 

 En foy dequoy avons signé lesdittes presentes, et faict contresigner par Nostre greffier, mettre et apposer le seel de l'Evesché..

  A024001134 

 Supplient en toute humilité noble Gaspard de Lucinge, seigneur dudict heu, et avec luy tous les parroiessiens et habitantz riere la parroiesse de Sales, mandement de Monthoux, disantz que cy devant et de tous temps ceulx dudict Sales ont heust leur Curé, lequel fesoit son habitation ordinaire dans la cure dudict lieu et administroit en toutes necessités et occasions a ceulx dudict Sales les sainctz Sacrementz; et c'est jusques il y a envyron cinq ou six annees, que M re Henry Lancod, dernier Curé de ladicte parrochiale, apres avoir gaigné quelque petit nombre des parroiessiens, il auroyt remis ladicte cure a M re Symond Ruptier lequel, du susdict consentement, auroyt uny ladicte cure avec celle de Cranves; en telle sorte que du despuis ilz ont estés contrainctz, la plus grand part du temps, d'aller audict Cranves ouir la saincte Messe, quoy que par ladicte union, il soit esté expressement convenus (sic) que les jours de feste et Dimenches l'on celebreroit une petitte Messe audict Sales, Oultre quoy, du despuis les suppliantz ont estés contrainctz d'aller fere baptizer leurs enfantz audict Cranves, et dudict Cranves fere apporter les sainctz Sacrementz aux mallades, et fere benir le jour de la Purification les chandoielles audict Cranves; quoy que audict Sales ilz aient leur eglise asses [110] commode pour ceulx dudict lieu, mesmement il y a un honneste revenu pour l'entretient d'un prebstre..

  A024001135 

 Ayantz nommé, par le mesme acte, M re Aymé Cottet, prebstre de bonne fame et reputation; lequel d'aillieurs ledict sieur de Lucinge, auquel appertient le droict de patronage de ladicte cure de Sales, a aussi nommé, ainsi que par acte du cinquiesme de cedict mois, signé par ledict M e Boccard, et lequel lesdictz suppliantz vous nomment de nouveau..

  A024001135 

 C'est pourquoy lesdictz parroiessiens estantz assemblés, le dixhuictiesme de ce mois, en nombre suffisant, par devant M e Boccard, notaire, ilz ont faictz dresser l'acte de procuration cy joinct, par lequel ilz supplient tres humblement V. R me Seigneurie leur ordonner un Curé, puisque par le deces dudict M re Symond Ruptier ledict office de Curé est vaccant.

  A024001162 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux... [etc.].

  A024001163 

 Or, la teneur de la demande adressée de la part de Notre cher fils, noble Gaspard de Lucinge, patron de l'église de Sales, sous le vocable des Saints Ferréol et Ferruce, et de nos chers fils les membres de la communauté du même lieu (demande signée par l'honorable Pierre-Louis Garbillon, procureur demandeur près le tribunal de Notre diocèse), contenait ce qui suit:.

  A024001164 

 Posé que, par suite de son absence, la charge des âmes a été exercée dans l'église [112] de Sales avec peu d'exactitude et de bienséance depuis l'union, et que les saints Sacrements de l'Eglise n'ont pu être administrés aux paroissiens de Sales qu'avec de grandes incommodités pour eux; posé en outre que les fruits et revenus de cette église paroissiale suffisent à l'entretien convenable d'un recteur, et que, l'union dissoute, les revenus ainsi séparés et disjoints pourront être à l'avenir appliqués en particulier à chacun de leurs futurs recteurs; posé enfin qu'il y aurait ainsi respectivement consolation spirituelle pour les paroissiens de ces églises, augmentation du culte divin, et aussi de dignité et de lustre pour celle de Sales, les revenus annuels des deux églises devant être par ailleurs plus sûrement conservés et même accrus:.

  A024001165 

 En sorte que dorénavant il sera permis aux futurs recteurs de l'église paroissiale de Sales, lesquels dans l'avenir en seront légitimement pourvus par Nous, Nos successeurs ou le Siège Apostolique, d'user, posséder, et jouir librement de ces revenus, et de les employer à leur avantage et utilité, sans la permission du futur recteur de l'église de Cranves et de ses successeurs.

  A024001165 

 Nous donc, qui, parmi les autres obligations de Notre charge, n'estimons pas de mince importance celle-ci (c'est-à-dire l'accroissement du culte divin et la consolation spirituelle des paroissiens), et croyons qu'elle sera agréable au Dieu très bon et très grand: Nous montrant favorable à la requête du patron et des habitants de Sales, après avoir fait une enquête sur la vérité des choses y contenues et pris connaissance du consentement de Notre administration [113] fiscale, de par Notre autorité ordinaire, Nous dissolvons et révoquons, dès maintenant et pour toujours, l'union, jadis faite par Nous, des églises paroissiales de Cranves et de Sales.

  A024001165 

 Par ailleurs.

  A024001182 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut dans le Seigneur.

  A024001183 

 Nous faisons savoir qu'après avoir vu l'acte ci-dessus écrit, reçu et signé par le notaire ducal Besson, et avoir très attentivement examiné toutes les choses y contenues, Nous l'avons confirmé, approuvé et ratifié et ce qu'il contient, comme par la teneur des présentes, Nous le confirmons, approuvons et ratifions, et lui accordons force et solidité inviolable, suppléant par ailleurs à tous les défauts de droit et de fait qui s'y seraient glissés, et à chacun d'eux en particulier..

  A024001191 

 Je soubsigné, pour eviter tout proces, ay proposé, par maniere d'expedient amiable, a monsieur le Prevost de Montjoug:.

  A024001193 

 Et pour le regard de l'institution de ladite cure ou vicariat perpetuel, qu'elle demeurera a l'Evesque, comme respectivement la nomination appartiendra audit seigneur Prævost; a la charge toutefois qu'elle se fera au concours, selon l'ordre sur ce estably par le sacré Concile de Trente..

  A024001202 

 Et cependant, enjoignons que la recepte tant desdites censes que dudit vin [118] se face par homme resseant, a ce choysi par le sieur Curé, et les scindiqs, par devant lesquelz il rendra compte de l'emploite, et sera de plus ledit sieur Curé [obligé] Nous tenir adverti d'an en an d'icelle emploite..

  A024001202 

 Et quant a l'employte de l'argent provenant desdites censes, comm'encor de l'argent provenant du vin des vignes mentionnees, Nous ordonnons qu'elle soit faite, tant pour les reparations, ornemens et ustensiles sacrés de l'eglise, que pour l'erection de la chapelle du Saint Rosaire, pour sept ans; apres lesquelz, si l'eglise se treuve en terme quil ne soit plus besoin d'y appliquer lesditz revenus, dont les remonstrans feront apparoir, sera prouveu par l'authorité ordinaire, ainsy que de rayson.

  A024001215 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, a visité ces Reliques et en a fait le dénombrement le 22 du mois de juillet de l'année 1618..

  A024001224 

 Or est il que ce jourdhuy, septiesme jour du mois de septembre mil six cent et dix huict, le jour de la feste de monseigneur sainct Gras, par devant moy soussigné, R d M re Pierre de Montfalcon, chanoine de Sainct Pierre de Geneve, Surveillant en ledict Evesché et Curé dudict Sainct Felix, sçavoir: honnorable Claude Poncet, [120] Jean Linollat, Pierre Burdet, Santhon Sathod, scindiques dudict Sainct Felix (les peres ont authorizé leurs fils pour cet effect); noble Pompé Millet, seigneur de la Chapelle, ......................................................................

  A024001226 

 Afin luy plaise (à saint Grat) estre leur advocat et procureur devant la Majesté divine, proteger leurs personnes et biens, comme prés, terres, maisons, granges, arbres et tous fruitz en provenant, soit semé ou a semé, semable ou non, servant a la nourriture du genre humain, n'estre mangé ni deffaict par les bestes bruttes, ni par autres quelles qu'elles puissent estre; ains qu'il plaise a Dieu et a monseigneur sainct Gras les chasser de nos terres, ou pour le moins qu'elles ne mangent les fruitz ni autres [choses] servant a la pauvre populasse..

  A024001227 

 Supplions et requerons, tous les scindiques et communisses dudict Sainct Felix, Monseigneur l'Evesque et Prince de Geneve, leur Prelat et bon Pasteur, vouloir approuver, auctorizer leur dict vœu, le priant encor y vouloir adjouster ou diminuer ce qu'il luy plaira, laissans cela et le tout a sa correction et auctorité; promettant tous lesdicts scindiques [et] communiers presens dudict Sainct Felix ne vouloir revoquer ni faire revoquer leur presente volonté par autruy ni par eux mesmes, mais bien observer ledict vœu de tout leur pouvoir, et le faire observer par leurs enfans, serviteurs et servantes..

  A024001262 

 Pour a quoy remedier, il sembleroit estre expedient que le revenu de la cure, qui est asses ample, fust uny a celuy de la communauté desdictz Altariens, apres toutefois la mort dudict sieur Curé, sauf vingt coppes de bled, froment et seigle, mesure de ceste ville, que des a present lesdictz Altariens percevront par les mains dudict sieur Curé pour faire le service divin d'heu a sa charge; et que le nombre d'iceux fust limité, en sorte que tous puissent faire residence, avec obligation d'assister aux Offices et cooperer a la charge pastorale, ainsy que par les reiglements qu'il plairoit a Vostre Seigneurie Reverendissime en faire il seroit ordonné..

  A024001268 

 Nous avons ordonné qu'elles seront l'une et l'autre enregistrées au greffe de l'Evesché, avec Nostre present Decret, par lequel Nous ordonnons de plus, qu'il sera par Nous, ou Nostre Official et Vicaire general, procedé aux formalitées præparatoires a l'union suppliée; et qu'en suitte de ce, tant les deux requestes que le present Decret seront affigés, par copie dheuement expediée, aux grands portes de l'eglise de Rumilly, et y sera ladicte copie trois sepmaines durant, pour servir de signification a tous quil appertiendra et qui porroient pretendre interestz en l'union requise, affin que nul n'en puisse pretendre cause d'ignorance..

  A024001280 

 Qu'estantz les Altariens de leur eglise [contraints], par la petitesse [125] de leur revenu, d'aller servir aux autres parrochiales pour en tirer quelque plus grand secour a leurs necessités, ladicte eglise [demeure] presque a l'ordinaire, mais principalement aux festes solemnelles, destituee [des] Offices qui luy sont convenables, tant pour l'edification du grand peuple [qui y] concourt, consequence des anciennes et si sainctement establies coustumes et qualité du lieu; le tout au scandale des voisins et notable prejudice du [service de] Dieu, ne pouvantz le Curé et Vicaire du lieu tout seulz satisfaire a l'administration des Sacrementz a si grande multitude de peuple..

  A024001281 

 Outre que par la [négligence desdictz Altariens, qui n'ont aucune correspondance avec les dicts [sieurs] Curé et Vicaire, il sur vient tous les jours des divisions dans ladicte eglise [pour] empescher tout ordre et bonne reigle en icelle..

  A024001286 

 Par commandement de messieurs les Scindicz et Conseilliers de la dicte Ville,.

  A024001288 

 Sera prouveu aux fins portées par la requeste, ainsy que par le Decret aujourdhuy mis au bas de la requeste du R. Curé et des venerables Altariens tendante a mesme [fin], auquel les sieurs suppliantz pourront avoir recours, icelluy estant enregistré au greffe episcopal.

  A024001313 

 Nous permettons la celebration de la sainte Messe en l'oratoire basti au pied de la montaigne, en la parroisse de Moÿ, par le sieur Thomasset; commettans pour la benediction du lieu le sieur Prieur de Rumilly ou le P. Gardien des Peres Capucins de Rumilly; a la charge que ledit sieur Thomasset ne laissera pas pour cela de rendre son devoir en l'eglise parroissiale du lieu, et que ladite celebration ne se fera en icelle chapelle les festes de commandement et jours dominicaux, sinon par le gré du sieur Curé du lieu..

  A024001325 

 Supplie humblement messire Gaspard Querlaz, disant quil y a environ sept ans quil transigea avec messire Bernard de Montpithon, curé de Reyvroz, par l'entremise de feu noble Gabriel Querlaz son pere, pour faire l'office en une chapelle soubs le vocable de Nostre Dame de Pitié en l'eglise de Thonon; a condition quil seroit chargé faire l'office en ladicte chapelle l'espace de six ans, moyennant six coppes de froment..

  A024001326 

 A quoy ledict M. de Monpithon respondit quil s'en tiendroit a la cognoissance de Rev d messire Jean François de Blonnay, Prieur de Saint Paul, apres qu'il luy auroit communiqué ses droictz, lesquelz ayant estez veuz par ledict sieur, remonstra audict M. de Montpithon quil avoit grand tort dudict Rev d messire Querlaz.

  A024001326 

 Neantmoins, s'arrestant suz sa chiganerie, sellon sa coustume, les trois Reverendz seigneurs suz nommés, par accord mutuel des deux parties, ordonnerent que Reverend messire Bernard de Monpithon retireroit pour une fois trois coppes de froment, et quil bailleroit les autres trois audict M re Querlaz; lequel neantmoins, après avoir accepté cest accord faict au prejudice dudict Gaspard Querlaz, refuse de paier lesdicts trois coppes de froment, menaçant de pres ledict M re Querlaz, et encour de supercidie de ses parens..

  A024001327 

 Surquoy recourt aux fins quil vous plaise de decreter que ledict M re Querlaz fera l'office dheu a sa chapelle, ou fera faire par les Rev. Prestres de Sainct Paul, ses compagnons, au mesme lieu de Sainct Paul, veu que ladicte chapelle n'a aucun autel erigé dans l'eglise de Thonon depuiz l'heresie.

  A024001328 

 Le sieur suppliant face, ou par luy ou par autruy, le service, et pour le surplus soit appellee partie.

  A024001340 

 Et cet, dans tel delay quil vous plairra sur ce leur prefiger, a peyne de la reduction et saisie du temporel de ladicte cure, quilz tiennent, et a la concurrence de ladicte reediffication et restablissement, arbitrio proborum, affin d'accroistre par ce moyen la devotion desdictz suppliants, et leur lever tout subject de reclamer et se plaindre de telz actes faictz en ladicte esglise au commencement de leur conversion a ladicte religion catolique, a laquelle ilz desirent vivre et mourir..

  A024001343 

 Enjoint tres expressement au Conseil de la Sainte Mayson de faire faire la reparation requise dans deux moys; a faute dequoy sera prouveu par saysie de revenuz dependans de ladite eglise.

  A024001353 

 Sur la remonstrance qui nous a esté faite par les parroissiens de Lully, tendante aux fins que le sieur Curé de Fessi envoye chasque jour de Dimanche et feste de commandement son vicaire en leur eglise pour y celebrer la sainte Messe au matin, en faveur de plusieurs personnes qui, pour quelques incommodités, ne peuvent se transporter a l'eglise dudit Fessi; s'offrans iceux parroissiens de tenir [133] ladite eglise de Luly couverte, bien entretenue et meublee a cet effect:.

  A024001354 

 Nous commettons les sieurs de Blonnay, Prsefect de la Sainte Mayson, et le sieur Chatillon, Plebain de Thonon, avec pouvoir d'associer tel autre ecclesiastique que bon leur semblera, pour voir de l'incommodité et commodité de la proposition et requisition faite par ceux de Luly, ouïr le sieur Curé de Fessi et lesditz parroissiens, et regler le tout selon qu'ilz verront a faire pour la plus grande gloire de Dieu; et du tout Nous donner advis..

  A024001396 

 Nous, soubsigné, commis pour visiter le lieu supplié, avons icelluy treuvé fort propre et convenable pour la celebration a la sainte Messe; l'ayant a cette fin [137] beni Benedictione loci, et puis permis la dite celebration jusques autrement soit ordonné par Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve..

  A024001417 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, au Très Révérend M. Charles-Emmanuel Ginod, Doyen de l'église de Belley, salut abondant dans les entrailles du Christ..

  A024001418 

 Puisque donc vous désirez, étant donné le voisinage immédiat du diocèse de Belley et du Nôtre, distribuer parfois le [139] pain de la parole de Dieu et exercer les autres fonctions sacrées aux ouailles et dans les églises à Nous confiées, selon l'opportunité des évènements et des temps, sachant que vous avez pour vous l'exemple d'une bonne vie et une parole saine et irréprochable, Nous vous accordons dans le Seigneur, par la teneur des présentes, la faculté de prêcher dans Notre diocèse, de chasser les démons par les.

  A024001436 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, aux Révérendissimes dans le Christ les Ordinaires des lieux et tous autres auxquels parviendront les présentes, salut abondant dans le Sauveur Jésus..

  A024001437 

 Jean-François de Sales, Notre frère et chanoine de Notre église cathédrale, voulant aller à Paris pour des raisons connues et approuvées de Nous, par les présentes, pour cela signées de Notre main et munies de Notre sceau, Nous certifions et témoignons, autant qu'il est en Nous, que c'est un prêtre exempt de toute censure ecclésiastique et partant digne de toutes les marques d'une chrétienne et sincère dilection..

  A024001453 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024001454 

 Aussi, devant sa requête de vouloir servir Dieu et l'Eglise hors de Notre diocèse, Nous lui avons accordé ces testimoniales dimissoires, par lesquelles Nous souhaitons et demandons que tous les serviteurs du Christ, inférieurs et supérieurs, le considèrent comme à eux recommandé..

  A024001454 

 Nous certifions par la teneur des présentes que le vénérable et à Nous cher dans le Christ M. Henri Barbier, prêtre de Notre diocèse, a été promu selon toutes les règles canoniques, est libre, à Notre connaissance, de toute censure ecclésiastique, n'est entaché d'aucune infamie ou vice répréhensible; bien mieux, a été approuvé, par Nos examinateurs synodaux, pour l'administration des Sacrements.

  A024001464 

 FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolicque..

  A024001465 

 Nous ayant esté remonstré de la part de messire Pierre Rouffille, prebstre, quil auroit cy devant faict permutation de la cure d'Arit, de laquelle il estoit paisible pocesseur et laquelle il avoit descervy l'espasse de trente cinq ans, a une chappelle a luy remise en eschange par messire Jehan Claude Blanc, prebstre et curé moderne dudict Arit, et que depuis ladicte permutation, a raison d'une maladie, joincte a son vieil aage, qu'il luy seroit survenue, il auroit faict despence de toute l'espargne qu'il avoit faict en son jeune aage; si que maintenant il ne luy reste plus aucun moien de pouvoir s'entretenir et secourir en ceste extremité de sa vie, sinon qu'il luy soit par Nous prouveu, attendu que la chappelle sus mentionnee n'est pas de revenu suffisant pour ce faire:.

  A024001478 

 FRANÇOIS DE SALES, Evesque et Prince de Geneve par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique..

  A024001479 

 Nous commettons par ces presentes, signees de Nostre main et seellees de Nostre seel, venerable sieur Scipion Machet, curé de Saint Julien, pour informer, appeller, [instruire] toutes procedures, jusques a sentence definitive exclusivement, es contraventions des festes et autres commandemens de Dieu et de la sainte Eglise dont la connoissance appartient a Nostre authorité episcopale, ou purement ou mixtement; et ce, en ce qui regarde les laicz tant seulement..

  A024001498 

 Nous accordons le pouvoir d'administrer à son gré les Sacrements dans Notre diocèse, toutes les fois qu'il en sera prié par une église paroissiale, pouvoir qui durera aussi longtemps qu'il paraîtra bon à Nous ou à nos successeurs..

  A024001516 

 Et cela, jusqu'à ce qu'il soit jugé autrement par Nous ou Nos successeurs.

  A024001534 

 Nous accordons le pouvoir de distribuer la parole de Dieu et de conférer les Sacrements dans Notre diocèse, aux conditions ordinaires, au Révérend M. Louis Chevrier, prêtre légitimement promu par Nous..

  A024001554 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à Notre bien aimé dans le Christ M. Jean de Vassau, natif de la ville même de Genève, salut..

  A024001555 

 Aussi, par la teneur des présentes.

  A024001555 

 Nous savons par le témoignage d'hommes très graves que, rentré, par la souveraine miséricorde du Christ notre Seigneur, dans le sein de notre sainte Mère l'Eglise Catholique, vous désirez être promu aux Ordres ecclésiastiques, et que vous ne pouvez, sans grands inconvénients pour vous, venir les recevoir de Nous.

  A024001567 

 Reverendissime in Christo Pater et Domine, ea qua par est reverentia vices Nostras subdelegamus, facultatem vobis facientes, eidem Petro Godet Ordines omnes conferendi et illi suscipiendi, servatis tamen de jure servandis, exceptis interstitiis, super quibus, si vobis placuerit, dispensare poteritis; dummodo tamen, vobis ante omnia constiterit de Litteris Apostolicis [150] quibus se ad Nos missum asserit pro dictis omnibus Ordinibus suscipiendis, conscientiam Nostram interim de premissis omnibus exonerantes..

  A024001576 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, au Révérendissime Père et Seigneur dans le Christ, l'Archevêque ou l'Evêque en communion avec [149] le Siège Apostolique, à qui les présentes seront remises, salut abondant dans le Seigneur..

  A024001577 

 Mais comme il ne peut arriver commodément jusqu'à Nous, soit à cause des troubles apportés par la guerre, soit à cause de la distance qui sépare sa résidence de la Nôtre, sans grand dommage pour sa bourse et surtout pour ses études: c'est pourquoi, Révérendissime Père et Seigneur dans le Christ, avec tout le respect qui convient, Nous vous déléguons à Notre place, vous accordant le pouvoir de conférer tous les Ordres au dit Pierre Godet, et à lui de les recevoir, en observant cependant tout ce qui est requis par le droit, excepté les interstices, au sujet desquels, si cela voas agrée, vous pourrez dispenser.

  A024001577 

 Mais, avant toutes choses, vous vous assurerez des Lettres Apostoliques par [150] lesquelles il se dit envoyé à Nous pour recevoir tous les Ordres.

  A024001596 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à Notre bien aimé dans le Christ Claude Garbillon, de cette ville d'Annecy, étudiant à Lyon, salut dans le Seigneur.

  A024001597 

 Nous accordons par les présentes pleine faculté à ce R me Prélat de vous conférer, et à vous de recevoir de lui, les Ordres en question..

  A024001621 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à Notre bien aimé dans le Christ François de l'Espine, Chanoine prêtre de l'Eglise cathédrale de Genève, salut et dilection dans les entrailles du Christ.

  A024001626 

 Et l'Ange du Seigneur se tiendra auprès de vous, et la lumière de Dieu vous environnera; et ainsi, tandis que vous m'aiderez et me soutiendrez dans la charge où je succombe, nous nous donnerons un mutuel appui; comme si nous marchions sur un chemin glissant, nous nous tiendrons par la main, et nos pieds se poseront [155] avec d'autant plus d'assurance que nous aurons l'un pour l'autre plus de charité et de confiance..

  A024001645 

 FRANÇOIS, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024001647 

 Sur cette haute mer, en effet, je suis battu par des vagues si violentes, qu'il me semble impossible de conduire au port ma vieille barque en maints endroits vermoulue et qu'il est à craindre que la tempête ne me submerge.

  A024001647 

 Telle est l'étendue de ce diocèse et le trouble des événements et des temps, qu'écrasé par le poids énorme de cette charge pastorale je peux à juste titre m'appliquer, après saint Grégoire, cette parole [156] du Psalmiste royal: Je suis courbé et abattu à l'excès.

  A024001648 

 C'est pourquoi, parmi mes frères dans le sacerdoce, il est à propos d'en choisir quelques-uns que je sais être, comme il fut dit à Moïse, des anciens dans le clergé, par la maturité et l'expérience, afin qu'ils portent avec moi la charge du peuple et que moi, si faible et infirme, je ne sois pas seul à en être accablé..

  A024001652 

 Nous donnant un mutuel appui, et comme si nous marchions sur un chemin glissant, nous nous tiendrons par la main, et chacun aura d'autant plus d'assurance qu'il s'appuiera avec plus de confiance sur l'autre, jusqu'à ce que, avec l'aide de Dieu, Prince de tous les pasteurs, nous qui participons à ses labeurs, ayons part à ses consolations..

  A024001682 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique [160] Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024001705 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève.

  A024001707 

 Aussi, avant toutes choses, Nous avons entendu M. Gaspard, personnellement présent, et à genoux devant Nous, réciter mot à mot avec humilité et dévotion, la profession de foi selon la forme prescrite par Sa Sainteté Pie IV dans la Bulle Injunctum Nobis, et avons reçu son serment, tel qu'il est indiqué au bas de ladite formule..

  A024001727 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à Notre bien aimé dans le Christ M. Jean Moccand, curé de l'église paroissiale d'Abondance, salut abondant dans le Seigneur..

  A024001728 

 Il Nous a été très agréable que la Congrégation des prêtres du district d'Evian, établie avec Notre approbation, vous ait choisi pour visiter, selon ses Règles approuvées aussi par Nous, les [166] églises et les personnes ecclésiastiques de tout le district qui sont soumises à la juridiction épiscopale.

  A024001728 

 Nous vous accordons par les présentes le pouvoir de faire chacune de ces visites et d'ordonner ce qui vous semblera opportun.

  A024001750 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, et exerçant les pontificaux dans l'Eglise cathédrale du Monastère nullius diœcesis de Notre-Dame de Pignerol, province de Turin, du consentement du commendataire, l'Illustrissime et Révérendissime Cardinal Borghese..

  A024001751 

 Par les présentes Nous annonçons et déclarons son ordination.

  A024001754 

 Par l'Ill me et Rév me Evêque susnommé..

  A024001776 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui parviendront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024001777 

 Il y a quelques années, Claude Boucard, de Verdun, alors Religieux de la Compagnie de Jésus, abandonna, par suite de la fragilité de l'esprit humain, l'Eglise Catholique pour l'hérésie de Calvin, et demeura ainsi quelque temps au bord des fleuves de Babylone, dans les tentes des hérétiques.

  A024001777 

 Mais enfin, trouvé et prévenu par le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, touché aussi du souvenir salutaire de la religion chrétienne, rentrant en lui-même et se levant, de son propre et libre mouvement il résolut [171] sérieusement de retourner au Père céleste et à son Epouse très sainte, notre mère l'Eglise..

  A024001778 

 C'est pourquoi aujourd'hui, 15 juin, troisième dimanche après la Pentecôte, jour où se rencontre la lecture de l'Evangile qui parle du recouvrement joyeux de la brebis et de la drachme perdues, dans l'église de Notre-Dame de Compassion ou des Sept-Douleurs, de Thonon, le susdit Claude Boucard a comparu en personne devant Nous, de son propre et libre mouvement, et, pour réjouir par son retour l'Eglise qu'il avait contristée par son départ, il a confessé publiquement, devant tout le peuple assemblé, son péché et son injustice, en demandant et suppliant d'être réconcilié avec Dieu et notre sainte mère l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine..

  A024001779 

 Et Nous, qui avions reçu du Saint-Siège Apostolique, par lettres à Nous adressées par l'IIl me et R me M gr Pierre-François, Evêque de Savone, Nonce de notre Très Saint Père le Pape auprès du Sérénissime Duc de Savoie, la plus ample faculté particulière et nominale de recevoir, absoudre et réconcilier ledit Claude Boucard, [172] Nous l'avons entendu abjurer, condamner et anathématiser toute hérésie, surtout celle de Calvin, et avons reçu sa profession solennelle de foi catholique et d'obéissance au Siège Apostolique..

  A024001780 

 Alors, comme conséquence, en vertu du pouvoir Apostolique à Nous concédé et commis pour cette affaire, Nous avons absous le même Boucard selon toutes les règles et prescriptions des lois et du droit, dans le for intérieur et extérieur, de toutes les censures, absolument, par lui encourues à cause de son hérésie; Nous l'avons ensuite, en vertu de la même autorité, dispensé au sujet des irrégularités par lui contractées; enfin, Nous l'avons libéré entièrement du lien du vœu simple qu'il avait émis dans la Compagnie de Jésus, déclarant, comme Nous le déclarons par les présentes, qu'il n'est plus tenu dorénavant par aucune des lois de la Compagnie de Jésus, mais qu'il doit être considéré par tout le monde comme un vrai clerc et prêtre séculier, capable et participant de tous les privilèges concédés aux prêtres légitimes et honnêtes.

  A024001780 

 Nous défendons sévèrement à tous magistrats et seigneurs, tant ecclésiastiques que laïques, de quelque rang et ordre qu'ils soient [173] et sous aucun prétexte, soit en justice, soit ailleurs, de susciter aucun ennui, procès pu préjudice au sujet de l'apostasie, hérésie, excommunication et de toutes censures encourues en quelque façon que ce soit par ledit Claude..

  A024001781 

 Bien au contraire, Nous exhortons vivement tous les chrétiens du monde à exercer tous les offices possibles de charité envers celui qui est maintenant le Révérend M. Claude Boucard, prêtre et docteur en théologie, de même que Nous le bénissons du fond du cœur par les prières que nous adressons pour lui au Dieu tout-puissant..

  A024001782 

 Et pour que tout ce qui précède soit certifié d'une manière indubitable, Nous avons signé les présentes et les avons fait signer par Notre secrétaire et munir du sceau dont Nous Nous servons dans les cas semblables..

  A024001800 

 Aussi mit-il en œuvre ce qu'il avait conçu en pensée, et conduit par le Dieu très bon, il se présenta à Nous de son propre et libre mouvement.

  A024001800 

 Claude Boucard, de Verdun, ayant, par suite de la faiblesse de l'esprit humain, abandonné, il y a quelques années, la religion catholique pour l'hérésie de Calvin, fut enfin retrouvé par Celui qu'il ne cherchait pas, et prévenu des bénédictions de sa douceur, en sorte que, touché dans son cœur d'une salutaire douleur, il se mit, il n'y a pas longtemps, à méditer sérieusement son retour dans le sein de l'Eglise Catholique.

  A024001818 

 Enfin, par la même autorité, Nous lui avons concédé d'aller et venir, librement et sans reproche de la part de quiconque, avec [177] le costume des clercs et prêtres séculiers, pendant toute cette année 1608.

  A024001818 

 Nous avons déclaré, comme Nous le faisons par les présentes, que pendant tout ce temps il ne peut être obligé ou tenu à porter l'habit religieux ou à obéir aux Supérieurs réguliers..

  A024001825 

 Pour terminer le different survenu entre les venerables Seurs Prieure et Religieuses Carmelites deschaussees de Dijon d'une part, et D lle Seur Jeanne Chevrier d'autre [178] part, sur ce que ladite Dlle Chevrier demandoit restitution de l'habit de Novice de l'Ordre desdites Carmelites, qu'elle disoit luy avoir esté osté ... par lesdittes Prieure et Religieuses: elles ont ce jourdhuy declairé par devant moy, notaire royal soussigné, en presence des tesmoins au bas nommés, et par l'advis de R. P. en Dieu M. François de Sales, Evesque de Geneve, que dautant que ladite Dlle Jeanne Chevrier est leur bienfactrice, les ayant appellees, receues et logees en sa mayson de cette ville de Dijon, et qu'en trois ans qu'elles l'ont gardee entr'elles elles l'ont reconneüe fort vertueuse, devote et affectionnee a leur Ordre, elles consentent que l'habit dudit Ordre luy soit redonné, pour iceluy porter par devotion tant qu'elle voudra.

  A024001826 

 Et outre ce, consentent que tout ce qu'elle leur a donné et fourni pour leur usage, tant en meubles qu'immeubles, luy soit rendu et restitué; et qu'a ces fins laditte damoyselle face un estat de tout ce qu'elle pensera avoir donné ou delivré a leur prouffit, lequel soit remis es mains de personnes notables, telles que ledit seigneur Evesque de Geneve nommera, par l'advis desquelz la restitution puisse estre regiee; declarant de plus, lesdittes venerables Prieure et Religieuses, de ne se vouloir servir ni ayder de la donation qui leur avoit ci devant esté faitte par laditte damoyselle Chevrier, ains consentent qu'elle soit comme non advenue et s'en despartent a son prouffit: ce qu'elles promettent [180] faire appreuver et ratifier par leurs Superieurs dans un moys.

  A024001851 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève; Frère Jean Migniot, maître en sacrée théologie et humble Gardien de la maison des Frères de Saint-François, appelés de Saint-François de l'Observance, de [181] la ville de Cluses, diocèse de Genève; Jean Favre, docteur en l'un et l'autre droit, Prieur commendataire du prieuré de Notre-Dame d'Alondaz, chanoine de l'église de Genève, Vicaire et Official général, Commissaires apostoliques députés respectivement dans cette affaire par le Saint-Siège Apostolique: à tous et chacun qui examineront, verront, liront et entendront lire les présentes lettres, salut dans le Seigneur..

  A024001852 

 Ayant, par Nous-mêmes, vu, lu et examiné avec soin les Lettres Apostoliques à Nous respectivement adressées et à Nous transmises par le Siège Apostolique, les unes en forme de Bulles sub plumbo, datées de Tivoli, l'an de l'Incarnation du Seigneur mil six cent neuf, le sept des calendes d'octobre, la cinquième année du Pontificat de notre Très Saint Père le Pape, par la divine Providence Paul V; les autres en forme de Bref, sous l'anneau du Pêcheur, et datées de Rome, près de Saint-Pierre, le douze mars 1610, l'année cinquième du Pontificat du même Paul V, expédiées dans les règles, non viciées ni portant de ratures ou uspectes en quelque point, par le Révérend François Bochatton, prêtre de ce diocèse de Genève, obtenues du Saint-Siège Apostolique et à Nous présentées; [182] ayant aussi vu les dépositions de témoins et informations prises et reçues à l'instance du même Révérend François, desquelles il conste clairement, soit de ce qui est contenu et raconté dans les susdites Lettres Apostoliques, soit de la réclamation de ce même François faite secrètement et extrajudiciairement, ante quinquennii lapsum; ayant en outre observé la forme prescrite dans les susdites Lettres, appelé ceux qui devaient être appelés, vu ce qui devait être vu et considéré ce qui, d'après le droit, devait être considéré, ayant devant Nous le Révérend François en habit et tonsure de son Ordre:.

  A024001853 

 Nous, Commissaires apostoliques respectivement délégués dans cette affaire, comme procédant de droit à l'exécution des Lettres [183] Apostoliques, Nous prononçons, décrétons et déclarons, en vertu de l'autorité Apostolique dont Nous sommes revêtus, que la profession autrefois émise par le Révérend François Bochatton (après l'avoir restitué in integrum adversus lapsum quinquennii, comme Nous le restituons,) a été et est nulle et invalide, et d'aucune force ou consistance, parce que faite avant l'âge légitime et sous l'inspiration de la violence et de la crainte.

  A024001853 

 Par suite, il n'est nullement tenu ou lié envers l'Ordre ou la Religion spécialement ou généralement, mais il a pu par le passé et peut dans l'avenir, librement et licitement, retourner au siècle et y demeurer comme prêtre séculier; il a pu et peut aussi obtenir et retenir n'importe quels bénéfices, et personne n'a le droit de l'inquiéter ou troubler là-dessus..

  A024001854 

 En foi et témoignage de toutes les choses qui précédent et de chacune en particulier, Nous avons fait rédiger ces présentes, signées par Nous, et les avons fait munir du sceau dont se sert le Révérendissime Evêque et Prince de Genève dans les cas semblables.

  A024001878 

 FRANÇOIS, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque [185] et Prince de Genève, aux Révérends Frères dans le Christ, de la Mission apostolique de l'Ordre des Capucins demeurant dans Notre diocèse, salut abondant dans le Christ..

  A024001879 

 A vous tous qui avez été élus par vos Supérieurs pour prêcher la parole de Dieu ou administrer les Sacrements dans ce diocèse, Nous aussi vous accordons la même faculté, approuvant leur élection au nom du Seigneur.

  A024001879 

 En outre, à vous, comme à Nos vicaires que Nous députons spécialement pour cela, Nous vous chargeons de Nous remplacer pour l'absolution de toutes irrégularités contractées à l'occasion de crimes cachés, excepté l'homicide volontaire réellement commis, selon la concession à Nous faite par le très saint Concile de Trente..

  A024001892 

 FRANÇOIS, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à notre bien aimé dans le Christ le Très Révérend Frère Dom Jean de Saint-Pasteur, Prieur du Monastère de Notre-Dame d'Abondance, de Notre diocèse, et de l'Ordre des Feuillants, salut..

  A024001893 

 Aussi, ceux que vous approuverez, Nous les approuvons; ceux que vous enverrez ainsi dans la moisson à Nous confiée, Nous les envoyons et les réputerons comme envoyés par Nous.

  A024001893 

 Comme vous avez coutume de mettre un grand soin à choisir parmi vous les Religieux destinés à prêcher l'Evangile et à administrer les Sacrements, Nous vous accordons, à vous et à vos successeurs, d'employer à ces ministères dans Notre diocèse, aux conditions requises, les prédicateurs et confesseurs par vous approuvés et désignés, convaincu que rien d'inconsidéré ne sera fait par vous en une si grave affaire.

  A024001907 

 Le Frère N. et le Frère N. voulant se rendre à Grenoble ou dans tels autres lieux où se trouve un couvent des Frères Mineurs de l'Observance régulière, vulgairement appelés Récollets, dans le but de s'affilier, si possible, à cette branche, Nous ont demandé de [188] les recommander par des lettres testimoniales auprès des Supérieurs de cette observance..

  A024001908 

 Aussi, condescendant à leurs vœux pieux, Nous certifions, par la teneur des présentes, que les susdits Frères N. et N., nés dans ce diocèse de parents catholiques, ont habité de longues années le monastère de Saint-François de cette ville comme Religieux profès, et n'ont donné, que Nous sachions, aucun scandale ni aux autres Religieux, ni aux fidèles de la ville, des bourgs ou des villages voisins; bien plus, ont répandu pareillement partout la bonne odeur du Seigneur, en sorte qu'ils semblent dignes de toute créance et charité..

  A024001913 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, au R. Pere en Nostre Seigneur, le P. Frere Maximian de Moulins, prestre et prædicateur de l'Ordre des Capucins..

  A024001914 

 Ayans sceu que le venerable Clergé du balliage de Gex de ce Nostre diocæse avoit fait choix de vostre personne pour, en son nom, vous acheminer et presenter aux Estatz, tant de Bourgoigne que generaux de France, qui, par le commandement du Roy, se doivent bien tost celebrer: Nous avons icelle election et nomination de vostre personne advoüee, appreuvee et ratifiee, comme par les presentes Nous confirmons, vous nommant aussi, entant [190] quil Nous compete, pour estre auxditz Estatz, dire, remonstrer, requerir et faire a Nostre nom et dudit Clergé de Gex dependant de Nostre charge, tout ce quil conviendra pour le juste soustenement et accroissement de tout ce qui regarde le saint service de Dieu et de l'Eglise audit balliage de Gex.

  A024001932 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à notre bien aimé dans le Christ le Père Frère André de Constance, du Tiers-Ordre de Saint-François, salut abondant dans le Christ.

  A024001933 

 Comme, à ce qui Nous a été rapporté par un témoignage digne de foi, depuis déjà une année entière vous avez très religieusement vécu à Cusy, en administrant, avec Notre permission, les Sacrements et la parole de Dieu partout où vous étiez appelé: pour ce motif Nous vous accordons la faculté de séjourner à Cusy, d'y conférer les Sacrements et prêcher la parole de Dieu, ainsi que d'absoudre des cas à Nous réservés; faculté dont vous pourrez librement user dans tout Notre diocèse, pourvu que les recteurs des églises paroissiales y consentent.

  A024001934 

 Nous avertissons en même temps Votre Révérence, ce que vous faites du reste, de tempérer la science, qui autrement enfle, par la charité qui édifie, en sorte que votre charité illuminée par la science et votre science enflammée par la charité, tournent au [192] salut du peuple et à l'honneur et à la gloire du Christ Notre Seigneur.

  A024001950 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève; à tous ceux qui verront les présentes Nous faisons savoir et, témoignons que, le jour, le mois et l'année ci-dessous, Notre bien aimé dans le Christ Claude Boucard a comparu devant Nous ici, à Grenoble, et Nous a demandé de [193] daigner l'absoudre, dans le for intérieur et extérieur, de l'excommunication et des autres censures et peines ecclésiastiques dont il s'avouait chargé pour crime d'hérésie et de profession d'hérésie..

  A024001993 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024001994 

 La pieuse Maison qui, au cœur du Mont-Joux, fut fondée par saint Bernard de Menthon, archidiacre d'Aoste, entretient et fournit, en vue de Dieu notre Sauveur, plusieurs Chanoines réguliers, et d'autres personnes sous leur direction, pour accueillir les pèlerins et tous autres voyageurs qui rencontrent d'ordinaire du danger çà et là, en passant des régions de deçà, en celles d'au delà des Alpes et réciproquement, à cause des furieuses tempêtes de neige [197] et de la violence incroyable du froid qui règnent sur ces sommets.

  A024001995 

 Aussi, le Révérend Prévôt de toute cette grande famille a-t-il déjà par le passé envoyé quelques-uns des Chanoines réguliers à lui soumis, dans presque tout le monde chrétien, pour recueillir des dons, des offrandes et des aumônes, qu'ils rapportent ensuite pour l'entretien de leurs Frères et de leurs coadjuteurs.

  A024001995 

 « Il est digne et convenable », en effet, que ceux qui procurent de quoi manger, boire et se loger aux voyageurs du monde entier qui se présentent, et qui les secourent de toute manière, soient à leur tour aidés par les personnes pieuses du monde entier..

  A024001996 

 De même, c'est volontiers et cordialement que jusqu'ici Nous avons reçu ceux qui, recommandés par eux, se sont présentés à Nous..

  A024002008 

 Nous permettons de nouveau au Frère P. André de Constance de demeurer dans Notre diocèse, d'y exercer les fonctions sacrées, d'y administrer les Sacrements et d'y faire de pieuses exhortations au peuple, jusqu'à ce que par Nous soit autrement réglé.

  A024002031 

 La Somme philosophique du Collège d'Annecy, composée par le R. P. Don Redento Baranzano, prêtre de la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul et professeur de philosophie au même Collège (au sujet de laquelle je dois porter mon jugement par ordre de l'Ill me et R me Seigneur François de Sales, Evêque et Prince de Genève), ne contient, à mon avis, rien de contraire à la foi.

  A024002031 

 aux enseignements de l'Eglise catholique ou aux bonnes mœurs, et présente à tout esprit amateur de philosophie, une très digne doctrine philosophique, remarquable [200] par une ordonnance claire, une subtilité singulière, une agréable brièveté, une érudition non commune et, dans cette matière, assez rare.

  A024002046 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, au R. P. Don Juste Guérin, prêtre vénérable de la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul, salut..

  A024002064 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ..

  A024002065 

 Par ces mêmes lettres Nous désirons recommander et recommandons chaudement, dans les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, le quêteur, comme chrétien et Religieux mendiant, à tous les supérieurs et inférieurs, fils et disciples de l'Eglise du Christ..

  A024002119 

 Croyant pouvoir le faire en justice, vérité et sincérité, je déclare le faire par les présentes..

  A024002119 

 ...Etant recommandable par l'intégrité de ses mœurs et de sa vie, il m'a demandé un certificat, parce que je suis le délégué, dans le pays de Thonon, de l'Illustrissime et Révérendissime dans [207] le Christ M gr Claude de Granier, Evêque de Genève.

  A024002125 

 Nous FRANÇOIS DE SALLES, par la grace de Dieu et du Siege Apostolique Evésque et Prince de Genéve, aux bien ayméz en Jesus Christ, a celuy qui regie les affaires de la guerre pour la milice du Roy Catolique, et autres, [208] tant soldats qu'autres personnes a qu'il appartiendera, qui sont pour quelque temps ou qui demeurent dans ce dioceze: salut dans le Seigneur..

  A024002127 

 C'est pourquoy, Nous, a quil appartient de veiller, autant pour conserver les immunitéz de l'Eglise que pour avoir un soin tres particulier de vostre salut, selon la charge qui Nous a eté imposée, vous mandons expressement et precisement par ces presentes, soub peyne d'excommunication, de ne point entrer pour ce subjét dans des lieux saints, soit dans une eglise consacrée a Dieu, et de ne point uzer de violence pour arracher cet homme de l'autel affin de le forcer de sortir de l'eglise, estant fondé sur une telle exemption, mesme sous pretexte de rendre ou de faire la justice..

  A024002150 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux que cela regardera..

  A024002151 

 Nous avons appris, non sans un grand ennui, qu'un soldat qui s'était réfugié dans l'église de Faverges pour y jouir de l'immunité, depuis longtemps et par un droit irrévocable accordée aux églises, avait été arraché du saint lieu par certains, violemment et au mépris de Notre commandement..

  A024002152 

 Aussi, par Nos présentes lettres, Nous ordonnons sévèrement dans le Seigneur à tous ceux qui ont donné aide et faveur à un tel acte, et surtout à ceux qui ont agi ainsi contre l'immunité de l'église et Notre commandement, de rendre le soldat en question [211] à cette église et de le laisser jouir de l'immunité, et cela dans les vingt-quatre heures.

  A024002152 

 Dans ce cas, Nous les déclarons et retenons, en effet, ainsi excommuniés, par les présentes..

  A024002172 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux à qui il appartiendra..

  A024002173 

 Nous en tenant à Nos précédents commandements, par lesquels Nous avions averti qu'Antoine Garcia, espagnol, arraché à l'église par la violence, devait être rendu à l'église, ou que ceux à qui il appartenait devaient dire pourquoi ils n'étaient pas tenus à cette restitution: Maintenant, après avoir attentivement examiné toutes les circonstances de l'homicide commis, et les raisons sur lesquelles [213] s'appuyait Son Excellence don Alphonse Carrillo, docteur et auditeur de la milice du Roi Catholique, demeurant actuellement dans ces régions, pour refuser de rendre à l'église le susnommé Garcia; par Notre sentence définitive Nous avons prononcé et prononçons ce qui suit:.

  A024002174 

 En second lieu, par cette même sentence, en vertu de la sainte obéissance et au nom du Seigneur, Nous avons ordonné et ordonnons à tous ceux qui ont extrait ledit Antoine Garcia, ou le retiennent hors de l'église, de le rendre immédiatement et exactement à l'église d'où ils l'ont arraché, ou à une autre jouissant de la même immunité.

  A024002174 

 Nous avons enjoint à tous les juges séculiers et autres personnes à qui il appartiendra, de ne pas faire entourer l'église où sera réintégré ledit [214] Antoine Garcia, et de ne pas y mettre des gardes sous quelque prétexte que ce soit, par où l'immunité de l'église serait directement ou indirectement violée et le même Garcia s'en verrait privé..

  A024002175 

 Nous avons ordonné et ordonnons d'observer tout cela, en telle sorte que si quelqu'un faisait autrement, il soit par cette même sentence excommunié ipso facto, comme en réalité, dès à présent et pour l'avenir, Nous l'excommunions d'excommunication majeure et latæ sententiæ..

  A024002192 

 En effet, au milieu d'une si grande malice d'hérésie dont cette ville est couverte comme d'un manteau, elle a toujours fait profession d'être catholique, et jamais, ni par promesses ni par menaces, elle.

  A024002194 

 Cela est d'autant plus digne de louange qu'elle abandonnait ainsi, de son propre mouvement et volontiers, des richesses et des honneurs appréciables, dont devaient hériter les enfants par suite de la mort du père, préférant être abjecte et pauvre dans la maison du Seigneur, qu'habiter sous les tentes des pécheurs..

  A024002211 

 Nous avons accordé à M. Antoine Mugnier, de la paroisse du Châtelard, de Notre diocèse de Genève, et à Jeanne de Vimouz, de la paroisse de Faverges, aussi de Notre diocèse, de recevoir la bénédiction nuptiale, en face de l'Eglise, par n'importe quel prêtre, et de contracter mariage en présence de celui qu'ils auront choisi et d'au moins deux témoins.

  A024002211 

 Pour des raisons à Nous connues et par Nous approuvées, Nous les dispensons des bans qui, par ailleurs, devaient être faits..

  A024002228 

 Le noble Prosper de Mareste s'étant fiancé par serment avec Georgette Blanc, et ayant ensuite confirmé par un vœu ces fiançailles étant en danger de mort, selon ce qu'il Nous a saintement et religieusement affirmé: Nous, sachant qu'il vaut mieux plaire à Dieu qu'aux hommes, vous chargeons, s'il ne conste aucun empêchement à ce mariage ainsi promis, juré et ratifié par vœu, de le célébrer en face de notre sainte mère l'Eglise.

  A024002228 

 Nous désirons cependant qu'il reste ignoré un certain temps pour des raisons à Nous exposées par ledit noble de Mareste.

  A024002252 

 Supplie tres humblement M re Anthoenne Grandat, que puisque l'opposition qu'avoit estee formee par damoiselle Claudine Debyu a la proclamation du mariage contracté entre ledict suppliant et damoiselle Louyse de Bellegarde a estee vuydee par le sieur Vicaire general de Vostre R me [Seigneurie], ainsy que par sa sentence du dixiesme du courant cy joincte, il vous plaise luy permettre fere les esposiallies et benediction nuptiale dudict mariage dans le chasteau du pere de ladicte damoiselle de Bellegarde, ayant esgard a la distance de l'esglise et pour obvier des [221] bruictz et grandes indiscretions qui pourroit (sic) arriver et arrivent souvent en semblable cas..

  A024002265 

 Ayant oüy la relation a Nous faitte par les theologiens a ce deputés, Nous appreuvons l'edition de ce livret contenant [222] la Vie du glorieux saint Bernard de Menthon, comme conforme a la foy de l'Eglise.

  A024002279 

 Que le mariage se célèbre le matin et que les autres formalités requises par le droit soient respectées..

  A024002296 

 S'il conste de la dispense Apostolique au sujet de l'empêchement de consanguinité qui existe entre M. Claude de Chabod, seigneur de la Dragonnière, et M lle Claudine-Adrienne de Mouxy de Travernay, on pourra alors, et non autrement, célébrer le mariage, même sans les bans, dont Nous dispensons, en tenant compte cependant des autres formalités requises par le droit..

  A024002304 

 Et pour esclarcir plus entierement ce qui est de ses affaires, fera voir encor le contract de mariage de madame de Chantal sa mere, laquelle, en cas que par son testament elle n'eut pas disposé en faveur de son filz de ses biens, en disposera par le contract du mariage de son dit filz, pour avoir plus de force, sil est ainsy advisé..

  A024002304 

 Le seigneur Baron de Chantal asseure qu'il a... mille escus de revenu, et fera voir par les testemens de messieurs ses grand pere et pere et par celuy de madame sa mere, que les terres qui luy font ce revenu-la ne sont point engagees en substitutions, et qu'il ny a pas d'autres debtes en sa mayson que ceux que madame de Chantal sa mere a declarés par sa lettre escritte a madame la Presidente Liotart.

  A024002328 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024002348 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes, salut..

  A024002349 

 Nous faisons savoir et témoignons que notre bien aimé dans le Christ M. Alexandre Gauttier, seigneur de Beauregard, de Paris, aujourd'hui même a comparu devant Nous, et, après avoir abjuré [227] comme il convenait, toutes les hérésies, mais surtout celle de Calvin, a légitimement reçu de Nous, qui en avions obtenu le pouvoir de l'Illustrissime Cardinal de Retz, Evêque de Paris, l'absolution des censures qu'il avait encourues à cause de ladite hérésie; en sorte que rien ne s'oppose plus à ce qu'il soit tenu, reçu, aimé et honoré comme un vrai catholique, par tous les vrais catholiques..

  A024002356 

 Notum facimus et testamur, dilectum Nobis in Christo [228] nobilem virum D. Guillelmum de Bernard toto biennio in civitate Annessiacensi, in qua residentia Ecclesiæ Nostræ est, vixisse omniaque munera catholicæ pietatis quam accuratissime obiisse, quemadmodum par erat ab eo exspectare, qui a parentibus (quos olim de facie et moribus cognovimus) piissimis originem traxit, et ab incunabulis in domo catholicissimi Principis Ducis Namurcii educatus fuit, ut et nunc eidem a cubiculo inservit inter primarios ejus domesticos..

  A024002364 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024002375 

 C'est chose des-ja ouctroyee au feu sieur de Charmoysi, et ensuite dequoy l'information de l'interest que Monsieur y peut avoir, avoit esté prise avant le trespas dudit feu sieur de Charmoysi, par laquelle il se treuvera que c'est chose de peu d'importance; et neantmoins, pour la faciliter encor davantage, on offre recompense de fiefz et servis ailleurs dans les terres de Sa Grandeur, a laquelle il importe peu d'avoir en un lieu ou en un autre, estant par tout le haut seigneur au dessus de tous les autres de ce païs..

  A024002376 

 Sa Grandeur est encor tres humblement suppliee de commander a ses gens du Conseil de deça, de voir si les armoiries du sieur de Vallon qui estoyent en l'eglise de Samoen et en furent rasees par authorité absolue de Sa Grandeur, estoyent en lieu prejudiciable aux authorités d'icelle; et en cas que ledit Conseil juge que non, les faire restablir, ou du moins permettre audit sieur de Vallon de les faire restablir.

  A024002377 

 Sa Grandeur est enfin suppliee tres humblement de commander que le proces que ces fiscaux font contre les [231] deux filles du feu sieur de Cirisier soit vuidé par voye amiable.

  A024002378 

 Et tous ces troys articles furent demandés a Monsieur par l'Evesque de Geneve, et accordés comme convenables a la bonté et generosité de Sa Grandeur..

  A024002397 

 « Partant, il supplie tres humblement... Sa Seigneurie Reverendissime... de le vouloir absoudre par son accoustumé doulceur et benignité et equitable justice, laquelle il est prest de subir telle qu'il sera vostre bon plaisir l'ordonner.

  A024002401 

 Le Procureur fiscal de l'Evesché dit que le suppliant doit remettre en propre personne et entre les mains de Vostre Reverendissime Seigneurie, le contenu [234] en la susdite requeste, par laquelle il confesse d'avoir commis l'execrable et abominable crime..., qui semble, a correction, devoir estre puni par adjudication de quarante livres d'amende applicables a la mense episcopale, et vingt livres a œuvres pies, ayant esgard a la confession et volontaire recognoissance de sa faute; et a jeusner trois jours de la sepmaine pendant le temps et espace d'un mois prochain, a compter des hores; avec inhibition et defense de ne rechoir par cy apres a telles semblables fautes, a peine de cinq cent livres, et autres plus grandes s'il y eschoit.

  A024002417 

 Supplient humblement spectable Humbert Guyrod, docteur ez droitz et advocat au Conseil de Genevois, et damoyselle Antoine Guyrod, disantz, qu'appres les promesses du mariage futur entre eux et fiancement solemnel, ils auroient fait proceder aux proclamations præfigez par le sacré Concile de Trente, les jours dixiesme et unsiesme du præsent mois, en l'eglise parrochiale de la præsente ville, par messire Garnier, vicaire d'icelle; lequel, deferant a certaines oppositions formees par damoyselle Michelle Puthod, [236] mere de ladite damoyselle Antoine Guyrod, et de noble Claude Estienne de Thyolla, par un maistre Pilliod au nom dudit de Thyolla, sans pouvoir ni mandat il auroit ranvoyé les parties a mardy prochain, quinsiesme du present mois, a une heure appres midy, par devant le seigneur vostre Vicaire et Official, pour vuider les dictes causes d'oppositions sommairement, ainsy que la mattiere le requiert.

  A024002418 

 Ces fins considerez, il vous plaise deputer tel aultre qu'il vous plairra que ledit sieur Roges, pour reigler les parties et vuider les dictes causes d'oppositions, a forme dudit ranvoy fait par ledit sieur Garnier, cy joint.

  A024002431 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Evesque et Prince de Geneve; a tous prebstres, curés et vicaires de ce diocese Nostre, soit officiers ou sergentz premier sur ce requis, salut..

  A024002432 

 Veu la requeste cy dessus, Noz decretz en fin, des jours douziesme et treiziesme du courant, et tout consideré, Nous vous mandons et commettons par ces presentes, qu'a la requeste desdits suppliantz, vous adjourner a personne ou domicilie parties suppliees a comparoir et [répondre] pardevant... le sieur chanoine Delacombe, par Nous a ce commis et deputé, pour respondre et deffendre aux fins et conclusions prinses par ladite requeste et proceder ainsi que de ....

  A024002434 

 Par commandement de Monseigneur le Reverendissime..

  A024002456 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, au venerable sieur M re Laurent de la Place, prestre d'honneur de l'eglise de Nostre Dame de cette cité d'Annessi.

  A024002457 

 Ayant veu, leu et consideré la Bulle concedee par le Saint Pere Paul V, en laquelle il a dispensé et dispense noble seigneur Jean Anthoine de Rossillon et noble dame Marie de Viri de contracter mariage ensemble, nonobstant qu'ilz soyent parens entre eux au quatriesme degré, Nous avons homologué, interiné le rescrit porté par icelle Bulle, comme ayans veu la deposition bien et legitimement faite par des tesmoins dignes de foy, que la supplication presentee au Saint Pere contenoit verité.

  A024002504 

 CONSTITUTIONS DE L'ACADEMIE FLORIMONTAINE ERIGEE A ANICY PAR FRANÇOIS DE SALES ET PAR ANTHOINE FAVRE, PRESIDENT DE GENEVOIS.

  A024002508 

 On escrira au cathalogue le nom, surnom, la patrie et les qualitez de celuy qui sera receu, lequel sera tenu de faire preuve de sa doctrine et capacité, ou par escrit, ou par parolle, ou en prose ou en vers, devant les Academiciens..

  A024002508 

 Quicomque devra estre receu sera presenté par quelqu'un des Academiciens.

  A024002525 

 Nul des Academiciens ne fera aucun signe de legereté d'esprit, quelque petit qu'il puisse estre; autrement il sera corrigé par les Censeurs..

  A024002540 

 Par devant Nous FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, s'est presenté et compara au palais de Nostre habitation et residence ordinaire de cette cité d'Annessy, M e Jean Thomas, procureur de Ville et des R dz sieurs et nobles Administrateurs du College de laditte cité: lequel Nous a remonstré, comme suivant la bonne volonté de Son Altesse Serenissime et de Monseigneur le Duc de Genevois, Nemours et Chartres, ilz ont remis, cedé et transporté ledit College et administration d'iceluy aux R dz PP. de la devote Congregation de Saint Paul, vulgairement appellés Barnabites, par contract qu'il exhibe, du cinquiesme juillet prochain passé, receu et signé par M e Vassal, notaire et secretaire de laditte ville; Nous requerant vouloir iceluy homologuer en [248] tant que Nous touche, et sur iceluy interposer Nostre decret et.

  A024002540 

 authorité judiciaire, suivant les requisitions et conventions portees par ledit contract.

  A024002541 

 Quoy ouy par Nous, dit Evesque et Prince de Geneve, et appres lecture faitte dudit contract, avons iceluy homologué tant que Nous touche, selon sa ferme et teneur, et sur iceluy interposé Nostre decret et authorité judiciaire, et ordonné qu'il sera enregistré aux Registres de M e Jacques Maurice Dumont, l'un de Nos greffiers..

  A024002556 

 4° S'il est admis au Tribunal par le Reverendissime Evesque, qu'il n'y aille que du consentement du Reverend S r Curé, gratuitement a l'egard des penitens..

  A024002566 

 Nous appreuvons les Statutz cy devant escritz, et ordonnons quilz soyent enregistrés en Nostre greffe, et que lettres d'union et annexation desdittes chappelles y mentionnees seront expediees, en bonne et probante forme, en faveur de l'œuvre pie du College de Cluses, attendu le consentement fait par la communauté du lieu de Cluses, lequel Nous avons admis et admettons.

  A024002588 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous et chacun qui verront les présentes, à ceux surtout à qui appartient, appartiendra ou pourra appartenir plus tard, salut dans le Seigneur..

  A024002589 

 Et cela, pour que les professeurs prêtres, y établis et fondés, aient un autel sur lequel ils puissent commodément, aux heures fixées, célébrer la Messe devant les élèves, ou encore pour que soit créé un nouveau cinquième professeur, prêtre lui aussi, selon le progrès dudit Collège, et les Statuts donnés par le Révérend M. Bochut, si le revenu provenant [254] des chapelles unies est suffisant, ou qu'au moins ce revenu serve à assurer d'une façon plus certaine l'entretien des susdits professeurs.

  A024002590 

 Et cela de telle sorte qu'il sera loisible au clergé, recteur et Collège susdits, lorsqu'il arrivera d'une façon ou d'une autre que ces chapelles (unies, comme il a été dit, au Collège et clergé constitué de Cluses) seront vacantes, d'en prendre librement et licitement, sans la permission de quiconque, la possession réelle, actuelle et corporelle, et aussi d'en employer les fruits à leurs besoins et utilité, aux conditions, restrictions et conventions insérées dans l'acte de fondation, à condition que, selon sa teneur, soit célébré le service dû et accoutumé, par les prêtres dudit clergé et leurs successeurs..

  A024002590 

 Nous donc, approuvant une pétition si juste et raisonnable, et étant donné le consentement des Syndics et Conseillers de Cluses, lesquels sont patrons des susdites chapelles, Nous avons jugé bon d'unir, rattacher et incorporer au Collège et clergé en question les chapelles de la Léproserie et de Notre-Dame de Pitié, du même lieu, avec leurs droits, revenus et appartenances, [255] comme par les présentes Nous les unissons, rattachons et incorporons avec ces mêmes droits, fruits, revenus et appartenances.

  A024002591 

 En foi de quoi, Nous avons signé de Notre main les présentes, et les avons fait signer par Notre secrétaire et munir du sceau ordinaire de Notre Evêché..

  A024002609 

 Revu sur une copie faite par D. Juste Guérin, conservée aux Archives communales d'Annecy, Série GG, Fonds du Collège Chappuisien.

  A024002613 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024002614 

 Nous avons vu les lettres patentes par lesquelles Madame la Sérénissime Infante Catherine, fille du Sérénissime Duc, a ordonné que soit écrit ce qui suit:.

  A024002616 

 Conformément aux patentes signées par Son Altesse Sérénissime, mon Père et Seigneur, pour le privilège que, à ma requête, il accorde à perpétuité à la ville d'Annecy de pouvoir prélever trois deniers sur chaque livre de chair qui se vend à la boucherie de la même ville, sous la condition, toutefois, de la fondation d'une Messe perpétuelle: Je nomme le R. P. D. Juste pour la célébrer, voulant et déclarant que les cinquante ducatons [257] d'aumône soient, comme le portent les susdites patentes, appliqués au Collège et à la Maison qui seront assignés pour résidence au Père par ses Supérieurs, et cela sa vie durant.

  A024002616 

 Et après sa mort, je nomme dès maintenant, pour alors et pour toujours, le Collège des PP. Barnabites d'Annecy, auquel je veux et déclare que les susdits cinquante ducatons soient perpétuellement et irrévocablement assignés et appliqués; à condition, cependant, que le Supérieur du Collège des PP. Barnabites sera tenu de faire célébrer la Messe perpétuelle par l'un des prêtres Religieux de son Ordre: car telle est Notre volonté..

  A024002621 

 C'est pourquoi Nous aussi, autant que cela faire se peut, Nous louons les clauses susdites de la patente et, si cela est nécessaire, les confirmons, celle surtout qui a trait à la fondation [258] d'une Messe perpétuelle et à la nomination faite par la Sérénissime Infante pour sa célébration.

  A024002630 

 Aussy ne se treuve il que ladite chappelle soit esté visitee par aultre que par Messeigneurs les Rmes Evesques, qui ont en icelle exercé toutte sorte d'authorité et de jurisdiction..

  A024002636 

 Et neantmoins, pour le fondement et validité d'icelle, remonstre que, par un prealable, il doibt estre debuement informé sur la necessité, utilité et prejudice que peut aporter ladicte union, et sur la vraye valeur des revenuz annuelz et charges de la chapelle dont est question; et semblablement, des revenuz et charges des Reverendz Peres supliantz, vocatis vocandis, pour de faict leur estre proveu comme de raison..

  A024002640 

 (Un double de la même supplique des Pères Barnabites est apostille par le Saint et par le Procureur fiscal de l'Evêché de la manière suivante: ).

  A024002658 

 Supplient avec humillité vos tres humbles et devotz orateurs, les RR dz PP. dictz Clercz regulliers de la Congregation de Saint Paul, dictz Barnabites, recteurs perpetuelz du College des Saintz Paul et Charles d'Annecy, disantz que pour l'union et incorporation que pretend faire V. S. R me du prieuré de Saint Clair audict College, pour les raysons et consideration suppliées en la requeste laquelle ilz ont presentée a V. S. R me, et suyvant le bon playsir de Leurs Altesses Serenissimes, les suppliantz ont faict proceder a la sommaire apprinse de l'estat et revenu dudict College, comme aussy de celles dudict prieuré, et que les recteurs ou prieurs d'icelluy ne sontz onques estez que seculliers et simples prebstres; et ce, par M e Maurice Dumont, greffier de l'Evesché a ces fins commis.

  A024002659 

 Ce consideré, playse, Monseigneur, ordonner que la presente soit monstrée aux RR dz seigneurs Prevost et Chanoenes dudict venerable Chappitre, pour, sur ce, faire leur declaration et donner leur consentement; duquel ilz sontz priez humblement comme certiorés et (sic) l'estat dudict prieuré et necessitées dudict College, affin que, ce faict, il soyt procedé par V. S. R me a l'union don (sic) est question, ainsi qu'elle verra a faire.

  A024002671 

 Qu'appres qu'il a apparu a V. S. R me des preuves souffizantes des necessitées dudict College, le revenu duquel, comme la plupart incertain, n'est souffizant pour leur entretient et des regens des basses classes; par la sommaire apprinse faicte, de l'authorité et commission de V. S. R me, par M e Dumont, greffier de l'Evesché a ce commis; aussy heu esgard au consentement presté par le venerable Chappitre cathedral de Saint Pierre de Geneve, sur la requeste cy jointe du cinquiesme du courant, signé par le sieur Chanoine Jay, secretaire dudict Chappitre, cy contre, il soit le bon playsir de V. R me S., suyvant les conclusions de leurs precedentes requestes, de passer oultre a l'union du prieuré de Saint Clair, fruictz, revenus, biens et charges en dependentz, audict College a perpetuité, comme estant un simple benefice, ainsy que doibt resulter de ladicte requeste sommaire.

  A024002673 

 Apres avoir veu et consideré les depositions des tesmoins ouÿs en la sommaire apprinse faite par M e du Mont, greffier de l'Evesché a ce commis, comm'encor le consentement presté par Nostre Chapitre cathedral, et ayant egard a la bonne volonté, intention et desir de S. A., dont [262] il Nous appert par lettres a Nous envoyees par icelle: avons ordonné et ordonnons que la chapelle de Saint Clair, communement appellee prieuré, biens, fruitz et revenuz qui en dependent, seront mis, annexés et incorporés a perpetuité au College de la presente ville et cité, avec les charges en dependantes; et qu'a ces fins en soyent expediees auxditz suppliantz lettres de provision de ladite union et annexe, telle que de droit et de coustume.

  A024002690 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous et chacun à qui parviendront les présentes, salut éternel dans le Seigneur..

  A024002691 

 Aussi, puisque les saints Canons engagent à [263] attribuer les bénéfices soit à ceux qui célèbrent les Offices divins, soit à ceux qui s'occupent du salut des âmes par la parole, l'enseignement et l'administration des Sacrements, et que tout dernièrement, le saint Concile de Trente a témoigné un intérêt spécial à l'égard des collèges où la jeunesse apprend les rudiments de la piété et des belles-lettres, non seulement en ordonnant de les ériger, mais encore en indiquant les moyens particuliers de subvenir à leurs charges, en leur assignant des revenus ecclésiastiques: Nous, à Notre tour, avons jugé que Nous remplirions plus équitablement le devoir de Notre ministère touchant la distribution de ces revenus, si Notre soin de Pasteur, sur ce point, gratifiait ceux qui s'adonnent avec zèle, non seulement à une des œuvres susmentionnées, mais à toutes simultanément..

  A024002692 

 Or, par de légitimes documents et témoignages reçus dans ce but et à Nous montrés, il est évident que les Révérends Clercs réguliers, de Saint-Paul, appelés vulgairement Barnabites, qui au Collège Chappuisien d'Annecy, sous le vocable des Saints Paul et Charles, tout en s'acquittant, selon les pieux statuts de leur Congrégation, de la célébration des Offices divins, de l'administration des Sacrements, des prédications, du catéchisme, des écoles et autres fonctions [264] religieuses, jouissent cependant d'un si petit revenu, que, ne pouvant suffire à tant de charges assumées, ils se voient forcés à diminuer le nombre de leurs Religieux, et à omettre les fonctions ordinaires plus solennelles, ou à les célébrer moins solennellement que ne le leur permettent leurs Constitutions:.

  A024002693 

 Les Religieux du Collège, ou leurs procureurs, qui existeront à ce moment-là, pourront prendre et retenir pour toujours, par eux-mêmes ou par d'autres, la corporelle, réelle et actuelle possession de la susdite chapelle, et en toucher les revenus pour les employer à l'utilité et usage du Collège, sans qu'il soit besoin d'en demander ultérieurement à personne la permission.

  A024002693 

 Nous donc, en obéissant, selon Notre devoir, aux décrets des saints Canons et du saint Concile de Trente, en conformité aussi à la volonté du Sérénissime Prince de Savoie et de Piémont, voyant que, pour aider et promouvoir les services si utiles et nécessaires à la vie ecclésiastique que rend le susdit Collège, on peut, sans aucune diminution du service divin, assigner commodément la chapelle séculière ou église de Notre diocèse appelée vulgairement prieuré de Saint-Clair; de Notre autorité ordinaire, aussi bien que de celle qui, en tant que l'affaire le requiert, Nous est déléguée par le Siège Apostolique, suivant les décrets du Concile œcuménique de Trente, et après avoir pris le consentement capitulaire de Nos frères les Chanoines, Nous unissons, annexons et incorporons pour toujours, par la teneur des présentes, au Collège Chappuisien des Saints Paul et Charles d'Annecy, des Clercs réguliers de Saint-Paul, [265] ladite chapelle, église ou prieuré de Saint-Clair, de Notre diocèse, avec tous ses biens, revenus, droits et émoluments, ainsi que tous accessoires, appartenances, annexes et dépendances, eu égard à l'état actuel comme à l'état futur, et vice-versa, aussitôt qu'elle sera vacante par voie de cession pour cause de résignation, de permutation ou toute autre, ou bien, par le décès, ou autre démission ou amission du Révérend Jean Sonnerat, recteur actuel.

  A024002693 

 Nous défendons à [266] chacun et à tous, aussi sévèrement que possible, en vertu de la sainte obéissance et sous peine d'excommunication par Nous dès maintenant et pour l'avenir lancée (assignant pour cela l'espace de six jours, deux pour le premier terme, deux pour le second, et les deux autres pour le troisième), de s'opposer en quelque façon à ce que les Religieux ou leurs procureurs prennent libre possession et en jouissent en paix..

  A024002693 

 Nous ordonnons à tous et chacun prêtres, clercs, notaires et autres personnes de ce diocèse pouvant être requis à cela par le Collège, de favoriser sa prise de possession de ladite église par lui-même ou ses procureurs.

  A024002693 

 Toutefois, par la présente union Nous n'entendons pas priver l'église en question des services dus, mais les charges habituelles en seront, comme il convient, supportées par le Collège.

  A024002695 

 Donné et fait dans l'insigne ville d'Annecy, dudit diocèse, en la maison de Notre résidence habituelle, l'an de la Nativité du Seigneur 1621, indiction IV e, le 19 du mois de novembre, l'an premier du Pontificat du Très Saint Père dans le Christ et notre Seigneur Grégoire XV, Pape par la divine Providence, en présence des témoins, Révérends Georges Rolland et Michel Favre, prêtres de ce diocèse..

  A024002704 

 Supplient humblement les R dz Peres Clercz reguliers de la Congregation de Saint Paul, recteurs perpetuelz du College de la presente ville, qu'en la cause d'appel ventillante au Senat sur l'appellation comme d'abus interjectee par le sieur Baron de Menthon de l'union de la chappelle appellée prieuré de Saint Clair audict College, ledict sieur Baron se sert de la Visite faicte par V. R. Seigneurie dudict prieuré, qu'il est presupposé escript que ladicte chappelle est de son patronage; de laquelle Visite les suppliantz desirent avoir extraict..

  A024002705 

 Mais parce quilz se sont apperceus que les motz substanciaux qu'on preste contre eulx sont apposés a ladicte Visite par apostille, et probablement a l'insceu de V. S. R sse, ilz recourent a ce que, ce consideré, il vous playse ordonner a M e Decomba saysie d'icelle, la rapporter par devant vous et, l'ayant veu, fayre sur ce telle declaration que Vostre Seigneurie R sse treuvera raysonnable, si elle a entendu advouer ce droict de patronage ou non, affin quilz ne s'embarracent mal a propos en proces..

  A024002708 

 Ordonnons a M e De Combaz de rapporter par devers Nous le livre de Visite mentionné en la presente requeste, pour, par apres, prouvoir sur le surplus d'icelle ainsy que de rayson..

  A024002712 

 Ayantz veu le livre de Visite a Nous representé par M e Decomba, disons et declarons que, procedantz a ladite Visite, Nous n'avons eu, pour la plupart du temps, attention a ce qu'iceluy M e Decomba escrivoit sur le fait d'icelle, Nous en estantz quasi entierement remis a son soin et diligence.

  A024002712 

 Et ne croyons pas qu'il se faille arrester a ce qu'en ladite Visite sont estes adjoustés par apostille ces motz: de la præsentation du sieur Baron de Menthon, puisque elle n'a esté appreuvé par Nous, et que pour avoir treuvé, appres que le livre de Visite nous a esté des-ja diverses fois representé, qu'elle avoit esté moins soigneusement et exactement redigee par escrit, Nous ny avons pas cy devant adjousté foy telle qu'est deüe aux actes publicz, mais seulement Nous en sommes servi par forme de memoyres et instructions; aussy ne l'avons Nous voulu ny signer ny appreuver nulle part..

  A024002725 

 Car, quant aux Ducz, leurs prætentions ayant esté examinees, [270] ilz en furent debouttés par l'Empereur Federic Barberousse des l'an 1162, comm'il appart (sic) par [271] patentes authentiques par lesquelles Berthod, Duc de Kheringhen, ayant obtenu superiorité sur Geneve sous ombre du vicariat d'empire, avec intention de transferer ladite superiorité au comte de Geneve son cosin, ayant en fin comparu en la court imperiale avec ledit comte, ladite obtention et concession fut cassee et declairee nulle en leur praesence, comme surreptice qu'elle estoit, et la sauveraineté confirmee a l'Evesque et a ses successeurs privativement a tous autres, sans reservation d'autre reconnoissance a l'Empereur sinon de faire litanies et prieres quand il passeroit personnellement par ladite ville.

  A024002728 

 L'an 1219 et 1290, par accord fait entre les Evesques et les comtes de Geneve et de Savoye, la sauveraineté est reconneüe et declairee appartenir a l'Evesque, le comte Amé se qualifiant vassal de l'Eglise de Geneve.

  A024002735 

 Mays si cela est un privilege donné par l'Evesque, ilz l'ont perdu par le crime de leze majesté commis par eux en leur rebellion contre icelluy..

  A024002737 

 Encor que les citoyens eussent condamné pour telz crimes nocturnes, la sauveraineté toutefois estoit a l'Evesque, qui en pouvoit faire grace, comme fit Thomas, Evesque, a un criminel condamné par les citoyens l'an 1453..

  A024002738 

 Ilz alleguent aussi les alliances faittes par eux avec Berne et autres cantons; mais c'estoit du tems quilz minutoyent leur rebellion et apres qu'ilz l'eurent executee, ce pendant que, nonobstant leurs alliances, Charles V, Empereur, les [278] advertissoit et commandoit de ne deroger aux droitz de l'Evesque, l'an 1530..

  A024002739 

 Et de fait, lesdits citoyens debattans avec les Ducz de Savoye, ne se couvrent ni peuvent couvrir d'autre droit que de celuy de l'Evesque, comm'il appert en la conference faite a Hermence l'an 1598, par les sieurs Maillet, Dauphin, Let, Rozet et Sarrazin..

  A024002759 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui verront les présentes lettres, salut abondant dans le Christ.

  A024002760 

 Il nous a remis les lettres de l'Empereur, et il est reparti sain et sauf comme il était venu: c'est ce que Nous attestons par les présentes..

  A024002781 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui liront les présentes, salut abondant dans le Christ..

  A024002782 

 Georges Seyffert, d'Augsbourg, notaire du Saint Empire, a désiré de Nous, qui le chérissons dans le Christ, l'attestation qu'il Nous a remis un décret de son auguste Majesté pour Nous inviter à la prochaine diete: ce qui est vrai, Nous le déclarons par ces présentes signées de Notre main et munies de Notre sceau..

  A024002794 

 La vacance est par le deces de Reverend noble de Grilly, Religieux et Chantre de Saint Claude, bien que ladite [284] [portion] ne soit annexee ni a la chantrerie ni au monastere Saint Claude.

  A024002800 

 L'an mil six cens et sept et le quatorziesme janvier, devant moy notaire et les tesmoins, establi en sa personne Illustrissime et Reverendissime Seigneur FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, lequel agreablement et sans revocation de ses aultres procureurs ci devant constitués, de nouveau faict, cree et institue ses procureurs speciaux et generaux, l'une des qualités ne derogeant a l'autre ny au contrayre, sçavoir:.

  A024002801 

 En la personne desquels procureurs et de l'ung d'eux ledict Seigneur Reverendissime a esleu son domicile, promettant mon dict Seigneur Reverendissime, par serment presté more Prelatorum, avoir agreé ce que par lesdicts procureurs ou l'ung d'eux sera faict, avec touttes aultres promissions, serment presté, relevations, renonciations et clausules requises..

  A024002801 

 Et c'est [pour], au nom de mon dict Seigneur le Reverendissime Evesque, prester la fidelité a Serenissime Monseigneur le Prince de Piemont; et c'est suivant et a la forme teneur de la fidelité prestee personnellement par mon dict Seigneur le Reverendissime le premier may mil six cent et troys, par l'acte signé Boursier, a feu de tres heureuse memoyre Monseigneur le Prince (que Dieu absolve) Philippe Emanuel; et fere tout ainsy que si mon dict Seigneur le Reverendissime estoyt present, et de telle fidelité en retirer acte duement signé et aultrement fayre comme le fait le requiert.

  A024002802 

 Présens: Reverend messire Estienne de La Combe, chanoine de ladicte Eglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, messires Jacob Chambouz et François Favre, dudict Annessy, tesmoins requis; combien que par et aultres mains soit escript, et [286] moy, notaire subsigné, a ce recepvant requis, corroborees par signature de mondict Seigneur le Reverendissime, scellees du scel de mon dict Seigneur..

  A024002823 

 [...Il écrivit au très saint Siège Apostolique d'excellentes raisons [287] en faveur de l'Eglise cathédrale de Chambéry, par lesquelles il montrait que] de tout temps ia ville de Chambéry fut la capitale de la Savoie, que le souverain Sénat et le Conseil d'Etat y font leur résidence, qu'elle est ornée d'un grand Collège et de plusieurs [288] églises, tant séculières que régulières.

  A024002826 

 Aussi c'est à peine si les Sacrements de Confirmation et d'Ordre, si les consécrations des églises et des calices, si les saintes Huiles peuvent être procurés par l'Evêque de Grenoble, assez occupé dans sa ville..

  A024002826 

 Il y faut plusieurs jours de marche et par des chemins très difficiles, surtout pendant l'hiver, à cause des torrents.

  A024002844 

 Jam autem postquam a præclaro Congregationis Oratorii vivendi modo ad sacrosanctum episcopale munus translatus est, tum vero maxime ejus virtus splendidius micare, ac clarius, ut par erat, splendescere cœpit, ut lucerna nimirum ardens et lucens, quæ super candelabrum posita, omnibus lucet qui in domo sunt..

  A024002849 

 Revu sur une copie authentique, faite par M. Michel Favre, conservée à la Visitation d'Annecy.

  A024002853 

 Les évêques, en effet, étant, au dire [292] du grand Pontife Grégoire de Nazianze, les peintres de la vertu, qui est la chose la plus belle, et devant, par leurs paroles et leurs actes, retracer avec art et, autant que possible, exactement une chose si excellente, je ne doute pas que nous ne devions contempler en notre très illustre et distingué Juvénal l'image parfaite de la justice chrétienne, c'est-à-dire de toutes les vertus..

  A024002854 

 Et à la vérité, pendant les quatre ou cinq mois que je passai à Rome, par l'ordre de mon très pieux et très honoré prédécesseur Claude de Granier, pour y traiter certaines affaires de ce diocèse, je vis plusieurs personnes d'une sainteté et doctrine éminentes, dont les travaux étaient l'ornement de Rome, et, par Rome, de l'univers; mais parmi eux tous, la vertu de notre Juvénal frappa spécialement et merveilleusement les yeux de mon âme..

  A024002855 

 J'admirais qu'à une telle érudition et à une science si variée il joignît [293] un si grand mépris de soi-même; à une si grande gravité de paroles et de mœurs, une si grande grâce et modestie; à un tel souci de la piété, une telle urbanité et suavité; car il ne cherchait pas, comme il arrive à beaucoup, à vaincre le faste par un autre faste, mais par une vraie humilité; il ne donnait pas pour base superbe à sa charité la science qui enfle, mais il fortifiait sa science par la charité qui édifie: aimé à la fois de Dieu et des hommes, lui qui avait pour Dieu et les hommes une très pure dilection.

  A024002857 

 C'est pourquoi lorsque ceux qui, touchés intérieurement par l'amour céleste, désiraient suivre une manière de vie plus pure et lui demandaient son avis, il ne regardait que la plus grande gloire de Dieu, et les conduisait avec grande affection, par conseils et par actes, vers la Société qu'il pensait pour eux la mieux désignée: homme, par conséquent, qui n'était ni à Paul, ni à Pierre, ni à Apollon, mais à Jésus-Christ; qui ne se souciait, ni dans les affaires temporelles ni dans les spirituelles, de ces mots si froids de mien et de tien, mais pesait sincèrement toutes choses dans le Christ et pour le Christ.

  A024002858 

 Parlant avec lui, comme il arrive, je fis mention par hasard de notre R me Juvénal Ancina.

  A024002859 

 « A vingt-quatre ans, dit-il, poussé déjà par de nombreuses inspirations de la divine Providence à embrasser la vie religieuse, je me sentais cependant, à cause de ma faiblesse, tellement agité de tentations contraires que, perdant tout à fait courage, je songeais sérieusement à me marier; la chose était même si avancée dans le cercle de mes amis, qu'elle paraissait comme faite..

  A024002860 

 Vous, en attendant, ce qui est le principal, demandez par vos prières la lumière céleste.

  A024002861 

 Et voici que s'offre à vous la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul, où la discipline de la perfection religieuse est en grand honneur, et où cependant l'on n'est pas accablé par les austérités corporelles, tellement que à peu près tout homme peut, avec la grâce de Dieu, observer très facilement ses coutumes et Constitutions.

  A024002862 

 Et pour ce qui me regarde, j'avoue ingénuement avoir été grandement incité à l'amour de la vertu chrétienne par [298] plusieurs lettres que, grâce à sa bienveillance pour moi, j'ai reçues de lui..

  A024002864 

 Et ils ne se lassaient pas d'exprimer par leurs paroles et leurs visages joyeux l'allégresse que leur faisait concevoir la présence d'un tel Pontife, tandis que lui, par une très noble affabilité et une très suave bienveillance envers tous, fixait les yeux et les cœurs de tous, et, comme un Pasteur excellent et bienfaisant, appelait par leur nom ses brebis aux pâturages verdoyants, et de ses mains pleines du sel de la sagesse, les attirait, ou mieux, les entraînait après lui.

  A024002888 

 Auquel fut respondu que feu Monseigneur le R me Bachodi, qui estoit Nonce de Sa Saincteté, d'allieurs Evesque de Geneve, et apres, le feu Monseigneur le R me Angelo Justinian, Evesque aussi de Geneve, ont laissé l'Office a ceulx de l'eglise de Nostre Dame, sans vouloir rien innover, puisque mesme non seulement leur eglise est la principale de la ville, comme se veoid par l'assemblee qui se faict dans icelle, voyre aussi [qu'ils sont] Curé de la parrochiale de la ville, a laquelle la ville a notable interest..

  A024002891 

 Et ou il vouldra contraindre la Ville a faire comme par le dict S r Doyen a esté remonstré, l'on appellera comme d'abus.

  A024002891 

 Et ou luy plairoit que le Chapitre de S t Pierre de Geneve marchat, quil ira a main droicte de ceulx de Nostre Dame; et celebrant la S te Messe, qu'estant le diacre de S t Pierre, que le subdiacre sera de Nostre Dame; et qu'en l'absence de Monseigneur, ou le dict Chapitre vouldra marcher, que le sieur Doyen marchera comme Curé, suivant ce qu'a esté observé par feu Monseigneur le Reverendissime Angelo Justinian, faisant les deux Chapitres l'Office ensemblement; et, par mesme moyen, qu'a toute procession l'assemblee se face dans la dicte eglise de Nostre Dame.

  A024002891 

 Et premierement, sera demandé communication de la volonté de M gr Je R me par escript, pour y respondre et affin d'envoyer a M gr, a Paris, pour en recevoir ses commandements et bonne volonté.

  A024002895 

 Ne desirant neanmoins de faire breche et prejudicier aux droicts, prerogatives et preeminence deubs au Curé, soit au dict Chapitre de Nostre Dame, par l'acte que dessus; ains au contraire, est de telle volonté que de mourir plustot pour la conservation de parrochiale et droicts de Curé, que de permettre que chose quelconque leur soit levee..

  A024002896 

 Et parce que Monseigneur a faict entendre qu'il y avoit nouvelle assemblee soit chez Mons. Mestre Jean Marchand, docteur es droicts, conceiller de M gr le Duc de Genevois et de Nemours, juge mage en son duché de Genevois, affin d'assister et de veoir si les asseurances avancees de part et d'autre sont valables, et assister plaira: ce que sera faict par les dicts sieurs Scindics..

  A024002901 

 Par Mons. Suchet remonstré comme ils ont esté advertis par Mess rs de Nostre Dame comme ils sont sur le point de la resolution pour le faict des processions avec Messrs de S t Pierre, affin que si la Ville y a quelque interest, de deffendre le droict de leur parrochiale.

  A024002902 

 Laquelle declaration a esté faicte par l'ambassade [envoyée] par les dicts S rs de S t Pierre en presence (pour en la personne ) de Reverend sieurs Jean Favre, docteur es droicts, Vicaire general de M gr le R me et chanoine de S t Pierre, et Claude Nouvellet, aussy chanoine, qui tous deux, d'une ame sincere, ont asseuré M rs les Scindics de telle volonté.

  A024002903 

 Les dicts sieurs de Sainct Pierre neammoins ont desiré qu'ils se treuvent au dict arbitraige... Ceste affaire a esté traictee l'annee demiere, par Deliberations des 24 et 28 may 1603, doit a esté faicte lecture, comme aussy du dict compromis portant des raisons pregnantes de laisser lesdicts affaires comme auparavant, puisque partie des dicts juges sont recusés.

  A024002903 

 Un « acte de compromis » a été « passé par les dicts deux Chapitres, » avec « nomination de juges et amiables arbitres, sans que M rs les Scindics y [306] soient nommés.

  A024002904 

 La Ville a deliberé que M rs les Scindics, advocats et procureurs de Ville assisteront au dict compromis..., et de proposer les recusations portees par la Deliberation du 28 may, annee derniere; et si les recusés ne se vouldront abstenir du jugement, que M rs les Scindics assisteront comme juges.

  A024002908 

 ... Il y a longtemps que la dispute entre M rs de Sainct Pierre et de Nostre Dame dure, et s'est resolue par arrest du Metropolitain de Vienne, par provision,... tellement que pour la procession [de la Fête-Dieu, les chanoines de Notre-Dame] disent ne le pouvoir faire, puis que M rs de Sainct Pierre feront l'office de Curés sans les dictz S rs de Nostre Dame.

  A024002909 

 Et cependant sera supplié humblement de considerer les droicts de la Ville et de nos Curés, et par mesme moyen au retour, en portant l'image de Nostre Dame, estant avec les bastons sindicaux en main..

  A024002909 

 La Ville, puis qu'il y a sentence du Metropolitain de Vienne, qui a adjugé la precellence a M rs de Geneve par provision contre M rs de Nostre Dame, la Ville n'a aulcun interest a telle precellance ou a l'office qui se doibt faire, ni aux autres choses concernant la spiritualité; partant, les dicts S rs de Nostre Dame, a cette occasion, se pourront retirer par devers Monseigneur le R me pour observer ce que, de sa part, leur sera ordonné.

  A024002909 

 Neanmoins que, comme Curés, seront suivis, au cas qu'ils chantent seuls, par M rs les Sindics et bourgeois jusques au lieu de Sainct Mauris, lieu de leur parrochiale, suivant la coustume.

  A024002913 

 Ce matin, auparavant le depart de Monseigneur le Reverendissime Evesque de Geneve, iceluy auroit faict appeller Mess rs les Sindics, auxquels il auroit remonstré comme samedy prochain, septieme du present mois, se faict action de grace a Dieu pour l'heureuse restitution des Estats de feu de bonne [307] memoire Philibert, nostre Souverain (l'ame duquel Dieu absolve); et par acte remarquable, l'on a tousjours heu despuis de coustume de faire une procession solennelle et generale, a laquelle il desire que le tres venerable Chapitre de l'Eglise cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, residant en ce lieu, y rendent leurs debvoirs.

  A024002913 

 Ce que n'a volu estre accordé ni discordé a mon dict Seigneur le R me par les dicts sieurs Sindics, sans en communiquer ceans, et de la resolution qu'en sera prinse, la faire entendre au long a mondict S gr de Geneve; qui est ce qui est demandé de l'assistance..

  A024002913 

 Et puisqu'ils precellent tous aultres corps d'eglise, ainsy que s'est veu par la sentence du Metropolitain rendue a ce mois de juin, executee par ce que l'on a peu veoir par la derniere procession de la Feste Dieu de cette annee, il veut que l'assemblee du Clergé se fasse dans la dicte Cathedrale, et que de la, la procession parte, et que tous aient a suivre, ainsi que de coustume, avec la preeminence deue aux cathedraux.

  A024002914 

 Et ou se fera au contraire, sera appelé par M rs les Sindics comme d'abus..

  A024002914 

 La Ville, en l'assemblee a demy, ayant consideré que la procession de samedy prochain a esté vouee par l'Estat et non par le Clergé sous l'authorité duquel elle a esté continuee jusques a maintenant, a deliberé et resolu qu'en tant que concerne la precellence et preeminence deue a M rs les cathedraux de Sainct Pierre de Geneve, que cela ne touche la Ville, n'empeschant qu'ils marchent au rang qu'il leur plaira; et neanmoins, que pour l'assemblee, que le dict S r R me sera supplié de permettre d'estre faicte a Sainct Mauris, comme eglise capitale de la ville, si plus il n'ayme, pour sa commodité, permettre que la procession sorte de Nostre Dame, ainsy que de tous temps.

  A024002918 

 L'ordre estably par M gr le R me de Geneve, affigé par les portes des eglises, que l'on doibt tenir demain a la procession du tres auguste et tres sainct Sacrement de l'autel, estant au pardessus la lettre de M gr l'Archevesque de Vienne, qui veut que le Chapitre de Sainct Pierre et celuy de Nostre Dame marchent ensemblement, nonobstant l'ordonnance provisionnelle de l'annee derniere: si que les S rs de Nostre Dame sont resolus de ne marcher aulcunement.

  A024002929 

 Sachent tous comme ainsy soit que par cy devant question et differend soyent estés meus entre les Reverends seigneurs Prevot et chanoines et Chappitre de l'Esglise de Geneve (a present resident en la presente ville d'Annessy) d'une part, et les Reverends seigneurs Doyen, chanoines et Chappitre de l'Esglise collegiale de Nostre Dame de cette ville d'autre, et ce, tant a cause de la precedence et preceance qu'a cause des sepultures: pour raison de quoy, procés auroit esté intenté par devant Monseigneur l'Archevesque de Vienne, ou soit monsr son Vicaire metropolitain, ou le dict procés est encore pendant indecis, ayant neantmoins esté tant procedé que ladicte precedence et presseance auroit esté, par provision, adjugee a ladicte Esglise de Geneve..

  A024002930 

 Quoy fait, et desirant de vuider et terminer definitivement leur dict differend, se seroyent ce jourd'huy soub escrit assemblés pour cest effect a la maison du seigneur de Lambert, en laquelle de present habite Illustre et Reverendissime Seigneur François de Sales, Evesque et Prince de Geneve: Reverend seigneur messire Louis de Sales, Prevost, Claude de Menthon, chantre, Amblard Guilliet, Estienne de la Combe, Charles Louis Pernet, Charles Grosset, Jean Deage, Anthoine Bochut, Philibert Rouget, Jean Favre, Claude Estienne Novellet, Jean François de Sales et Denis de Granier, tous chanoines de ladicte Esglise de Geneve; Reverend seigneur messire Janus des Oches, Claude Chevallier, Barthollome Flocard, Jean Louis Jacquier, Jean Bernard, chanoines, Pierre [309] Dunant et Guillaume Jusserand, prestres d'honneur de ladicte Esglise collegiale de Nostre Dame: ayant, ainsy quils ont dict et affermé par leur serment, esté respectivement commis et deputez par lesdicts Chappitres pour decider par voye amyable le susdict differend.

  A024002931 

 Pour ce est il que ce jourdhuy, quatorzieme du mois d'octobre mil six cent et cinq, par moy notaire soubsigné et en presence des tesmoins soubs nommés, se sont establis en leurs personnes les susnommés,... et ont transigé, traicté, convenu et arresté comme s'ensuit...:.

  A024002935 

 3° Item, que les dittes processions et offices d'icelles se commenceront et entonneront par les chantres de la dicte Esglise cathedrale et consequemment par le cœur cathedral; et ayant achevé le premier verset de l'himne ou autre chose, le second se chantera par ceux de ladicte Esglise de Nostre Dame, et ainsy alternativement se fera ladicte procession a deux chœurs.

  A024002936 

 4° Item, que si les esglises sont convoquees par mondict Seigneur le Reverendissime ou son Vicaire en ladicte esglise de Nostre Dame, ou bien de S t Mauris, l'on y procedera comme s'ensuit, sçavoir: Que lesdicts sieurs chanoines et Chappitre de Nostre Dame feront donner le son de la cloche pour la procession si a propos, que quand le susdict corps de l'Esglise cathedrale arrivera, les Offices soyent faicts, en sorte qu'a leur arrivee ils puissent immediatement commencer la procession.

  A024002936 

 Et s'entonnera la procession par les quattre chantres, sçavoir: deux de ladicte Esglise cathedrale et deux de ladicte Collegiale, lesquels chantres de ladicte Collegiale seront tous deux chanoines d'icelle.

  A024002938 

 Et advenant que les processions se fissent et commençassent a quelque autre esglise par le commendement de mondict Seigneur le Reverendissime ou son Vicaire, l'on si comportera comme a la Cathedrale.

  A024002940 

 Ce faisant, a ordonné et ordonne qu'il sortira son plein et entier effect; de quoy il a octroyé actes aux dictes parties ce requerans, et commandé a moy, dict notaire, de le rediger icy par escrit pour leur valoir et servir ainsy que de raison.

  A024002940 

 Lesquelles parties ont respectivement promis et promettent pour elles et leurs successeurs, par foy et serment faict ad iste, mettant chaqu'un d'eux la main a la poitrine, au mode des seigneurs ecclesiastiques....

  A024002977 

 Ceux qui se trouveront aux Messes et aultres divins offices qui se celebrent es eglises, autels ou oratoires desdictes Confrairies, ou bien qui assisteront aux assemblees d'icelles Confrairies, soit qu'elles se facent publiques ou particulieres, en quelque lieu que ce soit, et ceux qui accompagneront le tressainct Sacrement quand il est porté ou es processions ou aux mallades, ou aultrement, comme que ce soit; ou qui, estant empechés de ce faire, oyant le son de la cloche qui sert de signe pour cela, diront un Pater noster et un Ave Maria pour le malade; ou quy se treuveront es aultres processions extraordinaires desdictes Confrairies et des aultres quy se feront par vostre licence, ou aux ensevellissementz des deffuncts; ou quy visiteront et secourront les mallades, ou quy feront hospitalité aux pauvres, ou quy leurs feront ausmonnes et secours, ou qui pacifieront les discordes qu'eux mesmes ou les autres auront, ou bien procureront qu'elles soyent pacifiees; ou bien quy reciteront cinq fois le Pater noster et l' Ave Maria pour les deffuncts, ou quy ramenneront quelqu'ung au chemin de salut, ou quy enseigneront les choses utiles au salut, ou quy feront quelque autre sorte d'œuvres de pieté et de charité: toutes fois et quantes qu'ilz feront quelqu'une des susdictes bonnes œuvres, gaigneront cent jours d'Indulgence..

  A024002994 

 Certiffie, je Louys de la Ravoyre, Prevost de l'esglise collegiale de Saint Jaques de la ville de Salanche, soubsigné, qu'ayant receu avec deue reverence et honneur lettres de commission de la part de Vostre Illustrissime et Reverendissime Seigneurie, donnees Annessi le trente uniesme aoust dernier, signees Dumont, a moy addressees pour la vision et information des choses narrees par la Requeste d'icelles, cy attachee, a vous presentee la part de discret Nicolas, filz de Guilliame Perroullaz, du lieu des Vorsiers, parroesse de Salanche:.

  A024002995 

 J'ay de plus remarqué ladicte chapelle estre close de bonnes murailles blanchies par le dedans, deuement couverte de deux tallappines a tavaillon et clavins; ayant au devant ung trillier bois de sappin, posé sur murailles, de l'haulteur de trois piedz et cloz d'aiz au dessus ledict trillier, et sa porte au milieu, et au coing dudict trillier, a costé gaulche, y a une pierre de taille ronde crusee, pour tenir l'eau beniste; estant a craindre, a cause dudict trillier, que, celebrant la saincte Messe en temps d'hyver en ladicte chapelle, la consecration ne vienne a congeler.

  A024002995 

 La ou estant, mesmes au devant ladicte chappelle mentionnee par la Requeste susdite, je l'ay trouvee situee touchant le grand chemin dudict village tendant de Salanche a Magland, distante des maysons d'icelluy environ vingt pas d'un coste et trente d'un aultre.

  A024002996 

 Au sortir de ladicte chappelle, je suis entré dans l'une des maisons dudict village, pour ouyr ledict Guilliame Perroullaz, Nicolas son filz et aultres, sur le contenu de ladicte Requeste; dont, pour cest effect, j'aurois appellé ledict Guilliame, aagé d'environ soixante ans, auquel, appres luy avoir faict prester le serment sur les sainctz Evangiles de Dieu de dire, la verité de ce quil sera par moy examiné, luy remonstrant la peyne de faulx, a dict et respondu comme ci appres:.

  A024002998 

 Respond que ledict Nicolas son filz, fut griefvement malade en ladicte annee 1598, de malladie presque incogneue, de laquelle il fut contrainct de tenir le lict environ quattre mois a l'ordinaire, et que durant le temps de sa malladie il se recommandoit a Dieu tres devotement et a ladicte glorieuse Vierge; et fit veu, du consentement dudict deposant et par son ayde et assistance, de fere bastir ladicte chappelle si Dieu luy faysoit la grace de retourner en convalescence.

  A024003011 

 Et lhors, que cherchant des pierres pour bastir une grange, ilz en trouverent une d'environ trois piedz de longueur, un pied de large et demi pied d'espesseur, laquelle estant rompue par ledit respondant, il apparut a la roupture d'icelle l'image de la glorieuse Vierge; chose qui l'estonnat grandement, et luy fit alhors declarer son dict veu a son pere, qui l'approuvat et luy promit toutte assistance pour s'acquitter de sondit veu et faire bastir la dicte chappelle, ce que despuis ilz ont faict..

  A024003012 

 Interrogé sil est toujours en la mesme deliberation de supplier licence de fere celebrer ez jours portés par sadicte Requeste et constituer avec sondict pere le revenu annuel y mentioné:.

  A024003013 

 Dict et respond quil continue a la mesme volunté et priere portee par la dicte Requeste; touttesfois, s'en soubmect a ce quil plaira a Monseigneur le Reverendissime en ordonner, tant desdictz jours que du revenu annuel, n'entendant neanlmoings en ce que dessus, vouloir aulcunement prejudicier ez droitz de messieurs du Chappitre de Salanche; offrant en oultre de fere planchir (avec sondict pere) ladite chappelle et la pourvoir de tout ce que sera requis pour la celebration de la saincte Messe.

  A024003030 

 Respond qu'il cognoit fort bien lesditz Perroullaz, pere et filz, tenus pour gens de bien, catholicques et devotz, pour estre proche voysin d'eux, et qu'il leur a entendu dire qu'ilz avoient faict bastir ladicte chappelle pour satisfere un veu de devotion prise par ledict Nicolas lhors qu'il eut une griefve maladie, il y a quelques annees..

  A024003051 

 Appres j'aurois faict appeller noble Nicolas Viollat, chastellain au mandement de Salanche, aagé d'environ septante huict ans, deuement assermenté entre noz mains; et appres lecture par luy faicte de ladicte requeste et luy avoir formé les interrogatz requis sur icelle:.

  A024003059 

 A respondu quil a cognu des sa jeunesse ledict Guilliame Perroulaz et a heu grande familiarité avec luy, et l'a tousjours recognu pour homme de bien; et que pour estre allé souventesfois audict village des Vorziers ou ledict Guilliame desmeure, il a trouvé le chemin fort long, luy semblant exceder demi lieue des la ville de Salanche pour estre au coing de la parroesse; et qu'audict chemin tirant contre les Vorziers, il y a trois nantz, desquelz le dernier et le plus proche dudict village est fort dangereux et se desborde touttes les annees, de sorte que par foys un (sic) ny peult passer qu'au preallable il ne soit descru, comme est arrivé audict deposant; et qu'appres ledict nant, sont les isles des Vorziers, dans lesquelles se treuvent quelques fois des loupz qui font dommaige ez passantz, estant advenu il y a environ quelques annees qu'ilz y gasterent une fillie qui en mourut.

  A024003066 

 Pour foy dequoy ilz ont faict soubscrire ce mien proces verbal par le S r Chanoine Viollat, leur scribe..

  A024003083 

 Enfin vous en avez receu un, par la grace de Dieu, et m'avez faict telle response que je desirois, me donnant les advis qui m'estoient necessaire, dont je vous remercie affectionnement et m'en resjouïs extremement pour le bien que j'en espere..

  A024003084 

 Il y a 9 ou 10 jours que je marchande de vous escrire, et ay tous-jours differé attendant la presentation de nos cayers; mais voyant qu'elle se delaye de semaine en semaine, j'ay pensé a propos par advance vous escrire la presente, et vous dire, pour vostre consolation et de tous les bons catholiques de Gex, que la France est tant esloingnee de tout chisme et division du Saint Siege Apostolique, qu'au contraire jamais elle n'y a esté si estroitement jointe et unie qu'elle est a present; comme elle tesmoingne par l'humble demende et instante requisition qu'elle fait a Sa Majesté de la reception et publication du sacrosaint et œcumenique Concile de Trante, ornant le frontispice de son cayer general de cette demande, comme les douze des douze gouvernements de France en estoyent embellies tout au commencement, estant leur I er article, voyre mesme les cayers particuliers des Baillages et senechaussees de tout le Royaume.

  A024003085 

 De plus, un article ayant esté proposé en la Chambre du Tiers Estat par l'invention du diable et de ses supposts les heretiques et par l'entremise des gros, ou pour mieux dire des faux catholiques, qui derogeoit a l'authorité de nostre S. Pere le Pape soubs faulx pretexte de conserver la personne de nos Rois, a esté si courageusement impugné par nostre Chambre assistee de celle de la Noblesse et de la plus grande part mesmes de ceux du Tiers Estat (au grand regret desquels il avoit esté proposé), que par commendement de Sa Majesté il a esté osté de leur cayer, se reservant d'en traicter avec Sa Saincteté, par l'advis et conseil de Messieurs du Clergé ausquelz il remettoit entierement cet affaire.

  A024003085 

 En un mot je vous diray que toute la France est tant esloignee de tout chisme et desunion, qu'a contrepoir elle se paine et travaille incessamment, et maintenant plus que jamais, a reunir tant par predication que par escript ceux qui se sont separez et desunis de l'Eglise Saincte, Catholique, Apostolique et Romaine..

  A024003102 

 Estant heureusement arrivé a la fin des Estats, il m'a semblé a propos vous en donner advis et vous dire par mesme moyen que lundy dernier, veille de saint Mathias, les cayers furent presentés au Roy, celui du Clergé par Monseigneur l'Evesque de Luçon, celui de la Noblesse par Monsieur le baron de Senessé, celui du Tiers Estat par Monsieur le Prevost de Paris, lesquels trois arranguerent non moins disertement que doctement: ausquelz le Roy, apres avoir remercié les Estats de leurs bons conseils et advis, respondit en peu de paroles que, le plustost qu'il pourroit, il y donneroit response et la plus favorable qu'il lui seroit possible, et que personne des deputez ne partisse de Paris jusqu'a ce qu'il y eu respondu entierement.

  A024003103 

 Il y a environ 12 jours que Sa Saincteté nous escrivit, comme aussy a Messieurs de la Noblesse, remerciant bien humblement eux et nous du zelle et affection que nous avions tesmoignez au S t Siege, nous opposant si courageusement a un article du Tiers Estat, fort pernicieux et prejudiciable a l'authorité d'iceluy, lequel, comme desja je vous en ay escript, fut osté de leur cayer par commandement de Sa Majesté, a la requeste tant du Clergé que de la Noblesse, avec deffance a ceux du Tiers Estat de ne plus s'ingerer de traicter des choses qui touchent la religion, se reservant d'en traicter avec Sa Saincteté par l'advis et conseil du Clergé auquel seul appartenoit cet affaire.

  A024003103 

 Je vous ay desja envoyé l'imprimé des motifs qui nous pousserent a impugner cet article, comme aussy a Monseigneur l'Evesque de Geneve dont je suis fort en peine; car depuis mon depart je n'ay receu aucune des siennes, bien que je lui aye escript par plusieurs fois, et particulierement deux fois par la voye de la poste, adressant mes lettres au R. Pere Gardien de Chambery.

  A024003104 

 J'ay de bonne cognoissance en la Cour et de bons amys proche du Roy, par la grace de Dieu..

  A024003104 

 Je vous ay desja escript par la mienne derniere, il y a environ 3 semaines, que tous nos articles avoyent estez fort bien receu et inserez tout au long dans le cayer de l'Eglise, hormis la seigneurie [325] de Peney qui est pour estre riere la souveraineté de Geneve; mais aussy j'en ay adjoustés plusieurs autres que j'ay jugé utiles et necessaires pour le bien des catholiques de Gex.

  A024003104 

 Reste a vous dire que je ne manqueray a soliciter diligemment vers les commissaires [et] ceux qui respondront les cayers pour avoir une bonne et favorable response a nos articles; et si en l'ordonnance generale que le Roy fera de tous les cayers elle n'est telle, je ne manqueray en particulier par apres de la poursuivre vers Sa Majesté et vers son Conseil.

  A024003105 

 Ils ont faict response aux vostres, mais n'ayant pas receu les nostres, ny les leurs par mesme moyen..

  A024003117 

 Depuis la reception des vostres du 14 e janvier, voici le 5 e pacquet que j'ay envoyé de par dela sans recevoir aucune response de vous ny d'aucun autre, ce qui m'estonne fort.

  A024003117 

 Je donnay le I er pacquet a monsieur de la Bastide et je vous l'adressois; le 2ond a Monseigneur de Geneve, par la poste, l'adressant au V. P. Gardien de Chambery (et reste fort estonné que luy ayant escript depuis mon depart de Gex par 5 ou 6 fois, je n'aye receu de luy un seul mot de response, estant venus icy expres pour les affaires de son [326] diocese riere la France); le 3 e pacquet je l'ay adressé a monsieur de Fournel, et ce par la voye de monsieur Carlet; le 4 e a monsieur le Baillif, par l'adresse de monsieur Robin, comme il m'avoit escript; le 5 e est le present, par M. Tombet, deputé du Tiers Estat de Gex, lequel vous racontera amplement la conclusion des Estats et le peu de satisfaction que remportent les deputez en leurs provinces..

  A024003118 

 Succinctement je vous diray que les cayiers furent presentés la veille de S t Matthias, avec parolles de ne point congedier les Estats qu'ils ne fussent favorablement respondus; mais ceste parolle n'a esté gardee, attendu que la veille de l'Annonciation on nous congedia sans aucune response, disant qu'on y travailloit et qu'estant faicte on imprimeroit un arrest qu'on envoiroit par tout..

  A024003170 

 CHARLES EMMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye... a tous quil apertiendra sçavoir faisons:.

  A024003171 

 Que Nous ayant tres humblement remonstré et faict entendre les Scindics, bourgeois, manantz et habitantz de Nostre bonne ville et cité d'Annessy, comme Nous ayant pleu par Nos patentes du quatorziesme juin mil six centz huict de leur continuer la levee de trois deniers sur chasque livre de chair se debitant en leur boucherie a perpetuité, que par aultres patentes precedentes Nous leur aurions accordé pour quelque temps, en consideration des grandz debtes quilz auroient faictes et charges par eulx supportees despuis tant d'annees et quilz continuent encores a present...; ce que neanmoins auroit esté restrainct, par Arrest de verification de Nostre Senat de Savoye, au terme de dix annees, sans ce que pourtant ilz ayent peu s'acquiter de telz emprumptz ny en recevoir le soulagement quilz en esperoient.

  A024003183 

 Comme ainsi soit qu'il ayt pleu a Noz S te Peres les Papes, souverains Pasteurs de l'Eglise universelle, d'annexer et unir au sacré Ordre des Freres Prescheurs la Tres-S te Confrairie du Tres-Sainct Nom de JESUS, et encor y donner le pouvoir aux Superieurs du dit Ordre de l'eriger et establir aux eglises et lieux ou ilz seront requis par le zele et devotion des fideles:.

  A024003184 

 Prieur du Convent de S t Dominique d'Annessy et Vicaire substitut de R d Pere Frere Adrian Bechu, docteur en theologie et Vicaire General de la Congregation des Freres Prescheurs en France et Savoye, ayants veu le consentement de Monseig r le R me Evesque et Prince de Geneve sur les réquisitions a luy faictes et [333] d'autre part escrittes, pour satisfaire a la pieté et devotion des suppliants et pour contribuer tout nostre soing et tout nostre pouvoir a ce que le Tres-S t Nom de Dieu soit honoré, et que par ce moien tous blasphemes soient ostez et exterminés du milieu des Chrestiens:.

  A024003185 

 Nous erigeons, fondons et instituons en la parroisse de Nostre Dame d'Abondance la Tres-S te Confrairie du Tres-S t Nom de JESUS jouxte ses Status, regles et ordonances, conformement au pouvoir a Nous concede tant par nos S tz Peres les Papes que par nos Superieurs et Majeurs, exhortants et priants M re Jehan Mocand, pasteur et curé de la paroisse de Nostre Dame d'Abondance, de voulloir publier a ses parroissiens cette nostre institution et erection, et les convier a embrasser cette sacree devotion de tout leur cœur et affection, puisqu'il n'y a au Ciel ny en la terre autre nom duquel depende nostre salut que celuy de JESUS. Et ilz gousteront icy bas les douceurs et graces qui accompagnent ce sacré Nom, et decedants de ce monde en la confession d'iceluy, ilz seront comblez de gloire au Ciel..

  A024003196 

 Et dauttant que ledict Prieuré doict estre conventuel et a esté servis (sic) par des Religieux de S t Benoit, le seigneur suppliant recours (sic) aux fins quil vous plaise informer sur la verité du faict exposé..

  A024003196 

 Supplie humblement Reverend Messire Jean François de Blonnay, Prieur commendataire perpetuel du Prieuré conventuel de Sainct Paul, disant: que de nulle memoire d'homme ne se treuve que ledict Prieuré soit esté visité jamais que par les R mes Evesques de Geneve, lesquels onts tousjours heu pouvoir de corriger, amender et chastier les deffauts et manquementz des Religieux ou beneficiers ou prebandés audict Prieuré.

  A024003197 

 Et d'auttant qu'aux benefices reguliers, ceux qui les possedent sonts obligés dy vivre regulierement, il vous plaise aussy de conserver et maintenir ledict R d seigneur Prieur et les Prebstres et auttres Ecclesiastiques que vous aves treuvé audict Prieuré en vostre presente Visite en l'observance reguliere conforme [334] a l'estat clerical, vivantz en commung selon la vraye et ancienne discipline ecclesiastique, dependantz en tout et par tout de vous, conformement aux sacrés sanctions du Concile de Trente et jouxte les Constitutions de S t Charles Borromée aux Oblatz de S t Ambroyse, desquelz ilz fontz proffession..

  A024003201 

 Nous commettons le S r Rolland, Chanoine de Nostre Eglise, pour la formalité supliee; embrassant en oultre et approuvant de tout Nostre pouvoir les sainctes et pieuses intentions dudict S r Prieur touchant le reglement de la discipline reguliere en laquelle si exemplairement il s'occupe avec ses confreres audict prieuré, ainsi que desja feu Monseigneur Nostre predecesseur, de glorieuse memoyre, a faict par cy devant..

  A024003429 

 Alors furent expulsés le Révérendissime Evêque, les Révérendissimes Chanoines et tout le clergé, ainsi que les autres adeptes de la vraie foi; les églises détruites et dépouillées de leurs très vénérables images et de leurs ornements; les vases sacrés dérobés, les reliques des Saints dispersées et foulées aux pieds, toutes choses saintes profanées; en sorte que, depuis lors, cette ville est réputée, hélas! par tous, et elle est en réalité, la source de toutes [341] les hérésies, la nourricière des guerres intestines qui dévastèrent depuis la France, l'inventrice des trahisons, la propagatrice des homicides, la sentine des incendies et des rapines, l'asile des plus grands malfaiteurs de toute l'Europe, et l'origine de tous les maux qui ont accablé et accablent cette patrie savoyarde et les provinces limitrophes..

  A024003429 

 Cette protection, ils l'ont accordée presque dès le début de l'Eglise jusqu'à l'année du Seigneur mil cinq cent trente-cinq, où, par punition des péchés du peuple, Satan, maître et artisan d'hérésies, instigateur de tous les maux et semeur de zizanie, agita fortement la ville elle-même et une partie du diocèse des troubles très violents de l'hérésie.

  A024003429 

 En outre, les « glorieux Princes de la terre, » les très saints Pierre et Paul, Apôtres de notre Dieu et Seigneur Jésus-Christ, dont le second est le Docteur des nations et le premier, le Prince des Apôtres, [340] Vioaire du même Jésus-Christ, fondement de l'Eglise et celui dont la foi ne défaille pas, ont tous deux illustré par leur mort la sainte Eglise Romaine, tête et maîtresse des autres Eglises, et, comme Patrons titulaires de la vénérable Eglise de Genève, l'ont conservée, ainsi que sa cité, son diocèse et leur peuple, à l'abri de toute hérésie et dans la profession de la foi orthodoxe.

  A024003430 

 Tout cela nous donne, à nous soussignés, le très ferme espoir que, après avoir imploré le secours et l'aide du signe de la Croix, source de vie, et de la très sainte Vierge Marie, ainsi que les suffrages des bienheureux Apôtres Pierre et Paul: si nous nous retournons vers Dieu lui-même, Auteur de toute piété, avec componction de cœur, gémissement et humilité, prières, jeûnes, fréquente confession des péchés, participation à l'Eucharistie, et autres œuvres de dévotion et de charité vraiment dignes de chrétiens; lui qui, même dans sa vengeance, est miséricordieux; lui qui, sévère pour les impénitents, est bon et pacifique envers ceux qui se convertissent; lui qui a coutume de délivrer de leurs tribulations en cette vie et de conduire aux joies éternelles ceux qui se sont amendés; lui qui, par ailleurs, tout clément qu'il est, veut cependant être prié, être forcé, être vaincu par une sorte d'importunité et une prière assidue, il nous [342] arrachera à toutes les vexations des hérétiques, aux incursions et déprédations de la soldatesque, à la famine qui nous oppresse, aux maladies qui nous accablent, aux guerres qui nous enserrent et aux autres périls qui sont à nos portes.

  A024003431 

 Et comme la prière assidue de plusieurs est très agréable au Dieu très bon et très grand, et que la principale raison d'espérer le secours demandé est l'assemblée pieuse et unanime, sous l'action de l'Esprit-Saint, de nombreux fidèles, au nom du Fils unique de Dieu Notre Seigneur Jésus-Christ, lequel a promis de se trouver au [343] milieu d'eux; c'est pourquoi, à l'exemple de ce qui se pratique en d'autres provinces, villes et localités, lesquelles, sous l'empire de nécessités et périls semblables, reçoivent un puissant secours et réconfort par l'érection de Confréries et sociétés sous diverses appellations saintes et pieux vocables, et par les œuvres de piété qui en résultent: pour ce motif, nous, FRANÇOIS DE SALES, docteur en l'un et l'autre droit, Prévôt; Jean Tissot, protonotaire apostolique, sacriste; Jean Coppier, maître de chœur et ouvrier; R mi Louis Reydet, Louis de Sales; François [de] Chissé, vicaire général au spirituel et au temporel du R me Père dans le Christ M gr Claude de Granier, Evêque et Prince de Genève, et Officiai; François de Ronis, Jacques Bally (?), docteur en sacrée théologie; Jean Portier et Etienne de la Combe, maître ès-arts, vicaire substitut du R me Seigneur Evêque; Janus Regard, commendataire perpétuel du prieuré de Lovagny; Jacques Brunet, doyen de Rumilly; Jean d'Eloise, Charles-Louis Pernet, procureur fiscal de l'évêché de Genève; Charles Grosset, Antoine Bochut, Claude d'Angeville, doyen de Vullionnex; Eustache Mugnier, commendataire perpétuel [344] du prieuré de Saint-Bardolphe, du diocèse de Grenoble, et Jean Déage, docteur en sacrée théologie, chanoines théologaux de l'Eglise cathédrale de Saint-Pierre de Genève, capitulairement réunis, selon l'usage, au son de la cloche, au lieu ci-dessous indiqué, [345] constituant plus des deux tiers des résidents et représentant le Chapitre; tant en notre nom qu'en celui des autres chanoines absents, et de nos successeurs dans la même Eglise à l'avenir, à l'honneur de Dieu et à la gloire de toute la Cour céleste, érigeons et instituons à perpétuité une sainte et très salutaire Confrérie ou Société de fidèles des deux sexes, sous le nom ou invocation de la très sainte Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, de la très pure Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des très saints Apôtres Pierre et [346] Paul, dans ladite Eglise cathédrale de Genève, et à l'autel de la Sainte-Croix y situé, avec cependant le consentement et sous l'autorité de notre Révérendissime Seigneur Evêque, et avec l'agrément de notre Très Saint Père le Pape et du Saint-Siège Apostolique, avec les Statuts et ordonnances ci-dessous: Confrérie à laquelle dès aujourd'hui nous déclarons expressément appartenir comme confrères et vrais fondateurs..

  A024003435 

 Tout d'abord, étant donné que, par suite de notre expulsion, [347] comme il a été dit, de notre Eglise et ville de Genève, nous résidons dans cette ville d'Annecy et faisons les divins Offices du Chapitre et de la cathédrale dans l'église de Saint-François des Frères de l'Observance, de la même façon qu'ils se faisaient dans notre cathédrale, et que, parmi les autels érigés dans cette église de Saint-François, il y en a un, outre le maître-autel où sont chantées les Messes capitulaires, sous l'invocation de Saint-Germain, qui sert à la célébration de nos Messes matinales: nous constituons, à cause de cela, la Confrérie érigée par nous, comme il a été dit plus haut, à l'autel même de Saint-Germain.

  A024003439 

 Nous nous occuperons d'un autre lieu commode et convenable dans la ville de Genève, lorsque, par la grâce de Dieu, nous y retournerons..

  A024003443 

 Cependant, si cela est jugé expédient, une fraction perpétuellement dépendante de cette Confrérie pourra rester dans une des églises de la susdite ville, à choisir par le Chapitre.

  A024003443 

 Mais si, par hasard, il arrive que l'Eglise cathédrale soit transférée en un lieu autre que la ville de Genève, nous déclarons que cette Confrérie, étant unie et incorporée à perpétuité et indissolublement à la susdite Eglise cathédrale, dès maintenant comme alors, est transférée au même lieu, avec tous ses insignes, vases sacrés, ornements et livres.

  A024003457 

 L'Eucharistie, lorsqu'elle sera exposée sur l'autel de l'oratoire sera gardée continuellement par deux confrères.

  A024003459 

 Toutefois, bien que la majesté du très saint Corps de Notre Seigneur Jésus-Christ ainsi exposé publiquement demande que tous les confrères passent humblement là toute la journée en louanges, prières et saintes méditations, cependant, la fragilité humaine des confrères, non encore exercés à une telle assiduité dans ces œuvres de piété, ne permettant pas cette action commune; pour que la prière ne cesse pas à l'intérieur de l'oratoire et que la Confrérie elle-même professe, à l'égard de ce très saint Sacrement de l'Eucharistie, un hommage de sa servitude: nous statuons et ordonnons que tous les jours où il sera exposé publiquement sur l'autel de l'oratoire, deux confrères, choisis par le Prieur et ses Assesseurs [353] ci-dessous nommés, pour se partager alternativement les heures, devront passer jusqu'à Vêpres, à genoux, avec l'habit ci-dessous prescrit, une heure entière en saintes prières et divines méditations, en particulier et selon la dévotion personnelle, pour notre très Saint-Père le Pape, pour tous les Prélats de l'Eglise et tout le clergé, pour la tranquillité de la république chrétienne, la sauvegarde de la foi catholique, la paix et la concorde entre les Princes et les peuples chrétiens, la conservation et l'accroissement de notre Confrérie, enfin l'augmentation chaque jour des fruits spirituels qu'elle produit.

  A024003463 

 A ces processions, un des confrères, choisi expressément par le Prieur et les Assesseurs soussignés, portera une grande Croix, et sera entouré de deux autres confrères portant des cierges ou des flambeaux allumés..

  A024003463 

 Pour que Dieu, à qui agrée la diversité des prières et des œuvres de piété, parmi lesquelles se trouvent les pèlerinages (énumérés aussi parmi les pénitences salutaires), exauce la Confrérie en général et chacun de ses confrères en particulier, nous statuons et ordonnons que, aux mêmes jours des fêtes de l'Exaltation et de l'Invention de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge [354] Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, et aussi le Jeudi-Saint, se fassent des processions publiques à travers la ville, les bourgs ou les localités où se trouveront alors l'Eglise cathédrale et notre Confrérie, en la manière et forme appropriées aux circonstances de lieu et de temps agréées par le Prieur et ses Assesseurs soussignés.

  A024003467 

 Parmi les autres Sacrements qui obtiennent la grâce divine, remettent [355] les fautes et méritent le comble des éternelles récompenses, le très auguste et très saint Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur est vraiment admirable; car par lui nous rappelons le souvenir de notre Rédemption, nous sommes détournés du mal et fortifiés dans le bien, recevant par lui des augmentations de vertu et de grâce.

  A024003477 

 Une Messe par semaine sera toujours célébrée dans l'oratoire.

  A024003479 

 Il ne suffit pas, pour atteindre notre but pieux et obtenir les fruits spirituels attachés à notre Confrérie, que la Messe se célèbre une fois par mois dans son oratoire, où plus se multiplie la digne réception [357] de la sainte Eucharistie, plus aussi deviennent abondants les bienfaits spirituels et temporels.

  A024003479 

 Nous statuons donc et ordonnons qu'une Messe sera célébrée perpétuellement chaque dimanche dans le même oratoire par un confrère prêtre, à choisir par le Prieur soussigné et ses Assesseurs.

  A024003483 

 Nous statuons et ordonnons pareillement que tous et chacun des confrères des deux sexes seront tenus chaque jour à réciter, à genoux et la tête découverte, cinq fois l'Oraison Dominicale et la Salutation Angélique, avec cette intention dirigée vers Dieu, qu'il daigne, par les mérites de Notre Seigneur Jésus-Christ, l'intercession de la Bienheureuse Marie toujours Vierge, et les prières des [358] très saints Apôtres Pierre et Paul, veiller à la prospérité et à l'heureux succès de toutes choses dans les provinces et lieux soumis au Sérénissime Duc de Savoie, notre prince, y défendre et conserver la foi catholique, délivrer le peuple des calamités présentes, ramener les hérétiques à l'unité et au sein de notre sainte Mère l'Eglise, ou bien les confondre et humilier, en extirpant jusqu'à la racine les hérésies, et, dans ce but, réconcilier entre eux les princes et les amener à une entente unanime, enfin préserver nos princes de tout malheur..

  A024003487 

 Désirant continuer religieusement le rite antique de la Salutation Angélique, à genoux et tête découverte, lorsque sonne la cloche à l'aurore, à midi et le soir, selon l'ancienne tradition de l'Eglise universelle, nous statuons et ordonnons que la Salutation Angélique sera récitée trois fois le jour par tous les confrères, à genoux et tête découverte, en tout lieu, même s'ils se trouvent dans les rues ou [359] places publiques, chaque fois qu'à l'église principale du lieu où l'Eglise cathédrale aura son siège, la cloche sonnera à l'aurore, à midi et le soir.

  A024003487 

 En dehors de l'obtention des Indulgences concédées par les Souverains Pontifes à ceux qui la récitent ainsi, ils auront l'intention, en rendant cet humble hommage à la Vierge Marie (dont le Seigneur a regardé l'humilité ), d'obtenir, pour les provinces de toute la Savoie, que, par ses mérites et son intercession, elles soient délivrées des maladies, de la peste, des tempêtes, des grêles et autres perturbations atmosphériques..

  A024003491 

 Par suite, afin que notre Confrérie ci-dessus remplisse, elle aussi, quelque peu son devoir, nous statuons et ordonnons que tous et chacun des confrères qui rencontreront le saint Viatique qu'on porte aux malades, [360] soient tenus, à moins que par hasard ils ne soient empêchés par des affaires très urgentes, de l'accompagner avec dévotion et recueillement de l'esprit en Dieu pour la guérison de l'infirme..

  A024003495 

 Aussi statuons-nous et ordonnons que les confrères qui auront été choisis par le Prieur et les Assesseurs soussignés, pour une œuvre aussi pieuse et charitable (comptée pour cela parmi les œuvres de miséricorde), soient tenus de visiter et de consoler le plus tôt possible ces malades et prisonniers.

  A024003499 

 C'est pourquoi, dès qu'une dispute ou une discorde, même minime, se fera jour, pour quelle cause que ce soit, entre les confrères, que le Prieur en soit averti aussitôt, pour qu'ensuite il puisse avec ses Assesseurs, le plus promptement possible et avant qu'elle ne s'aggrave, s'efforcer de l'apaiser par lui-même, ou par d'autres confrères à son choix.

  A024003499 

 Par contre, personne n'ignore les bons fruits que procurent la paix et l'union que l'Auteur même de notre salut, si désireux de la charité, a cultivées par dessus tout et, au moment de monter à son Père, a laissées à ses disciples.

  A024003503 

 Cependant, par [362] honneur pour Celui qui créa l'homme à son image et ressemblance, tous les peuples, toutes les nations, à l'exception de quelques barbares, ont attaché un très grand prix à la sépulture du corps, bien qu'avec des divergences dans la forme et la modalité.

  A024003507 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons que le lendemain du décès d'un confrère, une Messe soit célébrée dans l'oratoire, pour le salut de son âme et sa délivrance des peines du Purgatoire, par un des confrères prêtres choisi par le Prieur.

  A024003507 

 L'âme étant plus noble que le corps mérite d'être aidée avec plus de soin, aussi bien en ce monde qu'en l'autre, où elle a souvent besoin des suffrages des fidèles; et malgré la multiplicité des moyens d'obtenir cet effet, il n'en est pas de plus efficace que le Sacrifice de la sainte Messe, étant ordonné par le Christ pour les vivants et les morts.

  A024003516 

 Cet habit, nous ordonnons qu'il soit imposé par le Prieur à quiconque entre dans notre Confrérie, en la manière et forme sous indiquées.

  A024003516 

 Pour que, donc, nos confrères apprennent ce qu'ils doivent faire en considérant leur habit, et qu'ils soient reconnus par les autres, à l'exemple des autres Confréries, surtout de l'Archiconfrérie du très saint Crucifix érigée depuis longtemps à Rome dans l'église de Saint-Marcel, [365] de l'Ordre des Servites, à laquelle nous souhaitons vivement être agrégés: nous statuons et ordonnons que l'habit de notre Confrérie de la Sainte Croix sera un sac, ou mieux une chemise de toile noire en chanvre, couvrant tout le corps du cou aux talons, simple, d'un seul tenant, sans ornement de soie ou autre garniture, avec un capuce de même toile et couleur couvrant la tête et le visage.

  A024003520 

 C'est pourquoi nous statuons et ordonnons qu'on puisse et doive recevoir dans la Confrérie, par le Prieur et les Assesseurs soussignés, toutes les personnes des deux sexes, catholiques néanmoins, de bonne vie et renommée, après que chacune aura émis la profession de foi catholique, soit par elle-même, si elle sait lire, soit par une autre personne en son nom, mais elle présente, et aussi après la promesse d'observer les Statuts et coutumes existants et à venir, selon la formule sous indiquée.

  A024003520 

 Ce serait peu de chose si la Confrérie ne comprenait que les seuls chanoines de l'Eglise cathédrale sus nommée, lesquels, par ailleurs, faisant un corps à part, sont unis entre eux, surtout pour ce qui regarde le culte de Dieu; car la cause de l'érection de la Confrérie qui vise au bien public, ne produirait pas du tout le fruit désiré.

  A024003520 

 Par contre, ce fruit sera obtenu facilement avec la grâce de Dieu, si [367] on y admet d'autres personnes.

  A024003524 

 Quant aux absents qui désirent entrer dans la Confrérie, et qui sont dans l'impossibilité de se présenter immédiatement et en personne à l'oratoire, pour qu'ils ne soient pas empêchés dans leur dessein si pieux: nous statuons et ordonnons qu'ils puissent être reçus et qu'ils le soient par un procureur légitime, ayant pour acela [368] un mandat spécial dont il rendra compte, et qui fasse la profession 4 e foi et la promesse sus mentionnées et sous insérées; cela aura le même effet que si les récipiendaires se présentaient personnellement..

  A024003528 

 Dans la réception des confrères, le Prieur et les Assesseurs, après avoir lu et expliqué nos Statuts, et avoir reçu la profession de foi ci-dessous insérée et émise par chaque récipiendaire, sont tenus de donner l'habit de la Confrérie en cette manière..

  A024003532 

 Nous aussi, voulant avoir un souvenir perpétuel de ceux qui auront donné leur nom à notre Confrérie, nous statuons et ordonnons que le Secrétaire ci-dessous député, consigne, dans un livre à cela seul destiné, d'abord les noms de baptême et de [369] famille de nous sussignés, comme ils ont été ci-dessus marqués; ensuite ceux de toutes les personnes, de l'un et l'autre sexe, qui y entreront, ainsi que leur qualité, avec la désignation du jour de leur réception et de la somme volontairement offerte par elles..

  A024003536 

 Une république ou une famille est dite par tout le monde bien ordonnée, lorsqu'elle se compose d'une tête et de membres: autrement, comment pourrait-elle se maintenir? Pour que notre Confrérie, instituée avec piété et érigée en esprit de dévotion, dure à perpétuité, et soit régie avec justice et sainteté, et pour que tout souffle de confusion soit aboli, nous, soussignés, constituons et députons comme officiers perpétuels qui seront nommés par nous-mêmes, pour cette première fois, le 13 de ce mois, dans la première assemblée à convoquer alors; et ensuite, chaque année, le jour non empêché le plus proche du 1 er septembre, ces officiers seront changés en l'assemblée générale..

  A024003540 

 Quant à lui, il ne peut, dans l'exercice de ses fonctions, imposer des charges particulières à tels ou tels en dehors du droit ou par malveillance.

  A024003564 

 Dans ces assemblées, les assistants, excepté le Prieur, porteront l'habit de la Confrérie, et chacun donnera son vote avec modestie et par ordre.

  A024003568 

 Si par hasard dans ces assemblées, soit générales soit mensuelles, certaines affaires étaient tellement difficiles, ou bien ne pouvaient arriver à être réglées à cause de l'opposition des votes, du désaccord de certains ou pour un autre empêchement, alors on les porterait devant le Chapitre, et tout ce qu'il ordonnerait serait observésans qu'on pût se récuser..

  A024003570 

 Comment et par qui doivent être nommés les nouveaux officiers.

  A024003572 

 De ces confrères désignés, ceux-là seront respectivement créés qui auront été élus par la majorité des suffrages..

  A024003576 

 Elle sera fermée de trois serrures: le Chapitre aura une clef, le Prieur l'autre, un Conseiller laïque, à choisir par les autres Conseillers, la troisième.

  A024003576 

 Enfin, il faut parler de la caisse où seront renfermés le grand sceau de la Confrérie, les actes, les instruments, les donations, les legs, les livres, les écritures et autres choses, ainsi que les fonds remis par le Trésorier.

  A024003588 

 Enfin, pour que cette Confrérie, instituée comme définitive et ratifiée avec les Statuts et ordonnances ci-dessus, sous l'étendard [378] de la Croix toute-puissante et l'invocation de la Très Sainte Vierge Marie et des Bienheureux Apôtres Pierre et Paul, pour les causes exprimées plus haut, soit aussi protégée contre toutes attaques par le secours de notre Révérendissime Evêque et le patronage du Saint-Siège Apostolique; qu'elle soit pourvue et honorée de quelques faveurs spéciales, de grâces et d'Indulgences, en sorte qu'elle augmente chaque jour, qu'elle produise des fruits plus abondants, et dure et persiste à jamais: nous supplions notre Illustre et Révérendissime Evêque susnommé, de vouloir accorder son assentiment et consentement à l'érection de la Confrérie et autres choses ci-dessus mentionnées, en faisant intervenir son autorité ordinaire; nous supplions aussi notre Très Saint Père le Papè et le Saint-Siège Apostolique de daigner confirmer et approuver la Confrérie, ses ordonnances et Statuts faits et à faire, et lui procurer augmentation et force par les faveurs et grâces apostoliques, par la concession d'Indulgences à perpétuité.

  A024003589 

 En foi et témoignage de toutes les choses qui précèdent et de chacune d'elles, nous avons signé les présentes de notre propre main et les avons fait insérer au Livré de nos Délibérations capitulaires par notre Secrétaire ci-dessous soussigné, qui les a rédigées en forme publique, les a signées et munies du grand sceau du Chapitre..

  A024003619 

 CONFIRMATION ET APPROBATION FAITE PAR LE RÉVÉRENDISSIME SEIGNEUR ÉVÊQUE.

  A024003621 

 C'est donc à bon droit que Nous leur avons donné Notre consentement et qu'elles doivent être reçues et approuvées par Nous comme, par les présentes, Nous les agréons, recevons et approuvons..

  A024003621 

 Nous, CLAUDE DE GRANIER, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, portons à la connaissance de tous et attestons avoir lu attentivement toutes et chacune des ordonnances ci-dessus mentionnées, relatives à l'érection de la Confrérie en l'honneur de la Sainte Croix, de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie et des saints Apôtres Pierre et Paul, projetée par Nos bien aimés dans le Christ les Chanoines de Notre [382] Eglise, et n'y avoir rien trouvé qui puisse offenser des oreilles chrétiennes.

  A024003633 

 Quilz ont occasion de croyre que les Statutz desquelles (sic) la Confraternité est pourveue sont legitimes, [384] comme ne contenans rien contre la pieté et les commandemens de Dieu et de son Eglise, approuvés par l'Ordinayre..

  A024003646 

 Elle a aussi esté conservee, non obstant tant d'incommodités survenues en la ville et le changement des lieux ausquelz a esté forcee de faire les exercices d'icelle, jusques a present, qu'ayant une chapelle asseuree et perpetuellement assignee en l'eglise de Saint Dominique et estant, comme sus a esté dit, non seulement appreuvee mais benie et enrichie de plusieurs graces par le Saint Siege Apostolique, il ne reste sinon que les confreres et seurs estendent leur courage a bien et saintement prattiquer les Constitutions d'icelle, sans s'amuser des-ormais a ce que le malin esprit voudra dire par les langues d'aspics au prejudice d'icelles, puisque le Saint Esprit a confirmé lesdittes Constitutions par la langue Apostolique, a la gloire et louange de Jesus Christ crucifié qui vit et regne es siecles des siecles.

  A024003663 

 Ilz portent aux processions, assemblees et autres occurrences l'habit de penitence, selon qu'ilz en sont advertis par les officiers de laditte Confrerie..

  A024003666 

 S'il arrive quelque differend ou proces entre quelques uns des confreres, les autres qui le sçavent advertissent les Superieurs de la Confrerie, qui, par les meilleurs moyens qu'ilz peuvent, procurent paix et concorde..

  A024003668 

 Oyant sonner l' Ave Maria en la principale eglise du lieu ou ilz sont, comme est a Nostre Dame entre celles d'Annessy, ilz se mettent a genoux, non seulement en [389] leurs maysons, mais aussi emmi les rues et lieux publiqs, autant comme cela se peut commodement faire, affin de protester l'honneur que la Confrerie porte a la Mere de Dieu et inciter par leur exemple les autres a ce faire, suyvant la devotion de nos predecesseurs..

  A024003674 

 Tous les confreres et seurs de laditte Confrerie doivent soigneusement prattiquer lesditz exercices, tant parce que par le moyen d'iceux ilz se maintiendront en l'amour et crainte de Dieu et se prepareront des grans tresors au Ciel, qu'aussi d'autant qu'ilz gaigneront les Indulgences suyvantes; n'y ayant neanmoins pour tout cela aucune obligation qui porte peyne de peché ni mortel ni veniel pour les contrevenans, ains seulement de privation des fruitz, Indulgences et benedictions qu'y recevront les bons et fidelles observateurs des ditz exercices..

  A024003682 

 Tous les confreres, a leur entree, jureront la profession de la foy de l'Eglise Catholique, Apostolique, Romaine, ou la lisant ou l'oyant lire, ainsy qu'il sera advisé par le Prieur..

  A024003686 

 Les confreres et seurs visiteront les malades, tant de la Confrerie qu'autres, selon l'ordre qui sera mis chaque moys par le Prieur ou, en son absence, par le Sousprieur; et assisteront neanmoins avec un soin special ceux de la Confrerie..

  A024003687 

 S'il arrive quelques differens entre quelques uns des confreres, les autres qui s'en appercevront seront tenus d'en advertir le Prieur qui, par les moyens plus convenables, procurera qu'au plus tost appointement en soit fait..

  A024003698 

 Le Tressaint Pere Paul, cinquiesme de ce nom, qui sied et regne a present, appreuvant, authorisant et recommandant la Confrerie de la Sainte Croix d'Annessy, ainsy qu'il appert par son Bref Apostolique du 10 avril 1607, a octroyé et concedé a perpetuité, pour les confreres et seurs d'icelle, les Indulgences suyvantes, a sçavoir:.

  A024003711 

 Le Tressaint Pere Paul, V e de ce nom, appreuvant et recommandant la Confrerie Sainte Croix d'Annessy par son Bref du 10 avril 1607, a concedé a perpetuité les Indulgences suivantes a tous les confreres et seurs d'icelle:.

  A024003716 

 Assistant aux Messes et Offices en l'oratoire ou chappelle de laditte Confrerie, ou bien assemblees tant publiques que particulieres d'icelle, ou qu'elles se facent; hebergeans les pauvres, accommodant les dissentions ou procurant qu'elles soyent accommodees, accompaignant les cors des trespassés, tant de la Confrerie qu'autres; [392] allant aux processions faittes par le congé de l'Ordinaire, suyvant le tressaint Sacrement tant aux processions que quand on le porte aux malades ou ailleurs, ou ne pouvant, et oyans le son de la cloche qui se fait pour cela, diront un Pater noster et Ave Maria; ou diront pour les deffunctz de laditte Confrerie cinq Pater et Ave, ou reduiront les desvoyés au bon chemin, ou enseigneront aux ignorans les Commandemens et choses requises a salut, ou feront quelques autres actions de pieté, de devotion et charité: pour chacune fois qu'ilz exerceront l'une desdittes actions, soixante jours d'Indulgence.

  A024003732 

 FRANÇOIS, Evesque et Prince de Geneve, par la grace de [394] Dieu et du Saint Siege Apostolique, a tous ceux qui ces presentes verront, paix et dilection en Jesus Christ..

  A024003734 

 C'est pourquoy Nous avons ordonné que de nouveau la publication en sera faitte par tout Nostre diocese, affin que chacun soit asseuré de pouvoir par cy apres participer a des biens si grans et excellens; suppliant tous les tres Reverens Ordinaires des lieux qui en seront requis, de vouloir permettre et favoriser semblable publication et la cueillette des aumosnes pour l'effect mentionné en la concession dudit Pardon.

  A024003734 

 Comme aussi Nous exhortons les fidelles chrestiens de vouloir honnorer Dieu par leurs bonnes œuvres audit lieu de Thonon, comme [vis à vis] et en face des principaux sectateurs de l'heresie, affin qu'ilz soyent esmeus a glorifier eux mesmes le Pere celeste par [396] leur reduction au giron et sein maternel de la sainte Mere Eglise.

  A024003747 

 Clément VIII, Pontife suprême de l'Eglise Catholique, par un motu proprio, attacha et préposa, il n'y a pas longtemps, François de Sales, Prévôt de l'Eglise de Genève, à la Maison de Notre-Dame des Sept-Douleurs de Thonon..

  A024003759 

 Rien ne se passe d'importance sinon par l'advis du Conseil, composé dudit Maniglier, des sieurs Econnome, Secretein, de la Balme, Randollet, tous prebstres, du sieur Marin, procureur fiscal pour Son Altesse [399] et administrateur d'icelle, du sieur Poncet, advocat, et du sieur Muneri, lesquelz furent establis par feu Monseigneur, etc..

  A024003761 

 L'eglize est fort fidellement et exactement servie par sesditz ecclesiasticques ordinaires, avec ung fort beau luminayre, et en icelle se celebre (sic) tous les jours sans fallir 4 Messes ordinaires et plusieurs extraordinaires..

  A024003769 

 SOMMAIRE DES INDULGENCES CONCEDEES PAR NOSTRE SAINT PÈRE.

  A024003778 

 Concede la mesme Indulgence pleniere et remission de tous les pechés a chaque confrere lequel par son entremise aura fait ou procuré la conversion d'un heretique a la foy catholique, et que par effect tel heretique aura abjuré et detesté les heresies et se sera reconcilié et retiré au giron de la sainte Mere Eglise.

  A024003784 

 Lesquelles Indulgences dureront a perpetuité, comme appert par le Bref de Sa Sainteté, donné a Rome le 6 decembre 1606..

  A024003786 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A024003787 

 Nous exhortons donq tous fidelles Chrestiens, mays specialement ceux de Nostre diocese, de se prevaloir de l'occasion qui leur est presentee par la concession de ces [402] saintes Indulgences, s'enroollant a ladite Confrerie et prattiquant soigneusement les exercices d'icelle.

  A024003790 

 Par mandement de Monseigneur,.

  A024003800 

 Et quant a l'eglise qui fut sous le tiltre Saint Hippolite et qui est a present sous celuy de Nostre Dame de Compassion, on luy donnera par addition le tiltre des Saints Maurice et Hippolite, et sera dependente de l'autre..

  A024003808 

 Mais quant a cet acte, i'Evesque y entreviendra tous-jours, ou par luy mesme ou par un sien deputé; et le siege vacant, le Vicaire general s'y treuvera luy mesme, ou quelque deputé de sa part: et soit l'Evesque, soit son deputé, presideront audit Conseil..

  A024003813 

 Le Plebain sera esleu par le concours comme les autres curés du diocæse a la forme du sacré Concile de Trente; auquel neanmoins seront preferés, cæteris paribus, les prestres de la Congregation, a laquelle sera tenu, celuy qui sera esleu, se ranger, sil n'en estoit pas auparavant..

  A024003817 

 Les autres prestres de la Congregation seront esleuz par le Conseil de la Sainte Mayson, tout de mesme quil a esté dit du Præfect..

  A024003821 

 Or, pour oster et deposer lesdits prestres, suffira que le Conseil assemblé en juge par la pluralité des voix; mais pour la deposition du Præfect il sera requis que cela se face par les deux tiers des voix du Conseil, auquel entreviendra tous-jours le Conservateur, lequel n'estant pas au lieu, sera attendu jusques a deux moys et non plus.

  A024003822 

 Tous lesdits prestres s'obligeront a leur entree de demeurer trois ans en ladite Congregation; et sera, nonobstant cela, permis au Conseil de les licentier, y ayant rayson legitime, selon quil sera advisé par iceluy, ainsy que dessus..

  A024003842 

 Item, fournira leur mayson de toutes sortes de meubles necessaires, lesquelz, par apres, ladite Congregation maintiendra, et le Præfect, ou Œconome se charge d'iceux meubles.

  A024003851 

 Pour les serviteurs, a distribuer selon quil sera advisé par la Congregation, 40 ducatons..

  A024003873 

 Lesquelz manquemens, ou argent perdu par iceux, accroistra aux residens..

  A024003901 

 Sera deputé un receveur general de tous les revenuz de la Sainte Mayson, qui donnera bonne caution; et la constitution d'iceluy se fera par ledit Conseil, devant lequel, ou les deputés d'iceluy, il rendra ses comptes de six mois en six moys, sauf sil semble au Conseil de les luy faire rendre en autres occurrences plus souvent; et le tout avec presentation de reliquaz..

  A024003902 

 Et dans le contract de constitution d'iceluy sera mis en premiere charge, et par maniere de præciput, que la Congregation et Seminaire soyent payés de toutes leurs assignations, avant toutes choses..

  A024003906 

 Les accensemens des dixmes et autres revenuz de la Sainte Mayson se feront par le sieur Conservateur, avec l'assistence du Prefect, ou de celuy que ledit Praefect ou Conseil aura deputé..

  A024003910 

 Les mandatz qui n'excederont la somme de dix escuz d'or se feront par le seigneur Conservateur et par le sieur Praefect conjointement; et en cas quilz ne soyent pas d'accord a le faire, le Conseil sommayrement appellé determinera.

  A024003911 

 Mais lhors que le sieur Conservateur fera des voyages et autres sortes de frais, les mandatz de son payement se feront par le Praefect avec le Conseil; et ne pourra faire lesdits voyages et frais sans l'advis d'iceluy Conseil..

  A024003932 

 La despense de l'entretenement de l'eglise de la Congregation, du College et Seminaire estant detraitte, tout le reste du revenu de la Sainte Mayson sera inviolablement appliqué a la conversion des heretiques, selon quil sera advisé par le Conseil; en sorte neanmoins que les missions soyent præferees et, apres icelles, les provisions requises a la retraitte et entretenement des convertis, en les appliquant aux artz et autres besoignes, selon leur (sic) habilités.

  A024003933 

 Ne pourra neanmoins faire mandatz, ains seront faitz par le Conseil, en presence d'iceluy assistant, qui aura une voix [consultive, mais non pas] deliberative en ladite absence du Conservateur.

  A024003944 

 4. Sera deputé un receveur general de tous les revenuz de la Sainte Mayson, qui donnera suffisante caution: et la constitution sera faite par tout le Conseil..

  A024003945 

 Lequel rendra ses comptes au moins deux fois l'annee, c'est a dire de six mois en six mois, sauf a le rendre encor en d'autres occurrences, estant appellé pour cest effect par le Conseil et sieur Conservateur, devant lesquelz il rendra tous ses comptes, tant ordinaires qu'extraordinaires, avec prestation de reliquatz..

  A024003946 

 Et quant aux accensemens des dixmes et autres revenuz de la Sainte Mayson, ilz se feront par le sieur Conservateur et le Prefect, ou par luy ou par un deputé par iceluy Praefect, ou par le Conseil..

  A024003947 

 La despense necessaire a l'entretenement de l'eglise de la Congregation, College et Seminaire estant faitte, le reste sera inviolablement appliqué a la conversion des hæretiques, selon quil sera avisé par le Conseil de la Sainte Mayson; en sorte neanmoins que les missions soyent præferees et, apres icelles, les provisions requises pour la retraitte et entretenement des convertis, en les appliquant aux artifices et travail des mains, ou autres sortes de services selon leur (sic) habilités..

  A024003948 

 Dans le contract de constitution du receveur, sera mis en premiere charge et par maniere de praeciput, que la Congregation, College et Seminaire seront payés des denrees et sommes qui leur seront assignees, avant toutes choses..

  A024003949 

 Les mandatz qui se feront pour toutes les occurrences ordinaires et qui n'excederont point la somme de dix escus d'or seront faitz par le sieur Conservateur et signés par le sieur Præfect conjointement.

  A024003950 

 Lhors que le sieur Conservateur fera des voyages ou autres sortes de frais, les mandatz de son payement seront faitz par le Prefect avec le Conseil; et ne pourra faire les-dits voyages ni frais sans prendre l'advis dudit Conseil..

  A024003956 

 Et outre celâ, sera requis que pour oster tant les uns que les autres, le Conservateur entrevienne au Conseil; que sil n'est pas present, il soit attendu jusques a deux mois, le tout neanmoins par connoissance sommaire et sans figure de proces..

  A024003964 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu.....

  A024003965 

 Augusti, Pontificatus ejusdem Sanctissimi Patris anno secundo; par lesquelles il est commandé a nostre Official d'appreuver et confirmer par authorité apostolique certaines Constitutions faittes par l'Illustrissime et R me Nonce de Sa Sainteté aupres de Son Altesse Serenissime, desquelles a ces fins l'original Nous a esté aussi remis, pour l'establissement de la Mayson d'heberge instituee en cette ville de Thonon, sous le nom et invocation de Nostre Dame de Compassion ou des Sept Douleurs; pourveu neanmoins qu'icelles Constitutions soyent loysibles, honnestes et qu'elles ne contrarient nullement aux saintz Canons ni aux Decretz du sacré Concile de Trente.

  A024003965 

 De plus, d'appreuver et confirmer par mesme authorité apostolique l'erection de ladite Mayson d'heberge et annexement et incorporement, fait cy devant par [416] feu de bonne memoire nostre tres Reverend predecesseur Claude de Granier, Evesque de Geneve, Commissaire en cette partie deputé, du prieuré Saint Hippolite de cette presente ville de Thonon a ladite Sainte Mayson d'heberge de Nostre Dame de Compassion, pour l'entretenement d'un Præfect et sept prestres seculiers de mesme unité, selon l'institut des Prestres de la Congregation de l'Oratoire de Rome, et d'un Seminaire clerical..

  A024003966 

 Dont ayant receu lesdites Bulles avec honneur et reverence, pour executer le contenu d'icelles, Nous avons assemblé les jours suivans plusieurs personnes de qualité, doctrine et experience, tant ecclesiastiques que laiz: a sçavoir, le tres Reverend seigneur Vespasien Aiazza, abbé d'Abondance; quant aux ecclesiastiques, le Reverend seigneur Louys de Sales, Prevost de Nostre Eglise cathedrale, le R. P. Frere Abonde de Come, Superieur de la Mission des Capucins, le R. P. Frere Cherubin de Maurienne, predicateur de ladite Mission, et les Reverens sieurs Claude Grand et Nicolas Gottri, docteurs en theologie, predicateurs et chanoines de Nostre Eglise cathedrale, le Reverend sieur Balthazard Maniglier, predicateur, curé de Serraval et Vicepraefect de ladite Mayson [417] d'heberge; et quant aux laiz, le sieur don Thomas Bergere, seigneur du Vilar et chevalier de l'Ordre des Saintz Maurice et Lazare, et noble Claude Marin, procureur fiscal pour Son Altesse en Chablaix: en presence et par l'advis desquelz Nous avons fait les articles ci jointz, pour l'esclarcissement des autres susditz que Son Altesse avoit dressé et pour faciliter l'execution d'iceux.

  A024003968 

 En vertu de laquelle association ladite sainte Milice, comme plus puissante es choses exterieures et temporelles, defendra et maintiendra ladite Sainte Mayson, et ce principalement par le soin, diligence et sollicitude d'un des seigneurs Chevaliers d'icelle Milice et Ordre, qui sera establi Conservateur de ladite Sainte Mayson; comme reciproquement, les ecclesiastiques et autres personnes de ladite Sainte Mayson ayderont les bons et chrestiens desseins de ladite sacree Milice par leurs Sacrifices, prieres et bonnes œuvres..

  A024003968 

 Item, Nous avons declairé que l'union de la Sainte Mayson d'heberge avec la sacree Milice des Saintz Maurice et Lazare seroit reciproque entre ladite Mayson et ladite Milice, non point par incorporement de ladite Mayson a ladite Milice ni au contraire, mais par une simple association et mutuelle correspondance, entant que ladite Milice et ladite Mayson visent et tendent a mesme fin, a sçavoir, l'exaltation de la foy, quoy que par divers moyens: la Milice tendant a cela principalement par les armes exterieures et corporelles, et ladite Sainte Mayson par les armes interieures et spirituelles, comme sont les predications, sermons, catechismes, conferences, prieres, aumosnes.

  A024003968 

 Si que ladite Sainte Mayson ne puisse jamais estre entendue incorporee ni annexee au cors de ladite Milice, mais seulement associee, et que la croix ou autres marques d'icelle Milice, portees par lesditz prestres de ladite Sainte Mayson ou autres officiers d'icelle, ne puissent estre tirees en [418] consequence pour conclure aucune autre dependance ou appartenance de ladite Sainte Mayson envers ladite Milice que de celle d'une mutuelle et reciproque correspondance et association, ladite Milice en la jurisdiction de Son [Altesse], et lesditz prestres et autres personnes ecclesiastiques de ladite Mayson demeurantes en la jurisdiction de Nous et nos successeurs ordinaires.

  A024003969 

 Item, Nous avons declairé que jamais les biens et revenuz de ladite Sainte Mayson ne pourront estre entenduz appartenir a ladite sacree Milice de Saint Maurice et Lazare ni a la disposition d'icelle, mays demeureront a jamais affectés aux œuvres et exercices auxquelz Sa Sainteté et Son Altesse les ont destinés, selon les articles dressés par sadite Altesse et l'Illustrissime Seigneur Nonce, et ceux qui, pour l'esclarcissement d'iceux, Nous avons fait et qui y [sont] jointz..

  A024003970 

 Item, en fin, apres toutes ces declarations par Nous faittes, en vertu de ladite commission, Nous avons receu le serment du susdit seigneur don Thomas Bergere, Conservateur esleu et nommé par ladite Sainte Mayson, et accordé par sadite Altesse et par le tres sacré Conseil de ladite sacree Milice des Saintz Maurice et Lazare, par lequel il s'est obligé de bien et deuement conserver, en ce qui dependra de son pouvoir, les droitz, noms, actions, biens et [419] tiltres de ladite Sainte Mayson, et de procurer par toutes voyes convenables que les articles dressés pour l'establissement d'icelle soyent observés.

  A024004023 

 On espere que la charité pressera tous ceux de la Congregation de bien et diligemment rendre leurs devoirs; néanmoins, pour l'empescher de rafroidir, il a semblé bon de l'appuyer par l'imposition de quelques peynes contre les defaillans, selon la coustume de toutes les eglises cathedrales et collegiales..

  A024004032 

 Les ceremonies et coustumes de l'Eglise cathedrale de ce diocese seront observees au chœur par les prestres de l'Oratoire, mais principalement les suyvantes:.

  A024004041 

 Le semainier de la Grande Messe s'employera a l'administration des Sacremens, estant prealablement admis par l'Ordinayre; excepté neanmoins le Prefect, lequel, pour la multitude des affaires, ne peut estre assujetti a l'administration; et pour ce, pendant sa semaine, les six prestres qui sont apres le Plebain, suppleeront l'un apres l'autre, chacun a son tour, l'administration susdite des Sacremens en la place dudit Prefect..

  A024004045 

 Pour donner exemple de la reverence que l'on doit porter a la parole de Dieu, tous les prestres de l'Oratoire assisteront, assis sur un banc a ce destiné, modestement, ainsy qu'il a esté dit de l'assistance au chœur, sans qu'aucun s'en puisse absenter, sinon pour cause appreuvee par celuy qui preside..

  A024004049 

 Chaque mercredi se fera l'assemblee capitulaire dans la [430] sacristie, a l'issuë de Vespres, ou chacun sera tenu d'assister en surplis et assis, comme a l'Office; laquelle se commencera par Veni, Sancte Spiritus, et se finira par l'orayson Pro gratiarum actione.

  A024004056 

 Tout au long du repas sera gardé le silence par tous ceux qui seront a table, en laquelle un chacun demeurera jusques a ce que le repas soit fini, lequel durera environ une heure..

  A024004057 

 On, y dira le Benedicite et les Graces des clercs, ainsy qu'il est ordonné a la fin des Breviaires; et cest office se fera par celuy qui aura dit la Grande Messe ce jour la..

  A024004063 

 Le Prefect aura la charge et authorité de faire observer [432] les Statuts, ordonnances et la discipline clericale en la Congregation et dehors d'icelle, corrigeant et advertissant les delinquans, lesquelz, lhors qu'ilz se rendront refractaires et insolens, seront par le mesme Prefect appelles en l'assemblee des autres et, par l'advis de l'assemblee pris par la pluralité des voix, pourront estre chastiés par quelques aumosnes applicables a œuvres pies, jusques a la somme de cinq florins, ou bien par l'imposition de quelques penitences qu'il sera advisé.

  A024004063 

 Que si les delinquans continuent encores apres cela en la contumace, ou bien qu'ilz ayent commis quelque crime d'importance, le Prefect sera obligé d'en advertir le Superieur ordinaire; sauf, qu'en cas de scandale et y ayant quelque danger de fuitte, le Prefect, par l'advis de l'assemblee, pourra resserrer le delinquant en attendant l'ordre dudit Ordinaire..

  A024004064 

 Or, en cas de l'absence du Prefect, le Plebain fera par mesme ordre la correction, et en l'absence du Plebain, le plus ancien en reception..

  A024004069 

 Le Plebain aura la surintendance en tout ce qui regarde l'administration des Sacremens, le recit du Prosne et du Cathechisme, si ce n'est par quelque tres legitime cause.

  A024004070 

 En suite dequoy le Plebain pourra tous-jours, en quelque tems que ce soit et quand il le treuvera convenable, faire l'administration des Sacremens et le service des ames par luy mesme, comm'estant sa principale charge, et ne pourra jamais refuser en estant requis..

  A024004076 

 Aura soin de faire ballier l'eglise par ceux qui en auront la charge, avec les arrousemens et autres propretés, comme aussi la sacristie tous les lundis, mercredis et samedis..

  A024004086 

 Les prestres de l'Oratoire tascheront de se servir de bon exemple les uns les autres, tant qu'il leur sera possible, par l'exercice des vertus propres a leur vocation..

  A024004097 

 Seront deputés par la Congregation deux prestres de tems en tems, desquelz l'un, pour le moins, aura le soin de faire bien et deüement distribuer l'aumosne, affin qu'il ne s'y commette quelqu'abus..

  A024004105 

 Comme en cas qu'il veuille demeurer en la Congregation, il sera obligé, dans lesditz troys moys, de quitter le benefice reellement et par effect; autrement, incontinent passés lesditz troys moys, sera descheu de la place qu'il tenoit en ladite Congregation, et la Congregation obligee de l'en priver effectuellement..

  A024004109 

 Outre la mayson et table commune de la Congregation, qui se fait, selon la coustume, par la Sainte Mayson, chacun des prestres perçoit les gages suivans: le Prefect cent escuz d'or, le Plebain cent ducatons, tous les autres deux cens cinquante florins, et le Sacristain trois cens florins; et pour les serviteurs de la Congregation, a distribuer selon qu'il arrivera, quarante ducatons..

  A024004113 

 Le Sacristain se servira de ce que la Sainte Mayson fournira tant pour l'entretenement de la sacristie que pour celuy du luminaire, affin que l'on sçache ce qui aura esté employé annee par annee..

  A024004128 

 Mays quant aux prestres qui viennent pour cooperer aux confessions et autres offices, ilz seront receus sur le commun, comme aussi les prestres et clercs que l'on reçoit par aumosne..

  A024004129 

 Mais quant a la correction des Superieurs en ce qui regarde les monitions, si ce n'est la correction fraternelle et evangelique, elle sera [439] remise au Superieur majeur, auquel la Congregation pourra recourir par advertissement des fautes, ainsy qu'elle verra a faire..

  A024004158 

 Ilz observeront par tout l'honnesteté, netteté et civilité, principalement en leurs habitz et en l'eglise..

  A024004164 

 Toutes les ceremonies et coustumes de l'Eglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve seront observees par les prestres de la Congregation, mais principalement celles ci:.

  A024004170 

 Les autres jours, le prestre qui sera assigné semaine par semaine, [429] excepté toutesfois les Messes et benedictions des fors baptismaux, es veilles de Pasques et de Pentecoste, parce que cela regarde l'office du Plebain..

  A024004171 

 Tous seront escritz par ordre en une table, le Praefect aussi bien que les autres, tant pour les petites Messes que pour les grandes..

  A024004172 

 Le Præfect toutesfois sera exempt de ceste charge a cause de la grande multitude d'affaires dont il est presque tousjours occupé; c'est pourquoy, en sa semaine, l'administration des Sacremens se fera par ordre par les autres six prestres..

  A024004174 

 Il y aura un Secretaire establi, qui redigera par escrit tous les decretz, ordonnances, resolutions et desseins du Chapitre.

  A024004177 

 Elles seront faittes par celuy qui aura celebre la Grande Messe..

  A024004180 

 Il corrigera et admonestera les defaillans; lesquelz estans rebelles, il les appellera en Chapitre et les chastiera, s'il est de besoin, apres avoir pris les voix, par quelque penitence salutaire, voire mesme pecuniaire, applicable aux œuvres pies, qui toutesfois n'excedera pas la somme de cinq florins.

  A024004191 

 Il n'y aura qu'une porte en la mayson, et en icelle qu'une clef qui sera gardee le jour par le Portier, et la nuict par le Præfect..

  A024004195 

 Quand il faudra s'assembler extraordinairement, la convocation du Chapitre se fera par le Praefect..

  A024004200 

 Il ne sera permis a personne de manger de la chair en la mayson les veilles des festes de Nostre Dame; et tous observeront absolument le jeusne la veille de la Nativité de la mesme glorieuse Vierge, par ce que c'est la feste la plus solemnelle de la Congregation..

  A024004201 

 Il devra estre esleu par la Congregation, docteur en theologie ou en droict, et aagé de trente ans..

  A024004202 

 Le Plebain sera esleu au concours tout de mesme que les autres [439] curés du diocese, selon les decretz du saint Concile de Trente; auquel concours toutesfois les prestres de la Congregation seront preferés aux autres, quand ilz se trouveront pareilz, et lesquelz prestres seront esleuz par la Congregation.

  A024004279 

 VISITE DE L'ABBAYE DE SIXT PAR LE RÉVÉRENDISSIME PÈRE DANS LE CHRIST.

  A024004283 

 François de Sales, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, le 24 septembre de l'année 1603 se rendit à l'abbaye et église de Sixt.

  A024004293 

 Enfin, certains autres titres dont il ne se souvient pas assez, acquis par son travail et industrie, et dont il fera un inventaire..

  A024004293 

 Le seigneur Abbé, après avoir prêté serment, assura n'avoir que cinq livres de Reconnaissances et confessa par écrit les avoir.

  A024004293 

 [443] En outre, une certaine donation faite par Aymon de Faucigny d'une propriété champêtre, donation qu'il dit avoir été produite à Annecy dans un procès.

  A024004297 

 Ayant entendu cela, le Révérendissime Seigneur Evêque visiteur statua qu'avant le prochain jour des Cendres l'on ferait et établirait en due et probante forme l'inventaire de tous les droits et titres, en deux copies de forme semblable, dont l'une sera renfermée dans les archives de l'évêché, et l'autre, à l'usage des procès, sera conservée par celui que le Chapitre du Monastère désignera..

  A024004302 

 L'Abbé répondit que les revenus étaient si diminués, soit par l'incurie de ses prédécesseurs, soit par la violence des eaux qui ont [445] détruit des métairies et villages entiers, qu'il ne pouvait nourrir et entretenir plus de Religieux.

  A024004307 

 Le seigneur Abbé doit, à ses frais, fournir un chirurgien ou barbier aux Religieux suivant le besoin; et encore six festins par an à tous les Religieux réunis ensemble..

  A024004314 

 Le Révérendissime Seigneur Evêque décréta que le saint Office serait récité, soit en privé, soit publiquement au chœur, selon l'usage publié par le saint Concile de Trente, usage dont on sera tenu d'observer les rubriques.

  A024004315 

 Les Psaumes graduels, par suite de la même coutume, se réciteront avant Matines, au moment où arrivent les Religieux.

  A024004316 

 Chaque jour, qu'on célèbre au moins quatre Messes, et même certains jours cinq, à savoir lorsqu'on y est tenu par ailleurs.

  A024004322 

 A l'autel qui se trouve près des stalles des Religieux, furent trouvées des images enlaidies par la vétusté et la corrosion.

  A024004328 

 La voûte du chœur menace ruine par suite des trous et des [450] fentes.

  A024004333 

 Pour le moment cependant, que les femmes ne soient pas admises à l'intérieur de l'enceinte formée soit par les murs en ruines, soit par la trace de ces murs..

  A024004351 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève..

  A024004352 

 Longtemps nous avons désiré le retour de tous les Religieux de Notre diocèse à la Règle et manière de vivre primitives de leur [452] Institut, mais surtout Nous avons souhaité cela et l'avons procuré par Nos exhortations dans les Monastères qui sont confiés à Nos soins et sollicitude, et à Notre juridiction ordinaire.

  A024004430 

 PAR LE RÉVÉRENDISSIME PÈRE ET SEIGNEUR FRANÇOIS DE SALES.

  A024004433 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, à tous ceux qui liront cet écrit salut abondant dans le Christ..

  A024004434 

 C'est pourquoi ayant appris que, sous l'inspiration divine, les vénérables Chanoines voulaient rétablir entièrement l'ancienne observance régulière qui, par suite de l'injure des temps, était à peu près anéantie et détruite parmi eux, et que les très Illustres et Révérends seigneurs Jacques de Mouxy, Abbé, bien que commendataire, et Humbert de Mouxy, son coadjuteur et élu par le Monastère, avaient décidé, non seulement d'approuver, mais d'aider de si saintes résolutions:.

  A024004434 

 Le Monastère de l'Ordre vénérable des Chanoines réguliers de [454] Saint-Augustin, du pays de Sixt, ayant été confié, par les saintes règles de l'antique droit ecclésiastique, au soin et à la juridiction de Nos prédécesseurs et de Nous-même, Nous devons et voulons Nous occuper et Nous préoccuper d'être le plus utile possible à ce Monastère et aux vénérables Chanoines qui y servent Dieu.

  A024004446 

 Qu'il soit, d'après le même texte, chap. 6, élu par le Chapitre aux votes secrets, en sorte que les noms de chacun des votants ne soient jamais publiés, et que celui-là soit tout à fait considéré comme élu, en faveur de qui se sera prononcée la majorité du Chapitre par les votes secrets susdits.

  A024004451 

 [458] Dans toutes les difficultés plus graves qui ne pourront être tranchées par le Prieur et le Chapitre, que l'on ait recours à l'Evêque de ce diocèse, ou, en son absence, au Vicaire général de l'évêché, lequel, en vertu de son pouvoir ordinaire, règlera ce qu'il faudra faire, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici..

  A024004459 

 Il n'y aura aucun livre dans le Monastère sans la permission du vénérable Prieur, ou, en son absence, du Sous-Prieur, qui veilleront à ce que les livres condamnés par l'Eglise ou traitant de sciences curieuses et inutiles soient écartés, et qu'il y ait abondance dans le Monastère de livres de dévotion, de cas de conscience et [459] de théologiens, en sorte que tous les Chanoines aient la possibilité, chaque jour, de vaquer à la lecture à une heure déterminée, selon la Règle.

  A024004461 

 Par les soins du vénérable Prieur ou Sous-Prieur, il faut que chaque Chanoine pendant son noviciat, lise en latin ou en français le Catéchisme du saint Concile, et rende raison de ses progrès dans cette lecture.

  A024004465 

 La bénédiction de la table et l'action de grâces après le repas seront récitées par l'hebdomadaire, [460] excepté aux fêtes solennelles, où cet office sera réservé au Prieur et, en son absence, au Sous-Prieur.

  A024004465 

 Qu'on lise toujours pendant le repas, à haute et intelligible voix, et avec les pauses voulues par la ponctuation..

  A024004473 

 Aussi [461] ordonnons-Nous plus sévèrement, en vertu de la sainte obéissance et sous peine de l'excommunication majeure, à tous et chacun que cela concerne, que toutes les femmes absolument soient par eux écartées, chassées et expulsées, s'il s'en trouve maintenant, et qu'ils ne les admettent jamais, ni elles ni d'autres, et ne leur permettent pas de séjourner dans l'enclos du Monastère..

  A024004477 

 Nous ordonnons, sous peine d'excommunication majeure, que dans le délai d'un mois, à compter de ce jour, quinze septembre de l'an mil six cent dix-huit, tous et chacun de ceux qui ont des instruments ou titres de ce Monastère, les replacent dans les archives, selon le décret porté par Nous à ce sujet dans la susdite Visite..

  A024004486 

 Au sujet des autres pétitions des Chanoines ayant trait au versement des prébendes de l'année écoulée, aux dépenses qui seront nécessitées par le futur entretien d'un cheval, et autres semblables, [463] comme il a été passé une convention amicale entre eux et le susdit seigneur Coadjuteur et élu.

  A024004494 

 En fin, Nous asseurons de la benediction et protection de Dieu tous ceux qui embrasseront et prattiqueront avec [464] amour ces Ordonnances que le seul desir du regne de Dieu en vous et l'amplification de sa gloire me fait vous donner; esperant que, par l'accomplissement d'icelles, cette Famille religieuse reprendra sa premiere splendeur et respandra par tout la souëfve odeur dont elle a parfumé autrefois tout le païs..

  A024004501 

 Et d'autant que, a cause de plusieurs et divers negoces a Nous survenus n'y pouvons vacquer, avons, pour l'execution d'iceluy, commis, comme par ces dites presentes commettons, Reverend messire Jean Favre, docteur es droitz, chanoyne de Saint Pierre de Geneve, Nostre Officiai et Vicayre general par Nous establi en Nostre diocese, auquel mandons et commandons de proceder a l'execution dudit Bref selon sa forme et teneur.

  A024004501 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous qui ces presentes verront, sçavoir faisons: que Nous, ayant receu un Bref de nostre Saint Pere le Pape Paul cinquiesme, daté a Rome, pres Saint Marc, du vingthuitiesme septembre en l'annee derniere mil six cens et six, deuëment seellé, et signé COBELLUTIUS, par lequel il Nous est mandé de supprimer les Religieux de l'Ordre de Saint Augustin estant en l'abbaye de Nostre Dame d'Abondance, riere Nostre diocese, et au lieu et place d'iceux y mettre et establir douze moines de l'Ordre de Saint Bernard, de la Congregation de Nostre Dame des Feuillans, pour l'execution duquel sommes esté par ladite Sainteté commis.

  A024004502 

 En foy dequoy avons octroyé et octroyons ces dites presentes signees de Nostre main et seellees et contresignees par Nostre greffier..

  A024004530 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, juge commissaire spécialement délégué par le Saint-Siège Apostolique pour exécuter ce qui suit, à tous ceux à qui les présentes parviendront, salut dans le Seigneur.

  A024004532 

 Après que ces Lettres Apostoliques en forme de Bref eurent été présentées à Nous et acceptées par Nous, Nous fûmes requis, avec l'instance qui convenait, par le même Révérend seigneur Vespasien Aiazza, de daigner procéder à leur exécution.

  A024004532 

 C'est pourquoi Nous, Evêque de Genève, commissaire apostolique susnommé, spécialement délégué pour exécuter ce qui va suivre, considérant que ladite pétition est juste et raisonnable; voulant, comme Nous y sommes tenu, exécuter librement les commandements Apostoliques à Nous adressés: attendu qu'il est de Notre connaissance que la partie des bâtiments du monastère d'Abondance qui était réservée [468] et assignée à l'habitation de son Abbé, et à l'exercice de la juridiction touchant ce monastère a été cédée par l'Abbé dans le but d'empêcher que lui-même et sa famille gênassent aucunement l'observance de la discipline de la part des moines qui y vivent actuellement, et cela en vertu du contrat intervenu entre le même Abbé et les moines susdits, envers lesquels il s'est engagé d'agrandir et de diviser l'église dans le délai de trois ans, afin que les Offices des moines et du curé puissent se célébrer sans empêchement réciproque.

  A024004532 

 Tout cela ne pouvant s'effectuer qu'après un long espace de temps, si l'on se contente des revenus du monastère, qui ne dépassent pas la valeur de douze cents écus d'or, qui sont grevés de nombreuses charges ordinaires et extraordinaires, ainsi que d'une pension accordée et à fournir à l'Illustrissime et Sérénissime Charles-Emmanuel, duc de Savoie: Nous accordons, en vertu de la susdite autorité Apostolique, au Révérend seigneur Abbé, ou commendataire perpétuel de la Bienheureuse Marie d'Abondance actuellement en charge, ou à son légitime procureur, de louer et donner à cens, pour seize ans, à n'importe quelles personnes, même laïques, le membre de Présinges, d'une valeur annuelle de cent [469] écus, à compter du jour de l'accensement, au prix de mille écus à payer en argent comptant et par anticipation; ou bien d'hypothéquer et de céder à un juste prix à ces dites personnes le même membre, toujours pour l'espace de seize ans; en outre, d'hypothéquer d'autres biens du monastère avec tous et chacun des contrats, conventions, commissions, obligations, soumissions, clauses de renonciation et précautions nécessaires et ayant coutume de figurer dans les actes; ainsi que d'exiger de ces mêmes personnes les sommes dues et de leur donner quittance pour celles reçues; enfin, de placer ces sommes sur un édifice sacré ou chez une personne digne de confiance et pouvant répondre, dans le but de faire le plus tôt possible la construction en question, nonobstant la Constitution de Paul II, d'heureuse mémoire, et autres ordonnances.

  A024004533 

 Nous déclarons que ledit membre de Présinges, hypothéqué et donné à cens comme ci-dessus, restera hypothéqué pendant seize ans (même s'il arrive que le Révérend seigneur Abbé meure, ou que la commende cesse d'exister), et que, pendant cette période de temps, les successeurs dudit exposant seront tenus de maintenir l'hypothèque et accensement; décrétant sans valeur ni force tout ce qui serait attenté de contraire à ces diverses dispositions par quelle autorité que ce soit.

  A024004544 

 OCTROYEES PAR MONSEIGNEUR LE REVERENDISSIME EVESQUE.

  A024004548 

 sur le sommet duquel estant ce tres antique, sainct et miraculeux hermitage, jadis profané et demoly par l'envieuse malice du diable en l'introduction des heresies, non au mesme lieu du jour d'huy, mais a l'immediatement inferieur..

  A024004552 

 Lesquelz, avec licence et approbation de Monseigneur Reverendissime, science et patience, ains charitable rejouissance des seigneurs temporelz dudict Bon et Boege, et consentement des sieurs Curés desdictz lieux, ont des quelques années commancé d'habiter et restaurer a chaulx et sable ledict sainct hermitage, au desir et a l'edification du peuple catholique voisin, dont ilz ont aussy excité et augmenté, par la grace de Dieu, la devotion au culte d'iceluy et de la glorieuse et tousjours immaculée Vierge Marie..

  A024004553 

 Et Frere Jean Anthoine Rigault, hermite provençal, natif de la ville de Barjoulx, diocese de Frejus en la basse Provence du royaume de France; lequel, vestu et recommandé par le Reverend P. Inquisiteur General et Apostolique en Allemagne (ou ledict [474] Rigault enseignoit les langues vulgaires françoise, italienne, espagnole par la latine), et aussy recommandé par l'Illustrissime Legat de nostre Sainct Pere le Pape, resident audict pais en ville de Coullogne, fut receu en cest hermitage le onziesme julliet de l'annee dernier (sic), mil six centz dix neuf, a la priere et caution des RR. PP. Capuchins de ceste province ou du duché de Savoye, avec congé du sieur et Reverend Vicaire general, monsieur Rogez, soubz le futur bon plaisir de mondict seigneur Reverendissime se trouvant lors a Paris, qui, en consideration des susdictes recommandations, satisfaction du peuple, des bonnes mœurs et devotion dudict Rigault, consentement et desir desdictz Hermites, le tout par eux certifié, le leur donna et approuva pour leur confrere, et, en l'admettant audict hermitage, le sousmet, a sa propre requisition et comme les autres, a l'obeissance dudict Frere Jehan du Verney, prebstre, par ses lettres expresses du seiziesme jour de novembre, annee susdicte, mille six centz et dix neuf..

  A024004588 

 Les Advents seront par eux observés, estants en l'hermitage, comme le Caresme..

  A024004606 

 I re Reigle: De la mortification espirituelle (sic) par la corporelle.

  A024004608 

 A fin de mortiffier l'esprit par le corps, tous les vendredis, en l'hermitage, l'oraison matutine achevee, durant le recit du Psaulme Miserere mei, en penitence de leurs pechés et diminution des peynes des ames du Purgatoire, a l'honneur et commemoration de la discipline de nostre paix avec la justice de Dieu, volontairement soufferte par Nostre Seigneur et Redempteur Jesus Christ, les Peres hermites se la donneront aussi volontaire et par leur arbitre et mesure a leurs forces; si mieux n'aime qui ne la pourra tolerer, porter la haire ou cilice de crin trois jours de la sepmaine, ou jeusner au pain et a l'eau le vendredy, et comme les veilles le samedy, veu que a tous toutte penitence et austerité n'est pas convenable, aucune bien souvent plus contraire qu'utile au progres de la perfection.

  A024004610 

 II me Reigle: De la mortification corporelle par l'espirituelle.

  A024004612 

 Les Freres literés, hors d'aultre plus utile exercice, mortifieront le corps par l'esprit en l'estude des bonnes Lettres et livres les plus profittables a la fin de leur profession, et en la subjection non seulement des puissances executives et imperatives [de] la volonté, mais encor et principalement du jugement de leur intellect [a] celuy de leur Superieur en choses indifferentes, doubteuses et ambigues, non moins qu'aux necessaires, justes et convenables; car c'est par telz actes qu'on acquiert la vraye habitude de l'obeissance.

  A024004617 

 Les Freres, a l'imitation des Dames nonains de Saincte Ursule, et par le commandement expres de Monseigneur, en lieu d'Office chanteront le chappellet du sainct Rosaire, partie en latin, partie en langue vulgaire, afin que litterés et idiots y puisser t concourir..

  A024004625 

 Et veu qu'ilz ont prins a venerer le tres doulx et tres benit Nom de JESUS, a fin que tous le puissent faire, ilz finiront leur Office, les jours ouvriers, au matin par les Litanies du mesme tres auguste, sainct et vivifiant Nom de JESUS, le soir par celles de l'immaculée Vierge sa Mere, dictes de Lorette..

  A024004660 

 Et parce qu'ilz ne sont pas de nature angelique ains humaine (de quoy chascun se souviendra pour moderer tout zele indiscret), ilz recreeront et delasseront leurs esprits et corps environ trois quarts d'heure appres le disner; car appres le souper ilz n'auront rien de plus empreint en leur memoire que les tenebres de la mort par celles de la nuict, leur vive image, y attendant en bons serviteurs l'evenement tant incertain et redoutable du Seigneur..

  A024004661 

 La recreation commune sera temperée par quelque discours de matiere espirituelle, ou d'aultre au moins edifiante et dont l'esprit maling ne se puisse servir pour introduire aux leurs des mauvaises especes.

  A024004662 

 La recreation particuliere se reiglera par la commune, y fuyant, comme peste de la pieté et tranquillité des esprits, la medisance, censures et jugement des actions de qui que ce soit..

  A024004682 

 Les Peres hermites obeiront, comme a leur legitime Superieur commis par Monseigneur Reverendissime, au P. Jehan du Verney, prebstre, en touttes choses justes et conformes aux Reigles presentes, et luy a Monseigneur..

  A024004713 

 Et puisque contrariorum eadem est disciplina, nul des Freres ja nommés et receus, ny autre qui le soit de semblable chemin, ne pourra estre congedié ou privé que par la mesme voye de ladicte reception, et pour fautes sans espoir d'amendement, ou scandale irreparable et grave, appres touttefois que la clemence de Monseigneur Reverendissime les aura ouy, et autant de fois qu'elle les aura jugé dignes, absous.

  A024004713 

 Pour ce, a elle seule appartiendra l'interlocutoire en la definitive sentence, pour ne rendre la condition desdicts Hermites ridicule et plus sordide que celle des plus abjects valets du monde, et ce sainct lieu mesprisable et malheureux par defauït d'affection.

  A024004759 

 Durant l'edifice imparfaict, empeschans les Reigles de pieté susescrites les Freres de cooperer en choses ausquelles l'employer leurs forces et industrie est un grand jeusne, discipline et cilice, non moins que le monter et descendre, ilz en seront dispencés par ledict Reverend Jehan du Verney, et luy par soy mesme; et s'il est absent, par le dictamen de leurs consciences, les autres pareillement..

  A024004763 

 En cas de maladie, chasque Pere se dispensera, en l'absence de son Superieur; ou, en sa presence, sera par luy dispencé de l'obligation susdicte, pour raison de touttes les Reigles au dictamen de sa conscience, sans qu'il conçoive scrupule ny encoure peyne aucune..

  A024004767 

 Si en autres jours, pour eviter le concours de trois, l'un d'eux de conseil se transposera au samedy; de l'un aussy desquelz, si quattre jeusnes s'entresuivent, l'un sera relevé, de façon qu'on en retienne autant d'interrompus chasque sepmaine par autres non obligatoires, hormis le cas susdict du vendredy et samedy..

  A024004778 

 Nous, PIERRE FRANÇOIS JAY, Chanoine et Theologal de l'Esglise cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, avons leu diligemment les dictes Reigles par le commandement de Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, esquelles n'avons rien trouvé qui ne soit conforme a la doctrine de l'Esglise Catholique, Apostolique et Romaine, et aux bonnes mœurs, voire grandement faisant, autant que nous le pouvons entendre, a la perfection de la vie heremitique..

  A024004788 

 L'année susdicte mille six centz vingt, et le quinziesme du mois de juing, audict hermitage, en presence de nous, Jean Louis Questan, docteur en theologie et Chanoine de l'Esglise cathedrale de la ville de Geneve, a la requisition desdicts Hermites commis Surveillant dudict sainct lieu par Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de ladicte ville, et des tesmoins soubsnommés; personnellement constitués les susdicts quattre Hermites: Frere Jean du Verney, leur Superieur, Jehan Grilliet, Mermet Jorand et Jehan Anthoine Rigault, ont de leur bon gré, libre et franche volunté professé les susdictes Reigles entre noz mains, pour et au nom de mondict Seigneur Reverendissime, leur vray, legitime et immediat seigneur, maistre et protecteur tres clement, en la forme suyvante:.

  A024004792 

 Ilz ont, avec ceste moderation, promis et juré, promettent et jurent, par l'attouchement du sacrosaint Evangile en tel cas requis, a sa Seigneurie Reverendissime et, pour et au nom d'icelle, a nous, dict Surveillant (dheuement invoqué l'aide et grace de Dieu, l'intercession et merites de la tousjours benite et immaculée Vierge Marie sa Mere, et de tous leurs sainctz Patrons et Court celestielie), d'avoir di-je, lesdictes Reigles et leurs consequentes et dependantes tres aggreables, fermes et stables a jamais......

  A024004794 

 Quant a l'habit aussy et sa forme commandée par sa Seigneurie Reverendissime, assavoir: soutane, grand et petit manteau auquel soit attaché le capuchon rond et de mediocre grandeur, en estans [487] desjaz vestus, de la couleur et qualité assignée en la Reigle particuliere d'iceluy, ilz le retiendront sans changement..

  A024004805 

 Nous, Freres Jehan du Verney, prebstre, Jehan Grillier et Mermet Jorand, hermites de Nostre Dame de la Visitation du hault Mont de Voiron, a la veue de la ville de Geneve et dans le Diocese d'icelle: attestons et certifions a tous ceux qu'il appartiendra, devant Dieu et ses sainctz Anges, lesquels nous appelions en temoings de ceste verité par nous, de nostre propre volonté, attestée; que Frere Jean Anthoine Rigault, hermite provençal, admis, receu et confirmé pour nostre confrere par divers escrips authentiques de Monseigneur le Reverendissime Evesque et Prince de Geneve, a vescu, passé et finy parmy nous son an d'approbation, assavoir, des le unziesme julliet de l'annee derniere mil six centz dix neufz, jusques a ce jourd'huy, treiziesme dudict mois mil six centz et vingt.

  A024004825 

 Aussi tost que le Sacristain aura cloché deux coups sur la fin de Prime, a la leçon du Martyrologe, ilz retourneront tous necessairement au chœur pour faire l'orayson mentale, laquelle durera demi heure, sinon qu'il y eust quelque cause urgente de la faire plus courte; et se commencera par les Litanies des Saintz.

  A024004825 

 Les Hermites observeront en leur Office un tel ordre: le Sacristain sonnera en tout tems a quatre heures du matin; apres quoy, il fera bruire le resveille matin par le dortoir l'espace de troys tours, et un peu apres retournera sonner le dernier signe de l'Office.

  A024004827 

 Mays quand rien ne pressera, on dira Tierce et Sexte a neuf heures, None a midy, Vespres [491] a trois heures et Complies a six, finissant par l'orayson mentale de demi heure, laquelle, apres que les Freres seront assemblés au son de la cloche que le Sacristain donnera au Cantique de Simeon, se commencera par les Litanies de Nostre Dame..

  A024004828 

 Mays si quelquefois ilz ne se treuvent pas en nombre suffisant pour chanter, alhors, si le restant est prestre, il dira a haute voix les Litanies des Saintz; si c'est un Frere laïc, il recitera les Litanies de Nostre Dame, lesquelles, a tout le moins, ne s'omettront jamais et que tous seront obligés de sçavoir par cœur..

  A024004836 

 Que si, avec le tems, les Hermites pouvoyent avoir des rentes suffisantes par la charité des gens de bien, ilz s'arresteront sans plus et demeureront en i'hermitage pour vacquer avec plus de loysir a la sainte meditation et reception des pelerins..

  A024004837 

 Quand il se rendra intolerable, injuste et passionné outre mesure, les Freres conviendront par devant le Reverendissime Evesque, leur juge, ou son Vicaire general; toutesfois sans forme ni figure de proces, mais s'accusant simplement l'un l'autre, et s'excusant pareillement, sans injure ni animosité..

  A024004843 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux qui ces presentes verront, salut..

  A024004844 

 Le culte et honneur de l'Immaculee Vierge Marie estans, apres ceux de Dieu son Filz, les plus recommandés et utiles en tous besoins, principalement en la conversion des heretiques a l'Eglise Catholique, qui, pour ce, luy chante meritoirement: Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti in universo mundo, il semble que Nous ne sçaurions asses cherement recommander la restauration, voire l'amplification et ornement du tres antique bastiment de Nostre Dame de la Visitation du Mont de Voyron, a la veuë orientale de ladite ville de Geneve et a la meridionale de Lausanne, affin qu'on y venere autant et plus la mesme tres glorieuse Mere de Dieu que le diable ne la voulut mespriser, prophanant et ruinant ledit saint lieu par l'introduction de l'heresie aux susdites villes [et] en la [494] duché du Chablaix.

  A024004845 

 Nous donq, meus de si juste et puissante cause, combien que nous regrettions infiniment la pauvreté et misere des pauvres de ce païs, si est ce que, croyant tres bien employee la charité quilz feront a cest effect et pour l'entretien desdictz Hermites et leurs messagers, et qu'elle ne diminuera jamais, ains plustost augmentera leurs moyens par l'intercession de Nostre Dame: mandons a tous les RR. Recteurs, Curés, Vicayres et autres ecclesiastiques de ce diocese d'en edifier leurs ditz peuples et les informer, par la lecture de ces Lettres, que lesditz venerables Hermites, [495] ayans et observans des bonnes Reigles et offices de pieté et d'œconomie [sous un] Superieur et Surveillant particulier, vivent sous Nostre obeissance comme prestres et clercs seculiers et suivant les decretz des saintz Conciles, portant toutesfois le nom d'Hermites et l'habit blanc, par Nous dedié au sacré saint mystere de la Visitation, auquel ce tres devot et remarquable desert fut anciennement consacré.

  A024004858 

 Les femmes neanmoins y pourront entrer par tout, mays non pas coucher dans le dortoir.

  A024004863 

 Il faut oster l'autel qui est dedans le chœur, et tirer tout au long une separation entre le chœur et le maistre autel, qui soit faitte a colonnes de bois ou de fer, et en laquelle [498] il y aye une porte par laquelle ou les Religieuses puissent sortir pour se presenter a la Communion, ou le prestre puisse entrer pour la leur porter dedans le chœur; sinon que la separation fust faitte en sorte que les Religieuses se disposans en rang le long d'icelle, le prestre puisse les communier commodement entre les colomnes: ce qui me sembleroit plus seant et plus propre, et fort aysé pour la gravité de l'action.

  A024004865 

 On y lira quelque chapitre ou article des Regles, ou mesme de quelque livre qui traitte de la discipline religieuse; puis on conferera par ensemble des defautz et manquemens qui se seront commis es Offices et observances regulieres, si on en a remarqué, et des moyens d'y remedier, avec toute la charité quil sera possible..

  A024004886 

 Bien que le sacré Concile de Trente ait ordonné d'accorder à toutes les Religieuses un confesseur extraordinaire au moins trois fois par an, on ne le donne cependant jamais, surtout aux Religieuses [500] de Sainte-Claire qui, à cause de cela, souffrent beaucoup.

  A024004886 

 Item: quoique les Jubilés publiés en plusieurs occasions par le Saint-Siège autorisent chacune de ces Religieuses à appeler tel confesseur approuvé par l'Ordinaire qu'elle voudra, néanmoins les confesseurs ordinaires et autres Supérieurs de ces Monastères les empêchent d'user de cette liberté..

  A024004887 

 Quant aux Jubilés, que les Religieuses aient la liberté de demander par écrit aux Evêques ou à leurs Officiaux les confesseurs qu'elles désirent; et que ces ordonnances soient signifiées aux Provinciaux ainsi qu'aux Visiteurs, aux Supérieures des Monastères et aux Religieuses.

  A024004906 

 Revu sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée à Lyon, chez les Missionnaires de la Maison des Chartreux.

  A024004910 

 FRANÇOIS DE SALES et ADAM, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège Apostolique, Evêques, l'un de Genève, l'autre de Tripoli, délégués en cette affaire..

  A024004913 

 Les choses établies et non contraires aux saints Canons et aux décrets du Concile de Trente, ils devaient les confirmer; les abus de toute sorte, les faire disparaître; les bonnes et louables institutions, règles et discipline ecclésiastique, notamment le culte divin, les remettre en honneur par les moyens convenables, en tout ce en quoi ils les verraient péricliter.

  A024004913 

 Tout ce qu'ils auraient statué et ordonné, ils avaient le devoir de le faire observer, et forcer les désobéissants à s'y soumettre, par des censures, peines ecclésiastiques [506] et autres remèdes opportuns de droit et de fait.

  A024004913 

 « Ayant appris dernièrement que l'église Collégiale de Saint-Pierre, de la ville de Remiremont, diocèse de Toul, église à Nous et au Siège Apostolique immédiatement soumise, et où l'on affirme que, en plus de nos chères filles dans le Christ, l'Abbesse, faisant profession d'appartenir à l'Ordre de Saint-Benoît, [504] et les Chanoinesses, il y a d'autres clercs séculiers, en possession de canonicats, de prébendes ou autres bénéfices ecclésiastiques, tous formant un seul Chapitre: ayant donc appris que cette église a besoin de visite et de réforme, surtout sur ce point de Chanoinesses et de Chanoines constituant un seul Chapitre, et peut-être formant un même choeur pour la psalmodie; Nous donnâmes mission et ordre à Nos vénérables Frères l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul, et à vous, Evêque de Tripoli, par un motu proprio et d'après [505] Notre science certaine, ainsi qu'en vertu de la plénitude de la puissance Apostolique, par d'autres Lettres expédiées semblablement, en forme de Bref, afin que l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul, et vous, Evêque de Tripoli, ou bien les deux premiers, ou encore l'un d'eux en union avec vous, procédassent une fois seulement, à la visite de l'église susdite, aussi bien pour la tête que pour les membres.

  A024004914 

 Nous vous commandons, en effet, et ordonnons de faire tout ce qui a été dit plus haut et tout ce qui se trouve dans les mêmes Lettres, et vous accordons, par la teneur des présentes, la faculté de l'exécuter.

  A024004914 

 « Mais aujourd'hui, pour certaines causes qui agissent sur Notre esprit, déchargeant l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul sus désignés de l'obligation, à eux imposée par Nous, de visiter l'église, son Abbesse, ses Chanoinesses, et les Chanoines en question, et révoquant la faculté à eux concédée plus haut, Nous les remplaçons par vous, vénérables Frères, Evêques de Genève et de Chrysopolis; par une action, une science et une plénitude de puissance semblables, Nous confions le soin et donnons l'ordre à vous trois par les présentes, que, procédant à vous trois, ou au moins à deux de vous ensemble, vous mettiez à exécution les susdites Lettres, en en suivant la forme en tout et pour tout.

  A024004918 

 Avant de vouloir procéder à l'exécution de ces Lettres Apostoliques, Nous ordonnons, de par l'autorité à Nous déléguée dans cette affaire, que ces Lettres et tout ce qu'elles contiennent soient notifiés et intimés avant toutes choses aux Révérendissimes Pères et Seigneurs dans le Christ, Guillaume, Archevêque de Corinthe, et Jean, Evêque de Toul, dont il a été fait mention expresse dans les mêmes Lettres, par le premier clerc ou notaire apostolique requis pour cela, que nous députons spécialement pour cet effet.

  A024004927 

 Et par ce moyen, [510] les Superieurs cloistriers auroyent toute l'authorité convenable pour bien reformer les Monasteres, reduysant la portion des Religieux en communauté; et pourroit on aussi changer les Superieurs, par eslection de troys ans en trois ans..

  A024004928 

 Et affin que la reformation se fit plus aysement, il seroit requis que cet ordre se mit premierement a Talloyre, ou il y a des-ja un bon commencement de reformation, et par apres il faudroit sousmettre a Talloyre tous les Monasteres de l'Ordre de Saint Benoist, affin qu'on y installast la mesme reformation..

  A024004929 

 Et semble qu'il seroit expedient d'en retirer quelques uns dans les villes, comme par exemple, le Monastere d'Entremont a La Roche, pour accroistre la le nombre des chanoynes et y establir un notable service, avec un theologal et pœnitentier, eu esgard au voysinage et continuel commerce de ceux de Geneve avec ceux de La Roche..

  A024004929 

 Il y a, de plus, des Monasteres de Chanoines reguliers de Saint Augustin qui n'ont pas moins besoin d'estre reformés; ce que malaysement se pourra faire, sinon par changement d'Ordre.

  A024004930 

 On pourroit aussi en convertir d'autres en des Congregations de Prestres de l'Oratoire, comme par exemple, le Monastere du Saint Sepulchre de cette ville; et les autres, les annexer au College de cette ville, comme le prieuré de Pellionnex..

  A024004931 

 Or, ce que j'ay dit de retirer quelques Monasteres dans les villes pour accroistre le nombre des chanoynes, regarde le bien de la noblesse de ce païs, laquelle est nombreuse en quantité, mais la plus part pauvre, et laquelle n'a aucun moyen de loger honnorablement ses enfans qui veulent estre d'Eglise, sinon es benefices qui se distribuent dans le [512] païs, comme sont les cures et les canonicaux, lesquelz on pourroit introduire saintement, ne devant estre distribués que par le concours aux gentilzhommes ou docteurs..

  A024004938 

 Joint que de les [513] enfermer aux chams, esloignees d'assistance, c'est les faire prisonnieres miserables, mais non pas Religieuses ainsy que l'on pretend de faire par les bonnes exhortations qu'elles recevront dans les villes.

  A024004941 

 Mais affin qu'a mesme tems qu'on les reduyroit toutes es villes la reformation se fist, il serait requis que Sa Sainteté commist quelque Prselat qui establist es Monasteres tous les reglemens ordonnés par le Concile de Trente, et leur donnast des Superieurs auxquelz l'on peust avoir recours facilement..

  A024004942 

 Son Altesse donq, pour ce sujet, pourrait faire dresser une instruction a son Ambassadeur, affin quil obtinst deux commandemens de Sa Sainteté: l'un a l'Abbé de Cisteaux, General de l'Ordre dudit Cisteaux, a ce que promptement il fist retirer les Religieuses des monasteres de Savoye [514] dans les villes voysines, en lieu propre a leur demeure, en attendant qu'elles eussent fait un nouveau monastere; l'autre, a l'Evesque de Maurienne et a l'Evesque de Geneve, a ce qu'ilz tinssent main affin que tous les reglemens ordonnés par le Concile fussent establis non seulement es Monasteres de Cisteaux, mais en tous autres Monasteres de femmes qui sont en Savoye..

  A024004951 

 LE GRAND PARDON OCTROYE PAR NOSTRE SAINT PÈRE LE PAPE.

  A024004955 

 Nostre Saint Pere le Pape Clement VIII a concedé Indulgence pleniere a tous fidelles Chrestiens de l'un et de l'autre sexe, entrans au nombre des confreres de la Maison de Nostre Dame de Compassion, lesquelz contritz, confessés et communiés, en chascune ou quelqu'une des festes de Nostre Dame, des les premieres Vespres jusques aux secondes, visiteront l'esglise de ladite Sainte Maison de Nostre Dame de Compassion, au lieu de Thonon, pres Geneve, ou est instituee ladite Confrerie pour la conversion des heretiques; illec priant Dieu pour l'extirpation des heresies, pour l'exaltation de la sainte Eglise et pour la paix et union entre les princes chrestiens, ainsy qu'appert par Bulle authentique plombee, donnee a Romme l'unziesme (sic) du mois de septembre 1599..

  A024004957 

 Pour ce sont exhortés tous fidelles Chrestiens, principalement ceux qui n'auroyent eu commodité de venir au saint Jubilé dernierement celebré audit lieu, qu'ilz ne perdent a present un si riche [517] tresor et grace singuliere qu'ilz trouveront en ladite esglise, comme aussi de s'efforcer par bonnes œuvres honorer et protester la sainte foy Catholique audit lieu, pour la conversion des heretiques, a l'honneur de la divine Majesté..

  A024004968 

 A celle-cy le dais sera porté par quatre des confreres..

  A024004968 

 Apres qu'ils auront ensemblement chanté Vespres des premiers Dimanches de chasque mois, suivis de leur Recteur feront procession par l'ordinaire; mais la premiere feste de Pentecoste, celles des susdites de Nostre Dame, des SS. Fabien et Sebastien, de sainct Roch et du premier Dimanche d'octobre, feront la grande procession; pareillement le Jeudi Sainct et l'Octave de la Feste Dieu.

  A024004973 

 Les sœurs de la dite Confrerie feront à l'alternative les stations devant le tres Sainct Sacrement de l'autel aux heures qui leur seront assignees par billet, jusques à celles de six du soir du Jeudi Sainct, passé les quelles les dicts confreres les feront à la mesme forme jusques au lendemain, que le Sainct Sacrement sera remis au maistre autel; les quatre confreres qui se rencontreront alors porteront le dais..

  A024004978 

 Et si quelqu'un d'eux se trouve avoir manqué aux Offices par trois fois sans licence et excuse legitime, il en sera chassé par le sieur Prieur avec l'avis de ses Conseillers..


25-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXV-Vol.4-Opuscules.html
  A025000167 

 Mémoire concernant la Congregation de la Visitation, adressé à saint François de Sales par M gr Denis-Simon de Marquemont, Archevêque de Lyon, 20 janvier 1616.

  A025000214 

 De l'establissement des Novices en la Congregation par les vœux et oblation.

  A025000253 

 IV. Approbation et confirmation des Constitutions de la Visitation par l'archevêque de Lyon et l'evêque de Genève, 1 er juillet 1615 (Minute inédite).

  A025000259 

 Mémoire présenté par le Prince Cardinal Maurice de Savoie à sa sainteté Grégoire XV, Avril 1621 (Inédit) 254.

  A025000260 

 XI. Autre mémoire présenté par le Cardinal Maurice de Savoie au même Pontife, Avril 1621 (Inédit) 256.

  A025000262 

 A. Institution des Religieuses de Sainte Marie par M r de Genesve.

  A025000304 

 Quicomque a tant soit peu de connoissance de la discipline de l'Eglise ne peut ignorer que des son commencement il ny eut une tres grande quantité de filles et femmes consacrees au service de Dieu par le vœu de la sainte continence.

  A025000306 

 Or, presque toutes, tant les unes que les autres, mais [4] notamment celles de la premiere bande, qui vivoyent en congregation, estoyent consacrees par des vœux publiqs et grandement celebres; car, qu'est ce que saint Ambroise ne dit pas a la vierge descheüe sur ce sujet? Et ne tesmoigne-il pas que sa seur sainte Marceline fut consacree par le Pape Libere en l'eglise de Saint Pierre de Rome, et le propre jour de Nouel? Certes, c'estoyent ordinairement les Evesques qui celebroyent ces consecrations, comme il est ordonné au Concile de Cartage, auquel le grand saint Augustin assista, et par saint Leon le premier, escrivant aux Evesques d'Allemaigne et de France; et est commandé dans le Pontifical que l'on ne les face qu'es jours de feste ou de Dimanche..

  A025000307 

 Mays quand je dis qu'elles estoyent consacrees par des vœux celebres et publiqs, je ne veux pas pourtant dire qu'ilz fussent solemnelz de la solemnité dont les scholastiques et canonistes parlent, par laquelle les mariages contractés par les Religieuses sont totalement invalides; car encor que d'un commun consentement de tous les saintz Peres, et selon la parole du grand Apostre, les vierges et vefves qui par vœu et profession publique estoyent sacrees a Dieu, ayent tous-jours esté tenues en execration l'ors qu'elles rompoyent et violoyent leur vœu, si est ce que, comme dit clairement saint Augustin au livre Du bien de la viduité, leurs mariages subsistoyent; l'invalidité de telles noces ayant seulement esté introduite, premierement par l'authorité ordinaire de quelques Evesques en leurs diocœses, puis par le Concile general tenu a Rome environ l'an 1136 ou 1139 sous Innocent second.

  A025000308 

 Il y a donq eu ci devant et a encor en ce tems des Congregations de femmes consacrees a Dieu, en deux sortes: car les unes ont esté establies en tiltre de Religion par les vœux solemnelz, et les autres en tiltre de simple Congregation, ou par les vœux simples, ou par l'oblation, ou par quelque autre sorte de profession sacree.

  A025000311 

 Comme par exemple: cette Regle commande qu'on vaque soigneusement aux prieres, et les Constitutions particularisent le tems, la quantité et la qualité des prieres qu'il faut faire; la Regle ordonne qu'on ne regarde pas indiscrettement les hommes, et les Constitutions enseignent comme, pour executer cette Regle, il faut tenir la veüe basse, et le voyle sur le visage en diverses occurrences: de sorte que, pour le dire en un mot, la Regle enseigne ce qu'il faut faire, et les Constitutions comme on le doit faire.

  A025000311 

 Et de la vient, ainsy que les mesmes Docteurs remarquent, que les Regles, comme fondemens principaux de la vie religieuse, doivent estre appreuvees par l'authorité de l'Eglise catholique ou par Decret apostolique; mais les Constitutions, qui ne contiennent que les moyens et la methode de bien observer la Regle, n'ont nul besoin d'estre confirmees que par l'authorité des Superieurs ordinaires, ou par les Chapitres des Religions..

  A025000312 

 Et depuis, plusieurs Instituteurs de divers Ordres de Religieux ont laissé des autres tres saintes Regles, ou du moins des Constitutions qui tiennent lieu de Regle, pour leurs Congregations: comme le grand patriarche saint Benoist, duquel la Regle est si hautement louee par saint Gregoire le Grand, le seraphique saint François d'Assise, saint Bruno, saint François de Paule, le bienheureux Ignace de Loyole..

  A025000312 

 Je sçay bien qu'au commencement de l'Eglise les Congregations religieuses durerent quelque tems et firent des merveilles au service de Dieu sans avoir presque aucunes Regles escrittes, ains par la seule observance des coustumes que la commune pratique et devotion des ames qui s'estoyent assemblees avoyt introduites, et par la bonne conduite des Superieurs suivie de la parfaite obeissance des inferieurs, desquelz la simplicité et bonne foy tenoyent heureusement lieu de loy.

  A025000313 

 Aussi «nostre Sauveur habitant en luy,» comme parle saint Hierosme, luy inspira cette Regle tellement animee de l'esprit de charité, qu'en tout et par tout elle ne respire que douceur, suavité et benignité, et par ce moyen est propre a toute sorte de personnes, de nations et de complexions; si que ce grand homme apostolique Fescrivant, pouvoit bien dire, a l'imitation de l'Apostre: J'ay esté fait tout a tous, affin de les sauver tous.

  A025000313 

 Mais la grande authorité de saint Augustin, meritee par la tres excellente sainteté de sa vie et par l'incomparable doctrine dont il a orné l'Eglise, a fait qu'entre tous les legislateurs des Ordres religieux il a esté le plus suivi.

  A025000314 

 Et partant, affin que nul ne vous puisse troubler sur cette occasion, je veux prevenir leurs questions et demandes frivoles, et par mesme moyen esclaircir quelques difficultés qui pourroyent arrester vostre esprit en la lecture d'icelle..

  A025000314 

 Or, bien que cette Regle soit visiblement tressainte et que, comme appreuvee de l'Eglise, elle doive estre hors de toute censure, ains que le seul nom de celuy qui l'escrivit la deust rendre venerable a tous ceux qui portent [10] le tiltre de chrestien, si est-ce que la folle temerité des enfans du monde ne laisse pas de vouloir y treuver je ne sçay quoy a dire, par maniere d'affectee curiosité.

  A025000317 

 Et certes, puisqu'aussi bien faut: il ordinairement que les Superieurs moderent ou aggravent les loix punitives par la consideration des diverses circonstances qui accroissent ou diminuent les fautes, n'est-il pas bon de laisser les impositions des pœnitences a leur jugement et prudence?.

  A025000318 

 Il y a voirement en cette Regle quelques articles qui semblent n'avoir plus aucun usage: comme par exemple, de n'aller aux bains que tous les moys et que les Seurs ne sortent pas qu'accompagnees; car on ne doit plus sortir maintenant que pour des causes si grandes, si necessaires et rares qu'on peut dire en verité que les Seurs observantes ne sortent jamais.

  A025000319 

 En l'article qui dit: «Domtés vostre chair par jeusnes et abstinences selon que vostre santé le permet,» le bienheureux Pere ne donne pas liberté pour cela a chasque Religieuse de faire des austerités de sa teste, ni de discerner ce que sa santé luy permet; car au contraire, comm'il est porté en un autre article, c'est a la Superieure de faire distribuer les vivres, non egalement a toutes, mais a chacune selon quil est expedient.

  A025000319 

 Et au Livre premier des Mœurs de l'Eglise, (Inscrivant la façon de vivre des Religieux et Religieuses de son tems, il dit que plusieurs de forte complexion s'accommodoyent de vivre comme les infirmes, affin de ne point faire de particularité; et que, [12] quand les foibles refusoyent de boire et de manger ce qui leur estoit convenable, on les en tansoit, de peur que, par une vaine superstition, ilz ne se rendissent plus debiles que saintz, plustost malades que mortifiés. Ce qu'a la verité arrive a plusieurs, notamment parmi les femmes, qui, trompees de leur imagination, constituent la sainteté en l'austerité, et entreprennent plus aysement de priver leurs estomacs de viande que leurs cœurs de leur propre volonté..

  A025000320 

 Mais par ce que ces motz ne sont pas usités, on les a peu et deu changer en ceux de Mere, ou Abbesse, ou bien Prieure, ou Superieure; et par ce que le dernier et le premier de ceux ci sont plus simples et signifient la mesme chose que celuy de Praeposee, il a esté treuvé bon que vous les retinssies, notamment celuy de Mere, dautant que le saint Pere dit en fin: «Que les Seurs obeissent a la Superieure comme a leur Mere.».

  A025000321 

 De sorte qu'il n'y a donq point d'apparence qu'il ayt mis si souvent en sa Regle le mot de prestre pour celuy d'Evesque, puisque mesme les monasteres des filles et femmes estoyent en grand nombre au diocœse d'Hippone et que l'Evesque n'eut peu estre ainsy par tout.

  A025000321 

 Et presque en mesme sujet, au troisiesme Concile de Cartage, auquel le saint Pere fut present: «Lhors que les vierges sacrees seront destituees de leurs peres et meres qui les protegeoyent, qu'elles soyent retirees en quelque monastere de vierges par la providence de l'Evesque, ou bien par celle du Prestre, si l'Evesque est absent.» Ce sont les parolles du Concile.

  A025000321 

 Il est dit au bout de la Regle: «Que l'on obeisse a la Superieure, et beaucoup plus au Prestre qui a soin de toutes.» Mays, qui est donq ce «Prestre qui a soin de toutes»? Certes, dautant qu'en la Regle des Freres aussi bien qu'en celle des Seurs cett'obeissance au Prestre est souvent inculquee, ceux que j'ay veu des interpretes de cette Regle ont creu que c'estoyt l'Evesque; «dautant [13],» dit un d'entre eux, qui a fait de bonnes et belles remarques sur icelle, «que les Chanoynes reguliers en dependoyent; mays despuis que les Evesques et leur clergé se sont, par dispense apostolique, secularisés, cest ordre n'est plus gardé.» Or, a la verité dire, quant a ce point je ne puis consentir a cette interpretation; car encor qu'au commencement de l'Eglise les noms de praestre et d'Evesque fussent souvent confondus et passassent l'un pour l'autre, ainsy qu'il est aysé a voir es Actes et es Epitres des saintz Apostres, si est ce que du tems de saint Augustin ces motz n'estoyent plus en cet usage et n'appelloyt on pas les prestres Evesques, ni les Evesques simplement prestres, comme luy mesme le tesmoigne en l'epistre [14] quil a escrite a saint Hierosme; et ne me souviens pas que jamais saint Augustin en ayt usé autrement.

  A025000321 

 Mays ce qui m'oste du tout de doute en ce point, c'est que saint Augustin, en cette mesme Regle des Seurs, distingue clairement le prestre d'avec l'Evesque, disant que si quelque Seur «est convaincue d'avoir receu des lettres ou presens en secret, elle» doit estre «griefvement corrigee et chastiee selon qu'il sera advisé par la Superieure, ou par le Prestre, ou mesme par l'Evesque.» Ainsy est distingué le Prestre d'avec l'Evesque.

  A025000322 

 En foy dequoy, il appert par l'Estat de l'Eglise de Milan, que de 61 Monasteres de Religieuses qu'il y a, 46 sont sous la charge de l'Archevesque, n'y en ayant que 15 en celle des Reguliers.

  A025000323 

 Ce «Prestre», donq, dont il est parlé en la Regle, estoyt ou le Curé qui, comme a remarqué le docte Filesac, theologien de Paris, estoit jadis nommé simplement «le Prestre» par excellence; ou bien c'estoit le Prestre particulier, auquel l'Evesque avoit commis le soin du Monastere pour les choses spirituelles et administration des Sacremens.

  A025000325 

 Je n'ay pas estendu au long ce que le saint Pere met en l'article par lequel il defend l'amitié sensuelle entre les Seurs; d'autant que, selon la necessité de ce tems la et de la province en laquelle il vivoit, il marque certaines particularités peu conneues es contrees de deça, et dont la malice porte quant et soy tant d'horreur qu'il n'est pas besoin d'en exprimer plus clairement la prohibition..

  A025000327 

 Saint Augustin mesme, racontant l'ennuy extreme qu'il eut du trespas de sa mere, dit que pour s'en alleger il alla aux bains; ayant appris qu'ilz estoyent appellés par les Grecz d'un nom qui tesmoignoit leur efficace a chasser l'ennuy et la melancolie.

  A025000328 

 La charité anime les espritz des Saintz de differentes perfections et affections, et empesche quelques uns, comme saint Jaques le Mineur, d'aller aux bains, par la severité, y en faysant aller d'autres, comme saint Jean, par le juste soin de l'honnesteté et de la santé..

  A025000329 

 Ce que saint Bernard a dit en paroles differentes, mais en mesme sens: «Mieux vaut qu'un perisse que l'unité.» Et ce grand Pacome voulut expulser Sylvain et luy oster l'habit vint ans apres sa reception, par ce qu'il s'estoit rendu incorrigible en ses bouffonneries.

  A025000329 

 L'article de l'expulsion des incorrigibles est fascheux aux gens du monde qui ne voudroyent jamais revoir parmi eux les filles dont ilz se sont une fois deschargés, et ceux qui l'ont veu ci devant en vos Constitutions l'ont apertement blasmé; mays, comme disent les doctes Azor [20] et Lessius, apres plusieurs graves autheurs, c'est un article du Droit canon et de droit de nature, et par consequent de droit divin.

  A025000330 

 Car, quant a moy, je l'avois des-ja bien veue en la belle epistre 109 de saint Augustin; mais, ni je n'en avois [21] pas la memoire presente, ni je ne dressay pas ces Constitutions selon mon seul entendement, ains beaucoup plus selon la devote inclination des ames qui furent si heureuses d'estre appellees par l'Esprit de Dieu pour commencer cette si pieuse maniere de vie.

  A025000330 

 Certes, ç'a esté une speciale providence de Dieu, qu'entre toutes les Regles celle du glorieux saint Augustin ayt esté choysie pour servir de loy en vostre compaignie, puisque des-ja, par un secret instinct du Saint Esprit, vos Constitutions furent dressees au commencement en sorte qu'elles sont toutes conformes a cette sainte Regle, laquelle, par ce moyen, vous observies sans y penser avant qu'elle vous fut ordonnee, voire sans sçavoir quelle elle estoit.

  A025000330 

 En quoy je ne sçay comme quelques uns se sont trompés, pensant que vostre Institut soit ouvrage de ma seule cervelle, et par consequent moins estimable; car, je vous prie, de quelle authorité eussé je peu vous ordonner une telle retraitte et vous obliger a une telle sorte de vie, sinon par la concurrence de vostre propre eslection et volonté? Certes, les conseilz evangeliques ne peuvent estre convertis en commandemens par nos superieurs, si, de nous mesmes, librement et volontairement, nous ne nous obligeons a les observer par vœu, serment ou autre profession..

  A025000331 

 Que si, outre cela, j'authorisay vostre methode de servir Dieu, je ne fis rien que ce que je devois faire, comme declara asses le tressaint Pere Paul V quand, departant de belles et amples Indulgences a vostre Congregation, [22] il dit: «Pourveu qu'elle soit appreuvee et erigee par l'authorité de l'Evesque.».

  A025000332 

 Il donnera de l'amertume a vostre interieur, car il vous conduit a la parfaite mortification de vostre propre amour; mays il sera plus doux que le miel a vostre bouche, par ce que c'est une consolation nompareille de mortifier l'amour de nous mesmes pour faire vivre et regner en nous l'amour de Celuy qui est mort pour l'amour de nous.

  A025000332 

 Somme toute, mes tres cheres Filles, a Dieu soit honneur et gloire, qui de toute eternité prepara ces saintes Regles pour vostre Congregation et vostre Congregation pour l'observance de ces Regles, ayant mesme ordonné, par une conduite admirable de sa Providence, que vos Constitutions fussent tout ainsy que des ruysseaux qui coulent et tirent leur origine des propres paroles et de l'esprit d'icelles, comme de leur vraye source et tres pure fontayne; qui me fait hardiment vous prononcer cette exhortation: Venes, o Filles de la benediction eternelle, et comme il fut dit a Ezechiel et au cher bienaymé du Bienaymé de vos ames: Venes, tenes, prenes et manges ce livre, avales le, remplisses en vos poitrines et en nourrisses vos cœurs; que les paroles d'iceluy demeurent jour et nuit devant vos yeux pour les mediter et sur vos bras pour les prattiquer, et que toutes vos entrailles en louent Dieu.

  A025000333 

 Je vous prie, mes Seurs, ains je vous supplie et conjure, [23] mes Filles bienaymees, oyes, voyes et consideres: vous aves esté instruites jusques a present en ces observances, vous aves receu le voyle sacré sous icelles, par icelles vous aves esté multipliees et aves prins un saint accroissement en aage, en nombre et en pieté.

  A025000337 

 Revu en partie sur une copie faite par M. Michel Favre.

  A025000340 

 Quicomque a tant soit peu de connoissance des meurs et de la discipline de l'Eglise ancienne ne doutera certes jamais que des lhors il ny eut tres grande quantité de filles et de femmes dediees et consacrees a Dieu par le vœu de la sainte continence.

  A025000341 

 Or, celles de la premiere sorte, qui estoyent en congregation, vescurent, ce semble, toutes sans avoir des Regles escrites, sous la seule observance des coustumes introduites entre elles par leur commune devotion, jusques environ le tems de Constantin, que S t Pacome ayant receu sa Regle pour les hommes d'un Ange, il la donna par apres a la congregation des Seurs erigee a Tabenne, qui ne dura que quelque tems; et tost apres, S t Basile en l'Eglise grecque, et S t Augustin en l'Eglise latine; et sainte Melanie la Jeune, en Hierusalem, donna des loix a sa Congregation, ainsy qu'il est dit en sa Vie..

  A025000342 

 Mays la grande authorité de S t Augustin, meritee par [25] la tres illustre innocence de sa vie et par l'incomparable doctrine dont il a orné l'Eglise, a fait qu'entre tous les legislateurs des Religieux il a esté plus que nul autre suivi en la Regle quil a dressee; laquelle estant suave, benigne et vrayement digne de son tres doux esprit, et toute apostolique, il a rendu propre presque a toutes sortes de nations et de complexions.

  A025000343 

 Et il ny a point de doute pour ceux qui ont tant soit peu hanté les escritz des anciens Peres, que toutes ces Congregations de femmes ne fussent establies par des vœux publiqs et grandement celebres; car, qu'est ce que S t Ambroyse ne dit pas sur ce sujet a la vierge decheue? Et ne tesmoigne-il pas que sa seur S te Marcelline fut consacree le jour de Noel, en l'eglise de S t Pierre, par le Pape Liberius?.

  A025000344 

 Mays, pour parler avec les scholastiques et canonistes, ilz n'estoyent pas pourtant marqués de la marque de solemnité que despuis on y a adjousté, par laquelle les mariages contractés par les Religieuses professes sont invalides; car encor que d'un commun consentement de tous les saintz Pere ( sic ) et selon l'expresse parole du saint Apostre, les vierges ou vefves qui par vœu et profession publique estoyent consacrees, ayt ( sic ) tous-jours esté tenues en execration lors qu'elles rompoyent et violoyent leurs vœux, ou par mariage ou autrement, [26] si est ce que, comme dit clairement S t Augustin au livre Du bien de la viduité, leurs mariages subsistoyent; l'invalidité d'iceux ayant seulement esté introduite par droit ecclesiastique, et premierement par authorité de quelques Evesques en leurs dioceses, puis par le Concile general tenu a Rome l'an 1139, sous Innocent second.

  A025000345 

 De sorte qu'en fin il s'ensuit qu'il peut y avoir en la S te Eglise trois sortes de Congregations de femmes (car je ne parle point des autres): les unes, qui sont establies en tiltre de Religion par les vœux solemnelz; les autres, qui sont establies en tiltre de simple Congregation par les vœux simples; et les autres, qui sont en tiltre de Congregation [27] simple, par une simple oblation, sans aucun vœu.

  A025000347 

 ains il y a quelques articles en la Regle qui ne sont plus en usage: comme par exemple, de sortir de la Mayson pour les bains et pour quelques autres causes ordinaires; car on ne sort plus maintenant sinon pour des causes du tout necessaires et, par consequent, infiniment plus rares..

  A025000348 

 L'article par lequel il est dit qu'on expulse et rejette les incorrigibles du monastere et Congregation semble rude et fascheux; car les gens du monde ayans establis ( sic ) quelque fille en Religion, ne voudroyent que jamais, pour aucun cas, quel qu'il fut, on la peut renvoyer.

  A025000349 

 En l'article qui dit aux Seurs: «Domtes vostre chair par jeusnes et abstinence de manger et boire autant que vostre santé le permet,» S t Augustin ne donne pas pour cela liberté a chasque Religieuse de faire des austerités a son gré, ni de discerner quand sa santé luy permet de jeusner ou ne jeusner pas; car il est porté en un autre article, que c'est a la Superieure de faire distribuer les vivres, non egalement a toutes, mais a chacune selon quil est requis.

  A025000349 

 Et non seulement cela, mais en cet excellent chapitre trente troysiesme du premier Livre des Mœurs de l'Eglise Catholique, ou il descrit la maniere de vivre des Religieux et Religieuses de son aage, il dit que plusieurs de bonne complexion s'accommodoyent a vivre comme les infirmes, affin de ne point faire de particularité; et de plus, il dit encores que quant les foibles refusoyent de boire et manger ce qui leur estoit convenable on les en tansoit, de peur que, par une vaine superstition, ilz ne se rendissent plus tost debiles que saintz.

  A025000352 

 Et je croy que c'estoit selon sa naturelle inclination par laquelle, comme blanche colombe, il se vouloit laver, aymant la netteté et du cœur et du cors, et marchant comme un petit enfant en son innocente simplicité, avec plus de suavité et de confiance d'amour que d'attention a l'aspreté et a [30] la rigueur: tesmoin sa petite perdrix avec laquelle il se recreoit quelquefois.

  A025000354 

 L'article par lequel est prohibee l'amitié sensuelle entre les Seurs tend a ce qu'on ne tumbe en aucune tentation de certains pechés fort abominables que le grand Apostre S t Paul marque au premier chapitre de l'Epitre aux Romains.

  A025000354 

 Mays par ce qu'en ce tems le nom de telz pechés n'est jamais tant censuré qu'estant prononcé par ceux qui ne les nomment que pour les reprendre, corriger et detester, je n'ay pas estendu au long tout ce qu'en escrit le s t Pere; quoy que devant toute sorte de juste juge on deut pouvoir parler en asseurance apres un maistre de telle authorité.

  A025000361 

 Ce sont icy les choses que nous ordonnons estre observees par vous qui estes au Monastere:.

  A025000377 

 Et que ce qui est requis pour la nourriture et les vestemens soit distribué a une chacune d'entre vous par vostre Superieure, non pas egalement a toutes, parce que vous n'estes pas toutes de mesme complexion, mais a une chacune [32] selon qu'il sera besoin; car ainsy lises vous es Actes des Apostres (chapitres 2 et 4), que toutes choses leur estoyent communes et qu'on distribuoit a un chacun en particulier selon sa necessité..

  A025000387 

 Quand vous pries Dieu par Psalmes et cantiques, que ce que vous prononces de voix soit pareillement en vostre cœur; et ne chantes sinon ce que vous lises devoir estre chanté; mays ce qui n'est pas escrit pour estre chanté ne le chantes pas..

  A025000391 

 Domtes vostre chair par jeusnes et abstinence du manger et boire autant que la santé le permet.

  A025000396 

 Si on traitte differemment en viandes celles qui sont [34] delicates par l'accoustumance passee, cela ne doit pas fascher les autres qui par une autre accoustumance sont rendues plus fortes, ni ne leur doit pas sembler injuste.

  A025000397 

 Et celles ci qui sont plus vigoureuses ne se doivent pas troubler si elles voyent que, plus tost par support et compassion que par honneur, celles-la reçoivent des meilleures portions, affin que cette detestable perversité n'advienne, qu'au monastere ou, tant qu'il se peut, les riches sont rendues laborieuses, les pauvres soyent faites delicates..

  A025000397 

 Et si on donne quelque chose en viandes, en habitz, en lit, en couvertes, a celles qui viennent d'entre les delicatesses du monde au monastere, de plus qu'on ne donne aux plus robustes, et par consequent plus heureuses, celles ci auxquelles on ne donne pas ces particularités doivent penser combien celles la se sont demises de leur vie mondaine pour venir a la monastique, quoy que elles ne puissent pas arriver jusques a la sobrieté et frugalité des autres qui sont de plus forte complexion.

  A025000405 

 Que vostre habit ne soit point remarquable et n'affectes pas de plaire par les habitz du cors, mais par les habitudes du cœur; et que vos voyles ne soyent pas si rares que vos coeffeures puissent paroistre au dessous.

  A025000410 

 Et celle qui arreste son œil sur un homme et ayme qu'iceluy arreste aussi son œil en elle, ne doit nullement penser de n'estre pas veue en cett'action: certes, ell' est regardee, et par ceux qu'elle ne pense pas.

  A025000410 

 Et lors que, la langue demeurant en silence, les cœurs par des regars mutuelz s'entretiennent de l'impudicité, et que par une convoytise ilz se complaysent en des reciproques ardeurs, quoy que les cors demeurent purs d'impudicité la chasteté neanmoins perit es mœurs du cœur.

  A025000410 

 Mays, soit que nul ni prenne garde: comme se cachera elle de ce Spectateur d'en haut auquel rien ne peut estre caché? Doit on, je vous prie, estimer qu'il ne void pas nos actions par ce qu'il les void dautant plus patiemment qu'il les void plus sagement? Qu'a Celuy la donq la femme sainte craigne de desplaire, affin qu'elle ne veuille meschamment plaire a l'homme.

  A025000410 

 Qu'elle se resouvienne que Celuy-la void tout, affin qu'elle ne veuille estre mauvaysement regardee par l'homme; car d'iceluy est recommandee la crainte, et pour cette mesme cause ou il est escrit: Celuy est abomination au Seigneur, qui fiche et arreste l'œil..

  A025000410 

 Si vous jettes vos yeux sur quelqu'un, ne les arrestes toutefois sur aucun, car allant dehors il ne vous est pas defendu de voir les hommes; mais de les convoyter, ou [36] vouloir estre convoitee par iceux, c'est une faute criminelle; ni ce n'est pas seulement par le toucher, mais aussi par l'affection et par le regard que la femme est convoytee et convoyte.

  A025000414 

 Avant cela, toutefois, il faut faire voir la mesme faute a une ou deux autres, a ce que, par le tesmoignage de deux ou de trois, elle puisse estre convaincue, et reprimee par une convenable severité..

  A025000419 

 Mays avant qu'on face prendre garde de la faute aux autres, par lesquelles, en cas qu'elle la nie, elle puisse estre convaincue, si apres la premiere admonition elle ne se corrige pas il faut premierement advertir la Superieure, affin que, sil se peut, estant plus secretement corrigee, il ne soit besoin que les autres le sachent.

  A025000419 

 Que si elle nie, alors il luy faut opposer des autres Seurs, affin qu'elle puisse non [38] seulement estre reprise par une seule devant toutes les autres, mais que, par le tesmoignage de deux ou trois, elle soit convaincue..

  A025000423 

 Estant convaincue, elle doit estre corrigee par chastiment et punition, selon le jugement de la Superieure ou du Praestre.

  A025000423 

 Et ceci ne se fait pas avec cruauté, mais avec misericorde, affin que par une pestilente contagion elle ne perde plusieurs autres Seurs.

  A025000431 

 Que si pour ce sujet naissent entre vous des contentions et murmurations, quelqu'une par aventure se plaignant d'avoir des vestemens pires qu'elle n'avoit pas remis et d'estre tenue indigne de porter des habitz aussi bons qu'un'autre Seur, apprenes de cela combien vous estes mal en point es saintes habitudes interieures du cœur, qui estrives et debattes pour les habitz externes du cors..

  A025000434 

 Que vos vestemens soyent lavés selon quil semblera bon a la Superieure, ou par vous mesme ou par les foulons, affin que le trop grand desir d'avoir des vestemens netz n'attire des souilleures en l'ame..

  A025000438 

 Mays celle dont la necessité de maladie requiert qu'elle se baigne, qu'on ne retarde pas davantage, ains que cela se face sans murmuration, par l'advis du medecin, en sorte que, quand mesme elle ne le voudrait pas, il soit fait ce quil faut faire pour sa santé.

  A025000452 

 Celle qui par injure, malediction, ou reproche de crime offencera une autre, qu'elle se resouvienne de reparer au plus tost par satisfaction la faute qu'elle a commise; et celle qui a esté offencee, de pardonner sans contention.

  A025000452 

 Et partant, gardes vous des paroles dures, lesquelles si elles sont proferees par vostre bouche, qu'il ne vous fasche point de produire les remedes par la mesme bouche qui a fait la blesseure..

  A025000472 

 Qu'elle vous soit superieure par honneur devant les hommes, et que devant Dieu elle soit prosternee sous vos [44] piedz.

  A025000477 

 Playse a Dieu que vous observies toutes ces choses icy avec dilection, comme amoureuses de la beauté spirituelle, et comme odoriferantes des bonnes odeurs de Jesus Christ par la bonne conversation; non comme esclaves sous la loy, mais comme libres et affranchies, constituees sous la grace de Dieu..

  A025000481 

 Et affin que vous puissies souvent regarder en ce petit livret comm'en un mirouer et que vous ne negligies quelque chose par oubli, qu'il vous soit leu chaque semayne une fois.

  A025000484 

 Deux éditions des Constitutions pour les Religieuses de la Visitation dont le texte a été revu et corrigé par saint François de Sales, ont été faites de son vivant: l'une en 1619, l'autre en 1622..

  A025000492 

 Notre texte est celui de l'édition de 1622, sauf là où il présente des erreurs que corrige le Manuscrit revu par le Saint; dans ce cas, ce dernier doit, naturellement, avoir la préférence.

  A025000493 

 Les corrections faites par le Fondateur en vue de la seconde édition sont soulignées, dans notre texte, par un pointillé..

  A025000495 

 On en voit encore de la Mère de Chantal, même dans le texte écrit par son Bienheureux Père.

  A025000496 

 La Constitution Des trois rangs des Seurs est à la p. 56 du Manuscrit, avant celle de l' Election de la Superieure; le numéro 2 ajouté par le Fondateur indique toutefois son intention de la déplacer.

  A025000500 

 A — Copie corrigée par saint François de Sales (1621);.

  A025000503 

 D — Manuscrit écrit en partie par le Saint et en partie par M. Michel Favre (1618);.

  A025000507 

 En quoy, certes, elles sont dignes de grande compassion: car, qui ne plaindroit, je vous prie, une ame genereuse, laquelle desirant extremement de se retirer de la presse de ce siecle pour vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins le faire, faute d'avoir un cors asses fort, une complexion asses saine ou un aage asses vigoureux, la poursuitte qu'elle voudroit faire pour acquerir une plus grande sainteté, demeurant ou empeschee ou retardee par le manquement de la santé?.

  A025000507 

 Plusieurs filles et femmes, divinement inspirees, aspirent bien souvent a la vie religieuse, qui toutefois, ou par imbecillité de leur complexion naturelle, ou pour estre des-ja affoiblies par l'aage, ou en fin pour n'estre pas attirees a la prattique des austerités et rigueurs exterieures, ne peuvent pas entrer es Religions esquelles on est obligé a des grandes penitences corporelles, comme sont la pluspart des Congregations reformees qu'on void par deça; et par ce moyen sont contraintes de s'arrester emmi le tracas ordinaire du monde, exposees aux continuelles occasions de pecher, ou du moins de perdre la ferveur de la devotion.

  A025000508 

 En suitte dequoy on pourra, premierement, recevoir les vefves egalement comme les filles, pourveu que si elles ont des enfans elles en soyent bien et legitimement deschargees, et qu'elles ayent suffisamment pourveu a leurs affaires selon qu'il sera jugé expedient par le Pere spirituel et autres personnes de qualité sur l'advis desquelz on se puisse reposer; affin d'oster aux gens du monde toute occasion de murmurer, autant que faire se pourra, et de destourner l'inquietude que l'ennemy a accoustumé de donner par le soin inutile et indiscret qu'il suggere aux vefves des choses qu'elles ont laissees au monde..

  A025000510 

 A quoy le glorieux Pere saint Augustin a visé, marquant si cordialement en la Regle le support des infirmes, et tesmoignant asses par la qu'il veut que les infirmes soyent receues et qu'a leur consideration on n'amplifie point les aspretés.

  A025000517 

 Nulle Seur des autres rangs ne pourra non plus jamais proposer ladite admission, ains sera cette proposition reservee a la Superieure, apres avoir ouy l'advis des Seurs Coadjutrices ou Conseilleres; et laquelle prendra garde a ne point proposer telle admission que pour des Seurs qui, volontier et de bon cœur, auront esté douces, paysibles et humbles, et qui auront des talens convenables pour pouvoir servir es autres rangs, auxquelz, nonobstant tout cela, elles ne devront entrer que par les deux tiers des voix de la Congregation.

  A025000518 

 Les Seurs Domestiques ne prendront point de voyle noir a la Profession, ains seulement la croix d'argent, par laquelle elles seront differentes des Seurs Novices.

  A025000518 

 Mais elles ne seront nullement traittees differemment des autres, ni es habitz, ni es litz, ni au manger et boire, ni au soin de leur santé, ni es exercices propres a leur avancement spirituel, ni en autre chose quelcomque; ains seront traittees cherement et cordialement par la Superieure et par toutes les autres Seurs, puisqu'en cette Congregation doit vivre sans murmuration ni mespris, ains avec esgale dilection, Marthe et Magdeleine, en vrayes seurs et bienaymees de Nostre Seigneur..

  A025000524 

 La clausure s'observera selon les propres termes du sacré Concile de Trente qui sont telz: «Qu'il ne soit loysible a aucune Religieuse, apres la Profession, de sortir du monastere, non pas mesme pour quelque tems, pour court et brief quil puisse estre, ni pour aucun praetexte que ce soit, si ce n'est pour quelque cause legitime qui doit estre appreuvee par l'Evesque.

  A025000525 

 Quand le confesseur, medecin, apoticaire, cirurgien, masson, charpentier, ou tel autre qui par necessité et avec licence entrera dans le monastere, sera arrivé a la porte, deux Seurs le viendront prendre pour le conduire au lieu ou il doit faire sa charge, ayant auparavant fait sonner une clochette, affin que les Seurs se retirent en leurs chambres ou es lieux de leurs offices pour eviter d'estre rencontrees; ce qui se fera de mesme a la sortie, sans que les Seurs deputees a la conduite devisent avec ces personnes-la, sinon pour respondre..

  A025000530 

 Que si quelqu'une viole l'obeissance deue a la Regle, ou aux Constitutions, ou a la Superieure, elle sera soigneusement corrigee, et mesme par imposition de pœnitences et mortifications, selon la qualité de la faute, et tous-jours neanmoins en esprit de charité..

  A025000531 

 On excepte neanmoins les lettres du Pere spirituel, lesquelles estant receues par la Superieure seront remises a celles a qui elles seront addressees, sans estre ouvertes; comme de mesme celles que les Seurs escriront au Pere spirituel ne seront point veues par la Superieure, ains elles les remettront a celle qui en a le soin, pour estre cachetees et les faire rendre audit Pere spirituel.

  A025000532 

 Es occasions particulieres ou il sera requis de dispenser de l'ordinaire façon de vivre selon la Regle et de moderer les exercices pour quelques Seurs, ou mesme quelquefois pour toutes (ce qui ne se doit faire que pour des occurrences rares et signalees), la Superieure en aura le pouvoir: comme, par exemple, de dispenser une Seur de venir au chœur pour l'Office, de jeusner es jeusnes des Constitutions, de venir a la table commune, de parler a quelques uns le voyle levé, ou de faire la sainte Communion, et de dispenser mesme toute la Communauté du silence pour quelque juste occasion, de manger trois ou quatre fois l'annee hors des repas ordinaires; laquelle neanmoins devra estre fort attentive a bien observer la discretion, pour n'estre ni trop pliable, ni trop impliable.

  A025000532 

 Mays es choses d'importance et qui tirent consequence, comme, par exemple, de descharger tout a fait du jeusne et de la residence du chœur une Seur, et en pareilles occasions, elle prendra tous-jours l'advis du Pere spirituel et, sil est besoin, de l'Evesque, ainsy que la Regle dit..

  A025000534 

 Que si par quelque soudain et impreveu accident, ou faute d'attention, la Superieure ne commet pas la charge, celle des Seurs Surveillantes qui sera la plus ancienne en Religion l'exercera..

  A025000539 

 Et l'on void asses en la Regle le zele que le glorieux Pere a de cette vertu pour les Seurs, en la severité par laquelle il veut estre reprimés les seuls regards desreglés..

  A025000539 

 Puysque la pudicité est l'honneur du sexe feminin, et que le vœu de chasteté a tous-jours esté estimé fondamental es Congregations des filles et femmes, il n'est pas besoin de declarer combien les Seurs y sont obligees; car en somme, elles ne doivent vivre, respirer ni aspirer que pour leur Espoux caeleste, en toute honnesteté, pureté, netteté et sainteté d'esprit, de paroles, de maintien et d'actions, par une conversation immaculee et angelique.

  A025000556 

 puis les Seurs sont en liberté de relascher un peu leur esprit par quelque exercice exterieur, observant toutefois le silence..

  A025000587 

 Es processions esquelles on chante les Hymnes, on chantera par l'inflexion ordinaire; mays en celles esquelles on chante les Litanies, on pourra parfois varier le chant, comm'il est porté par le Directoire..

  A025000603 

 Les ouvrages que les Seurs prendront a faire des gens de dehors seront receus par la Superieure ou celle qu'elle deputera, sans qu'aucune autre ayt soin de cela.

  A025000606 

 On ne dira point quelles sont celles d'entre les Seurs qui font les ouvrages, ni aux Seurs a qui sont les ouvrages qu'elles font, ains seront rendus par quelque Seur deputee a cela..

  A025000607 

 Et bien que toutes les Seurs soyent obligees de faire les ouvrages qui leur sont donnés avec grande fidelité et diligence, si est-ce que, pour eviter toutes sortes d'empressemens et laisser aux Seurs la liberté de s'appliquer a l'orayson interieure, et ne point suffoquer l'esprit de devotion par une trop grande contrainte de s'employer aux ouvrages, la Superieure ne prefigera point aucun terme aux Seurs dans lequel leurs ouvrages soyent achevés, ains laissera cela a leur diligence et souplesse spirituelle, de-laquelle pourtant, en cas qu'elle les vist negligentes et paresseuses, elle les advertira ou fera advertir.

  A025000612 

 Quand il est requis que les Seurs parlent a ceux de dehors la Mayson, on observera que celle qui doit parler soit assistee d'une autre qui puisse ouïr ce qui se dira, sinon que, pour quelque respect, la Superieure treuve bon que la Seur qui parle soit veue et non ouye par celle qui l'assistera; laquelle, en ce cas, se retirera a part, faysant quelque ouvrage ou, si c'est jour de feste, lisant quelque livre ou faysant quelque orayson; et ce pendant prendre garde aux parolles (si elle doit ouÿr) et aux contenances de la Seur, affin d'en rendre conte a la Superieure..

  A025000624 

 On commencera la lecture par un chapitre des Constitutions, hormis le vendredi, qu'on lira les Regles tout au long du disner..

  A025000626 

 Outre les jeusnes commandés par la sainte Eglise, les Seurs jeusneront les veilles de la Trinité, Pentecoste, [71] Ascension, Feste Dieu, des festes de Nostre Dame, de saint Augustin, et tous les vendredis des la feste de saint Michel jusques a Pasques, sinon qu'en iceux escheut quelque feste de commandement; car en ce cas, le jeusne se remettra au samedi, auquel si encor il y avoit feste, le jeusne sera laissé..

  A025000633 

 Le voyle sera d'estamine noire, sans aucune doubleure, du moins d'autre couleur, et pendra par dernier jusques a demi pied plus bas que la ceinture; le bandeau du front, noir; la barbette, de toyle blanche mediocre, sans plis, et ne porteront ni attifez, ni empoy, ni chose quelcomque qui ne ressente entierement la simplicité religieuse et le mespris du monde..

  A025000639 

 Mays celle qui aura fait quelque [73] faute notable demandera par apres pardon a la Superieure en esprit d'humilité et de sousmission..

  A025000639 

 Si quelqu'une fait quelque faute qui se puisse reparer, celles qui s'en appercevront la repareront doucement et, s'il se peut, insensiblement: comme, par exemple, si celles qui commencent les Psalmes avoyent pris l'un pour l'autre, les autres qui s'en apperçoivent, sans faire semblant de cela, reprendront le Psalme laissé, le poursuivant sans empressement.

  A025000647 

 Et tant pour l'election comme pour la deposition, on rapportera a l'Evesque ou a son Vicayre general ce qui aura esté fait, affin qu'il l'appreuve, et qu'en cas que le Pere spirituel et la Superieure ne fussent pas de mesme advis, il determinast l'election ou la deposition par son authorité..

  A025000648 

 Il prendra encor de l'Evesque l'authorité pour donner les dispenses de travailler ou faire travailler es jours de festes, quand il jugera qu'il soit requis, et de dispenser pour l'usage des viandes prohibees en Caresme, jours de jeusne, vendredis et samedis, quand la Superieure jugera qu'il en soit besoin par l'advis des medecins.

  A025000648 

 Le Confesseur ordinaire devant estre si bien qualifié, le Pere spirituel luy laissera toute la charge des affaires spirituelles ordinaires du Monastere, ouy mesme d'octroyer les congés par escrit, pour faire entrer, selon les Constitutions, les charpentiers, maçons, laboureurs, medecins, cyrurgiens et autres personnes dont les entrees sont fort souvent requises, affin que les Peres spirituelz soyent tant moins importunés et incommodés et qu'on n'ayt recours a eux que pour les choses de grande consideration.

  A025000650 

 Il prendra un soin particulier a ce que, ni par l'imposition des penitences extraordinaires, ni par les conseilz et advis qu'il donnera en confession, rien ne se face qui puisse troubler l'ordre et le train du Monastere, autant que faire se pourra, et mesme affin qu'on ne s'apperçoive de l'estat des consciences des Seurs qui se sont confessees.

  A025000669 

 La Superieure tiendra par tout le premier rang et l'Assistente le second, comme vicaire de la Superieure; mais elles ne laisseront pas pour cela de s'exercer aux offices de l'humilité, comme de ballier, laver les escuelles, nettoyer les malades une chacune a son tour.

  A025000669 

 [78] ira par tout la derniere, quoy que la Superieure la puisse employer a se conseiller, et qu'en toutes autres occurrences on luy doive du respect..

  A025000677 

 Qu'elles soyent humbles, douces, cordiales et franches entre elles, se respectant amiablement et s'entresaluant par l'inclination de la teste lhors qu'elles se rencontreront, sans pourtant s'arrester les unes avec les autres en devis, ne parlant que pour choses necessaires, sinon lhors qu'il leur sera permis..

  A025000681 

 Estant adverties en Chapitre ou au refectoir de leurs defautz, elles recevront avec humilité l'advertissement, sans replique ni excuse, ni n'en parleront point hors de la, ni d'aucune autre chose qui s'y face ou dise; ains garderont [80] la reverence deue a toutes telles actions, mortifications et humiliations, non seulement faites de leur propre mouvement, mais beaucoup plus lhors qu'elles sont enjointes ou qu'elles leur sont faites par la Superieure, regardant avec estime tous ces moyens comme inspirés de Dieu pour leur avancement..

  A025000686 

 Elles n'entreront point dans les chambres des offices les unes des autres sans congé et n'y prendront rien qu'elles n'en advertissent la Seur qui en a la charge, et par apres auront soin de le rapporter en tems convenable..

  A025000691 

 Bienheureuses seront celles qui prattiqueront naïfvement et devotement cet article, qui enseigne une partie de la sacree enfance spirituelle que Nostre Seigneur a tant recommandee, delaquelle provient et par laquelle est conservee la vraye tranquillité de l'esprit..

  A025000691 

 Tous les moys les Seurs descouvriront leur cœur sommairement et briefvement a la Superieure et, en toute simplicité et fidele confiance, luy en feront voir tous les replis avec la mesme sincerité et candeur qu'un enfant monstreroit [81] a sa mere ses esgratigneures, ses foroncles ou les piqueures que les guespes luy auroyent faites; et par ce moyen rendront compte tant de leur avancement et progres que de leurs pertes et defautz es exercices de l'orayson, des vertus et de la vie spirituelle, manifestant encor leurs tentations et peynes interieures, et non seulement pour se consoler, mays aussi pour se fortifier et humilier.

  A025000692 

 Comme aussi une chascune lira les Constitutions et Directoires particuliers qui regardent son office ou condition, tous les moys, avec pareille devotion que si alhors ilz leur estoyent donnés nouvellement; et Dieu leur donnera tous-jours des nouvelles lumieres par la lecture d'icelles.

  A025000695 

 Que si la faute estoit d'importance et secrette, celle qui l'aura apperceue fera doucement et amiablement la correction fraternelle, selon l'Evangile, jusques a trois foys; apres quoy, si la defaillante persevere en ses fautes, elle sera deferee a la seule Superieure, affin que par tous les moyens possibles elle y remedie; mays si la faute n'est pas secrette, elle en advertira la Superieure d'abord.

  A025000696 

 Et lhors elles se prieront l'une l'autre de faire soigneusement cet office reciproque, lequel par apres elles prattiqueront fidelement, sans monstrer aucune sorte de degoust ou de desfiance, se gardant neanmoins de mesler en leurs corrections la censure ou murmuration pour les imperfections d'autruy..

  A025000704 

 Et attendu qu'en toute assemblee faite au nom de Dieu il se treuve au milieu, les Seurs doivent assister en celle ci, qui est vrayement faite en ce tressaint nom, avec grande reverence, devotion et attention, s'imaginant de voir Nostre Seigneur au milieu d'elles, par l'ordonnance et inspiration duquel leur sont dites plusieurs choses pour leur perfection..

  A025000709 

 Les denrees seront receues par l'Œconome, qui rendra conte de moys en moys a la Superieure, en presence de la [85] Portiere et d'une des Surveillantes.

  A025000709 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a troys clefz, dont une sera gardee par la Superieure, l'autre par la Portiere et la troysiesme par l'Œconome; et sera tenu roolle des sommes qu'on recevra, avec les particularités du jour et des personnes qui les delivreront, et les causes pour quoy..

  A025000710 

 Lhors que par le commandement de la Superieure on prendra ce qui sera requis pour les necessités de la Mayson et des Seurs, l'on fera un autre roolle qui contiendra les sommes tirees, escrit de la main de l'une de celles qui garderont les clefz, et les causes pour quoy elles ont esté tirees; et sera signé de la main de la Superieure et de l'autre qui garde les clefz, affin que, au bout de chasque annee, un peu avant Noel, toutes les Officieres ensemble avec la Superieure facent sommairement un estat de tout ce qui s'est passé au maniement exterieur de la Mayson, lequel estat sera representé au Superieur en la Visite..

  A025000711 

 Et quant a la despense journaliere, l'Œconome en aura le soin, faysant faire les employtes requises par l'une des Seurs Tourieres..

  A025000717 

 Mays quant a la Visite, il seroit expedient qu'elle se fist par l'Evesque mesme, avec l'assistance du Pere spirituel et du Confesseur ordinaire..

  A025000723 

 Comme l'ame et le cœur respandent leur assistance, mouvement et action en toutes les parties du cors, aussi la Superieure doit animer de sa charité, de son soin et de son exemple toute la Congregation, vivifiant par son zele toutes les Seurs qui sont en sa charge, procurant que les Regles soyent observees le plus exactement qu'il se pourra, et que la mutuelle charité et sainte amitié fleurisse en la Mayson.

  A025000726 

 Et partant, lhors qu'une foys le moys les Seurs luy rendront conte de leurs ames, elle les examinera, s'enquerant discrettement de l'estat present de leur esprit, pour par apres les ayder, exciter, corriger ou soulager..

  A025000728 

 Elle eslevera avec un amour paternel les Seurs qui, comme petitz enfans, seront encor foibles en la devotion, se resouvenant de ce que dit saint Bernard a ceux qui servent les ames: «La charge des ames,» dit il, n'est pas des ames fortes, mais «des infirmes; car si quelqu'un te secourt plus qu'il n'est secouru de toy, reconnois que tu es non son pere, mais son pair.» Les justes et parfaitz n'ont point besoin de superieur et conducteur; ilz sont eux mesmes leur loy et leur direction, par la grace de Dieu, et font asses sans qu'on leur commande.

  A025000731 

 Qu'elle ne concede point aysement a pas une l'usage des Sacremens plus frequent que celuy qui est porté par les Constitutions, de peur qu'en lieu d'une amoureuse et respectueuse Communion, il ne s'en face plusieurs par imitation, jalousie, propre estime et vanité..

  A025000736 

 Et que l'on prenne l'advis du Pere spirituel et de quelques uns des principaux amis de la Mayson et des mieux entendus, lesquelz conseillans d'entrer en proces, la Congregation se tiendra grandement sur ses gardes a ce que rien ne se passe de son costé avec injustice, par animosité, contention et passion, ni en paroles, ni en escritures, ni en œuvres.

  A025000741 

 La Superieure estant esleuë, avant toutes autres choses doit choysir quatre Seurs qu'elle jugera plus propres pour luy donner conseil es occurrences, avec lesquelles elle conferera pour l'ordinaire de quinze en quinze jours des affaires tant spirituelles que temporelles de la Mayson, sans toutefois leur communiquer aucunement l'estat des ames qu'elle aura appris par la reddition des comptes qu'en font les Seurs tous les moys..

  A025000755 

 En toutes les occasions esquelles la Superieure ne pourra pas estre presente, l'Assistente tiendra le pouvoir et le lieu d'icelle (horsmis au chœur, ou elle se tiendra en sa place, qui sera tous-jours la premiere et la plus honnorable apres celle de la Superieure), et par consequent elle sera soigneuse de se treuver par tout ou les Seurs seront assemblees, pour les tenir en respect et faire observer la Regle..

  A025000757 

 Elle prendra garde qu'on ne reçoive en la Mayson aucun livre que par la permission du Pere spirituel ou du Confesseur ordinaire, si ce sont des livres nouveaux.

  A025000758 

 Elle deputera toutes les semaines les lectures, tant pour la premiere que seconde table, et corrigera les defautz de celles qui liront, si elles lisent trop precipitamment, ou qu'elles ne prononcent pas bien, ou qu'elles facent quelque autre manquement; mays elle fera elle mesme la lecture qui se fait le soir pour la meditation du lendemain, ou bien la fera faire par quelque Seur qui lise bien et clairement..

  A025000759 

 Elle aura un particulier soin du zele de la Regle et advertira la Superieure du manquement qui y surviendra; et aura memoyre que, comme lieutenante de la Superieure, elle doit en tout et par tout conspirer avec elle pour le [94] bon estat de la Mayson et avancement des Seurs en la perfection, suyvant au plus pres qu'il luy sera possible non seulement les ordonnances, mais encor les intentions de la Superieure..

  A025000760 

 S'il se presente quelque affaire duquel on ne puisse differer la resolution, Ihors que la Superieure empeschee de maladie ou autrement n'y pourra pas prouvoir, elle s'en resoudra elle mesme avec l'advis des Seurs que la Superieure employe pour se conseiller, en advertissant par apres la Superieure si tost qu'il se pourra bonnement faire..

  A025000768 

 Or, ce qu'elle taschera le plus de leur faire concevoir et bien entendre, c'est principalement l'intention qu'elles doivent avoir eue en l'eslection qu'elles ont faite d'abandonner [95] le monde pour se retirer au monastere: qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu, mortifiant leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, pour rappeller toutes leurs forces au service de l'Espoux celeste, par une chasteté toute pure, une pauvreté despouillee de toutes choses et par une obeissance establie en une parfaite abnegation de sa propre volonté; et que, en somme, cette Congregation est fondee spirituellement sur le mont de Calvaire, pour le service de Jesus Christ crucifié, a l'imitation duquel toutes les Seurs doivent crucifier leurs sens, leurs imaginations, passions, inclinations, aversions et humeurs pour l'amour du Pere celeste..

  A025000771 

 Sur tout elle taschera d'imprimer dans le cœur de ses Novices que toutes les Seurs de la Congregation ne doivent avoir qu' un seul cœur et qu' une seule ame, avec memoyre continuelle que Nostre Seigneur, par son inspiration et vocation, et Nostre Dame, par une secrette Visitation de laquelle elle a visité leur cœur, les a jointes et unies ensemble, affin que jamais elles ne fussent separees d'amour et de dilection, ains qu'elles demeurassent en unité d'esprit par le lien de charité, qui est le lien de perfection..

  A025000793 

 La Superieure choysira a son gré une des Seurs qui aura charge de l'admonester des fautes qu'elle commettra, et a laquelle toutes les Seurs s'addresseront pour faire faire la correction par icelle a la Superieure, affin que la Superieure, qui doit ayder et corriger toutes les autres, ne demeure pas elle seule privee du bien d'estre aydee et corrigee.

  A025000795 

 Elle prendra garde de ne point importuner l'esprit de la Superieure par des trop frequentes et inutiles reprehensions: comme elle feroit si, pour des fautes legeres et passageres et qui ne tirent point de consequence, elle venoit a tous propos faire des advertissemens..

  A025000806 

 Elle prendra deux foys l'annee avec soy les Surveillantes pour visiter soigneusement tous les offices et tout le reste de la Mayson, pour, par apres, faire le rapport a la Superieure si tout est en bon ordre et estat; et outre cela, elle mesme fera cette visite selon qu'elle jugera estre expedient..

  A025000826 

 Elle ne fera aucun message de dehors aux Seurs, ni des Seurs a ceux de dehors sinon par l'ordre de la Superieure, ou bien de la Directrice en ce qui regarde les Novices..

  A025000838 

 Elle ira le matin, avant que sonner l'orayson, par toutes les cellules des Seurs pour voir si quelqu'une, par incommodité, ne peut pas venir a l'Office; et si elle en treuve, elle en advertira la Superieure..

  A025000839 

 On ne fera point de poupees en toute la Mayson et moins en mettra-on sur l'autel, ni pour representer Nostre Seigneur, ni Nostre Dame, ni les Anges, ni choses quelcomques; ains on aura des images bien faites et appreuvees par le Pere spirituel, notamment celles qu'on met sur l'autel..

  A025000840 

 Et parce que les particularités du soin que doit avoir la Sacristaine pour la proprieté et bienseance de toutes les [105] choses sacrees qu'elle a en sa charge sont en trop grand nombre, on luy en doit faire un Directoire a part; et qu'elle l'ayt tous-jours devant les yeux, en le lisant tous les moys, affin de ne point manquer a tout ce qui sera par escrit, la Congregation ayant interest nompareil que cette charge soit passionnement bien exercee..

  A025000854 

 Celle ci aura la charge de tous les habitz et chausseures des Seurs, comme aussi des lictz et de toutes leurs appartenances; dequoy elle tiendra un roolle, et les conservera diligemment, prenant garde que tout cela soit en bon ordre et raccommodé selon le besoin, si que rien ne s'y gaste par negligence et que rien n'y soit contraire a la pauvreté et simplicité..

  A025000883 

 Elles demeureront deux annees Novices, passees lesquelles elles seront establies en la Congregation par le vœu simple d'obeissance et l'oblation, comme il sera dit..

  A025000886 

 La Superieure leur ouvrira son sein maternel comme au reste des Seurs, allegeant leur travail corporel par ce soulagement spirituel..

  A025000888 

 Elles ne doivent entrer en aucune mayson ni manger dehors sans l'avoir demandé a la Superieure, sinon qu'il y eust quelque necessité qu'elles n'eussent pas peu prevoir avant que sortir; ni ne parleront ni s'amuseront par les rues, sinon pour les affaires qu'elles y auront..

  A025000892 

 Et quand la Superieure jugera qu'il en soit tems, elle fera faire la demande de l'entree par la pretendante en plein Chapitre, puis elle prendra les voix de toutes les Seurs; et si la Superieure avec la pluspart des Seurs s'accordent a la reception, on l'admettra au premier essay, le tout neanmoins ayant prealablement pris l'advis du Pere spirituel qui, de son costé, s'enquerra des conditions de la fille affin de mieux conseiller les Seurs en cette occurrence..

  A025000900 

 Et ce pendant, on la fera preparer par meditations et oraysons a faire une bonne confession generale, sinon qu'elle l'eust des-ja faite, en sorte que le Pere spirituel et la Superieure jugeassent qu'il ne fust pas expedient de la refaire encor une foys; auquel cas on luy fera seulement faire une confession despuis la generale qu'elle aura faite.

  A025000900 

 Et elle, par apres, dira de gros en gros ses inclinations, humeurs et passions qui ont jusques a l'heure principalement [113] regné en elle, faysant un abbregé de l'histoire de sa vie, tant du mal que du bien, avec confiance et fidelité, affin que la Superieure entende mieux comme il la faut conduire et faire exercer, gardant comme un secret de conscience tout ce qui luy aura esté dit pour ce sujet..

  A025000902 

 Et sur tout on procurera que la Novice esgale et applanisse ses humeurs et inclinations a la regle de la charité et discretion: c'est a dire, qu'elle apprenne a ne point vivre selon ses humeurs, passions, inclinations et aversions, mays selon l'ordre de la vraye pieté, ne pleurant, riant, parlant, se taysant que par rayson, et non quand le caprice ou fantasie luy en vient: en sorte qu'elle reserve les demonstrations de sa joye ordinaire pour les recreations; l'inclination de se taire, pour le silence; celle de pleurer, quand la grace l'excitera aux larmes de devotion, sans les employer en des frivoles occasions.

  A025000910 

 Le jour de la feste de saint Michel, la Superieure advertira toutes les Seurs Professes de se preparer a faire le renouvellement de leurs vœux pour le jour de la Presentation de Nostre Dame; et pour s'y preparer, elles feront chacune la retraitte, selon qu'il sera ordonné par la Superieure..

  A025000921 

 S'il se treuvoit que deux Seurs eussent esgalement des voix, il faudra alhors que le Pere spirituel escrive leurs noms en une feuille, tirant une ligne a l'endroit de chascun d'iceux; puys les Seurs sortiront et viendront l'une apres l'autre a luy, et diront laquelle des Seurs elles desirent, et il la marquera par la traverse, en sorte que nul ne puisse voir le papier ou se font les marques, ni ouyr les voix, sinon le Pere spirituel et celuy qui l'accompaigne.

  A025000923 

 La Superieure estant esleuë et ayant choysi celles que, selon Dieu, elle jugera estre plus propres pour exercer les charges d'Assistente et Coadjutrices, elle les proposera au Chapitre, et l'eslection s'en fera par la pluralité des voix.

  A025000935 

 Quand on fait ou qu'on laisse a faire quelque chose par desdain et mespris de la Regle..

  A025000936 

 Quand on contrevient a l'obeissance que la Superieure impose en ces termes ou semblables: «Je commande au nom du Saint Esprit», ou «sous peyne de peché mortel.» Mays la Superieure ne doit jamais faire telz commandemens que pour des choses de tres grande importance, et ce par escrit, s'il se peut..

  A025000937 

 Quand le Pere spirituel ou l'Evesque commandent ou defendent quelque chose sous peyne d'excommunication majeure qui soit encourue par la transgression mesme..

  A025000940 

 Mays, comme il appert, ce n'est pas la Regle ni les Constitutions qui en ces cas causent le peché, ains les circonstances qui de leur nature le causeroyent en toutes autres occasions; car ce seroit tous-jours peché aux seculiers mesme de faire ce qui est peché en soy, de laisser ce qui est requis au salut, d'enfreindre quelque loy par mespris, de violer les vœux, de scandaliser le prochain, de se relascher a quelque passion desordonnee..

  A025000940 

 Quand on fait quelque manquement en la Regle par quelque desordonnee passion: comme, par exemple, de [120] n'aller pas au chœur aux heures marquees par une grande negligence et paresse; de manger hors du repas par une grande avidité et friandise; de rompre le silence, par cholere, et autres semblables, bien que telz pechés ne soyent pas souvent mortelz.

  A025000947 

 On ne recevra aucune sepulture de dehors que de ceux qui, par quelque signalé bienfait, auront obligé le Monastere, ou desquelz la devotion singuliere meritera exception, avec permission neanmoins et dispense particuliere de l'Evesque.

  A025000949 

 Nous, FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, et commis par nostre Saint Pere Paul cinquiesme pour l'erection, establissement et institution du Monastere de la Visitation sous la Regle de saint Augustin, avons dressé et de nouveau examiné et appreuvé les Constitutions ci devant escrites, ordonnant et establissant de Nostre authorité, ains plustost de l'authorité Apostolique a Nous commise pour ce regard, icelles Constitutions devoir estre a perpetuité inviolablement observees et gardees audit Monastere et par toutes les Seurs d'iceluy..

  A025000956 

 Comme chose que le S. Esprit à si grand sien favory a dicté luy mesme, pour le bien non d'une mais de plusieurs Congregations religieuses, ces Constitutions doyvent estre publiees par l'impresse que trop plus que licitement s'en doit faire.

  A025000960 

 Ces Regles dressees par ceste grande lumiere de l'Eglise sainct Augustin, et les Constitutions y adjointes par une autre grande lumiere de ce siecle, sont autant de rayons qui, faisants jour aux ames assizes en tenebres et a l'ombre du monde, addressent leurs pas au chemin de la paix et du repos interieur, les conduisant efficacement à la perfection religieuse apres les avoir souefvement introduictes à la vie devote et faict savourer le sacré miel de l'amour de Dieu.

  A025001013 

 Ajouter aux deux points, qu'elles demanderont aussi leurs autres nécessités; que la lecture se commence par un article des Constitutions; que tous les vendredis l'on lise la Règle au dîner, cela se peut facilement.

  A025001040 

 P. B. — On ne parle point du Confesseur en aucune façon, ni ne sait-on par les Constitutions ce qu'il doit faire ou non faire; et [129] il est très necessaire de savoir ce qu'il peut, ce qu'il ne doit et ne peut, afin d'éviter mille inconvénients..

  A025001049 

 Page 214: Ajouter: qu'elle fera ou fera faire par une autre la lecture de la méditation..

  A025001054 

 P. B. — Page 208: Non seulement aux choses nécessaires, mais ès autres, tant que faire se pourra, vaut mieux suivre la pluralité des voix, non par obligation, mais par prudence.

  A025001058 

 P. B. — Page 213: Touchant les livres, faut dire: «par la permission du Père spirituel, ou du Confesseur,» qui suffira pour telle petite chose..

  A025001083 

 Je supplie très humblement Monseigneur et mon très cher Père de finir et clore ses CONSTITUTIONS par une ardente et vive conjuration, qui presse saintement et force doucement les filles Religieuses de ne se départir jamais de leurs très saintes Constitutions, sous quelque prétexte que ce soit.

  A025001089 

 Le Directoire spirituel fut imprimé pour la première fois à Lyon avec le Coustumier de 1628, par Vincent de Cœursilly.

  A025001090 

 On répara aussi l'omission commise à l'article De la refection, signalée par la Sainte dans la même lettre.

  A025001091 

 On dut l'arranger lors de la rédaction de celui-ci, car on verra par le Manuscrit de 1624 qu'il était conçu à cette époque en termes différents..

  A025001097 

 L'intention de nostre tres honnoré Pere, d'heureuse memoyre, estoit que toute la vie et exercice des Religieuses de la Visitation fussent dediés pour leur union avec Dieu, pour ayder par prieres et bons exemples a la reformation de l'Eglise et au salut du prochain, et parce qu'il ne desiroit rien tant sinon que nos Seurs fussent excellentes en toute sorte de vertus, dont la bonne odeur, en aggreant a Dieu, se respandist dans les ames [des] fidelles.

  A025001116 

 Ouy, Seigneur JESUS, escoutes l'exclamation que mon cœur fait pour vos servantes: escrives vous mesme en ce livre, et ne permettes pas qu'aucune y mette jamais son nom que par vostre inspiration et mouvement, affin que ce volume soit un manteau d'honneur sur mes espaules et une couronne de gloire sur ma teste.

  A025001131 

 Premierement, les Seurs doivent a leur resveil jetter leurs ames toutes en Dieu par quelques saintes pensees, telles que celles ci:.

  A025001138 

 Les Seurs qui voudront prosperer et faire progres en la voye de Nostre Seigneur doivent, au commencement de toutes leurs actions, tant exterieures qu'interieures, demander sa grace et offrir a sa divine Bonté tout ce qu'elles feront de bien, se preparant ainsy a supporter toute la peyne et mortification qui s'y rencontrera avec paix et douceur d'esprit, comme provenante de la main paternelle de nostre bon Dieu et Sauveur, duquel la tres sainte intention est de les faire meriter par telz moyens pour, par apres, les recompenser de l'abondance de son amour.

  A025001146 

 Que celles qui entendent quelque peu ce qu'elles dient a l'Office, qu'elles employent fidellement ce talent selon le bon playsir de Dieu qui le leur a donné pour les ayder a se tenir recueillies par le moyen des bonnes affections qu'elles en pourront tirer; et que celles qui n'y entendent rien se tiennent simplement attentives a Dieu, faysant des eslancemens amoureux tandis que l'autre chœur dit le verset et qu'elles font les pauses..

  A025001157 

 Apres cela, si l'on ne veut faire la Communion reelle il la faut faire spirituelle, s'approchant de Nostre Seigneur par un saint desir d'estre unie a luy et le recevoir en son cœur..

  A025001161 

 Apres le Pater, Ave Maria et le Credo qui se dit a la fin des Offices, les Seurs rendront graces a Nostre Seigneur de tous ses benefices, particulierement de sa sainte Passion, de ses divins Sacremens, du benefice de leur vocation de ce qu'il luy a pleu les conserver cette journee, leur administrant en icelle, par sa douce bonté, toutes leurs necessités.

  A025001165 

 Pour faciliter leur examen, il leur sera fort utile, lhors qu'elles tombent en quelque faute parmi la journee, de l'examiner sur le champ et regarder un peu par quel mouvement elles l'ont faite; puis s'abbaisser devant Dieu, et graver cela en l'esprit pour le mettre au soir en l'examen..

  A025001180 

 Les Seurs ne laisseront point de places vuides entre elles; si quelqu'une manque, elles luy laisseront place au bout d'en haut, ou bien en bas; et celles qui par negligence seront tardifves, ne venant qu'apres que les autres seront assises, bayseront la terre au milieu du refectoir..

  A025001183 

 Estant au milieu du refectoir, elle fera l'inclination, et proche de la Superieure un' autre pour luy presenter sa portion; puis a l'Assistente, continuant ainsy, commençant par le chœur de la Superieure, observant de faire des enclins en passant et repassant devant la Superieure.

  A025001189 

 Celles qui s'exerceront en telz actes d'humilité ne se traisneront point par terre, ains de troys en troys se releveront et feront un enclin pour se remettre derechef a genoux, et ainsy consecutivement jusques a la fin; apres quoy, retournant au milieu du refectoir, elles bayseront terre et se retireront.

  A025001195 

 Et comme les Seurs doivent avec simplicité et franchise se recreer par obeissance, aussi doivent elles, par devotion, s'affectionner a parler souvent des choses bonnes et saintes..

  A025001195 

 Qu'elles n'apportent point aux recreations des contenances tristes et chagrines, ains un visage gracieux et affable, et qu'elles s'entretiennent ainsy qu'il est porté par les Constitutions.

  A025001197 

 Qu'elles n'estiment pas que ce soit peu de vertu de faire la recreation comme il faut, et que, partant, elles n'y viennent par coustume et par maniere d'acquit, ains avec preparation et devotion..

  A025001198 

 L'on les resouviendra souvent de Dieu durant la recreation et on en donnera la charge aux Seurs tour a tour, et de dire quelque chose de bon sur la fin; et le soir, on employera la derniere demy heure de la recreation a faire [150] lire l'Epistre et l'Evangile, la veille des festes, ou quelque point de la Communion, et les autres jours quelque chose de devotion; ou bien l'on s'entretiendra de quelque chose utile par maniere de conference, ainsy que la Superieure le jugera a propos..

  A025001203 

 Et recevront en cette qualité tout ce qui leur sera enjoint par la Superieure, sans replique ni excuse, encores qu'elles eussent quelque autre chose a faire.

  A025001203 

 Mays si c'estoit chose pressee et necessaire, elles le diront par apres a la Superieure; que si elles sont Novices, elles s'addresseront a leur Maistresse qui en advertira la Superieure.

  A025001205 

 Par exemple, si elles ont consideré le mistere de la flagellation, et que le regard doux et amoureux que le beni Sauveur jettoit de fois a autre sur ceux qui le flagelloyent ayt touché leur cœur, elles doivent se le representer souventesfois, faysant ensuite cet eslancement: O doux Jesus, regardes moy des yeux de vostre misericorde.

  A025001206 

 Elles pourront aussi demeurer doucement aux pieds de Nostre Seigneur comme Magdelaine, escoutant ce qu'il dira a leurs cœurs, regardant sa bonté et son amour, et luy parlant de tems en tems par des eslancemens de cœur et oraysons jaculatoires, telles ou semblables:.

  A025001225 

 Par vostre bonté, Seigneur, gardes moy de vous desplaire..

  A025001249 

 Que les Seurs facent donq en suitte de telles pensees quelque devote aspiration, affin que Dieu leur soit propice a cette derniere heure: ce qui arrivera infalliblement a celles qui se rendront tres soigneuses de cet exercice, lequel elles doivent prattiquer en tout tems et en toutes occasions, par le moyen duquel elles croistront et prouffiteront tous les jours d e vertu en vertu, jusques a la perfection de l'amour divin..

  A025001250 

 Celles qui seront travaillees de quelque forte tentation ou passion pourront s'encourager et fortifier par la consideration des travaux de Nostre Seigneur, se le representant aux siens.

  A025001255 

 Qu'elles ne sortent point de leurs cellules sans estre vestues, sinon par quelque pressante necessité, ni sans avoir le voyle sur la teste..

  A025001265 

 Apres avoir remarqué leurs fautes presentes, elles y adjousteront quelque chose de ce qu'elles ont fait au monde, qui soit manifestement peché: comme une mesdisance par hayne, ou un mensonge par vanité; et feront de tout ensemble l'acte de contrition..

  A025001267 

 Qu'elles soyent courtes et claires en leurs confessions, et n'y aillent point par coustume ni sur des vains scrupules, ains avec devotion et attention, comme en une action de tres grande importance et gravité..

  A025001268 

 Apres avoir receu la benediction, elles commenceront a dire clairement et nettement tout ce qu'elles auront remarqué en leur examen, et adjousteront, a la fin de chacune de leurs confessions, un peché, comme il a esté dit cy dessus, en cette sorte: Je m'accuse aussi d'avoir mesdit, estant au monde, d'une personne par hayne; ou bien: Je m'accuse d'avoir dit autrefois un mensonge par vanité, ou pour porter dommage a autruy; une autre fois: Je m'accuse d'avoir autrefois murmuré des actions d'autruy, etc..

  A025001270 

 Si les Confesseurs les enquierent de quelque chose qui ne soit pas de la confession, comme par exemple, de quelque tentation, exercice ou difficulté, elles pourront, si elles veulent, respondre en ce qui les touche seulement; mais si elles ne desirent pas d'en parler avec eux, elles diront: Mon Pere, excuses moy, s'il vous plaist; je crains de m'embrouiller l'esprit en parlant de cela; je n'en ay, graces a Dieu, aucun scrupule ni remords de conscience..

  A025001280 

 Or, pour s'y mieux preparer, le soir devant que de la [159] faire, il sera bon en l'orayson et en son recueillement de dresser quelque peu sa pensee a Nostre Seigneur en ce saint Sacrement, excitant en son ame une sainte reverence et joye spirituelle de devoir estre si heureuse que de recevoir nostre doux Sauveur; et alhors il faut faire nouvelle resolution de le servir fervemment, laquelle elles pourront reconfirmer l'ayant receu, non pas par vœu, mais par un bon et saint propos..

  A025001286 

 A l'action de graces: O Seigneur, par ce que vous m'aves fait cette grande grace, je vous beniray de benedictions eternelles, immortelles, et multiplieray vos louanges comme les estoilles du ciel..

  A025001287 

 A la resolution de le servir, par les parolles de Jacob: Dieu sera mon Dieu, et la pierre de mon cœur ci devant endurcie sera sa mayson..

  A025001289 

 O Dieu, que de suavité et douceur! Et partant, l'ame peut bien dire comme cette [161] sainte Dame, apres cette consideration: Voyci la servante du Seigneur, me soit fait selon sa parole, qu'il a dite de sa sacree bouche: Que quicomque le mange, il demeure en luy et luy en nous; que quicomque le mange, il vivra pour luy, par luy et en luy, et ne mourra point eternellement..

  A025001289 

 Or, quant a nous, nous recevons une pareille grace en la Communion; car non un Ange, mays bien Jesus Christ mesme nous asseure qu'en icelle le Saint Esprit vient en nous [et la vertu celeste nous enombre, et le Filz de Dieu vient reellement en nous,] et, par maniere de dire, il naist en nous et y est conceu.

  A025001295 

 La troysiesme, pour la conservation de l'Ordre et [pour] y maintenir l'union et charité mutuelle par la bonne observance des Regles.

  A025001298 

 Quand on fera de nouvelles fondations, elles ne communieront qu'une ou deux chasque jour, jusqu'a ce que le nombre soit tel qu'il n'y puisse avoir qu'une Communion extraordinaire par semaine..

  A025001302 

 Et de plus, s'il se treuve [165] quelques ames, voire mesme au Novitiat, qui craignent trop d'assujettir leur esprit aux exercices marqués, pourveu que cette crainte ne procede pas de caprice, outrecuidance, desdain ou chagrin, c'est a la prudente Maistresse de les conduire par une autre voye, bien que, pour l'ordinaire, celle ci soit utile, ainsy que l'experience le fait voir..

  A025001302 

 Mays quand, par le progres du tems, les ames se sont exercees en cette multiplicité d'actes interieurs et qu'elles sont façonnees, desrompues et desengourdies, alhors il faut que ces exercices s'unissent en un exercice de plus grande simplicité, a sçavoir: ou a l'amour de complaysance, ou a l'amour de bienveuillance, ou a l'amour de confiance, ou de l'union et reunion du cœur a la volonté de Dieu, ainsy que l' Exercice de l'union marque, de sorte que cette multiplicité se convertisse en unité.

  A025001315 

 Et doivent, selon la signification de leur nom, se tenir pour les moindres et dernieres de toutes, et par consequent estre grandement humbles, servant et respectant un chacun avec une sousmission remarquable..

  A025001318 

 Toutes les Seurs doivent estre fort attentives et tres affectionnees a se perfectionner selon leur Institut par une ponctuelle observance, rapportant a cela toutes les lumieres qu'elles recevront, tant aux lectures, conferences, oraysons, predications qu'autrement, d'autant que les preceptes de toutes vertus et perfections sont enclos dans leurs Regles et Constitutions, et ne doivent rien tant craindre sinon que l'on vienne a les negliger, et, par ce moyen, a se relascher de cette exactitude tant necessaire..

  A025001319 

 Et sur tout il est requis, disoit nostre bon Seigneur et Pere avec des paroles tres pregnantes, que les Seurs continuent a se descouvrir a la Superieure [168] avec l'entiere simplicité et sincerité que la Constitution marque; et que, reciproquement, les Superieures ayent un tres grand soin de conserver cette confiance filiale des Seurs en leur endroit par un amour tout cordial et respectueux.

  A025001321 

 Qu'elles se gardent donq bien de croire, quand on les corrigera ou qu'on leur fera des advertissemens, que cela se face par passion ou mauvaise volonté; ains qu'elles tiennent pour asseuré que c'est une vraye marque de l'amour qu'on leur porte, et du desir qu'on a de les voir perseverer en leur vocation et parvenir a une tres haute perfection.

  A025001321 

 Que si par rencontre elle mortifie quelque Seur, elle se mettra soudain a genoux, demeurant ainsy, les yeux bas et les mains jointes, jusques a ce que la Superieure cesse de parler a elle; puis elle baysera terre, et si la Superieure est encores presente, elle luy fera un grand enclin en se relevant: car il leur sera tres utile de recevoir en cette sorte les mortifications et humiliations, comme remedes convenables et necessaires a leurs maladies, s'imaginant qu'elles sont ainsy que des petitz enfans auxquelz la douce et charitable mere donne l'absinthe et le chicotin, drogues tres ameres, l'une pour les garentir des vers, l'autre pour les [169] sevrer de la mammelle et les accoustumer aux viandes solides.

  A025001331 

 Quand donq les Seurs parleront de leurs defautz et de ce qui touche a leur personne, elles useront du terme singulier, comme par exemple: J'ay rompu le silence; je suis imparfaite; j'ay mal a la teste, et semblables.

  A025001342 

 Les Seurs auront un jour tous les moys pour s'entretenir toutes ensemble et pour se recreer saintement par forme de conference spirituelle, environ une heure du silence de l'apres disnee, ou autre heure que la Superieure jugera a propos.

  A025001346 

 En liberté de faire quelque priere vocale allant et venant par la Mayson, et pour qui elles voudront..

  A025001352 

 De parler au silence pour les choses vrayement necessaires, pourveu que ce soit bassement et courtement, comme elles doivent faire aussi par tous les lieux d'ou elles peuvent estre entendues des seculiers..

  A025001363 

 Le sermon qui se doit faire pour cett'action pourra estre fait ou par le celebrant, ou bien par quelqu'autre praedicateur; et pourra estre fait ou bien au commencement, ou bien a la fin de l'action, selon qu'il sera jugé plus a propos..

  A025001375 

 Lhors le Pere spirituel luy fait un brief advertissement par telles ou semblables paroles:.

  A025001376 

 Et je sçay bien que vous aves esté souvent advertie que celles qui entreprennent de vivre ceans ne doivent avoir aucune autre intention que de plaire a Dieu par ces moyens-la, affin d'estre conformes a l'image du Filz de Dieu crucifié, leur unique et souverain Espoux.

  A025001376 

 Il me reste seulement a vous dire que, comme vostre dessein de faire une vie de si excellente perfection ne peut estre prattiqué que parmi plusieurs contradictions, difficultés et travaux tant exterieurs qu'interieurs, aussi Dieu tout puissant et tout bon, qui par sa misericorde vous y a appellee, vous assistera de sa sainte protection, pourveu que, avec fidelité et humilité, vous suivies et secondies les attraitz et operations de sa grace..

  A025001384 

 Nostre Seigneur Jesus Christ qui vous a donné cette bonne volonté veuille, par sa misericorde et l'intercession de la tressainte Vierge sa Mere, vous donner la perseverance pour la bien executer..

  A025001404 

 Cela fait, le Celebrant portera ou, s'il ayme mieux, fera porter par l'un des assistans un cierge allumé a celle qui est receue, ou a chacune d'icelles, si elles sont plusieurs, disant:.

  A025001433 

 Et si elles sont deux ou plusieurs, l'une commencera a la Superieure et l'autre a l'Assistente, et poursuivront chacune son chœur jusques a la fin, qu'elles feront la genuflexion contre l'autel et reviendront ensemblement faire l'enclin a la Superieure, poursuivant de donner le bayser de paix chacune du costé ou elle ne l'avoit pas donné: [183] en sorte que celle qui avoit commencé a la Superieure reviendra a l'Assistente, poursuivant son chœur de cet endroit la; et celle qui avoit commencé par l'Assistente recommence a la Superieure, en poursuivant aussi jusques a la fin de ce chœur la, ou se rencontrans, elles feront derechef la genuflexion ensemblement contre l'autel, et se donneront le bayser de paix l'une a l'autre..

  A025001439 

 Revu sur un Manuscrit de M. Michel Favre, corrigé par saint François de Sales,.

  A025001448 

 Je N., demande, pour l'amour de Dieu nostre Sauveur, d'estre receuë a la sainte Profession en la Congregation de Nostre Dame de la Visitation, pour m'exercer toute ma vie en icelle au service divin, par obeissance, chasteté et pauvreté..

  A025001475 

 O Seigneur Dieu, confirmes moy a cette heure, affin que je face ce que je voy pouvoir estre fait par vostre grace.

  A025001477 

 O Seigneur Dieu, confirmes nous a cette heure, affin que nous facions ce que nous voyons pouvoir estre fait par vostre grace.

  A025001500 

 Ouy, par la grace de Dieu, nos Seurs luy (ou leur) souhaitent le bonheur de vivre et mourir en leur union, et que pour cela elle face (ou elles facent) maintenant les vœux sacrés et la sainte Profession, selon qu'il est requis a cet effect..

  A025001519 

 O tres glorieuse, tres sacree et tres douce Vierge Marie, je vous supplie pour l'amour et par la mort de vostre Filz, [190] de me recevoir au giron de vostre protection maternelle..

  A025001524 

 O tres glorieuse, tres sacree et tres douce Vierge Marie, nous vous supplions par l'amour et par la mort de vostre Filz, de nous recevoir au giron de vostre protection maternelle..

  A025001601 

 L'Orayson finie, la Superieure prend la nouvelle Seur par la main, la fait lever, et le Celebrant luy dit:.

  A025001616 

 Celle qui entrera sera receue par deux Dames a ce deputees par la Superieure, qui la conduyront, selon le commandement d'icelle, ou et comm'il leur aura esté ordonné.

  A025001616 

 Il ne sera permis [197] d'arrester dans la Mayson, ni pour manger, ni pour coucher, ni apres le soleil couché, sil n'est expressement porté par la permission en escrit.

  A025001616 

 Nulle femme, de quelle condition et qualité qu'elle soit, n'entrera dans la Mayson sans expresse licence par escrit, signee de la main de l'Evesque ou de celuy qu'il deputera pour ce regard.

  A025001617 

 Item, elles demeureront autant esloignees de la treille qu'il faut pour n'estre point touchees, ni en leurs habits ni autrement, par ceux qui leur parleront; et tous-jours s'observera que les Dames ne parlent a personne en secret, c'est a dire sans qu'elles puissent estr'ouyes de leur assistente, sinon avec la licence de la Superieure, et jamais sans qu'elles puissent estre veues d'icelle.

  A025001620 

 A six heures elles souperont; et l'orayson des cinq heures, qui se commencera par les Letanies, en sorte que le tout soit achevé un quart d'heure avant le soupper.

  A025001626 

 Les ouvrages qui seront donnés de dehors seront receuz ou par la Superieure ou par celle qu'elle deputera, sans que celles qui les font en traittent en aucune façon.

  A025001628 

 On ne recevra aucune besoigne a faire, sinon que les matieres [200] soyent donnees par ceux qui la donneront; et la Superieure traittera du prix des besoignes charitablement, et non exactement..

  A025001631 

 La sainte Communion generale se fera toutes les Dimanches et testes de commandement; et, outre cela, selon quil sera advisé par le directeur, avec le congé de la Superieure..

  A025001647 

 Par contre, il y a quelque différence entre ces douze pages et les quatre dernières: celles-ci sont de la même époque, sans doute, mais écrites peut-être à quelques semaines d'intervalle: la main semble plus reposée, les caractères sont plus serrés et plus droits, c'est une autre plume.

  A025001658 

 La 13 e page et la moitié de la 14 e sont de la main du Saint; toutes les autres sont écrites par Pierre Thibaut, le jeune secrétaire et serviteur que lui envoya en mars 1608 la baronne de Chantal (voir tome XIII, note (980), p. 365) et qui fut le copiste de la première rédaction de l' Introduction a la Vie devote.

  A025001659 

 H ayant été réparé en divers endroits, il est assez probable qu'on ait réuni, par méprise, des feuillets appartenant à deux rédactions successives..

  A025001659 

 Il présente une double leçon des articles 23, 24, 25, qui concernent l'admission des sujets, leur reception au Noviciat et leur établissement dans la Congrégation par «l'Oblation et dedicace».

  A025001659 

 Les deux textes sont différents et corrigés par le Saint, mais le premier, qui se trouve aux pp.

  A025001660 

 Malheureusement, celui-ci est coupé; il devait contenir au recto, avec la fin de l'article 29 e, le commencement du 30 e ( Formulaire de l'Oblation ), qui se poursuit au verso, écrit par saint François de Sales.

  A025001663 

 a) Si l'on compare avec ce Manuscrit la lettre du 20 juillet à Philippe de Quoex (tome XIV, p. 328), on peut faire plus d'un rapprochement [205]: des deux côtés, mention des Congrégations instituées par «le Bienheureux Cardinal Borrhomee;» mêmes heures indiquées pour le lever et le coucher, et à peu près mêmes termes touchant la clôture..

  A025001664 

 b) «Elles font le vœu de chasteté simple, par l'advis du confesseur et de la Superieure,» écrit le Saint dans la même lettre (p. 330); et dans le Ms.

  A025001665 

 c) Le Saint dit encore à son ami: «En leur establissement, elles offrent leur ame, leur cors et l'usage de leurs biens a Dieu et a Nostre Dame;» et dans la première ébauche de la formule de l'«Oblation» déjà mentionnée nous lisons: «...J'offre et dedie et consacre a vostre divine Majesté et a la sacree Vierge vostre Mere nostre Dame, mon ame, tout mon cors et toute ma vie.» Enfin le saint Fondateur ajoute que cet «establissement...se fait par une belle ceremonie» (tome XIV, p. 330), preuve qu'il en avait au moins ébauché le Formulaire, s'il n'était déjà complètement rédigé..

  A025001668 

 Or, comme nous l'avons remarqué ci-dessus, le premier article des Constitutions désigne sous le titre de «Bienheureux» l'Archevêque de Milan, et n'a pas été corrigé par le Fondateur qui, cependant, a fait sur la même page deux modifications..

  A025001674 

 Malgré ces légères inexactitudes, le Manuscrit de Guingamp est certainement très authentique et par conséquent bien précieux; il suffit, pour s'en convaincre, de comparer certains articles avec les articles correspondants du Ms.

  A025001675 

 Toutefois, il semble plus probable que ce don lui ait été fait par la Mère de Chantal, qui prodigua ses encouragements à la nouvelle Société..

  A025001678 

 H reproduisent les corrections faites par le Saint à celui-ci (elles sont, dans notre texte, marquées d'un pointillé); c'est donc sur ce dernier ou sur une copie semblable qu'ils ont dû être transcrits..

  A025001679 

 K, par celui de Seurs..

  A025001684 

 a) L'addition faite à l'article I er, sur les Congregations «instituees par saint Charles, Cardinal Borromee,» donne à supposer qu'il en avait acquis une plus particulière connaissance; de même, la digression sur la différence de situation morale entre les «filles et femmes» d'Italie et celles des «païs de deça»..

  A025001685 

 b) Une autre addition, article 3, pour l'entrée des «peres, filz, freres,... oncles», en cas de très grave maladie, n'aurait-elle pas été motivée par les grandes maladies de la Mère de Chantal et par celle de Sœur Claude-Françoise Roget qui mourut en juin 1613? (Voir tomes XV, note (307), p. 106, et XVI, Lettre DCCCXCII).

  A025001688 

 (Voir tome XV, notes (928), p. 327, et (932), p. 328.) Cette dame, à force d'instances, obtint du saint Fondateur ce qu'elle souhaitait si ardemment: d'être visitée par la Mère de Chantal.

  A025001689 

 Le susdit Manuscrit doit remonter à l'une de ces dates, mais la première est prouvée par le fait que cette Oblation eut lieu à la Galerie.

  A025001689 

 f) Un petit cahier contenant le Formulaire de l'Oblation rédigé au pluriel, copié par M. Michel Favre et corrigé par sainte Jeanne-Françoise de Chantal, se conserve au Monastère d'Annecy.

  A025001693 

 H — Copie de Pierre Thibaut, corrigée par saint François de Sales: Annecy (juillet 1610-janvier 1611);.

  A025001694 

 I — Une feuille conservée à Turin, dont trois pages écrites par Thibaut, corrigées par le Saint, et la quatrième de la main de celui-ci;.

  A025001696 

 J 2 — Deux pages autographes et un fragment écrit en partie par le Saint et en partie par Thibaut: Annecy; [209].

  A025001706 

 En quoy il y a beaucoup de perte et de sujetz de compassion; car, qui n'auroit pitié d'une ame bien vertueuse, laquelle ayant un extreme desir de se perfectionner et vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins le faire qu'avec mille difficultés et mille peynes, faute d'avoir un cors asses fort et une complexion saine, la poursuite qu'elle desire faire de la sainteté, estant retardee par le manquement de la santé? Et n'est ce pas dommage de voir une vefve, laquelle n'aura peut estre bonnement d'affaires domestiques qu'elle ne puisse despecher en huit ou quinze jours chasqu'annee, pour ces huit ou quinze jours croupir et tremper toute l'annee dans les embarrassemens et inquietudes du mesnage, avec beaucoup de danger de perdre l'affection qu'ell'aura a sa viduité et a la continence viduale? [212].

  A025001706 

 Plusieurs femmes et filles vertueuses desirent bien souvent de consacrer tous les momens de leur vie a l'amour et service de Dieu; lesquelles neanmoins, pour l'imbecillité de leur complexion corporelle, ou pour estre des-ja affaiblies par l'aage, ou mesme pour avoir urgente obligation d'ordonner de tems en tems des affaires de leur mayson, ou bien, en fin, pour n'estre pas disposees ni inspirees [211] d'embrasser une vie austere et rigoureuse, né peuvent pas entrer es Religions formelles, et par consequent sont contraintes d'arrester au monde emmi les tracas ordinaires d'iceluy, exposees aux perpetuelles distractions et aux dangers et occasions de pecher et vivre sans devotion.

  A025001707 

 Afin donq que telles ames pleines de bonnes affections ayent moyen, parmi tous ces empeschemens que nous avons dit, de se retirer du monde, fuir les occasions du peché et s'appliquer plus doucement et parfaittement a l'exercice du divin amour, cette devote Congregation a esté dressee et procuree, sur l'exemple de celles qu'a mesme intention furent instituees par saint Charles, Cardinal Borromee, en son diocese de Milan, et de celle de sainte Françoise, de Rome..

  A025001708 

 Il est vray que les Congregations erigees par saint Charles Borromee n'obligent pas des filles a se retirer ensemblement dans une mayson, bien que plusieurs neanmoins l'ayent fait avec une tres grande utilité et edification dans la ville de Milan, ou il y a plusieurs telles Congregations retirees ensemblement dans les maysons; ains et seulement [à] s'assembler de tems en tems pour rendre conte de leur vie et s'unir en leur entreprise.

  A025001733 

 Sur toutes les qualités requises a celles qui entreront, on doit rechercher l'humilité et soupplesse de cœur; car cette Congregation [215] n'ayant pas beaucoup d'austerités, ni des regles si fortes comme celles des Religions, il faut que la douceur et bonté du cœur supplee a tout cela, et qu'elles [y soyent comme ces petitz enfans qui se layssent conduire par la main en toute simplicité...] servent de [murailles], loix, de vœux et de jurisdiction..

  A025001737 

 Le principal point de la clausure des femmes est qu'on n'entre point en leurs Maysons, et notamment les hommes; et partant, les hommes n'entreront en façon quelcomque en la mayson de la Congregation, sinon quand la chose pour laquelle ilz entrent ne peut estre executee autrement qu'en entrant, et lhors il faut que ce soit avec la licence [216] par escrit de l'Evesque, ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025001738 

 Or, le medecin, cyrurgien, Confesseur, ou manœuvre devant entrer par necessité en la Mayson, il sera conduit au lieu ou il doit faire sa charge par deux des Dames qui feront auparavant sonner une clochette qui s'entendra parmi la Mayson, affin que l'on sache quil y a des hommes dedans, et que toutes se retirent en leurs chambres et au heu de leurs offices, sans qu'il soit permis a aucune de se tenir en lieu ou elle puisse rencontrer ceux qui entrent, sinon que la Superieure les fit appeller pour cela..

  A025001745 

 Confesseurs, et que la chose pour laquelle ilz sont necessaires ne [216] peut estre executee de dehors; et Ihors, encor faut il que ce soit avec la licence [particuliere] par escrit de l'Evesque ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025001746 

 La clef de la porte [et de la grille] demeurera es mains de la Superieure, et [quant il faudra fair'entrer le medecin, ou le Confesseur, ou quelqu'autre homme, on sonnera une clochette au paravant...] le medecin, ou Confesseur, ou quelqu'autre homme entrant en la Mayson, il sera conduit droit au lieu ou il doit faire sa charge (sans qu'il luy soit loysible de divertir ailleurs) par deux des Dames qui feront au paravant sonner une clochette parmi la Mayson, affin que toutes les autres se retirent en leurs chambres, ou au lieu de leurs offices; et ne sera permis a aucune de [venir rencontrer...] se tenir en lieu ou elle puisse estre veue ou rencontree de ceux qui entreront, sinon que la Superieure la fit appeller pour cela..

  A025001751 

 Premierement, que ce soit avec licence par escrit du Pere spirituel de la Mayson.

  A025001752 

 Secondement, que ce ne soit pour prendre aucun repas, ni pour y arrester apres le soleil couché, s'il n'est expres porté par la licence..

  A025001753 

 Tiercement, qu'a leur entree on observera ce qui s'observe a l'entree des medecins et cyrurgiens, horsmis que la Superieure pourra user de toute liberté a faire entretenir les femmes qui entrent par celles des Dames que bon luy semblera, ou en chambre ou dehors par les jardins; et pourra les admettre aux exercices de la Mayson, voire mesme a celuy de la recreation, s'il y a apparence que cela se puisse faire avec edification..

  A025001757 

 Et qu'il n'y en ayt que trois au plus au mesme tems; et pendant que telles femmes seront en la Mayson, la Superieure, par soy mesme ou par l'une des Dames, les fera assister de conseil, livres et exercices propres au sujet pour lequel elles seront venues, tesmoignant tous-jours la cordiale charité de la Congregation envers elles.

  A025001758 

 En somme, il faut faire en sorte que quand les personnes entreront en la Mayson, le monde pourtant n'y entre point: ce qui arrivera si les Filles de la Congregation attirent par leurs devis, contenances et belles façons les femmes de dehors a parler modestement, chrestiennement, [221] spirituellement, ne voulant ouïr d'elles les nouvelles superflues, murmurations et autres devis importuns, mays monstrant un vray et naïf mespris de tout cela..

  A025001763 

 Que ce ne soit pour (manger, boirej prendre aucun repas, ni pour coucher, ni pour y arrester apres le soleil couché, sil n'est expressement porté par la licence. 3. Qu'a leur entree on sonnera une clochette, differemment neanmoins que quand on sonne pour les hommes; et tout le reste s'observera comme a l'entree des hommes, sinon que la Superieure pourra user de toute liberté a faire entretenir les femmes qui entreront par celles que bon luy semblera, ou en chambre ou dehors, et les admettre a ffaire tous les exercices...] voir et se treuver aux exercices de l'orayson, de la leçon, voire mesme a celuy de la recreation, sil y a apparence que cela se puisse faire avec edification. 4. Mais en tous cas, nulle des Dames ne pourra [entretenir] parler a celle qui viendra de dehors qu'avec licence de la Superieure, et non jamais qu'a la veue d'une Dame assistente; bien que [quelquefois] la Superieure puisse permettre, quand [bon luy semblera...] elle le treuvera a propos, que l'entretien se face sans que l'assistente puisse ouïr ce qui se dira. [5. On ne recevra a la fois que deux femmes...] [219].

  A025001763 

 Que ce soit par licence [de l'Evesque en escrit...] signé ( sic ) [218] de l'Evesque ou de son deputé.

  A025001767 

 Pendant le tems que telles femmes seront en la Mayson, la Superieure, ou par soymesme ou par une des Dames, les fera assister de conseilz, advis, livres et exercices propres a l'intention pour laquelle elles seront entrees, et aura soin de leur tesmoigner la cordiale charité de la Congregation.

  A025001775 

 Que tous-jours celle de dedans ayt une Dame assistente qui escoute ce qui se dira, sinon que l'on parlast en matiere de conscience, ou que, par licence de la Superieure, il fut permis de parler en secret; et lhors l'assistente s'esloignera en sorte que, sans ouïr ce qui se dit, elle puisse neanmoins voir [ce qui se fait] celle qui parle et ce qui se fait de dedans.

  A025001779 

 Donq, elles ne sortiront que pour des causes ou extremement pieuses, comme est le service des pauvres et malades, a l'exemple des anciennes vefves chrestiennes; ou pour autre service grandement necessaire, comme quand, pour leur juste devoir, elles auront besoin d'aller mettre ordre en quelques affaires urgentes, pour par apres se retirer [223] avec plus de repos.

  A025001779 

 Et en ce dernier cas, il sera requis que la sortie soit appreuvee par leur Pere spirituel et par la Superieure, avec licence par escrit qui contienne les causes de la sortie, les conditions d'icelle et la limitation du tems qu'elles pourront employer dehors.

  A025001783 

 Et ne mangeront hors de la Mayson, si ce n'est par grande necessité et grand sujet..

  A025001786 

 Mays quant aux jeunes qui sont encor tendres et nouvelles a la devotion, elles demeureront a l'abry dans la Mayson, laquelle par ainsy sera comme une ruche spirituelle, de laquelle une partie des abeilles mystiques mesnagera le miel et la cire des exercices interieurs sous le couvert, et l'autre sortira pour recueillir le suc des œuvres de misericorde entre les prochains qui sont emmi l'affliction comme des fleurs entre les espines..

  A025001795 

 [Cette Congregation estant erig...] Les Dames de la Congregation observant tant de discretion et de bon ordre en ce qui regarde l'entree des personnes de dehors vers elles, n'en doivent pas moins observer es sorties qu'elles feront, affin que, comme par les regles sus escrittes on empesche que le monde n'entre en leur Mayson avec les personnes [mondaines] du monde, aussi, par autres regles, on puisse les empescher d'entrer au monde lhors qu'elles sortiront et seront parmi les personnes du monde; [ains que, comm'un huile sacré, elles se meslent tellement...] car, comme l'huyle [se meslant avec...] passant entre les autres liqueurs n'est jamais pourtant confus ni meslé avec icelles, ainsy [doivent] les ames de cette Congregation [avoir un cœur si bien fait et des si bonnes...] doivent sortir emmi le monde sans s'affectionner au monde, ni s'infecter du monde..

  A025001796 

 Et en ce dernier cas, il sera requis que la sortie soyt appreuvee par l'Evesque ou son deputé, et par la Superieure, avec licence par escrit qui contienne les causes de la sortie et les conditions d'icelle, avec limitation du tems auquel [celles qui sortiront] elles pourront demeurer dehors..

  A025001796 

 Premierement donq: elles ne sortiront que pour des occasions ou extremement pieuses, comme le service des pauvres et malades,, a l'exemple des anciennes vefves de la primitive Eglise; ou extremement necessaires, comme quand les vefves, pour leur juste devoir, devront pour quelques jours aller mettr'ordre aux affaires [223] urgentes de leurs maysons, pour par apres se retirer avec plus de repos.

  A025001798 

 Elles ne s'amuseront point par les rues, ains rencontrant quelque personne a laquelle il faille parler, ce sera le plus courtement que faire se pourra..

  A025001800 

 Jamais elles ne mangeront hors de la Mayson, si ce n'est par une vraye necessité..

  A025001803 

 Et par ainsy, toute la Mayson sera [comm'] une ruche spirituelle, en laquelle une partie des abeilles mystiques mesnagera le miel et la cire des oraysons et autres exercices interieurs, et l'autre sortira pour recueillir le [miel] suc des œuvres de misericorde entre les pauvres et affligés, qui [comme les roses entre...] sont aux yeux de Dieu des belles fleurs entre les espines..

  A025001806 

 Et mesme, s'il y avoit des moyens en la Congregation, on pourroit suppleer par le seul apprest des viandes necessaires aux malades, pauvres et souffreteux; car c'est un des advantages plus desirable des simples Congregations, qu'elles puissent estre employees diversement, selon la varieté des lieux, des tems et des circonstances..

  A025001809 

 Elles pourront encor sortir pour quelque grande et extraordinaire occasion: comme pour gaigner les Jubilés, quand il est porté par iceux que toutes personnes qui ne sont en rigoureuse clausure soyent tenues, pour gaigner l'Indulgence, de visiter les eglises designees.

  A025001809 

 Et ce qui est dit pour le Jubilé pourra mesme estre prattiqué en quelque [227] autre occurrence signalee, par l'advis du Pere spirituel de la Congregation..

  A025001810 

 Or, telles occurrences pourront estre diverses, comme par exemple: quand on celebreroit les Quarante Heures en la ville, quand on consacreroit un Evesque, lhors qu'en tems de calamité on feroit des prieres publiques avec quelque sorte d'ardeur et d'appareil particulier, et en telles autres qui pourroyent arriver et qu'on ne peut specifier.

  A025001814 

 Et ce qui est dit pour le Jubilé pourra aussi estre prattiqué en [227] quelqu'autr'occurrence signalee, [avec] par l'advis de l'Evesque et de la Congregation..

  A025001822 

 Et les filles respondront: Nous treuvons qu'il est juste et raysonnable qu'en tout et par tout vous soyes la premiere a bien faire..

  A025001828 

 Elles se prendront garde de respandre par tout ou elles passeront et iront l'odeur des bons exemples et des parfums de sainteté es maysons esquelles elles entreront; et partant, elles se garderont de toutes babilleries et multitudes de paroles, de curiosité des affaires d'autruy et des nouvelles du monde, de toute dissolution tant de paroles que de gestes et actions; ains auront soin de se tenir en une sainte composition et contenance, et de dire des paroles d'edification, lesquelles elles avanceront sans affectation, mays avec une bonne et simple affection; non point magistralement et faysant les entendues, mais charitablement et humblement, quand les occasions et propos les y convieront..

  A025001831 

 Si en quelque logis de malade il se treuvoit des personnes indiscretes qui, par parolles ou gestes, violassent le respect deu a la qualité des Seurs qui visiteront, l'on en advertira soudain la Superieure, laquelle fera ou cesser les visites, ou, par des humbles et charitables advertissemens, fera sçavoir en la mayson qu'on visite que l'on desire continuer, a la charge que le respect deu a leur vocation soit gardé; ou on y pourvoira autrement selon les occurrences..

  A025001833 

 En la Visitation on devra procurer que les malades se disposent de bonne heure [à recevoir les Sacrements] et, par des bons propos, les exciter a l'amendement de vie ou avancement a la pieté.

  A025001834 

 Et quant aux affligés, comme femmes desolees pour la perte de leurs proches, on pourra aussi les voir pour exercer la consideration en leur endroit, mays non par maniere de compliment, ains seulement lhors que vrayement on estimera de pouvoir alleger des desplaysirs ceux qui en auront..

  A025001838 

 Despuis Pasques jusques a la saint Michel: elles se leveront a cinq heures et demie, pour estre a l'orayson l'heure entiere de six a sept, laquelle l'on sonnera en clochant seulement durant trois Pater et trois Ave, et a celle fin que toutes les Seurs ayent commodité de s'assembler; et l'on la commencera par le Veni, Sancte Spiritus; a la fin de laquelle elles diront Prime a basse voix.

  A025001852 

 A cinq heures elles feront l'orayson mentale qui se commencera par les Letanies, en sorte que le tout soit achevé a cinq heures trois quartz, qu'elles se relascheront un peu, en silence neanmoins, pour revenir souper a six heures..

  A025001852 

 De quatre a cinq elles feront un peu d'exercice corporel, selon quil sera advisé par la Superieure.

  A025001852 

 Elles disneront a dix heures, et demeureront par apres en recreation jusques a mydi.

  A025001854 

 Es jours de jeusne, qu'elles disneront apres onz'heures, elles rempliront les heures qui abonderont devant disner a faire desouvrages, [comm'aussi celles qui surabonderont apres... Mais apres disner elles employeront...] Et quant a l'apres disner, il ny aura rien de moins qu'es autres jours, par ce que l'heure qu'on employeroit a souper suppleera presque a l'heure que le retardement du disner aura retranchee..

  A025001859 

 Elles seront promptes a partir au premier son de la cloche pour se treuver au chœur, et y viendront avec gravité et reverence; comme aussi elles se mettront en un maintien le plus devot qu'il leur sera possible, et ne parleront que pour chose extremement necessaire et urgente, ni ne sortiront que par necessité pressante.

  A025001859 

 Que si quelqu'une fait faute au chœur, personne ne la reprendra; mais si la faute se peut reparer, celles qui s'en appercevront la repareront froidement et sans empressement; comme par exemple: celle qui commence les Psaumes auroit prins l'un pour l'autre; les autres reprendront le Psaume laissé, sans donner signe de la faute.

  A025001876 

 Outre les jeusnes commandés par l'Eglise, elles jeusneront tous les jours des veilles de Nostre Dame et les jours du vendredi despuis la saint Michel jusques a Pasques, sinon ceux esquelz escherront les festes de commandement; car alhors les jeusnes seront differés au samedi, sinon qu'il fust un jour de feste, car en ce cas il ne se jeusnera point cette semaine la..

  A025001885 

 Et pour cela, toutes les Seurs obeiront exactement et sans reserve a la Superieure, faysans toutes choses, tant en la Mayson que dehors, par son ordre..

  A025001892 

 Par ce que la sainte chasteté est la vertu fondamentale de la retraitte qui se fait en cette Congregation, toutes celles qui seront receuës au voyle en feront le vœu simplement, immediatement devant que de se presenter a la sainte Oblation.

  A025001892 

 Que si quelque Novice les veut faire, il ne luy sera permis par la Superieure sinon avec reserve qu'icelle Superieure les puisse casser toutes fois que bon luy semblera.

  A025001896 

 Mays en cas que quelqu'une, par quelque accident, fust separee de la Congregation (ce qu'il faut esperer ne devoir jamais arriver), la Congregation luy rendra la moytié du don qui seroit esté donné a sa contemplation..

  A025001898 

 Et les Saintz estans tirés, chacune prendra reveremment le chapelet, Agnus Dei, reliquaire, sur lequel le nom de son Saint sera attaché; et par ainsy, les chapeletz seront parfaittement communs et on n'attachera point ses affections a iceux.

  A025001898 

 Lhors que l'on donnera les Saintz la veille du jour de l'an, des nombres on fera des billetz, en chacun des-quelz sera escrit le nom de quelqu'un des Saintz qu'on doit tirer; et puis on mettra les chapeletz, Agnus Dei, reliquaires sur une table, par ordre, et a chasque chapelet, [247] auquel on joindra un Agnus Dei et un reliquaire, on attachera l'un des billetz.

  A025001899 

 Et quant aux reliques, les Seurs par ce moyen les auront toutes en leur protection, puisqu'elles leur seront communes, et que la communion fait que chacun jouit de ce que le commun jouit; car, comme ayant des reliques pendues sur ma poitrine j'estime qu'elles servent de protection a ma teste et [a] mes bras parce que mes bras sont conjointz a ma poitrine, ainsy les reliques qui sont sur l'une des Seurs serviront de protection pour toutes les autres, communiees par le lien indissoluble de la charité..

  A025001903 

 La Superieure sera par tout la premiere, et ne laissera pourtant pas de faire les exercices communs de l'humilité et les services de la Mayson a son tour comme les autres: comme de ballier, laver les escuelles, nettoyer les malades [248] et autres.

  A025001903 

 Mais quant aux autres qui seront en office, elles ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs offices, comme par exemple: l'Assistente ne precedera les autres qu'au chœur; la Directrice sera la derniere des Dames dediees, pour estre la premiere aupres des Novices..

  A025001904 

 Comme, par exemple: celle qui se treuvera le nombre I sera la premiere apres celles qui auront charge en quelque office, sinon celle qui sera deposee de Superieure, laquelle pour un'annee ira par tout la derniere, bien que la Superieure s'en ayde pour se conseiller es occurrences, et que les autres luy doivent porter du respect es autres occasions.

  A025001912 

 Celles qui seront en office, hormis la Superieure qui partout sera la premiere, ne tiendront aucun rang sinon en ce qui regarde leurs offices; comme par exemple: celle qui est [la Directrice] l'Assistente [248] ne [sera la premiere] precedera les autres qu'es Offices [tandis que la Superieure sera presente...]; la Directrice ira la derniere des dediees, pour estre la premiere aupres des Novices; et ainsy, l'Enfermiere ne sera la premiere qu'en l'enfermerie; et de mesme les autres..

  A025001914 

 Mais si la faute est [scandaleuse] d'importance, celle qui l'aura [veue] apperceue fera doucement et secrettement la correction chrestienne jusques a trois fois; et [250] apres cela, si la defaillante persiste en ses fautes, elle sera deferee a la Superieure, affin que par tous les moyens possible ( sic ) elle la face amender..

  A025001918 

 Et si la faute estoit d'importance et secrette, celle qui l'aura apperceue fera doucement et charitablement la correction chrestienne jusques a troys fois; apres quoy, si la defaillante persevere en sa faute, elle sera deferee a la seule Superieure, affin que par tous les moyens possibles elle la face amender [250].

  A025001928 

 Les ouvrages que les Seurs prendront a faire des gens de dehors seront receus par la Superieure, ou celle qu'elle deputera, sans qu'aucune autre aye a traitter de cela.

  A025001931 

 Et lhors que par le commandement de la Superieure on prendra ce qui sera requis pour les necessités de la Mayson et des Seurs, on fera un autre roolle qui contiendra les sommes tirees et les causes pourquoy on les a tirees, escrit de la main de la Portiere et signé par la Superieure et la plus ancienne des Seurs, affin qu'au bout de chasque annee, un peu avant Noel, toutes les Officieres ensemble, avec la Superieure, facent sommairement un estat de tout ce qui s'est passé au maniement exterieur de la Mayson..

  A025001931 

 Les denrees seront receuës par l'Œconome qui en tiendra conte de moys en moys a la Superieure, en presence de la Portiere.

  A025001931 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a troys clefz, dont l'une sera gardee par la Superieure, l'autre par la plus ancienne des Seurs et la troysiesme par la seconde des Seurs; et sera tenu roolle des receptions [253] des sommes, avec les particularités du jour et des personnes qui les delivreront, et des causes pourquoy.

  A025001932 

 Et quant a la despense journaliere, elle se fera par les mains de l'Œconome, qui aura le soin de faire faire les employtes requises par les chambrieres..

  A025001941 

 Mais quant a la Visite, il seroit expedient qu'elle se fist par l'Evesque mesme, avec l'assistence du Pere spirituel et de quelque autre grave personnage.

  A025001946 

 Et a luy appartiendra de visiter la Mayson une fois l'an, assister aux elections de la Superieure et du Confesseur ordinaire, appreuver les Confesseurs extraordinaires, donner les licences aux femmes d'entrer en la Mayson, et signer les causes des entrees des hommes quand il sera requis et celles des [grandes] sorties extraordinaires des Dames, ainsy quil a esté dit ci dessus; bien que, quant a la Visite, il semble expedient qu'elle se face par l'Evesque mesme, en l'assistence du susdit deputé et d'un autre a ce pris par office.

  A025001949 

 C'est pourquoy il faut sçavoir que ces Constitutions et regles, ni mesme les commandemens de la Superieure, ou de l'Evesque et Pere spirituel, n'obligent nullement a aucune sorte de peché, sinon quand on y contreviendroit par mespris, ou que le commandement seroit fait sous peyne d'encourir desobeissance, ou que la chose commandee seroit de grande importance..

  A025001949 

 L'ennemi, voyant que l'obeissance est le grand appuy de la vie spirituelle, tasche ordinairement de la rendre odieuse par des scrupules quil fait naistre autour d'icelle.

  A025001953 

 C'est pourquoy il faut sçavoir que ces Constitutions et regles, ni mesme les commandemens de la Superieure, ou du Pere spirituel et de l'Evesque, n'obligent point a aucun peché ni mortel ni veniel, sinon quand on contreviendroit par mespris, ou quand la Superieure, ou le Pere spirituel, ou l'Evesque, es cas esquelz la direction leur appartient, commanderoit [en vertu...] sous peyne d'encourir la deobeissance, [car alhors on ne pourroit pas des-obeir sans vray mespris...] ou que la chose commandee seroit de grand'importance..

  A025001953 

 L'obedience, grand appuy de la vie spirituelle, [est quelquefois employee...] L'ennemi, voyant que l'obedience est le grand appuy de la vie spirituelle, tasche ordinairement de la rendre odieuse par des scrupules quil fait naistre autour d'icelle.

  A025001961 

 En leur conversation elles essayeront d'estre douces, humbles, cordiales et franches, se portant un respect amoureux [258] et s'entresaluant par une inclination de la teste lhors qu'elles se rencontreront, sans pourtant faire des devis en particulier, sinon lhors que la Superieure l'aura permis.

  A025001965 

 La Congregation recevra le moins qu'il sera possible de Seurs Servantes, et la Superieure prendra garde que celles qu'on recevra soyent de bon naturel et resolues de servir Nostre Seigneur pour son amour, en travaillant pour la Congregation, avec volonté d'obeir et de s'humilier en tout et par tout..

  A025001969 

 Et pour cela, quand elles seront malades, la Superieure et Infirmiere les traitteront esgalement comme les autres en toute sorte de services; et quand elles seront tentees et troublees, la Superieure leur ouvrira le sein maternel comme aux autres, affin d'alleger leur travail corporel par ces soulagemens de la sainte charité..

  A025001971 

 Elles ne doivent point parler ni s'amuser par les rues sinon pour les affaires qu'elles y auront, ni entrer es maysons ou elles n'auront point d'affaire.

  A025001975 

 En toutes les occasions esquelles la Superieure ne pourra pas estre presente, l'Assistente tiendra le pouvoir et la place d'icelle, et par consequent sera soigneuse de se treuver par tout ou les Seurs seront assemblees, pour les tenir en respect et faire observer la Regle..

  A025001976 

 Et tous-jours ell'aura le soin particulier de la direction des Offices du chœur, desquelz elle departira les charges le samedi et veille des testes que l'on change l'Office, apres la recreation de l'apres disner, et des lectures, bien que, quant aux livres quil faudra lire, elle n'en face point le choix que par l'ordre de la Superieure.

  A025001999 

 Qu'elle aye le soin de faire tenir toute chose en bon ordre par la Mayson; que les chambres et les offices soyent tenus netz, et pour cela elle les visitera une fois ou deux la semaine, prenant garde si toutes s'acquittent bien de leurs offices, pour en advertir la Superieure.

  A025002000 

 Elle sera soigneuse de faire rendre conte tous les jours a celle qui a la charge de faire les provisions dehors, et de [264] l'escrire affin qu'elle n'oublie rien; comme aussi de prevoir les choses qui sont a faire en sa charge, pour en advertir la Superieure apres la recreation du soir et du matin; et ordonnera le soir aux Seurs Servantes et a celles qui servent a la cuysine ce qui sera a faire pour le lendemain matin, et quand le silence d'apres disner sera sonné, ce qui se devra faire le reste de la journee, affin que toutes choses se fassent par ordre et sans empressement..

  A025002012 

 Elle ira le matin, avant que sonner l'orayson, par toutes les celles, voir si toutes les Seurs seront levees; et si quelques unes avoyent de l'incommodité, elle en advertira la Superieure..

  A025002015 

 Elle doit garder soigneusement les habitz comme appartenans aux servantes de Dieu, et les avoir tous par escrit, y adjouster ce qui se fera de nouveau, avec la date du jour et de l'an..

  A025002016 

 Elle ne les distribuera point aux Seurs que par l'ordonnance de la Superieure.

  A025002017 

 Aucun habit ne sera rompu ni laissé que par l'ordonnance de la Superieure..

  A025002017 

 Elle sera fort vigilante a les bien entretenir et raccommoder, affin quilz ne perissent par negligence et quil n'y ayt rien contre la sainte pauvreté.

  A025002022 

 Elle doit avoir un roolle, et les donner par conte qu'elle escrira quand on fera les lessives; et lhors qu'on le pliera, qu'elle prenne garde si le conte s'y treuvera..

  A025002023 

 Le samedi elle portera les linges par toutes les celles, et le Dimanche chacune luy rendra ceux qu'elles auront laissé.

  A025002035 

 Ainsy doivent elles, tant qu'il leur sera possible parmi leur petit labeur, tenir leurs cœurs recueillis et eslevés en Dieu, et par ce moyen elles n'auront pas moins aggreable leur service fait par l'action que si elles estoyent tous-jours en contemplation.

  A025002036 

 Qu'elles soyent soigneuses de tenir les repas prestz a l'heure ordonnee, affin que par leur faute il n'y ayt point [268] de desreglement; ayant special soin de bien apprester pour les malades..

  A025002040 

 La Superieure sera l'ame, le cœur et l'esprit de la Congregation; en sorte que, comme l'ame, le cœur et l'esprit d'un cors respand son assistence, son mouvement et ses actions par toutes les parties d'iceluy, aussi la Superieure doit animer de son zele, de son soin et de son exemple tous les membres de la Congregation, et doit vivifier par sa charité et dilection maternelle toutes les Seurs et filles de la Congregation: procurant que les regles soyent observees le plus exactement que faire se pourra, que la mutuelle charité et sainte amitié soyent prattiquees en toutes sortes de vertus; ouvrant sa poitrine maternelle et amiable a toutes ses filles esgalement, affin qu'elles y ayent recours en leurs doutes, scrupules, difficultés, secheresses, troubles et tentations; commandant a une chacune et a toutes en general avec des paroles et contenances graves mays suaves, avec une contenance asseuree mays douce et humble, et avec [un] cœur plein d'amour et du desir du prouffit de celles auxquelles elle commande..

  A025002056 

 Puis la Superieure prendra les voix de toutes les Dames, et si la Superieure consent avec la plus part d'icelles, la reception se fera; mais neanmoins avec l'advis du Pere spirituel, qui s'enquerra des conditions de la fille, affin d'en advertir les Dames, et que par ce moyen elles facent meilleure deliberation..

  A025002064 

 La reception des Novices se fera par [les Dames, en sorte que [273] les...] la Superieure, si, ayant pris les voix des Dames dediees, la plus part d'icelles y consent; [mais tous-jours pourtant avec l'advis du P. spirituel qui sera... lequel ne...] mais si la plus part consent a la reception et la Superieure ne consent pas, la Novice ne doit pas estre receiie, sinon que les deux partz des trois faysantes le tout ne consent.

  A025002064 

 Or en ceci [comm'en toutes elections, on usera...] on prendra les voix secrettement, par febves noyres et blanches..

  A025002068 

 Celle qui pretend entrer ayant asseurance de sa reception, entrera avec ses habitz ordinaires en la Mayson, et se praeparera par meditations et oraysons a une bonne confession generale, sinon qu'elle l'eust des-ja faite auparavant, en sorte que le Pere spirituel jugeast quil ne fust pas expedient de la refaire une autre foys..

  A025002075 

 La fille ou femme qui voudra estre receue au Noviciat, apres avoir eu asseurance de sa reception, entrera dans la Mayson et se praeparera, avant toutes choses [a faire une vraye...], par les Meditations qui sont mises au livre; et au choix de la vie devote elle specifiera le choix de celle de la Congregation.

  A025002084 

 Et la Superieure appellant a part soy celle de laquelle il s'agit, luy pourra dire a quoy il tient qu'on ne l'a pas receüe a l'offrande, par telles ou semblables paroles:.

  A025002085 

 Prenes bien courage, ne vous troubles point pour cela; si vous sçaves faire vostre prouffit de ce retardement en vous humiliant, vous en aures par apres de la consolation et toutes nous autres de l'edification.».

  A025002085 

 «Ma chere Seur, nos Seurs ont grand desir que, comm'elles, vous facies la s te offrande et soyes establie en la Congregation; mais avant que vous y recevoir, elles voudroyent que vous vous amandassies de telle et telle chose, affin que, par apres, vous puissies faire un'offrande plus entiere et aggreable a Nostre Seigneur et a sa sainte Mere.

  A025002086 

 Mays si l'on void en elle une bonne volonté de s'amender, encor que pour son infirmité elle ne se soit pas du tout amendee des fautes qu'on luy aura [277] marquees, on luy donnera encor quelques moys, ou mesme un'annee entiere pour parachever son amendement, l'encourageant a cela par paroles et promesses de l'ayder avec toute charité et confiance; et si, avec humilité, elle continue en son amendement, la Superieure la fera recevoir a l'offrande au tems qu'elle luy aura marqué..

  A025002089 

 L'Oblation ne se fera jamais qu'a jour de feste; et lhors la Seur pretendante s'estant preparee selon qu'il a esté dit ci dessus, elle sortira de la Mayson par la porte du chœur, et apres elle, la Superieure et une autre Seur, lesquelles demeureront a costé d'elle, ou debout ou assises.

  A025002091 

 Je, N. telle, demande, pour l'amour de nostre Sauveur, d'estre receüe en la Congregation de Nostre Dame de la Visitation et en la Mayson de ceans, pour m'exercer fidellement au service de Dieu, par obeissance, chasteté et pauvreté.

  A025002095 

 Que si, au contraire, passé l'annee de l'essay, la Superieure et les Dames treuvent la fille ou femme qui demande de faire l'offrande, propre et disposee a cela, elles luy donneront un loysir suffisant pour se praeparer par une confession annuelle et les exercices qui seront marqués ci apres, affin que cette offrande se face avec toute la solemnité interieure qu'il sera possible, comm'aussi elle se fera avec grande solemnité exterieure.

  A025002106 

 O Seigneur Dieu, confirmes moy a cett'heure, affin que je face ce que je vois pouvoir estre fait par vostre grace.

  A025002112 

 La Superieure respond: Oüy, par la grace de Dieu, nos Seurs luy souhaitent de bon cœur de vivre et mourir en leur union, et que pour cela elle face maintenant la sainte Oblation requise a cet effect..

  A025002115 

 Sur cela, la praetendante se leve et est conduitte par la Superieure et l'autre Seu pour s'agenouiller sur le milieu du marchepied de l'autel, ou elle demeurera un peu en silence, les mains jointes et les yeux bayssés.

  A025002116 

 Receves moy, o Pere eternel, entre les bras de vostre tres pitoyable paternité, affin que par le merite de vostre Filz, mon Redempteur, je porte constamment le joug et le fardeau de vostre saint service en cette Congregation, et que je m'abbandonne totalement a vostre divin et celeste amour, auquel je me dedie et consacre de rechef..

  A025002117 

 O tres glorieuse, tres sacree et tres douce Vierge Marie, je vous conjure, par l'amour et la mort de vostre Filz, de me recevoir au giron de vostre protection et dilection maternelle..

  A025002122 

 Je ne pourray donq jamais l'abbandonner pour le regard d'aucun homme; car a luy je suis toute unie par charité, et sa bonté surpasse tout amour.

  A025002126 

 Lhors la Superieure, prenant la nouvelle Seur par la main, la fait lever, et le Prestre luy dit:.

  A025002133 

 Cela fait, on dit la Messe, et la nouvelle Seur vient communier la premiere; comme aussi tout ce jour la elle va par tout la premiere, et on la laisse en paix tout le long de la journee, affin qu'elle puisse mieux savourer le don qu'elle a receu d'estre donnee a Nostre Seigneur..

  A025002135 

 Je, N. telle, ay par la grace de Dieu, ce jourd'huy de l'an N., celebré mon Oblation, pour vivre et mourir en la Congregation de Nostre Dame de la Visitation.

  A025002149 

 Je dis qu'elle pourra estre expulsee, par ce que si, par quelque [288] tentation, il estoit arrivé a quelqu'une quelque action de soy mesme scandaleuse que les seules Seurs ou une d'icelles sceussent, et que la Superieure et lesdittes Seurs qui le sçaurovent jugeassent que la repentance de celle qui seroit tombee meritast qu'on dissimulast pour cette foys la faute, cela se devroit faire.

  A025002149 

 On peut neanmoins dire, par exemple, et pour donner lumiere au jugement qui se devra faire des autres cas, que la lubricité, l'entreprise d'empoysonner, charmer, enchanter, le larcin de chose importante, l'accusation faulse des Seurs en chose qui regarde Ihonneur et renommee, les essays de pervertir les Seurs ou autres personnes en matiere de chasteté et d'honneur, battre les Seurs, si cela se fait plusieurs fois, et semblables, sont des cas vrayement scandaleux.

  A025002150 

 Si donq une des Seurs, ce qu'a Dieu ne plaise, ne vouloit pas vivre selon la Regle, ains vouloit obstinement perseverer a la rompre, refusant les corrections et tesmoignant de ne vouloir point s'amender, en fin, apres qu'on auroit essayé par toutes voyes, et mesme avec du loysir, de la reduire a son devoir, si elle continuoit au mespris et s'obstinoit en son malheur, on la pourroit et devroit expulser et rejetter comme scandaleuse; car encor que le peché auquel elle s'obstineroit ne seroit pas scandaleux, l'obstination neanmoins seroit scandaleuse..

  A025002160 

 Or, puisque cette [292] divine image est honnoree en l'un et en l'autre sexe, que pareille aussi soit en tous deux la vertu qui face paroistre sa force par bonnes œuvres.».

  A025002167 

 Ainsy, la premiere femme treuva egalement, comme le premier homme, lieu de pœnitence apres le peché, et furent sauvees autant de femmes que d'hommes dans l'arche de Noë, et le Royaume des deux est preparé pour l'un et l'autre sexe; ains il semble que la puissance divine, pour manifester sa perfection en l'infirmité, a pris playsir de faire reluire excellemment le sexe feminin en devotion et sainteté, affin de confondre le fort par le foible.

  A025002167 

 «Celles ci,» dit saint Gregoire Nazianzene parlant des femmes devotes, «sont douees d'un grand et genereux esprit, comme ayant rejetté de leur poitrine, par un vaillant et vrayement masle courage, les qualités de cette ancienne et trompeuse Eve; elles ont obtenu l'oubli de toutes leurs praecedentes infirmités par l'attouchement du bord de la robbe du Sauveur; elles se sont affranchies du goust ancien de la pomme mortelle par celuy qu'elles ont pris a savourer Jesus Christ; leur [293] foiblesse ne leur demeure plus que pour la splendeur de la vertu divine, et leur infirmité que pour servir de throsne a l'humilité.».

  A025002169 

 Sur cette consideration, les tressaintz Pasteurs de l'Eglise ancienne ont eu un soin tres particulier de l'avancement de ce sexe en la profession et perfection de la vie chrestienne, a l'exemple du Maistre et Seigneur, qui, par des graces extraordinaires, le favorisa en l'election de l'incomparable Vierge qu'il voulut estre sa Mere; en la personne de Magdeleine et Marthe, de la Samaritaine et Chananee, et en cette trouppe qui le suivoit et le servoit es tres adorables necessités de sa vie mortelle..

  A025002170 

 Et par apres, les Evesques des premiers siecles du Christianisme, gens de vie et de succession apostolique, n'oublierent rien de ce qui estoit requis pour saintement continuer ce bon office; mays sur tout envers les femmes et filles qui, par une speciale inspiration, estoyent appellees a l'estat de la sacree continence, qui pour lhors estoyent de deux sortes, comme le docte Cardinal Baronius tesmoigne, et qu'il est evident a tous ceux qui ont quelque part es escritz de l'antiquité..

  A025002170 

 Pour cela on vit, tout au fin commencement de l'Eglise, les Apostres grandement affectionnés a bien instruire ce sexe en la pieté, comm'il appert par leurs Epistres, esquelles ilz traittent les femmes devotes non seulement cordialement, mais aussi honnorablement; le grand saint Jean ne se desdaignant point d'escrire a l'une d'icelles, que par honneur il appelle Madame.

  A025002171 

 «Il y a plusieurs femmes,» dit saint Gregoire Nazianzene, «en toutes les regions que la salutaire doctrine de Jesus Christ a parcourues, desquelles une partie vit en societé, nourrissant un mesme desir de la vie cæleste et suivant un mesme institut de vie; mais les autres assistent soigneusement a leurs peres et meres infirmes, et a leurs freres qui sont tesmoins de leur chasteté.» Or, quant aux femmes et filles consacrees a Dieu par le vœu de continence, demeurantes en leurs maysons particulieres, la quantité et la sainteté en a tous-jours esté grande; telles [294] furent les anciennes devotes de saint Hierosme et de saint Augustin: Blesile, Aselle, Laeta, Demetrie, Marcelle, Principie et mille milliers d'autres, entre lesquelles estoit celle du lieu Caspalian, qui, en vertu des reliques de saint Estienne, resuscita de mort a vie, au recit de saint Augustin; et la pluspart de celles que le grand saint Ambroyse dit estre venues a luy pour recevoir le voyle sacré, non seulement des quartiers de Bologne et de Playsance, mays aussi de Mauritanie.

  A025002173 

 Saint Ambroyse, au commencement du Livre troysiesme des Vierges, semble vouloir dire que sa seur sainte Marcelline, ayant esté consacree a Dieu le jour de Noël et en l'eglise de Saint Pierre de Romme par le Pape Liberius, entra quant et quant en quelque Congregation, quand il dit qu'il y avoit quantité de servantes de Dieu qui disputoyent de sa societé; c'est a dire, comme je pense, qui desiroyent de l'avoir a l'envi en leurs Congregations, car saint Augustin tesmoigne quil avoit veu a Milan et a Romme plusieurs assemblees de vefves et filles qui vivoyent ensemble et avoyent chacune une Superieure.

  A025002175 

 Or, du despuis ces Congregations de filles et femmes se sont rendues differentes et de deux sortes: car les unes ont esté reduites en terme de Religion formelle au moyen de la Profession que l'on y fait par les vœux solemnelz, et telles sont celles des Carmelines, Jacobines, Chartreuses, de sainte Claire, de Cisteaux, de Fontevrault; des autres sont demeurees en tiltre de simple Congregation, a la façon des anciennes.

  A025002175 

 Toutes neanmoins sont en estat de perfection, comme encor les femmes et filles qui, par vœu ou oblation manifeste, se sont dediees a Dieu, bien qu'elles ne se soyent point rangees sous aucune Congregation; puisque pour estre en estat de perfection il suffit que par une solemnité publique on se soit dedié et obligé de servir Dieu en quelque façon convenable pour acquerir la perfection.

  A025002176 

 Le troysiesme rang est de ceux qui par les vœux parfaitz, mais simples, sont rendus vrays Religieux: comme sont les estudians de la tres honnorable Compaignie de Jesus, [lesquelz, encor qu'en conscience ilz ne se puissent desfaire eux mesmes des sacrés liens de leurs vœux simples, si est-ce neanmoins qu'ilz en peuvent estre absous non seulement par le Saint Siege Apostolique, mais aussi par les Superieurs de l'Ordre;] [et si par leur malheur ilz quittent sans congé leur sainte vocation pour revenir au monde et se marier, leur mariage est valide, quoy que devant Dieu ilz offencent tres griefvement et meritent le nom d'apostatz, jusques a ce qu'ilz soyent legitimement absous de leurs vœux.].

  A025002176 

 Les Evesques tiennent le premier rang, comme dediés, par une consecration sacramentelle, a la charge pastorale qui consiste en la prattique d'une perfection acquise et consommee.

  A025002176 

 Les Religieux des vœux solemnelz et parfaitz tiennent le second rang, comme obligés a suivre les principaux moyens et conseilz propres a s'acquerir la perfection, et ce par une obligation si estroitte, que non seulement en conscience, mais encor selon la police ecclesiastique, ilz ne peuvent en estre delivrés que par l'extraordinaire et souveraine puissance de l'Eglise.

  A025002178 

 Le cinquiesme rang appartient a toutes les autres Congregations, tant d'hommes que de femmes, esquelles on s'oblige, soit par vœu simple, soit par oblation, soit par simple protestation et declaration publique, a la prattique des conseilz evangeliques; lesquelles, bien qu'elles soyent de beaucoup plus grande perfection que celles des Chevaliers mentionnés, quant a la prattique, ne sont pas neanmoins si avant dans l'estat de la perfection selon la police exterieure de l'Eglise, ni ne portent pas le tiltre de Religion entre ceux qui manient les affaires ecclesiastiques, puisque le Saint Siege ne leur donne pas ce nom, ains les laisse sous le simple nom de Congregations pieuses et devotes, comme tesmoigne le docteur Navarre en deux conseilz donnés pour les Dames oblates de la Tour des Mirouërs de Rome.

  A025002178 

 Mais quant au vulgaire, il donne le nom de Religieux et de Religieuse a tous ceux qui, par changement d'habit, font quelque speciale profession de servir Dieu et mesme, en quelques quartiers d'Italie, on appelle Religieux tous les clercz.

  A025002179 

 Le sixiesme rang est de ceux qui, hors de Congregation, font profession speciale de vivre devotement par quelque vœu, oblation ou protestation manifeste..

  A025002181 

 Certes, presque toutes les Religions, despuis plusieurs centaines, d'annes, praetendent tous-jours de se pouvoir estendre en [300] toute l'Eglise, sous l'obeissance d'un General qui gouverne par tout leurs Congregations, sans dependance de la jurisdiction ordinaire des Evesques: ce qui ne se peut faire que par la puissance generale du Saint Siege Apostolique, estant raysonnable qu'un Ordre qui se respand sur tout le cors de l'Eglise en ayt le congé du directeur universel d'icelle; car une Congregation dilatee parmi le Christianisme sous un chef extraordinaire, ne devroit elle pas estre appellee faction, monopole ou sedition, plustost que Religion, sinon qu'elle fut appreuvee de l'Eglise?.

  A025002182 

 Or, il ne suffirait pas pour cela qu'elle fut appreuvee par aucun Evesque particulier, car l'authorité des Evesques particuliers ne s'estend pas sur toute l'Eglise.

  A025002183 

 Elles n'ont point de jurisdiction ni aucune puissance qui s'estende hors d'une seule mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelles elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenues pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees et appreuvees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles se treuvent instituees, ne plus ne moins que les societés et autres confrairies pieuses; les Ordinaires demeurans, quant a cela, en leur ancienne authorité, puisqu'elle ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile de ce tems, portent le tiltre de Religion, et qu'il ne faut pas estimer que le Saint [302] Siege ayt jamais voulu lier les mains aux inferieurs Prelatz, en ce qui ne regarde que leurs troupeaux particuliers et qui est convenable a l'avancement des ames en la perfection chrestienne..

  A025002185 

 Et d'effect, le docteur Giussan, gentilhomme milanois, parlant du zele que ce saint Archevesque avoit pour la sacree vertu de chasteté, recite qu'il induisit plusieurs hommes a la garder, et adjouste en son italien ce qui s'ensuit, rapporté de mot a mot en nostre françois: «Mais le nombre des femmes fut beaucoup plus grand, se remplissant de vierges non seulement les cloistres sacrés, mais divers nouveaux colleges fondés a cette intention en la cité et diocœse, outre la Compaignie de Sainte Ursule, qui estoit estendue presque en toutes partz de cette Eglise, si pleine de bonnes vierges que plusieurs monasteres en eussent esté remplis, et semblablement la Compaignie de Sainte Anne, tant nombreuse en femmes vefves qui servoyent Dieu avec beaucoup de pureté de vie, sous l'observance de leurs propres Regles.» Aussi les Reverendissimes Evesques de [304] cette province lâ ont par apres erigé une multitude de Congregations de filles et femmes vivantes ensemble, sous les noms de la glorieuse Vierge, de sainte Ursule et autres, comme il appert par les livretz des Regles qu'ilz ont donné, imprimés en divers endroitz d'Italie.

  A025002186 

 Or, entre ces simples Congregations, il y en a esquelles on ne s'oblige ni par vœu, ni par serment, ni par oblation, ains seulement par une simple volontaire entree par laquelle on se range en icelles, ainsy que l'on fait en la Congregation [305] de l'Oratoire de Romme, en laquelle non seulement on ne fait point de vœu, ni de serment, ni d'oblation manifeste, mays il est mesme expressement ordonné que jamais nul de ceux qui y sont n'ayt a pretendre d'introduire aucune telle obligation, puisque l'intention du bienheureux Philippe, leur Instituteur, n'avoit jamais esté d'advis que cela fust.

  A025002187 

 Il y en a des autres ou l'on fait des vœux simples: comme l'on void en la pluspart de celles de la province de Milan, esquelles les Seurs font vœu publiq de chasteté et de perseverer en l'obeissance des Regles, ainsy qu'il appert par les formulaires de leurs receptions, qui est presque [306] semblable, quant a ce point, a celuy que les Oblatz de Saint Ambroyse observent quand ilz font le vœu..

  A025002188 

 En quelques Congregations on ne s'astreint pas par vœu, ains seulement par oblation et publique protestation: comme on fait a Romme en celle de sainte Françoise, ditte de la Tour des Mirouërs, et en la Congregation des Oblatz susmentionnés, en laquelle, bien qu'on puisse faire les vœux, comme il est porté au livre de leur Institut, si est ce que pour estre receu en icelle il suffit de faire l'oblation simple..

  A025002190 

 Que si l'oblation est faite en publiq, il viole encor la charité par le scandale qui s'en ensuit; si que le lien de l'oblation est [309] de grande importance et suffit pour mettre la personne en quelque degré de l'estat de perfection..

  A025002191 

 Qu'elles ne sortent jamais, voire mesme pour un peu de tems, si ce n'est pour quelque cause legitime qui soit appreuvee par l'Evesque; 2. et que nul, quel qu'il soit, non pas mesme les femmes, ne puissent entrer en leurs monasteres sans la licence de l'Evesque ou du Superieur, obtenue par escrit, laquelle ne doit estre donnee que pour des cas necessaires..

  A025002192 

 Ce sont donq les deux articles necessaires de la closture des monasteres, qui, comme a sagement remarqué le docteur Navarrus, n'obligent que les Congregations qui sont erigees en tiltre de Religion; entre lesquelles ce decret neanmoins est diversement observé par l'introduction de diversité de clausures, toutes utiles, toutes selon Dieu, toutes tressaintes, d'autant que selon la varieté des lieux, des nations, des vocations on a jugé les causes des sorties et des entrees estre necessaires et legitimes en certains Monasteres et non pas es autres.

  A025002194 

 Et par ainsy, cette absolue et rigoureuse clausure n'estoit pas jugee necessaire, laquelle neanmoins a despuis esté tres utilement introduite en plusieurs couvens..

  A025002194 

 Mais quant au reste, les femmes et filles seculieres avoyent acces aux monasteres, y estant mesme receues par hospitalité; et les Religieuses sortoyent sans difficulté, pour plusieurs causes ordinaires qui, pour lhors, estoyent estimees convenables.

  A025002197 

 Saint Bernard escrit un traitté De la façon de bien vivre a sa seur Religieuse, ou il tesmoigne clairement, par les advertissemens qu'il luy fait, qu'elle ne vivoit pas en l'extremité de la rigoureuse clausure.

  A025002198 

 Car il faut considerer qu'a mesure que les Religions et Congregations des femmes sont dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure; de maniere qu'estant receues par l'Eglise a cette intention, et ayant d'ailleurs solemnisé le vœu de leur sousmission et obeissance pour tout ce qui est requis a l'exacte pratique de leur vocation speciale, c'est avec juste rayson qu'on leur impose une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse a toutes, selon ce qui a esté dit ci dessus..

  A025002198 

 Que si la clausure moderee et terminee par la sainte bienseance de la vocation religieuse a esté suffisante et suffit encor pour maintenir en discipline reguliere plusieurs Congregations, et que le Concile de Trente estant [314] sainement entendu n'oblige pas a la plus rigoureuse, certes, a plus forte rayson les pieuses et devotes Congregations, qui ne sont point erigees en tiltre de Religion, seront tres suffisamment acheminees a la perfection de la vie chrestienne si elles observent fidelement une moyenne clausure, une chacune selon sa vocation.

  A025002199 

 Mays les simples Congregations n'estant pas instituees pour les seulz exercices de l'orayson, ains encor pour plusieurs autres, et estant introduites en l'Eglise pour des louables et sacrees retraites esquelles on ne solemnise [315] point les vœux, ains on les y fait simplement pour ce seul genre de vie, que le docte et pieux Navarrus appelle saint, certes il leur suffit de garder la clausure necessaire pour la bienseance de leur vocation; laquelle au reste les oblige estroit'tement de ne permettre non plus d'acces aux hommes en leurs maysons qu'on en permet es plus estroittes Religions, d'autant que cet article est essentiel a la conservation de la pudeur et chasteté des femmes consacrees a Dieu, et a tous-jours esté observé en toute Congregation de femmes; lesquelles, par la condition de leur propre estat, doivent estre separees d'habitation d'avec les hommes, sans leur permettre aucune entree que par une tres, urgente necessité.

  A025002200 

 Mais pour le demeurant, elles peuvent donner entree aux filles et femmes seculieres pour plusieurs saintes et bonnes occasions, appreuvees neanmoins, ou en general, ou en particulier, par leurs Superieurs; comme aussi elles peuvent sortir pour plus d'occasions que celles qui servent a Dieu en tiltre de Religion, pourveu tous-jours que ce soyent occasions pieuses, graves et jugees convenables, par les mesmes Superieurs..

  A025002201 

 Et a la verité, tout ainsy qu'il faut exalter la clausure: [316] rigoureuse comme clausure plus parfaite, aussi est ce une tentation extreme de n'en vouloir aucune autre en l'Eglise; car si bien il semble que par cette rigueur on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, toutesfois en effect on la diminue extremement, en leur ostant la commodité des retraittes moderees et faciles que l'antiquité et l'experience a tesmoigné estre fort utiles au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002203 

 Quelques Religions se treuvent bien d'avoir des Generaux qui les visitent par tout le monde; les autres estiment d'estre mieux gouvernees de les avoir tous-jours en un lieu destiné.

  A025002206 

 Mais en fin, combien ces Congregations sont desirables, le grand saint Gregoire, Pape, le tesmoigne suffisamment, qui, ayant dit que de son tems il y avoit a Romme bien troys mille femmes et filles dediees a Dieu, il adjouste: «Or, leur vie est telle, que nous croyons que si elles n'estoyent point, nul de tous nous, il y a long tems, n'eust peu durer en ce lieu parmy les espees des Lombars.» Et l'autre grand saint Gregoire, Evesque de Nazianze, estimoit tant les servantes de Dieu, soit qu'elles fussent en Congregation, soit qu'elles fussent es maysons de leurs parens, qu'il ne fait point de difficulté de les appeller son grand honneur et la tres illustre lumiere de son parc; car encor que le sçavant et devot de Billy estime ces tiltres estre donnés [320] a une seule de ces Religieuses, qui surpassoit les autres en vertus, si est ce qu'il y a, a mon advis, plus d'apparence que cela soit attribué a la trouppe entiere; d'autant que ce mesme Saint ayant descrit par apres la vie de ces Dames, il poursuit en cette sorte: «Quoy que certes, quant a moy, j'aye peu de telles femmes, toutesfois je tressaillis tellement d'ayse de voir ces celestes et tres belles estoiles, que pour ce peu que j'en ay je ne fay point de difficulté d'entrer en desfy d'excellence de vertu avec un beaucoup plus grand nombre.» Et sur cela il proteste qu'il se glorifie plus d'avoir quantité de gens dediés a Dieu, qu'il ne feroit de toutes les grandeurs du monde, et dit que sa petite Nazianze estoit appellee Bethleem pour les amys de Dieu qui y estoyent.

  A025002208 

 Revu sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée à la Visitation d'Annecy.

  A025002213 

 Or, une Congregation de cette sorte ne pourroit estre appreuvee par aucun Evesque particulier; car l'authorité des Evesques particuliers ne s'estend pas sur toute l'Eglise.

  A025002215 

 Elles n'ont point d'authorité qui se respande hors d'un diocaese, ni mesme, le plus souvent, hors d'une mayson; de sorte que, comme elles n'ont point de dependance hors des diocaeses esquelz elles sont, aussi l'Eglise les a tous-jours tenu ( sic ) pour suffisamment authorizees et canoniquement instituees quand elles ont esté erigees par l'authorité des Evesques des lieux ou elles sont: ne plus ne moins que les confrairies et autres societés pieuses, que le Pape a accoustumé de gratifier et favoriser par la concessions ( sic ) d'Indulgences et autres advantages spirituelz, pourveu qu'elles auront esté canoniquement erigees par les Ordinaires, lesquelz, quant a cela, demeurent en leur ancienne authorité qui ne leur a esté limitee que pour le regard des Congregations lesquelles, selon le stile present du S t Siege, portent le tiltre de Religions; puisque la limitation et restriction de la puissance ordinaire [302] ne doit operer que selon la rigoureuse signification des motz esquelz elle est conceue, et que le S t Siege ne doit estre estimé vouloir lier les mains aux Evesques inferieurs en ce qui est utile pour l'avancement de leurs brebis en la perfection chrestienne, aflïn qu'un chacun d'eux puisse dire quil est venu en son diocaese affin que les ames eussent la vie, et qu'ilz ( sic ) l'eussent plus abondamment..

  A025002216 

 Et la coustume, qui semble donner la loy aux loix mesme et laquelle au moins leur sert de tres bon interprete, nous oste de toute sorte de difficulté en cet endroit, et monstre bien que l'Eglise et le S t Siege tient pourlegitimement et canoniquement instituees et appreuvees les simples Congregations erigees par les Ordinaires qui, en cela, possedent sans contradiction quelcomque leur ancienne authorité.

  A025002217 

 Et de deça, en France, les compaignies de sainte Ursule ont esté en plusieurs endroitz reduites en Colleges et Congregations par l'authorité ordinaire, l'Eglise et le S t Siege tenant pour canoniquement institué pour ce regard ce que chasque Evesque fait en son diocaese, comm'elle fait en plusieurs autres occasions..

  A025002217 

 .................................................[304] et autres, comm'il appert par les livretz des Regles quilz leur ont donnees, imprimees en divers endroitz d'Italie.

  A025002221 

 Il y a des Congregations esquelles on n'est obligé ni par vœu, ni par serment, ni par oblation, ains seulement par une simple et volontaire entree, par laquelle en effect on se joint a icelles: comme l'on fait en la Congregation de l'Oratoire de Romme, en laquelle non seulement on ne fait point de voeu, ni de serment [305], ni d'oblation manifeste, mays il est expressement ordonné que jamais nul de ceux qui y sont ne puisse pretendre d'introduire aucun lien de semblable nature; telle ayant esté l'intention du grand Bienheureux Philippe Nerie, l'Instituteur.

  A025002224 

 En quelques unes on ne s'astraint pas par vœu, ains seulement par oblation et publique protestation: comme on fait a Romme en la Congregation de sainte Françoise, ditte de la Tour des Mirouërs, et en la Congregation des Oblatz de S t Ambroyse a Milan, en laquelle, bien qu'on puisse faire les vœux, comm'il est porté en leur Institut, si est ce que pour estre receu en icelle il suffit de faire l'oblation simple..

  A025002226 

 Premierement, par la vertu de la vérité, qui est tous-jours violee quand volontairement on rend faulse sa parole; et partant, qui ne garde pas sa promesse, il viole la vertu de verité rendant sa parole fause.

  A025002226 

 Secondement, par la vertu de la bonne foy et loyauté, qui est violee quand on trompe celuy qui s'attend sur nos promesses.

  A025002226 

 Tiercement, par l'honneur et respect que l'on doit a la souveraine majesté de Dieu; car c'est faire un mespris extreme a cette supreme Bonté, de mentir devant elle et fauser la foy et loyauté que l'on luy doit.

  A025002227 

 De sorte que, par l'oblation que l'on fait de soy mesme pour vivre en quelque Institut et Congregation, on ne fait pas a proprement parler une promesse, mais on donne neanmoins asseurance que l'on y vivra; et partant, de contrevenir a son oblation, c'est violer la fermeté que l'on doit avoir en ses bonnes resolutions et le respect que l'on doit a celuy auquel on s'est offert.

  A025002227 

 Et si l'oblation est faite en publiq, c'est encor violer la charité, par le scandale que [309] l'on donne.

  A025002227 

 Mays en l'offrande ou oblation, par ce qu'on ne promet rien expressement, ains seulement on declare et asseure l'affection que l'on a de servir Dieu, quand on manque contre l'oblation on ne peche pas contre la verité ni contre la loyauté, ains seulement contre la fermeté en ses justes affections, et contre la reverence que l'on doit a celuy auquel on s'est offert, si c'est une personne digne de respect.

  A025002227 

 Que si le prince l'accepte, certes, il sera desormais obligé de continuer au service; autrement il violera la fermeté et constance qu'il doit avoir en ses resolutions, et de plus fera contre le respect et la reverence deu ( sic ) au prince auquel il a donné, par cette declaration, sujet de se tenir asseuré de ce qui luy a esté offert.

  A025002234 

 Et par ainsy, cett'absolue et si rigoureuse clausure qui a, despuis peu, esté tres utilement introduite en plusieurs monasteres, n'estoit pas estimee essentiellement necessaire es Congregations anciennes, comme mesme elle n'est pas observee maintenant en plusieurs saintes Religions et Congregations ou la discipline religieuse ne laisse pas de fleurir grandement..

  A025002239 

 par la consideration des causes, qui doivent estre saintes, graves, appreuvees par l'Evesque, de sorte qu'elles ne sortent jamais pour aller passer le tems, ni pour aller simplement visiter les parens et amis, ni pour aller faire des complimens, ni pour aller acheter, vendre, playder et semblables mondanités messeantes a des ames qui font profession d'avoir renoncé au siecle, a la mayson paternelle, aux parens et en somme a toutes affections, hormis a celles que la charité commande.

  A025002243 

 A mesure que les Religions et Congregations des filles et femmes sont plus dediees aux exercices de la vie contemplative, elles ont aussi besoin d'une plus estroitte clausure, pour n'estre du tout point diverties; et d'autant qu'elles sont appreuvees par l'Eglise a cette seule intention, et que d'ailleurs elles ont solemnisé le vœu de leur sousmission pour tout ce qui est requis a l'exacte observance de leur vocation, c'est avec juste rayson que l'on leur impose a toutes une clausure exacte, quoy que non pas egalement rigoureuse, ainsy qu'il a esté dit ci dessus..

  A025002245 

 Et certes, c'est une tentation extreme de ne vouloir que l'extreme [316] et rigoureuse clausure pour les femmes et filles; car si bien par icelle il semble que l'on favorise fort la retraitte des servantes de Dieu, neanmoins, on la diminue extremement ostant la commodité de se retirer a toutes celles qui ne sont appellees qu'a la retraite suffisante et moderee, que l'antiquité et l'experience nous tesmoigne estre neanmoins fort aggreable a Dieu et utile au salut et perfection de plusieurs ames..

  A025002248 

 Quelques Religions treuvent bon d'avoir leurs Generaux qui les visitent par tout le monde; les Chartreux et la Compaignie de Jesus se treuvent bien de les avoir tous-jours en un lieu destiné.

  A025002248 

 [318] Quelques Monasteres de femmes sont regis par des Superieurs reguliers, les autres par les Ordinaires, et on treuve des raysons pour l'une et pour l'autre administration.

  A025002254 

 L'une est qu'il y a pour les filles du regret et du desplaysir qu'elles ayent les obligations essentielles de la Religion et qu'elles n'en ayent ny le nom, ny le merite, ny la perfection, ny les Indulgences; et que les liens qui les tiendront en cete Congregation ne soyent pas si fermes et indissolubles qu'elles ne puissent craindre de veoir, sinon an ces premices de l'esprit de devotion, au moins dans quelques annees et par succession des temps, des tentations et des desordres parmy elles..

  A025002255 

 La rayson est que si les filles, apres avoir faict les vœux et estre demeurees longues annees an la Congregation, venoient, par tentations, seductions ou autrement, a contracter mariage, bien qu'elles offenseroient griefvement Dieu, neantmoins le mariage seroit valide; et lhors, quelle honte et quel malheur a la fille, et quel regret a ses parens! Mais, quelles semences de proces et de mauvais mesnages dans les familles! car, a la rigueur et severité du droict, l'on ne pourrait lhors refuser a cete fille son partage.

  A025002256 

 Il fault adjouster que par la coustume generale de ce royaume les hommes ou femmes proffés en des Religions ne succedent plus aulx biens temporels qui leur pourraient escheoyr; mais tels biens appartiennent a leurs parens plus proches.

  A025002257 

 Les vœux des Jesuites, bien que simples an certaine façon, par l'approbation et privileges particuliers du Pape, sont pourtant tousjours vœux de Religion: et partant, celuy qui sort avec congé de son Superieur, peult contracter mariage; mais celuy qui sort sans congé est apostat, et non seulement il peche griefvement an contractant mariage, mais encor de plus, tel mariage est invalide..

  A025002259 

 Et a la verité, quand il n'an seroit point question, la prudence doit aprendre aux Prelatz et Superieurs de ces Maisons, qu'ils prenent soigneusement garde a ne laisser pas des portes ouvertes par lesquelles le peché et l'inquietude puyssent entrer an l'ame des Sœurs, le desordre et la honte dans les Maisons, et le scandale dans le monde..

  A025002260 

 Ainsy an usa sainct Charles envers les Angeliques de Sainct Paul de Milan, gouvernees par les [324] Bamabites; ainsy a faict depuis peu Monseigneur de Paris avec les Ursulines, ainsy font tous les Evesques..

  A025002262 

 Et au reste, de deux fins aulxquelles l'institut de la Visitation jette son dessein, cet expedient an embrasse une, qui est d'ouvrir une porte par laquelle puissent passer au service de Nostre Seigneur les personnes desja aagees ou foibles, ou qui ne se sentent pas appellees aulx rigueurs des Religions plus estroittes..

  A025002264 

 Et quand il n'y a point de moien de rompre ses liens, possible est il plus asseuré de demeurer au monde que d'entrer an Congregation; car, exceptant quelques vertus extraordinaires, et parlant comme il fault des choses qui se font ordinayrement, il est fort malaysé qu'une mere renfermee an une Maison de devotion, appliquee a l'oraison et a la mortification, puysse an huict ou dix jours, an un ou deux ans, donner l'ordre necessaire aulx affaires de ses enfans; et neantmoings, si vous la presupposes attachee a ce soing par une absolue necessité, elle est comptable a Dieu des [325] omissions qu'elle faict a ce debvoir.

  A025002265 

 Les principaulx docteurs de la Sorbonne n'ont ils pas resolu que la marquise de Magneley seroit mieulx au monde qu'an Religion? Et le Pape, an suite de cete resolution, ne luy a il pas commandé par son Nonce qu'elle demeurast au monde? Sera il dict que pour une veufve qui paroistra au monde comme un phœnix an un siecle, il faille tenir un bon nombre de filles an des Congregations, plus tost que dans le nom et la profession d'une Religion?.

  A025002266 

 Je ne sçaurois que dire de celles qui sont hors de Romme, sinon que, par les petitz livres que nous an avons, il se peult colliger que les dictes Congregations sont instituees principalement pour recueillir les pauvres filles qui n'ont pas les moiens qu'il fault pour entrer an Religion.

  A025002268 

 Ce qui ne se dict point par exageration, ny pour trouver a redire an celles qui, assistees de l'Esprit de Dieu et de la direction d'un angelique Prelat, ont frayé heureusement ce chemin, et se font admirer et non reprendre; mais il fault jetter les yeux dans les annees a venir, et penser au temps que, cete direction manquant et les ardeurs de cete devotion ralenties, les choses pourront succeder moins heureusement..

  A025002269 

 De plus, il fault penser au jugement du monde, et s'imaginer que ceulx qui verront cete Sœur de la Congregation par les chams et dans les villes, n'auront pas tous veu le conseil de Navarre, et ne sçauront pas les distinctions subtiles entre Religion et Congregation.

  A025002269 

 Si donc les occasions des veufves devotes et necessairement attachees au monde sont fort rares, et si leurs sorties sont fort dangereuses, il semble plus expedient de les exhorter qu'elles demeurent a servir Dieu dans le monde, combattant vertueusement par sa grace, qui suffit a toutes nos necessités et tribulations et infirmités de leur vie, que non pas, an les retirant dans des Congregations, donner occasion a toutes les incommodités susdictes..

  A025002269 

 Tant il y a, que voyant une Religieuse par le monde et dans les affayres, il s'an scandalisera; tant y a, que les Monasteres lesquels an execution du Concile on veult remettre an closture, auront fort que dire et dequoy se plaindre; tant y a, que les protestans et les libertins auront dequoy censurer les clostures de nos Monasteres, puisque par le moien des Congregations nous sçavons bien nous an passer, et prouver qu'elles n'estoyent point an la primitive Eglise; tant y a, que ces sorties seront occasion de grandes distractions aux Sœurs qui sortent, et de tentations a celles qui demeurent a la maison, et, par succession de temps, l'on ne peult que l'on n'an apprehande des desordres.

  A025002270 

 Et par consequent, puisque ces Congregations ne sont necessaires [327] que pour ces veufves, estant suffisamment pourveu a l'aultre fin des Congregations par le moien de la Regle de sainct Augustin, et des Constitutions doulces et gratieuses, comme il a esté dict au commencement, il semble que l'on peult conclure qu'il est plus expedient d'eriger des Monasteres et Religions formelles, esquelles les Sœurs serviront Dieu an un estat de plus grande perfection et participeront a mille benedictions et Indulgences que les Souverains Pontifes ont concedees aulx dictes Religions; ou, aultrement, les Seurs ne peuvent seulement estre asseurees d'avoir le consentement de Sa Saincteté, car, recherchee plusieurs fois d'autoriser icelles Congregations, jamais elle l'a voulu faire: oultre qu'il y a grande difference entre sa tolerance, et sa benediction et ses Indulgences.

  A025002276 

 Mais si cela ne se peult faire canoniquement, il fauldra se restreindre au vœu de chasteté et au ferme propos et establissement du reste; et possible seroyt il a propos de le concevoir ainsy: «Je, N., fais vœu a Dieu de le servir en perpetuelle chasteté, et de vivre et mourir en la Congregation de ceans, selon les Regles et Constitutions d'icelle.» Et dans les Regles on expliquera que l'on ne fait pas vœu expres de pauvreté et d'obeissance, mais que les Sœurs observeront pourtant l'un et l'aultre volontairement et pour l'amour de Dieu, avec aultant de fidelité et de courage que si elles y estoyent liees et obligees par des vœux les plus solemnels du monde..

  A025002278 

 Avec cet expedient et cete moderation, l'on pourrait pourveoir an partie aulx inconveniens qui procedent des sorties, et satisfaire par mesme moien aulx desseins et a l'intention de la Congregation, qui est de donner retraitte a des veufves, bien que chargees encor de quelques affaires pour lesquelles il leur fust besoin de sortir quelquefois au monde; intention que l'on trouve bien louable et charitable, s'il estoit aussy aysé de rencontrer les moiens de l'executer sans inconveniens et incommodités..

  A025002288 

 Aussi, en l'affaire de M me de Gouffiers, on exprima qu'elle estoit en la May son de la Congregation des Oblates d'Annessi, et ni le nom, ni la chose ne fut point treuvee estrange: signe manifeste qu'elle est de l'espece des Institutz qui sont suffisamment appreuvés quand ilz sont erigés par les Evesques, desquelz les actions n'ont pas besoin d'approbation speciale, sinon es cas que le Saint Siege s'est expressement reservé..

  A025002288 

 Secondement, on en fit parler a Sa Sainteté, laquelle tesmoigna de la treuver bonne, accorda des Indulgences et benedictions sur un sommaire escrit qui luy fut fait par [333] le R. P. François de Beugey, Commissaire de la Province de la Mission des Peres Capuçins; bien que le seigneur Cobellutio ne voulut pas se departir du formulaire ordinaire lhors qu'il fit dresser le Brief desdites Indulgences.

  A025002289 

 Exemple en soit les Guastales a Milan, ou nos bons Peres Barnabites disent tres souvent la Messe; ou l'Institutrice, Confesse Guastale, a establi un confesseur et un clerc ordinaire pour dire la Messe et administrer les Sacremens, ainsy qu'il appert par son testament imprimé, que l'Evesque de Geneve a. Et l'on peut bien comprendre que les Urselines qui sont en Congregation, ont eglise interieure, c'est a dire chœur pour elles, et exterieure pour les Messes, au diocese de Novare, puisque au Formulaire de la reception, qui est imprimé parmi les autres escritz pastoraux de Monseigneur de Novare, il est dit tout a la fin que les filles receuës seront ramenees en leurs maysons, «ou bien en l'eglise interieure, si elles sont receuës en Congregation.» [335].

  A025002290 

 Cela, comme l'on pense, avec ce qui a esté escrit au papier ci devant presenté a Monseigneur l'Archevesque, peut suffire pour monstrer que l'erection de telles Congregations est tres loysible, d'autant plus que celle de la Tour des Mirouers de Romme est non seulement toleree, mais appreuvee expressement par le Saint Siege, et grandement louëe comm'une maniere de vivre sainte; tesmoin Navarre..

  A025002291 

 Et sainte Françoise, tous-jours conduite par son bon Ange, pensa que la sienne seroit a l'honneur et plus grande gloire de Dieu.

  A025002294 

 Or maintenant, venans a ce qu'il faut resoudre, et considerant que le genre de vie prattiqué en cette Congregation pourra estre receu avec beaucoup d'utilité et de gloire de Dieu en divers endroitz du royaume de France, sil [338] estoit reduit au point auquel Monseigneur l'Archevesque le desire, l'Evesque de Geneve, de tout son cœur, sans un seul brin de repugnance, acquiesce a l'establissement de cette Congregation en tiltre de simple Congregation, sous la condition d'une clausure perpetuelle, toute telle qu'elle est marquee au Concile de Trente pour les Religieuses formelles, et sous cette douce et benigne interpretation que, comme a Romme et en Italie presque par tout on estime une suffisante cause pour faire entrer les filles du monde es monasteres quand elles ont besoin et volonté d'y estre instruites, on puisse aussi y faire entrer les femmes et filles qui auront besoin et volonté de s'y retirer pour un peu, affin de mettre ordre et restaurer leurs consciences; puisque cette necessité est grande, et les fruitz de ces entrees plus grans qu'il ne se peut dire, ainsy que l'experience l'a fait voir de deça.

  A025002296 

 Et pour satisfaire encor plus pleinement aux conceptions des hommes du monde, on pourroit, ce semble, obtenir aysement de la Cour de Parlement, ou du Conseil du Roy, que les renoncemens faitz par les filles, a leur entree, des pretentions temporelles, tiendroyent; aux reserves de ce qui leur seroit accordé en leurs entrees, qui demeurera acquis a la Congregation, sinon en cas d'expulsion, qu'il leur sera rendu, ou a leurs parens, pour leur entretien, sans qu'elles puissent prœtendre autre chose; car une telle declaration seroit utile, pour le temporel, aux familles, et pour la descharge des Maysons, et par consequent il y a lieu de croire qu'il seroit facile d'obtenir.

  A025002304 

 Et aussi n'y a-il plus lieu de retarder, attendu que l'Evesque de Geneve est en une parfaite indifference pour aggreer avec suavité le choix qu'il plaira a Monseigneur l'Archevesque de faire; et mesme a pris plus d'inclination pour celuy de la Religion, y voyant plus reluire le contentement de celuy auquel il doit et veut rendre toute obeissance, et l'applaudissement des gens du monde et mesme de plusieurs Religieux, avec la conservation des fruitz praetendus par la Congregation, afïin que les fruitz et tout l'arbre soit cheri et appreuvé esgalement en l'esprit de celuy auquel ledit Evesque se sousmet, a la gloire et louange de Dieu, a qui soit honneur et gloire..

  A025002305 

 Si par adventure on retenoit la Congregation, il sembleroit a propos de faire faire les vœux les plus expres qu'il se pourrait, pour exciter les ames a plus grande reverence envers les Regles, puisque en Italie on les fait ainsy; et les paroles: «selon les Regles et Constitutions,» limitent les vœux de pauvreté et obeissance, non pas celuy de chasteté; et semble qu'es formulaires d'Italie on ayt eu esgard a cela..

  A025002306 

 Revu sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée à la Visitation.

  A025002313 

 Copié en grande partie par M. Michel Favre, il a été surtout corrigé par la Mère de Chantal; quelques corrections cependant, sont de la main de saint François de Sales.

  A025002313 

 Les marges de certaines pages sont remplies par la sainte Fondatrice qui a écrit dans tous les sens; la plupart de ses modifications sont adoptées dans le Ms.

  A025002314 

 K furent sans doute celles que suivait la Communauté d'Annecy; c'est encore ce texte qui fut emporté à Lyon par les fondatrices du deuxième Monastère, en janvier 1615.

  A025002316 

 Et partant, les Seurs voylees... ne sortiront point [343] du tout, sinon pour des causes... de grande importance, selon qu'il sera advisé par l'Ordinaire...».

  A025002320 

 La formule des vœux est ainsi conçue: «Je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en obeissance et pauvreté en la Congregation de ceans, selon les regles et Constitutions d'icelle.» Cette phrase fut ensuite modifiée par le saint Fondateur, d'après l'avis de l'Archevêque de Lyon qui l'avait discutée dans son Mémoire..

  A025002322 

 On pourrait multiplier les remarques et par là même les preuves [344] en faveur de la date que nous suggérons: août-novembre 1615; mais celles que nous venons de donner suffisent amplement..

  A025002323 

 Il écrit en effet le 16 ou le 17 août à sainte Jeanne de Chantal: «Il faut attendre que nos Regles soyent bien appreuvees et la Mayson de Lion bien establie par [l'autorité de M gr ] l'Archevesque.» (Tome XVII, p. 37.) — Les Constitutions, revues, corrigées, augmentées et copiées furent envoyées promptement à M gr de Marquemont, qui différa assez longtemps avant d'en écrire son sentiment au Fondateur, comme il le lui dit lui-même dans sa lettre du 20 janvier 1616.

  A025002324 

 P par la Mère de Chantal? — Elles sont postérieures à la réception du Mémoire de M gr de Marquemont; il dut parvenir vers le 25 janvier 1616 à saint François de Sales, qui y répondit le 2 février.

  A025002325 

 a) Dans son Mémoire, l'Archevêque proteste contre les sorties même des veuves, pour l'arrangement des affaires de famille (voir ci-dessus, p. 325); dans notre Manuscrit, l'article 6 est complètement changé; le nouveau texte est écrit par M. Michel Favre sur deux bandes de papier collées en sorte que le texte primitif reste visible..

  A025002329 

 P fut corrigé par la Mère de Chantal et revu sommairement par saint François de Sales dans le courant de mars et dans la première semaine d'avril 1616..

  A025002329 

 Par ces diverses citations il est facile de conjecturer que le Ms.

  A025002332 

 C'est un très beau Manuscrit, grand in-4 o, de 110 pages; les trois dernières sont blanches et les trois qui les précèdent sont occupées par la Table des matières; le premier feuillet, qui devait porter le titre, manque.

  A025002332 

 Ces corrections ne paraissent pas être de la Mère de Chantal; elles sont faites, toutefois, par une femme.

  A025002334 

 a) La plupart des modifications proposées par la Mère de Chantal dans le Ms.

  A025002336 

 c) A l'article 2, on remarquera la longue addition concernant la réception des veuves: recevoir seulement celles qui n'auront «pas des affaires qui tirent» à la longue et qui ne demandent pas «des frequentes sorties»; — essai de six semaines avant de «tirer les voix»; — si elles ont le consentement de la Supérieure et des Sœurs, on leur fera écrire leur admission, elles prononceront «le vœu de chasteté et de demeurer en la Congregation,» puis on les remettra pour une année à la Directrice, sans pourtant qu'elles «soyent tenues pour estre du cors de la Congregation, bien qu'elles soyent obligees d'en observer toutes les regles et coustumes»; — à la fin de l'année, si leurs affaires ne sont pas encore réglées, elles sortiront du Noviciat jusqu'à ce qu'elles soient «prestes a prendre [346] l'habit,» qu'on ne leur donnera point pendant qu'elles «ne pourront pas s'exempter de sortir,» et, par conséquent, elles ne seront pas «receues a l'establissement solemnel.» C'est encore ce que M gr de Marquemont avait demandé dans son Mémoire (voir ci-dessus, pp. 330, 331)..

  A025002344 

 En quoy, outre la perte qu'elles souffrent, elles sont dignes de grande compassion; car, qui n'auroit pitié d'une ame genereuse, laquelle ayant un extreme desir de se perfectionner et de vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins presque bonnement le faire, faute d'avoir un cors asses fort et une complexion saine, la poursuitte qu'elle voudroit faire de la sainteté estant empeschee par le manquement de la santé? Et n'est ce pas grand dommage de voir une vefve qui n'aura peut estre d'affaires domestiques que pour ou huit ou quinze jours chasqu'annee, croupir toutefois et tremper tout le reste de sa vie dans les inquietudes d'un mesnage, emmi les perilz de perdre a chasque moment l'affection qu'elle aura a sa viduité? Et n'est ce pas un secours fort a propos pour celles qui sont avancees en aage, de leur presenter une retraitte en laquelle elles se puissent mieux preparer pour estre retirees eternellement au Ciel? [348].

  A025002344 

 Plusieurs femmes et filles vertueuses, divinement inspirees, bien souvent aspirent a la perfection de la vie chrestienne par le desir de consacrer tous les momens de leur vie a l'amour et service de leur Redempteur; lesquelles neanmoins, ou pour l'imbecillité de leur complexion corporelle, ou pour estre des-ja affoiblies par l'aage, ou pour avoir des urgentes obligations d'ordonner de tems en tems les affaires temporelles de leur mayson, ou bien en fin pour n'estre pas poussees et incitees a la recherche d'une vie rigoureuse, ne peuvent pas entrer es Religions austeres, et par consequent sont contraintes d'arrester au monde, emmi le tracas ordinaire d'iceluy, exposees aux perpetuelles distractions, et aux occasions et dangers de pecher ou vivre sans devotion.

  A025002345 

 Affin donq que telles ames pleines de bonne affection ayent des-ormais moyen en ces quartiers de deça de se retirer du monde, fuir les occasions et dangers de se perdre, et s'appliquer doucement et parfaittement a l'exercice du divin amour, cette Congregation a esté dressee et procuree sur l'exemple de beaucoup d'autres, lesquelles, a mesme intention, furent instituees par le grand saint Charles et plusieurs autres Prelatz de grande authorité en Italie, et de celle que sainte Françoise fonda a Rome..

  A025002349 

 On pourra donq recevoir en cette Congregation les vefves desquelles les enfans sont hors de leurs maysons, comme aux estudes, aux cours et ailleurs, ou a l'education desquelz elles peuvent bien et deüement pourvoir par autruy, quoy que d'autre part elles fussent obligees d'avoir le soin general d'iceux et de leurs affaires, pourvu que tel soin ne requiere pas leur residence en leurs mesnages, [349] ains puisse estre prattiqué et executé en peu de jours; car, pour cest effect, telles vefves pourront prendre les commodités requises, avec le moins de distraction que faire se pourra..

  A025002350 

 Que si dans cette premiere annee leurs affaires ne sont expediees, on les retirera du Novitiat jusques a ce qu'elles soyent prestes a prendre l'habit, que l'on les y remettra pour encor un an; car tandis qu'elles ne pourront pas s'exempter de sortir quelquefois pour le reglement des affaires de leur mayson temporelle, elles ne prendront point l'habit de la Congregation, ains demeureront en l'habit de leur viduité ordinaire, mais grandement modeste et simple; ni ne seront point, par consequent, receuës a l'establissement solemnel de la Congregation jusques a ce qu'elles soyent en liberté d'y demeurer et vivre sans sortir, comme les autres.

  A025002354 

 Le principal point de la clausure des Congregations des femmes et filles est que leurs maysons soyent fermees aux hommes; et partant, les hommes n'entreront en façon quelcomque en la Mayson de cette Congregation, sinon pour chose necessaire et qui ne puisse estre executee que par l'entree d'iceux, pour laquelle il faudra encor avoir licence par escrit de l'Evesque ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025002355 

 Le confesseur, donq, medecin, apothicaire, cyrurgien, maçon, charpentier ou tel autre venant par necessité en la Mayson, il sera conduit au heu ou il doit faire sa charge par deux des Seurs, lesquelles feront auparavant sonner une clochette, affin que l'on sache qu'il y a des hommes dedans, et que toutes les Seurs se retirent en leurs chambres et es lieux de leurs offices pour esviter d'estre veuës et rencontrees par ceux qui sont entrés..

  A025002357 

 Et affin que l'entree pour les malades se face avec moins d'interestde la closture, on observera de faire les infirmeries en sorte que pour y aller des la porte on ne passe point dans le dortoir, ains par les lieux moins sujetz au rencontre des Seurs..

  A025002362 

 Que ce soit avec licence par escrit du Pere spirituel de la Mayson..

  A025002363 

 Que ce ne soit pour prendre aucun repas, ni pour y arrester apres le soleil couché, s'il n'est expres porté par la licence..

  A025002364 

 Qu'a leurs entrees on observe ce qui a esté dit pour l'entree des cyrurgiens et medecins, horsmis que la Superieure pourra avec liberté faire entretenir celles qui entreront par les Seurs que bon luy semblera et es lieux qu'elle treuvera plus a propos, voire mesme pourra les admettre aux exercices de la Mayson, s'il y a apparence d'edification..

  A025002366 

 On prendra garde que les femmes qui entrent ne troublent [354] point le train ordinaire des exercices de la Mayson, et pour ce on n'en recevra que deux ou trois a la fois, sinon que pour quelque grande et extraordinaire occasion il y eust licence par escrit d'en recevoir davantage; car autrement il y auroit danger de grande distraction et importunité..

  A025002369 

 Et on leur fera leur logis a part, affin qu'elles n'entrent [355] point dans les dortoirs ni aucun autre office de la Mayson, ni moins leurs filles de chambre, sans le congé de la Superieure; laquelle, par soy mesme ou par l'une des Seurs, leur fera toute assistence de conseil, livres et commodités propres au sujet pour lequel elles seront venues, tesmoignant envers elles une tres cordiale charité de toute la Congregation..

  A025002370 

 En fin, il faut que les personnes du monde entrent en la Mayson en sorte que le monde n'y vienne point avec elles; ce qui arrivera si les filles de la Congregation attirent par leurs devis, modestie et sainte contenance les femmes qui viennent, a parler chrestiennement et spirituellement, sans meslange de murmuration, curiosité ou autres entretiens superflus..

  A025002374 

 Que tous-jours celle qui parlera soit assistee d'une autre Seur qui puisse ouyr ce qui se dira, sinon que pour quelque respect la Superieure se contente que la Seur qui parle soit veue et non ouye par celle qui l'assistera, laquelle, en ce cas, se retirera a part faysant quelque [356] ouvrage, ou lisant quelque livre, ou priant Dieu, Les Novices auront toute liberté de parler a leurs parens proches en la façon susdite, comme au contraire on les tiendra exemptes de parler a tous autres, tant que faire se pourra.

  A025002378 

 Bien que les Congregations establies en tiltre de simple Congregation pieuse, tant a Romme mesme qu'es autres lieux d'Italie, ne soyent point sujettes a la rigoureuse et exacte clausure, en celle ci toutefois s'observera exactement [357] la clausure prescritte aux Monasteres par le sacré Concile de Trente, selon la forme et teneur des paroles d'iceluy qui sont telles: «Or, a aucune des Religieuses soit loysible, apres la Profession, sortir du monastere, pour peu que ce soit, sous quel praetexte que ce soit, sinon pour cause legitime qui soit appreuvee par l'Evesque.

  A025002378 

 Et quant a l'entree dans l'enclos du monastere, qu'il ne soit loysible a personne, de quelque qualité, condition, sexe ou aage qu'il soit, sans la permission donnee en escrit par l'Evesque» ou Superieur.

  A025002380 

 La clausure n'exclud pas les Seurs de sortir dans le chœur des prestres pour parer l'autel, a condition quil ny ayt personne estrangere, et que la porte de la nef soit [358] bien fermee; laquelle nef, comme aussi la grande treille et le parloir se fermeront en dehors par les Seurs Servantes qui en apporteront tous les soirs les clefz a la Superieure..

  A025002383 

 Or, elle se commencera par le Veni, Sancte Spiritus; a la fin de laquelle se dira Prime a droitte voix.

  A025002396 

 Si quelqu'une fait faute au chœur, personne ne la reprendra sur le champ; mais si elle se peut reparer, celles qui s'en appercevront la repareront doucement et sans s'en empresser; comme par exemple: si celles qui commencent les Pseaumes avoyent pris l'un pour l'autre, les autres reprendront le Psalme laissé sans faire semblant de la faute.

  A025002397 

 Or, parce que les espritz humains ont accoustumé de prendre des secrettes complaysances en leurs inventions et nouveautés, mesme quand c'est sous le praetexte de la devotion et accroissement de pieté, et que neanmoins il arrive ordinairement que la multitude des Offices empesche l'attention, gayeté et reverence avec laquelle on les doit faire, il ne sera point loysible a la Congregation, sous quel praetexte que ce soit, de se charger d'autres Offices ou prieres quelcomques ordinaires que des Heures de Nostre Dame, qu'on appelle le Petit Office, avec la variation des seules antiennes, Chapitres, himnes, versetz, Invitatoires et Oraysons es festes nommees ci dessus, selon quil est porté au Formulaire de leur Office; et par ce moyen elles auront tant plus d'occasion d'apprendre a bien, distinctement et gravement dire, prononcer et chanter leur dit Office..

  A025002410 

 Or, cette lecture doit estre tous-jours commencee par un article de la Regle, faite distinctement et clairement, avec des justes pauses de periode en periode, affin que toutes les autres estant en silence entendent sans peyne ce qui se dira.

  A025002412 

 dans le refectoir a droitte voix, quant a la premiere table; mais quant a la seconde, on ne dira que le petit Benedicite et les petites Graces, et l'office s'en fera par celle qui sera la premiere de la table selon l'ordre de cette annee la, et la leçon ne se continuera que jusques a moytié table..

  A025002413 

 Outre les jeusnes commandés par l'Eglise, elles jeusneront toutes les veilles de Nostre Dame et celles de Pentecoste, de l'Ascension, Trinité et Feste Dieu, et tous les vendredis despuis la feste saint Michel jusques a Pasques, sinon qu'en ce jour lâ se celebrast quelque feste de commandement, car en ce cas le jeusne seroit remis au samedi; que sil estoit encor feste le samedi, le jeusne ne se feroit point cette semaine la.

  A025002415 

 Les Seurs estant entrees a table, nulle ne despliera sa serviette ni ne mettra la main au pain ni au cousteau que la Superieure n'ayt donné l'obedience disant: «Au nom de Dieu.» Et taschera on non seulement d'observer le silence, mais de faire le moins de bruit quil se pourra; que si quelque Seur a besoin de quelque chose qu'elle [366] puisse faire entendre par signe, elle n'employera point les paroles pour cela..

  A025002424 

 Or, cette Congréegation estant comme une petite armee dressee contre la vanité du monde, affin que combattant heureusement elle puisse rendre conte a Nostre Seigneur et a Nostre Dame de plusieurs belles victoires, elle doit estre establie en une parfaite obeissance; et pour cela, toutes les Seurs obeiront exactement, fidellement et [367] sans reserve a la Superieure, ne faysant chose quelcomque que par son ordre..

  A025002425 

 Tous les messages, donques, et lettres qui entreront et sortiront luv seront premierement rapportés, affin qu'elle les permette ou retienne, ainsy que bon luy semblera; horsmis les lettres que les Seurs escriront au Superieur et Superieure absens, car celle qui demeurera en la place de la Superieure par maniere de lieutenante ne verra point telles lettres addressantes aux Superieurs, bien que tous-jours on luy doive demander licence pour leur escrire et faire cachetter les lettres par celle qui a le sceau de la Mayson.

  A025002433 

 Puisque le vœu fondamental de cette Congregation se fait expressement et formellement de la chasteté et continence perpetuelle, il n'est point besoin de declarer combien toutes les Seurs y sont obligees; car, en un mot, elles doivent [369] estre toutes a Dieu leur Espoux, de cœur et de cors, en toute honnesteté, pureté, netteté et sainteté, en esprit, en paroles et en œuvres, par une angelique conversation..

  A025002437 

 Chasque Seur ayant traitté des affaires necessaires a sa reception et entretenement en la Congregation, selon quil sera advisé par le Pere spirituel et la Superieure (ce qui se fera tous-jours avant la reception de l'habit, sil se peut), elles renonceront, le jour avant leur vœu et establissement, a toutes les pretentions qu'elles peuvent avoir au monde, en la meilleure façon que le Pere spirituel et la [370] Superieure adviseront par conseil.

  A025002440 

 La veille de la Circoncision, lhors que l'on tire les billetz des Saintz, on escrira en chasque billet le nom de l'un des Saintz que l'on veut tirer, et de l'autre costé on marquera par nombre quelqu'une des chambres; et mettra-on sur une table, par ordre, les chapeletz, Agnus Dei et reliques des Seurs.

  A025002440 

 Le tout se fera avec devotion et reverence, pour l'amour du Saint qu'on aura tiré, et pour imiter en quelque sorte, par cette circoncision des menues affections qu'on pourrait avoir, celle de nostre Sauveur..

  A025002440 

 Puis, chacune tirera son billet et prendra sa chambre et ce qui est dedans, et les chapeletz, reliques, croix, images et Agnus Dei selon le nombre qui sera marqué en leur billet; comme, par exemple: celle a laquelle sera escheu le nombre de 4, prendra la chambre quatriesme, avec tout l'emmeublement, et le chapelet, croix, reliques et images qui sera le quatriesme en ordre sur la table.

  A025002441 

 Toutefois, si les Seurs qui ont beaucoup a escrire, comme l'Œconome, tiroyent quelque chambre trop obscure, on pourroit, par l'ordre de la Superieure, pourvoir a cette necessité, comme aussi a celle de quelque Seur melancholique [372] qui auroit besoin de beaucoup sejourner dedans sa chambre et a laquelle le medecin jugeroit en devoir estre donné une qui fut bien aeree..

  A025002446 

 Et quant au reste des Seurs, quelz offices qu'elles ayent, elles ne tiendront aucun rang, sinon en ce qui regarde leurs charges; comme, par exemple, l'Assistente ne precedera les autres qu'au chœur, sinon en l'absence de la Superieure.

  A025002446 

 La Superieure aura par tout le premier rang, mays elle ne laissera pas pourtant de faire tous les exercices communs de l'humilité en tous les services de la Mayson, balliant et lavant les escuelles, nettoyant les malades a son tour comme les autres.

  A025002447 

 Comme, par exemple: celle qui aura le nombre 3 ira la troysiesme [373] par tout, horsmis, comme il a esté dit, si elle estoit officiere; car alhors, es choses de sa charge elle precedera.

  A025002473 

 Et attendu que c'est la parole de Dieu qu'en toutes assemblees qui se feront en son nom il sera au milieu, les Seurs doivent assister a celle ci, qui est vrayement faite en ce tressaint nom, avec grande reverence et devotion [377], s'imaginant de voir Nostre Seigneur au milieu d'elles, par l'ordonnance et inspiration duquel leur sont dites et enseignees plusieurs choses necessaires a leur perfection; c'est pourquoy elles les doivent conserver soigneusement en leur esprit, pour les reduire par apres en prattique..

  A025002478 

 Comm'aussi une chacune lira la Regle tous les moys, avec pareille devotion que si alhors elle leur estoit donnee nouvellement; et Dieu leur donnera tous-jours des nouvelles lumieres par la lecture d'icelle..

  A025002481 

 Les ouvrages que les Seurs prendront a faire des gens [378] de dehors seront receus par la Superieure ou celle qu'elle deputera.

  A025002490 

 Les denrees seront receues par l'Œconome, qui en tiendra conte de moys en moys a la Superieure, en presence de la Portiere.

  A025002490 

 Mays l'argent sera deposé en un coffre a trois clefz, dont l'une sera gardee par la Superieure, l'autre par la plus ancienne des Seurs et la troysiesme par la seconde selon l'ordre de reception; et sera tenu.............................................................

  A025002500 

 Si quelqu'une manque par oubli ou negligence a ce qui est de sa charge, celle qui s'en appercevra l'en pourra advertir, non par forme de remonstrance, ains comme la faysant resouvenir et la remettant en memoire.

  A025002501 

 Estant adverties en Chapitre ou refectoir de leurs defautz, elles recevront avec humilité l'advertissement, sans replique ni excuse, et n'en parleront point hors de la, ni d'aucune autre chose qui s'y face ou dise; ains garderont la reverence deue a toutes telles actions, mortifications et humiliations, non seulement faites de leur propre mouvement, mais aussi lhors qu'elles sont enjointes ou qu'elles leur sont faites par la Superieure, les regardant avec estime, comme des moyens inspirés de Dieu pour leur avancement..

  A025002512 

 Mays quant a la Visite, il seroit expedient qu'elle se fist par l'Evesque mesme, avec l'assistance du Pere spirituel..

  A025002519 

 Comme l'ame et le cœur respandent leur assistance, mouvement et action par toutes les parties du cors, aussi, la Superieure doit animer de sa charité, de son soin et de son exemple tous les membres de la Congregation, vivifiant par son zele toutes les filles qui sont en sa charge, procurant que les Regles soyent observees le plus exactement quil se pourra, et que la mutuelle charité et sainte amitié fleurisse en toute la Mayson.

  A025002520 

 Elle commandera a une chacune des Seurs et a toutes en general par des paroles et des contenances graves, mais douces et humbles, et avec un cœur plein d'amour et de desir du prouffit de celles a qui elle commande..

  A025002521 

 Et partant, lhors qu'une fois le moys les Seurs luy rendent conte de leurs ames, elle les examinera, s'enquerant discrettement de l'estat present de leur esprit, pour, par apres, les ayder, exciter, corriger et soulager..

  A025002529 

 Qu'elle ne concede pas aysement a pas une un usage plus frequent des Sacremens que celuy qui est porté par la Regle, de peur qu'en lieu d'une amoureuse et respectueuse Communion, il ne s'en face plusieurs par imitation, jalousie, propre estime et vanité..

  A025002535 

 Que jamais on ne face aucun proces sans premierement faire rechercher la partie d'une voye amiable, et que l'on n'ayt eu l'advis du Pere spirituel et de quelques uns des principaux amis de la Mayson et des mieux entendus, lesquelz conseillans d'entrer en proces, la Congregation se tiendra grandement sur ses gardes a ce que rien ne se passe de son costé par animosité, contention et passion, ni en paroles, ni en escritures, ni en œuvres.

  A025002540 

 En toutes les occasions esquelles la Superieure ne pourra pas estre presente, l'Assistente tiendra le pouvoir et la place d'icelle, et par consequent sera soigneuse..................................

  A025002552 

 avec l'advis de l'Œconome et des deux Surveillantes, en advertissant par apres la Superieure si tost quil se pourra bonnement faire..

  A025002561 

 Or, les enseignemens qu'elle leur donnera seront principalement de la fin pour laquelle elles se doivent estre retirees du monde, qui est affin de s'unir plus parfaitement a Dieu; que non seulement elles sont entrees en la Congregation pour se retirer du monde, mais pour se retirer et separer d'avec elles mesmes, mortifians leurs sens exterieurs et encor plus leurs passions interieures, rappellant toutes leurs forces au service de Nostre Seigneur, par une chasteté tres parfaite, une pauvreté et despouillement de toutes choses tres entiere, et par une obeissance et abnegation de toute propre volonté; et que, en somme, toute la Congregation est fondee spirituellement sur le mont Calvaire, pour considerer Jesus Christ crucifié pour l'amour de nous, affin que toutes les Seurs apprennent a crucifier leurs sens, passions, inclinations et humeurs pour l'amour de luy..

  A025002573 

 Les Novices, tant les unes que les autres, s'addresseront a la Directrice en toutes leurs necessités, et si ce sont necessités d'importance ou consequence, elle en advertira la Superieure; mays pour les menues necessités auxquelles la Directrice peut prouvoir par elle mesme, elle le fera sans en donner la peyne a la Superieure..

  A025002596 

 Elle ne fera aucun message de dehors aux Seurs, ni des Seurs a ceux de dehors sinon par l'ordre de la Superieure, ou bien de la Directrice en ce qui regarde les Novices..

  A025002620 

 Elle sollicitera celles qui apprestent pour les malades de bien suivre les heures ordonnees par le medecin, duquel elle recevra et taschera de bien entendre toutes les ordonnances, et mesme les marquera dessus ses tablettes pour les faire suivre de point en point, sans rien changer..

  A025002630 

 Elle ira le matin, avant que de sonner l'orayson, par toutes les celles des Seurs pour voir si quelqu'une, par [395] incommodité, ne peut pas venir a l'Office; et si elle en treuve, elle en advertira la Superieure..

  A025002670 

 La Superieure leur ouvrira son sein maternel comme au reste des Seurs, allegeant leur travail corporel par ce soulagement spirituel..

  A025002675 

 sortir; ni parler ou s'amuser par les rues, sinon pour les affaires qu'elles y auront..

  A025002699 

 «Je, N., ayant instamment requis et demandé d'estre receue en la Congregation de Nostre Dame de la Visitation de Moulins, ay receu cette grace de Nostre Seigneur que d'y estre admise, par le consentement de toute ladite Congregation, ce jourd'huy...».

  A025002730 

 Et alhors, l'Evesque la nomme par son nom, disant par exemple:.

  A025002740 

 Ce que j'ay obtenu, par la grace de Nostre Seigneur, ayant avec l'habit changé de nom et receu celuy de Paule Marie.

  A025002741 

 (Dans les deux Manuscrits, cet article se termine par le dernier alinéa de la Constitution XLIV e du texte définitif, p. 114, avec trois légères variantes: ligne II: « tendre et pleureuse...» — ligne 13: « esgale ses humeurs...» — ligne 20: « de sa joye extraordinaire...»).

  A025002748 

 Que si, passee l'annee du novitiat, la Novice est treuvee propre a l'establissement, les voix estans recueillies, on l'advertira de se bien preparer a cela par la confession annuelle et les exercices qui a cet effect seront dressés, affin que le vœu et l'offrande se facent avec toute la solemnité interieure quil sera possible, ainsy qu'elle se fera avec une grande solemnité exterieure.

  A025002760 

 Puis elle luy jettera de l'eau benite dessus; et par apres, se retirant en sa place, elle dira:.

  A025002770 

 Je, N., demande, pour l'amour de nostre Sauveur, d'estre receuë en la Congregation de Nostre Dame de la Visitation, pour m'exercer toute ma vie en la Mayson de ceans au service divin, par obeissance, chasteté et pauvreté..

  A025002781 

 Ouy, par la grace de Dieu, nos Seurs luy souhaittent le bonheur de vivre et mourir en leur union, et que pour cela elle face maintenant le vœu sacré et l'Oblation sainte, selon quil est requis a cet effect..

  A025002784 

 Sur cela, la pretendante et les Seurs se levent, et est conduitte par icelles pour s'agenouiller sur le milieu du marchepied de l'autel, ou elle demeurera un peu en silence, les mains jointes et les yeux baissés, ce pendant que toutes les Seurs viendront se mettre en cercle autour d'elle, leurs voyles baissés, avec une chandelle allumee en leurs mains.

  A025002787 

 190, 191, sauf deux variantes: ligne 34: «par l'amour et...» — ligne I: « protection et direction...»).

  A025002797 

 Lhors la Superieure, prenant la nouvelle Seur par la main, la fait lever, et le Prelat luy dit:.

  A025002802 

 Cela fait, on dit Messe, et la nouvelle Seur vient communier la premiere; comme aussi elle va par tout la premiere ce jour la.

  A025002811 

 «Cette Seur N., ou ces deux Seurs N. N., icy presentes, demandent aussi la mesme grace, pour s'exercer au service divin en la Mayson de ceans, par obeissance, pauvreté et: chasteté.».

  A025002816 

 Elles ne vont pas les premieres a la Communion ni ailleurs; et l'on va par apres escrire leur Oblation..

  A025002825 

 «Je, N., renouvelle et confirme de tout mon cœur, le vœu et Oblation que j'ay ci devant fait a mon Dieu, de le servir a jamais en la Congregation de ceans, par obeissance, chasteté et pauvreté.

  A025002836 

 Que s'il est conclud qu'elle soit faite, la Seur sera appellee, et degradee par l'Evesque et le Pere spirituel, ou le Grand Vicayre, luy ostant le voyle et la croix qu'elle aura en son col..

  A025002839 

 Et parce que tout le bonheur de la Congregation consiste en l'obeissance des Regles, si on y souffrait des Seurs qui obstinement, par rebellion et contumace, voulussent violer les Regles, toute la Congregation se dissoudroit et depraveroit, degenerant en dissolution et desordre..

  A025002839 

 Or cette contumace peut estre grande, bien que le peché sur lequel elle arrive soit petit, comme par exemple: une Seur qui ne voudroit pas s'assujettir au silence, ains le romprait obstinement a la table, au choeur et ailleurs, elle pourroit et devrait estre rejettee comme scandaleuse; car encor que le peché ne seroit pas grand de sa nature, l'obstination neanmoins et volontaire continuation seroit grandement scandaleuse.

  A025002841 

 Neanmoins, pour donner quelque lumiere sur ce sujet, on peut, par exemple, dire que la lubricité, l'entreprise d'empoysonner, charmer, enchanter, le larcin de chose importante, l'accusation fause des Seurs en chose d'importance, les essays de pervertir les Seurs ou autres personnes en matiere de chasteté et d'honneur, battre les Seurs, sont des cas vrayement scandaleux.

  A025002841 

 On dit qu'elle pourra estre expulsee, parce que si, par quelque tentation, il estoit arrivé a une Seur quelque action qui fust de soy mesme scandaleuse delaquelle on ne se fust point apperceu hors de la Mayson, et que la Congregation jugeast que la repentance de celle qui seroit tombee meritast pour cette foys qu'on luy fist pardon, le pardon se devroit faire.

  A025002842 

 Ce qu'estant fait, on la degradera, le Prelat ou Pere spirituel luy ostant le voyle et la croix qu'elle aura en son col; et par apres on prendra un loysir convenable pour luy faire faire d'autres habitz et pour luy donner moyen de prouvoir a sa retraitte de la Congregation, et preparer ce qu'il luy faudra rendre: c'est a dire, tout ce qu'elle a apporté a la Mayson ou qui a esté remis a sa consideration pour son dot, excepté ce qui aura esté consumé par l'usage.

  A025002847 

 Or, l'eslection se fera en cette sorte: L'Evesque, ou le Pere spirituel, entrant dans le chœur des Seurs, leur dira briefvement, par maniere d'exhortation, de quelle importance est cette eslection et combien elles sont obligees de la faire consciencieusement et saintement..

  A025002857 

 Mais si elles ne sont point rejettees, elles demeureront en leurs offices et charges par la seule eslection de la Superieure, jusques a ce qu'elle juge a propos de les changer, auquel cas elle fera la proposition comme dessus..

  A025002860 

 Mais pourtant, si quelque Seur les violoit volontairement, destinement, avec scandale ou par mespris, elle commettroit sans doute une grande offence; car on ne sçauroit exempter de coulpe celle qui avilit et deshonnore l'escole de Dieu, desment sa profession, renverse la Congregation et dissipe les fruitz de bon exemple et de bonn' odeur qu'elle doit donner au prochain.

  A025002872 

 Et par ainsy elles feront devant Dieu, tant en leurs oraysons qu'es eslancemens ordinaires, qu'encor es devis qu'elles feront avec leur Superieure et Directrice, voire mesme avec leurs compaignes, si bon leur semble, des renoncemens vifs et fervens du monde et de la vanité de la chair et de ses sensualités.

  A025002876 

 Il faut donq ainsy, par des eslancemens de cœur, renoncer [425] a ces choses la, et prendre, au lieu de tout cela, le dessein d'agreer en tout et partout a Nostre Seigneur, disant, a l'imitation de saint Paul: J'ay reputé toutes choses estre fange et ordure, affin de mieux gaigner Jesus Christ et ses bonnes graces..

  A025002877 

 Ce que je dis pour celles qui, en l'orayson, ne peuvent travailler de l'entendement, ni mesme de la volonté, que par des actes d'abandonnement et renoncement d'elles mesmes en Dieu, et par maniere de simple acquiescement..

  A025002877 

 Mais affin que nostre sacrifice soit un sacrifice d'holocauste, il nous faut eschauffer nostre cœur et allumer en iceluy le feu du saint amour par diverses meditations, que nous ferons par maniere d'orayson, si nous pouvons, et si nous ne pouvons, par maniere de consideration simple.

  A025002883 

 Vous considereres Nostre Seigneur crucifié qui appelle un chacun a sa suite par des raysons admirables et des promesses desirables sur toutes choses.

  A025002884 

 Car les uns le suivent, mais de fort loin; ilz se retournent devers luy, mais ilz ne s'en approchent gueres; et ce sont les chrestiens qui, sans avoir aucun soin de se perfectionner en l'amour de Dieu, [427] se contentent d'eviter la damnation par l'observance de ses commandemens.

  A025002887 

 Considerant donq le bonheur de ceux ci et la dignité de leur entreprise, faites election de cette sorte de suite, pour confirmation de celle que vous aves des-ja faite, et, par des eslancemens affectionnés, renonces a tout, embrassés cette si excellente resolution, donnes vous a Dieu pour cela, offres luy toute vostre vie pour cette suite si parfaite.

  A025002887 

 O s'il y avoit encor quelque autre façon de suivre de plus pres Nostre Seigneur, combien serions nous obligés, par amour, de l'entreprendre et embrasser!.

  A025002892 

 Les Anges ayans esté tous creés en la grace de Dieu et vrayement bons, les uns abandonnerent ce bonheur, et furent rendus diables par leur volontaire despart de la grace et obeissance de Dieu; les autres demeurerent Anges glorieux, par leur volontaire union avec Dieu.

  A025002895 

 Des-ja au paravant elle avoit voué sa virginité a Dieu; mays par ces paroles icy elle s'abandonne a luy sans reserve quelcomque, et se rend sa servante actuelle et perpetuelle..

  A025002895 

 Nostre Dame fit son oblation le jour et a l'heure mesme de l'Incarnation, par ces paroles: Voyci la servante du Seigneur; me soit fait selon ta parole.

  A025002902 

 Mais, avec quelle ferveur, avec quel zele feront ilz cette solemnité, esperant que, par le moyen d'icelle, nous arriverons a la celebrité de l'aeternelle gloire! A ces parrains, il nous faut [435] bien protester que nous ne les desavouerons point en ce qu'ilz pleigent pour nous, et les conjurer qu'ilz soyent speciaux protecteurs de nos vœux..

  A025002908 

 Ainsy, la personne qui se veut immoler et sacrifier a Dieu en la Religion doit, avant toutes choses, s'escorcher tout a fait; comme N. S. Jesuschrist se voulant immoler sur la [422] croix, non seulement fut despouillé et denué de ses habitz, mays escorché par les fouets et escorgees.

  A025002909 

 On renonce donq a la liberté d'aller ça et la, par la clausure; a la liberté de parler et converser, par le silence et la solitude; a la liberté de se vestir, mirer et ageancer pour se rendre aggreable et faire paroistre les advantages naturelz; a la liberté du choix des exercices spirituelz pour suivre ceux qui sont prescrips au Monastere; a l'inclination que l'on a de voir les parens; a l'inclination que l'on a de bien parler et d'estre estimee judicieuse, sage, discrette et bien seante, car apres la Profession on ne doit plus vivre selon son jugement ni selon sa discretion, mais selon la discretion d'autruy; ni selon sa propre bienseance, mays selon la bienseance commune du Monastere..

  A025002911 

 Il faut donq, par divers eslans de cœur, rejetter et renoncer le monde et ses frivoles et fades imaginations, et prendre, en lieu de tout cela, le dessein d'agreer en tout et partout a Nostre Seigneur, [425] souspirant avec S t Paul, ces admirables paroles: J'ay reputé toutes choses estre comme fange et ordure, affin de mieux [ gagner ] Jesuschrist et sa bonne grace..

  A025002916 

 O que ne sommes nous aussi bons, doux et reconnoissans que le juste Isaac qui, sans replique ni difficulté quelcomque, s'exposa librement a la mort, et se disposa pour estre sacrifié par les mains de son pere Abraham, remettant et abandonnant sa vie et son estre a celuy qui, selon nature, le luy avoit donné!.

  A025002918 

 1 nt, consideres Nostre Seigneur crucifié qui appelle un chacun a sa suite par des raysons admirables et des promesses tout a fait desirables: Venes a moy, o vous tous qui estes travaillés et chargés de peine, et je vous soulageray; venes a moy, prenes vostre croix et suives moy, et je vous conduiray a la vie aeternelle..

  A025002919 

 Car les uns le suivent voirement, mais de fort loin; [427] et ce sont les chrestiens qui se contentent d'eviter la damnation eternelle par l'observance des commandemens de Dieu, mais n'ont aucun soin de se perfectionner par l'exercice de l'amour celeste.

  A025002922 

 Considerant donq le bonheur de ces ames et la dignité de leur entreprise, faites le choix et l'election de cette sorte de vie, et, par des eslans affectionnés, renonces a tout, offres tout a Dieu, embrassés cette si excellente perfection, donnes luy toute vostre vie et tous les momens d'icelle.

  A025002922 

 O s'il y avoit en cette vie mortelle une plus digne maniere de suivre Nostre Seigneur, combien serions nous heureux de l'embrasser et entreprendre par amour!.

  A025002926 

 Les Anges ayantz esté creés en l'amour et grace de Dieu, les uns, par apres, abandonnerent et perdirent ce bonheur et, par un volontaire rejet de la grace de Dieu, se rendirent diables; comme les autres, par leur volontaire union avec Dieu, devindrent saintz et bienheureux espritz.

  A025002926 

 Or, cela arriva dautant que les anges malins ne voulurent pas se dedier ni s'offrir a Dieu par la profession et determination de leur volonté a l'amour et service aeternel de sa divine Majesté, ains voulurent dependre d'eux mesme ( sic ) et avoir tous-jours leur fause liberté, sans s'astreindre a la volonté de Dieu et a sa sainte obeissance.

  A025002928 

 Mays par ces paroles: Voyci la servante du Seigneur, elle fait profession de renoncement a toutes choses, s'abandonnant entierement a l'obeissance et disposition de la volonté divine, les serviteurs et servantes ne reservant aucune volonté ni aucune chose qui ne soit a la disposition de leur ( sic ) seigneurs..

  A025002931 

 Je vous la dois, o mon Sauveur, et je la vous immole; et pour la vouer et dedier plus entierement a vostre gloire, je m'oblige, par la Profession et par les vœux de Religion, de vivre en la façon qui vous est la plus agreable, selon ma portee et condition.

  A025002933 

 Choysissons encor quelque Saint particulier: comme S t Joseph et nostre bon Ange, ou S t Augustin, ou S t Dominique; et ayans confiance en leur charité, supplions les de nous presenter a Dieu, le Pere aeternel, par le merite de son Filz, en la dilection du Saint Esprit.

  A025002934 

 Disposons nous donques a bien correspondre icy bas, et pensons que comme Nostre Dame, par son infinie bonté, chantera sur nostre Profession son divin cantique: Magnificat anima mea Dominum, aussi serons nous obligees de le chanter interieurement [435] nous mesme; et le saint esprit de devotion nous fera sentir combien grande est la grace que Dieu fait a un'ame de la tirer a soy par un attrait si excellent comm'est celuy de la Profession religieuse.

  A025002951 

 Et le reste se fera par le Prselat, sinon que la Seur estant relevee elle chantera ce verset:.

  A025002956 

 Apres, il faudroi dire la sainte Messe, a la fin de laquelle il faut chanter le Laudate, donné le baiser de pais, puis sortir par ordre, en chantant le Letatus, porté le Crusifis en la celule et dire l'oraison des Sain ( sic )..

  A025003018 

 En suite dequoy il a voulu que les Seurs de la Visitation n'eussent aucun General ni Generale, sinon Jesus Christ, le Seigneur de tous, et son Vicaire nostre Saint Pere; d'autant, me dit il, «que la conservation de l'Institut et le bonheur des Religieuses ne depend pas d'estre rangees sous un chef, ains de la fidelité que chasque Seur aura en son particulier et que toutes auront en general de s'unir a Dieu par l'exacte observance des Regles, Constitutions et Coustumes establies en leur Ordre.».

  A025003020 

 Que si un jour il arrivoit (ce que Dieu ne permette) que quelque Monastere descheust de sa perfection, les autres qui s'en appercevront se devront employer avec une extreme charité et humilité pour les ayder a se relever et remettre [443] en devoir, les admonestant par supplications pleynes de douceur et de zele de retourner a leur premiere ferveur, les assistant en tout ce qui leur sera possible, et leur procurant du secours et des exhortations et remonstrances, tant des Superieurs que d'autres personnes d'authorité et pieté qu'elles connoistront estre affectionnees a leur Institut..

  A025003021 

 De mesme, s'il arrivoit quelque trouble ou difficulté entre divers Monasteres de l'Ordre ou en quelqu'un d'iceux, soit pour l'observance ou autres affaires quelles qu'elles puissent estre, elles ne s'addresseront point a la justice seculiere, ains toutes les Seurs auront leur refuge a leur Chef, Nostre Seigneur Jesus Christ, par penitences et continuelles oraysons, non seulement dans les Monasteres affligés, mais encor en tous ceux de l'Ordre qui en seront advertis.

  A025003021 

 Que si pour quelques occasions elles n'en pouvoyent avoir le secours et assistance necessaires, apres l'avoir recherché le plus humblement et efficacement qu'il leur sera possible, mesme par l'entremise de quelque personne de qualité et consideration, elles s'addresseront a nostre Saint Pere ou a celuy qui tiendra sa place en chasque royaume ou Estat, qui est le Nonce Apostolique, affin que par ce moyen toutes choses soyent pacifiees et reduites a l'uniforme observance..

  A025003022 

 Mais pour esviter que par la longueur du tems ou autres accidens cet esprit d'uniformité vienne a se dissiper, en certains tems, comme environ de six ans en six ans, elles demanderont un Visiteur a nostre Saint Pere ou a Monseigneur le Nonce, qui visitera une fois en six ans tous les Monasteres de l'Ordre, ou au moins tous ceux d'une langue, pour remettre ce qui pourroit estre descheu de l'observance premiere.

  A025003022 

 Neanmoins, l'intention de nostre tres honnoré Pere et Instituteur n'estoit pas que ce Visiteur eust aucune authorité sur les Monasteres, ains seulement pour voir si les Maysons conservent l'uniformité entre elles par l'exacte observance; et desiroit qu'il rendist un tres grand honneur et respect aux Prelatz, et que des choses ausquelles [444] il ne pourroit remedier doucement, avec leur faveur et authorité, il en fit son rapport a nostre Saint Pere ou a Monseigneur le Nonce pour y estre pourveu..

  A025003024 

 Elles traitteront donq avec luy humblement et respectueusement, avec une confiance toute filiale, les rendant participans [445] de leurs petitz biens spirituelz; et a leur deces, feront un service tel qu'il sera advisé par le Chapitre, selon la qualité et merite de telles personnes.

  A025003025 

 Es lieux ou il sera requis de luy faire un logis, il ne tiendra point avec le Monastere, bien qu'il puisse estre joignant l'eglise, pourveu toutefois qu'il n'y ayt aucune porte par ou il puisse entrer de son logis a l'eglise ni a la sacristie, ains qu'il passe par la porte ordinaire..

  A025003025 

 Le Confesseur ordinaire sera entretenu aux frais du Monastere par une raysonnable pension; mais les Seurs ne se chargeront point de sa nourriture, tant qu'il se pourra, ni d'aucune autre chose, sinon de le payer aux termes convenus.

  A025003032 

 Quand il sera requis de changer de ton a l'Office, elle fera un signe, frappant un petit coup sur ses Heures avant que l'on commence, puis elle entonnera ou fera entonner ce qu'il faudra dire par une autre, si elle ne le peut faire elle mesme; et lhors que l'on dira l'Office rudement et pressement, elle frappera trois coups, et deux lhors que l'on le dira trop lentement..

  A025003035 

 Elle tiendra ou fera tenir par une autre Seur le livre et le sujet de la meditation tout prest pour le lire au milieu du chœur, observant de lire posement, distinctement et asses haut, et des choses les plus substantielles et devotes..

  A025003037 

 Par exemple: Saint Jean l'Evangeliste, la pureté de cœur; de l'autre costé du billet, le tiltre d'une cellule avec le nombre du rang..

  A025003040 

 Si la Superieure en fait prester, elle aura soin de les faire retirer; et luy monstrera a l'advantage le roolle des livres que les Seurs ont, affin que, par son ordre, elle fasse la liste de ceux qu'elle leur devra distribuer au commencement de chasque annee.

  A025003048 

 Voire mesme quand elle verroit clairement que quelqu'une manqueroit de confiance en son endroit, elle doit, sans luy en faire aucun semblant, s'essayer de gaigner son cœur par toutes sortes de demonstrations de bienveuillance, prenant garde toutesfois que la Novice ne puisse pas descouvrir qu'on a reconneu son defaut.

  A025003050 

 Qu'elle ne s'estonne point si elle treuve des filles qui ayent beaucoup a combattre, soit par les anciennes habitudes, mauvaises inclinations et autres tentations, ains qu'elle les conforte et assiste charitablement, leur donnant courage et esperance qu'elles emporteront en fin la victoire; comme en verité, si telles ames sont bien aydees, [450] tant de la grace de Dieu que du soin de la Directrice, elles deviendront plus parfaittes que celles qui sont entrees plus innocentes en la Religion, d'autant que, pour l'ordinaire, elles haïssent mortellement le mal qu'elles ont reconneu, et produisent des actes de vertu tres excellens..

  A025003051 

 Qu'elle laisse une pleine liberté aux Novices de parler a la Superieure tant qu'il leur plaira, quand bien ce seroit par quelque motif imparfait; car la Superieure sçaura bien retrancher cette superfluité quand il en sera tems.

  A025003052 

 Qu'elle prenne bien garde a ne mortifier point les Novices par bigearrerie, aversion ou passion, car elle se destruiroit elle mesme et ne prouffiteroit point aux autres.

  A025003054 

 Qu'elle ne les travaille point par des penitences et mortifications lhors qu'elles seront affligees de quelques peynes ou tentation, crainte de les surcharger de nouvelles presseures; au contraire, il les faut ayder, soustenir et consoler, leur enseignant de tirer le fruit de leurs tentations et difficultés..

  A025003058 

 Elle leur apprendra aussi, par elle mesme ou par son Assistente, a escrire, bien orthographier, chiffrer, jetter, coudre, filer, et telz autres exercices convenables a leur condition..

  A025003061 

 Elle leur pourra et devra aussi fort souvent lire les Sermons et Entretiens spirituelz qui leur ont esté faitz, comme le vray pain et la nourriture plus convenable a leurs [452] espritz, leur apprenant a tenir leurs affections arrestees et encloses dans les enseignemens qui y sont contenus, d'autant que ce sont les seulz moyens par lesquelz elles peuvent parvenir a la perfection de leur vocation..

  A025003065 

 Pour y parvenir, la Maistresse les ira petit a petit despouillant de toutes autres choses, affin que plus parfaittement elles s'arrestent a celle ci qui est de si grande importance; et ne leur permettra point de lire des livres qui traittent des oraysons extraordinaires et surnaturelles, sinon par l'advis de la Superieure et de quelque personne bien versee en la spiritualité..

  A025003066 

 La Directrice doit avoir un grand soin de tenir les Novices joyeuses et ferventes, et pour cela elle diversifiera les exercices du novitiat: par exemple, quelquefois, au lieu de faire dire des coulpes, elle leur fera dire quelques vertus qu'elles estiment et affectionnent le plus, les interrogeant toutes l'une apres l'autre.

  A025003068 

 Puis, en ayant detesté deux ou troys, la Maistresse ensuite benira les vertus contraires aux vices qu'elles ont detestés, disant: «Benite soit la sainte obeyssance;» et les Novices respondront: «Benite soit elle.» Et ainsy des autres; la Maistresse concluant par une petite orayson, comme seroit: «Seigneur Jesus, regardes, s'il vous plaist, ce petit troupeau des yeux de vostre misericorde et respandes sur iceluy [454] vos celestes benedictions, par les merites de vostre glorieuse Mere, nostre sainte Maistresse, affin que nous puissions, par la prattique de ces benites vertus, vous estre aggreables en cette vie et jouir de vous en l'autre.

  A025003070 

 La Directrice doit avoir l'œil sur la recreation de ses Novices, affin qu'il ne s'y passe aucune immodestie; mais elle doit aussi procurer qu'elles la facent allegrement et avec une honneste franchise, leur ouvrant elle mesme l'esprit par quelques petites questions, et les excitant d'en faire aussi les unes aux autres..

  A025003071 

 Elle doit avoir un soin particulier des filles qui sont a l'essay et des Novices nouvellement receues, les entretenant souvent et les faysant entretenir par quelques unes des plus advancees en la vertu, affin de les recreer et tenir leur esprit en haleyne, de peur qu'elles ne s'ennuyent et estonnent au commencement..

  A025003074 

 Tous les mercredis la Directrice fera l'assemblee du Novitiat immediatement apres Prime, ainsy qu'il est porté par les Constitutions, ou estant a genoux devant l'oratoire et les Novices aussi, toutes en rang derriere elle, elle entonnera le Veni, Sancte Spiritus, etc., et les Novices poursuivront jusques au verset, que la Directrice dira avec l'Orayson; puis, ayant offert cette action a Nostre Seigneur et invoqué sa grace, elle s'assiera sur un siege a costé de l'autel, et toutes les Novices en terre ou sur des sieges fort bas, travaillant; puis viendront deux a deux dire chacune troys ou quatre coulpes, sur lesquelles la Directrice leur dira ce qu'elle jugera estre a propos; et a la fin, si elle a remarqué quelque defaut universel ou plus frequent entre les Novices, elle prendra occasion la dessus de leur parler a toutes en general pour leur donner horreur de cette sorte de defaut, et les excitera a l'amour de la vertu contraire, s'essayant de les laisser tous-jours encouragees.

  A025003079 

 Les Surveillantes se surveilleront elles mesmes, taschant de donner bon exemple, par une estroitte observance de la Regle.

  A025003082 

 Quand elles advertissent les Seurs au Chapitre et au refectoir, que ce soit sans exagerer ni aggrandir les fautes, ni selon leurs inclinations ou aversions, ains par le seul amour de Dieu et le zele de la perfection des Seurs, ne parlant jamais des fautes qu'elles remarqueront, sinon a la seule Superieure..

  A025003089 

 Elle donnera de tems en tems a la Seur que la Superieure aura nommee, le chanvre, filet, esguilles et telles autres choses necessaires aux ouvrages des Seurs, pour en faire la distribution par le menu; laquelle prendra garde, selon qu'il est ordonné en la Constitution, a celles qui se rendroyent negligentes a bien faire et diligemment leurs ouvrages, pour en advertir la Superieure..

  A025003101 

 Et aux contratz de simple obligation on laissera une feuille pour escrire les sommes que l'on recevra sur icelle, affin de tenir meilleur compte a ceux qui doivent, et aussi pour les faire payer au tems marqué, affin que par sa faute rien ne demeure a payer; et retirera du notaire tous les extraictz des contratz et autres papiers necessaires.

  A025003101 

 Quand il faudra donner quelque papier dehors le Monastere, elle l'escrira, marquant la date du jour et a qui elle l'a donné et pour quel sujet, et procurera qu'il luy soit rendu au plus tost; et fera que le notaire ou quelque autre escrive au parloir, en dehors, les contratz permanens tout au long dans le livre fait expres, qu'elle fera collationner et signer par ledit notaire, lequel livre ne doit point sortir du Monastere.

  A025003101 

 Que s'il en faut produire quelque contrat, elle en fera faire une copie collationnee; comme aussi, a mesme tems que l'on passera les contratz qui ne sont permanens, elle en escrira ou fera escrire la substance par le mesme notaire dans le livre fait expres, laissant entre chasque contrat portant rente deux ou trois feuilletz en blanc pour escrire la reception des pensions ou interestz, lesquelz elle n'escrit sur ledit livre qu'a la fin de l'annee que la Seur Œconome luy remet le roolle de ce qu'elle a receu.

  A025003102 

 Au commencement de chasque annee elle fera un extraict ou roolle de tout l'argent et rentes qui sont deuës au Monastere, tant en blé, vin, qu'autres choses, supputant ce que doivent ceux qui n'ont payé annuellement, le mettant bien au clair, et remettra ledit bordereau et extraict a la Seur Œconome, pour solliciter et faire payer ceux qui doivent, ainsy qu'il est marqué en son Directoire, et luy en baillera toute l'intelligence necessaire, affin que tous-jours l'on se [460] paye des fruitz escheus avant que de recevoir les sommes principales; et avant que de parler a ceux qui doivent, elle soit instruite de ce qu'ilz sont redevables, affin de ne se pas embrouiller et que rien ne se perde par sa faute..

  A025003126 

 Elle aura soin que l'huyle de la lampe qui esclaire de jour et de nuit devant le Saint Sacrement soit bien pure et nette et la mesche fort petite; elle la fera nettoyer par le clerc, ou par les Seurs Tourieres, quand elle en aura besoin..

  A025003128 

 Quand il sera requis qu'elle pare l'autel (s'entend quand il sera besoin qu'elle le fasse parer pour les occasions extraordinaires), elle se tiendra en grande reverence devant la grille, faysant couvrir l'autel de quelque linge ou tapis aux Seurs Tourieres ou au clerc, par qui elle le fera parer, leur enjoignant aussi de deschausser leurs souliers.

  A025003131 

 Sur tout, s'il est besoin d'emprunter quelque chose, elle le dira a la Superieure et puis l'envoyera querir par la Seur Touriere qui luy sera nommee, ayant soin de le faire rendre par elle mesme, s'il se peut, apres avoir bien nettoyé et mis le tout en bon ordre, prenant garde de ne rien gaster..

  A025003162 

 Durant les trois jours de Tenebres le luminaire de l'autel doit estre de cire jaune, sinon que l'on fust contraint de faire le paradis ou sepulchre (ce qui ne se doit faire que par necessité), et en ce cas le luminaire du paradis seroit de cire blanche..

  A025003181 

 Elle aura des livres devotz pour les malades, qui les recreent saintement: comme le Sermon fait par nostre Bienheureux Pere sur l'Evangile de la guerison de la belle mere de saint Pierre, Le Pelerin de Lorette, la Consolation des malades, par le R. P. Binet, et semblables..

  A025003183 

 Elle fera souvenir la Superieure de les faire visiter et recreer saintement par les Seurs; ce qu'elle devra s'essayer de faire elle mesme, et pour cela elle parlera ou pourra [470] parler avec celles qui les iront visiter, en la façon et avec les conditions portees par les Regles et selon les heures et exercices, tant qu'il se pourra..

  A025003189 

 Qu'elle tienne tous les linges marqués d'un I, outre la marque ordinaire, et un roolle de tout ce qui est de sa charge; procurant d'avoir tous les meubles qui seront necessaires en icelle, pour faire les eaux et les petites choses dont les malades pourroyent avoir besoin, desquelz elle aura soin, ne les laissant mesler ou traisner par la mayson, sur tout le linge si tost qu'il est blanchi et la vaisselle des qu'elle est lavee..

  A025003202 

 Qu'elle prenne garde soigneusement que rien ne se gaste [473] en sa charge par les ratz et artisons, mettant de l'absinthe dans les habitz qu'elle tiendra enfermés, et que ceux qui seront sur des perches soyent bien couvertz affin que la poussiere ne les gaste.

  A025003202 

 Qu'elle tienne fort net tout ce qui est en sa charge, et ne fasse rien de nouveau aux habitz des Seurs, ains qu'elle suive par tout son Directoire et la coustume..

  A025003204 

 Quant aux cottes des Seurs Domestiques et Tourieres, on les pourra faire d'estoffe brune et grossiere, mais les Seurs Tourieres porteront par dessus des robes ou garderobes noires.

  A025003216 

 Elle escrira sur son roolle les linges, a mesure qu'elle augmentera ou diminuera; cela s'entend des linceulz, chemises, devantiers ou voyles, car pour tout le reste elle ne sera point obligee d'en tenir conte par le menu..

  A025003217 

 Qu'elle soit soigneuse de raccommoder les linges des qu'ilz commenceront a se rompre, affin qu'ilz ne se dissipent par negligence, et qu'elle le fasse proprement; et pour ce faire plus aysement, elle mettra a part celuy qu'elle treuvera rompu en pliant le linge.

  A025003250 

 Quand le vin sera fleuri elle le coulera par un linge bien net..

  A025003274 

 services du mesnage: comme de faire la lessive, petrir le pain, ayder a faire le jardin, apprester a manger, laver la vaisselle et autres services exterieurs de la Mayson ausquelz elles seront employees par la Superieure ou Œconome..

  A025003276 

 Et suivront cet ordre fort exactement, sinon par grande necessité..

  A025003291 

 Qu'elles ayent un grand soin que rien ne se gaste de ce qui est de leur charge, par leur faute, raccommodant leurs linges soigneusement, lesquelz elles conteront a toutes les lessives, tant en les y mettant qu'en les retirant; et la vaisselle d'estain toutes les semaynes une fois, chacune en ce qui sera de sa charge; tiennent leur office et tout ce qui en depend fort net..

  A025003300 

 Tous les moys elles ballieront ou feront ballier par le clerc les voutes de l'eglise, les murailles et les vitres avec des balais doux.

  A025003301 

 Elles les ouvriront souvent, ou feront ouvrir par le clerc, quand le tems sera beau, les refermant devant la nuit.

  A025003309 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a Nos tres cheres Seurs et Filles en Jesuschrist, Jeanne Françoise Fremyot, Superieure de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation de la presente ville, et Jacqueline Favre, sa compaigne..

  A025003310 

 Par ces presentes confirmons l'advis de vostre Congregation.

  A025003318 

 FRANÇOIS, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve..

  A025003319 

 Nous attestons que nostre tres chere Seur en Jesus Christ, M. Jeanne Françoise Fremyot, Baronne de Chantal, et Perrette de Chatel sa compaigne, de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation erigee en cette Nostre [490] citté d'Annessi, partent de ce lieu par le consentement de ladite Congregation et le Nostre, pour les affaires que ladite Jeanne Françoise Fremyot doit traitter en Bourgoigne, lesquelles ne pourroyent bonnement estre faites sans sa presence; et c'est pour le tems, et non plus, que lesdites affaires requerront..

  A025003328 

 Nostre ennemy est tous-jours aux aguetz pour [491] nous surprendre, et il dresse ordinairement sa batterie contre la citadelle de nostre cœur a l'endroit le plus foible et ou il connoist, par nos frequentes cheutes, le penchant de nostre inclination perverse ou passion mignonne qui nous fait le plus de mal, et que nous pensons le moins de destruire parce qu'elle nous est aggreable et que nous nous [492] flattons dans la croyance que nos pertes y sont petites; et c'est par la neanmoins que nostre ennemy fait ses advances et tasche de nous surprendre et prendre s'il peut.

  A025003350 

 La frequente rememoration de la presence de Dieu aux recreations et par tout ailleurs; contraire a l'empressement exterieur et esvagation interieure.

  A025003370 

 Ne se point plaindre d'aucune chose qui nous arrive, comme: infirmité, incommodité ou disette de quelque [499] chose temporelle, ni mesme de nos imperfections ou retardement a la perfection; ne se point accuser a tous propos par humilité, ou plustost par legereté, et ne faire point la correction a nostre prochain.

  A025003410 

 Ne se point plaindre d'aucune chose qui nous arrive: comme infirmité, incommodité, manquemens, ni mesme de nos imperfections ou retardement a la perfection; comme encor de ne point [499] se troubler, s'accuser a tous propos par humilité, ou plustost legereté; a l'amende d'un De profundis pour les trespassés du Purgatoire..

  A025003412 

 Le recit des b... vertus de ses proches, par... Ne point faire la correction a personne es choses legeres et qui ne sont point peché..

  A025003440 

 Elle fut admise a l'habit et a la Profession par son Evesque, frere de son feu mari; par sa mere, Superieure de la Congregation, et par toutes les Seurs, qui furent presentes a son devot et amiable trespas, le 6 septembre 1617; car ce jour la, elle tumba en cet accident mortel a huit heures de nuit, a 9 heures elle fut receue a l'habit, a 10 elle fit Profession, et entre une et deux heures apres minuit du septiesme jour dudit moys, qui estoit la veille de la Nativité de Nostre Dame, elle passa a meilleure vie, laissant un rare exemple de devotion et une consolation spirituelle incomparable a ceux qui, d'ailleurs, marris de son deces, en virent et admirerent les pieuses circonstances..

  A025003449 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a Nostre tres chere Fille et Seur en Jesus Christ, Nostre Seur Jeanne Françoise Fremyot, Superieure du Monastere de la Visitation erigé en la presente cité d'Annessi, paix, grace et consolation du Saint Esprit..

  A025003450 

 Ayant esté desiree et invitee par Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime Archevesque et Patriarche de Bourges, duquel vous aves le bien d'estre seur selon le sang, affin qu'avec nombre suffisant d'autres Seurs de vostre monastere vous allies fonder, eriger et establir un monastere de pareil Institut en la cité de Bourges, et que d'ailleurs vous estes de mesme invitee a faire semblables fondations a Paris et Dijon: Nous vous permettons la sortie de vostre monastere et les voyages requis a cet effect; comm'aussi de prendre avec vous autant de Seurs et telles que vous jugeres convenable pour des si bonnes œuvres, sans que pour telles sorties, ni vous ni vos Seurs puissent estre censees violatrices de la sainte clausure; a la charge neanmoins, qu'apres avoir fait les fondations et establi l'ordre convenable, vous vous retiries dans vostre dit monastere, selon que par Nous ou Nos successeurs il [504] sera treuvé convenable, et que par tout vous observies la Regle et les Constitutions de vostre dit Monastere..

  A025003476 

 FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, et Commissaire député en cette affaire par le Saint-Siège Apostolique, par Bref, dont teneur ci-après, donné à Rome, près de Sainte-Marie-Majeure, sous l'anneau [505] du Pêcheur, le 23 avril de la présente année, mettant ce Bref à exécution..

  A025003486 

 Nos tres cheres Seurs Paule Jeronyme de Monthou et Françoise Jacqueline de Musy, Religieuses professes du monastere de Nostre Dame de la Visitation de cette contree d'Annessi, ayant esté desirees par les Seurs du monastere de Moulins qui est du mesme Ordre, l'une pour y estre Superieure et l'autre pour l'y accompaigner, sous le bon playsir de Monseigneur de lion, et ayant eu, sur [508] ce, ledit consentement dudit Monastere de cette presente cité: Nous leur donnons aussi le congé a ce requis, et ce pour le tems que, par les occurrences, il sera treuvé a propos; suppliant Dieu qu'elles soyent benites en son nom, allant, demeurant et revenant, affin qu'elles facent son service en l'œuvre pour laquelle elles vont, en toutes leurs actions et en toutes les peynes qu'elles endureront pour ce sujet..

  A025003496 

 Je promets...de paier ladicte dot promise par... mon pere aux Rev. Dames de la Visitation d'Annessy......... Je donne a posseder a noble Jacques de Blonnay, mon frere, les fruicts d'un diesme appellé le diesme de Sevree, qui depend de... Sainct Paul,... pour ces ans 1621, 2, 3, me reservant 1624;... mon frere aura 1625, 6, 7... En outre, les fruicts du diesme de Grange Blanche pour 1628,... aux conditions quil paiera la dot de ladicte seur, de l'argent... de la dot de damoyselle Marie d'Avise, sa femme...; laquelle dot, promise a madicte Rev. Seur par contrat receu par Me Mingon, notaire d'Annessy, je constitue de nouveau,... tant par office de frere que d'oeuvre pie....

  A025003535 

 Du reste, la récitation du grand Office n'est pas inséparable de l'état religieux; car, sans parler de l'illustre et très célèbre Compagnie [515] de Jésus, ni des Ordres militaires, il y a en France des Monastères de femmes, par exemple le Monastère de l'Ordre de Saint-Augustin de Pontoise, où les Moniales ne sont tenues qu'à la récitation au chœur du petit Office de la Bienheureuse Vierge; de sorte qu'accorder ce privilège aux Monastères de femmes, est une chose qui, tout en n'étant pas très usitée, n'est pas totalement nouvelle, et d'ailleurs à désirer pour de nombreuses et très graves raisons.

  A025003548 

 Or, la première Communauté d'Annecy, par Décret de Paul V, fut transformée en Monastère de Religieuses sous la Règle de saint Augustin en 1618, chose qui a servi à la gloire de Dieu et à l'édification du peuple.

  A025003565 

 Ces statues (sic) et regles des quelles Religieuses et de ce qui concerne leursdits Monasteres sont icy transcrips sommairement et par abregé, tirés et extraits de chacun des chapitres..

  A025003565 

 L'institution des Sœurs religieuses de S te Marie a esté concedee par Sa S té, a la charge qu'elles auront pour Superieurs les Evesques diocesains qui auront toute Visitation sur leurs Monasteres ou elles feront veu (sic) de Religieuse et ne seront en simple Congregation.

  A025003569 

 Plusieurs femmes et filles vertueuses desirant bien souvent de consacrer touts les moments de leur vie a l'amour et service de Dieu, lesquelles neantmoins pour l'imbecillité de leur complexion corporelle, ou pour estre ja affoiblies par l'aage, ou mesme pour [521] avoir des urgentes obligations [d'] ordonnés de temps en temps des affaires de leur maison, ou bien, enfin, pour n'estre pas inspirés ny disposés, ne peuvent pas entrer ez Religions esquelles on mene une vie austere et rigoureuse, et par consequent sont contraintes de s'arrester au monde parmi les tracas ordinaires d'iceluy, exposés aux perpetuelles distractions et grands dangers et occasions de toute sorte de pechés et vivre sans devotion: en quoy il y a beaucoup de perte et compassion..

  A025003570 

 Affin donc que telles personnes ayent moien de se retirer du monde, fuir ses appasts et amorces de peché et s'appliquer plus doulcement et parfaictement au service et amour de Dieu et exercices des vertus et choses spirituelles, ceste devote et religieuse Congregation a esté dressee et procuree envers nostre S t Pere le Pape sur l'exemple de celles qui, a mesme intention, furent instituees par S t Charles Borrhomee, en son diocese de Milan, et de celle de S te Françoise a Rome..

  A025003578 

 Les hommes n'entreront en façon quelqu'onque en ceste s te Maison, sinon quand la chose pour laquelle ils devroient entrer ne peust estre executee autrement qu'en y entrant; et lors il fault que ce soit avec la licence de l'Evesque, par escript, ou de celuy qui sera commis de sa part..

  A025003579 

 Quand au medecin, chirurgien, confesseur, manœuvres qui doibvent entrer par necessité, ilz seront conduicts aux lieux ou ils doibvent ferre leur charge par deux Sœurs qui feront auparavant sonner une clochette parmi la Maison,.

  A025003594 

 En somme, il fault fere en sorte que quand ces dites personnes du monde entreront en la Mayson, le monde pourtant ny entre point: ce qui arrivera si les filles de la Congregation attirent par leur devis, contenance et modestie et religieuse façon les femmes de [523] dehors a parler modestement, chrestiennement et spirituellement, ne desirant ny voulant ouir d'elles les nouvelles superflues, murmurations, detractions et semblables devis importuns et seculiers; mais monstrant un vray et naif mespris de tout cela, comme du tout aliené de leur Institut et contraire a la loy chrestienne, a la perfection de laquelle elles aspirent..

  A025003602 

 Quand est de la closure des Sœurs voilees, elle s'observera exactement selon la prescription du sacré Concile de Trente, en sorte qu'elles ne pourront aucunement sortir [sinon] es cas notés en iceluy et permis par les sacrez Canons.

  A025003605 

 Depuis Pasques jusques a la S t Michel: elles se leveront a cinq heures, pour entrer a l'oraison l'heure entiere de cinq et demie a six et demie, laquelle on sonnera en clochetant seulement durant trois Pater, a cette fin que toutes les Sœurs ayent commodité de s'assembler; et l'on la commencera par Veny, Sancte Spiritus, a la fin de laquelle elles diront Prime a basse voix.

  A025003669 

 L'annee du noviciat expiree, la Novice sera admise pour faire [527] les vœus, si elle est jugee par la Congregation des Sœurs avoir satisfaict durant son noviciat; et pour ce il fault que des trois partie les deux de l'assemblee y consentent..

  A025003675 

 Et les susditz vœus se renouvellent tous les ans le jour de la Presentation de Nostre Dame (apres sy estres bien preparee, depuis le jour de la sainct Martin, par quelques particulieres oraysons, meditations et mortifications) en ceste sorte: Je, N., renouvele et confirme de tout mon cœur le vœu et Oblation que jay cy devant faict a mon Dieu, de le servir a jamais en la Congregation de ceans par obeissance, chasteté et pauvreté.

  A025003676 

 Quoy dict, immediatement apres, les communiees escrivent par apres au mesme Livre et feillet dans lequel elles ont premierement escript le jour de leurs vœus, la confirmation d'iceluy..


26-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXVI-Vol.5-Opuscules.html
  A026000024 

 VI. L'ame avant surmonté tous les empeschemens, n'a plus besoin de remede mays demeure absorbee et unie en Dieu par une parfaitte devotion.

  A026000027 

 [Quelques moyens pour transformer nos œuvres par la charité] 32.

  A026000035 

 VII. Sentiment de saint François de Sales sur la conduite a tenir par les pasteurs de l'eglise.

  A026000036 

 — Mieux vaudrait pour un Ordre religieux n'avoir que deux Maisons, plutôt que de les multiplier par la prudence humaine.

  A026000052 

 — Les degrés de l'obéissance par rapport à ceux à qui on la rend.

  A026000062 

 — Que personne ne s'approche de la Table sainte par coutume.

  A026000074 

 XIII. L'imitation de Notre-Seigneur, [1604-1609?] Comment Jésus a-t-il agi pendant sa vie? — Exciter notre âme par ses exemples; un seul regard suffit 119.

  A026000102 

 Marie a passé par tous les états de vie pour attirer toutes les âmes à son divin Fils. 133.

  A026000106 

 — Arrêter l'inconstance de l'esprit humain par la force des anciennes résolutions. 137.

  A026000156 

 » — Le Sauveur est père par sa providence et mère par son amour.

  A026000157 

 — Il faut le chercher par le chemin qu'il nous a marqué.

  A026000157 

 — Ne faire aucun acte de piété par manière d'acquit.

  A026000174 

 Au bayser de l'autel (Jesus est trahi par le bayser de Judas) 215.

  A026000177 

 Au Kyrie Eleison (Jesus est renié par Pierre) 216.

  A026000245 

 : Apres vingt ans de sa prevosté (præture), il fut accusé par les Samaritains vers Vitellius, gouverneur de Sirie, quod plurimos hommes injuste condemnasset quasi rebelles Romanis a).

  A026000251 

 Notes que Nostre Seigneur avoit une roube, un manteau, une tunique (apud Euthym., Mat. 27 ), et la tunique, faite par la Vierge..

  A026000270 

 Cédron, c'est-à-dire lieu obscur, parce qu'il y avait une vallée ombragée par les arbres; là aussi était un torrent.

  A026000271 

 Dans un jardin, Adam fut trompé par le démon; dans un jardin, le Christ fut consolé par un Ange.

  A026000296 

 Et je ne pense pas contrevenir à ses intentions en le publiant; car, quoy qu'il l'aye tenu long-temps secret, estant un des premiers exercices de sa plume, il est neantmoins bien croyable que si la mort n'eust prevenu le dessein qu'il avoit de donner d'autres piec.es au public, non moins utiles que celles qui paroissent maintenant par tout avec tant de fruict et d'approbation, sa charité incomparable l'auroit porté à vous le presenter luy-mesme, mais sans cloute avec plus d'ornement et de perfection..

  A026000297 

 L'on a adjousté le texte latin aux marges, pour luy donner, par le rapport de l'un à l'autre, plus d'esclaircissement..

  A026000305 

 Il y a deux sortes d'unions de l'ame avec Dieu en ce monde: la premiere par grace, et laquelle se fait dans le Baptesme ou par le moyen de la penitence; et la seconde par devotion, et celle ci se fait par le moyen des exercices spirituelz.

  A026000306 

 Salomon, pretendant avoir suffisamment enseigne la premiere sorte d'union dans ses autres Livres, n'enseigne que la seconde es Cantiques, ou il presuppose que l'Espouse, qui est l'ame devote, soit des-ja mariee avec le divin Espoux; et represente les saintz et chastes amours de leur mariage qui se font par l'orayson mentale, qui n'est autre chose que la consideration de Dieu et des choses divines..

  A026000309 

 En sorte que la ou est la foy, nous sommes faitz plus prompts a croire par la devotion; la ou est l'esperance, nous sommes rendus plus prompts a desirer ce que Dieu promet, et par la charité, a aymer ce que Dieu commande; par la temperance, a nous abstenir; par la force, a endurer, et ainsy des autres.

  A026000309 

 La devotion, aux promptitudes particulieres que les habitudes donnent, en adjouste une generale et commune engendree par la meditation et contemplation, ainsy que le pelerin est plus dispos par la refection..

  A026000312 

 Resusciter un enfant mort n'est pas en la possibilité de la mere; le guerir estant extremement malade, est chose possible, mais non pas facile; mettre le feu a sa playe par ordonnance du medecin est possible et facile, mais non pas avec promptitude, ains avec resistance et frayeur; rafraischir son appareil se fait facilement, possiblement, promptement, mais non allegrement; mays apres qu'il est gueri, le recevoir et accueillir entre ses bras, se fait possiblement, facilement, promptement et gayement.

  A026000314 

 Comme, par exemple, devotion, goust, allegresse, ravissement, extase et choses semblables, ne s'y treuvent jamais; mays a chaque pas, sommeil, songe, enyvrement, langueur, defaillance et choses pareilles.

  A026000314 

 Mesme la nature ni les proprietés de Dieu ou de l'ame n'y sont point nommees; mays, au lieu de tout cela, yeux, cheveux, dens, levres, colz, vestemens, jardins, unguens, et mille choses pareilles qui ont mis confusion [13] es expositions par la liberté que les expositeurs ont eu de les faire joindre un chacun a son sens, et, qui pis est, par la licence insupportable qu'un mesme expositeur a pris, d'entendre en une mesme page une mesme parole en diverses manieres et pour diverses choses..

  A026000316 

 Mais quelles choses en veut dire Salomon, ou plustost le Saint Esprit? Il nous veut monstrer par combien de degrés une ame, estant en l'orayson mentale, peut monter a la plus haute consideration de Dieu, et avec quelz remedes elle se peut ayder contre beaucoup d'empeschemens.

  A026000319 

 En la seconde, l'empeschement est la distraction de [14] l'imaginative par les fantosmes et visions sensibles; le remede est l'attention aux inspirations; le degré, la consideration de Dieu es choses spirituelles..

  A026000327 

 Qui delibere de ne plus offencer Dieu, rencontre plusieurs occasions suggerees par le diable pour pecher; qui se resoult ne plus vouloir de consolation qu'en Dieu, rencontre le monde qui luy presente nouveaux playsirs temporelz.

  A026000328 

 Donques l'Espouse, c'est a dire l'arae des-ja en grace, voulant entendre a la vie spirituelle par les baysers de son divin Espoux, qui sont les consolations spirituelles, a une grande peyne a se desprendre du chœur des dames (conversations anciennes) qui luy offrent des vins et parfums, qui sont les playsirs temporelz.

  A026000328 

 Dont l'ame languissante pour l'absence de son Espoux, desirant s'unir a luy par l'orayson, le chœur des dames la veut conforter avec vins et parfums, luy remettant en memoyre les playsirs passés; nonobstant lesquelz elle demande: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche..

  A026000333 

 Et tout incontinent, portee par une grande confiance d'obtenir ce qu'elle demande, comme si des-ja c'estoit fait elle adjouste: Mon Roy m'a menee en ses cabinetz; nous sauterons de joye et nous res-jouirons en luy et avec luy de la souvenance de tes amours qui sont meilleurs que le vin; les bons t'ayment et te prisent..

  A026000334 

 Le foyer du peché en la concupiscence y apporte du deschet, mays sans quil luy puisse estre reproché ni imputé a peché: Ne prenes donq pas garde a ce que je suis brune, car mon Soleil m'a voulu ainsy laisser en ceste guerre: le soleil m'a donné le teint que j'ay, et ne m'est pas advenu par ma faute, mais par celle des premiers enfans de la nature humaine, ma mere.

  A026000334 

 Les filz de ma mere ont combattu contre moy, ce fut par leur peché que je fus mise en necessité de prendre tant de soins et garde a moy mesme comme si j'estois a garder une vigne: ilz m'ont mise a garder les vignes contre les assautz de la concupiscence, et tout cela, helas! non par ma faute propre et actuelle, mays par celle d'autruy, dont je puis dire: La vigne que j'ay gardee n'estoit pas a moy..

  A026000334 

 Les scrupules neanmoins surviennent, par la memoire des pechés passés; dont elle dit: Je suis noire; mais l'integrité de sa conscience presente fait qu'elle adjouste: mais je suis belle, o filles de Hierusalem, comme les tabernacles de Cedar et comme les peaux de Salomon.

  A026000335 

 Et partant, que la confiance revienne en moy, et que je commence a chercher mon Espoux ou il est plus aysement trouvé, par l'orayson.

  A026000340 

 Si tu n'as pas encores une entiere connoissance, o la plus belle des femmes, parce que tu es encores commençante, sors de la souvenance des playsirs passés, et va suyvant les pas de tes troupeaux; cherche mes sentiers en toutes les creatures, laisse-toy guider et mener la par ou elles mesmes retournent, et tu trouveras qu'elles iront reposer aux pasturages de leur premier berger: Fais paistre tes chevreaux pres les loges des pasteurs..

  A026000342 

 Et mesme ce monde, nostre habitation: Les chevrons de nos maysons sont de cedres et nos solives sont de cypres; donq, quelle merveille si je suis la fleur du champ et le lys des vallees? Ce qu'advouant l'Espoux, il monstre que plusieurs ames sont bien de contraire condition par la malice de leurs volontés, car elles sont comme des espines: Comme un lys entre les espines, ainsy est ma bienaymee entre les filles..

  A026000342 

 L'ame de son costé, reconnoissant que toute sa lumiere depend de son Soleil, qui est Dieu, confesse que luy seul est beau par essence: O mon Bienaymé, tu es beau et de bonne grace, et tu embellis tellement nostre essence, quand il te plaist, que mesme nostre lict, qui est nostre cors, en est beau: voyla nostre lict fleurissant.

  A026000344 

 Lhors Dieu a soin que les choses basses ne nous empeschent cette divine consolation; dont il dit au chœur des dames: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et par les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000344 

 Quoy plus? Le ravissement, mistiquement signifié par le sommeil.

  A026000348 

 Mais aussi, par telz chemins nous arrivons plus tard au giste, parce qu'ayant beaucoup de connoissances, icy nous parlons a l'un, la a l'autre; icy nous entrons en la boutique de l'un, la nous nous arrestons avec un amy.

  A026000349 

 Et lhors, nostre Espoux nous parle et vient a nous, mais non pas pour y demeurer et reposer, ains il vient par sautz et eslancemens: C'est la voix de mon Bienaymé, le voyla qui vient aux montaignes, saillant et traversant les collines.

  A026000349 

 Il semble que tantost il vienne et que tantost il fuye: Mon Bienaymé est semblable a un chevreuil et a un faon de cerf; maintenant il se monstre, maintenant il se cache: Le voyla qui se tient debout derriere nos murs; et bien qu'il semble qu'il se face voir, regardant par les fenestres, neanmoins la vision n'estant ni bien claire ni bien arrestee, l'on peut dire que les fenestres ont des barreaux et qu' il regarde par les treillis..

  A026000360 

 Je me leveray, et tourneray la cité de ce monde; et courant tantost par les cors terrestres, tantost par les celestes, je l'ay cherché, et ne l'y ay point trouvé; au moins les distractions ont esté si grandes qu'a peyne me semble-il de l'avoir rencontré: Je chercheray par les rues et par les places Celuy que mon ame ayme; je l'ay cherché, et ne l'ay pas trouvé..

  A026000362 

 A quoy Dieu adjoustant sa grace, defend avec un soin plus particulier qu'on ne l'esveille, disant: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni ne facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000366 

 L'ame s'acheminant de degré en degré en la sainte orayson, se rend si resplendissante qu'il est impossible qu'elle ne soit admiree, et que le monde mesme la voyant, au milieu du desert empetré de tant de pechés, cheminer droit, ainsy qu'une colomne de parfum odoriferant qui s'esleve vers le ciel, ne s'escrie: Qui est ceste ci qui marche par le desert ainsy qu'un rayon de parfum, de compositions aromatiques de mirrhe et d'encens et de toutes sortes de poudres a embellir? Or, cest applaudissement est un venin caché et doucereux qui fait bien souvent que les plus saintz et devotz perdent leur justice et leur devotion..

  A026000370 

 Que s'il ne peut si tost arrester ses yeux sur la Divinité, qu'au moins il loüe Jesus Christ homme, nostre vray Salomon, et ce principalement en troys choses: la chair, la Croix, la gloire, disant: Voyes combien est digne sa chair, lict de sa Divinité et de son ame, entouree de plus de soixante vaillans soldatz qui la defendent contre quicomque, de nuit, pourroit luy faire peur; ceste chair, qui n'est inclinee au peché comme la nostre, mais, par l'union hypostatique et par l'empire qu'elle tient sur les Anges, est du tout asseuree et impeccable: Voicy que soixante hommes des plus fortz d'Israël entourent le lict de Salomon, tous tenans des glaives et bien duitz a la guerre, chacun desquelz tient son espee droitte sur sa cuisse pour les craintes de la nuit..

  A026000371 

 La justice [24] et la misericorde sont les deux colomnes qui soustiennent ceste Croix: Il a fait les colomnes d'argent, l'appuy ou reposoir en est d'or, d'autant que tout s'est fait pour conduire les ames a la gloire, l'appuy d'or; la montee en est de pourpre, car il ne nous conduit a la gloire que par son sang.

  A026000385 

 Les exemples en seront de bonne odeur: L'odeur de tes parfums est par dessus toute composition aromatique; les pensees et paroles seront tres devotes et douces: Tes levres sont un rayon de miel qui distille, ce qui est dessous ta langue est lait et miel; les actions seront tres exemplaires: L'odeur de tes vestemens est comme l'odeur de l'encens..

  A026000386 

 Disons ainsy: les actions appartenantes a une ame sont interieures ou exterieures; les exterieures se font par le commandement des interieures.

  A026000388 

 Ainsy, apres la mirrhe de penitence, Dieu tirera l'ame, par le moyen des saintz exercices, aux odeurs aromatiques de l'orayson, avec du miel, du lait et du vin de meditation, d'amour et de contemplation, mays contemplation telle, qu'elle produira des goustz, allegresses et extases qui non seulement estancheront la soif, mais enyvreront.

  A026000393 

 L'ame voudroit bien obeyr, mays la lassitude luy fait desirer un peu de repos; ce qui luy fait dire: J'ay despouillé ma robbe, comme la revestiray je? J'ay lavé mes pieds, comment les saliray je? Tres doux Jesus, nonobstant ceste resistance vous ne laisses pourtant de faire instance pour entrer; et, comme avec la main d'une plus forte inspiration, il semble qu'il veuille luy mesme, sans cooperation, oster le verrou de la sensualité qui luy fait empeschement, et entrer par le pertuis du cœur: Mon Bienaymé a mis la main par le pertuis.

  A026000394 

 De façon que, par tout ou elle se trouve, elle rencontre de grandes difficultés, esmeuës par ce quatriesme empeschement des travaux corporelz..

  A026000394 

 Elle essaye a trouver goust au premier degré de consideration par le moyen des choses sensibles; mais le travail ne permet pas qu'elle y en puisse trouver: Je l'ay cherché et ne l'ay point trouvé; je l'ay appelle, et ne m'a point respondu.

  A026000394 

 Elle passe au second degré, des choses spirituelles et angeliques: Les gardes qui entourent la cité m'ont trouvee; mais quand elle compare leur promptitude avec sa paresse, elle demeure transpercee de douleur: Ilz m'ont battue et navree. Et, qui est le pis, si elle entre au troysiesme degré, a considerer soy mesme en son ordre vers Dieu, elle opere la mesme resistance; dont elle se desplaist a soy mesme, et luy est advis que sa face est trop laide en comparaison de celle des Anges, et que, par maniere de dire, ilz luy ostent tout son lustre: Les gardes des murs m'ont osté mon manteau.

  A026000394 

 Par le moyen de ceste douleur il se fait que, bien que l'ame, au defaut de la partie corporelle et sensitive, ouvre a son Seigneur (J'ay ouvert le verrou de mon huys a mon Bienaymé), neanmoins, a cause de ceste repugnance, elle trouve si peu de goust en l'orayson qu'il luy est advis que Dieu n'est point avec elle: mays il s'estoit destourné et avoit des-ja passé.

  A026000398 

 L'ame donques, degoustee par le travail de l'orayson, doit s'addresser a des personnes spirituelles et les prier de l'ayder a trouver son Espoux: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, que si vous trouves mon Bienaymé, vous luy disies que je languis d'amour pour luy; et elles, sçachant la necessité, la mettront sur le discours des qualités de l'Espoux: Quel est vostre Bienaymé, o belle entre les femmes, que, pour luy, vous nous aves si fort adjurees?.

  A026000398 

 L'orayson vocale, ou plustost les devis spirituelz servent de remedes a l'ennuy du travail; ainsy void on celuy qui par maladie a perdu le goust et appetit, changeant de viande le recouvre, et qu'es Congregations contemplatives on entrejette des colloques spirituelz aux oraysons.

  A026000399 

 Il est comme une blanche colombe qui a en soy tous les dons du Saint Esprit, representé par les yeux: Ses yeux sont comme des colombes sur les rivages des eaux, que l'on a lavees de laict; le Saint Esprit, appellé en autre façon riviere, non par mesure, mais avec toute plenitude luy est donné: et resident es pleins cours des eaux. Partant, si tu contemples ses exemples, comme les joues pleines, ouvertes et mises a la veüe de tous, aussi odoriferantes que vases pleins de parfums aromatiques, ilz se font sentir de tous costés: Ses joües sont comme parterres de fleurs aromatiques que les parfumeurs mesmes ont plantés.

  A026000405 

 Elle n'a plus besoin d'autre chose que de s'entretenir avec luy, disant: O Seigneur, quand vous pourray je plaire par ma beauté, douceur, bonne grace, force, innocence, devotion et discretion? Quand sera ce donq que vous me dires: O ma bienaymee, tu es belle, douce et de bonne grace comme Hierusalem, forte comme une armee bien rangee? Des-ja, Seigneur, vous m'aves monstré par mille signes que mes œillades vous ont blessé, c'est a dire que mes intentions ne vous sont pas desplaysantes: Destournes vos yeux de moy, car ilz m'ont fait sortir de moy mesme; que mes cheveux, c'est a dire mes desirs, sont purs et netz: Tes cheveux sont comme un troupeau de chevreaux qui paissent sur le mont de Galaad; que mes sens, ainsy que troupeaux, ont esté fidellement gardés: Tes dens sont comme troupeaux de brebis qui sortent du lavoir, chacune ayant deux petitz, et nulle d'icelles n'est sterile; [32] et que mes forces de la partie concupiscible, desirant le bien et fuyant le mal sans dissimulation, comme deux joües bien colorees, vous sont cheres et aggreables: Tes joües sont comme une grenade entamee, sans ce qui est caché au dedans.

  A026000408 

 Que beny soyes vous donques, o Seigneur, respond l'ame, qu'en telle façon, me faisant accroire que vous esties absent, vous m'aves donné occasion de meriter, et m'aves fait faire en peu de tems plus de chemin que les carrosses [33] des princes; et par ce, puisque je n'ay sceu que vous esties avec moy, je peux dire que mon ame m'a troublee a cause des chariotz d'Aminadab..

  A026000413 

 Et ce n'est pas asses que la personne spirituelle extenue ce qui est en soy: Que voyes vous en ceste Sulamite, sinon compaignies d'armees? car, ce nonobstant, ceux qui la voyent, la louent de ses pieds et façons de marcher, c'est a dire de l'obeyssance avec laquelle ilz voyent que ceste ame garde les commandemens de Dieu: Que tes pas sont beaux en leur chausseure, o fille de prince! de sa chasteté spirituelle, qui fait reconnoistre que Dieu y coopere: Les jointures de tes cuisses sont comme joyaux mis en œuvre de la main d'un bon ouvrier; d'une riche pauvreté, qui n'a jamais besoin d'aucune chose: Ton nombril est comme un hanap rond, qui n'a jamais besoin de breuvages; des jeusnes qui, remplissans le ventre de pain seulement, couronnent l'ame de beaux et riches lys: Ton ventre est comme un monceau de froment environné de lys; de l'estude des deux Testamens: Tes deux mammelles sont comme deux faons jumeaux d'une chevre; de la force: Ton col est comme une tour d'ivoyre; de la prudence: Tes yeux sont comme les piscines d'Hesebon qui sont a la porte de la fille de la multitude; d'une justice exacte: Ton nez est comme la tour du Liban qui regarde vers Damas; de la maistrise des affections et conformité a la volonté de Dieu, conneüe par les canaux de la revelation: Ton chef est comme le mont Carmel, et tes tresses [34] comme pourpre royale qui n'est pas encor tiree de la teinture..

  A026000432 

 En laquelle derniere protestation et resignation parfaitte de l'ame en Dieu consiste la fin de l'orayson mentale et le plus haut degré de la spiritualité, qui est cette grande union de l'ame avec Dieu par devotion..

  A026000433 

 Et pour conclure, il ne nous reste rien a faire qu'a prier Nostre Seigneur qu'il veuille, par sa misericorde, nous tirer a soy par ces degrés d'orayson mentale, a ce qu'estans des-ja unis avec luy en ce monde par grace, nous le soyons encor par devotion, affin qu'apres nostre mort nous le puissions estre eternellement par gloire; et en toutes ces saintes unions, qu'il nous bayse, ce divin Espoux, d'un bayser de sa bouche sacree.

  A026000438 

 Nous soubs-signez, Docteurs en Theologie de la Faculté de Paris, Maison et Societé de Sorbonne, certifions avoir leu et examiné un petit Livre intitulé: Declaration Mystique sur le Cantique des Cantiques, composé par le, Bien-heureux François de Sales, Evesque et Prince de Geneve, dans lequel n'avons rien trouvé qui soit contraire à la Foy Catholique: ains l'avons jugé digne d'estre donné au public, pour la consolation et profit des ames spirituelles et esclairées dans la vie intérieure..

  A026000449 

 L'Etude sur les Vertus, que nous allons reproduire, fut imprimée pour la première fois par Blaise, en 1833, à la fin du tome XVI des Œuvres de saint François de Sales, Opuscules inédits.

  A026000449 

 Un feuillet conservé à la Visitation du Mans fut inséré par l'abbé de Baudry dans ce même volume, col.

  A026000453 

 Encouragé par l'excellent accueil de M. de Thiolaz, ce magistrat lui exprima le désir de posséder ou une lettre de son illustre et vénérable prédécesseur, ou le moindre fragment d'un de ses écrits.

  A026000453 

 Par suite de cette lettre, et le 6 février 1825, arriva à Paris, avec la lettre la plus aimable du prélat, un fragment notable et autographe de saint François de Sales; il étoit composé de quatorze feuillets in-folio, écrits de chaque côté, avec ces ratures fréquentes qui indiquent la première minute ou le brouillon d'un ouvrage sérieux et profondément médité..

  A026000454 

 Toutefois, M. l'évêque n'affirmoit rien de positif à cet égard, et se bornoit à de simples conjectures; il finissoit par prier son correspondant de faire servir, s'il le pouvoit, ce cahier incomplet, à la gloire du Saint, en le distribuant par morceaux à des personnes qui, jalouses de la possession de si précieux écrits, reconnoîtroient sans doute ce présent par quelques dons destinés à l'achèvement de la nouvelle église d'Annecy..

  A026000458 

 D'autre part, la première rédaction du Traitté de l'Amour de Dieu fut achevée vers la fin de 1614 (voir notre tome IV, Introduction, pp. XI, XII); il convient, par conséquent, de ne pas reculer au delà de cette année celle des pages qui nous occupent.

  A026000459 

 Les références marginales en italiques distinguent celles qui ont été mises par le Saint.

  A026000466 

 O que bienheureux sont ceux qui sçavent faire le despouillement de soy mesme duquel nous avons parlé ci dessus! car par ce moyen ilz n'ont qu'a faire un petit souspir ou un petit regard en Dieu, pour tesmoignage [43] qu'ilz confirment leurs despouillemens et qu'ilz ne veulent rien qu'en Dieu et pour Dieu, et qu'ilz ne s'ayment eux mesmes, ni chose du monde, que pour cela..

  A026000466 

 Puis, dire qu'il faut donques faire cet exercice tous les ans, la protestation tous les moys, l'exercice du matin tous les jours, et parmi la journee plusieurs eslancemens de cœur et plusieurs oraysons jaculatoires, par lesquelles le feu de la charité s'enflamme de plus en plus et brusle comm'en holocauste toutes nos actions a la gloire de Dieu; et s'accoustumer a faire toutes choses au nom de Dieu, comme est de travailler pour Dieu, saluer pour Dieu, aymer pour Dieu, servir pour Dieu, estant impossible qu'une personne fort affectionnee a Nostre Seigneur ne puisse dire en verité, que comme sa personne est a Dieu, aussi sont toutes ses actions: les pecheurs le disent aussi, mays ilz mentent, ou les affectionnés disent la verité.

  A026000471 

 Et non seulement cela, mais en vertu de la charité qui la rend active, elle respand sur les puissances de nostr'ame certaines vertus qui sont de mesme espece, ou au moins toutes semblables aux quatre vertus cardinales, et pour cela elles portent leurs noms: sur l'entendement elle pousse une prudence sainte, sur la volonté une justice sacree, sur l'appetit de la convoitise une temperance religieuse, et sur l'appetit irascible une force devote; si que par ces quatre fleuves toutes les actions humaines sont addressees par la charité a l'honnesteté et felicité surnaturelle, qui consiste en l'union avec Dieu..

  A026000471 

 Et puis ces quatre fleuves se separent en plusieurs autres, affin que toutes les actions humaines soyent bien addressees par la rayson a l'honnesteté et felicité naturelle.

  A026000472 

 Ainsy la charité treuvant, par exemple, saint Ambroyse si vertueux, elle le rendit soudain extremement parfait; et treuvant ......

  A026000474 

 gnome, un'habileté de bien juger, discerner ou choysir selon la rayson, le droit et l'equité contre les paroles et le sens des loix, par la consideration et connoissance de l'intention et sentiment du legislateur ( Ipsæ etiam leges cupiunt, etc.) et pour des motifs extraordinaires, pour lesquelz, si le legislateur les eut præveu, il eut fait un'exception a la loy; la varieté des occurrences humaines estant si grande que jamais on ne peut prescrire l'ordre convenable pour toutes..

  A026000479 

 (La proposition est notable: l'amour fait juger.) Le peintre Androcides le tesmoigna ayant a peindre les fameux escueilz de Sylle et Caribde; car il employa tout son art a representer au naturel, apres le vif, les poissons autour de ces bancz, par ce quil en estoit fort friand, et le reste il le peignit fort grossierement.

  A026000479 

 Ainsy, quand nous sommes passionnés, nous employons toute nostr'industrie en faveur de nostre passion, et par ce moyen la prudence est convertie en ruse, finesse et tromperie..

  A026000482 

 Et parce que la plupart des hommes estime ces biens la des vrays biens, et que par iceux on est rendu honnorable aux yeux des enfans [47] du monde, on donne aussi le nom de prudens et de vertueux a ceux qui sont prudens selon la chair.

  A026000482 

 Or, les degrés de la prudence de la chair sont: l'astuce, qui n'est autre chose qu'une habileté pour faire, imperceptiblement et par des moyens inconneus ou conneus, reuscir les mauvais desseins (Ne cheminans pas en astuce, dit le saint Apostre, II Cor., IV, apres qu'il avoit dit: Ayant rejette les cachettes de honte, c'est a dire honteuses, parce que l'astuce use de certaines cachettes et secrettes menees, lesquelles estans descouvertes sont honteuses a ceux qui les employent, leur ostent tout credit et authorité); le dol ou tromperie, qui est l'effect et execution de l'astuce, [et] s'appelle fraude quand il est commis par voye d'oeuvre; l'empressement apres les biens mondains et la sollicitude des moyens de vivre a l'advenir..

  A026000483 

 On se moque de la simplicité, et chacun veut estre estimé prudent; on colore cette ardeur qu'on a de nourrir les commodités de la chair, par mille moyens.

  A026000485 

 L'amour humain va par tout cherchant des moyens pour obtenir ce qu'il ayme, et parce que les moyens sont divers et que bien souvent il les ignore, il s'empresse et a une sollicitude incroyable: il veut de l'argent pour paroistre, il veut des belles paroles, il veut des belles contenances, il veut des reputations, il craint les corrivaux.

  A026000486 

 Et en toute occurrence il se comporta si sagement, quil pouvoit bien dire en verité ce que ses ennemis luy imposoyent par calomnie, qu'estant fin il avoit pris ses auditeurs par ruse et tromperie: Ouy da, dit il a ses chers Corinthiens, estant un fin homme et accord, je vous ay pris par tromperie; esquelles paroles il a peut estre voulu dire (car saint Thomas, Sa, Lyranus interpretent ces motz comme une calomnie faite par ses ennemis, quil rejette): Je n'ay voirement rien pris du vostre, mais en cela j'ay usé d'une grande finesse, car ne prenant rien de vous, je vous ay pris par cet artifice.

  A026000488 

 Certes, Isaie voulant exalter l'admirable prudence de Nostre Seigneur, il ne la colloque pas tant en la connoissance des yeux comm'en celle du goust: Il mangera, dit il, le beurre et le miel, en sorte quil sache repreuver le mal et choysir le bien. En quoy, Philothee, vous voyes quil y a deux prudences, selon deux connoissances: une prudence qui consiste en une science, ou [connaissance] par science, discours et sçavoir; l'autre, qui est une connoissance par goust, experience et savourement.

  A026000488 

 Et certes, Philothee, bien que la prudence soit une vertu qui guide et qui, par consequent, tient entre les actions des vertus le lieu que la lumiere corporelle [tient] entre les oeuvres artificielles, en sorte que comme ceux qui travaillent sans lumiere sont sujetz a mille fautes, comme ceux qui veulent exercer les vertus sans la sainte discretion font des pechés et des grandes nullités (comme le grand saint Anthoyne declara en la conference quil eut avec ses autres Peres du desert, ainsy que raconte Cassian, qui dit que la prudence selon l'Evangile estoit l'œil et la lampe de tout le cors ); si est ce neanmoins, Philothee, que nul n'est estimé prudent pour sçavoir ce qu'il faut eviter et choysir, sil n'est diligent a le bien executer.

  A026000488 

 Et par ce que nous savourons par la volonté et l'amour, saint Augustin a eu rayson de dire que la prudence chrestienne n'estoit autre chose sinon un amour discernant le bien d'avec le mal; comme sil eut dit, par les paroles du Prophete, que la prudence estoit une manducation amoureuse ou un savourement du beurre et miel spirituel, c'est a dire des suavités divines, par le moyen duquel on sçait rejetter et repreuver le mal et eslire le bien convenable a s'unir a Dieu..

  A026000489 

 Ceux qui ont divers amours ont aussi diverses prudences, car il faut une sorte de prudence pour acquerir les honneurs, un'autre pour acquerir les richesses, un'autre pour acquerir les playsirs; mais l'ame qui ne veut que Dieu n'a besoin que d'une simple et pure prudence, qui, non point par discours, mais par l'experience de la bonté de Dieu, sçait discerner le bien et le mal.

  A026000492 

 La prudence amoureuse se confie tout en Dieu, elle le prie; elle fait fidelement ce qui est requis, par fidelité, mais elle attend l'issue bonne de son Amant; elle cherche le Royaume de Dieu et sa justice, et tout le reste luy est adjousté. Aussi saint Paul desire que les Philippiens soyent simples, c'est a dire ronds, francz et sinceres, comme sont les vrays enfans de Dieu, et loüe les Macedoniens dequoy leur profonde et tres haute pauvreté avoit abondé es richesses de leur simplicité, c'est a dire de leur confiance en Dieu, qui leur ostoit toute apprehension [53] de s'appauvrir trop en donnant leurs moyens, eux estans des-ja asses pauvres.

  A026000498 

 Mays au l. 19 de la Cité, chap. 21, il declare plus amplement que c'est que la justice, disant que c'est une « vertu qui rend a chacun son droit, » c'est a dire ce qui luy appartient et luy est deu: si que, parlant chrestiennement et joignant les deux passages de saint Augustin en une seule intention, nous pouvons dire que la justice n'est autre chose que l'amour de Dieu entant que par iceluy nous avons une constante et perpetuelle volonté de rendre a chascun ce qui luy appartient.

  A026000498 

 » Ou il faut noter quil parle de la justice legale ou dominante, qui est es Princes et Roys, lesquelz doivent servir a Dieu seul, et pour le service de Dieu, « dominant droittement » sur les peuples par des loix equitables, par la distribution raysonnable et bien proportionnee des estatz et offices, par l'administration de la correction et vangeance des [54] fautes et crimes qui se commettent en la republique.

  A026000499 

 Et pour tout ce que nous devons a Dieu, nous avons un'espece de vertu qui s'appelle religion, par laquelle nous rendons a Dieu la reverence, hommage et sousmission que nous luy devons comme a nostre souverain Seigneur et premier principe.

  A026000499 

 Or cette protestation se fait interieurement, par les actes propres de nostre volonté qui se sousmet et fait reconnoissance a la divine Majesté, et par tous les autres actes qui rendent tesmoignage de nostre sousmission; et exterieurement, par des actes par lesquelz nous declarons cette sousmission.

  A026000502 

 Et par ce que ceux ci, par l'excellence et ferveur quilz ont en la Religion, se sont devoiiés et dediés a l'unique profession de servir Dieu et vacquer a son amour, on les a nommés specialement Religieux par apres..

  A026000502 

 Et par ce que ceux qui sont animés de cette tant desirable vertu se dedient et consacrent, donnent et addonnent totalement au service de Dieu et a tout ce qui le regarde, elle nous fait particulierement faire la sainte offrande, donation et dedicace de nous mesme a la divine Majesté, que nous avons ci dessus marquee, par laquelle nous sommes rendus voués, dediés, consacrés a Dieu, et comme specialement Religieux, que, au commencement de l'Eglise, on appelloit moynes, c'est a dire uns ou unis, a cause de la speciale union avec Dieu a laquelle ilz se dedioyent, ou de l'unité de leur intention et profession qui n'estoit que du seul service de Dieu; et, comme parle le grand saint Denys, a rayson de leur vie une et simple, non distraitte ni divisee, ains toute ramassee et recueillie, pour estre toute destinee [58] a la perfection de l'unique amour de Dieu.

  A026000503 

 Et passant plus avant, par ce qu'entre ceux qui se dedient a l'unique service de Dieu, les uns le font par des simples oblations qui se font par maniere de protestation et declaration d'une volonté absolue et resolue, comme font la pluspart des Oblatz de saint Ambroyse, les Dames de la Tour des Miroüers de la Congregation de sainte Françoise a Romme, les vierges de Sainte Ursule, et comme faysoient les hommes et femmes du Tiers Ordre de Saint François, les Peres de la Congregation de l'Oratoire, et plusieurs tressaintes societés que Dieu a grandement benies et illustrees de plusieurs Saintz et Saintes, comme de sainte Catherine de Sienne et de Gennes, de sainte Angele de Foligni, de sainte Elizabeth d'Ongrie, saint Elzear, saint Ives, sainte Françoise (et en nostr'aage, du B. P. Philippe Nerius), sainte Geneviefve.

  A026000503 

 Les autres le font par des vœux acceptés par l'Eglise pour establir une personne en l'estat que nous appelions [59] regulier, soit que telz vœux soyent solemnelz, soit qu'ilz soyent simples, comme ceux des coadjuteurs formés de la Compaignie du nom de Jesus..

  A026000503 

 Les autres le font par des vœux qui sont voirement appreuvés de l'Eglise, mais non pas pourtant acceptés [ni] appliqués pour mettre la personne qui les fait en l'estat que l'on appelle regulier: telz sont tous les vœux qui se font par les personnes seculieres, voire mesme ecclesiastiques, encor bien que ce seroyent les vœux de pauvreté, chasteté et obeissance, quand ilz sont faitz sans estre acceptés par quelqu'Ordre qui ayt le pouvoir ou l'establissement de rendre ses membres reguliers.

  A026000504 

 Or est il vray que tous les vœux, autant les simples que les solemnelz, ceux qui se font en la profession reguliere et ceux qui se font hors d'icelle, obligent egalement devant Dieu, sans qu'il y ait nulle difference; en sorte que qui viole les vœux simples il est autant perfide et sacrilege, a rayson du vœu, comme celuy qui viole les vœux solemnelz. Mais pourtant, ceux qui violent les vœux solemnelz, ou simples, mais de Religion, pechent plus griefvement que les autres, a rayson du scandale qui s'en ensuit, [qui] est plus grand: outre que, par l'establissement du droit, ilz peuvent estre apprehendés et chastiés, ne pouvans ni contracter legitimement ni rien acquerir entre les hommes, tandis quilz sont dans les liens du vœu; la ou ceux qui ont fait les vœux purement simples ne sont pas rendus inhabiles a contracter et acquerir entre les hommes, quoy que devant Dieu et en conscience ilz soyent autant perfides en ce faysant que les autres..

  A026000505 

 Or, d'autant que ceux qui par vœu se sont obligés aux Religions appreuvees se sont non seulement liés de l'obligation consciencieuse et devant Dieu, mays aussi d'un'obligation civile, ecclesiastique et devant les hommes, non seulement sous des peynes eternelles, mais aussi temporelles; non seulement pour estre redevables et obligés en conscience, mays pour estre contraintz en effect a l'observation des vœux: partant on leur a donné specialement le nom de Religieux, et a leurs Congregations le nom de Religions, a cause de ce lien par lequel, outre le commun lien des Chrestiens, ilz se sont reliés au devoir de la poursuite de la perfection par les trois vœux propres a [60] l'obtenir, et de rechef encor, reliés pour la sousmission aux peynes et astrictions ecclesiastiques en cas de contravention et infraction des vœux..

  A026000506 

 Comm'aussi celles qui par des vœux particuliers et purement simples se sont liees devant Dieu a l'obeissance, pauvreté et chasteté; car si bien elles ne sont pas moins liees devant Dieu que les Religieux, neanmoins, en la police exterieure de l'Eglise et en ce qui en depend, les Religieux le sont beaucoup davantage.

  A026000506 

 Et quant aux autres personnes qui ne sont liees que par les simples oblations (qui est un lien de reverence, respect et verité; car c'est un'irreverence de ne point observer ce que l'on a protesté, quoy que non voué de faire, devant un si grand Roy et pour son service, bien que ce ne soit pas contre la fidelité, n'y ayant eu aucune promesse), elles ne sont pas appellees Religieuses si absolument, ains seulement devotes et dediees a Dieu.

  A026000508 

 Nous pouvons demander une chose diversement: car nous la pouvons demander par droit de justice, comm'un debte; ou par droit d'authorité, comm'un devoir; ou comm'une grace et faveur, par le seul droit de liberalité, de courtoysie et de bienveuillance.

  A026000508 

 Si un seigneur demande son manteau, son chapeau, son espee, ou du vin a son valet, est ce une priere? Nullement, mais une demande par authorité.

  A026000510 

 Or, despuis neanmoins quil s'y est obligé par misericorde, il le fait par justice; dont il dit quil rendra, par ce que s'estant engagé de parole il est constitué debteur de justice, comme par ce qul ne s'est engagé que par misericorde il est donateur de liberalité: il donne, par ce quil ne s'est pas obligé par justice, ains liberalement et de grace; il rend pourtant, par ce quil doit, et il doit par ce quil s'est obligé..

  A026000510 

 Ouy, en verité, Philothee, nos bonnes œuvres faites en la grace de Dieu meritent recompense, et Nostre Seigneur s'oblige de la rendre, comme toute l'Escriture tesmoigne; mays ce n'a pas esté par [62] droit de justice que Nostre Seigneur s'est obligé de nous rendre recompense, ça esté par pure misericorde, selon la grandeur de laquelle il nous a voulu sauver.

  A026000511 

 C'est pourquoy, demandons au Pere eternel quelque chose au nom de Nostre Seigneur, nous la demandons par justice et par grace tout ensemble: en justice, entant que c'est au nom de Nostre Seigneur; en grace, entant que c'est pour nous, qui de nous mesme en sommes grandement indignes.

  A026000511 

 Il nous a merité la grace et tout ce qui est necessaire pour nous acheminer a la grace, pour cheminer en la grace et pour obtenir, par sa grace, la grace consommee et parfaite, qui est la gloire et vie eternelle.

  A026000511 

 Imagines vous, Philothee, le petit Thobie qui demande le payement a Raguel pour son pere, et voyes comme il est payé favorablement par ce quil ressembloit son pere; car il en est de mesme: nous demandons au Pere ce quil doit a son Filz, auquel si nous sommes rendus semblables par une sainte charité, mon Dieu que de graces! Or il doit a son Filz selon mesme toute la rigueur de justice, ainsi que nos sçavans theologiens enseignent, tout ce quil a merité pour nous: or il a merité pour nous que nous puissions meriter, si que le pouvoir que nous avons de meriter est un rejetton du merite de Nostre Seigneur.

  A026000512 

 En quoy les uns et les autres ont eu rayson: car il demande sans doute a son Pere les benedictions que nous recevons, et sa demande n'est pas priere quant a ce quil demande, car ce quil demande luy est deu par justice; mais elle ressemble pourtant a la priere, par ce qu'il ne demande [64] pas avec moins de reverence, d'humilité et de sousmission que si ce qu'il demande ne luy estoit pas deu..

  A026000512 

 Mays quant a Nostre Seigneur, estant au Ciel et ayant achevé toutes les œuvres par lesquelles il a merité aux Anges et aux hommes la grace et la gloire, il demande a son Pere toutes les benedictions que nous recevons, par droit de justice, comme les ayant acquises par son sang.

  A026000512 

 Or, par ce que ses demandes sont fondees en droit et justice, plusieurs grans personnages (Greg. Naz., Orat. 36, 53 et 54) ont dit qu'a proprement parler Nostre Seigneur ne prioit plus maintenant quil est au Ciel, selon que luy mesme l'affirme disant: Je ne dis pas que je prieray mon Pere; mays par ce que neanmoins il demande en qualité d'advocat et que, comme les advocatz, il demande avec un infini respect et une reverence incomparable, plusieurs aussi ont dit quil prioit.

  A026000513 

 Or, l'orayson consiste donq principalement a demander a Dieu quil nous donne par faveur, grace, liberalité et misericorde ce qui est requis pour nostre salut, et depend principalement de l'esperance, comme la meditation de la foy et la contemplation de l'amour: car la meditation considere ce que nous croyons, pour l'aymer; la priere demande ce que nous esperons, pour l'obtenir; et la contemplation regarde ce que nous aymons, pour nous y plaire..

  A026000514 

 Mays, outre ces trois parties de l'orayson, il y a la louange de Dieu, en laquelle nous employons une partie des Heures canoniales; il y a aussi l'action de grace pour les benefices receus, et l'offrande et sousmission de nous mesmes a Dieu: lesquelles parties sont principalement fondees sur la vertu de religion, par laquelle nous sommes portés a rendre a Dieu l'honneur et gloire qui luy est deüe, entant qu'elle luy est deüe; comme aussi l'adoration accompaigne tous-jours l'orayson, car personne ne prie Dieu qu'il ne l'adore..

  A026000516 

 Adorons Dieu par ce qu'il doit estre infiniment adoré; adorons le par ce qu'il ne peut estre suffisamment adoré..

  A026000516 

 O Pere, Filz et Saint Esprit, une seule sainte souveraine Divinité, je vous adore par ce que vous estes souverainement adorable, et encor plus, parce que vous estes si excellemment adorable que vous ne pouves jamais estre suffisamment adoré.

  A026000517 

 Par l'adoration nous regardons Dieu, par l'humilité nous nous regardons nous mesmes.

  A026000521 

 Et par ce que nos parens sont des appartenances plus proches de nos pere et mere, et que toute la parentee semble estre un seul arbre a diverses branches esquelles toutes un mesme sang, commune mesme seve, joint et sustente, partant la pieté s'estend encor a eux; comm'aussi, par ce que les alliés et amis de nostre patrie sont comme ses appuys et mainteneurs, nous les cherissons aussi par pieté..

  A026000522 

 Et par ainsy, les enfans sortent des Religions, quoy quilz soyent profes, pour secourir leurs peres et meres quand ilz sont, je ne dis pas en extreme, mais en grande necessité, quand sans sortir ilz ne peuvent leur procurer d'ayde et de soulagement..

  A026000523 

 L' observance est une vertu par laquelle nous rendons l'honneur et le service qui est deu a ceux qui sont ordonnés a nostre gouvernement ou qui sont propres a cela: car, comme nous honnorons et servons avec une speciale affection nos pere, mere et patrie par ce qu'ilz nous representent Dieu en qualité d'autheur, principe et origine de nostre estre, et comme instrumens de sa puissance productrice, aussi honnorons nous ceux qui nous gouvernent par ce quilz representent Dieu en qualité de gouverneur et recteur des hommes et comm'instrumentz de sa providence.

  A026000524 

 Car un œuvre que nous n'estions pas obligé de faire avant quil fut commandé, soudain quil est commandé nous sommes obligés de le faire, et d'œuvre simple elle devient debte ou devoir pour nous, le commandement liant et obligeant nostre volonté avec cett'œuvre: et partant, l'obeissance est la vertu par laquelle nous rendons aux superieurs ce que leur authorité nous oblige de faire par leur commandement..

  A026000524 

 En suite de la pieté et de l'observance vient la sainte obeissance: vertu par laquelle nous faysons volontairement ce que nos superieurs et [ceux] qui ont authorité legitime nous ordonnent ou commande (sic) par ce quilz le nous commandent, c'est a dire par ce que nous devons le faire.

  A026000525 

 C'est pourquoy elle est meilleure que les victimes par ce que les victimes sans obeissance ne sont pas aggreables a Dieu, oui bien l'obeissance sans victimes, et par ce que les victimes ne sont aggreables sinon comm'elles sont commandees.

  A026000525 

 Or, toute l'authorité a laquelle nous rendons obeissance procede de Dieu, ou par l'ordre special quil a mis en son service et pour nostre conduite au salut eternel, donnant la puissance spirituelle a ses Apostres et a leurs successeurs; ou par l'ordre naturel, donnant aux peres, meres, mari authorité sur leurs enfans et femmes; ou par l'ordre civil, aux princes et magistratz sur leurs sujetz: de sorte que la vertu d'obeissance se termine en fin finale a l'authorité divine, bien que sensiblement et selon nostr'apprehension particuliere elle regarde cette varieté de superieurs a l'authorité desquelz Dieu nous a sousmis.

  A026000525 

 Vertu generale, laquelle ne perd point son unité par la diversité de ceux qui obeissent, [69] ni de ceux auxquelz on obeit, ni des commandemens, car tousjours ell'obeit par ce qu'elle le doit et quil luy est commande par ceux qui ont authorité..

  A026000526 

 La debte de gratitude doit estre aggreable, et ne se doit pas payer par ce quil nous deplait de devoir, mais par ce quil nous plait et aggree de rendre le reciproque.

  A026000526 

 La gratitude est une vertu par laquelle nous rendons a ceux qui nous ont fait du bien quelque sorte de contrechange, ou par honneurs, ou par services, ou par des autres reciproques bien faitz.

  A026000527 

 Et faut, outre cela, que telle vengeance se face en telle sorte qu'elle ne passe point a la cruauté par exces, ni a la lascheté par defaut..

  A026000527 

 Il y a une vertu que l'on appelle juste vangeance, a laquelle il appartient de punir les meschans et malfaiteurs, par ce qu'il est raysonnable qu'ilz reçoivent de la peyne pour leurs coulpes et que, par ce moyen, il se face quelque reparation de la faute commise et du tort qui a esté fait au prochain, soit par maniere de dommage qu'on luy a porté, soit par maniere de scandale ou de mauvais exemple.

  A026000528 

 La vertu de verité consiste en une volonté perseverante de ne rien signifier au prochain, soit par paroles, soit par autres signes, que selon la verité de nostre sentiment.

  A026000530 

 Or, puisque les signes sont ordonnés pour exprimer les choses, nous nous devons cela les uns aux autres, de ne nous point decevoir par iceux, les employant a signifier le mensonge et ce qui n'est point..

  A026000530 

 Si je raconte comme un seigneur ou une dame estoit (sic) vestus en telles occasions, pourveu que je die selon ce quil m'en semble il suffit; mays si je raconte leurs actions, par lesquelles on peut discerner silz ont esté vertueux ou non, je dois estre plus discret et parler avec plus d'asseurance de la verité: car le mensonge n'a jamais aucun juste usage, c'est tous-jours un abus, pour utile qu'en soit la consequence; et n'en est pas de mesme comme de l'hellebore, car bien que nos cors puissent estre gueris par le tourment des medicamens, les espritz le doivent voirement estre par le tourment de la tristesse et repentance, mais non jamais par la coulpe.

  A026000532 

 La suave amitié est une vertu differente de l'affabilité, car elle se prend a un chacun, pour inconneu quil soit; mays l'amitié ne se fait qu'avec privauté et familiarité, car c'est une reciproque et manifeste affection par laquelle nous nous souhaitons et procurons du bien les uns aux autres, selon les regles de la rayson et de l'honnesteté: dont j'ay parlé ailleurs, en l' Introduction et au livre de l' Amour du prochain..

  A026000533 

 affection des richesses, ne permettant pas qu'on les prise plus quil ne faut, et par consequent nous porte a les despenser et employer volontier et librement quand il est convenable, affin que d'un costé nous ne soyons pas avares, soyt a ramasser et acquerir trop ardemment les biens de ce monde, soit a les retenir trop chichement, et que d'autre part nous ne soyons pas prodigues, donnant a gens indignes, comme sont les flateurs, bouffons, joüeurs, ni pour choses frivoles et vaines.

  A026000534 

 Ainsy donq, les loix veulent que par droit on les modere..

  A026000534 

 Mays sur tout ce qui regarde la justice, il y a une vertu que nous appelions œquité, qui empesche que la justice ne soit pas injuste et que le droit ne se change pas en injure; c'est cette prudence qui modere les loix inferieures par les superieures, en sorte que une loy cede a l'autre selon que la rayson requiert et que le legislateur mesme le diroit sil voyoit l'estat present des affaires.

  A026000538 

 Car, par exemple, consideres d'un costé un homme qui ayme grandement la chasteté, et d'autre costé un homme magnanime et de grand courage: l'un et lautre, au choix de la chasteté, entreprendront la chasteté virginale comme le plus haut et relevé degré qui puisse estre en la vertu de chasteté; mais l'un fait cett'entreprise pour le grand amour quil porte a la chasteté, laquelle plus ell'est grande plus il l'ayme, l'autre fait la mesme entreprise, non pour l'amour de la chasteté qui est en cette grandeur et hauteur de vertu, mays pour l'amour de la grandeur qui est en cette chasteté: si que l'un cherche la perfection de la chasteté en la grandeur de cett'action, et l'autre cherche la grandeur de l'action en la perfection de la chasteté.

  A026000539 

 Et en fin, nous evitons la pusillanimité ou decouragement, par lequel [75] nous fuyons les grandes actions, les grans honneurs et les grans offices pour la trop grande apprehension que nous avons de la grandeur, n'estimans pas nos forces asses dignement et selon leur mesure; car, comme les presomptueux entreprennent indiscrettement outre leur pouvoir, les pusillanimes n'entreprennent pas selon leur pouvoir, ains laissent une partie de leurs forces inutiles, faute de cœur pour les employer..

  A026000539 

 ... on recherche de la gloire par des moyens vains, ou pour des choses vaynes ou des personnes vaines.

  A026000540 

 De la magnanimité depend la magnificence, qui nous porte non aux actions grandes des vertus, mays aux grans et somptueux ouvrages qui requierent force despence; car cette vertu nous les fait entreprendre genereusement, destournant d'un costé une certaine sotte affection de despence par laquelle on fait des frais inutiles et outre la bienseance, et d'autre costé une certaine vileté d'esprit par laquelle on n'esgale pas la despence a la dignité et bienseance de l'ouvrage qu'on entreprend..

  A026000541 

 Apres, vient la tressainte patience, par laquelle nous moderons les tristesses et fascheries qui nous arrivent des maux ordinaires en cette miserable vie mortelle: la mort des parens et amis, les bannissemens, les pertes, les maladies, les injures et opprobres, et autres sortes d'afflictions de la vie mortelle ...........

  A026000541 

 de la vie, parce que les maux de la mort et les craintes horribles pour la mort doivent estre surmontés par la force, comme il a esté dit.

  A026000542 

 Et tant la patience que la longanimité sont requises, affin que d'un costé nous evitions l'insensibilité, qui n'est autre chose qu'une certaine stupidité et brutale lourdise par laquelle, comme si nous avions nos sens assoupis, nous ne sentons aucune douleur ni tristesse de maux, et par consequent sommes hors de tout sujet de patience; et d'autre costé, que nous evitions l'impatience, par laquelle nous ressentons immoderement les afflictions et contradictions..

  A026000542 

 Or, quand, outre le mal que nous endurons avec moderation, nous devons l'avoir longuement: c'est a dire, [76] qu'outre le mal nous devons supporter une longue duree du mal, qui est une grandeur en duree et estendile de continuation, nous n'avons pas seulement besoin de patience, mays de longanimité, qui est la vertu par laquelle nous supportons ou une longue attente du bien, ou une longue duree du mal.

  A026000543 

 Deux choses nous lassent en un chemin: la longueur et esgalité, car, comme dit Aristote, on se plait plus en un chemin ou il y a par fois des [inégalités] et varietés, qu'en un chemin tous-jours uni et sans diversité, et les pierres, les ronces, les fossés, les fanges et autres difficultés.

  A026000543 

 Je ne dis pas le don de perseverance, car c'est une grace toute divine dont nous avons parlé, en passant, ailleurs; mays la perseverance qui est une vertu par laquelle nous continuons et poursuivons un bien jusques a la fin, contre la difficulté et l'ennuy que la longueur et duree d'un affaire ou entreprise peut apporter.

  A026000544 

 Or, entre toutes les actions de force, il n'y en a point de comparable a celle de nos Martyrs chrestiens: gens invincibles et invariables entre les plus divers et espouvantables tourmens qu'il est possible d'imaginer, qui ont combattu contre les tyrans pour confirmer les plus excellentes vertus de toutes, entant que Nostre Seigneur les a enseignees, et combattu par la seule volontaire souffrance, qui les rend tant plus vaillans en toute façon.

  A026000544 

 portee par la cholere, par l'esmotion et impetuosité sensitive.

  A026000547 

 Et lhors, elle ne peut bonnement se relever a l'objet intelligible et s'attacher si fermement par amour a Dieu; car sa force et puissance amoureuse, ou aymante, ou affective, s'escoulant et dissipant par les sens aux choses sensuelles, elle est d'autant plus foible et alangourie pour les choses superieures et spirituelles.

  A026000547 

 La complaisance que nous prenons es choses sensibles par le moyen de nos cinq sens corporelz attire puissamment nostr'ame aux objetz de ces cinq sens, lesquelz estant bas, corporelz et caduques, rendent aussi nostr'ame telle, quand elle est passionnee de leur delectation et jouissance.

  A026000548 

 Mays parce qu'entre tous les sens il y en a deux qui sont plus grossiers, brutaux et impetueux en leurs actes, et qui par consequent dissipent et divertissent plus furieusement et desbordent la force affective de nostre ame, c'est a sçavoir l'attouchement et le goust (qui, comme dit Aristote, n'est presque qu'un certain attouchement par lequel nous nous appliquons immediatement aux objectz les plus grossiers), partant la temperance modere les playsirs et voluptés de ces deux sens principalement, bien qu'elle regie aussi les autres playsirs, soit interieurs ou exterieurs, entant que par iceux la force affective pourroit estre mise en desordre et dissipee contre la juste rayson.

  A026000550 

 Mays l'autre, qui s'appelle intemperance, est le grand vice du monde, par lequel on desire les playsirs sensuelz outre mesure et sans discretion; et c'est le vice qui attira le deluge, qui fit perdre les quatre cités et les fit fondre et en somme c'est le vice le plus infame et vilain, comme dit Aristote, qui nous rend pareilz aux bestes brutes, assoupit l'usage de la rayson et, comme dit Hippocrate, le plus vehement de tous ces playsirs sensuelz n'est autre chose qu'une epilepsie passagere.

  A026000554 

 Aussi l'Apostre ajoute: Or, je dis ceci four vostre [ utilité, non point pour vous enlacer ] ..................... [bien que le cœur] de la personne mariee ayt ramassé tout son amour pour Dieu, rapportant parfaitement a Dieu l'amour mesme et les actions de son mariage, si est ce que, au moins, le cors est un peu divisé, distrait et alteré par les passions et sentimens necessaires a l'estat nuptial, avec quelque sorte de messeance.

  A026000555 

 Mays par ce que nostr'aage a produit mille et mille cerveaux frivoles, badins et voluptueux, qui ont mesprisé cett'angelique vertu, Philothee, je diray encor seulement ce mot.

  A026000555 

 Mon Dieu, Philothee, que la chasteté est belle, qui range [82] l'appetit brutal de nostre concupiscence a la pureté des Anges et Espritz caslestes, desquelz comme la pureté est plus pure, aussi la nostre est plus vaillante, car ilz l'ont sans vertu, par nature, et nous la conquerons entre mille hazars, par une continuelle guerre que nous faysons a nos ennemis et, ce qui est plus considerable, a nos amis: aux sens, a l'imagination et a toute cette trouppe de sentimens rebelles et mutins que nostre chair fournit a nostr'ennemi.

  A026000558 

 Or, la premiere resolution de resister aux passions sensuelles, s'appelle continence simple, selon les scholastiques et Aristote; et lhors que cette resolution, se fortifiant par l'exercice, devient parfaite, elle s'appelle temperance et chasteté: car la continence est semblable a celuy qui a pris charge de domter un cheval; la temperance et chasteté, a celuy qui l'a des-ja façonné et domté.

  A026000561 

 La pudeur ou juste honte est une passion vertueuse par laquelle on craint et apprehende le deshonneur pour quelque chose ou action vilaine; et quand le deshonneur est arrivé, la pudeur se change en confusion.

  A026000565 

 Et comme par l'humilité nous n'osons rien entreprendre sur nos forces, aussi par la magnanimité nous entreprenons tout sur la faveur divine: c'est pourquoy l'humilité nous rend vrayement magnanimes, comme l'orgueil donne une faulse magnanimité.

  A026000566 

 En somme, a mesure que nous descendons par l'abjection et mespris de nous mesme et vraye estime de nostre neant, nous remontons par l'estime de Dieu et de ses dons; et c'est cette sainte vertu qui supprime la fause estime de nous mesme produite par l'amour propre, affin que nous [87] estimions plus les graces de Dieu, tant en luy, qu'au prochain, qu'en nous mesme..

  A026000567 

 Mais par ce que la sainte humilité est une vertu qui nous regarde principalement, nous pratiquons l'humilité seulement en nous mesme et sur nous mesme; car, quant aux autres, nous la prattiquons envers eux et non en eux ni sur eux: c'est pourquoy nous ne regardons pas en eux ce quilz sont d'eux mesme, mais ce quilz sont en Dieu, et partant nous les estimons grandement, et non pas nous.

  A026000568 

 Il y a encor une vertu qui range nostre esprit en l'estude et appetit de connoistre les choses, affin que nous ne desirions sçavoir que ce qui est convenable, comm'il est convenable et autant quil est convenable, et pour la fin convenable, en sorte que nous evitions d'un costé, la curiosité qui nous porte au desir [de] sçavoir ce qui ne nous appartient pas, ou d'autre façon quil n'appartient, ou plus qui' n'appartient, ou pour autre intention quil n'appartient, et d'autre part, la negligence qui, par une contraire extremité, nous destourne d'apprendre ce qui nous est necesre et convenable.

  A026000569 

 (De ceci il y a un chapitre en l' Introduction: De la conversation.) Et par ce que cette bienseance a une beauté particuliere, qui de soymesme est aymable, la vertu qui nous affectionne a procurer cette beauté est aussi particuliere; bien qu'outre cela plusieurs dignes respectz nous obligent a cette modestie, et sur tout l'amitié, affabilité et edification du prochain.

  A026000569 

 Celle ci est suivie de la modestie, qui modere nostre maintien, nos mouvemens, gestes et actions exterieures, et les reduit a la vraye bienseance, selon la varieté des personnes, des lieux, des tems et des affaires; a la charge, dit le grand saint Ambroyse, l. I. Off., c. 18, qu'il ny ait rien d'affecté, car tout ce qui est fardé desplait; et sil y a quelque defaut en la nature, il le faut corriger par le soin, en sorte que l'on voye l'amendement, mais pur et sans artifice.

  A026000569 

 Et c'est cette vertu que le saint Apostre desire es Evesques, quand il dit que l'Evesque doit estre orné (I. Tim., 3. v. 2.), ainsy que saint Theodoret, Evesque de Cyr, (et communement les Docteurs, apres saint Thomas, in ejus locum ) l'interprete; par ce que le principal ornement, parement et embellissement de la personne depend de l'honnesteté et bonne grace, et bienseance de son maintien et mouvement..

  A026000574 

 C'est une verité, que qui ne se sauvera pas par Marie perira, comme tout ce qui estoit hors de l'arche de Noë fut a perdition; non que Marie soit cause absolue de la redemption, car c'est Jesus, son adorable Filz, mais elle est le moyen duquel ce Redempteur s'est voulu servir en prenant d'elle son humanité.

  A026000576 

 Marie veut dire Mere unissante, d'autant que c'est par cette Mere et dans son sein que le Verbe s'est uni hypostatiquement a la nature humaine pour nostre salut.

  A026000576 

 Par Marie le Verbe s'est fait chair, et nous pouvons dire: O Jesus, soyes moy Jesus, c'est a dire soyes moy Sauveur; et nous pouvons aussi dire: O Marie, soyes moy Marie, c'est a dire: Soyes nous Mere et nous unisses a Jesus vostre Filz, affin qu'il soit nostre Espoux et que nous soyons ses espouses..

  A026000584 

 O Mere de vie, que faysies vous en ce triste Calvaire qui estoit un lieu d'agonie et de mort? L'amour severe du Pere eternel s'appliquoit a vostre ame, affin que par la douleur mortelle que vostre cœur endura, vous fussies la premiere martyre de l'Eglise naissante et la Reyne souveraine de tous les Martyrs..

  A026000586 

 Le Filz est mort par la force de sa passion amoureuse pour les ames, et Marie par sa dilection compatissante..

  A026000613 

 Si les hommes vouloyent, ilz gousteroyent en ce monde les felicités des Espritz celestes et n'auroyent point besoin, dit un ancien, de chercher d'autre paradis que celuy qui se rencontre en la societé civile, laquelle, par la vertu de charitable union, ne feroit qu'une seule mayson de celles qui sont separees en ce monde.

  A026000614 

 Qui ne regardera pas son prochain saintement, charitablement et avec pitié, ou avec le respect qu'il luy doit comme chrestien, par ce commencement il gastera toutes les parties de son ame: de la il deviendra superbe, insolent, envieux, barbare, et ne retiendra plus aucun trait de l'image de Dieu..

  A026000614 

 Si tost qu'on vist le pourtrait d'Antigone, qu'Apelles avoit tiré obliquement et de sorte que l'incommodité de son œil perdu estoit couvert par un trait de pinceau, il fut importuné de tout le monde qui luy demandoit pourquoy il ne l'avoit pas peint comme il estoit: Ou est l'autre œil? luy disoit on.

  A026000622 

 Et comme en une chambre particuliere l'on panse les malades honteux, l'on met le feu et le fer a des playes, l'on tire le tronçon d'une espee du ventre ou la basle du cors, en cette façon le Superieur, apres avoir reconneu la disposition de ceux avec lesquelz il traitte, doit entrer plus avant, et leur tirer de l'ame des vielles habitudes, et par la representation des horribles conditions du peché, apporter le fer et le feu d'enfer ou les legeres saignees ne servent de rien.

  A026000630 

 Ceux qui prennent ce parti par un despit d'avoir un courage haut avec une basse fortune, apportent plus de desordre parmi les cloistres que de bon ordre en eux.

  A026000630 

 Et lhors que d'autres s'y rendent par un mouvement de promptitude que leur met en l'esprit quelque tendre et peu judicieuse imagination, ilz font ni plus ni moins que la pierre au partir de la fronde, qui demeure arrestee quand l'effect de la machine commence a manquer; car, a nommer cela par son nom, ce sont des pensees lourdes et grossieres, qui s'efforcent en vain de monter vers le Ciel; ou bien des espritz semblables aux cabanes qui sont sur le rivage d'un fleuve, que la premiere pluye emporte..

  A026000641 

 Pic, oyseau, fait des trouz dans les arbres pour y habiter; si on y met des coins, il les fait sortir par la vertu d'une certaine herbe.

  A026000645 

 [Matthioli, Epitre, p. 4.] L'herbe apellee par les Scithes hippice, fait le mesme effect es chevaux; dont lesdits Schites passent 12 jours sans manger.

  A026000647 

 Le suc de minais cuit en eau guerit soudainement la morsure des serpens si on les en fomente; et ceux qui [101] touchent ce mesme suc espandu par l'herbe, ou qui en sont arrousés, meurent sans aucun remede.

  A026000652 

 Potamantis, pres le fleuve Inde: beue, fait devenir insensé par la representation de choses miraculeuses.

  A026000655 

 Appian Alexandrin escrit que les Parthes, mis en fuitte par Marc Anthoine, pressés de la faim, ont trouvé une certaine herbe que, qui en mange, oublie tout et [102] n'entend qu'a tirer tous-jours des pierres de terre; et meurent ainsi en la peine.

  A026000664 

 C'est merveille que la force de ce venin s'adoucit par la musique, car je puis testifier pour l'avoir veu, dit Mathioli, [Trad.

  A026000664 

 Desmoulins, l. II, c. LVII,] qu'aussi tost quilz oyent les instrumentz ilz perdent leur mal, et sautent et dansent comme silz estoyent sains; si les sonneurs d'instrumentz cessent, ilz tumbent en terre et reprennent leur mal, sinon quilz ayent des-ja tant sauté que le venin soit sorti par sueurs; si que on loüe des menestriers qui, les uns apres les autres, sonnent jusques a ce quilz soyent gueris.

  A026000687 

 J'ay une racine trouvee par Francesco Calceolario, Veronnois; ayant trempé en vin une nuit, qui en boit ne peut manger, pour faim quil aÿe, sil n'hume une cueilleree de vinaigre.

  A026000691 

 Partant, ceux qui avec semelles de fer cheminent par la montaigne d'Aymant, ilz ne peuvent [106] mouvoir les piedz, et par le mont Theamedes ilz ne se peuvent soutenir et ne font que trepigner.

  A026000737 

 Le diamant ne s'amollit ni par le feu ni par le fer, mais par le sang de bouc, surtout si le bouc a bu auparavant du vin.

  A026000741 

 Et disent les nautonniers: s'il est anéanti par la putréfaction jusqu'à la tête et aux yeux, l'eau revenant il vit de nouveau et vit longtemps; autrement peu.

  A026000803 

 Ces deux tableaux [113] furent mis par Auguste au plus apparent lieu de sa place; mais l'Empereur Claudius fit effacer la face d'Alexandre en tous deux, et y supposa celle de l'Empereur Auguste peinte au vif.

  A026000804 

 Et ayant monstre les chevaux de ses parties aux chevaux naturelz, ilz n'en tindrent compte; mais leur ayant monstré le sien, ilz commencerent a hennir contre: qui servit par apres de regie aux espreuves de peintures.

  A026000814 

 XXXVIII]: Lepidus estant triomvir, fut invité par les magistratz de Romme en une mayson de playsance tout environné de boys; les oyseaux ne le laisserent dormir de toute la nuit, de quoy se pleignant le lendemain, ilz firent peindre un grand parchemin en forme de dragon, et ce fantosme mis a l'endroit du lieu ou il dormoit fit taire tous les oyseaux. Umbra peccati obmutescere facit Angelos piosque..

  A026000817 

 Ceux qui ont le cors ainsy medicinal et privilegié, par leur seule presence allegent ceux qui sont mordus des animaux qui leur sont contraires. Si tetigero fimbriam.

  A026000822 

 En l'isle de Syros, une pierre mise par quartiers nage sur l'eau; brisee, va a fons.

  A026000828 

 Les monteures et bestes a selle parlent par les oreilles et monstrent ce qu'elles pensent.

  A026000835 

 Prevoyent la tempeste, car par leur rondeur estans aysés a tournebouler ça et la, ilz se chargent de pierres pour s'appeusantir; les mariniers les voyans aynsi, ont soudain recours a l'ancre.

  A026000837 

 Au royaume de Turquestan, une plante, raphanus, attire les chevaux par son odeur, et neanmoins les fait mourir; Alexandre le Grand passant par la, perdit presque toute sa cavalerie.

  A026000841 

 (Pl., l. 8. c. [35, al.] 23; Diosc., l. 6, c. 5.) La plaÿe est petite comme si ell'estoit faitte de la pointe d'un'eguille, sans enfleure; les patiens se sentent incontinent les yeux offusqués et couvers, diverses douleurs par tout le cors, legeres et non sans quelque playsir..

  A026000843 

 Leur (sic) trouz et cavernes se connoissent a leur puanteur, ou les belettes entrent, les faysant mourir par leur haleyne, et meurent elles mesmes.

  A026000853 

 Le vulgaire estime les hienes avoir deux natures, et qu'elles servent deux ans de masle et deux ans de femelle tour par tour et conçoivent sans masle; mais Aristote dit le contraire, [ De animal, generat., l. III, c. VI.] On en dit choses admirables: elles contrefont le langage des bergers, et ayant appris le nom de quelqu'un, elles l'apellent pour le faire sortir de la grange et le devorer; elles vont chercher les cors humains dans les sepulchres; les chiens marchans sur son (sic) ombre, ne peuvent japper.

  A026000856 

 Jason Phæreus, abandonné des medecins pour un aposteme quil avoit en la poitrine, par desespoir se donna un coup de cousteau pour se tuer, mais il treuva par ce moyen la guerison; l. 7. c. 50 [ al.

  A026000857 

 Silz se treuvent en chemin, ilz viennent droit debout l'un contre l'autre et s'entrefont la guerre aux yeux, de maniere qu'on a treuvé des elephans aveugles, devenus thysiques et secz de fain [123] (sic) et par le poison du dragon.

  A026000858 

 On estime qu'elle ne porte qu'une seule fois en sa vie, par ce que ses fans, en sortant, luy esgratignent le ventre.

  A026000859 

 Pline dit quil a veu une esclave Getulienne qui luy racontoit qu'ell'avoit eschappé la fureur de plusieurs lions par douces paroles, leur remonstrant qu'ell'estoit pauvre fille, esclave, bannie, malade, indigne de servir de proye a leur generosité; elle estoit en la Guinee.

  A026000860 

 Le lion donne signe de ce quil pense par la queüe, comme [124] les chevaux par les aureilles.

  A026000865 

 Les elephans, par leur haleyne seule, font sortir les serpens de leurs trouz, et celle des cerfz les brusle; c. 53 [ al.

  A026000866 

 Les pigeons, connoissans le naturel de l'oyseau qui les poursuit, quelquefois se jettent en terre, quelquefois volent par dessous, et font tous-jours le contraire du naturel de l'oyseau de proye.

  A026000868 

 Il change de voix par fois; il pond au nid d'autruy et principalement en celuy des ramiers, pour eviter la fureur de ceux qui voudroyent abolir sa race, car tous les oyseaux luy font la guerre, estant asses poltron et timide.

  A026000870 

 Quand il tonne et esclaire, les mere-perles se tiennent serrees et les perles se fondent faute de nourriture, ou bien elles engendrent une certaine forme de [127] perle pleine de vent comme une vescie: ce sont avortons de perles; elles rougissent au soleil, et par viellesse..

  A026000871 

 La pierre tracienne mouïllee d'eau et approchee du feu, s'allume soudain et ne se peut estaindre que par l'huile.

  A026000873 

 Le Roy d'Albanie, adverti de cela, luy en renvoya un autre, l'advertissant qu'il ne failloit espreuver ce chien contre petites bestes; Alexandre luy fit bailler un lion, lequel fut incontinent mis en pieces par ce chien, puis un elephant, de mesme. Heu, quam indignum Christianos, tam magnos viros, velle cum hominibus contendere! Contendant et vindictam exerceant cum dæmone, magna illa bestia et leone circumeunte.

  A026000874 

 Aussi ne passeront elles jamais un pont ou on peut voir la riviere parmi les ais, et pour alterees qu'elles soyent, si on leur change d'abbreuvoir elles ne boiront sinon par contrainte et [a] coups de bastons.

  A026000874 

 Les saumes ayment fort leurs asnons, mais la crainte de l'eau surpasse cet amour; car pour aller vers leurs petitz elles ne craindront point de passer par le feu, mais si seulement il y a un petit ruisseau entre deux, elles ont si grand peur de le passer que mesmes elles ni osent mettre le pied.

  A026000877 

 Singesses portent leurs petitz ça et la par mignardise et les faire voir, [si] que par le tracas elles les tuent.

  A026000886 

 XIX.] Les cerfz et chevres sauvages se guerissent de leurs playes par le dictam, en Candie [l.

  A026000887 

 L'homme ayant mangé le monde et son inconstante vanité, se guerit par la grace, mais sauvage, a cause quil faut qu'elle l'induise a pœnitence..

  A026000900 

 Cors tués par le foudre deviennent secz et ne pourrissent jamais; dont le poete qui dit Phaeton frappé de foudre pourrit en certaine vallee, a esté reprins.

  A026000912 

 L'aymant frotté de l'ail ne tire le fert si, par apres, il n'est lavé de sanc de bouc. Allium, superbia Adami, impedit attractionem magnetis, id est Dei; sed cum Deus lotus est in sanguine Christi, tunc iterum attrahit..

  A026000916 

 Il retire a la vigne: on le plante par chappons et prouvins; on l'accoustre comme la vigne qui se soustient d'elle mesme sans eschalas; on le taille comme la vigne; ses feuilles ressemblent a celles de la rüe et sont tous-jours vertes.

  A026000918 

 (La rayson donc est que, par le mahumetisme, cette region a perdu ses faveurs.).

  A026000927 

 J'ay une racine, dit Mathioli, treuvee par Francesco Calceolario, Veronnois, laquelle ayant trempé une nuit dans du vin, qui boit du vin ne peut nullement manger, pour fain (sic) quil aÿe, jusques a ce quil aye beu une cueïlleree de vinaigre..

  A026000929 

 IX.] Idem, raconte que les Rois de Perse donnoyent a leurs ambassadeurs l'herbe latace, affin que par tout ilz eussent abondance de toutes choses.

  A026000936 

 Mithridates, Roy de Pont, inventeur du mithridat, avoit tellement renforcé son cors par icelluy que, s'efforçant de s'empoisonner pour eviter la servitude des Romains, il ne sceut onques.

  A026000942 

 La cresserelle est bonne aupres des pigeons, car elle espouvente, par un certain naturel qu'ell'a, tous animaux de proye, qui craignent son regard et son cri. Humilitas [139] debet adesse cuilibet virtuti, nam eam timent dæmones.

  A026000943 

 Ibidem: Au tems du siege de Modena, Decimus Brutus, qui estoit dedans, faysoit sçavoir de toutes ses nouvelles au camp des consulz par le moyen des pigeons, leur attachant des billetz aux piedz: de quoy donq servoit a Antonius de tenir Brutus soigneusement enfermé, puisqu'il avoit ses postes en l'air? Pro oratione, quam in hoc ergastulo ad Deum et Sanctos fundimus, nam Spiritus Sanctus eam innotescere facit Sanctis, interpellat pro nobis gemitibus innenarrabilibus, vel Angeli.

  A026000945 

 Il les pria de luy donner loysir de jouer encor un coup de sa cytre, ce qu'ilz firent; et tout incontinent, des daulfins vindrent, et fut receu par l'un d'iceux qui le porta au cap de Tenaro, » qui est en la contree de Misistrat en Lacedemone.

  A026000946 

 En une sayson de l'annee, les muges, poissons, se jettent en grande abondance en ladite eau ou fosse, par un'estroitte emboucheure qu'il y a de la mer en icelle.

  A026000946 

 Les pescheurs tendent leurs filetz en ladite morte, et par ce que les muges s'eschapperoyent par l'emboucheure, ilz crient aux daulfins: Simon, simon! Les daufins accourent et gardent l'emboucheure; si que les muges qui ne sont prins au (sic) filetz et qui les veulent eschapper sont tués par les daulfins, qui par apres les mangent; et le jour suivant les pescheurs, pour les recompenser, leur donne (sic) du pain trempé en vin. Heu me! quid faciet anima quæ se in aquas mortuas voluptatum injicit? Vel a mundo, vel a dæmone capiet.

  A026000950 

 L'armee d'Alexandre le Grand fut extremement endommagee de ce que ses soldatz ne se pouvoyent souler de ce bon fruit qui les estouffoyt par apres..

  A026000950 

 L'un et l'autre produit premierement la chair de la datte, puis le noyau dedans, qui sert comme de graine a la datte; on le void par ce que les jeunes dattes n'ont encor nul noyau.

  A026000950 

 Les palmiers femelles, ce dit on, croissent a leur juste grandeur, mais demeurent steriles si elles n'ont le masle au pres, par le regard duquel, ou par son exalation, ou par la poudre qui en sort, elles conçoivent et sont rendues fertiles; aussi on void les femelles s'incliner doucement et replier leurs branches du costé des masles, comme leur faisant la court, la ou le masle demeure ferme, accresté et roide; si on le coupe, les femelles deviennent steriles.

  A026000955 

 Herisson ne sort guere de sa taniere le jour; la nuit va aux vignes et sous les arbres, fait tumber les raysins avec sa patte et se veautre et monte pour les piquer, comme les pommes tumbees par le vent, et les rapporte.

  A026000963 

 Aucuns pensent qu'elles meurent au [145] premier coup d'eguillon qu'elles donnent; autres, que non, sinon qu'elles les fichent si profond qu'elles ne les puissent retirer sans y laisser le boyau, mais que, par apres, elles sont du tout inutiles, comme les bourdons. Nota pro iracundis et iis qui vindictam exercent; c. 18 [ al.

  A026000968 

 Figuiers sauvages produit (sic) des mouchons qui, ni treuvant a manger, se jettent sur les figues privees et ouvrent les souspiraux d'icelles, et par ce moyen, le soleil et vent chaud qui fait meurir le blé entre dedans; joint aussi que ces mouchons succent le lait qui tenoyt lesdittes figues en enfance, et les font meurir par ce moyen.

  A026000969 

 Si l'elephant rencontre un homme qui va simplement son chemin par la forest, il se monstre doux et benin a luy; sil sent la piste et frais d'un homme avant que de le voir, il tremblera, de peur d'estre surprins; s'arreste, regarde ça et la, et ne marche point sur icelle, mais la jette a l'autre suivant, et l'autre a l'autre, et tous font ainsy et se mettent en combat.

  A026000971 

 Zeuxis, Heraclien, estant devenu riche par son art, donnoit ses peintures pour neant, ayant cette presomption qu'on ne [les] eüt sceu asses payer.

  A026000981 

 Nous, Jean d'Aranthon D'Alex, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux qui ces presentes verront, salut..

  A026000982 

 En foy et tesmoignage de quoy avons signé les presentes, scellés du seel de ladite evesché et contresignés (sic) par le greffier d'icelle..

  A026000982 

 Sçavoir faisons et attestons, que les seize feulliets escripts et conteneus dans le present cayer a Nous exhibé par R d Seigneur M re Joseph de Sales, seigneur de Richemont, Docteur en saincte Theologie, chanoine de Nostre Esglise cattedrale de Sainct Pierre de Geneve, et ont esté escripts de la main propre et caracthere de nostre incomparable predecesseur Sainct François de Sales, comme ayant esté par Nous dheuement recogneus et parangonné (sic) sur des autres escripts dudit Sainct, treuvés et delaissés dans les Registres du Greffe de Nostre evesché.

  A026001022 

 Ou le soleil bat a plomb il ny a point d'ombre; ainsy en la Vierge, regardee directement et a plomb par Nostre Seigneur, il ny a nulle ombre de peché: Quia respexit [153] humilitatem ancillæ suæ, ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes.

  A026001042 

 Les Æthiopiens excitent le feu a leur rubis par vinaigre.

  A026001084 

 L'amour de complaysance provoque a la louange et honneur, par maniere d'admiration et de declaration du sentiment que nous avons: c'est pourquoy, au traitté de l'Orayson, il en faudra faire mention es chapitres de la louange, etc..

  A026001087 

 Si elles entrent en sedition, on leur jette un peu de vin cuit ou emmiellé, et par cette douceur elles sont bien tost appaysees. Heu! Eucharistiæ Sacramentum quam deberet omnes contentiones expellere!.

  A026001104 

 Prenes par coustume de vous mettre en la presence de Dieu le soir avant vostre repos, le remerciant de ce quil vous a conservé, et faysant l'examen de vostre conscience, ainsy que les livres spirituelz vous l'enseignent.

  A026001106 

 Ceci se doit faire apres la Communion, par une petite meditation de demi heure..

  A026001106 

 Ne manques jamais [de] communier tous [les] pre[miers] Dimanches du moys, outre les bonnes festes, et le so[ir] devant, confessés vous et excites en vous une sainte reverence et joÿe spirituelle de devoir estre si heureuse] que de recevoir vostre doux Sauveur; et faittes alhors nouvelle resolution de le servir fervemment, laquelle [167] l'ayant receu, il faut confirmer, non pas par vœu, mais par un bon et ferme propos.

  A026001108 

 Procurés en vous l'esprit de douceur, joye et humilité, qui sont [vertus] les plus propres a la devotion; comm'aussi la tranquillité, sans vous empresser ni pour ceci ni pour cela, mais alles vostre chemin de devotion avec un'entiere confiance en la misericorde [de] Dieu q[ui] vous conduira par la main jusques au pais celeste; et partant, gardes [vous] des chagrins [et disputes]..

  A026001110 

 Touchant vostre qualité d'Abbesse, c'est a dire Mere du Monastere, elle vous oblige a procurer le bien de tous (sic) vos Religieuses pour la perfection de leur ame, et par consequent a reformer leurs mœurs et toute la Mayson..

  A026001111 

 Le moyen de ce faire en ce commencement doit estre doux, gracieux et jo[yeux], sans commencer par reprehensions des choses qui ont esté supportees jusques a present; ains vous deves vous mesme, sans leur dire mot, monstrer tout le contraire en vostre vie et conversations, vous occupant devant elles en saintz exercices: comme seroit, faysant quelquefois des prieres en l'eglise, ou bien mesme la meditation, disant le Chapelet, faisant lire quelque livre spirituel pendant que vous travailles de l'eguille, et les caressant plus doucement et modestement que jamais.

  A026001149 

 Apres tout cela il faut faire la demande, suppliant Dieu quil luy playse nous donner la grace de bien le servir et executer fidellement nos bonnes resolutions, l'adjurant par le merite de son Filz, et particulierement par celuy qui reluira au mistere que nous aurons medité, par l'intercession de la Vierge et des benitz Saintz.

  A026001172 

 Et donques, diray-je, cette mer de perfections, cet abisme de bonté, non seulement m'environne de tous costés, mais se communique par une vraye presence et tres entierement a ce cœur desloyal, a cett'ame felonne! Helas, mon Dieu, mon Seigneur, il me semble que mon cœur, ainsy profondement meslé et uni de toutes pars a vostre divine presence, n'est autre chose qu'un vil et venimeux crapaut qui nage, se supporte et maintient dans une mer de bausme tres prætieux.

  A026001184 

 Est ce donques, ce dis-je, ce grand Jesus qui a tant fait de miracles, de sermons et d'actes vertueux tout le tems de sa vie? Est ce pas la le Filz de Dieu æternel, qui est Maistre du Ciel et de la terre? et comment donques est-il pendu en croix? Ne pouvoit-il pas mourir de mille sortes de mortz plus honnestes, plus doulces et supportables, puis qu'il vouloit mourir? O quil faut bien dire que cette mort a quelque secrette beauté, puisqu'elle a esté choysie par le Filz de Dieu mesme! O quelle admiration sera ou peut estre digne de cette merveille?.

  A026001184 

 Je considere premierement celuy qui est ainsy pendu et eslevé, et voy par l'escriteau, que c'est Jesus de Nazareth, Roy des Juifz.

  A026001185 

 Ses yeux ne sont nullement effarouchés par les douleurs, ni enflammés par les injures.

  A026001203 

 Il reste que je poursuive a considerer les particularités par lesquelles ma volonté puisse estre excitee a produire beaucoup de bonnes saintes affections et resolutions: et cela, c'est la meditation..

  A026001203 

 Voyla le mistere proposé en gros par l'imagination, laquelle a logé en mon cœur un lieu propre pour voir et bien considerer tout ce qui se passe.

  A026001207 

 Exterieurement: par cette eslevation son cors est tout entierement supporté sur ses pieds et ses mains cloués, dont advient que les playes s'agrandissent et la douleur se rend immense.

  A026001220 

 O Seigneur, ayes mercy de moy, et je me propose de par ci apres vous estre plus fidelle.

  A026001220 

 Voules vous bien estre si acharnés a l'encontre du beni Colombeau qui niche sur la croix, que de deschirer son cœur avec les dens de vos impietés? Seigneur, ah, doresnavant je consoleray par effect le pauvre et empescheray le peché..

  A026001224 

 Exterieurement: avec un grand silence, les yeux doux et benins, qui regardent par fois au Ciel, dans le sein de la misericorde du Pere, quelquefois sur le peuple, auquel il procure la grace de cette misericorde, sa bouche n'estant ouverte en ce mistere que pour jetter des souspirs de douceur et de patience.

  A026001225 

 Mais, helas, miserable que je suis, qui ne sçaurois souffrir un mot sans crier, sans me plaindre, sans faire du bruit au logis; jamais je ne finis mes lamentations, je les estens et respans par tout..

  A026001249 

 Il y [a] des autres actions ausquelles je ne suis point obligé ni par les commandemens generaux de Dieu, ni par le particulier devoir de ma vocation; et en celles ci il faut [186] estre soigneux de considerer en liberté d'esprit ce qui tend a la plus grande gloire de Dieu, car c'est cela que Dieu veut.

  A026001249 

 J'ay dit, en liberté d'esprit, par ce que cela se doit faire sans empressement ni inquietude, ains par une simple veüe du bien que nostr'action doit apporter: comme de faire un petit voyage de Saint Bernard, de se confesser un tel jour, visiter un tel malade, donner une petite somme, commun escu, pour l'amour de Dieu.

  A026001249 

 Que si elle n'est pas de grande importance, aussi ne faut il pas une grande sollicitude, ains, apres une petite consideration, il se faut resoudre; et si par apres l'action, la resolution ne semble pas bonne et qu'on se soit trompé, on ne s'en doit nullement affliger ni troubler, ains s'humilier et mocquer de soi mesme..

  A026001250 

 Et si par leur defaut la resolution n'est pas la meilleure en soy, elle ne laissera pas d'estre la plus utile et meritoire pour vous, car Dieu la rendra fructueuse.

  A026001250 

 Mais si la chose est d'importance, comme de changer de profession, faire des veuz perpetuelz, entreprendre des grans voyages, donner des grandes quantités en aumosne, apres y avoir un peu pensé, il en faut conferer avec les peres spirituelz sous la conduitte des quelz on s'est remis, et passer par leur advis avec simplicité, car Dieu les assistera a vous bien adresser.

  A026001252 

 Les grans moyens pour parvenir a la perfection sont de deux sortes. Le premier et principal, c'est d'avoir la grace interieure de Dieu, et celluy ci se doit obtenir par prieres, oraysons, sacrifices, reception des Sacremens.

  A026001260 

 Puisque la perfection de l'ame consiste en la charité, et la charité est [188] le don principal du Saint Esprit, le premier moyen pour obtenir la perfection, c'est de la demander humblement, instamment et continuellement a Dieu par prieres et meditations; le deuxiesme, c'est l'usage des Sacremens, car ilz sont les canaux par lesquelz Dieu distille en nous la grace, charité et perfection; le troisiesme, c'est l'exercice des vertus en general..

  A026001267 

 Et cela est ordonné par l'Apostre, qui veut que nous soyons sujetz a un chacun pour l'amour de Dieu..

  A026001270 

 degré, c'est d'obeyr aux conseilz, chacun selon sa vocation: comme de demeurer vefve quand on l'est; de rechercher celuy qui nous a offencés, par caresses et courtoysies; d'ayder ceux qui en ont quelque besoin, encores qu'ilz ne soyent pas en grande necessité.

  A026001271 

 La prattique de ce troisiesme degré fait qu'en tout et par tout nous nous conformons a Dieu et a sa sainte volonté.

  A026001280 

 Mettes ordre qu'aussi tost que seres esveillee, vostre ame se jette du tout en Dieu par quelque sainte pensee, telle que celle-cy: Comme le sommeil est l'image de la mort, aussi le resveil est l'image de la resurrection.

  A026001285 

 Le Dimanche, entrés dans celle du costé; le lundy, dans celle du pied gauche; le mardy, dans celle du pied droit; le mercredy, dans celle de la main gauche; le jeudy, dans celle de la main droite; le vendredy, dans les cicatrices de son adorable chef; le samedy, retournés entrer dans son sacré costé, affin que par iceluy vous commencies et finissies vostre semaine. [193].

  A026001294 

 Je vous voy, o mon Dieu, des yeux de mon esprit, comme une mer de perfections et un abisme de bonté qui non seulement m'environne de tous costés, mais qui habite et qui reside tres entierement et par une vraye presence dans le fons de mon miserable cœur; et il n'y a partie en moy qui ne soit totalement soustenue et animee de vostre sainte Divinité..

  A026001303 

 Je m'imagine de plus, que le crucifiement est des-ja fait, c'est a dire, la croix estendüe sur la terre; que Nostre Seigneur, despouillé, tout fin nud, a esté attaché par les bourreaux sur icelle, cloüé et serré pieds et mains.

  A026001303 

 Je m'imagine et il me semble que parmi cette grande foule de gens qui accourent de toutes pars pour voir crucifier le Sauveur, je me treuve sur le mont de Calvaire, en un lieu un peu plus esloigné que les autres, separé et relevé, et par consequent plus advantageux pour voir et considerer a part moy ce triste et cruel spectacle.

  A026001303 

 Maintenant, donques, m'estant logé par imagination en ce lieu que j'ay dit, je m'imagine [195] outre cela que je voy relever ce saint Crucifié tout vivant en l'air, et que la croix est fichee et plantee en terre dans le creux qui a esté fait a cette fin..

  A026001314 

 Helas, ses playes sont des-ja bien grandes et capables de tenir a couvert les pechés du monde contre l'indignation du Pere æternel! O Dieu, que ne suis je quelque excellent et fructueux praedicateur, pour au moins empescher que ce divin cœur ne fust tant offensé par tant d'iniquités! O comme je dirois: Ne veuilles plus vivre iniquement, et ne releves plus les cornes de vos meschancetés pour les ficher dedans ce cœur des-ja tant affligé!.

  A026001343 

 Hé, mon Dieu, je vous supplie et conjure par toutes ces peynes, ces vertus et merveilles que vous y prattiquastes, de me fortifier en vostre service, d'esteindre en moy mon amour propre et de m'abismer dans le vostre.

  A026001353 

 Ainsy, reconnoissant par la tristesse et engourdissement de vostre esprit que vous estes fort miserable, serves vous de cette occasion et, pleine de confiance, escries vous devant Dieu: Ouy, Seigneur, je suis miserable; mais pour qui la misericorde est-elle, sinon pour les miserables? Et par ce moyen, vous passeres de la meditation que vous avies preparee a la meditation de vostre propre misere, de laquelle vous tireres des affections d'humilité, de confiance, et telles semblables qui vous seront tres utiles..

  A026001353 

 Quelquefois il sera bon de vous resouvenir de la Chananee, laquelle estant rejettee par Nostre Seigneur qui l'appella chienne, le prit au mot luy disant: Ouy vrayement, je le veux bien; mais les chiens mangent au moins quelques miettes de la table de leurs maistres.

  A026001355 

 Le troysiesme, c'est de picquer vostre esprit par quelque contenance de devotion: comme se prosterner en terre, estendant les bras en croix, tenant les mains jointes et eslevees au ciel.

  A026001355 

 Mais si, ne pouvant luy parler ni l'ouyr, nous demeurons la en devotieuse contenance, il aggreera nostre patience et favorisera nostre assiduité, et sans doute qu'une autre fois il nous prendra par la main, s'entretiendra avec nous et nous fera voir toutes les allees du saint jardin de l'orayson.

  A026001355 

 Que si, venant a l'orayson, nous ne pouvons pas faire le premier, il se faut contenter du second, qui est tous-jours beaucoup, encor que nous ne puissions parler a Dieu et qu'il semble qu'il ne nous parle point. Combien y a-il de courtisans qui vont cent fois l'annee en la chambre du Roy et en sa presence, non pour luy parler ni pour l'ouyr, mais simplement pour estre veus de luy et tesmoigner par cette assiduité qu'ilz sont ses serviteurs.

  A026001365 

 Faites qu'a vostre resveil vostre ame se jette du tout en Dieu par quelques saintes parolles, telles que sont celles cy: D'autant que le sommeil est l'image de la mort, aussi le resveil est l'image de la resurrection.

  A026001365 

 Resouvenes vous donques de la voix qui retentira tout par tout au dernier jour: O mortz, levés-vous et venés au jugement; parolles desquelles saint Hierosme faisoit si grand prouffit.

  A026001377 

 Par les considerations, on verra qu'il faut embrasser la vertu et fuir le peché.

  A026001378 

 Il ne reste que la consideration des dispositions et affaires de la journee, qui ne se doit pas faire parmi la meditation, parce qu'elle regarde trop par le menu nos occupations, nostre mesnage, nos rencontres des personnes avec qui nous avons a traitter, avec leurs conditions: comme si elles sont choleres, despiteuses et semblables, et tout cela nous distrairoit trop.

  A026001387 

 A la Communion, si on ne la fait pas reellement, il la faut faire spirituellement, s'approchant de Nostre Seigneur par un saint desir d'estre unie a luy et le recevoir en son cœur..

  A026001403 

 Donques, pour le reste du tems de la Messe auquel je n'ay pas dit ce qu'il failloit faire, ou bien il faut continuer les affections que je vous ay marquees chacune en son ordre: comme, par exemple, celle de la contrition jusqu'a l'Evangile; celle de protestation de foy jusqu'a la Preface, et ainsy des autres.

  A026001403 

 Pour le regard de la Messe, je n'ay pas voulu particulariser sur tous les misteres d'icelle, pour vous instruire comme il y faut correspondre par le menu avec des oraysons et des pensees, d'autant que cela charge tant la me [209] moyre que la volonté n'a pas ses affections libres.

  A026001411 

 En figure dequoy la celeste manne tomboit jadis au desert, non de jour, mays de nuit, si que nul ne sçavoit comme elle se faisoit, ni comme elle descendoit; mais le matin estant venu, on la voyoit toute faite et descendue: ainsy cette surceleste et divine manne de l'Eucharistie se fait en une façon et maniere qui nous est secrette et cachee; nul ne peut dire comme elle se fait et vient a nous, mais par la lumiere de la foy nous la voyons toute faitte.

  A026001416 

 C'est la plus entiere communication qu'il pouvoit faire de luy mesme, par laquelle il se joint a nous d'une façon merveilleuse et toute pleine d'amour.

  A026001420 

 Ainsy, en ce divin Sacrement, nous devons [214] nous reduire en memoire la journee en laquelle Dieu, par son amere Passion, nous delivra de la damnation..

  A026001420 

 Quand on vous demandera (dit la sainte Parolle traittant de l'observation de l'aigneau paschal) ce que c'est que vous faittes, dites a la posterité que c'est en memoyre de ce que Dieu vous delivra de l'Egipte, vous passant par le milieu de la Mer Rouge.

  A026001423 

 Il la faut purger des affections desreglees et desordonnees, mesme des choses bonnes; c'est pourquoy ceux qui mangeoyent l'aigneau paschal devoyent avoir des souliers en leurs piedz, affin qu'ilz ne touchassent point la terre des piedz; car « les piedz de l'ame sont ses affections », qui la portent par tout ou elle va, dit saint Augustin, et ses affections ne doivent pas toucher la terre ni estre a l'abandon, mais doivent estre resserrees et couvertes en mangeant le vray Aigneau paschal, qui est le tressaint Sacrement.

  A026001429 

 Que si vous estes agitee de cet esprit de curiosité, faittes ce que j'ay dit, mais faittes le briefvement, par forme de simple rejet et detestation, sans vous amuser a disputer et contester avec l'ennemy, lequel doit estre combattu par abomination, non par rayson, selon l'exemple de Nostre Seigneur, qui ne le fit fuir qu'en luy disant: Arriere, Satan, tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu..

  A026001432 

 Touchant la consideration, il sera bon que le jour avant la Communion, aux heures de vostre orayson mentale ou recueillement, vous dressies quelque peu vostre esprit a Nostre Seigneur en ce saint Sacrement, et mesme en l'examen de conscience a la fin, et ce par quelque briefve pensee de l'amour du Sauveur en l'endroit de vous; et mesme vous pourrés user de quelques eslancemens de priere vocale, lesquelz vous repeteres souvent, sur tout despuis Vespres, comme seroit celuy de saint François: « Qui suis je, Seigneur, et qui estes-vous? » ou celuy de sainte Elizabeth: D'ou me vient ce bonheur que mon Seigneur vient a moy? ou celuy de saint Jean l'Evangeliste: Ouy, venés Seigneur Jesus! ou celuy de l'Espouse sacree: Que mon Espoux me bayse d'un bayser de sa bouche..

  A026001433 

 Que si vous voulies par fois faire vostre meditation sur la Communion le jour precedent, vous pourres aysement y accommoder les misteres de la vie de Nostre Seigneur qui se rencontreroyent en la suitte de vostre orayson mentale, les appliquant comme a exercer en vostre endroit a l'heure de vostre Communion: car, qui vous empeschera de vous representer que Nostre Seigneur vous y presente les benefices qu'il a faitz, ou vous donne interieurement les enseignemens qu'il a donnés? Et ainsy des autres; et il y a peu de misteres qui ne soyent propres a cela..

  A026001437 

 Et quant au desir du saint Sacrement, il le faut exciter par l'amour de l'Espoux et par la consideration de l'honneur et du bien que nous recevons de sa venue: a quoy serviront les eslancemens spirituelz desquelz j'ay parlé ci dessus, et les considerations que je mettray ci dessous, avec les imaginations que j'y depeindray..

  A026001441 

 Le jour qu'on a communié il faut autant qu'il se peut caresser le saint Hoste qu'on a receu chez soy, et partant se divertir des autres occupations; car c'est en ce tems-la quil a accoustumé de parler plus souaifvement a nostre cœur et luy departir plus favorablement ses graces par la presence reelle de son Humanité.

  A026001441 

 Or, tout cela se doit faire par eslancemens de cœur et de voix, par regars interieurs de Celuy que nous possedons et par l'orayson mentale, selon que nous aurons commodité d'en faire un peu apres la Communion..

  A026001443 

 Avant que d'y aller on peut exciter le desir par la comparaison du cerf lancé et malmené, comme fait David au Psalme 41, qui est bon a lire puisque vous les aves en françois, et par l'exemple de Magdeleyne qui par tout le cherche avec ardeur: chez Simon le Lepreux, au sepulchre, au jardin, qui pleure en le cherchant, et qui dit a [219] luy mesme qu'il luy enseigne le lieu ou il s'est mis: Si tu l'as enlevé, dit elle, dis le moy et je l'iray reprendre.

  A026001443 

 Nous aussi devons considarer qu'en ce cæleste banquet nous unissons nostr'ame par une liayson indissoluble avec Nostre Seigneur; c'est pourquoy nous avons rayson de dire: Vadam, J'y iray.

  A026001444 

 A la confiance et force d'esprit, avec David: Je ne craindray nul mal, par ce, Seigneur, que vous estes avec moy.

  A026001444 

 A la joye d'esprit, a l'exemple de la bonne Lia, laquelle voyant qu'ell'avoit conceu un enfant en son ventre, s'escrioit tout par tout de joye: Ce sera maintenant que mon mari m'aymera; car ainsy, ayans en nous-mesme le Filz de Dieu, nous pouvons bien dire: C'est maintenant que Dieu le Pere m'ayme.

  A026001444 

 [Apres la Communion, nous devons semondre nostre ame a plusieurs affections,] comme par exemple: a la crainte de contrister et perdre ce saint Hoste, comme faysoit David, disant: Seigneur, ne vous departes point de moy; ou comme les deux pelerins d'Emaüs qui luy disoyent: Demeures avec nous, car il se fait tard.

  A026001445 

 A l'action de graces, par les paroles que Dieu mesme dit a Abraham quand il luy eut voüé le sacrifice de son filz; car nous pouvons les addresser a Dieu le Pere qui nous donne son propre Filz en viande: O Seigneur, par ce que vous m' aves faitte cette grande grace, je vous beniray de benedictions immortelles et multiplieray vos louanges comme les estoiles du ciel..

  A026001446 

 A la resolution de le servir, par les paroles de Jacob apres qu'il eüt veü la sainte eschelle: Dieu me sera mon Dieu, et la pierre de mon cœur, ci devant endurci, sera sa mayson.

  A026001447 

 Combien de goustz et consolations pendant l'enfance de Nostre Seigneur, quand ilz le portoyent en leurs bras et sur leur poitrine, quand ilz le baysoyent et que de ses divins bras il les accoloit souaifvement! et puis, considerer que nous sommes faitz semblables a eux par la Communion, en laquelle Nostre Seigneur s'unit bien plus a nous que sil nous baysoit et accoloit.

  A026001448 

 Et quelle parole? Selon la parole quil a dite de sa sacree bouche, que qui le mange, il demeure en luy, et luy demeure en celuy qui le mange; qui le mange vivra pour luy, par luy et en luy, et ne mourra point eternellement.

  A026001448 

 Or, quant a nous, nous recevons une pareille grace en la Communion, [car] non un Ange, mais bien Jesus Christ mesme nous asseure qu'en icelle le Saint Esprit vient en nous et la vertu celeste nous enombre, et le Filz de Dieu vient reellement en nous, et, par maniere de dire, il naist en nous et y est conceu.

  A026001449 

 Je n'ay rien dit du nettoyement de la conscience qui se fait par la confession, parce que chacun sçait qu'il le faut faire ou le soir devant, ou le matin, et ce avec un grand soin et humilité..

  A026001452 

 Au demeurant, parce que le plus grand moyen de prouffiter en la vie spirituelle c'est la devote Communion, je vous la recommande; et ayés soin que nulle ne la fasse par maniere d'acquit ou de coustume, mais tous-jours pour glorifier Dieu en icelle et s'unir a luy, et prendre force a le [222] servir et supporter toutes afflictions et tentations.

  A026001467 

 C'est pourquoy, estans tumbés clans les filetz de quelques imperfections, nous n'en sortirons pas par l'inquietude, au contraire nous nous embarrasserons tous-jours davantage.

  A026001468 

 Nostre Seigneur ne voulut point que son Temple fust edifié par David, roy tressaint, mais belliqueux, ni qu'en l'edification fust ouy aucun marteau, ni aucun fer; mais par Salomon, roy pacifique: signe qu'il ne veut pas que nostre edification spirituelle se fasse sinon en tres grande paix et tranquillité, laquelle il faut tous-jours demander a Dieu, comme enseigne le roy David: Demandes, dit il, ce qu'il faut pour la paix de Hierusalem.

  A026001487 

 Il faut contrevenir vivement aux inclinations de la tristesse et forcer ses suggestions; et bien qu'il semble que tout ce qui se fait en ce tems-la se face tristement, il ne faut pas laisser de le faire, car l'ennemy, qui pretend de nous allentir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant [230] qu'il ne gaigne rien et qu'au contraire nos œuvres sont meilleures estans faites avec resistance, il cesse de nous plus affliger..

  A026001488 

 Il n'est pas mauvais, quand il se peut, de chanter des cantiques spirituelz; car le malin a souvent cessé son operation par ce moyen, pour quelque cause que ce soit: tesmoin l'esprit qui agitoit Saul, duquel la violence estoit attrempee par la psalmodie..

  A026001492 

 Il faut tous-jours s'addresser en ce tems-la a sa divine bonté par des invocations pleines de confiance, ce que l'on ne fait pas quand on est dans le tems de la joye et hors de la tristesse, ou l'on peut croire que l'on a plus de besoin d'exciter en son cœur les sentimens de crainte; par exemple, ceux ci: O Seigneur tres juste et terrible, o que vostre souveraine Majesté me fait trembler! et semblables.

  A026001492 

 Mais dans le tems de tristesse, il faut employer des paroles de douceur; par exemple: O Dieu de misericorde, tres bon et tres benin, vous estes mon cœur, ma joye, mon esperance, le cher Espoux de mon ame; et semblables.

  A026001497 

 Ceux qui ont plus de discernement aux choses spirituelles se pourront guider par d'autres voyes que Nostre Seigneur leur suggerera; ce pendant, si celles cy peuvent servir, employes-les soigneusement, et pries pour celuy qui vous les a marquees..

  A026001501 

 Vous prendres vostre chapelet par la croix, que vous bayseres apres vous en estre signee, et vous vous mettres en la presence de Dieu, disant le Credo tout entier..

  A026001504 

 Sur chaque dizaine vous penseres a un des misteres du Rosaire, selon le loysir que vous aures, vous resouvenant de celuy que vous vous proposeres, principalement en prononçant les tressaintz noms de MARIE et de JESUS, les passant par vostre bouche avec une grande reverence de cœur et de cors.

  A026001506 

 Au gros grain qui est au bout, vous supplieres la divine Majesté d'aggreer le tout a sa gloire et pour le bien de son Eglise, au giron de laquelle vous la supplieres de vous conserver et d'y ramener tous ceux qui en sont desvoyés, et prierés Dieu pour tous vos amis; finissant comme vous aves commencé, par la profession de la foy, disant le Credo et faisant le signe de la Croix..

  A026001507 

 Vous porteres le chapelet a vostre ceinture ou en autre lieu evident, comme une sainte marque par laquelle vous voules protester que vous desires estre serviteur de Dieu nostre Sauveur, et de sa tres sacree Espouse, Vierge et Mere, et de vivre en vray enfant de la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine..

  A026001518 

 Le mercredy, consideres-le pris et lié par les Juifz; demandes luy la patience aux tribulations.

  A026001521 

 Par exemple, s'il faut prier, donner aux pauvres, conseiller quelqu'un, estre solitaire, entrer en conversation, souffrir quelque travail, souvenes vous que Nostre Seigneur en diverses occasions fit tout cela; et par apres, excitant vostre ame: Hé! [237] ce dires vous, quand il n'y auroit point d'autre rayson pour prier, pour faire l'aumosne, pour consoler les affligés, pour demeurer en solitude, pour acquiescer a cette souffrance, pour m'arrester en cette conversation, ne me suffit il pas que mon cher Maistre m'en ayt monstré le chemin? Et cela se peut faire par un simple regard et unique souspir: Ouy, Seigneur, je suis avec vous..

  A026001525 

 Vous prendres vostre chapelet par la croix, que vous bayseres apres avoir fait le saint signe de nostre Redemption, et vous mettres en la presence de Dieu, disant le Credo tout entier..

  A026001530 

 Et [porterez ] vostre chapelet comme une sainte marque par laquelle vous voules protester que vous desires estre serviteur de Dieu, du Sauveur et de la sacree et tous-jours Vierge Mere.

  A026001530 

 Finissant au gros grain qui est au bout, vous dires le Pater, suppliant la divine Majesté qu'elle addresse le tout a sa gloire et pour le bien de son Eglise, en la foy et union de laquelle vous prieres sa Bonté de vouloir ramener tous les desvoyés, et prierés Dieu pour tous vos amis; finissant comme vous aves commencé, par la profession de foy, disant le Credo, puys faisant le signe de la Croix.

  A026001555 

 Et apres avoir moy mesme reiteré le vœu solemnel de perpetuelle chasteté par moy fait en la reception des Ordres, lequel je confirme de tout mon cœur, je proteste et prometz de conduire, ayder, servir et advancer laditte Jeanne Françoise Fremyot, ma Fille, le plus soigneusement, fidellement et saintement que je sçauray, en l'amour de Dieu et perfection de son ame, laquelle des-ormais je reçois et tiens comme mienne, pour en respondre devant nostre Sauveur.

  A026001555 

 Je, FRANÇOIS, EVESQUE DE GENEVE, accepte de la part de Dieu les vœux de chasteté, obeissance et pauvreté, presentement renouvellés par Jeanne Françoise Fremyot, ma tres chere Fille spirituelle.

  A026001566 

 Par exemple: si l'homicide a esté commis en la personne du pere ou de la mere, il le faut exprimer, car cela s'appelle parricide; si l'homicide a esté commis en lieu sacré, c'est sacrilege; si on a tué une personne sacree, c'est un parricide spirituel.

  A026001570 

 Or, la necessité de dire au plus pres que l'on peut la quantité des pechés mortelz est essentiellement requise pour faire une bonne confession, d'autant que pour absoudre le pecheur de ses pechés, il faut avoir cognoissance de l'estat de sa conscience; mais on ne peut cognoistre l'estat d'une ame si on ne sçait a peu pres la quantité des pechés qu'elle a commis: car, quelle apparence y auroit il d'avoir en esgale consideration une femme, par exemple, qui n'auroit offencé de son corps qu'une seule foys, comme la sainte penitente Aglaë, et celle qui auroit offencé peut estre dix mille fois, comme on peut croire de sainte Pelagienne, de sainte Marie Ægytiaque et de sainte Magdelaine?.

  A026001573 

 Il se faut encor accuser de la diversité des degrés qui se retreuve en chasque espece de peché; car tout ainsy quil y a divers degrés en chasque vertu par lesquels passant de l'un a l'autre on arrive a la vertu heroique ou angelique, aussy [y] a il divers degrés au peché par lesquelz on descend jusques au peché diabolique.

  A026001573 

 Par exemple, il y a bien de la difference entre le corroux et injurier, frapper du poing, ou avec un baston, ou avec l'espee et tuer, qui sont des divers degrés du peché de collere; de mesme, il y a bien a dire entre le regard charnel, l'attouchement deshonneste et la conjunction luxurieuse, qui sont divers degrés d'un mesme peché.

  A026001576 

 C'est pourquoy il faut particulariser, tant qu'il se peut bonnement faire, la qualité de l'objet ou de la matiere par le moyen delaquelle la malice du peché peut croistre ou descroistre; car il ne suffiroit pas a celuy qui auroit empoisonné un flaccon de vin, de dire qu'il a empoisonné du vin pour faire mourir des personnes, mais faudrait dire combien de personnes; car encor que l'empoisonnement se fist par une seule action, neammoins il se termineroit a la mort de plusieurs personnes, et bien que l'action fust unique, la nuysance neammoins seroit de grande quantité..

  A026001576 

 De mesme il se peut faire qu'avec un mauvais exemple on scandalisera une seule personne, et qu'avec un autre mauvais exemple de mesme espece on scandalisera trente ou quarante personnes: et qui ne void que la malice de ce second peché est beaucoup plus grande que celle du premier? Ainsy, sy l'un tue une fille et l'autre tue une femme enceinte, ilz n'ont chacun fait qu'un seul coup; mays l'un neammoins, en un seul peché, a fait deux homicides, et par consequent son peché, quoy qu'il ne soit qu'un quant a l'acte, a neammoins double malice.

  A026001576 

 Or, entre les degrés du peché, il faut prendre garde a [246] celle (sic) qui multiplie ou redouble la malice du peché en une seule action: comme, par exemple, celuy qui derobe un escu fait un peché; celuy qui en derobe deux tout a la fois ne fait aussy qu'un peché, mais toutesfois la malice de ce second peché est deux fois aussy grande comme celle du premier.

  A026001579 

 Le desir est un degré du peché, et la resolution d'exequuter en est un autre dont il se faut confesser, bien que par appres on ne vienne point a l'exequution; car qui desire et beaucoup plus qui se resoult de pecher, il a formé le peché dans son cœur, suyvant le dire de Nostre Seigneur: Qui regardera la femme pour la convoiter, il a desja adulteré en son cœur, et s'il n'a pas peché par effet, il a peché par affection.

  A026001579 

 Mais cela s'entend des desirs qui sont formés, et non pas de certaine sorte de mouvemens interieurs qui, de sursaut, a l'improuveüe et sans nostre consentement, [247] passent par nostre cœur, pendant lesquelz mesmement, qui nous interrogeroit sy nous voudrions les choses ausquelles ces mouvemens semblent nous porter, nous dirions indubitablement que non; car par la on void bien que ces desirs sont des actions de nostre nature et non pas de nostre franc arbitre..

  A026001582 

 Or, le peché consiste plus a l'application du cœur qu'a celle du cors, et il n'est nullement loisible de prendre a son escient plaisir et contentement au peché ny par les actions du cors, ny par celles du cœur..

  A026001582 

 Par exemple, celuy qui prend plaisir a penser en soy mesme a tuer, ruiner et maltraitter son ennemy, encor qu'il ne desire point d'en venir aux effetz, neammoins, sil a volontairement et a son escient pris delectation et res-jouissance en telles imaginations et pensées, il s'en doit accuser rigoureusement; comm'aussy celuy qui, pour prendre plaisir, s'amuse a penser, imaginer et se representer les voluptés charnelles, car il peche interieurement contre la chasteté, d'autant qu'encor qu'il n'ait pas voulu appliquer son cors au peché, il y a neammoins appliqué son cœur et son ame.

  A026001585 

 Encor faut il prendre garde, pour se bien confesser, a certaines actions qui comprennent en elles plusieurs especes de pechés enveloppés l'un dans l'autre: comme, par exemple, celuy qui feroit tuer le mary pour jouïr de la femme, comme David, feroit trois sortes de peché tout ensemble, car il commettroit scandale, homicide et adultaire; ainsy, celuy qui battroit un valet, et en le battant se representeroit par imagination le plaisir quil prendroit a [248] battre le maistre, feroit ensemblement deux pechés, l'un de cœur et l'autre de cors; et celuy qui ayant accointance a une fille s'imagineroit, pour prendre plaisir, une femme mariee quil auroit desiré, feroit du cors un stupre, et du cœur un adultaire.

  A026001585 

 Il y a mesme certaines actions lesquelles semblent estre meslées de peché mortel et de veniel, esquelles quelquefois on est grandement trompé: comme, par exemple, une personne grandement en cholere aura voulu donner un grand coup a quelqu'un qui, gauchissant, se sera eschappé; et par ce que l'effect de sa mauvaise volonté ne sera pas ensuivy, il tiendra l'offence pour petite, bien que reellement son intention de frapper rudement la fasse fort grande.

  A026001590 

 Premierement: le blaspheme, qui n'est autre chose qu'une mesdisance de la divine Majesté faite par mauvaise affection; comme quand on dit que Dieu n'est pas bon, qu'il n'est pas juste, qu'on le renie, qu'on le maugrée, qu'on le despite et, enfin finale, toutes fois et quantes que volontairement et a nostre escient nous parlons de Dieu [249] incivilement, ainsy que l'on fait quand on dit: Aussy vray comme Dieu est; un tel est vilain comme Dieu est noble; Dieu ne se soucie pas de ce que nous faisons; laissons Dieu en Paradis et demeurons icy; et semblables impertinences..

  A026001591 

 C'est aussy un'espece de blaspheme de mesdire des Saintz ou parler incivilement d'eux et des choses sacrées: comme, par exemple, emprunter les paroles de l'Escriture par gausserie, risée et deshonnesteté..

  A026001592 

 La seconde espece des pechés contre ce commandement, c'est l'impieté, qui consiste és actions par lesquelles nous voulons deshonnorer Dieu ou les choses sacrées: comme font ceux qui employent les Sacremens, le saint Cresme, les paroles sacrées pour des charmes, ou qui les foulent par desdain, rompent les images, ruinent les autelz, les reliques et semblables choses..

  A026001593 

 La troysiesme espece, c'est la superstition, comm'est idolatrer, c'est a dire adorer comme Dieu ce qui n'est point Dieu; user de magie, c'est a dire emploier le diable pour quelqu'operation, soit qu'on l'employe ouvertement, comme font ceux qui ont fait convention avec luy et les sorciers, soit qu'on l'employe tacitement par paroles et caracteres inconneus, ou paroles et caracteres connus, mais appliqués faussement et vainement; item, aller aux devins, et, en somme, faire ou dire quelque chose pour obtenir quoy que ce soit du malin esprit ou de ceux qui dependent de luy..

  A026001594 

 Violer les vœux que l'on a fait, ou bien faire des mauvais vœux: comme par exemple, de tuer quelcun, ou de ne faire pas quelque bien..

  A026001604 

 [1.] Jurer sans discretion par le nom de Dieu, ou des Saintz et des autres creatures quelconques entant qu'elles dependent de Dieu et se rapportent a iceluy: comme font ceux qui jurent a tous propos, autant pour chose de peu d'importance comme pour chose de grande importance; car ceux cy exposent le sacré nom de Dieu et prennent a tesmoin sa divine Majesté vaniement (sic), frivolement et contemptiblement, sans jugement ny discernement quelconque..

  A026001616 

 Item, les peres, meres et superieurs des maisons, villes et republiques offencent Dieu contre ce commandement, traittans indignement et outrageusement leurs femmes, enfans, sujetz et inferieurs; n'aiant pas soin de les advancer [253] en la vertu; ne les assistant pas és choses requises, selon leur pouvoir; les scandalisant par mauvais exemple..

  A026001620 

 (Je dis par hayne, parce que de desirer la mort ou a soy ou au prochain pour la gloire de Dieu, pour son salut et pour autres telles bonnes occasions, quand la hayne de la personne ne s'y mesle point, il n'y a pas peché.) Haïr quelcun; desirer de s'en venger; se res-jouir du mal d'autruy; se contrister de son bien; se mutiner contre luy et ne luy vouloir point parler a cett'intention.

  A026001620 

 Desirer la mort ou quelque mal notable au prochain ou a soy mesme, par hayne et malveillance.

  A026001621 

 Laisser les innocens a la mercy de l'injustice, quand, par voye legitime et juste, on les peut garantir..

  A026001621 

 Ne vouloir pardonner l'injure ny remettre l'offence a celuy qui est prest de faire satisfaction; persequuter le prochain par menées, proces ou autre moyen.

  A026001625 

 Faire le violement, c'est a dire prendre une femme ou une fille par force.

  A026001633 

 Par imposture, qui n'est autre chose que de jetter sur une personne un crime ou un vice qui n'est pas en luy; par aggrandissement du vice ou du peché qui se treuve en quelcun; par revelement d'un crime secret de quelqu'un; par mauvaise interpretation de l'intention de quelcun, detournant en mauvais sens les bonnes actions d'autruy; niant le bien estre en une personne, lequel y est, ou ravallant la juste estime que l'on doit avoir d'une personne; se taisant lorsque l'on peut justement deffendre de blasme une personne..

  A026001648 

 La discorde vient apres, qui n'est autre chose [258] qu'une contrarieté desreglee a la volonté du prochain, laquelle est en sa perfection quand l'opiniastreté survient, par laquelle on s'arreste fermement en son opinion, quoy que sans bon fondement..

  A026001651 

 De tout cela naist la presomption, par laquelle on entreprend de faire, dire, paroistre et estre plus qu'il ne nous appartient: comme quand on veut parler de choses qu'on n'entend pas, ou faire un art que l'on ne sçait pas, ou paroistre plus que l'on n'est pas, ou qu'on veut estre plus que l'on ne peut pas.

  A026001659 

 Or, l'appetit est desordonné, ou parce qu'il veut prendre le plaisir sur un sujet qui n'est pas a [259] nous, comm'il advient en la fornication et en l'adultaire; ou parce qu'il le veut prendre contre l'ordre estably par la nature; ou parce quil le veut prendre contre la fin et l'intention pour laquelle ce plaisir est destiné.

  A026001675 

 J'ay dit, entant qu'il semble diminuer le nostre, parce qu'on peut estre marry du bien de quelcun non seulement sans pecher, mais aussy par charité: comme quand on est marry que les indignes soyent advancés, ou que les ennemis de la Republique prosperent..

  A026001681 

 Elle produit le decouragement, par lequel on n'ose pas entreprendre le bien qui nous est conseillé; l'engourdissement d'esprit, par lequel on est empesché de se mouvoir a bien faire; l' aigreur malicieuse, par laquelle on hait la perfection chrestienne; la rancune et desgoust contre les personnes spirituelles, parce qu'ilz nous provoquent au bien; l' inadvertance aux choses bonnes; le desespoir, comme sy c'estoit chose impossible de garder les commandemens de Dieu et de se sauver..

  A026001693 

 Premierement: de la part de nostre volonté, lorsque nostre liberté n'est pas parfaite et que, par consequent, [262] nostre volonté n'agist pas avec pleine deliberation ny avec un total usage de son franc-arbitre: comm'il arrive quelque fois que nous dirons un'injure a quelqu'un par une si soudaine surprise de colere, que nous l'avons plus tost dite que pensée; car alors, bien que d'injurier le prochain soit ordinairement un peché mortel, toutesfois, a raison de ce que l'acte de la volonté a esté fort imparfait et indeliberé, ce n'est qu'un peché veniel, parce que la contrarieté a l'amour de Dieu en cet acte de la volonté n'a pas esté une pleine et accomplie contrarieté, ains une contrarieté sortie par surprise et inadvertence et la volonté n'estant pas pleynement a soy mesme..

  A026001694 

 Ainsy, celuy qui derobe une pomme, une poire, un liard ne peche que veniellement, parce qu'il offence fort peu le prochain et par consequent ne contrarie pas parfaitement a l'amour qui luy est deu; de mesme les coleres legeres, petitz chagrins, ou quelque legere et imparfaite caresse a l'endroit de la femme d'autruy ne seront pas estimés peché mortel..

  A026001694 

 Secondement: la contrarieté a l'amour de Dieu et du prochain est quelquefois imparfaite a raison de la petitesse de la matiere en laquelle ell'est commise: comme, par exemple, derober c'est un peché mortel, parce que le larcin contrarie a la charité du prochain; mais pourtant, ce que l'on derobe peut estre sy peu de chose, que la nuysance qui s'en ensuit contre le prochain est si extremement legere qu'elle n'est point considerable, et par consequent la contrarieté de cette action là a l'amour du prochain n'est pas une parfaite contrarieté, mais plustost comm'un commencement de contrarieté.

  A026001695 

 Comme par exemple, un mensonge dit par joyeuseté ou pour excuser quelqu'un: c'est un'action laquelle [263] n'est point contraire a l'amour de Dieu et du prochain, ou sy ell'est contraire, c'est par une contrarieté fort imparfaite et qui regarde plustost la perfection de l'amour que l'amour mesme; car bien que le prochain reçoive les petitz mensonges pour la verité, sy est ce que cela ne luy apporte nulle sorte de nuysance.

  A026001695 

 De mesme, joüer plus longuement qu'il ne faut par recreation c'est une chose qui n'est point louable, mais elle n'est pas de soy contraire a l'amour de Dieu et a l'amour du prochain; car, comme il appert, en cela il ny a point de meschanceté, mais seulement de l'inutilité..

  A026001698 

 Les grands ordinairement ne pratiquent point ce peché que par l'entremise de quelques confidens messagers et solliciteurs.

  A026001698 

 Or, cet esloignement se peut faire par beaucoup de bons pretextes..

  A026001698 

 Sy, donc, ilz entreprennent a bon escient de s'amender de ce peché là, il faut qu'ilz esloignent de leur suitte telles sortes de gens, car par ce moyen ilz perdront la facilité de retourner au malheur.

  A026001701 

 Quand on s'est resoulu a bon escient de se retirer de ce vice, il est bon de s'en declairer parmy ceux qui sont le plus pres autour de nous, affin de nous brider par nostre propre parolle et declaration..

  A026001703 

 Il est encore bon de s'imposer, voire par vœu, quelque penitence en cas que l'on retombe: comme seroit de dire tant de prieres a genoux, de jeusner, et semblables choses.

  A026001703 

 Or, bien quil y aye de la difficulté en ces remedes, si est ce que celuy la se resoulura (sic) aysement de les pratiquer qui se ressouviendra quil faut ou quitter ce peché par quel moyen que ce soit, ou quil faut quitter la grace de Dieu et perir eternellement.

  A026001706 

 O souveraine Bonté, octroyes le pardon a ce chetif coulpable qui confesse et accuse son peché en ceste vie mortelle, en esperance de confesser et celebrer vostre misericorde en l'eternelle, par le merite de la Mort et Passion de vostre Filz qui, avec vous et le Saint Esprit, est un seul Dieu vivant et regnant es siecles des siecles..

  A026001715 

 Mais sur tout, regardes combien [266] doucement cette jeune Princesse a passé du couvent des vierges dans la congregation des mariees, par son chaste et tres pur mariage avec saint Joseph, auquel, selon la coustume du tems et selon le conseil divin, elle fut remise par ses parens.

  A026001723 

 Mais, Seigneur, puisque ainsy il vous a semblé bon, estendes donq le bras de vostre providence jusques a la perfection [267] de l'œuvre que vous aves commencee: favorises ma grossesse de vostre perfection, et portes avec moy, par vostre continuelle assistence, la creature que vous aves produite en moy, jusques a l'heure de sa sortie au monde; et lhors, o Dieu de ma vie, soyes moy secourable, et de vostre sainte main supportes ma foiblesse et receves mon fruit, le conservant jusques a ce que, comme il est vostre par creation, il le soit aussi par redemption, lhors qu'estant receu au Baptesme il sera mis dans le sein de l'Eglise vostre Espouse..

  A026001725 

 Et d'autant que vostre juste courroux rendit la premiere mere des humains, avec toute sa pecheresse posterité, sujette a beaucoup de peynes et douleurs es enfantemens, o Seigneur, j'accepte tous les travaux qu'il vous plaira permettre m'arriver pour cette occasion; vous suppliant seulement, par le sacré et joyeux enfantement de vostre innocente Mere, de m'estre propice a l'heure du mien douloureux, de moy, pauvre et vile pecheresse; me benissant, avec l'enfant qu'il vous plaira me donner, de la benediction de vostre amour eternel, qu'avec une parfaite confiance en vostre bonté je vous demande tres humblement..

  A026001726 

 Je le vous requiers, o la plus aymable de toutes les creatures, vous en conjurant par l'amour virginal que vous portastes a vostre cher espoux saint Joseph, par l'infini merite de la naissance de vostre Filz, par les tressaintes [268] entrailles qui l'ont porté et par les sacrees mammelles qui l'ont allaité..

  A026001727 

 O saintz Anges de Dieu, deputés a ma garde et a celle de l'enfant que je porte, defendes nous, gouvernes nous, affin que par vostre assistence nous puissions en fin parvenir a la gloire delaquelle vous jouisses, pour, avec vous, louer et benir nostre commun Seigneur et Maistre, qui regne es siecles des siecles.

  A026001733 

 Comme encor en cette douce oysiveté par laquelle ilz ne se soucient point d'aller, ains ayment mieux estre portés; et quand ilz commencent a vouloir aller, ilz commencent aussi a souvent tomber et trebuscher es choses qu'ilz rencontrent.

  A026001738 

 Dites beaucoup en vous taisant, par la modestie et esgalité..

  A026001740 

 Faites toutes choses pour Dieu, unissant ou continuant vostre union par de simples regards ou escoulemens de vostre cœur en luy..

  A026001749 

 Non seulement en l'orayson, mays encor en la conduitte [272] de vostre vie, marches invariablement en esprit de simplicité, abandonnant et remettant toute vostre ame, vos actions et vos succes au bon playsir de Dieu, par un amour de parfaitte et tres absolue confiance, vous delaissant au soin et a la mercy de l'amour eternel que la divine Providence a pour vous.

  A026001752 

 Les amantes spirituelles, espouses du Roy celeste, se mirent voyrement de tems en tems comme des colombes qui sont aupres des eaux tres pures, pour voir si elles sont bien ageancees au gré de leur Amant; et cela se fait es examens de conscience, par lesquelz elles se lavent, se purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent, non pour se satisfaire, non pour desir de leur progres au bien, non pour estre parfaittes, mais pour obeir a l'Espoux, pour la reverence qu'elles luy portent, pour l'extreme desir qu'elles ont de luy donner contentement, elles se lavent, se nettoyent purifient et ornent au mieux qu'elles peuvent.

  A026001759 

 Soit fait de nous et en nous selon le bon playsir royal de ce cœur souverain, auquel, par lequel et pour lequel nous voulons vivre et mourir ainsy et comme il luy plaira, sans reserve et sans exception quelcomque..

  A026001763 

 Il faut arrester l'inconstance de l'esprit humain en l'instabilité et changement de nos sentimens et imaginations par la force de nos premieres resolutions, puisque Dieu a establi une invariable et indissoluble fermeté..

  A026001771 

 Demeures en la tranquille resignation et remise de vous mesme entre les mains de Nostre Seigneur, sans toutesfois laisser de cooperer courageusement et diligemment a sa sainte grace par l'exercice des vertus es occasions qui s'en presenteront.

  A026001779 

 En ce jour de saint Claude, memorable a nostre Congregation, je ramasse ainsy tout ce que je vous ay dit, pour l'abbreger: Soyes fidelement invariable en cette resolution, de demeurer en une tres simple unité et unique simplicité de la presence de Dieu, par un entier abandonnement de vous mesme en sa tressainte volonté, et toutes les fois que vous treuveres vostre esprit hors de la, ramenes l'y doucement, sans faire pour cela des actes sensibles de l'entendement, ni de la volonté; car cet amour simple de confiance et cette remise et repos de vostre esprit dans le sein paternel de Nostre Seigneur et de sa Providence, comprend excellemment tout ce que l'on peut desirer pour s'unir a Dieu.

  A026001782 

 Mon ame, mon esprit vous benit de toute son affection, et Jesus soit Celuy qui face de vous, par vous et pour luy sa tres adorable volonté.

  A026001791 

 Si l'âme étant ainsi remise, ne se doit pas, tant qu'il sera possible, oublier de toute chose pour le continuel souvenir de Dieu, et en lui seul se reposer par une vraie et entière confiance?.

  A026001794 

 Je dis même qu'en la pratique des vertus et aux fautes et chutes il ne faut bouger de là, ce me semble, car Notre-Seigneur met en l'âme les sentiments qu'il faut et l'éclaire là parfaitement; je dis pour tout, et mieux mille fois qu'elle ne pourrait être par tous ses discours et imaginations.

  A026001798 

 Je retourne donc à demander à mon très cher Père si l'âme étant ainsi remise ne doit pas demeurer toute reposée en son Dieu, lui [281] laissant le soin de tout ce qui la regarde tant intérieurement qu'extérieurement, et demeurant, comme vous dites, dans sa providence et volonté, sans soin, sans attention, sans élection, sans désir quelconque, sinon que Notre-Seigneur fasse en elle, d'elle et par elle sa très sainte volonté, sans aucun empêchement ni résistance de sa part.

  A026001798 

 O Dieu, qui me donnera cette grâce que seule je vous demande, sinon vous, bon Jésus, par les prières de votre Serviteur..

  A026001807 

 Si ce ne sera pas un bon exercice de se rendre attentive, sans attention pénible, de demeurer tranquillement dans la volonté de Dieu en tant de petites occasions qui nous contrarient et voudraient fâcher (car pour les grosses on les voit de loin): comme d'être détournée de cette consolation qui semble être utile ou nécessaire; être empêchée de faire une bonne action, une mortification, ceci ou cela, quel qu'il soit, qui semble être bon, et, au lieu, être divertie par des choses inutiles et quelquefois dangereuses et mauvaises?.

  A026001842 

 Que s'ilz vous importunent trop, il faut se mocquer de tout cela, comme seroit de leur faire la moue, et cela par un simple regard de la partie superieure; apres quoy il n'y faut plus penser, quoy qu'ilz veuillent dire..

  A026001854 

 Ne soyes point tant amie de vostre paix que, quand on vous l'ostera par quelque commandement, ou correction, ou contradiction, vous en demeuries troublee; car cette paix qui ne veut point estre agitee est recherchee par l'amour propre..

  A026001885 

 Il faut donq obeir a celle que Dieu nous a donnee pour Superieure en regardant tous-jours Nostre Seigneur en elle, par l'ordonnance duquel elle nous commande et conseille ce qui est pour nostre bien et avancement spirituel.

  A026001886 

 Il faut faire ainsy: obeir simplement a la voix de Dieu qui nous est signifiee par nos Superieures, ne faisant aucun discours ni pensee pour en juger selon nostre inclination..

  A026001886 

 Il ne luy dit point le chemin qu'il tiendra, ni Abraham ne luy dit point: Seigneur, de quel costé vous plaist il que je sorte? Si vous ne me dites par quelle porte je dois sortir, je ne sçay pas ou aller.

  A026001894 

 Ainsy, ne nous aymons point par les [294] sentimens, mays selon l'esprit, pour nous perfectionner et nous unir davantage a l'amour de Dieu..

  A026001899 

 Il faut estre humble en toutes vos actions, faire vos retours a Dieu par abbaissement en vostre neant et en vostre propre vileté et bassesse.

  A026001900 

 Que vos imperfections vous servent a cela et ne vous facent entrer en nul descouragement; nous sommes en bon chemin, par la grace de Dieu.

  A026001903 

 Il faut avoir une gravité de princesse, par ce que nous sommes espouses du Filz de Dieu; mais simple, sans affectation; et l'humilité du publicain, pleine de confiance.

  A026001909 

 C'est une injustice de vouloir sçavoir les affaires des autres et ne vouloir rien dire des siennes, par cordialité..

  A026001914 

 Selon les occasions, retires vous en vous mesme, par des retours de vostre esprit en Dieu; il ne faut pas que vous soyes trop retiree, car ce n'est point vostre humeur..

  A026001925 

 Il faut mespriser toutes reflexions en se relevant courageusement; aller la teste levee par dessus tout, et ne regarder [298] point aux actions du prochain, ce qu'il fait ou dit et comme il se comporte en nostre endroit.

  A026001925 

 La generosité passe par dessus tout cela, ne s'attachant qu'a Dieu seul, pour l'amour duquel elle fait tout, et mortifie ce qui est d'humain pour ne vivre plus que pour luy.

  A026001933 

 Quand vous aures fait quelque bien ou resiste a des tentations n'y faysant point de fautes, dites tous-jours: J'ay fait cela par la grace de Dieu.

  A026001935 

 Il vous faut mettre quelquefois derriere les autres par humilité; mais pour l'ordinaire, il se faut tenir la ou vous vous treuveres, sans affecter les dernieres places.

  A026001938 

 Mais quand vous les escouteres par curiosité, alhors il se faut mortifier et ne les pas ouyr.

  A026001939 

 Vous pourres escrire aux Seurs absentes, parce que cela les console et entretient l'amour les unes envers les autres; quelquefois vous n'escrires point aussi, par humilité et vray mespris de vous mesme.

  A026001944 

 Soyes bien ayse d'estre sauvee par la seule misericorde de Dieu, vostre Sauveur, sans aucune correspondance de vostre part que l'obeissance a ses inspirations..

  A026001947 

 Et s'il faut avoir bon courage avec soy mesme, il le faut encor plus grand a supporter le prochain, avec amour, en ses defautz et retardement a la perfection par ses continuelles cheutes, sans se relever.

  A026001953 

 Il faut tourner son esprit a toutes mains par une excellente mortification de nous mesme et de tout ce qui est du naturel, pour se ranger au bon playsir de Dieu..

  A026001958 

 Reunisses vous fortement a Nostre Seigneur par le renouvellement [304] de vos vœux, avec le plus de ferveur qu'il vous sera possible; et vous jettes aux pieds de Nostre Dame et la tires par sa robbe, la priant qu'elle vous reçoive en sa protection comme une fille nouvelle, et qu'il luy playse visiter vostre cœur et le parfumer de sa tressainte humilité.

  A026001960 

 Ce que le Combat spirituel veut dire, ma chere Fille, que ce n'est pas si grande vertu et perfection de se resoudre pour tout un jour comme pour toute sa vie? — Sçachés, ma Fille, qu'il y a deux sortes de perfection: par exemple, une personne sera tentee de la tentation de la chair; elle n'y fait point de faute, elle est parfaitte en cela.

  A026001968 

 Il faut faire comme ceux qui vont par un beau chemin, rempli de belles fleurs: [ils] ont beaucoup de sujetz de s'amuser par le chemin; ilz ne s'amusent a rien, pas seulement a cueillir ni sentir ces belles fleurs, ilz font leur chemin droit.

  A026001974 

 Quand il n'y auroit que Dieu et vous au monde, seroit-ce pas asses, sans vouloir tant de creatures et vous amuser a tant de [307] tricheries qui passent par vostre esprit? Resouvenes vous souvent de Dieu par des frequentes aspirations en luy..

  A026001975 

 Si Jesus Christ estoit present et qu'il voulust que nous allassions rire avec quelqu'un par charité et en sa presence, comme ferions nous cette action?.

  A026001979 

 La confiance, deference et sousmission attirent le Createur et les creatures a nous aymer et nous procurer le bien par inclination.

  A026001988 

 Addresses vous a Nostre Seigneur et luy dittes que vous le voules aymer et que vous estes toute sienne, et pour rien vous ne vous desmentires jamais de le vouloir servir le plus parfaittement qu'il vous sera possible en cette sorte de vie ou il vous a mise luy mesme par sa misericorde..

  A026001988 

 Puisque vous aves choisi cette sorte de vie, par la grace de Dieu, ne permettes point a vostre cœur de s'appliquer a d'autres desirs; mais, en benissant Dieu des autres vocations, arrestes vous humblement a celle ci, puisque Dieu vous a fait la grace de vous y appeller.

  A026001994 

 Je vous diray, ma tres chere Fille, une chose que vous diries bien a une autre: c'est que ou il y a plus de repugnance, Nostre Seigneur veut que nous prattiquions plus de grandes vertus, car la vertu ne s'acquiert que par son contraire.

  A026002017 

 Prenes soigneusement un point et vous mettes [315] en la presence de Dieu avec le plus d'humilité qu'il vous sera possible; tasches de faire vos considerations, si vous pouves, et si Nostre Seigneur vous tire et empesche par son attrait et inspiration de faire des considerations pour vostre amendement, ne les faites pas, vous les feres apres l'orayson si vous pouves; mais laisses aller vostre ame aux affections ou Dieu l'attire, sans vous rechercher ni regarder ce qui se passe en vous, mais soyes fidele a suivre l'attrait de Dieu..

  A026002018 

 Il semble qu'il conduit luy mesme vostre ame par le chemin de l'orayson..

  A026002019 

 Quand on ne peut pas faire des considerations par secheresse, il faut faire ses resolutions et affections selon la partie superieure, sans se desgouster ni quitter l'orayson; mais quand il vient des pesanteurs, sur tout aux oraysons extraordinaires, vous vous pouves bien un peu divertir, comme pendant la lecture et autres qui ne sont pas d'obligation.

  A026002020 

 Alles tout doucement avec Nostre Seigneur, et pendant qu'il vous fait la grace de jouir de sa sainte presence et vous donner de ses consolations et lumieres, il se faut bien garder de s'en divertir par une fause humilité.

  A026002021 

 Quand on n'a pas bien fait l'orayson, il le faut reparer par des oraysons jaculatoires.

  A026002022 

 Il n'est pas possible que l'ame qui au tems de la meditation est occupee de quelqu'autre affection ou desir, puisse estre attentive a ce qu'elle medite, pour bien recevoir en soy mesme l'image de Dieu auquel elle cherche de se transformer par l'orayson.

  A026002024 

 Il ne faut pas servir Dieu ni les saintz Protecteurs par fantaisie, ni se gouverner soy mesme.

  A026002026 

 Pour s'habituer a la presence de Dieu, il faut prendre le sujet de l'orayson, comme par exemple, de la Nativité de Nostre Seigneur.

  A026002035 

 Premierement, que cela arrive par la volonté de Dieu, ou permission, qui la juge estre a sa plus grande gloire et vostre plus grand bien que cela se fist ainsy..

  A026002038 

 La quatriesme, que la sainte humanité du Filz de Dieu a bien plus enduré, plus innocemment et plus injustement que vous; encourages vous donq par son exemple a patir, et vous res-jouisses d'avoir ce moyen de l'imiter en cela..

  A026002045 

 Ne se point excuser, ni interieurement, ni par paroles et actions..

  A026002058 

 Quand on sent quelque trouble ou ressentiment, recourir a Dieu, invoquant son secours par un simple divertissement..

  A026002059 

 Quand on a fait quelque acte de colere ou d'impatience, reparer la faute par un acte de douceur exercee promptement a l'endroit de la personne mesme; tenir son visage doux, respondant et faysant gratieusement tout ce que l'on nous ordonne..

  A026002061 

 Accueillir un chacun doucement, l'ayder et contenter, tant par nos façons que par nos responses..

  A026002064 

 Reprendre et corriger son cœur doucement et par voye de compassion, disant: Oh! mon pauvre cœur, nous voyla tombé; or sus, relevons nous et quittons pour jamais nos imperfections..

  A026002065 

 Ne se point estonner de nos cheutes, puisque ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme et la foiblesse foible; et en fin nous humilier de toutes nos fautes generalement, soyent elles grandes ou petites; mettre cela devant Dieu par une humble reconnoissance de nostre misere, puis nous relever tout doucement..

  A026002082 

 Se saluer par l'inclination de la teste, avec application d'esprit et un grand respect..

  A026002110 

 Se mortifier es choses que l'on doit faire par obligation, comme de manger, se recreer et tel autre exercice auquel on prend playsir, disant avant que de les faire: Je ne veux pas faire cela pour mon playsir, ains parce que mon Dieu le veut..

  A026002158 

 Ne rien faire « par coustume, mais » avec « application de volonté.

  A026002175 

 C'est que Dieu a establi les Superieures comme ses lieutenantes en terre, affin que nous leur obeyssions comme a luy mesme, et tient estre fait a luy ce qui est fait aux Superieures, comme il le tesmoigne par ces parolles: Celuy qui vous obeit m'obeit, et celuy qui vous mesprise me mesprise..

  A026002195 

 Nous ne sommes pas Econnome ni Superieure des talans et dons que Dieu a mis en nous, mais seulement Depenciere, pour les distribuer aux autres, pourtant l'esprit de la Visitation par tout afin de le repandre au prochain; [329] tachant de polir, purifier et formé les esprits de celles que Nostre Seigneur nous commettra, qui se treuveront fort divers, esquels il faudra que nous exercions une grande douceur, simplicité, suport et patience pour les voir cheminer le petit pas et tousjours commettre des imperfections; inculquant en ces ames là la vraye humilité, generosite, douceur et charité, qui est le vray esprit de nos Regles, afin que par ce moyen elles parviennent a la perfection de l'amour sacré et a l'union de leurs ames avec sa divine Majesté, qui est la fin pour laquelle elle les a apellé a la Religion..

  A026002197 

 Revu sur une copie faite par la Sœur Rosset, conservée à la Visitation d'Annecy..

  A026002203 

 QUI, POUR ESTRE BRIEF, SIMPLE ET TENDANT IMMEDIATEMENT A L'UNION AMOUREUSE DE NOSTRE VOLONTE AVEC CELLE DE DIEU, POURRA ESTRE PRATIQUE PAR LES PERSONNES QUI SONT EN SEICHERESSE, STERILITE, TRISTESSE, FOIBLESSE CORPORELLE OU ACCABLEES D'OCCUPATIONS..

  A026002206 

 Et sur cette veritable pensee, vous unirés vostre volonté a celle de ce tres doux et misericordieux Pere celeste, par telles ou semblables parolles cordiales: O tres douce volonté de mon Dieu, qu'a jamais soyés vous faitte! O dessein æternel de la volonté de mon Dieu, je vous adore, et vous consacre et dedie ma volonté pour vouloir a jamais æternellement ce que æternellement vous aves voulu! Que je fasse donc aujourdhuy et tousjours et en toutes choses vostre divine volonté, o mon doux Createur! Ouy, Pere celeste, car tel fust vostre bon plaisir de toutte seternité, ainsy soit il.

  A026002206 

 Vous jetteres attentivement la pensee sur la tres douce [330] volonté de Dieu, laquelle, de toutte eternité, vous nomma par vostre nom et fit dessein de vous sauver, vous destinant entre autres choses ce jour present, affin qu'en icelluy vous fissiés les euvres de vie et de salut, croyant ce quil dit par le Prophete: Je t'ay aymé d'une charité æternelle; a cette cause je t'ay attiré, ayant pitié de toy.

  A026002207 

 On invoque le secours celeste par quelques devotes exclamations exterieures et interieures, comme: O Dieu, soyes moy en ayde! Je suis vostre, sauves moy.

  A026002208 

 Vous feres donc ainsi une vive et puissante union amoureuse de vostre volonté a celle de Dieu; puis, parmi toutes les actions de la journee, soit spirituelles, soit corporelles, vous feres de frequentes reunions, c'est a dire, vous renouvellerés et confirmeres l'union faitte le matin, jettant un simple regard interieur sur la divine Bonté et disant par maniere d'acquiescement:.

  A026002210 

 Car ainsi ces sacrees parolles, filees, coulees et distilees par la pointe de nostre esprit en la mesme pointe de nostre esprit, la penetreront et detremperont plus intimement et fortement qu'elles ne feroyent pas si elles estoyent dittes par maniere d'eslans, d'orayson jaculatoyre et de saillie d'esprit.

  A026002210 

 Mais ces traits de cœur, ces parolles interieures doivent [332] estre prononcés doucement et tranquilement, fermement mays paisiblement et, par maniere de dire, elles doivent estre distilées et filees tout bellement en la pointe de l'esprit, comme on prononce a l'oreille d'un ami une parolle qu'on luy veut jetter bien avant dans le cœur, sans que personne s'en aperçoive.

  A026002212 

 Revu sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée à Issy (Paris), dans la chambre du Supérieur général de la Compagnie de Saint-Sulpice..

  A026002228 

 Dieu vous en ayant donné la charge et le moyen, par sa grace, de le pouvoir faire, appliques-vous soigneusement a le faire pour son honneur et gloire.

  A026002229 

 Ne vous estonnes nullement de voir en vous beaucoup de fort mauvaises inclinations, puisque, par la bonté de Dieu, vous aves une volonté superieure qui peut estre regente au dessus de tout cela.

  A026002242 

 Par ces presentes Nous avons donné la sainte benediction de l'obeissance a Nostre tres chere Fille et Seur en Jesus Christ Paule Hieronyme de Monthoux, Religieuse professe du monastere de Sainte Marie de la Visitation de Nostre cité d'Annessi, pour aller demeurer en la ville de Nevers, y estre Superieure au monastere nouvellement establi en icelle [337] du mesme Institut, pour le tems qu'il sera jugé a propos, sans que par le sejour qu'a cet effect elle pourra faire hors le monastere de Nostre cité elle laisse d'estre tenue et censee veritablement pour Religieuse de la Mayson d'Annessi, a laquelle, en tems et lieu, selon qu'il plaira a Dieu en disposer, elle devra et pourra estre receuë avec toute sorte de charité et pour toutes sortes d'offices; priant Dieu qu'il la tienne en sa sainte main allant, demeurant et revenant, et qu'il rende toutes ses actions et tous ses travaux utiles a la vie eternelle..

  A026002289 

 Puisque c'est le haut point de la perfection chrestienne de conduire les ames a Dieu, l'aymant qui a attiré Jesus Christ du Ciel en terre pour y travailler et consommer son œuvre dans la mort et par la Croix, il est aysé de juger que celles qu'il employe a cette fonction se doivent tenir bien honnorees, s'en acquittant avec un soin digne des espouses de Celuy qui a esté crucifié et est mort comme un Roy d'amour, couronné d'espines, parmi la trouppe de ses esleus, les encourageant a la guerre spirituelle qu'il faut soustenir icy bas pour arriver a la celeste Patrie promise a ses enfans..

  A026002293 

 Portes tous-jours a cet effect sur vos levres et par vos langues le feu que vostre ardent Espoux a apporté en terre dans les cœurs, a ce qu'il consomme tout l'homme exterieur, et en reforme un interieur, tout pur, tout amoureux, tout simple et tout fort a bien soustenir les espreuves et exercices que son amour luy suggerera en leur faveur, pour les purifier, perfectionner et sanctifier..

  A026002296 

 Serves vous volontier des conseilz, lhors qu'ilz ne seront point contraires au projet que nous avons resolu, de suivre en tout l'esprit d'une suave douceur et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur; car en fin, la beauté des filles du Roy est au dedans, qu'il faut que les Superieures cultivent, si elles n'ont elles mesmes ce soin, crainte qu'elles ne s'endorment dans leur chemin et ne laissent esteindre leurs lampes par negligence; car il leur seroit dit indubitablement comme aux vierges folles se presentant pour entrer au festin nuptial: Je ne vous connois point..

  A026002297 

 Je vous recommande a Dieu pour obtenir ses saintes graces dans vos conduites, affin que, tout a son gré et par vos mains, il façonne les ames, ou par le marteau, ou par le ciseau, ou par le pinceau, pour les former toutes selon son bon playsir, vous donnant a ce dessein des cœurs de peres, solides, fermes et constans, sans omettre les tendresses de meres qui font desirer les douceurs aux enfans, suivant l'ordre divin qui gouverne tout avec une force toute suave et une suavité toute forte.

  A026002303 

 Bref, si la tentation est d'une rose, il faut parler d'une violette, et ne point s'estonner de la varieté des pensees, puisqu'il n'est pas requis de les combattre l'une apres [l'autre], ains seulement de les maistriser et desdaigner toutes par un simple retour du cœur a Dieu, a la Majesté duquel on recourt par prieres; par exemple, de luy dire, en se retournant vers luy: Je suis vostre, mon Dieu; hé, que vous estes aymable! Jesus est bon; VIVE JESUS! et semblables paroles.

  A026002303 

 La divine Escriture dit: Celuy qui n'est point esprouvé que sçait il? Bienheureux est l'homme qui endure l'essay de la tentation, car apres avoir esté esprouvé [348] par l'Esprit, il recevra la couronne de gloire que Dieu a promise a ceux qui l'ayment.

  A026002305 

 Ne craignes rien, car si les petitz poussins se tiennent asseurés quand ilz sont sous les aisles de leur mere, combien doivent estre asseurés les enfans de Dieu sous sa paternelle protection! Demeures donq en paix, ma Fille, puisque vous estes de ces enfans; et reposes vostre cœur et toutes les lassitudes et langueurs qui vous arriveront, sur la sacree et tres aymable poitrine de ce Sauveur, qui sert a ses enfans de pere par sa providence et de mere par son doux et tendre et cordial amour..

  A026002314 

 Mais, ce me dires vous, que desiray je sinon luy? — Escoutes, ma Fille, et consideres le premier point de la simplicité celeste, qui consiste a ne chercher Dieu que par le [352] chemin qu'il nous a marqué; car qui ne veut pas aller par ou Dieu le conduit ne le treuvera jamais, d'autant qu'il ne le cherche pas simplement.

  A026002314 

 — Et quel est le chemin qu'il vous a marqué, ma tres chere Fille? Celuy auquel vous estes; et croyes moy, Dieu conduisit les enfans d'Israel par la voye du desert.

  A026002315 

 L'hiver nous nous plaignons du froid et l'esté du chaud; les mouches nous mettent en peyne sur le chemin; en fin il n'y a que l'homme simple qui ne se trouble point, car il ne cherche que Dieu par le chemin auquel il est.

  A026002316 

 Premierement, le matin, prosternee devant sa face et l'adorant profondement, vous jetteres vostre pensee a luy et considereres l'eternelle volonté qu'il a d'estre aymé de vous et d'estre uni par charité a vostre cœur, lequel donq vous eslanceres en cette souveraine Bonté et entre les bras aymables de cette sainte volonté.

  A026002316 

 Vous unires la vostre avec icelle de toutes vos forces, par telles ou semblables protestations interieures: Ouy, mon Dieu, mon ame se sousmet a vostre volonté et veut a jamais demeurer inseparablement unie et sujette a vostre intention.

  A026002317 

 Je dis de tems en tems, ou plustost de moment en moment, par des frequentes eslevations de cœur en Dieu et par maniere de repetitions et confirmations de l'union des-ja faitte, comme disant interieurement: Ouy, Seigneur, je demeureray a jamais jointe et unie a vostre sainte volonté.

  A026002317 

 Mesme on peut repeter cet acte de reunion sans rien dire, faysant le signe de la Croix sur le cœur, ou levant les yeux au ciel, ou bien prononçant le sacré nom de JESUS. Et semble bon encores de faire cet acte de reunion au commencement de toutes les prieres qui se prattiquent parmy la journee, comme oyant la sainte Messe, au Benedicite et Graces de table, aux Ave de midi et du soir, apres l'examen, et particulierement avant la confession, parce qu'il faut prendre soigneusement garde de ne faire aucun acte de pieté par maniere d'acquit, ains avec une serieuse et veritable affection..

  A026002319 

 Bien qu'il soit vray qu'il est presque impossible de conserver tous-jours si exactement cet advis parmy l'embarras de cette vie mortelle; mais du moins il faut tascher d'acquerir ce bien nompareil de l'esgalité, et quand on s'apperçoit d'estre hors du train de la tranquillité, il faut avant toutes choses se mettre en devoir de corriger l'humeur et action contraire, s'humiliant devant le Saint Esprit et demandant son secours, empeschant du moins que, pendant le trouble, la passion ne s'evapore par la langue, ni par les assautz exterieurs..

  A026002327 

 Il ne faut pas entendre par cette gravité qu'il faille estre severe ou renfrognee; car il faut conserver tous-jours une gracieuse serenité.

  A026002329 

 Faites tous-jours grand cas des Seurs Carmelites, et vous entretenes en leur amitié par tout ou vous seres, tesmoignant tous-jours que vous en faites grande estime et que vous les aymes cherement..

  A026002339 

 Il sera bon, ma chere Fille, que vous vous assujettissies a rendre conte tous les mois, ou les deux ou trois mois, si [359] vous voules, au confesseur extraordinaire, ou mesme au confesseur ordinaire, s'il est capable, ou tel autre que vous jugeres; car c'est un grand bien que de ne rien faire que par l'advis d'autruy..

  A026002350 

 Parmi les pauvres du monde, celuy qui n'a que des haillons a faire paroistre et des playes a monstrer s'estime le plus advantagé, esperant que, par la descouverte de sa pauvreté, il recevra de plus grandes aumosnes.

  A026002367 

 Ne nous affligeons pas si nous sommes appesantis par le poids de nos mauvaises inclinations; aymons l'abjection [365] qui nous en revient.

  A026002368 

 Ayes soin de mesnager les petites rencontres que Dieu vous presente, mettes en cela vostre vertu, et non pas a desirer de grans travaux; car souvent on se laisse abbattre par un mouscheron quand on combat des monstres par imagination..

  A026002378 

 La parfaitte pauvreté interieure consiste a avoir le cœur destaché et disjoint de toutes les choses dont il se sert, ne les tenant que par emprunt, estant prest de les quitter sans fascherie, toutes fois et quantes que les Superieurs l'ordonneront.

  A026002380 

 Par dessus toute pauvreté, il nous faut avoir celle du cœur, qui nous rend humbles et petitz a nos yeux.

  A026002391 

 Saint Bernard dit: « Que le Prelat ne commande a sa poste, ains selon la Regie;... qu'il n'accroisse les vœux sans la volonté du sujet, qu'il ne les diminue aussi que par necessité; » mais « que le sujet sçache que l'obeissance est imparfaite qui se renferme dans les bornes des vœux, car la parfaite s'estend a toutes choses auxquelles la charité se treuve.

  A026002392 

 Il faut obeir par la sousmission du jugement.

  A026002412 

 Hors du monde, le seul contentement d'avoir tout quitté pour Dieu vaut mieux que mille mondes; la douceur d'estre conduit par l'obeyssance, d'estre conservé par les loix, et d'estre comme a couvert des plus grandes embusches, sont de grandes suavités: layssant a part la paix et tranquillité qu'on y treuve, le playsir d'estre occupé nuit et jour a l'orayson et choses divines, et mille telles delices.

  A026002418 

 Ah! miserable que je suis! le moindre oubli que l'on fait de l'honneur pointilleux qui m'est deu, ou que je m'imagine m'estre deu, me trouble, m'inquiete, excite mon arrogance et ma fierté; par tout je me pousse a vive force es premiers rangs.

  A026002418 

 Imagines vous de voir saint Joseph avec la Sainte Vierge, [372] sur le point de son accouchement, arriver en Bethleem et chercher par tout a loger, sans treuver aucun qui les veuille recevoir.

  A026002419 

 Consideres comme saint Joseph et Nostre Dame entrent dans l'entree et porche qui servoit par fois d'establerie aux estrangers, pour y faire le glorieux enfantement du Sauveur.

  A026002425 

 Ayant pris vostre chapelet par la croix et l'ayant baysee, vous feres avec icelle le signe de la Croix sur vous, et vous mettres en la presence de Dieu, luy offrant vostre ame avec toutes ses puissances, principalement vostre entendement et volonté, avec un grand desir de considerer avec attention les misteres de nostre foy et de tirer d'iceux quelque sainte affection d'imiter les vertus que nostre Redempteur nous a enseigné, et de faire d'autres actes d'amour de Dieu, d'admiration de ses perfections infinies, d'actions de graces pour ses benefices, de contrition de vos pechés, de saintz propos de vous amender, de surmonter vos passions, de prouffiter en la vertu.

  A026002425 

 En apres, vous prieres Dieu, par les merites de la vie, mort et passion de nostre Sauveur, par l'intercession de la glorieuse Vierge et de vostre Ange tutelaire, d'accepter vos foibles prieres pour ceux ou celles des vivans et trespassés pour lesquelz vous aures prins resolution de prier..

  A026002428 

 Et apres, dires l'Orayson dominicale, par laquelle doivent commencer toutes vos oraysons, comme estant la plus excellente que nous puissions faire; et ensuite vous dires les dix Ave Maria, continuant en cette maniere de dire les cinq dizaines d'une partie du Rosaire..

  A026002429 

 Et prieres encor pour toutes vos necessités particulieres et de vos amis, finissant comme vous aves commencé, par la profession de foy, disant le Credo..

  A026002430 

 Puys, vous signant et baysant la croix, mettes vostre chapelet a la ceinture, comme une sainte marque par laquelle vous voules protester que vous voules estre serviteur du tout dedié au service du Sauveur et de sa sainte Mere, disant devotement ces paroles de David: Servus tuus sum ego, et filius ancillæ tuæ.

  A026002509 

 Ogni giorno, Padre, mettete la tavola et fate banchetto a tutt'il mondo, ed io sempre partecipo di questa mensa; ogni giorno fate [391] questo sole al mondo illuminar noi, vostri figlioli, e la sera nascondete questa bella lampada et in certo modo par che smorzate questa bella luce, acciò noi, vostri figlioli, riposiamo e pigliamo il sonno.

  A026002515 

 Mi par, Signore, che siete com'il sole che comunica la sua luce e spiega i suoi raggi al minimo fiore che sta sopra del monte, come a l'istesso monte; così voi, mio Signore, ugualmente comunicate questo vostro dolce nome di Padre a grandi e piccoli, a ricchi e poveri, e però volete che vi chiamino nostro..

  A026002525 

 E se il peregrino quando camina, il corpo tiene alla strada e l'anima nella dolce patria, parendoli ogn'hora mill'anni per il desiderio che tiene d'arrivar a quella e veder il suo caro padre e li suoi dolci fratelli, perchè non sarà così di me? Perchè, Padre nostro, [non] sta questa mia anima conversando con voi nei Cieli come l'anima di quel vostro santo Apostolo che diceva: Nostra autem conversatio in Cælis, e perchè non mi par mill'anni ogn'hora di quest'esilio? perchè non bramo di veder li miei cari fratelli, che sono [398] gl'Angeli e Santi? perchè, Padre, non reputo le cose tutte di questa vita vili, basse et indegne, ch'io metta a quelle il mio cuore, poichè sono creato per possedere li beni del Cielo? E certo, Padre, che sarebbe gran dishonore ad un figliuolo di qualche gran Principe o Re strigliare con le sue mani cavalli, o colle medesime mani toglier via l'imondizie et il letame delle strade; e molto maggior dishonor è a me, che sapendomi voi, Padre celeste, adoptato per vostro figliuolo e tenendomi apparecchiati beni infiniti, ricchezze inestimabili e lo stesso regno del Cielo, io mi abassi e avilisca a cercar le cose vili e basse di questo mondo.

  A026002589 

 Et afin que la chose soit rendue plus facile à Votre Excellence, je mettrai ici quelques points à méditer sur chaque parole du Notre Père, comme vous me l'avez demandé par vos lettres.

  A026002596 

 Il nous dirige vers le Ciel par la prédication de son Evangile, nous aide et défend contre nos ennemis, nous conseille, nous honore, nous revêt et nous châtie aussi quand il en est besoin..

  A026002619 

 Demander instamment qu'il vienne en nous ce céleste Royaume que son Fils béni nous a mérité par sa très sainte Passion..

  A026002620 

 Que pendant que nous sommes en cette vallée de larmes, il règne par sa grâce en notre âme et sur notre corps, et qu'il donne à l'un et à l'autre de lui obéir comme à leur Roi..

  A026002633 

 Pain de sa sainte parole qu'il nous distribue par ses prédicateurs, et par lui-même lorsque nous faisons oraison..

  A026002654 

 Père, je dois confesser deux choses: l'une, que ce don et ce grand bienfait vient de votre bonté infinie et de l'amour infini que vous avez pour moi; l'autre, que ce mot de Père sied bien sur les lèvres de votre Fils unique mon Seigneur Jésus-Christ, qui est votre Fils par une étemelle et consubstantielle génération, mais sur les miennes, moi qui suis un si grand pécheur, il ne sied pas, il ne convient pas, je ne mérite pas, Seigneur, un si grand bien.

  A026002656 

 Les besoins ne me manquent pas: je suis blessé par beaucoup de péchés, il me faut des remèdes; vous, Père, vous êtes le médecin qui [388] guérit toute langueur et soigne toute infirmité.

  A026002659 

 Père, après m'avoir frappé pour mes folies avec votre miséricorde, daignez me visiter par quelque consolation spirituelle, caressez cette âme par la suavité intérieure, afin qu'elle brûle de votre amour et ne cesse point de vous louer..

  A026002661 

 Par là je reconnais quel Père prévoyant vous êtes pour nous, qui sommes vos fils..

  A026002662 

 Donnez-moi, ô Père, le veau gras, c'est-à-dire votre Fils béni dans le Très Saint Sacrement, [392] afin qu'il soit la nourriture de mon âme et par sa grâce la plus abondante..

  A026002668 

 Par la première parole, Père, vous me demandez l'amour pour votre très souveraine Majesté; par la seconde, notre, vous me demandez d'aimer mon prochain, puisque vous me le donnez pour frère et vous voulez que je prie pour lui..

  A026002674 

 Quand sera-ce, ô Père, que mon âme sera comme un ciel, élevée de la terre par la force de l'amour; ornée d'autant de vertus que le ciel contient d'astres et d'étoiles; ferme et forte en votre service, sans jamais tomber, ainsi que les cieux qui ne tombent pas, afin qu'elle soit toute belle et agréable devant votre face et que vous, Père, daigniez y habiter comme en un ciel très beau? je vous demande encore, ô Père, qu'afin que mon âme soit un ciel et la demeure de votre très souveraine Majesté, elle puisse se mouvoir comme les cieux, selon le mouvement du premier moteur.

  A026002674 

 Vous êtes le premier et souverain Moteur; que mon âme n'ait de mouvement que par votre sainte volonté, afin qu'en toutes choses elle se rende conforme à votre vouloir..

  A026002675 

 Donnez-moi aussi l'autre grande lumière par laquelle je connaîtrai ma bassesse et ma misère..

  A026002675 

 Faites, ô Père, que je sois un ange et un saint par grâce, afin que je devienne participant de si grands biens et que mon entendement soit éclairé pour vous connaître.

  A026002676 

 Avec ce grand feu, embrasez mes affections, afin que je n'aille plus mendier les choses viles de la terre, mais qu'entraîné par sa vertu je cherche les choses éternelles du Ciel..

  A026002684 

 Les cieux, avec leurs continuels mouvements, les étoiles avec leur brillante lumière, et surtout ces deux plus grands luminaires, le soleil et la lune, par la splendeur de leur clarté, m'excitent à adorer et bénir votre saint Nom.

  A026002689 

 Je vous demande, ensuite, ô Père, le royaume des Bienheureux, ce royaume de tous les siècles, si ardemment désiré par un fils, celui où reposeront nos âmes et où elles jouiront.

  A026002692 

 Vous êtes juste, Seigneur, vous serez trouvé juste dans votre sentence. Vous nous avez promis votre royaume; je vous prie donc humblement de ne pas regarder nos démérites, mais le sang précieux de votre Fils bien aimé Jésus-Christ Notre-Seigneur: Regardez, Père, la face de votre Christ, et que par votre Christ votre règne arrive.

  A026002700 

 Je vous prie aussi, Père, que de même que les esprits angéliques, signifiés par les cieux, font toujours votre très sainte volonté, de même l'âme des pécheurs, représentés par la terre, fasse aussi ce qui est de votre volonté, car de cette manière ils ne vous offenseront plus..

  A026002703 

 O Lumière éternelle, « qui éclairez toute lumière et consumez dans l'éternelle splendeur des milliers et des milliers d'étincelants flambeaux devant le trône de votre Divinité dès le point du jour! » O Lumière éternelle qui éclairez toute lumière et la conservez dans votre éternelle splendeur, des milliers et des milliers d'Anges sont devant votre Majesté comme autant de flambeaux allumés par le feu de votre charité et brûlent continuellement sans se brûler ni se consumer.

  A026002708 

 Donnez-nous, ô Père, notre Pain supersubstantiel, votre Fils unique Jésus-Christ Notre-Seigneur [409] dans le Très Saint Sacrement, afin que par ce Pain nous soyons nourris dans la vie spirituelle, nous croissions dans la vertu et nous soyons tellement fortifiés, que nous puissions faire le voyage en cette vallée de larmes, jusqu'à la montagne de Dieu, à Horeb.

  A026002709 

 Les yeux de tous les êtres sont tournés vers vous dans l'attente, Seigneur, et vous leur donnes la nourriture en temps opportun; les yeux de vos enfants vous regardent, ô Père, et demandent ce Pain de vie, parce que par lui on mène une vie céleste.

  A026002709 

 Moi donc, Père, l'un de vos enfants, bien que d'ailleurs indigne, grand par les années, mais très petit en mérites, affamé et besogneux, je vous demande le pain.

  A026002710 

 Donnez-nous en outre, ô Père, le pain de votre suave et très douce parole; rompez-le-nous, coupez-le en morceaux par le moyen de vos ministres qui sont vos prédicateurs; faites qu'il fructifie dans nos âmes, comme ce bon grain qui tomba dans la bonne terre et qui rapporta le cent pour un..

  A026002716 

 Quel est le père qui ne remettrait pas à son fils tombé en grande pauvreté n'importe quelle dette, si humblement il le lui demandait? Et qui donc, ô Père saint, est un fils plus pauvre et plus chargé de dettes que moi? Voici que, comme un autre publicain, humblement je vous prie: remettez-moi tant de dettes de péchés par lesquels je vous ai offensé; « O Dieu, dont le propre est de faire toujours miséricorde et de pardonner, » ayez pitié de ce pauvre enfant et remettez-moi toutes mes dettes.

  A026002717 

 Enfin je vous prie, Père saint, par votre miséricorde infinie, par la vertu de cette Passion que votre Fils bien aimé endura sur le bois de la croix et par les mérites et l'intercession de la Bienheureuse Vierge et de tous les élus qui existent depuis le commencement du monde, de daigner nous remettre nos dettes.

  A026002717 

 Un abîme appelle un autre abîme; le fils de la misère invoque [le Père des miséricordes.] Que l'abîme absorbe un autre abîme; que l' abîme, mes misères infinies, soit absorbé par l' abîme.

  A026002718 

 Je vous prie aussi, ô Père, de me donner assez de vertu et votre grâce pour que je puisse parfaitement pardonner à ceux qui m'ont offensé; et si vous trouvez dans mon cœur quelque reste d'imperfection contre ceux qui m'ont offensé, vous, Père, par le feu de votre charité, faites-le disparaître, brûlez-le, faites que nulle trace ni ombre de rancune demeure dans mon cœur, afin que je puisse dire en toute vérité: Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés..

  A026002722 

 O Seigneur, que cette pauvre âme a besoin de votre grâce, de votre secours, de votre assistance pour ne pas succomber aux tentations! Une petite brebis [415] au milieu des loups se perd si le berger ne la sauve; ainsi, Père, cette âme au milieu de tant de loups qui l'assaillent dans un monde où elle est sollicitée par mille occasions de péchés, avec la chair qui continuellement la combat, que fera-t-elle sans votre secours?.

  A026002723 

 Par amour pour vous, je veux bien avoir des tribulations et des angoisses en ce monde, pourvu que dans les tribulations mon âme ne défaille pas.

  A026002723 

 Qu'elle ne soit pas comme la paille qui, par manque de force, se laisse brûler et consumer par [416] le feu.

  A026002727 

 Père saint, je reconnais vos miséricordes sur moi, car vous m'avez préservé de beaucoup de maux que j'avais mérités par mes péchés; autant de fois que je péchai, autant de fois je méritai ce mal infini qui est la damnation éternelle.

  A026002730 

 Ne me regardez pas, ô Père, moi qui suis le plus grand de tous les pécheurs, mais regardez votre Fils très saint et béni, le plus grand de tous les Saints, voire le Sanctificateur d'eux tous; et par l'amour que vous lui portez, accordez-moi ce qu'il m'a ordonné de vous demander..

  A026002730 

 Père, je me rappelle cette bonne femme de Thécua qui, entrant chez le roi David, lui demanda pardon pour Absalon son fils; et ce bon roi, entendant que la demande avait été ordonnée par le capitaine Joab, son bien aimé et son favori, aussitôt il lui accorda [418] la grâce qu'elle implorait.

  A026002731 

 Je vous le présente, et vous prie humblement que par ses mérites et par sa très sainte Mort et Passion vous daigniez m'accorder ce que lui-même, dans cette Oraison et cette requête qui sont siennes, m'a ordonné de vous demander, afin que mon âme soit toute vôtre et qu'elle vous loue et bénisse dans les siècles des siècles.

  A026002742 

 O Dieu [421] de mon cœur, aydes moy a les endurer dans l'union de vos souffrances et tristesses, affin que par le merite de vostre Passion ilz me soyent rendus salutaires.

  A026002745 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Fils de Dieu vivant, qui aves voulu estre conforté lhors que vous priies au Jardin des Olives, faites que par la vertu de vostre orayson, vostre saint Ange m'assiste tous-jours en mes prieres..

  A026002748 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves sué du sang par tous vos membres et dans l'exces de vostre douleur, lhors qu'estant reduit a l'agonie vous priies le Pere eternel au Jardin, faites que par le souvenir de vostre Passion, je puisse participer a vos douleurs divines, et qu'au lieu de sang je verse des larmes pour mes pechés..

  A026002754 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves bien voulu estre garrotté par les mains des meschans, rompes les chaisnes de mes pechés, et retenes moy tellement par les liens de la charité et de vos commandemens, que les puissances de mon ame et de mon cors ne s'eschappent point a commettre aucune chose qui soit contraire a vostre sainte volonté..

  A026002757 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre conduit comme un criminel a la maison d'Anne, faites moy la grace de ne pas estre [422] attiré au peché par l'esprit malin, ou par les hommes pervers, mais d'estre guidé par vostre Saint Esprit a tout ce qui est aggreable a vostre divine volonté.

  A026002760 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves permis d'estre trois fois renié en la maison de Caïphe par le prince des Apostres, preserves moy des mauvaises compagnies, affin que le peché ne me separe jamais de vous.

  A026002763 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui par un regard de vostre amour aves tiré des yeux de saint Pierre les larmes d'une veritable penitence, faites par vostre misericorde, que je pleure amerement mes pechés, et que je ne vous renie jamais de fait ou de parole, vous qui estes mon Seigneur et mon Dieu.

  A026002766 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre mené devant Pilate et accusé fausement en sa presence, apprenes moy le moyen d'eviter les tromperies des meschans et de professer vostre foy par la prattique des bonnes œuvres.

  A026002772 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves souffert d'estre renvoyé d'Herode a Pilate, qui devinrent amis par ce moyen, faites moy la grace de ne pas craindre les conspirations que les meschans font contre moy, mais d'en tirer du proffit, affin d'estre digne de vous estre conforme.

  A026002775 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre despouillé de vos habitz et cruellement fouetté pour mon salut, faites moy la grace de me descharger des pechés par une bonne confession, affin de ne pas paroistre devant vos yeux despouillé des vertus chrestiennes.

  A026002778 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre lié a la colomne [423] et deschiré a coups de fouetz, donnes-moy la grace d'endurer patiemment les fleaux de vostre correction paternelle, et de ne vous point affliger doresnavant par mes pechés.

  A026002781 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre couronné d'espines pour moy, faites que je sois tellement piqué par les espines de la penitence en ce monde, que je merite d'estre couronné au Ciel.

  A026002784 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Filz de Dieu vivant, qui estant declaré innocent par la sentence du president Pilate, aves souffert les impostures et les reproches des Juifz, donnes moy la grace de vivre dans l'innocence et de ne me point inquieter de mes ennemis.

  A026002796 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estant dans le chemin par lequel vous marchies au supplice de la croix, aves dit aux femmes qui pleuroyent pour l'amour de vous qu'elles devoyent pleurer pour elles mesmes, donnes moy la grace de bien pleurer mes pechés, donnes moy les larmes d'une sainte compassion et d'un saint amour, qui me rendent aggreable a vostre sainte Majesté..

  A026002823 

 Mon Seigneur Jesus Christ, plusieurs ont deploré leurs pechés par la consideration de vos souffrances: faites moy la grace, par les merites de vostre Passion douloureuse et de vostre Mort, de concevoir une parfaite contrition de mes offenses, et que des-ormais je cesse de vous offenser.

  A026002829 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu mourir, estre embaumé, enveloppé d'un linge net par Joseph et Nicodeme, donnes moy la grace de recevoir dignement vostre saint corps au Sacrement de l'autel et dans mon ame embaumee des precieux unguens de vos vertus.

  A026002844 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves donné le Saint Esprit a vos disciples perseverant unanimement en l'orayson, espures, je vous prie, l'interieur de mon cœur, affin que le Paraclet trouvant un sejour aggreable en mon ame, l'embellisse par ses dons, de ses graces et de sa consolation.

  A026002847 

 Je vous prie, par les merites de ce divin Sacrifice, de me donner l'esprit et la force de resister tous-jours a toutes les mauvaises tentations, affin que, sortant de ce monde, je sois digne du Paradis.

  A026002862 

 O bienheureuse Vierge Marie, digne Mere de Dieu et fidele Dispensatrice de toutes les graces qu'il veut nous distribuer en cette vie, je vous supplie, par l'amour de vostre cher Filz, nostre Sauveur Jesus Christ, de m'obtenir de vostre divin Espoux, le Saint Esprit, une lumiere celeste et un bon conseil pour connoistre ce que je dois faire et comment je dois me conduire pour la gloire de Dieu et l'advancement de mon salut..

  A026002863 

 J'espere, o Sainte Vierge, recevoir par vostre moyen cette faveur du Ciel, car apres Dieu, j 'ay mis en vous toute ma confiance..

  A026002870 

 Toutes les éditions des Œuvres de saint François de Sales, à commencer par celle in-folio de 1637, p. 1033, donnent une pièce intitulée: Maniere devote pour celebrer avec fruict le tres-sainct Sacrifice de la Messe. On nous permettra de l'écarter de notre Edition, comme n'ayant aucune preuve d'authenticité; on n'y retrouve ni les pensées du Saint, ni son style, mais un amas de considérations qui suffoquent l'esprit, au lieu de le recueillir; plusieurs mots y sont employés qui ne se rencontrent pas dans ses écrits..

  A026002872 

 Avant 1637, elle fut publiée à la suite de l' Advertissement aux Confesseurs, dans le petit volume imprimé à Lyon par Jean Charvet, 1620, ou 1615? (Voir notre tome XXIII, note (920), p. 279.) C'est de là, sans doute, que les éditeurs de 1637 l'auront tirée, sans trop examiner si elle était vraiment du saint Evêque de Genève.





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