Mot «Vous» [30792 fréquence]


01-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome I-Les Controverses.html
  A001000007 

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  A001000133 

 Elle portera chez vous ce que vous ne voules pas prendre chez nous en l'assemblëe.

  A001000135 

 Et pour vray je croyois que, comme vous ne receves point de loy pour vostre creance que de l'interpretation de l'Escriture qui vous semble la meilleure, vous voudries encor ouÿr celle que j'y apporterois, c'est a dire, de l'Eglise Apostolique Romaine, laquelle vous n'aves jamais veüe cy devant que barbouillee, toute desfiguree et contrefaitte par l'ennemy, qui sçavoit bien que si vous l'eussies veüe en sa pureté vous ne l'eussies jamais abandonnëe.

  A001000135 

 Et puys bien dire, que je ne recueilleray jamais commandement avec plus de courage que je fis celuyla que Monseigneur le Reverendissime nostr'Evesque me fit, quand il m'ordonna, suyvant le saint desir de son Altesse dont il me mit en main la lettre, de venir icy pour vous apporter la sainte Parolle de Dieu: aussy ne pensois je de vous pouvoir jamais faire plus grand service.

  A001000135 

 Or je les vous addresse et presente de bon cœur, esperant que les occasions [4] qui vous destournent de m'ouÿr, n'auront point de force pour vous empecher de lire cest escrit, vous asseurant, au reste, que vous ne lires jamais escrit qui vous soit donné par homme plus affectionné a vostre service spirituel que je suys.

  A001000136 

 Je prie sa sainte Majesté quil luy playse m'ayder et a vous en cest affaire..

  A001000136 

 Mays sur tout je vous prie, que vous ne layssies jamais entrer en vos espritz autre passion que celle de nostre Sauveur et Maistre Jesuchrist, par laquelle nous avons estés tous rachetés, et serons sauvés s'il ne tient a nous, puysqu' il desire que tous les hommes soient sauvés, et viennent a cognoissance de la verité.

  A001000136 

 Prenes donques, Messieurs, en bonne part ce present que je vous fais, et lises mes raysons attentivement.

  A001000136 

 Si vous aves ouÿ avec tant de promptitude l'une des parties, prennes encores la patience d'ouÿr l'autre; puys prenes, je vous en somme de la part de Dieu, prenes tems et loysir de rassoir vostre entendement, et pries Dieu qu'il vous assiste de son Saint Esprit en un jugement de si grande importance, affin qu'il vous addresse a salut.

  A001000143 

 .. Je suys neantmoins tres content et trouve bon d'escrire quelques principales raysons que j'ay choysi entre les autres, par lesquelles je vous feray voir a descouvert que vous estes du tout hors du train que les Apostres ont suyvi pour se rendre a la Hierusalem cœleste.

  A001000143 

 Ayant deja continué quelques moys la prædication de la parole de Dieu en vostre ville, sans me voir escouté des vostres que fort rarement, et par pieces, a la desrobbëe, affin de ne laisser rien en arriere de mon costé, je me suys mis a reduyre par escrit une partie des remonstrances et traittés que j'ay faict a vive voix en chaire, pour la defence de la creance ancienne de l'Eglise contre les accusations qu'on vous a si souvent representëes cy devant contre icelle.

  A001000144 

 Elle contentera ceux qui, pour toute responce a mes raysons, dient quilz les voudroyent bien voir en la præsence de quelqu'un des ministres, pour voir si elles pourroyent y tenir contenance, si elles pasliroient ou s'esvanouyroyent point: car maintenant vous les y pourres conduire.

  A001000144 

 L'escrit se laisse mieux manier, il donne plus de loysir a la consideration que ne faict la voix, vous pourres [2] y penser plus creusement.

  A001000144 

 La 1. et principale c'est quelle portera chez vous ce que vous ne voules pas venir prendre chez nous en l'assemblee.

  A001000146 

 .. Je ne m'amuse gueres sur les raysons que vous aves de ne me prester point l'oreille, car j'espere qu'un jour..... [5] Le tems, a ce qu'on dict, vous en empeche, l'Evangile de paix ne pouvant estre receu parmi tant de soupçons de guerre.

  A001000146 

 Et pour vray je croyois que, comme vous n'asujettisses a personne vostre creance, si non a l'interpretation de l'Escriture Sainte qui vous semble la meilleure, vous voudries encores ouÿr celle que j'y apporterois, c'est adire, celle de l'Eglise Cat. Ro., laquelle vous n'aves jamais veüe cy devant que barbouïllëe et defigurëe par les ennemis; car si vous l'eussies veu en sa pureté jamais vous ne l'eussies abandonnëe.

  A001000146 

 Et puys que vous aves esté l'occasion de ceste mienne peyne, j'ay voulu vous l'adresser et præsenter, esperant que les [4] occasions qui vous destournent de m'ouÿr, n'auront point de force pour vous empecher de la lecture de ce discours.

  A001000146 

 Je vous puys bien asseurer, car il est vray, que jamays vous ne lires escrit qui vous soit addressé par homme plus affectionné a vostre service spirituel que je suys; et je puys dire que jamays je ne recueilliray commandement avec plus de courage, que je fis celluyla de M. le R me Ex mo Evesque, quand il m'ordonna, sur le bon playsir de son Altesse de laquell'il me mit la lettre en main, de venir icy pour vous apporter la sainte Parole de Dieu, comme sachant ne vous pouvoir faire plus ni de plus signalé service que celluy la, duquel dépend vostre Paradis.

  A001000147 

 Prenes donques en bonne part ce prœsent que je vous fais, et lises mes raysons attentivement, sans vous passionner d'autre passion que de celle de N. S., que je prie treshumblement m'assister et a vous en cest affaire; car sans luy ni vous ni moy ne pouvons rien penser de prouffitable.

  A001000162 

 Cherchons, je vous prie, la caus'en nous de nos vices et pechés, nostre volonté en est la seule source.

  A001000163 

 .. Car l'Escriture quilz manient, le voysinage des vrays Chrestiens, les marques quilz voyent en la vraÿe Eglise, leur ostent tout'excuse de mise; de maniere que l'Eglise de laquelle ilz se sont separés leur peut mettre au devant les parolles de son Espoux: Recherches es Escritures esquelles vous penses avoir la vie eternelle, ce sont elles qui rendent tesmoignage de moy; et plus outre: Les œüvres que je fais au nom de mon Pere rendent aussy tesmoignage pour moy.

  A001000163 

 J'ay dict tout cecy, Messieurs, pour vous faire connoistre d'ou vient ceste grande dissention de volontés au faict de la religion, que nous voyons estre par my ceux qui font profession en bouche du Christianisme.

  A001000164 

 Je n'ay pas autre intention que de vous faire voir, Messieurs, que ceste Susanne est accusée a tort, et qu'elle a rayson de se lamenter de tous ceux qui se sont distancés de ses ordonnances, avec les parolles mesmes de son Espoux: Ilz m'ont hayé d'une hayne injuste.

  A001000164 

 Prenes neantmoins a gré je vous prie, Messieurs de Thonon, cest escrit, et quoy que vous en ayes veu plusieurs autres mieux faictz et plus riches, arrestes un peu vostr'entendement sur cestuy ci, que peut estre sera il plus sortable a vostre complexion que les autres; car son air est du tout Savoysien, et l'une des plus prouffitables receptes et derniers remedes c'est le retour a l'air naturel: si cestuyci ne prouffite, on vous en monstrera d'autres plus purs et subtilz.

  A001000165 

 Et vous prie, Messieurs, de vous resouvenir, et ceux qui liront cecy, des paroles de saint Pol: Tout'amertume, ira, desdain, crierie, blaspheme et toute malice soyt osté de vous.

  A001000172 

 Essayes un peu, sil vous plait, ce changement; que sil n'allege point vostre mal, encor pourres vous passer ailleurs, en d'autres plus subtilz et apetissans, [13] car il y en a, Dieu mercy, en ce pais, de toutes sortes.

  A001000172 

 O mon Dieu, mon Sauveur, espures mon esprit, faites couler doucement ceste vostre Parole dans le cœur des lecteurs, comm'une sainte rosëe, pour raffrechir l'ardeur de leurs passions, silz en ont, et ilz verront combien est veritable en vous, et en l'Eglise vostre Sponse, ce que vous en aves dict..

  A001000172 

 Vous y verres des bonnes raysons, et desquelles je me rends evictionnaire, qui vous feront voir clair comme le jour, que vous estes hors du train quil faut tenir pour aller a salut, et que ce n'a pas esté la faute de la sainte guide, mays la faute est de l'avoir abandonnëe.

  A001000210 

 Je vous prie, si ce moyne, etc..

  A001000213 

 v. 24: Pour ce que nous avons entendu qu'aucuns partis d'entre nous vous ont troublés par aucuns propos, renversans vos ames, ausquelz n'en avions point donné charge. S'ilz eussent donné charge, bien, mais vouloir enseigner sans charge.

  A001000242 

 Eux, donques, sont inexcusables de ce que sans l'authorité du magistrat spirituel ilz ont faicte ceste levëe de bouclier, et vous, de les avoir suyvis..

  A001000242 

 Mays comme pouvies vous croire ces nouvelles si tost, que sans leur faire monstrer leur charge et commission bien authentiquëe, vous commençates de premier abord a ne reconnoistre plus ceste Reyne pour vostre princesse, et a crier par tout que c'estoit un'adultere? Ilz couroyent ça et la semer ces nouvelles, mays qui les en avoit chargés? On ne se peut enrooler sous aucun [22] capitaine sans l'adveü du prince chez lequel on demeure: et comment fustes vous si promps a vous enrooler sous ces premiers ministres, sans sçavoir si vos pasteurs qui estoyent en estre l'advoüeroient? mesme que vous sçavies bien quil vous sortoit hors de l'estat dans lequel vous esties nés et nourry.

  A001000242 

 Premierement, Messieurs, vos devanciers et vous aussy aves faict une faute inexcusable, quand vous prestates l'oreille a ceux qui s'estoyent separés de l'Eglise, car ce n'estoyent des personnes qualifiëes comm'il [21] falloit pour præcher.

  A001000243 

 La mission est donques necessaire; vous ne le nieres pas, si vous ne sçaves quelque chose plus que vos maistres..

  A001000243 

 Vous voyes bien ou je vays battre; c'est sur la faute de mission et de vocation que Luther, Zuingle, Calvin et les autres avoyent: car c'est chose certayne que quicomque veut enseigner et tenir rang de pasteur en l'Eglise, il doit estr'envoÿé.

  A001000244 

 Mays je vous vois venir en trois esquadrons: car, les uns d'entre vous diront quilz ont eu vocation et mission du peuple et magistrat seculier et temporel; les autres de l'Eglise; comment cela? parce, disent ilz, que [24] Luther, Œcolampade, Bucer, Zuingle et autres estoyent prestres de l'Eglise comme les autres; les autres, enfin, qui sont les plus habiles, disent quilz ont estés envoyés de [Dieu] mais extraordinayrement.

  A001000245 

 .. Comme croyrons nous que le peuple, et les princes seculiers, aÿe appellés Calvin, Brence, Luther, pour enseigner la doctrine que jamais il n'avoyt ouÿe? et devant, quand ilz commencerent a prescher et semer ceste doctrine, qui les avoit chargés de ce faire?.. Vous dites que le peuple devot vous a appellés, mays quel peuple? Car, ou il estoit Catholique, ou il ne l'estoit pas: sil estoit Catholique, comme vous eut il appellé et envoÿé præcher ce quil ne croyoit pas? et ceste vocation de quelque bien petite partie du peuple lhors Catholique, comme pouvoit elle contrevenir a tout le reste qui sy opposa? et comme vous pouvoit une partie du peuple donner authorité sur l'autre partie, affin que vous allassies de peuple en peuple distraissant tant que vous pouvies les ames de l'ancienne obeissance? car un peuple ne peut donner l'authorité que sur soymesme.

  A001000245 

 Il eut donq fallu ne point prescher sinon la ou vous esties appellés du peuple, ce que si vous eussies faict, vous n'eussies pas eu tant de suite.

  A001000250 

 Dites moy, quell'occasion eustes vous de les ouÿr et de les croire, sans avoir aucun'asseurance de leur commission et de l'adveu de N. S. dont ilz se disoyent legatz? C'est en un mot avoir abandonné a credit l'Eglise ancienne en laquelle vous aves esté baptizés, que d'avoir creu aux præcheurs qui n'avoient point de mission legitime du Maistre..

  A001000250 

 Mays combien de tort aves vous eu de les croire? comme vous arrestastes vous ainsy simplement a leurs parolles? comme leur donnastes vous si legerement foy? Pour estre Legatz et Ambassadeurs ilz devoyent estr'envoÿés, ilz devoyent avoir des lettres de creance de celuy dont ilz se vantoyent estre avoüés.

  A001000250 

 Premierement donques, vos ministres n'avoient point les conditions requises pour le rang quilz vouloyent tenir et l'entreprise quilz faysoyent, dont ilz sont inexcusables; et vous autres, qui sçavies et sçaves encores, ou deves sçavoir, ce defaut en eux, aves [21] eu grand tort de les recevoir a telle qualité.

  A001000251 

 Or, quilz n'en eussent ny ayent en aucune façon, vous ne le pouves pas ignorer.

  A001000274 

 Car, je vous prie, a quoy en serions nous, si ce prætexte de mission extraordinaire estoit recevable sans preuve? ne seroit ce pas un voile a toutes sortes de resveries? Arrius, Marcion, Montanus, Massalius, ne pourroyent ilz pas estre receuz a ce grade de reformateurs en prestant le mesme serment? 2.

  A001000274 

 Comment donques se voudront excuser et relever de ceste preuve pour leur mission ceux qui en nostr'aage en veulent avancer un'extraordinaire? quel privilege ont ilz plus qu'Apostolique et Mosaique? Que diray je plus? Si nostre sauverain Maistre, consubstantiel au Pere, duquel la mission est si authentique qu'elle presuppose [30] la communication de mesm'essence, luy mesme, dis je, qui est la source vive de toute mission Ecclesiastique, n'a pas voulu s'exempter de ceste preuve de miracles, quelle rayson y a il que ces nouveaux ministres soyent creus a leur seule parole? Nostre Seigneur allegue fort souvent sa mission pour mettre sa parole en credit: Comme mon Pere m'a envoyé, je vous envoÿe.

  A001000274 

 Et vous me connoisses, et sçaves d'ou je suys, et ne suys point venu de par moy mesme.

  A001000274 

 Mays aussy, pour donner authorité a sa mission, il met en avant ses miracles, ains atteste que, sil n'eust faict des œuvres que nul autre n'a faict parmi les Juifz, ilz n'eussent point eu de peché de ne croire point en luy; et ailleurs il leur dict: Ne croyes vous pas que mon Pere est en moy et moy en mon Pere? au moins croyes le par les œuvres.

  A001000275 

 Je vous prie, penses a ce trait.

  A001000283 

 Au moins ne se devroyent ilz pas exempter de produyre des miracles sur une telle mutation, quoy que vous tiries prætexte de l'Escriture; puysque Nostre Seigneur ne s'en exempta pas, comme j'ay monstré cy dessus, encores que le changement quil faysoit fut puysé de la plus pure source des Escritures.

  A001000283 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaïque, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A001000289 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouÿs parler, [en] Hieremie: Ne veuilles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A001000289 

 Vous sembl'il pas que ce soyent Luther et Zuingle avec leurs propheties et visions? ou Carolostade avec sa revelation quil disoit avoir eüe pour sa cene, qui donna occasion a Luther d'escrire son livre, Contra cœlestes prophetas? C'est [38] bien eux, au moins, qui ont ceste proprieté de n'avoir pas estés envoyés; c'est eux qui prennent leurs langues, et disent, le Seigneur a dict: car ilz ne sçauroyent jamais monstrer aucune preuve de la charge quilz usurpent, ilz ne sçauroyent produyre aucune legitime vocation, et, donques, comme veulent ilz precher? On ne peut s'enrooler sous aucun capitayne sans l'aveu du prince, et comment fustes vous si promtz a vous engager sous la charge de ces premiers ministres, sans le congé de vos pasteurs ordinaires, mesme pour sortir de l'estat auquel vous esties nay et nourry qui est l'Eglise Catholique? Ilz sont coulpables d'avoir faict de leur propr'authorité ceste levëe de bouclier, et vous de les avoir suyvis; dont vous estes inexcusables.

  A001000290 

 Et voyla la premiere rayson qui rend vos ministres et vous aussy, quoy qu'inegalement, inexcusables devant Dieu et les hommes d'avoir laissé l'Eglise.

  A001000298 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A001000301 

 Permettes moy, je vous prie, que je die librement la verité.

  A001000302 

 » Or c'est a bonne rayson que l'on [a] apelé le peuple Chrestien Eglise ou convocation, par ce que [le] premier benefice que Dieu faict a l'homme pour le mettr'en grace, c'est de l'appeller a l'Eglise; c'est le premier effect de sa prædestination: Ceux quil a prædestinés il les [42] a appellés, disoit saint Pol aux Romains; et aux Collossiens: Et la paix de Christ tressaute en vos cœurs, en laquelle vous estes appelles en un cors.

  A001000307 

 Esaïe, parl'ainsy d'elle: Ce vous sera une voÿe droite, si que les folz ne s'egareront point par icelle; faut il pas bien qu'elle soit descouverte et aysee a remarquer, puysque les plus grossiers mesmes s'y sçauront conduyre sans se faillir?.

  A001000307 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, affin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A001000308 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A001000308 

 Les pasteurs et docteurs de l'Eglise sont visibles, donques l'Eglise est visible: car, je vous prie, les pasteurs de l'Eglise sont ilz pas une partie de l'Eglise, et faut il pas que les pasteurs et les brebis s'entrereconnoissent les uns et les autres? faut il pas que les brebis entendent la voix du pasteur et le suyvent? faut il pas que le bon pasteur aille rechercher la brebis esgarëe, quil reconnoisse son parc et bercaïl? Ce seroit de vray une belle sorte de pasteurs qui ne sceut connoistre son troupeau ni le voir.

  A001000312 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A001000312 

 Touches la, venes comm'humbles enfans vous jetter au giron de ceste douce mere; voyes la, consideres la bien tout'en son cors comm'ell'est toute belle, et vous verres qu'ell'est visible, car une chose spirituelle et invisible n'a ni chair ni os comme voyes qu' elle a..

  A001000318 

 Responce: Le royaume de Dieu, en ce lieu la, c'est Nostre Seigneur avec sa grace, ou, si vous voules, la compaignie de Nostre Seigneur pendant quil fut au monde, dont il s'ensuit: Car voicy le royaume de Dieu est parmi vous; et ce royaume icy ne comparut pas avec l'apparat et le fast d'une magnificence mondayne, comme les Juifz croyoyent; et puys, comm'on a dict, le plus beau joyau de ceste fille royale est caché au dedans, et ne se peut voir..

  A001000334 

 Or quell'absurdité seroit ce, je vous prie, si les seulz esleuz estoyent de l'Eglise? il s'ensuyvroit ce qu'ont dict les Donatistes, que nous ne pourrions pas connoistre nos prælatz, et par consequent ne leur pourrions rendre l'obeissance: car, comme connoistrions nous si ceux qui se diroyent prælatz et pasteurs seroyent de l'Eglise? puysque nous ne pouvons connoistre qui est prædestiné et qui non d'entre les vivans, comm'il se dira ailleurs; et s'ilz ne sont de l'Eglise, comme y peuvent ilz tenir le lieu de chefz? ce seroit bien un monstre des plus estranges qui se peut voir que le chef de l'Eglise ne fut de l'Eglise.

  A001000338 

 Ainsy l'Eglise militante est tousjours glorieuse et victorieuse sur les portes et puyssances infernales, quoy que plusieurs des siens, ou s'esgarant et mettant en desordre, comme vous aves faict, demeurent en pieces et perdus, ou par des autres accidens y sont blessés et y meurent.

  A001000338 

 Les meurs dependent de la volonté, la doctrine, de l'entendement: en l'entendement de l'Eglise jamais ny entra fauseté, ni en la volonté aucune meschanceté; elle peut par la grace de son Espoux dire comme luy: Qui d'entre vous, o conjurés ennemys, me reprendra de peché? Et ne s'ensuit pour tant pas qu'en l'Eglise il ni ayt des meschans; resouvenes vous de ce que j'ay dict ailleurs.

  A001000342 

 Mays quelle difficulté trouve l'on en tout cela? nous confessons que les brebis prædestinëes entendent la voix de leur pasteur, et ont toutes les proprietés qui sont descrittes en saint Jan, ou tost ou tard, mays nous confessons aussy qu'en l'Eglise, qui est la bergerie de Nostre Seigneur, il ni a pas seulement des brebis ains encores des boucz; autrement, pourquoy seroit il dict qu'a la fin du monde, au jugement, les brebis seront separëes, sinon par ce que jusques au jugement, pendant que l'Eglise est en ce monde, ell'a en soy des boucz avec les brebis? certes, si jamais ilz n'avoyent estés ensemble, jamais on ne les separeroit: et puys en fin de conte, si les prædestinés sont apellés brebis aussy le sont bien les reprouvés, tesmoin David: Vostre fureur est courroucëe sur les brebis de vostre parc; [57] J'ay erré comme la brebis qui est perdüe; et ailleurs, quand il dict: O vous qui regentes sur Israel, escoutes, vous qui conduyses Joseph comm' une oüaille: quand il dict Joseph, il entend les Josephois et le peuple Israelitique, parce qu'a Joseph fut donné la primogeniture, et l'aisné baille nom a la race.

  A001000353 

 Ignores vous que Nostre Seigneur se soyt acquis l'Eglis'en son sang? et qui pourra la luy lever? [61] penses vous quil soit plus foible que son adversaire? ah, je vous prie, parlons honorablement de ce cappitaine; et qui donques ostera d'entre ses mains son Eglise? peut estre dires vous quil peut la garder mais quil ne veut; c'est donq sa providence, sa bonté, sa verité que vous attaques..

  A001000353 

 Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur mesme: Si je suys une foys eslevé de terre j'attireray a moy toutes choses? a il pas esté eslevé en la Croix? a il pas souffert? et comme donques auroyt il layssé aller l'Eglise quil avoit attirëe, a vau de route? comm'auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher? Le prince du monde, le diable, avoit il esté chassé avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans pour revenir maistriser mill'ans? voules vous evacuer en ceste sorte la force de la Croix? estes vous arbitres de si bonne foy que de vouloir si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre desormays un'alternative entre sa divine bonté et la malice diabolique? Non, non, quand un fort et puyssant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surmonte, il luy leve les armes et le despoüille.

  A001000354 

 La consommation des saintz estoyt elle ja faicte il y a onze cens ou douze cens ans? l'edification du cors mistique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevee? Ou cesses de vous apeller ædificateur, ou dites que non; et si elle n'avoit esté achevëe, comme de faict elle ne l'est pas mesme maintenant, pour quoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu que de dire quil ayt osté et levé aux hommes ce quil leur avoit donné? C'est une des qualités de la bonté de Dieu que, comme dict saint Pol, ses dons et ses graces sont sans pænitence, c'est a dire, il ne donne pas pour oster.

  A001000354 

 Sa divine providence, des qu'ell'eust creë l'homme, le ciel, la terre, et ce qui est au ciel et a la terre, les conserva et conserve perpetuellement, en façon que la generation du moindre oysillion n'est pas encores estainte; que dirons nous donques de l'Eglise? Tout ce monde ne luy costa de premier marché qu'une simple parole: Il le dict et tout fut faict, et il le conserve avec une perpetuelle et infallible providence; comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang, tant de peynes et travaux? Il a tiré l'Israel de l'Egipte, des desers, de la mer Rouge, de tant de calamités et captivités, et nous croirons quil ayt layssé engolfé le Christianisme en l'incredulité? Il a tant eu de soin de son Agar, et il mesprisera Sara? il a tant favorisé la servante qui devoit estre chassëe hors de la mayson, et n'aura tenu conte de l'Espouse legitime? il aura tant honnoré l'ombre, et il abandonnera le cors? O que ce [62] seroit bien pour neant que tant et tant de promesses auroyent estees faites de la perpetuité de cest'Eglise..

  A001000355 

 C'est de l'Eglise que le Psalmiste chante: Dieu l'a fondëe en eternité; Son trosne (il parle de l'Eglise, trosne du Messie filz de David, en la personne du Pere eternel) sera comme le soleil devant moy, et comme la lune parfaitte en eternité, et le tesmoin fidele au ciel; Je mettray sa race es siecles des siecles et son trosne comme les jours du ciel, c'est a diré, autant que le ciel durera; Daniel l'apelle Royaume qui ne se dissipera point eternellement, l'Ange dict a Nostre Dame que ce royaume n'auroit point de fin, et parle de l'Eglise comme nous le prouvons ailleurs; Isaïe avoit il pas predict en ceste façon de Nostre Seigneur: S'il met et expose sa vie pour le peché il verra une longue race, c'est a dire, de longue durëe? et ailleurs: Je feray un'alliance perpetuelle avec eux; apres: Tous ceux qui les verront (il parle de l'Eglise visible) les connoistront? Mays, je vous prie, qui a baillé charge a Luther et Calvin de revoquer tant de saintes et solemnelles promesses que Nostre Seigneur a faites a son Eglise, de perpetuité? n'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contr'elle? et comme verifiera-on ceste promesse si l'Eglise a esté abolie mill'ans ou plus? et ce doux adieu que Nostre Seigneur dict a ses Apostres, Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem seculi, comme l'entendrons nous si voulons dire que l'Eglise puisse perir?.

  A001000356 

 Mays voudrions nous bien casser la belle regle de Gamaliel qui, parlant de l'Eglise naissante, usa de ce discours: Si ce conseil ou cest'œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si ell'est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre? L'Eglise est ce pas l'œuvre de Dieu? et comment donques dirons nous qu'elle soit dissipëe? Si ce bel arbre ecclesiastique avoit esté planté de main d'homme, j'avoueroys aysement quil pourroit estre arraché, mays ayant esté planté de si bonne main qu'est celle de Nostre Seigneur, je ne sçaurois [63] conseiller a ceux qui entendent crier a tous propos que l'Eglise estoit perie sinon ce que dict Nostre Seigneur: Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantée sera arrachëe, mays celle que Dieu a plantëe ne sera point arrachëe..

  A001000358 

 Mays, je vous prie, si cest'Espouse fut morte apres que du costé de son Espoux endormy sur la Croix ell'eust premierement la vie, si elle fut morte, dis je, qui l'eust resuscitëe? Ne sçait on pas que la resurrection des mors n'est pas moindre miracle que la creation, et beaucoup plus grand que la continuation et conservation? Ne sçait on pas que la reformation de l'homme [est] un bien plus profond mistere que la formation, et qu'en la formation Dieu dict, et il fut faict? il inspira l'ame vivante, et il ne l'eut pas si tost inspirëe que ce celest'homme commença a respirer; mays en la reformation Dieu employa trente trois ans, sua le sang et l'eau, mourut mesme sur ceste reformation.

  A001000360 

 Je veux conclure ceste preuve avec saint Augustin, et parler a vos ministres: « Que nous apportes vous de nouveau? faudra il encor une foys semer la bonne semence, puysque des qu'ell'est semëe elle croit jusqu'à la moysson? Si vous dites estre par tout perdue celle que les Apostres avoyent semëe, nous vous respondons: lises nous cecy es Saintes Escritures, ce que pour vray vous ne lires jamais que premierement vous ne nous monstries estre faux ce qui est escrit, que la semence [65] qui fut semëe au commencement croistroit jusqu'au tems de moyssons.

  A001000370 

 Responce: Qui vous dict que sous prætexte de l'Eglise il faille se confier au mensonge? ains, au contraire, qui s'appuÿe au jugement de l'Eglise s'appuÿe sur la colonne et fermeté de verité, qui se fie a l'infallibilité de l'Eglise ne se fie pas au mensonge, si ce n'est mensonge ce qui est escrit: Les portes d'enfer ne prævaudront point contre elle.

  A001000378 

 Je ne veux plus ramener tant de passages ja cottés cy dessus, ou l'Eglis'est dicte semblable au soleil, lune, arc en ciel, a une reyne, a une montaigne aussy grande que le monde, et un monde d'autres; je me contenteray de vous mettr'en teste deux grans colonnelz de l'ancienne Eglise, des plus vallians qui furent onques, saint Augustin et saint Hierosme..

  A001000379 

 Qui d'entre vous connoit l'Olimpe? personne, certes, ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a remply toute la face de la terre.

  A001000379 

 Qui se perd et s'esgare de cest mont? qui choque et se casse la teste en iceluy? qui ignore la cité mise sur le mont? mays non, ne vous esmerveilles pas quil soit inconneu a ceux cy qui haissent les freres, qui haissent l'Eglise, car, par ce, vont ilz en tenebres et ne sçavent ou ilz vont, ilz se sont separés du reste de l'univers, ilz sont aveugles de mal talent.

  A001000380 

 Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cittés du diable, et en fin, a sçavoir en la consommation des siecles, les idoles comme seront ilz abbatus? Si Nostre Seigneur n'a point eu de l'Eglise, ou s'il l'a eu en la seule Sardigne, certes il est trop appauvry.

  A001000380 

 Saint Hierosme entre en cest'escarmouche d'un autre costé, qui vous est bien aussy dangereux que l'autre, car il faict voir clairement que ceste dissipation prætendue, ceste retraitte et cachette, abolist la gloire [70] de la Croix de Nostre Seigneur; car, parlant a un schismatique reuni a l'Eglise, il dict ainsy: « Je me rejouys avec toy, et rends graces a Jesus Christ mon Dieu, de ce que tu t'es reduit de bon courage de l'ardeur de fauceté au goust et saveur de tout le monde; et ne dis pas comme quelquesuns: O Seigneur, sauves moy, car le saint a manqué, desquelz la voix impie evacue la Croix de Jesus Christ, assujettit le Filz de Dieu au diable, et le regret que le Seigneur a proferé des pecheurs, il l'entend estre dict de tous les hommes.

  A001000381 

 Le Pere luy avoit donné en heritage beaucoup de gens, par ce quil avoit livré sa vie a la mort, et avoyt esté mis au rang des meschans hommes et voleurs, mays ceux cy luy amaigrissent bien son lot, et roignent si fort sa portion qu'a grand peyne durant mill'ans aura il eu certains serviteurs secretz, ains n'en aura du tout point eu; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestien, et qui aves estés en la vraye Eglise: ou vous avies la vraye foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, pourquoy la celies vous aux autres? que n'en laissies vous des memoyres? que ne vous opposies vous a l'impieté, a l'idoletrie? ou si vous ne sçavies pas que Dieu a recommandé a un chacun son prochain? certes, On croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir le salut il faut faire la confession de sa foy, et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et par ce j'ay parlé? O miserables encores, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre; si ainsy est, vous estes es tenebres extérieures.

  A001000381 

 Mays si au contrayre, o Luther, o Calvin, la vraye foy a tousjours esté publiëe et continuellement præchëe par tous nos devanciers, vous estes miserables vous mesmes, qui en aves une toute contraire, et qui pour trouver quelque excuse a vos volontés et fantasies, accuses tous les Peres ou d'impieté s'ilz ont mal creu, ou de lascheté s'ilz se sont teuz.

  A001000387 

 Quand Absalon voulut une fois faire faction et division contre son bon pere David, il s'assit pres de la porte au chemin, et disoit a tous ceux qui passoÿent: Il ni a personne constitué du Roy pour vous ouÿr, hé, qui me constituera juge sur terre, affin que tous ceux qui auront quelque negotiation viennent a moy et que je juge justement? ainsy solicitoit il les courages des Israelites.

  A001000389 

 Mays qui considerera le tesmoignage que Dieu a donné pour l'Eglise, si authentique, il verra que dire, l'Eglise erre, n'est autre sinon dire, Dieu erre, ou se plaict et veut qu'on erre, qui seroit un grand blaspheme: car, n'est ce pas Nostre Seigneur qui dict: Si ton [frere] a peché (contre toy), dis le a l'Eglise; que si quelqu'un n'entend l'Eglise, quil te soit comme ethnique [74] et peager? Voyes vous comme Nostre Seigneur nous renvoÿe a l'Eglise en nos differens, et quelz qu'ilz soyent? mays combien plus es injures et differens plus importans? certes, si je suys obligé, apres l'ordre de la correction fraternelle, d'aller a l'Eglise pour fayre amander un vicieux qui m'aura offencé, combien plus seray je obligé d'y deferer celuy qui apelle toute l'Eglise Babilone, adultere, idolatre, mensongere, parjure? d'autant plus principalement qu'avec ceste sienne malveillance il pourra desbaucher et infecter tout'une province, le vice d'heresie estant si contagieux que comme chancre il se va tousjours traynant plus avant pour un tems.

  A001000390 

 Ell'est bien tellement asseurëe et ferme que toutes les portes d'enfer, c'est a dire toutes les forces ennemies, ne sçauroient s'en rendre maistresses; et ne seroit ce pas place gaignëe pour l'ennemy si l'erreur y entrait, es choses qui sont pour l'honneur et le service du Maistre? Nostre Seigneur est le chef de l'Eglise; a on point d'honte d'oser dire que le cors d'un chef si saint soit adultere, prophane, corrompu? et qu'on ne die pas que ce soit de l'Eglise invisible, car s'il y a point: d'Eglise visible (comme je l'ay monstré cy dessus) [76] Nostre Seigneur en est le chef; oyes saint Pol: Et ipsum dedit caput supra omnem ecclesiam, non sur un'eglise de deux que vous imagines, mais sur tout'Eglise.

  A001000390 

 Mays dites moy, si l'Eglise a en garde les Escritures, pourquoy est ce que Luther les prit et les porta hors d'icelle? et pourquoy est ce que vous ne prenes de ses mains aussy bien les Macabbëes, l'Ecclesiastique et tout le reste comme l'Epistr'aux Hebrieux? car elle proteste d'avoir aussy cherement en garde les uns que les autres.

  A001000401 

 Judas, dict saint Hierosme, pensoit que les miracles quil voyoit partir de la main de Nostre Seigneur fussent operations et illusions diaboliques; je ne sçay si vos ministres pensent ce quilz dient, mays que disent quand on produict les miracles sinon que ce sont sorceleries? les glorieux miracles que Nostre Seigneur faict au Mondevis, au lieu de vous, ouvrir les yeux, qu'en dites vous?.

  A001000403 

 Les Manicheens, dict saint Hierosme, nioient le liberal arbitre: Luther a faict un livre contre le liberal arbitre, quil apelle De servo arbitrio; de Calvin je m'en rapporte a vous.

  A001000406 

 Vigilance (comm'escrit saint Hierosme, 1. Adversus Vigilantium, et 2 epistolis adversus eundem ) nia qu'on deut avoir en honneur les reliques des Saints, que les prieres des Saints fussent profitables, que les prestres deussent vivr'en cælibat, la pauvreté volontaire: que ne nies vous pas de tout cecy?.

  A001000407 

 Voyes vous combien il y a qu'on a condamné vos reformateurs?.

  A001000411 

 6; le second et troysiesme est trop trivial parmi vous pour en dir'autre chose..

  A001000414 

 Voyes vous les moules sur lesquelz vos ministres ont jette et formé leur reformation?.

  A001000415 

 Ah, je vous prie, n'est ce pas fouler aux pieds la majesté de l'Eglise, que de produyre comme reformations et reparations necessaires et saintes, ce qu'ell'a tant abominé lhors qu'elle estoit en ses plus pures annëes, et qu'ell'avoyt terrassé comm'impieté, ruyne et degast de la vraÿe doctrine? L'estomac delicat de ceste celeste Espouse n'avoit pieça peu soustenir la violence de ces venins, et l'avoit rejetté avec tel effort que plusieurs veynes de ses Martirs en estoyent esclattëes, et maintenant vous le luy repræsentes comm'une præcieuse medecine.

  A001000415 

 Imagines vous donques ceste [82] venerabl'antiquité, au ciel au tour du Maistre, qui regardent vos reformatoyres: ilz y sont allés combattans les opinions que les ministres adorent, ilz ont tenuz pour hæretiques ceux dont vous suyves les pas; penses vous que ce quilz ont jugé erreur, hæresie, blaspheme es Arriens, Manicheens, en Judas, ilz le trouvent maintenant sainteté, reformation, restauration? Qui ne voit que c'est icy le plus grand mespris qu'on peut fair'a la majesté de l'Eglise? Si vous voules venir a la succession de la vraye et sainte Eglise de ces premiers siecles, ne contrevenes donq pas a ce qu'ell'a si sollemnellement establi et constitué.

  A001000415 

 Or sus, ceste seul'alliance d'opinions, ou pour mieux dire, cest estroit parantage et consanguinité, que vos premiers maistres avoyent avec les plus cruelz, enviellis et conjurés ennemis de l'Eglise, vous devoyt elle pas destourner de les suyvre et vous renger sous leurs enseignes? Je n'ay cotté pas un'hæresie qui n'ait esté tenue pour telle en l'Eglise que Calvin et Beze confessent avoir esté vraÿe Eglise, a sçavoir, es premiers cinq cens du Christianisme.

  A001000415 

 Personne ne peut estre heritier en partie, et en partie non; acceptes l'heritage resolument: les charges ne sont pas si grandes qu'un peu d'humilité n'en face la rayson, dir'adieu a ses passions et opinions, et passer conte du different que vous aves [avec] l'Eglise; les honneurs sont infinis, d'estr' heritiers de Dieu, cohæritiers de Jesuchrist, en l'heureuse compaignie de tous les Bienheureux.

  A001000425 

 Jamais vous ne trouveres que toutes les parties de quelque notable et grande province se soient employëes a se gouverner soy mesme, mays falloit, faut et faudra que ou un homme seul, ou un seul cors d'hommes residens en quelque lieu, ou une seule ville, ou quelque petite portion d'une province, aye gouverné le reste de la province, si la province estoit grande.

  A001000425 

 Je vous demande, Messieurs les clair voians, qui ne voules pas qu'en l'Eglise il y ait un chef, me sçauries vous donner exemple de quelque gouvernement d'apparence auquel tous les gouvernemens particuliers ne se soyent rapportés a un? Il faut laisser a part les Macedoniens, Babiloniens, Juifz, Medes, Perses, Arabes, Siriens, François, Espagnolz, Anglois, et un'infinité des plus remarquables, esquelles la chose est claire.

  A001000425 

 Mays venons aux republiques: dites moy, ou aves vous veu quelque grande province qui se soit gouvernëe d'elle mesme? jamais.

  A001000425 

 Messieurs qui [85] vous playses es histoires, je suys asseuré de vostre voix, vous ne permettres pas qu'on m'en demente.

  A001000426 

 Or, puysque j'ay suffisamment prouvé quil faut qu'une partie se rapporte a l'autre, je vous demande la partie a laquelle on se doit rapporter.

  A001000426 

 Ou c'est une province, ou une ville, ou un'assemblee, ou un particulier: si c'est une province, ou est elle? ce n'est pas l'Angleterre, car quand ell'estoit Catholique, ou [lui trouvez-vous ce droit? si vous proposez une autre province,] ou sera elle? et pourquoy plustost celle la qu'un'autre? outre ce que pas une province n'a jamais demandé ce privilege.

  A001000433 

 Ce qu'estant ainsy, je vous dis que ce serviteur general, ce dispensateur et gouverneur, ce maistre valet de la maison de Nostre Seigneur, c'est saint Pierre, lequel a rayson de cela peut bien dire: O Domine, quia ego servus; et non pas seulement servus, mais doublement, quia qui bene præsunt duplici honore digni sunt; et non seulement servus tuus, mais encores filius ancillæ tuæ.

  A001000440 

 Vous me dires, ouy, mais Nostre Seigneur n'est pas mort, et d'abondant il est toujours avec son Eglise, pourquoy donques luy bailles vous un vicaire? Je vous respons que n'estant pas mort il n'a poinct de successeur, mais seulement un vicaire, et d'abondant, quil assiste vrayement a son Eglise en tout et par tout de sa faveur invisible, mais, affin de ne faire pas un cors visible sans un chef visible, il luy a encores voulu assister en la personne d'un lieutenant visible, par le moyen duquel, outre les faveurs invisibles, il administre perpetuellement son Eglise en maniere et [forme] convenable a la suavité de sa disposition..

  A001000441 

 Je vous accorde que tant la militante que la triomphante Eglise sont fondëes sur Nostre Seigneur comme sur le fondement principal, mays Isaïe nous prædict qu'en l'Eglise on devoit avoir deux fondements, au chap. 28: Ecce ego ponam in fundamentis Sion lapidem, lapidem probatum, angularem, prætiosum, in fundamento fundatum.

  A001000441 

 Vous me dires encores, quil ni a poinct d'autre fondement que Nostre Seigneur en l'Eglise: Fundamentum aliud nemo potest ponere præter id quod positum est, quod est Christus Jesus.

  A001000443 

 Escoutes saint Mathieu; il dict que Nostre Seigneur y jettera une pierre esprouvëe: quelle preuve voules vous autre que cellela, Quem dicunt homines esse Filium hominis? question difficile, a laquelle saint Pierre, expliquant le secret et ardu mistere de la communication des idiomes, respond si pertinement que rien plus, et faict preuve quil est vrayement pierre, disant, Tu es Christus, Filius Dei vivi..

  A001000450 

 Vous sçaves que tous tant que nous sommes de Catholiques reconnoissons le Pape comme vicaire de Nostre Seigneur: l'Eglise universelle le reconneut dernierement a Trente, quand elle s'addressa a luy pour confirmation de ce qu'elle avoit resolu, et quand elle receut ses deputés comme presidens ordinaires et legitimes du Concile..

  A001000451 

 Je perdrois tems aussi de vous [prouver que vous] n'aves point de chef visible; vous ne le nies pas.

  A001000451 

 Quant a vos evesques ou surveillans, vous ne vous estes pas contentés de les ravaler jusqu'aux rangs des ministres, mais les aves rendus inferieurs, affin de ne laisser rien en sa place.

  A001000451 

 Vous aves un supresme Consistoire, comme ceux de Berne, Geneve, Zurich et les autres, qui ne depend d'aucun autre.

  A001000451 

 Vous estes si esloignés de vouloir reconnoistre un chef universel, que mesme vous n'aves point de chef provincial; les ministres sont autant parmi vous l'un que l'autre, et n'ont aucune prerogative au Consistoire, ains sont inferieurs, et en science et en voix, au president qui n'est pas ministre.

  A001000451 

 [91] Bref, il n'y a aucun chef parmi vous autres es choses spirituelles, ni parmi tout le reste de ceux qui font profession de contredire au Pape..

  A001000464 

 Qu'on coure tout le monde, et par tout on verra mesme foy es Catholiques; que s'il y a quelque diversité d'opinion, ou ce ne seroit pas en chose appartenant a la foy, ou tout incontinent que le Concile general ou le Siege Romain en aura determiné, vous verres chacun se ranger a leur definition.

  A001000464 

 Tous tant qu'il y a de Catholiques en [93] cest aage sont en mesme resolution; nous tenons l'Eglise Romaine pour nostre rendes vous en toutes nos difficultés, nous sommes tous ses humbles enfans et prenons nourriture du lait de ses mammelles, nous sommes tous branches de ceste tige si feconde et ne tirons autre suc de doctrine que de ceste racine.

  A001000465 

 Je diray seulement ce que vous ne pouves pas ignorer, et que je vois maintenant de mes yeux..

  A001000466 

 Il ne s'agit pas icy que les uns les fassent, les autres non, car ce ne seroit pas contrarieté de religion, mays ce que vous et quelques Suisses observes, les autres le condamnent comme contraire a la pureté de religion.

  A001000466 

 Ne sçaves pas qu'a Geneve l'on tient pour superstition de celebrer aucune feste des Saintz? et en Suisse on les fait, et vous en faites une de Nostre Dame.

  A001000466 

 Ne sçaves pas que l'un de vos plus grans ministres dict a Poissy que le Cors de Nostre Seigneur estoit « aussi loin de la cene que la terre du ciel »? et ne sçaves pas encores que cela est tenu pour faux par plusieurs des autres? l'un de vos maistres n'a il pas confessé dernierement la realité du Cors de Nostre Seigneur en la cene, et les autres la nient ilz pas? Me pourres vous nier, qu'au fait de la [95] justification vous soyes autant divisés entre vous autres comme vous Testes d'avec nous? tesmoin l' Anonyme disputateur.

  A001000466 

 Vous n'aves pas un mesme canon des Escritures; Luther n'y veut pas l'Epistre de saint Jaques, que vous receves.

  A001000467 

 Certes, la division qui est entre vous au nombre des Sacremens [est remarquable]: maintenant, communement, parmi vous on ne met que deux Sacremens; Calvin en a mis trois, adjoustant au baptesme et cene, l'ordre; Luther y met la penitence pour troisiesme puys dit qu'il n'y en a qu'un; en fin les protestans au colloque de Ratisbonne, auquel se trouva Calvin, tesmoin Beze en sa Vie, confesserent qu'il [y] avoit sept Sacremens.

  A001000467 

 En l'article de la toute puissance de Dieu, comment est ce que vous y estes divisés? pendant que les uns nient qu'un cors puisse estre, voire par la vertu divine, en deux lieux, les autres nient toute puissance absolue, les autres ne nient rien de tout cela.

  A001000467 

 L'Escriture ne peut estre vostre arbitre, car c'est de l'Escriture mesme dequoy vous estes en proces, voulans les uns l'entendre d'une façon, les autres de l'autre.

  A001000467 

 Mays le pis est que vous ne vous sçauries accorder; car, ou prendres vous un arbitre asseuré? Vous n'aves point de chef en terre pour vous addresser a luy en vos difficultés; vous croyes que l'Eglise mesme peut s'abuser et abuser les autres; vous ne voudries mettre vostre ame en main si peu asseuree, ou vous n'en tenes pas grand conte.

  A001000467 

 Que si je voulois vous monstrer les grandes contrarietés qui sont en la doctrine de ceux que de Beze reconnoit tous pour glorieux reformateurs de l'Eglise, a sçavoir, Hierosme de Prague, Jehan Hus, Wiclef, Luther, Bucer, Œcolampade, Zuingle, Pomeran et les autres, je n'aurois [96] jamais faict: Luther seul vous instruira asses de la bonne concorde qui est entre eux, en la lamentation qu'il faict contre les Zuingliens et Sacramentaires, qu'il appelle Absalons, et Judas, et espritz svermeriques, l'an mil cinq cens vingt sept.

  A001000467 

 Toute ceste division a son fondement au mespris que vous faites d'un chef visible en terre, car, n'estans point liés pour l'interpretation de la Parole de Dieu a aucune superieure authorité, chacun prend le parti que bon luy semble: c'est ce que dit le Sage, que les superbes sont tousjours en dissention, qui est une marque de vraye heresie.

  A001000467 

 Vos discordes et disputes sont immortelles si vous ne vous ranges a l'authorité de l'Eglise: tesmoin les colloques de Lunebourg, de Mulbrun, de Mombeliard, et celuy de Berne dernierement; tesmoin Tilmann Heshusius et Eraste, tesmoin Brence et Bulinger.

  A001000468 

 Ceste unité de langage est en nous un vray signe que nous sommes l'armee du Seigneur, et vous ne pouves estre reconneus que pour Madianites, qui ne faites en vos opinions que criailler et hurler chacun a sa mode, chamailler les uns sur les autres, vous entr'esgorgeans et [97] massacrans vous mesmes par vos dissentions, ainsy que dict Dieu par Isaïe: Les Egyptiens choqueront contre les Egyptiens, et l'esprit d'Egypte se rompra: et saint Augustin dict que « comme Donatus avoit tasché de diviser Christ, ainsy luy mesme par une journelle separation des siens estoit divisé en luy mesme.

  A001000468 

 Mays quant a nous autres, nous avons tous un mesme canon des Escritures, et un mesme chef, et pareille regle pour les entendre; vous aves diversité de canon, et en l'intelligence vous aves autant de testes et de regles que vous estes de personnes.

  A001000468 

 » Ceste seule Marque vous doit faire quitter vostre pretendue eglise, car, qui n'est avec Dieu est contre Dieu; Dieu n'est point en vostre eglise, car il n'habite point qu'en lieu de paix, et en vostre eglise il n'y a ni paix ni concorde..

  A001000481 

 Considerons, je vous prie, de pres ses paroles.

  A001000482 

 Or sus, l'Eglise doit elle pas tousjours combattre l'infidelité? et pourquoy donques luy voudries vous oster ce bon baston que Dieu luy a mis en main? Je sçay bien qu'elle n'en a pas tant de necessité qu'au commencement; apres que la sainte plante de la foy a prins bonne racine on ne la doit pas si souvent arrouser; mais aussi, vouloir lever en tout l'effect, la necessité et cause demeurant en bonne partie, c'est tres mal philosopher..

  A001000483 

 Au tems des Apostres [100] se firent infinis miracles, vous le sçaves bien; apres ce tems la, qui ne sçait le miracle recité par Marc Aurele Anthonin, faict par les prieres de la legion des soldatz Chrestiens qui estoyent en son armee, laquelle pour cela fut appellee Fulminante? Qui ne sçait les miracles de saint Gregoire Thaumaturge, saint Martin, saint Anthoyne, saint Nicolas, saint Hilarion, et les merveilles [qui arrivèrent] aux Theodose et Constantin? dequoy les autheurs sont irréprochables, Eusebe, Rufin, saint Hierosme, Basile, Sulpice, Athanase.

  A001000483 

 Outre cela, je vous prie, monstres moy quelque saison en laquelle l'Eglise visible aye esté sans miracles, des qu'elle commença jusqu'a present.

  A001000483 

 Pourquoy voules vous, donques, que la mesme Eglise cesse maintenant d'avoir des miracles? quelle rayson y auroit il? Pour vray, ce que nous avons tousjours veu, en toutes sortes de saisons, accompagner l'Eglise, nous ne pouvons que nous ne l'appellions proprieté de l'Eglise: la vraye Eglise donques faict paroistre sa sainteté par miracles.

  A001000489 

 Icy maintenant je desire que vous vous monstries raysonnables, sans chicaneries et opiniastreté.

  A001000490 

 Oseries vous nier l'apparition de la Croix faicte au vaillant et catholique capitaine Albuquerque et a toutes siennes gens, en Camarane, que tant d'historiens escrivent, et a laquelle tant de gens avoyent eu part?.

  A001000494 

 Cela l'appelles vous pas miracle? Je parle de chose voisine, j'ay leu l'acte public, j'ay parlé au notaire qui l'a receu et expedié, bien et deüement signé, Vion; il n'y manqua pas de tesmoins, car il y avoit du peuple a milliades.

  A001000494 

 Mays que m'arreste je faire a vous produire les miracles de nostre aage? saint Malachie, saint Bernard et saint François estoyent ilz pas de nostre Eglise? vous ne le sçauries nier; ceux qui ont escrit leurs vies sont tres saintz et doctes, car mesme saint Bernard a escrit celle de saint Malachie, et saint Bonaventure celle de saint François, auxquelz ni la suffisance ni la conscience ne manquoyent point, et neantmoins ilz y racontent plusieurs grans miracles: mays sur tout les merveilles qui se font maintenant, a nos portes, a la veüe de nos Princes et de toute nostre Savoye, pres de Mondevis, devroyent fermer la porte a toutes opiniastretés..

  A001000495 

 Or sus, que dires vous a cecy? dires vous que l'Antichrist fera des miracles? Saint Pol atteste qu'ilz seront faux, et pour le plus grand que saint Jan produit, c'est qu'il fera descendre le feu du ciel.

  A001000497 

 Vous diries volontiers que les Donatistes ont faict miracles, au rapport de saint Augustin; mais ce n'estoyent que certaines visions et revelations, desquelles ilz se vantoyent sans aucun tesmoignage: certes, l'Eglise ne peut estre prouvee vraye par ces visions particulieres; au contraire, ces visions ne peuvent estre prouvees ou tenues pour vrayes sinon par le tesmoignage de l'Eglise, [104] dict le mesme saint Augustin.

  A001000499 

 Il est aysé aux apprentifz d'un mestier de s'equivoquer en leur premier essay; on faict souvent courir certains bruitz parmi vous pour entretenir le simple peuple en haleyne, mais n'ayans point d'autheur ne doivent avoir point d'authorité: outre ce que, au chassement du diable, il ne faut tant regarder ce qui se faict, comme il faut considerer la façon et la forme comme on le faict; si c'est par oraisons legitimes et invocations du nom de Jesus Christ.

  A001000499 

 Vous me confesseres que ce n'est pas de vostre mestier de faire des miracles, ni de chasser les diables; une fois il reussit mal a l'un de vos grans maistres qui s'en vouloit mesler, ce dict Bolsec: Illi de mortuis vivos suscitabant, ce dict Tertullien, [105] isti de vivis mortuos faciunt.

  A001000500 

 Aussi ne vous en demande je point; seulement je vous prie que vous confessies franchement que vous n'aves pas faict vostre apprentissage avec les Apostres, Disciples, Martyrs et Confesseurs, qui ont esté maistres du mestier..

  A001000500 

 Toute la responce que j'ay veüe chez vous, en ceste extreme necessité, c'est qu'on vous faict tort de vous demander des miracles: aussi faict on, je vous promets; c'est se mocquer de vous, comme qui demanderoit a un mareschal qu'il mist en œuvre une emeraude ou diamant.

  A001000501 

 Au bout de la, la doctrine que vous presches n'a jamais esté annoncee, en gros, en detail; vos predecesseurs heretiques l'ont preschee, auxquelz vous vous accordes avec chacun en quelque point et avec nul en tous, ce que je feray voir cy apres.

  A001000501 

 Mays quand vous dites que vous n'aves besoin de miracles parce que vous ne voules establir une foy nouvelle, dites moy donq encores si saint Augustin, saint Hierosme, saint Gregoire, saint Ambroise et les autres preschoyent une nouvelle doctrine, et pourquoy donq se faisoit il tant de miracles et si signalés comme ilz produisent? Certes, l'Evangile estoit mieux receu au monde qu'il n'est maintenant, il y avoit de plus excellens pasteurs, plusieurs martyres et miracles avoyent precedé, mays l'Eglise ne laissoit pas d'avoir encores ce don des miracles, pour un plus grand lustre de la tres [106] sainte Religion.

  A001000501 

 Vostre eglise ou estoit elle, il y a 80 ans? elle ne faict que d'esclore, et vous l'appelles vielle..

  A001000502 

 Dites ce que bon vous semblera, mais en ce tems la elle avoit le caractere des miracles; monstres le nous maintenant, car, si vous ne nous monstres bien particulierement l'inscription et l'image du Roy en vostre monnoye, et nous la vous monstrons en la nostre, la nostre passera comme loyale et franche, la vostre, comme courte et rognee, sera renvoyee au billon.

  A001000502 

 Elle tomba, ce dites vous, au tems de saint Gregoire ou peu apres.

  A001000502 

 Ha, ce dites vous, nous n'avons point faict nouvelle eglise, nous avons frotté et espuré ceste vielle monnoye, laquelle, ayant long tems demeuré couverte es masures, s'estoit toute noircie, et souïllee de crasse et moisi.

  A001000502 

 Mais ne nous arrestons pas icy: aves vous espuré ceste Eglise? aves vous nettoyé ceste monnoye? monstres nous, donques, les caracteres qu'elle avoit quand vous dites qu'elle cheut en terre, et qu'elle commença a se rouiller.

  A001000502 

 Ne dites plus cela, je vous prie, [que] vous aves le metail et calibre; la foy, les Sacremens, sont ce pas des ingrediens necessaires pour la composition de l'Eglise? et vous aves tout changé, et de l'un et de l'autre; vous estes donques faux monnoyeurs, si vous ne monstres le pouvoir que vous pretendes de battre sur le coin du Roy telz calibres.

  A001000502 

 Que si vous voulies dire qu'alhors elle estoit plus nouvelle que maintenant, je vous respondrois, qu'une si notable interruption comme est celle que vous pretendes, de 900 ou mille ans, rend ceste monnoye si estrange que si on n'y voit en grosses lettres les caracteres ordinaires, l'inscription et l'image, nous ne la recevrons jamais.

  A001000502 

 Si vous nous voules representer l'Eglise en la forme qu'elle avoit au tems [107] de saint Augustin, monstres la nous non seulement bien disante mais bien faisante en miracles et saintes operations, comme elle estoit alhors.

  A001000509 

 L'Ange dict, en l'Apocalipse, que le tesmoignage de Nostre Seigneur c'est l'esprit de prophetie: or, ce tesmoignage de l'assistance de Nostre Seigneur n'est pas seulement donné pour les infidelles, mais principalement pour les fidelles, ce dict saint Pol; comme donques diries vous que Nostre Seigneur l'ayant donné une fois a son Eglise il le luy leva par apres? le principal sujet pour lequel il luy a esté concedé y est encores, donques la concession dure tousjours.

  A001000516 

 Ores, ou sont vos prophetes? et si vous n'en aves point, croyes que vous n'estes pas du cors pour l'edification duquel Nostre Seigneur [les] a laissés, au dire de saint Pol; aussi, Le tesmoignage de Nostre Seigneur c'est l'esprit de prophetie.

  A001000522 

 Saint Pierre nous invite avec son exemple et de ses compaignons: Voici, nous avons tout laissé et t'avons suivi; Nostre Seigneur recharge avec ceste solemnelle promesse: Vous qui m'aves suivi seres assis sur douze chaires, jugeans les douze tribus d'Israël, et quicomque laissera sa mayson, ou ses freres, ou ses sœurs, ou son pere, ou sa mere, ou sa femme, ou ses enfans, ou ses champs, pour mon nom, il en recevra le centuple, et possedera la vie eternelle.

  A001000523 

 Au reste, je dis cecy pour vostre prouffit; non pour vous mettre des laqs, mais [pour] ce qui est honneste, et qui vous facilite le moyen de servir Dieu sans empeschemens.

  A001000524 

 Je suis entre vous comme celuy qui sert.

  A001000525 

 Saint Pol le monstre plus clairement: Hoc, ce dit il, ad utilitatem vestram dico: Je dis cecy pour vostre prouffit; non pour vous dresser des pieges et laqs, mais pour vous inciter a ce qui est honneste, et qui vous donne aysance et facilité de servir Dieu et l'honnorer sans empeschement.

  A001000535 

 Je ne doute point que si vous avies hanté les congregations des Chartreux, Camaldulenses, Celestins, Minimes, Capucins, Jesuites, Theatins, et autres en grand nombre esquelles fleurit la discipline religieuse, vous ne fussies en doute si vous les devries appeller anges terrestres ou hommes celestes, et ne sçauries quoy plus admirer, ou en une si grande jeunesse une si parfaicte chasteté, ou parmi tant de doctrine une si profonde humilité, ou entre tant de [118] diversité une si grande fraternité; et tous, comme celestes abeilles, menagent en l'Eglise et y brassent le miel de l'Evangile avec le reste du Christianisme, qui par predications, qui par compositions, qui par meditations et oraisons, qui par leçons et disputes, qui par le soin des malades, qui par l'administration des Sacremens sous l'authorité des pasteurs..

  A001000537 

 Que si, au lieu de faire vostre prouffit de ces exemples et conforter vos cerveaux a la suavité d'un si saint parfum, vous tournes les yeux devers certains lieux ou la discipline monastique est du tout abolie, et n'y a plus rien d'entier que l'habit, vous me contraindres de dire que vous cherches les cloaques et voiries, non les jardins et vergers.

  A001000537 

 Que voules vous? le Maistre y avoit semé la bonne semence, mais l'ennemy y a sursemé la zizanie; cependant l'Eglise, au Concile de Trente, y avoit mis bon ordre, mais il est mesprisé par ceux qui le devoient mettre en execution, et tant s'en faut que les docteurs Catholiques consentent a ce malheur, qu'ilz tiennent estre grand peché d'entrer en ces monasteres ainsy desbordés.

  A001000538 

 Au moins, ne m'en sçauries vous monstrer aucun essay ni bonne volonté parmi vous autres, ou jusques aux ministres chacun se marie, chacun trafique pour assembler des richesses, personne ne reconnoist autre superieur que celuy que la force luy faict advoüer; signe evident que ceste pretendue eglise n'est pas celle pour laquelle Nostre Seigneur a presché, et tracé le tableau de tant de beaux exemples: car, si chacun se marie, que deviendra l'advis de saint Pol, Bonum est homini mulierem non tangere? si chacun court a l'argent et aux possessions, a qui s'addressera la parole de Nostre Seigneur, Nolite thesaurizare vobis thesauros in terra, et l'autre, Vade, vende omnia, da pauperibus? si chacun veut gouverner a son tour, ou se trouvera la prattique de ceste si solemnelle sentence, Qui [120] vult venire post me abneget semetipsum? Si donq vostre eglise se met en comparaison avec la nostre, la nostre sera la vraye Espouse, qui prattique toutes les paroles de son Espoux, et ne laisse pas un talent de l'Escriture inutile; la vostre sera fause, qui n'escoute pas la voix de l'Espoux, ains la mesprise: car il n'est pas raisonnable que, pour tenir la vostre en credit, on rende vaine la moindre syllabe de l'Escriture, laquelle, ne s'addressant qu'a la vraye Eglise, seroit vaine et inutile si en la vraye Eglise on n'employoit toutes ses pieces..

  A001000546 

 Je sçai bien que parmi vous vos eglises s'appellent reformees, mais autant ont de droit sur ce nom les lutheriens, ubiquitistes, anabaptistes, trinitaires et autres engences de Luther, et ne le vous quitteront jamais.

  A001000546 

 Mais je ne puis que je ne vous die ce que de Beze, Luther et Pierre Martyr en entendent: Pierre Martyr appelle les lutheriens, lutheriens, et dict que vous estes freres avec eux, vous estes donques lutheriens; Luther vous appelle svermeriques et sacramentaires; de Beze appelle les lutheriens, consubstantiateurs et chimiques, et neantmoins les met au nombre des eglises reformees.

  A001000546 

 Mays quant a vostre eglise, on l'appelle par tout huguenote, calvinique, zuinglienne, heretique, pretendue, protestante, nouvelle ou sacramentaire; vostre eglise n'estoit point devant ces noms, ni ces noms devant vostre eglise, parce qu'ilz luy sont propres: personne [121] ne vous appelle Catholiques, vous ne l'oses pas quasi faire vous mesmes.

  A001000546 

 Voyla donques les noms nouveaux que ces reformateurs advoüent les uns pour les autres; vostre eglise, donques, n'ayant pas seulement le nom de Catholique, vous ne pouves dire en bonne conscience le Symbole des Apostres, ou vous vous juges vous mesmes, qui, confessans l'Eglise Catholique et universelle, persistes en la vostre qui ne l'est pas.

  A001000558 

 Dites nous maintenant, je vous prie, cottes le tems et le lieu ou premierement nostre Eglise comparut des [123] l'Evangile, l'autheur et le docteur qui la convoqua: j'useray des mesmes paroles d'un Docteur et Martyr de nostre aage, dignes d'estre bien pesees.

  A001000558 

 Je fais sans cesse memoire de vous.

  A001000558 

 Je sçay que, venant a vous, j'y viendray en abondance de la benediction de Jesus Christ.

  A001000558 

 Toutes les eglises en Jesus Christ vous saluent.

  A001000558 

 « Vous nous confesses, et n'oseries faire autrement, que pour un tems l'Eglise Romaine fut Sainte, Catholique, Apostolique: lhors qu'elle merita ces saintes loüanges de l'Apostre: Vostre foy est annoncee par tout le monde.

  A001000559 

 Je vous prie, Messieurs, si vous sçaves quand nostre Eglise commença l'erreur pretendu, dites le nous franchement, car c'est chose certaine que, comme dict saint Hierosme, Hæreses ad originem revocasse, refutasse est.

  A001000560 

 Nous n'avons pas besoin contre vous, en ce point, d'autres tesmoins que des yeux de nos peres et ayeux, pour dire quand vostre eglise commença.

  A001000560 

 Que si vous la voules faire plus ancienne, dites ou elle estoit avant ce tems la: ne dites pas qu'elle estoit mais invisible, car, si on ne la voyoit point qui peut [savoir] qu'elle ait esté? puys Luther vous contredit qui confesse qu'au commencement il estoit tout seul..

  A001000560 

 Voules vous que je cotte par le menu comment, par quelz succes et actions, par quelles forces et violences, ceste reformation s'empara de Berne, Geneve, Lausanne et autres villes? quelz troubles et lamentations elle a engendrés? vous ne prendries pas playsir a ce recit, nous le voyons, nous le sentons: en un mot, vostre eglise n'a pas 80 ans, son autheur est Calvin, ses effectz, le malheur de nostre aage.

  A001000568 

 Ignores vous que Nostre Seigneur se soit acquis l'Eglise en son sang? et qui pourra la luy lever, et oster d'entre ses mains? Peut estre dires vous qu'il peut [126] la garder mais qu'il ne veut; c'est donq sa providence que vous accuses..

  A001000568 

 Ne sçait on pas la parole de Nostre Seigneur: Si je suis une fois eslevè de terre j'attireray toutes choses a moy? a il pas esté levé en croix? et comme donques auroit il laissé aller l'Eglise qu'il avoit attiree, a vau de route? comme auroit il lasché ceste prise qui luy avoit costé si cher? Le diable, prince du monde, avoit il esté chassé avec le saint baston de la Croix pour un tems de trois ou quatre cens ans, pour par apres revenir maistriser mille ans? voules vous evacuer en ceste sorte la force de la Croix? voules vous si iniquement partager Nostre Seigneur, et mettre une alternative entre luy et le diable? Pour vray, quand un fort et puissant guerrier garde sa forteresse tout y est en paix, que si un plus fort survient et le surmonte, il luy leve les armes et le despouille.

  A001000569 

 La consommation des saintz estoit elle ja faicte il y a onze cens ans? l'edification du cors mistique de Nostre Seigneur, qui est l'Eglise, avoit elle esté parachevee? Ou cesses de vous appeller edificateurs, ou dites que non; et si elle n'avoit esté achevee, pourquoy faites vous ce tort a la bonté de Dieu, que dire qu'il ayt osté et levé aux hommes ce qu'il leur avoit donné? Les dons et graces de Dieu sont sans penitence, c'est a dire, il ne les donne pas pour oster.

  A001000569 

 Sa divine providence conserve perpetuellement la generation du moindre oysillon du monde, comment, je vous prie, eust il abandonné l'Eglise qui luy coste tout son sang et tant de peynes et travaux? Dieu tira l'Israël de l'Egypte, des desers, de la mer Rouge, des calamités et captivités, comment croirons nous qu'il ayt laissé le Christianisme en l'incredulité? s'il a tant aymé son Agar, comme mesprisera il Sara?.

  A001000571 

 N'est ce pas Nostre Seigneur qui, parlant de l'Eglise, a dict que les portes d'enfer ne prevaudront point contre elle, et qui promit a ses Apostres, pour eux et leurs successeurs, Voyci que je suis avec vous jusques [127] a la consommation du siecle? Si ce conseil, dict Gamaliel, ou ceste œuvre est des hommes elle se dissipera, mays si elle est de Dieu vous ne sçauries la dissoudre: l'Eglise est œuvre de Dieu, qui donques la dissipera? Laisses la ces aveugles, car toute plante que le Pere celeste n'a pas plantee sera arrachee, mays l'Eglise a esté plantee de Dieu et ne peut estre arrachee..

  A001000575 

 « Que nous dites vous de nouveau? » dict saint Augustin, « faudra il encores une fois semer la bonne semence, puysque des qu'elle est semee elle croist jusqu'a la moisson? Que si vous dites que celle que les Apostres avoyent semee est par tout perdue, nous vous respondrons, lises nous cecy es Saintes Escritures, et vous ne le lires jamais que vous ne rendies faux ce qui est escrit, que la semence qui fut semee au commencement croistroit jusqu'au tems de moissonner.

  A001000585 

 Je vous diray, comme j'ay dict cy dessus, montres moy une dizaine d'annees, des que Nostre Seigneur est monté au ciel, en laquelle nostre Eglise n'ayt esté: ce qui vous garde de sçavoir dire quand nostre Eglise a commencé, c'est parce qu'elle a tousjours duré.

  A001000585 

 Que s'il vous plaisoit vous esclaircir a la bonne foy de cecy, Sanderus, en sa Visible Monarchie, et Gilbert Genebrard, en sa Chronologie, vous fourniroient asses de lumiere, et sur tous le docte Cesar Baron, en ses Annales.

  A001000585 

 Que si vous ne voules pas de premier abord abandonner les livres de vos maistres, et n'aves point [130] les yeux sillés d'une trop excessive passion, si vous regardes de pres les Centuries de Magdebourg, vous n'y verres autre par tout que les actions des Catholiques; car, dict tres bien un docte de nostre aage, « s'ilz ne les y eussent recueillies ilz eussent laissé mille et cinq cens ans sans histoire.

  A001000586 

 Or, quant a vostre eglise, supposons ce gros mensonge pour verité, qu'elle ayt esté du tems des Apostres, si ne sera elle pas pourtant l'Eglise Catholique: car, la Catholique doit estre universelle en tems, elle doit donques tousjours durer; mais dites moy ou estoit vostre eglise il y a cent, deux cens, trois cens ans, et vous ne le sçauries faire, car elle n'estoit point; elle n'est donques pas la vraye Eglise.

  A001000591 

 Je me contenteray de vous mettre en teste deux des plus grans Docteurs qui furent onques.

  A001000591 

 Qui d'entre vous connoit l'Olimpe? personne, certes, ne plus ne moins que les habitateurs d'iceluy ne sçavent que c'est de nostre mont Chidabbe; ces montz sont retirés en certains quartiers, mays le mont d'Isaïe n'est pas de mesme, car il a rempli toute la face de la terre.

  A001000591 

 Qui se perd et s'esgare de ce mont? qui choque et se casse la teste en iceluy? qui ignore la cité mise sur le mont? mays non, ne vous esmerveilles pas qu'il soit inconneu a ceux cy qui haïssent les freres, qui haïssent l'Eglise, car, par ce, vont ilz en tenebres et ne sçavent ou ilz vont, ilz se sont separés du reste de l'univers, ilz sont aveugles de mal talent »: c'est saint Augustin qui a parlé..

  A001000592 

 Ou sont, je vous prie, ces gens trop religieux, ains plustost trop prophanes, qui [133] font plus de sinagogues que d'eglises? comme seront destruittes les cités du diable, et les idoles comme seront ilz abattus? Si Nostre Seigneur n'a point eu d'Eglise, ou s'il l'a eue en la seule Sardigne, certes il est trop appauvri.

  A001000593 

 Et que diroit ce grand personnage s'il vivoit maintenant? N'est ce pas bien avilir le trophee de Nostre Seigneur? le Pere celeste, pour la grande humiliation et aneantissement que son Filz subit en l'arbre de la Croix, avoit rendu son nom si glorieux que tous genoux se devoient plier en la reverence d'iceluy, et parce qu'il avoit livré sa vie a la mort, estant mis au rang des meschans et voleurs, il avoit en heritage beaucoup de gens; mays ceux cy ne prisent pas tant les passions du Crucifix, levans de sa portion les generations de mille annees, si que a peyne durant ce tems il ait eu quelques serviteurs secretz, qui en fin ne seront qu'hypocrites et meschans; car je m'addresse a vous, o devanciers, qui porties le nom de Chrestiens, et qui aves esté en la vraye Eglise: ou vous avies la foy, ou vous ne l'avies pas; si vous ne l'avies pas, o miserables, vous estes damnés, et si vous l'avies, que n'en laissies vous des memoires, que ne vous opposies vous a l'impieté? Ne sçavies vous que Dieu a recommandé le prochain a un chacun? et qu' on croit de cœur pour la justice, mays qui veut obtenir salut il faut faire la confession de foy? et comme pouvies vous dire, J'ay creu, et partant j'ay parlé? Vous estes encores miserables, qui ayant un si beau talent l'aves caché en terre.

  A001000593 

 Mays si, au contraire, o Calvin et Luther, la vraye foy a tousjours esté publiee par l'antiquité, vous estes miserables vous mesmes qui, pour trouver quelque excuse a vos fantasies, accuses tous les Anciens ou d'impieté s'ilz ont mal creu, ou de lascheté s'ilz se sont teuz.

  A001000607 

 Saint Bernard en dict autant de son tems; et vous sçaves bien ce qui en estoit au tems de Godefroy de Bouillon.

  A001000607 

 car vous voyes bien qu'il parle de l'Eglise qui reconnoissoit le Pape de Rome pour chef.

  A001000608 

 Au contraire, Messieurs, les pretendus ne passent point les Alpes de nostre costé ni les Pyrenees du costé d'Espagne, la Grece ne vous connoist point, les autres trois parties du monde ne sçavent qui vous estes, et n'ont jamais ouÿ parler de Chrestiens sans sacrifice, sans autel, sans sacerdoce, sans chef, sans Croix, comme vous estes; en Allemagne, vos compaignons lutheriens, brensiens, anabaptistes, trinitaires, rognent vostre portion, en Angleterre, les puritains, en France, les libertins: [136] comme donques oses vous plus vous opiniastrer de demeurer ainsy a part du reste de tout le monde a guise des Luciferiens et Donatistes? Je vous diray, comme disoit saint Augustin a l'un de vos semblables, daignes, je vous prie, nous instruire sur ce point, comme il se peut faire que Nostre Seigneur ayt perdu son Eglise par tout le monde, et qu'il ayt commencé de n'en avoir qu'en vous seulement.

  A001000608 

 Aussi ne seres vous jamais, si vous ne vous ranges a l'obeissance de la Catholique, vous ne seres jamais, dis je, avec ceux qui chanteront: Redemisti nos in sanguine tuo, ex omni tribu, et lingua, et populo, et natione, et fecisti nos Deo nostro regnum..

  A001000608 

 Certes, vous appauvrisses trop Nostre Seigneur, dict saint Hierosme.

  A001000608 

 Que si vous dites que vostre eglise a desja esté catholique au tems des Apostres, monstres donques qu'elle estoit en ce tems la, car toutes les sectes en diront de mesme; comme enteres vous ce petit bourgeon de religion pretendue sur ce saint et ancien tige? faites que vostre eglise touche par une continuation perpetuelle l'Eglise primitive, car si elles ne se touchent, comment tireront elles le suc l'une de l'autre? ce que vous ne feres jamais.

  A001000614 

 Mays ce seroit parler a l'adventure; car, si les Augustin, Chrysostome, Ambroise, Cyprien, Gregoire, et ceste grande trouppe d'excellens pasteurs, n'ont sceu si bien faire que l'Eglise n'ayt donné du nez en terre bien tost apres, comme [disent] Calvin, [137] Luther et les autres, quelle apparence y a il qu'elle se fortifie maintenant sous la charge de vos ministres, lesquelz ni en sainteté ni en doctrine ne sont comparables avec ceux la? Si l'Eglise en son printems, esté et automne n'a point fructifié, comme voules vous qu'en son hiver l'on en recueille des fruictz? si en son adolescence elle n'a cheminé, ou voules vous qu'elle coure maintenant en sa viellesse?.

  A001000614 

 Peut estre dires vous, a la fin, que cy apres vostre Eglise estendra ses ailes, et se fera catholique par la succession du tems.

  A001000622 

 Quelle merveille donques si vostre prédication est sterile? vous n'aves que l'escorce sans le suc, comme voules vous qu'elle germe? vous n'aves que le fourreau sans espee, la lettre sans l'intelligence, ce n'est pas merveille si vous ne pouves dompter l'idolatrie »: ainsy saint Pol, parlant de ceux qui se separent de l'Eglise, il proteste sed ultra non proficient.

  A001000622 

 Si donques vostre eglise ne se peut en aucune façon dire catholique jusques a present, moins deves vous esperer qu'elle le soit cy apres; puysque sa predication est si flaque, et que ses prescheurs n'ont jamais entrepris, comme dict Tertullien, la charge ou commission ethnicos convertendi, mays seulement nostros evertendi.

  A001000650 

 C'est icy ou je vous apelle au nom de Dieu tout puyssant, et vous somme de sa part de juger justement.

  A001000650 

 Or, j'entreprens icy de monstrer, clair comme le beau jour, que vos reformateurs ont violé et forcé toutes ces Regles (et il suffiroit de monstrer quilz en ont violé l'une, puysqu'elles s'entretiennent tellement que qui en viole l'une viole toutes les autres); affin que, comme vous aves veu en la premiere Partie qu'ilz vous ont levés du giron de la vraye Eglise par schisme, vous connoissies en ceste seconde Partie quilz vous ont osté la lumiere de la vraye foy par l'heresie, pour vous tirer a la suitte de leurs illusions.

  A001000660 

 Nous avons donques en l'Eglise des Regles tres certaines pour connoistre la doctrine fause d'avec la vraye, et pour establir nostre foi; et c'est icy ou je vous appelle et vous prie de juger justement: car je me prometz de vous monstrer tresclairement, que Calvin et tous vos ministres ont violé en leur doctrine toutes les Regles de la vraye foi et de la predication Chrestienne; affin que, comme vous aves veu quilz vous ont levé du giron de la vraÿe Eglise, vous voyes encores quilz vous ont osté la lumiere de la vraye foi, pour vous faire suivre les illusions de leurs nouveautés..

  A001000688 

 Les promesses ont esté dittes a Abraham, dict saint Pol, et a sa semence; il n'est pas dict, et ses semences, comme en plusieurs, mais comm'en une, et a ta semence, qui est Christ: voyes, je vous prie, combien la variation du singulier au plurier eust gasté le sens misterieux de ceste parole.

  A001000697 

 Nostre S r met en conte jusques au moindr'accent, au moindr'iota de l'Escriture, combien donques punira il ceux qui violeront leur integrité? Mes freres, dict S t Pol, je parle selon l'homme, mays personne ne mesprise le testament confirmé d'un homme, ni n'ordonne outre cela; et pour monstrer combien il importe de laisser l'Escritur'en sa naiveté, il met un exemple: Abrahæ dictæ sunt promissiones et semini ejus; non dicit, et seminibus, quasi in multis, sed quasi in uno, et semini tuo, qui est Christus: voyes vous, je vous prie, la variation du singulier au plurier combien ell'eust gasté le sens? Les Ephrateens disoyent sibollet, et n'oublioient pas une seule lettre, mays par ce quilz ne le prononçoyent pas asses grassement, les Galaadites les egorgeoyent sur le quai du Jordain.

  A001000706 

 A peu que je n'ay oublié de dire, vous ne deves point entrer en scrupule sur ce que je viens de deduyre, encor que Baruch ne soyt pas nommément cotté au Concile de Carthage, mais seulement en celuy de Florence et de Trente; car, d'autant que Baruch estoit secretaire de Jeremie, on mettoit en conte parmi les [157] Anciens le Livre de Baruch comm'un accessoire ou appendice de Jeremie, le comprenant sous iceluy, ainsy que cest excellent theologien Belarmin le prouve en ses Controverses.

  A001000724 

 Ainsy vous diray je de l'Ecclesiastique, que saint Hierosme a eu et trouvé en Hebreu, comme il dict en sa preface sur les Livres de Salomon.

  A001000724 

 Et quand a la premiere: estes vous d'avis de ne recevoir pas ces Livres par ce quilz ne se trouvent pas en Hebreu ou Caldee? receves donques Tobie, car saint Hierosme atteste quil l'a traduit de Caldee en Latin, en l'epistre que vous cités vous mesme, qui me fait croire que vous n'estes guere gens a la bonne foy; et Judith, pourquoy non? qui a aussi bien esté escrit en Caldee, comme dict le mesme saint Hierosme, au Prologue; et si saint Hierosme dict quil n'a peu trouver le 2.

  A001000724 

 Mays parlons maintenant pour les autres Livres, qui sont escritz en autre langage que celuy que vous voules.

  A001000724 

 Ou trouves vous que la regle de bien recevoir les Saintes Escritures soyt, qu'elles soyent escrittes en ces langages la plustost qu'en Grec ou Latin? vous dittes quil ne faut rien recevoir en matiere de religion que ce qui est escrit, et apportes en vostre belle prefacé le dire des jurisconsultes: Erubescimus sine lege loqui; vous semble il pas que la dispute qui se faict sur la validité ou invalidité des Escritures soyt une des plus importantes en matiere de religion? sus donques, ou demeurés honteux, ou produises la Sainte Escriture pour la negative que vous soustenés: certes, le Saint Esprit se declaire aussi bien en Grec qu'en Caldee..

  A001000724 

 Puys donques que vous rejettes esgalement ces Livres escritz en Hebreu et Caldee avec les autres qui ne sont pas escritz en mesme langage, il vous faut chercher un autre prætexte que celuy que vous aves allegué, pour racler ces Livres du canon: quand vous dittes que vous les rejettes par ce quilz ne sont escritz ni en Hebreu ni en Caldee, ce n'est pas cela, car vous ne rejetteries pas, [160] a ce conte, Tobie, Judith, le premier des Machabees, l'Ecclesiastique, qui sont escritz ou en Hebreu ou en Caldee.

  A001000725 

 Est ce cela qui vous fasche? Mais pour Dieu, dittes moy, qui vous a dict quilz sont perduz, corrompuz ou alterés, pour avoir besoin de restitution? Vous præsupposes peut estre que ceux qui les auront traduitz sur l'originaire auront mal traduit, et vous voudries avoir l'original pour les collationner et les juger.

  A001000725 

 Laissés vous donq entendre, et dittes quilz sont apocriphes par ce que vous n'en pouves pas estre vous mesme le traducteur sur l'original, et que vous ne vous pouves fier au jugement du traducteur: il ni aura donq [161] rien d'asseuré que ce que vous aures conterollé? monstres moy ceste regle d'asseurance en l'Escriture.

  A001000725 

 On auroit, dittes vous, « grande difficulté de les restituer », puys qu'on ne les a pas en leur langue originaire.

  A001000725 

 Plus, estes vous bien asseuré d'avoir les textes hebreux des Livres du premier rang ainsy purs et netz comm'ilz estoyent au tems des Apostres et des 70? Gardes de mesprendre; certes, vous ne les suives pas tousjours, et ne sçauries en bonne conscience: monstres moy encor cecy en la Saint'Escriture.

  A001000726 

 Quand a ce que vous dittes que ces Livres que vous appelles apocriphes ne sont point receuz par les Hebreux, vous ne dittes rien de nouveau ni d'important; saint Augustin proteste bien haut: « Libros Machabeorum non Judæi sed Ecclesia Catholica pro canonicis habet: Non les Juifz, mais l'Eglise Catholique tient les Livres des Machabees pour canoniques.

  A001000727 

 Et de quell'eglise entendes vous? certes, l'Eglise Catholique, qui est la seule vraye, les reçoit, comme saint [Augustin] vient de vous attester maintenant, et le repete encores [ailleurs]; le Concile de Carthage, celuy de Trulles, 6.

  A001000727 

 L'Eglise donques, ayant pour un tems laissés ces Livres en doute, en fin les a receu en resolution authentique; et vous voules que de ceste resolution elle retourne au doute.

  A001000727 

 Mays, au nom de Dieu, quelle humeur vous prend-il d'alleguer icy l'Eglise, l'authorité delaquelle vous tenes cent fois plus incertaine que ces Livres mesme, et que vous dittes avoir esté fautifve, inconstante, voire apocriphe, si apocriphe veut dire caché; vous ne la prises que pour la mespriser et la faire paroistre inconstante, ores advouant ores desavouant ces Livres.

  A001000727 

 Oüy, mais toute l'Eglise mesme ne les reçoit pas, dites vous.

  A001000727 

 Peut estre voules vous dire qu'anciennement quelques Catholiques douterent de leur authorité; c'est selon la division que j'ay faitte ci dessus: mais quoy pour cela? le doute de ceux la a il peu empecher la resolution de leurs successeurs? est ce a dire que si on n'est pas tout au premier coup resolu, il faille tousjours demeurer en bransle, incertain et irresolu? A l'on pas esté pour un tems incertain de l'Apocalipse et d'Ester? vous ne l'oseries nier, j'ay de trop bons [163] tesmoins; d'Ester, saint Athanase et saint Gregoire Nazianzene, de l'Apocalipse, le Concile de Laodicee: et néanmoins vous les receves; ou receves-les tous, puysqu'ilz sont d'esgale condition, ou n'en receves point, par mesme rayson.

  A001000728 

 Quand a saint Hierosme que vous allegués, ce n'est rien a propos, puysque de son tems l'Eglise n'avoit encor pas pris la resolution qu'ell'a prise despuys, touchant la canonisation de ces Livres, hormis pour celuy de Judith..

  A001000729 

 Et le canon Sancta Romana, qui est de Gelaise premier, je crois que vous l'aves rencontré a tastons, car il est tout contre vous; puysque, censurant les Livres apocriphes, il n'en nomme pas un de ceux que nous recevons, ains au contraire atteste que Tobie et les Maccabees estoyent receuz publiquement en l'Eglise..

  A001000730 

 Et la pauvre Glosse ne merite pas que vous la [164] glossies ainsy, puysqu'elle dict clairement que « ces Livres sont leuz, mais non peut estre generalement.

  A001000730 

 » Ce « peut estre » la garde de mentir, et vous l'aves oublié; et si elle met en conte ces Livres icy dont est question, comm'apocriplies, c'est parce qu'elle croyoit que apocriphe, volut dire, n'avoir point de certain autheur, et partant y enroolle comm'apocriphe le Livre des Juges: et sa sentence n'est pas si authentique qu'elle passe en chose jugee; en fin, ce n'est qu'une glosse..

  A001000731 

 Et ces falsifications que vous allegues ne sont en point de façon suffisantes pour abolir l'authorité de ces Livres, par ce qu'ilz ont esté justifiés et espurés de toute corruption avant que l'Eglise les receut.

  A001000732 

 Mays vous voules sur tout que les Maccabees nous tumbe des mains, quand vous dittes qu'ilz ont estés corrompuz; or, puysque vous n'avances qu'une simple affirmation, je n'y pareray que par une simple negation..

  A001000734 

 Prenes garde, pour Dieu, que vostre jugement ne vous trompe; pourquoy, je vous prie, apelles vous faucetés ce que toute l'antiquité a tenu pour articles de foy? que ne censures vous plus tost vos fantasies, qui ne veulent embrasser la doctrine de ces Livres, que de censurer ces Livres, receuz de si long tems, par ce quilz ne secondent pas a vos humeurs? parce que vous ne voules pas croire ce que ces Livres enseignent, vous les condamnes; et que ne condamnes vous plustost vostre temerité, qui se rend incredule a leurs enseignemens?.

  A001000742 

 Maintenant, comme se pourroit tenir une bonne ame de donner ouverture a l'ardeur d'un saint zele, et d'entrer en une chrestienne cholere, sans peché, considerant avec quelle temerité ceux qui ne [158] font que crier, l'Escriture, l'Escriture, ont mesprisé, avily, prophané ce divin testament du Pere Eternel, comm'ilz ont falsifié ce sacré contract d'une si celebre alliance? Comm'oses vous biffer, o ministres calvinistes, tant de nobles parties du sacré cors des Bibles? Vous ostes Baruch, Thobie, Judith, Sapience, l'Ecclesiastique, les Machabëes; pourquoy demembres vous ainsy la S te Escriture? qui vous a dict quilz ne sont point sacrés? L'on en doute en l'ancienne [159] Eglise: et n'a on pas douté en l'ancienne Eglise d'Hester, de l'Epistr'aux Hebreux, de celle de S t Jaques, de S t Jude, de la seconde de S t Pierre et des deux dernieres de S t Jan, et sur tout de l'Apocalipse? que ne rayes vous aussy bien ceux ci que vous aves faict ceux la? Dites franchement que [ce que] vous en aves faict, ce n'a esté que pour contredire a l'Eglise: il vous fachoit de voir es Machabees l'intercession des Saintz et la priere pour les trepassés, l'Ecclesiastique vous piquoit en ce quil attestoit du liberal arbitre et de lhonneur des reliques; plus tost que de forcer vos cervelles, et les adjuster a l'Escriture, vous aves violé l'Escriture pour l'accommoder a vos cervelles, vous aves retranché la ste Parole pour ne retrancher point vos fantasies; comme vous laveres vous jamais [160] de ce sacrilege? Aves vous dégradé les Machabees, l'Ecclesiastique, Tobie et les autres par ce que quelques uns des Anciens ont douté de leur authorité? pourquoy receves vous donques les autres Livres, desquelz on a douté autant que de ceux ci? Que leur pouves vous opposer autre, sinon que leur doctrine vous est mal aysëe a concevoir? ouvres le cœur a la foy, et vous concevres aysement ce dont vostre incredulité vous prive; par ce que vous ne voules pas croire ce qu'ilz enseignent, vous les condamnes, condamnes plus tost vostre temerité, et receves l'Escriture.

  A001000743 

 Je veux mettre le faict sur les Livres qui vous fachent le plus.

  A001000743 

 Si vous voulies lever le credit a ces saintz Livres, que ne le levies vous a l'Apocalipse, delaquelle on a tant douté, et a l'Epistr'aux Hebrieux? [163].

  A001000743 

 pro canonicis habet. Que dires vous a cela? que les Juifz ne les avoient pas en leurs cathalogues? S t Augustin le confesse, mais estes vous Juifz ou Chrestiens? et si vous voules estre appellés Chrestiens, contentes vous que l'Eglise Chrestienne les reçoive: la lumiere du S t Esprit s'est elle estainte avec la Sinagogue? N. S. et les Apostres n'ont ilz pas eu autant de pouvoir que la Sinagogue? Et bien que l'Eglise n'ait pas pris l'authorité de ses Livres de la bouche des Scribes et Pharisiens, suffira il pas qu'elle l'ait prise du tesmoignage des Apostres? Or, il ne faut pas penser que l'ancienn'Eglise et ces tres anciens Docteurs eussent pris la hardiesse de mettre ces Livres au roole des canoniques si elle n'en [162] eust eu quelque advis par la Tradition des Apostres et leurs disciples, qui pouvoyent sçavoir en quel rang le Maistre mesme les tenoit; sinon que pour excuser nos fantasies, nous accusions de prophanation et sacrilege ces tant sts et graves Docteurs, avec toute l'Eglise ancienne.

  A001000748 

 Car, je vous prie, s'ilz deferoient tant soit peu a l'authorité ecclesiastique, pourquoy recevroient ilz plustost l'Apocalipse que Judith ou les Machabees, desquelz saint Augustin et saint Hierosme nous sont fideles tesmoins qu'ilz ont esté receuz unanimement de toute l'Eglise Catholique? et les Conciles de Carthage, Trulles, de Florence, nous en asseurent.

  A001000748 

 « Nous connoissons, » disent ilz, « ces Livres estre canoniques, non tant par le commun accord de l'Eglise: » a les ouÿr parler, ne diries vous pas qu'au moins en quelque façon ilz se laissent guider a l'Eglise? Leur parler n'est pas franc: il semble qu'ilz ne refusent pas du tout credit au commun accord des Chrestiens, mais que seulement ilz ne le reçoivent pas a mesme degré que leur persuasion interieure, et neantmoins ilz n'en tiennent aucun conte; mais ilz vont ainsy retenus en leur langage pour ne paroistre pas du tout incivilz et desraysonnables.

  A001000750 

 Monstres moy clairement que ces inspirations et persuasions que vous pretendes sont du saint et non du faint esprit; qui ne sçait que l'esprit de tenebres comparoit bien souvent en habit de lumiere?.

  A001000751 

 Monstres moy clairement que, lhors que vous me dites que telle et telle inspiration se passe en vostre conscience, vous ne mentes point, vous ne me trompes point.

  A001000751 

 Vous dites que vous sentes ceste persuasion en vous, mais pourquoy suis je obligé de vous croire? vostre parole est elle si puissante, que je sois forcé sous son authorité de croire que vous penses et sentes ce que vous dites? je vous veux tenir pour gens de bien, mais quand il s'agit des fondemens de ma foy, comme est de recevoir ou rejetter les Escritures ecclesiastiques, je ne trouve ni vos pensees ni vos paroles asses fermes pour me servir de base..

  A001000752 

 Cest esprit faict il ses persuasions indifferemment a chacun, ou seulement a quelques uns en particulier? si a chacun, et que veut dire que tant de milliades de Catholiques ne s'en sont jamais aperceuz, ni tant de femmes, laboureurs et autres parmi vous? si c'est a quelques uns en particulier, monstres les moy, je vous prie, et pourquoy a ceux la plus tost qu'aux autres? quelle marque me les fera connoistre et trier de la presse du reste des hommes? Me faudra il croire au [169] premier qui dira d'en estre? ce seroit trop nous mettre a l'abandon et a la mercy des seducteurs: monstres moy donques quelque regle infallible pour connoistre ces inspirés et persuadés, ou me permettes que je n'en croye pas un..

  A001000753 

 Mays en conscience, vous semble il que l'interieure persuasion soit un moyen suffisant pour discerner les Saintes Escritures, et mettre les peuples hors de doute? Que veut donq dire que Luther racle l'Epistre de saint Jaques, laquelle Calvin reçoit? accordes un peu, je vous prie, cest esprit et sa persuasion, qui persuade a l'un de rejetter ce qu'il persuade a l'autre de recevoir.

  A001000753 

 Vous dires peut estre que Luther se trompe, il en dira tout autant de vous; a qui croire? Luther se moque de l'Ecclesiaste, il tient Job pour fable; luy opposeres vous vostre persuasion? il vous opposera la sienne: ainsy cest esprit, se combattant soy mesme, ne vous laissera autre resolution que de vous bien opiniastrer de part et d'autre..

  A001000754 

 En un mot, c'est a l'Eglise generale que le Saint Esprit addresse immediatement ses inspirations et persuasions, puys, par la prædication de l'Eglise, il les communique aux particuliers; c'est l'Espouse en laquelle le laict est engendré, puys les enfans le succent [170] de ses mammelles: mays vous voules, au rebours, que Dieu inspire aux particuliers, et par leur moyen a l'Eglise, que les enfans reçoivent le laict, et que la mere soit nourrie a leurs tetins; chose absurde..

  A001000756 

 Connoisses, je vous prie, le stratageme.

  A001000756 

 Es misterieuses parolles de l'Eucharistie, ne veut on pas esbranler l'authorité de ces motz, Qui pro vobis funditur, par ce que le texte grec monstre clairement que ce qui estoit au calice n'estoit pas vin, mais le sang du Sauveur? comme qui diroit en françois, Ceci est la coupe du nouveau testament en mon sang, laquelle sera respandue pour vous; car en ceste façon de parler, ce qui est en la coupe doit estre le vray sang, non le vin, puysque le vin n'a pas esté respandu pour nous, mais le sang, et que la coupe ne peut estre versee qu'a rayson de ce qu'elle contient.

  A001000758 

 Mais avant que je parte d'icy, je vous prie, reformeurs, dittes moy ou vous aves pris le canon des Escritures que vous suives.

  A001000758 

 Vous ne l'aves pas pris des Juifz, car les Livres Evangeliques n'y seroyent pas, ni du Concile de Laodicee, car l'Apocalipse n'y seroit pas, ni du Concile de Cartage ou de Florence, car l'Ecclesiastique et les Maccabees y seroyent; ou l'aves vous donq pris? Pour vray, jamais il ne fut parlé de semblable canon avant vous; l'Eglise ne vit onques canon des Escritures ou il n'y eut ou plus ou moins qu'au vostre: quelle apparence i a il que le Saint Esprit se soit recelé a toute l'antiquité, et qu'appres 1500 il ait descouvert a certains particuliers le roolle des vrayes Escritures? Pour nous, nous suyvons exactement la liste du Concile Laodicean, avec l'addition faitte au Concile [175] de Cartage et de Florence; jamais homme de jugement ne laissera ces Conciles, pour suivre les persuasions des particuliers..

  A001000765 

 Mays quoy? qu'aves vous faict de mieux? chacun a prisé la sienne, chacun a mesprisé celle d'autruy; on a [178] tournaïllé tant qu'on a voulu, mays personne ne se conte de la version de son compaignon: qu'est ce autre chose que renverser la majesté de l'Escriture, et la mettre en mespris vers les peuples, qui pensent que ceste diversité d'editions vienne plustost de l'incertitude de l'Escriture que de la bigarrure des traducteurs? bigarrure laquelle seule nous doit mettre en asseurance de l'ancienne traduction, laquelle, comme dict le Concile, l'Eglise a si longuement, si constamment et si unanimement approuvëe..

  A001000765 

 Que dites vous? que l'edition ordinaire est corrompue? Nous avoüons que les transcriveurs et les imprimeurs y ont layssé couler certains æquivocques, de fort peu d'importance (si toutefois il y a rien en l'Escriture qui puysse estre dict de peu d'importance), lesquelz le Concile de Trente commande estre levés, et que d'ores en avant on prene garde a la faire imprimer le plus correctement quil sera possible; au reste, il n'y a rien qui ny soit tres sortable au sens du Saint Esprit qui en est l'autheur: comme ont monstré ci devant tant de doctes gens des nostres, qui se sont opposés a la temerité de ces nouveaux formateurs de religion, que ce seroit perdre tems d'en vouloir parler davantage; outre ce que ce seroit folie a moy de vouloir parler de la naifveté des traductions, qui ne sceuz jamais bonnement lire avec les pointz en l'une des langues necessaires a ceste connoissance, et ne suys guere plus sçavant en l'autre.

  A001000774 

 Mays je vous advise que le saint Concile de Trente ne rejette pas les traductions vulgaires imprimëes par l'authorité des ordinaires, seulement il commande qu'on [181] n'entreprene pas de les lire sans congé des superieurs; ce qui est tres raisonnable, pour ne mettre pas ce couteau, tant affilé et tranchant a deux costés, en la main de qui s'en pourrait esgorger soymesme, dequoy nous parlerons cy apres; et partant il ne trouve pas bon que chacun qui sçait lire, sans autr'asseurance de sa capacité que celle quil prend de sa temerité, manie ce sacré memorial.

  A001000780 

 Lises les passages de David ou il semble quil murmure contre Dieu de la prosperité des mauvais; vous verres l'indiscret vulgaire s'en flatter en ses impatiences: lises la ou il semble demander vengeance sur ses ennemis; et l'esprit de vengeance s'en affleublera: lises voir ces celestes et tresdivines amours es Cantiques des Cantiques; qui ne sçaura les bien spiritualizer n'y prouffitera qu'en mal: et ce mot d'Osëe, Vade et fac tibi filios fornicationum, et ces actes des anciens Patriarches, ne donneroyent ilz pas licence aux idiotz?.

  A001000781 

 » Il recite encores, le prenant de Theodoret, un bon et juste mot de saint Basile le Grand: l'escuyer de cuysine de l'Empereur voulut faire l'entendu a produire certains passages de l'Escriture; Tuum est de pulmento cogitare, non dogmata divina decoquere; comme sil eust dict: mesles vous de gouster vos sauces, non pas de gourmander la divine Parole.

  A001000787 

 La seule insuffisance de l'autheur, qui n'estoit qu'un ignorant, la lasciveté de laquelle il tesmoigne par ses escritz, sa vie tes prophane et qui n'avoit rien moins que du Chrestien, meritoit qu'on luy refusast la frequentation de l'eglise; et neanmoins son nom et ses psalmes sont comme sacrés en vos eglises, et les chante l'on parmi vous autres comme s'ilz estoyent de David: la ou, qui ne voit combien est violëe la sacrëe Parole? car le vers, sa mesure, sa contrainte ne permet pas qu'on suyve la proprieté des motz de l'Escriture, mais y mesle l'on du sien pour rendre le sens parfaict et comble, et a esté necessaire a cest ignorant rimeur de choisir un sens la ou il y en pouvoyt avoir plusieurs.

  A001000787 

 O que l'on se plaict a faire voir sa voix es eglises: mays vous trahit on pas en ces chantemens qu'on vous faict faire? Je n'ay ni la commodité ni le loysir de poursuivre le reste; quand vous cries ces vers du Psalme 8., ut sup..

  A001000788 

 Et quand a ceste façon de faire chanter indifferemment, en tous lieux et en toutes occupations, les Psalmes, qui ne voit que c'est un mespris de religion? N'est ce pas offencer la Majesté divine, de luy parler avec des paroles tant exquises comme celles des Psalmes sans aucune reverence ni attention? dire des prieres par voye d'entretien, n'est ce pas se mocquer de Celuy a qui on parle? Quand on voit, ou a Geneve ou ailleurs, un garçon de boutique se jouer au chant de ces Psalmes, et rompre le fil d'une tres belle priere pour dire, Monsieur, que vous plaict il? ne connoist on pas bien qu'il faict un accessoire du principal, et que ce n'est sinon pour passetems quil chante ceste divine chanson, quil croit neantmoins estre du Saint Esprit? Ne faict il pas bon voir ces cuysiniers chanter les Psalmes de la Pœnitence de David, et demander a chasque verset le lart, le chapon, la perdrix? « Ceste voix, » dict des Montaignes, « est trop divine pour n'avoir autre usage que d'exercer les poulmons et plaire aux oreilles.

  A001000789 

 Je tiens, donques, que tant pour chanter comme Psalmes divins ce qui est bien souvent fantasie de Marot, que pour le chanter irreveremment et sans respect, on peche tressouvent, en vostre tant reformëe eglise, contre ceste parole, Spiritus est Deus, et eos qui adorant eum in spiritu et veritate oportet adorare: car, outre ce qu'en ces psalmes vous attribues au Saint Esprit bien souvent les conceptions de Marot, contre la verité, la bouche aussy crie, par mi les rues et cuysines, o Seigneur, o Seigneur, que le cœur ni l'esprit n'y sont point, mays au traffiq et au gain; et, comme dict Isaïe, vous vous eslances de bouche vers Dieu, et le glorifies de vos levres, mays vostre cœur est bien loin de luy, et vous le craignes selon les commandemens et doctrines des hommes.

  A001000796 

 L'imagination doit avoir grande force sur les entendemens huguenotz, puys qu'elle vous persuade si fermement ceste grande absurdité, que les Escritures sont aysëes a chacun, et que chacun les peut entendre: et de vray, affin de produire les traductions vulgaires avec honneur, il failloit bien parler ainsy.

  A001000796 

 Mays d'ou vient ceste discorde, si frequente et irreconciliable, qui est entre vous autres freres en Luther, sur ces seules paroles, Cecy est mon cors, et sur le point de la justification? [188] Certes, saint Pierre n'est pas de vostre advis, qui admoneste, en sa 2.

  A001000796 

 Mays dites la verité; penses vous que la chose aille ainsy? les trouves vous si aysëes? les entendes vous bien? si vous le penses, j'admire vostre creance, qui est non seulement sur l'experience, mays contre ce que vous voyes et sentes.

  A001000796 

 Mays ou est ceste Parole de Dieu? en l'Escriture; et l'Escriture est ce quelque chose de secret? non pas, ce dit on, aux fideles: a quoy faire donq ces interpreteurs, ces prædicans? si vous estes fideles, vous y entendres autant qu'eux; renvoyes les aux infideles, et gardes seulement quelques diacres pour vous donner le morceau de pain et verser le vin de vostre souper; si vous pouves vous repaistre vous mesmes au champ de l'Escriture, qu'aves vous a faire de pasteurs? quelque jeun'innocent et pur enfant qui sçaura lire en fera bien la rayson.

  A001000796 

 Ne connoisses vous pas l'esprit de division? il faut s'asseurer que l'Escriture est aysëe, affin que chacun la tirasse, qui ça qui la, que chacun en face le maistre, et qu'elle serve aux opinions et fantasies d'un chacun.

  A001000796 

 Si on vous a laissé l'epistre de saint Hierosme, ad Paulinum, devant vos bibles, lises la; car il empoigne ceste cause tout expres.

  A001000796 

 Sil est ainsy, que l'Escriture soit si aysëe a entendre, a quoy faire tant de commentaires des Anciens et tant de commenteries de vos ministres? a quel propos tant d'harmonies, et a quoy faire ces escoles de theologie? Il ne faut, ce vous dit on, que la doctrine de la pure Parolle de Dieu en l'Eglise.

  A001000806 

 S'ensuyt ce que vous allegues pour vostre defence.

  A001000806 

 Vous verres que pour cela il ne veut pas qu'on diversifie le service en toutes sortes de langages, mais seulement que les exhortations et cantiques qui se faysoyent par le don des langues soyent interpretés, affin que l'eglise ou on se trouve sache que l'on dict: Et ideo, qui loquitur lingua, oret ut interpretetur.

  A001000810 

 Se mocqueroit [192] on pas du malade qui voudroit chercher sa santé en Hipocrate sans l'ayde du medecin? ou de celuy qui voudroit chercher son droit en Justinien sans s'addresser au juge? Cherchez, luy diroit on, vostre santé, mais par le moyen des medecins; et vous, cherchez vostre droit et le procurez, mais par les mains du magistrat.

  A001000811 

 Mays j'ay quelques tesmoignages de l'antiquité et quelques exemples signalés, que je vous veux laysser a la fin de cest article pour sa conclusion.

  A001000812 

 Voyes vous comme le peuple oyoyt la leçon publique de l'Evangile, et ne l'entendoit pas, sinon ce mot, Confiteor tibi, Pater? qu'il entendoit par coustume, par ce qu'on le disoit tous au commencement de la Messe, comme nous faysons maintenant: c'est sans doute que la leçon s'en faysoit en Latin, qui n'estoit pas leur langage vulgaire..

  A001000826 

 En quoy vous verres arrester quasi tous vos ministres, faysans des grandes harangues pour monstrer quil ne faut mettre en comparayson la tradition humayne avec l'Escriture; mays a quel propos tout cela, sinon pour enjoler les pauvres auditeurs? car jamais nous ne dismes cela..

  A001000829 

 Que si vous consideres de pres comme le Concile apparie les Traditions aux Escritures, vous verres quil ne reçoit point de Tradition contraire a l'Escriture; car il reçoit la Tradition et l'Escriture avec [198] pareil honneur, parce que l'une et l'autre sont ruysseauz tres doux et purs, qui sont partis d'une mesme bouche de Nostre Seigneur, comme d'une vive fontayne de sapience, et partant ne peuvent estre contraires, ains sont de mesme goust et qualité, et se joignans ensemble arrousent gayement cest arbre du Christianisme, quod fructum suum dabit in tempore suo..

  A001000836 

 Que si Nostre Seigneur ni ses Apostres ne l'ont jamais escrit, pourquoy nous evangelises vous ces choses cy? au contraire, il est defendu de lever rien de l'Escriture, pourquoy voules [vous] lever les Traditions, qui y sont si expressement authentiquëes?.

  A001000836 

 S'il ne faut rien adjouster a ce que Nostre Seigneur a commandé, ou est ce quil a commandé qu'on condamnast les Traditions Apostoliques? pourquoy adjoustes vous cecy a ses paroles? ou est ce que Nostre Seigneur l'a jamais enseigné? que tant s'en faut quil ait jamais commandé le mespris des Traditions Apostoliques, que jamais il ne mesprisa aucune tradition du moindre prophete du monde: coures tout l'Evangile, et vous n'y verres censurëes que les traditions humaynes et contraires a l'Escriture.

  A001000840 

 Je vous demande, quand leur dict il ces choses quil avoit a leur dire? pour vray, ou ce fut apres sa resurrection les 40 jours quil fut avec eux, ou par la venue du Saint Esprit; mais que sçavons nous que c'est quil comprenoit sous ceste parole, Multa habeo, et si tout est escrit? il est bien dict quil fut 40 jours avec eux, les enseignant du royaume des cieux, mays nous n'avons ni toutes ses apparitions ni ce quil leur disoit en icelles.

  A001000852 

 Quand Absalon voulut une fois faire faction contre son bon pere, il s'assit pres de la porte au chemin, et disoit aux passans: Il ny a personne constitué du Roy pour vous ouir, hé, qui me constituera juge sur terre, afin que qui aura quelque negotiation vienne a moy et que je juge justement? ainsy sollicitoit il le courage des Israelites.

  A001000852 

 Quicomque tient ce langage, Chrestiens, si vous le consideres bien vous verres quil veut estre [202] juge luy mesme, quoy quil ne le die pas a descouvert, plus rusé qu'Absalon..

  A001000854 

 Amen, amen, disons nous; mais nous ne demandons pas comment on doit interpreter l'Escriture, mays qui sera le juge: car, apres avoir conferé les passages aux passages et le tout au Simbole de la foy, nous trouvons que par ce passage, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunt; et tibi dabo claves regni cælorum, saint Pierre a esté chef ministerial et supreme œconome en l'Eglise de Dieu; vous dites, de vostre costé, que ce passage, Reges gentium dominantur eorum, vos autem non sic, ou cest autre (car ilz sont tous si foibles que je ne sçay pas lequel vous peut estre fondemental), Nemo potest aliud fundamentum ponere, etc., conferé avec les autres passages et a l'analogie de la foy, vous faict detester un chef ministerial: nous suyvons tous deux un mesme chemin en la recherche de la verité de ceste question, a sçavoir, sil y a en l'Eglise un vicaire general de Nostre Seigneur, et neantmoins je suys arrivé en l'affirmative, et vous, vous estes logés en la negative; qui jugera plus de nostre different?.. Certes, qui s'addressera a Theodore de Beze, il dira que vous aves mieux discouru que moy, mays ou se fondera il en ce jugement, sinon sur ce quil luy semble ainsy, selon le præjugé quil en a faict il y a si long tems? et [204] quil dise ce quil voudra, car qui l'a establi juge entre vous et moy?...

  A001000855 

 Au contrayre, dis je, c'est vous, Luther, qui vous trompes; l'Escriture me le dict en tel et tel passage, bien joint et adjusté a telle et telle piece de l'Escriture et aux articles de la foy.

  A001000855 

 C'est icy le gros de nostre affaire, Chrestiens; connoisses, je vous prie, l'esprit de division.

  A001000855 

 Mays quoy, quand j'ay en main ceste proposition, le cors naturel de Nostre Seigneur est realement, substantiellement et actuellement au Saint Sacrement de l'autel? Je la fays toucher, a tous biays et de tous costés, a l'expresse et tres pure Parolle de Dieu et au Simbole des Apostres; [205] il ny a point d'endroit ou je ne la frotte cent fois si vous voules, et quand plus je regarde, tousjours je la reconnoys de plus fin or et de plus franc metail.

  A001000855 

 On vous renvoye a l'Escriture; nous y sommes devant que vous fussies au monde, et y trouvons ce que nous croyons, clair et net.

  A001000855 

 Qui vous l'a dict? l'Escriture.

  A001000855 

 Vous dites qu'en ayant faict de mesme vous y trouves du faux; que voules vous que je face? tant de maistres l'ont maniëe cy devant, et tous ont faict mesme jugement que moy, et avec tant d'asseurance quilz ont forclos, es assemblëes generales du mestier, quicomque y a voulu contredire: mon Dieu, qui nous mettra hors de doute? Il ne faut plus dire la pierre de touche, autrement on dira, In circuitu impii ambulant: il faut que ce soit quelqu'un qui la manie, et face la preuve luymesme de la piece, puys, qu'il en face jugement, et que nous le subissions, et l'un et l'autre, sans plus contester; autrement chacun en croira ce quil luy plaira.

  A001000855 

 Vous vous y trompes, respond Luther.

  A001000858 

 Autant en dis je des Traditions; car si chacun veut [207] produyre des Traditions, et que nous n'ayons poinct de juge en terre, pour mettre en dernier ressort difference entre celles qui sont recevables et celles qui ne le sont pas, a quoy, je vous prie, en serons nous? L'exemple est clair: Calvin trouve recevable l'Apocalipse, Luther le nie, autant en est il de l'Epistre de saint Jaques; qui reformera ces opinions des reformateurs? l'une ou l'autre est mal formëe, qui y mettra la main? Voyla une seconde necessité que nous avons d'une autre 3 e Regle outre la Parole de Dieu..

  A001000865 

 Or, n'est il pas raysonnable qu'aucun particulier s'attribue cest infallible jugement sur l'interpretation ou explication de la sainte Parole; car, a quoy en serions nous? Qui voudroit subir le joug du jugement d'un particulier? pourquoy plus tost de l'un que de l'autre? quil parle tant quil voudra de l'analogie, de l'entousiasme, du Seigneur, de l'Esprit, tout cela ne pourra jamais brider tellement mon cerveau que, sil faut s'embarquer a l'adventure, je ne me jette plus tost dans le vaysseau de mon jugement que dans celuy d'un autre, quand il parleroit Grec, Hebrieu, Latin, Tartarin, Moresque et tout ce que vous voudres.

  A001000884 

 C'est la mesm'Eglise, aussy chere au celest'Espoux qu'elle fut alhors, en plus de necessité qu'elle n'estoit alhors; quelle rayson y a il quil ne luy fist la mesme assistence quil luy fit alhors en pareille occasion? Consideres, je vous prie, l'importance de ces motz Evangeliques, Si quis Ecclesiam non audierit, sit tibi tanquam etnicus et publicanus; [216] et quand peut on jamais ouyr plus distinctement l'Eglise que par la voix d'un Concile general, ou les chefz de l'Eglise se trouvent tous ensemble pour dire et deduyre les difficultés? le cors ne parle pas par ses jambes ni par ses mains, mays seulement par son chef; ainsy, comme peut l'Eglise mieux prononcer sa sentence que par ses chefz? Mays Nostre Seigneur s'explique: Iterum dico vobis, quia si duo ex vobis consenserint super terram de omni re quamcumque petierint, fiet illis a Patre meo qui in cælis est; ubi enim sunt duo vel tres congregati in nomine meo, ibi sum in medio eorum.

  A001000887 

 Qui ne sçait combien de passages l'Arrien produict? que luy peut on opposer sinon qu'il les entend mal? mays il a pleyne liberté de croire que c'est vous qui interpretes mal, non luy, que vous vous trompes, non luy, que son rapport a l'analogie de la foy est mieux cousu que le vostre, pendant quil ni a que les particuliers qui s'opposent a ses nouveautés.

  A001000893 

 Maintenant, demeureres vous endormis a ceste secousse que vos maistres ont donné a l'Eglise? penses a vous, je vous prie.

  A001000895 

 Mays, je vous prie, si l'espreuve faite par un Concile general n'est asses authentique pour arrester le cerveau des hommes, comme l'authorité d'un quidam le pourra faire? Voyci une grand'ambition.

  A001000895 

 Que ne laissoit on a chacun faire son espreuve? [221] si celle de Nicee n'a pas peu arrester vos cerveaux, pourquoy voules vous par vos discours mettre un arrest aux cerveaux de vos compaignons, aussi gens de bien que vous, aussi doctes et pertinentz? Connoisses l'iniquité de ces juges: pour donner liberté a leurs opinions ilz avilissent les anciens Conciles, et veulent par les leurs brider celles des autres; ilz cherchent leur gloire, connoisses-le bien, et tout autant quilz en levent aux Anciens, ilz s'en attribuent..

  A001000896 

 Mays i a il article auquel nous ayons different avec vous qui n'ait esté plusieurs fois condamné es saintz Conciles generaux ou particuliers generalement receus? et neantmoins vos ministres les ont reveillés sans honte, sans scrupule, nom plus que si c'eussent estés quelques saintz depostz et tresors cachés a l'antiquité, ou que l'antiquité eust serrés bien curieusement affin que nous en eussions la jouissance en cest aage..

  A001000896 

 Que veut dire que vous ne tenes conte de la realité du Cors de Nostre Seigneur au Saint Sacrement, que vous appelles superstition le tres saint Sacrifice qui se faict par les prestres, du mesme precieux Cors du Sauveur, et que vous ne voules point mettre difference entre l'Evesque et le prestre? puysqu'en ce grand Concile tout y est si expressement non ja defini mays presupposé comme chose toute notoire en l'Eglise.

  A001000913 

 Outre cela, vous dites que vostre eglise a estëe taillëe.. a la regle et compas de l'Escriture; nous le nions, et disons que vous aves accourcy, estressy et plié ceste regle, comme faysoyent ceux de Lesbos, pour l'accomoder a vostre cerveau, et..... et reformëe selon la vraye intelligence de l'Escriture; nous le nions, et disons que les anciens Peres ont eu plus de suffisance et d'erudition que vous, et neantmoins ont jugé que l'intelligence des Escritures n'estoit pas telle que vous dittes; n'est ce pas une preuve tres certaine? Vous dites que selon les Escrittures il faut abolir la Messe; tous les anciens Peres le nient: a qui croirons nous, ou a ceste troupe d'Evesques et Martirs anciens, ou a ceste bande de nouveaux venuz? voyla ou nous en sommes.

  A001000913 

 Voicy nostre different: vous dites que vous aves reformé vostre eglise sur le patron [227] de l'Eglise ancienne; nous le nions, et prenons a tesmoins ceux qui l'ont veüe, qui l'ont conservëe, qui l'ont gouvernëe; n'est ce pas une preuve franche et nette de toute supercherie? icy nous ne produysons que la preudhommie et bonne foy des tesmoins.

  A001000923 

 Mays je vous adviseray que Nostre Seigneur n'a pas changé le nom de saint Pierre, mays a seulement joint un nouveau nom a l'ancien quil avoit; peut estre affin quil se resouvint en son authorité de ce quil estoit de son estoc, et que la majesté du second nom fust attrempëe par l'humilité du premier, et que si le nom de Pierre le nous faisoit reconnoistre pour chef, le nom de Simon nous avisast quil n'estoit pas chef absolu, mays chef obeissant, subalterne et maistre valet.

  A001000924 

 Mays nous n'equivoquons point icy; car ce n'est qu'un mesme mot, et pris sous la mesme signification, quand Nostre Seigneur a dict a Simon, Tu es Pierre, et quand il a dict, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise: et ce mot de pierre n'estoit pas un nom propre d'homme, mays seulement il fut approprié a Simon Bar Jona; ce que vous entendres bien mieux si on le prend au langage auquel Nostre Seigneur le dict.

  A001000924 

 Or, je vous prie, quelle apparence y a il que Nostre Seigneur eust faict ceste grande præface, Beatus es Simon Bar Jona, quia caro et sanguis non revelavit tibi, sed Pater meus qui in cælis est; et ego dico tibi, pour ne dire autre sinon, quia tu es Petrus, puys, changeant tout a coup de propos, il allast parler d'autre chose? Et puys, quand il dict, et sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, ne voyes vous pas quil parle notoirement de la pierre delaquelle il avoit parlé præcedemment? et de quell'autre pierre avoit il parlé que de Simon, au quel il avoit dict, Tu es Pierre? Mays voicy tout l'equivoque qui peut faire scrupule a vos imaginations; c'est que peut estre penses vous que comme Pierre est maintenant un nom propre d'homme, il le fut aussy alhors, et que Petrus ne soit pas la mesme chose que petra, et que, partant, nous passions la signification de Pierre a la pierre, par equivocque du masculin au feminin.

  A001000925 

 Il reste que je vous die sur ceste interpretation quil ni a personne qui doute que Nostre Seigneur n'ait appellé saint Pierre Cepha, car saint Jan le monstre tres expressement, et saint Pol, aux Galates, ni que Cepha veuille dire une pierre ou un roch, ainsy que dict saint Hierosme..

  A001000925 

 Vous me dires: ouy, mais le Latin dict, Tu es Petrus, et non Tu es Petra; or, ce relatif hanc, qui est feminin, ne se sçauroit rapporter a Petrus, qui est masculin.

  A001000926 

 En fin, pour vous monstrer que c'est bien de saint Pierre duquel il dict, et super hanc petram, je produis les paroles suivantes; car c'est tout un de luy promettre l es clefz du royaume des cieux, et de luy dire, super hanc petram; et neantmoins nous ne pouvons pas douter que ce ne soit saint Pierre auquel il promet les [233] clefz du royaume des cieux, puys quil dict clairement, et tibi dabo claves regni cælorum: si donques nous ne voulons descoudre ceste piece de l'Evangile d'avec les paroles præcedentes et les suivantes, pour la joindre ailleurs a nostre poste, nous ne pouvons croire que tout cecy ne soit dict a saint Pierre et de saint Pierre, Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; ce que la vraÿe et pure Eglise Catholique, mesme selon la confession des ministres, a avoüé haut et cler en l'assemblëe de 630 Evesques au Concile de Calcedoyne..

  A001000935 

 Si donques, disent ilz, tous les douze Apostres sont fondemens de l'Eglise, comment attribues vous ce tiltre a saint Pierre en particulier? et si saint Pol dict que personne ne peut mettre autre fondement que Nostre Seigneur, comme oses vous dire que par ces paroles, Tu es Pierre, et [235] sur ceste pierre j'edifieray mon Eglise, saint Pierre ayt esté estably pour fondement de l'Eglise? que ne dites vous plustost, dict Calvin, que ceste pierre sur laquelle l'Eglise est fondëe n'est autre que Nostre Seigneur? que ne dites vous plustost, dict Luther, que c'est la confession de foy que saint Pierre avoit faict? Mays a la verité, ce n'est pas une bonne façon d'interpreter l'Escriture, que de renverser l'un des passages par l'autre, ou l'etirer par une intelligence forcëe a un sens estrange et mal advenant; il faut y laisser tant qu'on peut la naifveté et suavité du sens qui s'y presente.

  A001000936 

 Et pour vray, Nostre Seigneur est l'unique fondement de l'Eglise: c'est le fondement de nostre foy, de nostr'esperance et charité; c'est le fondement de la valeur des Sacremens et de nostre fœlicité; et c'est encores le fondement de toute l'authorité et l'ordre ecclesiastique, et de toute la doctrine et administration qui s'y faict; qui douta jamays de cela? Mays, me dict on, sil est unique fondement, comment est ce que vous mettes encores saint Pierre pour fondement? 1.

  A001000936 

 Et puys, aves vous bien consideré les paroles de saint Pol? Il ne veut pas qu'on reconnoisse aucun fondement outre Nostre Seigneur, mays ni saint Pierre ni les autres Apostres ne sont pas fondemens outre Nostre Seigneur, ains sous Nostre Seigneur; leur doctrine [n'est] pas outre celle de leur Maistre, mays celle la mesme de leur Maistre.

  A001000936 

 Saint Pol vous semble il pas se fayre asses entendre quand il dict: Vous estes suredifiés sur les fondemens des Prophetes et Apostres? mays affin qu'on sceut que ces fondemens n'estoient pas outre celuy quil præchoit, il adjouste: Ipso summo angulari lapide, Christo Jesu..

  A001000936 

 Vous nous faictes tort; nous ne le mettons pas pour fondement, Celuy la outre lequel on n'en peut point mettre d'autre, l'a mis luy mesme; si que, si Nostre Seigneur est vray fondement de l'Eglise, comm'il l'est, il faut croire que saint Pierre l'est encores, puysque Nostre Seigneur l'a mis en ce rang: que si quelqu'autre que Nostre Seigneur mesme luy eust donné ce grade, nous crierions tous avec vous: Nemo potest aliud fundamentum ponere præter id quod positum.

  A001000955 

 Je vous prie, ceste grace si particuliere et qui ne fut pas commune aux autres, tesmoin saint Thomas, ne monstre elle pas que saint Pierre estoit celluy la qui [246] major erat inter eos? tous sont tentés, et on ne prie que pour l'un.

  A001000955 

 Nostre Seigneur, qui devoit maintenir la foy en son Eglise, n'a point prié pour la foy d'aucun des autres en particulier, mays seulement de saint Pierre comme chef: car, quelle rayson penserions nous en ceste prærogative, Expetivit vos, tous tant que vous estes, ego autem rogavi pro te? n'est ce pas le mettre luy tout seul en conte pour tous comme chef et conducteur de toute la troupe? Mays qui ne voit combien ce lieu est pregnant a ceste intention? Regardons ce qui precede, et nous y trouverons que Nostre Seigneur avoit declaré a ses Apostres quil y en avoit un entr'eux plus grand que les autres, qui major est inter vos, et qui præcessor; et tout d'un train Nostre Seigneur luy va dire que l'adversaire cherchoyt de les cribler, tous tant quilz estoyent, et neantmoins quil avoit prié pour luy [en] particulier, affin que sa foy ne manquast.

  A001000956 

 Mays il faut, avant que fermer ce propos, que je vous die que saint Pierre ne perdit pas la foy quand il nia Nostre Seigneur, mays la crainte luy fit desavouer ce quil croyoit; c'est a dire, il ne s'oublia pas en la foy, mays en la confession de la foy; il croyoit bien, mais il parloit mal, et ne confessoit pas ce quil croyoit.

  A001000965 

 Mays sil luy a dict, Repais mes brebis, ou il les luy recommandoit toutes, ou quelques unes seulement: si il n'en recommandoit que quelques unes, et quelles? je vous prie; n'eust ce pas esté ne luy en recommander point, de luy en recommander seulement quelques unes sans luy dire lesquelles, et luy donner en charge des brebis meconneües? si toutes, comme la parole le porte, donques il a esté le general pasteur de toute l'Eglise; et la chose va bien ainsy sans doute, c'est l'interpretation ordinayre des Anciens, c'est l'execution de ses promesses.

  A001000997 

 Vous sçaves bien que nommer une personne et mettre les autres en un bloc avec luy, c'est le rendre le plus apparent, et les autres, ses inferieurs..

  A001001000 

 Mais qu'est cecy, je vous prie? dire que saint Pierre fut le plus viel de la troupe, c'est chercher a credit une excuse a l'opiniastreté: on voit les raysons toutes cleres en l'Escriture, mays par ce qu'on est resolu de maintenir le contrayre, on en va chercher avec l'imagination ça et la.

  A001001005 

 Vous sçaves bien que nommer une personne a part et mettre les autres en bloc avec luy, c'est le rendre le plus apparent, et les autres, ses inferieurs..

  A001001006 

 Nunquid non habemus potestatem sororem mulierem circumducendi, sicut cœteri Apostoli, et fratres Domini, et Cephas? Qu'est ceci a dire, je vous prie, Dites aux disciples, et a Pierre, Pierre et les Apostres respondirent? comment? Pierre n'estoit il pas Apostre? Ou il estoit moins, ou esgal, ou plus que les autres; jamais homme ne dira, sil n'est du tout desesperé, quil fut moins; sil est egal, et va a pair des autres, pourquoy le met on a part? sil ny a rien en luy de particulier, pourquoy ne dict on aussi bien, Dicite discipulis ejus, et Jacobo, ou Joanni?.

  A001001016 

 Si vous la dites semblable a une famille, il ny a que [263].

  A001001021 

 Dites vous qu'ell'est semblable a une legation? saint Pierre y est le premier..

  A001001022 

 Dites vous que c'est une fraternité? saint Pierre y est le premier, le gouverneur et confirmateur des autres..

  A001001023 

 Aimes vous mieux que ce soit un royaume? saint Pierre en porte les clefz..

  A001001024 

 Voules vous que ce soit un parc ou bercail de brebis et d'aigneaux? et saint Pierre en est le pasteur et berger general.

  A001001045 

 Si vous la dites semblable a une famille, il ny a que Nostre [263] Seig r qui paie tribut, comme chef de mayson, et apres luy S t Pierre, comme son lieutenant..

  A001001046 

 Voules vous que ce soit une nacelle? S t Pierre en est le patron, et en celle la seule Nostre Seig r enseigne..

  A001001047 

 Aimes vous mieux que ce soit une pesche? S t Pierre y est le premier et guide, les vrays disciples de Nostre S r ne peschent qu'avec luy..

  A001001048 

 Si vous l'accompares aux retz et filetz, c'est S t Pierre qui les jette en mer, c'est S t Pierre qui les tire, qui les met a port, et presente les poissons a Nostre Seig r; les autres disciples n'y sont que coadjuteurs..

  A001001049 

 Dites vous qu'elle est semblable a une legation? S t Pierre y est le premier..

  A001001050 

 Si vous dites que ce soit une fraternité, S t Pierre y est le premier, gouverneur et confirmateur des autres..

  A001001099 

 Nostre cause est si clairement deduitte en l'Escriture, que c'est presque chose vaine d'y rien adjouster: mays affin que vous sçachies que nous n'y apportons point d'interpretation forcee ou controuvee, je produiray ce qu'en a pensé toute l'Eglise premiere..

  A001001117 

 Je vous prie, si les [274] Apostres, a l'entendement desquelz le Saint Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puyssans, avoient besoin de confirmateur et de pasteur pour la forme de leur union, combien plus maintenant l'Eglise en a necessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise? la rayson de saint Hierosme a bien autrement lieu maintenant qu'au tems des Apostres, Inter omnes unus eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio.

  A001001125 

 Je vous prie, si les [274] Apostres, a l'entendement desquelz le S t Esprit esclairoit de si pres, si fermes et puissans, avoyent besoin de confirmateur et pasteur pour la forme et entretenement visible de leur union, et de toute l'Eglise, combien plus maintenant en avons nous necessité, quand il y a tant d'infirmités et foiblesses es membres de l'Eglise? et si les volontés des Apostres, si fermement liees par la charité, eurent besoin d'une liaison exterieure de l'authorité d'un chef, combien plus par apres, quand la charité s'est tant rafroidie, a l'on eu besoin de ceste liaison d'une authorité et d'un magistrat visible? Que si, comme dict S t Hierosme, au tems des Apostres Unus inter omnes eligitur, ut capite constituto schismatis tollatur occasio, combien plus maintenant, pour la mesme rayson, est il necessaire qu'il y ait un chef en l'Eglise? La bergerie Chrestienne doit durer en unité visible jusqu'a la consummation du monde, donques l'unité de gouvernement exterieur y doit demeurer encores, et personne n'a l'authorité de changer la forme d'administration que Nostre Seigneur y a mise: dont il s'ensuit notoirement que S t Pierre a eu des successeurs, en a encores, et en aura jusqu'a la fin du siecle.

  A001001153 

 : Romanorum Ecclesia Clementem a Petro ordinatum edit, id est, per instrumenta et rationes publicas demonstrat; et au mesme livre: Fœlix Ecclesia, cui totam doctrinam Apostoli cum sanguine suo profuderunt, et parle de l'Eglise Romayne, ubi Passioni Dominicæ Petrus adæquatur: ou vous voyes que saint Pierre est mort a Rome, et y a constitué saint Clement, si que, joignant ce tesmoignage aux autres, on voit quil y a esté Evesque et y est mort enseignant..

  A001001189 

 Puys, Claudius estant mort, saint Pierre s'en revint a Rome, recommençant son premier train d'enseigner et visiter par fois diverses provinces, la ou, en fin, Neron le poursuivant a mort avec son compaignon saint Pol, pour s'eschapper, selon les saintes importunations des fideles, il voulut sortir de nuict de la ville, et rencontrant pres la porte Nostre Seigneur, il luy dict: Domine, quo vadis? Seigneur, ou alles vous? Jesus Christ respondit: Je viens a Rome, pour y estre derechef crucifié; responce laquelle saint Pierre conneut bien viser a sa croix: de façon qu'apres avoir esté cinq ans environ en Judëe, 7 ans en Antioche, 25 ans a Rome, l'annëe 14 de l'empire de Neron il fut [290] crucifié les pieds contremont, et au mesme jour saint Pol eut la teste tranchee..

  A001001191 

 Maintenant, ja que par ce petit discours de la vie de saint Pierre, qui est tres probable, vous aves veu que saint Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a Rome, mays y ayant son siege n'a pas layssé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité negative des Epistres de saint Pol n'auront plus acces en vos jugemens; car, si on dict que saint Pol ait escrit a Rome et dés Rome, et quil n'ait point faict de mention de saint Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure saint Pierre ny estoit pas alhors.

  A001001201 

 Puys, Claudius estant mort, S t Pierre s'en revint a Rome, recommençant son premier train d'enseigner et visiter par fois diverses provinces, la ou, en fin, Neron le poursuivant a mort avec son compaignon S t Pol, incité par les fideles de s'eschapper, il voulut sortir de nuict de la ville, mays rencontrant pres la porte Nostre Seigneur, il luy dict: Domine, quo vadis? Seigneur, ou alles vous? a quoy Nostre Seig r respondit: Je vais a Rome, pour y estre l'autre fois crucifié: Vado Romam iterum crucifigi; responce laquelle saint Pierre conneut bien viser a sa croix: de façon qu'apres avoir esté environ 5 ans en Judee, 7 ans en Antioche, 25 ans a Rome, l'annee 14 de l'empire de Neron il [290] fut crucifié les pieds contremont, et le mesme jour S t Pol eut la teste tranchee..

  A001001203 

 Maintenant que par ce petit discours vous aves veu que S t Pierre n'a pas tousjours esté pied coy a eRome, mays y ayant son siege n'a pas laissé de visiter plusieurs provinces, revenir en Hierusalem et faire l'office Apostolique, toutes ces frivoles raysons qu'on deduict de l'authorité negative des Epistres de S t Pol n'auront plus acces en vos jugemens; car, si on vous dict que S t Pol ait escrit a Rome et dés Rome sans faire mention de S t Pierre, on ne le trouvera pas estrange, par ce qu'a l'adventure S t Pierre ny estoit pas alhors.

  A001001277 

 Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thessaloniciens, pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont les plus grans menteurs du monde; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de saint Gregoire se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001277 

 Et affin que vous sachies combien est ancien ce nom parmi les gens de bien, saint Ignace, disciple des Apostres, Epistola ad Mariam Zarbensem, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam Linum; ja de ce [301] tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Nous l'appelions Sa Sainteté; et nous trouvons que saint Hierosme l'appelloit desja en ceste façon: Obtestor Beatitudinem tuam per Crucem, etc., Ego nullum primum nisi Christum sequens, Beatitudini tuæ, id est, Cathedræ Petri, communione consocior.

  A001001277 

 Nous l'appelions Saint Pere; mais vous aves veu que saint Hierosme appelle ainsy saint Augustin.

  A001001321 

 A quoy faire, je vous prie, un si gros mensonge? Phocas vivoit au tems de S t Gregoire le Grand, et tous les autheurs que j'ay allegués sont plus anciens que S t Gregoire, hormis S t Bernard, lequel [299] j'ay allegué aux Livres De Consideratione, par ce que Calvin les reçoit en credit..

  A001001329 

 Et affin que vous sachies combien ce nom est ancien parmi les gens de bien, S t Ignace, disciple des Apostres, en la lettre quil escrit a Marie Zarbense, Cum esses, dict il, Romæ, apud Papam [301] Linum; ja de ce tems la il y avoit des Papistes, et de quelle sorte? Au reste, ceux qui, expliquans le second chapitre de la 2 e aux Thess., pour vous faire croire que le Pape est Antichrist vous auroyent dict quil se faict appeller Dieu en terre, ou Filz de Dieu, sont eux mesmes enfans du diable, qui mentent si puamment; car tant s'en faut que les Papes prenent aucun tiltre ambitieux, que des le tems de S t Gregoire ilz se sont pour le plus appellés Serviteurs des serviteurs de Dieu.

  A001001329 

 On l'appelle encores Saint Pere, mais vous aves veu que S t Hierosme appelloit ainsy S t Augustin, qui n'estoit qu'un simple Evesque.

  A001001335 

 Ne voyes vous pas qu'en l'election de saint Matthias c'est luy seul qui parle et determine? Les Juifz demanderent a tous les Apostres: Quid faciemus viri fratres? saint Pierre seul respond pour tous: Pænitentiam agite, etc. Et c'est a ceste rayson que saint Chyrsostome et Origene l'ont appellé Os et verticem Apostolorum, comme nous avons veu cy dessus, par ce quil souloit parler pour tous les Apostres; et le mesme saint Chrysostome l'appelle Os Christi, par ce que ce quil dict pour toute l'Eglise et a toute l'Eglise, comme chef et pasteur, ce n'est pas tant parole humaine que de Nostre Seigneur: Amen, dico vobis, qui accipit si quem misero, me accipit; dont ce quil disoit et determinoit ne pouvoit estre faux.

  A001001341 

 Je vous prie, si en l'ombre il y avoit des illuminations de doctrine et des perfections de verité en la poitrine du Prestre, pour en repaistre et raffermir le peuple, qu'est ce que nostre grand Prestre n'aura pas? de nous, dis je, qui sommes au jour et au soleil levé? Le grand Prestre ancien n'estoit que vicaire et lieutenant de Nostre Seigneur, nomplus que le nostre, mays il semble quil præsidoit a la nuict, par ses illuminations, et le nostre præside au jour, par ses instructions; ministeriellement tous deux, et par la lumiere du Soleil de justice, lequel, bien quil soit levé, est neanmoins voilé a nos yeux par nostre propre mortalité, car le voir face a face ordinairement [307] n'appartient qu'a ceux qui sont delivrés du cors qui se corrompt..

  A001001342 

 C'est a ce propos que saint Hierosme dict au Pape Damase: Qui tecum non colligit, spargit; hoc est, qui Christi non est, Antichristi est; et saint Bernard dict quil faut rapporter les scandales qui se font, « principalement en la foy, » au Siege de Rome: Dignum namque arbitror ibi potissimum resarciri damna fidei, ubi non possit fides sentire defectum: cui enim alteri sedi dictum est aliquando, Ego pro te rogavi, ut non deficiat fides tua? Saint Cyprien: Navigare audent ad Cathedram Petri, atque ad Ecclesiam principalem; nec cogitare eos esse Romanos, ad quos perfidia habere non possit accessum. Ne voyes vous pas quil parle des Romains a cause de la Chaire de saint Pierre, et dict que l'erreur n'y peut rien?.

  A001001343 

 Que si vous voules sçavoir pourquoy ilz s'addressent a luy, Quia, disent ilz, te Dominus, gratiæ suæ præcipuo munere, in Sede Apostolica collocavit.

  A001001343 

 Quid etiam actione firmastis, nisi scientes quod per omnes provincias de Apostolico fonte petentibus responsa semper emanent? Præsertim quoties fidei ratio ventilatur, arbitror omnes fratres et coepiscopos nostros non nisi ad Petrum, id est, sui nominis et honoris authorem, referre debere, velut nunc retulit vestra dilectio, quod per totum mundum possit omnibus ecclesiis in commune prodesse. Voyes vous l'honneur et le credit auquel estoit le Siege Apostolique vers les Anciens les plus doctes et saints, voire mesme vers les Conciles entiers? on y alloit comme au vray Ephod et Rational de la nouvelle Loy: ainsy y alla saint Hierosme, du tems de Damasus, auquel, apres avoir dict que l'Orient rompoit et mettoit en pieces la roubbe, entiere et tissue par dessus, de Nostre Seigneur, et que les renardeaux gastoyent la vigne du Maistre, Ut inter lacus contritos, dict il, qui aquam non habent, difficile ubi fons signatus et hortus ille conclusus sit possit intelligi, ideo mihi Cathedram Petri et fidem Apostolico ore laudatam censui consulendam, etc..

  A001001345 

 Que si je voulois m'amuser a vous monstrer combien Luther en faysoit estat au commencement de son hæresie, je vous ferois esbahy d'une si grande mutation de ce vostre grand pere.

  A001001345 

 Que vous semble de Luther? est il pas Catholique? et neanmoins c'estoit au commencement de sa reformation..

  A001001356 

 Et quand, escrivant contre le Roy d'Angleterre, Vivens, dict il, papatus hostis ero, exustus tuus hostis ero. Que dites vous de ce grand pere? sont ce pas des paroles dignes d'un tel reformateur? j'ay honte de lire, et ma main se fache de præsenter ces vilaynies; mays qui les vous cachera vous ne croires jamais quil soit tel quil est.

  A001001357 

 De Beze, qui dict que des long tems il ny a eu aucun Pape qui se soit soucié de la religion ni qui ayt esté theologien, veut il pas tromper quelqu'un? car il sçait bien qu'Adrien, Marcel et ces cinq derniers ont estés tres grans theologiens: a quoy faire, mentir? Mays disons quil y ait du vice et de l'ignorance: Cathedra tibi, vous dict saint Augustin, quid fecit Ecclesiæ Romanæ, in qua Petrus sedit et in qua hodie Anastasius sedet? quare appellas cathedram pestilentiæ Cathedram Apostolicam? Si propter homines, quos putas legem loqui et non facere, numquid Dominus Noster Jesus Christus propter Pharisæos, de quibus ait, Dicunt et non faciunt, cathedræ in qua sedebant ullam fecit injuriam? nonne illam cathedram Moisi commendavit, et illos servato cathedræ honore redarguit? ait enim: Super cathedram, etc. Hæc si cogitaretis, non propter homines quos infamatis blasphemaretis Cathedram Apostolicam cui non communicatis; sed quid est aliud quam nescire [quid] dicere, et tamen non posse nisi maledicere? [317].

  A001001357 

 Mays je vous entretiens trop sur un sujet qui ne demande pas grande inquisition.

  A001001357 

 On dict mille folies sur cecy, c'est le rendes vous de tous vos ministres; silz composent des livres, a tous propos, comme las et recreuz du travail, ilz s'arrestent sur les vices des Papes, disans bien souvent ce quilz sçavent bien n'estre [316] point.

  A001001357 

 Vous lises les escritz de Calvin, de Zuingle, Luther; je vous supplie, tries en les injures, calomnies, opprobres, mesdisances, risëes, bouffonneries qui y sont contre le Pape et le Saint Siege de Rome, et vous verres quil ny demeurera rien: vous oÿes vos ministres; imposes leur silence quand aux injures, mocqueries, mesdisances, calomnies contre le Saint Siege, et vous aures vos preches la moitié plus cours.

  A001001379 

 Je mettray, sil vous plaict, quelques exemples..

  A001001380 

 .. Que dites vous? si vous me demandes qui a faict ce miracle, je vous respondray par les propres paroles de Nostre Seigneur: Cæci vident, claudi ambulant, leprosi mundantur, surdi audiunt, mortui resurgunt, pauperes evangelizantur... Quelle foy l'a demandé? la foy que le Pape est successeur de saint Pierre, et en a l'eminente authorité.

  A001001385 

 Nous prechons la sainte communion des Saintz, en la priere quilz font pour nous et en l'honneur que nous leur deferons: mays quand aurois je faict a vous produire les miracles qui se sont faict sur ceste creance? Theodoret, De curandis Græc.

  A001001393 

 Or quel mespris est ce de tant de miracles, de se mocquer et gauser de toute ceste doctrine, et de l'Eglise qui la præche? Si vous ne voules priser le tesmoignage de l'antiquité, Testimonium Dei majus est.

  A001001393 

 Qu'est ce que vous respondres? Quand a moy, j'ay escrit icy les premiers miracles qui me sont venus en main; que j'ay pris neanmoins des autheurs qui ont estés en la pure Eglise, car si je vous eusse apporté les miracles faictz au tems de saint Bernard, de saint Malachie, de Bede, de saint François, vos ministres eussent incontinent crié que c'estoyent des prodiges de l'Antichrist, mays puysque tous tant quilz sont confessent que l'Antichrist n'a point comparu sinon quelque tems apres saint Gregoire, et que ce que je produis a tout esté faict auparavant, ou au tems de saint Gregoire, il n'y eschoit point de difficulté.

  A001001411 

 Au reste, si au jugement du sens et a l'experience vous y adjoustes du discours et de la consequence, si vous vous y trompes ne vous en prenes plus au sentiment ni a l'experience, car elle n'est plus pure ni simple, qui est une des conditions que j'ay mises en mes propositions; c'est le discours et la consequence que vous y aves attachüe qui vous a trompé.

  A001001412 

 Or, combien vos ministres ayent combattu l'experience, la connoissance des sens et la rayson naturelle, je vous le feray paroistre tout maintenant, pourveu que vous mesmes ne veuilles combattre vostre propre jugement.

  A001001418 

 Quand Luther, en la præface de l' Assertion des articles condamnés par Leon, dict que « l'Escriture est tres aysëe, intelligible et claire a chacun », et que chacun y peut connoistre la verité, et discerner entre les sectes et opinions quelle est la vraye, quelle est la fausse, dites, je vous prie, combat il pas la propre experience de tout le monde? et quand vous aves creu ceste sottise, connoisses vous pas tout ouvertement le contraire? Je ne sache homme si versé qui osast jurer, sil a point de conscience, quil sçait le vray sens, je ne dis pas de toute l'Escriture, mays de quelque partie d'icelle; et si, n'ay je jamais veu homme entre vous qui entende le sens d'un chapitre tout entier..

  A001001419 

 Quand Calvin et Bucer nient que nous ayons aucune liberté en nostre volonté, non seulement pour les actions surnaturelles, mays encores pour les naturelles et es commerces purement humains, n'attaque il pas la rayson naturelle et toute la philosophie, comme luy mesme confesse, et tout d'un train l'experience, et de vous, si vous parles franchement, et de tout le reste des hommes?.

  A001001422 

 Verum non poterant aliter velle: fateor quoad eventum et energiam, sed voluntas tamen Adami coacta non fuit. Bonté de Dieu, je vous appelle a garant: vous m'aves poussé a mal faire, vous l'aves ainsy decreté, ordonné, voulu, je ne pouvois faire autrement, je ne pouvois vouloir autrement, qu'y a il de ma faute? O Dieu de mon cœur, chastiés mon vouloir sil peut ne vouloir pas le mal et quil le veüille, mays sil luy est impossible de ne le vouloir pas, et vous luy soÿes cause de ceste impossibilité, qu'y peut il avoir de sa faute? Si cecy n'est contre rayson, je confesse quil ny a point de rayson au monde..

  A001001425 

 Mays l'absurdité des absurdités, et la plus horrible deraison de toutes, c'est celle la, que, tenans que l'Eglise tout'entiere aÿe erré mill'ans durant en l'intelligence de la Parole de Dieu, Luther, Zuingle, Calvin puyssent s'asseurer de la bien entendre; bien plus, qu'un simple ministrot, prechant comme parole de Dieu que toute l'Eglise visible a erré, que Calvin et tous les hommes peuvent errer, ose trier et choysir entre les interpretations de l'Escriture celle qui luy plaict, et l'asseurer et maintenir comme parole de Dieu; encores plus, que vous autres qui oyans dire que chacun peut errer au faict de la religion, et toute l'Eglise mesme, sans vouloir vous en chercher d'autre parmi mille sectes qui toutes se vantent de bien entendre la Parole de Dieu et la bien precher, croÿes si opiniastrément a un ministre qui vous preche, que vous ne voules rien ouir autre.

  A001001425 

 Si chacun peut errer en l'intelligence de l'Escriture, pourquoy non vous et vostre ministre? J'admire que vous n'alles tousjours tremblantz et branslantz; j'admire comme vous pouves vivre avec autant d'asseurance en la doctrine que vous suives, comme si vous ne pouvies [tous] errer, et que neanmoins vous tenes pour asseuré que chacun a erré et peut errer..

  A001001432 

 Disons, je vous prie: vous dites que l'Escriture est aysëe d'entendre, pourveu qu'on l'adjuste a la regle et proportion ou analogie de la foy; mays quelle regle de la foy peuvent avoir ceux [qui] n'ont point d'Escriture que toute glossee, toute estirëe et contournee d'interpretations, metaphores, metonimies? si la regle est sujette au desreglement, qui la reglera? et quelle analogie ou proportion de foy y peut il avoir, si on proportionne les articles de foy aux conceptions les plus esloignëes de leur naïfveté? Voules vous que la proportion des articles de foy vous serve pour vous resoudre sur la doctrine et religion? laysses les articles de foy en leur naturelle taille, ne leur bailles point d'autre forme que celle quilz ont receüe des Apostres.

  A001001433 

 Je vous laysse a penser a quoy me servira le Simbole des Apostres pour interpreter l'Escriture, puysque vous le glosses en telle façon, que vous me mettes en autant de difficulté de son sens que je fus jamais de l'Escriture mesme.

  A001001433 

 Si on demande comm'il se peut faire que le mesme cors de Nostre Seigneur soit en deux lieux, je diray que cela est aysé a Dieu, suyvant le dire de l'Ange, Non est impossibile apud Deum omne Mot, et le confirmeray par la rayson de la foy, Credo in Deum Patrem omnipotentem; mays si vous glosses, et l'Escriture et l'article de foy mesme, comme confirmeres vous vostre glosse? a ce conte la il ny aura point de premier principe sinon vostre cervelle.

  A001001435 

 Ou trouves vous de la contrarieté a ceste sainte analogie de la foy? tant s'en faut, que vrayement ceste creance du tressaint Sacrement, qui contient en verité, realité et substance le vray et naturel Cors de Nostre [338] Seigneur, est vrayement l'abbregé de nostre foy, suyvant le dire du Psalmiste, Memoriam fecit.

  A001001436 

 Mays je reviens a vous, Messieurs, et demande que c'est qu'on m'opposera plus a ces passages si clairs, Cecy est mon cors.

  A001001436 

 Que dires vous plus? que ce Sacrement est appellé pain? aussy est il, mays comme Nostre Seigneur l'explique: Ego sum panis vivus.

  A001001436 

 Que dires vous? que les paroles de Nostre Seigneur sont esprit et vie? qui le nie, sinon vous qui dites que ce ne sont que tropes et figures? Mays a quel propos ceste consequence: les paroles de Nostre Seigneur sont esprit et vie, donques elles ne se doivent pas entendre de son cors? Et quand il dict, Filius hominis tradetur ad illudendum et flagellandum, etc. (car je metz pour exemple les premieres venues), ses paroles n'estoyent ce pas esprit et vie? dites donques qu'il a esté crucifié en figure.

  A001001437 

 A tout rompre vous monstreres que qui voudroit un peu estirer ces paroles, il trouveroit quelques semblables phrases en l'Escriture que celle que vous pretendes estre icy, mays ad esse a posse c'est une lourde consequence; je nie que vous le puyssies faire joindre, je dis que si chacun les manie a sa main, la pluspart les prendront a gauche.

  A001001437 

 Ah, ce dites vous, Nostre Seigneur viendra juger les vivans et les morts des la dextre.

  A001001437 

 Ah, vous disies que vous joindries vostre negative avec l'analogie par le fil de l'Escriture; ou est cest'Escriture, qu'un cors ne puysse estre en deux lieux? voyes un peu comme vous mesles la prophane apprehension d'une rayson purement humaine avec la sacree Parole.

  A001001437 

 Cherches, vires, revires, mettes vous sur vostre esprit de tournoyement a grand randon, et vous ne le trouveres jamais.

  A001001437 

 Monstres moy le fil avec lequel vous couses ceste negative avec ceste affirmative: par ce qu'un cors ne peut estre en deux lieux.

  A001001437 

 Quand a vous, que produires vous de semblable? [339] je vous monstre un est, monstres moy le non est que vous pretendes, ou le significat; je vous ay monstré le corpus, monstres moy le signe effectueux.

  A001001437 

 Vous adjustes tout cecy a l'anormalogie de vostre foy, et comment? Nostre Seigneur est assis a la dextre, donq il n'est pas icy.

  A001001437 

 Vous produises pour vostre creance: Parole quæ ego loquor spiritus et vita sunt, et y joignes, Quotiescumque manducabitis panem hunc; vous y adjoustes, Hoc facite in meam commemorationem; vous y apportes, Mortem Domini annunciabitis donec veniat; Me autem semper non habebitis; mays consideres un peu quel rapport ont ces paroles les unes aux autres.

  A001001438 

 Voicy une regle infallible de nostre foy: Dieu est tout puyssant; qui dict tout n'exclud rien, et vous voules regler ceste regle, et la limiter a ce qu'elle ne s'estende pas a la puyssance absolue, ou a la puyssance de placer un cors en deux lieux, ou le placer en un lieu sans quil y occupe l'espace exterieur.

  A001001438 

 Voyla vostre analogie; a sçavoir mon, qui a mieux travaillé, ou vous ou moy? Si on vous laisse interpreter la descente de Nostre Seigneur aux enfers, du [340] sepulcre, ou de l'apprehension de l'enfer et peyne des damnés, la sainteté de l'Eglise, d'une Eglise invisible et inconneüe, son universalité, d'une Eglise secrette et cachëe, la communion des Saintz, d'une seule bienveuillance generale, la remission des pechés, d'une seule non imputation, quand vous aures ainsy proportionné le Simbole a vostre jugement, il sera quand et quand bien proportionné au reste de vostre doctrine; mays qui ne voit l'absurdité? le Simbole, qui est l'instruction des plus simples, seroit la plus obscure doctrine du monde, et devant estre regle a la foy, il auroit besoin d'estre reglé par une autre regle; In circuitu impii ambulant.

  A001001439 

 Ainsy violes vous ceste sainte mesure et proportion, que saint Pol propose pour estre suivie, voyre aux Prophetes mesme..

  A001001439 

 Je ne voudrois pas que vous pensassies que j'ignorasse que le seul Simbole n'est pas la totale regle et mesure de la foy; car, et saint Augustin et le grand [341] Lirinensis appellent encores regle de nostre foy, le sentiment ecclesiastique.

  A001001439 

 Mays comme vous mesprisés toute la doctrine ecclesiastique, aussi mesprises vous ceste noble partie et si signalëe qui est le Simbole, luy refusant creance sinon apres que vous l'aures reduit au petit pied de vos conceptions.

  A001001443 

 Ah de grace, pendant que ce jourdhuy dure, pendant que Dieu vous præsente l'occasion, jettes vous en l'esquif d'une serieuse pœnitence, et venes vous rendre en l'heureuse navire, laquelle a plein voyle va surgir au port de gloire.

  A001001443 

 Quand il ny auroit autre, ne connoisses vous pas quelz advantages et combien d'excellences la doctrine Catholique a sur vos opinions? [342].

  A001001443 

 Vous vogues donques ainsy, sans aiguille, bussole et timon, en l'ocean des opinions humaynes; vous ne pouves attendre autre qu'un miserable naufrage.

  A001001448 

 Voyes vous pas ceste Espouse qui n'a autre que miel et laict sous sa langue, qui ne respire que la plus grande gloire de son Espoux, son honneur et son obeissance? Sus donques, Messieurs, voules vous estre mis comme pierres vivantes es murailles de la celeste Hierusalem? leves vous des mains de ces bastisseurs desreglés, qui n'adjustent pas leurs conceptions a la foy, mais la foy a leurs conceptions; venes et vous presentes a l'Eglise, qui vous posera, si a vous ne tient, en ce celeste bastiment, a la vraye regle et proportion de la foy: car, jamais personne n'aura place la haut, qui n'aura esté poli et mis en œuvre sous la regle et l'esquierre cy bas.

  A001001456 

 Ces deux fautes fondamentales esquelles vos ministres vous ont conduit, d'avoir abandonné l'Eglise et d'avoir violé toutes les vrayes Regles de la Religion Chrestienne, vous rendent du tout inexcusables, Messieurs: car elles sont si grosses que vous ne pouvies pas les mesconnoistre, et sont si importantes que l'une des deux suffit pour vous faire perdre le vray Christianisme; puysque la foy hors de l'Eglise, ni l'Eglise sans la foy, ne vous sçauroit sauver, nomplus que l'œil hors la teste, ni la teste sans l'œil, ne sçauroit voir la lumiere.

  A001001456 

 Quicomque vous vouloit separer de l'union de l'Eglise vous devoit estre suspect, et qui mesprisoit si fort les saintes Regles de la foy devoit estre fuy et mesprisé, quelle contenance quil tint, quoy quil allegast.

  A001001457 

 .. Ah mon Dieu, comme creutes vous si legerement? Il ny eut onques heresie qui alleguast plus hors de propos la Parole de Dieu que celle cy, et qui en tirast des conclusions moins sortables, particulierement es principales disputes.

  A001001457 

 .. Vous ne devies pas croire si legerement; si vous eussies bien advisé a vos affaires, vous eussies veu que ce n'estoit pas la Parole de Dieu quilz avançoyent, mais leurs propres conceptions voylëes des motz de l'Escritture, et eussies bien connu que jamais un si riche habit ne fut faict pour couvrir un si vilain cors comme est ceste heresie..

  A001001457 

 Mays, ce me dires vous, ilz protestoyent de ne rien dire qui ne fut expres en la pure, simple et naifve Parole de Dieu.

  A001001457 

 Vous l'aures desja peu remarquer cy devant es deux premieres Parties de ce Memorial, mays je desire que vous le touchies au doigt, affin quil ne vous demeure aucune excuse de reste.

  A001001458 

 Car, par supposition, faysons que jamais il ny eust Eglise, ni Concile, ni Pasteurs, ni Docteurs, des les Apostres, et que l'Escriture Sainte ne contient que les Livres quil plaict a Calvin, Beze et Martyr d'avouer, quil ny a point de Regle infallible pour la bien entendre, mays qu'elle est a la merci des conceptions de quicomque voudra maintenir quil interprete l'Escriture par l'Escriture et par l'analogie de la foy, comme on veut entendre Aristote par l'Aristote et par l'analogie de la philosophie; confessons seulement que ceste Escriture est divine, et je maintiens devant tous juges equitables que, si non tous, au moins ceux d'entre vous qui avoyent quelque connoissance et suffisance sont inexcusables, et ne sçauroyent garentir leur religion de legereté et temerité.

  A001001459 

 C'est donques ce que je pretens faire en ceste troysiesme Partie, ou j'attaqueray vos ministres sur les Sacremens en general, et en particulier sur celuy de l'Eucharistie, de la Confession et Mariage, sur l'honneur et invocation des Saintz, sur la convenance des ceremonies en general, puys en particulier, sur la puyssance de l'Eglise, sur le merite des bonnes œuvres et la justification, et sur les indulgences; ou je n'employeray que la pure et simple Parole de Dieu, avec laquelle seule je vous feray voir, comme par essay, vostre faute si a descouvert, que vous aures occasion de vous en repentir.

  A001001459 

 Et a ceste occasion j'adjusteray tousjours le sens et la consequence que je produiray des Escritures, aux Regles que j'ay produites en la seconde Partie; quoy que mon dessein principal ne soit que de vous faire essayer la vanité de vos ministres, qui ne faysans que crier, la Sainte Escriture, la Sainte Escriture, ne font rien plus que d'en violer les plus asseurëes sentences.

  A001001459 

 Et toutefois, je vous supplie que si vous me voyes combattre, abattre et en fin surmonter l'ennemy avec la seule Escriture, vous vous representies alhors ceste grande et honnorable suite de Martyrs, Pasteurs et Docteurs, qui ont tesmoigné par leur doctrine et au prix de leur sang que la doctrine pour laquelle nous combattons maintenant estoit la sainte, la pure, l'Apostolique, qui sera comme une surcharge de victoire: car, quand nous nous trouverions en pareille fortune avec nos ennemis, par la seule Escriture, l'ancienneté, le consentement, la sainteté de nos autheurs nous feroit tousjours triompher.

  A001001459 

 Lises les opuscules de Paulus Samosatenus, de Priscillien, d'Eunomius, Jovinien, et de ces autres pestes; vous verres un grand amas d'exemples, et presque pas une pagëe qui ne soit fardëe et colorëe de quelques sentences du Viel et Nouveau Testament.

  A001001459 

 Ne diries vous pas que c'est bien eux qui seulz et sans compaignon manient l'Escriture Sainte? Ilz en citent, a la verité, des morceaux, et a tous propos, « en public, en privé, » dict le grand Lirinensis, « en leurs discours, en leurs livres, es rues, es banquetz.

  A001001460 

 C'est ce que je pretens icy, mays briefvement; et [348] proteste que je produyray tresfidelement tout ce que je cuyderay estre de plus apparent de leur costé, puys par l'Escriture mesme les convaincray, affin que vous voyes que quoyque et eux et nous manions et nous armons de l'Escriture, nous en avons neanmoins la realité et droit usage, eux n'en ayant qu'une vayne apparence par maniere d'illusion; ainsy que non seulement Moise et Aaron, mays encores les magiciens animerent leurs verges et les convertirent en colœuvres, mays la verge d'Aaron devora les verges des autres.

  A001001476 

 Les voyci: Qui crediderit et baptizatus fuerit; voyes vous la creance qui nait en nous par la prædication, separëe du Baptesme? ce sont donq deux choses distinctes, la prædication et le Baptesme.

  A001001477 

 Item, la pluspart des baptesmes qui se font en l'Eglise Catholique se font sans aucune prædication; ilz ne sont donq pas vrays baptesmes, puysque la forme y manque: que ne rebaptizes vous donques ceux qui vont de nostre Eglise a la vostre? ce seroit un anabaptisme..

  A001001478 

 Or sus, voyla, selon les Regles de la foy, et principalement selon l'Escriture Sainte, comme vos ministres errent quand ilz vous enseignent que la prædication est forme des Sacremens: mays voyons si ce que nous en croyons est plus conforme a la sainte Parole.

  A001001557 

 Ni ne faudroit pas dire que le baptesme duquel parle saint Pol soit seulement un baptesme de tristesses et de larmes, non de jeusnes, prieres et autres actions, car avec ceste intelligence sa conclusion seroit tres mauvaise: il veut conclure que si les morts ne resuscitent point, et si l'ame est mortelle, qu'en vain s'afflige l'on pour les morts; mais, je vous prie, n'auroit on pas plus d'occasion de s'affliger par tristesse pour la mort des amis s'ilz ne resuscitent point, perdant toute esperance de jamais les revoir, que s'ilz resuscitent? Il entend donques des afflictions volontaires que l'on faisoit pour impetrer le repos des defuncts, lesquelles sans doute on prattiqueroit en vain si les ames estoyent mortelles, ou que les morts ne resuscitassent point; en quoy il se faut souvenir de ce qui a esté dict cy dessus, que l'article de la resurrection des morts et celuy de l'immortalité de l'ame estoyent conjoincts tellement ensemble en la creance des Juifz, que qui advouoit l'un, advouoit l'autre, et que qui nioit l'un, nioit l'autre.

  A001001566 

 On peut dire que ces peynes se souffriront en ce monde, mays saint Augustin et les autres Peres l'entendent pour l'autre monde; et puys, ne se peut il pas faire qu'un homme meure sur la premiere ou seconde offense de laquelle il est parlé icy, et celuy la, ou payera il les peynes deües a son offense? ou si vous voules qu'il ne les paye point, quel lieu luy donneres vous pour sa retraite apres ce monde? vous ne luy bailleres pas l'enfer, sinon que vous voulies adjouster a la sentence de Nostre Seigneur, qui ne baille l'enfer pour peyne qu'a ceux qui auront faict la troisiesme offense; le loger en Paradis vous ne le deves faire, parce que la nature de ce lieu celeste rejette toute sorte d'imperfection; n'allegues pas icy la misericorde du Juge, car il declare en cest endroit qu'il veut encores user de justice: faites donques comme les anciens Peres, et dites qu'il y a un lieu ou elles seront purgees, et puys s'en iront la haut en Paradis..

  A001001577 

 1, can. Visum est, au Concile d'Orleans 2, c. 14; en Allemagne, au Concile Wormatiense, c. 80; en [384] Italie, au Concile 6 sous Symmachus; en Grece, comme on peut voir en leurs Sinodes recueillies par Martin Bracarense, c. 69: et par tous ces Conciles vous verres que l'Eglise tient pour authentique la priere pour les trespassés, et par consequent le Purgatoire.

  A001001578 

 Mays quelle plus sainte resolution de l'Eglise voudroit on avoir que celle qui est couchëe en toutes les Messes d'icelle? Regardes les liturgies de saint Jaques, saint Basile, saint Chrysostome, de saint Ambroise, desquelles se servent encores a present tous les Chrestiens orientaux, vous y verres la commemoration pour les morts comm'elle se voit en la nostre a peu pres.

  A001001578 

 Si sal evanuerit, in quo salietur? si Ecclesia erraverit, a quo corripietur? si Ecclesia, fida custos veritatis, veritatem amiserit, veritas a quo reperietur? si Christus Ecclesiam abjecerit, quem recipiet? qui neminem nisi per Ecclesiam admittit. Et si l'Eglise peut errer, et vous, Pierre Martyr, pourries vous pas errer? sans doute: je croiray donques plus tost que vous ayes erré que l'Eglise.

  A001001590 

 c.: Qui irascitur fratri suo, reus erit judicio; qui dixerit fratri suo racha, reus erit consilio; qui dixerit fatue, reus erit gehennæ ignis. Qu'est ce, je vous prie, d'estre coulpable de gehenne du feu, sinon estre coulpable de l'enfer? or ceste peyne n'est deüe qu'a ceux qui appellent fatue: ceux qui montent en cholere et ceux qui expriment leur cholere par parole non injurieuse et diffamatoire, ne sont pas en mesme rang; ains l'un merite le jugement, c'est a dire, que sa colere soit mise en jugement, comme la parolle oyseuse, Mat.


02-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome II-Defense de l'estendart de la Sainte Croix.html
  A002000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A002000124 

 C'est ce que font eternellement les Bienheureux la haut, jettans leurs couronnes aux piedz de Celuy qui est assis au throsne, avec ceste reconnoissance: O Seigneur, nostre Dieu, vous estes digne de prendre la gloire, l'honneur et la vertu; car vous aves tout créé, et tout est et a esté créé par vostre volonté.

  A002000126 

 Or, je vous prie, Dieu est-il pas l'autheur et principe de l'ordre politique? Les roys regnent par luy... et par luy les princes maistrisent.

  A002000143 

 Voyes-vous comme l'accroissement de la foy et de l'honneur de Jesus Christ fait croistre l'honneur et [14] estime de ses Saintz et de ce qui depend d'eux? Ainsy saint Gregoire de Tours voulant raconter un miracle que je reciteray ci apres, il y fait ceste preface: « En ce tems ci Jesus Christ est aymé d'une si grande dilection par une entiere foy, que de celuy, la loy duquel les peuples fidelles retiennent es tables de leur cœur, ilz en affigent aussi par les eglises et maysons l'image, peinte en des tableaux visibles, pour une remembrance de vertu.

  A002000152 

 Voyla tout le dessein de ces quattre livres, lesquelz ayans esté dressés pour vostre usage, mes tres aymés et tres honnorés Freres et Seigneurs en Jesus Christ crucifié, j'ay encor a vous dire certaines choses avant que vous entries en la lecture d'iceux.

  A002000155 

 Mays affin que je paye en contant l'approbation que je desire de vous) touchant ce jugement, sans attendre que vous ayes leu tout mon advertissement (qui peut estre n'obtiendra pas ceste grace de vous que vous y employies beaucoup de tems), je vous veux mettre devant quelques pieces de ce beau traitté, affin que vous voyies que peut valoir le tout. Le tout n'est que de 62 petites pages: en la premiere il n'y a que le tiltre, lequel pour bon commencement est du tout mensonger, car il porte le nom « de la vertu de la [20] Croix et de la maniere de l'honorer », et le traitté n'est employé a autre qu'a persuader la Croix estre inutile et indigne d'honneur.

  A002000170 

 III. La troisiesme chose que je vous diray sera la rayson que j'ay eue d'entreprendre ceste response, et c'est l'occasion que mon adversaire pretend avoir eue de dresser un traitté.

  A002000172 

 IV. J'ay encor a vous dire pour la quattriesme chose, que, ne sçachant qui est l'autheur du traitté auquel je fais response et m'estant force de l'alleguer souvent, j'ay pris congé de me servir du nom de traitteur, lequel je n'emploie qu'a faute d'autre plus court; et cependant je n'ay voulu user d'aucunes injures ni invectives mordantes, comme il a fait, ma nature n'est point tournee a ce biais.

  A002000173 

 Au reste c'est a vous, Messieurs mes Confreres, que j'addresse mon advertissement, non que je ne souhaitte qu'il soit leu de plusieurs autres, mais, parce que vous vous estes dediés par une particuliere devotion a l'honneur du tres saint Crucifix et de sa Croix, vous estes aussi obligés de sçavoir plus particulierement rendre conte et rayson de cest honneur.

  A002000173 

 Et affin que les armes vous fussent plus a commodité, je vous en ay appresté autant qu'il m'a esté [28] possible en ces quattre livres: lesquelles, si elles ne sont ni dorees ni riches d'aucune belle graveure, je vous prieray de l'attribuer plustost a ma pauvreté que non pas a chicheté.

  A002000173 

 Et puysque vous estes tous liés en une sainte societé, et que les devotes actions des Confreres d'Annessi ont baillé en partie sujet a l'escarmouche que je soustiens, les loix de nos alliances spirituelles requierent qu'un chacun de vous contribue a mon secours.

  A002000174 

 Si trouveres-vous encor icy quelques belles pieces de poesie et versions des vers des anciens Peres que je cite, lesquelles sont parties de la main de Monsieur nostre President de Genevois, AntoyneFavre, l'une des plus riches ames et des mieux faittes que nostre aage ayt portées, et qui par une rare condition sçait extremement bien assortir l'exquise devotion dont il est animé avec la singuliere vigilance qu'il a aux affaires publiques.

  A002000188 

 que la vocation des pasteurs et magistratz ecclesiastiques doit estre faite visiblement ou perceptiblement, non par maniere d'enthousiasme et motion secrette: car voyla deux exemples quil propose; d'Aaron, qui fut oint et appellé visiblement, et puys de Nostre Seigneur et Maistre, qui, estant sauverain Pontife et Pasteur de tous les siecles, ne s'est point clarifié soy mesme, c'est a dire, ne s'est point attribué l'honneur de sa sainte prestrise, comme avoit dict saint Pol au paravant, mays a esté illustré par Celuy qui luy a dict: Tu es mon Filz, je t'ay engendré au jourdhuy, et, Tu es prestr'eternellement, selon l'ordre de Melchisedech. Je vous prie, penses a ce trait.

  A002000196 

 Au moins ne se devroyent ilz pas exempter de produyre des miracles sur une telle mutation, quoy que vous tiries prætexte de l'Escriture; puysque Nostre Seigneur ne s'en exempta pas, comme j'ay monstré cy dessus, encores que le changement quil faysoit fut puysé de la plus pure source des Escritures.

  A002000196 

 Mays quand a la premiere, dites moy, je vous prie, [35] trouves vous bon qu'on mette en comparaison la vocation de ces nouveaux ministres avec celle de Nostre Seigneur? Nostre Seigneur avoit il pas esté prophetisé en qualité de Messie? son tems n'avoit il pas esté determiné par Daniel? a-il faict action qui presque ne soit particulierement cottëe es Livres des Prophetes et figurëe es Patriarches? Il a faict changement de bien en mieux de la loy Mosaique, mays ce changement la n'avoit il pas esté prædit? Il a changé par consequence le sacerdoce Aaronique en celuy de Melchisedech, beaucoup meilleur; tout cela n'est ce pas selon les tesmoignages anciens? Vos ministres n'ont point esté prophetisés en qualité de prædicateurs de la Parole de Dieu, ni le tems de leur venue, ni pas une de leurs actions; ilz ont faict un remuement sur l'Eglise beaucoup plus grand et plus aspre que Nostre Seigneur ne fit sur la Sinagogue, car ilz ont tout osté sans y remettre que certaines ombres, mays de tesmoignages ilz n'en ont point a cest effect.

  A002000202 

 Vos premiers ministres donques, Messieurs, sont de ces prophetes que Dieu defendoit d'estr'ouys parler, [en] Hieremie: Ne veuïlles ouyr les paroles des prophetes qui prophetisent et vous deçoivent; ilz parlent la vision de leur cœur, et non point par la bouche du Seigneur.

  A002000202 

 Vous sembl'il pas que ce soyent Luther et Zuingle avec leurs propheties et visions? ou Carolostade avec sa revelation quil disoit avoir eue pour sa cene, qui donna occasion a Luther d'escrire son livre, Contra cœlestes prophetas? C'est [38] bien eux, au moins, qui ont ceste proprieté de n'avoir pas estés envoyés; c'est eux qui prennent leurs langues, et disent, le Seigneur a dict: car ilz ne sçauroyent jamais monstrer aucune preuve de la charge quilz usurpent, ilz ne sçauroyent produyre aucune legitime vocation, et, donques, comme veulent ilz precher? On ne peut s'enrooler sous aucun capitayne sans l'aveu du prince, et comment fustes vous si promtz a vous engager sous la charge de ces premiers ministres, sans le congé de vos pasteurs ordinaires, mesme pour sortir de l'estat auquel vous esties nay et nourry qui est l'Eglise Catholique? Ilz sont coulpables d'avoir faict de leur propr'authorité ceste levëe de bouclier, et vous de les avoir suyvis; dont vous estes inexcusables.

  A002000203 

 Et voyla la premiere rayson qui rend vos ministres et vous aussy, quoy qu'inegalement, inexcusables devant Dieu et les hommes d'avoir laissé l'Eglise.

  A002000213 

 Car, sortir de l'Eglise, et contredire a ses decretz, c'est tousjours se rendre ethnique et publicain, quand ce seroit a la persuasion d'un ange ou seraphim; mays, a la persuasion d'hommes pecheurs a la grande forme, comme les autres, personnes particulieres, sans authorité, sans adveu, sans aucune qualité requise a des precheurs ou profetes que la simple connoissance de quelques sciences, rompre tous les liens et [la] plus religieuse obligation d'obeissance qu'on eust en ce monde, qui est celle qu'on doit a l'Eglise comm'Espouse de Nostre Seigneur, c'est une faute qui ne se peut couvrir que d'une grande [40] repentance et pœnitence, a laquelle je vous invite de la part du Dieu vivant..

  A002000216 

 Permettes moy, je vous prie, que je die librement la verité.

  A002000217 

 » Or c'est a bonne rayson que l'on [a] apelé le peuple Chrestien Eglise ou convocation, par ce que [le] premier benefice que Dieu faict a l'homme pour le mettr'en grace, c'est de l'appeller a l'Eglise; c'est le premier effect de sa prædestination: Ceux quil a prædestinés il les [42] a appellés, disoit saint Pol aux Romains; et aux Collossiens: Et la paix de Christ tressaute en vos cœurs, en laquelle vous estes appelles en un cors. Estr'apellés en un cors c'est estr'apellés en l'Eglise; et en ces similitudes que faict Nostre Seigneur en saint Mathieu, de la vigne et du banquet avec l'Eglise, les ouvriers de la vigne et les convies aux noces il les nomme apellés et convoqués: Plusieurs, dict il, sont apellés, mays peu sont esleuz.

  A002000222 

 Esaïe parl'ainsy d'elle: Ce vous sera une voye droite, si que les folz ne s'egareront point par icelle; faut il pas bien qu'elle soit descouverte et aysee a remarquer, puysque les plus grossiers mesmes s'y sçauront conduyre sans se faillir?.

  A002000222 

 Salomon, es Cantiques, parlant de l'Eglise, ne dict il pas: Les filles l'ont veüe et l'ont præchëe pour tresheureuse? Et puys, introduysant ses filles pleynes d'admiration, il leur faict dire: Qui est cellecy qui comparoist et se produit comm'une aurore en son lever, belle comme la lune, esleüe comme le soleil, terrible comm'un esquadron de gendarmerie bien ordonné? N'est ce pas la declairer visible? Et quand il faict qu'on l'apelle ainsy: Reviens, reviens, Sullamienne, reviens, reviens, ajfin qu'on te voÿe, et qu'elle responde: Qu'est ce que vous verres en ceste Sullamitesse sinon les troupes des armees? n'est ce pas encores la declairer visible? Qu'on regarde ces admirables [44] cantiques et repræsentations pastorales des amours du celest'Espoux avec l'Eglise, on verra que par tout ell'est tres visible et remarquable.

  A002000223 

 Je crois que ceux ausquelz saint Pol disoit: Prenes gard'a vous et a tout le troupeau, auquel le Saint Esprit vous a constitués pour regir l'Eglise de Dieu, je crois, dis je, quil les voyoit; et quand ilz se jettoyent comme bons enfans au col de ce bon [pere], le baysans et baignans sa face de leurs larmes, je crois quil les touchoit, sentoyt et voyoit: et ce qui me le faict plus croire, c'est quilz regrettoyent principalement son départ par ce quil avoit dict quilz ne verroyent plus sa face; ilz voyoyent donques saint Pol, et saint Pol les voyoit.

  A002000223 

 Les pasteurs et docteurs de l'Eglise sont visibles, donques l'Eglise est visible: car, je vous prie, les pasteurs de l'Eglise sont ilz pas une partie de l'Eglise, et faut il pas que les pasteurs et les brebis s'entrereconnoissent les uns et les autres? faut il pas que les brebis entendent la voix du pasteur et le suyvent? faut il pas que le bon pasteur aille rechercher la brebis esgarëe, quil reconnoisse son parc et bercïl? Ce seroit de vray une belle sorte de pasteurs qui ne sceut connoistre son troupeau ni le voir.

  A002000227 

 Bonté de Dieu, et nous demanderons encores si l'Eglise est visible? Mays qu'est ce que l'Eglise? une assemblëe d'hommes qui ont la chair et les os; et nous dirons encores que ce n'est qu'un esprit ou fantosme, qui sembl'estre visible et ne l'est que par illusion? Non, non, qu'est ce qui vous troubl'en cecy, et d'ou vous peuvent venir ces pensers? Voyes ses mains, regardes ses ministres, officiers et gouverneurs; voyes ses pieds, regardes ses prædicateurs comm'ilz la portent en levant, couchant, mydi et septentrion: tous sont de chair et d'os.

  A002000227 

 Touches la, venes comm'humbles enfans vous jetter au giron de ceste douce mere; voyes la, consideres la bien tout'en son cors comm'ell'est toute belle, et vous verres qu'ell'est visible, car une chose spirituelle et invisible n'a ni chair ni os comme voyes qu' elle a..

  A002000240 

 Voyes-vous pas comme il rendit respectable le mont sur lequel il apparut a Moyse en un buisson ardant? Leve tes soliers, dit-il, car la terre ou tu es est sainte.

  A002000242 

 Helisee garda soigneusement le manteau de Helie, et le tint pour honnorable instrument de miracle: pourquoy n'honnorerons-nous le bois duquel Nostre Seigneur [52] s'affeubla au jour de son exaltation et de la nostre? Que dires-vous de Jacob qui adora le bout de la verge de Joseph? n'eust-il pas honnoré la verge et sceptre du vray Jesus? Hester baysa le bout de la baguette d'or de son espoux, et qui empeschera l'ame devote de bayser par honneur la baguette du sien? Je sçai la diversité des leçons que l'on fait sur le passage de saint Paul, mais aussi sçai-je que celle-la de la Vulgaire est la plus asseuree et naïfve, mesme estant rapportee et confrontée avec ce qui est dit d'Hester; aussi est-elle suivie par saint Chrysostome..

  A002000245 

 La ou la distinction, si mal par vous menagee, de la croix supplice et de la croix instrument de supplice, ne vous sçauroit sauver; car la crucifixion ne se fait pas par l'affixion au supplice, mays a la croix ou gibbet.

  A002000245 

 N'est-ce pas chose bien remarquable que Nostre Seigneur a voulu prendre un de ses noms de la Croix, voulant qu'il luy demeurast perpetuel, voire apres sa resurrection, et comme la Croix est appellee Croix de Jesus, qu'aussi Jesus fust nommé Jesus crucifié? Cherches-vous Jesus de Nazareth crucifié? Nous prechons Jesus crucifié.

  A002000245 

 Ou trouveres-vous [54] qu'autre que ce Seigneur ayt prins ce nom? Comme il est appellé Galileen de son païs, Nazareen de sa ville, il est appellé Crucifié de sa Croix.

  A002000245 

 Quelle ineptie d'apparier les autres instrumentz de sa Passion a celuy ci: car ou trouvera-on que le Sauveur soit appellé fouetté, lié et garotté? et vous voyes qu'il prend a nom Crucifié ou Crucifix.

  A002000245 

 Saint Cyrille Hierosolymitain a remarqué tres expressement ce discours sur le milieu de sa Catechisation XIII. Vous ne disies mot de tout cecy, petit traitteur: estes-vous aveugle, ou si vous faites le fin? il y a bien a dire entre tesmoigner que Jesus Christ a esté crucifié, et dire qu'il s'appelle Crucifié.

  A002000247 

 Je vous prie, en fin, de vous resouvenir de l'honneur que saint Jean portoit aux soliers mesmes de Nostre Seigneur, il les prisoit tant qu'il s'estimoit indigne de les toucher; qu'eust-il fait s'il eust rencontré la Croix? Le parfait honneur s'estend jusques aux moindres appartenances de celuy que l'on ayme. [57].

  A002000253 

 J'ay monstré cy devant combien la Croix a de vertu, et combien nous avons de devoir de l'honnorer, par les consequences tirees a droit fil des saintes Escritures, ou, comme vous aves veu, je n'ay pas eu beaucoup de peyne a respondre aux argumens de ma partie, puysque ayant fait toutes ses propositions negatives, protestant de ne vouloir rien croire que ce qui est escrit, il n'a toutefois produit qu'un passage de l'Escriture, employé en un sens tres impertinent.

  A002000253 

 » Accordes, je vous prie, cest homme avec soy mesme. Pour prevenir, dit-il, l'idolatrie, Dieu veut la Croix de son Filz estre cachee; par la marque de la Croix toutes deceptions des diables sont chassees: la Croix abolit l'idolatrie; la Croix est cause de l'idolatrie.

  A002000254 

 Et vous voules au contraire, traitteur, que la Croix soit une idole, et que l'idolatrie ait esté catholique, c'est a dire universelle en l'Eglise de Jesus Christ l'espace de mille ans, et que la vraye religion ait esté cachee en un petit fagot de personnes invisibles et inconneuës.

  A002000254 

 Jesus Christ proteste que si un jour il est eslevé en haut il tirera toutes choses a soy, et le prince du monde sera chassé; et vous voules que l'eschelle de son exaltation ait deprimé et abattu son honneur et service.

  A002000254 

 Toute l'ancienneté s'est servie de la Croix contre le diable, et vous dites que ceste Croix est le throsne de son idolatrie..

  A002000255 

 Et quant a l'exemple que vous apportes du sepulchre de Moyse, je ne sçai comme il ne vous a ouvert les yeux; car laissant a part la deshonneste comparaison que vous faites entre les Juifz et les Chrestiens, quant au danger de tomber en idolatrie, ne devies-vous pas raysonner en ceste sorte: Dieu qui n'a pas voulu que le sepulchre de Moyse ait esté conneu, pour prevenir l'idolatrie, a toutefois voulu que le sepulchre de Nostre Seigneur ait esté conneu et reconneu en l'Eglise Chrestienne, comme tout le monde sçait et personne ne le nie.

  A002000257 

 » Voyes-vous comme il extravague? Son intention estoit de prouver que la Croix n'estoit venue a notice; il le prouve parce qu'il n'est pas vraysemblable qu'elle ait esté enterree la ou elle est erigee.

  A002000260 

 » Voyes-vous a quel propos ce traitteur allegue la jalousie des Juifz, puysque on ne dit pas que ce fussent les Juifz, mais les Gentilz? et a quel propos il allegue le tems de la ville de Hierusalem, puysque ce fut apres son extermination?.

  A002000286 

 » Et saint Paulin, en l'epistre a Severe, luy envoyant une petite piece d'une partie de la Croix: « Que vostre foy, » dit-il, « ne soit point restrecie, vos yeux charnelz voyans peu de chose; mays que, par la veuë interieure, elle voye en ce petit peu toute la vertu de la Croix, pendant que vous penses voir ce bois-la auquel nostre salut, auquel le Seigneur de majesté, estant cloué, fut pendu, tout le monde tremblant, et vous resjouisses avec crainte.

  A002000340 

 Saint Paulin envoya une petite piece d'icelle a saint Sulpice pour la consecration d'une Eglise: « Nous avons trouvé, » dit-il, « dequoy vous envoyer pour la sanctification du temple, et pour combler la benediction des saintes reliques, c'est a sçavoir, une partie d'une petite piece du bois de la divine [88] Croix.

  A002000469 

 » Et apres avoir remonstré qu'en la religion des Romains on honnoroit et prisoit des pieces de bois qui estoyent peu differentes de la Croix, et que les faiseurs d'idoles se servoyent d'instrumens faitz en forme de croix pour faire les mesmes idoles; item, qu'ilz adoroyent les victoires, et que le dedans de leurs trophees (c'est a dire les instrumens sur lesquelz on portait les trophees) estoyent en forme de croix; item, que la religion des Romains, estant toute militaire, veneroit les enseignes et estendartz, juroit par iceux, et les prisoit plus que tous les dieux, et que les voyles ou drapeaux des estendartz n'estoyent que comme des manteaux et vestemens des croix, il conclud disant: « Je loue ceste diligence; vous n'aves pas voulu consacrer des croix nues et descouvertes, ou sans ornement.

  A002000470 

 Autant en dit, et beaucoup plus clairement, Justin le Martyr en sa seconde Apologie, la ou ayant monstré que sans la figure de la Croix l'on ne peut rien faire, et d'avantage, que les trophees et masses que l'on portait devant les magistratz avoyent quelque ressemblance de la Croix, et que les Gentilz consacroyent les images de leurs empereurs defunctz par la figure de la Croix, il conclud en fin en ceste sorte: « Puys donques, que par bonnes raysons tirees mesmes de la figure, nous faisons tant que nous pouvons ces choses avec vous, nous serons desormais sans coulpe.

  A002000474 

 » Voyes-vous comme il rapporte le commencement de leur pretendue corruption de la doctrine Chrestienne au tems de saint Gregoire? et neanmoins, quant a la Croix, il l'a rapportee aux Chrestiens qui vivoyent du tems de Constantin [107] le Grand, lesquelz il fait (et c'est la verité) grans amateurs de l'erection des croix, que puys apres il appelle corruption.

  A002000494 

 Oyons-le parler, je vous prie:.

  A002000494 

 Qui ne sçait les sottises que les historiens payens, apres Tacitus et autres, ont imposees aux Chrestiens avec leur teste d'asne? Je vous laisse a penser s'ilz se sont espargnés a se taire en nos advantages et prerogatives, puysqu'ilz ne se sont pas espargnés a dire des fables et faire des contes pour honnir et vituperer le Christianisme.

  A002000532 

 » Et pour quel usage tout cela, je vous prie? « Pour monstrer, » respond-il, « haut et clair qu'on est Chrestien.

  A002000572 

 Partant, portons avec grande affection la Croix au dedans des maysons et es murailles (vous voyes qu'il parle du signe et image de la Croix), et es fenetres, et au front encores, et en l'esprit, car cela est le signe de nostre salut... » Et peu apres, parlant encores de la Croix, il dit ainsy: « Laquelle il ne faut pas simplement former avec le doigt au cors, mays premierement en l'esprit avec une grande foy; car si tu l'imprimes en ceste sorte en ta face, pas un des meschans demons, voyant la lance par laquelle il a receu la playe mortelle, ne t'osera attaquer.

  A002000574 

 Mays ayant monstré le contraire quant a l'image de la Croix, je puis dire: Hé je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres, Chrysostome, Augustin, Paulin, eussent mis en usage une chose qu'ilz eussent conneu estre inutile et pernicieuse? Mays le mieux est qu'ilz tesmoignent non seulement de leur fait, ains aussi de la prattique du Christianisme de leur aage; ainsy Justinien l'Empereur fit ceste loy: « Que l'Evesque, consacrant une eglise ou monastere, consacre [143] le lieu a Dieu par oraison, fichant en iceluy le signe de nostre salut (nous entendons la vrayement adorable et honnorable Croix); ainsy qu'il commence l'edifice mettant un si bon et propre fondement.

  A002000574 

 Or, je vous prie, qui est-ce qui pensera que ces saintz Peres eussent privé a leur escient l'Eglise d'une chose qu'ilz eussent conneu luy estre utile et salutaire? » Les pauvres huguenotz avoyent esté apprins comme cela par le pere de leur reformation; on leur a monstré mille fois que c'estoit une fauseté, et que es cinq cens, voire es trois cens premieres annees, il y avoit des images es eglises: ilz dient neanmoins, autant impudemment que jamais, que l'ancienneté ne mettoit point des images aux eglises.

  A002000631 

 Mays a quoy, je vous prie, visoit la bravade que les payens faisoyent aux Chrestiens, recitee par Minutius Felix au huitiesme Livre joint a ceux d'Arnobe: « Voicy des supplices pour vous, et des tormens et des croix, non plus pour adorer mays pour souffrir »? n'estoit-ce pas une presupposition de l'honneur que les Chrestiens faisoyent a la Croix qui leur faisoit avancer ces parolles: Ecce vobis supplicia, tormenta, et jam non adorandæ sed subeundæ cruces? En voyla bien asses pour convaincre le traitteur, qui a bien osé dire que du tems de la pure et primitive Eglise on n'a dressé ni veneré la Croix, ou bien, qui revient tout en un, qu'il ne luy faut porter aucun honneur religieux; car, a quel autre honneur se peut rapporter ce que j'ay produit jusques icy? [153].

  A002000657 

 Voicy un exemple signalé: Josué desire que le soleil et la lune s'arrestent et parent au milieu de leur carriere; a quoy, je vous prie, s'addresse-il pour en avoir l'effect? Quant a l'intention, pour vray, il fait sa requeste a Dieu: Tunc locuutus est Josue Domino, in die qua tradidit Amorrhæum in conspectu filiorum Israël: Alhors Josué parla au Seigneur, en la journee que Dieu livra l'Amorrheen a la veuë des enfans d'Israël. Voyla son intention qui va droit a Dieu, mais quant a ses paroles elles n'arrivent que jusques au soleil et a la lune: Dixitque coram eis: Sol, contra Gabaon ne movearis, et luna contra vallem Aialon: Et dit devant iceux: O soleil, n'avance point contre Gabaon, et toy, o lune, contre la vallee d'Aïalon. Voyla les paroles qui sont dressees au soleil et a la lune, et voicy [158] l'effect qui ne part que de la main de Dieu: Stetit itaque sol in medio cæli, et non festinavit occumbere spatio unius diei; non fuit postea et antea tam longa dies, obediente Deo voci hominis: Donques le soleil s'arresta au milieu du ciel et ne se coucha point par l'espace d'un jour; onques auparavant ni apres, jour ne fut si grand, Dieu obeissant ou secondant a la voix de l'homme.

  A002000667 

 Y a-il mot de plus grande signification que le mot de Dieu, qui signifie le souverain Estre et l'Infini? neanmoins par fois le Saint Esprit l'accourcit tant qu'il le fait joindre aux creatures: J'ay dit, vous estes dieux; Dieu se trouve en l'assemblee des dieux, or au milieu il juge les dieux; Je t'ay constitué Dieu de Pharao.

  A002000668 

 Qui leur a dit, je vous prie, que parlans comme saint Chrysostome, nous entendons autrement que luy? C'est chose certaine que nous attribuons bien souvent au signe ce qui convient a la chose signifiee, comme quand nous disons: Sire, j'honnore vostre sceptre, ou bien: Seigneur, j'adore vostre Croix..

  A002000690 

 Ilz auroyent fait, ce dites-vous, chose non faisable; vous parles a credit et ne le sçauries prouver.

  A002000690 

 Quel pouvoir aves-vous de juger si rigoureusement ces vieux Chrestiens et les autheurs qui les louent?.

  A002000690 

 Si vous dites que non, convainques donq Sozomene et plusieurs autres autheurs de fauseté, et quelz tesmoins aves-vous pour leur opposer? que s'ilz l'ont adoree, confesses que nous ne faisons que ce qui se faisoit en la plus pure Eglise.

  A002000690 

 » Mais que ne parles-vous franchement, o traitteur? ou ilz l'ont adoree ou non.

  A002000691 

 Les prelatz qui font leur devoir sont dignes de double honneur; et, je vous prie, ceux qui ne font leur devoir doivent-ilz estre mesprisés? Au contraire saint Paul tesmoigne qu'on leur doit, ce nonobstant, honneur et reverence; la rayson est parce que leur bonne vie n'est pas la totale cause du devoir que l'on a de ces honneurs, mays la dignité du grade qu'ilz tiennent sur nous..

  A002000693 

 Cependant, Picard que vous appelles saint par moquerie, l'estoit a bon escient pour le zele qu'il avoit au service de Dieu; la Sorbonne vous desplait tous-jours, aussi est-ce un arsenal infallible contre vos academies. Et n'est pas vray que les croix de Rome soyent plus saintes que les autres, comme vous dites en gossant, car elles n'ont point d'autre qualité que celles des autres provinces, ni ne sont le siege de la sainteté plus que les autres; leur sainteté c'est le rapport qu'elles ont a Jesus Christ, lequel elles representent ou qu'elles soyent, et ne sont point le siege du Pape (duquel sans doute vous avies envie de parler, o petit traitteur, si un peu de [182] honte de sortir ainsy hors de propos ne vous eust retenu pour ce coup), du Pape, dis-je, lequel estant appellé Sainteté pour l'excellence de l'office qu'il a au service de Jesus Christ en l'Eglise, se tient neanmoins pour bien honnoré d'honnorer le seul signe de ceste premiere, absolue et souveraine Sainteté qui est Jesus Christ crucifié.

  A002000693 

 Et quoy? si le cors est tormenté par le demon affin que l'esprit du possedé soit sauvé (comme parle l'Apostre), voudries-vous que l'exorcisme ou la priere empeschast cest effect? Vous erres, n'entendans ni les Escritures ni la vertu de Dieu.

  A002000700 

 Mays pour venir a mon propos, prenons, je vous prie, rayson en payement.

  A002000700 

 « Arnobe, » dit-il, « qui vivoit l'an 330, livre VIII Contre les Gentilz, refutant ceste calomnie comme si les Chrestiens eussent adoré les croix (lesquelles ilz faisoyent en l'air a fin d'estre reconneuz par ceste profession exterieure d'avec les payens), respond en ceste sorte: Nous n'honnorons ni desirons les croix, vous voirement qui consacres des dieux de bois, adores par fortune des croix de bois comme parties de vos dieux.

  A002000702 

 Arnobe, visant a l'intention des accusateurs plus qu'a leurs paroles, nie tout a fait leur dire: « Nous ne desirons pas, » dit-il, « les croix ni ne les honnorons; » cela s'entend en la sorte et qualité que vous cuides et selon le sens de vostre accusation.

  A002000708 

 L'eschappatoire ordinaire des huguenotz, de demander quelque passage expres en l'Escriture pour recevoir quelque article de creance, semble demeurer encor en main au traitteur, car il me dira: Ou est-il dit qu'il faille honnorer les images de la Croix et qu'elle ait les vertus que vous luy attribues? J'ay des-ja respondu au commencement du premier Livre, mays maintenant je dis, premierement, qu'on n'est pas obligé de faire voir expres en l'Escriture commandement de tout ce que l'on fait.

  A002000708 

 Me sçauroit-on monstrer qu'il faille avoir en honneur et respect le Dimanche et le tenir pour saint plus que le Jeudi? Item l'Eucharistie, si elle n'est autre qu'une simple commemoration de la Passion, comme presupposent les Reformés: on trouvera bien qu'il faut [192] s'esprouver soy mesme et ne la manger pas indignement, mais qu'il y faille aucun honneur exterieur, ou me le monstrera-on? Et pourquoy, je vous prie, aura-on plus de credit a brusler et briser les croix, les appeller idoles et sieges du diable, qu'a les dresser, honnorer et appeller saintes, pretieuses, triomphantes? car si cecy n'est escrit cela l'est encor moins.

  A002000711 

 I. Vous dites, o traitteur, que le Serpent d'airain a esté fait par le commandement de Dieu qui l'a dit a Moyse; mays je dis que les croix se font par le commandement de Dieu qui le suggere a l'Eglise et le luy a enseigné par la tradition apostolique: vous me monstreres que Dieu a parlé a Moyse, je vous monstreray qu'il enseigne et assiste perpetuellement l'Eglise en façon qu'elle ne peut errer..

  A002000712 

 II. Vous dites que le commandement de faire ce Serpent d'airain a esté une dispense du commandement prohibitif de faire images; donques, de faire des images n'est pas idolatrie, ni les images ne sont pas idoles, car l'idolatrie est mauvaise en toute façon et est impossible qu'elle puisse estre loysible, « d'autant qu'en quelque sorte qu'on prenne l'idole, elle ne vaut rien.

  A002000713 

 Donq, avoir des images hors et outre l'Escriture n'est ni idolatrie ni superstition; et ne soyes pas si effronté de dire que la conservation et garde du Serpent d'airain fut superstition, car vous accuseres de connivence, lascheté et irreligion les plus saintz et fervens serviteurs que Dieu ayt eu en Israël, Moyse, Josué, Gedeon, Samuel, David, sous l'authorité et regne desquelz ceste image a esté transportee et conservee tant d'annees outre le tems pour lequel Dieu l'avoit commandee.

  A002000713 

 En bonne foy, faire ce Serpent estoit-ce une dispense du commandement prohibitif de ne faire aucune image? vous le dites ainsy; or, la jouissance des dispenses doit estre limitee par le tems et la condition pour laquelle on l'accorde, car la cause estant ostee il ne reste plus d'effect: le peuple donq, estant arrivé sain et sauve en la terre de promission, ne pouvoit plus prendre aucun fondement en l'Escriture de garder ceste image, puysque la cause de la dispensation estoit ostee: partant, confesses que ceste image demeura honnorablement parmi le peuple, sans aucune parole de Dieu escritte, [197] un grand espace de tems.

  A002000713 

 III. Vous dites que « depuis adonc jusques au temps du bon roi Ezechias, c'est à dire par l'espace d'environ 735 ans, il n'a point esté parlé de ce serpent d'airain.

  A002000713 

 Item, que n'ayant esté dressé (quant a ce que porte le seul texte de l'Escriture) sinon affin qu'il fust remede a ceux qui estoyent morduz des serpens au desert, il ne laissa pas d'estre soigneusement conservé en la terre de promission parmi le peuple d'Israël, avec une honnorable memoire, l'espace d'environ 735 ans, comme vous dites.

  A002000713 

 Ne touchoit-il pas a eux de la lever si c'eust esté mal fait de la garder hors l'usage pour lequel elle avoit esté faite? ces espritz si roides et francz au service de leur Maistre, eussent-ilz dissimulé ceste faute? Item, que n'aves-vous remarqué que ceste image n'eust pas esté conservee si longuement si on n'en eust eu quelque conception honnorable? quelle rayson y pouvoit-il avoir de la retenir, ni pour sa forme ni pour sa matiere? Certes, elle ne pouvoit avoir autre rang que d'un recommandable et sacré memorial du benefice receu au desert, ou d'une sainte representation du mistere futur de l'exaltation du Filz de Dieu, qui sont deux usages religieux et honnorables, mays beaucoup plus propres a l'image de la Croix, qui sert de remembrance du mistere passé de la crucifixion et du mistere a advenir du jour du jugement.

  A002000713 

 » Que n'aves-vous aussi bien remarqué, pour vostre edification, que quoy qu'il n'en soit parlé en l'Escriture, si ne laissoit-ilz pas d'estre gardé et conservé pretieusement, mais qu'ayant esté fait hors et bien loin de la terre de promission il ne fut pas laissé ou il fut fait, mais fut transporté avec les autres meubles sacrés.

  A002000714 

 Dont nous concluons au rebours de ce que vous aves fait, petit traitteur: si les saintes images en general, et specialement celle de la Croix, sont dressees par l'ordonnance de l'Eglise et par consequent de Dieu, quoy que vituperees par l'outrecuidance et defiance des hommes (qui ont cuidé que Dieu ne les pouvoit ni voir ni ouÿr sinon qu'ilz eussent renversé telles images), voire des images receües despuys un tems immemorable, combien doivent-elles estre retenues et conservees? Ezechias fit bien d'abattre le Serpent d'airain parce que le peuple idolatroit en iceluy; Moyse, Josué, Gedeon, Samuel et David firent bien de le retenir pendant que le peuple n'en abusoit pas: or l'Eglise, ni les Catholiques par son consentement, n'abusa onques de la Croix ni autres images; il les faut donques retenir.

  A002000714 

 En ce qu'anciennement l'encensement estoit tant conditionné qu'il [199] falloit qu'il fust offert par les Prestres et Levites, et qu'il fust bruslé sur le feu de l'autel au seul Temple de Hierusalem, ou estoit l'autel du parfum destiné a cest usage; ailleurs il n'estoit pas loysible, comme vous confesses vous mesme: Nadab et Abiu se trouverent mal d'avoir fait autrement.

  A002000714 

 IV. Mays que n'aves-vous consideré que celuy qui abattit le Serpent d'airain estoit establi roy sur Israël, et luy touchoit de faire ceste execution, et qu'au contraire les brise-croix de nostre aage ont seditieusement commencé leur ravage sans authorité ni pouvoir legitime.

  A002000743 

 Sermon des paroles de l'Apostre, chap. 3: Les sages de ce monde, dit-il, nous assaillent touchant la Croix de Christ, et disent, quel entendement avez-vous d'adorer un Dieu crucifié? Nous leur respondons: nous n'avons pas vostre entendement, nous n'avons point de honte de Jesus Christ ni de sa Croix, nous la fichons sur le front auquel lieu est le siege de pudeur; nous la mettons là, voire là, assavoir en la partie où la honte apparoist, afin que ce y soit fiché dont on n'aye point de honte.

  A002000773 

 Et pourquoy est-ce, o reformeurs, que vous pries mains jointes et agenouillés? Nous avons, dires-vous, l'exemple de Jesus Christ et des Apostres.

  A002000773 

 Mays si leur exemple a quelque pouvoir sur vous, que ne laves-vous les piedz avant la cene, comme Nostre Seigneur en a non seulement monstré l'exemple mais invité a iceluy? que n'oignes-vous vos malades d'huile, comme faisoyent les Apostres? que ne laisses-vous toutes vos possessions et commodités a leur exemple? que ne faites-vous la cene a la cene, c'est a dire au souper, et non au matin et des-jeuner? [230].

  A002000775 

 Si parce que saint Paul nous enseigne de ne connoistre pas Jesus Christ selon la chair il ne se faut amuser a la Croix, ni a semblables choses terriennes, pourquoy fait-on conte de la mort et Passion de Jesus Christ, qui n'appartiennent qu'a sa chair et pour le tems de sa mortalité? Que voules-vous dire, o traitteur? Qu'il ne faut connoistre Jesus Christ selon la chair? Si vous entendes selon vostre chair ou celle des autres hommes, je le confesse absolument; mais vous seres inepte de rejetter, par la, la Croix, car la Croix n'est ni selon vostre chair ni selon la mienne, elle luy est contraire et ennemie.

  A002000775 

 Si vous entendes selon la chair de Jesus Christ mesme, comme c'est le sens plus sortable, il ne faudra pas dire qu'absolument il ne faille connoistre et reconnoistre Jesus Christ selon [232] la chair; car n'est-il pas né de la Vierge selon la chair? n'est-il pas mort, resuscité et monté au ciel, selon la chair? n'a-il pas sa vraye chair a la dextre du Pere? n'est-ce pas sa chair reelle selon la verité, ou au moins le signe de sa chair selon la vanité de vos fantasies, qu'il nous a donnee en viande? faudroit-il donques oublier tout cela, avec le Mot caro factum est? Quand donques saint Paul dit qu'il ne connoit Jesus Christ selon la chair, c'est selon la chair de laquelle il parle ailleurs, disant que Jesus Christ es jour de sa chair a offert des prier es et supplications a son Pere; ou le mot de chair se prend pour mortalité, infirmité et passibilité, comme s'il eust dit que Jesus Christ, pendant les jours de sa chair mortelle, infirme et passible, a offert prieres et supplications a son Pere.

  A002000776 

 Or peut estre vouloit-il alleguer ce qui est dit en ce chap. III aux Colossiens, et qui joindroit bien mieux a son propos: Si vous estes resuscités avec Jesus Christ, cherches les choses qui sont en haut, la ou Jesus Christ est seant a la dextre du Pere; savoures les choses qui sont la sus, non celles qui sont sur la terre. Car, s'ensuivroit-il point de ces paroles qu'il ne faut tenir aucun conte de la Croix, de la Creche, du Sepulchre, et autres reliques de Nostre Seigneur qui sont ici bas en terre? A la verité cela seroit bien employé contre ceux qui arresteroyent leurs intentions et termineroyent leurs desirs aux choses qui sont icy bas; Cherches, leur diroit-on, ce qui est en haut: Sursum corda; mais nous ne tenons point arrestees nos affections ni a la Croix ni aux autres reliques, nous les portons au royaume des cieux, employans a la recherche d'iceluy toutes les choses qui nous peuvent ayder a relever nos cœurs vers Celuy auquel elles se rapportent: il faut monter au ciel, c'est la nostre visee et dernier sejour, les choses saintes d'icy bas nous servent d'eschellons pour y atteindre.

  A002000777 

 Cherches Jesus Christ et ce qui est en haut, ce me dites-vous.

  A002000777 

 Je le cherche, pour vray, et tant s'en faut que la Croix, le Sepulchre et autres saintes creatures m'en destournent, comme vous penses, qu'elles m'eschauffent et empressent d'avantage a ceste queste.

  A002000785 

 Mays puysque le Sauveur, dira peut estre l'huguenot, benissant ses Apostres, n'usa point du signe de la Croix, pourquoy est-ce que vous l'employes? Pour vray, je ne sçai si le Sauveur fit ce signe, car l'Escriture qui ne l'asseure pas ne le nie pas aussi; si sçai-je bien que le Crucifix mesme, benissant, n'a pas eu besoin d'user du signe de la Croix, car qu'a-il besoin de s'invoquer soy mesme, ou protester que la benediction vient de luy? Au demeurant, [238] le signe de la Croix estoit asses es mains de Nostre Seigneur sans qu'il fist aucun mouvement.

  A002000785 

 On invoque le nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit; c'est ce que l'on faisoit anciennement a couvert, car ou visoit, je vous prie, ceste repetition ternaire: Le Seigneur te benie, le Seigneur te monstre sa face, le Seigneur retourne son visage vers toy, sinon au [237] mistere de la tres sainte Trinité? aussi bien que la benediction de David: Dieu nous benie, nostre Dieu, Dieu nous benie? 2.

  A002000786 

 » Aves-vous veu, traitteur, faire l'eau benite par le signe de la Croix? Theodoret en est mon autheur.

  A002000795 

 » Saint Clement dit que les premiers prelatz du Christianisme, venans a l'autel, se signoyent de la Croix: « Donques l'evesque priant a part soy avec les prestres, mettant une robbe splendide ou reluisante, et demeurant debout vers l'autel, se signant au front du trophee de la Croix, qu'il die: La grace de Dieu tout puissant, et la charité de Nostre Seigneur Jesus Christ, et la communication du Saint Esprit soit avec tous vous.

  A002000800 

 Nous recevons plusieurs Sacremens en diverses manieres, nous en prenons quelques uns en la bouche, comme vous sçaves, et quelques uns en tout le cors.

  A002000800 

 Vous oyes un homme, tançant quelqu'impudent, dire, il est effronté; qu'est cela a dire? Il n'a point de front, c'est a dire, il est eshonté.

  A002000803 

 Mays, [251] je vous prie, voyes ceste consequence: tout se face honnestement et par ordre, donques il faut s'agenouiller en priant.

  A002000804 

 De ce genre est (affin que je cotte de premier ce qui est le premier et tres vulgaire) que nous signons du signe de la Croix ceux qui ont mis leur esperance en Jesus Christ: qui l'a enseigné par escrit? » Aves-vous ouÿ, petit traitteur, ce grand et ancien maistre, comme il tient l'observation de se signer au front pour toute commandee, quoy qu'elle ne soit expressement escritte? Que luy sçauries-vous opposer, sinon qu'il est homme, a vostre accoustumee? Et certes il est homme, mais tres chrestien et tres entendu en la loy Evangelique, regentant en l'Eglise au tems de sa plus grande pureté.

  A002000813 

 Mays, dit-il, sur quicomque vous verres Thau, ne le tues pas. Ce Thau, marque de sauvement, ne signifioit autre que la Croix; or, il estoit imprimé sur le front, c'est pourquoy nous faisons la Croix au front.

  A002000830 

 Et ceste parole, Vous ne briseres pas un os d'iceluy, est entendue de Jesus Christ par saint Jean, et neanmoins elle fut ditte immediatement de l'aigneau Pascal.

  A002000830 

 Item, ce qui est dit es Livres des Rois, Je luy seray Pere et il me sera filz, ne s'entend-il pas tout droit, et en son premier sens, du roy Salomon, filz de Bersabee? neanmoins cela se rapporte et revient au Sauveur du monde, sinon que, pour retenir vos inepties en crédit, vous rejetties encor l'Epistre aux Hebreux, car ce texte y est appliqué formellement a Jesus Christ.

  A002000831 

 » Ici je vous arreste, o traitteur, et vous somme de me dire si les termes d'Ezechiel ne portent pas que les gemissans seroyent marqués au front? vous ne le sçauries nier: ou donques ilz furent marqués, et lhors vous parles mal disant qu'ilz ne furent onques marqués, ou ilz ne furent point marqués, et lhors je vous demande quand c'est que la Prophetie fut verifiee ainsy exactement comme ses termes portent? Ce n'a pas esté en la Hierusalem temporelle, ce sera donq en la Hierusalem spirituelle, qui est l'Eglise.

  A002000849 

 Saint Anthoine bravoit ainsy les diables: « Si vous aves quelque vigueur, si le Seigneur vous a baillé quelque pouvoir sur moy, venes, me voicy, devores celuy qui vous est accordé; que si vous ne pouves, pourquoy le tasches-vous en vain? car le signe de la Croix et la foy au Seigneur nous est un mur inexpugnable.

  A002000849 

 Saint Martial, disciple de Nostre Seigneur: « Ayes tous-jours en esprit, en bouche et en signe, la Croix du Seigneur auquel vous aves creu, vray Dieu et Filz de Dieu; car la Croix du Seigneur est vostre armeure invincible contre Satan, heaume defendant la teste, cuirasse conservant la poitrine, bouclier rabattant les traitz du malin, espee qui ne permet que l'iniquité et embusches diaboliques de la meschante puissance s'approchent d'elle; par ce seul signe la victoire celeste nous a esté donnee, et par la Croix le Baptesme a esté sanctifié.

  A002000849 

 » Ainsy disoit-il a ses disciples: « Les diables viennent la nuit feignans estre anges de Dieu; les voyans, armes-vous et vos maysons du signe de la Croix, et aussi tost ilz seront reduitz a neant, car ilz craignent ce trophee, auquel le Sauveur, despouillant les puissances de l'air, il les mit en risee.

  A002000852 

 Julien, apprentif en ce mestier, demeure tout esbahi » de voir les diables vaincus par la Croix; le maistre sorcier le tance, et, contournant le fait a son advantage, luy dit: Ne penses pas, je vous prie, qu'ilz ayent eu peur; « ilz ont prins en abomination ce signe, non pas qu'ilz en ayent esté espouvantés.

  A002000856 

 Le mot de Tertullien est memorable; persuadant a sa femme de ne se remarier point a un infidelle: « Te cacheras-tu, » dit-il, « lhors que tu signes ton lit et ton cors? ne semblera-il pas que tu faces une action magique? » Voyes-vous comme Tertullien attribue aux payens le dire des huguenotz, a sçavoir, que le signe de la Croix sert a la magie? 4.

  A002000857 

 Ah, traitteur, vous rendres un jour conte [292] de ces vaines subtilités, par lesquelles vous destournes toutes choses a vostre impieté..

  A002000857 

 Et de vray, qu'y aura-il de resolu au monde s'il est loysible de bailler ces sens aux miracles et actions extraordinaires? sera-il pas aysé a l'obstination d'attribuer la resuscitation des mortz mesmes aux illusions diaboliques? Mays qu'estoit-il besoin au diable de faire le fin avec Julien l'Apostat, nomplus qu'avec le Juif duquel saint Gregoire le Grand fait le recit? qu'eust-il pretendu par ceste simulation, avec des gens qui luy estoyent des-ja tout voués? que pouvoit-il acquerir davantage sur Julien, qui l'adoroit et descendoit pour se rendre a luy? Notes, je vous prie, le mot de saint Gregoire Nazianzene, quand il dit que Julien eut recours « au viel remede », c'est a sçavoir, a la Croix, remede qu'il avoit appris du tems qu'il estoit Catholique.

  A002000858 

 Non, traitteur, vos finesses sont cousues a fil blanc, le diable en tient la maistrise sur vous.

  A002000866 

 » Aves-vous veu, traitteur, le signe de la Croix employé a la restitution de la veuë de ce miserable, et les saintz Evesques s'entre presenter l'honneur de le faire? Dires-vous que le diable fit ce [296] jeu en faveur des Catholiques contre les Ariens? quelle eschappatoire pourres-vous trouver?.

  A002000867 

 Il y a, en ceste histoire, trois ou quattre pointz de mauvaise digestion pour vostre estomach, o traitteur, si vous n'estes gueri despuys vostre traitté: les eglises des Saintz, ou l'on va prier Dieu; les saintes psalmodies avec les Litanies, en forme de processions; la benediction episcopale sur le peuple avec le signe de la Croix (Sanctus Episcopus illos consignans, dit saint Amphilochius, qui est mon autheur); le signe de la Croix employé pour faire ce miracle; et ce qu'il est dit, que saint Basile estant entré fit le divin mistere, fecit divinum mysterium, car c'est une phrase qui n'est pas sortable ni a la priere, laquelle ilz avoyent ja faitte toute la nuit, ni au sermon, car precher ne s'appelle pas, faire, mais publier, le divin mistere, ni certes a vostre cene, en laquelle il ne se fait rien de divin, mais s'administre seulement un pain ja fait et preparé.

  A002000867 

 Je ne vois pas que vous puissies respondre a ce tesmoignage de la vertu de la Croix; car si vous dites que le diable fit cela pour faire le matois, saint Amphiloche vous remonstre que, par ce miracle, les Catholiques furent consolés et plusieurs Ariens se convertirent: quel advantage donques eust recerché le diable en cest affaire? et je vous remonstre que vous n'aves pas asses d'honneur pour rendre suspect saint Basile de magie ou sorcelage, ni saint Amphiloche de mensonge ou fadaise.

  A002000867 

 Lhors, ce grand Evesque chanta: O Princes, leves vos portes, et vous, portes eternelles, esleves-vous et le Roy de gloire entrera; et entrant dedans le temple, avec le saint peuple, il y fit le divin mistere.

  A002000867 

 Si vous dites que saint Amphiloche attribue le miracle [298] a la vertu de l'oraison, c'est ce que je veux: car le signe de la Croix est une partie de l'oraison que fit saint Basile, tant sur le peuple le benissant, que sur les portes les signant; et a quel autre effect l'eust-il employé?.

  A002000898 

 Si elle ne l'est pas, il n'y a lieu que pour le simple honneur, tel qu'il peut estre mesme de pair a pair, voire de superieur a inferieur, et duquel parle l'Apostre quand il dit, Honore invicem prævenientes: vous prevenans en honneur; et saint Pierre disant, omnes honorate: honnores un chacun; dont il est dit mesmement qu'Assuerus honnora Mardochee.

  A002000901 

 Sera-ce point donques la troisiesme action, du tout exterieure et corporelle, en laquelle gist la vraye essence de l'adoration? Le traitteur le dit, comme vous aves veu: « Adorer, c'est s'encliner, faire encensemens, ployer les genoux.

  A002000902 

 Si l'adoration gist en ces actions exterieures, les Anges et bien heureux espritz ne pourroyent pas adorer, car ilz n'ont ni genoux ni teste pour les ployer et incliner; neanmoins ilz ont commandement d'adorer: Adores-le, o tous vous, Anges d'Iceluy.

  A002000904 

 O Chrestiens de genoux, et materielz, vous sçaves si bien alleguer hors de propos et saison, quand vous combattes les sacrees ceremonies, que les vrays adorateurs adorent en esprit et en verité: certes, ces saintes paroles ne bannissent point les actions exterieures quand elles procedent de l'esprit et verité, mais ne voyes-vous pas tout ouvertement qu'elles decernent contre vous que la vraye et essentielle adoration gist en la volonté et action interieure?.

  A002000922 

 » Aves-vous ouÿ, reformés, les plaintes de ceste canaille retaillee? ilz regrettent [318] l'honneur et la vertu de la Croix: Seigneur Dieu, que voules-vous devenir, vous autres, qui en faites de mesme?.

  A002000934 

 Il faut bien cela pour engeoler le menu peuple; mays, que me respondra-il a ceste demande? la Magdeleine est aux piedz de Nostre Seigneur et les lave, Nostre Seigneur est aux piedz de saint Pierre et les lave; l'action de la Magdeleine est une tres humble adoration: dites-moy, traitteur mon amy, l'action de Nostre Seigneur que fut-elle? Si ce ne fut pas une adoration, comme il est vray, donq s'incliner, faire les reverences et plier les genoux n'est pas adorer comme vous avies dit.

  A002000934 

 Si l'action de Nostre Seigneur fut adoration aussi bien que celle de la Magdeleine (vous estes asses bon pour le vouloir soustenir, principalement si vous esties un peu surpris de colere), donq il adora les creatures: pourquoy donq ne voules-vous pas que nous en faisions de mesme? Pour vray, establir l'essence et les differences des adorations es actions exterieures, c'est la prendre sur Nostre Seigneur qui l'establit dans l'esprit; et sur le diable mesme, lequel ne se contente pas de demander a Jesus Christ qu'il s'incline, mays veut que, s'inclinant, il l'adore: Si te prosternant, dit-il, tu m'adores, je te donneray toutes ces choses; il ne se soucie point de l'inclination et prostration, si l'adoration ne l'accompagne.

  A002001069 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, vaches, lions, grenades et palmes estoyent anciennement, sinon au Temple? et quant aux Cherubins, au lieu le plus sacré.

  A002001075 

 Or, je vous prie, quelle jugera-on estre la principale partie de ce second commandement (je parle ainsy pour eviter debat), ou ceste-ci: Tu ne te feras aucune idole taillee, ni similitude quelconque, ou celle-ci: Tu ne les adoreras ni serviras? Pour vray, on ne peut dire que la prohibition de ne faire aucune similitude soit le projet et but de tout le commandement, car a ce conte-la il ne faudroit avoir ni faire image quelconque, qui est une rage trop expresse.

  A002001077 

 Et en l'Exode, Dieu inculquant son premier commandement, Vous ne vous feres point des dieux d'argent ni d'or, dit-il, monstrant asses que s'il a defendu de ne faire aucune similitude, ce n'est sinon a fin qu'on ne les face pour idolatrer..

  A002001077 

 Or, ce qui est dit ici par reduplication de negative, Tu ne feras aucune idole, ni semblance quelconque, tu ne les adoreras ni serviras, est mis au Levitique purement et simplement, ainsy que nous le declairons, en ceste sorte: Vous ne vous feres aucune idole et statue, ni dresseres des tiltres, ni mettres aucune pierre insigne en vostre terre pour l'adorer.

  A002001086 

 Et pourtant nous avons dit, ce furent leurs paroles, que s'ilz veulent nous dire ainsy, ou a nostre posterité, alhors nous leur dirons: voyes la similitude de l'autel de l'Eternel, que nos peres avoyent fait, non point pour l'holocauste ni pour le sacrifice, ains a ce qu'il soit tesmoin entre vous et nous.

  A002001101 

 Qui pourra asses louer le zele qu'ilz font paroistre en l'offre qu'ilz font a ceux qu'ilz veulent corriger? Que si la terre de vostre possession est immonde, passes en la terre de la possession de l'Eternel, en laquelle le tabernacle de l'Eternel a sa demeurance, et ayes vos possessions entre nous, et ne vous rebelles point etc.

  A002001120 

 L'enseigne de la Croix ne fut pas plus tost desployee, qu'elle fut exposee a la contradiction des Juifz, heretiques et perfides, desquelz parlant saint Paul: Plusieurs, disoit-il, cheminent, desquelz je vous parlois bien souvent, et maintenant je le dis en plorant, ennemis de la Croix de Jesus Christ. C'estoyent des reformeurs qui estimoyent indigne de la personne du Filz de Dieu qu'il eust esté crucifié, ainsy que le grand cardinal Baronius deduit doctement et au long en ses Annales.

  A002001144 

 Danielis, in hæc verba, Et statuam quam fecisti non adoramus: Cultores Dei imagines adorare non debent. Et lib. contra Vigilantium: Quis Martires adoravit? quis hominem putavit Deum? Voyes vous comm'il prend le mot d'adorer pour un honneur par lequel on estime la chose adoree estre Dieu?.

  A002001177 

 Mais ou fut-ce, je vous prie, que les images des Cherubins, et celles des vaches, lions et grenades, estoyent anciennement, sinon dans le Temple? et quand aux Cherubins, au lieu du Temple le plus sacré et considerable, Voyla [380] un exemple signalé pour nous; qui le nous voudra ravir, il faut quil apporte une grande authorité a garend, il ne suffira pas de faire des discours; nostre exemple est en l'Escriture et de Dieu, il faut l'Escriture ou l'Eglise pour nous en oster l'imitation.

  A002001188 

 chap., dit: Ne mettez point à mort ceux ausquels vous verrez le signe de Thau.

  A002001223 

 Il contiendra environ 24 feuilles in 12, de la lettre de Cicero que nous appelions, qui est celle dont les Extraits de la dispute du P. Cherubin sont imprimez; et l'impression en coustera pour le moins 68 fl. S'il vous plaist donc, vous m'en escrirez, et si j'ay moyens, je le pourroy mettre sur la presse à la prochaine feste de Toussaincts.

  A002001223 

 J'ay receu par les mains de Monsieur le President Favre vostre livre de la Croix, mais sans aucune lettre, dont j'ay esté esbâhy pource que je pensoy avoir response à celle que je vous escrivis sur l'impression de vostre livre.

  A002001223 

 Je ne vous representeray point d'avantage l'affection que je vous ay particuliere, qui me feroit courir à toute bride en l'execution de vostre vouloir de tout mon possible.

  A002001223 

 Mais bien vous asseureray-je que je ne suys point advancé despuis au recouvrement d'argent, et en ay moins que jamais en employant tous les jours en verité plus que je ne peux.

  A002001223 

 Que si vous pouviez retrouver quelque librayre en cette ville qui le voulut faire imprimer à ses despends, je vous promets d'y fournir mon industrie et l'ortographe, car il ne l'est aucunement, et y rapporter tout ce que doit celuy qui est et sera tousjours.

  A002001223 

 Si que je ne vous peux promettre aucunement l'impression de vostre livre que je ne soys aydé, aumoins pour avoir le papier.

  A002001286 

 Vous y trouverez, amy lecteur, non seulement les douze fruicts susdicts, mais les cinq pierres avec lesquelles David renversa ce grand geant Goliat, les cinq paroles que voulut parler l'Apostre, 1.

  A002001294 

 Quoy! ne cerchez vous point quelques belles lumieres,.

  A002001295 

 Pour vous tirer dehors de cest obscur tombeau?.


03-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome III-Introduction a la vie devote.html
  A003000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A003000314 

 Considerations sur le benefice que Dieu vous a fait vous appellant a la resolution d'embrasser la vie devote, selon vostre protestation mise cy dessus - Chap.

  A003000358 

 Vous aspires a la devotion, treschere Philothee, parce qu'estant Chrestienne vous sçaves que c'est une vertu extremement aggreable a la divine Majesté: mais, d'autant que les petites fautes que l'on commet au commencement de quelque affaire s'aggrandissent infiniment au progres et sont presque irreparables a la fin, il faut avant toutes choses que vous sçachies que c'est que la vertu de devotion; car, d'autant qu'il n'y [14] en a qu'une vraye, et qu'il y en a une grande quantité de fauses et vaynes, si vous ne connoissies quelle est la vraye, vous pourries vous tromper et vous amuser a suivre quelque devotion impertinente et superstitieuse..

  A003000368 

 Or voyes, je vous prie, ceux qui sont sur l'eschelle: ce sont des hommes qui ont des cœurs angeliques, ou des Anges qui ont des cors humains; ilz ne sont pas jeunes, mais ilz le semblent estre, parce qu'ilz sont pleins de vigueur et agilité spirituelle; ilz ont des aisles pour voler, et s'eslancent en Dieu par la sainte orayson, mais ilz ont des pieds aussi pour cheminer avec les hommes par une sainte et amiable conversation; leurs visages sont beaux et gais, d'autant qu'ilz reçoivent toutes choses avec douceur et suavité; leurs jambes, leurs bras et leurs testes sont tout a descouvert, d'autant que leurs pensees, leurs affections et leurs actions n'ont aucun dessein ni motif que de plaire a Dieu.

  A003000374 

 Je vous prie, Philothee, seroit il a propos que l'Evesque voulust estre solitaire comme les Chartreux? Et si les mariés ne vouloient rien amasser non plus que les Capucins, si l'artisan estoit tout le jour a l'eglise comme le religieux, et le religieux tous-jours exposé a toutes sortes de rencontres pour le service du prochain, comme l'Evesque, cette devotion ne seroit elle pas ridicule, desreglee et insupportable? Cette faute neanmoins arrive bien souvent, et le monde qui ne discerne pas, ou ne veut pas discerner, entre la devotion et l'indiscretion de ceux qui pensent estre devotz, murmure et blasme la devotion, laquelle ne peut mais de ces desordres..

  A003000380 

 Je vous en dis de mesme, ma Philothee: voules-vous a bon escient vous acheminer a la devotion? cherchés quelque homme de bien qui vous guide et conduise; c'est ici l'advertissement des advertissemens.

  A003000380 

 Quoy que vous cherchies, dit le devot Avila, « vous ne treuveres jamais si asseurement la volonté de Dieu que par le chemin de cette humble obeissance, tant recommandee et prattiquee par tous les anciens devotz.».

  A003000382 

 L'ami fidelle est un medicament de vie et d'immortalité; ceux qui craignent Dieu le treuvent. Ces divines paroles regardent principalement l' immortalité, comme vous voyes, pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cet ami fidelle qui guide nos actions par ses advis et conseilz, et par ce moyen nous garantit [23] des embusches et tromperies du malin; il nous sera comme un tresor de sapience en nos afflictions, tristesses et cheutes; il nous servira de medicament pour alleger et consoler nos cœurs es maladies spirituelle; il nous gardera du mal, et rendra nostre bien meilleur; et quand il nous arrivera quelque infirmité, il empeschera qu'elle ne soit pas a la mort, car il nous en relevera..

  A003000383 

 Puisqu'il vous importe tant, Philothee, d'aller avec une bonne guide en ce saint voyage de devotion, pries Dieu avec une grande instance qu'il vous en fournisse d'une qui soit selon son cœur, et ne doutes point; car, quand il devroit envoyer un Ange du ciel, comme il fit au jeune Tobie, il vous en donnera une bonne et fidelle..

  A003000384 

 Ayes en luy une extreme confiance meslee d'une sacree reverence, en sorte que la reverence ne diminue point la [24] confiance, et que la confiance n'empesche point la reverence; confies-vous en luy avec le respect d'une fille envers son pere, respectes-le avec la confiance d'un filz avec sa mere: bref, cette amitié doit estre forte et douce, toute sainte, toute sacree, toute divine et toute spirituelle..

  A003000384 

 Or, ce doit tous-jours estre un Ange pour vous: c'est a dire, quand vous l'aures treuvee, ne la considerés pas comme un simple homme, et ne vous confies point en iceluy ni en son sçavoir humain, mais en Dieu, lequel vous favorisera et parlera par l'entremise de cet homme, mettant dedans le cœur et dedans la bouche d'iceluy ce qui sera requis pour vostre bonheur; si que vous le deves escouter comme un Ange qui descend du ciel pour vous y mener.

  A003000384 

 Traittes avec luy a cœur ouvert, en toute sincerité et fidelité, luy manifestant clairement vostre bien et vostre mal, sans feintise ni dissimulation: et par ce moyen, vostre bien sera examiné et plus asseuré, et vostre mal sera corrigé et remedié; vous en seres allegee et fortifiee en vos afflictions, moderee et reglee en vos consolations.

  A003000385 

 Mais je vous dis derechef, demandes-le a Dieu, et l'ayant obtenu benisses sa divine Majesté, demeurés ferme et n'en cherches point d'autres, ains alles simplement, humblement et confidemment, car vous feres un tres heureux voyage..

  A003000391 

 Mais aussi, de l'autre costé, n'est-ce pas un extreme danger aux ames lesquelles, par une tentation contraire, se font accroire d'estre purgees de leurs imperfections le premier jour de leur purgation, se tenans pour parfaittes avant presque d'estre faittes, en se mettant au vol sans aisles? O Philothee, qu'elles sont en grand peril de recheoir, pour s'estre trop tost ostees d'entre les mains du medecin! Ha, ne vous levés pas avant que la lumiere soit arrivee, dit le Prophete; levés vous apres que vous aurès esté assis: et luy mesme pratiquant cette leçon et ayant esté des-ja lavé et nettoyé, demande de l'estre derechef..

  A003000396 

 Cherches le plus digne confesseur que vous pourres; prenes en main quelqu'un des petitz livres qui ont esté faitz pour ayder les consciences a se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger; lises les bien, et remarques de point en point en quoy vous aves offencé, a prendre despuis que vous eustes l'usage de rayson jusques a l'heure presente; et si vous vous defies de vostre memoire, mettes en escrit ce que vous aurés remarqué.

  A003000396 

 Et ayant ainsy preparé et ramassé les humeurs peccantes de vostre conscience, detestes-les et les rejettes par une contrition et desplaysir aussi grand que vostre cœur pourra souffrir, considerant ces quatre choses: que par le [28] peché vous aves perdu la grace de Dieu, quitté vostre part de Paradis, accepté les peynes eternelles de l'enfer et renoncé a l'amour eternel de Dieu..

  A003000397 

 Vous voyes bien, Philothee, que je parle d'une confession generale de toute la vie, laquelle, certes, je confesse bien n'estre pas tous-jours absolument necessaire, mais je considere bien aussi qu'elle vous sera extremement utile en ce commencement: c'est pourquoy je vous la conseille grandement.

  A003000398 

 Parlant donq d'un renouvellement general de nostre cœur et d'une conversion universelle de nostre ame a Dieu, par l'entreprise de la vie devote, j'ay bien rayson, ce me semble, Philothee, de vous conseiller cette confession generale.

  A003000403 

 O Philothee, puisque vous voulés entreprendre la vie devote, il ne vous faut pas seulement quitter le peché, mais il faut tout a fait esmonder vostre cœur de toutes les affections qui dependent du peché; car, outre le danger qu'il y auroit de faire recheute, ces miserables affections allanguiroyent perpetuellement vostre esprit, et l'appesentiroyent en telle sorte qu'il ne pourroit pas faire les bonnes œuvres promptement, diligemment et frequemment, en quoy gist neanmoins la vraye essence de la devotion.

  A003000408 

 Or, pour parvenir a cette apprehension et contrition, il faut que vous vous exercies soigneusement aux meditations suivantes, lesquelles estans bien prattiquees desracineront de vostre cœur, moyennant la grace de Dieu, le peché et les principales affections du peché; aussi les ay-je dressees tout a fait pour cet usage.

  A003000408 

 Que si vous n'estes encor pas duite a faire la meditation, voyes ce qui en sera dit en la seconde Partie..

  A003000408 

 Vous les feres l'une apres l'autre selon que je les ay marquees, n'en prenant qu'une pour chaque jour, laquelle vous feres le matin, s'il est possible, qui est le tems le plus propre pour toutes les actions de l'esprit, et la ruminerés le reste de la journee.

  A003000413 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000414 

 Supplies-le qu'il vous inspire..

  A003000417 

 Considerés qu'il n'y a que tant d'ans que vous n'esties point au monde, et que vostre estre estoit un vray rien.

  A003000418 

 Dieu vous a fait esclore de ce rien, pour vous rendre ce que vous estes, sans qu'il eust besoin de vous, ains par sa seule bonté..

  A003000419 

 Considerés l'estre que Dieu vous a donné; car c'est le premier estre du monde visible, capable de vivre eternellement et de s'unir parfaittement a sa divine Majesté..

  A003000422 

 Et comment eustes-vous memoire de moy pour me creer? Helas, mon ame, tu estois abismee dans cet ancien neant, et y serois encores de present si Dieu ne t'en eust retiree; et que ferois-tu dedans ce rien? [34].

  A003000422 

 Humilies-vous profondement devant Dieu, disant de cœur avec le Psalmiste: O Seigneur, je suis devant vous comme un vray rien.

  A003000423 

 O mon grand et bon Createur, combien vous suis-je redevable, puisque vous m'estes allé prendre dans mon rien, pour me rendre par vostre misericorde ce que je suis.

  A003000424 

 Confondés-vous.

  A003000424 

 Mays helas, mon Createur, au lieu de m'unir a vous par amour et service, je me suis rendue toute rebelle par mes desreglees affections, me separant et esloignant de vous pour me joindre au peché, n'honnorant non plus vostre bonté que si vous n'eussies pas esté mon Createur..

  A003000425 

 Abaisses-vous devant Dieu.

  A003000431 

 O mon Dieu, je vous offre l'estre que vous m'aves donné, avec tout mon cœur; je le vous dedie et consacre.

  A003000434 

 Au sortir de l'orayson, en vous pourmenant un peu, recueilles un petit bouquet de devotion, des considerations que vous aves faites, pour l'odorer le long de la journee..

  A003000438 

 Mettes-vous devant Dieu..

  A003000439 

 Pries-le qu'il vous inspire..

  A003000442 

 Dieu ne vous a pas mise en ce monde pour aucun besoin qu'il eust de vous, qui luy estes du tout inutile, mais seulement affin d'exercer en vous sa bonté, vous donnant sa grace et sa gloire.

  A003000442 

 Et pour cela il vous a donné l'entendement pour le connoistre, la memoire pour vous souvenir de luy, la volonté pour l'aymer, l'imagination pour vous representer ses bienfaitz, les yeux pour voir les merveilles de ses ouvrages, la langue pour le loüer, et ainsy des autres facultés.

  A003000447 

 Confondes-vous, reprochant a vostre ame sa misere, qui a esté si grande ci devant qu'elle n'a que peu ou point pensé a tout ceci.

  A003000447 

 Helas, ce dires-vous, que pensois-je, o mon Dieu, quand je ne pensois point en vous? dequoy me resouvenois-je quand je vous oubliois? qu'aymois-je quand je ne vous aymois pas? Helas, je me devois repaistre de la verité, et je me remplissois de la vanité, et servois le monde qui n'est fait que pour me servir..

  A003000448 

 Je vous renonce, pensees vaines et cogitations inutiles; je vous abjure, o souvenirs detestables et frivoles; je vous renonce, amitiés infidelles et desloyales, services perdus et miserables, gratifications ingrates, complaisances fascheuses..

  A003000449 

 Convertisses-vous a Dieu.

  A003000449 

 Et vous, o mon Dieu, mon Sauveur, vous seres doresnavant le seul objet de mes pensees; non, jamais je n'appliqueray mon esprit a des cogitations qui vous soient desaggreables: ma memoire se remplira tous les jours de ma vie, de la grandeur de vostre debonnaireté, si doucement exercee en mon endroit; vous seres les delices de mon cœur et la suavité de mes affections.

  A003000452 

 Remercies Dieu qui vous a faite pour une fin si excellente.

  A003000452 

 Vous m'aves faite, o Seigneur, pour vous, affin que je jouisse eternellement de l'immensité de vostre gloire: quand sera-ce que j'en seray digne, et quand vous beniray-je selon mon devoir?.

  A003000453 

 Je vous offre, o mon cher Createur, toutes ces mesmes affections et resolutions, avec toute mon ame et mon cœur..

  A003000454 

 Je vous supplie, o Dieu, d'avoir aggreables mes souhaitz et mes vœux, et de donner vostre sainte benediction a mon ame, a celle fin qu'elle les puisse accomplir par le merite du sang de vostre Filz respandu sur la Croix, etc..

  A003000460 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000461 

 Pries-le qu'il vous inspire..

  A003000464 

 Consideres les graces corporelles que Dieu vous a donnees: quel cors, quelles commodités de l'entretenir, quelle santé, quelles consolations loysibles [38] pour iceluy, quelz amis, quelles assistances.

  A003000464 

 Mais cela consideres-le avec une comparayson de tant d'autres personnes qui valent mieux que vous, lesquelles sont destituees de ces benefices: les uns gastés de cors, de santé, de membres; les autres abandonnés a la merci des opprobres, et du mespris et deshonneur; les autres accablés de pauvreté; et Dieu n'a pas voulu que vous fussies si miserable..

  A003000465 

 Combien y en a-il qui ont esté nourris rustiquement et en une extreme ignorance; et la Providence divine vous a fait eslever civilement et honnorablement..

  A003000465 

 Consideres les dons de l'esprit: combien y a-il au monde de gens hebetés, enragés, insensés; et pourquoy n'estes-vous pas du nombre? Dieu vous a favorisee.

  A003000466 

 Combien de fois vous a-il donné ses Sacremens? combien de fois, des inspirations, des lumieres interieures, des reprehensions pour vostre amendement? combien de fois vous a-il pardonné vos fautes? combien de fois, delivree des occasions de vous perdre ou vous esties exposee? Et ces annees passees, n'estoyent ce pas un loysir et commodité de vous avancer au bien de vostre ame? Voyes un peu par le menu combien Dieu vous a esté doux et gracieux..

  A003000466 

 Consideres les graces spirituelles: o Philothee, vous estes des enfans de l'Eglise; Dieu vous a enseignee sa connoissance des vostre jeunesse.

  A003000470 

 Mais que suis-je, Seigneur, que vous ayes eu memoire de moy? O que mon [39] indignité est grande! Helas, j'ay foulé au pied vos benefices; j'ay deshonnoré vos graces, les convertissant en abus et mespris de vostre souveraine bonté; j'ay opposé l'abisme de mon ingratitude a l'abisme de vostre grace et faveur..

  A003000471 

 Excites-vous a reconnoissance.

  A003000472 

 Ha donq, Philothee, retires vostre cors de telles et telles voluptés, rendes-le sujet au service de Dieu qui a tant fait pour luy; appliques vostre ame a le connoistre et reconnoistre, par telz et telz exercices qui sont requis pour cela; employés soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu.

  A003000475 

 Remercies Dieu de la connoissance qu'il vous a donnee maintenant de vostre devoir, et de tous les bienfaitz cy devant receus..

  A003000477 

 Pries-le qu'il vous fortifie, pour les prattiquer fidellement par le merite de la mort de son Filz; implorés l'intercession de la Vierge et des Saintz..

  A003000484 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000485 

 Supplies-le qu'il vous inspire..

  A003000488 

 Penses combien il y a que vous commencés a pecher, et voyes combien des ce premier commencement les pechés se sont multipliés en vostre cœur; comme tous les jours vous les aves accreus contre Dieu, contre vous mesme, contre le prochain, par œuvre, par parole, par desir et pensee..

  A003000489 

 Consideres vos mauvaises inclinations, et combien vous les avés suivies.

  A003000489 

 Et par ces deux pointz vous verrés que vos coulpes sont en plus grand nombre que les cheveux de vostre teste, voyre que le sable de la mer..

  A003000490 

 Avec quelle preparation les aves-vous receus? Pensés a cette ingratitude, que Dieu vous ayant tant couru apres pour vous sauver, vous aves tous-jours fui devant luy pour vous perdre..

  A003000490 

 Consideres a part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general lequel s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyes donq combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous, vous aves abusé contre le Donateur; singulierement, combien d'inspirations mesprisees, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003000490 

 Et encor plus que tout, combien de fois aves-vous receu les Sacremens, [41] et ou en sont les fruitz? que sont devenus ces pretieux joyaux dont vostre cher Espoux vous avoit ornee? tout cela a esté couvert sous vos iniquités.

  A003000493 

 Confondes-vous en vostre misere.

  A003000494 

 Demandes pardon, et vous jettés aux pieds du Seigneur comme un enfant prodigue, comme une Magdeleine, comme une femme qui auroit souillé le lit de son mariage de toutes sortes d'adulteres.

  A003000495 

 Helas, je ne l'ay que trop aymé; je le deteste, et vous embrasse, o Pere de misericorde; je veux vivre et mourir en vous..

  A003000501 

 Remerciés Dieu qui vous a attendue jusques a cette heure, et vous a donné ces bonnes affections..

  A003000503 

 Pries-le qu'il vous fortifie, etc..

  A003000508 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000510 

 Imagines-vous d'estre malade en extremité dans le lit de la mort, sans esperance aucune d'en eschapper..

  A003000513 

 O mon ame, vous sortires un jour de ce cors.

  A003000513 

 Quand sera-ce? sera-ce en hiver ou en esté? en la ville ou au village? de jour ou de nuit? sera-ce a l'impourveu ou avec advertissement? sera-ce de maladie ou d'accident? aures-vous le loysir de vous confesser, ou non? seres-vous assistee de vostre confesseur et pere spirituel? Helas, de tout cela nous n'en sçavons rien du tout; [43] seulement cela est asseuré que nous mourrons, et tous-jours plus tost que nous ne pensons..

  A003000514 

 Ah chetifve, pour quelles bagatelles et chimeres ay je offensé mon Dieu! Vous verrés que nous avons quitté Dieu pour neant.

  A003000514 

 Au contraire, la devotion et les bonnes œuvres vous sembleront alhors si desirables et douces: et pourquoy n'ay je suivi ce beau et gracieux chemin? Alhors les pechés qui sembloyent bien petitz, paroistront gros comme des montagnes, et vostre devotion, bien petite..

  A003000514 

 Consideres qu'alhors le monde finira pour ce qui vous regarde, il n'y en aura plus pour vous; il renversera sans dessus dessous devant vos yeux.

  A003000516 

 Consideres les empressemens qu'on aura pour lever ce cors-la et le cacher en terre, et que, cela fait, le monde ne pensera plus gueres en vous, ni n'en sera plus memoire, non plus que vous n'avés gueres pensé aux autres: Dieu luy face paix, dira-on, et puis, c'est tout.

  A003000520 

 Pries Dieu et vous jettes entre ses bras.

  A003000521 

 O mes chers amis, mes cheres alliances, permettes-moy que je ne vous affectionne plus que par une amitié sainte, laquelle puisse durer eternellement; car, pourquoy m'unir a vous en sorte qu'il faille quitter et rompre la liaison?.

  A003000525 

 Remercies Dieu de ces resolutions qu'il vous a donnees; offres les a sa Majesté; supplies la derechef qu'elle vous rende vostre mort heureuse par le merite de celle de son Filz.

  A003000532 

 Mettes-vous devant Dieu..

  A003000533 

 Supplies-le qu'il vous inspire..

  A003000542 

 Consideres la sentence contraire des bons: Venes, dit le Juge; ah, c'est le mot aggreable de salut par lequel Dieu nous tire a soy et nous reçoit dans le giron de sa bonté; benis de mon Pere: o chere benediction, qui comprend toute benediction! possedés le royaume qui vous est preparé des la constitution du monde.

  A003000546 

 Detestés vos pechés, qui seulz vous peuvent perdre en cette journee espouvantable..

  A003000550 

 Remercies Dieu qui vous a donné moyen de vous asseurer pour ce jour-la, et le tems de faire penitence..

  A003000552 

 Pries-le qu'il vous face la grace de vous en bien acquitter..

  A003000559 

 Mettes-vous en la presence divine..

  A003000560 

 Humilies-vous et demandes son assistance..

  A003000561 

 Imagines-vous une ville tenebreuse, toute bruslante de soufre et de poix puante, pleyne de citoyens qui n'en peuvent sortir..

  A003000570 

 Confessés que vous l'aves merité, mays combien de fois! Or, des-ormais je veux prendre parti au chemin contraire; pourquoy descendrois-je en cet abisme?.

  A003000577 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000583 

 Beny soyes vous a jamais, o nostre doux et souverain Createur et Sauveur, qui nous estes si bon, et nous communiqués si liberalement vostre gloire.

  A003000583 

 Et reciproquement, Dieu benit d'une benediction perpetuelle tous ses Saintz: Benites soyes vous a jamais, dit il, mes cheres creatures, qui m'aves servi et qui me loüerés eternellement avec si grand amour et courage..

  A003000586 

 O que vous estes belle, ma chere Hierusalem, et que bienheureux sont vos habitans!.

  A003000588 

 O puisqu'il vous a pieu, mon bon et souverain Seigneur, redresser mes pas en vos voÿes, non, jamais [51] plus je ne retourneray en arriere.

  A003000596 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000597 

 Humilies-vous devant luy, priant qu'il vous inspire..

  A003000600 

 Imaginés vous d'estre en une rase campagne, toute seule avec vostre bon Ange, comme estoit le jeune Tobie allant en Rages, et qu'il vous fait voir en haut le Paradis ouvert, avec les playsirs representés en la meditation du Paradis que vous aves faitte; puis, du costé d'en bas, il vous fait voir l'enfer ouvert, avec tous les tourmens descritz en la meditation de l'enfer.

  A003000600 

 Vous estant colloquee ainsy par imagination, et mise a genoux devant vostre bon Ange:.

  A003000601 

 Consideres qu'il est tres vray que vous estes au milieu du Paradis et de l'enfer, et que l'un et l'autre [52] est ouvert pour vous recevoir, selon le choix que vous en ferés..

  A003000603 

 Et encores que l'un et l'autre soit ouvert pour vous recevoir, selon que vous le choisirés, si est-ce que Dieu, qui est appareillé de vous donner, ou l'un par sa justice ou l'autre par sa misericorde, desire neanmoins d'un desir nompareil que vous choisissies le Paradis; et vostre bon Ange vous en presse de tout son pouvoir, vous offrant de la part de Dieu mille graces et mille secours pour vous ayder a la montee..

  A003000604 

 Jesus Christ, du haut du Ciel, vous regarde en sa debonnaireté et vous invite doucement: Viens, o ma chere ame, au repos eternel entre les bras de ma bonté, qui t'a preparé les delices immortelles en l'abondance de son amour.

  A003000604 

 Voyes de vos yeux interieurs la Sainte Vierge qui vous convie maternellement: Courage, ma fille, ne veuille pas mespriser les desirs de mon Filz, ni tant de souspirs que je jette pour toy, respirant avec luy ton salut eternel.

  A003000604 

 Voyes les Saintz qui vous exhortent, et un million de saintes ames qui vous convient doucement, ne desirans que de voir un jour vostre cœur joint au leur, pour loüer Dieu a jamais, et vous asseurans que le chemin du Ciel n'est point si malaysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, treschere amie; qui considerera bien le chemin de la devotion par lequel nous sommes montees, il verra que nous sommes venues en ces delices, par des delices incomparablement plus souëfves que celles du monde..

  A003000607 

 Je benis, o mon Dieu, vostre misericorde, et accepte l'offre qu'il vous plait de m'en faire.

  A003000607 

 O Jesus, mon Sauveur, j'accepte vostre amour eternel, et advouë l'acquisition que vous aves faite pour moy d'une place et logis en cette bienheureuse Hierusalem, non tant pour aucune autre chose, comme pour vous aymer et benir a jamais..

  A003000608 

 Acceptes les faveurs que la Vierge et les Saintz vous presentent; promettes leur que vous vous achemineres a eux; tendes la main a vostre bon Ange affin qu'il vous y conduise; encourages vostre ame a ce choix..

  A003000613 

 Mettes-vous en la presence de Dieu..

  A003000614 

 Abaisses-vous devant sa face; requeres son ayde..

  A003000617 

 En fin, vous verres une calamiteuse republique, tyrannisee de ce roy maudit, qui vous fera compassion..

  A003000617 

 Imagines-vous d'estre derechef en une rase campagne, avec vostre bon Ange toute seule, et a costé gauche, vous voyes le diable assis sur un grand throsne haut eslevé, avec plusieurs des espritz infernaux aupres de [54] luy, et tout autour de luy, une grande troupe de mondains qui tous a teste nuë le reconnoissent et luy font hommage, les uns par un peché, les autres par un autre.

  A003000618 

 Regardes generalement par tout, vous les verres tous en une contenance sainte, douce, amiable, qu'ilz escoutent Nostre Seigneur, et tous le voudroyent planter au milieu de leur cœur.

  A003000619 

 Vous aves meshui quitté Satan avec sa triste et malheureuse troupe, par les bonnes affections que vous aves conceuës, et neanmoins vous n'estes pas encor arrivee au Roy Jesus, ni jointe a son heureuse et sainte compaignie de devotz, ains vous aves esté tous-jours entre l'un et l'autre..

  A003000620 

 La Vierge Sainte avec saint Joseph, saint Louys, sainte Monique, et cent mille autres qui sont en l'escadron de ceux qui ont vescu emmi le monde, vous invitent et encouragent..

  A003000621 

 Le Roy crucifié vous appelle par vostre nom propre: Venes, o ma bien aymee, venes affin que je vous couronne..

  A003000624 

 O monde, o troupe abominable, non, jamais vous ne me verrés sous vostre drapeau: j'ay quitté pour jamais vos forceneries et vanités.

  A003000625 

 Et me convertissant a vous, mon doux Jesus, Roy de bonheur et de gloire eternelle, je vous embrasse de toutes les forces de mon ame, je vous adore de tout mon cœur, je vous choisis, maintenant et pour jamais, pour mon Roy, et par mon inviolable fidelité je vous fais un hommage irrevocable; je me sousmetz a l'obeissance de vos saintes lois et ordonnances..

  A003000626 

 O Vierge Sainte, ma chere Dame, je vous choisis pour ma guide, je me rends sous vostre enseigne, je vous offre un particulier respect et une reverence speciale.

  A003000630 

 Quand vous les aures faites, alles courageusement en esprit d'humilité faire vostre confession generale; mais, je vous prie, ne vous laisses point troubler par aucune sorte d'apprehension.

  A003000630 

 Quand vous seres arrivee devant vostre pere spirituel, imaginés-vous d'estre en la montagne de Calvaire sous [57] les pieds de Jesus Christ crucifié, duquel le sang pretieux distille de toutes partz pour vous laver de vos iniquités; car, bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neanmoins le merite de son sang respandu qui arrouse abondamment les penitens autour des confessionnaux.

  A003000631 

 Et cela fait, escoutes l'advertissement et les ordonnances du serviteur de Dieu, et dites en vostre cœur: Parles, Seigneur, car vostre servante vous escoute.

  A003000631 

 Ouy, c'est Dieu, Philothee, que vous escoutes, puisqu'il a dit a ses vicaires: Qui vous escoute, m'escoute.

  A003000631 

 Prenes, par apres, en main la protestation suivante, laquelle sert de conclusion a toute vostre contrition, et que vous deves avoir premierement meditee et consideree; lises-la attentivement et avec le plus de ressentiment qu'il vous sera possible..

  A003000637 

 O mon Dieu, vous estes mon Dieu, Dieu de mon cœur, Dieu de mon ame, Dieu de mon esprit; ainsy je vous reconnois et adore maintenant et pour toute l'eternité.

  A003000637 

 Plaise vous, o mon Dieu eternel, tout puissant et tout bon, Pere, Filz et Saint Esprit, confirmer en moy cette resolution, et accepter ce mien sacrifice cordial et interieur en odeur de suavité; et comme il vous a pleu me donner l'inspiration et volonté de le faire, donnes-moy aussi la [60] force et la grace requise pour le parfaire.

  A003000641 

 Cette protestation faite, soyes attentive et ouvrés les oreilles de vostre cœur pour ouïr en esprit la parole de vostre absolution, que le Sauveur mesme de vostre ame, assis sur le throsne de sa misericorde, prononcera la haut au Ciel devant tous les Anges et les Saintz, a mesme tems qu'en son nom le prestre vous absout ici bas en terre.

  A003000642 

 O Dieu, Philothee, que voyla un contract admirable par lequel vous faites un heureux traitté avec sa divine Majesté, puisqu'en vous donnant vous mesme a elle, vous la gaignés et vous mesme aussi pour la vie eternelle! Il ne reste plus sinon que, prenant la plume en main, vous signies de bon cœur l'acte de vostre protestation, et que par apres vous allies a l'autel, ou Dieu [61] reciproquement signera et scellera vostre absolution et la promesse qu'il vous fera de son Paradis, se mettant luy mesme par son Sacrement comme un cachet et sceau sacré sur vostre cœur renouvellé.

  A003000643 

 Et d'autant que les mesmes advis servent encor pour une purification plus parfaitte, avant que de les vous donner, je vous veux dire quelque chose de cette plus absolue pureté a laquelle je desire vous conduire..

  A003000643 

 Mais d'autant que ces affections renaissent aysement en l'ame, a rayson de nostre infirmité et de nostre concupiscence, qui peut estre mortifiee mais qui ne peut mourir pendant que nous vivons icy bas en terre, je vous donneray des advis lesquelz estans bien prattiqués vous preserveront des-ormais du peché mortel et de toutes les affections d'iceluy, affin que jamais il ne puisse avoir place en vostre cœur.

  A003000648 

 Je ne dis pas que vous descouvrirés des pechés venielz, mais je dis que vous descouvrirés des affections et inclinations a iceux; or, l'un est bien different de l'autre: car nous ne pouvons jamais estre du tout purs des pechés venielz, au moins pour persister long tems en cette pureté; mais nous pouvons bien n'avoir aucune affection aux pechés venielz.

  A003000648 

 Vous descouvrirés donq, ma chere Philothee, qu'outre les pechés mortelz et affections des pechés mortelz, dont vous aves esté purgee par les exercices marqués ci devant, vous aves encores en vostre ame plusieurs inclinations et affections aux pechés venielz.

  A003000656 

 Mais n'est-ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faitz s'empresser et s'affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommees, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous desregler et desordonner a leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections; et, bien que les actes ne soient pas tous-jours contraires a la devotion, les affections neanmoins luy sont tous-jours dommageables.

  A003000661 

 Dieu vous face la grace de les bien prattiquer.

  A003000661 

 Je m'en vay donq maintenant donner des advis et proposer des exercices par le moyen desquelz vous purgerés vostre ame des affections dangereuses, des imperfections et de toutes affections aux pechés venielz, et si asseurerés de plus en plus vostre conscience contre tout peché mortel.

  A003000661 

 Or, quoy qu'elles soyent comme propres et naturelles a un chacun, si est-ce que par le soin et affection contraire on les peut corriger et moderer, et mesme on peut s'en delivrer et purger: et je vous dis, Philothee, qu'il le faut faire.

  A003000667 

 Mais sur tout je vous conseille la mentale et cordiale, et particulierement celle qui se fait autour de la vie et Passion de Nostre Seigneur: en le regardant souvent par la meditation, toute vostre ame se remplira de luy; vous apprendrés ses contenances, et formerés vos actions au modelle des siennes.

  A003000668 

 Sa vie et mort a esté disposee et distribuee en divers pointz pour servir a la meditation, par plusieurs autheurs: ceux que je vous conseille sont [70] saint Bonaventure, Bellintani, Bruno, Capilia, Grenade, Du Pont..

  A003000669 

 Employés-y chaque jour une heure devant disner, s'il se peut au commencement de vostre matinee, parce que vous aurés vostre esprit moins embarrassé et plus frais apres le repos de la nuit.

  A003000669 

 N'y mettes pas aussi davantage d'une heure, si vostre pere spirituel ne le vous dit expressement..

  A003000670 

 Si vous pouves faire cet exercice dans l'eglise, et que vous y treuvies asses de tranquillité, ce vous sera une chose fort aysee et commode parce que nul, ni pere, ni mere, ni femme, ni mari, ni autre quelconque ne pourra vous bonnement empescher de demeurer une heure dans l'eglise, la ou estant en quelque subjection vous ne pourries peut estre pas vous promettre d'avoir une heure si franche dedans vostre mayson..

  A003000671 

 Commencés toutes sortes d'oraysons, soit mentale soit vocale, par la presence de Dieu, et tenes cette regle sans exception, et vous verres dans peu de tems combien elle vous sera prouffitable.

  A003000672 

 Si vous me croyes, vous dires vostre Pater, vostre Ave Maria et le Credo en latin; mais vous apprendrés aussi a bien entendre les paroles qui y sont, en vostre langage, affin que, les disant au langage commun de l'Eglise, vous puissies neanmoins savourer le sens admirable et delicieux de ces saintes oraysons, lesquelles il faut dire fichant profondement vostre pensee et excitant vos affections sur le sens d'icelles, et ne vous hastant nullement pour en dire beaucoup, mais vous estudiant de dire ce que vous dires cordialement; car un seul Pater dit avec sentiment vaut mieux que plusieurs recités vistement et couramment..

  A003000673 

 Il est bon aussi de dire les litanies de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et des Saintz, et toutes les autres prieres vocales qui sont dedans les Manuelz et Heures appreuvees, a la charge neanmoins que si vous aves le don de l'orayson mentale, vous luy gardies tous-jours la principale place; en sorte que si apres icelle, ou pour la multitude des affaires ou pour quelque autre rayson, vous ne pouves point faire de priere vocale, vous ne vous en metties point en peyne pour cela, vous contentant de dire simplement, devant ou apres la meditation, l'Orayson Dominicale, la Salutation Angelique et le Symbole des Apostres..

  A003000673 

 Le chapelet est une tres utile maniere de prier, pourveu que vous le sçachies dire comme il convient: et pour ce faire, ayes quelqu'un des petitz livres qui enseignent la façon de le reciter.

  A003000674 

 J'excepte l'Office ecclesiastique [72] si vous estes obligee de le dire; car en ce cas la, il faut rendre le devoir..

  A003000674 

 Si faisant l'orayson vocale, vous sentés vostre cœur tiré et convié a l'orayson interieure ou mentale, ne refuses point d'y aller, mais laissés tout doucement couler vostre esprit de ce costé la, et ne vous soucies point de n'avoir pas achevé les oraysons vocales que vous vous esties proposees; car la mentale que vous aures faitte en leur place est plus aggreable a Dieu et plus utile a vostre ame.

  A003000675 

 Que si en toute la journee vous ne pouves la faire, il faut reparer cette perte, multipliant les oraysons jaculatoires, et par la lecture de quelque livre de devotion, avec quelque penitence qui empesche la suite de ce defaut; et, avec cela, faites une forte resolution de vous remettre en train le jour suivant..

  A003000675 

 S'il advenoit que toute vostre matinee se passast sans cet exercice sacré de l'orayson mentale, ou pour la multiplicité des affaires, ou pour quelque autre cause (ce que vous deves procurer n'advenir point, tant qu'il vous sera possible), taschés de reparer ce defaut l'apres-disnee, en quelque heure la plus esloignee du repas, parce que ce faisant sur iceluy et avant que la digestion soit fort acheminee, il vous arriveroit beaucoup d'assoupissement, et vostre santé en seroit interessee.

  A003000679 

 C'est pourquoy je vous presente une simple et briefve methode pour cela, en attendant que, par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont esté composés sur ce sujet, et sur tout par l'usage, vous en puissies estre plus amplement instruite.

  A003000679 

 Je vous marque premierement la preparation, laquelle consiste en deux pointz, dont le premier est de se mettre en la presence de Dieu, et le second, d'invoquer son assistance.

  A003000679 

 Mais vous ne sçaves peut estre pas, Philothee, comme il faut faire l'orayson mentale; car c'est une chose laquelle, par malheur, peu de gens sçavent en nostre [73] aage.

  A003000679 

 Or, pour vous mettre en la presence de Dieu, je vous propose quatre principaux moyens, desquelz vous vous pourrés servir a ce commencement..

  A003000680 

 Ce fut l'apprehension de David, quand il s'escrioit: Si je monte au ciel, o mon Dieu, vous y estes; si je descends aux enfers, vous y estes; et ainsy nous devons user des paroles de Jacob, lequel ayant veu l'eschelle sacree: O que ce lieu, dit-il, est redoutable! Vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien.

  A003000680 

 Venant donques a la priere, il vous faut dire de tout vostre cœur et a vostre cœur: o mon cœur, mon cœur, Dieu est vrayement icy..

  A003000681 

 En la consideration donq de cette verité, vous exciterés une grande reverence en vostre cœur a l'endroit de Dieu, qui luy est si intimement present..

  A003000681 

 Le second moyen de se mettre en cette sacree presence, c'est de penser que non seulement Dieu est au lieu ou vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie et anime de sa divine presence, estant la comme le cœur de vostre cœur et l'esprit de vostre esprit; car, comme l'ame estant respandue par tout le cors se treuve presente en toutes les parties d'iceluy, et reside neanmoins au cœur d'une speciale residence, de mesme Dieu estant tres present a toutes choses, assiste toutefois d'une speciale façon a nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et saint Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons et sommes en Dieu.

  A003000684 

 Vous userés donq de l'un de ces quatre moyens, pour mettre vostre ame en la presence de Dieu avant l'orayson; et ne faut pas les vouloir employer tous ensemblement, mays seulement un a la fois, et cela briefvement et simplement.

  A003000688 

 Il vous servira encor d'adjouster l'invocation de vostre bon Ange et des sacrees personnes qui se treuveront au mystere que vous medités: comme en celuy de la mort de Nostre Seigneur, vous pourres invoquer Nostre Dame, saint Jean, la Magdeleine, le bon larron, affin que les sentimens et mouvemens interieurs qu'ilz y receurent vous soyent communiqués; et en la meditation de vostre [77] mort, vous pourres invoquer vostre bon Ange, qui se treuvera present, affin qu'il vous inspire des considerations convenables; et ainsy des autres mysteres..

  A003000688 

 Que si vous le voules, vous pourres user de quelques parolles courtes et enflammees, comme sont celles ici de David: Ne me rejettes point, o mon Dieu, de devant vostre face, et ne m'ostes point la faveur de vostre Saint Esprit.

  A003000692 

 Il est vray que l'on [78] peut bien employer quelque similitude et comparayson pour ayder a la consideration; mais cela est aucunement difficile a rencontrer, et je ne veux traitter avec vous que fort simplement, et en sorte que vostre esprit ne soit pas beaucoup travaillé a faire des inventions..

  A003000692 

 J'en dis de mesme quand vous mediteres la mort, ainsy que je l'ay marqué en la meditation d'icelle, comme aussi a celle de l'enfer, et en tous semblables mysteres ou il s'agit de choses visibles et sensibles; car, quant aux autres mysteres, de la grandeur de Dieu, de l'excellence des vertus, de la fin pour laquelle nous sommes creés, qui sont des choses invisibles, il n'est pas question de vouloir se servir de cette sorte d'imagination.

  A003000692 

 Par exemple, si vous voules mediter Nostre Seigneur en croix, vous vous imaginerés d'estre au mont de Calvaire et que vous voyes tout ce qui se fit et se dit au jour de la Passion; ou, si vous voules, car c'est tout un, vous vous imaginerés qu'au lieu mesme ou vous estes se fait le crucifiement de Nostre Seigneur, en la façon que les Evangelistes le descrivent.

  A003000693 

 Quelques uns vous diront neanmoins qu'il est mieux d'user de la simple pensee de la foy, et d'une simple apprehension toute mentale et spirituelle, en la representation de ces mysteres, ou bien de considerer que les choses se font en vostre propre esprit; mais cela est trop subtil pour le commencement, et jusques a ce que Dieu vous esleve plus haut, je vous conseille, Philothee, de vous retenir en la basse vallee que je vous monstre..

  A003000697 

 Ayant donq enfermé vostre esprit, comme j'ay dit, dans l'enclos du sujet que vous voules mediter, ou par l'imagination, si le sujet est sensible, ou par la simple proposition, s'il est insensible, vous commencerés a faire sur iceluy des considerations, dont vous verrés des exemples tout formés es meditations que je vous ay donnees.

  A003000697 

 Mais si vous ne rencontres pas selon vostre souhait en l'une des considerations, apres avoir un peu marchandé et essayé, vous passeres a une autre; mais alles tout bellement et simplement en cette besoigne, sans vous y empresser..

  A003000697 

 Que si vostre esprit treuve asses de goust, de lumiere et de fruit sur l'une des considerations, vous vous y arresteres sans passer plus outre, faysant comme les abeilles qui ne quittent point la fleur tandis qu'elles y treuvent du miel a recueillir.

  A003000701 

 Que si vous voules estre aydee pour cela, prenes en main le premier tome des Meditations de dom André Capilia, et voyes sa preface, car en icelle il monstre la façon avec laquelle il faut dilater ses affections; et plus amplement, le Pere Arias en son Traitté de l'Orayson..

  A003000702 

 Il ne faut pas pourtant, Philothee, s'arrester tant a ces affections generales que vous ne les convertissies en des resolutions speciales et particulieres pour vostre correction et amendement.

  A003000702 

 Or, je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustés une resolution speciale en cette sorte: or sus donques, je ne me piqueray plus de telles paroles fascheuses qu'un tel et une telle, mon voysin ou ma voysine, mon domestique ou ma domestique disent de moy, ni de tel et tel mespris qui m'est fait par cestui-ci ou cestui-la; au contraire, je diray et feray telle et telle chose pour le gaigner et adoucir, et ainsy des autres.

  A003000702 

 Par ce moyen, Philothee, vous corrigerés vos fautes en peu de tems, la ou par les seules affections vous le feres tard et malaysement.

  A003000709 

 Il faut sur tout, Philothee, qu'au sortir de vostre meditation vous retenies les resolutions et deliberations que vous aurés prinses, pour les prattiquer soigneusement ce jour-la.

  A003000710 

 Au sortir de cette orayson cordiale, il vous faut prendre garde de ne point donner de secousse a vostre cœur, car vous espancheriés le baume que vous aves receu par le moyen de l'orayson; je veux dire qu'il faut garder, s'il est possible, un peu de silence, et remuer tout doucement vostre cœur, de l'orayson aux affaires, retenant le plus long tems qu'il vous sera possible le sentiment et les affections que vous aures conceuës.

  A003000710 

 Vous en deves faire de mesme au sortir de la meditation: ne vous distrayes pas tout a coup, mais regardes simplement devant vous; comme seroit a dire, s'il vous faut rencontrer quelqu'un que vous soyes obligee d'entretenir ou ouïr, il n'y a remede, il faut s'accommoder a cela, mais en telle sorte que vous regardies aussi a vostre cœur, affin que la liqueur de la sainte orayson ne s'espanche que le moins qu'il sera possible..

  A003000711 

 Il faut mesme que vous vous accoustumies a sçavoir passer de l'orayson a toutes sortes d'actions que vostre vacation et profession requiert justement et legitimement de vous, quoy qu'elles semblent bien esloignees des affections que nous avons receuës en l'orayson.

  A003000712 

 Bref, tous-jours quand les affections se presenteront a vous, il les faut recevoir et leur faire place, soit qu'elles arrivent avant ou apres toutes les considerations.

  A003000712 

 Il vous arrivera quelquefois qu'incontinent apres la preparation, vostre affection se treuvera toute esmeuë en Dieu: alhors, Philothee, il luy faut lascher la bride, sans vouloir suivre la methode que je vous ay donnee; car bien que pour l'ordinaire, la consideration doit preceder les affections et resolutions, si est-ce que le Saint Esprit vous donnant les affections avant la consideration, vous ne deves pas rechercher la consideration, puisqu'elle ne se fait que pour esmouvoir l'affection.

  A003000717 

 S'il vous arrive, Philothee, de n'avoir point de goust ni de consolation en la meditation, je vous conjure de ne vous point troubler, mais quelquefois ouvrés la porte aux paroles vocales: lamentes-vous de vous mesme a Nostre Seigneur, confesses vostre indignité, priés-le qu'il vous soit en ayde, baysés son image si vous l'aves, dites-luy ces paroles de Jacob: Si ne vous laisseray-je point, Seigneur, que vous ne m'ayes donné vostre benediction; ou celles de la Chananee: Ouy, Seigneur, je suis une chienne, mais les chiens mangent des miettes de la table de leur maistre. Autres fois, prenes un livre en main, et le lises avec attention jusques a ce que vostre esprit soit resveillé et remis en vous; piqués quelquefois vostre cœur par quelque contenance et mouvement de devotion exterieure, vous prosternant en terre, croisant les mains sur l'estomach, embrassant un crucifix: cela s'entend si vous estes en quelque lieu retiré..

  A003000718 

 Que si apres tout cela vous n'estes point consolee, [86] pour grande que soit vostre secheresse ne vous troubles point, mais continues a vous tenir en une contenance devote devant vostre Dieu.

  A003000722 

 Or, vous la feres en cette sorte:.

  A003000722 

 Outre cette orayson mentale entiere et formee, et les autres oraysons vocales que vous deves faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraysons plus courtes, et qui sont comme ageancemens et surjeons de l'autre grande orayson, entre lesquelles, la premiere est celle qui se fait le matin, comme une preparation generale a toutes les œuvres de la journee.

  A003000723 

 Remerciés et adorés Dieu profondement pour la grace qu'il vous a faite de vous avoir conservé la nuit precedente; et si vous avies en icelle commis quelque peché, vous luy demanderés pardon..

  A003000724 

 Voyes que le jour present vous est donné affin qu'en iceluy vous puissies gaigner le jour advenir de l'eternité, et feres un ferme propos de bien employer la journee a cette intention..

  A003000725 

 Prevoyes quelz affaires, quelz commerces et quelles occasions vous pouves rencontrer cette journee-la pour servir Dieu, et quelles tentations vous pourront survenir de l'offenser, ou par cholere, ou par vanité, ou par quelque autre desreglement; et, par une sainte resolution, preparés-vous a bien employer les moyens qui se doivent offrir a vous de servir Dieu et avancer vostre devotion; comme au contraire, disposes-vous a bien eviter, combattre et vaincre ce qui peut se presenter contre vostre salut et la gloire de Dieu.

  A003000726 

 Cela fait, humilies-vous devant Dieu, reconnoissant que de vous mesme vous ne sçauries rien faire de ce que vous aves deliberé, soit pour fuir le mal, soit pour executer le bien.

  A003000726 

 Et comme si vous tenies vostre cœur en vos mains, offrés-le avec tous vos bons desseins a la divine Majesté, la suppliant de le prendre en sa protection et le fortifier pour bien reussir en son service, et ce par telles ou semblables paroles intérieures: O Seigneur, voyla ce pauvre et miserable cœur qui, par vostre bonté, a conceu plusieurs bonnes affections; mais helas, il est trop foible et chetif pour effectuer le bien qu'il desire, si vous ne luy departes vostre celeste benediction, laquelle a cette intention je vous requiers, o Pere debonnaire, par le merite de la Passion de vostre Filz, a l'honneur duquel je consacre cette journee et le reste de ma vie.

  A003000726 

 Invoques Nostre Dame, vostre bon Ange et les Saintz, affin qu'ilz vous assistent a cet effect..

  A003000727 

 Mais toutes ces actions spirituelles se doivent faire briefvement et vivement, devant que l'on sorte de la chambre s'il est possible, affin que, par le moyen de cet exercice, tout ce que vous feres le long de la journee soit arrousé de la benediction de Dieu; mais je vous prie, Philothee, de n'y manquer jamais.

  A003000731 

 Comme devant vostre disner temporel vous ferés le disner spirituel par le moyen de la méditation, ainsy avant vostre souper il vous faut faire un petit souper, au moins une collation devote et spirituelle.

  A003000731 

 Gaignes donq quelque loysir un peu devant l'heure du souper, et, prosternee devant Dieu, ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerés par une simple consideration et œillade interieure), rallumés le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations et eslancemens amoureux que vous ferés sur ce divin Sauveur de vostre ame; ou bien en repetant les pointz que vous aures plus savourés en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymeres mieux..

  A003000737 

 Cet exercice ici ne doit jamais estre oublié, non plus que celuy du matin; car par celuy du matin vous ouvres les fenestres de vostre ame au Soleil de justice, et par celuy du soir, vous les fermes aux tenebres de l'enfer..

  A003000741 

 C'est ici, chere Philothee, ou je vous souhaitte fort affectionnee a suivre mon conseil; car en cet article consiste l'un des plus asseurés moyens de vostre avancement spirituel..

  A003000742 

 O Dieu, [91] ce dires vous, pourquoy ne vous regarde-je tous-jours, comme tous-jours vous me regardes? Pourquoy penses-vous en moy si souvent, mon Seigneur, et pourquoy pense-je si peu souvent en vous? Ou sommes-nous, o mon ame? nostre vraye place, c'est Dieu, et ou est ce que nous nous treuvons?.

  A003000742 

 Rappelles le plus souvent que vous pourres parmi la journee vostre esprit en la presence de Dieu par l'une des quatre façons que je vous ay remarquees; regardes ce que Dieu fait et ce que vous faites: vous verres ses yeux tournés de vostre costé, et perpetuellement fichés sur vous par un amour incomparable.

  A003000743 

 Bienheureuse sera l'ame qui pourra dire en verité a Nostre Seigneur: Vous estes ma mayson de refuge, mon rempart asseuré, mon toit contre la pluye et mon ombre contre la chaleur..

  A003000744 

 C'est l'exercice que faisoit le roy David parmi tant d'occupations qu'il avoit, ainsy qu'il le tesmoigne par mille traitz de ses Pseaumes, comme quand il dit: O Seigneur, et moy je suis tous-jours avec vous. [92] Je vois mon Dieu tous-jours devant moy.

  A003000744 

 J'ay eslevé mes yeux a vous, o mon Dieu, qui habites au Ciel.

  A003000744 

 Resouvenés vous donq, Philothee, de faire tous-jours plusieurs retraittes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmi les conversations et affaires; et cette solitude mentale ne peut nullement estre empeschee par la multitude de ceux qui vous sont autour, car ilz ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre cors, si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul.

  A003000746 

 Le bienheureux Elzear, comte d'Arian en Provence, ayant esté longuement absent de sa devote et chaste Delfine, elle luy envoya un homme expres pour sçavoir de sa santé, et il luy fit response: « Je me porte fort bien, ma chere femme; que si vous me voules voir, cherches-moy en la playe du costé de nostre doux Jesus, car c'est la ou j'habite et ou vous me treuveres: ailleurs, vous me chercheres pour neant.

  A003000746 

 Retirés donques quelquefois vostre esprit dedans vostre cœur, ou, separee de tous les hommes, vous puissies traitter cœur a cœur de vostre ame avec son Dieu, pour dire avec David: J'ay veillé et ay esté semblable au pelican de la solitude; j'ay esté fait comme le chat-huant ou le hibou dans les masures, et comme le passereau solitaire au toit.

  A003000751 

 Aspires donq bien souvent en Dieu, Philothee, par des courtz mais ardens eslancemens de vostre cœur: admires sa beauté, invoques son ayde, jettes-vous en esprit au pied de la Croix, adores sa bonté, interroges-le souvent de vostre salut, donnes-luy mille fois le jour vostre ame, fiches vos yeux interieurs sur sa douceur, tendes-luy la main, comme un petit enfant a son pere, affin qu'il vous conduise, mettes-le sur vostre poitrine [94] comme un bouquet delicieux, plantes-le en vostre ame comme un estendart, et faites mille sortes de divers mouvemens de vostre cœur pour vous donner de l'amour de Dieu, et vous exciter a une passionnee et tendre dilection de ce divin Espoux..

  A003000753 

 Plusieurs ont ramassé beaucoup d'aspirations vocales, qui vrayement sont fort utiles; mais par mon advis, vous ne vous astreindres point a aucune sorte de paroles, ains prononcerés ou de cœur ou de bouche celles que l'amour vous suggerera sur le champ, car il vous en fournira tant que vous voudres.

  A003000756 

 Un levreau pressé des chiens accourut sous le cheval de ce saint Prelat, qui pour lhors voyageoit, comme a un refuge que le peril eminent de la mort luy suggeroit; et les chiens clabaudans tout autour n'osoyent entreprendre de violer l'immunité a laquelle leur proye avoit eu recours; spectacle certes extraordinaire, qui faisoit rire tout le train, tandis que le grand Anselme, pleurant et gemissant: Ha, vous ries, disoit-il, mais la pauvre beste ne rit pas; les ennemis de l'ame, poursuivie et mal menee par divers destours en toutes sortes de pechés, l'attendent au destroit de la mort pour la ravir et devorer, et elle, toute effrayee, cherche par tout secours et refuge; que si elle n'en treuve point, ses [97] ennemis s'en moquent et s'en rient.

  A003000757 

 Constantin le Grand escrivit honnorablement a saint Anthoine, dequoy les religieux qui estoyent autour de luy furent fort estonnés, et il leur dit: « Comme admires-vous qu'un Roy escrive a un homme? Admires plustost dequoy Dieu eternel a escrit sa loy aux mortelz, ains leur a parlé bouche a bouche en la personne de son Filz.

  A003000759 

 Une ame devote regardant un ruysseau, et y voyant le ciel representé avec les estoiles en une nuit bien sereine: O mon Dieu, dit elle, ces mesmes estoiles [98] seront dessous mes pieds quand vous m'aures logee dans vos saintz tabernacles; et comme les estoiles du ciel sont representees en la terre, ainsy les hommes de la terre sont representés au ciel en la vive fontaine de la charité divine.

  A003000761 

 Sans iceluy, on ne peut pas bien faire la vie contemplative, et ne sçauroit-on que mal faire la vie active; sans iceluy, le repos n'est qu'oysiveté, et le travail, qu'embarrassement; c'est pourquoy je vous conjure de l'embrasser de tout vostre cœur, sans jamais vous en departir..

  A003000765 

 Je ne vous ay encor point parlé du soleil des exercices spirituelz, qui est le tressaint, sacré et tres-souverain Sacrifice et Sacrement de la Messe, centre de la religion chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere ineffable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement a nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003000767 

 Faites donques toutes sortes d'effortz pour assister tous les jours a la sainte Messe, affin d'offrir avec le prestre le sacrifice de vostre Redempteur a Dieu son Pere, pour vous et pour toute l'Eglise.

  A003000768 

 A quelque heure donq du matin, allés en esprit, si vous ne pouves autrement, en l'eglise; unisses vostre intention a celle de tous les Chrestiens, et faites les mesmes actions interieures au lieu ou vous estes, que vous feries si vous esties reellement presente a l'office de la sainte Messe en quelque eglise..

  A003000768 

 Si, par quelque force forcee, vous ne pouves pas vous rendre présente a la celebration de ce souverain Sacrifice, d'une presence reelle, au moins faut-il que vous y porties vostre cœur pour y assister d'une presence spirituelle.

  A003000769 

 Despuis la Communion jusques a la fin, remercies sa divine Majesté de son Incarnation, de sa vie, de sa Mort, de sa Passion et de l'amour qu'il nous tesmoigne en ce saint Sacrifice, le conjurant par iceluy de vous estre a jamais propice, a vos parens, a vos amis et a toute l'Eglise; et vous humiliant de tout vostre cœur, receves devotement la benediction divine que Nostre Seigneur vous donne par l'entremise de son officier..

  A003000769 

 Despuis le Credo jusques au Pater noster, appliques vostre cœur aux mysteres de la Mort et Passion de nostre Redempteur, qui sont actuellement et essentiellement representés en ce saint Sacrifice, lequel avec le prestre et avec le reste du peuple, vous offrirés a Dieu le Pere pour son honneur et pour vostre salut.

  A003000769 

 Despuis le Pater noster jusques a la Communion, efforces-vous de faire mille desirs de vostre cœur, souhaittant ardemment d'estre a jamais jointe et unie a nostre Sauveur par amour eternel.

  A003000770 

 Mais si vous voules pendant la Messe faire vostre meditation sur les mysteres que vous ailes suivant de jour en jour, il ne sera pas requis que vous vous divertissies a faire ces particulieres actions; ains suffira qu'au commencement vous dressies vostre intention a vouloir adorer et offrir ce saint Sacrifice par l'exercice de vostre meditation et orayson, puisqu'en toute meditation se treuvent les actions susdites, ou expressement ou tacitement et virtuellement.

  A003000774 

 Vous sentirés mille douceurs de devotion par ce moyen, comme faisoit saint Augustin, qui tesmoigne en ses Confessions que oyant les divins Offices au commencement de sa conversion, son cœur se fondoit en suavité, et ses yeux, en larmes de pieté.

  A003000775 

 Entres volontier aux confrairies du lieu ou vous estes, et particulierement en celles desquelles les exercices apportent plus de fruit et d'edification; car en cela vous ferés une sorte d'obeissance fort aggreable a Dieu, d'autant qu'encor que les confrairies ne soient pas commandees, elles sont neanmoins recommandees par l'Eglise, laquelle, pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enroolent, donne des indulgences et autres privileges aux confreres.

  A003000782 

 Rendes-vous fort familiere avec les Anges; voyes-les souvent invisiblement presens a vostre vie, et sur tout aymes et reveres celuy du diocese auquel vous estes, ceux des personnes avec lesquelles vous vives, et specialement le vostre; supplies-les souvent, loües-les ordinairement, et employes leur ayde et secours en toutes vos affaires, soit spirituelles soit temporelles, affin qu'ilz cooperent a vos intentions..

  A003000784 

 Choisissés quelques Saintz particuliers, la vie desquelz vous puissies mieux savourer et imiter, et en l'intercession desquelz vous ayes une particuliere confiance: celuy de vostre nom vous est des-ja tout assigné des vostre Baptesme..

  A003000788 

 Et souvenés-vous que Nostre Seigneur recueille les paroles que nous luy disons en nos prieres, a mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la predication..

  A003000788 

 Soyes devote a la parole de Dieu: soit que vous l'escouties en devis familiers avec vos amis spirituelz, soit que vous l'escouties au sermon, oyes-la tous-jours avec attention et reverence; faites en bien vostre prouffit et ne permettes pas qu'elle tombe a terre, ains receves-la comme un pretieux baume dans vostre cœur, a l'imitation de la Tressainte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans le sien toutes les paroles que l'on disoit a la louange de son Enfant.

  A003000789 

 Ayes tous-jours aupres de vous quelque beau livre de devotion, comme sont ceux de saint Bonaventure, de [106] Gersont, de Denis le Chartreux, de Louys Blosius, de Grenade, de Stella, d'Arias, de Pinelli, de Du Pont, d'Avila, le Combat spirituel, les Confessions de saint Augustin, les Epistres de saint Hierosme, et semblables; et lises en tous les jours un peu avec grande devotion, comme si vous lisies des lettres missives que les Saintz vous eussent envoyees du Ciel, pour vous monstrer le chemin et vous donner le courage d'y aller..

  A003000790 

 Lises aussi les histoires et Vies des Saintz, esquelles, comme dans un mirouër, vous verres le pourtrait de la vie chrestienne, et accommodes leurs actions a vostre prouffit selon vostre vacation.

  A003000799 

 Consentés, mais d'un consentement plein, amoureux et constant a la sainte inspiration; car en cette sorte, Dieu, que vous ne pouves obliger, se tiendra pour fort obligé a vostre affection.

  A003000799 

 Mais avant que de consentir aux inspirations des choses importantes ou extraordinaires, affin de n'estre point trompee, conseilles-vous tous-jours a vostre guide, a ce qu'il examine si l'inspiration est vraye ou fause; d'autant que l'ennemi voyant une ame prompte a consentir aux inspirations, luy en propose bien souvent des fauses pour la tromper, ce qu'il ne peut jamais faire tandis qu'avec humilité elle obeira a son conducteur..

  A003000799 

 Oyes paisiblement leurs propositions; consideres l'amour avec lequel vous estes inspiree, et caresses [110] la sainte inspiration.

  A003000799 

 Resolvés-vous, Philothee, d'accepter de bon cœur toutes les inspirations qu'il plaira a Dieu de vous faire; et quand elles arriveront, receves-les comme les ambassadeurs du Roy celeste, qui desire contracter mariage avec vous.

  A003000805 

 Ne permettes donq jamais, Philothee, que vostre cœur demeure long tems infecté de peché, puisque vous aves un remede si present [111] et facile.

  A003000806 

 Confesses vous humblement et devotement tous les huit jours, et tous-jours s'il se peut quand vous communieres, encor que vous ne senties point en vostre conscience aucun reproche de peché mortel; car par la Confession vous ne recevres pas seulement l'absolution des pechés venielz que vous confesserés, mays aussi une grande force pour les eviter a l'advenir, une grande lumiere pour les bien discerner, et une grace abondante pour reparer toute la perte qu'ilz vous avoient apportee.

  A003000806 

 Vous prattiqueres la vertu d'humilité, d'obeissance, de simplicité et de charité; et en cette seule action de Confession, vous exercerés plus de vertu qu'en nulle autre..

  A003000807 

 Ayes tous-jours un vray desplaysir des pechés que vous confesserés, pour petitz qu'ilz soyent, avec une ferme resolution de vous en corriger a l'advenir.

  A003000807 

 Si donq vous vous confesses d'avoir menti, quoy que sans nuysance, ou d'avoir dit quelque parole desreglee, ou d'avoir trop joué, repentes-vous en et ayes ferme propos de vous en amender; car c'est un abus de se confesser de quelque sorte de peché, soit [112] mortel soit veniel, sans vouloir s'en purger, puisque la Confession n'est instituee que pour cela..

  A003000808 

 De mesme, ne vous accuses pas de n'avoir pas prié Dieu avec telle devotion comme vous deves; mays si vous aves eu des distractions volontaires, ou que vous ayes negligé de prendre le lieu, le tems et la contenance requise pour avoir l'attention en la priere, accuses-vous en tout simplement, selon que vous treuverés y avoir manqué, sans alleguer cette generalité, qui ne fait ni froid ni chaud en la Confession..

  A003000808 

 Et bien, accuses-vous de cette particularité et dites: ayant veu un pauvre necessiteux, je ne l'ay pas secouru comme je pouvois, par negligence, ou par dureté de cœur, ou par mespris, selon que vous connoistres l'occasion de cette faute.

  A003000808 

 Ne faites pas seulement ces accusations superflues que plusieurs font par routine: je n'ay pas aymé Dieu tant que je devois; je n'ay pas prié avec tant de devotion que je devois; je n'ay pas cheri le prochain comme je devois; je n'ay pas receu les Sacremens avec la reverence que je devois, et telles semblables: la rayson est, parce qu'en disant cela vous ne dires rien de particulier qui puisse faire entendre au confesseur l'estat de vostre conscience, d'autant que tous les Saintz de Paradis et tous les hommes de la terre pourroyent dire les mesmes choses s'ilz se confessoyent.

  A003000808 

 Par exemple, vous vous accuses de n'avoir pas cheri le prochain comme vous devies; c'est peut estre parce qu'ayant veu quelque pauvre fort necessiteux, lequel vous pouvies aysement secourir et consoler, vous n'en aves eu nul soin.

  A003000808 

 Regardés donq quel sujet particulier vous aves de faire ces accusations la, et lhors que vous l'aures descouvert, accuses-vous du manquement que vous aures commis, tout simplement et naifvement.

  A003000809 

 Dites si vous vous estes longuement arrestee en vostre mal, d'autant que la longueur du tems accroist pour l'ordinaire de beaucoup le peché, y ayant bien de la difference entre une vanité passagere, qui se sera escoulee en nostre esprit l'espace d'un quart d'heure, et celle en laquelle nostre cœur aura trempé un jour, deux jours, trois jours.

  A003000809 

 Ne vous contentes pas de dire vos pechés venielz quant au fait, mais accuses-vous du motif qui vous a [113] induit a les commettre.

  A003000809 

 Par exemple, ne vous contentés pas de dire que vous aves menti sans interesser personne; mais dites si ç'a esté ou par vaine gloire, affin de vous loüer et excuser, ou par vaine joye, ou par opiniastreté.

  A003000809 

 Si vous aves peché a joüer, expliques si ç'a esté pour le desir du gain, ou pour le playsir de la conversation, et ainsy des autres.

  A003000810 

 Et s'il est encor besoin de particulariser les paroles pour vous [114] bien declarer, je pense qu'il seroit bon de les dire; car s'accusant ainsy naifvement, on ne descouvre pas seulement les pechés qu'on a fait, mais aussi les mauvaises inclinations, coustumes, habitudes et autres racines du peché, au moyen dequoy le pere spirituel prend une plus entiere connoissance du cœur qu'il traitte et des remedes qui luy sont propres.

  A003000810 

 N'espargnes point de dire ce qui est requis pour bien faire entendre la qualité de vostre offence, comme le sujet que vous aves eu de vous mettre en cholere, ou de supporter quelqu'un en son vice.

  A003000811 

 Prenes garde a une quantité de pechés qui vivent et regnent bien souvent insensiblement dedans la conscience, affin que vous les confessies et que vous puissies vous en purger; et a cet effect, lises diligemment les chapitres VI, XXVII, XXVIII, XXIX, XXXV et XXXVI de la troisiesme Partie et le chapitre viii de la quatriesme Partie..

  A003000812 

 Ne changes pas aysement de confesseur, mais en ayant choisi un, continues a luy rendre conte de vostre conscience aux jours qui sont destinés pour cela, luy disant naifvement et franchement les pechés que vous aures commis; et de tems en tems, comme seroit de mois en mois ou de deux mois en deux mois, dites-luy encor l'estat de vos inclinations, quoy que par icelles vous n'ayes pas peché, comme si vous esties tourmentee de la tristesse, du chagrin, ou si vous estes portee a la joye, aux desirs d'acquerir des biens, et semblables inclinations.

  A003000815 

 Miserables, dira-il, pourquoy estes-vous mortz, ayans a commandement le fruit et la viande de la vie?.

  A003000816 

 La response de sainte Catherine de Sienne fut gracieuse, quand luy estant opposé, a rayson de sa [117] frequente Communion, que saint Augustin ne loüoit ni ne vituperoit de communier tous les jours: Et bien, dit-elle, « puisque saint Augustin ne le vitupere pas, je vous prie que vous ne le vituperies pas non plus, » et je me contenteray..

  A003000817 

 Mais, Philothee, vous voyés que saint Augustin exhorte et conseille bien fort que l'on communie tous les Dimanches; faites le donques tant qu'il vous sera possible.

  A003000817 

 Puisque, comme je presuppose, vous n'aves nulle sorte d'affection du peché mortel, ni aucune affection au peché veniel, vous estes en la vraye disposition que saint Augustin requiert, et encores plus excellente, parce que non seulement vous n'aves pas l'affection de pecher, mais vous n'aves pas mesme l'affection du peché; si que, quand vostre pere spirituel le treuveroit bon, vous pourries utilement communier encores plus souvent que tous les Dimanches..

  A003000818 

 Par exemple, si vous estes en quelque sorte de subjection, et que ceux a qui vous deves de l'obeissance ou de la reverence soyent si mal instruitz ou si bigearres qu'ilz s'inquietent et troublent de vous voir si souvent communier, a l'adventure, toutes choses considerees, sera-il bon de condescendre en quelque sorte a leur infirmité, et ne communier que de quinze jours en quinze jours; mais cela s'entend en cas qu'on ne puisse aucunement vaincre la difficulté.

  A003000818 

 Plusieurs legitimes empeschemens peuvent neanmoins vous arriver, non point de vostre costé mais de la part de ceux avec lesquelz vous vives, qui donneroyent occasion au sage conducteur de vous dire que vous ne communies pas si souvent.

  A003000819 

 Si vous estes bien prudente, il n'y a ni mere, ni [118] femme, ni mari, ni pere qui vous empesche de communier souvent: car, puisque le jour de vostre Communion, vous ne laisseres pas d'avoir le soin qui est convenable a vostre condition, que vous en seres plus douce et plus gracieuse en leur endroit et que vous ne leur refuseres nulle sorte de devoirs, il n'y a pas de l'apparence qu'ilz veuillent vous destourner de cet exercice, qui ne leur apportera aucune incommodité, sinon qu'ilz fussent d'un esprit extremement coquilleux et desraysonnable; en ce cas, comme j'ay dit, a l'adventure que vostre directeur voudra que vous usies de condescendance..

  A003000826 

 Commencés le soir precedent a vous preparer a la sainte Communion par plusieurs aspirations et eslancemens d'amour, vous retirant un peu de meilleure heure affin de vous pouvoir aussi lever plus matin.

  A003000826 

 Et apres que vous aures dit les paroles sacrees: Seigneur, je ne suis pas digne, ne remues plus vostre teste ni vos levres, soit pour prier soit pour souspirer, mais ouvrant doucement et mediocrement vostre bouche, et eslevant vostre teste autant qu'il faut pour donner commodité au prestre de voir ce qu'il fait, receves pleine de foy, d'esperance et de charité Celuy lequel, auquel, par [120] lequel et pour lequel vous croyes, esperes et aymes.

  A003000826 

 L'ayant receu, excites vostre cœur a venir faire hommage a ce Roy de salut; traittes avec luy de vos affaires interieures, considerés-le dedans vous, ou il s'est mis pour vostre bonheur; en fin, faites-luy tout l'accueil qu'il vous sera possible, et comportes-vous en sorte que l'on connoisse en toutes vos actions que Dieu est avec vous..

  A003000826 

 Le matin leves-vous avec grande joye, pour le bonheur que vous esperés, et vous estant confessee, alles avec grande confiance, mais aussi avec grande humilité, prendre cette viande celeste qui vous nourrit a l'immortalité.

  A003000826 

 O Philothee, imaginés-vous que comme l'abeille ayant recueilli sur les fleurs la rosee du ciel et le suc plus exquis de la terre, et l'ayant reduit en miel, le porte dans sa ruche, ainsy le prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Filz de Dieu, qui comme une rosee est descendu du Ciel, et vray Filz de la Vierge, qui comme fleur est sorti de la terre de nostre humanité, il le met en viande de suavité dedans vostre bouche et dedans vostre cors.

  A003000826 

 Que si la nuit vous vous resveilles, remplisses soudain vostre cœur et vostre bouche de quelques paroles odorantes, par le moyen desquelles vostre ame soit parfumee pour recevoir l'Espoux, lequel, veillant pendant que vous dormes, se prepare a vous apporter mille graces et faveurs, si de vostre part vous estes disposee a les recevoir.

  A003000827 

 Mais quand vous ne pourres pas avoir ce bien de communier reellement a la sainte Messe, communies au moins de cœur et d'esprit, vous unissant par un ardent desir a cette chair vivifiante du Sauveur..

  A003000828 

 Vostre grande intention en la Communion doit estre de vous avancer, fortifier et consoler en l'amour de Dieu; car vous deves recevoir pour l'amour ce que le seul amour vous fait donner.

  A003000829 

 Dites leur que deux sortes de gens doivent souvent communier: les parfaitz, parce qu'estans bien disposés, ilz auroyent grand tort de ne point s'approcher de la source et fontaine de perfection, et les imparfaitz, affin de pouvoir justement pretendre a la perfection; les fortz affin qu'ilz ne deviennent foibles, et les foibles affin qu'ilz deviennent fortz; les malades affin d'estre guéris, les sains affin qu'ilz ne tombent en maladie; et que pour vous, comme imparfaitte, foible et malade, vous aves besoin de souvent communiquer avec vostre perfection, vostre force et vostre medecin.

  A003000829 

 Dites leur que vous receves le Saint Sacrement pour apprendre a le bien recevoir, parce que l'on ne fait gueres bien une action a laquelle on ne s'exerce pas souvent..

  A003000829 

 Si les mondains vous demandent pourquoy vous communies si souvent, dites leur que c'est pour apprendre a aymer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous delivrer de vos miseres, pour vous consoler en vos afflictions, pour vous appuyer en [121] vos foiblesses.

  A003000830 

 Communies souvent, Philothee, et le plus souvent que vous pourrés, avec l'advis de vostre pere spirituel; et croyes-moy, les lievres deviennent blancz parmi nos montagnes en hiver parce qu'ilz ne voyent ni mangent que la neige, et a force d'adorer et manger beauté, la bonté et la pureté mesme en ce divin Sacrement, vous deviendres toute belle, toute bonne et toute pure.

  A003000839 

 Or, sur quelque tentation survenue tant au ladre qu'a Euloge de se quitter l'un l'autre, ilz s'addresserent au grand saint Anthoine qui leur dit: « Gardes bien, mes enfans, de vous separer l'un de l'autre; car estans tous deux proches de vostre fin, si l'Ange ne vous treuve pas ensemble, vous coures grand peril de perdre vos couronnes.

  A003000851 

 [129] Voyes vous, Philothee, c'estoit le zele tres ardent d'une parfaitte pureté qui provoquoit ce grand Saint a cette sorte de methode, et ce zele estoit une grande vertu, mais vertu neanmoins qui ne laissoit pas d'estre reprehensible.

  A003000853 

 Il y a certaines choses que plusieurs estiment vertus et qui ne le sont aucunement, desquelles il faut que je vous die un mot: ce sont les extases ou ravissemens, les insensibilités, impassibilités, unions deifiques, eslevations, transformations, et autres telles perfections desquelles certains livres traittent, qui promettent d'eslever l'ame jusqu'à la contemplation purement intellectuelle, a l'application essentielle de l'esprit et vie supereminente.

  A003000853 

 Voyés-vous, Philothee, ces perfections ne sont pas vertus; ce sont plustost des recompenses que Dieu donne pour les vertus, ou bien encor plustost des eschantillons des felicités de la vie future, qui quelquefois sont presentés aux hommes pour leur faire desirer les pieces toutes entieres qui sont la haut en Paradis.

  A003000858 

 Ouy; car, comme avoit prononcé le Sauveur, en vostre patience vous possederes vos ames. C'est le grand bonheur de l'homme, Philothee, que de posseder son ame; et a mesure que la patience est plus parfaitte, nous possedons plus parfaittement nos ames.

  A003000858 

 Vous aves besoin de patience, affin que faysant la volonté de Dieu, vous en rapporties la promesse, dit l'Apostre.

  A003000858 

 [133] Resouvenés vous souvent que Nostre Seigneur nous a sauvés en souffrant et endurant, et que de mesme, nous devons faire nostre salut par les souffrances et afflictions, endurans les injures, contradictions et desplaysirs avec le plus de douceur qu'il nous sera possible..

  A003000859 

 Ne bornés point vostre patience a telle ou telle sorte d'injures et d'afflictions, mais estendes-la universellement a toutes celles que Dieu vous envoyera et permettra vous arriver.

  A003000860 

 Soyes patiente, non seulement pour le gros et principal des afflictions qui vous surviendront, mais encores pour les accessoires et accidens qui en dependront.

  A003000861 

 Quand il vous arrivera du mal, opposés a iceluy les remedes qui seront possibles et selon Dieu, car de faire autrement, ce seroit tenter sa divine Majesté: mais aussi cela estant fait, attendes avec une entiere resignation l'effect que Dieu aggreera.

  A003000861 

 S'il luy plaist que les remedes vainquent le mal, vous le remercieres avec humilité; mais s'il luy plaist que le mal surmonte les remedes, benisses-le avec patience..

  A003000862 

 Et en cette sorte, vous n'offenseres ni le soin que vous deves avoir de vostre renommee, ni l'affection que vous deves a la tranquillité, douceur de cœur et humilité..

  A003000862 

 Je suis l'advis de saint Gregoire: Quand vous seres accusee justement pour quelque faute que vous aures commise, humilies-vous bien fort, confesses que vous merités l'accusation qui est faitte contre vous.

  A003000862 

 [135] Que si l'accusation est fause, excuses-vous doucement, niant d'estre coupable, car vous deves cette reverence a la verité et a l'edification du prochain; mais aussi, si apres vostre veritable et legitime excuse on continue a vous accuser, ne vous troubles nullement et ne tasches point a faire recevoir vostre excuse; car apres avoir rendu vostre devoir a la verité, vous deves le rendre aussi a l'humilité.

  A003000863 

 Plaignes vous le moins que vous pourres des tortz qui vous seront faitz; car c'est chose certaine que pour l'ordinaire, qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tous-jours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faites point vos plaintes a des personnes aysees a s'indigner et mal penser.

  A003000863 

 Que s'il est expedient de vous plaindre a quelqu'un, ou pour remedier a l'offense, ou pour accoiser vostre esprit, il faut que ce soit a des ames tranquilles et qui ayment bien Dieu; car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueroyent a de plus grandes inquietudes; au lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheront plus avant en vostre pied..

  A003000865 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas), resouvenes-vous de la parolle de Nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant né elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est né au monde; car vous aves conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressenties du travail; mais ayés bon courage, car, ces douleurs passees, la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003000865 

 Or, il sera entierement enfanté pour vous lhors que vous l'aures entierement formé en vostre cœur et en vos œuvres par imitation de sa vie..

  A003000866 

 Desires de guerir pour luy rendre service; ne refuses point de languir pour luy obeir, et disposes-vous a [137] mourir, si ainsy il luy plaist, pour le loüer et jouir de luy.

  A003000866 

 Obeisses au medecin, prenes les medecines, viandes et autres remedes pour l'amour de Dieu, vous resouvenant du fiel qu'il print pour l'amour de nous.

  A003000866 

 Quand vous seres malade, offres toutes vos douleurs, peynes et langueurs au service de Nostre Seigneur, et le supplies de les joindre aux tourmens qu'il a receuz pour vous.

  A003000866 

 Resouvenes-vous que les abeilles au tems qu'elles font le miel, vivent et mangent d'une munition fort amere, et qu'ainsy nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ni mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain d'amertume et vivons parmi les angoisses.

  A003000867 

 Consideres les peynes que les Martyrs souffrirent jadis, et celles que tant de personnes endurent, plus griefves, sans aucune proportion, que celles esquelles vous estes, et dites: helas, mes travaux sont des consolations et mes espines des roses, en comparayson de ceux qui, sans secours, sans assistence, sans allegement, vivent en une mort continuelle, accablés d'afflictions infiniment plus grandes.

  A003000867 

 Voyes souvent de vos yeux intérieurs Jesus Christ crucifié, nud, blasphemé, calomnié, abandonné, et en fin accablé de toutes sortes d'ennuis, de tristesse et de travaux, et consideres que toutes vos souffrances, ni en qualité ni en quantité, ne sont aucunement comparables aux siennes, et que jamais vous ne souffrires rien pour luy, au prix de ce qu'il a souffert pour vous.

  A003000880 

 Mais vous desirés, Philothee, que je vous conduise plus avant en l'humilité; car a faire comme j'ay dit, c'est quasi plustost sagesse qu'humilité: maintenant donq je passe outre.

  A003000886 

 En suite dequoy je vous diray que si pour les actions d'une vraye et naifve devotion, on vous estime vile, abjecte ou folle, l'humilité vous fera res-jouir de ce bienheureux opprobre, duquel la cause n'est pas en vous, mais en ceux qui le font.

  A003000890 

 Et c'est cela a quoy je vous exhorte, et que pour mieux entendre, sçaches qu'entre les maux que nous souffrons les uns sont abjectz et les autres honnorables; plusieurs s'accommodent aux honnorables, mais presque nul ne veut [151] s'accommoder aux abjectz.

  A003000890 

 Je passe plus avant et vous dis, Philothee, qu'en tout et par tout vous aymiés vostre propre abjection.

  A003000890 

 Mais, ce me dires-vous, que veut dire cela: aymés vostre propre abjection? En latin abjection veut dire humilité, et humilité veut dire abjection; si que, quand Nostre Dame en son sacré Cantique dit que, parce que Nostre Seigneur a veu l'humilité de sa servante toutes les generations la diront bienheureuse, elle veut dire que Nostre Seigneur a regardé de bon cœur son abjection, vileté et bassesse, pour la combler de graces et faveurs.

  A003000894 

 Mais vous voulés sçavoir, Philothee, quelles sont les meilleures abjections; et je vous dis clairement que les plus prouffitables a l'ame et aggreables a Dieu sont celles que nous avons par accident ou par la condition de nostre vie, parce que nous ne les avons pas choisies, ains les avons receuës telles que Dieu nous les a envoyees, duquel l'election est tous-jours meilleure que la nostre.

  A003000895 

 Je vous ay dit beaucoup de choses qui vous sembleront dures quand vous les considererés; mais croyes-moy, elles seront plus douces que le sucre et le miel quand vous les prattiquerés.[154].

  A003000902 

 C'est pourquoy, si l'on dit: vous estes un hypocrite, parce que vous vous rangés [157] a la devotion; si l'on vous tient pour homme de bas courage parce que vous aves pardonné l'injure, moques vous de tout cela.

  A003000904 

 Servons Dieu par la bonne et mauvaise renommee, a l'exemple de saint Paul, affin que nous puissions dire avec David: O mon Dieu, c'est pour vous que j'ay supporté l'opprobre et que la confusion a couvert mon visage.

  A003000910 

 Ce saint et illustre patriarche Joseph, renvoyant ses freres d'Egypte en la mayson de son pere, leur donna ce seul advis: Ne vous courroucés point en chemin.

  A003000910 

 Je vous en dis de mesme, Philothee: cette miserable vie n'est qu'un acheminement a la bienheureuse; ne nous courrouçons donq point en chemin les uns avec les autres, marchons avec la trouppe de nos freres et compaignons doucement, paisiblement et amiablement.

  A003000910 

 Mais je vous dis nettement et sans exception, ne vous courroucés point du tout, s'il est possible, et ne recevés aucun pretexte quel qu'il soit pour ouvrir la porte de vostre cœur au courroux; car saint Jacques dit tout court et sans reserve, que l'ire de l'homme n'opere point la justice de Dieu.

  A003000912 

 Mais comment la repousseray je, me dires vous? Il faut, ma Philothee, qu'au premier ressentiment que vous en aures, vous ramassies promptement vos forces, non point brusquement ni impetueusement, mais doucement et neanmoins serieusement; car, comme on void es audiences de plusieurs senatz et parlemens, que les huissiers crians: Paix la, font plus de bruit que ceux qu'ilz veulent faire taire, aussi il arrive maintesfois que voulans avec impetuosité reprimer nostre cholere, nous excitons plus de trouble en nostre cœur qu'elle n'avoit pas fait, et le cœur estant ainsy troublé ne peut plus estre maistre de soy mesme..

  A003000913 

 Avec cela, soudain que vous vous appercevres avoir fait quelque acte de cholere, reparés la faute par un acte de douceur, exercé promptement a l'endroit de la mesme personne contre laquelle vous vous seres irritee.

  A003000913 

 Mais tous-jours je vous advertis que l'orayson qui se fait contre la cholere presente et pressante doit estre prattiquee doucement, tranquillement, et non point violemment; ce qu'il faut observer en tous les remedes qu'on use contre ce mal.

  A003000914 

 Au surplus, lhors que vous estes en tranquillité et sans aucun sujet de cholere, faites grande provision de douceur et debonnaireté, disant toutes vos parolles et faisant toutes vos actions petites et grandes en la plus douce façon qu'il vous sera possible, vous resouvenant que l'Espouse, au Cantique des Cantiques, n'a pas seulement le miel en ses levres et au bout de sa langue, mais elle l'a encor dessous la langue, c'est a dire dans la poitrine; et n'y a pas seulement du miel, mais encor du lait; car aussi ne faut-il pas seulement avoir la parolle douce a l'endroit du prochain, mais encor toute la poitrine, c'est a dire tout l'interieur de nostre ame.

  A003000923 

 Detestes neanmoins de toutes vos forces l'offence que Dieu a receuë de vous, et avec un grand courage et confiance en la misericorde d'iceluy, remettes-vous au train de la vertu que vous avies abandonnee.

  A003000923 

 Relevés donques vostre cœur quand il tombera, tout doucement, vous humiliant beaucoup devant Dieu pour la connoissance de vostre misere, sans nullement vous estonner de vostre cheute, puisque ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme, et la foiblesse foible, et la misere chetifve.

  A003000927 

 Ne vous empresses point a la besoigne: car toute sorte d'empressement trouble la rayson et le jugement, et nous empesche mesme de bien faire la chose a laquelle nous nous empressons.

  A003000927 

 Soyes donq soigneuse et diligente en tous les affaires que vous aurés en charge, ma Philothee, car Dieu vous les ayant confiés veut que vous en ayes un grand soin; mais s'il est possible n'en soyes pas en sollicitude et souci, c'est a dire, ne les entreprenes pas avec inquietude, anxieté et ardeur.

  A003000928 

 Recevés donq les affaires qui vous arriveront en paix, et taschés de les faire par ordre, l'un apres l'autre; car si vous les voules faire tout a coup ou en desordre, vous feres des effortz qui vous fouleront et allanguiront vostre esprit; et pour l'ordinaire vous demeurerés accablee sous la presse, et sans effect..

  A003000928 

 Voyes-vous, si elle eust esté simplement soigneuse elle ne se fust point troublee; mais parce qu'elle estoit en souci et inquietude, elle s'empresse et se trouble, et c'est en quoy Nostre Seigneur la reprend.

  A003000929 

 Ainsy Dieu travaillera avec vous, en vous et pour vous, et vostre travail sera suivi de consolation.

  A003000929 

 Et en tous vos affaires appuyes-vous totalement sur la providence de Dieu, par laquelle seule tous vos [170] desseins doivent reussir; travailles neanmoins de vostre costé tout doucement pour cooperer avec icelle, et puis croyes que si vous vous estes bien confiee en Dieu, le succes qui vous arrivera sera tous-jours le plus prouffitable pour vous, soit qu'il vous semble bon ou mauvais selon vostre jugement particulier.

  A003000929 

 Et gardes bien sur toutes choses de quitter sa main et sa protection, pensant d'amasser ou recueillir davantage; car s'il vous abandonne, vous ne feres point de pas sans donner du nés en terre.

  A003000929 

 Faites comme les petitz enfans qui de l'une des mains se tiennent a leur pere, et de l'autre cueillent des fraises ou des meures le long des haies; car de mesme, amassant et maniant les biens de ce monde de l'une de vos mains, tenes tous-jours de l'autre la main du Pere celeste, vous retournant de tems en tems a luy, pour voir s'il a aggreable vostre mesnage ou vos occupations.

  A003000929 

 Je veux dire, ma Philothee, que quand vous seres parmi les affaires et occupations communes, qui ne requierent pas une attention si forte et si pressante, vous regardies plus Dieu que les affaires; et quand les affaires sont de si grande importance qu'ilz requierent toute vostre attention pour estre bien faitz, de tems en tems vous regarderés a Dieu, comme font ceux qui navigent en mer lesquelz, pour aller a la terre qu'ilz desirent, regardent plus en haut au ciel que non pas en bas ou ilz voguent.

  A003000934 

 Faites donq leurs commandemens, et cela est de necessité; mays pour estre parfaitte suivés encor leurs conseilz et mesme leurs desirs et inclinations, entant que la charité et prudence vous le permettra.

  A003000934 

 Obeisses quand ilz vous ordonneront chose aggreable, comme de manger, prendre de la recreation, car encor qu'il semble que ce n'est pas grande vertu d'obeir en ce cas, ce seroit neanmoins un grand vice de desobeir; obeisses es choses indifferentes, comme a porter tel ou tel habit, aller par un chemin ou par un autre, chanter ou se taire, et ce sera une obeissance des-ja fort recommandable; obeisses en choses malaysees, aspres et dures, et ce sera une obeissance parfaitte.

  A003000934 

 Par la necessaire, vous deves humblement obeir a vos superieurs ecclesiastiques, comme au Pape et a l'Evesque, au curé et a ceux qui sont commis de leur part; vous deves obeir a vos superieurs politiques, c'est a dire a vostre Prince et aux magistratz qu'il a establis sur vostre païs; vous deves en fin obeir a vos superieurs domestiques, c'est a dire a vostre pere, mere, maistre, maistresse.

  A003000935 

 Pour apprendre aysement a obeir a vos superieurs, condescendés aysement a la volonté de vos semblables, cedant a leurs opinions en ce qui n'est pas mauvais, sans estre contentieuse ni revesche; accommodes-vous volontier aux desirs de vos inferieurs autant que la rayson le permettra, sans exercer aucune authorité imperieuse sur eux tandis qu'ilz sont bons.

  A003000938 

 Faites vous ordonner les actions de pieté que vous devés observer par vostre pere spirituel, parce qu'elles en seront meilleures et auront double grace et bonté: [174] l'une, d'elles mesmes, puisqu'elles sont pieuses, et l'autre, de l'obeissance qui les aura ordonnees et en vertu de laquelle elles seront faittes.

  A003000944 

 Pour le premier degré de cette vertu, gardés-vous, Philothee, d'admettre aucune sorte de volupté qui soit prohibee et defendue, comme sont toutes celles qui se prennent hors le mariage, ou mesme au mariage quand elles se prennent contre la regle du mariage.

  A003000944 

 Pour le second, retranches-vous tant qu'il vous sera possible des delectations inutiles et superflues, quoy que loysibles et permises.

  A003000947 

 Or, comme ce commandement: Courrouces-vous et ne [179] peches point est a mon advis plus difficile que cestui ci: Ne vous courrouces point, et qu'il est plus tost fait d'eviter la cholere que de la regler, aussi est-il plus aysé de se garder tout a fait de voluptés charnelles que de garder la moderation en icelles.

  A003000949 

 Vous voyés donques que la chasteté est necessaire a toutes sortes de gens.

  A003000953 

 Soyés extremement prompte a vous destourner de tous les acheminemens et de toutes les amorces de la lubricité, car ce mal agit insensiblement, et par des petitz commencemens fait progres a des grans accidens: il est tous-jours plus aysé a fuir qu'a guerir..

  A003000954 

 Ne permettes jamais, Philothee, qu'aucun vous touche incivilement, ni par maniere de folastrerie ni par maniere de faveur; car bien qu'a l'adventure la chasteté puisse estre conservee parmi ces actions, plustost legeres que malicieuses, si est ce que la fraischeur et fleur de la chasteté en reçoit tous-jours du detriment et de la perte: mays de se laisser toucher deshonnestement, c'est la ruine entiere de la chasteté..

  A003000955 

 Saint Paul dit tout court: Que la fornication ne soit pas mesmement nommee entre vous.

  A003000956 

 A ce propos, je vous represente le mot que l'ancien Pere Jean Cassian rapporte comme sorti de la bouche du grand saint Basile, qui, parlant de soy mesme, dit un [182] jour: «Je ne sçay que c'est que des femmes, et ne suis pourtant pas vierge.

  A003000958 

 Tenes-vous tous-jours proche de Jesus Christ crucifié, et spirituellement par la meditation et reellement par la sainte Communion: car tout ainsy que ceux qui couchent sur l'herbe nommee agnus castus deviennent chastes et pudiques, de mesme reposant vostre cœur sur Nostre Seigneur, qui est le vray Aigneau chaste et vous verrés que bien tost vostre ame et vostre cœur se treuveront purifiés de toutes souïlleures et lubricités..

  A003000962 

 Vostre cœur, chere Philothee, doit estre comme cela, ouvert seulement au ciel, et impenetrable aux richesses et choses caduques: si vous en aves, tenes vostre cœur exempt de leurs affections; qu'il tienne tous-jours le dessus, et qu'emmi les richesses.

  A003000964 

 Il y a difference entre avoir du poison et estre empoisonné: les apothicaires ont presque tous des poisons pour s'en servir en diverses occurences, mais ilz ne sont pas pour cela empoisonnés, parce qu'ilz n'ont pas le poison dedans le cors, mais dedans leurs boutiques; ainsy pouves-vous avoir des richesses sans estre empoisonnee par icelles: ce sera si vous les aves en vostre mayson ou en vostre bourse, et non pas en vostre cœur.

  A003000966 

 Si vous desirés longuement, ardemment et avec inquietude les biens que vous n'aves pas, vous aves beau dire que vous ne les voules pas avoir injustement, car pour cela vous ne laisseres pas d'estre vrayement avare.

  A003000967 

 Attendés, chere Philothee, de desirer le bien du prochain quand il commencera a desirer de s'en desfaire; car lhors son desir rendra le vostre non seulement juste, mais charitable [186]: ouy, car je veux bien que vous ayes soin d'accroistre vos moyens et facultés, pourveu que ce soit non seulement justement, mais doucement et charitablement..

  A003000968 

 S'il vous arrive de perdre des biens, et vous sentes que vostre cœur s'en desole et afflige beaucoup, croyes, Philothee, que vous y aves beaucoup d'affection; car rien ne tesmoigne tant d'affection a la chose perdue que l'affliction de la perte..

  A003000968 

 Si vous affectionnes fort les biens que vous aves, si vous en estes fort embesoignee, mettant vostre cœur en iceux, y attachant vos pensees et craignant d'une crainte vive et empressee de les perdre, croyes-moy, vous aves encor quelque sorte de fievre; car les febricitans boivent l'eau qu'on leur donne avec un certain empressement, avec une sorte d'attention et d'ayse que ceux qui sont sains n'ont point accoustumé d'avoir: il n'est pas possible de se plaire beaucoup en une chose, que l'on n'y mette beaucoup d'affection.

  A003000969 

 Ne desirés donq point d'un desir entier et formé le bien que vous n'aves pas; ne mettes point fort avant vostre cœur en celuy que vous aves; ne vous desolés point des pertes qui vous arriveront, et vous aures quelque sujet de croire qu'estant riche en effect vous ne l'estes point d'affection, mays que vous estes pauvre d'esprit et par consequent bienheureuse, car le Royaume des deux vous appartient.

  A003000974 

 Mais prenés garde que l'amour propre ne vous trompe, car quelquefois il contrefait si bien l'amour de Dieu qu'on diroit que c'est luy: or, pour empescher qu'il ne vous deçoive, et que ce soin des biens temporelz ne se convertisse en avarice, outre ce que j'ay dit au chapitre precedent, il nous faut prattiquer bien souvent la pauvreté reelle et effectuelle, emmi toutes les facultés et richesses que Dieu nous a donnees..

  A003000975 

 Il est vray que Dieu vous le rendra, non seulement en l'autre monde, mais en cestui ci, car il n'y a rien qui face tant prosperer temporellement que l'aumosne; mais en attendant que Dieu vous le rende vous seres tous-jours appauvrie de cela.

  A003000975 

 Quittes donq tous-jours quelque partie de vos moyens en les donnant aux pauvres de bon cœur; car donner ce qu'on a c'est s'appauvrir d'autant, et plus vous donneres plus vous vous appauvrirés.

  A003000976 

 Aymes les pauvres et la pauvreté, car par cet amour vous deviendres vrayement pauvre, puisque, comme dit l'Escriture, nous sommes faitz comme les choses que nous aymons.

  A003000976 

 Or, si vous aymes les pauvres, mettes-vous souvent parmi eux: prenes playsir a les voir chez vous et a les visiter chez eux; conversés volontier avec eux; soyes bien ayse qu'ilz vous approchent aux eglises, aux rües et ailleurs.

  A003000976 

 Si donques vous aymes les pauvres, vous seres vrayement participante de leur pauvreté, et pauvre comme eux.

  A003000977 

 Et comment cela? Le serviteur est moindre que son maistre: rendés-vous donq servante des pauvres; alles les servir dans leurs lictz quand ilz sont malades, je dis de vos propres mains; soyes leur cuisiniere, et a vos propres despens; soyes leur lingere et blanchisseuse.

  A003000977 

 Voules-vous faire encores davantage, ma Philothee? ne vous contentes pas d'estre pauvre comme les pauvres, mais soyes plus pauvre que les pauvres.

  A003000979 

 J'ay eu faim, vous m'aves repeu, j'ay eu froid, vous m'aves revestu: possedés le Royaume qui vous a esté preparé des la constitution du monde, dira le Roy des pauvres et des rois en son grand jugement..

  A003000981 

 Quand il vous arrivera des inconveniens qui vous appauvriront, ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempestes, les feux, les inondations, les sterilités, les larcins, les proces, o c'est alhors la vraye saison de pratiquer la pauvreté, recevant avec douceur ces diminutions [191] de facultés, et s'accommodant patiemment et constamment a cet appauvrissement.

  A003000985 

 Ayes patience, vous estes en bonne compaignie: Nostre Seigneur, Nostre Dame, les Apostres, tant de Saintz et de Saintes ont esté pauvres, et pouvans estre riches ilz ont mesprisé de l'estre.

  A003000985 

 Combien y a-il de grans mondains qui, avec beaucoup de contradictions, sont allés rechercher avec un soin nompareil la sainte pauvreté dedans les cloistres et les hospitaux? Ilz ont pris beaucoup de peyne pour la treuver, tesmoin saint Alexis, sainte Paule, saint Paulin, sainte Angele et tant d'autres; et voyla, Philothee, que, plus gracieuse en vostre endroit, elle se vient presenter chez vous; vous l'aves rencontree sans la chercher et sans peyne: embrasses-la donq comme la chere amie de Jesus Christ, qui naquit, vesquit et mourut avec la pauvreté, qui fut sa nourrice toute sa vie..

  A003000985 

 Mais si vous estes reellement pauvre, treschere Philothee, o Dieu, soyes-le encores d'esprit; faites de necessité vertu, et employes cette pierre pretieuse de [192] la pauvreté pour ce qu'elle vaut: son esclat n'est pas descouvert en ce monde, mais si est ce pourtant qu'il est extremement beau et riche.

  A003000986 

 Le premier est qu'elle ne vous est point arrivee par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre sans qu'il y ait eu aucune concurrence de vostre volonté propre.

  A003000986 

 Vostre pauvreté, Philothee, a deux grans privileges par le moyen desquelz elle vous peut beaucoup faire meriter.

  A003000988 

 Ne vous desolés point de n'estre pas si bien secourue qu'il seroit requis; car en cela consiste l'excellence de la pauvreté.

  A003000988 

 Ne vous plaignes donq pas, ma chere Philothee, de vostre pauvreté; car on ne se plaint que de ce qui desplait, et si la pauvreté vous desplait vous n'estes plus pauvre d'esprit, ains riche d'affection.

  A003000989 

 N'ayes point de honte d'estre pauvre ni de demander l'aumosne en charité; receves celle qui vous sera donnee, avec humilité, et acceptes le refus avec douceur.

  A003000989 

 Resouvenes-vous souvent du voyage que Nostre Dame fit en Egypte pour y porter son cher Enfant, et combien de mespris, de pauvreté, de misere il luy convint supporter.

  A003000989 

 Si vous vives comme cela, vous seres tres riche en vostre pauvreté..

  A003000993 

 Prenes donq bien garde, ma Philothee, de [194] n'en point avoir de mauvais, car tout aussi tost vous series toute mauvaise.

  A003001005 

 Helas, vous vous trompés, ce feu d'amour est plus actif et penetrant qu'il ne vous semble; vous cuyderes n'en recevoir qu'une estincelle, et vous seres tout estonné de voir qu'en un moment il aura saysi tout vostre cœur, reduit en cendre toutes vos resolutions et en fumee vostre reputation.

  A003001005 

 Le Sage [200] s'escrie: Qui aura compassion d'un enchanteur piqué par le serpent? Et je m'escrie apres luy: o folz et insensés, cuydes-vous charmer l'amour pour le pouvoir manier a vostre gré? Vous vous voules joüer avec luy, il vous piquera et mordra mauvaisement; et sçaves-vous ce qu'on en dira? chacun se moquera de vous et on rira dequoy vous aves voulu enchanter l'amour, et que sur une fause asseurance vous aves voulu mettre dedans vostre sein une dangereuse coleuvre, qui vous a gasté et perdu d'ame et d'honneur..

  A003001005 

 O qu'il dit bien, ce grand Evesque: Que penses-vous faire? Donner de l'amour, non pas? Mais personne n'en donne volontairement qui n'en prenne necessairement; qui prend est pris en ce jeu.

  A003001011 

 O Philothee, aymés un chacun d'un grand amour charitable, mais n'ayes point d'amitié qu'avec ceux qui peuvent communiquer avec vous de choses vertueuses; et plus les vertus que vous mettres en vostre commerce seront exquises, plus vostre amitié sera parfaitte.

  A003001011 

 Si vous communiques es sciences, vostre amitié est certes [202] fort loüable; plus encor si vous communiques aux vertus, en la prudence, discretion, force et justice.

  A003001012 

 Ne faites point d'amitié d'autre sorte, je veux dire des amitiés que vous faites; car il ne faut pas ni quitter ni mespriser pour cela les amitiés que la nature et les precedens devoirs vous obligent de cultiver, des parens, des alliés, des bienfaiteurs, des voysins et autres; je parle de celles que vous choisissés vous mesme..

  A003001013 

 Plusieurs vous diront peut estre qu'il ne faut avoir aucune sorte de particuliere affection et amitié, d'autant que cela occupe le cœur, distrait l'esprit, engendre les [203] envies: mais ilz se trompent en leurs conseilz; car ilz ont veu es escritz de plusieurs saintz et devotz autheurs que les amitiés particulieres et affections extraordinaires nuisent infiniment aux religieux; ilz cuydent que c'en soit de mesme du reste du monde, mais il y a bien a dire.

  A003001015 

 Mays j'ay tort de vous amuser en chose si claire.

  A003001020 

 Vous connoistrés l'amitié mondaine d'avec la sainte et vertueuse, comme l'on connoist le miel d'Heraclee d'avec l'autre: le miel d'Heraclee est plus doux a la langue que le miel ordinaire, a rayson de l'aconit [206] qui luy donne un surcroist de douceur, et l'amitié mondaine produit ordinairement un grand amas de paroles emmiellees, une cajolerie de petitz motz passionnés et de louanges tirees de la beauté, de la grace et des qualités sensuelles; mais l'amitié sacree a un langage simple et franc, ne peut loüer que la vertu et grace de Dieu, unique fondement sur lequel elle subsiste.

  A003001026 

 Mais quelz remedes contre cette engeance et formiliere de folles amours, folastreries, impuretés? Soudain que vous en aures les premiers ressentimens, tournes vous court de l'autre costé, et, avec une detestation absolue de cette vanité, coures a la Croix du Sauveur et prenes sa couronne d'espines pour en environner vostre cœur, affin que ces petitz renardeaux n'en approchent.

  A003001027 

 Resouvenes-vous que vous aves voué vostre cœur a Dieu, et que vostre amour luy estant sacrifié, ce seroit donq un sacrilege de luy en oster un seul brin; sacrifies le luy plustost derechef par mille resolutions et protestations, et vous tenant entre icelles comme un cerf dans son fort, reclames Dieu; il vous secourra et son amour prendra le vostre en sa protection, affin qu'il vive uniquement pour luy..

  A003001028 

 Que si vous estes des-ja prinse dans les filetz de ces folles amours, o Dieu, quelle difficulté de vous en desprendre! Mettés vous devant sa divine Majesté, connoissés en sa presence la grandeur de vostre misere, vostre foiblesse et vanité; puys, avec le plus grand effort de cœur qu'il vous sera possible, detestés ces amours commencees, abjurés la vayne profession que vous en aves faitte, renoncés a toutes les promesses receuës, et d'une grande et tres absolue volonté, arrestés en vostre cœur et vous resoulvés de ne jamais plus rentrer en ces jeux et entretiens d'amour..

  A003001029 

 Si vous vous pouves esloigner de l'objet je l'appreuverois infiniment, car comme ceux qui ont esté [210] mordus des serpens ne peuvent pas aysement guerir en la presence de ceux qui ont esté autrefois blessés de la mesme morseure, aussi la personne qui est piquee d'amour guerira difficilement de cette passion, tandis qu'elle sera proche de l'autre qui aura esté atteinte de la mesme piqueure.

  A003001031 

 Mais si, pour l'imperfection de vostre repentir, il vous reste encor quelques mauvaises inclinations, procurés pour vostre ame une solitude mentale, selon ce que je vous ay enseigné ci devant, et retirés vous y le plus que vous pourres, et par mille reiterés eslancemens d'esprit renoncés a toutes vos inclinations, reniés les de toutes vos forces; lisés plus que l'ordinaire des saintz livres, confessés vous plus souvent que de coustume et vous communiés, conferés humblement et naifvement de toutes les suggestions et tentations qui vous arriveront pour ce regard avec vostre directeur, si vous pouves, ou au moins avec quelque ame fidele et prudente; et ne doutés point que Dieu ne vous affranchisse de toutes passions, pourveu que vous continuies fidelement en ces exercices..

  A003001031 

 Non feront, Philothee, si vous aves conceu autant de detestation de vostre mal comme il merite, car si cela est, vous ne seres plus agitee d'aucun mouvement que de celuy d'un extreme horreur de cet infame amour et de tout ce qui en depend, et demeureres quitte de toute autre affection envers l'objet abandonné, que de celle d'une tres pure charité pour Dieu.

  A003001032 

 Ah, ce me dires vous, mais ne sera ce point une ingratitude, de rompre si impiteusement une amitié? O que bienheureuse est l'ingratitude qui nous rend aggreables a Dieu! Non, de par Dieu, Philothee, ce ne sera pas ingratitude, ains un grand benefice que vous feres a l'amant, car en rompant vos liens vous rompres les siens, puisqu'ilz vous estoyent communs, et bien [212] que pour l'heure il ne s'apperçoive pas de son bonheur, il le reconnoistra bien tost apres et avec vous chantera pour action de grace: O Seigneur, vous aves rompu mes liens, je vous sacrifieray l'hostie de loüange et invoqueray vostre saint Nom..

  A003001043 

 Il me semble, au contraire, qu'il faut commencer par l'interieur: Convertisses-vous a moy, dit Dieu, de tout vostre cœur; Mon enfant, donne-moy ton cœur car aussi, le cœur estant la source des actions, elles sont telles qu'il est.

  A003001044 

 Pour cela je vous vay briefvement donner plusieurs advis..

  A003001045 

 Si vous pouves supporter le jeusne, vous feres bien de jeusner quelques jours, outre les jeusnes que l'Eglise nous commande; car outre l'effect ordinaire du jeusne, d'eslever l'esprit, reprimer la chair, prattiquer la vertu et acquerir plus grande recompense au Ciel, c'est un grand bien de se maintenir en la possession de gourmander la gourmandise mesme, et tenir l'appetit sensuel et le cors sujet a la loy de l'esprit; et bien qu'on ne jeusne pas beaucoup, l'ennemi neanmoins nous craint davantage quand il connoist que nous sçavons jeusner.

  A003001045 

 [217] Les mercredi, vendredi et samedi sont les jours esquelz les anciens Chrestiens s'exerçoient le plus a l'abstinence: prenes en donq de ceux la pour jeusner, autant que vostre devotion et la discretion de vostre directeur vous le conseilleront..

  A003001047 

 Si le travail que vous feres vous est necessaire, ou fort utile a la gloire de Dieu, j'ayme mieux que vous souffries la peyne du travail que celle du jeusne: c'est le sentiment de l'Eglise, laquelle, pour les travaux utiles au service de Dieu et du prochain, descharge ceux qui les font du jeusne mesme commandé.

  A003001048 

 C'est, comme je crois, une plus grande vertu de manger sans choix ce qu'on vous presente et en mesme ordre qu'on le vous presente, ou qu'il soit a vostre goust ou qu'il ne le soit pas, que de choisir tous-jours le pire.

  A003001048 

 Et en cette nonchalance de ce qu'on doit manger et qu'on boit gist la perfection de la prattique de ce mot sacré: Manges ce qui [219] vous sera mis devant. J'excepte neanmoins les viandes qui nuisent a la santé ou qui mesme incommodent l'esprit, comme font a plusieurs les viandes chaudes et espicees, fumeuses, venteuses; et certaines occasions esquelles la nature a besoin d'estre recreée et aydee, pour pouvoir soustenir quelque travail a la gloire de Dieu.

  A003001048 

 Il me semble que nous devons avoir en grande reverence la parolle que nostre Sauveur et Redempteur Jesus Christ dit a ses Disciples: Manges ce qui sera mis devant vous.

  A003001051 

 Voyes-vous, Philothee, Balaam est la cause du mal, et il frappe et bat la pauvre asnesse qui n'en peut mais..

  A003001052 

 Et Dieu sans doute vous dit en ces cas-la: Battes, rompes, fendes, froisses vos cœurs principalement, car c'est contre eux que mon courroux est animé.

  A003001052 

 Helas, chere amie, vous battes le pauvre asne, vous affligés vostre cors, et il ne peut mais de vostre mal, ni dequoy Dieu a son espee desgainee sur vous; corrigés vostre cœur qui est idolatre de ce mari, et qui permettoit mille vices a l'enfant et le destinoit a l'orgueil, a la vanité et a l'ambition.

  A003001057 

 Rechercher les conversations et les fuir, ce sont deux extremités blasmables en la devotion civile, qui est celle de laquelle je vous parle.

  A003001057 

 Si donques rien ne vous presse d'aller en conversation ou d'en recevoir chez vous, [222] demeurés en vous mesme et vous entretenés avec vostre cœur; mais si la conversation vous arrive, ou quelque juste sujet vous invite a vous y rendre, alls de par Dieu, Philothee, et voyes vostre prochain de bon cœur et de bon œil..

  A003001061 

 Reste les conversations utiles, comme sont celles des personnes devotes et vertueuses: o Philothee, ce vous sera tous-jours un grand bien d'en rencontrer souvent de telles.

  A003001062 

 Pour vous res-jouir en Nostre Seigneur, il faut que le sujet de vostre joye soit non seulement loysible mays honneste: ce que je dis, parce qu'il y a des choses loysibles qui pourtant ne sont pas honnestes; et affin que vostre modestie paroisse, gardes-vous des insolences lesquelles sans doute sont tous-jours reprehensibles: faire tomber l'un, noircir l'autre, piquer le tiers, faire du mal a un fol, ce sont des risees et joyes sottes et insolentes..

  A003001062 

 Resjouisses vous avec les joyeux; je vous dis encor une fois avec l'Apostre: Soyés tous-jours joyeuse, mais en Nostre Seigneur, et que vostre modestie paroisse a tous les hommes.

  A003001063 

 Aussi, apres que les Apostres eurent un jour raconté a Nostre Seigneur comme ilz avoyent presché et beaucoup fait: Venés, leur dit-il, en la solitude, et vous y reposés un peu.

  A003001063 

 Mais tous-jours, outre la solitude mentale a laquelle vous vous pouves retirer emmi les plus grandes conversations, ainsy que j'ay dit ci dessus, vous deves aymer la solitude locale et reelle, non pas pour aller es desertz, [224] comme sainte Marie Egyptienne, saint Paul, saint Anthoine, Arsenius et les autres Peres solitaires, mais pour estre quelque peu en vostre chambre, en vostre jardin et ailleurs, ou plus a souhait vous puissies retirer vostre esprit en vostre cœur, et recreer vostre ame par des bonnes cogitations et saintes pensees, ou par un peu de bonne lecture, a l'exemple de ce grand Evesque Nazianzene qui, parlant de soy mesme, «Je me pourmenois,» dit-il, «moy mesme avec moy mesme sur le soleil couchant, et passois le tems sur le rivage de la mer; car j'ay accoustumé d'user de cette recreation pour me relascher et secouer un peu des ennuis ordinaires;» et la dessus il discourt de la bonne pensee qu'il fit, que je vous ay recitee ailleurs.

  A003001069 

 Saint Louys dit en un mot que «l'on se doit vestir selon son estat, en sorte que les sages et bons ne puissent dire: vous en faites trop, ni les jeunes gens: vous en faites trop peu.

  A003001069 

 Soyes propre, Philothee; qu'il n'y ait rien sur vous de traînant et mal ageancé: c'est un mespris de ceux avec lesquelz on converse d'aller entr'eux en habit desaggreable; mays gardés-vous bien des affaiteries, vanités, curiosités et folastreries.

  A003001069 

 Tenes-vous tous-jours, tant qu'il vous sera possible, du costé de la simplicité et modestie, qui est sans doute le plus grand ornement de la beauté et la meilleure excuse pour la laideur.

  A003001073 

 Si donq vous estes bien amoureuse de Dieu, Philothee, vous parlerés souvent de Dieu es devis familiers que vous feres avec vos domestiques, amis et voysins: ouy, car la bouche du juste meditera la sapience, et sa langue parlera du jugement.

  A003001074 

 Mais parlés tous-jours de Dieu comme de Dieu, c'est a dire reveremment et devotement, non point faisant la suffisante ni la prescheuse, mais avec l'esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant autant que vous sçaves (comme il est dit de l'Espouse au Cantique des Cantiques) le miel delicieux de la devotion et des choses divines, goutte a goutte, tantost dedans l'oreille de l'un, tantost dedans l'oreille de l'autre, priant Dieu au secret de vostre ame qu'il luy plaise de faire passer cette sainte rosee jusques dans le cœur de ceux qui vous escoutent.

  A003001075 

 Ne parles donq jamais de Dieu ni de la devotion par maniere d'acquit et d'entretien, mais tous-jours avec attention et devotion: ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs qui font profession de devotion, lesquelz a tous propos disent des parolles saintes et ferventes par maniere d'entregent et sans y penser nullement; et après les avoir dites, il leur est advis qu'ilz sont telz que les parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003001079 

 Gardes vous soigneusement de lascher aucune parole deshonneste; car encor que vous ne les disies pas avec mauvaise intention, si est ce que ceux qui les oyent, les peuvent recevoir d'une autre sorte.

  A003001080 

 Si quelque sot vous dit des paroles messeantes, tesmoignés que vos oreilles en sont offencees, ou vous destournant ailleurs ou par quelque autre moyen, selon que vostre prudence vous enseignera..

  A003001086 

 Ne juges point et vous ne seres point jugés, dit le Sauveur de nos ames; ne condamnes point et vous ne seres point condamnés.

  A003001089 

 Mais quelz remedes? Ceux qui boivent le suc de l'herbe ophiusa d'Ethiopie cuydent par tout voir des serpens et choses effroyables: ceux qui ont avalé l'orgueil, l'envie, l'ambition, la haine, ne voyent rien qu'ilz ne treuvent mauvais et blasmable; ceux la pour estre gueris doivent prendre du vin de palme, et j'en dis de mesme pour ceux-ci: beuves le plus que vous pourrés le vin sacré de la charité, elle vous affranchira de ces mauvaises humeurs qui vous font faire ces jugemens tortus.

  A003001090 

 Je vous presente trois exemples admirables.

  A003001100 

 Je vous conjure donques, treschere Philothee, de ne jamais mesdire de personne, ni directement ni indirectement: gardés-vous d'imposer des faux crimes et pechés au prochain, ni de descouvrir ceux qui sont secretz, ni d'aggrandir ceux qui sont manifestes, ni d'interpreter en mal la bonne œuvre, ni de nier le bien que vous sçaves estre en quelqu'un, ni le dissimuler malicieusement, ni le diminuer par paroles, car en toutes ces façons vous offenseries grandement Dieu, mais sur tout accusant fausement et niant la verité au prejudice du prochain; car c'est double peché de mentir et nuire tout ensemble au prochain..

  A003001101 

 Ne voyes-vous pas l'artifice? Celuy qui veut tirer a l'arc tire tant qu'il peut la fleche a soy, mais ce n'est que pour la darder plus puissamment: il semble que ceux ci retirent leur mesdisance a eux, mais ce n'est que pour la descocher plus fermement, affin qu'elle penetre plus avant dedans les cœurs des escoutans.

  A003001102 

 Ne dites pas: un tel est un ivroigne, encores que vous l'ayes veu ivre; ni, il est adultere, pour l'avoir veu en ce peché; ni, il est inceste, pour l'avoir treuvé en ce malheur; car un seul acte ne donne pas le nom a la chose.

  A003001105 

 Et en fin, il faut sur tout observer, en blasmant le vice, d'espargner le plus que vous pourrés la personne en laquelle il est..

  A003001107 

 Chacun se donne liberté de juger et censurer les princes et de mesdire des nations toutes entieres, selon la diversité des affections que l'on a en leur endroit: Philothee, ne faites pas cette faute; car outre l'offense de Dieu, elle vous pourroit susciter mille sortes de querelles..

  A003001108 

 Quand vous oyes mal dire, rendés douteuse l'accusation, si vous le pouves faire justement; si vous ne pouves pas, excuses l'intention de l'accusé; que si cela ne se peut, tesmoignes de la compassion sur luy, escartes ce propos-la, vous resouvenant et faisant resouvenir la compaignie que ceux qui ne tombent pas en faute en doivent toute la grace a Dieu.

  A003001108 

 Rappellés a soy le mesdisant par quelque douce maniere; dites quelque autre bien de la personne offensee si vous le sçaves.

  A003001112 

 Accoustumes-vous a ne jamais mentir a vostre escient, ni par excuse ni autrement, vous resouvenant que Dieu est le Dieu de verité.

  A003001112 

 Gardés-vous des duplicités, artifices et feintises; bien qu'il ne soit pas bon de dire tous-jours toutes sortes de verités, si n'est-il jamais permis de contrevenir a la verité.

  A003001112 

 Si vous en dites par mesgarde et vous pouves les corriger sur le champ par quelque explication ou reparation, corrigés les: une excuse veritable a bien plus de grace et de force pour excuser, que le mensonge..

  A003001114 

 Voyés-vous, chere Philothee, combien cette sainte belle ame est douillette au sentiment de l'affaiterie des paroles? Certes, c'est un grand ornement de la vie chrestienne que la fidelité, rondeur et sincerité du langage.

  A003001127 

 Mais nous avons ainsy convenu, me dires-vous.

  A003001127 

 Mais quel grand mal y a-il, me dires-vous? Le gain ne se fait pas en ces jeux selon la rayson, mais selon le sort, qui tombe bien souvent a celuy qui par habilité et industrie ne meritoit rien: la rayson est donq offensee en cela.

  A003001129 

 La sainte et chaste damoiselle Sara parlant a Dieu de son innocence: Vous sçaves, dit-elle, o Seigneur, que jamais je n'ay conversé entre les joüeurs..

  A003001134 

 Je vous dis des danses, Philothee, comme les medecins disent des potirons et champignons: les meilleurs n'en valent rien, disent-ilz; et je vous dis que les meilleurs balz ne sont gueres bons.

  A003001134 

 Manges-en peu et peu souvent, disent les medecins parlans des champignons, car, pour bien apprestés qu'ilz soyent, la quantité leur sert de venin: dansés peu et peu souvent, Philothee, car faisant autrement vous vous mettres en danger de vous y affectionner..

  A003001134 

 Si neanmoins il faut manger des potirons, prenés garde qu'ilz soyent bien apprestés: si par quelque occasion de laquelle vous ne puissies pas vous bien excuser, il faut aller au bal, prenés garde que vostre danse soit bien apprestee.

  A003001137 

 A mesme tems que vous esties au bal, plusieurs ames brusloyent au feu d'enfer pour les pechés commis a la danse ou a cause de la danse.

  A003001137 

 Helas, ilz n'ont eu nul repos! Aures vous point de compassion d'eux? et penses vous point qu'un jour vous gemirés comme eux, tandis que d'autres danseront comme vous aves fait? 4.

  A003001137 

 Helas, tandis que vous esties la, le tems s'est passé, la mort s'est approchee; voyes qu'elle se moque de vous et qu'elle vous appelle a sa danse, en laquelle les gemissemens de vos proches serviront de violon, et ou vous ne ferés qu'un seul passage de la vie a la mort.

  A003001137 

 Nostre Seigneur, Nostre Dame, les Anges et les Saintz vous ont veu au bal: ah, que vous leur aves fait grande pitié, voyans vostre cœur amusé a une si grande niayserie, et attentif a cette fadayse.

  A003001137 

 Tandis que vous aves dansé, plusieurs ames sont decedees en grande angoisse; mille milliers d'hommes et femmes ont souffert des grans travaux, en leurs lictz, dans les hospitaux et es rües: la goutte, la gravelle, la fievre ardente.

  A003001138 

 Je vous remarque ces petites considerations, mais Dieu vous en suggerera bien d'autres a mesme effect, si vous aves sa crainte..

  A003001142 

 Mais, en un mot, dansés et joüés selon les conditions que je vous ay marquees, quand pour condescendre et complaire a l'honneste conversation en laquelle vous seres, la prudence et discretion vous le conseilleront; car la condescendance, comme surgeon de la charité, rend les choses indifferentes bonnes, et les dangereuses, permises.

  A003001148 

 Mais tandis que la divine Providence ne vous envoye pas des afflictions si sensibles et si grandes, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnes-luy pour le moins vos cheveux: je veux dire, supportes tout doucement les menues injures, ces petites incommodités, ces pertes de peu d'importance qui vous sont journalieres; car par le moyen de ces petites occasions, employees avec amour et dilection, vous gaigneres entierement [254] son cœur et le rendres tout vostre.

  A003001148 

 Preparés-vous donq, Philothee, a souffrir beaucoup de grandes afflictions pour Nostre Seigneur, et mesme le martyre; resoulvés-vous de luy donner tout ce qui vous est de plus pretieux, s'il luy plaisoit de le prendre: pere, mere, frere, mari, femme, enfans, vos yeux mesme et vostre vie, car a tout cela vous deves apprester vostre cœur.

  A003001149 

 J'ay dit cet exemple, ma Philothee, affin que vous sçachies combien il importe de bien dresser toutes nos actions, pour viles qu'elles soient, au service de sa divine Majesté..

  A003001150 

 Mettes la main a chose forte, vous exerçant a l'orayson et meditation, a l'usage des Sacremens, a donner de l'amour de Dieu aux ames, a respandre de bonnes inspirations dedans les cœurs, et en fin a faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vacation; mais n'oublies pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille, c'est a dire, prattiqués ces petites et humbles vertus lesquelles comme fleurs croissent au pied de la Croix: le service des pauvres, la visitation des malades, le soin de la famille, avec les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui ne vous laissera point oysive; et parmi toutes ces choses-la, entrejettés des pareilles considerations a celles que je viens de dire de sainte Catherine..

  A003001150 

 Pour cela, je vous conseille tant que je puis d'imiter cette femme forte que le grand Salomon a tant loüee, laquelle, comme il dit, mettoit la main a choses fortes, genereuses et relevees, et neanmoins ne laissoit pas de filer et tourner le fuseau: Elle a mis la main a chose forte, et ses doigtz ont prins le fuseau.

  A003001151 

 Soit que vous mangies, soit que vous beuvies, soit que vous dormies, soit que vous vous recreiés, soit que vous tournies la broche, pourveu que vous sçachies bien mesnager vos affaires, vous prouffiterés beaucoup devant Dieu, faisant toutes ces choses parce que Dieu veut que vous les facies.

  A003001155 

 Ce que je m'en vay vous dire, sont-ce pas iniquités et desraysons?.

  A003001158 

 Philothee, soyes egale et juste en vos actions: mettes-vous tous-jours en la place du prochain, et le mettes en la vostre, et ainsy vous jugerés bien; rendes-vous vendeuse en achetant et acheteuse en vendant, et vous vendres et acheteres justement.

  A003001158 

 Resouvenés-vous donq, ma Philothee, d'examiner souvent vostre cœur s'il est tel envers le prochain comme vous voudries que le sien fust envers vous si vous esties en sa place, car voyla le point de la vraye rayson.

  A003001162 

 Mais je vous dis de plus, ma Philothee: ne desires point les choses qui sont dangereuses a l'ame, comme sont les balz, les jeux et telz autres passetems; ni les honneurs et charges, ni les visions et extases, car il y a beaucoup de peril, de vanité et de tromperie en telles choses.

  A003001162 

 Si un jeune homme desire fort d'estre pourveu de quelque office avant que le tems soit venu, dequoy, je vous prie, luy sert ce desir? Si une femme mariee desire d'estre religieuse, a quel propos? Si je desire d'acheter le bien de mon voysin avant qu'il soit prest a le vendre, ne perds-je pas mon tems en ce desir? Si estant malade, je desire prescher ou dire la sainte Messe, visiter les autres malades et faire les exercices de ceux qui sont en santé, ces desirs ne sont-ilz pas vains, puysqu'en ce tems-la il n'est pas en mon pouvoir [260] de les effectuer? Et ce pendant ces desirs inutiles occupent la place des autres que je devrois avoir, d'estre bien patient, bien resigné, bien mortifié, bien obeissant et bien doux en mes souffrances, qui est ce que Dieu veut que je prattique pour lhors.

  A003001164 

 Ne desirés pas les croix, sinon a mesure que vous aures bien supporté celles qui se seront presentees; car c'est un abus de desirer le martyre et n'avoir pas le courage de supporter une injure.

  A003001164 

 Ne desirés point les tentations, car ce seroit temerité; mais employés vostre cœur a les attendre courageusement, et a vous en defendre quand elles arriveront..

  A003001165 

 C'est bon signe, ma Philothee, d'avoir ainsy bon appetit, mais regardes si vous pourres bien digerer tout ce que vous voules manger.

  A003001165 

 Choisisses donq, par l'advis de vostre pere spirituel, entre tant de desirs ceux qui peuvent estre prattiqués et executés maintenant; ceux-la, faites les bien valoir: cela fait, Dieu vous en envoyera d'autres, lesquelz aussi en leurs saisons vous prattiqueres, et ainsy vous ne perdres pas le tems en desirs inutiles.

  A003001165 

 La varieté des viandes (si principalement la quantité en est grande) charge tous-jours l'estomac, et s'il est foible, elle le ruine: ne remplisses pas vostre ame de beaucoup de desirs, ni mondains car ceux la vous gasteroyent du tout, ni mesme spirituelz car ilz vous embarrasseroyent.

  A003001172 

 O mariés, ce n'est rien de dire: aymes vous l'un l'autre de l'amour naturel, car les pairs de tourterelles font bien cela; ni de dire, aymes vous d'un amour humain, car les payens ont bien prattiqué cet amour la; mais je vous dis, apres le grand Apostre: Maris, aymes vos femmes comme Jesus Christ ayme son Eglise; o femmes, aymes vos maris comme l'Eglise ayme son [264].

  A003001173 

 Ce fut Dieu qui amena Eve a nostre premier pere Adam et la luy donna a femme: c'est aussi Dieu, mes amis, qui de sa main invisible a fait le nœud du sacré lien de vostre mariage, et qui vous a donné les uns aux autres; pourquoy ne vous cherisses vous d'un amour tout saint, tout sacré, tout divin?.

  A003001176 

 Ce vous est grand honneur, o mariés, dequoy Dieu voulant multiplier les ames qui le puissent benir et loüer a toute eternité, il vous rend les cooperateurs d'une si digne besoigne par la production des cors dans lesquelz il respand, comme gouttes celestes, les ames en les creant, comme il les cree en les infusant dedans les cors..

  A003001177 

 Et vous, o femmes, aymes tendrement, cordialement, mays d'un amour respectueux et plein de reverence, les maris que Dieu vous a donnés; car vrayement Dieu pour cela les a creés [267] d'un sexe plus vigoureux et predominant, et a voulu que la femme fust une dependance de l'homme, un os de ses os, une chair de sa chair, et qu'elle fust produite d'une coste d'iceluy, tiree de dessous ses bras, pour monstrer qu'elle doit estre sous la main et conduite du mari; et toute l'Escriture Sainte vous recommande estroittement cette subjection, laquelle neanmoins la mesme Escriture vous rend douce, non seulement voulant que vous vous y accommodiés avec amour, mais ordonnant a vos maris qu'ilz l'exercent avec grande dilection, tendreté et suavité: Maris, dit saint Pierre, portes vous discretement avec vos femmes, comme avec un vaisseau plus fragile, leur portant honneur. Mais tandis que je vous exhorte d'aggrandir de plus en plus ce reciproque amour que vous vous deves, prenes garde qu'il ne se convertisse point en aucune sorte de jalousie; car il arrive souvent que comme le ver s'engendre de la pomme la plus delicate et la plus meure, aussi la jalousie naist en l'amour le plus ardent et pressant des mariés, duquel neanmoins il gaste et corrompt la substance, car petit a petit il engendre les noises, dissensions et divorces.

  A003001177 

 Les imbecillités et infirmités, soit du cors soit de l'esprit de vos femmes ne vous doivent provoquer a nulle sorte de desdain, ains plustost a une douce et amoureuse compassion, puisque Dieu les a creées telles affin que, dependant de vous, vous en receussies plus d'honneur et de respect, et que vous les eussies tellement pour compaignes que vous en fussies neanmoins les chefz et superieurs.

  A003001178 

 Si vous voulés, o maris, que vos femmes vous soyent [268] fideles, faites-leur en voir la leçon par vostre exemple.

  A003001178 

 «Avec quel front,» dit saint Gregoire Nazianzene,« voules vous exiger la pudicité de vos femmes, si vous mesmes vives en impudicité? comme leur demandes vous ce que vous ne leur donnes pas?» Voules vous qu'elles soyent chastes? comportes vous chastement envers elles, et, comme dit saint Paul, Qu'un chacun sçache posseder son vaisseau en sanctification. Que si au contraire vous mesmes leur apprenés les fripponneries, ce n'est pas merveille que vous ayes du deshonneur en leur perte..

  A003001179 

 Craignes toutes sortes d'attaques pour petites qu'elles soyent, ne permettes jamais aucune muguetterie autour de vous.

  A003001179 

 Mais si a vostre louange quelqu'un adjouste le mespris de vostre mari, il vous offence infiniment, car la chose est claire que non seulement il vous veut perdre, mais vous tient des-ja pour demi perdue, puisque la moitié du marché est faite avec le second marchand quand on est desgousté du premier.

  A003001179 

 Mais vous, o femmes, desquelles l'honneur est inseparablement conjoint avec la pudicité et honnesteté, conserves jalousement vostre gloire et ne permettes qu'aucune sorte de dissolution ternisse la blancheur de vostre reputation.

  A003001179 

 Quicomque vient loüer vostre beauté et vostre grace vous doit estre suspect, car quicomque loue une marchandise qu'il ne peut acheter il est pour l'ordinaire grandement tenté de la desrober.

  A003001182 

 La bonne reyne Blanche fit ardemment cet office a l'endroit du roy saint Louys son filz, car elle luy disoit souventefois: «J'aymerois trop mieux, mon cher enfant, vous voir mourir devant mes yeux, que de vous voir commettre un seul peché mortel;» ce qui demeura tellement gravé en l'ame de ce saint filz que, comme luy mesme racontoit, il ne fut jour de sa vie auquel il ne luy en souvint, mettant peyne, tant qu'il luy estoit possible, de bien garder cette divine doctrine.

  A003001199 

 L'elephant n'est qu'une grosse beste, mais la plus digne qui vive sur la terre et qui a le plus de sens; je vous veux dire un trait de son honnesteté: il ne change jamais de femelle et ayme tendrement celle qu'il a choisie, avec laquelle neanmoins il ne parie que de trois ans en trois ans, et cela pour cinq jours seulement et si secrettement que jamais il n'est veu en cet acte; mais il est bien veu pourtant le sixiesme jour auquel avant toutes choses il va droit a quelque riviere en laquelle il se lave entierement tout le cors, sans vouloir aucunement retourner au troupeau qu'il ne se soit auparavant purifié.

  A003001209 

 Qu'importe-il, je vous prie, que l'enseigne du logis d'Adonis et de l'amour prophane soit faite d'aigrettes blanches perchees en guise de pennaches, ou d'un crespe estendu en guise de retz tout autour du visage? ains souvent le noir est mis avec advantage de vanité sur le blanc pour en rehausser la couleur.

  A003001210 

 Quand Noëmi revint de Moab en Bethleem, les femmes de la ville qui l'avoyent conneuë au commencement de son mariage s'entredisoyent l'une a l'autre: N'est-ce point ici Noëmi? Mais elle respondit: Ne m'appelles point, je vous prie, Noëmi, car Noëmi veut dire gracieuse et belle, ains appelles moy Mara, car le Seigneur a rempli mon ame d'amertume: ce qu'elle disoit d'autant que son mari luy estoit mort.

  A003001214 

 Et comme le fer qui estant empesché de suivre l'attraction de l'aymant a cause de la presence du diamant, s'eslance vers le mesme aymant soudain que le diamant est esloigné, ainsy le cœur de la vefve, qui ne pouvoit bonnement s'eslancer du tout en Dieu, ni suivre les attraitz de son divin amour pendant la vie de son mari, doit soudain apres le trespas d'iceluy courir ardemment a l'odeur des parfums celestes, comme disant, a l'imitation de l'Espouse sacree: O Seigneur, maintenant que je suis toute mienne, recevés-moy pour toute vostre; tirés-moy apres vous, nous courrons a l'odeur de vos onguens..

  A003001221 

 Les epistres de saint Hierosme vous fourniront tous les advis qui vous sont necessaires; et puisque vostre condition vous oblige a l'obeissance, choisisses une guide, sous la conduitte de laquelle vous puissies plus saintement dedier vostre cœur et vostre cors a sa divine Majesté.

  A003001221 

 Mais si vostre bonheur vous appelle aux chastes et virginales noces spirituelles, et qu'a jamais vous veuilles [286] conserver vostre virginité, o Dieu, conservés vostre amour le plus delicatement que vous pourres pour cet Espoux divin qui, estant la pureté mesme, n'ayme rien tant que la pureté, et a qui les premices de toutes choses sont deuës, mais principalement celles de l'amour.

  A003001221 

 O vierges, si vous pretendés au mariage temporel, gardes donq jalousement vostre premier amour pour vostre premier mari.

  A003001225 

 Tout aussi tost que les mondains s'appercevront que vous voulés suivre la vie devote, ilz descocheront sur vous mille traitz de leur cajolerie et mesdisance: les plus malins calomnieront vostre changement d'hypocrisie, bigotterie et artifices; ilz diront que le monde vous a fait mauvais visage et qu'a son refus vous recourés a Dieu; vos amis s'empresseront a vous faire un monde de remonstrances, fort prudentes et charitables a leur advis: Vous tomberes, diront-ilz, en quelque humeur melancholique, vous perdres credit au monde, vous vous rendres insupportable, vous enviellires devant [288] le tems, vos affaires domestiques en patiront; il faut vivre au monde comme au monde, on peut bien faire son salut sans tant de mysteres; et mille telles bagatelles..

  A003001226 

 Si vous esties du monde, dit le Sauveur, le monde aymeroit ce qui est sien; mais parce que vous n'estes pas du monde, partant il vous hait.

  A003001227 

 Il n'est pas possible que nous le contentions, car il est trop bigearre: Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ni beuvant, et vous dites qu'il est endiable; le Filz de l'homme est venu en mangeant et beuvant, et vous dites qu'il est Samaritain.

  A003001233 

 Il se pourra bien faire, ma chere Philothee, qu'a ce changement de vie plusieurs soulevemens se feront en vostre interieur, et que ce grand et general [292] adieu que vous aves dit aux folies et niaiseries du monde vous donnera quelque ressentiment de tristesse et descouragement.

  A003001233 

 Il vous faschera peut estre d'abord de quitter la gloire que les folz et moqueurs vous donnoyent en vos vanités; mais o Dieu, voudries vous bien perdre l'eternelle que Dieu vous donnera en verité? Les vains amusemens et passetems esquelz vous aves employé les annees passees se representeront encor a vostre cœur pour l'appaster et faire retourner de leur costé; mais auries vous bien le courage de renoncer a cette heureuse eternité pour des si trompeuses legeretés? Croyes-moy, si vous perseveres vous ne tarderes pas de recevoir des douceurs cordiales si delicieuses et aggreables, que vous confesseres que le monde n'a que du fiel en comparayson de ce miel, et qu'un seul jour de devotion vaut mieux que mille annees de la vie mondaine..

  A003001233 

 Si cela vous arrive, ayes un peu de patience, je vous prie, car ce ne sera rien: ce n'est qu'un peu d'estonnement que la nouveauté vous apporte; passé cela, vous recevres dix mille consolations.

  A003001234 

 Mays vous voyes que la montagne de la perfection chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites-vous, comment pourray-je monter? Courage, Philothee; quand les petitz mouchons des abeilles commencent a prendre forme on les appelle nymphes, et lhors ilz ne sçauroyent encor voler sur les fleurs, ni sur les montz, ni sur les collines voysines pour amasser le miel; mais petit a petit, se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petitz nymphes prennent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ilz volent a la queste par tout le païsage.

  A003001238 

 Imaginés-vous, Philothee, une jeune princesse extremement aymee de son espoux, et que quelque meschant, pour la desbaucher et souiller son lict nuptial, luy envoye quelque infame messager d'amour pour traitter avec elle son malheureux dessein.

  A003001240 

 Il faut donq estre fort courageuse, Philothee, emmi les tentations, et ne se tenir jamais pour vaincue pendant qu'elles vous desplairont, en bien observant cette difference qu'il y a entre sentir et consentir, qui est qu'on les peut sentir encor qu'elles nous desplaisent, mais on ne peut consentir sans qu'elles nous plaisent, puisque le playsir pour l'ordinaire sert de degré pour venir au consentement.

  A003001242 

 Aves-vous jamais veu, Philothee, un grand brasier de feu couvert de cendres? quand on vient dix ou douze heures apres pour y chercher du feu, on n'en treuve qu'un peu au milieu du foyer, et encor on a peyne de le treuver; il y estoit neanmoins puysqu'on l'y treuve, et avec iceluy on peut rallumer tous les autres charbons des-ja esteintz.

  A003001246 

 Il vous importe tant de bien entendre ceci, que je ne feray nulle difficulté de m'estendre a l'expliquer.

  A003001247 

 Ce qui dura fort longuement, jusques a tant qu'un jour Nostre Seigneur luy apparut, et elle luy dit: «Ou esties-vous, mon doux Seigneur, quand mon cœur estoit plein de tant de tenebres et d'ordures?» A quoy il respondit: «J'estois dedans ton cœur, ma fille.» «Et comment,» repliqua-elle, «habities-vous dedans mon cœur, dans lequel il y avoit tant de vilenies? habites-vous donq en des lieux si deshonnestes?» Et Nostre Seigneur luy dit: «Dis-moy, ces tiennes sales cogitations de ton cœur te donnoyent-elles playsir ou tristesse, amertume ou delectation?» Et elle dit: «Extreme amertume et tristesse.» Et luy repliqua: «Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensees qui estoyent autour de ta volonté et ne pouvoyent l'expugner l'eussent sans doute surmontee et seroyent [298] entrees dedans, eussent esté receuës avec playsir par ton liberal arbitre, et ainsy eussent donné la mort a ton ame; mais parce que j'estois dedans, je mettois ce desplaysir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se refusoit tant qu'il pouvoit a la tentation, et ne pouvant pas tant qu'il vouloit, il en sentoit un plus grand desplaysir et une plus grande haine contre icelle et contre soy mesme, et ainsy ces peynes estoyent un grand merite et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force.».

  A003001248 

 Voyes vous, Philothee, comme ce feu estoit couvert de la cendre, et que la tentation et delectation estoit mesme entree dedans le cœur et avoit environné la volonté, laquelle seule, assistee de son Sauveur, resistoit par des amertumes, des desplaysirs et detestations du mal qui luy estoit suggeré, refusant perpetuellement son consentement au péché qui l'environnoit.

  A003001252 

 Ce que je dis affin que, s'il vous arrive jamais d'estre affligee de si grande tentation, vous sçachies que Dieu vous favorise d'une faveur extraordinaire, par laquelle il declare qu'il vous veut aggrandir devant sa face, et que neanmoins vous soyes tous-jours humble et craintive, ne vous asseurant pas de pouvoir vaincre les menues tentations apres avoir surmonté les grandes, sinon par une continuelle fidelité a l'endroit de sa Majesté.

  A003001252 

 Quelques tentations donques qui vous arrivent et quelque delectation qui s'ensuive, tandis que vostre volonté refusera son consentement, non seulement a la tentation mais encor a la delectation, ne vous troublés nullement, car Dieu n'en est point offensé..

  A003001258 

 Et cela s'entend si vous aves peu eviter commodement l'occasion, et que vous ayes preveu ou deu prevoir l'arrivee de la tentation; mais si vous n'aves donné nul sujet a la tentation, elle ne peut aucunement vous estre imputee a peché..

  A003001258 

 Quand donq vous seres tentee de quelque peché, considerés si vous aves donné volontairement sujet d'estre tentee, et lhors la tentation mesme vous met en estat de peché, pour le hazard auquel vous vous estes jettee.

  A003001264 

 Recoures de mesme a Dieu, reclamant sa misericorde et son secours; c'est le remede que Nostre Seigneur enseigne: Pries affin que vous n'entries point en tentation..

  A003001264 

 Si tost que vous sentes en vous quelques tentations, faites comme les petitz enfans quand ilz voyent le loup ou l'ours en la campaigne; car tout aussi tost ilz courent entre les bras de leur pere et de leur mere, ou pour le moins les appellent a leur ayde et secours.

  A003001265 

 Mais en faysant ces protestations et ces refus de consentement, ne regardes point au visage de la tentation, ains seulement regardes Nostre Seigneur; car si vous regardes la tentation, principalement quand elle est forte, elle pourroit esbranler vostre courage..

  A003001265 

 Si vous voyes que neanmoins la tentation persevere ou qu'elle accroisse, coures en esprit embrasser la sainte Croix; comme si vous voyies Jesus Christ crucifié devant vous; protestes que vous ne consentirés point a la tentation et demandes luy secours contre icelle, et continues tous-jours a protester de ne vouloir point consentir tandis que la tentation durera.

  A003001279 

 Car si vous me croyes, vous ne vous opiniastreres pas a vouloir opposer la vertu contraire a la tentation que vous sentes, parce que ce seroit quasi vouloir disputer avec elle; mais apres avoir fait une action de cette vertu directement contraire, si vous aves eu le loysir de reconnoistre la qualité de la tentation, vous feres un simple retour de vostre cœur du costé de Jesus Christ crucifié, et par une action d'amour en son endroit vous luy bayseres les sacrés pieds..

  A003001279 

 Mesprises donques ces menues attaques et ne daignes pas seulement penser a ce qu'elles veulent dire, mais laisses les bourdonner autour de vos oreilles tant qu'elles voudront, et courir ça et la autour de vous, comme l'on fait des mouches; et quand elles viendront vous piquer et que vous les verres aucunement s'arrester en vostre cœur, ne faites autre chose que de tout simplement les oster, non point combattant contre elles ni leur respondant, mais faisant des actions contraires, quelles qu'elles soyent, et specialement de l'amour de Dieu.

  A003001280 

 C'est le meilleur moyen de vaincre l'ennemi, tant es petites qu'es grandes tentations; car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, et plus excellemment que les vertus mesmes, il est aussi un plus souverain remede contre tous vices; et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir a ce rendes-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a; mais simplement se sentant troublé il s'accoisera en ce grand remede, lequel outre cela est si espouvantable au malin esprit, que quand il voit que ses tentations nous provoquent a ce divin amour, il cesse de nous en faire..

  A003001285 

 Faites des œuvres d'abjection et d'humilité le plus que vous pourres, encores qu'il vous semble que ce soit a regret; car par ce moyen vous vous habitues a l'humilité et affoiblisses vostre vanité, en sorte que quand la tentation viendra, vostre inclination ne la pourra pas tant favoriser, et vous aures plus de force pour la combattre..

  A003001285 

 Par exemple, si vous vous sentes inclinee a la passion de la vanité, faites souvent des pensees de la misere de cette vie humaine, combien ces vanités seront ennuyeuses a la conscience au jour de la mort, combien elles sont indignes d'un cœur genereux, que ce ne sont que badineries et amusemens de petitz enfans, et semblables choses.

  A003001285 

 Parles souvent contre la vanité, et encores qu'il vous semble que ce soit a contrecœur, ne laisses pas de la bien mespriser, car par ce moyen vous vous engageres mesme de reputation au parti contraire; et a force de dire contre quelque chose, nous nous esmouvons a la haïr, bien qu'au commencement nous luy eussions de l'affection.

  A003001286 

 Parles fort contre l'avarice, loües fort le mespris du monde, violentes-vous a faire souvent des aumosnes et des charités, et a laisser escouler quelques occasions d'assembler..

  A003001286 

 Si vous estes inclinee a l'avarice, penses souvent a la folie de ce peché qui nous rend esclaves de ce qui n'est creé que pour nous servir; qu'a la mort aussi bien [309] audra-il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera ou auquel cela servira de ruine et de damnation, et semblables pensees.

  A003001287 

 Parles souvent en faveur de la pureté et simplicité de cœur, et faites aussi le plus qu'il vous sera possible des actions conformes a cela, evitant toutes affaiteries et muguetteries..

  A003001287 

 Si vous estes sujette a vouloir donner ou recevoir de l'amour, penses souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres; combien c'est une chose indigne de prophaner et employer a passetems la plus noble affection qui soit en nostre ame; combien cela est sujet au blasme d'une extreme legereté d'esprit.

  A003001288 

 En somme, en tems de paix, c'est a dire lhors que les tentations du peché auquel vous estes sujette ne vous presseront pas, faites force actions de la vertu contraire, et si les occasions ne se presentent, alles au devant d'elles pour les rencontrer; car par ce moyen vous renforcerés vostre cœur contre la tentation future..

  A003001293 

 Vous voyes donq que la tristesse, laquelle au commencement est juste, engendre l'inquietude; et l'inquietude engendre par apres un surcroist de tristesse qui est extremement dangereux..

  A003001295 

 Quand donq vous serés pressee du desir d'estre delivree de quelque mal ou de parvenir a quelque bien, avant toute chose mettes vostre esprit en repos et tranquillité, faites rasseoir vostre jugement et vostre volonté, et puys, tout bellement et doucement, pourchasses l'issue de vostre desir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables; et quand je dis tout bellement, je ne veux pas dire negligemment, mays sans empressement, trouble et inquietude; autrement en lieu d'avoir l'effect de vostre desir vous gasteres tout et vous embarrasseres plus fort..

  A003001296 

 Examines plus d'une fois le jour, mais au moins le soir et le matin, si vous aves vostre ame en vos mains, ou si quelque passion et inquietude vous l'a point ravie; consideres, si vous aves vostre cœur a vostre commandement, ou bien s'il est point eschappé de vos mains pour s'engager a quelque affection desreglee d'amour, de haine, d'envie, de convoitise, de crainte, d'ennui, de joye.

  A003001297 

 Ne permettes pas a vos desirs, pour petitz qu'ilz soyent et de petite importance, qu'ilz vous inquietent; car apres les petitz, les grans et plus importans treuveroyent vostre cœur plus disposé au trouble et desreglement.

  A003001297 

 Quand vous sentires arriver l'inquietude, recommandes-vous a Dieu et resoulves-vous de ne rien faire du tout de ce que vostre desir requiert de vous que l'inquietude ne soit totalement passee, sinon que ce fust chose qui ne se peust differer; et alhors il faut, avec un doux et tranquille effort, retenir le courant de vostre desir, l'attrempant et moderant tant qu'il vous sera possible, et sur cela, faire la chose non selon vostre desir, mais selon la rayson..

  A003001298 

 Si vous pouves descouvrir vostre inquietude a celuy qui conduit vostre ame, ou au moins a quelque confident et devot ami, ne doutes point que tout aussi tost vous ne soyes accoisee; car la communication des douleurs du cœur fait le mesme effect en l'ame que la saignee fait au cors de celuy qui est en fievre continue: c'est le remede des remedes.

  A003001305 

 Si jamais il vous arrivoit, Philothee, d'estre atteinte de cette mauvaise tristesse, prattiqués les remedes suivans.

  A003001306 

 Contraries vivement aux inclinations de la tristesse; et bien qu'il semble que tout ce que vous feres en ce tems la se face froidement, tristement et laschement, ne [314] laisses pourtant pas de le faire; car l'ennemi, qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estans faittes avec resistance elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger.

  A003001308 

 Mes yeux se fondent sur vous, o mon Dieu, disant, quand me consolerés-vous? O Jesus, soyes-moy Jesus; vive Jesus, et mon ame vivra.

  A003001310 

 Descouvres tous les ressentimens, affections et suggestions qui proviennent de vostre tristesse a vostre conducteur et confesseur, humblement et fidellement; [315] cherches les conversations des personnes spirituelles et les hantes le plus que vous pourres pendant ce tems-la.

  A003001310 

 Et en fin finale, resignes vous entre les mains de Dieu, vous preparant a souffrir cette ennuyeuse tristesse patiemment, comme juste punition de vos vaines allegresses; et ne doutes nullement que Dieu, apres vous avoir esprouvee, ne vous delivre de ce mal..

  A003001321 

 Mais, ce me dires-vous, puisqu'il y a des consolations sensibles qui sont bonnes et viennent de Dieu, et que neanmoins il y en a des inutiles, dangereuses, voyre pernicieuses, qui viennent ou de la nature ou mesme de l'ennemi, comment pourray-je discerner les unes des autres et connoistre les mauvaises ou inutiles entre les bonnes? C'est une generale doctrine, treschere Philothee, pour les affections et passions de nos ames, que nous les devons connoistre par leurs fruitz.

  A003001322 

 Finalement je vous advertis que s'il vous arrivoit quelque notable abondance de telles consolations, tendretés, larmes et douceurs, ou quelque chose d'extraordinaire en icelles, vous en conferiés fidellement avec vostre conducteur affin d'apprendre comme il s'y faut moderer et comporter, car il est escrit: As-tu treuvé le miel? mange-en ce qui suffit..

  A003001322 

 Il faut, outre tout cela, renoncer de tems en tems a telles douceurs, tendretés et consolations, separans nostre cœur d'icelles et protestans qu'encor que nous les acceptions humblement et les aymions, parce que Dieu nous les envoye et qu'elles nous provoquent a son amour, ce ne sont neanmoins pas elles que nous cherchons, mais Dieu et son saint amour: non la consolation, mais le Consolateur; non la douceur, mais le doux Sauveur; non la tendreté, mais [324] Celuy qui est la suavité du ciel et de la terre; et en cette affection nous nous devons disposer a demeurer fermes au saint amour de Dieu, quoy que de nostre vie nous ne deussions jamais avoir aucune consolation, et de vouloir dire egalement sur le mont de Calvaire, comme sur celuy de Thabor: O Seigneur, il m'est bon d'estre avec vous, ou que vous soyes en croix, ou que vous soyes en gloire.

  A003001326 

 Vous ferés donq ainsy que je vous viens de dire, tres-chere Philothee, quand vous aves des consolations; mais ce beau tems si aggreable ne durera pas tous-jours, ains il adviendra que quelquefois vous seres tellement privee et destituee du sentiment de la devotion, qu'il vous sera advis que vostre ame soit line terre deserte, infructueuse, sterile, en laquelle il n'y ait ni sentier ni chemin pour treuver Dieu, ni aucune eau de grace qui la puisse arrouser, a cause des secheresses qui, ce semble, la reduiront totalement en friche.

  A003001327 

 Que feres-vous donq en ce tems la, Philothee? Prenes garde d'ou le mal vous arrive: nous sommes souvent nous mesmes la cause de nos sterilités et secheresses..

  A003001328 

 Comme une mere refuse le sucre a son enfant qui est sujet aux vers, ainsy Dieu nous oste les consolations quand nous y prenons quelque vayne complaisance et que nous sommes sujetz aux vers de l'outrecuidance: Il m'est bon, o mon Dieu, que vous m'humilies; ouy, car avant que je fusse humilié je vous avois offensé..

  A003001330 

 Ah, vous aves donq de la farine d'Egypte, vous n'aures donq point de la manne du ciel.

  A003001331 

 La duplicité et finesse d'esprit exercee es confessions et communications spirituelles que l'on fait avec son conducteur, attire les secheresses et sterilités: car puisque vous mentés au Saint Esprit, ce n'est pas merveille s'il vous refuse sa consolation; vous ne voules pas estre simple et naif comme un petit enfant, vous n'aures donq pas la dragee des petitz enfans..

  A003001332 

 Vous vous estes bien saoulee des contentemens mondains, ce n'est pas merveille si les delices spirituelles vous sont a desgoust: les colombes ja saoules, dit l'ancien proverbe, treuvent ameres les cerises.

  A003001333 

 Aves-vous bien conservé les fruitz des consolations receuës? vous en aures donq des nouvelles, car a celuy qui a, on luy en donnera davantage; et a celuy qui n'a pas ce qu'on luy a donné, mais qui l'a perdu par sa faute, on luy ostera mesme ce qu'il n'a pas; c'est a dire on le privera des graces qui luy estoient preparees.

  A003001334 

 Si, au contraire, vous ne voyes rien en particulier qui vous semble avoir causé cette secheresse, ne vous amuses point a une plus curieuse recherche, mais avec toute simplicité, sans plus examiner aucune particularité, faites ce que je vous diray..

  A003001335 

 Humilies-vous grandement devant Dieu en la connoissance de vostre neant et misere: Helas, qu'est-ce que de moy quand je suis a moy mesme? non autre chose, o Seigneur, sinon une terre seche, laquelle crevassee de toutes pars, tesmoigne la soif qu'elle a de la pluye du ciel, et ce pendant le vent la dissipe et reduit en poussiere..

  A003001337 

 Alles a vostre confesseur, ouvres-luy bien vostre cœur, faites-luy bien voir tous les replis de vostre ame, prenes les advis qu'il vous donnera, avec grande simplicité et humilité: car Dieu qui ayme infiniment l'obeissance, rend souvent utiles les conseilz que l'on prend d'autruy, et sur tout des conducteurs des ames, encor que d'ailleurs il n'y eust pas grande apparence; comme il rendit prouffitables a Naaman les eaux du Jourdain, desquelles Helisee, sans aucune apparence de rayson humaine, luy avoit ordonné l'usage..

  A003001349 

 Mais si vous observés les enseignemens que je vous ay donnés, vous accroistres grandement vostre perfection en l'exercice que vous feres entre ces afflictions interieures, desquelles je ne veux pas finir le propos que je ne vous die encor ce mot..

  A003001357 

 Nostre nature humaine deschoit aysement de ses bonnes affections, a cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous-jours contrebas si elle ne s'esleve souvent en haut a vive force de resolution, ainsy que les oyseaux retombent soudain en terre s'ilz ne multiplient les eslancemens et traitz d'aisles pour se maintenir au vol. Pour cela, chere Philothee, vous aves besoin de reiterer et repeter fort souvent les bons propos que vous aves fait de servir Dieu, de peur que, ne le faysant pas, vous ne retombiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire car les cheutes spirituelles ont cela de propre, qu'elles nous precipitent tous-jours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut a la devotion..

  A003001359 

 Ayant donques choisi le tems convenable, selon l'advis de vostre pere spirituel, et vous estant un peu plus retiree en la solitude, et spirituelle et reelle, que l'ordinaire, vous ferés une ou deux ou trois meditations sur les pointz suivans, selon la methode que je vous ay donnee en la seconde Partie.

  A003001364 

 Le premier, c'est d'avoir quitté, rejetté, detesté, renoncé pour jamais tout peché mortel; le second, c'est d'avoir dedié et consacré vostre ame, vostre cœur, vostre cors, avec tout ce qui en depend, a l'amour et service de Dieu; le troisiesme, c'est que s'il vous arrivoit de tomber en quelque mauvaise action, vous vous en releveries soudainement, moyennant la grace de Dieu.

  A003001365 

 Consideres a qui vous aves fait cette protestation, car c'est a Dieu.

  A003001365 

 Si les paroles raysonnables donnees aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons donnees a Dieu: Ha, Seigneur, disoit David, c'est a vous a qui mon cœur l'a dit; mon cœur a projette cette bonne parole; non, jamais je ne l'oublieray..

  A003001366 

 Consideres en presence de qui, car ç'a esté a la veuë de toute la cour celeste: helas, la Sainte Vierge, saint Joseph, vostre bon Ange, saint Louys, toute cette [341] benite trouppe vous regardoit et souspiroit sur vos parolles des souspirs de joye et d'approbation, et voyoit des yeux d'un amour indicible vostre cœur prosterné aux pieds du Sauveur, qui se consacroit a son service.

  A003001366 

 On fit une joye particuliere pour cela parmi la Hierusalem celeste, et maintenant on en fera la commemoration, si de bon cœur vous renouvellés vos resolutions..

  A003001367 

 Consideres par quelz moyens vous fistes vostre protestation.

  A003001367 

 Helas, combien Dieu vous fut doux et gracieux en ce tems-la.

  A003001367 

 Mais dites en verité, fustes-vous pas conviee par des doux attraitz du Saint Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque a ce port salutaire, furent-elles pas d'amour et charité? Comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'orayson? Helas, chere Philothee, vous dormies, et Dieu veilloit sur vous et pensoit sur vostre cœur des pensees de paix, il meditoit pour vous des meditations d'amour..

  A003001368 

 Consideres en quel tems Dieu vous tira a ces grandes resolutions, car ce fut en la fleur de vostre aage.

  A003001368 

 Et vous pourres bien dire: O douceur ancienne, pourquoy ne t'ay-je plus tost savouree! Helas, neanmoins, encores ne le merities-vous pas alhors; et partant, reconnoissant quelle grace Dieu vous a fait de vous attirer en vostre jeunesse, dites avec David: O mon Dieu, vous m'aves esclairee et touchee des ma jeunesse, et jusques a jamais j'annonceray vostre misericorde.

  A003001368 

 Que si ç'a esté en vostre viellesse, helas, Philothee, quelle grace qu'apres avoir ainsy abusé des annees precedentes, Dieu vous ait appellee avant la mort, et qu'il ait arresté la course de vostre misere au tems auquel, si elle eust continué, vous esties eternellement miserable..

  A003001369 

 Consideres les effectz de cette vocation: vous treuveres, je pense, en vous de bons changemens, comparant [342] ce que vous estes avec ce que vous esties.

  A003001369 

 Ne prenes-vous point a bonheur de sçavoir parler a Dieu par l'orayson, d'avoir affection a le vouloir aymer, d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoyent, d'avoir evité plusieurs pechés et embarrassemens de conscience, et en fin, d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussies pas fait, vous unissant a cette souveraine source de graces eternelles? Ha, que ces graces sont grandes! il faut, ma Philothee, les peser au poids du sanctuaire.

  A003001370 

 Apres toutes ces considerations, lesquelles, comme vous voyes, fournissent tout plein de bonnes affections, il faut simplement conclure par action de grace et une priere affectionnee d'en bien prouffiter, se retirant avec humilité et grande confiance en Dieu, reservant de faire l'effort des resolutions apres le deuxiesme point de cet exercice..

  A003001374 

 Apres chaque point de l'examen, vous remarquerés en quoy vous vous treuves avoir manqué et en quoy vous aves du defaut, et quelz principaux detraquemens vous aves ressentis, affin de vous en declarer pour prendre conseil, resolution et confortement d'esprit..

  A003001374 

 Ce second point de l'exercice est un peu long; et pour le prattiquer je vous diray qu'il n'est pas requis que vous le facies tout d'une traitte, mays a plusieurs fois, [343] comme prenant ce qui regarde vostre deportement envers Dieu pour un coup, ce qui vous regarde vous mesme pour l'autre, ce qui concerne le prochain pour l'autre, et la consideration des passions pour le quatriesme.

  A003001374 

 Il est neanmoins requis de faire tout ce second point en trois jours et deux nuitz pour le plus, prenant de chaque jour et de chaque nuit quelque heure, je veux dire quelque tems, selon que vous pourres; car si cet exercice ne se faisoit qu'en des tems fort distans les uns des autres, il perdroit sa force et donneroit des impressions trop lasches.

  A003001374 

 Il n'est pas requis ni expedient que vous facies a genoux, sinon le commencement et la fin qui comprend les affections.

  A003001374 

 Les autres pointz de l'examen vous les pouves faire utilement en vous promenant, et encor plus utilement au lict, si par adventure vous y pouves estre quelque tems sans assoupissement et bien esveillee; mais pour ce faire il les faut avoir bien leus auparavant.

  A003001375 

 Bien qu'es jours que vous feres cet exercice et les autres il ne soit pas requis de faire une absolue retraitte des conversations, si faut-il en faire un peu, sur tout devers le soir, affin que vous puissies gaigner le lict de meilleure heure et prendre le repos de cors et d'esprit, necessaire a la consideration.

  A003001376 

 Invoques le Saint Esprit, luy demandant lumiere et clarté affin que vous vous puissies bien connoistre, avec saint Augustin qui s'escrioit [344] devant Dieu en esprit d'humilité: O Seigneur, que je vous connoisse et que je me connoisse; et saint François qui interrogeoit Dieu disant: «Qui estes-vous et qui suis-je?» Protestes de ne vouloir remarquer vostre avancement pour vous en res-jouir en vous mesme, mais pour vous res-jouir en Dieu, ni pour vous en glorifier, mais pour glorifier Dieu et l'en remercier.

  A003001376 

 Mettes-vous en la presence de Dieu.

  A003001376 

 Protestes que si, comme vous penses, vous descouvres d'avoir peu prouffité, ou bien d'avoir reculé, vous ne voules nullement pour tout cela vous abattre ni refroidir par aucune sorte de descouragement ou relaschement de cœur, ains qu'au contraire vous voules vous encourager et animer davantage, vous humilier et remedier aux defautz, moyennant la grace de Dieu..

  A003001377 

 Cela fait, considerés doucement et tranquillement comme jusques a l'heure presente vous vous estes comportee envers Dieu, envers le prochain et a l'endroit de vous mesme..

  A003001381 

 Quel est vostre cœur contre le peché mortel? Aves-vous une resolution forte a ne le jamais commettre pour quelque chose qui puisse arriver? et cette resolution a-elle duré des vostre protestation jusques a present? En cette resolution consiste le fondement de la vie spirituelle.

  A003001382 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des commandemens de Dieu? Les treuves-vous bons, doux, aggreables? Ha, ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il ayme les bonnes viandes et rejette les mauvaises..

  A003001383 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des pechés venielz? On ne sçauroit se garder d'en faire quelqu'un par cy par la; mais y en a-il point auquel vous ayes une speciale inclination? et, ce qui seroit le pis, y en a-il point auquel vous ayes affection et amour?.

  A003001384 

 Quel est vostre cœur a l'endroit des exercices spirituelz? Les aymes-vous? les estimes-vous? vous faschent-ilz point? en estes-vous point desgoustee? auquel vous sentes-vous moins ou plus inclinee? Ouïr la parolle de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituelz, s'apprester a la Communion, se communier, restreindre ses affections: qu'y a-il en cela qui repugne a vostre cœur? Et si vous treuves quelque chose a quoy ce cœur aye moins d'inclination, examines d'ou vient ce desgoust, qu'est-ce qui en est la cause..

  A003001385 

 Sentes-vous en vostre cœur une certaine facilité a l'aymer et un goust particulier a savourer cet amour? Vostre cœur se recree-il point a penser a l'immensité de Dieu, a sa bonté, a sa suavité? Si le souvenir de Dieu vous arrive emmi les occupations du monde et les vanités, se fait-il point faire place, saisit-il point vostre cœur? vous semble-il point que vostre cœur se tourne de son costé et en certaine façon luy va au devant? Il y a certes des ames comme cela.

  A003001386 

 Quel est vostre cœur a l'endroit de Jesus Christ Dieu et homme? Vous plaises-vous autour de luy? Les mouches a miel se plaisent autour de leur miel, et les guespes autour des puanteurs: ainsy les bonnes ames prennent leur contentement autour de Jesus Christ et ont une extreme tendreté d'amour en son endroit; mais les mauvais se plaisent autour des vanités..

  A003001387 

 Quel est vostre cœur a l'endroit de Nostre Dame, des Saintz, de vostre bon Ange? Les aymes-vous fort? aves-vous une speciale confiance en leur bienveillance? leurs images, leurs vies, leurs louanges vous plaisent-elles?.

  A003001388 

 Quant a vostre langue, comme parles-vous de Dieu? Vous plaises-vous d'en dire du bien selon vostre condition et suffisance? aymes-vous a chanter les cantiques?.

  A003001389 

 Quant aux œuvres, penses si vous aves a cœur la gloire exterieure de Dieu et de faire quelque chose a son honneur; car ceux qui ayment Dieu ayment, avec Dieu, l'ornement de sa mayson..

  A003001390 

 Qu'aves-vous donq cy devant quitté pour l'amour de Dieu? [347].

  A003001390 

 Sçauries-vous remarquer d'avoir quitté quelque affection et renoncé a quelque chose pour Dieu? car c'est un bon signe d'amour de se priver de quelque chose en faveur de celuy qu'on ayme.

  A003001394 

 Comme vous aymes-vous vous mesme? vous aymes-vous point trop pour ce monde? Si cela est, vous desireres de demeurer tous-jours ici, et aures un extreme soin de vous establir en cette terre; mais si vous vous aymes pour le Ciel, vous desireres, au moins acquiesceres aysement de sortir d'ici bas a l'heure qu'il plaira a Nostre Seigneur..

  A003001395 

 Tenes-vous bon ordre en l'amour de vous mesme? car il n'y a que l'amour desordonné de nous mesmes qui nous ruine.

  A003001396 

 Quel amour aves-vous a vostre cœur? vous faschés-vous point de le servir en ses maladies? Helas, vous luy deves ce soin de le secourir et faire secourir quand ses passions le tourmentent, et laisser toutes choses pour cela..

  A003001397 

 Or, il n'y a pas grande humilité en une mouche de ne s'estimer rien au prix d'une montaigne, ni en une goutte d'eau de se tenir pour rien en comparayson de la mer, ni a une bluette ou estincelle de feu de se tenir pour rien au prix du soleil; mais l'humilité gist a ne [348] point nous surestimer aux autres et a ne vouloir pas estre surestimé par les autres: a quoy en estes-vous pour ce regard?.

  A003001397 

 Que vous estimes-vous devant Dieu? rien sans doute.

  A003001398 

 Quant a la langue, vous vantes-vous point ou d'un biais ou d'un autre? vous flattes-vous point en parlant de vous?.

  A003001399 

 Quant aux œuvres, prenes-vous point de playsir contraire a vostre santé? je veux dire, de playsir vain, inutile, trop de veillees sans sujet, et semblables..

  A003001404 

 Examines bien si vostre cœur est franc en leur endroit, et si vous aves grande contradiction a les aymer.

  A003001404 

 Mais, pour parler en general, quel est vostre cœur a l'endroit du prochain? l'aymes-vous bien cordialement et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades, car c'est la ou on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effect ou par paroles.

  A003001405 

 Estes-vous point prompte a parler du prochain en mauvaise part, sur tout de ceux qui ne vous ayment pas? faites-vous point de mal au prochain ou directement ou indirectement? Pour peu que vous soyes raysonnable, vous vous en appercevres aysement..

  A003001420 

 Apres avoir doucement consideré chaque point de l'examen, et veu a quoy vous en estes, vous viendrés aux affections en cette sorte..

  A003001421 

 Remercies Dieu de ce peu d'amendement que vous aures treuvé en vostre vie des vostre resolution, et reconnoisses que ç'a esté sa misericorde seule qui l'a fait en vous et pour vous..

  A003001422 

 Humiliés-vous fort devant Dieu, reconnoissant que si vous n'aves pas beaucoup avancé, ç'a esté par vostre manquement, parce que vous n'aves pas fidellement, courageusement et constamment correspondu aux inspirations, clartés et mouvemens qu'il vous a donnés en l'orayson et ailleurs..

  A003001423 

 Promettes-luy de le loüer a jamais des graces exercees en vostre endroit, pour vous retirer de vos inclinations a ce petit amendement..

  A003001424 

 Demandes-luy pardon de l'infidelité et desloyauté avec laquelle vous aves correspondu..

  A003001426 

 Supplies-le qu'il vous rende toute fidelle..

  A003001431 

 Apres avoir fait l'examen, et avoir bien conferé avec quelque digne conducteur sur les defautz et sur les remedes d'iceux, vous prendres les considerations suivantes, en faisant une chaque jour par maniere de meditation, y employant le tems de vostre orayson, et ce tous-jours avec la mesme methode, pour la preparation et les affections, de laquelle vous aves usé es meditations de la premiere Partie, vous mettant avant toutes choses en la presence de Dieu, implorant sa grace pour vous bien establir en son saint amour et service..

  A003001438 

 O ma belle ame, deves-vous dire, vous pouves entendre et vouloir Dieu, pourquoy vous amuseres-vous a chose moindre? vous pouves pretendre a l'eternité, pourquoy vous amuseres-vous aux momens? Ce fut l'un des regretz de l'enfant prodigue, qu'ayant peu vivre delicieusement en la table de son pere, il mangeoit vilainement en celle des bestes.

  A003001443 

 Ah, qui vous connoistroit pourrait bien dire avec la Samaritaine: Domine, da mihi hanc aquam: Seigneur, donnes-moy cette eau; aspiration fort frequente a la Mere Therese et a sainte Catherine de Gennes, quoy que pour differens sujetz.

  A003001443 

 O vie devote, que vous estes belle, douce, aggreable et souëfve: vous adoucisses les tribulations, et rendes souëfves les consolations; sans vous le bien est mal, et les playsirs pleins d'inquietude, troubles et defaillances.

  A003001452 

 Consideres l'amour avec lequel Jesus Christ Nostre Seigneur a tant souffert en ce monde, et particulierement au jardin des Olives et sur le mont de Calvaire: cet amour vous regardoit, et par toutes ces peynes et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire pour maintenir, nourrir, fortifier et consommer ces resolutions.

  A003001452 

 Helas, o Sauveur de mon ame, vous mourustes pour m'acquerir mes resolutions, hé faites-moy la grace que je meure plustost que de les perdre.

  A003001452 

 O resolution, que vous estes pretieuse estant fille d'une telle mere comme est la Passion de mon Sauveur! o combien mon ame vous doit cherir, puisque vous aves esté si chere a mon Jesus.

  A003001453 

 Ouy sans doute; comme une femme enceinte prepare le berceau, les linges et bandelettes, et mesme une nourrice pour l'enfant qu'elle espere faire, encor qu'il ne soit pas au monde, ainsy Nostre Seigneur ayant sa bonté grosse et enceinte de vous, pretendant de vous enfanter au salut et vous rendre sa fille, prepara sur l'arbre de la Croix tout ce qu'il falloit pour vous: vostre berceau spirituel, vos linges et bandelettes, vostre nourrice et tout ce qui estoit convenable pour vostre bonheur.

  A003001453 

 Voyes-vous, ma Philothee, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre des Farbre de la Croix et l'aymoit, et par cet amour luy obtenoit tous les biens que vous aurés jamais, et entre autres nos resolutions; ouy, chere Philothee, nous pouvons tous dire comme Hieremie: O Seigneur, avant que je fusse, vous me regardies et m'appellies par mon nom, d'autant que vrayement sa divine Bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens generaux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions.

  A003001458 

 Consideres l'amour eternel que Dieu vous a porté, car des-ja avant que Nostre Seigneur Jesus Christ entant qu'homme souffrit en Croix pour vous, sa divine Majesté vous projettoit en sa souveraine bonté et vous aymoit extremement.

  A003001458 

 Et quand commença-il a estre Dieu? Jamais, car il l'a tous-jours esté sans commencement et sans fin, et aussi il vous a tous-jours aymee des l'eternité, c'est pourquoy il vous preparoit les graces et faveurs qu'il vous a faittes.

  A003001458 

 Il a donq pensé, entre autres choses, a vous faire faire vos resolutions de le servir..

  A003001458 

 Il le dit par le Prophete: Je t'ay aymè (il parle a vous aussi bien qu'a nul autre) d'une charité perpetuelle; et partant je t'ay attiré, ayant pitié de toy.

  A003001458 

 Mais quand commença-il a vous aymer? Il commença quand il commença a estre Dieu.

  A003001463 

 Helas, Seigneur, mais vous l'aves planté, et aves dans vostre sein paternel gardé eternellement ce bel arbre pour mon jardin: helas, combien y a-il d'ames qui n'ont point esté favorisees de cette façon; et comme donques pourrois-je jamais asses m'humilier sous vostre misericorde! O belles et saintes resolutions, si je vous conserve, vous me conserverés; si vous vives en mon ame, mon ame vivra en vous.

  A003001463 

 O cheres resolutions, vous estes le bel arbre de vie que mon Dieu a planté de sa main au milieu de mon cœur, que mon Sauveur veut arrouser de son sang pour le faire fructifier; plustost mille mortz que de permettre qu'aucun vent vous arrache.

  A003001463 

 Vives donques a jamais, o resolutions, qui estes eternelles en la misericorde de mon Dieu; soyes et vives eternellement en moy, que jamais je ne vous abandonne..

  A003001464 

 Apres ces affections il faut que vous particularisies les moyens requis pour maintenir ces cheres resolutions, et que vous protesties de vous en vouloir fidellement servir: la frequence de l'orayson, des Sacremens, des bonnes œuvres, l'amendement de vos fautes reconneuës [360] au second point, le retranchement des mauvaises occasions, la suite des advis qui vous seront donnés pour ce regard.

  A003001464 

 Ce qu'estant fait, comme par une reprise d'haleyne et de force protestés mille fois que vous continueres en vos resolutions, et comme si vous tenies vostre cœur, vostre ame et vostre volonté en vos mains, dedies-la, consacres-la, sacrifies-la et l'immoles a Dieu, protestant que vous ne la reprendres plus, mais la laisseres en la main de sa divine Majesté pour suivre en tout et par tout ses ordonnances.

  A003001464 

 Pries Dieu qu'il vous renouvelle toute, qu'il benisse vostre renouvellement de protestation et qu'il le fortifie; invoques la Vierge, vostre Ange, saint Louys et autres Saintz..

  A003001465 

 Alles en cette esmotion de cœur aux pieds de vostre pere spirituel, accuses-vous des fautes principales que vous aures remarqué d'avoir commises des vostre confession generale, et receves l'absolution en la mesme façon que vous fistes la premiere fois, prononces devant luy la protestation et la signes, et en fin alles unir vostre cœur renouvellé a son Principe et Sauveur, au tressaint Sacrement de l'Eucharistie.

  A003001469 

 Ce jour que vous aures fait ce renouvellement et les autres suivans, vous deves fort souvent redire de cœur et de bouche ces ardentes paroles de saint Paul, de saint Augustin, de sainte Catherine de Gennes et autres: Non, je ne suis plus mienne, ou que je vive ou que je meure, je suis a mon Sauveur; je n'ay plus de moy ni de mien: mon moy, c'est Jesus, mon mien, c'est d'estre sienne; o monde, vous estes tous-jours vous mesme, et moy j'ay tous-jours esté moy mesme, mais doresnavant je ne seray plus moy mesme.

  A003001474 

 Au demeurant, David, Roy plein d'affaires tres difficiles, prattiquoit bien plus d'exercices que je ne vous ay pas marqué.

  A003001474 

 Faites donq hardiment ces exercices selon que je vous les ay marqués, et Dieu vous donnera asses de loysir et de force de faire tout le reste de vos affaires; ouy, quand il devroit arrester le soleil comme il fit du tems de Josué.

  A003001474 

 Le monde vous dira, ma Philothee, que ces exercices et ces advis sont en si grand nombre que qui voudra les observer il ne faudra pas qu'il vaque a autre chose.

  A003001474 

 Mais ne voyes vous pas la ruse? S'il falloit faire tous ces exercices tous les jours, a la verité ilz nous occuperoyent du tout, mais il n'est pas requis de les faire sinon en tems et lieu, chacun selon l'occurrence.

  A003001479 

 Refaites tous les premiers jours du mois la protestation qui est en la premiere Partie, apres la meditation, et a tous momens protestés de la vouloir observer, disant avec David: Non, jamais eternellement je n'oublieray vos justifications, o mon Dieu, car en icelles vous m'aves vivifiee. Et quand vous sentirés quelque detraquement en vostre ame, prenes vostre protestation en main, et prosternee en esprit d'humilité proferes-la de tout vostre cœur, et vous treuverés un grand allegement..

  A003001480 

 Advoues hardiment que vous vous essayes de mediter, que vous aymeries mieux mourir que de pecher mortellement, que vous voules frequenter les Sacremens et suivre les conseilz de vostre directeur (bien que souvent il ne soit pas necessaire de le nommer, pour plusieurs raysons).

  A003001480 

 Que si quelqu'un vous dit que l'on peut vivre devotement [365] sans la prattique de ces advis et exercices, ne le niés pas, mais respondés amiablement que vostre infirmité est si grande qu'elle requiert plus d'ayde et de secours qu'il n'en faut pas pour les autres..

  A003001481 

 En fin, treschere Philothee, je vous conjure par tout ce qui est de sacré au Ciel et en la terre, par le Baptesme que vous avés receu, par les mammelles que Jesus Christ sucça, par le cœur charitable duquel il vous ayma et par les entrailles de la misericorde en laquelle vous esperés, continues et perseveres en cette bienheureuse entreprise de la vie devote.

  A003001481 

 Nos jours s'escoulent, la mort est a la porte: «La trompette,» dit saint Gregoire Nazianzene, «sonne la retraitte, qu'un chacun se prepare, car le jugement est proche.» La mere de saint Simphorien voyant qu'on le conduisoit au martyre crioit apres luy: «Mon filz, mon filz, souvienne-toy de la vie eternelle, regarde le Ciel et considere Celuy lequel y regne; la fin prochaine terminera bien tost la briefve course de cette vie.» Ma Philothee, vous diray-je de mesme, regardes le Ciel et ne le quittes pas pour la terre; regardes l'enfer, ne vous y jettes pas pour les momens; regardes Jesus Christ, ne le renies pas pour le monde; et quand la peyne de la vie devote vous semblera dure, chantés avec saint François:.

  A003001515 

 Ames revesches à la devotion, et qui n'en ayant la practique, vous gabbez de ceux qui s'y baignent; voycy qui est digne d'estre leu pour vous y faire prendre goust.

  A003001515 

 Et vous, ô Ames devotes, qui doucement goustez les souefves fruicts que produit l'arbre de pieté et devotion, lisez ce livre, et vous y treuverez que vous contentera, et verrez qu'en iceluy brille le zelle et l'affection du Reverendissime sieur Autheur, au salut des ames, duquel en tant d'instances la saincte Foy paroist, et le livre ne propose rien qui ne soit conforme, et à la Foy et à la saincte Eglise Chrestienne, Catholique, Apostolique et Romaine..

  A003001535 

 Vous aspirés à la devotion, ma chere Philothee, parce qu'estant Chrestienne vous sçavez que c'est une vertu extremement agreable à la divine Majesté: mais d'autant que les petites fautes que l'on commet au commencement de quelque affaire, s'agrandissent infiniment au progrez, et sont presque irreparables à la fin; il faut avant toute chose que vous sçachiez que c'est que la vertu de devotion: car parce que il n'y en a qu'une vraye, et qu'il y en a une grande quantité de fausses, et vaines, si vous ne cognoissiez quelle est la vraye, vous pourriez vous tromper, et vous amuser à suivre quelque devotion impertinente et superstitieuse..

  A003001545 

 Or voyés, je vous prie, ceux qui sont sur l'eschelle; ce sont des hommes qui ont des cœurs Angelicques, ou des Anges qui ont des corps humains.

  A003001549 

 Je vous prie, Philothee, seroit il à propos que l'Evesque voulut estre solitaire comme le Chartreux; et si les mariez ne vouloient rien amasser non plus que les Capucins, si l'artisan estoit tout le jour à l'Eglise comme les religieux, et si le religieux estoit tousjours au tracas des affaires comme un advocat, cette devotion ne seroit elle pas ridicule, desreglée et insuportable? Cette faute neantmoins arrive bien souvent: et le monde qui ne [17*] discerne pas, ou ne veut pas discerner entre la devotion et indiscretion de ceux qui pensent estre devots, murmure et blasme la devotion, laquelle neantmoins ne peut mays de ces desordres..

  A003001555 

 C'est icy l'advertissement des advertissemens; quoy que vous cherchiez, dit le devot Avila, vous ne trouverés jamais si asseurement la volonté de Dieu, que par le chemin de cette humble obeïssance tant recommandée et pratiquée par tous les anciens devots..

  A003001555 

 Je vous en dis de mesme, ma Philothee: voulez vous à bon escient vous acheminer à la devotion, cherchés quelque homme de bien qui vous guide et conduise.

  A003001556 

 Ces divines parolles regardent principallement l'immortalité, comme vous voyez: pour laquelle il faut sur toutes choses avoir cest amy fidelle, qui guide nos actions par ses advis et conseils, et par ce moyen nous garantit des embuches, et tromperies du maling; il nous sera comme un thresor de sapience: et en nos afflictions, tristesses, et cheutes, il nous servira de medicament, pour alleger, consoler, et relever nos cœurs és maladies spirituelles.

  A003001557 

 Puis qu'il vous importe tant, Philothee, d'aller avec une bonne guide en ce saint voyage de devotion, priez Dieu avec une grande instance, qu'il vous en fournisse d'une qui soit selon son cœur: et ne doutés point que quant il devroit envoyer un Ange du Ciel, comme il fit au jeune Tobie, il vous en donnera une bonne et fidelle..

  A003001558 

 C'est à dire, quand vous l'aurez treuvé, ne le considerez pas comme un simple homme, et ne vous confiés point en luy, ny en son sçavoir humain; mais en Dieu, lequel vous favorisera, et parlera par l'entremise de cest homme, mettant dedans le cœur et dans la bouche d'iceluy ce qui sera requis pour vostre bon-heur.

  A003001558 

 Or ce doit tousjours estre un Ange pour vous.

  A003001558 

 Si que vous le devez escouter comm' un Ange qui descend du Ciel pour vous y mener.

  A003001558 

 Traictés avec luy à cœur ouvert, en toute sincerité et fidelité, luy manifestant clairement vostre bien et vostre mal sans faintise ny dissimulation: et par ce moyen vostre bien sera examiné et plus asseuré, et vostre mal sera corrigé et remedié: vous en serez allegée et fortifiée en vos afflictions, moderée, et reglée en vos consolations: ayés en luy une extreme confiance, meslée d'une sacrée reverence: en sorte que la reverence ne diminue point la confiance, et que la confiance n'empesche point la reverence: confiez vous en luy avec le respect d'une fille envers son pere: respectés le avec la confiance d'un fils envers sa mere: bref cette amitié doit estre forte et douce, toute saincte, toute sacrée, toute divine, et toute spirituelle..

  A003001559 

 Il le faut plein de charité, de science, et de prudence: si l'une de ces trois parties luy manque, il y a du danger: mais je vous dis derechef, demandés le à Dieu, et l'ayant obtenu benissez sa divine Majesté: demeurés ferme, et n'en cherches point d'autre, mais allés simplement, humblement et confidemment, car vous ferez un tres heureux voyage.

  A003001565 

 O Philothee, qu'elles sont en grand peril de recheoir, pour s'estre trop tost ostées d'entre les mains du medecin! Ha ne vous levez pas avant que la lumiere soit arrivée, dit le Prophete: levez vous apres que vous aurez esté assis; et luy mesme pratiquant cette leçon, ayant esté desja lavé et nettoyé demande de l'estre derechef.

  A003001569 

 Cerches le plus digne Confesseur que pourrez: prenez en main quelqu'un des petits livrets qui ont esté faits pour ayder les consciences à se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger: lisez les bien, et remarqués de poinct en poinct en quoy vous aurez offencé, à prendre depuis que vous eustes l'usage de raison, jusques à l'heure [22*] presente.

  A003001569 

 Et si vous vous defiez de vostre memoire, mettez en escript ce que vous aurez remarqué: et ayant ainsi preparé et ramassé les humeurs peccantes de vostre conscience, detestez les, et rejettés les, par une contrition et deplaisir aussi grand que vostre cœur le pourra souffrir, considerant ces quatres choses.

  A003001569 

 Que par le peché vous avez perdu la grace de Dieu, quitté vostre part de Paradis, accepté les peines eternelles de l'Enfer, et renoncé à la vision et à l'amour eternel de Dieu..

  A003001570 

 Mais je considere bien aussi qu'elle vous sera extremement utile en ce commancement: c'est pourquoy je vous la conseille.

  A003001570 

 Parlant doncques d'un renouvellement general de nostre cœur, et d'une conversion universelle de nostre ame à Dieu, par l'entreprise de la vie devote; j'ay bien raison, ce me semble, Philothee, de vous conseiller cette confession generalle.

  A003001570 

 Vous voyez bien, Philothee, que je parle d'une confession generalle de toute la vie, laquelle je confesse bien n'estre pas absolument necessaire.

  A003001575 

 O Philothee, puis que vous voulez entreprendre la vie devote, il ne vous faut pas seulement quitter le peché, mais il faut tout [24*] à fait emonder vostre cœur et retrancher de vostre ame toutes les affections qui dependent du peché: car outre le danger, qu'il y auroit de faire recheute, toutes ces affections alanguiroient perpetuellement vostre esprit, et l'apesantiroient en telle sorte, qu'il ne pourroit pas faire les bonnes œuvres promptement, diligemment, et frequemment, en quoy gist neantmoins la vraye essence de la devotion.

  A003001580 

 Or pour parvenir à cette apprehension, et contrition, il faut que vous vous exerciez soigneusement aux meditations suyvantes, lesquelles estant bien pratiquées deracineront de vostre cœur moyennant la grace de Dieu, le peché, et les principalles affections du peché: aussi les ay je dressées tout à fait pour cest usage: vous les ferez l'une apres l'autre, selon que je les ay marquées, n'en prenant qu'une pour chasque jour, laquelle vous ferez le matin s'il est possible, qui est le temps le plus propre pour toutes les actions de l'esprit..

  A003001586 

 Mettez vous en la presence de Dieu, priez le qu'il vous inspire..

  A003001589 

 Considerez qu'il n'y a que tant d'ans que vous n'estiez point au monde, et que vostre estre estoit un vray rien.

  A003001590 

 Dieu par sa seule bonté vous a fait esclorre de ce rien pour vous rendre ce que vous estes, sans qu'il eust besoin de vous, ains par sa seule bonté.

  A003001591 

 Considerez l'estre que Dieu vous a donné, car c'est le premier estre du monde visible, capable de vivre eternellement, et de s'unir parfaitement à sa divine Majesté..

  A003001594 

 Humiliez vous profondement devant Dieu, disant de cœur avec le Psalmiste; O Seigneur je suis devant vous comme un vray rien: et comment eustes vous memoire de moy pour me creer? helas, mon ame, tu estois abismee dans cest ancien neant, et y serois encores de present, si Dieu ne t'en eust retirée: et que ferois tu dedans ce rien?.

  A003001595 

 O mon grand, et bon Createur, combien vous suis je redevable, puis que vous m'estes allé prendre dans mon rien pour me rendre par vostre misericorde ce que je suis.

  A003001596 

 Confondés vous.

  A003001596 

 Mais helas, mon Createur, en lieu de m'unir à vous par amour, et service, je me suis rendue toute rebelle par mes desreglees affections, me separant, et eslognant de vous, pour me joindre au peché et à l'iniquité, n'honorant non plus vostre bonté que si vous n'eussiez pas esté mon Createur..

  A003001599 

 Abaissez vous devant Dieu.

  A003001605 

 O mon Dieu, je vous offre l'estre que vous m'avez donné aveç tout mon cœur, je le vous dedie, et consacre.

  A003001607 

 Au sortir de l'oraison en vous promenant un peu, recueilles un petit bouquet de devotion des considerations que vous aurez faites, pour l'odorer le long de la journée..

  A003001612 

 Mettez vous devant Dieu, priez qu'il vous inspire..

  A003001615 

 Dieu ne vous a pas mise en ce monde pour aucun besoin qu'il eust de vous, qui luy estes du tout inutile: mais seulement afin d'exercer en vous sa bonté, vous donnant sa grace, et sa gloire.

  A003001615 

 Et pour cela il vous a donné l'entendement pour le cognoistre, la memoire pour vous resouvenir de luy, la volonté pour l'aymer, l'imagination pour vous representer ses biens-faits, les yeux pour voir les merveilles de ses ouvrages, la langue pour le loüer, ainsi des autres sens..

  A003001620 

 Confondez vous, reprochant à vostre ame sa misere, qui a esté si grande cy devant, qu'elle n'a que peu ou point pensé à tout cecy.

  A003001620 

 Helas, ce direz vous, que pensois je, ô mon Dieu, quand je ne pensois point en vous? dequoy me resouvenois je quand je vous oubliois? qu'aimois je quand je ne vous aymois pas? helas je me devois repaistre de la verité, et je me remplissois de la vanité, et servois le monde qui n'est fait que pour me servir.

  A003001621 

 Je vous renonce pensees vaines, et cogitations inutiles: je vous abjure ô souvenirs detestables et frivolles: je vous renonce amitiez infidelles et desloyalles, services perdus et miserables, gratifications ingrates, complaisances facheuses..

  A003001622 

 Convertissez vous à Dieu.

  A003001622 

 Et vous, ô mon Dieu, mon Seigneur, vous serez d'oresnavant le seul objet de mes pensees: non, jamais je n'appliqueray mon esprit à des cogitations qui vous soient desagreables: ma memoire se remplira tous les jours de ma vie de la grandeur de vostre debonnaireté, si doucement exercée en mon endroit: vous serez les delices de mon cœur, et la suavité de mes affections..

  A003001628 

 Quand sera ce que j'en seray digne, et quand vous beniray je selon mon devoir?.

  A003001628 

 Remerciez Dieu qui vous a fait pour une fin si excellente.

  A003001628 

 Vous m'avez faite, ô Seigneur, pour vous, afin que je jouisse eternellement de l'immensité de vostre gloire.

  A003001629 

 Je vous offre, ô mon cher Createur, toutes ces mesmes affections, et resolutions, avec toute mon ame, et mon cœur..

  A003001630 

 Je vous supplie, ô Dieu, d'avoir agreable mes souhaits et mes vœuz, et de donner vostre sainte benediction à mon ame, à celle fin qu'elle les puisse accomplir par le merite du sang de vostre Fils respandu sur la Croix etc..

  A003001635 

 Metez vous en la presence de Dieu, priez le qu'il vous inspire..

  A003001638 

 Considerés les graces corporelles, que Dieu vous a donnees, quel corps, quelles commoditez de l'entretenir; quelle santé, quelles consolations loisibles pour iceluy, quels amis, quelles assistances.

  A003001638 

 Mais cela considerez le avec une comparaison de tant d'autres personnes qui valent mieux que vous, lesquelles sont destituees de ces benefices: les uns gastez de corps, de santé, de membres: les autres abandonnez à la mercy des opprobres, du mespris et deshonneur: les autres accablez de pauvreté; et Dieu n'a pas voulu que vous fussiez si miserable..

  A003001639 

 Combien y en a il qui ont estez nourris rustiquement et en une extreme ignorance; et la providence divine vous a fait eslever civillement et honnorablement..

  A003001639 

 Considerez les dons de l'esprit, combien y a il au monde de gens hebetez, enragez, insensez; et pourquoy n'estes vous pas du nombre? Dieu vous a favorisée.

  A003001640 

 Combien de fois vous a il donné ses Sacremens? combien de fois des inspirations, des lumieres interieures, des reprehensions pour vostre amandement? combien de fois vous a il pardonné vos fautes, combien de fois delivree des occasions de vous perdre où vous estiez exposee? Et ces annees passees, n'estoient ce pas un loisir et commodité de vous avancer au bien de vostre ame? voyez un peu par le menu, combien Dieu vous a esté doux et gracieux..

  A003001640 

 Considerez les graces spirituelles: ô Philothee, vous estes des enfans de l'Eglise, Dieu vous a enseignee sa cognoissance dés vostre jeunesse.

  A003001644 

 Mais que suis je, Seigneur, que vous ayez eu memoire de moy? O que mon indignité est grande! helas j'ay foulé aux pieds vos benefices, ay deshonoré vos graces, convertissant en abus, et mespris vostre souveraine bonté: j'ay opposé l'abisme de mon ingratitude à l'abisme de vostre faveur et grace..

  A003001645 

 Excitez vous à recognoissance.

  A003001648 

 Ah doncques retirez, Philothee, vostre corps de telles et telles voluptés: rendez le subject au service de Dieu, qui a tant fait pour luy: appliquez vostre ame à le cognoistre, et recognoistre par tels et tels exercices qui sont requis pour cela: employez soigneusement les moyens qui sont en l'Eglise pour vous sauver et aymer Dieu; ouy, je frequenteray l'oraison, les Sacremens, j'escouteray la sainte parolle, je pratiqueray les inspirations..

  A003001652 

 Remerciez Dieu de la cognoissance qu'il vous a donnée maintenant de vostre devoir, et de tous les bien faits cy devant receuz..

  A003001653 

 Priez le qu'il vous fortifie pour les pratiquer fidellement par le merite de la mort de son Fils, implorez l'intercession de la Vierge et des Saincts.

  A003001659 

 Mettez vous en la presence de Dieu, priez le qu'il vous inspire..

  A003001662 

 Considerez vos mauvaises inclinations, et combien vous les avez suivies: et par ces deux poincts vous verrez que vos coulpes sont en plus grand nombre que les cheveux de vostre teste, voire, que le sable de la mer..

  A003001662 

 Pensez combien il y a que vous commencez à pecher, et voyez combien dés ce premier commancement là, les pechez se sont multipliez en vostre cœur: comme tous les jours vous les avez acreu contre Dieu, contre vous mesme, contre le prochain, par œuvre, par parolle, par desir et pensee.

  A003001663 

 Avec quelle preparation les avez vous receuz? pensez à cette ingratitude, que Dieu vous ayant tant couru apres, pour vous sauver, vous avez tousjours fuy devant luy pour vous perdre..

  A003001663 

 Considerez à part le peché d'ingratitude envers Dieu, qui est un peché general qui s'espanche par tous les autres, et les rend infiniment plus enormes: voyez donques combien de benefices Dieu vous a fait, et que de tous vous avez abusé contre le donateur; singulierement combien d'inspirations mesprisées, combien de bons mouvemens rendus inutiles.

  A003001663 

 Et encor plus que tout, combien de fois avez vous receu les Sacremens et où en sont les fruits? que sont devenus ces precieux joyaux dont vostre cher Espoux vous avoit ornee? tout cela a esté couvert sous vos iniquitez.

  A003001666 

 Confondez vous en vostre misere.

  A003001667 

 Demandez pardon, et vous jettez.

  A003001668 

 Helas je ne l'ay que trop aymé: je le deteste et vous embrasse, ô Pere de misericorde, je veux vivre et mourir en vous..

  A003001678 

 Priez qu'il vous fortifie, etc..

  A003001678 

 Remerciez Dieu, qui vous a attendu jusques à cette heure, et vous a donné ces bonnes affections: faites luy offrande de vostre cœur pour les effectuer.

  A003001683 

 Imaginez vous, d'estre malade en extremité dans le lict de la mort, sans esperance aucune d'en eschapper..

  A003001683 

 Mettez vous en la presence de Dieu.

  A003001686 

 O mon ame, vous sortirez un jour de ce corps.

  A003001686 

 Quand sera ce? sera ce en hyver ou en esté? en la ville ou au village? de jour ou de nuict? Sera ce [33*] à l'impourveu ou avec advertissement? Sera ce de maladie ou d'accident? Aurez vous le loisir de vous confesser ou non? Serez vous assistée de vostre Confesseur et pere spirituel, ou non? Helas de tout cela nous n'en sçavons rien du tout: seulement cela est asseuré que nous mourrons et tousjours plus tost que nous ne pensons..

  A003001687 

 Ah chetifve pour quelles bagatelles et chimeres ay je offencé mon Dieu! Vous verrez que nous avons quitté Dieu pour neant: au contraire la devotion, les bonnes œuvres vous sembleront alors si desirables, et douces.

  A003001687 

 Considerez, qu'alors le monde finira pour ce qui vous regarde: il n'y en aura plus pour vous: il renversera s'en dessus dessous devant vos yeux; ouy, car alors les plaisirs, les vanitez, les joyes mondaines, les affections vaines, vous aparoistront comme des fantosmes, et nuages.

  A003001689 

 Considerez les empressemens qu'on aura pour lever ledit corps, et le cacher en terre, et que cela fait, le monde ne pensera plus guere en vous, ny n'en fera plus memoire, non plus que vous n'avez guere pensé aux autres.

  A003001693 

 Priez Dieu, et vous jettez entre ses bras.

  A003001694 

 Puis que je ne sçay l'heure en laquelle il te faut quiter, ô monde je ne me veux point atacher à toy: ô mes chers amys, mes cheres aliances permettez moy que je ne vous affectionne plus, que par une amitié sainte, laquelle puisse durer eternellement: car pourquoy m'unir à vous en sorte qu'il faille quitter et rompre la liaison? [34*].

  A003001699 

 Remerciez Dieu de ces resolutions qu'il vous a donnees: offres les à sa Majesté: suppliez la derechef, qu'elle vous rende vostre mort heureuse, par le merite de celle de son Fils: implorez l'ayde de la Vierge, des Saincts.

  A003001705 

 Mettez vous devant Dieu, supliez le qu'il vous inspire..

  A003001714 

 Considerez la sentence contraire des bons: Venez, dit le Juge, (ah c'est le mot agreable de salut par lequel Dieu nous tire à soy, et nous reçoit dans le giron de sa bonté) benis de mon Pere: ô chere benediction, qui comprend toute benediction! possedez le Royaume qui vous est preparé, dés la constitution du monde: ô Dieu, quelle grace? car ce Royaume n'aura jamais fin..

  A003001718 

 Detestez vos pechez, qui seuls vous peuvent perdre en cette journee espouventable..

  A003001724 

 Remerciez Dieu qui vous a donné moyen de vous asseurer pour ce jour là, et le temps de faire penitence: offres luy vostre cœur pour la faire..

  A003001725 

 Priez le qu'il vous face la grace de vous en bien acquitter.

  A003001731 

 Mettez vous en la presence divine, humiliez vous, et demandez son assistance..

  A003001732 

 Imaginez vous une ville tenebreuse, toute bruslante de soufre, et de poix puante, pleine de citoyens, qui n'en peuvent sortir..

  A003001740 

 O mon ame pourrois tu bien vivre eternellement avec ces ardeurs perdurables, et emmy ce feu devorant? veux tu bien quitter ton Dieu pour jamais? Confessez que vous l'avez merité, mais combien de fois.

  A003001749 

 Mettez vous en la presence de Dieu, faites l'invocation..

  A003001754 

 Beny soyez vous à jamais, ô nostre doux, et souverain Createur, et Sauveur, qui nous estes si bon, et nous communiquez si liberallement vostre gloire: et reciproquement Dieu benit d'une benediction perpetuelle tous ses Saints; Benites soyes vous à jamais, dit il, mes cheres creatures qui m'avez servy, et qui me louerez eternellement avec si grand amour, et courage..

  A003001757 

 O que vous estes belle, ma chere Hierusalem, et que bien heureux sont vos habitans!.

  A003001759 

 O puis qu'il vous a pieu, mon bon, et souverain Seigneur, redresser mes pas en vos voyes, non jamais plus je ne retourneray en derriere: allons, ô ma chere ame, allons en ce repos infini: cheminons à cette benite terre qui nous est promise: que faisons nous en cet Egypte?.

  A003001771 

 Mettez vous en la presence de Dieu, humiliez vous devant luy, priant qu'il vous inspire..

  A003001774 

 Imaginez vous d'estre en une raze campagne toute seule avec vostre bon Ange, comme estoit le jeune Tobie allant en Rages, et qu'il vous fait voir en haut le Paradis ouvert avec les plaisirs representés en la meditation du Paradis que vous avez faite: puis du costé d'embas il vous fait voir l'enfer ouvert avec tous les tourments descrits en la meditation de l'enfer.

  A003001774 

 Vous estant colloquée ainsi par imagination, et mise à genoux devant vostre bon Ange:.

  A003001775 

 Considerez qu'il est tres vray que vous estes au milieu du Paradis, et de l'enfer, et que l'un, et l'autre est ouvert pour vous recevoir selon le choix que vous en ferez..

  A003001777 

 Et encor que l'un, et l'autre soit ouvert pour vous recevoir selon que vous le choisirez, si est ce que Dieu qui est appareillé de vous donner, ou l'un par sa justice, ou l'autre par sa misericorde, desire neantmoins d'un desir nompareil que vous choisissiez le Paradis, et que vostre bon Ange vous en presse de tout son pouvoir, vous offrant de la part de Dieu mille graces, et mille secours pour vous ayder à la montee..

  A003001778 

 Jesus Christ, du haut du Ciel vous regarde en sa debonnaireté, et vous invite doucement; Vien, ô ma chere ame, vien au repos eternel entre les bras de ma bonté qui t'a preparé les delices immortelles en l'abondance de son amour.

  A003001778 

 Voyez de vos yeux interieurs la sainte Vierge qui vous convie maternellement.

  A003001778 

 Voyez saint Louys, qui vous exhorte, et un million de sainctes Dames qui vous convient doucement, desirans de voir un jour vostre cœur joinct au leur pour loüer Dieu à jamais: et vous asseurent que le chemin du Ciel n'est point si mal aysé que le monde le fait: Hardiment, vous disent elles, hardiment, [40*] treschere sœur.

  A003001781 

 Je benis, ô mon Dieu, vostre misericorde, et accepte l'offre qu'il vous plait de m'en faire.

  A003001781 

 O Jesus, mon Sauveur, j'accepte vostre amour eternel, et advoüe l'acquisition que vous avez faite pour moy d'une place, et logis en cette bien heureuse Hierusalem, non tant pour aucune autre chose, comme pour vous aimer, et benir à jamais..

  A003001782 

 Acceptez les faveurs que la Vierge, et les Saincts vous presentent: promettez leur que vous vous acheminerez à eux: tendez la main à vostre bon Ange, affin qu'il vous y conduise, encouragez vostre ame à ce choix..

  A003001790 

 Mettez vous en la presence de Dieu, abaissez vous devant sa face, et requerez son ayde..

  A003001793 

 En fin vous verrez une calamiteuse republicque, tirannisée de ce Roy maudit, qui vous fera compassion..

  A003001793 

 Imaginez vous d'estre derechef en une raze campagne avec vostre bon Ange toute seule, et à costé gauche vous voyez le diable assis sur un grand trosne haut eslevé avec plusieurs des [41*] esprits infernaux au pres de luy, et tout autour de luy une grande troupe de mondains, qui tous à teste nue le reconnoissent, et luy font hommage: les uns par un peché, les autres par un autre.

  A003001794 

 Mais sur tout voyez le rang de plusieurs personnes mariées qui vivent si doucement ensemble avec un respect mutuel, qui ne peut estre sans une grande charité: voyez comme ces devotes ames marient le soing de leur maison exterieure avec le soing de l'interieure: l'amour du mary avec celuy de l'Espoux celeste: regardez generallement par tout: vous les verrez tous avec une contenance douce, devote, amiable, qu'ils escoutent nostre Seigneur, et tous le voudroient planter au milieu de leur cœur.

  A003001795 

 Vous avez meshuy quitté le premier Roy avec sa triste, et mal heureuse troupe, par les bonnes affections que vous avez conceues, et neantmoins vous n'estes pas encore arrivee au second Roy, ny jointe à son heureuse, et sainte compagnie de devots: mais vous estes entre l'un et l'autre..

  A003001796 

 La Vierge saincte avec sainct Joseph, saint Louys, saincte Monique, et cent autres qui sont en l'escadron des mariés vous invitent et encouragent..

  A003001797 

 Le Roy crucifié vous appelle par vostre nom propre: venez, ô ma bien aymee, venez à fin que je vous couronne.

  A003001800 

 O monde, ô troupe abominable, non jamais vous ne me verrez soubs vostre drapeau.

  A003001801 

 Et me convertissant à vous, mon doux Jesus, Roy de bonheur, et de gloire eternelle, je vous embrasse de toutes les forces de mon ame: je vous adore de tout mon cœur, je vous choisis maintenant et pour jamais pour mon Roy, et pour mon unique Prince: je vous offre mon inviolable fidelité, je vous fais un hommage irrevocable, je me soubmets à l'obeïssance de vos saintes loix, et ordonnances..

  A003001802 

 O Vierge saincte ma chere Dame, je vous choisis pour ma guide, je me rends soubs vostre enseigne, je vous offre un particulier respect, et reverence..

  A003001809 

 C'est pourquoy je vous presente une simple et briefve methode de [43*] pratiquer, en attendant que par la lecture de plusieurs beaux livres qui ont estez composez sur ce sujet, et sur tout par l'usage vous en puissiez estre plus amplement instruite..

  A003001809 

 Ces Meditations sont propres pour vous conduire à une vraye contrition: mais vous ne sçavez peut estre pas, ô Philothee, comme il faut faire l'exercice de la saincte Meditation: car c'est une chose, laquelle par malheur peu de gens sçavent en nostre aage.

  A003001810 

 Je vous ay premierement marqué la preparation laquelle consiste en deux poincts: dont le premier est de se mettre en la presence de Dieu, et le second d'invoquer son assistance.

  A003001810 

 Or pour vous metre en la presence de Dieu je vous representeray quatre principaux moyens desquels vous vous pourrez servir à ce commencement..

  A003001811 

 Ce fut l'apprehension de David quand il s'escrioit: Si je monte au Ciel, ô mon Dieu, vous y estes; si je descends en enfer vous y estes: et ainsi nous devons user des parolles de Jacob, lequel ayant veu l'eschelle sacree: ô que ce lieu, dit il, est redoutable; vrayement Dieu est icy, et je n'en sçavois rien: il veut dire qu'il n'y pensoit pas, car au reste il ne pouvoit ignorer que Dieu ne fut en tout, et par tout.

  A003001811 

 Venant doncques à la priere, ô Philothee, il vous faut dire de tout vostre cœur, et à vostre cœur, ô mon cœur Dieu est vrayement icy..

  A003001812 

 En la consideration donques de cette verité, vous exciterez une grande reverence en vostre cœur à l'endroit de Dieu, qui luy est si intimement present..

  A003001812 

 Le second moyen de se mettre en cette sacrée presence, c'est de penser, que non seulement Dieu est au lieu où vous estes, mais qu'il est tres particulierement en vostre cœur, et au fond de vostre esprit, lequel il vivifie, et anime de sa divine presence, estant là comme le cœur de vostre cœur, et l'esprit de vostre esprit: car comme l'ame est respandue par tout le corps, se trouvant presente [44*] en toutes les parties d'iceluy, et reside neantmoins au cœur d'une specialle residence: de mesme Dieu estant tres present à toutes choses, assiste toutefois d'une specialle façon à nostre esprit: et pour cela David appelloit Dieu, Dieu de son cœur, et sainct Paul disoit que nous vivons, nous nous mouvons, et sommes en Dieu.

  A003001814 

 Vous userez donques, ô Philothee," de l'un de ces quatre moyens pour mettre vostre ame en la presence de Dieu avant l'oraison, et ne faut pas les vouloir employer tous ensemblement, mais seulement un à la fois, et cela briefvement, et simplement.

  A003001818 

 Que si vous le voulez, vous pourrez user de quelques parolles courtes, et enflammées, comme sont celles-cy de David; Ne me rejetez point, ô mon Dieu, de devant vostre face, et ne m'ostez point la faveur de vostre Saint Esprit: esclairez vostre face sur vostre servante, et je considereray vos merveilles: donnez moy l'entendement, et je regarderay vostre loy, et la garderay de tout mon cœur: je suis vostre servante, donnez moy l'esprit, et telles semblables à cela.

  A003001818 

 Vous servira encore adjouster l'invocation de vostre bon Ange, et des sacrées personnes qui se trouverent ou qui se treuveront au mystere que vous meditez; comme en celuy de la mort de nostre Seigneur, vous pourrez invoquer nostre Dame, S. Jean, Magdelene, le bon larron, afin que les sentimens, et mouvemens interieurs qu'ils y receurent vous soyent communiquez: et en la meditation de vostre mort, vous pourrez invoquer vostre bon Ange, qui se trouvera presant, afin qu'il vous inspire des considerations convenables, et ainsi des autres mysteres.

  A003001821 

 Il est vray que l'on peut bien employer quelque similitude et comparaison pour ayder la consideration: mais cela est plus difficile à rencontrer, et je ne veux traitter avec vous que fort simplement, et en sorte que vostre esprit ne soit pas beaucoup travaillé à faire des inventions.

  A003001821 

 J'en dis de mesme quand vous mediterés la mort, ainsi que je l'ay marqué en la meditation d'icelle.

  A003001821 

 Mais cela est trop subtil [47*] pour le commencement: et jusques à ce que Dieu vous esleve plus haut, je vous conseille, ô Philothee, de vous tenir en la basse vallee que je vous ay monstree..

  A003001821 

 Ou si vous voulez (car c'est tout un) vous vous imaginerez qu'au lieu mesme où vous estes se fait le crucifiement de nostre Seigneur, en la façon que les Evangelistes le descrivent.

  A003001821 

 Par exemple si vous voulez mediter nostre Seigneur en croix, vous vous imaginerez d'estre au mont de Calvaire, et que vous voyez tout ce qui se fait, et tout ce qui se dit.

  A003001821 

 Quelques uns vous diront neantmoins qu'il est mieux d'user de la simple pensee de la foy, et d'une simple apprehension toute mentale, et spirituelle en la representation de ces mysteres, ou bien de considerer que les choses se font en nostre propre esprit.

  A003001825 

 Ayant doncques enfermé vostre esprit, comme j'ay dit, dans l'enclos du sujet que vous voulez mediter, ou par imaginations, si le sujet est sensible, ou par la simple proposition, s'il est insensible, vous commencerez à faire sur iceluy des considerations, dont vous verrez des exemples tous formez es meditations, que je vous ay données.

  A003001825 

 Mais si vous ne rencontrez pas selon vostre souhait en l'une des considerations apres avoir un peu marchandé, et essayé, vous passerez à une autre consideration: et sur tout gardez vous de vous empresser en cette besongne: mais allez tout bellement, et simplement.

  A003001825 

 Que si vostre esprit treuve assez de goust, de lumiere, et de fruict sur l'une des considerations, vous vous y arresterez sans passer plus outre, faisant comme les abeilles, qui ne quittent point la fleur tandis qu'elles y treuvent du miel à receuillir.

  A003001829 

 Que si vous voulez estre aydee pour cela, prenez en main le premier tome des meditations de don André Capilia, et voyez sa preface: car en icelle il monstre la façon avec laquelle il faut dilater ses affections..

  A003001833 

 Il ne faut pas pourtant, Philothee, s'arrester tant à ces affections generalles que vous ne les convertissiez en des resolutions specialles, et particulieres pour vostre correction, et amendement.

  A003001833 

 Or je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n'y adjoustez une resolution specialle en cette sorte: or sus doncques je ne me picqueray plus des parolles facheuses, [49*] qu'un tel, et une telle, mon voisin ou ma voisine, mon domestique, ou ma domestique disent de moy, ny de tel et tel mespris qui m'est fait par cestuy cy ou cestuy là: au contraire je diray, et feray telle, et telle chose pour le gaigner, et adoucir, et ainsi des autres affections.

  A003001833 

 Par ce moyen, Philothee, vous corrigerez vos fautes en peu de temps, là où par les seules affections vous le ferez tard, et malaisement..

  A003001842 

 II faut sur tout, Philothee, qu'au sortir de vostre meditation vous reteniez les resolutions, et deliberations que vous aurez prinses, pour les pratiquer soigneusement ce jour là.

  A003001843 

 Or je dis qu'il faut que vous vous accoustumiez à sçavoir passer de l'oraison à toutes sortes d'actions que vostre vocation, et profession requiert justement, et legitimement de vous.

  A003001844 

 Bref tousjours quand les affections se presenteront à vous, il les faut recevoir, et leur faire faire place, soit qu'elles arrivent avant ou apres toutes les considerations.

  A003001844 

 Car bien que pour l'ordinaire la consideration doit preceder les affections et resolutions, si est ce que le Sainct Esprit vous donnant les affections avant la consideration, vous ne devez pas rechercher la consideration, puis qu'elle ne se fait que pour esmouvoir l'affection.

  A003001844 

 Or lors il luy faut lacher la bride, sans vouloir suivre la methode que je vous ay donnée.

  A003001844 

 Sçachez encor, Philothee, qu'il vous arrivera quelques fois, qu'incontinent apres la preparation, vostre affection se trouvera [51*] toute esmue en Dieu.

  A003001849 

 Autre fois prenez un livre en main, et le lisez avec attention, jusques à ce que vostre esprit soit reveillé, et remis en vous; piqués quelque fois vostre cœur par quelque contenance, et mouvement de devotion exterieure, vous prosternant en terre, croisant les mains sur l'estomach, embrassant un crucifix: cela s'entend si vous estes en quelque lieu retiré.

  A003001849 

 Que si apres tout cela vous n'estes point consolée, pour grande que soit vostre seicheresse ne vous troublez point: mais continuez à vous tenir en une contenance devote devant vostre Dieu.

  A003001849 

 S'il vous arrive, Philothee, de n'avoir point de goust ny de consolation en la meditation, je vous conjure de ne vous point troubler: mais quelque fois ouvrez la porte aux parolles vocales: lamentez vous de vous mesme à [52*] nostre Seigneur, confessez vostre indignité, priez le qu'il vous soit en ayde, baisez son image si vous l'avez, dittes luy ces parolles de Jacob: Si ne vous laisseray je point Seigneur, que vous ne m'ayez donné vostre benediction: ou celles de la Chananee, Ouy Seigneur, je suis une chienne, mais les chiens mangent des miettes de la table de leur maistre.

  A003001853 

 Voyla doncq, ma chere Philothee, les meditations requises à nostre intention, et quant et quant la façon, et methode avec laquelle vous les devez faire; quand vous les aurez faittes, allez alors courageusement en esprit d'humilité faire vostre confession generalle: mais je vous prie ne vous laissez point troubler par aucune sorte d'apprehension.

  A003001854 

 Quand vous serez arrivée devant vostre Pere spirituel, imaginez vous que vous estes en la montagne de Calvaire sous les pieds de Jesus-Christ crucifié, duquel le sang precieux distille de toutes parts pour vous laver de vos iniquitez: car bien que ce ne soit pas le propre sang du Sauveur, c'est neantmoins le merite de ce sang respandu, qui arrouse abondamment les penitens au tour des confessionnaux.

  A003001855 

 Et cela fait, escoutez l'advertissement, et les ordonnances du serviteur de Dieu, et dittes en vostre cœur: Parlez, Seigneur, car vostre servante vous escoute: c'est Dieu, Philothee, que vous escoutez, puis qu'il a dit à ses [54*] Vicaires: Celuy qui vous escoute m'escoute.

  A003001855 

 Prenez par apres en main la protestation suyvante laquelle sert de conclusion à toute vostre contrition, et que vous devez avoir premierement meditée et considerée; lises la attentivement, et avec le plus de ressentiment qu'il vous sera possible..

  A003001861 

 O mon Dieu vous estes mon Dieu, Dieu de mon cœur, Dieu de mon ame, Dieu de mon esprit: ainsi je vous recognois et adore maintenant, et pour toute l'eternité.

  A003001861 

 Plaise vous, ô Dieu eternel, tout-puissant et tout bon, Pere, Fils, et S. Esprit, confirmer en moy ceste resolution, et accepter ce mien sacrifice cordial et interieur en odeur de suavité: et comme il vous a pieu me donner l'inspiration et volonté de le faire, donnez moy aussi la force et grace requise pour le parfaire.

  A003001864 

 Ceste protestation faite, soyez attentive et ouvrez les oreilles de vostre cœur pour ouïr en esprit la parolle de vostre absolution, que le Sauveur mesme de vostre ame assis sur le throsne de sa misericorde, prononcera là haut au Ciel devant tous les Anges, et les Saincts, à mesme temps qu'en son nom le Prestre vous absout icy bas en terre: si que toute ceste troupe des bien-heureux se resjoüissant sur vostre bonheur chantera le cantique spirituel d'une allegresse nompareille, et tous donneront en esprit le baiser de paix et de societé à vostre cœur, remis en grace et sanctifié..

  A003001865 

 Mais d'autant que ces affections renaissent aysement en l'ame, à raison de nostre infirmité et de nostre concupiscence, qui peut estre mortifiée, mais qui ne peut mourir pendant que nous vivons icy bas en terre, je vous donneray les advis suivans, lesquelz estant bien pratiquez, vous preserveront desormais du peché mortel et de toutes les affections d'iceluy, afin que jamais il ne puisse avoir place en vostre cœur.

  A003001865 

 O Dieu, Philothee, que voila un contract admirable, par lequel vous faites un heureux traité avec sa divine Majesté, puis qu'en vous donnant vous mesme à elle, vous la gaignez, et vous mesme aussi pour la vie eternelle! Il ne reste plus sinon que prenant la plume en main, vous signiez de bon cœur l'acte de vostre protestation, et que par apres vous alliez à l'autel, où Dieu reciproquement signera et seellera vostre absolution, et la promesse qu'il vous fera de son Paradis, se mettant luy mesme par son Sacrement comme un cachet et seau sacré sur vostre cœur renouvellé.

  A003001870 

 Les plus malins calomnieront vostre changement d'hypocrisie, bigoterie, et artifice: ils diront que le monde vous a fait mauvais visage, et qu'à son refus vous recourez à Dieu: vos amis s'empresseront à vous faire un monde de remonstrances fort prudentes et charitables à leur advis: vous tomberez, diront ils, en quelque humeur melancholique, vous perdrez credit au monde, vous vous rendrez insupportable, vous envieillirez devant le temps, vos affaires domestiques en patiront, il faut vivre au monde comme au monde, on peut bien faire son salut sans tant de mystere, et mille telles bagatelles..

  A003001870 

 Tout aussi tost que les mondains s'appercevront que vous voulez suivre la vie devote, ils decocheront sur vous mille traicts de leur cajollerie et mesdisance.

  A003001871 

 Si vous estiez du monde, dit le Sauveur, le monde aimeroit ce qui est sien: mais [59*] parce que vous n'estes pas du monde, par tant il vous hayt.

  A003001872 

 Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ny beuvant, et vous dites qu'il est endiablé: le Fils de l'homme est venu en mangeant et beuvant, et vous dites qu'il est Samaritain! Il est vray, Philothee, si nous nous relaschons par condescendance, à rire, joüer, ou dancer avec le monde, il s'en scandalisera: si nous ne le faisons pas, il nous accusera d'hypocrisie ou melancolie; si nous nous parons, il l'interpretera à quelque dessein: si nous nous demettons, ce sera pour luy vileté de cœur; nos gayetez seront par luy nommées dissolutions, et nos mortifications tristesses, et nous regardant ainsi de mauvais œil, jamais nous ne pouvons luy estre agreables.

  A003001878 

 Il se pourra bien faire, ma chere Philothee, qu'à ce changement de vie plusieurs souslevemens se feront en vostre interieur: et que ce grand et general à Dieu que vous avez dit aux folies et niaiseries du monde, vous donnera quelque ressentiment de tristesse et descouragement.

  A003001878 

 Il vous faschera peut estre d'abord [61*] de quitter la gloire que les fols et mocqueurs vous donnoient en vos vanitez: mais ô Dieu! voudriez vous bien perdre l'eternelle, que Dieu vous donnera en verité? Les vains amusemens et passetemps, esquels vous avez employé les annees passées se representeront encore en vostre cœur, pour l'appaster et faire retourner de leur costé; mais auriez vous bien le courage de renoncer à ceste heureuse eternité pour des si trompeuses legeretez? Croyez moy, si vous perseverez vous ne tarderez pas de recevoir des douceurs cordiales, si delicieuses et agreables, que vous confesserez que le monde n'a que du fiel en comparaison de ce miel.

  A003001878 

 Si cela vous arrive, ayez un peu de patience, je vous prie, car ce ne sera rien: ce n'est qu'un peu d'estonnement que la nouveauté vous apporte: passé cela vous recevrez dix mille consolations.

  A003001879 

 Mais vous voyez que la montagne de la perfection Chrestienne est extremement haute: hé mon Dieu, ce dites vous, comme y pourray-je monter? Courage, Philothee, quand les petits mouchons des abeilles commencent à prendre forme on les appelle nymphes: et lors ils ne sçauroient encor voler sur les fleurs, ny sur les monts, ny sur les collines voisines, pour amasser le miel: mais petit à petit se nourrissans du miel que leurs meres ont preparé, ces petits nymphes prenent des aisles et se fortifient, en sorte que par apres ils volent à la queste par tout le paysage.

  A003001884 

 Je ne dis pas que vous decouvrirez des pechez veniels, mais je dis que vous decouvrirez des affections, et inclinations à iceux.

  A003001884 

 Vous descouvrirez donc, ma chere Philothee, qu'outre les pechez mortels, et les affections des pechez mortels, dont vous avez esté purgée par les exercices marquez en la premiere Partie, vous avez encore en vostre ame plusieurs inclinations, et affections aux pechez veniels.

  A003001892 

 Mais n'est ce pas une chose ridicule, ains plustost lamentable, de voir des hommes faits s'empresser et affectionner apres des bagatelles si indignes, comme sont les choses que j'ay nommées, lesquelles, outre leur inutilité, nous mettent en peril de nous [65*] deresgler et desordonner à leur poursuitte? C'est pourquoy, ma chere Philothee, je vous dis qu'il se faut purger de ces affections: et bien que les actes ne soient pas tousjours contraires à la devotion, les affections neantmoins luy sont tousjours dommageables..

  A003001896 

 Dieu vous face la grace de les bien pratiquer.

  A003001896 

 Je m'en vais doncques maintenant vous donner des advis, et proposer des exercices, par le moyen desquels vous pourrez purger vostre ame des affections des pechez veniels, des affections dangereuses, et des imperfections.

  A003001896 

 Or quoy qu'elles soient comme propres et naturelles à un chacun, si est ce que par le soing et affection contraire on les peut corriger et moderer: et mesme on peut s'en delivrer et purger: et je vous dis, Philothee, qu'il le faut faire.

  A003001901 

 Mais sur tout je vous conseille la mentale et cordiale, et particulierement celle qui se fait autour de la vie et passion de nostre Seigneur; en la regardant souvent par la meditation, toute vostre ame se remplira de luy, vous apprendrez ses contenances, et formerez vos actions au modelle des siennes: il est la lumiere du monde: c'est doncques en luy, par luy, et pour luy que nous devons estre esclairez et illuminez: c'est l'arbre de desir, à l'ombre duquel nous nous devons rafraischir: c'est la vive fontaine de Jacob pour le lavement de toutes nos soüilleures.

  A003001902 

 Sa vie et mort a esté disposée et distribuée en divers poincts, pour servir à la meditation, par plusieurs autheurs: ceux que je vous conseille sont sainct Bonaventure, Bellintani, Brune, Capilia..

  A003001903 

 Employez y chasque jour une heure devant disné, et quand ce sera le matin ce sera le meilleur, parce que vous aurez vostre esprit moins embarrassé et plus fraiz apres le repos de la nuict.

  A003001903 

 N'y mettez pas aussi d'avantage d'une heure, si vostre Pere spirituel ne le vous dit expressement.

  A003001903 

 Si vous pouvez faire cest exercice dedans l'Eglise, et que vous y treuviez assez de tranquilité, ce vous sera une chose fort aysée et commode: parce que nul, ny pere, ny mere, ny femme, ny mary, ny autre quelconque ne pourra vous bonnement refuser de demeurer au moins une petite heure chasque jour dans l'Eglise, là où estant en quelque subjection vous ne pourriez peut estre pas vous promettre d'avoir une heure si franche dedans vostre maison..

  A003001904 

 Au sortir de cette oraison cordiale, il vous faut prendre garde de ne point donner de secousse à vostre cœur: car vous espancheriez le baume que vous avez receu par le moyen de l'oraison.

  A003001904 

 Au sortir de la meditation, ne vous distrahez pas tout à coup, mais regardez simplement devant vous, comme seroit à dire, s'il vous faut rencontrer quelqu'un que vous soyez obligée d'entretenir ou ouïr, il n'y a remede, il faut s'accommoder à cela, mais en telle sorte que vous regardiez aussi à vostre cœur, afin que la liqueur de la saincte oraison ne s'espanche que le moins qu'il sera possible..

  A003001904 

 Je veux dire qu'il faut garder s'il est possible un peu de silence, et remuer tout doucement vostre cœur de l'oraison aux affaires, retenant le plus long temps qu'il vous sera possible le sentiment et les affections que vous aurez conceuës.

  A003001904 

 Un homme qui auroit receu dans un vaisseau de belle porcelegne quelque liqueur de grand prix [68*] pour l'apporter dans sa maison, il iroit doucement ne regardant point à costé: mais tantost devant soy, de peur de heurter à quelque pierre, ou faire quelque mauvais pas, tantost à son vase pour voir s'il panche point; vous en devez faire de mesme.

  A003001905 

 Commencez toutes sortes d'oraisons, soit mentale, soit vocale par la presence de Dieu, et tenez ceste reigle sans exception: et vous verrez dans peu de temps combien elle vous sera profitable..

  A003001906 

 Le chapelet est une tres-utile maniere de prier, pourveu que vous le sçachiez dire comme il convient: et pour ce faire ayez quelqu'un des petits livrets qui enseignent la façon de le reciter..

  A003001906 

 Si vous me croyez, vous direz vostre Pater, vostre Ave Maria, et le Credo en latin: mais vous apprendrez aussi à bien entendre les parolles qui y sont en vostre langage, afin que le disant au langage commun de l'Eglise, vous puissiez neantmoins savourer le sens admirable et delicieux de ces saintes oraisons, lesquelles il faut dire, fichant profondement vostre pensee, et excitant vos affections sur le sens d'icelles, et ne vous hastant nullement pour en dire beaucoup: mais vous estudiant de dire ce que vous direz cordialement: car un seul Pater dit avec ce sentiment vaut mieux que plusieurs recitez vistement et couramment.

  A003001907 

 En sorte que si apres icelle, ou pour la multitude des affaires, ou pour quelque autre raison vous ne pouviez point faire de priere vocale, vous ne vous en mettiez point en peine pour cela: vous contentant de dire simplement avant ou apres la meditation l'oraison Dominicale, la salutation Angelique, et le symbole des Apostres..

  A003001907 

 Il est bon aussi de dire les Letanies de nostre Seigneur, de nostre Dame, et des Saincts, et toutes les autres prieres vocales qui sont dedans les Manuels et Heures approuvées; à la charge neantmoins que si vous avez le don de l'oraison mentale, vous luy gardiez tousjours la principale place.

  A003001908 

 J'excepte l'office Ecclesiastique si vous estes obligée de le dire, car en ce cas là, il faut rendre le devoir..

  A003001908 

 Si faisant l'oraison vocale, vous sentez vostre cœur tiré et convié à l'oraison interieure ou mentale, ne refusez point d'y aller; mais laissez tout doucement couler vostre esprit de ce costé là, et [69*] ne vous souciez point de n'avoir pas achevé les oraisons vocales que vous vous estiez proposées; car la mentale que vous aurez faite en leur place est plus agreable à Dieu, et plus utile à vostre ame.

  A003001909 

 Je dis la plus eslongnée du repas, parce que se faisant sur iceluy, et avant que la digestion soit fort acheminée, il vous arriveroient beaucoup d'assoupissemens, et vostre santé en seroit interessée..

  A003001909 

 S'il avenoit que toute vostre matinée se passast sans cet exercice sacré de l'oraison mentale, ou pour la multiplicité des affaires, ou pour quelque autre cause, (ce que vous devez procurer n'advenir point tant qu'il vous sera possible) taschez de reparer ce defaut l'apres-disné en quelque heure la plus eslongnée du repas que vous pourrez choisir.

  A003001910 

 Que si toute la journée vous ne pouvies la faire, il faut reparer ceste perte, multipliant les oraisons jaculatoires, et par la lecture de quelque livre de devotion, avec quelque penitence qui empeschast la suytte de cette negligence, et avec cela faire une forte resolution de se remettre en train le jour suyvant..

  A003001914 

 Outre ceste oraison mentale entiere et formée, et les autres oraisons vocales que vous devez faire une fois le jour, il y a cinq autres sortes d'oraisons plus courtes, et qui sont comme adjancements et surjons de l'autre grande oraison: entre lesquelles la premiere est celle qui se fait le matin comme une preparation à toutes les œuvres de la journée: or vous la ferez en ceste sorte.

  A003001915 

 Remerciez et adorez Dieu profondement pour la grace qu'il vous a faite de vous avoir conservée la nuict precedente: et si vous aviez commis en icelle quelque peché vous luy en demanderez pardon..

  A003001916 

 Voyez que le jour present vous est donné, afin qu'en iceluy vous puissiez gaigner le jour advenir de l'eternité: et ferez un ferme propos de bien employer la journée à ceste intention..

  A003001917 

 Prevoyez quelles affaires, quels commerces, et quelles occasions vous pouvez rencontrer ceste journee là pour servir Dieu: et quelles tentations vous pourront survenir de l'offencer, ou par colere, ou par vanité, ou par quelque autre desreglement: et par une saincte resolution preparez vous à bien employer les moyens qui se doivent offrir à vous de servir Dieu, et advancer vostre devotion: comme au contraire disposez vous à bien esviter, combattre et vaincre ce qui peut se presenter contre vostre salut et la gloire de Dieu.

  A003001918 

 Cela fait humiliez vous devant Dieu, recognoissant que de vous mesme vous ne sçauriez rien faire de ce que vous aurez deliberé, soit pour fuir le mal, soit pour executer le bien.

  A003001918 

 Et comme si vous teniez vostre cœur en voz mains, offrez le avec tous vos bons desseins, à la divine Majesté, la suppliant de le prendre en sa protection, et le fortifier pour bien reussir en son service, et ce par telles ou semblables parolles interieures.

  A003001918 

 Invoquez nostre Dame, vostre bon Ange et les Saincts, afin qu'ils vous assistent..

  A003001918 

 O Seigneur, voila ce pauvre et miserable cœur, qui par vostre bonté a conceu plusieurs bonnes affections; mais helas il est trop foible, et chetif pour effectuer le bien qu'il desire, si vous ne luy departez vostre celeste benediction, laquelle à cette intention je vous requiers, ô Pere debonnaire, par le meritede la passion de vostre Fils, à l'honneur duquel je consacre cette journée, et le reste de ma vie.

  A003001919 

 Mais toutes ces actions spirituelles se doivent faire briefvement et [71*] vivement, devant que l'on sorte de la chambre, s'il est possible: affin que par le moyen de cest exercice tout ce que vous ferez le long de la journée soit arrousé de la benediction de Dieu: mais je vous prie, Philothee, de n'y manquer jamais..

  A003001923 

 Comme devant vostre disné temporel, vous ferez le disné spirituel par le moyen de la meditation: ainsi avant vostre souper, il vous faut faire un petit souper, au moins une collation devote, et spirituelle.

  A003001923 

 Gaignez donques un peu devant l'heure du souper quelque loisir, auquel vous prosternant devant Dieu, et ramassant vostre esprit aupres de Jesus Christ crucifié (que vous vous representerez par une simple considération, et œillade interieure) r'allumez le feu de vostre meditation du matin en vostre cœur, par une douzaine de vives aspirations, humiliations, et eslancemens amoureux que vous ferez sur ce divin Sauveur de vostre ame: ou bien en repetant les poincts que vous aurez plus savourez en la meditation du matin, ou bien vous excitant par quelque autre nouveau sujet, selon que vous aymerez mieux..

  A003001925 

 Cest exercice icy ne doit jamais estre oublié, non plus que celuy du matin: car par celuy du matin vous ouvrez les fenestres de vostre ame au Soleil de justice, et par celuy du soir vous les fermez aux tenebres de l'enfer..

  A003001928 

 C'est icy, ma chere Philothee, où je vous souhaite fort affectionnée à suivre mon conseil, car en cest article consiste l'un des plus asseurez moyens de vostre advancement spirituel..

  A003001929 

 O Dieu, ce direz vous, pourquoy ne vous regarde je tousjours, comme tousjours vous me regardez? pourquoy pensez vous en moy si souvent, mon Seigneur, et pourquoy pense je si peu souvent en vous? où sommes nous ô mon ame? nostre vraye place c'est Dieu, et ou est ce que nous nous trouvons?.

  A003001929 

 R'apellez le plus souvent que vous pourrez parmy la journee vostre esprit en la presence de Dieu, par l'une des quatre façons que je vous ay marquées: et regardez ce que Dieu fait, et ce que vous faites; vous verrez ses yeux tournez de vostre costé, et perpetuellement fichez sur vous par une amour incomparable.

  A003001930 

 Bien heureuse sera l'ame qui pourra dire en verité à nostre Seigneur: Vous estes ma maison de refuge, mon rempart asseuré, mon toit contre la pluye et mon ombre contre la chaleur..

  A003001931 

 Admirez sa beauté, invoquez son aide, jettez vous au pied de sa Croix: embrassez sa bonté, interrogez le souvent de vostre salut, donnez luy mille fois le jour vostre ame, fichez vos yeux interieurs par un simple regard sur sa douceur, tandez luy la main, comme un petit enfant à son pere, afin qu'il vous conduise: bref, tenez le sur vostre poitrine comme un bouquet, plantez le dans vostre cœur comme un estendard, et faites mille sortes de divers mouvemens de cœur pour vous donner de l'amour de Dieu, et vous exciter à une passionnée et tendre dilection de ce divin Espoux de vostre ame.

  A003001932 

 Plusieurs ont ramassé des petites aspirations vocales pour dire à cette intention, et vrayement elles sont fort utiles: mais par mon advis vous ne vous astreindrez à nulle sorte de paroles, ains prononcerez celles que le cœur vous dictera sur le champ; car l'amour vous en fournira tant que vous voudrez.

  A003001934 

 L'un regardant dans un ruisseau, et y voyant le Ciel representé avec une quantité de belles estoilles en une nuict bien sereine: ô Dieu, dit il, ainsi seront ces mesmes estoilles sous mes pieds quand vous m'aurez logé dans vos saincts tabernacles; ainsi les hommes de la terre sont representez au Ciel dedans la poitrine de Dieu.

  A003001935 

 C'est pourquoy je vous conjure de l'embrasser de cœur, sans jamais vous en departir..

  A003001939 

 Je ne vous ay encor point parlé du Soleil des exercices spirituels, qui est le tres-sainct, tres-sacré et tres-souverain Sacrifice, et Sacrement de la Messe, centre de la religion Chrestienne, cœur de la devotion, ame de la pieté, mystere inefable qui comprend l'abisme de la charité divine, et par lequel Dieu s'appliquant reellement à nous, nous communique magnifiquement ses graces et faveurs..

  A003001941 

 Faites doncques toutes sortes d'effort, pour assister tous les jours à la saincte Messe, affin d'offrir avec le Prestre en icelle vostre Redempteur à Dieu son Pere, pour vous, et pour toute l'Eglise.

  A003001942 

 A quelque heure doncques du [77*] matin allez de cœur à l'Eglise, unissez vostre intention à celle de tous les Chrestiens, et faictes les mesmes actions interieures au lieu où vous estes, que vous feriez si vous estiez reellement presente à l'office de la saincte Messe..

  A003001942 

 Si par quelque force forcée vous ne pouvez pas vous rendre presente à la celebration de ce souverain Sacrifice, d'une presence reelle, au moins faut il que vous y portiez vostre esprit, pour y assister d'une presence spirituelle.

  A003001943 

 Depuis la Communion jusques à la fin, remerciez sa divine Majesté de son Incarnation, de sa vie, de sa mort, et de sa Passion, et de l'amour qu'il nous tesmoigne en ce sainct Sacrifice, le conjurant par iceluy de vous estre à jamais propice, à vos parens, à vos amis, et à toute l'Eglise..

  A003001943 

 Depuis le Credo jusqu'au Pater noster, appliquez vostre cœur aux mysteres de la mort et Passion de nostre Redempteur, qui sont actuellement et essentiellement representez en ce sainct Sacrifice; lequel avec le Prestre et le reste du peuple vous offrirez à Dieu le Pere pour son honneur, et pour vostre salut.

  A003001943 

 Depuis le Pater noster jusques à la Communion, efforcez vous de faire sortir mille desirs de vostre cœur: souhaittaut ardamment d'estre à jamais jointe et unie à vostre Sauveur par amour eternel.

  A003001944 

 Mais si vous voulez pendant la Messe faire vostre meditation sur les mysteres que vous allez suivant de jour en jour, il ne sera nullement requis que vous vous divertissiez à faire les particulieres actions que je viens de marquer, ains suffira qu'au commencement vous dressiez vostre intention à vouloir adorer et offrir ce sainct Sacrifice par l'exercice de vostre meditation et oraison, puis qu'en toute meditation se treuvent les actions susdictes, ou expressement, ou tacitement et virtuellement.

  A003001948 

 Vous sentirez mille douceurs de devotion par ce moyen, comme faisoit sainct Augustin, qui tesmoigne en ses Confessions, que oyant les divins offices au commencement de sa conversion, son cœur se fondoit en suavité, et ses yeux en larmes de pieté.

  A003001949 

 Entrez volontiers aux Confrairies du lieu où vous estes, et particulierement en celles, desquelles les exercices apportent plus de fruict et d'edification: car en cela vous ferez une sorte d'obéissance fort agreable à Dieu: d'autant qu'encor que les Confrairies ne soyent pas commandées, elles sont neantmoins recommandées par l'Eglise: laquelle pour tesmoigner qu'elle desire que plusieurs s'y enrollent, donne des Indulgences et autres privileges aux Confraires.

  A003001957 

 Rendez vous fort familiere avec les Anges, voyez les souvent invisiblement presens à vostre vie: et sur tout aymez et reverez celuy du Diœcese auquel vous estes, ceux des personnes avec lesquelles vous vivez, et specialement le vostre: suppliez les souvent, louez les ordinairement, et requerez leur ayde et secours en toutes vos affaires, soit spirituelles, soit temporelles, afin qu'ils cooperent à vos sainctes intentions..

  A003001959 

 Celuy de vostre nom vous est desja tout assigné dés vostre baptesme..

  A003001959 

 Choisissez quelques Saincts particuliers, la vie desquels vous puissiez mieux savourer et imiter, et en l'intercession desquels vous ayez une particuliere confiance.

  A003001963 

 Ne permettez jamais, Philothee, que vostre cœur demeure long temps infecté de peché, puis que vous avez un remede si present et facile.

  A003001964 

 Ne laissez pas de vous confesser humblement et devotement tous les huict jours: et tousjours quand vous communierez, encor que vous ne sentiez point en vostre conscience aucun reproche de peché mortel; car par la confession vous ne recevez pas seulement l'absolution des pechez veniels que vous confesserez: mais aussi une [81*] grande force pour les esviter à l'advenir, une grande lumiere pour les bien discerner, et une grace abondante pour effacer toute la perte qu'ils vous avoyent apportée.

  A003001964 

 Vous pratiquerez la saincte vertu d'humilité, d'obeïssance, de simplicité, et de charité: et en ceste seule action de la confession vous exercerez plus de vertu qu'en nulle autre..

  A003001965 

 Ayes tousjours un vray desplaisir des pechez que vous confesserez pour petits qu'ils soyent, avec une ferme resolution de vous en corriger à l'advenir..

  A003001966 

 Doncques si vous vous confessez d'avoir menty, quoy que sans nuisance, ou d'avoir dit quelque parolle desreglée, ou d'avoir trop joué, repentez vous en, et ayez ferme propos de vous en amender; car c'est un abus de se confesser de quelque sorte de peché, soit mortel, soit veniel, sans vouloir s'en purger, puis que la Confession n'est instituée que pour cela..

  A003001967 

 De mesme ne vous accusez pas de n'avoir pas prié Dieu avec telle devotion comme vous devez: mais si vous avez eu des distractions volontaires, ou que vous ayez negligé de prendre le lieu, le temps, et la contenance requise, pour avoir l'attention en la priere, accusez vous en tout simplement, selon que vous treuverez y avoir manqué, sans alleguer ceste generalité, qui ne fait ny froid ny chaud en la confession..

  A003001967 

 Et bien, accusez vous doncques de ceste particularité, et dites: ayant veu un pauvre necessiteux, je ne l'ay pas secouru comme je pouvois, par negligence, ou par dureté de cœur, [82*] ou par mespris, selon que vous cognoistrez l'occasion de ceste faute.

  A003001967 

 La raison est, parce qu'en disant cela vous ne dites rien de particulier qui puisse faire entendre au Confesseur l'estat de vostre conscience: d'autant que tous les Saincts de Paradis, et tous les hommes de la terre pourroient dire les mesmes choses s'ils se confessoient.

  A003001967 

 Par exemple, vous vous accusez de n'avoir pas chery le prochain tant comme vous deviez: c'est peut estre, parce qu'ayant veu quelque pauvre fort necessiteux que vous pouviez fort aisement secourir et consoler, vous n'en avez eu nul soing.

  A003001967 

 Regardez doncques quel sujet particulier vous avez de faire ces accusations là: et lors que vous l'aurez decouvert, accusez vous du manquement que vous aurez commis tout simplement et naïvement.

  A003001968 

 Je n'espargneray donc point de dire: je me suis relachée de dire des parolles de courroux, contre une personne ayant prins de luy en mauvaise part quelque parolle qu'il m'a dit, non point pour la qualité des parolles, mais parce que celuy là m'estoit desagreable: et s'il est encore besoing de particulariser les parolles pour vous bien declarer, je pense qu'il seroit bon de les dire.

  A003001968 

 N'espargnez point de dire ce qui est requis pour bien faire entendre la qualité de vostre offence, comme seroit à dire, le sujet que vous avez eu de vous mettre en colere, ou de suporter quelqu'un en son vice: par exemple, un homme lequel me desplait, me dira quelque legere parolle pour rire: je le prendray en mauvaise part, et me mettray en colere.

  A003001968 

 Ne vous contentez pas de dire vos pechez veniels quant au fait, mais accusez vous du motif qui vous a induit à les commettre.

  A003001968 

 Par exemple, ne vous contantez pas de dire que vous avez menty sans interesser personne, mais dites si ç'a esté ou par vaine gloire, afin de vous louer, et excuser, ou par vaine joye, ou par opiniastreté.

  A003001968 

 Si vous avez peché à jouer, expliquez si ç'a esté pour le desir du gain, ou pour le plaisir de la conversation, ainsi des autres: car encore que communement on ne soit pas obligé d'estre si pointileux en la declaration des pechez veniels, et que mesme on ne soit pas tenu absolument de les confesser; si est-ce que ceux qui veulent bien espurer leurs ames pour mieux atteindre à la saincte devotion, ils doivent estre soigneux de bien faire cognoistre au medecin spirituel, le mal pour petit qu'il soit, duquel ils veulent estre gueris.

  A003001969 

 Comme si vous estes tourmentee de la tristesse, du chagrin, ou si vous estes portée à la joye, aux desirs d'acquerir des biens, et semblables inclinations.

  A003001969 

 Ne changez pas aysement de Confesseur; mais en ayant choisi un, continuez à luy rendre conte de vostre conscience aux jours qui sont destinez pour cela, luy disant nayvement les pechez que vous aurez commis, et de temps en temps, comme seroit de mois en mois, ou de deux mois en deux mois dittes luy encore l'estat de vos inclinations quoy que par icelles vous n'ayez pas peché.

  A003001969 

 Prenez garde à une quantité de pechez qui vivent et regnent bien souvant insensiblement dedans la conscience, affin que vous les confessiez, et que vous puissiez vous en purger: et à cest effet lisez diligemment le chapitre 39. et 45.

  A003001973 

 Miserables, dira il, pourquoy estes vous morts ayant à commandement le fruict et la viande de vie? [85*].

  A003001974 

 Ce seroit imprudence de conseiller indistinctement à un chacun cet usage si frequent: mais ce seroit aussi une impudence de blasmer aucun pour iceluy, et sur tout quand il le feroit par l'advis de quelque digne Pere spirituel, La responce de sainte Catherine de Sienne fut gracieuse, quand luy estant opposé à raison de sa frequente Communion que sainct Augustin ne loüoit ny ne vituperoit de communier tous les jours: Et bien, dit elle, puis que S. Augustin ne le vitupere pas, je vous prie que vous ne le vituperiés pas aussi, et je me contante..

  A003001975 

 Mais, Philothee, vous voyez que sainct Augustin exhorte etconseille bien fort que l'on communie tous les Dimanches, faites le donc tant qu'il vous sera possible: puis que, comme je presuppose, vous n'avez nulle sorte d'affection du peché mortel, ny aucune affection au peché veniel.

  A003001975 

 Vous estes en la vraye disposition que S. Augustin requiert, et encore plus excellente: parce que non seulement vous n'avez pas l'affection de pecher, mais vous n'avez pas mesme l'affection du peché: si que quand vostre Pere spirituel le treuveroit bon, vous pourriez utilement encore communier plus souvent que tous les Dimanches..

  A003001976 

 Par exemple, si vous estes en quelque sorte de subjection, et que ceux à qui vous devez de l'obeïssance ou de la reverence soyent si mal instruits ou si bigearres qu'ils s'inquietent et troublent de vous voir si souvent communier, à l'adventure toute chose considerée, sera il bon de condescendre en quelque sorte à leur infirmité, et ne communier que de quinze jours en quinze jours: mais cela s'entend en cas qu'on ne puisse nullement vaincre la difficulté.

  A003001976 

 Plusieurs legitimes empeschemens peuvent neantmoins vous [86*] arriver: non point de vostre costé, mais de la part de ceux avec lesquels vous vivez, qui donneroient occasion au sage Pere spirituel de vous dire que vous ne communiez pas si souvent.

  A003001977 

 Si vous estes bien prudente, il n'y a ny maistre, ny femme, ny mary, ny pere, ny mere qui vous empesche de communier souvent: car puis que le jour de vostre Communion vous ne laisserez pas d'avoir le soing qui est convenable à vostre condition, que vous en serez plus douce et plus gratieuse en leur endroit, que vous ne leur refuserez nulles sortes de devoirs; il n'y a pas de l'apparence qu'ils veuillent vous destourner de cet exercice, qui ne leur apportera nulle incommodité, sinon qu'ils fussent d'un esprit extremement coquilleux et desraisonnable: et en ce cas, comme j'ay dit, à l'adventure que le Pere spirituel voudra que vous usiez de condescendence..

  A003001984 

 Commencez le soir precedant à vous preparer à la saincte Communion, par plusieurs aspirations et eslancemens d'amour, vous retirant un peu de meilleure heure, afin de pouvoir aussi lever plus matin.

  A003001984 

 En fin faictes luy tout l'accueil qu'il vous sera possible, et comportez vous en sorte que l'on cognoisse en toutes vos actions que Dieu est avec vous..

  A003001984 

 Et apres que vous aurez dit les parolles sacrées, (Seigneur je ne suis pas digne) ne remuez plus vostre teste, ny vos levres, soit pour prier, soit pour souspirer: mais ouvrant doucement et mediocrement vostre bouche, et eslevant vostre teste autant qu'il faut pour donner commodité au Prestre pour voir ce qu'il faict, recevez pleine de foy, d'esperance et de charité, Celuy, lequel, auquel, par lequel, et pour lequel vous croyez, esperez et aymez.

  A003001984 

 L'ayant receu excitez vostre cœur à venir faire hommage à ce Roy de salut: traictez avec luy de vos affaires interieures, considerez le dedans vous, où il s'est mis pour vostre bon-heur.

  A003001984 

 O Philothee, imaginez vous que comme l'abeille ayant recueilly sur les fleurs la rosee du ciel, et le suc plus exquis de la terre, elle le porte dans la ruche, ainsi le Prestre ayant pris sur l'autel le Sauveur du monde, vray Fils de Dieu, qui est descendu du Ciel, et vray Fils de la Vierge, qui comme fleur est sorty de la terre de nostre humanité, il le met comme un miel de suavité dedans vostre bouche, et dedans vostre corps.

  A003001984 

 Que si la nuict vous vous resveillez, remplissez soudain vostre cœur et vostre bouche de quelques parolles odorantes, par le [88*] moyen desquelles vostre ame soit parfumee pour recevoir l'Espoux, lequel veillant pendant que vous dormez se prepare à vous apporter mille graces et faveurs, si de vostre part vous estes disposee à les recevoir: le matin levez vous avec grande joye pour le bon-heur que vous esperez: et vous estant confessée allez avec grande confiance, mais aussi avec grande humilité prendre ceste viande celeste qui vous nourrit à l'immortalité.

  A003001985 

 Mais quand vous ne pourrez pas avoir le bien de communier reellement à la saincte Messe, communiez au moins de cœur et d'esprit, vous unissant par un ardant desir et une saincte confiance à ceste chair vivifiante du Sauveur..

  A003001986 

 Vostre grande intention en la Communion doit estre de vous avancer, fortifier, et consoler en l'amour de Dieu: car vous devez recevoir pour l'amour ce que le seul amour vous fait donner.

  A003001987 

 Dites leur que deux sortes de gens doivent souvent communier; les parfaits, parce qu'estans bien disposez ils auroient grand tort de ne point s'approcher de la source et fontaine de perfection; et les imparfaits, afin de pouvoir justement pretendre à la perfection; les forts, afin qu'ils ne deviennent foibles, et les foibles, afin qu'ils deviennent forts: les malades, afin d'estre gueris, et les sains, afin qu'ils ne tombent en maladie: et que pour vous, comme imparfaite, foible, et malade, vous croyez de devoir souvent communiquer avec vostre perfection, vostre force, et vostre medecin.

  A003001987 

 Dites leur que vous recevez souvent le S. Sacrement pour apprendre à le bien recevoir, par ce que l'on ne faict guiere bien une action à laquelle on ne s'exerce pas souvent..

  A003001987 

 Si les mondains vous demandent pourquoy vous communiez si souvent, dites leur que c'est pour apprendre à aimer Dieu, pour vous purifier de vos imperfections, pour vous delivrer de vos miseres, pour vous consoler en vos afflictions, pour vous appuyer en vos foiblesses.

  A003001988 

 Communiez souvent, Philothee, et le plus souvent que vous pourrez avec l'advis de vostre Pere spirituel: et croyez moy, les lievres deviennent blancs parmy nos montagnes en hyver, par ce que ils ne voyent ny ne mangent que de la neige.

  A003001988 

 Et à force d'adorer et manger la beauté, la bonté, et la pureté mesme en ce divin Sacrement, vous deviendrez toute belle, toute bonne, et toute pure..

  A003001997 

 Et sur tout obeïssez amoureusement, pour l'amour de Celuy qui pour l'amour de vous s'est fait obéissant jusques à la mort et la mort de la Croix: et lequel, comme dit S. Bernard, ayma mieux perdre la vie que l'obéissance..

  A003001997 

 Faites doncques leurs commandemens, et cela est de necessité; mais pour estre parfaite suyvez encor leurs conseils, et mesme leurs désirs et inclinations, autant que la charité et prudence vous le permettra.

  A003001997 

 Obeïssez quand ils vous ordonneront chose agreable, comme de manger, prendre de la recreation: car encore qu'il semble que ce n'est pas grande vertu d'obeir en ce cas, ce seroit neantmoins un grand vice de desobeïr.

  A003001997 

 Par la necessaire vous devez humblement obeïr à vos superieurs Ecclesiastiques, comme au Pape, à l'Evesque, au Curé, et à ceux qui sont commis de leur part.

  A003001997 

 Vous devez obeïr à vos superieurs politiques, c'est à dire, à vostre Prince et aux Magistrats qu'il a estably sur vostre pays: vous devez en fin obeïr à vos superieurs domestiques, c'est à dire à vostre pere, mere, mary, maistre, maistresse.

  A003001998 

 Pour apprendre aysement à obéir aux Superieurs, condescendez aysement à la volonté de vos semblables, cedant à leurs opinions en ce qui n'est mauvais, sans estre contentieuse ny revesche: accommodez vous volontiers aux desirs de vos inferieurs, autant que la raison le permettra, sans exercer aucune authorité imperieuse sur eux, tandis qu'ils sont bons.

  A003002002 

 Faites vous ordonner les actions de pieté que vous devés exercer par vostre Pere spirituel, parce qu'elles en seront meilleures, et auront double grace et bonté: l'une d'elles mesmes, puis qu'elles sont pieuses, et l'autre de l'obeissance qui les aura ordonnées, et en vertu de laquelle elles seront faites..

  A003002009 

 Pour le premier degré de cette vertu, gardés vous, Philothee, d'admettre aucune sorte de volupté qui soit prohibée et defendue.

  A003002009 

 Pour le second, retranchés, tant qu'il vous sera possible les delectations inutiles et superflues, quoy que loisibles et non defendues: pour le troisiesme n'attachés point vostre affection aux plaisirs et voluptés, qui vous sont commandées et ordonnées.

  A003002014 

 Ne permettez jamais, Philothee, que nul vous touche incivilement, ny par maniere de folastrerie, ny par maniere de faveur.

  A003002015 

 S. Paul deffend tout court, que la fornication ne soit pas mesmement nommée entre vous.

  A003002018 

 Car tout ainsi que ceux qui couchent sur l'herbe nommée Agnus castus, deviennent chastes et pudiques; de mesme reposant vostre cœur sur nostre Seigneur, qui est le vray Agneau chaste et immaculé, vous verrez que bien tost vostre ame et vostre chair se treuveront purifiées de toutes souillures de lubricité..

  A003002018 

 Tenez vous proche de Jesus-Christ crucifié, et spirituellement par la meditation, et reellement par la saincte Communion.

  A003002022 

 Vostre cœur, ma chere Philothee, doit estre comme cela, ouvert seulement au Ciel, et impenetrable aux richesses, et choses caduques: si vous en avez tenez tousjours vostre cœur exempt de leurs affections; qu'il tienne tousjours le dessus: et qu'emmy les richesses il soit sans richesses, et maistre des richesses.

  A003002023 

 Ce sera, Philothee, si vous les avez en vostre maison, en vostre coffre, en vostre bourse, et non pas en vostre cœur.

  A003002023 

 Les apothicaires ont presque tous des poisons, pour s'en servir en diverses occurrences: mais ils ne sont pas pour cela empoisonnez, parce qu'ils n'ont pas le poison dedans le corps, mais dans leurs boutiques; ainsi pouvez vous avoir des richesses sans estre empoisonnée par icelles.

  A003002025 

 Si vous desirez longuement, ardemment, et avec inquietude les biens que vous n'avez pas, vous avez beau dire que vous ne les voulez pas avoir injustement; car pour cela vous ne laisserez pas d'estre vrayement avare.

  A003002027 

 Ouy, car je veux bien que vous ayez soin d'accroistre vos moyens et facultez, pourveu que ce soit non seulement justement, mais doucement et charitablement..

  A003002028 

 Si vous affectionnez fort les biens que vous avez: si vous en estes fort embesoignée, y mettant vostre cœur, y attachant vos pensées, et craignant d'une crainte vive et empressée de les perdre, croyez moy, vous avez encore quelque sorte de fievre.

  A003002029 

 S'il vous arrive de perdre de vos biens, et vous sentez que vostre cœur s'en desole et afflige beaucoup; croyez, Philothee, que vous y aviez beaucoup d'affection: car rien ne tesmoigne tant l'affection à la chose perduë, que l'affliction de la perte.

  A003002030 

 Ne desirez donc point d'un desir entier et formé le bien que vous n'avez pas: ne mettez point fort avant vostre cœur en celuy que vous avez: ne vous desolez point des pertes qui vous arriveront; et vous aurez quelque sujet de croire qu'estant riche en effet, vous ne estes point d'affection; mais que vous estes pauvre d'esprit, et par consequent bien-heureuse, car le Royaume des Cieux vous appartient..

  A003002034 

 Et moy, ma chere Philothee, je vous veux riche et pauvre, avec un grand soing, et un grand mespris de vos biens temporels.

  A003002035 

 Je veux que vous ayez beaucoup plus de soing de rendre vos biens utiles et fructueux, que les mondains n'ont pas.

  A003002036 

 Or afin qu'il ne vous deçoive, prattiquez la pauvreté; je ne dis pas celle d'esprit, mais je dis la pauvreté d'effect, emmy toutes les facultez et richesses que Dieu nous a données..

  A003002037 

 Il est vray que Dieu vous le rendra, non pas seulement en l'autre monde, [103*] mais en cellui-cy: car il n'y a rien qui fasse tant prosperer temporellement que l'aumosne: mais en attendant que Dieu vous le rende vous serez tousjours appauvrie de cela.

  A003002037 

 Quittez tousjours quelque partie de vos moyens en les donnant aux pauvres de bon cœur: car donner ce qu'on a, c'est s'appauvrir d'autant: et plus vous donnerez, plus vous vous appauvrirez.

  A003002038 

 Aymez les pauvres et la pauvreté; car par cet amour vous deviendrez vrayement pauvre: puis que, comme dit l'Escriture, nous sommes faicts comme les choses que nous aymons.

  A003002038 

 Si doncques vous aymez les pauvres, vous serez vrayement participante de leur pauvreté, et pauvre comme eux..

  A003002039 

 Conversez volontiers avec eux, soyez bien aise qu'ils vous approchent aux Eglises, aux rues, et ailleurs: soyez pauvre de langue avec eux, leur parlant comme leur compaigne: mais soyez riche des mains, leur departant de vos biens, comme plus abondante..

  A003002039 

 Or si vous aymez les pauvres, mettez vous souvent parmi eux; prenez plaisir à les voir chez vous, et à les visiter chez eux.

  A003002040 

 Et comment cela? Le serviteur est moindre que son maistre; rendez vous doncques servante des pauvres: allez les servir dans leurs licts quand ils sont malades; je dis de vos propres mains: soyez leur cuisiniere, et à vos propres despens: soyez leur lingiere et blanchisseuse; ô ma Philothee, ce service est plus triomphant qu'une Royauté! Sainct Louys tout grand Roy qu'il estoit, le pratiquoit avec un zele et perseverance nompareille..

  A003002040 

 Voulez vous faire encore d'avantage, ma chere Philothee? Ne vous contentez pas d'estre pauvre comme les pauvres, mais soyez plus pauvre que les pauvres.

  A003002041 

 J'ay eu faim, vous m'avez repeu; j'ay eu froid, vous m'avez revestu.

  A003002041 

 Possedez le Royaume qui vous a esté preparé dés la constitution du monde, dira le Roy des pauvres, et des Roys, en son grand Jugement..

  A003002043 

 Quand il vous arrivera des inconveniens qui vous appauvriront, ou de beaucoup ou de peu, comme font les tempestes, les feux, les inondations, les sterilitez, les larcins, les proces, ô c'est allors la vraye saison de prattiquer la pauvreté, recevant avec douceur ces diminutions de facultés, et s'accommodant patiemment et constamment à cet appauvrissement.

  A003002047 

 Mais si vous estes reellement pauvre, ma Philothee, ô Dieu, soyés le encor d'esprit.

  A003002048 

 Ayés patience, vous estes en bonne compaignie.

  A003002048 

 Et voila, Philothee, que plus gratieuse en vostre endroit, elle se vient presenter chés vous.

  A003002048 

 Vous l'avez rencontrée sans la chercher et sans peine.

  A003002049 

 Le premier, c'est qu'elle ne vous est point arrivée par vostre choix, mais par la seule volonté de Dieu, qui vous a faitte pauvre, sans qu'il y ayt eu aucune concurrence de vostre volonté propre.

  A003002049 

 Vostre pauvreté, Philothee, a deux grands privileges, par le moyen desquels elle vous peut beaucoup faire meriter.

  A003002051 

 Ne vous plaignés donc pas, ma chere Philothee, de vostre pauvreté: car on ne se plaint que de ce qui desplait; et si la pauvreté vous desplait, vous n'estes plus pauvre d'esprit, ains riche d'affection..

  A003002052 

 Ne vous desolez point de n'estre pas si bien secourue qu'il seroit requis, car en cela consiste l'excellence de la pauvreté.

  A003002053 

 N'ayez point de honte d'estre pauvre, ny de demander l'aumosne en charité: recevés celle qui vous sera donnée avec humilité, et acceptés les refus avec douceur.

  A003002053 

 Resouvenez vous souvent du voyage que nostre Dame fit en Egipte pour y porter son cher Enfant: combien de mespris, de pauvretés, de miseres il luy convint supporter! si vous vivez comme cela, vous serez tres-riche en vostre pauvreté.

  A003002059 

 C'est un mespris de ceux avec lesquels on converse d'aller entre eux en habit desagreable: mais gardez vous bien des affaiteries, vanitez, curiositez, et folastreries.

  A003002059 

 S. Louys dit en un mot que l'on se doit vestir selon son estat: en sorte que les sages et bons ne puissent dire; vous en faictes trop, ny les jeunes gens, vous en faites trop peu..

  A003002059 

 Soyez propre, Philothee, qu'il n'y ait rien sur vous de trainant et maladjencé.

  A003002059 

 Tenez vous tous-jours tant qu'il vous sera possible, du costé de la simplicité, qui est sans doute le plus grand ornement de la beauté, et la meilleure excuse pour la laideur.

  A003002063 

 Mais si la conversation vous arrive ou quelque juste sujet vous invite à vous y rendre, allez de par Dieu, Philothee, et voyez vostre prochain de bon cœur et de bon œil..

  A003002063 

 Recercher les conversations, et les fuïr, ce sont deux extremitez blasmables en la devotion civile, qui est celle de laquelle je vous parle.

  A003002063 

 Si doncques rien ne vous presse d'aller en conversation, ou d'en recevoir chez vous, demeurez en vous-mesme, et vous entretenez avec vostre cœur.

  A003002067 

 O Philothee, ce vous sera tousjours un grand bien d'en rencontrer souvent de telles.

  A003002068 

 Ce que je dis, parce qu'il y a des choses loisibles qui pourtant ne sont pas honnestes; et afin que vostre modestie paroisse, gardez vous des insolences, lesquelles sans doute sont tousjours reprehensibles.

  A003002068 

 Je vous dis encore une fois avec l'Apostre: Soyez tousjours joyeuse; mais en nostre Seigneur, et que vostre modestie paroisse à tous les hommes.

  A003002068 

 Pour vous resjoüir en nostre Seigneur, il faut que le sujet de vostre joye soit loisible, mais honneste.

  A003002068 

 Riez avec les rians, resjoüissez vous avec les joyeux.

  A003002072 

 C'est l'exercice que faisoit le Roy David parmi tant d'occupations [111*] qu'il avoit (comme il tesmoigne par mille traits de ses Pseaumes) comme quand il dit: O Seigneur, et moy je suis tousjours avec vous, Je voyois mon Dieu tousjours devant moy, J'ay eslevé mes yeux à vous, ô mon Dieu, qui habitez au Ciel, Mes yeux sont tous-jours à Dieu.

  A003002072 

 Resouvenez vous cependant, ô Philothee, de faire tousjours plusieurs retraictes en la solitude de vostre cœur, pendant que corporellement vous estes parmy les conversations, ainsi que j'ay marqué cy dessus; et ceste solitude mentale ne peut nullement estre empeschée par la multitude de ceux qui vous sont autour, parce qu'ils ne sont pas autour de vostre cœur, ains autour de vostre corps: si que vostre cœur demeure luy tout seul en la presence de Dieu seul.

  A003002074 

 Outre la solitude mentale, vous devés aimer la solitude locale et reelle, non pas pour vous retirer dans les deserts, comme saincte Marie Egiptienne, sainct Paul premier hermite, et les autres Peres solitaires; mais pour vous retirer dedans vostre chambre ou en quelque autre lieu, auquel separée de tous les hommes, vous puissiés traitter cœur à cœur de vostre ame avec son Dieu, pour dire avec David: J'ay veillé et ay esté semblable au pelican de la solitude: J'ay esté fait comme le chat-huan ou le hyboux, dans les mazures et comme le passereau solitaire au toict.

  A003002078 

 Gardez vous soigneusement de lascher aucune parolle deshonneste: car encore que vous ne les dissiez pas avec mauvaise intention, si est-ce que ceux qui les oyent les peuvent recevoir d'une autre sorte.

  A003002078 

 Si quelque sot vous dit des parolles messeantes, tesmoignez que vos oreilles en sont offencées, ou vous destournant ailleurs, ou par quelque autre moyen, selon que vostre prudence vous enseignera..

  A003002083 

 Gardez vous des parolles injurieuses, pour petites qu'elles soient.

  A003002083 

 Or on en peut user ainsi avec les inferieurs: mais si vous me croyez, Philothée, ce sera si peu souvent, que l'on connoisse bien que ce n'est pas d'un esprit injurieux que ces parolles sortent de vostre bouche.

  A003002083 

 Que si vous pouvés absolument n'en point dire, ce sera chose beaucoup meilleure, à raison du danger qu'il y a de mesprendre entre nous autres, qui ne sommes pas parfaits comme saint Jean Baptiste, et saint Paul: et puis la verité est que si l'esprit de Dieu ne fait dire telles paroles, comme il faisoit en eux, elles n'apportent nulle sorte de correction.

  A003002083 

 Si je dis à un inferieur, vous estes un sot, ou une beste, il interpretera ces mots à cholere, non pas à correction; si que il n'en fera nullement son proffit: mais si je luy remonstre sa faute avec des paroles roides et fermes, sans tesmoignage de courroux, il s'en rendra plus aysement..

  A003002087 

 Dittes volontiers bien de tous, quand vous sçaurés qu'il y en a: ne dittes jamais mal des personnes, quoy que vous sçachiés qu'il y en a. [114*].

  A003002090 

 Apres tout cela, tandis que vous pourrez, blasmez tousjours le vice, et deschargez en la personne qu'on accuse: dites, je ne pourray jamais croire que cette personne ayt fait ce mal..

  A003002092 

 Philothee, ne faites pas cette faute: car outre l'offence de Dieu, elle vous pourroit susciter mille sortes de querelles..

  A003002093 

 Escartés ce propos là, vous resouvenant et la compagnie, que ceux qui ne tombent pas en faute, en doivent toute la grace à Dieu.

  A003002093 

 Quand vous oyés mal dire, rendés douteuse l'accusation, si vous le pouvez faire justement: si vous ne pouvés pas, excusez l'intention de l'accusé: que si cela ne se peut, tesmoignés de la compassion sur luy.

  A003002093 

 R'appellez à soy le mesdisant par quelque douce maniere: dittes quelques autres biens de la personne offencée, si vous le sçavez..

  A003002097 

 Accoustumez vous de ne jamais dire de mensonge à vostre escient, ny par excuse, [116*] ny autrement, vous resouvenant que Dieu est le Dieu de verité.

  A003002097 

 Gardez vous des duplicitez, artifices, et feintises: car bien que il ne soit pas bon de dire tousjours toutes sortes de veritez, si n'est il jamais permis de contrevenir à la verité.

  A003002097 

 Si vous en dittes par mesgarde, et vous pouvés la corriger sur le champ par quelque explication ou reparation, corrigés la.

  A003002111 

 Dansez peu, et peu souvent, ma Philothee, car faisant autrement vous vous mettez en danger de vous y affectionner.

  A003002111 

 Je vous dis des danses, ma Philothee, comme les medecins disent des potirons et champignons.

  A003002111 

 Les meilleurs n'en valent rien, disent ils; et je vous dis que les meilleurs bals ne sont guere bons.

  A003002111 

 Si neantmoins il faut manger des potirons, prenez garde qu'ils soyent bien àpprestez; si par quelque occasion de laquelle vous ne puissiez pas bien vous excuser, il faut aller au bal, prenez garde que vostre danse soit bien apprestée.

  A003002116 

 Mais nous avons ainsi convenu, me direz vous: cela est bon, pour monstrer que celuy qui gaigne ne fait pas tort aux autres: mais il ne s'ensuit pas que la convention ne soit desraisonnable, et le jeu aussi: car le gain qui doit estre le prix de l'industrie, est rendu le prix du sort, qui ne merite nul prix, puis qu'il ne depend nullement de nous..

  A003002116 

 Mais quel grand mal a il, me direz vous? Le gain ne se fait pas en ces jeux selon la raison, mais selon le sort qui tumbe bien souvent à celluy qui par habilité et industrie ne meritoit rien: la raison est donq offencée en cela.

  A003002118 

 La saincte et chaste damoiselle Sara parlant à Dieu de son innocence; Vous sçavez, dit elle, ô Seigneur, que jamais je n'ay conversé entre les joueurs..

  A003002123 

 Mais en un mot, dansés et joüés, Philothee, quand pour condescendre et complaire à la conversation en laquelle vous estes, la prudence et discretion vous le conseilleront; car la condescendence comme dependante de la charité, rend les choses indifferentes bonnes, et les dangereuses permises: elle oste mesme la malice à celles qui ne sont qu'un peu mauvaises.

  A003002131 

 Prenez donques bien garde, ma Philothee, de n'en point avoir de mauvais: car tout aussi tost vous seriez toute mauvaise.

  A003002139 

 O Philothee, aymez un chacun d'un grand amour charitable: mais n'ayez point d'amitié qu'avec ceux qui peuvent communiquer avec vous de choses vertueuses; et plus les vertus que vous mettez en vostre commerce seront exquises, plus vostre amitié sera parfaicte.

  A003002139 

 Si vous communiquez és sciences vostre amitié, c'est certes fort louable: plus encor si vous communiquez aux vertus, en la prudence, discretion, force, justice.

  A003002141 

 Ne faites point d'amitié d'autre sorte, je veux dire des amitiés que vous faites: car il ne faut pas ny quitter, ny mespriser pour cela les amitiés que la nature et les precedens devoirs vous obligent de cultiver, des parens, des alliez, des bien-facteurs, des voisins et autres: je parle de celles que vous choisissez vous-mesme..

  A003002147 

 Vous cognoistrez l'amitié mondaine d'avec la saincte et vertueuse, comme l'on cognoist le miel d'Heraclee d'avec l'autre.

  A003002148 

 Soyez fidelle, constante, et impliable aux vrayes amitiés: fuïez les fausses et frivoles, et vous resouvenez tousjours de ce que dit S. Jaques, L'amitié de ce monde est ennemie de Dieu.

  A003002152 

 Comme par exemple, si un jeune homme desire fort d'estre prouveu de quelque office avant que le temps soit venu, dequoy je vous prie luy sert ce desir? si une femme mariée desire d'estre religieuse, à quel propos? si je desire d'avoir le bien d'autruy justement, avant qu'il soit prest à le vendre, ne perds je pas mon temps en ce desir? Si estant malade je desire de faire les offices de ceux qui sont en santé, cela ce sont des desirs des femmes grosses, qui desirent les cerises fraisches en hyver, et la neige en esté.

  A003002152 

 Ne desirez jamais aucune chose mauvaise: car le seul desir vous rendroit mauvaise: et ne desirez point les choses dangereuses, comme sont les jeux, les bals, les autres passetemps perilleux, ny les honneurs, les charges, ny les visions: ne desirez point les choses fort esloignées, comme font plusieurs, qui desirent les choses qui ne peuvent arriver de long temps: en quoy ils lassent leur cœur inutilement, et se mettent en danger d'inquietude.

  A003002154 

 Ne [129*] desirez point les tentations, mais employez vostre cœur à les attendre courageusement, et à vous en deffendre quand elles arriveront..

  A003002154 

 Ne desirez pas les croix, sinon à mesure que vous aurez bien supportées celles qui se seront presentées: car c'est un abus de desirer le martyre, et n'avoir pas le courage de supporter une injure.

  A003002155 

 C'est bon signe, ma Philothee, d'avoir ainsi bon appetit: mais regardez si vous pourrez bien tout digerer ce que vous voulez manger.

  A003002155 

 Cela faict, Dieu vous en envoyera d'autres, lesquels aussi en leur saison vous prattiquerez, et ainsi vous ne perdrez pas le temps en desirs inutiles.

  A003002155 

 Ne remplissez pas vostre ame de beaucoup de desirs: ny mondains, car ceux-là vous gasteroient du tout: ny mesme spirituels, car ils vous embarrasseroient.

  A003002159 

 Ce que je m'en vay vous dire sont ce pas des iniquitez et déraisons? [130*].

  A003002162 

 Philothee, soyés esgale, et juste en vos actions: mettés vous tousjours en la place du prochain, et le mettez en la vostre, et ainsi vous jugerez bien: rendez vous vendeuse en achettant et achetteuse en vendant, et vous vendrez et achepterés justement.

  A003002162 

 Resouvenés vous donc, ma Philothee, d'examiner souvent vostre cœur, s'il est tel envers le prochain, estant en vostre place, comme voudriez que le sien fut envers vous, si vous estiés en la sienne: car voyla le poinct de la vraye raison.

  A003002168 

 Vous voyez donques que la tristesse, laquelle au commencement est juste engendre l'inquietude, et l'inquietude engendre par apres un surcroist de tristesse, qui est extremement dangereux.

  A003002170 

 Quand donques, ma Philothee, vous serés pressée de quelque desir d'estre delivrée de quelque mal, ou de parvenir à quelque bien, avant toute chose mettés vostre esprit en repos et tranquillité: faittes rasseoir vostre jugement et vostre volonté: et puis tout bellement et tout doucement pourchassés l'issue de vostre desir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables: et quand je dis tout bellement je ne veux pas dire negligemment, mais sans empressement, trouble et inquietude: autrement en lieu d'avoir l'effet de vostre desir, vous gasterés tout, et vous embarrasserez plus fort..

  A003002171 

 Soyés soigneuse de faire souvent l'examen que je vous marqueray cy bas, au chapitre de la troisiesme Partie, considerant si vostre ame s'est point eschappée de vos mains par quelques sortes d'affections déreglées: et si vous decouvrez quelque sorte de desordre, taschés d'appaiser le tout en la presance de Dieu, remettant fort vos empeschemens et desirs à la conduitte et mercy de sa divine providence..

  A003002172 

 Ne permettés pas à vos desirs, pour petits qu'ils soient, et de petite importance, qu'ils vous inquietent: car apres les petits les grands et plus importans treuveroient vostre cœur plus disposé au trouble et dereglement.

  A003002172 

 Quand vous sentirés arriver l'inquietude, recommandez vous à Dieu, et resolvez vous de ne rien faire du tout de ce que vostre desir requiert de vous, que l'inquietude ne soit totallement passée: sinon que ce fut chose qui ne se peut differer; et alors il faut avec un doux et tranquille effort, retenir le courant de vostre desir, et l'attremper ou moderer tant qu'il vous sera possible, et faire la chose, non selon vostre desir, mais selon la raison..

  A003002173 

 Si vous pouvés decouvrir vostre inquietude à celluy qui conduit vostre ame, ou au moins à quelque confident et devot amy, ne doutez [133*] point que tout aussi tost vous ne soyez accoisée: car la communication des douleurs du cœur fait le mesme effet en l'ame, que la seignée fait au corps de celuy qui est en fievre continue; c'est le remede des remedes..

  A003002180 

 Si jamais il vous arrivoit, ma Philothee, d'estre atteinte de ceste mauvaise tristesse, prattiquez les remedes suyvans.

  A003002181 

 Contrariez vivement aux inclinations de la tristesse: et bien qu'il semble que tout ce que vous ferez en ce temps-là se face froidement, tristement, et laschement, ne laissez pourtant pas de le faire: car l'ennemy qui pretend de nous allanguir aux bonnes œuvres par la tristesse, voyant que nous ne laissons pas de les faire, et qu'estant faictes avec resistence elles en valent mieux, il cesse de nous plus affliger..

  A003002184 

 Faictes des actions exterieures de ferveur, quôy que sans goust, embrassant l'image du Crucifix, la serrant sur la poitrine, luy baisant les pieds et les mains, levant vos yeux et vos mains au Ciel, eslançant vostre voix en Dieu par des parolles d'amour et de confiance, comme sont celles-cy, Mon Bien-aymé est à moy, et moy à luy: mon Bien-aimé m'est un bouquet de mirrhe, il demeurera entre mes mammelles; Mes yeux se fondent sur vous, ô mon Dieu, disans, Quand me consolerez vous? O Jesus soyez moy Jesus; Vive Jesus, et mon ame vivra; Qui me separera de l'amour de mon Dieu? et Semblables..

  A003002186 

 Decouvrez tous les ressentimens, affections, et suggestions qui proviennent de vostre tristesse à vostre conducteur et Confesseur, humblement et fidellement: cerchez les conversations de personnes spirituelles, et les hantez le plus que vous pourrez pendant ce temps là.

  A003002186 

 Et en fin finale resignez vous entre les mains de Dieu, vous preparant à souffrir ceste ennuyeuse tristesse patiemment, comme juste punition de vos vaines allegresses: et ne doutez nullement que Dieu apres vous avoir esprouvée ne vous delivre de ce mal.

  A003002190 

 Soyez devote à la parolle de Dieu; et soit que vous l'escoutiez en devis familiers avec vos amis spirituels, soit que vous l'escoutiez au sermon, oyez la tousjours avec attention et reverence, faictes en bien vostre proffit, et ne permettez pas qu'elle tombe à terre, ains recevez la comme un precieux baume dans vostre cœur, à l'imitation de la tres-saincte Vierge, qui conservoit soigneusement dedans son cœur toutes les parolles que l'on disoit à la louange de son enfant; et resouvenez vous que nostre Seigneur recueille les parolles que nous luy disons en nos prieres, à mesure que nous recueillons celles qu'il nous dit par la predication..

  A003002191 

 Ayez tousjours aupres de vous quelque beau livre de devotion, comme sont ceux de S. Bonaventure, de S. Bernard, de Gerson, de Denys le Chartreux, de Louys Blosius, de Grenade, de Stella, d'Arias, de Pinelli, d'Avilla, le Combat spirituel, les Confessions de S. Augustin, les Epistres de sainct Hierosme, et semblables; et lisez-en tous les jours un peu avec grande devotion, comme si vous lisiez des lettres et missives que les Saincts vous eussent envoyées du Ciel, pour vous monstrer le chemin, et vous donner le courage d'y aller.

  A003002191 

 Lisez aussi les histoires et vies des Saincts, esquelles comme dans un miroûer vous verrez le pourtrait de la vie Chrestienne: et accommodez leurs actions à vostre proffit selon vostre vocation: car bien que beaucoup des actions des Saincts ne soyent pas imitables par ceux qui vivent emmy le monde; si est ce neantmoins que toutes peuvent estre suyvies ou de prés ou de loing.

  A003002195 

 Et vous, ma Philothee, parlés souvent de Dieu és devis familiers que vous ferés avec vos amis et voisins: mais tousjours parlés en comme de Dieu, c'est à dire reveremment et devotement: non point faisant la suffisante ny la prescheuse, mais avec esprit de douceur, de charité et d'humilité, distillant (comme il est dit de l'Espouse au Cantique des Cantiques) le miel delicieux de ce que vous sçaurez de la devotion et des choses divines, goutte à goutte, tantost dedans l'aureille de l'un, tantost dedans l'aureille de l'autre: priant Dieu au secret de vostre ame, qu'il luy plaise de faire passer ceste saincte rosée jusques dedans le cœur de ceux qui vous escoutent..

  A003002197 

 Ce que je dis pour vous oster une remarquable vanité qui se treuve en plusieurs personnes qui font profession de devotion, lesquelles à tout propos disent des parolles sainctes et ferventes par maniere d'entregent, et sans y penser nullement: et apres les avoir dittes, il leur est advis qu'ils sont tels que leurs parolles tesmoignent, ce qui n'est pas.

  A003002202 

 Mais tandis que la divine providence ne vous envoye pas des afflictions si sensibles, et si grandes, et qu'il ne requiert pas de vous vos yeux, donnez luy pour le moins vos cheveux: je veux dire supportez tout doucement les menues injures, ces petites incommoditez, ces pertes de peu d'importance, qui vous sont journalieres: car par le moyen de ces petites occasions, employées avec amour, et dilection, vous gaignerez entierement son cœur, et le rendrez tout vostre.

  A003002202 

 Preparez vous doncques, Philothee, à souffrir beaucoup de grandes afflictions pour nostre Seigneur, et mesme à endurer le martyre: resolvez-vous de luy donner tout ce qui vous est de plus precieux, s'il luy plaisoit de le prendre; pere, mere, frere, mary, femme, enfans, vos yeux mesme et vostre vie, car à tout cela vous devez apprester vostre cœur.

  A003002203 

 J'ay dit cet exemple, afin que vous sçachiez, ma Philothee, combien il importe de sçavoir bien dresser toutes nos actions pour viles qu'elles soient, au service de sa divine Majesté..

  A003002204 

 Et pour moy, je vous conseille tant que je puis, d'imiter cette femme forte, de laquelle le grand Salomon a fait tant d'estime, laquelle, comme il dit, mettoit la main à choses fortes, genereuses et relevées, et neantmoins ne laissoit pas de filer et tourner le fuseau.

  A003002204 

 Mettez la main à chose forte, vous exerçant à l'oraison et meditation, à l'usage des Sacremens, à donner de l'amour de Dieu aux ames, à respendre des bonnes inspirations dedans les cœurs: et en fin à faire des œuvres grandes et d'importance selon vostre vocation: mais n'obliés pas aussi vostre fuseau et vostre quenouille: c'est à dire prattiqués ces petites et humbles vertus, lesquelles comme fleurs [139*] croissent au pied de la croix; le service des pauvres, la Visitation des malades, le soin de la famille, et toutes les œuvres qui dependent d'iceluy, et l'utile diligence qui provoque à ne point demeurer oisive, ny de cœur, ny de corps; et parmi toutes ces choses là entre-jettez des pareilles considerations que celles que je viens de dire de saincte Catherine..

  A003002205 

 Faites donq toutes choses au nom de Dieu, et toutes choses seront bien faites; soit que vous mangiés, soit que vous beuviez, soit que vous dormiés, soit que vous vous recrées, soit que vous tourniés la broche, pourveu que vous sçachiés bien mesnager vos affaires vous profiterés beaucoup devant Dieu, faisant toutes ces choses parce que Dieu veut que vous les faciès..

  A003002216 

 Oyez paisiblement leurs propositions, considerez l'amour avec lequel vous estes inspirée, et caressez la saincte inspiration.

  A003002216 

 Resolvez vous, Philothee, d'accepter de bon cœur toutes les inspirations qu'il plairra à Dieu de vous faire: et quand elles arriveront, recevez les comme les Ambassadeurs du Roy celeste, qui desire contracter mariage avec vous.

  A003002217 

 Consentez, mais d'un consentement plein, amoureux et constant à la saincte inspiration: car en ceste sorte, Dieu que vous ne pouvez obliger se tiendra pour fort obligé à vostre affection: mais avant que de consentir aux inspirations des choses importantes ou extraordinaires, afin de n'estre point trompée conseillez vous tousjours à vostre guide, afin qu'il examine si l'inspiration est vraye ou fausse: d'autant que l'ennemy voyant une ame prompte à consentir aux inspirations luy en propose bien souvent des fausses pour la tromper: ce qu'il ne peut jamais faire, tandis qu'avec l'humilité elle obeïra à son conducteur..

  A003002223 

 Imaginez vous, Philothee, une jeune Princesse extremement aymée de son espoux, et que quelque meschant pour la debaucher et souiller son lict nuptial luy envoye quelque infame messager d'amour, pour traitter avec elle son malheureux dessein.

  A003002225 

 Il faut donc estre fort courageuse, Philothee, emmy les tentations, et ne se tenir jamais pour vaincuë pendant qu'elles vous deplairont, en bien observant ceste difference qu'il y a entre sentir et consentir; c'est qu'on les peut sentir encore qu'elles nous deplaisent, mais on ne peut consentir sans qu'elles nous plaisent, puis que le plaisir pour l'ordinaire sert de degré pour venir au consentement.

  A003002227 

 Avés vous jamais veu, Philothee, un grand brasier de feu couvert de cendres: quand on vient dix ou douze heures apres pour y chercher du feu on n'en treuve qu'un peu au milieu du fouyer, et encore a on peine de le treuver.

  A003002231 

 Il vous importe tant de bien entendre cecy, que je ne feray nulle difficulté de m'estendre à l'expliquer.

  A003002232 

 Ce qui dura fort longuement, jusques à tant qu'un jour nostre Seigneur s'apparut à elle, et elle luy dit: Ou estiés vous, mon doux Seigneur, quand mon cœur estoit plain de tant de tenebres et tant d'ordures? A quoy il respondist: J'estois dedans ton [146*] cœur, ma fille.

  A003002232 

 Et comment, repliqua-elle, habitiés-vous dedans mon cœur dans lequel il y avoit tant de vilenies? habités vous donques en des lieux si deshonnestes? Et nostre Seigneur luy dit: Dy moy, ces tiennes salles cogitations de ton cœur te donnoient-elles plaisir ou tristesse, amertume ou delectation? Et elle dit: Extreme amertume et tristesse: et il luy repliqua: Qui estoit celuy qui mettoit cette grande amertume et tristesse dedans ton cœur, sinon moy qui demeurois caché dedans le milieu de ton ame? Croy, ma fille, que si je n'eusse pas esté present, ces pensées qui estoient au tour de ta volonté et ne pouvoient l'expugner, l'eussent sans doute surmontée et seroient entrées dedans, et eussent esté recettes avec plaisir par le libre arbitre, et ainsi eussent donné la mort à ton ame: mais parce que j'estois dedans, je mettois ce deplaisir et cette resistance en ton cœur, par laquelle il se reffusoit tant qu'il pouvoit à la tentation: et ne pouvant pas tant qu'il vouloit il en sentoit un plus grand deplaisir, et une plus grande hayne contre icelle et contre soy-mesme: et ainsi ces peines estoient un grand merite, et un grand gain pour toy, et un grand accroissement de ta vertu et de ta force..

  A003002233 

 Voyez vous, Philothee, comme ce feu estoit couvert de la cendre, et que la tentation et delectation estoit mesme entrée dedans le cœur, et avoit environné la volonté, laquelle seule asistée de son Sauveur resistoit par des amertumes, des desplaisirs et detestations du mal qui luy estoit suggeré, refusant perpetuellement son consentement au peché qui l'environnoit? O Dieu quelle detresse à une ame qui ayme Dieu de ne sçavoir seulement pas si il est en elle ou non, et si l'amour divin pour lequel elle combat est du tout esteint en elle, ou non.

  A003002237 

 Ce que je dis affin que s'il vous arrivoit jamais d'estre affligée de si grandes tentations vous sçachiés que Dieu vous favorise d'une faveur extraordinaire, par laquelle il declare qu'il veut vous agrandir devant sa face: et que neantmoins vous soyés tous-jours humble et craintifve, ne vous asseurant pas de pouvoir vaincre les menuës tentations apres avoir surmonté les grandes, sinon par une continuelle fidellité à l'endroit de sa divine Majesté..

  A003002238 

 Quelles tentations donques qui vous arrivent et quelle delectation qui s'en ensuive, tandis que vostre volonté refusera son consentement, non seulement à la tentation, mais encor à la delectation, ne vous troublés nullement, Philothee, car Dieu n'en est point offencé.

  A003002244 

 Quand doncques vous serez tentée de quelque peché, considerez si vous avez donné volontairement sujet d'estre tentée, et lors la tentation mesme vous met en estat de peché, pour le hazard auquel vous vous estes jettée; et cela s'entend si vous avez peu esviter commodement l'occasion, et que vous ayez preveu ou deu prevoir l'arrivée de la tentation: mais si vous n'avez donné nul sujet à la tentation, elle ne peut nullement vous estre imputée à peché..

  A003002250 

 Recourez de mesme à Dieu, reclamant sa misericorde et son secours: c'est le remede que nostre Seigneur enseigne: Priez afin que vous n'entriez point en tentation..

  A003002250 

 Si tost que vous sentirez en vous quelques tentations, faites comme les petits enfans, quand ils voyent ou le loup ou l'ours en la campagne: car tout aussi tost ils courent entre les bras de leur pere et de leur mere, ou pour le moins les appellent à leur ayde et secours.

  A003002251 

 Si vous voyez que neantmoins la tentation persevere, ou qu'elle accroisse, comme si vous voyez Jesus Christ crucifié devant vous, courez en esprit embrasser sa saincte croix: protestez que vous ne consentirez point à la tentation, et demandez luy secours contre icelle, et continuez tousjours à protester de ne vouloir point consentir tandis que la tentation durera..

  A003002252 

 Mais en faisant ces protestes et ces refus de consentement ne regardez point au visage la tentation, ains seulement regardez nostre Seigneur: car si vous regardiez la tentation, principalement quand elle est forte, elle pourroit esbranler vostre courage..

  A003002261 

 Mesprisez doncques ces menues attaques, et ne daignez pas seulement penser à ce qu'elles veulent dire, mais laissez les bourdonner autour de vos aureilles, tant qu'elles voudront, et courir ça et là autour de vous, comme l'on fait des mousches; et quand elles viendront vous picquer, et que vous les verrez aucunement s'arrester en vostre cœur, ne faites autre chose que de tout simplement les oster, non point combattant contre elles, ny leur respondant, mais faisant des actions contraires quelles qu'elles soyent, et speciallement de l'amour de Dieu.

  A003002261 

 Que si vous me croyez, vous ne vous opiniastrerez pas à faire des actions de la vertu contraire à la tentation que vous sentez, parce que ce seroit quasi vouloir disputer avec elle: mais apres en avoir fait une, si vous avez eu le loisir de recognoistre la tentation, avec un simple retour de vostre cœur, et mouvement de vostre esprit, comme par maniere de diversion, vous ferez une action d'amour à l'endroit de Dieu, et irez baiser en esprit Jesus Christ crucifié: car l'amour de Dieu contenant en soy toutes les perfections de toutes les vertus, il est aussi un souverain remede contre tous vices: et vostre esprit s'accoustumant en toutes tentations de recourir à ce rendez-vous general, ne sera point obligé de regarder et examiner quelles tentations il a, mais simplement se sentant troublé il s'acoisera en ce grand remede..

  A003002266 

 Faictes des œuvres d'abjection et d'humilité le plus que vous pourrez, et encor qu'il vous semble que ce soit à regret: car par ce moyen vous vous habituez à l'humilité, et affaiblirez vostre vanité, en sorte, que quand la tentation viendra, vostre inclination ne la pourra pas tant favoriser, et vous aurez plus de force pour la combattre.

  A003002266 

 Par exemple, si vous vous sentez inclinée à la passion de la vanité, faites souvent des pensées de la misere de ceste vie humaine, combien ses vanitez seront ennuyeuses à la conscience au jour de la mort, combien elles sont indignes d'un cœur genereux, et que ce ne sont que badineries et amusemens de petits enfans, et semblables choses: parlez souvent contre la vanité; et encor'qu'il vous semble que ce soit à contre cœur ne laissez pas de la bien mespriser, car par ce moyen vous vous engagerez mesme de reputation au party contraire: et à force de dire contre quelque chose nous nous esmouvons à la haïr, bien qu'au commencement nous luy eussions de l'affection.

  A003002266 

 Si vous estes inclinée à l'avarice, pensez souvent à la folie de ce peché, qui nous rend esclaves de ce qui n'est crée que pour nous servir: qu'à la mort aussi bien faudra il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera, ou auquel cela servira de ruine et de damnation, et semblables pensées: parlez fort contre l'avarice, et louez fort le mespris du monde: violentez vous à faire souvent des aumosnes et des charitez, et à laisser escouler quelques occasions d'assembler..

  A003002267 

 Si vous estes subjette à vouloir donner ou recevoir de l'amour, pensez souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres: combien c'est une chose indigne de prophaner et employer à passetemps la plus noble affection qui soit [154*] en nostre ame, combien cela est subjet au blasme d'une extreme legereté d'esprit: parlez souvent en faveur de la pureté et simplicité de cœur, et faites aussi, le plus qu'il vous sera possible, des actions conformes à cela, evitant toutes affaiteries, et mugueteries..

  A003002268 

 En somme, en temps de paix, c'est à dire lors que les tentations du peché auquel vous estes subjete ne vous presseront pas, faites force actions de la vertu contraire: et si les occasions ne se presentent pas, allez au devant d'elles pour les rencontrer: car par ce moyen vous renforcerez vostre cœur contre la tentation future..

  A003002272 

 Entre toutes les vertus, je vous recommande les deux bien-aimées de nostre Seigneur et lesquelles seules il a ordonné que nous aprinssions de luy, l'humilité et la douceur de cœur: mais prenés garde que ce soit de cœur: car c'est un des grands artifices de l'ennemy de faire que plusieurs s'amusent à dire des paroles et faire des gestes exterieures de ces deux vertus, lesquels n'examinant pas leurs affections interieures pensent estre humbles et doux, et ne le sont neantmoins nullement en effet: ce que l'on reconnoit, parce que nonobstant leur ceremonieuse douceur et humilité, à la moindre parolle qu'on leur dit de travers, ou la moindre petite injure qu'ils reçoivent, ils s'eslevent avec une arrogance non-pareille..

  A003002273 

 Ne vous laissés nullement persuader de recevoir aucune sorte de cholere et d'ire chés vous, ny pour un sujet ny pour un autre: car pour petite qu'elle soit, depuis qu'une fois elle est entrée dedans le cœur, il est malaysé de l'en sortir, et d'empescher qu'elle ne tyrannise nostre ame: aussi n'est elle utile à chose du monde, puisque, comme dit l'Apostre S. Jaques, l'ire de l'homme n'opere point la [155*] justice de Dieu, et jamais à l'adventure ne s'est il treuvé homme sage qui ne se soit repenty de s'estre mis en cholere..

  A003002282 

 Detestez neantmoins de tout vostre cœur l'offence que Dieu a receu de vous, et avec un grand courage et confiance en la misericorde de Dieu, remettez vous au train de la vertu que vous aviez abandonnée..

  A003002282 

 Relevez doncques vostre cœur quand il tombera, tout doucement, [157*] vous humiliant beaucoup devant Dieu par la recognoissance de vostre misere, sans nullement vous estonner de vostre chêute, puis que ce n'est pas chose admirable que l'infirmité soit infirme, et la foiblesse foible, et la misere chetive.

  A003002283 

 Quand vous vous serez mise en cholere, au premier ressentiment que vous aurez de vostre faute, repàrez la par un acte de douceur, exercée promptément à l'endroit de la mesttie personne contre laquelle vous vous serez irritée: car tout ainsi que c'est un souverain remede contre la mensonge que de s'en dedire sur le champ, tout aussi tost que l'on s'apperçoit de l'avoir dit; aussi est ce un bon remede contre la cholere de la reparer soudainement par un acte contraire de douceur car, comme l'on dit, les playes fraisches sont plus aysement remediables..

  A003002287 

 Resouvenez vous souvent que nostre Seigneur nous a sauvez en souffrant et endurant, et que de mesme nous devons faire nostre salut par les souffrances et afflictions, endurant les injures, contradictions et desplaisirs, avec le plus de douceur et de patience qu'il nous sera possible..

  A003002288 

 Ne bornez point vostre patience à telle ou telle sorte d'injures et d'afflictions, mais estendez la universellement à toutes celles que Dieu vous envoyera et permettra vous arriver.

  A003002289 

 Soyez patiente, Philothee, non seulement pour le gros et principal des afflictions qui vous surviendront, mais encore pour les accessoires et accidens qui en dependront.

  A003002290 

 Quand il vous arrivera du mal, opposez à iceluy les remedes qui seront possibles, et selon Dieu, car de faire autrement ce seroit tenter sa divine Majesté: mais aussi cela estant fait, attendez avec une entiere resignation l'effet que Dieu agréera: s'il luy plaist que les remedes vaincquent le mal, vous le remercierez avec humilité: mais s'il luy plaist que le mal surmonte les remedes, benissez le avec patience.

  A003002291 

 Je suis de l'advis de S. Gregoire: Quand vous serez accusée justement, pour quelque faute que vous aurez commise, humiliez vous bien fort: confessez que vous meritez plus que l'accusation qui est faite contre vous.

  A003002291 

 Que si l'accusation est fausse, excusez vous doucement, niant d'estre coulpable: car vous devez ceste reverence à la verité, et à l'edification du prochain: mais aussi si apres vostre veritable et simple excuse on continue à vous accuser, ne vous troublez nullement, et ne taschez point à faire recevoir vostre excuse: car apres avoir rendu vostre devoir à la verité, vous devez aussi le rendre à l'humilité: et en ceste sorte vous n'offenserez ny le soin que vous devez avoir de vostre renommée, ny l'affection que vous devez à la tranquilité, douceur de cœur et humilité..

  A003002292 

 Plaignez vous le moins que vous pourrez des torts qui vous seront faits: car c'est chose certaine, que pour l'ordinaire qui se plaint peche, d'autant que l'amour propre nous fait tousjours ressentir les injures plus grandes qu'elles ne sont: mais sur tout ne faictes point vos plaintes à des personnes aysées à s'indigner et mal penser.

  A003002292 

 Que s'il est expedient de vous plaindre à quelqu'un, ou pour remedier à l'offence, ou pour acoiser vostre esprit; il faut que ce soit à des ames tranquilles, et qui aiment bien Dieu: car autrement au lieu d'alleger vostre cœur, elles le provoqueront à plus grandes inquietudes: en lieu d'oster l'espine qui vous pique, elles la ficheroient plus avant en vostre pied..

  A003002293 

 Es contradictions qui vous arriveront en l'exercice de la devotion (car cela ne manquera pas) resouvenez vous de la parole de nostre Seigneur: La femme tandis qu'elle enfante a des grandes angoisses, mais voyant son enfant nay elle les oublie, d'autant qu'un homme luy est nay au monde; car vous avez conceu en vostre ame le plus digne enfant du monde, qui est Jesus Christ: avant qu'il soit produit et enfanté du tout, il ne se peut que vous ne vous ressentiez du travail; mais ayez bon courage, car ces douleurs passées la joye eternelle vous demeurera d'avoir enfanté un tel homme au monde.

  A003002293 

 Or il sera entierement enfanté pour vous, lors que vous l'aurez entierement formé en vostre cœur et en vos œuvres, par imitation de sa vie..

  A003002294 

 Obeïssez au medecin, prenez les medecines, viandes et autres remedes pour l'amour de Dieu, vous resouvenant du fiel qu'il print pour l'amour de nous: desirez de guerir pour luy rendre service, ne refusez point de languir pour luy obéir, et disposez vous à mourir, si ainsi il luy plait, pour le loüer et jouïr de luy: et vous resouvenez que les abeilles au temps qu'elles font le miel vivent et mangent d'une munition fort amere; et qu'ainsi nous ne pouvons jamais faire des actes de plus grande douceur et patience, ny mieux composer le miel des excellentes vertus, que tandis que nous mangeons le pain d'amertume, et vivons parmy les angoisses.

  A003002294 

 Quand vous serez malade, offrez toutes vos douleurs, peines et langueurs au service de nostre Seigneur, et le suppliez de les joindre [160*] aux tourmens qu'il a receu pour vous.

  A003002295 

 Voyez souvent, ma chere Philothee, de vos yeux interieurs, Jesus Christ crucifié, nud, blaspheme, calomnié, abandonné, et en fin accablé de toutes sortes d'ennuys, de tristesses, et de travaux: et considerez que toutes vos souffrances, ny en qualité, ny en quantité, ne sont nullement comparables aux siennes: et que jamais vous ne souffrirez rien pour luy au pris de ce qu'il a souffert pour vous..

  A003002300 

 Mais s'il est possible n'en soyez pas en sollicitude et soucy, c'est à dire, ne les entreprenez pas avec inquietude, anxieté et ardeur: ne vous empressez point à la besongne, car toute sorte d'empressement trouble la raison et le jugement, et nous empesche mesme de bien faire la chose à laquelle nous nous empressons..

  A003002300 

 Soyez doncque soigneuse et diligente en toutes les affaires que vous avez en charge, ma Philothee, car Dieu vous les ayant confiez veut que vous en ayez un grand soin.

  A003002301 

 Voyez vous, si elle eust esté simplement soigneuse, elle ne se fut point troublée, mais parce qu'elle estoit en soucy et inquietude, elle s'empresse et se trouble, et c'est en quoy nostre Seigneur la reprend.

  A003002302 

 Recevez doncque les affaires qui vous arriveront en paix, et taschez de les faire par ordre, et l'une apres l'autre: car si vous voulez les faire tout à coup ou en desordre, vous ferez des efforts qui vous fouleront et alanguiront vostre esprit; et pour l'ordinaire vous demeurerés acablée soubs la presse, et sans effet.

  A003002303 

 En toutes vos affaires appuyez vous totalement sur la providence de Dieu, par laquelle seule tous vos desseins doivent reussir: travaillés neantmoins de vostre costé tout doucement pour cooperer avec icelle: et puis croyes que si vous vous estes bien confiée en Dieu, le succes qui vous arrivera de vos desseins sera tousjours le plus profitable pour vous, soit qu'il vous semble bon ou mauvais, selon vostre jugement particulier..

  A003002304 

 Et gardés bien sur toutes choses de quitter sa main et sa protection, pensant d'amasser et recueillir d'avantage: car s'il vous abandonne vous ne ferés point de pas, sans donner du né en terre.

  A003002304 

 Faittes comme les petits enfans, qui de l'une des mains se tiennent à leur pere, et de l'autre cueillent des fraises ou des meures le long des hayes: car de mesme amassant et maniant les biens de ce monde de l'une de vos mains tenes tousjours de l'autre la main du Pere celeste, vous retournant de temps en temps à luy, pour voir s'il a agreable vostre mesnage ou vos occupations.

  A003002304 

 Je veux dire, ma Philothee, que quand vous serés parmi les affaires et occupations communes, qui ne requierent pas une attention si forte et si presente, vous regardiez plus Dieu que les affaires: et quand les affaires sont de si grande importance qu'elles requierent toute vostre attention pour les bien faire, de temps en temps, vous regarderez à Dieu, comme font ceux qui navigent en mer, lesquels pour aller à la terre qu'ils desirent, regardent plus en haut au Ciel que non pas en bas, où ils voguent: ainsi Dieu travaillera avec vous, en vous, et pour vous, et vostre travail sera suivy de consolations.

  A003002309 

 Nostre nature humaine decheoit aysement de ses bonnes affections, à cause de la fragilité et mauvaise inclination de nostre chair, qui appesantit l'ame et la tire tous jours contre bas, si elle ne s'esleve souvent en haut à vive force de resolutions; ainsi que les oyseaux retumbent souvent en terre, s'ils ne multiplient les eslancemans et traits d'aisle, pour se maintenir au vol. Pour cela, ma Philothee, vous avés besoin de reïterer et repeter fort souvent les bons propos que vous avés fait de servir Dieu, de peur que ne le [165*] faisant pas vous ne retumbiés en vostre premier estat, ou plustost en un estat beaucoup pire: car les cheutes spirituelles ont cela de propre qu'elles nous precipitent tousjours plus bas que n'estoit l'estat duquel nous estions montés en haut à la devotion.

  A003002311 

 Ayant donques choisi le temps convenable, selon l'advis de vostre [166*] Pere spirituel, et vous estant un peu plus retirée en la solitude et spirituelle, et reelle que l'ordinaire, vous ferés une, ou deux, ou trois meditations sur les poincts suivans, selon la methode que je vous ay donnée en la premiere Partie..

  A003002315 

 Le troisiesme c'est que s'il vous arrivoit de tomber en quelque mauvaise action, vous vous en releveriez soudainement, moyennant la grace de Dieu; mais ne sont ce pas là des belles, justes, dignes, et genereuses resolutions? Pesez bien en vostre ame combien ceste protestation est saincte, raisonnable et desirable..

  A003002316 

 Considerez à qui vous avez faicte ceste protestation, car c'est à Dieu.

  A003002316 

 Si les parolles raisonnables données aux hommes nous obligent estroittement, combien plus celles que nous avons données à Dieu? Ah Seigneur, disoit David, c'est à vous à qui mon cœur l'a dict: mon cœur a projetté ceste bonne parolle: non, jamais je ne l'oubliray..

  A003002317 

 Helas la saincte Vierge, vostre bon Ange, S. Louys, toute ceste beniste troupe vous regardoit, et souspiroit sur vos parolles des souspirs de joye et d'approbation; et voyoit des yeux d'un amour indicible vostre cœur prosterné au pied du Sauveur qui se consacroit au service de sa divine bonté: on fit une joye particuliere pour cela parmi la Hierusalem celeste, et maintenant on en fera la commemoration, si de bon cœur vous renouveliez vos resolutions..

  A003002318 

 Considerez par quels moyens vous fistes vostre protestation; helas combien Dieu vous fut doux et gratieux en ce temps-là.

  A003002318 

 Mais dittes en verité, fustes vous pas conviée par des doux attraits du S. Esprit? les cordes avec lesquelles Dieu tira vostre petite barque à ce port [167*] salutaire, furent elles pas d'amour et charité? comme vous alla-il amorçant avec son sucre divin, par les Sacremens, par la lecture, par l'oraison? Helas ma fille, vous dormiez, et Dieu veilloit sur vous, et pensoit sur vostre cœur des pensées de paix: il meditoit pour vous des meditations d'amour..

  A003002319 

 Considerez en quel temps Dieu vous tira à ces grandes resolutions, car ce fut en la fleur de vostre aage; ah quel bon-heur d'apprendre tost ce que nous ne pouvons sçavoir que trop tard! S. Augustin ayant esté tiré à l'aage de trente ans s'escrioit: O ancienne beauté, comme t'ay je si tard cogneuë? Helas je te voyois, et ne te considerois point; et vous pourrez bien dire: O douceur ancienne, pourquoy ne t'ay je plustost savourée? helas neantmoins encore ne le meritiez vous pas alors: et partant recognoissant quelle grace Dieu vous a fait de vous attirer en vostre jeunesse, dites avec David: O mon Dieu vous m'avez esclairée et touchée dés ma jeunesse, et jusques à jamais j'annonceray vostre misericorde.

  A003002319 

 Que si ç'a esté en vostre vieillesse, helas, Philothee, quelle grace, qu'apres avoir ainsi abusé des années precedentes, Dieu vous ayt appellé avant la mort, et qu'il ayt arresté la course de vostre misere, au temps auquel si elle eut continué vous estiez eternellement miserable..

  A003002320 

 Considerez les effets de ceste vocation: vous treuverez je pense en vous de bons changemens, comparant ce que vous estes avec ce que vous estiez.

  A003002320 

 Ne prenez vous point à bon-heur de sçavoir parler à Dieu par l'oraison? d'avoir affection à le vouloir aimer? d'avoir accoisé et pacifié beaucoup de passions qui vous inquietoient? d'avoir esvité plusieurs pechez et embarrassemens de conscience? et en fin d'avoir si souvent communié de plus que vous n'eussiez pas fait, vous unissant à ceste souveraine source des graces eternelles? ah que ces graces sont grandes; il faut, ma fille, les peser au poids du Sanctuaire: c'est la main dextre de Dieu qui a fait tout cela.

  A003002321 

 Apres toutes ces considerations, lesquelles comme vous voyez, fournissent tout plein de bonnes affections, il faut simplement conclurre par action de graces, et une priere affectionnée d'en bien proffiter; se retirant avec humilité et grande confiance en Dieu, reservant de faire les resolutions apres le deuxiesme poinct de cet exercice.

  A003002325 

 Apres chasque poinct de l'examen vous remarquerez en quoy vous vous treuvez amendée, et en quoy vous avez du defaut, et quels principaux detraquemens vous avez ressentis, affin de vous en declarer pour prendre conseil, resolution, et confortement d'esprit.

  A003002325 

 Bien qu'és jours que vous ferez cet exercice et les autres, il ne soit pas requis de faire une absolue retraitte des conversations, si faut il en faire un peu, sur tout du costé du soir, afin que vous puissiez gaigner le lict de meilleure heure, et prendre le repos de corps et d'esprit, necessaire à la consideration; et parmi le jour il faut faire des frequentes aspirations en Dieu, à N. Dame, aux Anges, à toute la Hierusalem celeste: il faut encor que le tout se face d'un cœur amoureux de Dieu, et de la perfection de vostre ame.

  A003002325 

 Il est neantmoins requis de faire tout ce second point en deux jours et deux nuicts pour le plus, prenant de chasque jour et de chasque nuit quelque heure, je veux dire quelque temps, selon que vous verrez: car si cet exercice ne se faisoit qu'en des temps fort distans les uns des autres, il perdroit sa force, et donneroit des impressions trop lasches.

  A003002325 

 Il n'est pas requis ny expedient que vous faciez à genoux sinon le commencement et la fin qui comprend les affections.

  A003002325 

 Le second poinct de l'exercice est un peu long, et pour le pratiquer je vous diray qu'il n'est pas requis que vous le faciez tout d'une traitte, mais à plusieurs fois: comme prenant ce qui regarde vostre deportement envers Dieu pour un coup, ce qui vous regarde vous mesme pour l'autre, ce qui concerne le prochain pour l'autre, et la consideration des passions pour le quatriesme.

  A003002325 

 Les autres poincts de l'examen, vous les pouvez faire utilement en vous promenant, et encor plus utilement au lict, si par adventure vous y pouvez estre quelque temps sans assoupissement et bien-esveillée: mais pour ce faire il les faut avoir bien leu auparavant.

  A003002330 

 Mettez vous en la presence de Dieu..

  A003002331 

 Invoquez le S. Esprit, luy demandant lumiere et clarté, afin que vous vous puissiez bien cognoistre, avec S. Augustin, qui s'escrioit devant Dieu en esprit d'humilité: O Seigneur, que je vous cognoisse, et que je me cognoisse, et S. François qui interrogeoit Dieu, disant: Qui estes vous, et qui suis je?.

  A003002332 

 Protestez de ne vouloir remarquer vostre advancement pour vous en resjoüir en vous mesme, mais pour vous en resjoüir en Dieu, ny pour vous en glorifier, mais pour glorifier Dieu, et l'en remercier..

  A003002333 

 Protestez que si comme vous pensez, vous descouvrez d'avoir peu proffité, ou bien d'avoir reculé, vous ne voulez nullement pour tout cela vous abbatre, ny refroidir par aucune sorte de descouragement ou relaschement de cœur, ains qu'au contraire vous voulez vous encourager et animer d'avantage, vous humilier, et remedier aux defauts, moyennant la grace de Dieu..

  A003002337 

 Cela fait considerez doucement et tranquillement comme jusques à l'heure presente vous vous estes comportée envers Dieu, envers le prochain, et à l'endroit de vous mesme..

  A003002341 

 Quel est vostre cœur contre le peché mortel? avez vous une resolution forte de ne le jamais commettre pour quelque chose qui [170*] puisse arriver, et ceste resolution a elle duré de vostre protestation jusques à present?.

  A003002342 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des commandemens de Dieu? les trouvés vous bons, doux, agreables? ah ma fille, qui a le goust en bon estat et l'estomach sain, il aime les bonnes viandes, et rejette les mauvaises..

  A003002343 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des pechez veniels? on ne sçauroit se garder d'en faire quelqu'un par cy, par là, mais y en a-il point auquel vous ayez une speciale inclination? et ce qui seroit le pis, y en a-il point auquel vous ayez affection et amour?.

  A003002344 

 Quel est vostre cœur à l'endroit des exercices spirituels? les aymez-vous? les estimez-vous? vous faschent ils point? en estes vous point degoustée? auquel vous sentez vous moins inclinée? auquel vous sentez vous plus inclinée? ouïr la parole de Dieu, la lire, en deviser, mediter, aspirer en Dieu, se confesser, prendre les advis spirituels, s'apprester à la Communion, se communier, restraindre ses affections, qu'y a-il en cela qui repugne à vostre cœur? et si vous treuvez quelque chose à quoy ce cœur aye moins d'inclination, examinez d'où vient ce degoust, qu'est ce qui en est la cause?.

  A003002345 

 Sentez vous en vostre cœur une certaine facilité à l'aymer, et un goust particulier à savourer cet amour? vostre cœur se recrée il point à penser à l'immensité de Dieu, à sa bonté, à sa suavité? si le souvenir de Dieu vous arrive emmy les occupations du monde, et les vanitez, se fait il point faire place? saisit il point vostre cœur? vous semble il point que vostre cœur se tourne de son costé, et en certaine façon luy va au devant? Il y a certes des ames comme cela..

  A003002347 

 Quel est vostre cœur à l'endroit de Jesus Christ Dieu et homme? vous plaisés vous autour de luy? Les mouches à miel se plaisent autour de leur miel, et les guespes autour des puanteurs; ainsi les [171*] bonnes ames sa plaisent autour de Jesus Christ et de sa Croix, et les mauvaises autour des vanités..

  A003002348 

 Quel est vostre cœur à l'endroit de nostre Dame, des Saints, de vostre bon Ange? les aymez-vous fort? avez-vous une specialle confiance en leur bienveuïllance? leurs images, leurs vies, leurs louanges vous plaisent elles?.

  A003002349 

 Quant à vostre langue, comme parlés-vous de Dieu? vous plaisez-vous d'en dire du bien selon vostre condition et suffisance? aymes vous à chanter ses Cantiques?.

  A003002350 

 Quant aux œuvres, pensez si vous avez à cœur la gloire exterieure de Dieu, et de faire quelque chose à son honneur..

  A003002354 

 Comme vous aymez vous? vous aymez vous point trop pour ce monde? si cela est, vous desirerez de demeurer tousjours icy, et aurez un extreme soin de vous establir en ceste terre: mais si vous vous aymez pour le Ciel, vous desirerez, au moins acquiescerez aysement, de sortir d'icy bas à l'heure qu'il plairra à nostre Seigneur..

  A003002355 

 Tenez vous bon ordre en l'amour de vous mesme? car il n'y a que l'amour desordonné de nous mesme, qui nous ruine.

  A003002356 

 Quel amour avés vous à vostre cœur? vous faschés vous point de le servir en ses maladies? helas vous luy devés ce soin quand ses passions le tourmentent..

  A003002357 

 Que vous estimés vous devant Dieu? rien sans doute: or il n'y a pas grande humilité en une mousche de ne s'estimer rien au pris d'une montaigne, ny en une goutte d'eau de se tenir pour rien en comparaison de la mer, ny à une bluette ou estincelle de se tenir pour rien au pris du soleil: mais l'humilité gist à ne point nous surestimer aux autres, et à ne vouloir pas estre surestimés par les autres: à quoy en estes vous pour ce regard? [172*].

  A003002358 

 Quant à la langue, vous vantez vous point ou d'un biais ou d'un autre? vous flattés vous point en parlant de vous?.

  A003002359 

 Quant aux œuvres, prenez vous point de plaisir contraire à vostre santé: je veux dire de plaisir vain, inutile, trop de veillées sans sujet, et semblables?.

  A003002364 

 Examinés bien si vostre cœur est franc en leur endroit, et si vous avez grande contradiction à les aymer..

  A003002364 

 Mais pour parler en general, quel est vostre cœur à l'endroit du prochain? l'aymés vous bien cordiallement, et pour l'amour de Dieu? Pour bien discerner cela, il vous faut bien representer certaines gens ennuyeux et maussades: car c'est là où on exerce l'amour de Dieu envers le prochain, et beaucoup plus envers ceux qui nous font du mal, ou par effet, ou par parolles.

  A003002365 

 Estes vous point prompte à parler du prochain en mauvaise part? sur tout de ceux qui ne vous ayment pas? faites vous point de mal au prochain, ou directement, ou indirectement? pour peu que vous soyés raisonnable vous vous en apercevrés aysement..

  A003002383 

 Apres avoir doucement consideré à quoy vous en estes, vous viendrez aux affections suivantes..

  A003002384 

 Remerciés Dieu de ce peu d'amendement que vous aurés treuvé en vostre vie dés vostre resolution, et reconnoistrés que ç'a esté sa misericorde seule qui l'a fait en vous, et pour vous..

  A003002385 

 Humiliés vous fort devant Dieu, reconnoissant que si vous n'avés pas beaucoup avancé, ç'a esté par vostre manquement, parce que vous n'avez pas fidellement, courageusement et constamment correspondu aux inspirations, clartés et mouvemens que Dieu vous a données, en l'oraison, et ailleurs..

  A003002386 

 Promettés luy de le loüer à jamais des graces exercées en vostre endroit pour vous retirer de vos inclinations à ce petit amendement..

  A003002387 

 Demandés luy pardon de l'infidelité et desloyauté, avec laquelle vous avés correspondu..

  A003002389 

 Suppliés le qu'il vous rende toute fidelle..

  A003002395 

 Mettez vous en la presence de Dieu, demandez luy grace de vous bien resoudre à son sainct service..

  A003002399 

 O ma belle ame (devés vous dire) vous pouvez entendre, et vouloir Dieu, pourquoy vous amuserez vous à chose moindre? Vous pouvez pretendre à l'Eternité, pourquoy vous amuserez vous aux momens? Ce fut l'un des regrets de l'enfant prodigue, qu'ayant peu vivre délicieusement en la table de son pere, il mangeoit vilainement en celle des bestes.

  A003002404 

 O vie devote que vous estes belle, douce, agreable, et souëfve! vous adoucissez les tribulations et rendez souëfves les consolations: sans vous le bien est mal, et les plaisirs pleins d'inquietudes, troubles et defaillances: ah qui vous cognoistroit pourroit bien dire avec la Samaritaine, Domine da mihi hanc aquam; Seigneur donnez moy cette eau; aspiration fort frequente à la M. Therese, et à saincte Catherine de Genes..

  A003002413 

 Cet amour vous regardoit, et par toutes ces peines et travaux obtenoit de Dieu le Pere des bonnes resolutions et protestations pour vostre cœur, et par mesme moyen obtenoit encor tout ce qui vous est necessaire, pour maintenir, nourrir, fortifier, et consommer ces resolutions.

  A003002413 

 O resolutions que vous estes precieuses, estant fille d'une telle mere, comme est la passion de mon Sauveur! ô combien mon ame vous doit cherir, puis que vous avez esté si cheres à mon Jesus? Helas ô Sauveur de mon ame, vous mourustes pour m'acquerir mes resolutions, he faittes moy la grace que je meure plustost que de les perdre..

  A003002414 

 Ouy, sans doute, comme une femme enceinte prepare le berceau, les linges et bandelettes, et mesme une nourrice pour l'enfant qu'elle pretend faire, encore qu'il ne soit pas au monde; ainsi, ma chere fille, nostre Seigneur ayant sa bonté grosse et enceinte de vous, preendant de vous enfanter au salut, et vous rendre sa fille, il prepara sur l'arbre de la Croix tout ce qu'il falloit pour vous, vostre berceau spirituel, [178*] vos linges et bandelettes, vostre nourrice, et tout ce qu'il falloit pour vostre bon-heur.

  A003002414 

 Voyez vous, ma fille, il est certain que le cœur de nostre cher Jesus voyoit le vostre dés l'arbre de la Croix et l'aimoit, et par cet amour luy obtenoit tous les biens qu'il aura jamais, et entre autres nos resolutions: vray ma fille, nous pouvons tous dire comme Hieremie; O Seigneur, avant que je fusse vous me regardiez, et m'appelliez par mon nom, d'autant que vrayement sa divine bonté prepara en son amour et misericorde tous les moyens généraux et particuliers de nostre salut, et par consequent nos resolutions.

  A003002419 

 Considerez l'amour eternel que Dieu vous a porté: car desja avant que nostre Seigneur Jesus Christ, entant qu'homme souffrit en Croix pour vous, sa divine Majesté vous projettoit en sa souveraine bonté, et vous aymoit extremement.

  A003002419 

 Et quand commença-il à estre Dieu? jamais: car il l'a tousjours esté, sans commencement, et sans fin: et aussi il vous a tousjours aymé dés l'eternité: c'est pourquoy il vous preparait les graces et faveurs qu'il vous a faictes.

  A003002419 

 Il a doncques pensé entre autres choses à vous faire faire vos resolutions de le servir.

  A003002419 

 Il le dit par le Prophete: Je t'ay aymé (il parle à vous aussi bien qu'à nul autre) d'une charité perpetuelle: et partant je t'ay attiré, ayant pitié de toy.

  A003002419 

 Mais quand commença-il à vous aymer? il commença quand il commença à estre Dieu.

  A003002424 

 O cheres resolutions! vous estes le bel arbre de vie, que mon Dieu a planté de sa main au milieu de mon cœur; que mon Sauveur veut arrouser de son sang pour le faire fructifier.

  A003002424 

 Plustost mille morts, que de permettre qu'aucun vent vous arrache.

  A003002425 

 Helas, Seigneur, mais vous l'avez planté, et avez dans vostre sein paternel gardé eternellement ce bel arbre, pour mon jardin.

  A003002426 

 O belles et sainctes resolutions! si je vous conserve vous me conserverez: si vous vivez en mon ame, mon ame vivra en vous.

  A003002426 

 Vivez doncques à jamais, ô resolutions, qui estes eternelles en la misericorde de mon Dieu: soyez et vivez eternellement en moy, que jamais je ne vous abandonne..

  A003002427 

 Apres ces affections il faut que vous particularisiez les moyens requis pour maintenir ces cheres resolutions, et que vous protestiés de vous en vouloir fidellement servir.

  A003002427 

 La frequence de l'oraison, des Sacremens, des bonnes œuvres, l'amendement de vos fautes reconnues en la deuziesme partie, le retranchement des mauvaises occasions, la suitte des advis qui vous seront donnés pour ce regard..

  A003002428 

 Ce qu'estant fait, comme par une reprise d'haleine et de force, protestés mille fois, que vous continuerez en vos resolutions; et comme si vous teniés vostre cœur, vostre ame, vostre volonté en vos mains, dediés la, consacrés la, sacrifiés la et l'immolés à Dieu; [180*] protestant que vous ne la reprendrés plus, mais la laisserés en la main de sa divine Majesté, pour suivre en tout et par tout ses ordonnances..

  A003002429 

 Priés Dieu qu'il vous renouvelle toute, qu'il benisse vostre renouvellement de protestation, et qu'il le fortifie; invoqués la Vierge, vostre Ange, les Saints, S. Louys..

  A003002430 

 Allés en cette esmotion de cœur aux pieds de vostre Pere spirituel, accusés vous des fautes principales que vous aurés remarquées d'avoir commises, dés vostre confession generale, et recevez l'absolution en la mesme façon que vous fistes la premiere fois; prononcés devant luy la protestation, et la signés, et en fin allés unir vostre cœur renouvellé à son principe et Sauveur, au tres-Sainct Sacrement de l'Eucharistie..

  A003002434 

 Le jour que vous aurés fait ce renouvellement et les autres suivans, vous devés fort souvent redire de cœur et de bouche ces ardentes paroles de S. Paul, de S. Augustin, de S. Catherine de Genes, et autres.

  A003002434 

 O monde vous estes tous-jours vous mesme: et moy j'ay tousjours esté moy-mesme, mais doresnavant je ne seray plus moy-mesme.

  A003002439 

 Combien y a il de loix civiles aux Digestes et au Code, lesquelles doivent estre observées, mais cela s'entend selon les occurrences, et non pas qu'il les faille toutes prattiquer tous les jours? Au demeurant David, Roy plein d'affaires tres-difficiles, prattiquoit bien plus d'exercices que je ne vous ay pas marqués.

  A003002439 

 Faites donques hardiment ces exercices, selon que je vous les ay marqués; et Dieu vous donnera asses de loisir et de force de faire tout le reste de vos affaires: ouy quand il devroit arrester le soleil comme il fit du temps de Josue.

  A003002439 

 Le monde vous dira, ma Philothee, que ces exercices et ces advis sont en si grand nombre, que qui voudra les observer il ne faudra pas qu'il vacque à autre chose.

  A003002439 

 Mais ne voyés vous la ruse? S'il falloit faire tous ces exercices tous les jours, à la verité ils nous occuperoient du tout: mais il n'est pas requis de les faire, sinon en temps et lieu, chacun selon l'occurrence.

  A003002444 

 Refaittes tous les premiers jours du mois la protestation qui est en la premiere Partie, apres la meditation: et à tous momens protestés de la vouloir observer, disant avec David: Non, jamais eternellement je n'oubliray vos justifications, ô mon Dieu, car en icelles vous m'avés vivifiée; et quand vous sentirez quelque detraquement en vostre ame, prenés vostre protestation en main, et prosternée en esprit d'humilité proferés la de tout vostre cœur, et vous treuverés un grand allegement..

  A003002445 

 Faites profession ouverte de vouloir estre devote; je ne dis pas d'estre devote, mais je dis de le vouloir estre; et n'ayes point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent à l'amour de Dieu; advoüés hardiment, que vous vous essaïés de mediter, que vous aymeriés mieux mourir que de pecher mortellement, que vous voulés frequenter les Sacremens, et suyvre les conseils de vostre Directeur (bien que souvent il ne soit pas necessaire de le nommer, pour plusieurs raisons) car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu, et qu'on s'est consacré à son amour, [183*] d'une specialle affection, est fort aggreable à sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ayt honte de luy ny de sa Croix: et puis elle coupe chemin à beaucoup de semonces, que le monde voudroit faire au contraire, et nous oblige de reputation à la poursuitte.

  A003002445 

 Que si quelqu'un vous dit que l'on peut vivre devotement sans la prattique de ces advis et exercices, ne le niez pas, mais respondés amiablement, que vostre infirmité est si grande qu'elle requiert plus d'aydes et de secours qu'il n'en faut pas pour les autres..

  A003002446 

 En fin, ma Philothee, perseverés et continués en cette bien-heureuse vie: ne vous lassés jamais à la poursuitte.

  A003002446 

 Et quand la peine de la vie devote vous fera peur, dites avec S. François:.

  A003002446 

 Regardez l'enfer, ne vous y jettez pas pour ces vanitez: regardez vous vous mesme, et ne vous damnez pas pour aucune chose; regardez l'Eternité, et ne l'abandonnez pas pour les moments: regardez Jesus, ne le renoncez pas pour le monde.


04-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IV-Vol.1-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A004000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A004000117 

 L'amour du Pere celeste prit son bon playsir en vous de toute eternité, destinant vostre chaste cœur a la perfection du saint amour, affin qu'un jour vous aymassies son Filz unique de l'unique amour maternel, comme il l'aymoit éternellement de l'unique amour paternel.

  A004000117 

 Tressainte Mere de Dieu, vaysseau d'incomparable election, Reyne de la souveraine dilection, vous estes la plus aymable, la plus amante et la plus aymee de toutes les creatures.

  A004000118 

 Mais, o Mere toute triomphante, qui peut jetter ses yeux sur vostre majesté sans voir a vostre dextre celuy que vostre Filz voulut si souvent, pour l'amour de vous, honnorer du tiltre de Pere, le vous ayant uni par le lien celeste d'un mariage tout virginal, a ce qu'il fust vostre secours et coadjuteur en la charge de la conduite et education de sa divine enfance? O grand saint Joseph, Espoux tres aymé de la Mere du Bienaymé, hé, combien de fois aves vous porté l'Amour du Ciel et de la terre entre vos bras, tandis que, embrasé des doux embrassemens et baysers de ce divin Enfant, vostre ame fondoit [1] d'ayse Ihors qu'il prononçoit tendrement a vos oreilles (o Dieu, quelle suavité!) que vous esties son grand ami et son cher Pere bienaymé!.

  A004000119 

 Hé, je vous conjure par ce cœur de vostre doux Jesus qui est le Roy des cœurs, que les vostres adorent, animés mon ame et celles de tous ceux qui liront cet escrit, de vostre toute puissante faveur envers le Saint Esprit, affin que nous immolions meshuy en holocauste toutes nos affections a sa divine Bonté, pour vivre, mourir et revivre a jamais, emmi les flammes de ce celeste feu que Nostre Seigneur vostre Filz a tant desiré d'allumer en nos cœurs, que pour cela il ne cessa de travailler et souspirer jusques a la mort et la mort de la croix.

  A004000128 

 Representes vous des belles colombes aux rayons du soleil: vous les verrés varier en autant de couleur [3] comme vous diversifierés le biays duquel vous les regarderés, parce que leurs plumes sont si propres a recevoir la splendeur, que le soleil venant mesler sa clarté avec leur pennage, il se fait une multitude de transparences lesquelles produisent une grande varieté de nuances et changemens de couleurs; mais couleurs si aggreables a voir, qu'elles surpassent toutes couleurs et l'esmail encor des plus belles pierreries; couleurs resplendissantes et si mignardement dorees, que leur or les rend plus vivement colorees, car en cette considération le Prophete royal disoit aux Israelites:.

  A004000130 

 Quoy que l'affliction vous fanne le visage,.

  A004000189 

 C'est sottise de commander a un cheval qu'il ne s'engraisse pas, qu'il ne croisse pas, qu'il ne regimbe pas: si vous desirés tout cela, leves-luy le ratelier; il ne luy faut pas commander, il le faut gourmander pour le dompter..

  A004000226 

 Car je vous prie, Theotime, qu'est ce que le bien sinon ce que chacun veut? et qu'est ce que la volonté sinon la faculté qui porte et fait tendre au bien, ou a ce qu'elle estime tel? La volonté donques appercevant et sentant le bien par l'entremise de l'entendement qui le luy represente, ressent a mesme tems une soudaine delectation et complaisance en ce rencontre, qui l'esmeut et incline, doucement mays puissamment, vers cet object aymable, [40] affin de s'unir a luy; et pour parvenir a cette union, elle luy fait chercher tous les moyens plus propres..

  A004000237 

 Mais, je vous prie, quelle similitude y a-il entre la chaux et l'eau, ou bien entre l'eau et l'esponge? et neanmoins, la chaux et l'esponge prennent l'eau avec une avidité non pareille, et tesmoignent envers elle un amour insensible extraordinaire.

  A004000244 

 Or, faysant parler l'Espouse la premiere, comme par maniere d'une certaine surprise d'amour, il luy fait faire d'abord cet eslancement: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche! Voyes vous, Theotime comme l'ame en la personne de cette bergere ne pretend, par le premier souhait qu'elle exprime, qu'une chaste union avec son Espoux, comme protestant que c'est l'unique fin a laquelle elle aspire et pour laquelle elle respire; car, je vous prie, que veut dire autre chose ce premier souspir: Qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche?.

  A004000246 

 Ainsy fut il employé universellement entre les premiers Chrestiens, comme le grand saint Paul tesmoigne quand il dit aux Romains et Corinthiens: Salues vous mutuellement les uns les autres par le saint bayser; et, comme plusieurs tesmoignent, Judas, en la prise de Nostre Seigneur, employa le bayser pour le faire connoistre, parce que ce divin Sauveur baysoit ordinairement ses disciples quand il les rencontroit, et non seulement ses disciples, mais aussi les petitz enfans qu'il prenoit amoureusement entre ses bras, comme il fit celuy par la comparayson duquel il invita si solemnellement ses disciples a la charité du prochain, que plusieurs estiment avoir esté saint Martial, comme l'Evesque Jansenius le rapporte..

  A004000253 

 Mais a quelle sorte d'union tend-il? N'aves-vous pas remarqué, Theotime, que l'Espouse sacree exprime son souhait d'estre unie avec son Espoux, par le bayser, et que le bayser represente l'union spirituelle qui se fait par la reciproque communication des ames? Certes, c'est l'homme qui ayme, mais il ayme par la volonté, et partant, la fin de son amour est de la nature de sa volonté: mais sa volonté est spirituelle, c'est pourquoy l'union que son amour pretend est aussi spirituelle; d'autant plus que le cœur, siege et source de l'amour, non seulement ne seroit pas perfectionné par l'union qu'il auroit aux choses corporelles, mays en seroit avili.

  A004000260 

 Vous voyés donques bien, Theotime que ces unions qui regardent les complaysances et passions animales, non seulement ne servent de rien a la production et conservation de l'amour, mais luy sont grandement nuisibles et l'affoiblissent extremement: aussi, quand l'inceste Ammon, qui pasmoit et perissoit d'amour pour Thamar, eut passé jusques aux unions sensuelles et brutales, il fut tellement privé de l'amour cordial, qu'onques plus il ne la peut voir, et la poussa indignement dehors, violant aussi cruellement le droit de l'amour comme il avoit violé impudemment celuy du sang..

  A004000270 

 Abraham, selon l'inferieure portion de son ame, dit cette parole qui tesmoigne quelque sorte de defiance, quand l'Ange luy annonça qu'il auroit un filz: Pensés-vous qu'a un homme de cent ans puisse naistre un enfant? mais selon la superieure, il creut en Dieu, et il luy fut imputé a justice.

  A004000302 

 L'Espouse sacree avoit souhaité le saint bayser d'union: O, dit-elle, qu'il me bayse d'un bayser de sa bouche! Mais y a-il asses de convenance, o la bienaymee du Bienaymé, entre vous et l'Espoux, pour parvenir a l'union que vous desires? Ouy, dit-elle, donnes-le moy, ce bayser d'union, o le cher ami de mon ame, car vous aves des mammelles meilleures que le vin, odorantes de parfums excellens.

  A004000316 

 Car quelle compassion, je vous prie, de voir cet excellent philosophe parler parfois de Dieu avec tant de goust, de sentiment et de zele, qu'on le prendroit pour un Chrestien sortant de quelque sainte et profonde meditation, et neanmoins ailleurs, d'occasion en occasion, mentionner les dieux a la payenne? Hé, ce bon homme, qui connoissoit si bien l'unité divine et avoit tant de goust de la bonté d'icelle, pourquoy n'a-il pas eu la sainte jalousie de l'honneur divin, affin de ne point gauchir ni dissimuler en un sujet de si grande importance?.

  A004000335 

 O abisme des perfections divines, que vous estes admirable de posseder en une seule perfection l'excellence de toute perfection, en une façon si excellente que nul ne la peut comprendre, sinon vous mesme!.

  A004000336 

 Benissans le Seigneur, exaltés-le tant que vous pourrés, car il surpasse toute louange.

  A004000336 

 Or, en l'exaltant reprenes vos forces, mais ne vous lasses pas pourtant; car jamais vous ne le comprendrés.

  A004000348 

 Imaginons, je vous prie, d'un costé un peintre qui fait l'image de la naissance du Sauveur (et j'escris ceci es jours dediés a ce saint mystere): il donnera sans doute mille et mille traitz de pinceau, et mettra non seulement des jours mais des semaines et des moys a façonner ce tableau, selon la varieté des personnages et autres choses qu'il y veut representer.

  A004000358 

 Dieu donques, Theotime, n'a pas besoin de plusieurs actes, puisque un seul divin acte de sa toute puissante volonté suffit a la production de toute la varieté de ses œuvres, a rayson de son infinie perfection: mais nous autres mortelz avons besoin d'en traitter avec la methode et maniere d'entendre a laquelle nos petitz espritz peuvent arriver, selon laquelle, pour parler de la Providence divine, considerons, je vous prie, le regne du grand Salomon, comme un modele parfait de l'art de bien regner..

  A004000362 

 Et parce que ci apres je vous exhorteray, Theotime, a joindre vostre volonté a la providence divine, tandis que je suis sur le discours d'icelle je vous veux dire un mot de la providence naturelle.

  A004000364 

 Les adventures de l'ancien Joseph furent admirables en varieté et en passages d'une extremité a l'autre: ses freres qui l'avoyent vendu pour le perdre, furent tout estonnés de le voir devenu vice-roy, et apprehendoyent infiniment qu'il ne se ressentist du tort qu'ilz luy avoyent fait: Mais non, leur dit-il, ce n'est pas tant par vos menees que je suis envoyé ici, comme par la Providence divine; vous avés eu des mauvais desseins sur moy, mais Dieu les a reduitz a bien.

  A004000364 

 Voyes vous, Theotime, le monde eust appelle fortune [98] ou evenement fortuit ce que Joseph dit estre un projet de la Providence souveraine, qui range et reduit toutes choses a son service; et il en est ainsy de tout ce qui se passe au monde, et mesme des monstres, la naissance desquelz rend les œuvres accomplies et parfaittes plus estimables, produit de l'admiration et provoque a philosopher et faire plusieurs bonnes pensees, et, en somme, ilz tiennent lieu en l'univers comme les ombres es tableaux, qui donnent grace et semblent relever la peinture..

  A004000400 

 Hé, voyci que je vous offre mon esprit et je vous monstreray ma parole. Et cette mesme Sapience poursuit en Ezechiel, disant: Que personne ne die, je suis emmi les pechés, et comment pourray-je revivre? ah non! car voyci que Dieu dit: Je suis vivant, et aussi vray que je vis, je ne veux point la mort de l'impie, mais qu'il se convertisse de sa voye et qu'il vive.

  A004000400 

 La Sapience eternelle, dit Salomon, presche tout en public, elle fait retentir sa voix emmi les places, elle crie et recrie devant les peuples, elle prononce ses paroles es portes des villes, elle dit: Jusques a quand sera-ce, o petitz enfans, que vous aymeres l'enfance? et jusques a quand sera-ce que les forcenés desireront les choses nuisibles, et que les imprudens haïront la science? Convertisses-vous, revenes a moy sur cet advertissement.

  A004000401 

 Certes, cette riche, comble et plantureuse suffisance de moyens que Dieu eslargit aux pecheurs pour l'aymer, paroist presque par tout en l'Escriture: car voyes ce divin Amant a la porte; il ne bat pas simplement, il s'arreste a battre, il appelle l'ame: Sus, leve toy, ma bienaymee, depesche toy, et met sa main dans la serreure, pour voir s'il pourroit point ouvrir; s'il presche emmi les places, il ne presche pas simplement, mais il va criant, c'est a dire, il continue a crier; s'il exclame qu'on se convertisse, il semble qu'il ne l'a jamais asses repeté: Convertisses-vous, convertisses-vous, faites penitence, retournés a moy, vivés; pourquoy mourres-vous, mayson d'Israël? En somme, ce divin Sauveur n'oublie rien pour monstrer que ses miserations sont sur toutes ses œuvres, que sa misericorde surpasse son jugement, que sa redemption est copieuse, que son amour est infini, et, comme dit l'Apostre, qu'il est riche en misericorde, et que par consequent il voudrait que tous les hommes fussent sauvés, et qu'aucun ne perist.

  A004000401 

 L'Apostre, comme vous voyes, oppose les richesses de la bonté de Dieu aux thresors de la malice du cœur impenitent, et dit que le cœur malicieux est si riche en iniquité, que mesme il mesprise les richesses de la debonnaireté par laquelle Dieu l' attire a penitence; et notés que ce ne sont pas simplement les richesses de la bonté divine que l'obstiné mesprise, mais les richesses attrayantes a penitence, richesses qu'on ne peut bonnement ignorer.

  A004000405 

 Or, comme vous voyes, Theotime, ce n'a pas esté par aucun merite des œuvres que nous eussions fait, mais selon sa misericorde qu'il nous a sauvés, par cette charité ancienne, ains eternelle, qui a esmeu sa divine Providence de nous attirer a soy.

  A004000409 

 Voyés, je vous prie, Theotime, le pauvre prince des Apostres tout engourdi dans son peché en la triste nuit de la Passion de son Maistre: il ne pensoit non plus a se repentir de son peché que si jamais il n'eust conneu son divin Sauveur; et comme un chetif apode atterré, il ne se fust onques relevé, si le coq, comme instrument de la divine Providence, n'eust frappé de son chant a ses oreilles, a mesme que le doux Redempteur, jettant un regard salutaire comme une sagette d'amour, transperça ce cœur de pierre qui rendit par apres tant d'eau, a guise de l'ancienne pierre lhors qu'elle fut frappee par Moyse au desert.

  A004000414 

 Oyés donq, je vous prie, Theotime, que les habitans de Corozaïn et Bethsaïda, enseignés en la vraye religion, ayans receu des faveurs si grandes qu'elles eussent en effect converti les payens mesmes, neanmoins ils demeurerent obstinés et ne voulurent onques s'en prevaloir, rejettant cette sainte lumiere par une rebellion incomparable.

  A004000417 

 O Dieu tout bon, vous ne laissés que ceux qui vous laissent, vous ne nous ostés jamais vos dons, sinon quand nous vous ostons nos cœurs.

  A004000425 

 Le devot frere Rufin, sur quelque vision qu'il avoit eue de la gloire a laquelle le grand saint François parviendroit par son humilité, luy fit cette demande: «Mon cher Pere, je vous supplie de me dire en verité quelle opinion vous aves de vous mesme.

  A004000425 

 Mais, repliqua frere Rufin, comment pouves vous dire cela en verité et conscience, puisque plusieurs autres, comme l'on void manifestement, commettent plusieurs grans pechés, desquelz, grace a Dieu, vous estes exempt? A quoy saint François respondant: Si Dieu eust favorisé, dit-il, ces autres desquelz vous parles, avec autant de misericorde comme il m'a favorisé, je suis certain que, pour meschans qu'ilz soyent maintenant, ilz eussent esté beaucoup plus reconnoissans des dons de Dieu que je ne suis, et le serviroyent beaucoup mieux que je ne [123] fay; et si mon Dieu m'abandonnoit, je commettrois plus de meschancetés qu'aucun autre.».

  A004000426 

 Vous voyés, Theotime, l'advis de cet homme, qui ne fut presque pas homme, ains un Seraphin en terre.

  A004000441 

 Helas, Theotime, le pauvre Pachome, quoy que de bon naturel, dormoit pour lhors dans la couche de son infidelité; et voyla que tout a coup, Dieu se treuve a la porte de son cœur, et par le bon exemple de ces Chrestiens, comme par une douce voix, il l'appelle, l'esveille et luy donne le premier sentiment de la chaleur vitale de son amour; car a peyne eut-il ouï parler, comme je viens de dire, de l'aymable loy du Sauveur, que tout rempli d'une nouvelle lumiere et consolation interieure, se retirant a part et ayant quelque tems pensé en soy mesme, il haussa les mains au ciel, et avec un profond souspir il se print a dire: «Seigneur Dieu, qui avés fait le ciel et la terre, si vous daignés jetter vos yeux sur ma bassesse et sur ma peyne et me donner connoissance de vostre Divinité, je vous prometz de vous servir, et d'obeir toute ma vie a vos commandemens.» Depuis cette priere et promesse, l'amour du vray bien et de la pieté prit un tel accroissement en luy, qu'il ne cessoit point de prattiquer mille et mille exercices de vertu..

  A004000442 

 Il m'est advis, certes, que je voy en cet exemple un rossignol qui, se resveillant a la prime aube, commence a se secouer, s'estendre, desployer ses plumes, voleter de branche en branche dans son buisson, et petit a petit gazouiller son delicieux ramage: car n'aves-vous pas pris garde, comme le bon exemple de ces charitables Chrestiens excita et resveilla en sursaut le bienheureux Pachome? Certes, cet estonnement d'admiration qu'il [131] en eut ne fut autre chose que son resveil, auquel Dieu le toucha, comme le soleil touche la terre, avec un rayon de sa clarté, qui le remplit d'un grand sentiment de playsir spirituel.

  A004000443 

 Cependant voyes, je vous prie, Theotime, comme Dieu va doucement renforçant peu a peu la grace de son inspiration dedans les cœurs qui consentent, les tirant apres soy comme de degré en degré sur cette eschelle de Jacob.

  A004000443 

 Mais quelz sont ses attraitz? Le premier, par lequel il nous previent et resveille, se fait par luy «en nous» et «sans nous;» tous les autres se font aussi par luy, et «en nous,» mais non pas «sans nous.» Tires-moy, dit l'Espouse sacree, c'est a dire, commences le premier, car je ne sçaurois m'esveiller de moy mesme, je ne sçaurois me mouvoir si vous ne m'esmouves; mays quand vous m'aures esmeüe, alhors, o le cher Espoux de mon ame, nous courrons nous deux: vous courres devant moy en me tirant tous-jours plus avant, et moy je vous suivray a la course, consentant a vos attraitz; mays que personne n'estime que vous m'allies tirant apres vous comme une esclave forcee ou comme une charrette inanimee; ah non, vous me tires a l'odeur de vos parfums.

  A004000443 

 Si je vous vay suivant, ce n'est pas que vous me traisnies, c'est que vous m'alleches; vos attraitz sont puissans, mays non pas violens, [132] puisque toute leur force consiste en leur douceur.

  A004000449 

 Vous aves ouy dire, Theotime, qu'es Conciles generaux il se fait des grandes disputes et recherches de la verité, par discours, raysons et argumens de theologie; mays la chose estant debattue, les Peres, c'est a dire les Evesques, et specialement le Pape qui est le chef des Evesques, concluent, resoulvent et determinent, et la determination estant prononcee chacun s'y arreste et y acquiesce pleinement, non point en consideration des raysons alleguees en la dispute et recherche precedente, mays en vertu de l'authorité du Saint Esprit qui, presidant invisiblement es Conciles, a jugé, determiné et conclu par la bouche de ses serviteurs qu'il a establis Pasteurs du Christianisme.

  A004000453 

 Mays quand la sainte foy a representé a nostre esprit ce bel object de son inclination naturelle, o vray Dieu, Theotime, quel ayse, quel playsir, quel tressaillement universel de nostre ame! laquelle alhors, comme toute surprise a l'aspect d'une si excellente beauté, s'escrie d'amour: O que vous estes beau, mon Bienaymé, o que vous estes beau!.

  A004000479 

 L'amour que nous prattiquons en l'esperance, Theotime, va certes a Dieu, mays il retourne a nous; il a son regard en la divine Bonté, mays il a de l'esgard a nostre utilité; il tend a cette supreme perfection, mays il pretend nostre satisfaction: c'est a dire, il ne nous porte pas en Dieu parce que Dieu est souverainement bon en soy mesme, mais parce qu'il est souverainement bon envers nous mesmes; ou, comme vous voyes, il y a du nostre et du nous mesme; et partant, cet amour est voirement amour, mais amour de convoitise et interessé.

  A004000491 

 Le bon homme Epictete fait un souhait de mourir en vray Chrestien (comme il est fort probable qu'aussi fit il), et, entre autres choses, il dit qu'il seroit content s'il pouvoit en mourant eslever ses mains a Dieu et luy dire: «Je ne vous ay point, quant a ma part, fait de deshonneur;» et de plus, il veut que son philosophe face un serment admirable a Dieu de ne jamais desobeir a sa divine Majesté, ni blasmer ou accuser chose quelconque qui arrive de sa part, ni de s'en plaindre en façon que ce soit; et ailleurs il enseigne que Dieu et «nostre bon Ange » sont presens a nos actions.

  A004000491 

 Vous voyes donq bien, Theotime, que ce Philosophe, lhors encor payen, connoissoit que le peché offençoit Dieu, comme la vertu l'honnoroit, et que par consequent il vouloit qu'on s'en repentist, puisque mesme il ordonnoit que l'on fist l'examen de conscience au soir, en faveur duquel, avec Pitagore, il fait cet advertissement:.

  A004000492 

 «Si vous aves mal fait, tances vous aigrement;.

  A004000493 

 Si vous aves bien fait, ayes contentement.».

  A004000503 

 Hé, ne voyes vous pas, Theotime, que toutes ces repentances se font pour l'interest de nostre ame, de sa felicité, de sa beauté interieure, de son honneur, de sa dignité, et, en un mot, pour l'amour de nous mesmes, mais amour neanmoins legitime, juste et bien reglé..

  A004000514 

 Voyes, je vous prie, Theotime, la bienaymee Magdeleine comme elle pleure d'amour: On a enlevé mon Seigneur, dit-elle, toute fondue en larmes, et ne sçay ou on l'a mis; mais l'ayant treuvé par les souspirs et les pleurs, elle le tient et possede par amour.

  A004000515 

 Mais, ce me dires-vous, quelle vertu ou proprieté de l'amour peut avoir la repentance, si elle n'a pas l'action? Theotime, le motif de la parfaite repentance, c'est la bonté de Dieu laquelle il nous desplait d'avoir offencee; or, ce motif n'est motif sinon parce qu'il esmeut et donne le mouvement, mais le mouvement que la bonté divine donne au cœur qui la considere ne peut estre que le mouvement d'amour, c'est a dire d'union: c'est pourquoy la vraye repentance, bien qu'il ne soit pas advis et qu'on ne voye pas la propre action de l'amour, reçoit neanmoins tous-jours le mouvement de l'amour et la qualité unissante d'iceluy, par laquelle elle nous reunit et rejoint a la divine bonté.

  A004000515 

 Mays quelle difference y a-il, me repliqueres-vous, entre ce mouvement unissant de la penitence et l'action propre de l'amour? Theotime, l'action de l'amour est un mouvement d'union voirement, mais il se fait par complaysance: or, le mouvement d'union qui est en la penitence se fait, non par voye de complaysance, ains de desplaysir, de repentance, de reparation, de reconciliation; entant donq que ce mouvement unit, il a la qualité de l'amour, entant qu'il est amer et douloureux, il a la qualité de la penitence; et, en somme, de sa naturelle condition c'est un vray mouvement de penitence, mais qui a la vertu et qualité unissante de l'amour.

  A004000518 

 Or, parce que cette repentance amoureuse se prattique ordinairement par des eslans ou eslevemens du cœur en Dieu, pareilz a ceux des anciens pœnitens: Je suis vostre, o mon Dieu, sauves-moy; Ayés misericorde de moy, ayés-en misericorde, car mon ame se confie en vous; Sauves-moy, Seigneur, car les eaux submergent mon ame; Faites-moy comme un de vos mercenaires; Seigneur, soyes-moy propice, a moy, pauvre pecheur, ce n'est pas sans rayson que quelques uns ont dit que l'orayson justifioit; car l'orayson repentante, ou la repentance suppliante, eslevant l'ame en Dieu et la reunissant a sa bonté, obtient sans doute le pardon, en vertu du saint amour qui luy donne le mouvement sacré.

  A004000525 

 Ainsy donq, pour conclure ce point, l'ame prevenue de la grace, sentant les premiers attraitz et consentant a leur douceur, comme revenant a soy apres une si longue pasmayson, elle commence a souspirer ces paroles: Helas, o mon cher Espoux, mon ami, tires moy, je vous prie, et me prenes par dessous le bras, car je ne puis autrement aller; mais si vous me tires, nous courrons: vous, en m'aydant par l'odeur de vos parfums, et moy, correspondant par mon foible consentement et odorant vos suavités qui me renforcent et revigorent toute, jusqu'a ce que le bausme de vostre nom sacré, c'est a dire l'onction salutaire de ma justification soit respandue en moy.

  A004000525 

 Voyes vous, Theotime, elle ne prieroit pas si elle n'estoit excitee, mais si tost qu'elle l'est et qu'elle sent les attraitz, elle prie qu'on la tire; estant tiree elle court, mays elle ne courroit pas si les parfums qui l'attirent, et par lesquelz on la tire, ne luy avivoient le cœur par la force de leur odeur precieuse; et comme elle court plus fort et qu'elle s'approche de plus pres de son celeste Espoux, elle sent tous-jours plus delicieusement les suavités qu'il respand, jusques a ce qu'en fin luy mesme s'escoule dedans son cœur par maniere de bausme respandu, si qu'elle s'escrie, comme surprise de ce contentement, non si tost attendu et inopiné: O mon Espoux, vous estes un bausme versé dans mon sein! ce n'est pas merveille si les jeunes ames vous cherissent.

  A004000540 

 Le sacré Concile de Trente nous asseure que «les amis de Dieu, allans de vertu en vertu, sont renouvelles de jour en jour, c'est a dire croissent par bonnes œuvres en la justice qu'ilz ont receüe par la grace divine, et sont de plus en plus justifiés, selon ces celestes advertissemens: Qui est juste, qu'il soit derechef justifié,» et qui est saint, qu'il soit encor plus sanctifié; Ne doute point d'estre justifié jusques a la mort; Le sentier des justes s'avance et croist, connue une lumiere resplendissante, jusques au jour parfait; Faisans la verité avec charité, croissons en tout en Celuy qui est le chef, a sçavoir Jesus Christ; et, en fin, Je vous prie que vostre charité croisse de plus en plus: qui sont toutes paroles sacrees selon David, saint Jean, l'Ecclesiastique et saint Paul..

  A004000541 

 Qui est le prix, sinon Jesus Christ? et comme le pourres-vous apprehender si vous ne le suivés? Que si vous le suivés, vous ires et courres tous-jours, car il ne s'arresta jamais, ains continua la course de son amour et obeissance, jusques a la mort et la mort de la croix..

  A004000541 

 Tous courent, mais un seul emporte le prix; coures en sorte que vous l'obtenies.

  A004000542 

 Allés donq, dit saint Bernard, allés, dis-je avec luy, allés, mon cher Theotime, et n'ayes point d'autres bornes que celles de vostre vie, et tandis qu'elle durera, courés apres ce Sauveur; mais courés ardemment et vistement, car, dequoy vous servira de le suivre, si vous n'estes si heureux que de l'aconsuivre? Escoutons le Prophete: J'ay incliné mon cœur a faire vos justifications eternellement; il ne dit pas qu'il les gardera pour un tems, mais pour jamais; et parce qu'il veut eternellement bien faire, il aura un eternel salaire.

  A004000550 

 Voyés-vous, Theotime, ce verre d'eau ou ce petit morceau de pain qu'une sainte ame donne au pauvre, pour Dieu: c'est peu de fait certes, et chose presque indigne de consideration selon le jugement humain; Dieu neanmoins le recompense, et tout soudain donne pour cela quelqu'accroissement de charité.

  A004000554 

 Certes, le sacré Concile de Trente parle ainsy: «Si quelqu'un dit que la justice receüe n'est pas conservee, et que mesmes elle n'est pas augmentee devant Dieu par bonnes œuvres, [172] mays que les œuvres sont seulement fruitz et signes de la justification acquise, et non pas cause de l'augmenter, anatheme.» Voyés-vous, Theotime, la justification qui se fait par la charité est augmentee par les bonnes œuvres, et, ce qu'il faut remarquer, c'est par les bonnes œuvres sans exception; car, comme dit excellemment saint Bernard sur un autre sujet, «rien n'est excepté ou rien n'est distingué.» Le Concile parle des bonnes œuvres indistinctement et sans reserve, nous donnant a connoistre, que non seulement les grandes et ferventes, ains aussi les petites et foibles, font augmenter la sainte charité; mais les grandes, grandement, et les petites, beaucoup moins..

  A004000563 

 Ne voyons-nous pas, Theotime, que souvent les hommes sains et robustes ont besoin qu'on les provoque a bien employer leur force et leur pouvoir, et que, par maniere de dire, on les conduise a l'œuvre par la main? Ainsy, Dieu nous ayant donné sa charité, et par icelle la force et le moyen de gaigner païs au chemin de la perfection, son amour neanmoins ne luy permet pas de nous laisser aller ainsy seulz; ains il le fait mettre en chemin avec nous, il le presse de nous presser, et sollicite son cœur de solliciter et pousser le nostre a bien employer la sainte charité qu'il nous a donnee, repliquant souvent par ses inspirations les advertissemens que saint Paul nous fait: Voyés de ne point recevoir la grace celeste en vain; Tandis que vous aves le tems faites tout le bien que vous pourres; Courés en sorte que vous emporties le prix.

  A004000565 

 Ne voyes-vous pas le jeune homme de l'Evangile, que Nostre Seigneur aymoit, et qui, par consequent, estoit en charité? il n'avoit, certes, nulle pensee de vendre tout ce qu'il avoit pour le donner aux pauvres et suivre Nostre Seigneur; ains, quand Nostre Seigneur luy en eut donné l'inspiration, encor n'eut-il pas le courage de l'executer.

  A004000566 

 Saint Anthoine fut assailli d'une effroyable legion de demons, desquelz ayant asses longuement soustenu les effortz, non sans une peyne et des tourmens incroyables, en fin il vit le toit de sa cellule se fendre, et un rayon celeste fondre dans l'ouverture, qui dissipa en un moment la noyre et tenebreuse trouppe de ses ennemis et luy osta toute la douleur des coups receus en cette bataille: dont il conneut la presence speciale de Dieu, et jettant un profond souspir du costé de la vision: «Ou esties vous, o bon Jesus,» dit-il, «ou esties vous? pourquoy ne vous estes vous pas treuvé ici des le commencement, pour remedier a ma peyne?» «Anthoine,» luy fut il respondu d'en haut, «j'estois ici, mais j'attendois l'issue de ton combat: or, parce que tu as esté brave et vaillant, je t'ayderay tous-jours.» Mais en quoy consistoit la vaillance et le courage de ce grand soldat spirituel? Il le declara luy mesme une autre fois, qu'estant attaqué par un diable qui avoüa d'estre l'esprit de fornication, ce glorieux Saint, apres plusieurs parolles dignes de son grand courage, commença a chanter le verset 7 du Psalme CXVII:.

  A004000594 

 Courés en sorte que vous obtenies le prix.

  A004000594 

 Veillés, demeurés en la foy, travaillés courageusement et confortés-vous, faites toutes vos affaires en charité.

  A004000604 

 Hé, que reste-il, Seigneur, sinon que je proteste que vous estes mon Dieu es siecles des siecles! Amen..

  A004000604 

 O Seigneur, dit elle donq alhors, vous aves esté avec moy et m'aves gardee en la voÿe par laquelle je suis venue, vous m'aves donné le pain de vos Sacremens pour ma nourriture, vous m'aves revestue de la robbe nuptiale de charité, vous m'aves heureusement amenee en ce sejour de gloire qui est vostre mayson, o mon Pere eternel.

  A004000612 

 Et que cette suite des effectz de la Providence ayt esté ainsy ordonnee avec la mesme dependance qu'ilz ont les uns des autres en l'eternelle volonté de Dieu, la sainte Eglise le tesmoigne quand elle fait la preface d'une de ses solemnelles prieres en cette sorte: «O Dieu eternel et tout puissant, qui estes Seigneur des vivans et des mortz, et qui usés de misericorde envers tous ceux que vous prevoyes devoir estre a l'advenir vostres par foy et par œuvre;» comme si elle avouoit que la gloire, qui est le comble et le fruit de la misericorde divine envers les hommes, n'est destinee que pour ceux que la divine sapience a preveu qu'a l'advenir, obeissans a la vocation, viendroyent a la foy vive qui opere par la charité..

  A004000615 

 Mays voyés, je vous prie, Theotime, de quelle ardeur Dieu desire que nous soyons siens, puisque a cette [186] intention il s'est rendu tout nostre, nous donnant sa mort et sa vie; sa vie affin que nous fussions exemptz de l'eternelle mort, et sa mort affin que nous puissions jouir de l'eternelle vie.

  A004000619 

 O Dieu, dit saint Augustin, «vous aves creé mon cœur pour vous, et jamais il n'aura repos qu'il ne soit en vous!» Mais qu'ay-je au ciel sinon vous, o mon Dieu, et quelle autre chose veux-je sur la terre? Ouy, Seigneur, car vous estes le Dieu de mon cœur, mon lot et mon partage eternellement.

  A004000634 

 Hé, n'allegués pas, je vous prie, que cette sainte Vierge fut neanmoins sujette au dormir; non, ne me dites pas cela, Theotime, car ne voyes-vous pas que son sommeil est un sommeil d'amour, de sorte que son Espoux mesme veut qu'on la laisse dormir tant qu'il luy plaira? Ah, gardés bien, je vous en conjure, dit-il, d'esveiller ma Bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A004000635 

 C'est pourquoy, quand elle mettoit son cors angelique au repos du sommeil: Or sus, reposés, disoit elle, o tabernacle de l'Alliance, Arche de la sainteté, throsne de la Divinité, allegés vous un peu de vostre lassitude, et reparés vos forces par cette douce tranquillité..

  A004000636 

 Et puis, mon cher Theotime, ne saves vous pas que les songes mauvais procurés volontairement par les pensees depravees du jour, tiennent en quelque sorte lieu de peché, parce que ce sont comme des dependances et executions de la malice precedente? Ainsy, certes, les songes provenans des saintes affections de la veille sont estimés vertueux et sacrés.

  A004000636 

 Mon Dieu, Theotime, quelle consolation d'ouïr saint Chrysostome, racontant un jour a son peuple la vehemence de l'amour qu'il luy portoit! «La necessité du sommeil,» dit-il, «pressant nos paupieres, la tirannie de nostre amour envers vous excite les yeux de nostre esprit, et maintefois emmi mon sommeil il m'a esté advis que je vous parlois, car l'ame a accoustumé de voir en songe, par imagination, ce qu'elle pense parmi la journee: ainsy, ne vous voyans pas des yeux de la chair, nous vous voyons des yeux de la charité.» Hé, doux Jesus, qu'est-ce que devoit songer vostre tressainte Mere Ihors qu'elle dormoit et que son [193] cœur veilloit? Ne songeoit-elle point de vous voir encor plié dans ses entrailles, comme vous fustes neuf mois? ou bien pendant a ses mammelles et pressant doucement le sacré chicheron de son tetin virginal? Helas, que de douceurs en cette ame! Peut estre songea-elle maintefois que, comme Nostre Seigneur avoit jadis souvent dormi sur sa poitrine, ainsy qu'un petit aignelet sur le flanc mollet de sa mere, de mesme aussi elle dormoit dans son costé percé, comme une blanche colombe dans le trou d'un rocher asseuré.

  A004000637 

 Mais voyés, je vous prie, que ni je ne dis ni je ne veux dire que cette ame tant privilegiee de la Mere de Dieu ait esté privee de l'usage de rayson en son sommeil.

  A004000644 

 Quel playsir pensés-vous, Theotime, qu'eussent ces anciens philosophes qui conneurent si excellemment tant de belles verités en la nature? Certes, toutes les voluptés ne leur estoyent rien en comparayson de leur bien-aymee philosophie, pour laquelle quelques uns d'entre eux quittèrent les honneurs, les autres des grandes richesses, d'autres leur païs; et s'en est treuvé tel qui, de sens rassis, s'est arraché les yeux, se privant pour jamais de la jouissance de la belle et aggreable lumiere corporelle, pour s'occuper plus librement a considerer la verité des choses par la lumiere spirituelle, car on lit cela de Democrite; tant la connoissance de la verité est delicieuse: dont Aristote a dit fort souvent que la felicité et beatitude humaine consiste en la sapience, qui est la connoissance des verités eminentes..

  A004000650 

 Celuy qui jouissant plus pleinement du monde que jamais nul ne fit, en est toutefois si peu content qu'il pleure de tristesse dequoy il n'en peut avoir d'autres, que la folle persuasion d'un miserable cajolleur luy fait imaginer: dites-moy, je vous prie, Theotime, monstre-il pas que la soif de son cœur ne peut estre assouvie en cette vie, et que ce monde n'est pas suffisant pour le desalterer? O admirable, mays aymable inquietude du cœur humain! Soyes, soyes a jamais sans repos ni tranquillité quelcomque en cette terre, mon ame, jusques a ce que vous ayes rencontré les fraisches eaux de la vie immortelle et la tressainte Divinité, qui seules peuvent esteindre vostre alteration et accoiser vostre desir..

  A004000651 

 Ce pendant, Theotime, imaginés-vous, avec le Psalmiste, ce cerf, qui mal mené par la meute n'a plus ni vent ni jambes, comme il se fourre avidement dans l'eau qu'il va questant, avec quelle ardeur il se presse et serre dans cet element: il semble qu'il se voudroit volontier fondre et convertir en eau, pour jouir plus pleinement de cette fraischeur.

  A004000658 

 Et alhors seront prattiquees en une façon excellente ces divines promesses: Je la meneray en la solitude et parleray a son cœur, et l'allaiteray; Esjouisses-vous avec Hierusalem en liesse, affin que vous allaities et soyes remplis de la mammelle de sa consolation, et que vous succies et que vous vous delecties de la totale affluence de sa gloire; Vous seres portés aux tetins, et on vous amadoüera sur les genoux..

  A004000716 

 Mais, o Dieu eternel, comme est-il possible, dires-vous, qu'une ame qui a l'amour de Dieu le puisse jamais perdre? Car ou l'amour est, il resiste au peché: et comme se peut il donq faire que le peché y entre, puisque l'amour est fort comme la mort, aspre au combat comme l'enfer? comme peuvent les forces de la mort ou de l'enfer, c'est a dire les pechés, vaincre l'amour qui pour le moins les esgale en force, et les surmonte en assistance et en droit? Mays comme peut-il estre qu'une ame raysonnable, qui a une fois savouré une si grande douceur comme est celle de l'amour divin, puisse onques volontairement avaler les eaux ameres de l'offence? Les enfans, tout enfans qu'ilz sont, estans nourris au lait, au beurre et au miel, abhorrent l'amertume de l'absinthe et du chicotin, et pleurent jusques a pasmer quand on leur en fait gouster: hé donques, o vray Dieu, l'ame une fois jointe a la bonté du Createur, comme le peut-elle quitter pour suivre la vanité de la creature?.

  A004000717 

 Mays aves-vous jamais veu cette petite merveille que chacun sçait, et de laquelle chacun ne sçait pas la rayson? Quand on perce un tonneau bien plein, il ne respandra point son vin qu'on ne luy donne de l'air par dessus, ce qui n'arrive pas aux tonneaux [216] esquelz il y a des-ja du vuide, car on ne les a pas plus tost ouvertz que le vin en sort.

  A004000754 

 Au contraire, ces pauvres errans n'avoyent-ilz pas tort de crier dans ce bois: Hé, qu'avons-nous fait au soleil pour quoy il ne nous a pas fait voir sa lumiere comme a nos compaignons, affin que nous fussions arrivés [229] au logis sans demeurer en ces effroyables tenebres? Car, qui ne prendroit la cause du soleil, ou plustost de Dieu, en main, mon cher Theotime, pour dire a ces chetifs malencontreux: Qu'est ce, miserables, que le soleil pouvoit bonnement faire pour vous, qu'il ne l'ayt fait? ses faveurs estoyent esgales envers tous vous autres qui dormiés: il vous aborda tous avec une mesme lumiere, il vous toucha de mesmes rayons, il respandit sur vous une chaleur pareille; et, malheureux que vous estes, quoy que vous vissiés vos compaignons levés prendre le bordon pour tirer chemin, vous tournastes le dos au soleil, et ne voulustes pas employer sa clarté ni vous laisser vaincre a sa chaleur..

  A004000763 

 N'estes vous pas donques un monstre d'ingratitude, de vous vouloir attribuer un bien que vous deves en tant de façons a vostre cher espoux?.

  A004000763 

 S'indigneroit on pas de la princesse de nostre parabole, si elle se vantoit d'avoir donné la vertu et proprieté aux eaux cordiales et autres medicamens, ou de s'estre guerie elle mesme, parce que si elle n'eust receu les remedes que le roy luy donna et versa dans sa bouche, lhors qu'a moytié morte elle n'avoit presque plus de sentiment, ilz n'eussent point eu d'operation? Ouy, luy diroit-on, ingrate que vous estes, vous pouvies vous opiniastrer a ne point recevoir les remedes, et mesme les ayant receus en vostre bouche vous les pouvies rejetter; mais il n'est pas vray pourtant que vous leur ayés donné la vigueur ou vertu, car ilz l'avoyent [233] par leur proprieté naturelle: seulement, vous aves consenti de les recevoir et qu'ilz fissent leur action; et encor n'eussies-vous jamais consenti, si le roy ne vous eust premierement revigoree et puis sollicitee a les prendre; onques vous ne les eussies receus s'il ne vous eust aydee a les recevoir, ouvrant vostre propre bouche avec ses doigtz et respandant la potion dedans icelle.

  A004000772 

 Ainsy, en mille lieux de la sacree Parole, nous trouvons la rayson pour laquelle Dieu a repreuvé le peuple Juif: Parce, disent saint Paul et saint Barnabas, que vous repousses la parole de Dieu et que vous vous jugés vous mesmes indignes de la vie eternelle, voyci nous nous tournons devers les Gentilz.

  A004000779 

 Aymons donq et adorons en esprit d'humilité cette profondité des jugemens de Dieu, Theotime, «la-quelle,» comme dit saint Augustin, «le saint Apostre ne descouvre pas, ains l'admire, quand il exclame: O profondité des jugemens de Dieu!» «Qui pourroit compter le sable de la mer, les gouttes de la pluye, et mesurer la largeur de l'abisme?» dit cet excellent esprit de saint Gregoire Nazianzene, «et qui pourra sonder la profondité de la divine sagesse, par laquelle elle a creé toutes choses et les modere comme elle veut et entend? Car de vray, il suffit qu'a l'exemple de l'Apostre, sans nous arrester a la difficulté et obscurité d'icelle, nous l'admirions: O profondité des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! o que ses jugemens sont inscrutables et ses voÿes inaccessibles! Qui a conneu le sentiment du Seigneur? et qui a esté son conseiller?» Theotime, les raysons de la volonté divine ne peuvent estre penetrees par nostre esprit, jusques a ce que nous voyons la face de Celuy qui atteint de bout a bout fortement, et dispose toutes choses suavement, faisant tout ce qu'il fait en nombre, poids et mesure, et auquel le Psalmiste dit: Seigneur, vous aves tout fait en sagesse..

  A004000788 

 Or, la charité estant separee de l'ame par le peché, il y reste maintefois une certaine ressemblance de charité qui nous peut decevoir et amuser vainement; et je vous diray que c'est.

  A004000795 

 Helas, mon Theotime, voyés, je vous prie, le pauvre Judas apres qu'il eut trahi son Maistre, comme il va rapporter l'argent aux Juifz, comme il reconnoist son peché, comme il parle honnorablement du sang de cet Aigneau immaculé: c'estoyent des effectz de l'amour imparfait que la precedente charité passee luy avoit laissé dans le cœur.

  A004000804 

 Mais quel moyen, me dires vous, de discerner si c'est Rachel ou Lia, la charité ou l'amour imparfait, qui me donne les sentimens de devotion dont je suis touché? Si examinant en particulier les objetz des desirs, des affections et des desseins que vous aves presentement, vous en treuves quelqu'un pour lequel vous voulussies contrevenir a la volonté et au bon playsir de Dieu, pechant mortellement, c'est hors de doute que tout le sentiment, toute la facilité et promptitude que vous aves a servir Dieu n'a point d'autre source que de l'amour humain et imparfait; car si l'amour parfait regnoit en vous, o Seigneur Dieu! il romproit toute affection, tout desir, tout dessein duquel l'objet serait si pernicieux, et ne pourroit souffrir que vostre cœur le regardast..

  A004000805 

 Mais remarqués que j'ay dit cet examen devoir estre fait des affections que vous aves presentement; car il n'est pas besoin de vous imaginer celles qui pourroyent naistre par apres, puis qu'il suffit que nous soyons fideles es occurrences presentes, selon la diversité des tems, et que chasque saison a bien asses de son travail et de sa peyne..

  A004000806 

 Que si toutefois vous voulies exercer vostre cœur a la vaillance spirituelle par la representation de diverses rencontres et de divers assautz, vous le pourries utilement faire, pourveu qu'apres les actes de cette vaillance imaginaire que vostre cœur aurait fait, vous ne vous estimassies point plus vaillant; car les enfans d'Ephraïm, qui faisoyent merveilles a bien descocher leurs arcs es essays de guerre qu'ilz faisoyent entr'eux, [251] quand ce vint au fait et au prendre, au jour de la bataille, ilz tournerent le dos, et n'eurent seulement pas l'asseurance de mettre leurs fleches au trait ni de regarder la pointe de celles de leurs ennemis..

  A004000818 

 Or, quand nous avons rendu nostre entendement fort attentif a la grandeur des biens qui sont en ce divin object, il est impossible que nostre volonté ne soit touchee de complaysance en ce bien, et lhors nous usons de nostre liberté et de l'authorité que nous avons sur nous mesmes, provoquans nostre propre cœur a repliquer et renforcer sa premiere complaysance par des actes d'approbation et res-jouissance: O, dit alhors l'ame devote, que vous estes beau, mon Bienaymé, que vous estes beau! vous estes tout desirable, ains vous estes le desir mesme; tel est mon Bienaymé, et il est l'Ami de mon cœur, o filles de Hierusalem.

  A004000819 

 Or sçachés, disoyent ilz, que le Seigneur il est Dieu; O Dieu, mon Dieu, mon Dieu, vous estes mon Dieu; J'ay dit au Seigneur, vous estes mon Dieu; Dieu de mon cœur, et mon Dieu est le lot de mon héritage eternellement.

  A004000822 

 Mays par quel canal et conduit estoit venu le doux Jesus dans le cœur de saint Paul? Par le canal de la complaysance, comme il le declaire luy mesme disant: Ja n'advienne que je me glorifie sinon en la Croix de Nostre Seigneur Jesus Christ; car, si vous y prenes bien garde, entre se glorifier en une personne et se complayre en icelle, prendre a gloire et prendre a playsir une chose, il n'y a pas autre difference sinon que celuy qui prend une chose a gloire, outre le playsir il adjouste l'honneur, l'honneur n'estant pas sans playsir, bien que le playsir puisse estre sans honneur.

  A004000822 

 Voyés, je vous prie, le cœur de sainte Claire de Montefalco: il prit tant de playsir en la Passion du Sauveur et a mediter la tressainte Trinité, qu'aussi tira-il dedans soy toutes les marques de la Passion et une representation admirable de la Trinité, estant fait comme les choses qu'il aymoit.

  A004000826 

 Nous nous paissons avec luy de sa douceur par le playsir que nous y prenons, et rassasions nostre cœur es perfections divines par l'ayse que nous en avons: et ce repas est un souper a cause du repos qui le suit, la complaysance nous faysant doucement reposer en la suavité du bien qui nous delecte et duquel nous repaissons nostre cœur; car, comme vous sçaves, Theotime, le cœur se paist des choses esquelles il se plaist, si que, en nostre langue françoise, on dit que l'un se paist de l'honneur, l'autre des richesses, comme le Sage avoit dit que la bouche des folz se paist d'ignorance; et la souveraine Sagesse proteste que sa viande, c'est a dire son playsir, n'est autre chose que de faire la volonté de son Pere.

  A004000827 

 Ainsy tirons nous le cœur de Dieu dedans le nostre, et il y respand son baume pretieux; et ainsy se prattique ce que la sainte Espouse dit avec tant d'allegresse: Le Roy de mon cœur m'a menee dans ses cabinetz; nous tressaillirons et nous res-jouirons en vous, nous ramentevans de vos mammelles plus aymables que le vin; les bons vous ayment. Car je vous prie, Theotime, qui sont les cabinetz de ce Roy d'amour, sinon ses tetins qui abondent en varieté de douceurs et suavités? La poitrine et les mammelles de la mere sont les cabinetz des tresors du petit enfant; il n'a point d'autres richesses que celles la, qui luy sont plus pretieuses que l'or et le topaze, plus aymables que le reste du monde..

  A004000828 

 Ah, les justes et bons vous ayment! et comme pourroit-on estre bon et n'aymer pas une si grande bonté? Les princes terrestres ont leurs tresors es cabinetz de leur palais, leurs armes en leurs arsenalz: mays le Prince celeste, il a son tresor en son sein, ses armes dans sa poitrine; et parce que son tresor est sa bonté, comme ses armes sont ses amours, son sein et sa poitrine ressemble a celle d'une douce mere qui a deux beaux tetins comme deux cabinetz, riches en douceur de bon lait, armés d'autant de traitz pour assujettir le cher petit poupon comme il en peut faire de traittes en tettant..

  A004000828 

 Hé, n'a-elle pas rayson, cette belle ame, de s'escrier: O mon Roy, que vos richesses sont aymables et que vos amours sont riches! Hé, qui en a plus de joye, ou vous qui en jouïsses, ou moy qui m'en res-jouïs? Nous tressaillirons d'allegresse en la souvenance de vostre sein et de vos tetins si leçons en toute excellence de suavité: moy, parce que mon Bienaymé en jouït, vous, parce que vostre bienaymee s'en res-jouït; car ainsy nous en jouissons tous deux, puisque vostre bonté vous fait jouir de ma res-jouissance, et mon amour me fait res-jouir de vostre jouissance.

  A004000846 

 Imaginés-vous, Theotime, ceux qui tiennent en leurs bouches l'herbe scitique; car, a ce qu'on dit, ilz n'ont jamais ni faim ni soif, tant elle les rassasie, et jamais pourtant ilz ne perdent l'appeit, tant elle les sustente delicieusement.

  A004000856 

 Jacob ayant la triste, quoy que fause nouvelle de la mort de son cher Joseph, vous voyes quelle affliction il en sent: Ah, dit-il, je descendray en regret aux enfers, c'est a dire au Limbe, dans le sein d'Abraham, vers cet enfant..

  A004000856 

 Quelle condoleance dans le cœur d'Agar sur la douleur de son Ismaël qu'elle voyoit presque perir de soif au desert! Quelle commiseration en l'ame de David sur la misere de son Absalon! Hé, ne voyes-vous pas le cœur maternel du grand Apostre, malade avec les malades, bruslant du zele pour les scandalisés, avec une douleur continuelle pour la perte des Juifz, et mourant tous les jours pour ses chers [268] enfans spirituelz? Mais sur tout, considerés comme l'amour tire toutes les peynes, tous les tourmens, les travaux, les souffrances, les douleurs, les blesseures, la passion, la croix et la mort mesme de nostre Redempteur dans le cœur de sa tres sacree Mere.

  A004000859 

 [270] Mais quand de ses propres yeux il vid par experience la verité des grandeurs de ce cher enfant en Gessen, panché sur luy et pleurant asses long tems sur le col d'iceluy: Hé, dit-il, maintenant je mourray joyeux, mon cher filz, puisque j'ay veu vostre face et que vous vives encores.

  A004000860 

 Dites-moy, je vous prie, Theotime, qui ressent plus le bien de Joseph, ou luy qui en jouit, ou Jacob qui s'en res-jouit? Certes, si le bien n'est bien que pour le contentement qu'il nous donne, le pere en a autant et plus que le filz; car le filz, avec la dignité de vice-roy qu'il possede, a par consequent beaucoup de soin et d'affaires, mais le pere jouit par complaysance et possede purement ce qui est de bon en cette grandeur et dignité de son filz, sans charge, sans soin et sans peyne.

  A004000873 

 Ah! mais pourtant, o le sacré Bienaymé de mon ame, je ne desire pas de pouvoir desirer aucun bien a vostre Majesté, ains je me complais de tout mon cœur en ce supreme degré de bonté que vous aves, auquel ni par desir ni mesme par pensee on ne peut rien adjouster; mais si ce desir estoit possible, o Divinité infinie, o Infinité divine, mon ame voudroit estre ce desir et n'estre rien autre que cela, tant elle desireroit de desirer pour vous ce qu'elle se complait infiniment de ne pouvoir pas desirer, puisque l'impuissance de faire ce desir provient de l'infinie infinité de vostre perfection qui surpasse tout souhait et toute pensee! Hé, que j'ayme cherement l'impossibilité de vous pouvoir desirer aucun bien, o mon Dieu, puisqu'elle provient de l'incomprehensible immensité de vostre abondance, laquelle est si souverainement infinie, que s'il se treuvoit un desir infini il serait infiniment assouvi par l'infinité de vostre bonté, qui le convertirait en une infinie complaysance..

  A004000873 

 Ne pouvans donq point faire aucun desir absolu pour Dieu, nous en faisons des imaginaires et conditionnelz en cette sorte: Je vous ay dit, Seigneur, vous estes mon Dieu, qui, tout plein de vostre infinie bonté, ne pouves avoir indigence ni de mes biens ni de chose quelconque; mais si, par imagination de chose impossible, je pouvois penser que vous eussies besoin de quelque bien, je ne cesserois jamais de vous le souhaitter au prix de ma vie, de mon estre et de tout ce qui est au monde.

  A004000873 

 Que si estant ce que vous estes et que vous ne pouves jamais cesser d'estre, il estoit possible que vous receussies quelqu'accroissement de bien, o bon Dieu, quel desir aurois-je que vous l'eussies! alhors, o Seigneur eternel, je voudrais voir convertir mon cœur en souhait et ma vie en souspir pour vous desirer ce bien la.

  A004000874 

 Ce desir, donques, par imagination de choses impossibles, peut estre quelquefois utilement prattiqué emmi les grans sentimens et ferveurs extraordinaires; aussi [276] dit-on que le grand saint Augustin en faisoit souvent de pareille sorte, eslançant par exces d'amour ces paroles: Hé, Seigneur, je suis Augustin et «vous estes Dieu; mais si toutefois ce qui n'est ni ne peut estre estoit, que je fusse Dieu et que vous fussies Augustin, je voudrois, en changeant de qualité avec vous, devenir Augustin affin que vous fussies Dieu.».

  A004000880 

 Et se retournant, elle void son doux Sauveur, mais en forme de jardinier, dont son cœur ne se peut contenter, car, toute pleine de l'amour de la mort de son Maistre, elle ne veut point de fleurs, ni par consequent de jardinier; elle a dedans son cœur la Croix, les clouz, les espines, elle cherche son Crucifié: Hé, mon cher maistre jardinier, dit-elle, si vous avies peut estre point planté mon bienaymé Seigneur trespassé, comme un lis froissé et fané, entre vos fleurs, dites-le moy vistement et moy je l'emporteray.

  A004000880 

 Que si l'ame qui est en cette sainte affection rencontre [278] les creatures, pour excellentes qu'elles soyent, voire mesme quand ce seroyent les Anges, elle ne s'arreste point avec icelles, sinon autant qu'il faut pour estre aydee et secourue en son desir: Dites moy donques, leur fait elle, dites moy, je vous en conjure, aves vous point veu Celuy qui est l'Ami de mon ame? La glorieuse amante Magdeleine rencontra les Anges au sepulchre, qui luy parlerent sans doute angeliquement, c'est a dire bien suavement, voulans appayser l'ennuy auquel elle estoit; mais au contraire, toute espleuree, elle ne sceut prendre aucune complaysance ni en leur douce parole, ni en la splendeur de leurs habitz, ni en la grace toute celeste de leur maintien, ni en la beauté toute aymable de leurs visages, ains, toute couverte de larmes: Ilz m'ont enlevé mon Seigneur, disoit elle, et je ne sçai ou ilz me l'ont mis.

  A004000885 

 L'honneur, mon cher Theotime, n'est pas en celuy que l'on honnore, mays en celuy qui honnore; car, combien de fois arrive-il que celuy que nous honnorons n'en sçait rien et n'y a seulement pas pensé? combien de fois louons-nous ceux qui ne nous connoissent pas ou qui dorment? Et toutefois, selon l'estime commune des hommes et leur ordinaire façon de concevoir, il semble que c'est faire du bien a quelqu'un quand on luy fait de l'honneur, et qu'on luy donne beaucoup quand on luy donne des tiltres et des louanges; et nous ne faysons pas difficulté de dire qu'une personne est riche d'honneur, de gloire, de reputation, de louange, encor qu'en verité nous sachions bien que tout cela, est hors de la personne honnoree et que bien souvent elle n'en reçoit aucune sorte de prouffit, suivant ce mot attribué au grand saint Augustin: «O pauvre Aristote, tu es loué ou tu es absent, et tu es bruslé ou tu es present.» Quel bien revient il, je vous prie, a Cesar et Alexandre le Grand, de tant de vaines paroles que plusieurs vaines ames employent a leur louange?.

  A004000901 

 O mon ame, et vous, mes esprits!.

  A004000923 

 Helas, venes, je vous supplie, au secours de mon pauvre cœur qui va tout maintenant definir! soustenes le, de grace, et l'appuyes de toutes fleurs, confortes le et l' environnes de pommes, autrement il tumbe pasmé.

  A004000928 

 Car sachés, Theotime, qu' une voix sort du throsne divin, qui ne cesse de crier aux heureux habitans de la glorieuse Hierusalem celeste: Dites a Dieu louange, o vous qui estes ses serviteurs et qui le craignes, grans et petitz; a quoy toute cette multitude innombrable de Saintz, les chœurs des Anges et les chœurs des hommes assemblés, respond, chantant de toute sa force: Alleluia, loués Dieu.

  A004000931 

 Ainsy ce glorieux et seraphique amant saint François, ayant longuement esté travaillé de cette forte affection de louer Dieu, en fin en ses dernieres annees, apres qu'il eut asseurance, par une tres speciale revelation, de son salut eternel, il ne pouvoit contenir sa joye, et s'alloit de jour en jour consumant, comme si sa vie et son ame se fust evaporee, ainsy que l'encens, sur le feu des ardens desirs qu'il avoit de voir son Maistre pour le louer incessamment; en sorte que ces ardeurs prenant tous les jours des nouveaux accroissemens, son [290] ame sortit de son cors par un eslan qu'elle fit vers le Ciel; car la divine Providence voulut qu'il mourust en prononçant ces sacrees paroles: Hé, tires hors de cette prison mon ame, o Seigneur, affin que je benisse vostre nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me rendies la tranquillité desiree.

  A004000971 

 Mes yeux ont défailli, disans: quand me consoleres-vous? Exaucés ma priere, o Seigneur, et ma deprecation, escoutés de vos oreilles mes larmes.

  A004000971 

 Mon cœur vous l'a dit, o Seigneur, ma face vous a cherché; o Seigneur, je rechercheray vostre face.

  A004000971 

 Voyes-vous, Theotime, que le silence des amans affligés parle de la prunelle des yeux et par les larmes? Certes, en la theologie mistique [305] c'est le principal exercice de parler a Dieu et d'ouïr parler Dieu au fond du cœur; et parce que ce devis se fait par des tres secretes aspirations et inspirations, nous l'appelions colloque de silence: les yeux parlent aux yeux et le cœur au cœur, et nul n'entend ce qui se dit que les amans sacrés qui parlent..

  A004000978 

 Car, mon cher Theotime, si jamais vous y aves pris garde, les petitz des arondelles ouvrent grandement leur bec quand ilz font leur piallement; et au contraire les colombes, entre tous les oyseaux, font leur grommelement a bec clos et enfermé, roulant leur voix dans leur gosier et poitrine, sans que rien en sorte que par maniere de retentissement et resonnement: et ce petit grommelement leur sert egalement pour exprimer leurs douleurs comme pour declarer leurs amours.

  A004000979 

 Ainsy celuy qui avoit dit: Je mediteray comme la colombe, exprimant sa conception d'une autre sorte: Je repenseray, dit il, devant vous, o mon Dieu, toutes mes annees en l'amertume de mon ame; car mediter et repenser pour exciter les affections, n'est qu'une mesme chose.

  A004000979 

 En ce sens l'Apostre nous exhorte en cette sorte: Repenses a Celuy qui a receu une telle contradiction des pecheurs, affin que vous ne vous lassies, manquans de courage; quand il dit repenses, c'est autant comme s'il disoit, medités.

  A004000985 

 Theotime, la contemplation n'est autre chose qu'une amoureuse, simple et permanente attention de l'esprit aux choses divines; ce que vous entendres aysement par la comparayson de la meditation avec elle..

  A004000987 

 La veüe de tant de merveilles engendra dans son cœur un extreme amour, et cet amour produisit un nouveau desir de voir tous-jours plus et jouir de la presence de celuy auquel elle les avoit veües, dont elle s'escrie: Hé, que bienheureux sont les serviteurs qui sont tous-jours autour de vous et oyent vostre sapience! Ainsy nous commençons quelquefois a manger pour exciter nostre appetit, mays l'appetit estant resveillé nous poursuivons a manger pour contenter l'appetit; et nous considerons au commencement la bonté de Dieu pour exciter nostre volonté a l'aymer, mays l'amour estant formé dans nos cœurs, nous considerons cette mesme bonté pour contenter nostre amour, qui ne se peut assouvir de tous-jours voir ce qu'il ayme.

  A004000992 

 Mais qui a plus de force, je vous prie, ou l'amour pour faire regarder le Bienaymé ou la veüe pour le faire aymer? Theotime, la connoissance est requise a la production de l'amour, car jamais nous ne sçaurions aymer ce que nous ne connoissons pas; et a mesure que la connoissance attentive du bien s'augmente, l'amour aussi prend davantage de croissance, pourveu qu'il n'y ayt rien qui empesche son mouvement.

  A004000993 

 Le fameux abbé de Saint André de Verceil, maistre de saint Anthoine de Padoüe, en ses Commentaires sur saint Denys, repete plusieurs fois que «l'amour penetre ou la science exterieure ne sçauroit atteindre,» et dit que «plusieurs Evesques ont jadis penetré le mistere de la Trinité, quoy qu'ilz ne fussent pas doctes;» admirant sur ce propos son disciple saint Anthoine de Padoüe «qui, sans science mondayne, avoit une si profonde theologie mistique, que comme un autre saint Jean Baptiste on le pouvoit nommer une lampe luisante et ardente.» «Le bienheureux frere Gilles, des premiers compaignons de saint François, dit un jour a saint Bonaventure: O que vous estes heureux, vous autres doctes, car vous sçaves maintes choses par lesquelles vous loües Dieu; mays nous autres idiotz que ferons nous? Et saint Bonaventure respondit: La grace de pouvoir aymer Dieu suffit.

  A004000993 

 Mays, mon Pere, repliqua frere Gilles, un ignorant peut il autant aymer Dieu qu'un lettré? Il le peut, dit saint Bonaventure, ains je vous dis qu'une pauvre simple femme peut autant aymer Dieu qu'un docteur en theologie.

  A004000996 

 Qui ayma plus Dieu, je vous prie, ou le theologien Ocham, que quelques uns ont nommé le plus subtil des mortelz, ou sainte Catherine de Gennes, femme idiote? Celuy la le conneut mieux par science, celle ci par experience, et l'experience de celle ci la conduisit bien avant en l'amour seraphique, tandis que celuy la, avec sa science, demeura bien esloigné de cette si excellente perfection..

  A004001003 

 C'est pourquoy le divin Espoux estime tant que sa bienaymee le regarde d' un seul œil, et que sa perruque soit si bien tressee qu'elle ne semble qu' un seul cheveu; car, qu'est-ce regarder l'Espoux d' un seul œil, que de le voir d'une simple veüe attentive, sans multiplier les regars? et qu'est-ce porter ses cheveux ramassés, que de ne point respandre [319] sa pensee en varieté de considerations? O que bienheureux sont ceux qui, apres avoir discouru sur la multitude des motifs qu'ilz ont d'aymer Dieu, reduisans tous leurs regars en une seule veue et toutes leurs pensees en une seule conclusion, arrestent leur esprit en l'unité de la contemplation, a l'exemple de saint Augustin ou de saint Bruno, prononçans secrettement en leur ame, par une admiration permanente, ces paroles amoureuses: O bonté, bonté! O bonté tous-jours ancienne et tous-jours nouvelle! et a l'exemple du grand saint François, qui, planté sur ses genoux en orayson, passa toute la nuit en ces paroles: O Dieu, vous estes «mon Dieu et mon tout!» les inculquant continuellement, au recit du bienheureux frere Bernard de Quinteval, qui l'avoit ouy de ses oreilles..

  A004001012 

 Et lhors, Theotime, l'ame fait une certaine saillie d'amour, non seulement sur l'action qu'elle considere, mais sur Celuy duquel elle procede: Vous estes bon, Seigneur, et en vostre bonté apprenes moy vos justifications; Vostre gosier, c'est a dire la parole qui en provient, est très suave, et vous estes tout desirable; Helas, que vos paroles sont douces a mes entrailles, plus que le miel a ma bouche! Ou bien avec saint Thomas: Mon Seigneur et mon Dieu! et avec sainte Magdeleine: Rabboni! ha, mon Maistre!.

  A004001014 

 L'Espoux divin, comme berger qu'il est, prepara un festin somptueux a la façon champestre pour son Espouse sacree, lequel il descrit en sorte que mystiquement il representoit tous les mysteres de la redemption humaine: Je suis venu en mon jardin, dit-il, j'ay moissonné ma myrrhe avec tous mes parfums; j'ay mangé mon bornai avec mon miel, j'ay meslé mon vin avec mon lait; mangés, mes amis, et beuvés, et vous enivres, mes treschers.

  A004001014 

 Theotime, hé! quand fut-ce, je vous prie, que Nostre Seigneur vint en son jardin, sinon quand il vint es tres pures, tres humbles et tres douces entrailles de sa Mere, pleynes de toutes les plantes fleurissantes des saintes vertus? Et qu'est-ce a Nostre Seigneur de moissonner sa myrrhe avec ses parfums, sinon assembler souffrances a souffrances jusques a la mort, et la mort de la croix? joignant par icelles merites a merites, tresors a tresors pour enrichir ses enfans spirituelz.

  A004001022 

 O Dieu, dit l'ame alhors, a l'imitation de saint Augustin, ou vous allois-je cherchant, Beauté tres infinie! «Je vous cherchois dehors, et vous esties au milieu de mon cœur.» Toutes les affections de Magdeleyne et toutes ses pensees estoyent espanchees autour du sepulchre de son Sauveur qu'elle alloit questant ça et la; et bien qu'elle l'eust treuvé et qu'il parlast a elle, elle ne laisse pas de les laisser esparses, parce qu'elle ne s'appercevoit pas de sa presence; mais soudain [327] qu'il l'eut appellee par son nom, la voyla qu'elle se ramasse et s'attache toute a ses pieds: une seule parole la met en recueillement..

  A004001023 

 Imaginés vous, Theotime, la tressainte Vierge Nostre Dame lhors qu'elle eut conceu le Filz de Dieu, son unique amour.

  A004001024 

 Ou vous noteres soigneusement, Theotime, qu'en somme tout ce recueillement se fait par l'amour, qui sentant la presence du Bienaymé par les attraitz qu'il respand au milieu du cœur, ramasse et rapporte toute l'ame vers iceluy par une tres amiable inclination, par un tres doux contournement et par un delicieux repli de toutes les facultés du costé du Bienaymé, qui les attire a soy par la force de sa suavité, avec laquelle il lie et tire les cœurs, comme on tire les cors par les cordes et liens materielz..

  A004001031 

 Montrés-moy donq, o l'Ami de mon ame, ou vous reposes, ou vous couches sur le midy.

  A004001031 

 Voyés-vous, Theotime, comme la sainte Sulamite se contente de sçavoir que son Bienaymé soit avec elle, ou en son sein, ou en son parc, ou ailleurs, pourveu qu'elle sache ou il est: aussi est elle Sulamite, toute paisible, toute tranquille et en repos..

  A004001034 

 Voyes-la, je vous prie, Theotime: elle est assise en une profonde tranquillité, elle ne dit mot, elle ne pleure point, elle ne sanglotte point, elle ne souspire point, elle ne bouge point, elle ne prie point.

  A004001036 

 Quand donques vous seres en cette simple et pure confiance filiale aupres de Nostre Seigneur, demeurés-y, mon cher Theotime, sans vous remuer nullement pour faire des actes sensibles ni de l'entendement ni de la volonté; car cet amour simple de confiance et cet endormissement amoureux de vostre esprit entre les bras du Sauveur, comprend par excellence tout ce que vous alles cherchant ça et la pour vostre goust.

  A004001040 

 Mais apres que la fraicheur du lait a aucunement appaysé la chaleur appetissante de leur petite poitrine, et que les aggreables vapeurs qu'il envoye a leur cerveau commencent a les endormir, Theotime, vous les verries fermer tout bellement leurs petitz yeux et ceder petit e petit au sommeil, sans [333] quitter neanmoins le tetin, sur lequel ilz ne font nulle action que celle d'un lent et presqu'insensible mouvement de levres, par lequel ilz tirent tous-jours le lait qu'ilz avalent imperceptiblement: et cela ilz le font sans y penser, mais non pas certes sans playsir, car si on leur oste le tetin avant que le profond sommeil les ait accablés, ilz s'esveillent et pleurent amerement, tesmoignans par la douleur qu'ilz ont en la privation qu'ilz avoyent beaucoup de douceur en la possession.

  A004001040 

 N'aves vous jamais pris garde, Theotime, a l'ardeur avec laquelle les petitz enfans s'attachent quelquefois au tetin de leurs meres quand ilz ont faim? On les void grommelans, serrer et presser de la bouche le chicheron, sucçans le lait si avidement que mesme ilz en donnent de la douleur a leurs meres.

  A004001041 

 Mays dites moy, Theotime, l'ame recueillie en son Dieu, pourquoy, je vous prie, s'inquieteroit elle? n'a-elle pas sujet de s'accoiser et demeurer en repos? Car, que chercheroit elle? Elle a treuvé Celuy qu'elle cherchoit; que luy reste-il plus sinon de dire: J'ay treuvé mon cher Bienaymé, je le tiens et ne quitteray point.

  A004001042 

 O Dieu eternel, quand par vostre douce presence vous jettes les odorans parfums dedans nos cœurs, parfums res-jouissans plus que le vin delicieux et plus que le miel, alhors toutes les puissances de nos ames entrent en un aggreable repos, avec un accoysement si parfait, qu'il n'y a plus aucun sentiment que celuy de la volonté, laquelle, comme l'odorat spirituel, demeure doucement engagee a sentir, sans s'en appercevoir, le bien incomparable d'avoir son Dieu present.

  A004001056 

 Et remarqués, je vous prie, qu'il faut plus de soin pour se mettre en la presence de Dieu que pour y demeurer lhors que l'on s'y est mis, car pour s'y mettre il faut appliquer sa pensee et la rendre actuellement attentive a cette presence, ainsy que je le dis en l' Introduction; mais quand on s'est mis en cette presence, on s'y tient par plusieurs autres moyens, tandis que, soit par l'entendement, soit par la volonté, on fait quelque chose en Dieu ou pour Dieu: comme, par exemple, le regardant, ou quelque chose pour l'amour de luy; l'escoutant, ou ceux qui parlent pour luy; parlant a luy, ou a quelqu'un pour l'amour de luy, et faisant quelqu'œuvre, quelle qu'elle soit, pour son honneur et service.

  A004001056 

 Imagines vous, Theotime, que le glorieux apostre saint Jean eust dormi d'un sommeil corporel sur la poitrine de son cher Seigneur en la sainte cene, et qu'il se fust endormi par le.

  A004001063 

 Mettes de la liqueur dans un vaysseau, et vous verres qu'elle demeurera bornee dans les limites du vaysseau, lequel s'il est rond ou quarré la liqueur sera de mesme, n'ayant aucune limite ni figure, sinon celle du vaysseau qui la contient..

  A004001064 

 L'ame n'en est pas de mesme par nature, car elle a ses figures et ses bornes propres: elle a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes par sa propre volonté; et quand elle est arrestee a ses inclinations et volontés propres, nous disons qu'elle est dure, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, c'est a dire, je vous [343] osteray vostre obstination.

  A004001065 

 L'amour de l'Espoux estoit dans son cœur et sous ses mammelles comme un vin nouveau bien puissant qui ne peut estre retenu dans son tonneau, car il se respandoit de toutes pars; et parce que l'ame suit son amour, apres que l'Espouse a dit: Vos mammelles sont meilleures que le vin, respandant des unguens pretieux, elle adjouste: Vous aves nom, huyle respandue; et comme l'Espoux avoit respandu son amour et son ame dans le cœur de l'Espouse, aussi l'Espouse reciproquement verse son ame dans le cœur de l'Espoux.

  A004001067 

 Car dites moy, je vous prie, Theotime, si une goutte d'eau elementaire jettee dans un ocean d'eau naphe, estoit vivante et qu'elle peust parler et dire l'estat auquel elle seroit, ne crieroit elle pas de grande joye: O mortelz, je vis voirement, mais je ne vis pas moy mesme, ains cet ocean vit en moy et ma vie est cachee en cet abisme..

  A004001067 

 Vous voyes donq bien, Theotime, que l'escoulement d'une ame en son Dieu n'est autre chose qu'une veritable extase, par laquelle l'ame est toute hors des bornes de son maintien naturel, toute meslee, absorbee et engloutie en son Dieu: dont il arrive que ceux qui parviennent a ce saint exces de l'amour divin, estans par apres revenuz a eux, ne voyent rien en la terre qui les contente, et vivans en un extreme aneantissement d'eux mesmes demeurent fort alangouris en tout ce qui appartient aux sens, et ont perpetuellement au cœur la maxime de la bienheureuse vierge Therese de Jesus: «Ce qui n'est pas Dieu ne m'est rien.» Et semble que telle fut la passion amoureuse de ce grand ami du Bienaymé, qui disoit: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy; et: Nostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A004001073 

 Pourquoy, je vous prie, est il triste? c'est sans doute parce qu'il est blessé.

  A004001074 

 Il est vray que cette douleur provient de l'amour, et partant c'est une amiable et aymable douleur, Oyes les eslans douloureux, mais amoureux, d'un amant royal: Mon ame a soif de son Dieu fort et vivant; hé, quand viendray-je et paroistray-je devant la face de mon Dieu? Mes larmes m'ont servi de pain nuit et jour, tandis qu'on me dit: ou est ton Dieu? Ainsy la sacree Sulamite, toute destrempee en ses douloureuses amours, parlant aux filles de Hierusalem: Helas, dit-elle, je vous conjure, si vous rencontres mon Ami, annoncés luy ma peyne, parce que je languis toute blessee de son amour.

  A004001074 

 piqué un enfant, certes, vous auries beau luy dire: ah, mon enfant, l'abeille qui t'a piqué c'est celle la mesme qui fait le miel que tu treuves si bon; car, il est vray, diroit-il, son miel est bien doux a mon goust, mais sa piqueure est bien douloureuse, et tandis que son eguillon est dedans ma joüe je ne puis m'accoyser; et ne voyes vous pas que ma face en est toute enflee? Theotime, certes l'amour est une complaysance, et par consequent il est fort aggreable, pourveu qu'il ne laisse point dedans nos cœurs l'eguillon du desir; mais quand il le laisse, il laisse avec iceluy une grande douleur.

  A004001075 

 O miserable que je suis, disoit l'un de ceux qui ont experimenté ce travail, qui me delivrera du cors de cette mortalité? Alhors, si vous y prenes garde, Theotime, ce n'est pas le desir d'une chose absente qui blesse le cœur, car l'ame sent que son Dieu est present, il l'a des-ja menee dans son cellier a vin, il a arboré sur son cœur l'estendart de l'amour; mays quoy que des-ja il la voye toute sienne, il la presse, et descoche de tems en tems mille et mille traitz de son amour, luy monstrant par des nouveaux moyens combien il est plus aymable qu'il n'est aymé: et elle, qui n'a pas tant de force pour l'aymer que d'amour pour s'efforcer, voyant ses effortz si imbecilles en comparayson du desir qu'elle a pour aymer dignement Celuy que nulle force ne peut asses aymer, helas, elle se sent outree d'un tourment incomparable; car, autant d'eslans qu'elle fait pour voler plus haut en son desirable amour, autant reçoit-elle de secousses de douleur..

  A004001082 

 Et ce doux Maistre pour l'esprouver, et comme se desfiant d'estre aymé: Pierre, dit il, m'aymes tu? Ah, Seigneur, vous blesses ce pauvre cœur qui, grandement affligé, s'escrie amoureusement mais douloureusement: Mon Maistre, vous sçaves toutes choses, vous sçaves certes bien que je vous ayme.

  A004001082 

 Le pauvre saint Pierre avoit et sentoit son cœur tout rempli d'amour pour son Maistre, et Nostre Seigneur dissimulant de le sçavoir: Pierre, dit il, m'aymes tu plus que ceux ci? Hé, Seigneur, respond cet Apostre, vous sçaves que je vous ayme.

  A004001082 

 Mon cher Maistre, dit l'Apostre, je vous ayme certes, vous le sçaves.

  A004001084 

 Quelquefois cette blesseure d'amour se fait par le seul souvenir que nous avons d'avoir esté jadis sans aymer Dieu: «O que tard je vous ay aymé, Beauté antique et nouvelle!» disoit ce Saint qui avoit esté trente ans heretique.

  A004001091 

 Qui les avoit reduit, je vous prie, a cet estat sinon l'amour? Ce fut l'amour qui jetta saint François nud devant son Evesque et le fit mourir nud sur la terre, ce fut l'amour qui le fit mendiant toute sa vie; ce fut l'amour qui envoya le grand François Xavier, pauvre, indigent, deschiré, ça et la parmi les Indes et entre les Japponois; ce fut l'amour qui reduisit le grand Cardinal saint Charles, Archevesque de Milan, a cette extreme pauvreté, parmi toutes les richesses que sa naissance et sa dignité luy donnoyent, que, comme dit cet eloquent orateur d'Italie, monseigneur Panigarole, il estoit comme un chien en la mayson de son maistre, ne mangeant qu'un peu de pain, ne beuvant qu'un peu d'eau et couchant sur un peu de paille..

  A004001097 

 Et en somme, comme penses-vous, Theotime, qu'une ame qui a une fois un peu a souhait tasté les consolations divines, puisse vivre en ce monde meslé de tant de miseres, sans douleur et langueur presque perpetuelle? On a maintefois ouy ce grand homme de Dieu, François Xavier, lançant sa voix au Ciel, lhors qu'il croyoit estre bien solitaire, en cette sorte: Hé, mon Seigneur, non, de grace, ne m'accablés pas d'une si grande affluence de consolations; ou si par vostre infinie bonté il vous plaist me faire ainsy abonder en delices, tirés-moy donq en Paradis, car, qui a une fois bien gousté en l'interieur vostre douceur il luy est force de vivre en amertume tandis qu'il ne jouit pas de vous.


05-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome V-Vol.2-Traitte de l'amour de Dieu.html
  A005000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A005000161 

 Et si vous prenes garde aux petitz enfans [7] unis et jointz aux tetins de leurs meres, vous verres que de tems en tems ilz se pressent et serrent par des petite eslans que le playsir de tetter leur donne; ainsy, en l'orayson, le cœur uni a son Dieu fait maintefois certaines recharges d'union, par des mouvemens avec lesquelz il se serre et presse davantage en sa divine douceur.

  A005000163 

 Si vous beuves quelqu'exquise liqueur, par exemple, de l'eau imperiale, la simple union d'icelle avec vous se fera a mesme que vous la recevres, car la reception et l'union sont une mesme chose en cet endroit; mais par apres, petit a petit, cette union s'aggrandira par un progres imperceptiblement sensible, car la vertu de cette eau, penetrant de toutes pars, confortera le cerveau, revigorera le cœur et estendra sa force sur tous vos espritz.

  A005000174 

 O beau petit Martial, que vous estes heureux d'estre saisi, pris, porté, uni, joint et serré sur la poitrine celeste du Sauveur et baysé de sa bouche sacree, sans que vous y cooperies qu'en ne faisant pas resistance a recevoir ces divines caresses! Au contraire, saint Simeon embrasse et serre Nostre Seigneur sur son sein, sans que Nostre Seigneur fasse aucun semblant de cooperer a cette union, bien que, comme chante la [12] tressainte Eglise, «le viellard portoit l'Enfant, mays l'Enfant gouvernoit le viellard.» Saint Bonaventure, touché d'une sainte humilité, non seulement ne s'unissoit pas a Nostre Seigneur, ains se retiroit de sa presence reelle, c'est a dire du tressaint Sacrement de l'Eucharistie, quand un jour oyant Messe, Nostre Seigneur se vint unir a luy, luy portant son divin Sacrement: or cette union faite, hé Dieu, Theotime, pensés de quel amour cette sainte ame serra son Sauveur sur son cœur! A l'opposite, sainte Catherine de Sienne, desirant ardemment Nostre Seigneur en la sainte Communion, pressant et poussant son ame et son affection devers luy, il se vint joindre a elle, entrant en sa bouche avec mille benedictions.

  A005000175 

 La sacree amante du Cantique parle comme ayant prattiquee l'une et l'autre sorte d'union: Je suis toute a mon Bienaymé, ce dit-elle, et son retour est devers moy; car c'est autant que si elle disoit: Je me suis unie a mon cher Ami, et reciproquement il se retourne devers moy pour, en s'unissant de plus en plus a moy, se rendre aussi tout mien; Mon cher Ami m'est un bouquet de myrrhe, il demeurera entre mes mammelles, et je le serreray sur mon sein, comme un bouquet de suavité; Mon ame, dit David, s'est serree a vous, o mon Dieu, et vostre main droite m'a empoigné et saisi.

  A005000183 

 Et pourquoy le cherches vous? Pour estre aupres de luy.

  A005000183 

 Hé, que cherches vous, o Mere de la vie, en ce mont de Calvaire et en ce lieu de mort? Je cherche, eust elle dit, mon Enfant qui est la vie de ma vie.

  A005000183 

 Jacob, dit saint Bernard, tenant Dieu bien serré le veut bien quitter, pourveu qu'il reçoive sa benediction; mais Sulamite ne le quittera point quelle benediction qu'il luy donne, car elle ne veut pas les benedictions de Dieu, elle veut le Dieu des benedictions, disant avec David: Qu'y a-il au Ciel pour moy et que veux-je sur la terre sinon vous? vous estes le Dieu de mon cœur et mon partage a toute eternité.

  A005000184 

 Voyés, je vous prie, cet homme pris et serré par attention a la suavité d'une harmonieuse musique, ou bien (ce qui est extravagant) a la niaiserie d'un jeu de cartes: vous l'en voules retirer et vous ne pouves, quelles affaires qu'il ayt au logis on ne le peut arracher, il en perd mesme le boire et le manger.

  A005000185 

 Voyes, je vous prie, Theotime, ce petit enfant attaché au tetin et au col de sa mere: si on le veut arracher de la pour le porter en son berceau, parce qu'il en est tems, il marchande et dispute tant qu'il peut pour ne point quitter ce sein tant amiable; si on le fait desprendre d'une main il s'accroche de l'autre, et si on l'enleve du tout il se met a pleurer, et tenant son cœur et ses yeux ou il ne peut plus tenir son cors, il va reclamant sa chere mere, jusques a ce qu'a force de le bercer on l'ayt endormi.

  A005000187 

 Imagines vous donques, que saint Paul, saint Denis, saint Augustin, saint Bernard, saint François, sainte Catherine de Gennes ou de Sienne sont encor en ce monde, et qu'ilz dorment de lassitude apres plusieurs travaux pris pour l'amour de Dieu; representes vous d'autre part quelque bonne ame, mais non pas si sainte comme eux, qui fust en l'orayson d'union a mesme tems: je vous [18] demande, mon cher Theotime, qui est plus uni, plus serré, plus attaché a Dieu, ou ces grans Saintz qui dorment, ou cette ame qui prie? Certes, ce sont ces admirables amans; car ilz ont plus de charité, et leurs affections, quoy qu'en certaine façon dormantes, sont tellement engagees et prises a leur Maistre qu'elles en sont inseparables.

  A005000187 

 Mays, ce me dires vous, comme se peut-il faire qu'une ame qui est en l'orayson d'union, et mesme jusques a l'extase, soit moins unie a Dieu que ceux qui dorment, pour saintz qu'ilz soyent? Voyci que je vous dis, Theotime: celle la est plus avant en l'exercice de l'union, et ceux ci sont plus avant en l'union; ceux ci sont unis et ne s'unissent pas, puisqu'ilz dorment, et celle la s'unit, estant en l'exercice et prattique actuelle de l'union..

  A005000188 

 Au demeurant, cet exercice de l'union avec Dieu se peut mesme prattiquer par des courtz et passagers mais frequens eslans de nostre cœur en Dieu, par maniere d'oraysons jaculatoires faites a cette intention: Ah, Jesus, qui me donnera la grace que je sois un seul esprit avec vous! En fin, Seigneur, rejettant la multiplicité des creatures, je ne veux que vostre unité! O Dieu, vous estes le seul un et la seule unité necessaire a mon ame! Helas, cher Ami de mon cœur, unisses ma pauvre unique ame a vostre tres unique bonté.

  A005000188 

 Hé, vous estes tout mien, quand seray-je tout vostre! L'aymant tire le fer et le serre: o Seigneur Jesus, mon Amant, soyes mon tire-cœur; serrés, pressés et unisses a jamais mon esprit sur vostre paternelle poitrine! Hé, puisque je suis fait pour vous, pourquoy ne suis-je pas en vous? Abismés cette goutte d'esprit que vous m'aves donnee, [19] dedans la mer de vostre bonté, de laquelle elle procede.

  A005000192 

 O hommes, jusques a quand seres vous si insensés que de vouloir ravaler vostre dignité naturelle, descendans volontairement et vous precipitans en la condition des bestes brutes?.

  A005000206 

 Affin donq qu'on puisse discerner les extases divines d'avec les humaines et diaboliques, les serviteurs de Dieu ont laissé plusieurs documens; mays quant a moy, il me suffira pour mon propos de vous proposer deux marques de la bonne et sainte extase: l'une est que l'extase sacree ne se prend ni attache jamais tant a l'entendement qu'a la volonté, laquelle elle esmeut, eschauffe et remplit d'une puissante affection envers Dieu; de maniere que si l'extase est plus belle que bonne, plus lumineuse que chaleureuse, plus speculative qu'affective, elle est grandement douteuse et digne de soupçon.

  A005000209 

 La mort fait que l'ame ne vit plus en son cors ni en l'enclos d'iceluy; que veut donq dire, Theotime, cette parole de l'Apostre: Vous estes mortz? C'est comme s'il eust dit: Vous ne vives plus en vous mesme ni dedans l'enclos de vostre propre condition naturelle, vostre ame ne vit plus selon elle mesme, mays au dessus d'elle mesme.

  A005000209 

 Vous estes mortz, disoit le grand Apostre aux Rhodiens, et vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu.

  A005000215 

 Et qui ne void, Theotime, je vous prie, que c'est l'extase de la vie et operation de laquelle le grand Apostre parle principalement, quand il dit: Je vis, mais non plus moy, ains Jesus Christ vit en moy? car il l'explique luy mesme en autres termes aux Romains, disant que nostre viel homme est crucifié ensemblement avec Jesus Christ, que nous sommes mortz au peché avec luy, et que de mesme nous sommes resuscités avec luy pour marcher en nouveauté de vie, affin de ne servir plus au peché.

  A005000217 

 Estimés, dit saint Paul, que vous estes vrayement mortz au peché et vivans a Dieu, en Jesus Christ Nostre Seigneur..

  A005000221 

 Mais quelle resolution? Voyes, je vous prie, Theotime, comme il va gravement fichant et poussant sa conception dans nos cœurs: estimans ceci, dit il; et quoy? que si un est mort pour tous, donques tous sont morts; et Jesus Christ est mort pour tous.

  A005000221 

 Oyes, Theotime, je vous prie, soyes attentif et peses la force et efficace des ardentes et celestes paroles de cet Apostre, tout ravi et transporté de l'amour de son Maistre.

  A005000221 

 Si un homme sçait d'estre aymé de qui [32] que ce soit, il est pressé d'aymer reciproquement; mais si c'est un homme vulgaire qui est aymé d'un grand seigneur, certes il est bien plus pressé; mais si c'est d'un grand monarque, combien est-ce qu'il est pressé davantage? Et maintenant, je vous prie, sachans que Jesus Christ, vray Dieu eternel, tout puissant, nous a aymés jusques a vouloir souffrir pour nous la mort, et la mort de la croix, o mon cher Theotime, n'est ce pas cela avoir nos coeurs sous le pressoir et les sentir presser de force, et en exprimer de l'amour par une violence et contrainte qui est d'autant plus violente qu'elle est toute aymable et amiable? Mais, comme est-ce que ce divin Amant nous presse? La charité de Jesus Christ nous presse, dit son saint Apostre, estimans ceci.

  A005000237 

 Saint Louys, ce grand roy entre les Saintz et grand Saint entre les roys, frappé de pestilence, ne cessa jamais de prier; puis, ayant receu le divin Viatique, estendant les bras en croix, les yeux fichés au ciel, expira souspirant ardemment ces paroles d'une parfaite confiance amoureuse: Hé, Seigneur, j'entreray en vostre mayson, je vous adoreray en vostre saint temple et beniray vostre nom.

  A005000243 

 O Dieu, Theotime, que cette mort est heureuse! que douce est cette amoureuse sagette qui, nous blessant de cette playe incurable de la sacree dilection, nous rend pour jamais languissans et malades d'un battement de cœur si pressant qu'en fin il faut mourir! De combien penses-vous que ces sacrees langueurs et les travaux supportés pour la charité avançassent les jours aux divins amans, comme a sainte Catherine de Sienne, a saint François, au petit Stanislas Koska, a saint Charles et a plusieurs centaines d'autres qui moururent si jeunes? Certes, quant a saint François, des qu'il eut receu les saintes stigmates de son Maistre, il eut de si fortes et penibles douleurs, tranchees, convulsions et maladies, qu'il ne luy demeura que la peau et les os, et sembloit plustost une anatomie ou une image de la mort, qu'un homme vivant et respirant encores.

  A005000248 

 Car, voyés, je vous supplie, Theotime, son trespas.

  A005000248 

 Qui ne void, je vous prie, Theotime, que cet homme seraphique, qui avoit tant desiré d'estre martyrisé et de mourir pour l'amour, mourut en fin d'amour, ainsy que je l'ay expliqué ailleurs?.

  A005000248 

 Se voyant sur le point de son despart, il se fit mettre nud sur la terre, puis ayant receu un habit en aumosne, duquel on le vestit, il harangua ses freres, les animant a l'amour et crainte de Dieu et de l'Eglise, fit lire la Passion du Sauveur, puis commença avec une ardeur extreme a prononcer le Psalme CXLI: J'ay crié de ma voix au Seigneur, j'ay supplié de ma voix le Seigneur; et ayant prononcé ces dernieres paroles: O Seigneur, tires mon ame de la prison, affin que je benisse vostre saint nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me guerdonnies, il expira, l'an quarante cinquiesme de son aage.

  A005000250 

 Ce que le medecin fit, et luy ayant tasté le poulz: «Il n'y a plus,» dit il, «aucun remede; devant que le soleil soit couché vous trespasseres.» «Mays que dires vous,» repliqua alhors le malade, «si je suis encor demain en vie?» «Je me feray Chrestien, je vous le prometz,» dit le medecin.

  A005000250 

 Puis, estant revenu en sa chambre et remis dans son lit, apres s'estre asses longuement entretenu par l'orayson avec Nostre Seigneur, il exhorta saintement les assistans a servir Dieu de tout leur cœur; et en fin voyant les Anges venir a luy, prononçant avec extreme suavité ces paroles: Mon Dieu, je vous recommande mon ame et la remetz entre vos mains, il expira; et le pauvre medecin converti, le voyant ainsy trespassé, l'embrassant et fondant en larmes sur iceluy: «O grand Basile, serviteur de Dieu,» dit-il, «en verité, si vous eussies voulu, vous ne fussies non plus mort aujourd'huy qu'hier.» Qui ne void que cette mort fut toute d'amour? Et la bienheureuse Mere Therese de Jesus revela apres son trespas, qu'elle estoit morte d'un assaut et impetuosité d'amour, qui avoit esté si violent que, la nature ne le pouvant supporter, l'ame s'en estoit allee avec le bienaymé object de ses affections.

  A005000257 

 Puys, resuscitant avec luy, il va en Emaüs et void tout ce qui se passe entre le Seigneur et les deux disciples; et en fin, revenant sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension, et la, voyant les dernieres marques et vestiges des pieds du divin Sauveur, prosterné sur icelles et les baysant mille et mille fois avec des souspirs d'un amour infini, il commença a retirer a soy toutes les forces de ses affections, comme un archer retire la corde de son arc quand il veut descocher sa fleche; puis se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «O Jesus,» dit il, « mon doux Jesus, je ne sçai plus ou vous chercher et suivre en terre; hé! Jesus, Jesus mon amour, accordes donq a ce cœur qu'il vous suive et s'en aille apres vous la haut.» Et avec ces ardentes paroles il lança quant et quant son ame au Ciel, comme une sacree sagette que, comme divin archer, [47] il tira au blanc de son tres heureux object.

  A005000262 

 Quand le Sauveur estoit encor petit enfant, le grand Joseph son Pere nourricier, et la tres glorieuse Vierge sa Mere, l'avoyent porté maintefois, et specialement au passage qu'ilz firent de Judee en Egypte et d'Egypte en Judee: hé, qui doutera donq que ce saint Pere, parvenu a la fin de ses jours, n'ayt reciproquement esté porté par son divin Nourrisson au passage de ce monde en l'autre, dans le sein d'Abraham, pour de la le transporter dans le sien, a la gloire, le jour de son Ascension? Un Saint qui avoit tant aymé en sa vie ne pouvoit mourir que d'amour; car son ame ne pouvant a souhait aymer son cher Jesus entre les distractions de cette vie, et ayant achevé le service qui estoit requis au bas aage d'iceluy, que restoit-il sinon qu'il dist au Pere eternel: O Pere, j'ay accompli l'œuvre que vous m'avies donnee en charge; et puis au Filz: O mon Enfant, comme vostre Pere celeste remit vostre cors entre mes mains au jour de vostre venue en ce monde, ainsy en ce jour de mon despart de ce monde je remetz mon esprit entre les vostres..

  A005000263 

 Car, a qui de tous les Seraphins appartient-il de dire au Sauveur: Vous estes mon vray Filz, et je vous ayme comme mon vray Filz? et a qui de toutes les creatures fut il jamais dit par le Sauveur: Vous estes ma vraye Mere et je vous ayme comme ma vraye Mere, vous estes ma vraye Mere toute mienne et je suis vostre vray Filz tout vostre? Si donques un serviteur amant osa bien dire, et le dit en verité, qu'il n'avoit point d'autre vie que celle de son Maistre, helas, combien hardiment et ardemment devoit exclamer cette Mere: Je n'ay point d'autre vie que la vie de mon Filz, ma vie est toute en la sienne, et la sienne toute en la mienne; car ce n'estoit plus union, ains unité de cœur, d'ame et de vie entre cette Mere et ce Filz..

  A005000270 

 Les estoiles sont merveilleusement belles a voir et jettent des clartés aggreables, mais si vous y aves pris garde, c'est par brillemens, estincellemens et eslans qu'elles produisent leurs rayons, comme si elles enfantoyent la lumiere avec effort, a diverses reprises; soit que leur clarté estant foible ne puisse pas agir si continuellement avec egalité, soit que nos yeux imbecilles ne fassent pas leur veüe constante et ferme a cause de la grande distance qui est entr'eux et ces astres.

  A005000309 

 Regardons donq cent fois le jour cette amoureuse volonté de Dieu, et fondans nostre volonté dans icelle, escrions devotement: O Bonté d'infinie douceur, que vostre volonté est amiable! que vos faveurs sont desirables! Vous nous aves creés pour la vie eternelle, et vostre poitrine maternelle, enflee des mammelles sacrees d'un amour incomparable, abonde en lait de misericorde, soit pour pardonner aux penitens, soit pour perfectionner les justes: hé, pourquoy donq ne collons nous pas nos volontés a la vostre, comme les petitz enfans s'attachent au chicheron du tetin de leurs meres, pour succer le lait de vos eternelles benedictions!.

  A005000311 

 David acceptoit en particulier les afflictions, comme un acheminement a sa perfection, quand il chantoit en cette sorte: O qu' il m'est bon, Seigneur, que vous m'ayes humilié, affin que j'apprenne vos justifications, ainsy furent les Apostres joyeux es tribulations, dequoy ilz avoyent la faveur d'endurer des ignominies pour le nom de leur Sauveur.

  A005000315 

 Le desir que Dieu a de nous faire observer ses commandemens est extreme, ainsy que toute l'Escriture tesmoigne: et comme le pouvoit il mieux exprimer que par les grandes recompenses qu'il propose aux observateurs de sa loy, et les estranges supplices dont il menasse les violateurs d'icelle? C'est pourquoy David exclame: O Seigneur, vous aves ordonné que vos commandement soyent trop plus observés..

  A005000340 

 Il fut escrit de vous, o Sauveur de mon ame, que vous fissies la volonté de vostre Pere eternel; et par le premier vouloir humain de vostre ame, a l'instant de vostre conception, vous embrassastes amoureusement cette loy de la volonté divine et la mistes au milieu de vostre cœur pour y regner et dominer eternellement: hé, qui fera la grace a mon ame qu'elle n'ait point de volonté que la volonté de son Dieu!.

  A005000340 

 Quand l'Espouse celeste veut exprimer l'infinie suavité des parfums de son divin Espoux, Vostre nom, luy dit elle, est un unguent respandu; comme si elle disoit: Vous estes si excellemment parfumé qu'il semble que vous soyes tout parfum, et qu'il soit a propos de vous appeller unguent et parfum, plustost qu'oint et parfumé.

  A005000342 

 Hé, voyés, je vous prie, Theotime, quelle ardeur de ces chevaliers au service et contentement de leur maistre! ilz volent et fendent la presse des ennemis, avec mille dangers de se perdre, pour assouvir un seul simple souhait que le Roy leur tesmoigne.

  A005000348 

 C'est une heresie de dire que Nostre Seigneur ne nous a pas bien conseillés, et un blaspheme de dire a Dieu: Retire toy de nous, nous ne voulons point la science de tes voyes; mais c'est une irreverence horrible contre Celuy qui avec tant d'amour et de suavité nous invite a la perfection, de dire: je ne veux pas estre saint, ni parfait, ni avoir plus de part en vostre bienveuillance, ni suivre les conseilz que vous me donnés pour faire progres en icelle..

  A005000353 

 Si vous aves la migraine et [84] que l'odeur du musque vous nuyse, laisseres vous pour cela d'avouer que cette senteur soit bonne et aggreable? Si une robbe d'or ne vous est pas avenante, dirés vous qu'elle ne vaut rien? Si une bague n'est pas pour vostre doigt, la jetteres vous pour cela dans la boüe? Loues donq, Theotime, et aymes cherement tous les conseilz que Dieu a donné aux hommes.

  A005000356 

 La charité requiert elle que pour secourir vostre père [85] ou vostre mere vous demeuries chez eux? conserves neanmoins l'amour et l'affection a vostre retraitte, ne tenes vostre cœur au logis paternel qu'autant qu'il faut pour y faire ce que la charité vous ordonne.

  A005000356 

 N'est il pas expedient a cause de vostre qualité que vous gardies la parfaite chasteté? gardes en donq au moins ce que sans faire tort a la charité vous en pourres garder.

  A005000356 

 Vous n'estes pas obligé de faire aucun vœu; mais faites en pourtant quelques uns qui seront jugés propres par vostre pere spirituel, pour vostre avancement en l'amour divin.

  A005000356 

 Vous n'estes pas obligé de rechercher celuy qui vous a offencé, car c'est a luy de revenir a soy et venir a vous pour vous donner satisfaction, puisqu'il vous a prevenu par injure et outrage; mays alles neanmoins, Theotime, faites ce que le Sauveur vous conseille, prevenes-le au bien, rendes-luy bien pour mal, jettes sur sa teste et sur son cœur un brasier ardent de tesmoignages de charité, qui le brusle tout et le force de vous aymer.

  A005000356 

 Vous n'estes pas obligé par la rigueur de la loy de donner a tous les pauvres que vous rencontres, ains seulement a ceux qui en ont un tres grand besoin; mays ne laisses pas pour cela, suivant le conseil du Sauveur, de donner volontier a tous les indigens que vous treuveres, autant que vostre condition et les veritables necessités de vos affaires le permettront.

  A005000356 

 Vous pouves librement user du vin dans les termes de la bienseance; mais, selon le conseil de saint Paul a Timothee, n'en prenes que ce qu'il faut pour soulager vostre estomac..

  A005000364 

 Hé, Seigneur, disoit le fidele Eliezer, voyci que je suis pres de cette fontaine d'eau, et les filles des habitans de cette cité sortiront pour puiser de l'eau; la jeune fille, donq, a laquelle je diray: Panches vostre cruche affin que je boive, et elle respondra: Beuves, ains je donneray encor a boire a vos chameaux, c'est celle la que vous aves preparee pour vostre serviteur Isaac.

  A005000379 

 Et bien qu'elle soit belliqueuse et guerriere, si est ce que tout ensemble elle est tellement paisible, qu'emmi les armees et batailles elle continue les accors d'une melodie nompareille: Que verres-vous, dit elle, en la Sulamite sinon les chœurs des armees? Ses armees sont des chœurs, c'est a dire des accors des chantres; et ses chœurs sont des armees, parce que les armes de l'Eglise et de l'ame devote ne sont autre chose que les oraysons, les hymnes, cantiques et pseaumes.

  A005000385 

 Car lhors que les hermites espars parmi les desertz voysins d'Antioche sceurent la vie extraordinaire qu'il faysoit sur sa colomne, en laquelle il sembloit estre ou un Ange terrestre ou un homme celeste, ilz luy envoyerent un deputé d'entr'eux, auquel ilz donnerent ordre de luy parler de leur part en cette sorte: «Pourquoy est-ce, Simeon, que laissant le grand chemin de la vie devote, frayé par tant de grans et saintz devanciers, vous en suives un autre, inconneu aux hommes et tant esloigné de tout ce qui a esté veu et ouï jusques a present? Quittés, Simeon, cette colomne, et rangés-vous meshui avec les autres a la façon de vivre et a la methode de servir Dieu usitee par les bons Peres predecesseurs.» Que si Simeon acquiesçoit a leur advis, et pour condescendre a leur volonté se monstroit prompt a vouloir descendre, ilz donnerent charge au deputé de luy laisser la liberté de perseverer en ce genre de vie ja commencee, d'autant que par son obeissance, disoyent ces bons Peres, on pourra bien connoistre qu'il a entrepris cette sorte de vie par l'inspiration divine; mais, si, au contraire, il resistoit, et que mesprisant leur exhortation il voulust suivre sa propre volonté, ilz resolurent qu'il le failloit retirer par force et luy faire abandonner sa colomne.

  A005000386 

 Mays voyés, Theotime, je vous prie, comme ces anciens et saintz anachoretes, en leur assemblee generale, ne treuvent point de marque plus asseuree de l'inspiration celeste, en un sujet si extraordinaire comme fut la vie de ce saint Stylite, que de le voir simple, doux et maniable sous les lois de la tressainte obeissance [102].

  A005000388 

 Dont ilz peuvent dire avec le sacré Psalmiste: Seigneur, vous aves empoigné ma main droite, et m'aves conduit en vostre volonté, et m'aves recueilli avec beaucoup de gloire; J'ay esté fait comme un cheval envers vous, et je suis tous-jours avec vous: car, comme un cheval bien dressé se manie aysement, doucement et justement en toutes façons par l'escuyer qui le monte, aussi l'ame amante est si souple a la volonté de Dieu, qu'il en fait tout ce qu'il veut.

  A005000393 

 Mais, Theotime, je vous advertis d'une tentation ennuyeuse qui arrive maintefois aux ames qui ont un grand desir de suivre en toutes choses ce qui est le plus selon la volonté de Dieu.

  A005000405 

 Considerons en bloc, Theotime, tout ce qui a esté, qui est et qui sera; et, tous ravis d'estonnement, nous serons contrains d'exclamer a l'imitation du Psalmiste: O Seigneur, je vous loueray parce que vous estes excessivement magnifié; vos œuvres sont merveilleuses, et mon ame le reconnoist trop plus; Vostre [109] science est admirable au dessus de moy, elle prevaut, et je ne puis y atteindre.

  A005000410 

 Je vous consacre ma musique,.

  A005000416 

 Vous estes juste, o Dieu, vous estes equitable,.

  A005000419 

 mays voyans d'autre part que ces peynes, quoy qu'eternelles et incomprehensibles, sont toutefois moindres de beaucoup que les coulpes et crimes pour lesquelz elles sont infligees, ravis de l'infinie misericorde de Dieu: O Seigneur, diront ilz, que vous estes bon, puisqu'au plus fort de vostre ire vous ne pouves contenir le torrent de vos misericordes qu'elles n'escoulent leurs eaux dans les impiteuses flammes de l'enfer!.

  A005000421 

 Vous n'aves oublié la bonté de vostre ame,.

  A005000424 

 Vous n'aves sceu garder vostre sainte douceur.

  A005000450 

 Heroïque, ains plus qu'heroïque, l'indifference de l'incomparable saint Paul: Je suis pressé, dit il aux Philippiens, de deux costés; ayant desir d'estre deslivré de ce cors et d'estre avec Jesus Christ, chose trop plus meilleure, mais aussi de demeurer en cette vie pour vous.

  A005000459 

 Saute apres vous, Dieu de la vie!.

  A005000461 

 il vinst par apres a faire cette exclamation: «O Seigneur, neanmoins, si je suis encor requis au service du [120] salut de vostre peuple, je ne refuse point le travail; vostre volonté soit faite.» Admirable indiffErence de l'Apostre, admirable celle de cet homme apostolique! Ilz voyent le Paradis ouvert pour eux, ilz voyent mille travaux en terre; l'un et l'autre leur est indiffErent au choix, et n'y a que la volonté de Dieu qui puisse donner le contrepoids a leurs cœurs: le Paradis n'est point plus aymable que les miseres de ce monde si le bon playsir divin est Egalement la et icy; les travaux leur sont un Paradis si la volonté divine se treuve en iceux, et le Paradis un travail si la volonté de Dieu n'y est pas, car, comme dit David, ilz ne demandent ni au ciel ni en la terre que de voir le bon playsir de Dieu accompli: O Seigneur, qu'y a-il au ciel pour moy, ou que veux-je en terre sinon vous?.

  A005000469 

 Voyes, je vous prie, Theotime, comme la vie des Apostres estoit affligee, selon le cors par les blesseures, selon le cœur par les angoisses, selon le monde par l'infamie et les prisons.

  A005000476 

 Mays si c'est le bon playsir divin que le mal, victorieux des remedes, apporte en fin la mort, soudain que j'en seray certifié par l'evenement j'acquiesceray amoureusement en la pointe de mon esprit, nonobstant toute la repugnance des puissances inferieures de mon ame: Ouy, Seigneur, je le veux bien, ce diray je, parce que tel a esté vostre bon playsir; il vous a ainsy pleu et il me plaist ainsy a moy, qui suis tres humble serviteur de vostre volonté..

  A005000481 

 O Seigneur, vous estes le chevalier royal qui tournes a toutes mains les espritz de vos fideles amans: vous les pousses quelquefois a toute bride, et ilz courent a toute outrance es entreprises que vous leur inspires; et puis, quand il vous semble bon, vous les faites parer au milieu de la carriere, au plus fort de leur course.

  A005000488 

 Connoisses-vous que vostre retardement au chemin des vertus est provenu de vostre coulpe? or sus, humilies-vous devant Dieu, implores sa misericorde, prosternes vous devant la face de sa bonté et demandes-luy en pardon, confesses vostre faute et cries-luy mercy a l'oreille mesme de vostre confesseur pour en recevoir l'absolution: mais cela fait, demeures en paix, et ayant detesté l'offence, embrasses amoureusement [130] l'abjection qui est en vous, pour le retardement de vostre avancement au bien..

  A005000489 

 Helas, mon Theotime, les ames qui sont en Purgatoire y sont sans doute pour leurs pechés, pechés qu'elles ont detesté et detestent souverainement; mais quant a l'abjection et peyne qui leur en reste, d'estre arrestees en ce lieu la et privees pour un tems de la jouissance de l'amour bienheureux du Paradis, elles la souffrent amoureusement, et prononcent devotement le cantique de la justice divine: Vous estes juste, Seigneur, et vostre jugement equitable.

  A005000490 

 Neanmoins elle est encor sujette aux assautz et premiers mouvemens de cette passion, qui sont certains eslans, esbranlemens et saillies du cœur irrité, que la paraphrase Caldaïque appelle tremoussemens, disant: Tremousses, et ne veuilles point pecher, ou nostre sacree version a dit: Courrouces-vous, et ne veuilles point pecher; qui est en effect une mesme chose, car le Prophete ne veut dire sinon que si le courroux nous surprend, excitant en nos cœurs les premiers tremoussemens de la cholere, nous nous gardions bien de nous laisser emporter plus avant en cette passion, d'autant que nous pecherions.

  A005000490 

 Voyés cette bonne ame, je vous prie: elle a grandement desiré et tasché de s'affranchir de la cholere, en quoy Dieu l'a favorisee, car il l'a rendue quitte de tous les pechés qui procedent de la cholere; elle mourroit plustost que de dire un seul mot injurieux ou de lascher un seul trait de hayne.

  A005000499 

 Cependant, pour obstinés que les pecheurs puissent estre, ne perdons pas courage de les ayder et servir; car, que sçavons nous si par aventure ilz feront penitence et seront sauvés? Bienheureux est celuy qui peut dire a ses prochains comme saint Paul: Je n'ay cessé ni jour ni nuit en vous admonestant un chacun de vous avec larmes; et partant je suis net du sang de tous, car je ne me suis point espargné que je ne vous aye annoncé tout le bon playsir de Dieu.

  A005000500 

 Il failloit, disent les Apostres aux Juifz, vous annoncer premierement la parole de Dieu; mais d'autant que vous la rejettes et vous tenes pour indignes du regne de Jesus Christ, voyci que nous nous retournons du costé des Gentilz; On vous ostera, dit le Sauveur, le Royaume de Dieu, et il sera donné a une nation qui en fera du fruit.

  A005000514 

 Voyés, je vous prie, Theotime, ce que je veux dire: les jeunes petitz rossignolz s'essayent de chanter au commencement pour imiter les grans; mais estans façonnés et devenus maistres, ilz chantent pour le playsir qu'ilz prennent en leur propre gazouillement, et s'affectionnent si passionement a cette delectation, ainsy que j'ay dit ailleurs, qu'a force de pousser leurs voix leur gosier s'esclatte, dont ilz meurent.

  A005000518 

 Vous connoistres bien cela, Theotime: car si ce rossignol mystique chante pour contenter Dieu, il chantera le cantique qu'il sçaura estre le plus aggreable a la divine Providence; mais s'il chante pour le playsir que luy mesme prend en la melodie de son chant, il ne chantera pas le cantique qui est le plus aggreable a la Bonté celeste, ains celuy qui est plus a son gré de luy mesme, et duquel il pense tirer plus de playsir.

  A005000519 

 Hé, vous vous trompés, mes chers amis, ne dites pas que c'est pour mieux aymer et servir Dieu: o nenni certes! c'est pour mieux servir vostre propre contentement, lequel vous-aymes plus que le contentement de Dieu.

  A005000519 

 Ne vois tu pas, dira-on a cet Evesque, que Dieu veut que tu chantes le cantique pastoral de sa dilection emmi ton troupeau, lequel en vertu de son saint amour il te commande par trois fois de paistre, en la personne du grand saint Pierre qui fut le premier des Pasteurs? Que me respondras-tu? qu'a Rome, qu'a Paris il y a plus de delices spirituelles, et qu'on y peut prattiquer le divin amour avec plus de suavité? O Dieu, ce n'est donq pas pour vous plaire que cet homme veut chanter, c'est pour le playsir qu'il prend a cela; ce n'est pas vous qu'il cherche en l'amour, c'est le contentement qu'il a es exercices du saint amour.

  A005000520 

 Voules vous regarder Dieu? regardes le donq et soyes attentive a cela; car si vous reflechisses et retournes vos yeux dessus vous mesme, pour voir la contenance que vous tenes en le regardant, ce n'est plus luy que vous regardes, c'est vostre maintien, c'est vous mesme.

  A005000521 

 Pourquoy penses vous, Theotime, qu'Ammon, filz de David, aymast si esperdument Tharaar que mesme il cuyda mourir d'amour? estimes vous que ce fut elle mesme qu'il aimast? Vous verres bien tost que non; car soudain qu'il eut assouvi son execrable desir, il la poussa cruellement dehors et la rejetta ignominieusement.

  A005000521 

 Vous verres, Theotime, cet homme qui prie Dieu, ce vous semble, avec tant de devotion et qui est si ardent aux exercices de l'amour celeste; mais attendes un peu, et vous verres si c'est Dieu qu'il ayme.

  A005000527 

 Tandis, o Dieu, que je voy vostre douce face qui tesmoigne d'aggreer le chant de mon amour, helas, que je suis consolé! car, y a-il aucun playsir qui egale le playsir de bien plaire a son Dieu? Mais quand vous retires vos yeux de moy et que je n'apperçois plus la douce faveur de la complaysance que vous prenies en mon cantique, vray Dieu, que mon ame est en grande peyne! mais sans cesser pourtant de vous aymer fidelement et de chanter continuellement l'hymne de sa dilection, non pour aucun playsir qu'elle y treuve, car elle n'en a point, ains chante pour le pur amour de vostre volonté.

  A005000536 

 Que si vous y prenes garde, vous treuveres que nos espritz sont tous-jours en pareil estat quand ilz sont puissamment occupés de quelque violente passion; car ilz font plusieurs actions comme en songe, et desquelles ilz ont si peu de sentiment qu'il ne leur est presque pas advis que ce soit en verité que les choses se passent.

  A005000550 

 Et qui eust derechef demandé: Mais sçaves-vous bien, Madame, ou le Roy va? elle eust aussi respondu: Il me l'a dit en general, et neanmoins, je n'ay aucun soucy de sçavoir ou il va, ains seulement d'aller avec luy.

  A005000550 

 Imaginés-vous, Theotime, le glorieux et non jamais asses loué saint Louys qui s'embarque et fait voyle pour aller outre mer; et voyes que la Reyne, sa chere femme, s'embarque avec sa Majesté.

  A005000550 

 Or, qui eust demandé a cette brave princesse: Ou alles-vous, Madame? elle eust sans doute respondu: Je vay ou le Roy va.

  A005000550 

 Que si on eust repliqué: Donques, Madame, vous n'aves point de dessein en ce voyage? Non, eust-elle dit, je n'en ay point d'autre que d'estre avec mon cher seigneur et mari.

  A005000550 

 Voire mais, luy eust-on peu dire, il va en Egypte, pour passer en Palestine; il logera a Damiette, dans Acre et plusieurs autres lieux: n'aves vous pas intention, Madame, d'y aller aussi? A cela elle eust respondu: Non vrayement, je n'ay nulle intention sinon d'estre aupres de mon Roy, et les lieux ou il va me sont indifferens et de nulle consideration, sinon entant qu'il y sera; je vay sans desir d'aller, car je n'affectionne rien que la presence du Roy: c'est donq le Roy qui va, et qui veut le voyage, et quant a moy je ne vay pas, je suy; je ne veux pas le voyage, ains la seule presence du Roy; le sejour, le voyage et toute sorte de diversités m'estant tout a fait indifferentes..

  A005000552 

 C'est certes la souveraine perfection de nostre volonté que d'estre ainsy unie a celle de nostre souverain Bien, comme fut celle du Saint qui disoit: O Seigneur, vous m'aves conduit et mené en vostre volonté; car, que vouloit-il dire, sinon qu'il n'avoit nullement employé sa volonté pour se conduire, s'estant simplement laissé guider et mener a celle de son Dieu? [151].

  A005000555 

 Et affin que vous le sachies, tandis que je suis parmi les delices de ces saintes caresses qui [153] surpassent toute suavité, il m'est advis que ma Mere est un arbre dé vie et que je suis en elle comme son fruit, que je suis son propre cœur au milieu de sa poitrine, ou son ame au milieu de son cœur: c'est pourquoy, comme son marcher suffit pour elle et pour moy, sans que je me mesle de faire aucun pas, aussi sa volonté suffit pour elle et pour moy, sans que je fasse aucun vouloir pour ce qui est d'aller ou de venir.

  A005000555 

 Et qui luy eust demandé: Mais au moins, n'alles vous pas avec vostre Mere? n'eust-il pas eu rayson de dire: Non, je ne vay nullement, ou si je vay la part ou ma Mere me porte, je n'y vay pas avec elle ni par mes propres pas, ains j'y vay par les pas de ma Mere, par elle et en elle.

  A005000555 

 Et qui luy eust repliqué: Mais au moins, o trescher divin Enfant, vous vous voules bien laisser porter a vostre douce Mere? Non fay certes, eust-il peu dire, je ne veux rien de tout cela, ains, comme ma toute bonne Mere marche pour moy, aussi elle veut pour moy: je luy laisse egalement le soin et d'aller et de vouloir aller pour moy ou bon luy semblera; et comme je ne marche que par ses pas, aussi je ne veux que par son vouloir, et des que je me treuve entre ses bras je n'ay aucune attention ni a vouloir ni a ne vouloir pas, laissant tout autre soin a ma Mere hormis celuy d'estre sur son sein, de succer son sacré chicheron, et de me tenir bien attaché a son col tres aymable pour la bayser amoureusement des baysers de ma bouche.

  A005000555 

 O divin Enfant de Marie, permettes a ma chetifve ame cet eslan de dilection! Or alles donq, o cher petit Enfant tres aymable, ou plustost, n'alles pas, mais demeures ainsy saintement collé a la poitrine de vostre douce Mere; alles tous-jours en elle et par elle, ou avec elle, et n alles jamais sans elle tandis que vous estes enfant.

  A005000555 

 O que bienheureux est le ventre qui vous a porté et les mammelles que vous aves succees!.

  A005000557 

 Non, Seigneur, je ne veux aucun evenement, car je les vous laisse vouloir pour moy tout a vostre gré; mais en lieu de vouloir les evenemens, je vous beniray dequoy vous les aures voulu.

  A005000563 

 Mon pere, respondit elle, je suis vostre, je ne sçai ce que je dois vouloir pour guerir, c'est a vous de vouloir et faire pour moy tout ce qui vous semblera bon; car, quant a moy, il me suffit de vous aymer et honnorer de tout mon cœur, comme je fay.

  A005000566 

 Et si vous y prenes garde, l'attente de l'ame est vrayement volontaire, et toutefois ce n'est pas une action, mais une simple disposition a recevoir ce qui arrivera; et lhors que les evenemens sont arrivés et receuz, l'attente se convertit en consentement ou acquiescement, mais avant la venue d'iceux, en verité l'ame est en une simple attente, indifferente a tout ce qu'il plaira a la volonté divine d'ordonner..

  A005000567 

 Mays voyes, je vous prie, Theotime, que tout ainsy que nostre Sauveur, apres l'orayson de resignation qu'il fit au jardin des Olives et sa prise, se laissa manier et mener au gré de ceux qui le crucifierent, avec un abandonnement admirable de son cors et de sa vie entre leurs mains, aussi mit-il son ame et sa volonté, par une indifference tres parfaite, es mains de son Pere eternel.

  A005000575 

 Et le glorieux saint Paul, despouillé en un moment de toutes affections: Seigneur, dit-il, que voules vous que je face? c'est a dire: Que vous plait-il que j'affectionne, puisque me jettant a terre vous aves fait mourir ma volonté propre? Hé, Seigneur, mettes vostre bon playsir en sa place et m'enseignes de faire vostre volonté, car vous estes mon Dieu.

  A005000585 

 Mais voyés, Theotime, combien cette loy d'amour est aymable! Hé, Seigneur Dieu, ne suffisoit il pas qu'il vous pleust de nous permettre ce divin amour, comme Laban permit celuy de Rachel a Jacob, sans qu'il vous pleust encor de nous y semondre par exhortations, de nous y pousser par vos commandemens? Mais non, Bonté divine, affin que ni vostre grandeur, ni nostre bassesse, ni pretexte quelcomque ne nous retardast de vous aymer, vous nous le commandés.

  A005000585 

 O vray Dieu, si nous le sçavions entendre, mon cher Theotime, quelle obligation aurions-nous a ce souverain Bien qui non seulement nous permet, mais nous commande de l'aymer! Helas, o Dieu, je ne sçay pas si je dois plus aymer vostre infinie beauté qu'une si divine bonté m'ordonne d'aymer, ou vostre divine bonté qui m'ordonne d'aymer une si tres infinie beauté! O beauté, combien estes vous aymable, m'estant octroyee par une si immense bonté! o bonté, que vous estes amiable de me communiquer une si eminente beauté!.

  A005000594 

 Hé, vray Dieu, combien est desirable la suavité de ce commandement, Theotime, puisque si la divine volonté le faysoit aux damnés ilz seroyent en un moment delivrés de leur plus grand malheur, et que les Bienheureux ne sont Bienheureux que par la prattique d'iceluy! O amour celeste, que vous estes aymable a nos ames! et que benie soit a jamais la Bonté laquelle nous commande avec tant de soin qu'on l'ayme, quoy que son amour soit si desirable et necessaire a nostre bonheur que sans iceluy nous ne puissions estre que malheureux! [168].

  A005000612 

 O Seigneur, disoit David, je vous ay cherché de tout mon cœur; J'ay crié de tout mon cœur, Seigneur, exauces moy; et la sacree Parole tesmoigne que vrayement il avoit suivi Dieu de tout son cœur.

  A005000612 

 Voyes donq, Theotime, je vous prie, voyes comme David, Ezechias et Josias aymerent Dieu de tout leur cœur, et que neanmoins ilz ne l'aymerent pas tous troys egalement, puisque aucun de ces troys n'eut son semblable en cet amour, ainsy que dit le sacré Texte.

  A005000627 

 Et ces ames, comme vous voyes, Theotime, ayant si grande union avec l'Espoux, elles meritent bien de participer a son rang, et d'estre reynes comme il est Roy, puisqu'elles luy sont toutes dediees, sans [181] division ni separation quelcomque, n'aymans rien hors de luy et sans luy, ains seulement en luy et pour luy..

  A005000629 

 Car, je vous prie, Theotime, que devoit estre celuy qui de tout son cœur chantoit a Dieu:.

  A005000641 

 Or, ne voyes vous pas, Theotime, que quicomque ayme Dieu de cette sorte, il a toute son ame et toute sa force dediee a Dieu? puisque tous-jours et a jamais, en toutes occurrences, il preferera la bonne grace de Dieu a toutes choses, et sera tous-jours prest de quitter tout l'univers pour conserver l'amour qu'il doit a la divine Bonté.

  A005000641 

 Vous sçaves, Theotime, qu'il y a plusieurs especes d'amour: comme, par exemple, il y a un amour paternel, filial, fraternel, nuptial, de societé, d'obligation, de dependence, et cent autres, qui tous sont differens en excellence, et tellement proportionnés a leurs objectz qu'on ne peut bonnement les addresser ou approprier aux autres.

  A005000649 

 Il est vray, Theotime, vous verres une mere tellement embesoignee de son enfant qu'il semble qu'elle n'ayt aucun autre amour que celuy la: elle n'a plus d'yeux que pour le voir, plus de bouche que pour le bayser, plus de poitrine que pour l'allaiter, ni plus de soin que pour l'eslever, et semble que le mari ne luy soit plus rien au prix de cet enfant; mais s'il failloit venir au choix de perdre l'un ou l'autre, on verroit bien qu'elle estime plus le mari, et que si bien l'amour de l'enfant estoit le plus tendre, le plus pressant, le plus passionné, l'autre neanmoins estoit le plus excellent, le plus fort et le meilleur.

  A005000654 

 Mais Saprice, impliable a ses semonces, refusa tous-jours la reconciliation avec autant de fierté comme Nicephore la demandoit avec beaucoup d'humilité; de maniere qu'en fin le pauvre Nicephore, estimant [192] que si Saprice le voyoit prosterné devant luy et requerant le pardon il en seroit plus vivement touché, il le va treuver chez luy, et se jettant courageusement a ses pieds: «Mon Pere,» luy dit-il, «hé, pardonnes moy, je vous supplie, pour l'amour de Nostre Seigneur.» Mais cette humilité fut mesprisee et rejettee comme les precedentes..

  A005000655 

 C'est pourquoy Dieu repoussa son present, et retirant sa misericorde de luy, permit que non seulement il perdist le souverain bonheur du martyre, mais qu'encor il se precipitast au malheur de l'idolatrie; tandis que l'humble et doux Nicephore, voyant cette couronne du martyre vacante par l'apostasie de l'endurci Saprice, touché d'une excellente et extraordinaire inspiration, se pousse hardiment pour l'obtenir, disant aux archers et bourreaux: «Je suis, mes amis, je suis en verité Chrestien et crois en Jesus Christ que cestuy cy [194] a renié; mettes moy donq, je vous prie, en sa place, et tranches moy la teste.» Dequoy les archers s'estonnant infiniment, ilz en portent la nouvelle au gouverneur, qui ordonna que Saprice fust mis en liberté et que Nicephore fust supplicié: et cela advint le neufviesme febvrier, environ l'an 260 de nostre salut, ainsy que recitent Metaphraste et Surius..

  A005000655 

 Ce que Nicephore n'eut pas plus tost apperceu, que soudain il accourut, et ayant rencontré son Saprice, se prosternant en terre: Helas, crioit il a haute voix, «o martyr de Jesus Christ, pardonnés moy, car je vous ay offencé!» Dequoy Saprice ne tenant conte, le pauvre Nicephore, gaignant vistement le devant par une autre rue, vint derechef en mesme humilité, le conjurant de luy pardonner, en ces termes: «O martyr de Jesus Christ, pardonnes l'offence que je vous ay faite, comme homme que je suis, sujet a faillir; car voyla que des-ormais une couronne vous est donnee par Nostre Seigneur que vous n'aves point renié, ains aves confessé son saint nom devant plusieurs tesmoins.» Mais Saprice, continuant en sa fierté, ne luy respondit pas un seul mot, ains les bourreaux seulement, admirans la perseverance de Nicephore: «Onques,» luy dirent ilz, «nous ne vismes un si grand fol; cet homme va mourir tout maintenant, qu'as-tu besoin de son pardon?» A quoy respondant Nicephore: «Vous ne sçaves pas,» dit il, «ce que je demande au confesseur de Jesus Christ, mais Dieu le sçait.» [193] Or tandis Saprice arriva au lieu du supplice, ou Nicephore derechef s'estant jette en terre devant luy: «Je vous supplie,» faisoit-il, «o martyr de Jesus Christ, de me vouloir pardonner, car il est escrit: Demandés, et il vous sera octroyé.» Paroles lesquelles ne sceurent onques fleschir le cœur felon et rebelle du miserable Saprice qui, refusant obstinement de faire misericorde a son prochain, fut aussi par le juste jugement de Dieu privé de la tres glorieuse palme du martyre; car les bourreaux luy commandans de se mettre a genoux affin de luy trancher la teste, il commença a perdre courage et de capituler avec eux, jusques a leur faire en fin finale cette deplorable et honteuse sousmission: «Hé, de grace, ne me coupés pas la teste, je m'en vay faire ce que les Empereurs ordonnent, et sacrifier aux idoles.» Ce que oyant le pauvre bon Nicephore, la larme a l'œil, il se print a crier: «Ah, mon cher frere, ne veuilles pas, je vous prie, ne veuilles pas transgresser la loy et renier Jesus Christ; ne le quittes pas, je vous supplie, et ne perdes pas la celeste couronne que vous aves acquise par tant de travaux et de tourmens.» Mais helas! ce lamentable prestre, venant a l'autel du martyre pour y consacrer sa vie a Dieu eternel, ne s'estoit pas souvenu de ce que le Prince des Martyrs avoit dit: Si tu apportes ton offrande a l'autel, et tu te resouviens, y estant, que ton frere a quelque chose contre toy, laisse la ton offrande, et va premierement te reconcilier a ton frere, et alhors revenant, tu presenteras ton oblation.

  A005000656 

 Histoire effroyable et digne d'estre grandement pesee pour le sujet dont nous parlons; car aves vous veu, mon cher Theotime, ce courageux Saprice comme il estoit hardi et ardent a maintenir la foy, comme il souffre mille tourmens, comme il est immobile et ferme en la confession du nom du Sauveur tandis qu'on le roule et fracasse dans cet instrument fait a mode de vis, et comme il est tout prest de recevoir le coup de la mort pour accomplir le point le plus eminent de la loy divine, preferant l'honneur de Dieu a sa propre vie? Et neanmoins, parce que d'ailleurs il prefere a la volonté divine la satisfaction que son cruel courage prend en la hayne de Nicephore, il demeure court en sa course, et lhors qu'il est sur le point d'aconsuivre et gaigner le prix de la gloire par le martyre, il s'abbat malheureusement et se rompt le col, donnant de la teste dans l'idolatrie..

  A005000657 

 Mais, ce me dires vous, Nostre Seigneur a-il pas assigné l'extremité de l'amour qu'on peut avoir pour luy, quand il dit que plus grande charité ne peut-on avoir que d'exposer sa vie pour ses amis? Il est certes vray, Theotime, qu'entre les particuliers actes et tesmoignages de l'amour divin il n'y en a point de si grand que de subir la mort pour la gloire de Dieu; neanmoins il est vray aussi que ce n'est qu'un seul acte et un seul tesmoignage, qui est voirement le chef d'œuvre de la charité, mais outre lequel il y en a aussi plusieurs autres que la charité [195] requiert de nous, et les requiert d'autant plus ardemment et fortement que ce sont des actes plus aysés, plus communs et ordinaires a tous les amans, et plus generalement necessaires a la conservation de l'amour sacré.

  A005000657 

 O miserable Saprice, oseries vous bien dire que vous aymies Dieu comme il faut aymer Dieu, puisque vous ne preferies pas sa volonté a la passion de la hayne et rancune que vous avies contre le pauvre Nicephore? Vouloir mourir pour Dieu c'est le plus grand, mais non pas certes le seul acte de la dilection que nous devons a Dieu; et vouloir ce seul acte en rejettant les autres, ce n'est pas charité, c'est vanité.

  A005000658 

 Agripine ayant apris que l'enfant qu'elle portoit seroit voirement Empereur, mais qu'il la feroit par apres mourir: «Qu'il me tue,» dit elle, «pourveu qu'il regne.» Voyes, je vous prie, le desordre de ce cœur follement maternel: elle prefere la dignité de son filz a sa vie.

  A005000662 

 Vous sçaves, Theotime, quelles furent les amours de Jacob pour sa Rachel; et que ne fit il pas pour en tesmoigner la grandeur, la force et la fidelité, des lhors qu'il l'eut saluee aupres du puitz de l'abbreuvoir? Car jamais onques plus il ne cessa de mourir d'amour pour elle; et pour l'avoir en mariage il servit avec une ardeur nompareille sept ans entiers, luy estant encor advis que ce ne fut rien, tant l'amour adoucissoit les travaux qu'il supportoit pour cette bienaymee, de laquelle estant par apres frustré, il servit derechef encor sept ans durant pour l'obtenir, tant il estoit constant, loyal et courageux en sa dilection.

  A005000663 

 Car dites la verité, Theotime; fut-ce pas une estrange et tres volage legereté en Rachel, de preferer un bouquet de petites pommes aux chastes amours d'un si aymable mari? Si c'eust esté pour des royaumes, pour des monarchies; mais pour une chetifve poignee de mandragores! Theotime, que vous en semble?.

  A005000663 

 Ce que voyant Rachel: Faites moy part, dit elle a Lia, je vous prie, ma seur, des mandragores que vostre filz vous a donees.

  A005000663 

 La condition fut acceptee; et comme Jacob revenoit des chams sur le soir, Lia, impatiente de jouir de son eschange, luy alla au devant, et puis, toute comblee de joye: Ce sera ce soir, mon cher Seigneur mon ami, que vous seres pour moy, car j'ay acquis ce bonheur par le moyen des mandragores de mon enfant; et sur cela luy fit le recit de la convention passee entr'elle et sa seur.

  A005000663 

 Mais vous semble il, respondit Lia, que ce soit peu d'avantage pour vous de m'avoir ravi les amours pretieuses de mon mari, si vous n'aves encores les mandragores de mon enfant? Or sus, repliqua Rachel, donnes moy donq les mandragores, et qu'en eschange mon mari soit avec vous cette nuit.

  A005000667 

 En somme, Theotime, je vous dis ce mot digne d'estre noté.

  A005000667 

 Si quelqu'un me disoit qu'il ne me veut pas couper un bras pour l'amour qu'il me porte, et neanmoins me venoit arracher un œil, ou me rompre la teste, ou me percer le cors de part en part: Hé, ce dirois-je, comme me dites vous que c'est par amour que vous ne me coupes pas un bras, puisque vous m'arraches un œil qui ne m'est pas moins pretieux, ou que vous me donnes de vostre espee a travers le cors, qui m'est encores plus dangereux? C'est une maxime, que «le bien provient d'une cause vrayement entiere, et le mal de chasque defaut.» Pour faire un acte de vraye charité, il faut qu'il procede d'un amour entier, general et universel, qui s'estende a tous les commandemens divins; que si nous manquons d'amour en un seul commandement, nostre amour n'est plus entier ni universel, et le cœur dans lequel il est ne peut estre dit vrayement amant, ni par consequent vrayement bon.

  A005000675 

 Je vous dois aymer comme mon premier principe, puisque je suis de vous; je vous dois aymer comme ma fin et mon repos, puisque je suis pour vous; je vous dois aymer plus que mon estre, puisque mon estre subsiste par vous; je vous dois aymer plus que moy mesme, puisque je suis tout a vous et en vous..

  A005000675 

 Mais sur tout cette inclination est forte parce que nous sommes plus en Dieu qu'en nous mesmes, nous vivons plus en luy qu'en nous, et sommes tellement de luy, par luy, pour luy et a luy, que nous ne sçaurions, de sens rassis, penser ce que nous luy sommes et ce qu'il nous est que nous ne soyons forcés de crier: Je suis vostre, Seigneur, et ne dois estre qu'a vous; mon ame est vostre, et ne doit vivre que par vous; ma volonté est vostre, et ne doit aymer que [202] pour vous; mon amour est vostre, et ne doit tendre qu'en vous.

  A005000682 

 Et Raguel s'estant mis a dire beaucoup de bien d'iceluy, l'Ange luy dit: Tobie duquel vous vous enqueres, il est propre pere de celuy ci.

  A005000682 

 Et ayant dit cela, il les interrogea: D'ou estes-vous, jeunes gens, mes chers freres? A quoy ilz respondirent: Nous sommes de la tribu de Nephtali, de la captivité de Ninive.

  A005000682 

 Et il leur dit: Connoisses-vous Tobie mon frere? Ouy, nous le connaissons, dirent-ilz.

  A005000682 

 Ne remarques vous pas que Raguel, sans connoistre le petit Tobie, l'embrasse, le caresse, le bayse, pleure d'amour sur luy? D'ou provient cet amour sinon de celuy qu'il portoit au viel Tobie le pere, que cet enfant ressembloit si fort? Beni sois tu, dit il: mays pourquoy? non point, certes, [205] parce que tu es un bon jeune homme, car cela je ne le sçay pas encor, mays parce que tu es filz et ressembles a ton pere, qui est un tres homme de bien..

  A005000695 

 Voyés un peu, Theotime, je vous prie, comme ce divin Amant exprime delicatement la noblesse et generosité de sa jalousie: Ilz m'ont laissé, dit-il, moy qui suis la source d'eau vive; comme s'il disoit: Je ne me plains pas dequoy ilz m'ont quitté, pour aucun dommage que leur abandonnement me puisse apporter; car quel dommage peut recevoir une source vive si on n'y vient pas puiser de l'eau? laissera-elle pour cela de ruisseler et flotter sur la terre? mais je regrette leur malheur, dequoy m'ayant laissé, ilz se sont amusés a des puitz sans eaux.

  A005000696 

 Si jamais vous y aves pris garde, vous aures veu, Theotime, que ce debonnaire animal, revenant de l'essor et treuvant sa partie avec ses compaignons, il ne se peut empescher de ressentir un peu de desfiance qui le rend aspre et bigearre; de sorte que d'abord il la vient environner, grommelant, [211] morguant, trepignant et la frappant a trait d'aisles, quoy qu'il sçache bien qu'elle est fidelle et qu'il la voye toute blanche d'innocence..

  A005000699 

 Or, comme le zele est une ardeur enflammee ou une inflammation ardente de l'amour, il a aussi besoin d'estre sagement et prudemment prattiqué; autrement, sous pretexte d'iceluy, on violeroit les termes de la modestie ou discretion, et seroit aysé de passer du zele a la cholere et d'une juste affection a une inique passion: c'est pourquoy, n'estant pas ici le lieu de marquer les conditions du zele, mon Theotime, je vous advertis que pour l'execution d'iceluy vous ayes tous-jours recours a celuy que Dieu vous a donné pour vostre conduite en la vie devote.

  A005000703 

 Un chevalier desira qu'un peintre fameux luy fit un cheval courant, et le peintre le luy ayant presenté sur le dos et comme se vautrant, le chevalier commençoit a se courroucer, quand le peintre retournant l'image sans dessus dessous: Ne vous fasches pas, monsieur, dit-il; pour changer la posture d'un cheval courant en celle d'un cheval vautrant, il ne faut que renverser le tableau.

  A005000704 

 Imagines vous, Theotime, la comparayson qu'il y a entre ceux qui jouissent de la lumiere du soleil et ceux qui n'ont que la petite clarté d'une lampe: ceux la ne sont point envieux ni jaloux les uns des autres, car ilz sçavent bien que cette lumiere la est tres suffisante pour tous, que la jouissance de l'un n'empesche point la jouissance de l'autre, et que chacun ne la possede pas moins, encor que tous la possedent generalement, que si un chacun luy seul la possedoit en particulier; mays quant a la clarté d'une lampe, parce qu'elle est petite, courte et insuffisante pour plusieurs, chacun la veut avoir en sa chambre, et qui l'a est envié des autres.

  A005000705 

 Ceux que vous haïsses, o Seigneur, ne les haïssois-je pas, et ne sechois-je pas de regret sur vos ennemis? Mon zele m'a fait pasmer, parce que mes ennemis ont oublié vos paroles.

  A005000705 

 Voyes, je vous prie, Theotime, ce grand Roy, de quel zele il est animé, et comme il employe les passions de son ame au service de la sainte jalousie: il ne hait pas simplement l'iniquité, mays il l'abomine, il seche de detresse en la voyant, il tumbe en defaillance et definement de cœur, il la persecute, il la renverse et l'extermine.

  A005000706 

 Ainsy veut dire le glorieux saint Paul a ses Corinthiens: J'ay esté envoyé de Dieu a vos ames pour traitter le mariage d'une eternelle union entre son Filz nostre Sauveur et vous, et je vous ay promis a luy pour vous representer, ainsy qu'une vierge chaste, a ce divin Espoux; et voyla pourquoy je suis jaloux, non de ma jalousie, mais de la jalousie de Dieu, au nom duquel j'ay traitté avec vous.

  A005000706 

 Eliezer eust esté extremement piqué de jalousie, s'il eust veu la chaste et belle Rebecca, qu'il conduisoit pour estre espousee au filz de son seigneur, en quelque peril d'estre violee, et sans doute il eust peu dire a cette sainte damoyselle: Je suis jaloux de vous de la jalousie que j'ay pour mon maistre, car je vous ay fiancee a un homme pour vous presenter une vierge chaste au filz de mon Seigneur Abraham.

  A005000706 

 nous rend ardemment jaloux pour la pureté des ames qui sont espouses de Jesus Christ, selon le dire du saint Apostre aux Corinthiens: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, car je vous ay promis a un homme, a sçavoir, de vous representer une vierge chaste a Jesus Christ.

  A005000707 

 C'est pourquoy la sainte Sulamite s'escrioit: O le Bienaymé de mon ame, monstres-moy ou vous reposes au midy, affin que je ne m'esgare et que je n'aille a la suite des trouppeaux de vos compaignons.

  A005000711 

 Ce bon pere de famille que Nostre Seigneur descrit en l'Evangile, conneut bien que les serviteurs ardens et violens sont coustumiers d'outrepasser l'intention de leur maistre; car les siens s'offrans a luy pour aller sarcler son champ affin d'en arracher l'ivroÿe: Non, leur dit-il, je ne le veux pas, de peur que d'adventure avec l'ivroye vous ne tiries aussi le froment..

  A005000715 

 Or considerés, je vous prie, mon Theotime, la violence de la passion de Carpus; car, comme il racontoit par apres luy mesme a saint Denis, il ne tenoit compte de contempler Nostre Seigneur et les Anges qui se monstroyent au Ciel, tant il prenoit playsir de voir en bas la detresse effroyable de ces deux miserables chetifs, se faschant seulement de ce qu'ilz tardoyent tant a perir, et partant s'essayoit de les precipiter luy mesme.

  A005000720 

 Il est vray certes, mon ami Theotime, que Moyse, Phinees, Helie, Mathathias et plusieurs grans serviteurs de Dieu se servirent de la cholere pour exercer leur zele en beaucoup d'occasions signalees: mays notes, je vous prie, que c'estoyent aussi des grans personnages, qui sçavoyent bien manier leurs passions et ranger leurs choleres; pareilz a ce brave capitaine de l'Evangile qui disoit a ses soldatz: Alles, et ilz alloyent; venes, et ilz venoyent.

  A005000721 

 Or un jour que Nostre Seigneur passoit en Samarie, il envoya en une ville pour y faire prendre son logis, mais les habitans, sachans que Nostre Seigneur estoit Juif de nation et qu'il alloit en Hierusalem, ne le volurent pas loger; ce que voyans saint Jean et saint Jaques, ilz dirent a Nostre Seigneur: Voules vous que nous commandions au feu qu'il descende et qu'il les brusle? Et Nostre Seigneur, se retournant devers eux, les tança, disant: Vous ne sçaves de quel esprit vous estes; le Filz de l'homme n'est pas venu pour perdre les ames, mais pour les sauver..

  A005000721 

 Saint Denis, parlant a ce Demophile qui vouloit donner le nom de zele a sa rage et furie: Celuy, dit il, qui veut corriger les autres, doit premierement «avoir soin d'empescher que la cholere ne deboute la rayson de l'empire et domination que Dieu luy a donné en l'ame, et qu'elle n'excite une revolte, sedition et confusion dans nous mesmes; de façon que nous n'appreuvons pas vos impetuosités poussees d'un zele indiscret, quand mille fois vous repeteries Phinees et Helie, car telles paroles ne pleurent pas a Jesus Christ quand elles luy furent dites par ses Disciples, qui n'avoyent pas encor participe de ce doux et benin esprit.» Phinees, Theotime, voyant un certain malheureux Israëlite offencer Dieu avec une Moabite, il les tua tous deux; Helie avoit predit la mort d'Ochosias, lequel, indigné de cette prediction, envoya deux capitaines l'un apres l'autre, avec chacun cinquante soldatz pour le prendre, et l'homme de Dieu fit descendre le feu du ciel qui les devora.

  A005000722 

 Saint Thomas d'Aquin, ce grand astre de la theologie, estant malade de la maladie de laquelle il mourut au monastere de Fosseneuve, Ordre de Cisteaux, les religieux le prierent de leur faire une briefve exposition du sacré Cantique des Cantiques, a l'imitation de saint Bernard, et il leur respondit: «Mes chers Peres, donnes moy l'esprit de saint Bernard, et j'interpreteray ce divin Cantique comme saint Bernard.» De mesme, certes, si on nous dit a nous autres, petitz Chrestiens, miserables, imparfaitz et chetifs: Serves vous de l'ire et de l'indignation en vostre zele, comme Phinees, Helie, Mathathias, saint Pierre et saint Paul; nous devons respondre: Donnes nous l'esprit de la perfection et du pur zele, avec la lumiere interieure de ces grans Saintz, et nous nous animerons de cholere comme eux.

  A005000731 

 Ayant si longuement parlé des actes sacrés du divin amour, affin que plus aysement et saintement vous en conservies la memoire je vous en presente un recueil et abbregé.

  A005000743 

 Les payens, quoy qu'ennemis de sa divine Majesté, prattiquoyent parfois quelques vertus humaines et civiles desquelles la condition n'estoit pas au dessus des forces de l'esprit raysonnable: or, vous pouves penser, Theotime, combien cela estoit peu de chose.

  A005000745 

 Voyes-vous donq, Theotime, combien il est vray que Dieu fait estat des vertus, encor qu'elles soyent prattiquees par des personnes qui sont d'ailleurs mauvaises? S'il n'eust aggreé la misericorde des sages femmes et la justice de la guerre des Babyloniens, eust-il pris le soin, je vous prie, de les salarier? et si Daniel n'eust sceu que l'infidelité de Nabuchodonosor n'empescheroit pas que Dieu n'aggreast ses aumosnes, pourquoy les luy eust il conseillees? Certes, l'Apostre nous asseure que les payens, qui n'ont pas la foy, font naturellement ce qui appartient a la loy: et quand ilz le font, qui peut douter qu'ilz ne fassent bien et que Dieu n'en fasse conte? Les payens conneurent que le mariage estoit bon et necessaire, ilz virent qu'il estoit convenable d'eslever les enfans es artz, en l'amour de la patrie, en la vie civile, et ilz le firent: or je vous laisse a penser si Dieu ne treuvoit pas bon cela, puisqu'il avoit donné la lumiere de la rayson et l'instinct naturel a cette intention..

  A005000748 

 Veillés et priés affin que vous n'entries point en tentation: si Nostre Seigneur nous disoit seulement, Veillés, nous penserions pouvoir asses faire de nous mesmes; mais quand il adjouste, priés, il monstre que s'il ne garde nos ames au tems de la tentation, en vain veilleront ceux qui les gardent..

  A005000753 

 Fendes donq vostre cœur par la sainte penitence, et mettes l'amour de Dieu dans la fente; puis, entes sur iceluy telle vertu que vous voudres, et les œuvres qui en proviendront seront parfumees de sainteté, sans qu'il soit besoin d'autre soin pour cela..

  A005000753 

 Si vous entes [240] un rosier, et que dedans la fente du tige vous metties un grain de musque, les roses qui en proviendront seront toutes musquees.

  A005000754 

 Si vous voules rendre sainte la vertu humaine et morale d'Epictete, de Socrates ou de Demades, faites la seulement prattiquer par une ame vrayement chrestienne, c'est a dire qui ait l'amour de Dieu.

  A005000766 

 Je vous dis maintenant, mon cher Theotime, que la charité et dilection sacree, plus belle cent fois que Rachel, mariee a l'esprit humain, souhaite sans cesse de produire des saintes operations: que si au commencement elle n'en peut enfanter elle mesme de sa propre extraction par l'union sacree qui luy est uniquement propre, elle appelle les autres vertus, comme ses fïdeles servantes, et les associe a son mariage, commandant au cœur de les employer, affin que d'elles il fasse naistre des saintes operations; mais operations qu'elle ne laisse pas d'adopter et estimer siennes, parce qu'elles sont produites par son ordre et commandement et d'un cœur qui luy appartient, d'autant que, comme nous avons declairé ailleurs, l'amour est maistre du cœur, et par consequent de toutes les œuvres des autres vertus faites par son consentement.

  A005000781 

 Mays, ce me dires vous, quelle est cette valeur, je vous prie, que le saint amour donne a nos actions? O mon Dieu, Theotime! certes, je n'aurois pas l'asseurance de le dire si le Saint Esprit ne l'avoit luy mesme declaré en termes fort expres par le grand apostre saint Paul, qui parle ainsy: Ce qui a present est momentanee [252] et leger de nostre tribulation, opere en nous sans mesure en la sublimité un poids eternel de gloire.

  A005000791 

 Voyés-vous, Theotime, toutes les vertus sont vertus par la convenance ou conformité qu'elles ont a la rayson; et une action ne peut estre dite vertueuse si elle ne procede de l'affection que le cœur porte a l'honnesteté et beauté de la rayson.

  A005000792 

 Je vous prie, Theotime, quelle prudence peut avoir un homme intemperant, injuste et poltron, puisqu'il choisit le vice et laisse la vertu? Et comme peut-on estre juste sans estre prudent, fort et temperant, puisque la justice n'est autre chose qu'une perpetuelle, forte et constante volonté de rendre a un chacun ce qui luy appartient, et que la science par laquelle le droit s'administre est nommee jurisprudence, et que pour rendre a chacun ce qui luy appartient il nous faut vivre sagement et modestement, et empescher les desordres de l'intemperance en nous, affin de nous rendre ce qui nous appartient a nous mesmes? Et le [259] mot de vertu ne signifie-il pas une force et vigueur appartenante a l'ame en proprieté, ainsy que l'on dit les herbes et pierres pretieuses avoir telle et telle vertu ou proprieté? Mais la prudence est-elle pas imprudente en l'homme intemperant? La force sans prudence, justice et temperance n'est pas une force, mais une forcenerie; et la justice est injuste en l'homme poltron, qui ne l'ose pas rendre, en l'intemperant, qui se laisse emporter aux passions, et en l'imprudent, qui ne sçait pas discerner entre le droit et le tort.

  A005000818 

 Pour Dieu, Theotime, je vous prie, quelle vertu pouvoyent avoir ces gens-la qui volontairement, et comme a prix fait, renversoyent toutes les lois de la religion? Seneque avoit fait un livre Contre les superstitions, dans lequel il avoit repris l'impieté payenne avec beaucoup de liberté: Or «cette liberté,» dit le grand saint Augustin, «se treuva en ses escritz et non pas en sa vie,» puisque mesme il conseilla «que l'on rejettast de cœur la superstition, mais qu'on ne laissast pas de la prattiquer es actions; car voicy ses paroles: Lesquelles superstitions le sage observera comme commandees par les lois, non pas comme aggreables aux dieux.» Comme pouvoyent estre vertueux ceux qui, comme rapporte saint Augustin, estimoyent «que le sage se devoit tuer quand il ne pouvoit ou ne devoit plus supporter» les calamités de cette vie? et toutefois ne vouloyent pas advouer que les calamités fussent miserables, ni les miseres calamiteuses, ains maintenoyent que le sage estoit tous-jours heureux et sa vie bien heureuse.

  A005000818 

 «O quelle vie bien heureuse,» dit saint Augustin, «pour laquelle eviter on a mesme recours a la mort! Si elle est bien heureuse, que n'y demeures-vous?».

  A005000822 

 Quelle vanité, je vous prie! Estant sur le point de mourir il dit a ses amis qu'il n'avoit peu jusques a l'heure les remercier asses dignement, et que partant il leur vouloit laisser un legat de ce qu'il avoit en soy de plus aggreable et de plus beau, et que s'ilz le gardoyent soigneusement ilz en recevroyent de grandes louanges; adjoustant que ce magnifique legat n'estoit autre chose que «l'image de sa vie.» Voyes-vous, Theotime, comme les abboys de cet homme sont puans de vanité?.

  A005000839 

 Certes, le tressaint Concile de Trente veut que l'on anime les penitens retournés en la sacree dilection de Dieu eternel, par ces paroles de l'Apostre: Abondés en tout bon œuvre, sachans que vostre travail n'est point inutile en Nostre Seigneur; car Dieu n'est pas injuste pour oublier vostre œuvre et la dilection que vous aves monstree en son nom.

  A005000839 

 Telle est la toute puissance du celeste amour, ou l'amour de la celeste toute puissance: Si l'impie se destourne de son impieté et qu'il fasse jugement et justice, il vivifiera son ame; Convertisses vous et faites penitence de vos iniquités, et l'iniquité ne vous sera point a ruine, dit le Seigneur tout puissant; et qu'est-ce a dire, l'iniquité ne vous sera point a ruine, sinon que les ruines qu'elle avoit faites seront reparees? Ainsy, outre mille caresses que l'enfant prodigue receut de son pere, il fut restabli avec avantage en tous ses ornemens et en toutes les graces, faveurs et dignités qu'il avoit perdues; et Job, image innocente du pecheur penitent, reçoit en fin au double de tout ce qu'il avoit eu.

  A005000840 

 Que si neanmoins, par apres, ce pauvre homme tombé en peché se releve et retourne en l'amour divin par penitence, Dieu ne se resouviendra plus de son peché; et s'il ne se resouvient plus du peché, il se resouviendra donques des bonnes œuvres precedentes et de la recompense qu'il leur avoit promise, puisque le peché, qui seul les avoit ostees de la memoire divine, est totalement effacé, aboli, aneanti: si que alhors la justice de Dieu oblige sa misericorde, ou plustost la misericorde de Dieu oblige sa justice, de regarder derechef les bonnes œuvres passees, comme si jamais il ne les avoit oubliees; autrement le sacré penitent n'eust pas osé dire a son Maistre: Rendes moy l'allegresse de vostre salutaire, et me confirmes de vostre esprit principal. Car, comme vous voyes, non seulement il requiert une nouveauté d'esprit et de cœur, mais il pretend qu'on luy rende l'allegresse que le peché luy avoit ravie: or cette allegresse n'est autre chose que le vin du celeste amour, qui res-jouit le cœur de l'homme..

  A005000847 

 de plaire a Dieu? qui sont trois diverses fins, dont la premiere est moindre, la seconde n'est pas presque plus excellente, et la troisiesme est beaucoup plus eminente [285] que la fin ordinaire de l'aumosne: si que nous pouvons, comme vous voyes, donner diverses perfections a nos actions, selon la varieté des motifs, fins et intentions que nous prenons en les faysant..

  A005000849 

 Qui veut plaire a Dieu et a Nostre Dame fait tres bien; mais qui voudroit plaire a Nostre Dame egalement ou plus qu'a Dieu, il commettrait un desreglement insupportable, et on luy pourroit dire ce qui fut dit a Caïn: Si vous aves bien offert, mais aves malpartagé, cesses, vous aves peché.

  A005000854 

 Or, venant donq a l'action, je me pousse au peril, prevenu partous ces motifs; mais pour les relever tous au degré de l'amour divin et les purifier [288] parfaitement, je diray en mon ame de tout mon cœur: O Dieu eternel, qui estes le trescher amour de mes affections, si la vaillance, l'obeissance au prince, l'amour de la patrie et la magnanimité ne vous estoyent aggreables, je ne suivrois jamais leurs mouvemens que je sens maintenant; mais parce que ces vertus vous plaisent j'embrasse cette occasion de les prattiquer, et ne veux seconder leur instinct et inclination sinon parce que vous les aymes et que vous le voules..

  A005000855 

 Vous voyes bien, mon cher Theotime, qu'en ce retour d'esprit nous parfumons tous les autres motifs, de l'odeur et sainte suavité de l'amour, puisque nous ne les suivons pas en qualité de motifs simplement vertueux, mais en qualité de motifs voulus, aggreés, aymés et cheris de Dieu.

  A005000856 

 Et lhors que nous entrons es exercices des [290] vertus, nous devons souvent dire de tout nostre cœur: Ouy, Pere eternel, je le feray parce qu'ainsy a-il esté aggreable de toute eternité devant vous..

  A005000856 

 Que si quelquefois nous sommes touchés de quelque motif particulier, comme, par exemple, s'il nous advenoit d'aymer la chasteté a cause de sa belle et tant aggreable pureté, soudain sur ce motif il faut respandre celuy du divin amour, en cette sorte: O tres honneste et delicieuse blancheur de la chasteté, que vous estes aymable, puisque vous estes tant aymee par la divine Bonté! Puis, se retournant vers le Createur: Hé, Seigneur, je vous requiers une seule chose, c'est celle que je recherche en la chasteté, de voir et prattiquer en icelle vostre bon playsir et les delices que vous y prenes.

  A005000870 

 C'est cette admirable amante qui voudroit ne point aymer les goustz, les delices, les vertus et les consolations spirituelles, de peur d'estre divertie, pour peu que ce soit, de l'unique amour qu'elle porte a son Bienaymé, protestant que c'est luy mesme et non ses biens qu'elle recherche, et criant a cette intention: Hé, monstres moy, mon Bienaymé, ou vous paisses et reposes au midy, affin que je ne me divertisse point apres les playsirs qui sont hors de vous..

  A005000870 

 Imagines vous, Theotime, une espouse de cœur colombin, qui ayt la perfection de l'amour nuptial: son amour est incomparable, non seulement en excellence, mais aussi en une grande varieté de belles affections et qualités qui l'accompaignent.

  A005000872 

 Vous verres toutefois, Theotime, une honneste dame, qui, ne voulant pas manger son pain en oysiveté, non plus que celle que Salomon a tant loüee, couchera la soye en une belle varieté de couleurs sur un satin bien blanc, pour faire une broderie de plusieurs belles fleurs, qu'elle rehaussera par apres fort richement d'or et d'argent selon les assortissemens convenables.

  A005000878 

 Prenes instruction de ce qu'il vous faut faire,.

  A005000880 

 Esgayes vous en luy, mais, vous esjouissant,.

  A005000896 

 Aussi les tonnerres, tempestes, foudres, sont appellés voix du Seigneur par le Psalmiste, qui dit de plus qu' elles font la parole d'iceluy, parce qu'elles annoncent sa crainte et sont comme ministres de sa justice; et ailleurs, souhaittant que la divine Majesté se fasse redouter a ses ennemis: Lances, dit-il, des esclairs, et vous les dissiperes; descoches vos dards, et vous les troubleres; ou il appelle les foudres, sagettes et dards du Seigneur.

  A005000897 

 Sur cette [301] crainte, donq, le divin amour fait maintefois des actes de complaysance et de bienveuillance: Je vous beniray, Seigneur, car vous estes terriblement magnifié; Que chacun vous craigne, o Seigneur! O grans de la terre, entendés: servés Dieu en crainte, et tressailles pour hiy en tremblement..

  A005000901 

 Mais en fin, quand nous craignons d'offencer Dieu, non point pour eviter la peyne de l'enfer ou la perte du Paradis, mais seulement parce que Dieu estant nostre tres bon Pere nous luy devons honneur, respect, obeissance, alhors nostre crainte est filiale, d'autant qu'un enfant bien né n'obeit pas a son pere en consideration du pouvoir qu'il a de punir sa desobeissance, ni aussi parce qu'il le peut exhereder, ains simplement parce qu'il est son pere; en sorte qu'encor que le pere serait viel, impuissant et pauvre, il ne laisserait pas de le servir avec egale diligence, ains, comme la pieuse cigoigne, il l'assisterait avec plus de soin et d'affection: ainsy que Joseph, voyant le bon homme Jacob son pere, vieux, necessiteux et reduit sous son sceptre, il ne laissa pas de l'honnorer, servir et reverer avec une tendreté plus que filiale, et telle, que ses freres l'ayant reconneüe, estimerent qu'elle opereroit encor apres sa mort, et l'employerent pour obtenir pardon de luy, disans: Vostre pere nous a commandé que nous vous dissions de sa part: Je vous prie d'oublier le crime de vos freres, et le peché et malice qu'ilz ont exercé envers vous.

  A005000918 

 Ne voyes-vous pas comme Moyse transformoit le serpent en baguette, le saisissant seulement par la queue? Certes, de mesme, donnant une bonne fin a nos passions, elles prennent la qualité de vertus..

  A005000920 

 Voulant une autre fois les guerir d'une basse joye, il leur en assigne une plus relevee: Ne vous res-jouisses pas, dit il, dequoy les espritz malins vous sont sujetz, mais dequoy vos noms sont escritz au Ciel; et luy mesme aussi rejette la joye par la tristesse: Malheur a vous qui ries, car vous pleureres..

  A005000921 

 L'appetit de manger est rendu grandement spirituel si, avant que de le prattiquer, on luy donne le motif de l'amour: Hé non, Seigneur, ce n'est pas pour contenter ce chetif ventre, ni pour assouvir cet appetit, que je vay a table, mais pour, selon vostre providence, entretenir ce cors que vous m'aves donné sujet a cette misere; ouy, Seigneur, parce qu'ainsy il vous a pleu.

  A005000921 

 Si j'espere l'assistance d'un ami, ne puis-je pas dire: Vous aves establi nostre vie en sorte, Seigneur, que nous ayons a prendre secours, soulagement et consolation les uns des autres; et parce qu'il vous plaist, j'employeray donq cet homme, duquel vous m'aves donnee l'amitié a cette intention.

  A005000921 

 Si la crainte est excessive: Hé, Dieu, Pere eternel, qu'est ce que peuvent craindre vos enfans et les poussins qui vivent sous vos aisles? Or sus, je feray ce qui est convenable pour eviter le mal que je crains; mais apres cela: Seigneur, je suis vostre, sauves moy, s'il vous plait; et ce qui m'arrivera je l'accepteray, parce que telle sera vostre bonne volonté.

  A005000921 

 Y a-il quelque juste sujet de crainte? Vous voules, o Seigneur, que je craigne, affin que je prenne les moyens convenables pour eviter cet inconvenient; je le feray, Seigneur, puisque tel est vostre bon playsir.

  A005000926 

 Car David, saint Pierre, la Magdeleyne, pleurerent pour leurs pechés; Agar pleura voyant son filz presque mort de soif; Hieremie sur la ruine de Hierusalem; Nostre Seigneur sur les Juifz; et son grand Apostre, gemissant, dit ces paroles: Plusieurs marchent, lesquelz je [314] vous ay souvent dit, et le vous dis derechef en pleurant, qui sont ennemis de la Croix de Jesus Christ..

  A005000944 

 Seulement, Theotime, je dirois volontier a tous les hommes: O mortelz, si vous aves le cœur enclin a l'amour, hé, pourquoy ne pretendes vous au celeste et divin? mays si vous estes rudes et amers de cœur, helas, pauvres gens, puisque vous estes privés de l'amour naturel, pourquoy n'aspires vous a l'amour surnaturel, qui vous sera amoureusement donné par Celuy qui vous appelle si saintement a l'aymer? [320].

  A005000951 

 Crions nuit et jour, Theotime: «Venes, o Saint Esprit, remplisses les cœurs de vos fidelles, et allumes en iceux le feu de vostre amour,» O amour celeste, quand combleres vous mon ame! [322].

  A005000955 

 Pourquoy penses-vous, Theotime, que les chiens en la sayson primtaniere perdent plus souvent qu'en autre tems la trace et piste de la beste? C'est parce, disent les chasseurs et les philosophes, que les herbes et fleurs sont alhors en leur vigueur; si que la varieté des odeurs qu'elles respandent estouffe tellement le sentiment des chiens, qu'ilz ne sçavent ni choisir ni suivre la senteur de la proye entre tant de diverses senteurs que la terre exhale.

  A005000956 

 Si le cœur qui pretend a l'amour divin est fort enfoncé dans les affaires terrestres et temporelles il fleurira tard et difficilement; mais s'il n'est dans le monde que justement autant que sa condition le requiert, vous le verres bien tost fleurir en dilection et respandre son odeur aggreable..

  A005000984 

 Mais ne voyes vous pas aussi que ces pauvres gens estoyent non seulement parmi les Babiloniens, ains encor captifs des Babiloniens? Quicomque est esclave [326] des faveurs de la cour, du succes du palais, de l'honneur de la guerre, o Dieu, c'en est fait, il ne sçauroit chanter le cantique de l'amour divin; mais celuy qui n'est en cour, en guerre, au palais, que par devoir, Dieu l'assiste, et la douceur celeste luy sert d'epitheme sur le cœur, pour le preserver de la peste qui regne en ces lieux la..

  A005000991 

 Quelle suavité, Theotime, de cet Espoux celeste envers cette douce et fidele amante! Mais vous voyes cependant que les occupations necessaires a un chacun selon sa vocation ne diminuent point l'amour divin, ains l'accroissent, et dorent, par maniere de dire, l'ouvrage de la devotion.

  A005000996 

 Voyes ce Saint, je vous prie, qui donne un verre d'eau pour Dieu, au pauvre passager alteré: il fait peu de chose, ce semble; mais l'intention, la douceur, la dilection dont il anime son œuvre est si excellente, qu'elle convertit cette simple eau en eau de vie, et de vie eternelle..

  A005001006 

 Tout ce que vous faites, et quoy que vous fassies en paroles et en œuvres, faites le tout au nom de Jesus Christ; Soit que vous mangies, soit que vous beuvies, ou que vous fassies quelque autre chose, faites le tout a la gloire de Dieu.

  A005001007 

 Mais il est vray aussi que, comme si l'on ente la vigne sur l'olivier il ne luy communique pas seulement plus parfaitement son goust, mais la rend encor participante de son suc, ne vous contentes pas aussi d'avoir la charité et avec elle la prattique des vertus, mais faites que ce soit par et pour elle que vous les prattiques, affin qu'elles luy puissent estre justement attribuees..

  A005001011 

 Et pourquoy donq, je vous prie, ne seront-ilz l'un comme l'autre estimés faire la distribution des pieces de leurs sommes en vertu de leurs premiers propos et fondamentales resolutions? et si l'un, distribuant ses escuz sans attention, ne laisse pas de jouir de l'influence de son premier dessein, pourquoy l'autre, distribuant ses actions, ne jouira-il pas du fruit de sa premiere intention? Celuy qui destinement s'est rendu esclave amiable de la divine Bonté, luy a par consequent dedié toutes ses actions..

  A005001012 

 Sur cette verité chacun devroit une fois en sa vie faire une bonne retraitte, pour en icelle bien purger son ame de tout peché, pour en suite faire une intime et solide resolution de vivre tout a Dieu, selon que nous avons enseigné en la premiere Partie de l' Introduction a la Vie devote; puis, au moins une fois l'annee, [334] faire la reveüe de sa conscience et le renouvellement de la premiere resolution, que nous avons marqué en la cinquiesme Partie de ce livre-la, auquel pour ce regard je vous renvoye..

  A005001019 

 Et comme se pourroit il faire, je vous prie, qu'une ame laquelle a tous momens s'eslance en la divine Bonté, et souspire incessamment des paroles de dilection pour tenir tous-jours son cœur dans le sein de ce Pere celeste, ne fust pas estimee faire toutes ses bonnes actions en Dieu et pour Dieu? Celle qui dit: Hé, Seigneur, je suis vostre; Mon Bienaymé est tout mien, et moy je suis toute sienne; «Mon Dieu, vous estes mon tout;» O Jesus, vous estes ma vie; hé, qui me fera la grace que je meure a moy mesme, affin que je ne vive qu'a vous! O aymer! o s'acheminer! o mourir a soy mesme! o vivre a Dieu!» O estre en Dieu! O Dieu! ce qui n'est pas vous mesme ne m'est rien: celle la, dis-je, ne dedie-elle pas continuellement ses actions au celeste Espoux? O que bienheureuse est l'ame qui a une fois bien fait le despouillement et la parfaite resignation de soy mesme entre les mains de Dieu, dont nous avons parlé ci dessus; car par apres elle n'a a faire qu'un petit souspir et regard en Dieu pour renouveller et confirmer son despouillement, sa resignation et son oblation, avec la protestation qu'elle ne veut rien que Dieu et pour Dieu, et qu'elle ne s'ayme, ni chose du monde, qu'en Dieu et pour l'amour de Dieu..

  A005001022 

 Mais quand elles seront de longue haleyne, il faudra de tems en tems, et fort souvent, repeter cet exercice, pour continuer plus utilement nostre union a la volonté et bon playsir de Dieu, prononçans cette briefve mais toute divine protestation de son Filz: Ouy, o Pere eternel, je le veux de tout mon cœur, parce qu'ainsy a-il esté aggreable devant vous.

  A005001030 

 D'autre part, neanmoins, ne voyes vous pas, Theotime, qu'Abraham remasche et roule plus de trois jours dans son ame l'amere pensee et resolution de cet aspre sacrifice? N'aves vous point de pitié de son cœur paternel, quand, montant seul avec son filz, cet enfant plus simple qu'une colombe luy disoit: Mon pere, ou est la victime? et qu'il luy respondoit: Dieu y prouvoyra, mon filz.

  A005001030 

 Ne penses vous point que la douceur de cet enfant, portant son bois sur ses espaules et l'entassant par apres sur l'autel, fit fondre en tendreté les entrailles de ce pere? O cœur que les Anges admirent et que Dieu magnifie! Hé, Seigneur Jesus, quand sera-ce donq que vous ayant sacrifié tout ce que nous avons, nous vous immolerons tout ce que nous sommes? quand vous offrirons nous en holocauste nostre franc arbitre, unique enfant de nostre esprit? quand sera-ce que nous le lierons et estendrons sur le bucher de vostre Croix, de vos espines, de vostre lance, affin que, comme une brebiette, elle soit victime aggreable de vostre bon playsir, pour mourir et brusler du feu et du glaive de vostre saint amour? O franc arbitre de mon cœur, que ce vous sera chose bonne d'estre lié et estendu sur la Croix du divin Sauveur! que ce vous est chose [340] desirable de mourir a vous mesme, pour ardre a jamais en holocauste au Seigneur!.

  A005001047 

 Il faut considerer les bienfaitz divins en leur seconde source meritoire; car ne sçaves vous pas, Theotime, que le grand Prestre de la Loy portoit sur ses espaules et sur sa poitrine les noms des enfans d'Israël, c'est a dire, des pierres pretieuses esquelles les noms des chefs d'Israël estoyent gravés? Hé, voyes Jesus, nostre grand Evesque, et regardes-le des l'instant de sa conception; consideres qu'il nous portoit sur ses espaules, acceptant la charge de nous racheter par sa mort, et la mort de la croix.

  A005001047 

 O Theotime, Theotime, cette ame du Sauveur nous connoissoit tous par nom et par sur-nom; mais sur tout au jour de sa Passion, lhors qu'il offroit ses larmes, ses prieres, son sang et sa vie pour tous, il lançoit en particulier pour vous ces pensees de dilection: Helas, o mon Pere eternel, je prens a moy et me charge de tous les pechés du pauvre Theotime, pour souffrir les tormens et la mort affin qu'il en demeure quitte et qu'il ne perisse point, mais qu'il vive.

  A005001058 

 Sur le Calvaire on ne peut avoir la vie sans l'amour, ni l'amour sans la mort du Redempteur: mais hors de la, tout est ou mort eternelle, ou amour eternel, et toute la sagesse chrestienne consiste a bien choisir; et pour vous ayder a cela j'ay dressé cet escrit, mon Theotime..

  A005001067 

 O amour eternel, mon ame vous requiert et vous choisit eternellement! Hé, «venes, Saint Esprit, et enflammes nos cœurs de vostre dilection.» Ou aymer ou mourir! Mourir et aymer! Mourir a tout autre amour pour vivre a celuy de Jesus, affin que nous ne mourions point eternellement; ains que vivans en vostre amour eternel, o Sauveur de nos ames, nous chantions eternellement: VIVE JESUS! J'ayme Jesus! Vive Jesus [346] que j'ayme! J'ayme Jesus, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A005001068 

 Ces choses, Theotime, qui par la grace et faveur de la charité ont esté escrittes a vostre charité, puissent tellement s'arrester en vostre cœur que cette charité treuve en vous le fruit des saintes œuvres, non les feuilles des loüanges.

  A005001105 

 Nous à ces causes desirant gratifier ledit Rigaud, et empescher qu'il ne soit privé de son travail et labeur, Vous mandons, ordonnons, et enjoignons par ces presentes, comme nous avons permis et permettons de grace speciale audit Rigaud, qu'il puisse imprimer ou faire imprimer, vendre et debiter, tant de fois que bon luy semblera, ledit livre, pendant le temps de Dix ans entiers et consecutifs, à compter du jour et datte que ledit livre sera achevé d'imprimer, faisant pour cet effect tres-expresses inhibitions, et deffences à tous Marchands, Libraires, et Imprimeurs, de nostre Royaume, de n'imprimer ou faire imprimer ledit livre, ny l'exposer en vante: sans l'exprez congé, et permission dudit Rigaud, ou de ceux qui auront droict de luy, sur peine de dix mille livres d'amande, applicable moitié à nous, et l'autre moitié audit suppliant, et confiscation des exemplaires qui seront treuvez avoir esté mis en vente contre la teneur des presentes; lesquels seront saisis et mis en nostre main, par le premier de nos Juges, Officiers, Huissiers, ou Sergents sur ce requis, luy monstrant ces presentes ou coppie d'icelles, deuëment collationnées: ausquels donnons pouvoir, commission et mandement special, de proceder a rencontre de tous ceux qui y contreviendront par toutes voyes deuës et raisonnables, nonobstant oppositions ou appellations quelconques, clameur de Haro, Chartre Normande, prise à partie et toutes autres Lettres à ce contraires, ausquelles nous avons derogé et derogeons par ces presentes.

  A005001128 

 Or je dis ceci, Philothee, affin que vous sachies que la convenance au bien delaquelle la volonté reçoit complaysance, n'est pas une convenance de la seule volonté, mais de l'homme mesme avec le bien, laquelle neanmoins ne peut sentir avec complaysance que par la faculté que nous appelions volonté, car c'est l'homme qui a la convenance.

  A005001141 

 Vous aves ouy dire peut estre, ma chere Philothee, qu'es Conciles generaux se font des grandes disputes et enquestes de la verité, par des raysons et argumens de theologie, et tandis que cet examen des raysons se fait il n'y a nul acquiescement ni des uns ni des autres a la verité; mays la chose estant debattue, les Peres du Christianisme, c'est a dire les Evesques, et mesme le primier et souverain Evesque, resoulvent de la difficulté, et la determination estant faite chacun acquiesce, pleynement, non point en vertu des raysons alleguees, mays en vertu de lauthorité du S t Esprit, qui a decerné et jugé par l'entremise de ses serviteurs.

  A005001168 

 Si vous aves mal fait, tances vous aigrement;.

  A005001169 

 Si vous aves bien fait, ayes contentement.».

  A005001171 

 Ce bon homme Epictete fait un souhait de mourir en vray Chrestien (comm'aussi il y a grand'apparence quil fit), et entr'autres choses il dit quil seroit content sil pouvoit en mourant eslever ses mains a Dieu et luy dire: «Je ne vous ay point, quant a ma part, fait de deshonneur;» l. 4.

  A005001177 

 Or, ma chere Philothee, en toutes ces repentances le s t amour de Dieu n'y entre point; car ne voyes vous pas que c'est la crainte de la peyne, le desir du Paradis, l'interest de nostre ame, pour sa beauté interieure, son honneur, sa dignité, son propre bien, et, en un mot, nostre propre amour, quoy qu'amour s t et juste, qui nous porte a repentance, et non l'amour que nous devons a Dieu [369] comme au souverain bien et premiere bonté, alaquelle, comm'au supreme objet de nostre volonté et affection, nous devrions regarder simplement..

  A005001188 

 Int, On considere combien Dieu est bon, et combien il est aymable pour cette bonté: O Seigneur, que vous estes bon! Confesses, confesses, o mon ame, a vostre Dieu quil est bon, qu'eternelle est sa misericorde.

  A005001188 

 On considere combien on est coulpable de cette coulpe: Estonnés vous, o cieux, et que ses portes se desolent extremement, car mon ame a fait deux maux; elle vous a quitté, o Dieu eternel, vous qui estes la source inespuisable des eaux vives de toute bonté, et se retourne du costé de la creature pour fouir et creuser des puis, puis crevassés et dissipés qui ne peuvent contenir aucunes eaux de vray contentement.

  A005001202 

 Oyes cette parabole, je vous prie, Philothee.

  A005001233 

 Mes yeux se [sont] presque escoulés, disans: quand me consoleres vous? Bref, le langage d'amour ne consiste pas es paroles, mais es regars, es souspirs, es contenances, voire mesme au silence: c'est pourquoy la theologie mistique ne consiste pas a ouïr parler de Dieu, ni a lire, ni a escrire de Dieu, mais a ouïr parler Dieu, a sentir ses mouvemens, ses inspirations et ses clartés; ni nous ne parlons pas de Dieu seulement, mais a Dieu; c'est a luy a qui on parle de luy, et c'est luy qui parle de soy mesme a nous.

  A005001233 

 Mon cœur vous l'a dit, ma face vous a cherché; je chercheray, o Seig r, vostre face.

  A005001239 

 v. 3: Repenses a Celuy qui a souffert un telle contradiction ou persecution des pecheurs, affin que vous ne vous lassies, manquans de courage; quand il dit repenses, c'est autant comme sil disoit medites, consideres diligemment.

  A005001243 

 Ainsy voyes vous es Cantique des Cantiques cette abeille mistique, l'ame royale de cette divine amante, voleter tantost sur les yeux, tantost sur les levres, tantost sur les joues, tantost sur la cheveleure de son Bienaymé pour tirer de tout ce qu'elle y treuve de rare des goustz, des suavités, des contentemens et des passions amoureuses; elle medite en cette sorte, car elle va espluchant et remarquant toutes choses en particulier pour se provoquer al'aymer.

  A005001261 

 Autrefois, on ne regarde pas ni un seul attribut, ni tout ensemble, mays une seule action ou un seul ouvrage de Dieu, et on demeure attentif a cela; comm'en l'acte de bonté par lequel il pardonne les pechés, et lhors on dit: Vous estes bon, Seig r, et en vostre bonté apprenes moy vos justifications..

  A005001269 

 O Dieu, dit S t Augustin, ou vous allois-je chercher, Beauté infinie! car «vous esties dedans moy;» et les pelerins d'Emaus sentoyent les effectz de la presence de Celuy quilz pensoyent estre absent, et leurs facultés se ramassoyentau dedans: Nonne cor nostrum ardens erat in via? Il leur touchoit le cœur, et a cet attouchement ilz s'eschauffoyent interieurement.

  A005001270 

 Car ainsy, Dieu respandant dedans le cœur le vin, plus doux que le miel, de son s t amour, et en faysant sentir l'odeur a nos facultés, vous les voyes, par cet aymable attrait, rentrer dedans le cœur comme dedans leur ruche, doucement et delicieusement..

  A005001270 

 Or ce recueillement, comme vous voyes, se fait par la douceur dont nostre cœur est touché, sentant en quelque sorte la presence de son bien au milieu de soy; c'est pourquoy il se fait doucement, par une aggreable inclination, par un doux retour, par une delicieuse retraitte que le playsir interieur fait faire aux facultés, et ne treuve rien qui l'exprime mieux que la retraitte des abelles qui se fait par la douce amorce [de] l'odeur du vin emmiellé.

  A005001271 

 Imaginés vous, Philothee, la tresste Vierge nostre Dame, lhors qu'ell'eut conceu le Filz de Dieu son uniqu'amour.

  A005001274 

 Telles sont les ferveurs du grand S t Aug in en ses Confessions; ou vous voyes fort souvent des souspirs, des exclamations et des traitz amoureux dont l'un n'attend pas l'autre, mais semblent a une girandole de feus artificielz qui jettent de toutes pars des flammes: car ainsy, en cette ferveur, l'ame jette un meslange et confusion d'actions et passions amoureuses, sans autre methode que celle que l'empressement lui suggere, qui est de se haster et ne tenir aucune methode.

  A005001282 

 Mais [396] apres que la fraicheur du lait a aucunement appaysé la chaleur appetissante de leur petite poitrine, et que les douces vapeurs quil envoye au cerveau commencent a les endormir, Philothee, vous les verries fermer leurs petitz yeux tout bellement et ceder au sommeil, sans quilz facent plus aucun'autre action que celle d'un lent et tendre mouvement des levres, avec lequel ilz succent et avalent imperceptiblement le lait, sans y penser certes, mais non pas sans playsir, car si [on] leur oste ce bien ilz s'esveillent et pleurent amerement; si que tesmoignans de l'aigreur en la privation, ilz font asses connoistre qu'ilz avoyent de la douceur en la possession.

  A005001282 

 N'aves vous jamais veu (et j'emprunte cette similitude d'une des plus grandes Sulamites de cet aage, la mere Therese), ou n'aves jamais pris garde, ma chere Philothee, aux petitz enfans, qui, s'attachans a la mammelle de leur mere, grommelent au commencement, succent ardamment, pressent des levres et serrent si fort le sucheron et tetin, que mesme ilz font douleur a leur mere.

  A005001292 

 Car imagines vous quil ne leur eut dit sinon: Demeures icy, ou que, quand il leur dit: Dormes et vous reposes, il leur eut enjoint de dormir, et quil n'eut pas dit cela pour les reprendre, leur permettant de dormir au tems auquel il sçavoit bien quilz ne le pourroyent pas faire: car en ce cas-la, silz fussent demeurés-la dormans, ilz eussent esté en la presence de leur Maistre, qui n'estoit guere loin, sans le sentir en façon quelcomque; et l'enfant qui dort dans le giron de sa mere est certes en sa presence, sans neanmoins s'en appercevoir.

  A005001300 

 Imagines vous un enfant (car cette comparayson est toute d'amour pur et doit estre suivie) qui, voyant sa mere assisse, laquelle luy presente son giron et son sein, vient se jetter tout entre ses bras: il se ramasse tout la dans ce sein desirable, dans lequel il plie tout son cors; sa mere, le tenant, le serre et le colle sur sa poitrine, et joint ses levres aux siennes; luy, amorcé de cette caresse par laquelle sa mere l'unit tout a soy, non seulement consent, mays tant quil peut il se serre luy mesme et se presse sur le sein et sur le visage de sa chere mere, et de son costé coopere a cette amoureuse union.

  A005001304 

 Voyes un enfant pendu au col de sa mere, demeurer uni et joint a ses mammelles: si vous y prenes garde, de tems en tems il se pressera et serrera par des sursaultz de mouvemens que le playsir de tetter luy donne; ainsy un cœur aymant Dieu, demeure tous-jours uni par affection a sa divine Majesté, mais pourtant, en certaines occasions, il fait certain accroissement d'union, par un mouvement avec lequel il se serre et presse davantage en Dieu.

  A005001305 

 Quelquefois, par la seule volonté qui s'estend et se serre le plus estroittement a son Dieu: Hé, Seigneur, quand seray-je tout en vous? Quand viendray et paroistray devant vostre face? Joignes, Seig r, de plus en plus cett'ame a vostre bonté; et cœt..

  A005001312 

 Philothee, imagines vous donques que (il importe que vous m'entendies) S t Paul, S t Augustin, S t Denis, S t François, S te Catherine de Sienne ou de Genes sont encor en ce [406] monde, et quilz dorment de lassitude apres plusieurs travaux pris pour l'amour de Dieu; representes vous d'autre part quelque bonn'ame, mais non si s te comm'eux, car il y en a peu qui leur soient comparables, qui est en l'orayson d'union a mesme tems: je vous demande, chere Philothee, qui est plus joint a Dieu, plus uni, plus attaché? O Dieu, vous me confesseres que ce sont ces heureux personnages; car leur charité, qui est, comme l'un d'eux tesmoigne, le lien de perfection, est bien plus grande et plus forte que celle de cett'autre ame qui est en l'orayson d'union.

  A005001313 

 Voyes vous ce petit enfant attaché au tetin et au col de sa mere: si on le veut arracher de la pour le porter en son berceau, par ce quil en est tems, il marchande et dispute tant quil peut pour ne point la quitter, et se serre plus estroittement a elle; si on luy fait desprendre une main il s'acroche de l'autre, et si on l'arrache du tout il se met a pleurer, il regarde devers son giste d'amour quil prefere a tout autre, et ne pouvant plus estre avec elle il la reclame, et va criant tendrement et plaintivement sa mamma, mamma.

  A005001315 

 Abismes cette goutte d'eau dedans l'ocean de vostre bonté, affin qu'elle ne soit plus qu'en vous! Puysque vostre cœur m'ayme et me veut pour soy, hé, pourquoy ne me ravit il, puis que je le veux bien? Tires moy, je courray a la suite de vos attraitz, et me jetteray dedans vostre sein paternel pour n'en bouger es siecles des siecles.

  A005001315 

 Ah, qui me donnera la grace que je sois un esprit avec vous! En fin, Seigneur, l'unité m'est necessaire; pourquoy me troublerois-je en la multiplicité des choses? Hé, doux Ami de mon ame, que cett'unique soit pour l'Unique! Unisses ma pauvr'uniqu'ame a vostre unique bonté! Hé, vous estes tout mien, quand seray-je toute vostre! O cher aymant, tires ce fer a vous! soyes mon tire cœur comme l'aymant est un tire fer.

  A005001315 

 Il ne reste plus que de vous advertir que comme tous les exercices d'amour se prattiquent, ou par des oraysons et operations spirituelles de longue duree, ou par des oraysons et eslancemens courtz, passagers et frequens, ainsy cet exercice de l'union avec Dieu se prattique egalement es longues oraysons et contemplations, et es courtes et enflammees oraysons jaculatoires et elevations de cœur appliquees a cett'intention.

  A005001319 

 Voyes, je vous prie, Philothee, l'eau, le vin, l'huile et toutes choses liquides: si vous les respandes dans un vaisseau, elles n'auront point de bornes que celles que le vaisseau leur donnera, ni point de figure que la figure du vaisseau; si le vaisseau est quarré elles le seront aussi, sil est rond ou triangulaire elles auront la mesme figure, de sorte qu'on peut dire que ces choses liquides n'ont ni figure ni bornes aucunes que les bornes et figures de ce qui les contient..

  A005001320 

 Ell'a sa figure par ses habitudes et inclinations, et ses bornes en sa propre volonté; et lhors qu'ell'est plus sujette a ses inclinations et volontés, nous disons qu'ell'est dure spirituellement, c'est a dire opiniastre, obstinee: Je vous osteray, dit Dieu, vostre cœur de pierre, et vous en donneray un de chair; c'est a dire, je vous osteray vostre obstination et dureté spirituelle.

  A005001320 

 Voyes, je vous prie, ma chere Philothee, ce que David avoit præsagé de N. S. et de son cœur, parlant en la personne d'iceluy pour le tems de sa Passion, au Psal. 21.

  A005001321 

 Et affin que vous sachies que cette fonte et cest escoulement est reciproque, voyes, Philothee, ce que l'Espouse dit: Tes mammelles, dit-elle, sont meilleures que le vin, jettant l'odeur des parfums plus parfaitz.

  A005001321 

 Et comme le vin, plus il est fort moins il peut estre retenu dans le tonneau quil ne s'espanche et ne sorte par dessus, ainsy l'amour de l'Espoux ne pouvoit demeurer en son cœur quil ne se respandit; et parce que l'amour ne va pas sans l'ame, l'ame mesme de l'Espoux s'estoit respandue, dont ell'adjouste: Vostre nom est un'huile respandue; vous ne respandes pas seulement vos affections, mais vous estes vous mesme un baume respandu.

  A005001322 

 Ne voyes vous pas, Philothee, les nuees comm'elles demeurent la en l'air suspendues, comme si elles estoyent attachees au ciel? elles demeurent en elles mesme et se soustiennent, en sorte que quelquefois elles semblent des rideaux [411] qui sont tendus pour nous cacher le ciel.

  A005001327 

 Pourquoy, je vous prie, Philothee, haissons-nous le mal sinon par ce que nous aymons le bien? pourquoy nous attristons nous des maux apprehendés comme presens sinon par ce quilz nous privent du bien? pourquoy craignons nous le mal futur sinon par ce que nous desirions et esperions le bien? C'est l'amour seul qui nous donne toutes les passions, c'est luy aussi qui nous blesse et navre le cœur..

  A005001329 

 Car tout ainsy que si une abeille avoit piqué le visage d'un enfant, vous auries beau luy dire: ah, mon cher enfant, c'est l'abeille mesme qui a fait le miel que tantost vous avés gousté avec tant de playsir; il vous diroit: il est vray, mais son eguillon m'a percé, et tandis quil est dans ma joue je ne puis vivre en repos; ne voyes vous pas comme ma joue en est emflee? Aussi il est vray que l'amour est un mouvement de complaysance, pourveu quil ne nous laisse point l'eguillon du desir; mais quand il le laisse, sans doute nous avons un'extreme douleur, mais parce que c'est une douleur d'amour ell'est aymable et amiable.

  A005001329 

 Hé, qui me delivrera du cors de cette mort? Voyes cet autre amoureux: Mon ame a soif de son Dieu fort et vivant; hé, quand viendray-je et apparoistray-je devant la face de mon Dieu? Mes larmes ont esté mon pain nuit et jour, tandis qu'on me dit: ou est ton Dieu? Voyes la sacree Sullamite comm'elle parle aux filles de Hierusalem: Helas, dit elle, je vous conjure, si vous rencontres mon Bienaymé, de luy annoncer ma peyne, par ce que je languis et suis blessee d'amour.

  A005001331 

 A la troysiesme fois: Pierre, m'aymes tu? ah! il le blesse; dont il sent la douleur amoureuse: Helas, Seigneur, vous sçaves toutes choses.

  A005001331 

 Il le pique et le presse d'amour, il reçoit une grand'affliction et blesseure d'amour; dont il respond amoureusement, mais douloureusement: Seig r, vous sçaves toutes choses, vous sçaves que je vous ayme..

  A005001331 

 Le pauvre Saint estoit desja tout rempli d'amour, car la pœnitence le luy avoit redonné, et nostre Seig r le presse: Pierre, m'aymes tu? Tu sçais, Seig r, que je t'ayme. Pierre, m'aymes tu? Hé, Seig r, je vous ayme, vous le sçaves bien.

  A005001334 

 Voyes vous le pellican? Ainsy que, ramassant en un'histoire ce qui se dit de luy, on le peut recueillir, il blesse par amour ses petitz, car il fait son nid en terre, si que les serpens les viennent souvent piquer: or quand cela arrive, le pellican vient, et comme pour faire sortir le venin avec leur sang, il les tue de son propre bec; puis, se blessant soymesme, il les vivifie de son sang.

  A005001334 

 Voyes vous, Philothee, cet animal? il blesse ses petitz d'amour, mais jamais il ne les void blessés quil ne s'en blesse soymesme.

  A005001343 

 C'est chose admirable de voir les langueurs amoureuses de s te Catherine de Sienne et de Gennes, de s te Angele de Foligni, de la Bienheureuse Mere Therese; mays qui pourrait jamais exprimer les merveilles des effectz que l'amour celeste fit au cœur et au cors de s t François? Car sa vie n'est presque que de larmes, de souspirs, de plaintes amoureuses: et en fin vous voyes un Seraphin qui le stigmatise et le blesse par des rayons sortans des endroitz de l'ouverture du flanc, et des pertuis des mains et des pieds d'un'image de Jesus Christ crucifié quil portoit; de sorte que cinq playes demeurent imprimees en ce bienaymé serviteur, es mesmes endroitz esquelz son Maistre les avoit receues pour nous rachetter.

  A005001343 

 Nissene lhors quil la regardoit, combien fut attendrie, je vous supplie, chere Philothee, l'ame du grand S t François, quand il vid l'image de nostre Seig r se sacrifiant luy mesme pour nous sur l'arbre de la croix! image fait'au Ciel et par des mains celestes..

  A005001343 

 O Dieu, ma chere Philothee, imagines vous cett'image que non Appelles, mais N. S. mesme, ou un Seraphin par son [421] commandement, avoit taillee au Ciel en la presence de tous les Anges.

  A005001345 

 Aves vous jamais veu un homme ayant un'aposteme en la poitrine? elle luy donne beaucoup d'eslans de douleur pour sortir, car la nature desire de la pousser dehors; mais bien souvent elle ne peut, si le cyrurgien suppleant au defaut, ne luy vient donner un coup de rasoir.

  A005001355 

 Imagines vous, Philothee, la comparayson quil y a entre ceux qui possedent la lumiere du soleil et ceux qui n'ont que la petite clarté d'une lampe.

  A005001361 

 effect du zele que nous avons pour Dieu, c'est un'ardeur que nous avons pour la pureté des ames qui sont ses espouses, comme le grand s t Paul disoit aux Cor. 2. c. II. initio: Je suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a un homme, de vous representer une vierge chaste a Jesuschrist; vide s t Th.

  A005001362 

 C'est pourquoy elle s'escrie: Hé Dieu, qu'y a il au ciel pour moy et que desire-je autre que vous sur la terre? [428] Dieu de mon cœur et mon heritage! C'est pourquoy on quitte tout, et sachant que S t Paul a dit que les mariés ont leur cœur partagé par ce quilz doivent plaire a leurs parties, on se resoult a la chasteté sainte, on estime toutes choses comm'un fumier affin de gaigner nostre Seigneur, on quitte tout ce qui peut mettre division en nostre cœur: les honneurs, les richesses, les playsirs..

  A005001366 

 Voyes vous, Philothee, Sullamite avoit le cœur tout plein de l'amour de son unique Bienaymé, qui est l' affluence des delices; or, affin que jamais cette divine affection n'en sorte et qu'onques aucun autre amour n'y entre, ains qu'il demeure pur et net de tout autre meslange, ce celeste Bienaymé l'advertit disant: Je suis dedans ton cœur et sur ton cœur, car j'en suis l'habitateur et le maistre; je suis emmi ton cœur comme le cœur de ton cœur; mais je veux encor estre sur ton cœur comme le chef de ton cœur, affin que rien n'y entre que ce que j'y mettray, et que seul je le possede parfaitement.

  A005001368 

 Ainsy, Philothee, l'Apostre, jaloux des ames des Chorinthiens, proteste que ce n'est pas pour luy quil est jaloux, mais pour son Maistre: Je suis jaloux de vous, ou, sil faut ainsy dire, je vous jalouze de la jalousie de Dieu, par ce que je vous ay promis a luy de vous preenter une vierge chaste.

  A005001371 

 Or consideres, je vous prie, ma chere Philothee, la violence de l'indignation de Carpus; car il racontoit luymesme a s t Denis quil ne tenoit compte de contempler N. S. et les Anges qui se monstroyent au Ciel, tant [il] prenoit playsir a voir en bas la detresse effroyable de ces deux miserables, se faschant seulement de ce quilz tardoyent tant a perir: si que il s'essayoyt de les precipiter luy mesme, ce que ne pouvant si tost faire, il s'en despitoit et les maudissoit.

  A005001373 

 Ce bon pere de famille que N. S. descrit en l'Evangile, conneut bien cet inconvenient ordinaire aux serviteurs rudes et ardens; car s'offrans a luy pour sarcler son champ et arracher l'ivroÿe, et luy disans: Voules vous que nous l'allions recueillir? non, dit-il, de peur que d'adventure avec l'ivroye vous n'arrachies aussi le froment..

  A005001382 

 C., que luy disoyent ses Disciples qui n'avoyent pas encor participé de ce bon, doux et benin esprit.» Voyes vous, Philothee, Phinees voyant un Israelite se souiller de luxure avec une Moabite il les tua tous deux; Helie avoit prædit la mort d'Ochozias, lequel, indigné de cette prædiction, envoya deux cappitaines de cinquante hommes l'un apres lautre pour le prendre, et il fit descendre le feu du ciel qui les devora, et tous leurs compaignons.

  A005001382 

 Et le grand s t Denis dit excellemment a Demophile, que celuy qui veut corriger les autres doit premierement «avoir soin d'empescher que lacholere ne deboute la rayson de l'empire et domination que Dieu luy a donné en l'ame, et qu'elle n'excite une revolte et sedition et confusion dans nous mesme.» Et apres, il dit au mesme: «De façon que nous n'appreuvons pas vos impetuosités poussées d'un zele indiscret, quand mille fois vous repeteries Phinees et Helie; car telles paroles ne pleurent pas a Jes.

  A005001382 

 Or un jour que nostre Seigneur passoit au pais de Samarie, il envoya en une ville pour y apprester son logis, mais les bourgeois, sachans que N. S. estoit Juif de nation et quil alloit en Hierusalem, ne le voulurent pas loger; ce que [440] voyans S t Jean et S t Jaques, ilz dirent a N. S.: Voules vous que nous commandions au feu quil descende et quil les brusle? Et N. S. se retournant devers eux les tança, disant: Vous ne sçaves de quel esprit vous estes; le Filz de l'homme n'est pas venu pour perdre les ames, mais pour les sauver..

  A005001383 

 Le grand s t Thomas d'Acquin, estant tumbé malade de la maladie dont il mourut au monastere de Fosseneuve, de l'Ordre de Cisteaux, en la campaigne, les religieux le supplierent de leur faire une briefve exposition du sacré Cantique des Cantiques, a l'imitation de s t Bernard, et il leur respondit: «Mes chers Peres, donnes moy l'esprit de s t Bernard, et interpreteray ce divin Cantique comme s t Bernard.» Ainsy, certes, quand on nous dit a nous autres, petitz Chrestiens, miserables, imparfaitz, chetifs: Serves vous de l'ire et de l'indignation, comme Phinees, Helie, Mathatias, S t Pierre, S t Paul; nous devons respondre: Donnes nous l'esprit de perfection, le pur zele et la lumiere interieure de Phinees, Helie, S t Pierre et S t Paul, et nous employerons la cholere, l'ire, le courroux comm'eux.

  A005001389 

 Apres cela, imagines vous encor, je vous supplie, ce divin Sauveur resusciter: cette ame celeste reprend son cors, et le cors a mesm'instant sa peau, puis reprend des habitz, ou formés par miracle ou autrement, car il parut a ses disciples allans en Emaus, et a Magdeleyne, habillé en pelerin et en jardinier, selon que la gloire de son Pere et le salut des ames le requeroit.

  A005001389 

 Imagines vous, Philothee, le cher Espoux de nos ames au parvis du prœtoire de Pilate, ou, pour l'amour de nous, les ministres de la mort, c'est a dire les bourreaux, le despouillerent de tous ses vestemens l'un apres lautre; puis, non contens de cela, ilz le despouillerent, par maniere de dire, de sa peau, tant ilz la deschirerent a coups de verges et de fouetz, dont il sembloit un ladre ulceré, dit le Prophete; et enfin la mort mesme venant, despouilla sa s te ame de son cors et de tous les sentimens d'iceluy.

  A005001391 

 Et tel semble que fut l'estat de s t Paul, car il tumba a terre, sans veüe, sans mouvement, sans action ni interieure ni exterieure; et pour monstrer que son ame estoit toute desnuee en un absolu despouillement de toute affection et volonté, il dit a N. S r: Seigneur, que voules vous que je face? Comme sil vouloit dire: Je ne puis plus rien faire ni exterieurement ni interieurement, ma volonté ne peut plus rien vouloir que ce que vous voudres qu'elle veuille; que voules vous que je veuille? quelles affections vous plait il que je prenne? et quand, et comment? L'ame donq dit: Seigneur, puisque vous m'aves despouillé de moymesme et de ma volonté, Doce me facere voluntatem tuam, quia Deus meus es tu.

  A005001391 

 Imagines vous un enfant autant obeissant qu'Isaac, qui se seroit revestu pour le froid, qu'un pere luy dit: despouilles vous tout nud; il osteroit sans doute tous ses habitz l'un apres lautre, et jamais ne demanderoit de se revestir.

  A005001399 

 Et tous-jours vous sçaurés que l'extase de l'amour est la meilleure, car lautre ne nous fait pas meilleurs si ell'est seule, le s t Apostre disant: Si je connoissois tous les misteres et toute science, et je n'ay pas la charité, je ne suis rien. C'est pourquoy le malin esprit peut extasier, pour parler ainsy, et ravir l'entendement, representant des merveilleuses intelligences qui le tiennent suspens, et par le moyen de telles illusions il peut provoquer la volonté a certaine [446] sorte d'amour imparfait, tendre et fort aggreable a la nature; comm'en effect il a souvent abusé plusieurs personnes par de telles amorces et faulses extases..

  A005001401 

 Mays pour moy, il me suffira de vous en proposer deux principales marques, de la vraye extase divine: l'un'est que la vraye extase s'attache plus a la volonté qu'a l'entendement, elle l'esmeut et eschauffe, et remplit d'une puissante affection envers Dieu; si que quand l'extase est plus belle que bonne, plus lumineuse que chaleureuse, plus speculative qu'affective, ell'est grandement a soupçonner.

  A005001402 

 Voyes-vous, Philothee, les commandemens de Dieu sont tous conformes a la rayson mesme naturelle, et bien quilz ne puissent pas estre exactement observés par les seules forces de la nature, si est ce que nostre nature nous incline a les vouloir observer.

  A005001404 

 C'est cela que le grand Apostre enseignoit aux Rhodiens: Vous estes mortz, et vostre vie est cachee en Dieu avec Jesuschrist.

  A005001404 

 Qu'est ça a dire: Vous estes mortz? C'est a dire: Vous ne vives plus de la vie naturelle, vous ne vives plus de la vie des hommes; et comme par la mort l'ame ne vit plus en son cors, aussi maintenant vous ne [448] vives plus en vous mesme et dedans l'enclos de vostre propre condition, vostre ame vit non seulement au dessus de son cors, mays au dessus de sa propre condition.

  A005001407 

 Quand donques vous voyes un homme qui a des extases et est hors et dessus soy en l'orayson, et neanmoins il ne l'est pas en sa vie, il vit selon le sens, selon le monde, et n'a point d'exces de pieté, de mortification, de conversation en sa vie: quil ayt tant d'exces quil voudra en l'orayson, telz ravissemens sont grandement perilleux et douteux; ce sont ravissemens qui le peuvent rendre plus admirable, mais non pas plus saint.

  A005001410 

 Or, quicomque a cette nouvelle vie parfaitement, il ne vit plus ni en soy, ni pour soy, ni a soy, ains il vit en N. S. Estimes, dit s t Paul, que vous estes vrayement morts au peché et vivans a Dieu, en J. C. N. S..

  A005001411 

 Oyes, je vous supplie, Philothee, soyes attentive, et peses la force et efficace des divines paroles de cet Apostre, tout ravi et absorbé en l'amour de son Maistre.

  A005001411 

 Voyes, je vous prie, comm'il va bellement fichant son argument: lhors, dit, que nous estimons ceci; et quoy? que si un est mort pour tous, donques tous sont morts.

  A005001424 

 Voyes vous, Philothee, la grace de Dieu et la charité n'est qu'une mesme chose.

  A005001426 

 S t Jean l'Evangeliste, entrant dedans sa propre sepulture sans avoir aucun sentiment de maladie, et avec ces paroles: Mon Seig r J. C., soyes avec moy, et prenant doucement et amoureusement congé de ceux qui l'avoyent accompaigné, par ces paroles: La paix soit avec vous, mes freres, et se couchant sur son manteau comme pour faire un delicieux sommeil, environné d'une grande lumiere; ou soit quil mourut reellement, ou soit quil mourut de la mort mistique, ou soit que son ame fut separee du cors, ou que tout entier il fut separé du commerce commun des hommes et que son ame ravie et absorbee laissast pour un tems son cors comme mort, si est ce pourtant quil passa en l'amour et d'amour.

  A005001426 

 S t Louys, ce grand roy entre les Saintz et grand S t entre les roys, frappé de peste, ne cessa onques de prier; et ayant receu le tres divin Sacrement, il mourut: «les bras estendus en forme de croix,» dit Marule, «les yeux fichés au ciel, et jettant ces paroles de confiance amoureuse dans le sein de son Dieu: J'entreray, Seig r, en vostre demeure, je vous adoreray en vostre saint temple et confesseray vostre nom, il expira.» S t Pierre Celestin, apres avoir souffert des afflictions qu'on ne sçauroit bonnement dire, sur le point de la mort commença le Psalme: Laudate Dominum in sanctis ejus, et finit sa vie en le finissant, sur ces paroles si amoureuses: Omnis spiritus laudet Dominum.

  A005001427 

 Et sur le point de son trespas, il se mit nud sur la terre, receut encor un habit en aumosme, duquel il fut par apres vestu, il exhorta ses freres a l'amour et crainte de Dieu et de son Eglise, fit lire la Passion, puis commença a dire avec extreme devotion le Psal. 141: J'ay crié a haute voix au Seigneur, de ma voix j'ay supplié le Seigneur; et ayant prononcé ces dernieres paroles: Seig r, tires mon ame de la prison, [459] affin que je confesse vostre s t nom; les justes m'attendent jusques a ce que vous me recompensies, il expira, l'an 45 de son aage.

  A005001429 

 Son ame ne pouvant pas aymer son Sauveur a souhait parmi les distractions [460] de cette vie, et tout le service pour lequel N. S. l'avoit pris pour luy tenir lieu de vray pere estant achevé, il dit, ou explicitement ou virtuellement, au Pere eternel: O Pere, j'ay achevé l'œuvre que vous m'avies donné en charge; et puis, se tournant vers son Filz: Mon Filz, je remetz mon esprit entre vos mains, comme vostre Pere eternel avoit remis vostre cors entre les miennes..

  A005001433 

 Puys, en sortant comme resuscité avec luy, il va en Emaus avec les deux pelerins, et en fin il retourne sur le mont Olivet ou se fit le mistere de l'Ascension; et la, prosterné sur les marques et vestiges des pieds du Sauveur, qui les y laissa imprimees admirablement, il les bayse de sa bouche comme sil eut voulu y coller ses levres; et apres avoir retiré a soy toutes les forces de son amour, comme un archer fait la chorde de son arc quand il veut descocher sa fleche, se relevant, les yeux et les mains tendus au ciel: «Ah mon doux Jesus,» dit il, «je ne sçai plus ou vous suivre en la terre; accordes, de grace, a ce cœur, que maintenant il vous suive et aille vers vous au Ciel.

  A005001434 

 Et le medecin le voyant mort, se jetta sur sa poitrine, et fondant en larmes et souspirs: «En verité,» dit il tout haut, «o serviteur de Dieu, Basile, si vous eussies voulu, vous ne fussies non plus mort maintenant que quand je vous vis hier que vous ne mourustes pas.».

  A005001434 

 Puis s'en revint dans son lit, ou s'estant asses longuement entretenu en l'orayson avec N. S. et ayant exhorté les assistans de servir Dieu de tout leur cœur, voyant les Anges venir a luy, il rendit son ame a Dieu, disant: Mon Dieu, je vous recommande mon ame et la metz entre vos mains.

  A005001434 

 «Mays que dires vous,» dit alhors s t Basile, «si j'y suis encor demain?» «Je me feray Chrestien, je vous le prometz,» dit le medecin.

  A005001435 

 Car, a qui de tous les Seraphins appartient il de dire a N. S.: Vous estes mon Filz, et je vous ayme comme mon Filz? et a qui fut il jamais dit par N. S., de toutes les creatures: Vous estes ma Mere, et je vous ayme comme ma Mere, mays comme ma Mere toute mienne, et comme ma Mere a qui je suis tout sien? En somme, si jamais il y eut une si grande union entre un serviteur extremement amoureux de son maistre quil peut dire de n'avoir point d'autre vie que celle de son maistre, l'union de la Vierge avec son Filz pouvoit bien faire cet effect, car ce n'estoit plus union mais unité entre cette si douce Mere et ce Enfant delicieux..

  A005001447 

 Voyes vous ces cheveux de nos testes? ilz nous importent peu, et quand nous serions chauves, comm'Helisee et saint Pierre, nous n'en vaudrions pas moins; neanmoins tous ces cheveux sont contés, la providence de Dieu en tient le roolle et ne veut pas qu'un seul perisse.

  A005001447 

 Voyes vous ces petitz moyneaux? ilz semblent estre de fort peu de consideration en comparayson du reste du monde, pas un neanmoins ne meurt que par le decret de la providence de Dieu.

  A005001461 

 L'indifference nous porte a l'exclamation de David: O Dieu de mon cœur, et le seul heritage que je prœtens! Qu'y a-il au ciel pour moy, et que veux-je en terre sinon vous? Qui ne cherche que Dieu, ni en terre parmi les miseres, ni au Ciel parmi les fœlicités, qu'est ce qui ne luy est pas indifferent?.

  A005001475 

 Voyes, je vous prie, Philothee, la vie apostolique comm'ell'est affligee selon le monde, selon le cors et selon l'ame; car, comme remarque S t Thomas, toutes les especes d'afflictions sont comprises en ce denombrement, mesmement les angoisses qui travaillent le cœur, les blessures qui travaillent le cors, les prisons qui infament la personne.

  A005001476 

 Alhors nous pourrons dire avec David: Seigneur, je suis comme un cheval bien dressé devant vous, car vous me tournés a toutes mains a vostre gré..

  A005001478 

 Si donques il vous vient en la pensee que par vostre faute vous n'avances pas en la vertu, demandes pardon a Dieu, humilies vous devant sa misericorde; cela fait, demeures en paix, et ayant detesté vostre faute, embrasses amoureusement l'evenement de la retardation des vertus..

  A005001478 

 Voire, dirés vous, mais si c'est par ma faute que mon avancement en la vertu est retardé, comment ne m'inquieteray je pas? Je l'ay souvent dit en l' Introduction, qu'il ne faut pas avoir un repentir inquiet, mays rassis, ferme, constant.

  A005001483 

 Mays prenes garde, je vous prie, qu'alhors ce cœur est en grand danger de prendre le change, car au commencement il aymoit Dieu, et petit a petit, sans s'en appercevoir, en lieu d'aymer Dieu il ayme l'amour de Dieu; il estoit amoureux de Dieu, mais petit a petit il est amoureux de l'amour quil a envers Dieu..

  A005001497 

 Seigneur, je ne veux rien de tous les evenemens, car je vous les laisse vouloir pour moy a vostre gré; mais au lieu de m'occuper a vouloir ces evenemens, j'occuperay ma volonté a vous benir de ces evenemens, car il est tous-jours [477] meilleur de s'occuper entierement a l'amour filial, puisqu'il est plus cher au Pere que cent mille autres vertus..

  A005001498 

 Non, n'ayes jamais aucune volonté, mais contentes vous de la sienne.

  A005001498 

 O chere ame, que vous estes heureuse de n'employer point vostre volonté a vouloir, mays a jouir de ce que plus vous pouvies vouloir, desirer et souhaiter, qui sont les suaves amour! de vostre Espoux..

  A005001499 

 Mais acquiesces vous pas au sien? Non, je n'acquiesce pas, car je n'y pense pas: ce n'est pas par acquiescement, c'est par union de ma volonté; non, ce n'est pas par union, c'est par unité, mays unité en laquelle ma volonté ne tient point de rang ni de place, ni ne fait point de vouloir ni d'acquiescement, ains est reduite en la volonté de Dieu..

  A005001499 

 Mais dites-moy, chere ame, vous vous treuves par tout ou vostre Espoux veut? Ouy, je m'y treuve par son vouloir et non pas par le mien, car je n'en ay point que le sien.

  A005001500 

 C'est la façon en laquelle Nostre Seigneur exprime par Isaïe les sentimens et peynes de sa Passion: Dominus Deus aperuit, etc. Voyla qu'il proteste qu'il les attend avec une sousmission la plus douce, la plus tranquille qu'il est possible: Je ne contredis point, dit-il, ni je ne dis que je les [accepte,] mais je laisse mon esprit entre vos mains; ni je ne vay au devant, ni je ne fuis, mais je les attens, prest a tout ce qu'il vous plaira faire de moy; et comme j'ay laissé mon cors entre les mains des cruelz executeurs de la volonté des Juifz et de Pilate, comme une petite brebis qui est entre les mains et a la mercy de celuy qui la tond, qui se laisse tourner en toutes postures sans resistance, aussi, o Pere eternel, remetz-je et abandonne mon esprit entre vos mains, affin que vous exercies vostre volonté sainte sur iceluy a vostre gré, sans contradiction ni resistance quelconque..

  A005001507 

 Il est vray, Philothee, vous verres une mere tellement embesoignee de son enfant, qui semble qu'elle n'ayt aucun autre amour que celuy la: elle n'a plus d'yeux que pour le regarder, ni plus de baysers que pour le caresser, ni plus de soin que pour l'eslever, ni plus de poitrine que pour l'alaiter, et semble qu'ell'ayt quitté l'amour du mari pour celuy de l'enfant; mays pourtant, sil failloit venir au choix de perdre ou l'un ou lautre, alhors on verroit bien qu'ell'estime plus son mari que dix enfans, et que si bien l'amour de l'enfant estoit le plus empressé, le plus tendre, le plus passionné, lautre neanmoins estoit le plus excellent, le plus fin et le meilleur.

  A005001508 

 Car, voyes vous pas, Philothee, que quicomque ayme Dieu de cette sorte, il a tout son cœur, toute son ame, toutes ses puissances et toutes ses forces dedié a Dieu? puis que toutes fois et quantes quil sera requis quitter tout pour son amour, il le fera sans reserve quelcomque..

  A005001533 

 Voulés-vous donq grandement prouffiter? Ne vous contentés pas de faire toutes vos œuvres en charité, comme l'Apostre commande, mays, comme luy mesme conseille, faites tout en son nom: Soit que vous beuvies, mangies, soit que vous fassies quelque autre chose, faites tout au nom de N. S. Ouvrés, salués, aymes, serves pour Dieu..


06-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VI-Les vrays entretiens spirituels.html
  A006000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A006000073 

 Que si bien ils ne sont pas elabourés à l'égal du reste de ses livres, si les discours n'en sont pas si bien tissus, s'il se rencontre quelque chose qui pourroit sembler a quelqu'un moins digne de son eminente doctrine et de la reputation que ses autres œuvres luy ont acquise, ce n'est pas de merveille, car jamais il ne les a veus ni leus; et vous sçavez que les enfans sevrés de la mammelle de leur mere avant le temps, ne se portent pas si bien que ceux qui en sont entierement nourris: tousjours il y a de la compassion aux enfans qui naissent apres le decés de leur pere..

  A006000075 

 C'est le souhait continuel que nous faisons pour vous et pour nous, qui sommes en JESUS CHRIST,.

  A006000075 

 Peut estre y trouverez-vous quelques choses qui sont si particulieres pour nos maisons, que vous jugerez n'estre pas à propos de les publier si librement, l'esprit du monde n'estant pas tousjours disposé à recevoir [3] les escrits de pieté avec la simplicité et la reverence qui leur est dette.

  A006000113 

 En somme, elles auront perpetuelle memoire de ce que dit Salomon aux Proverbes, XIX: Qui garde le commandement garde son ame, et qui neglige sa voye il mourra: or vostre voye c'est la sorte de vie en laquelle Dieu vous a mises.

  A006000124 

 C'est pourquoy, comme la devotion genereuse ne cesse jamais de crier à Dieu: Tirez moy, aussi ne cesse elle jamais d'aspirer, d'esperer et de se promettre courageusement de courir, et de dire: Nous courrons apres vous.

  A006000124 

 Genereuse pour pretendre au plus haut point de la perfection chrestienne, nonobstant toutes imperfections et foiblesses presentes, en s'appuyant, par une parfaite confiance, sur la misericorde divine, à l'exemple de celle qui disoit à son Bien Aimé: Tirez moy, nous courrons apres vous en l'odeur de vos onguents, comme si elle eust voulu dire: De moy mesme je suis immobile, mais quand vous me tirerez je courray.

  A006000132 

 Vous me demandez, mes tres-cheres filles, si une ame ayant le sentiment de sa misere peut aller à Dieu avec une grande confiance.

  A006000133 

 Ce ne seroit pas grande chose de s'estre aneanti et despouillé de soy-mesme (ce qui se fait par des actes de confusion), si ce n'est oit pour se donner tout à Dieu, ainsi que saint Paul nous l'enseigne quand il dit: Despoüillez-vous du vieil homme, et vous revestez du nouveau; car il ne faut pas demeurer nud, ains se revestir de Dieu.

  A006000133 

 Vous voyez donc que tant plus nous nous cognoissons miserables, tant plus nous avons occasion de nous confier en Dieu, puisque nous n'avons rien de quoy nous confier en nous mesmes.

  A006000134 

 Et ne dites pas que vous le dites voirement, mais que ce n'est que de bouche; car si le cœur ne le vouloit, la bouche n'en diroit pas un mot.

  A006000134 

 Et si bien vous ne sentez pas une telle confiance, si ne faut-il pas laisser d'en faire les actes, et dire à Nostre Seigneur: Encore, mon Seigneur, que je n'aye aucun sentiment de confiance en vous, je sçay pourtant que vous estes mon Dieu, que je suis toute vostre, et n'ay esperance qu'en vostre bonté; ainsi je m'abandonne toute entre vos mains.

  A006000137 

 Il arrivera que vous n'aurez pas de la consolation en vos exercices: il est certain que c'est le bon plaisir de Dieu, c'est pourquoy il faut demeurer avec une extreme indifference entre la desolation et la consolation; de mesme en faut-il faire en toutes les choses qui nous arrivent, és habits qui nous sont donnés, és viandes qui nous sont presentées.

  A006000137 

 Il y a beaucoup de gens qui disent à Nostre Seigneur: Je me donne tout à vous sans aucune reserve; mais il y en a fort peu qui embrassent la pratique de cest abandonnement, lequel n'est autre chose qu'une parfaite indifference à recevoir toute sorte d'evenemens, selon qu'ils arrivent par l'ordre de la providence de Dieu, aussi bien l'affliction comme la consolation, la maladie comme la santé, la pauvreté comme les richesses, le mespris comme l'honneur et l'opprobre comme la gloire.

  A006000139 

 Il est vray, vouloit-il dire, que tout est consommé et que j'ay tout accompli ce que vous m'avez commandé; mais pourtant, si telle est vostre volonté que je demeure encore sur ceste croix pour souffrir davantage, j'en suis content; je remets mon esprit entre vos mains, vous en pouvez faire tout ainsi qu'il vous plaira.

  A006000140 

 Nostre Seigneur ayme d'un amour extremement tendre ceux qui sont si heureux que de s'abandonner ainsi totalement à son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine providence, sans s'amuser à considerer si les effets de ceste providence leur seront utiles, profitables, ou dommageables; estant tout asseurés que rien ne leur sçauroit estre envoyé de ce cœur paternel et tres-aymable, ni qu'il ne permettra que rien leur arrive [26] de quoy il ne leur fasse tirer du bien et de l'utilité, pourveu que nous ayons mis toute nostre confiance en luy et que de bon cœur nous disions: Je remets mon esprit, mon ame, mon corps et tout ce que j'ay entre vos benites mains, pour en faire selon qu'il vous plaira.

  A006000141 

 Or maintenant, vous me demandez à quoy se doit occuper interieurement ceste ame qui est toute abandonnée entre les mains de Dieu.

  A006000142 

 Que si nous reservons quelque chose, de laquelle nous ne nous confions pas en luy, il nous la laisse, comme s'il disoit: Vous pensez estre assez sages pour faire ceste chose-là sans moy, je vous laisse gouverner, vous verrez comme vous vous en trouverez.

  A006000143 

 Vous dites maintenant, s'il est bien possible que nostre volonté soit tellement morte en Nostre Seigneur que nous ne sçachions plus ce que nous voulons ou ce que nous ne voulons pas.

  A006000144 

 Vous voudriez aussi sçavoir si une ame encore bien imparfaite pourroit demeurer utilement devant Dieu avec ceste simple attention à sa sainte presence en l'oraison Et je vous dis que si Dieu vous y met, vous y pouvez bien demeurer, car il arrive assez souvent que Nostre Seigneur donne ces quietudes et tranquillités à des ames qui ne sont pas bien purgées; mais tandis qu'elles ont encore besoin de se purger, elles doivent, hors l'oraison, faire des remarques et des considérations necessaires à leur amendement; car, quand bien Dieu les tiendroit tousjours fort recueillies, il leur reste encor assez de liberté pour discourir avec l'entendement sur plusieurs choses indifferentes: pourquoy donc ne pourront-elles pas considerer et faire des resolutions pour leur amendement et pour la pratique des vertus? Il y a des personnes fort parfaites ausquelles Nostre Seigneur ne donne jamais de telles douceurs ni de ces quietudes, qui font tout avec la partie superieure de leur ame, et font mourir leur volonté dans la volonté de Dieu à vive force et avec la pointe de la raison: et ceste mort icy est la mort de la croix, laquelle est beaucoup plus excellente et plus genereuse que l'autre, que l'on doit plustost appeller un endormissement qu'une mort; car ceste ame qui s'est embarquée dans la nef de la providence de Dieu se laisse aller et vogue doucement, comme une personne qui dormant dans un vaisseau sur [29] une mer tranquille ne laisse pas d'avancer.

  A006000145 

 Je desire toutesfois que vous remarquiez que je ne dis pas qu'il faille sentir ceste resolution d'estre ainsi toute à Dieu, mais seulement qu'il la faut avoir et cognoistre en nous, parce qu'il ne faut pas s'amuser à ce que nous sentons ou que nous ne sentons pas, d'autant que la pluspart de nos sentimens et satisfactions ne sont que des amusemens de nostre amour propre.

  A006000145 

 Vous voulez encor sçavoir quel fondement doit avoir nostre confiance.

  A006000155 

 Mais ne sçaviez-vous pas que ce n'est point icy le lieu où le plaisir se trouve pur, sans meslange de desplaisir, que ceste vie est meslée de semblables accidens? Aujourd'huy que vous avez de la consolation en l'oraison, vous estes encouragée et bien resolue de servir Dieu; mais demain, que vous serez en secheresse, vous n'aurez point de cœur pour le service de Dieu: Mon Dieu, je suis si alangourie et abattue, dites-vous.

  A006000155 

 Or dites-moy un peu, si vous vous gouverniez par la raison, ne verriez-vous pas que s'il estoit bon de servir Dieu hier, qu'il est encore tres-bon de le servir aujourd'huy, et qu'il sera tres-bon de le servir demain? car c'est tousjours le mesme Dieu, aussi digne d'estre aymé quand vous estes en secheresse que quand vous estes en consolation.

  A006000158 

 Si je parlois devant des personnes qui ne m'entendissent pas, je tascherois de leur inculquer le mieux qu'il me seroit possible ce que je viens de dire; mais vous sçavez que j'ay tousjours tasché de vous inculquer bien avant dans la memoire ceste tres-sainte egalité d'esprit, comme estant la vertu la plus necessaire et particuliere de la Religion.

  A006000160 

 Et ne sçavez-vous pas que les Egyptiens sont ennemis des Israëlites? qui nous recevra? Et semblables choses, que nous eussions bien alleguées à l'Ange si nous eussions esté en la place de saint Joseph; lequel ne dit pas un mot pour s'excuser de faire l'obeissance, ains il partit à la mesme heure, et fit tout ce que l'Ange luy avoit commandé..

  A006000160 

 Lors que Nostre Dame produit son Fils, les Anges annoncent sa naissance, les pasteurs et les Roys Mages le viennent adorer: je vous laisse à penser quelle jubilation et quelle consolation d'esprit n'eurent-ils pas parmi tout cela! Mais attendez, car ce n'est pas tout.

  A006000160 

 O que ce fut sans doute un sujet de douleur tres-grand à Nostre Dame et à saint Joseph! O que l'Ange traitte bien saint Joseph en vray Religieux! Prens l'Enfant, dit-il, et la M ere, et fuis en Egypte, et y demeure jusques à ce que je te le die. Qu'est-ce que cecy? Le pauvre saint Joseph n'eust-il pas peu dire: Vous me dites que j'aille, ne sera-t'il pas assez à temps de partir demain au matin? où voulez-vous que j'aille de nuict? Mon equipage n'est pas dressé; comment voulez-vous que je porte l'Enfant? auray-je les bras assez forts pour le porter continuellement en un si long voyage? Quoy? entendez-vous que la Mere le porte à son tour? helas! ne voyez-vous pas bien que c'est une jeune fille, qui est encore si tendre? Je n'ay ni cheval ni argent pour faire le voyage.

  A006000164 

 Pour expliquer cecy familierement: l'on changea d'offices et d'aydes ces jours passés; que signifient ces aydes que l'on vous donne? pourquoy vous les [41] donne-t'on? Saint Gregoire dit que nous devons faire en ce miserable monde ce que font ceux qui cheminent sur la glace, pour nous tenir fermes et solides à l'entreprise que nous faisons de nous sauver ou de nous perfectionner; car il dit qu'ils se prennent par la main ou par dessous les bras, à fin que si quelqu'un d'entre eux glisse, il puisse estre retenu par l'autre, et puis que l'autre puisse estre retenu par luy quand il sera esbranlé pour tomber à son tour.

  A006000167 

 Ne vous semble-t'il pas que l'Ange commet une grande indiscretion de s'adresser plustost à saint Joseph qu'à Nostre Dame, laquelle est le chef de la maison, portant avec elle le thresor du Pere eternel? n'eust-elle pas eu raison de s'offencer de ceste procedure et façon de traitter? Sans doute elle eust peu dire à son Espoux: Pourquoy iray-je en Egypte, puisque mon Fils ne m'a point revelé que je le deusse faire, ni moins l'Ange ne m'en a parlé? Or Nostre Dame ne dit rien de tout cela, elle ne s'offence point dequoy l'Ange s'adressa à saint Joseph, ains elle obeit tout simplement parce qu'elle sçait que Dieu l'a ainsi ordonné; elle ne s'informe point pourquoy, ains il luy suffit que Dieu le veut ainsi, et qu'il prend plaisir que l'on se sousmette sans consideration.

  A006000168 

 Ne voyez-vous pas que Dieu prend plaisir de traitter ainsi avec les hommes, pour leur apprendre la tres-sainte et tres-amoureuse sousmission? Saint Pierre estoit un vieil homme, rude et grossier, et saint Jean, au contraire, estoit jeune, doux, agreable; et neantmoins Dieu veut que saint Pierre conduise les autres et soit le Supérieur universel, et que saint Jean soit [45] l'un de ceux qui sont conduits et qui luy obeissent.

  A006000170 

 Le pauvre saint Joseph n'eust-il pas eu raison de faire quelque replique? Vous me dites que je parte; est-ce si promptement? Tout à ceste heure: pour nous monstrer la promptitude que le Saint Esprit requiert de nous lors qu'il nous dit: Leve toy, sors de toy-mesme et de telle imperfection.

  A006000171 

 Considerez, je vous supplie, le grand patron et modele des parfaits Religieux, saint Abraham, voyez comme Dieu le traitte: Abraham, sors de ta terre et de ta parenté, et va à la montagne que je te monstreray.

  A006000171 

 Que dites-vous, Seigneur, que je sorte de la ville? mais dites moy donc si j'iray du costé de l'orient ou de l'occident? Il ne fait nulle replique, ains part de là tout promptement, et s'en va où l'Esprit de Dieu le [47] conduisoit, jusques en une montagne qui a esté appellée depuis Vision de Dieu, d'autant qu'il receut des graces grandes et signalées en ceste montagne, pour monstrer combien la promptitude en l'obeissance luy est agreable.

  A006000171 

 Saint Joseph n'eust-il pas peu dire à l'Ange: Vous me dites que je meine l'Enfant et la Mere; dites-moy donc, s'il vous plaist, de quoy les nourriray-je en chemin? car vous sçavez bien, mon seigneur, que nous n'avons point d'argent.

  A006000172 

 Apres avoir beni Dieu de la cognoissance qu'il vous a donnée, retranchez ceste tendreté inutile qui vous fait plaindre de vostre infirmité..

  A006000172 

 Est-ce si grande merveille de nous voir broncher quelquefois? Mais je suis si miserable, si remplie d'imperfection! Le cognoissez-vous bien? benissez Dieu dequoy il vous a donné ceste cognoissance, et ne vous lamentez pas tant: vous [48] estes bien-heureuse de cognoistre que vous n'estes que la misere mesme.

  A006000173 

 Je vous laisse à penser donc quelle estoit la douleur du pauvre saint Joseph, et de Nostre Dame encore, quand elle se vid en l'estime que pouvoit avoir d'elle celuy qu'elle aymoit si cherement et duquel elle sçavoit estre si cherement aymée: la jalousie le faisoit languir, ne sçachant quel parti prendre; il se resolvoit, plustost que de blasmer celle [49] qu'il avoit tousjours tant honorée et aymée, de la quitter, et s'en aller sans dire mot..

  A006000174 

 Je le croy, mais est-elle comparable à celle de laquelle nous venons de parler? Il ne se peut; et si cela est, considerez, je vous prie, si nous avons raison de nous en plaindre et lamenter, puisque saint Joseph ne se plaint point, ni n'en tesmoigne rien en son exterieur: il n'en est point plus amer en sa conversation, il n'en fit pas la mine à Nostre Dame, il ne la traitta point mal; ains simplement il souffre sa peine, et ne veut faire autre chose que la quitter: Dieu sçait ce qu'il pouvoit faire en ce sujet.

  A006000174 

 Mais, direz-vous, je sens bien la peine que me cause ceste tentation ou mon imperfection.

  A006000175 

 Vous sçavez que quand le lac est bien calme et que les vents n'agitent point ses eaux, le ciel, en une nuict bien sereine, y est si bien representé avec les estoiles, que regardant en bas l'on void aussi bien la beauté du ciel que si on la regardoit en haut: de mesme, quand nostre ame est bien accoisée, et que les vents du soin superflu, inegalité d'esprit et inconstance ne la troublent et inquietent point, elle est fort capable de porter en elle l'image de Nostre Seigneur.

  A006000176 

 Je remarque en fin que l'Ange dit à saint Joseph qu'il demeurast en Egypte jusques à ce qu'il l'advertist de revenir, et que le bon Saint ne luy dit point: Et quand sera-ce, Seigneur, que vous me le direz? pour nous enseigner que quand on nous fait commandement d'embrasser quelque exercice, il ne faut pas dire: Sera-ce pour long temps? ains il le faut embrasser tout simplement, imitant la parfaite obeissance d'Abraham, lors que Dieu luy commanda de luy sacrifier son fils.

  A006000177 

 Allez tout simplement en Egypte parmi la grande quantité d'ennemis que vous y aurez, car Dieu qui vous y fait aller vous y conservera, et vous n'y mourrez point; où au contraire, si vous [52] demeurez en Israël où est l'ennemy de vostre propre volonté, sans doute il vous y fera mourir.

  A006000177 

 Et ne sçavez-vous pas ce que je vous ay desja dit autrefois et qu'il n'est pas mauvais de redire, que la vertu ne requiert pas que nous soyons privés de l'occasion de trebucher en l'imperfection qui luy est contraire? « Il ne suffit pas, » dit Cassian, « pour estre patient et bien doux en soy-mesme, d'estre privé de la conversation des hommes; car il m'est arrivé, estant en ma cellule tout seul, de me passionner quand mon fusil ne prenoit pas feu, » tellement que je le jettois par colere..

  A006000177 

 Ne pouvoit-il pas bien dire: Vous me faites emporter l'Enfant; vous nous faites fuir un ennemy, et vous nous allez mettre entre les mains de mille et mille autres que nous trouverons en Egypte, d'autant que nous sommes d'Israël.

  A006000178 

 Certes, il faut finir, et par ce moyen vous laisser en Egypte avec Nostre Seigneur, lequel, comme je croy, comme aussi d'autres tiennent, commençoit dés lors à faire des petites croix, quand il avoit du temps de reste après avoir aydé en quelque petite chose à saint Joseph, tesmoignant dés lors le desir qu'il avoit de l'œuvre de nostre redemption.

  A006000186 

 Ceci est grandement considerable: Aymez-vous ainsi que je vous ay aymés; car cela veut dire, plus que vous-mesme.

  A006000186 

 Nostre Seigneur a dit cela luy-mesme: Aymez-vous les uns les autres ainsi que je vous ay aymés.

  A006000187 

 Toutes les vertus, ainsi que vous sçavez, ont deux vices contraires, qui sont les extremités de la vertu; la vertu donc d'affabilité est au milieu de deux vices: de la gravité ou trop grande seriosité, et d'une trop grande mollesse à caresser et dire des paroles frequentes qui tendent à la flatterie.

  A006000188 

 Quelle difference, je vous prie, y a-t'il entre l'esprit de saint Augustin et celuy de saint Hierosme? l'on le peut remarquer dans leurs escrits.

  A006000189 

 Les saints Religieux d'autrefois, lors qu'ils se rencontroyent, disoyent: Deo gratias, pour preuve du grand contentement qu'ils recevoyent en se voyans l'un l'autre, comme s'ils eussent dit ou voulu dire: Je rends graces à Dieu, mon cher frere, de la consolation qu'il me donne de vous voir.

  A006000189 

 Rien, sinon que la sainteté paroisse en nostre familiarité et tesmoignage d'amitié, ainsi que le dit saint Paul en l'une de ses Epistres: Saluez-vous, dit-il, avec le baiser saint.

  A006000190 

 Mais hors de là, il faut tascher de faire que nous aymions tous esgalement, puisque Nostre Seigneur n'a pas dit: Aymez ceux qui sont plus vertueux, ains indifferemment: Aymez-vous les uns les autres ainsi que je vous ay aymés, sans en exclure aucun, pour imparfait qu'il soit..

  A006000191 

 Il se peut faire qu'une Sœur laquelle vous verrez chopper fort souvent et commettre force imperfections, sera plus vertueuse et plus agreable à Dieu (ou pour la grandeur du courage qu'elle conserve parmi ses imperfections, ne se laissant point troubler ni inquieter de se voir si sujette à tomber, ou bien par l'humilité qu'elle en retire, ou encores par l'amour de son abjection) que non pas une autre laquelle aura une douzaine de vertus, ou naturelles ou bien acquises, et laquelle aura moins d'exercice et de travail, et par consequent peut estre, moins de courage et d'humilité que non pas l'autre que l'on void si sujette à faillir.

  A006000191 

 La seconde raison pour laquelle nous ne devons pas rendre des tesmoignages d'amitié aux uns plus qu'aux autres, et ne devons nous laisser aller à les aymer davantage, est que nous ne pouvons pas juger qui sont [62] les plus parfaits et qui ont le plus de vertu; car les apparences exterieures sont trompeuses, et bien souvent ceux qui vous semblent estre les plus vertueux (comme j'ay dit autre part) ne le sont pas devant Dieu, qui est celuy-là seul qui peut les recognoistre.

  A006000193 

 Saint Paul parlant à ses enfans tres-chers: Je suis tout prest, dit-il, à donner ma vie pour vous et à m'employer si absolument que je ne veux faire aucune reserve, pour vous tesmoigner combien je vous ayme cherement et tendrement: ouy mesme, vouloit-il dire, je suis prest à laisser faire pour vous ou par vous tout ce que l'on voudra de moy.

  A006000196 

 Les Sœurs ne croiront pas pour cela que vous n'en ayez point, et vos imperfections seront peut estre plus dangereuses que si elles estoyent descouvertes et qu'elles vous causassent de la confusion, ainsi qu'elles font à celles qui sont plus faciles à les laisser paroistre à l'exterieur.

  A006000196 

 Vous aurez fait une faute ou une lourdise, il est vray; mais c'est devant vos Sœurs qui vous ayment cherement, et partant qui vous sçauront bien supporter en vostre defaut, et en auront plus de compassion sur vous que de passion contre vous.

  A006000201 

 Dites-vous, ma fille, si vous devez rire au chœur et au refectoire, quand, sur quelque rencontre inopinée, les autres rient? Je vous dis que dans le chœur il ne faut nullement contribuer à la joye des autres; ce n'en est pas le lieu, et ce defaut doit estre vivement corrigé.

  A006000205 

 Voulez-vous sçavoir ce qui seroit oyseux? Si lors que l'on doit parler de choses serieuses et saintes, une Sœur venoit à raconter un songe ou quelque conte fait à plaisir; alors son discours n'auroit point de fin, et par consequent seroit inutile.

  A006000211 

 Pour mieux entendre cecy il faut sçavoir que comme il y a difference entre l'orgueil, la coustume de l'orgueil, et l'esprit de l'orgueil (car si vous faites un acte d'orgueil, voila l'orgueil; si vous en faites des actes à tout propos et à toute rencontre, c'est la coustume de l'orgueil; si vous vous plaisez en ces actes et les recherchez, c'est l'esprit d'orgueil), de mesme, il y a difference entre l'humilité, l'habitude de l'humilité, et l'esprit d'humilité.

  A006000213 

 Mais que pourrons-nous faire, dites-vous, pour acquerir cet esprit d'humilité tel que nous avons dit? O! il n'y a point d'autre moyen pour l'acquerir que pour toutes les autres vertus, qui ne s'acquierent que par des actes reiterés..

  A006000218 

 Pour bien entendre que c'est, et en quoy consiste ceste force et generosité d'esprit que vous me demandez, il faut premierement respondre à une question que vous m'avez fait fort souvent, sçavoir, en quoy consiste la vraye humilité, d'autant qu'en resolvant ce poinct je me feray mieux entendre parlant du second, qui est de la generosité d'esprit de laquelle vous voulez que maintenant je traitte..

  A006000220 

 Vous voyez donc que ces deux vertus d'humilité et de generosité sont tellement jointes et unies l'une à l'autre, qu'elles ne sont jamais et ne peuvent estre separées.

  A006000220 

 Voyez-vous, ces premiers biens dont nous avons parlé appartiennent à l'humilité pour son exercice, et ces autres à la generosité.

  A006000221 

 Mais remarquez que je dis, tout ce qu'on luy commande ou conseille, pour difficile qu'il soit; car je vous puis asseurer qu'elle ne juge pas que faire des miracles luy soit chose impossible, luy estant commandé d'en faire.

  A006000222 

 Il est vray, vouloit-elle dire, que je ne suis en aucune façon capable de ceste grace, eu esgard à ce que je suis de moy-mesme; ains entant que ce qui est de bon en moy est de Dieu et que ce que vous me dites est sa tres-sainte volonté, je croy qu'il se peut et qu'il se fera; et partant, sans aucun doute, elle dit: Me soit fait ainsi que vous dites..

  A006000223 

 Mais vous me direz: Si je manque à la grace, elle me manquera aussi.

  A006000224 

 Et à fin que vous entendiez mieux cecy, il faut distinguer, comme j'ay accoustumé de vous dire, la partie superieure de nostre ame d'avec l'inferieure.

  A006000224 

 Mais vous me demanderez s'il n'est jamais permis de douter de n'estre pas capables de faire les choses qui nous sont commandées.

  A006000226 

 Je dis qu'il ne vous faut pas tous-jours croire quand vous dites, poussées peut estre de découragement, que vous estes des miserables et toutes remplies d'imperfections; non plus qu'il ne faut pas croire que vous n'en ayez point quand vous n'en dites rien, estant pour l'ordinaire telles que vos œuvres vous font paroistre.

  A006000226 

 Mais vous me dites, que possible vous avez plusieurs miseres interieures et de grandes imperfections que vos Superieurs ne cognoissent pas, et qu'ils se fondent sur les apparences exterieures par lesquelles vous avez peut estre trompé leurs esprits.

  A006000226 

 Vos vertus se cognoissent par la fidelité que vous avez à les pratiquer, et de mesme les imperfections se recognoissent par les actes.

  A006000227 

 En ce cas, il seroit ce semble, permis de faire un peu de resistance; mais sçavez-vous à qui? à une Fille de Dijon, par exemple, à laquelle une Superieure d'Annessy envoyeroit le commandement d'estre Superieure, ne l'ayant jamais veuë ny cognuë.

  A006000227 

 Mais vous me dites que l'on void plusieurs Saints qui ont fait grande resistance pour ne pas recevoir les [80] charges que l'on leur vouloit donner.

  A006000228 

 Vous entendez maintenant assez que c'est que l'esprit de force et de generosité que nous avons tant d'envie de voir ceans, à fin d'en bannir toutes les niaiseries et tendretés, qui ne servent qu'à nous arrester en nostre chemin et nous empescher de faire progres en la perfection.

  A006000230 

 Certes, vous avez raison de dire qu'il vous semble, d'autant qu'en verité cela n'est pas.

  A006000230 

 Escoutez ces paroles qu'il dit sur la croix: Mon Dieu, mon Dieu, fourquoy m'avez-vous abandonné? Il estoit reduit à l'extremité, car il n'y avoit que la fine pointe de son esprit qui ne fust accablé de langueurs; mais remarquez qu'il se prend à parler à Dieu, pour nous montrer qu'il ne nous seroit impossible de le faire..

  A006000230 

 Vous me direz que l'on ne peut pas emmy ces grandes tenebres faire ces considerations, veu qu'il semble que nous ne pouvons pas seulement dire une parole à Nostre Seigneur.

  A006000231 

 Mais vous me dites que si vous n'y faites point d'attention, que vous ne vous en souviendrez pas pour le dire.

  A006000231 

 Qui est mieux en ce temps, dites-vous, de parler à Dieu de nostre peine et de nostre misere, ou bien de luy parler de quelque autre chose? Je vous dis qu'en cecy, comme en toute sorte de tentations, il est mieux de divertir nostre esprit de son trouble et de sa peine, parlant à Dieu de quelque autre chose, que non pas de luy parler de nostre douleur; car indubitablement, si nous le voulons faire, ce ne sera point sans un attendrissement que nous ferons sur nostre cœur, agrandissant tout de nouveau nostre douleur, nostre nature estant telle qu'elle ne peut voir ses douleurs sans en avoir une grande compassion.

  A006000232 

 Il faut regarder meurement si ce doute a quelque fondement; peut estre qu'environ un quart d'heure, durant ces deux jours, vous avez esté un peu negligente à vous divertir de vostre sentiment: si cela est, dites tout simplement que vous avez esté negligente durant un quart d'heure à vous divertir d'un mouvement de colere que vous avez eu, sans adjouster que la tentation a duré deux jours, si ce n'est que vous le vouliez dire, ou pour tirer de l'instruction de vostre confesseur, ou bien pour ce qui est de vos reveuës; car alors il est tres-bon de le dire.

  A006000232 

 Je dis qu'il le faut dire en vostre reveuë, mais non pas par maniere de confession, ains pour tirer instruction comment l'on s'y doit comporter: je dis quand l'on ne void pas clairement d'avoir donné quelque sorte de consentement; car si vous allez dire: Je m'accuse dequoy durant deux jours j'ay eu de grands mouvemens de colere, mais je n'y ay pas consenti, vous dites vos vertus au lieu de dire vos defauts.

  A006000232 

 Mais pour les confessions ordinaires, il seroit mieux de n'en point parler, puisque vous ne le faites que pour vous satisfaire; et si bien il vous en vient un peu de peine ne le faisant pas, il la faut souffrir comme une autre à laquelle vous ne pourriez pas mettre remede.

  A006000232 

 Vous me dites maintenant que lors que vous avez eu quelque grand sentiment de colere ou de quelque autre tentation, il vous vient tousjours du scrupule si vous ne vous en confessez.

  A006000237 

 Allez, leur dit-il, et ne pensez ni de quoy vous mangerez, ni de quoy vous boirez, ni de quoy vous vous vestirez, ni mesme ce que vous aurez à dire estant devant les grands seigneurs et magistrats des provinces par où vous passerez; car en chaque occasion vostre Pere celeste vous fournira de tout ce qui vous sera necessaire.

  A006000237 

 C'est tout un; allez et vous confiez en Dieu, car il a dit: Quand bien la femme viendroit à oublier son enfant, si ne vous oublieray-je jamais, car je vous porte gravés sur mon cœur et sur mes mains.

  A006000237 

 Considerons, je vous supplie, ce que Nostre Seigneur et nostre Maistre dit à ses Apostres [87] pour establir en eux ceste sainte et amoureuse confiance: Je vous ay envoyés par le monde sans besaces, sans argent et sans nulles provisions, soit pour vous nourrir, soit pour vous vestir; quelque chose vous a-t'elle manqué? Et ils dirent: Non.

  A006000237 

 Ne pensez point à ce que vous aurez à dire, car il parlera en vous et vous mettra en la bouche les paroles que vous aurez à dire.

  A006000237 

 Pensez-vous que Celuy qui a bien soin de pourvoir de nourriture aux oyseaux du ciel et aux animaux de la terre, qui ne sement ni ne recueillent rien, vienne jamais à s'oublier de pourvoir de tout ce qui sera necessaire à l'homme qui se confiera pleinement en sa providence, puisque l'homme est capable d'estre uni à Dieu nostre souverain bien?.

  A006000238 

 Car, qu'est-ce que Dieu desire de vous sinon ce qu'il ordonna à ses Apostres et ce pourquoy il les envoya par le monde, qui estoit ce que Nostre Seigneur mesme estoit venu faire en ce monde, qui fut pour donner la vie aux hommes? et non seulement cela, dit-il, mais à fin qu'ils vescussent d'une vie plus abondante, qu'ils eussent la vie et une vie meilleure, ce qu'il a fait en leur donnant la grace.

  A006000238 

 Cecy, mes tres-cheres Sœurs, m'a semblé estre bon à vous dire sur le sujet de vostre départ; car si bien vous n'estes pas capables de la dignité apostolique à cause de vostre sexe, vous estes neantmoins capables en quelque façon de l'office apostolique, et vous pouvez rendre plusieurs services à Dieu, procurant en certaine [88] façon l'avancement de sa gloire comme les Apostres.

  A006000238 

 Certes, mes cher es filles, cecy vous doit estre un motif de grande consolation, que Dieu se veuille servir de vous pour une œuvre si excellente que celle à laquelle vous estes appellées, et vous vous en devez tenir grandement honnorées devant la divine Majesté.

  A006000238 

 Et n'ayez nul souci si vostre travail sera suivi du fruict que vous en pretendez, car ce n'est pas à vous que l'on demandera le fruict, ains seulement si vous vous serez employés fidellement à bien cultiver ces terres steriles et seches; l'on ne vous demandera pas si vous aurez bien recueilli, ains seulement si vous aurez eu soin de bien ensemencer..

  A006000238 

 Les Apostres furent envoyés de Nostre Seigneur par toute la terre pour le mesme sujet, car Nostre Seigneur leur dit: Ainsi que mon Pere m'a envoyé, je vous envoye; allez, et donnez la vie aux hommes.

  A006000238 

 Mais ne vous contentez pas de cela: faites qu'ils vivent, et d'une vie plus parfaite par le moyen de la doctrine que vous leur enseignerez; ils auront la vie en croyant à ma parole que vous leur exposerez, mais ils auront une vie plus abondante par le bon exemple que vous leur donnerez.

  A006000239 

 ; mais vous ne lairrez pas d'exercer l'office apostolique en la communication de vostre maniere de vie, ainsi que je viens de dire..

  A006000239 

 De mesme, mes cheres filles, estes-vous maintenant commandées d'aller çà et là en divers lieux, pour faire [89] que les araes ayent la vie, et qu'elles vivent d'une meilleure vie: car, qu'est-ce que vous allez faire sinon tascher de donner cognoissance de la perfection de vostre Institut, et par le moyen de ceste cognoissance attirer plusieurs ames à embrasser toutes les observances qui y sont comprises et encloses? Mais sans prescher et conferer les Sacremens et remettre les pechés, ainsi que faisoyent les Apostres, n'allez-vous pas donner la vie aux hommes? mais, pour parler plus proprement, n'allez-vous pas donner la vie aux filles? puisque peut estre cent et cent filles qui se retireront à vostre exemple dans vostre Religion, se fussent perdues demeurant au monde, lesquelles iront jouïr au Ciel, pour toute eternité, de la felicité incomprehensible.

  A006000239 

 Et n'est-ce pas par vostre moyen que la vie leur sera donnée, et qu'elles vivront d'une vie plus abondante, c'est à dire d'une vie plus parfaite et plus agreable à Dieu? vie qui les rendra capables de s'unir plus parfaitement à la divine Bonté, car elles recevront de vous les instructions necessaires pour acquerir le vray et pur amour de Dieu, qui est ceste vie plus abondante que Nostre Seigneur est venu donner aux hommes.

  A006000239 

 O Dieu, quelle grace est celle que Dieu vous fait! il vous rend apostresses, non en la dignité, ains en l'office et au merite.

  A006000239 

 Vous ne prescherez pas, non, car [90] vostre sexe ne le permet, bien que sainte Magdelaine et sainte Marthe sa sœur l'ayent fait.

  A006000240 

 Allez donc pleines de courage faire ce à quoy vous estes appellées, mais allez en simplicité; si vous avez des apprehensions, dites à vostre ame: Le Seigneur nous pourvoira; si les considerations de vostre foiblesse vous travaillent, jettez-vous en Dieu et vous confiez en luy.

  A006000240 

 Confiez-vous en luy, appuyez-vous sur sa providence et n'ayez peur de rien.

  A006000240 

 N'importe, allez sans faire discours, car Dieu vous donnera ce que vous aurez à dire et à faire quand il en sera temps.

  A006000240 

 Que si vous n'avez point de vertu, ou que vous n'en apperceviez point en vous, ne vous mettez pas en peine; car si vous entreprenez pour la gloire de Dieu et pour satisfaire à l'obeissance la conduite des ames ou quelque autre exercice quel qu'il soit, Dieu aura soin de vous, et sera obligé de vous pourvoir de tout ce qui vous sera necessaire, tant pour vous que pour celles que Dieu vous donnera en charge..

  A006000241 

 Il est vray, c'est une chose de grande consequence et de grande importance que celle que vous entreprenez; mais pourtant vous auriez tort si vous n'en esperiez un bon succes, veu que vous ne l'entreprenez pas par vostre choix, ains pour satisfaire à l'obeissance.

  A006000242 

 De mesme, s'il vous arrive des consolations, recevez-les avec esprit de gratitude et de [92] recognoissance envers la divine Bonté; que si vous n'en avez point, ne les desirez point, ains taschez de tenir vostre cœur preparé pour recevoir les divers evenemens de la divine Providence, et d'un mesme cœur autant qu'il se peut.

  A006000242 

 Je veux dire, en un mot, ne desirez rien, ains laissez-vous vous-mesmes et tous vos affaires pleinement et parfaitement au soin de la divine Providence; laissez-luy faire de vous tout de mesme que les enfans se laissent gouverner à leurs nourrices: qu'elle vous porte sur le bras droit ou sur le gauche tout ainsi qu'il luy plaira, laissez-luy faire, car un enfant ne s'en formaliserait point; qu'elle vous couche ou qu'elle vous leve, laissez-luy faire, car c'est une bonne mere, qui sçait mieux ce qu'il vous faut que vous-mesmes.

  A006000242 

 Je veux dire, si la divine Providence permet qu'il vous arrive des afflictions ou mortifications, ne les refusez point, ains acceptez-les de bon cœur, amoureusement et tranquillement; que si elle ne vous en envoye point, ou qu'elle ne permette pas qu'il vous en arrive, ne les desirez point ni ne les demandez point.

  A006000242 

 Non, mes cheres filles, ne demandez rien et ne refusez rien; recevez ce que l'on vous donnera, et ne demandez point ce que l'on ne vous presentera point ou que l'on ne vous voudra pas donner: en ceste pratique vous trouverez la paix pour vos ames.

  A006000242 

 Ouy, mes cheres Sœurs, tenez vos cœurs en ceste sainte indifference de recevoir tout ce que l'on vous donnera, et de ne point desirer ce que l'on ne vous donnera pas.

  A006000242 

 Si on vous donne des obeissances en la Religion qui vous semblent dangereuses, comme sont les superiorités, ne les refusez point; si l'on ne vous en donne point, ne les desirez point, et ainsi de toutes choses: j'entends des choses de la terre, car pour ce qui est des vertus nous les pouvons et devons desirer et demander à Dieu; l'amour de Dieu les comprend toutes.

  A006000242 

 Vous ne sçauriez croire, sans en avoir l'experience, combien ceste pratique apportera de profit en vos ames; car au lieu de vous amuser à desirer ces moyens et puis ces autres de vous perfectionner, vous vous appliquerez plus simplement et fidellement à ceux que vous rencontrerez en vostre chemin..

  A006000243 

 Aussi, mes cheres filles, ne serez-vous point divisées ni separées, car toutes s'en vont, et toutes demeurent: celles qui s'en vont [93] demeurent, et celles qui demeurent s'en vont, non en leur personne, ains en la personne de celles qui s'en vont; et de mesme, celles qui s'en iront demeureront en la personne de celles qui demeurent.

  A006000243 

 Jettant mes yeux sur le sujet de vostre despart et sur les ressentimens inevitables que vous aurez toutes en vous separant les unes des autres, j'ay pensé que je vous devois dire quelque petite chose qui peust amoindrir ceste douleur, quoy que je ne veuille dire qu'il ne soit loisible de pleurer un peu; car il le faut faire, d'autant qu'on ne s'en pourroit pas tenir, ayant demeuré si doucement et si amoureusement assez long temps ensemble en la pratique des mesmes exercices, ce qui a tellement uni vos cœurs, qu'ils ne peuvent sans doute souffrir nulle division ni separation.

  A006000244 

 Mais ce qui nous doit faire aller et demeurer de bon cœur, mes cheres filles, c'est la certitude presque infaillible que nous devons avoir que ceste separation ne se fait que quant au corps, car quant à l'esprit vous demeurerez tousjours tres uniquement unies.

  A006000245 

 De mesme, devez-vous tascher d'accroistre et multiplier les actes des vertus, et devez agrandir vos courages pour vous rendre capables d'estre employées selon la volonté de Dieu.

  A006000245 

 Toutes, sans doute, mes cheres filles, avez besoin de beaucoup de vertus et de soin de les pratiquer tant pour s'en aller que pour demeurer: car comme celles qui s'en vont ont besoin de beaucoup de courage et de confiance en Dieu pour entreprendre amoureusement et avec esprit d'humilité ce que Dieu desire d'elles, vainquant tous les petits ressentimens qui leur pourroyent venir de quitter la maison en laquelle Dieu les a premierement logées, les Sœurs qu'elles ont si cherement aymées et la conversation desquelles leur apportoit tant de consolation en l'ame, la tranquillité de leur retraitte qui est si chere, les parens, les cognoissances, et que sçay-je moy? plusieurs choses auxquelles la nature s'attache tandis que nous vivons en ceste vie; celles qui demeurent ont de mesme besoin et necessité de courage, tant pour perseverer en la pratique de la sainte sousmission, humilité et tranquillité, qu'aussi pour se preparer de sortir quand il leur sera commandé, puisque ainsi que vous voyez, vostre Institut, mes cheres Sœurs, va s'estendant de toutes parts en tant de divers lieux.

  A006000245 

 Voyez donc, mes cheres filles, comment celles qui s'en vont demeurent et celles qui demeurent s'en vont, et combien vous devez toutes esgalement embrasser amoureusement et courageusement l'obedience, tant en ceste occasion comme en tpute autre, puisque celles qui demeurent auront part au travail et au fruict du voyage de celles qui s'en vont, comme celles-là auront part en la tranquillité et repos de celles qui demeureront.

  A006000247 

 Quelle grace, je vous prie, d'estre employées au service des ames que Dieu ayme si cherement, et pour lesquelles sauver Nostre Seigneur a tant souffert! Certes, c'est un honneur nompareil et duquel vous devez, mes cheres filles, faire un tres-grand estat: et pour vous y employer fidellement, ne plaignez ni peine, ni soin, ni travail, car tout vous sera cherement recompensé, bien qu'il ne faille pas se servir de ce motif pour vous encourager, ains de celuy de vous rendre plus agreables à Dieu et d'augmenter d'autant plus sa gloire..

  A006000248 

 Allez donc, et demeurez courageusement pour cest exercice, et ne vous amusez point à regarder que vous ne voyez point en vous ce qui est necessaire, je veux dire les talens propres aux charges auxquelles vous serez employées.

  A006000248 

 En fin, mes cheres filles, retenez cherement et fidelement ce que je vous ay dit, soit pour ce qui regarde l'interieur, soit pour ce qui regarde l'exterieur: ne veuillez rien que ce que Dieu voudra pour vous, embrassez amoureusement les evenemens et les divers effects de son divin vouloir, sans vous amuser nullement à autre chose.

  A006000249 

 Apres cecy, que vous sçaurois-je plus dire, mes cheres Sœurs, puisqu'il semble que tout nostre bonheur soit compris en ceste toute aymable pratique? Je vous representeray l'exemple des Israëlites, avec lequel je finiray.

  A006000249 

 Et comme les jeunes filles sont amoureuses des bonnes odeurs, ainsi que dit la sacrée amante au Cantique des Cantiques, que le nom de son Bien-Aymé est comme une huile ou un baume qui respand de toutes parts des odeurs infiniment agreables, et c'est pourquoy, [100] adjouste-t'elle, les jeunes filles l'ont suivi, attirées de ses divins parfums, faites, mes cheres Soeurs, que comme parfumeuses de la divine Bonté, vous alliez si bien respandant de toutes parts l'odeur incomparable d'une tres-sincere humilité, douceur et charité, que plusieurs jeunes filles soyent attirées à la suite de vos parfums, et embrassent vostre sorte de vie, par laquelle elles pourront comme vous, jouïr en ceste vie d'une sainte et amoureuse paix et tranquillité de l'ame, pour, par apres, aller jouïr de la felicité eternelle en l'autre..

  A006000249 

 Mais qu'est-ce que je veux dire? Rien autre, sinon qu'il me semble que la divine Majesté vous a choisies, vous autres qui vous en allez, comme des parfumeuses ou parfumieres: ouy certes, car vous estes commises de sa part pour aller respandre les odeurs tres-suaves des vertus de vostre Institut.

  A006000249 

 Nostre Seigneur en fait de mesme, mes cheres filles, des ames qui se dedient à son service; car, comme vous voyez, aux Religions il y a diverses charges et divers offices.

  A006000250 

 Apprenez de luy tout ce que vous aurez à faire, ne faites rien sans son conseil; car c'est l'Amy fidelle qui vous conduira et gouvernera et aura soin de vous, ainsi que de tout mon cœur je l'en supplie.

  A006000250 

 Ne craignez pas que rien vous manque, car il sera tousjours avec vous tant que vous n'en choisirez point d'autre; ayez seulement un grand soin d'accroistre vostre amour et vostre fidelité envers sa divine Bonté, vous tenant le plus pres de luy qu'il vous sera possible, et tout vous succedera en bien.

  A006000250 

 Vostre Congregation est comme une ruche d'abeilles, laquelle a desja jetté divers essaims; mais avec ceste difference neantmoins que, les abeilles sortant pour aller se retirer en une autre ruche et là commencer un mesnage nouveau, chaque essaim choisit un roy particulier sous lequel elles militent et font leur retraite: mais quant à vous, mes cheres ames, si bien vous allez dans une ruche nouvelle, c'est à dire que vous allez commencer une nouvelle maison de vostre Ordre, neantmoins vous n'avez tousjours qu'un mesme Roy, qui est Nostre Seigneur crucifié, sous l'authorité duquel vous vivrez en asseurance par tout où vous serez.

  A006000254 

 Et considerant que le Saint Esprit est l'amour du Pere et du Fils, j'ay pensé que je vous devois donner des loix toutes d'amour, lesquelles j'ay prises des colombes, en consideration de ce que le Saint Esprit avoit bien voulu prendre la forme de colombe, et d'autant plus aussi que toutes les ames qui sont dediées au service de la divine Majesté sont obligées d'estre comme des chastes et amoureuses colombes.

  A006000254 

 Vous m'avez demandé quelques loix nouvelles à ce commencement d'année, et pensant à celles que je vous devois donner pour vous estre utiles et agreables, j'ay jetté les yeux de ma consideration sur l'Evangile [102] d'aujourd'huy, lequel fait mention du Baptesme de Nostre Seigneur et de la glorieuse apparition du Saint Esprit en forme de colombe, sur laquelle apparition je me suis arresté.

  A006000255 

 Considerez, je vous prie, combien la loy de leur simplicité est agreable, car Nostre Seigneur mesme la loue, disant à ses Apostres: Soyez simples comme colombes, et prudens comme le serpent.

  A006000255 

 Quelle plus belle loy, je vous prie, que celle de l'honnesteté! car il n'y a rien de plus honneste que les colombes, elles sont propres à merveille; bien qu'il n'y ait rien de plus sale que les colombiers et les lieux où elles font leurs nids, neantmoins on ne vid jamais une colombe salie: elles ont tousjours leur pennage lis et qu'il fait grandement bon voir au soleil.

  A006000256 

 Mais j'ay consideré que si je vous donnois quelques loix que vous eussiez desja, vous n'en feriez pas grande estime: j'en ay donc choisi trois tant seulement, qui sont d'une utilité nompareille estant bien observées, et qui apportent une tres-grande suavité à l'ame qui les considere, parce qu'elles sont toutes d'amour et extremement delicates pour la perfection de la vie spirituelle; ce sont trois secrets qui lont d'autant plus excellens pour acquerir la perfection qu'ils sont moins cognus de ceux qui font profession de l'acquerir, au moins de la plus grande partie..

  A006000257 

 Mais quelles sont-elles donc ces loix? La premiere que j'ay fait dessein de vous donner est celle des colombes qui font tout pour leur colombeau et rien pour elles; il semble qu'elles ne dient autre chose sinon: Mon cher colombeau est tout pour moy, et je suis toute à luy; il est tousjours tourné de mon costé pour penser en moy, et moy je m'y attends et m'y asseure: qu'il aille donc chercher, ce bien-aymé colombeau, où il luy plaira, si n'entreray-je point en défiance de son amour, ains je me confieray pleinement en son soin.

  A006000257 

 Vous aurez peut-estre veu, mais non pas remarqué, que les colombes tandis qu'elles couvent leurs œufs, elles ne bougent de dessus jusques à ce que leurs petits colombeaux soyent esclos, et quand ils le sont, elles continuent de les couver et fomenter tandis qu'ils en ont besoin.

  A006000258 

 Hé! ne voyez-vous pas que la colombe ne pense qu'à son bien-aymé colombeau et à luy plaire, en ne bougeant de dessus ses œufs? et cependant rien ne luy manque, luy, en recompense de sa confiance, prenant tout le soin d'elle.

  A006000261 

 La sainte Eglise le chante en chaque feste des saints Confesseurs: Dieu a honnoré vos travaux en faisant que vous en tirassiez du fruict; pour monstrer que de nous mesmes nous ne pouvons rien sans la grace de Dieu, en laquelle nous devons mettre toute nostre confiance, n'attendant rien de nous mesmes.

  A006000261 

 Ne nous empressons point en nostre besogne, je vous prie; car pour la bien faire il faut nous appliquer soigneusement, mais tranquillement et paisiblement, sans mettre nostre confiance en nostre peine, ains en Dieu et en sa grace.

  A006000262 

 C'est bien dit qu'il faut tousjours s'avancer, respondis-je; mais nostre avancement ne se fait pas comme vous pensez, par la multitude des exercices de pieté, ains par la perfection avec laquelle nous les faisons, nous confiant tousjours plus en nostre cher Colombeau et nous desfiant davantage de nous-mesmes.

  A006000262 

 L'année passée, vous jeusniez trois jours de la semaine et vous faisiez la discipline trois fois; si vous voulez tousjours doubler vos exercices, ceste année la semaine y sera entiere; mais l'année qui vient comment ferez-vous? il faudra que vous fassiez neuf jours en la semaine, ou bien que vous jeusniez deux fois le jour..

  A006000264 

 Mais, mes cheres filles, je vous supplie, considerez un peu la vie de ces grands saints Religieux.

  A006000264 

 Sçavez-vous qui le rendit saint? Ce fut la fidelité qu'il eut à s'appliquer en ce qu'il entreprit au commencement, à quoy il avoit esté appellé, et ne s'amusant à autre chose..

  A006000266 

 Mais, me pourra-t'on repliquer, vous dites fervemment: mon Dieu, et comme pourray-je faire cela! car je n'ay point de ferveur.

  A006000266 

 Non pas de celle que vous entendez, quant au sentiment, laquelle Dieu donne à qui bon luy semble, et qui n'est pas en nostre pouvoir d'acquerir quand il nous plaist.

  A006000267 

 Ces grands Saints, Augustin, Gregoire, Hilaire, duquel nous faisons la feste aujourd'huy, ni beaucoup d'autres n'ont point tant estudié; ils n'eussent sceu le faire, composant tant de livres qu'ils ont fait, preschant et faisant tout le reste qui appartenoit à leurs charges; mais ils avoyent une si grande confiance en Dieu et en sa grâce, et une si grande mesfiance d'eux-mesmes, qu'ils ne s'attendoyent ni confioyent nullement en leur industrie ni en leur travail, si qu'ils firent toutes les grandes œuvres qu'ils ont faites purement par la confiance qu'ils avoyent mise en la grace de Dieu et en sa toute-puissance: C'est vous, disoyent-ils, ô Seigneur, qui nous faites travailler et pour qui nous travaillons; [112] ce sera vous qui benirez nos sueurs et qui nous donnerez une bonne recolte.

  A006000267 

 Il faut donc, pour conclusion de ceste premiere loy que je vous donne, vous confier pleinement en Dieu et faire tout pour luy, quittant entierement le soin de vous-mesmes à vostre cher Colombeau, lequel usera d'une prevoyance nompareille sur vous; et d'autant que vostre confiance sera plus vraye et plus parfaite, sa providence sera plus speciale..

  A006000268 

 Elles disent donc: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais; et pour vous faire mieux entendre ce que je veux dire, je vous presente un exemple.

  A006000268 

 J'ay pensé de vous donner pour seconde loy la parole que disent les colombes en leur langage: Plus l'on m'en oste et plus j'en fais, disent-elles.

  A006000270 

 Je vous asseure, dit-elle, que je le suis bien tant, que j'en perds presque le courage de passer outre en la pretention de ma perfection.

  A006000270 

 Mon Dieu! qu'avez-vous? est-on contraint de luy dire.

  A006000270 

 Plus donc l'on m'en oste et plus j'en fais: c'est la seconde loy que je desire grandement de vous voir observer..

  A006000270 

 Voyez, je vous prie, ceste pauvre ame, comment elle se lamente de sa disgrace; [115] son mescontentement paroist jusques sur son visage, elle a sa contenance abattue et melancolique, et s'en va toute pensive, et si confuse que rien plus.

  A006000271 

 C'est cette tres-sainte egalité d'esprit, mes cheres ames, que je vous souhaitte: je ne dis pas l'egalité d'humeur ni d'inclination, je dis l'egalité d'esprit; car je ne fais, ni desire que vous fassiez nul estat des tracasseries que fait la partie inferieure de nostre ame, qui est celle qui cause les inquietudes et bijarreries, quand la partie superieure ne fait pas son devoir en se rendant maistresse, et ne fait pas bon guet pour découvrir ses ennemis, ainsi que le Combat spirituel dit qu'il faut faire, à fin qu'elle soit promptement advertie des remuemens et assauts que luy fait la partie inferieure, qui naissent de nos sens et de nos inclinations et passions, pour luy faire la guerre et l'assujettir à ses loix.

  A006000271 

 La troisiesme loy des colombes que je vous presente, c'est qu'elles pleurent comme elles se resjouïssent; elles ne chantent tousjours qu'un mesme air, tant pour leurs cantiques de resjouïssance que pour ceux où elles se lamentent, c'est à dire pour se plaindre et manifester leur douleur.

  A006000273 

 Voila donc les trois loix que je vous donne, lesquelles neantmoins estant loix toutes d'amour n'obligent que par amour.

  A006000277 

 Elle ne regarde pas tant ce qui est du vivre ou du vestir comme des exercices spirituels; car qui vous viendroit demander: Que voulez-vous faire demain? vous respondriez: Je ne sçay; aujourd'huy je feray une telle chose qui m'est commandée, demain je ne sçay pas ce que je feray parce que je ne sçay pas ce que l'on me commandera.

  A006000280 

 Et pourquoy, me direz-vous, s'en faut-il despouiller? Il le faut faire pourtant, et les remettre entre les mains de Nostre Seigneur pour en disposer comme il luy plaira, et le servir sans elles comme avec elles..

  A006000283 

 Ainsi vous voyez que la vertu n'est pas une chose si terrible qu'on s'imagine.

  A006000284 

 Il est vray, mes cheres Sœurs, que l'on ne sçauroit jamais parvenir à la perfection tandis que l'on a de l'affection à quelque imperfection, pour petite qu'elle soit, voire mesme quand ce ne seroit qu'avoir une pensée inutile; et vous ne sçauriez croire combien cela porte de mal à une ame, car dés que vous aurez donné à vostre [124] esprit la liberté de s'arrester à penser à une chose inutile, il pensera par apres à des choses pernicieuses: il faut donc couper court au mal dés que nous le voyons, pour petit qu'il soit.

  A006000284 

 Il faut aussi examiner à bon escient s'il est vray, comme il nous semble quelquefois, que nous n'ayons point nos affections engagées: par exemple, si quand l'on vous loue vous venez à dire quelque parole qui agrandisse la louange que l'on vous donne, ou bien quand vous la recherchez par paroles artificieuses, disant que vous n'avez plus la memoire ou l'esprit si bon que vous souliez avoir pour bien parler, hé! qui ne void que vous pretendez que l'on vous die que vous parlez tousjours extremement bien? Cherchez donc au fond de vostre conscience si vous y pouvez trouver de l'affection à la vanité.

  A006000284 

 Vous pourrez aussi facilement cognoistre si vous estes attachée à quelque chose lors que vous n'aurez pas la commodité de faire ce que vous avez proposé; car si vous n'y avez point d'affection, vous demeurerez autant en repos de ne la pas faire comme si vous l'eussiez faite, et au contraire, si vous vous en troublez, c'est la marque que vous y avez mis vostre affection.

  A006000285 

 Je vous dis briefvement qu'il y a certains amours qui [125] semblent extremement grands et parfaits aux yeux des creatures, qui devant Dieu se trouveront petits et de nulle valeur, parce que ces amitiés ne sont point fondées en la vraye charité, qui est Dieu, ains seulement en certaines alliances et inclinations naturelles, et sur quelques considerations humainement louables et agreables.

  A006000285 

 Vous demandez comment il faut aymer les creatures.

  A006000286 

 Si vous prenez, dit-elle, un verre, et que vous l'emplissiez dans une fontaine, et que vous beuviez dans ce verre sans le sortir de la fontaine, encor que vous beuviez tant que vous voudrez, le verre ne se vuidera point; mais si vous le tirez hors de la fontaine, quand vous aurez beu, le verre sera vuide.

  A006000287 

 Ce n'est donc pas pour Dieu [127] que vous l'aymez, car ceste derniere personne est aussi bien à Dieu que la premiere, et vous la devriez davantage aymer, car il y a davantage à faire pour Dieu.

  A006000287 

 Il est vray que là où il y a davantage de Dieu, c'est à dire plus de vertu, qui est une participation des qualités divines, nous y devons plus d'affection: comme par exemple, s'il se trouve des ames plus parfaites que celle de vostre Superieure, vous les devez aymer davantage pour ceste raison là; neantmoins nous devons aymer beaucoup plus nos Superieurs parce qu'ils sont nos peres et nos directeurs..

  A006000287 

 Souvent nous pensons aymer une personne pour Dieu, et nous l'aymons pour nous-mesmes; nous nous servons de ce pretexte, et disons que c'est pour cela que nous l'aymons, mais en verité nous l'aymons pour la consolation que nous en avons: car n'y a-t'il pas plus de suavité de voir venir à vous une ame pleine de bonne affection, qui suit extremement bien vos conseils et qui va fidelement et tranquillement dans le chemin que vous luy avez marqué, que d'en voir une autre toute inquietée, embarrassée et foible à suivre le bien, et à qui il faut dire mille fois une mesme chose? sans doute vous aurez plus de suavité.

  A006000288 

 Quant à ce que vous me demandez, s'il faut estre bien aise qu'une Sœur pratique la vertu aux despens d'une autre, je dis que nous devons aymer le bien en nostre prochain comme en nous-mesmes, et principalement en Religion où tout doit estre parfaitement en commun, et ne devons point estre marris qu'une Sœur pratique quelque vertu à nos despens.

  A006000289 

 Je vous ayme mieux avec plus d'humilité et moins d'autres perfections, qu'avec plus d'autres perfections et moins d'humilité.

  A006000289 

 Je vous souhaitte sur toute perfection celle de l'humilité, qui est non seulement charitable, mais douce et maniable; car la charité est une humilité montante, et l'humilité est une charité descendante.

  A006000289 

 Vous demandez en fin si on peut cognoistre si on avance à la perfection ou non.

  A006000293 

 Je vous diray qu'il y a quatre vertus qui portent toutes le nom de modestie.

  A006000293 

 Vous demandez que c'est que la vraye modestie.

  A006000294 

 [132] O mon Dieu, combien nous coucherions-nous modestement et devotement si nous vous voyions! Sans doute nous croiserions les bras sur nos poitrines avec une grande devotion.

  A006000295 

 Ceste vertu est aussi fort recommandée à cause de l'edification du prochain, et vous asseure que la simple modestie exterieure en a converti plusieurs, ainsi qu'il arriva à saint François, lequel passa une fois par une ville avec une si grande modestie en son maintien que, sans qu'il dist une seule parole, il y eut grand nombre de jeunes gens qui le suivirent, attirés de ce seul exemple, pour estre instruits de luy.

  A006000297 

 Il faut que je vous die une chose que je lisois ces jours passés, parce qu'elle regarde le discours que nous faisons de la modestie.

  A006000297 

 Le Religieux Pastor dit lors: O mon Pere, ne vous mettez point en peine, il n'y aura pas grande façon à le luy dire, il en sera bien aise; et pour cela, demain, s'il vous plaist, à l'heure de l'assemblée je me mettray de la mesme façon que luy, et vous m'en ferez la correction devant tous, et ainsi il entendra qu'il ne le faut pas faire.

  A006000298 

 En apres, remarquez que ce n'est pas un mauvais jugement de penser que le Superieur fait la correction à un autre de quelque faute que vous faites comme luy, à fin que sans vous reprendre, vous-mesme vous en amendiez; mais il faut s'humilier profondement, voyant qu'il vous recognoist foible, et sçait bien que vous ressentiriez la correction s'il la vous faisoit.

  A006000299 

 Je vous dis donc que la seconde, qui est l'interieure, fait les mesmes effets en l'ame que celle que nous avons dit fait au corps.

  A006000299 

 Je voy bien que vous desirez que je parle encor des autres vertus de modestie.

  A006000302 

 Je lisois ces jours passés la Regle que saint Augustin a faite pour les Religieuses, où il dit expressement que les Sœurs ne lisent jamais aucuns livres que ceux qui leur seront donnés par la Superieure; et apres il fit le mesme commandement à ses Religieux, tant il avoit de cognoissance du mal qu'apporte la curiosité de vouloir sçavoir autre chose que ce qui nous est necessaire pour mieux servir Dieu, qui est certes fort peu de chose; car si vous marchez en simplicité par l'observance de vos Regles, vous servirez parfaitement Dieu, sans vous espancher ou rechercher de sçavoir autres choses.

  A006000305 

 Saint Pachome, qui recognut bien que c'estoyent des fanfares de l'esprit malin, [141] se print à sousrire, disant: Vous vous mocquez de moy; mais je le seray, s'il plaist à Dieu.

  A006000308 

 Je vous asseure, ma chere fille, que vous le renvoyez peut estre comme font les citoyens d'une ville dans laquelle se fait la nuict une sedition, quand ils chassent les seditieux et ennemis; mais ils ne les mettent pas hors de la ville, si bien qu'ils se vont cachant de rue en rue, jusques à ce que le jour vient, qu'ils se jettent sur les habitans et demeurent en fin maistres.

  A006000308 

 Vous desirez, en second lieu, de sçavoir comment il faut faire pour bien recevoir la correction sans qu'il nous en demeure du sentiment ou de la secheresse de cœur.

  A006000308 

 Vous ne voulez pas avoir du sentiment, mais aussi vous ne voulez pas sousmettre vostre jugement qui vous fait croire que la correction a esté faite mal à propos, ou bien qu'elle a esté faite par passion ou chose semblable: qui ne void que ce seditieux se jettera sur vous et vous accablera de mille sortes de confusions, si promptement vous ne le chassez bien loin?.

  A006000308 

 Vous rejettez le sentiment que vous avez de la correction qui vous est faite, mais non pas si fortement et soigneusement qu'il ne se cache en quelque petit coin de vostre cœur au moins quelque partie du sentiment.

  A006000308 

 Vous renvoyez bien loin le sentiment, dites-vous, mais cela ne laisse pas de demeurer.

  A006000309 

 Mais vostre sentiment ne s'accoise pas, ains il vous suggere de regarder le tort que l'on vous fait.

  A006000310 

 Mais remarquez ce mot que je me plais grandement à dire à cause de son utilité: humiliez-vous d'une humilité douce et paisible, et non pas d'une humilité chagrine et troublée; car c'est nostre malheur, nous portons devant Dieu des actes d'humilité despiteux et ennuyeux, et par ce moyen nous ne raccoisons pas nos esprits, et ces actes sont infructueux.

  A006000310 

 Tout cela provient du mesme mal que nous avons dit; que vous doit-il importer que l'on vous parle d'une façon ou d'une autre, pourveu que vous fassiez vostre devoir?.

  A006000310 

 Vous vous surmontez bien, dites-vous, à leur parler; mais s'ils ne vous parlent pas ainsi que vous desirez, cela redouble la tentation.

  A006000311 

 Or, quelle apparrence y a-t'il, je vous prie, que nous autres nous estonnions de nous voir prompts à la colere, et si nous ressentons quand on nous reprend ou que l'on nous fait quelque contradiction? Il faut donc tirer exemple de ces Saints, lesquels se surmonterent incontinent, l'un recourant à la priere, et l'autre demandant humblement pardon à son frere, et ne firent rien ni l'un ni l'autre, en faveur de leur ressentiment, mais s'amenderent et en firent profit..

  A006000312 

 Vous me dites que vous acceptez de bon cœur la correction, que vous l'approuvez et trouvez juste et raisonnable; mais que cela vous donne une certaine confusion à l'endroit de la Superieure, parce que vous l'avez faschée ou luy avez donné occasion de se fascher; que cela vous oste la confiance de vous approcher d'elle, nonobstant que vous aymiez l'abjection qui vous revient de la faute.

  A006000312 

 Vous ne sçavez peut estre pas qu'il y a en nous-mesmes un certain monastere dont l'amour propre est superieur, et partant il impose des penitences; et ceste peine est la penitence qu'il vous impose pour la faute que vous avez faite d'avoir fasché la Superieure, parce que peut estre elle ne vous estimera pas tant comme elle eust fait si vous n'eussiez pas failli..

  A006000314 

 Ce n'est pas cela que vous demandez, je le voy bien; mais comment vous pourriez faire pour affermir tellement vostre esprit en Dieu, que rien ne l'en puisse destacher ni retirer.

  A006000314 

 Il semble mesme que sa divine Bonté nous dit: Dormez et reposez, et ce pendant j'auray les yeux sur vous pour vous garder et defendre [148] du lion rugissant, qui va tousjours autour de vous pour penser vous deffaire.

  A006000314 

 Ma chere fille, vostre proposition m'est fort agreable, d'autant qu'elle porte sa response avec elle: il faut faire ce que vous dites, aller à Dieu sans regarder ni à droite ni à gauche.

  A006000314 

 Pardonnez-moy, ma fille, la moindre mousche de distraction ne retire pas vostre esprit de Dieu, ainsi que vous dites, car rien ne nous retire de Dieu que le peché; et la resolution que nous avons faite le matin de tenir nostre esprit uni à Dieu et attentif à sa presence, fait que nous y demeurons tousjours, voire mesme quand nous dormons, puisque nous le faisons au nom de Dieu et selon sa tres-sainte volonté.

  A006000314 

 Vous demandez en troisiesme lieu, comment vous pourriez faire pour porter vostre esprit droit en Dieu, sans regarder ni à droite ni à gauche.

  A006000314 

 Vous dites que ce n'est pas encor cela que vous demandez, mais que c'est que vous pourriez faire pour empescher que la moindre mousche ne retirast vostre esprit de Dieu ainsi qu'elle fait; vous voulez dire la moindre distraction.

  A006000316 

 Il y a bien à dire d'avoir la presence de Dieu (j'entends estre en sa presence), et d'avoir le sentiment de sa presence; il n'y a que Dieu seul qui nous puisse faire ceste grace; car de vous donner les moyens d'acquerir ce sentiment, il ne m'est pas possible..

  A006000317 

 Allez tousjours, dit-on à ces ames desireuses de leur perfection, allez en la voye de vostre vocation en simplicité, vous amusant plus à faire qu'à desirer: c'est le plus court chemin..

  A006000317 

 Demandez-vous comment il faut faire pour se tenir tousjours avec un grand respect devant Dieu, comme estans tres-indignes de ceste grace? Il n'y a point d'autre moyen de le faire que comme vous le dites: regarder qu'il est nostre Dieu, et que nous sommes ses foibles creatures, indignes de cest honneur; comme faisoit saint François, qui passa toute une nuict interrogeant Dieu en ces termes: « Qui estes-vous, et qui suis-je? » En fin, si vous me demandez: Comment pourray-je faire pour acquerir l'amour de Dieu? je vous diray: En le voulant aymer; et au lieu de vous appliquer à penser et demander comment vous pourrez faire pour unir vostre esprit à Dieu, que vous vous mettiez en la pratique par une continuelle application de vostre esprit à Dieu, et je vous asseure que vous parviendrez bien plus [150] tost à vostre pretention par ce moyen-là que non pas par aucune autre voye; car à mesure que nous nous dissipons nous sommes moins recueillis, et partant moins capables de nous unir et joindre avec la divine Majesté, qui nous veut tout sans reserve.

  A006000318 

 C'est que vous voudriez que je vous enseignasse une voye de perfection toute faite, en sorte qu'il n'y eust qu'à la mettre sur la teste, comme vous feriez vostre robbe, et que par ce moyen vous vous trouvassiez parfaite sans peine, c'est à dire que je vous donnasse la perfection toute faite; car ce que je dis, qu'il faut faire, n'est pas trouvé agreable à la nature; ce n'est pas ce [151] que nous voudrions.

  A006000318 

 Il vous semble que la perfection est un art, que si l'on pouvoit trouver son secret l'on l'aurait incontinent sans peine.

  A006000318 

 Mais voicy une finesse qu'il faut que vous me permettiez de vous descouvrir, sans toutesfois vous offencer.

  A006000318 

 O certes, si cela estoit en mon pouvoir, je serois le plus parfait homme du monde; car si je pouvois donner la perfection aux autres sans qu'il fallust rien faire, je vous asseure que je la prendrois premierement pour moy.

  A006000320 

 La feste de la Purification, je vous l'ay desja dit une fois, n'a point d'octave..

  A006000320 

 Mais vous dites que vous demeurez tousjours si foible, qu'encor que vous fassiez souvent des fortes resolutions de ne pas tomber en l'imperfection dont vous desirez de vous amender, l'occasion se presentant vous ne laissez pas de donner du nez en terre.

  A006000320 

 Passons maintenant à l'autre demande que vous m'avez fait, sçavoir est, comment vous pourrez faire pour bien affermir vos resolutions et faire qu'elles reussissent en effect.

  A006000320 

 Voulez-vous que je vous die pourquoy nous demeurons si foibles? c'est parce que nous ne voulons pas nous abstenir des viandes mal saines; comme si une personne laquelle voudroit bien n'avoir point de mal d'estomac, demandoit à un medecin comment elle pourroit faire.

  A006000320 

 Vous ne sçauriez estre forte à supporter courageusement la correction pendant que vous mangerez de la viande de l'estime propre.

  A006000322 

 En fin il faut sçavoir que nous ne devons jamais cesser de faire des bonnes resolutions, encore que nous voyons bien que selon nostre ordinaire nous ne les pratiquons pas, voire, quand bien nous verrions qu'il est impossible de les pratiquer quand l'occasion s'en presentera; et cela, il le faut faire avec plus de fermeté que si nous sentions en nous assez de courage pour reussir de nostre entreprise, disant à Nostre Seigneur: Il est vray que je n'auray pas la force de faire ou supporter telle chose de moy-mesme, mais je m'en resjouïs, d'autant que ce sera vostre force qui le fera en moy; et sur cest appui, allez à la bataille courageusement, et ne doutez point que vous n'en rapportiez la victoire.

  A006000323 

 Remarquons pour conclusion, que tout ce que nous avons dit en cest Entretien sont des choses assez delicates pour la perfection; et partant, que nulle de vous autres qui les avez entendues n'ayt à s'estonner si elle ne se trouve parvenue à ceste perfection, puisque, par la grace de Dieu, vous avez toutes le courage bon pour y vouloir pretendre.

  A006000328 

 Quand on est parvenu là, alors on ayme tellement à obeir, que l'on desire insatiablement d'estre commandé, à fin que tout ce que l'on fait soit fait par obeissance; et cecy est l'obeissance des parfaits, et celle que je vous desire, laquelle procede d'un pur don de Dieu, ou bien est acquise avec beaucoup de temps et de travail par une quantité d'actes souvent reiterés et produits à vive force, par le moyen desquels nous acquerons l'habitude.

  A006000335 

 Vous me direz: c'est qu'elle craint de vous avoir faschée.

  A006000341 

 Par exemple, si vous aviez devotion, Vous trouvant devant le saint Sacrement, de dire trois fois le Pater à l'honneur de la sainte Trinité, et que l'on vous vinst appeller pour faire quelque autre chose, il faudroit se lever promptement et aller faire ceste action à l'honneur de la sainte Trinité, au lieu de dire vos trois Pater..

  A006000341 

 Vous m'avez autresfois demandé si l'on pouvoit faire des prieres particulieres: et je responds que quant à ces petites prieres qu'il vous vient quelquefois devotion de faire, il n'y a point de mal, pourveu que l'on ne [166] s'y attache pas, en sorte que ne les disant pas il vous en vienne du scrupule, ou que vous fissiez dessein de dire tous les jours, ou un an durant ou certain temps, quelque oraison à vostre fantasie; car cela, il ne le faut pas.

  A006000342 

 Cela ne s'entend pas qu'estant prestes de recevoir Nostre Seigneur, s'il vous vient en memoire la necessité de quelqu'un de vos proches ou bien les necessités communes du peuple, vous ne puissiez les recommander à Dieu, en le suppliant d'en avoir compassion.

  A006000342 

 Mais si vous voulez communier particulierement pour quelque chose, il faut demander congé, si ce n'est pour vos propres necessités, comme pour obtenir force contre quelque tentation, ou bien pour demander quelque vertu à Nostre Seigneur.

  A006000342 

 Or, si vous pensez que ce soit le Saint Esprit qui vous inspire de faire ces petites pratiques, il vous sçaura bon gré que vous en demandiez congé, voire mesme que vous ne les fassiez pas si l'on ne le vous permet, d'autant [167] que rien ne luy est tant agreable que l'obeissance religieuse.

  A006000342 

 Si l'on vous prie de le faire, il faut respondre que vous demanderez congé de le faire; mais si l'on se recommande simplement à vos prieres, vous pouvez respondre que vous le ferez volontiers, et en mesme temps eslever vostre esprit en Dieu pour ceste personne-là.

  A006000342 

 Tout de mesme en est-il de la tres-sainte Communion, car vous ne pouvez point communier pour personne sans congé.

  A006000342 

 Vous ne pouvez non plus promettre à personne de dire un nombre de prieres pour eux.

  A006000349 

 L'on en void beaucoup d'autres qui se sont precipités à la mort, comme celuy qui se jetta dans une fornaise ardente; mais tous ces exemples doivent estre [171] admirés et non pas imités, car vous sçavez assez qu'il ne faut jamais estre si aveugle que de penser agréer à Dieu en contrevenant à ses commandemens.

  A006000350 

 Helas! vous ne faites rien plus que les mondains, car ils en font bien de mesme; et non seulement ils obeissent aux commandemens de ceux qu'ils ayment, mais ils n'estimeroyent pas leur amour bien satisfait s'ils ne suivoyent encor au plus pres qu'ils peuvent leurs inclinations et affections, ainsi que fait le vray obeissant, tant à l'endroit de ses Superieurs comme de Dieu mesme.

  A006000350 

 Tous les anciens Peres ont grandement blasmé ceux lesquels ne se vouloyent pas sousmettre à l'obeissance de ceux qui estoyent de moindre qualité qu'eux; ils leur demandoyent: Quand vous obeissiez à vos Superieurs, pourquoy le faisiez-vous? estoit-ce pour l'amour de Dieu? Nullement, car cestui-cy ne tient-il pas la mesme place de Dieu parmi nous que faisoit l'autre? Sans doute, il est vicaire de Dieu, et Dieu nous commande par sa bouche, et nous fait entendre ses volontés par ses ordonnances, comme il faisoit par la bouche de l'autre.

  A006000350 

 Vous obeissez donc aux Superieurs parce que vous leur avez de l'inclination et pour le respect de leurs personnes.

  A006000351 

 Hé! ne pouvoit-il pas bien dire: Seigneur, vous me dites que je sorte hors de la ville; dites moy donc, s'il vous plaist, de quel costé je sortiray.

  A006000352 

 Voyez-vous, pour le faire son disciple il le fit tomber, pour l'humilier et l'assujettir à soy; puis soudain il l'aveugla, et luy commanda de s'en aller en la ville trouver Ananias, et qu'il fist tout ce qu'il luy commanderoit.

  A006000353 

 Ce pauvre aveugle ne pouvoit-il pas bien s'estonner du moyen dont Nostre Seigneur usoit pour le guerir, et luy dire: Helas! que me faites-vous? si je n'estois pas aveugle, cela serait capable de me faire perdre la veuë.

  A006000354 

 Voyez-vous comment il se met en danger de ne point recouvrer sa santé, voulant faire tant de considerations sur ce qui estoit commandé?.

  A006000356 

 Eliezer la voyant si belle et si gratieuse aupres du puits où elle tiroit de l'eau pour ses brebis, il luy fit sa demande, et la damoyselle respondit selon son dessein: Ouy, dit-elle, non seulement à vous, mais encor à vos chameaux.

  A006000356 

 Il dit donc ainsi en soy-mesme: Celle à qui je demanderay à boire et qui me dira: J'en donneray non seulement à vous, mais je puiseray encor de l'eau pour vos chameaux, ce sera celle là que je recognoistray estre digne espouse du fils de mon maistre.

  A006000356 

 Remarquez, je vous prie, combien elle fut prompte et gratieuse; elle n'espargnoit point sa peine, ains en estoit fort liberale, car il ne falloit pas peu d'eau pour abreuver tant de chameaux qu'Eliezer menoit.

  A006000357 

 A quoy le Pere respondit fort doucement: Bien, mon Frere, vous n'avez pas voulu obeir simplement et promptement; mais que voulez-vous gager que l'arbre sera plus obeissant que vous? Ce qui arriva; car le lendemain on le trouva tout sec, et ne porta jamais fruict.

  A006000357 

 Il y a dans la Vie de saint Pachome un exemple de ceste promptitude à l'obeissance que je vous veux dire.

  A006000358 

 Quel commandement, je vous supplie, a fait Nostre Seigneur, qui obligeast sainte Catherine de Sienne à boire ou lescher avec la langue la pourriture qui sortoit de la playe de ceste pauvre femme qu'elle servoit? et saint Louis, roy de France, de manger avec les ladres le reste de leur potage pour leur donner courage de manger? Certes, ils n'estoyent aucunement obligés à cela; mais sçachant que Nostre Seigneur aymoit et avoit tesmoigné de l'inclination à l'amour de la propre abjection, pensant luy faire plaisir de suivre son inclination, ils faisoyent ces choses, quoy que tres-repugnantes à [179] leurs sens, avec un tres-grand amour.

  A006000359 

 Mais il faut que je vous advertisse icy d'une tromperie en laquelle on pourroit tomber: car si ceux qui voudroyent entreprendre la pratique de ceste vertu fort exactement, vouloyent tousjours se tenir en attention pour pouvoir cognoistre les desirs et les inclinations de leurs Superieurs ou de Dieu, ils perdroyent le temps infailliblement; car par exemple, tandis que je m'enquerrois quel est le desir de Dieu, je ne m'occuperais pas à me tenir en repos et tranquillité aupres de luy, qui est le desir qu'il a maintenant, puisqu'il ne me donne rien autre chose à faire.

  A006000361 

 C'est une tres-grande vertu de perseverer si longuement en un tel exercice; car de faire joyeusement une chose que l'on commande pour une fois, tant que l'on voudra, cela ne couste rien; mais quand on vous dit: vous ferez tousjours cela, et tout le temps de vostre vie, c'est là où il y a de la vertu et où gist la difficulté.

  A006000361 

 Le bon Religieux Jonas nous fournit deux exemples sur le sujet de la perseverance; et bien qu'il n'obeist si promptement au commandement que saint Pachome luy donna, c'estoit neantmoins un Religieux de grande perfection: car dés qu'il entra en Religion jusques à la mort il continua en l'office de jardinier, sans jamais le changer durant soixante et quinze ans qu'il vescut en ce monastere; et l'autre exercice auquel il persevera aussi toute sa vie, comme je vous ay dit cy-devant, fut de faire des nattes de joncs entrelacés avec des feuilles [181] de palmes, tellement qu'il mourut en les faisant.

  A006000361 

 Si vous n'avez ces deux vertus, vous n'en avez point; si vous les avez, vous avez quant et quant toutes les autres..

  A006000361 

 Voila donc ce que j'avois à vous dire touchant l'obeissance, sinon encore ce mot, que l'obeissance est d'un si grand prix qu'elle est compagne de la charité; et ces deux vertus sont celles qui donnent le prix et la valeur à toutes les autres, de sorte que sans elles toutes les autres ne sont rien.

  A006000362 

 Ayez mesme le desir du martyre pour l'amour de Dieu, cela n'est rien si vous n'avez l'obeissance.

  A006000362 

 De là à quelque temps, l'on eut nouvelles propres à sa consolation, car un certain Sarrasin, chef de voleurs, vint en une montagne proche du monastere; sur quoy saint Pachome l'appella à soy [183] et luy dit: Or sus, mon fils, l'heure est venue que vous avez tant desirée; allez à la bonne heure couper du bois en la montagne.

  A006000362 

 En fin il adora leur idole, et ces meschans se mocquans de luy le battirent tres-bien, et puis le laisserent revenir en son monastere, où estant arrivé plus mort que vif, tout pâle et transi, saint Pachome qui luy estoit allé au devant luy dit: Eh bien, mon fils, [184] comme va? qu'y a-t'il que vous estes si défait? Lors, le pauvre Religieux, tout honteux et confus parce qu'il avoit de l'orgueil, ne pouvant supporter de se voir avoir fait une si grande faute, se jetta en terre et confessa sa faute; à quoy le Pere remediant promptement, faisant prier les Freres pour luy et luy faisant demander pardon à Dieu, le remit en bon estat, et puis luy donna de bons advertissemens, disant: Mon fils, souviens-toy qu'il vaut mieux avoir de petits desirs de vivre selon la Communauté, et ne vouloir que la fidelité à l'observance des Regles sans entreprendre ni desirer autre chose que ce qui y est compris, que non pas avoir de grands desirs de faire des merveilles imaginaires, qui ne sont bons qu'à enfler nos cœurs d'orgueil et nous faire mesestimer les autres, pensant bien estre quelque chose plus qu'eux.

  A006000362 

 Helas! ce pauvre Religieux, si vaillant en imagination, se voyant l'espée à la gorge: Hé, de grace, dit-il, ne me tuez pas, je feray tout ce que vous voudrez; ayez pitié de moy! je suis encor jeune, ce seroit dommage de borner le cours de mes jours.

  A006000363 

 Je dis encor cecy, que l'obeissance n'est point de moindre merite que la charité; car donner un verre d'eau par charité, cela vaut le Ciel, Nostre Seigneur mesme le dit: faites-en autant par obeissance, vous gaignerez le mesme.

  A006000363 

 La moindre petite chose faite par obeissance est tres-agreable à Dieu: mangez par obeissance, vostre manger est plus agreable à Dieu que les jeusnes des anachoretes s'ils sont faits sans obeissance; reposez-vous par obeissance, vostre repos est plus meritoire et plus agreable à Dieu que non pas le travail volontaire.

  A006000364 

 Mais, me direz-vous, qu'est-ce qu'il m'arrivera de pratiquer si exactement ceste obeissance amoureuse avec les conditions susdites: en aveugle, promptement et perseveramment? O mes cheres lilles, celuy qui le fera jouira en son ame d'une tranquillité continuelle et de la tres-sainte paix de Nostre Seigneur qui surpasse tout sentiment; il n'aura aucun compte à rendre de ses actions, puisqu'elles auront esté toutes faites par obeissance, tant aux Regles comme aux Superieurs.

  A006000365 

 Vous demandez maintenant si vous estes obligées sur peine de peché, de faire tout ce que les Superieurs vous disent que vous fassiez; comme quand vous rendez compte, s'il faut que vous teniez pour commandement tout ce que la Superieure vous dit, qui est propre à vostre avancement.

  A006000366 

 Bien que les Superieurs fussent ignorans et conduisissent leurs inferieurs selon leur ignorance, voire [190] par des voyes scabreuses et dangereuses, les inferieurs se sousmettans à tout ce qui n'est point manifestement peché, ni contre les commandemens de Dieu et de sa sainte Eglise, je vous peux asseurer qu'ils ne peuvent jamais errer.

  A006000366 

 Si aujourd'huy que vous avez une Superieure fort estimée, tant pour sa qualité que pour ses vertus, vous luy obeissez de bon cœur, demain que vous en aurez une autre qui ne sera pas tant estimée vous ne luy obeissez pas de si bon cœur qu'à l'autre, luy rendant bien pareille obeissance, mais n'estimant pas tant ce qu'elle vous dit et ne le faisant pas avec tant de satisfaction, hé! qui ne void que vous obeissez à l'autre par vostre inclination et non pas purement pour Dieu? car si cela estoit, vous auriez autant de plaisir et feriez autant d'estime de ce que ceste-cy vous dit, comme vous faisiez de ce que l'autre vous disoit..

  A006000366 

 Vous me demandez si l'on ne pourroit pas bien penser lors qu'on vous change de Superieure, qu'elle n'est pas si capable que celle que vous aviez et qu'elle n'a pas tant de cognoissance du chemin par lequel il vous faut conduire.

  A006000368 

 Mais, pourriez-vous dire, n'est-il pas permis de desapprouver ce que ceste Superieure icy fait, ni de dire ou penser pourquoy elle fait des ordonnances que l'autre ne faisoit pas? O certes, non jamais, mes cheres filles; ains il faut approuver tout ce que les Superieures font ou disent, permettent ou defendent, pourveu qu'il ne soit manifestement contre les commandemens de Dieu, car alors il ne faut ni obeir ni approuver cela.

  A006000370 

 La Sœur à laquelle on dit cecy devroit respondre fort doucement: Ma chere Sœur, que ne vous estiez-vous bien attachée à Dieu, ainsi que vous dites qu'il faut faire, avant qu'aller parler à nostre Mere, et vous n'auriez pas du mescontentement dequoy elle ne vous a pas consolée.

  A006000370 

 Mais en ce sens-là que vous dites, qu'il se faut bien attacher à Dieu, prenez garde que cherchant Dieu au defaut des creatures il ne se veuille laisser trouver; car il veut estre cherché avant toutes choses et au mespris de toute chose.

  A006000370 

 Sçavez-vous ce qu'il faut faire quand nous sommes corrigés et mortifiés? il nous faut prendre ceste mortification comme une pomme d'amour et la cacher en nostre cœur, la baisant et caressant le plus tendrement qu'il nous est possible.

  A006000371 

 Il vous semble que les Superieurs ont la consolation sur le bord des levres et qu'ils la respandent facilement dans le cœur de ceux qu'ils veulent, ce qui n'est pas neantmoins; car ils ne peuvent pas tousjours estre de mesme humeur non plus que les autres.

  A006000371 

 Mais il y a une chose à remarquer sur ce sujet, qui est que quelquefois l'on porte un cœur sec et dur lors que l'on va parler à la Superieure, lequel ne peut estre capable d'estre arrousé ni humecté de l'eau de la consolation, d'autant qu'il n'est nullement susceptible de ce que la Superieure dit; et encore qu'elle parle fort bien selon vostre necessité, neantmoins il ne le vous semble pas.

  A006000371 

 Une autre fois que vous aurez le cœur tendre et bien disposé, elle ne vous dira que trois ou quatre paroles, beaucoup moins utiles pour vostre perfection que les autres n'estoyent, qui vous consoleront; et pourquoy? parce que vostre cœur estoit disposé à [195] cela.

  A006000372 

 Donques, quand il vous vient envie de juger si une chose est bien ou mal ordonnée, tranchez ce discours à vostre propre jugement; et quand peu apres on vous dira qu'il faut faire une telle chose de telle façon, ne vous amusez point à discourir ou discerner si elle ne seroit point mieux autrement, faisant accroire à vostre jugement que la chose ne pourroit jamais estre mieux faite, que de la façon que l'on vous a dit.

  A006000372 

 Je n'ay jamais rencontré personne qui ne fist estat de son jugement, sinon deux qui me confesserent qu'ils n'avoyent point de jugement; et l'un, m'estant une fois venu trouver, me dit: Monsieur, je vous prie, dites-moy un peu une telle chose, car je n'ay point de jugement pour la pouvoir comprendre, ce qui m'estonna fort..

  A006000372 

 Si l'on vous donne quelque exercice, ne permettez pas à vostre jugement de discerner s'il vous sera propre ou non; et prenez garde que, si bien vous faites la chose ainsi qu'elle est commandée, bien souvent [196] le propre jugement n'obeit pas, je veux dire ne se sousmet pas, car il n'approuve pas le commandement: ce qui est pour l'ordinaire cause de la repugnance que nous avons de nous sousmettre à faire ce que l'on veut de nous.

  A006000372 

 Vous me demandiez encor que j'eusse à vous dire quel estoit l'exercice propre à faire mourir le propre jugement; à quoy je responds que c'est de luy retrancher fidelement toutes sortes de discours és occasions où il se veut rendre maistre, luy faisant connoistre qu'il n'est que valet; car, mes cheres filles, ce n'est que par les actes reiterés que nous acquerons les vertus, bien qu'il y ayt eu quelques ames auxquelles Dieu les a données toutes en un moment.

  A006000374 

 Abigaïl sçachant le dessein de David, s'en alla le lendemain au [199] devant de luy avec des presens pour l'appaiser, usant de ces termes: Monseigneur, que voudriez-vous faire à un fol? hier que mon mary estoit ivre, il parla mal, mais il parla en ivrogne et comme un fol.

  A006000374 

 Faire avouer que ce qui est commandé est bon, l'aimer et l'estimer comme une chose qui nous est bonne et utile au dessus de toute autre, ô c'est à cela que le jugement se trouve retif; car il y en a plusieurs qui disent: je feray bien cela ainsi que vous dites, mais je voy bien qu'il seroit mieux autrement.

  A006000374 

 Helas! que faites-vous? si vous nourrissez ainsi le jugement, sans doute il vous enyvrera; car il n'y a point de difference entre une personne enyvrée et celuy qui est plein de son propre jugement.

  A006000374 

 Monseigneur, appaisez vostre courroux et ne veuillez pas mettre vos mains sur luy, car vous auriez regret d'avoir mis la main sur un fol.

  A006000375 

 C'est sans doute, ma fille, qu'il le faut faire; car à quel propos verrez-vous une tache en vostre Sœur, sans vous essayer de la luy oster par le moyen d'un advertissement? Il faut neantmoins estre discrette en ceste besogne; car il ne seroit pas temps d'advertir une Sœur tandis que vous la verrez indisposée ou pressée de melancholie, car il seroit dangereux qu'elle ne rejettast d'abord l'advertissement si vous le luy faisiez.

  A006000375 

 Si une Sœur vous dit des paroles qui ressentent le murmure, et que d'ailleurs ceste Sœur ayt le cœur en douceur, sans doute il faut que tout confidemment vous luy disiez: Ma Sœur, cela n'est pas bien fait; mais si vous vous appercevez qu'il y ayt quelque passion esmeuë dans son cœur, alors il faut destourner le propos le plus [200] dextrement que l'on peut.

  A006000375 

 Vous dites que vous craignez d'advertir si souvent une Sœur des fautes qu'elle fait, parce que cela luy oste l'asseurance et la fait plustost faillir à force de craindre.

  A006000375 

 Vous voulez en fin sçavoir si vous devez avoir une grande confiance et un grand soin à vous advertir les unes les autres en charité, de vos fautes.

  A006000378 

 La vertu de laquelle nous avons à traitter est si necessaire que, bien que j'en aye souventesfois parlé, vous avez neantmoins desiré que j'en fisse un Entretien tout entier.

  A006000378 

 Vous sçavez que nous appelions communément une chose simple quand elle n'est point brodée, doublée ou bigarrée; par exemple nous disons: voila une personne qui est habillée bien simplement, parce qu'elle ne porte point de façon ou de doublure en son habit, je dis de doublure façonnée ou qui se voye, ains sa robbe et son habit n'est que d'une estoffe; et cela est une robbe simple.

  A006000379 

 L'histoire tant commune des hostesses de Nostre Seigneur, Marthe et Magdelaine, est grandement remarquable pour ce sujet; car ne voyez-vous pas que Marthe, bien que sa fin fust louable de vouloir bien traitter Nostre Seigneur, ne laissa pas d'estre reprise par ce divin Maistre? d'autant qu'outre la fin tres-bonne qu'elle avoit en son empressement, elle regardoit encor Nostre Seigneur entant qu'homme; et pour cela elle croyoit qu'il fust comme les autres, auxquels un seul mets ou une sorte d'apprest ne suffit pas, et c'estoit cela qui faisoit qu'elle s'esmouvoit grandement à fin d'apprester plusieurs mets.

  A006000380 

 Apprenez de la colombe à aymer Dieu en simplicité de cœur, n'ayant qu'une seule pretention et une seule fin en tout ce que vous ferez; mais n'imitez pas seulement la simplicité de l'amour des colombes en ce qu'elles n'ont tousjours qu'un paron pour lequel elles font tout et auquel seul elles veulent complaire, mais imitez-les aussi en la simplicité qu'elles pratiquent en l'exercice et au tesmoignage qu'elles rendent de leur amour; car elles ne font point tant de choses ni tant de mignardises, ains elles font simplement leurs petits gemissemens à l'entour de leurs colombeaux, et se contentent de leur tenir compagnie quand ils sont presens..

  A006000381 

 Mais pourquoy y allez-vous? J'y vay pour louer Dieu.

  A006000381 

 Par exemple, si on va à l'Office, et que l'on demande: Où allez-vous? Je vay à l'Office, respondra-t'on.

  A006000383 

 Mais ne seroit-ce point tromper ceux qui nous verroyent, dites-vous, d'autant que, quoy que nous fussions fort immortifiées, ils croiroyent que nous serions fort vertueuses? Ceste reflexion, ma chere Sœur, sur ce que l'on dira ou [206] que l'on pensera de vous, est contraire à la simplicité; car nous avons dit qu'elle ne vise qu'à contenter Dieu et nullement les creatures, sinon entant que l'amour de Dieu le requiert.

  A006000386 

 Bien, si vous ne la voulez dire et qu'elle ne soit pas necessaire, n'ayant besoin d'instruction sur ce fait, resolvez-vous promptement et ne perdez pas le temps à considérer si vous la devez dire ou non; car il n'y auroit pas de l'apparence de faire une heure de consideration sur toutes les menues actions de nostre vie.

  A006000386 

 Et si vous en demeurez en peine, ce n'est que l'immortification qui fait cela; car à quel propos diray-je ce qui n'est pas necessaire pour mon [208] utilité, en laissant ce qui me peut plus mortifier? La simplicité, comme nous avons desja dit, ne cherche que le pur amour de Dieu, lequel ne se trouve jamais si bien qu'en la mortification de nous-mesmes; et à mesure que la mortification croist, nous nous approchons d'autant plus du lieu où nous devons trouver son divin amour.

  A006000386 

 Mais de plus, je pense, quant à moy, qu'il est meilleur et plus expedient de dire à la Superieure les pensées qui nous mortifient le plus, que non pas plusieurs autres qui ne servent de rien, sinon pour accroistre l'entretien que vous faites avec elle.

  A006000387 

 Je vous responds: comme en toute autre action, bien qu'en celle-cy il y faut avoir une sainte liberté et franchise pour s'entretenir des sujets qui servent à l'esprit de joye et de recreation.

  A006000387 

 Mais bien qu'il vous arrivast de dire quelque petite chose qui semblast n'estre pas si bien receüe de toutes comme vous voudriez, il ne faudroit pas pour cela s'amuser à faire des reflexions et examens sur toutes vos paroles; ô non, car c'est l'amour propre sans doute qui nous fait faire ces enquestes, si ce que nous avons dit et fait est bien receu; mais la sainte simplicité ne court pas apres ses paroles ni ses actions, ains elle en laisse l'evenement à la divine Providence, à laquelle elle s'attache souverainement.

  A006000387 

 Vous demandez comment il faut observer la.

  A006000388 

 Mais comment peut-on accorder deux choses si contraires? L'on nous dit d'un costé qu'il faut avoir un grand soin de nostre perfection et avancement, et de [210] l'autre l'on nous defend d'y penser! Remarquez icy, s'il vous plaist, la misere de l'esprit humain, car il ne s'arreste jamais à la mediocrité, ains il court ordinairement aux extremités.

  A006000388 

 [211] L'on ne dit pas que vous ne pensiez point à vostre avancement, non; mais que vous n'y pensiez pas avec empressement..

  A006000389 

 C'est aussi manquer de simplicité de faire tant de considerations quand nous nous voyons faire des defauts les uns aux autres, pour sçavoir si ce sont des choses necessaires à dire à la Superieure; car dites-moy, la Superieure n'est-elle pas capable de cela, et de juger s'il est requis d'en faire la correction ou non? Mais que sçay-je moy à quelle intention ceste Sœur aura fait telle chose? dites-vous.

  A006000389 

 Car bien que peut estre ceste personne se passionne et se trouble apres l'advertissement que vous luy aurez fait, vous n'en estes pas cause, ce n'est que son immortification.

  A006000389 

 Il se peut bien faire que son intention soit bonne; aussi ne devez-vous pas accuser son intention, mais son action exterieure, s'il y a de l'imperfection.

  A006000390 

 Car, je vous prie, y a-t'il jamais eu une vocation plus speciale que celle de saint Paul, en laquelle Nostre Seigneur luy parla luy-mesme pour le convertir? et neantmoins il ne voulut pas l'instruire, ains le renvoya à Ananie, disant: Va-t'en, tu trouveras un homme qui te dira, ce que tu auras à faire.

  A006000390 

 Et bien que saint Paul eust peu dire: Seigneur, et pourquoy non vous-mesme ne le direz-vous pas? il ne le dit pas pourtant, ains s'en alla tout simplement faire comme il luy estoit commandé.

  A006000390 

 Vous voulez que je vous die un mot de la simplicité que nous devons avoir à nous laisser conduire selon l'interieur, tant à Dieu que par nos Superieurs.

  A006000391 

 Vous retirerez plus d'utilité de ce que vous ferez suivant la direction de vos Superieurs, que non pas en suivant vos instincts interieurs, qui ne proviennent pour l'ordinaire que de l'amour propre qui, sous couleur de bien, recherche de se complaire en la vaine estime de nous-mesmes..

  A006000392 

 C'est bien la vraye verité que vostre bien dépend de vous laisser conduire et gouverner par l'Esprit de Dieu [215] sans reserve, et c'est cela que pretend la vraye simplicité que Nostre Seigneur a tant recommandée: Soyez simples comme des colombes, dit-il à ses Apostres; mais il ne s'arreste pas là, leur disant de plus: Si vous n'estes faits simples comme un petit enfant, vous n'entrerez point au Royaume de mon Pere.

  A006000393 

 Vous me demandez comme les ames qui sont attirées en l'oraison à ceste sainte simplicité et à ce parfait abandonnement en Dieu se doivent conduire en toutes leurs actions? Je responds que non seulement en l'oraison, mais en la conduite de toute leur vie, elles doivent marcher invariablement en esprit de simplicité, abandonnant et remettant toute leur ame, leurs actions et leurs succés au bon plaisir de Dieu, par un amour de parfaite et tres-absolue confiance, se delaissant à la mercy et au soin de l'amour eternel que la divine Providence a pour elles.

  A006000395 

 Et pour conclure ce poinct, saint François envoyant ses enfans aux champs, en voyage, leur donnoit cest advis au lieu d'argent et pour toute provision: Jettez vostre soin en Nosire Seigneur, et il vous nourrira.

  A006000395 

 Je vous en dis de mesme, mes tres-cheres filles: jettez bien tout vostre cœur, vos pretentions, vos sollicitudes et vos affections dans le sein paternel de Dieu, et il vous conduira, ains portera où son amour vous veut..

  A006000396 

 Alors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receus doucement et suavement; car qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné à son amour et qui s'est, remis à son bon plaisir, qu'est ce qui le peut esbranler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser à philosopher sur les causes, raisons et motifs des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsi il a esté agreé devant vous..

  A006000399 

 Encore vous diray-je qu'il se faut souvenir qu'il y a deux sortes de prudence, à sçavoir, la naturelle et la surnaturelle.

  A006000404 

 C'est une chose tres-difficile que celle que vous me demandez: quel est l'esprit de vos Regles et comme vous le pourrez prendre.

  A006000404 

 Or, premier que de parler de cest esprit, il faut que vous sçachiez que veut dire cela, avoir l'esprit d'une Regle; car nous entendons ordinairement dire: un tel Religieux a le vray esprit de sa Regle..

  A006000405 

 Allant donc en Hierusalem, il voulut passer par une ville de Samarie, mais les Samaritains ne le voulurent pas permettre; dequoy saint Jacques et saint Jean entrerait en colere, et furent tellement indignés contre les Samaritains de l'inhospitalité qu'ils faisoyent à leur Maistre, qu'ils luy dirent: Maistre, voulez-vous que nous fassions tomber le feu du ciel pour les abysmer et les chastier de l'outrage qu'ils vous font? Et Nostre Seigneur leur respondit: Vous ne sçavez de quel esprit vous estes, voulant dire: Ne sçavez-vous pas que nous ne sommes plus au temps d'Helie qui avoit un esprit de rigueur? Et bien qu'Helie fust un tres-grand serviteur de Dieu, et qu'il fist bien en faisant ce que vous voulez faire, neantmoins vous autres ne feriez pas bien en l'imitant, d'autant que je ne suis pas venu pour punir et confondre les pecheurs, ains pour les attirer doucement à penitence et à ma suite..

  A006000405 

 Nous tirerons du saint Evangile deux exemples qui sont tres-propres pour vous faire comprendre cecy.

  A006000408 

 Avoir l'amour de la fin de nostre Institut, sçavez-vous [226] que c'est? C'est estre exactes à l'observance des moyens de parvenir à ceste fin, qui sont nos Regles et Constitutions, et estre fort diligentes à faire tout ce qui en dépend et qui sert à les observer plus parfaitement: cela, c'est avoir l'esprit de nostre Religion.

  A006000408 

 Il faut donc regarder quelle est la fin de vostre Institut et l'intention de vostre Instituteur, et vous arrester aux moyens qui vous sont marqués pour y parvenir.

  A006000410 

 Et si bien les austerités sont bonnes en elles-mesmes et sont des moyens de parvenir à la perfection, elles ne seroyent pas pourtant bonnes chez vous, d'autant que ce seroit contre les Regles..

  A006000411 

 Vous me direz peut estre: S'il arrive qu'une Sœur ayt une complexion robuste, peut-elle pas bien [229] faire des austerités plus que les autres, avec la permission de la Superieure, en sorte que les autres Sœurs ne s'en apperçoivent pas? je responds à cela qu'il n'y a point de secret qui ne passe secrettement à une autre; et ainsi de l'une à l'autre l'on vient à faire des Religions dans les Religions et des petites ligues, et puis tout se dissipe.

  A006000413 

 A quoy respondit le bon Jacob: Mon seigneur et mon frere, il n'en sera pas ainsi, s'il vous plaist, d'autant que je meine mes enfans, et leurs petits pas exerceroyent ou abuseroyent de vostre patience; quant à moy, qui y suis obligé, je mesure mes pas aux leurs.

  A006000413 

 Et mesmes, il n'y a pas long temps que mes brebis ont agnelé; les agneaux encore tendres ne pourroyent pas aller viste, et tout cela vous arresteroit trop en chemin.

  A006000413 

 Remarquez, je vous prie, la debonnaireté de ce saint Patriarche: il s'accommode [231] volontiers aux pas, non seulement de ses petits enfans, mais aussi de ses agnelets.

  A006000414 

 Accommodons-nous donc volontiers avec les infirmes qui y peuvent estre receuës, et je vous asseure que nous n'arriverons pas plus tard pour cela à la perfection; ains au contraire, ce sera cela mesme qui nous y conduira plus tost, parce que n'ayant pas beaucoup à faire nous nous appliquerons à le faire avec la plus grande perfection qu'il nous sera possible.

  A006000415 

 Elle rapporte qu'une fois il y eut une de ses filles qui n'ayant pas bien entendu quelque chose qu'une Superieure avoit commandé, luy dit qu'elle n'entendoit pas bien cela, et la Superieure luy respondant assez brusquement et inconsiderément: Allez mettre la teste dans un puits, luy dit-elle, et vous l'entendrez.

  A006000416 

 Aujourd'huy que la Communauté communie, il vous suggerera qu'il faut que par humilité vous demandiez de vous en abstenir, et lors que le temps de s'humilier viendra, il vous persuadera de vous resjouïr et de demander la Communion pour cest effet; et ainsi il ne seroit jamais fait.

  A006000416 

 Vous me [233] demandez s'il y auroit plus de perfection à se conformer tellement à la Communauté, que mesme l'on ne demandast point à faire de Communion extraordinaire? Qui en doute, mes cheres filles? si ce n'est en certains cas, comme seroit és festes de nostre Patron ou du Saint auquel nous avons eu devotion toute nostre vie, ou quelque necessité fort pressante.

  A006000418 

 Celle qui se tiendra dans ces limites, je vous asseure qu'elle fera un grand chemin en peu de temps et rapportera beaucoup de fruict à ses Sœurs par son exemple.

  A006000419 

 A cela je vous responds que ce n'est pas une regle generale qu'il faille faire tout ce à quoy on a de la repugnance, non plus que de s'abstenir des choses auxquelles on a de l'inclination; car si une Sœur a de l'inclination à dire l'Office divin, il ne faut pas qu'elle laisse d'y assister sous pretexte de se vouloir mortifier.

  A006000419 

 Au demeurant, le temps des festes qui est laissé en liberté pour faire ce que l'on veut, chacune le peut employer selon sa devotion; mais il est vray pourtant, qu'ayant demeuré trois heures, vcire plus dans le chœur avec la Communauté, il est beaucoup à craindre que le quart d'heure que vous y demeurez davantage ne soit un petit morceau que vous donnerez à vostre amour propre..

  A006000419 

 Mais, dites-vous, c'est par mortification que vous demeurez un peu plus dans le chœur aux jours de feste que les autres, parce que le temps vous y a desja bien [236] duré durant deux ou trois heures de suitte que toutes y ont demeuré.

  A006000421 

 Il sera fort à propos que je vous propose quelque exemple remarquable pour vous faire comprendre combien est agreable à Dieu de se conformer à la Communauté en toutes choses: escoutez donc ce que je vay vous dire.

  A006000421 

 Pourquoy pensez-vous que Nostre Seigneur et sa tres-sainte Mere se soyent sousmis à la loy de la presentation et purification, sinon à cause de l'amour qu'ils portoyent à la communauté? Certes, cest exemple devroit suffire pour esmouvoir les Religieux à suivre exactement leur Communauté, sans jamais s'en départir; car ni le Fils ni la Mere n'estoyent aucunement obligés à ceste loy: non l'Enfant, parce qu'il estoit Dieu, non la Mere, parce qu'elle estoit Vierge toute pure.

  A006000422 

 Vous sçavez bien que la colombe se tient en asseurance aupres de ces eaux parce qu'elle y void les ombres des oyseaux de proye qu'elle redoute, et soudain qu'elle les void, elle prend la fuite et ainsi ne peut estre surprise.

  A006000422 

 Voyez-vous comme il veut que l'on soit ponctuel à l'observance d'iceux? Ainsi certes le font tous les vrays amans, car ils n'evitent pas seulement la prevarication de la loy, mais ils evitent aussi l'ombre de la prevarication; et c'est pourquoy l'Espoux dit que son Espouse ressemble à une colombe qui se tient le long des fleuves qui coulent doucement, et dont les eaux sont cristallines.

  A006000423 

 Je vous conjure, si vous estes fortes, que vous vous affaiblissiez pour vous rendre conformes aux infirmes; et si vous estes foibles je vous dis: Efforcez-vous pour vous adjuster avec les fortes.

  A006000423 

 Voyez-vous comme saint Paul quand il est avec les infirmes, il est infirme et prend volontiers les commodités necessaires à leurs infirmités pour leur bailler confiance d'en faire de mesme? Mais quand il se trouve avec les forts, il est comme un geant pour leur donner du courage; et s'il se peut appercevoir que son prochain soit scandalisé de quelque chose qu'il fasse, si bien il luy est licite de la faire, neantmoins il a un tel zele de la paix et tranquillité de son cœur, qu'il s'abstient volontiers de la faire..

  A006000424 

 Mais, me direz-vous, maintenant que c'est l'heure de la recreation, j'ay un tres-grand desir d'aller faire oraison pour m'unir plus immediatement avec la souveraine Bonté.

  A006000424 

 Ne puis-je pas bien penser que la loy qui ordonne de faire la recreation ne m'oblige pas, puisque j'ay l'esprit assez jovial de moy-mesme? O non, [241] il ne faut non plus le penser que le dire; si vous n'avez pas besoin de vous recreer, il faut neantmoins faire la recreation pour celles qui en ont besoin.

  A006000424 

 Par exemple, le jeusne du Caresme est commandé pour un chacun; ne vous semble-t'il pas que ceste loy soit injuste, puisque l'on modere ceste injuste justice donnant des dispenses à ceux qui ne la peuvent pas observer? De mesme en est-il és Religions: le commandement est également pour tous, et nul de soy-mesme ne s'en peut dispenser; mais les Superieurs moderent la rigueur selon la necessité d'un chacun..

  A006000425 

 Les mousches à miel nous monstrent l'exemple de ce que nous disons, car les unes sont employées à la garde de la ruche, et les autres sont perpetuellement au travail de la cueillette; celles toutesfois qui demeurent dans la ruche ne mangent pas moins de miel que celles qui ont la peine de l'aller picorant sur les fleurs, Ne vous semble-t'il pas que David fit une loy injuste lors qu'il commanda que les soldats qui garderoyent les hardes eussent également part au butin avec ceux qui iroyent à la bataille et qui en reviendroyent tous chargés de coups? Non certes, elle n'estoit point injuste, d'autant que ceux qui gardoyent les hardes les gardoyent pour ceux qui combattoyent, et ceux qui estoyent en la bataille [242] combattoyent pour ceux qui gardoyent les hardes: aussi ils meritoyent tous une mesme recompense, puisqu'ils obeissoyent tous également au Roy.

  A006000428 

 Je feray ce que vous me commandez, en la façon que vous me dites, respondra-t'il; mais... Ils demeurent tousjours sur leur mais, qui vaut autant à dire qu'ils sçavent bien qu'il seroit mieux autrement.

  A006000429 

 Mais il faut que je vous die qu'il y a des personnes qui doivent former leurs opinions, comme sont les Evesques, les Superieurs qui ont charge des autres, et tous ceux qui ont gouvernement; les antres ne le doivent nullement faire, si l'obeissance ne le leur ordonne; car autrement ils perdroyent le temps qu'ils doivent employer à se tenir fidellement aupres de Dieu.

  A006000434 

 Il est bien vray que nous ne pouvons pas empescher ce premier mouvement de complaisance qui nous vient quand nostre opinion est approuvée et suivie, car cela ne se peut éviter, mais il ne se faut pas amuser à ceste complaisance; il faut benir Dieu, puis passer outre sans se mettre en peine de la complaisance, non plus que d'un petit ressentiment de douleur qui vous viendroit si vostre opinion n'estoit pas suivie ou trouvée bonne.

  A006000434 

 Vous me dites: Que faut-il donc faire pour mortifier ceste inclination? Il luy faut retrancher la nourriture.

  A006000434 

 Vous vient-il en pensée qu'on a tort de faire faire cela de la sorte, qu'il seroit mieux ainsi que vous l'avez conceu? détournez-vous de ceste pensée, en disant en vous-mesme: Helas! qu'ay-je à faire de telle chose, puisqu'elle ne m'est pas commise? Il est tousjours beaucoup [248] mieux fait de s'en détourner ainsi tout simplement, que non pas rechercher des raisons en nostre esprit pour nous faire croire que nous avons tort; car au lieu de le faire, nostre entendement, qui est preoccupé de son jugement particulier, nous donneroit le change; de sorte qu'au lieu d'aneantir nostre opinion, il nous donneroit des raisons pour la maintenir et faire recognoistre pour bonne.

  A006000435 

 Vous demanderez peut estre si ce n'est pas nourrir ceste imperfection de rechercher d'en parler par apres avec celles qui ont esté de nostre advis, lors qu'il n'est plus question d'en prendre resolution, estant desja determiné ce qui s'en doit faire.

  A006000437 

 Car si nous ne les estimons pas, nous n'en serons pas si amoureux; et si nous ne les aymons pas, nous ne nous soucierons guere qu'elles soyent approuvées, et ne serons pas si legers à dire: Les autres croiront ce qu'ils voudront, mais quant à moy... Sçavez-vous que veut dire ce quant à moy? Rien autre sinon: Je ne me sousmettray point, ains je seray ferme en ma resolution et en mon opinion.

  A006000437 

 Voila donc ce que j'avois à vous dire sur le sujet de la premiere question, par laquelle nous avons esté enseignés que d'avoir des opinions n'est pas une chose [250] contraire à la perfection, mais ouy bien d'avoir l'amour de nos propres opinions et l'estime par consequent.

  A006000438 

 Ce que pour mieux entendre, il faut que je vous ressouvienne de ce que vous sçavez tres-bien, que nous avons deux amours en nous, l'amour affectif et l'amour effectif; et cela est tant en l'amour que nous avons pour Dieu qu'en celuy que nous avons pour le prochain et pour nous-mesmes encore; mais nous ne parlerons que de celuy du prochain, et puis nous retournerons à nous-mesmes..

  A006000438 

 Si vous ne me demandez rien davantage, nous passerons à la seconde question, qui est si la tendreté que nous avons sur nous-mesmes nous empesche beaucoup au chemin de la perfection.

  A006000439 

 Considerez, je vous prie, la difference de ces deux amours; car bien que vous ayez veu la tendreté que ce pere a pour son petit, il ne laisse pourtant pas de faire dessein de le mettre hors de sa maison et le faire chevalier de Malte, destinant son aisné pour son heritier et successeur de ses biens.

  A006000439 

 Regardez, je vous prie, qu'est-ce qu'il ne permet pas à ce petit poupon de faire autour de luy: il le dorlotte, il le baise, il le tient sur ses genoux et entre ses bras avec une suavité nompareille, tant pour l'enfant que pour luy.

  A006000441 

 Je confesse que nos Sœurs ont bien grande raison de ne me pas vouloir recevoir, car je suis insupportable en mon defaut; mais je vous supplie de m'estre favorable, vous asseurant, si elles me reçoivent, exerçant ainsi leur charité en mon endroit, que j'auray un grand soin de ne les point incommoder, me sousmettant de tres-bon cœur à faire le jardin, ou à estre employée à d'autres offices quels qu'ils soyent qui me tiennent esloignée de leur compagnie, a fin que je ne les incommode point.

  A006000442 

 Et pourquoy, s'il est vray, ne voulez-vous pas qu'elle le pense? Mais quand je luy dis mon besoin, elle me fait un visage si froid qu'il semble qu'elle ne l'agrée pas.

  A006000442 

 Il se peut bien faire, ma chere fille, que la Superieure ayant assez d'autres choses en l'esprit, n'a pas tousjours attention à rire ou parler fort gracieusement quand vous luy dites vostre mal; et c'est ce qui vous fasche, et vous oste, dites-vous, la confiance de luy aller dire vos incommodités.

  A006000442 

 Si la Superieure ou la Maistresse ne vous ont pas si bien receuës comme vous voudriez, une fois, voire plusieurs, il ne faut pas se fascher pourtant, ni juger qu'elles fassent tousjours de mesme; ô non, Nostre Seigneur les touchera peut estre de son esprit de suavité pour les rendre plus agreables à vostre premier retour..

  A006000443 

 Il ne faut pas craindre non plus, encore qu'elles soyent un peu rigoureuses à faire la correction sur tel defaut; car, ma chere fille, vous ne leur ostez pas la confiance de vous la faire: allez donc tout simplement leur dire vostre mal.

  A006000443 

 Il ne faut pas estre aussi si tendres, que de vouloir tousjours dire toutes les incommodités que nous avons, quand elles ne sont pas d'importance: un petit mal de teste ou un petit mal de dens, qui sera peut estre bien tost passé, si vous le voulez porter pour l'amour de Dieu, il n'est pas besoin de l'aller dire pour vous faire un peu plaindre.

  A006000443 

 O ma chere fille, si cela estoit que vous le voulussiez souffrir pour l'amour de Dieu, comme vous pensez, vous ne l'iriez pas dire à une autre que vous sçavez bien qui se sentira obligée à declarer vostre mal à la Superieure; et par ce moyen vous aurez en biaisant le soulagement que tout à la [255] bonne foy vous eussiez mieux fait de demander simplement à celle qui vous pouvoit donner congé de le prendre; car vous sçavez bien que la Sœur à qui vous dites que la teste vous fait bien mal, n'a pas Je pouvoir de vous dire que vous vous alliez coucher.

  A006000443 

 Or, si c'est par rencontre que vous le dites, les Sœurs vous demandant peut estre comment vous vous portez à ceste heure là, il n'y a point de mal, pourveu que vous le disiez tout simplement, sans l'agrandir ou vous lamenter; mais hors de là, il ne faut le dire qu'à la Superieure ou à la Maistresse.

  A006000443 

 Peut estre que vous ne le direz pas à la Superieure ou à celle qui vous peut faire prendre du soulagement, mais ouy plus facilement aux autres, parce, dites-vous, que vous voulez souffrir cela pour Dieu.

  A006000444 

 Et bien, qu'importe? si vous n'avez pas assez de mal pour cela, il ne vous coustera guere de dire: Ma Mere ou ma Sœur, je n'ay pas assez de mal pour cela, ce me semble.

  A006000444 

 Et si elle dit apres que vous ne laissiez pas pourtant, vous irez tout simplement; car il faut observer tousjours une grande simplicité en toutes choses.

  A006000444 

 Je croy bien que vous prenez plus de plaisir et de confiance de dire vostre mal à celle qui n'est point chargée de vous faire prendre du soulagement qu'à celle qui a ce soin et ce pouvoir; car tandis que vous faites ainsi, chacun plaint ma Sœur telle, et se met-on en besogne pour pourvoir de remedes, au lieu que si vous le disiez à la Sœur qui a charge de vous, il faudroit entrer en sujetion de faire ce qu'elle ordonneroit: et cependant, c'est ceste benite sujetion que nous evitons tousjours de tout nostre cœur, l'amour propre recherchant d'estre gouvernante de nous-mesme et maistresse de nostre propre volonté.

  A006000444 

 Mais si je dis à la Superieure, repliquerez-vous, que j'ay mal à la teste, elle me dira [256] que je m'aille coucher.

  A006000445 

 Mais voyant une Sœur qui a quelque peine en l'esprit, ou quelque incommodité, n'avoir pas la confiance ou le courage de se surmonter à vous le venir dire, et vous appercevant bien que, faute de le faire, cela la porte à quelque humeur melancolique, devez-vous l'attirer ou bien la laisser venir d'elle-mesme? A cela, il faut que la consideration gouverne; car quelque fois il faut condescendre à leur tendreté en les appellant et s'informant qu'il y a, et d'autres fois il faut mortifier ces petites bijarreries en les laissant, comme qui diroit: Vous ne voulez pas vous surmonter à demander le remede propre à vostre mal, souffrez-le donc, à la bonne heure; vous meritez bien cela..

  A006000448 

 Or, que vous doit-il soucier qu'elle le pense ou qu'elle ne le pense pas? pourveu que vous fassiez vostre devoir, dequoy vous mettez-vous en peine? Ce que dira-t'on si je fais cecy ou cela? ou qu'est-ce que la Superieure pensera? est grandement contraire à la perfection quand on s'y arreste; car il faut tousjours se souvenir en tout ce que je dis, que je n'entens point parler de ce que fait la partie inferieure, car je n'en fais nul estat; c'est donc à la partie superieure que je dis qu'il faut mespriser ces que dira-t'on ou que pensera-t'on?.

  A006000448 

 Vous craignez, dites-vous, que la Superieure ne pense que vous n'ayez pas la confiance de le luy dire.

  A006000448 

 Vous demandez en apres, si la Superieure vous voyant plus triste que d'ordinaire, vous demande que vous avez, et vous voyant prou de choses en l'esprit qui vous faschent, vous ne pouvez pourtant dire ce que c'est, comment il faut que vous fassiez.

  A006000449 

 Cela vous vient quand vous avez rendu compte, parce que vous n'avez pas assez dit de fautes particulieres: vous pensez, dites-vous, que la Superieure dira ou pensera que vous ne luy voulez pas tout dire.

  A006000450 

 Il ne faut pas aussi estre si tendre à vouloir tout dire, ni recourir aux Superieurs pour crier holà! à la moindre petite peine que vous avez, laquelle peut estre sera passée dans un quart d'heure.

  A006000450 

 Mais quant à ceste peine que vous dites que vous avez, et laquelle vous oste le moyen de vous tenir attentive à Dieu si vous ne l'allez incontinent dire à la Superieure, je vous dis qu'il faut remarquer qu'elle ne vous oste pas peut estre l'attention à la presence de Dieu, ains plustost la suavité de ceste attention.

  A006000450 

 Or, si ce n'est que cela, si vous avez bien le courage et la volonté, ainsi que vous dites, de la souffrir sans rechercher du soulagement, je vous dis que vous ferez tres-bien de le faire, quoy qu'elle vous apportast un peu d'inquietude, pourveu qu'elle ne fust pas trop grande; mais si elle vous ostoit le moyen de vous tenir proche de Dieu, à ceste heure-là il la faudroit aller dire à la Superieure, non pas pour vous soulager, mais pour gagner chemin en la presence de Dieu, bien qu'il n'y auroit pas grand mal de le faire pour vous soulager..

  A006000452 

 Faisons du mieux que nous pourrons pour ne fascher personne; mais apres cela, s'il arrive que par vostre infirmité vous les mescontentiez quelque fois, recourez soudain à la doctrine que je vous ay si souvent preschée et que j'ay tant d'envie de graver en vos esprits.

  A006000452 

 Humiliez-vous soudain devant Dieu en recognoissant vostre fragilité et foiblesse, et puis reparez vostre faute, si elle le merite, par un acte d'humilité à l'endroit de la personne que vous avez peu fascher; et cela fait, ne vous troublez jamais, car nostre pere spirituel qui est l'amour de Dieu, nous le defend, en nous enseignant qu'apres que nous avons fait, l'acte d'humilité, ainsi que je dis, nous rentrions en nous-mesmes pour caresser tendrement et cherement ceste abjection bien-heureuse qui nous revient d'avoir failli, et ceste bien-aymée reprehension que la Superieure nous fera..

  A006000461 

 Ce que pour vous mieux faire entendre, il faut que je vous die ce que j'ay leu ces jours passés dans la Vie du grand saint Anselme, où il est dit que durant tout le temps qu'il fut Prieur et Abbé de son Monastere, il fut extremement aymé d'un chacun, parce qu'il estoit fort [266] condescendant, se laissant plier à la volonté de tous, non seulement des Religieux, mais aussi des estrangers.

  A006000461 

 Un autre venoit qui luy disoit: Mon Pere, cela vous fera mal; tout soudain il le quittoit.

  A006000462 

 O mes enfans, dit ce grand Saint, vous ne sçavez pas peut estre à quelle intention je le fais.

  A006000462 

 Outre cela, Nostre Seigneur n'a-t'il pas dit que si nous ne sommes faits comme un petit enfant nous n'entrerons point au Royaume des cieux? Ne vous estonnez donc point si je suis doux et facile à condescendre comme un enfant, puisqu'en cela je ne fais que ce qui m'a esté ordonné par mon Sauveur.

  A006000463 

 Voyez-vous, mes cheres Sœurs, le grand saint Anselme se sousmet à tout ce qui n'est point contre les commandemens de Dieu ou de la sainte Eglise ou contre les Regles; car ceste obeissance marche tous-jours devant.

  A006000464 

 Il n'y a pas aussi grand danger de passer ainsi ou ainsi les joncs à faire des nattes; mais il y auroit bien du danger si nous n'avions à cœur ceste [269] parole tant celebre du Sauveur: Si vous n'estes faits comme petits enfans, vous n'aurez point de part au Royaume de mon Pere.

  A006000464 

 Il y eut quelque Religieux qui luy dit: Mon Pere, vous faites deux maux condescendant à la volonté de cest enfant, car vous l'exposez au danger d'avoir de la vanité et vous gastez vos nattes; car elles estoyent mieux ainsi que vous les faisiez.

  A006000464 

 Saint Pachome faisant un jour des nattes, il y eut un enfant lequel regardant ce que faisoit le Saint, luy dit: O mon Pere, vous ne faites pas bien; ce n'est pas ainsi qu'il faut faire.

  A006000465 

 Mais comment par parole? Le conseil de l'abnegation de soy-mesme, qu'est-ce autre chose sinon renoncer en toute occasion à sa propre volonté et à son jugement particulier, pour suivre la volonté d'autruy et se sousmettre à tous, excepté tousjours ce en quoy l'on offenceroit Dieu? Mais, pourriez-vous dire, je vois clairement que ce que l'on veut que je fasse procede d'une volonté humaine et d'une inclination naturelle; et partant, Dieu n'a pas inspiré ma Mere ou ma Sœur de me faire faire une telle chose.

  A006000465 

 Non, peut estre que Dieu ne luy aura pas inspiré cela, mais ouy bien à vous de le faire, et y manquant, vous contrevenez à la determination de faire la volonté de Dieu en toutes choses, et par consequent au soin que vous devez avoir de vostre perfection.

  A006000467 

 Quelle apparence, je vous prie, y auroit-il de faire une heure de meditation pour cognoistre si c'est la volonté de Dieu que je boive quand l'on m'en prie, ou que je m'en abstienne par penitence ou sobrieté, et semblables petites choses lesquelles ne sont dignes de consideration, et principalement si je voy que je contenteray tant soit peu le prochain en les faisant?.

  A006000470 

 Je m'en vay vous donner encor un exemple admirable pour vous faire comprendre la valeur de ces petites croix, c'est à dire de l'obeissance, condescendance et souplesse à suivre la volonté d'un chacun, mais specialement des Superieurs.

  A006000470 

 Que pensez-vous donc que faisoit la pauvre fille pour devenir sainte? Rien autre chose que de se [273] sousmettre bien simplement à la volonté de la Mere.

  A006000471 

 Dites à la bonne foy à vostre confesseur tout ce qui vous fera de la peine, si vous voulez; mais derechef je vous dis, gardez-vous bien de parler ni du tiers ni du quart..

  A006000471 

 Et non seulement cela, mais encores il les faut regarder comme lieutenans de Dieu en terre; et partant, encor qu'il leur arrivast quelquesfois de se monstrer hommes, commettant quelques imperfections, comme demandant quelque chose curieuse qui ne seroit pas de la confession, comme seroit vos noms, si vous faites des penitences, pratiquez des vertus et quelles elles sont, si vous avez quelques tentations et choses semblables, je voudrois respondre selon qu'ils [274] le demandent, bien qu'on n'y soit pas obligé; car il ne faut pas leur dire qu'il ne vous est pas permis de leur dire autre chose que ce dont vous vous estes accusées.

  A006000471 

 O non, jamais il ne faut user de ceste défaitte, car cela n'est pas vray; vous pouvez dire tout ce que voudrez en confession, pourveu que vous ne parliez que de ce qui regarde vostre particulier, et non pas ce qui concerne, le general de vos Sœurs.

  A006000471 

 Que si vous craignez de dire quelque chose de ce qu'ils vous demandent, de peur de vous embarrasser, comme seroit de dire que vous avez des tentations, si vous apprehendez de les dire, au cas qu'ils les voulussent sçavoir par le menu, vous pourrez leur respondre: J'en ay, mon Pere, mais par la grace de Dieu, je ne pense pas y avoir offencé sa Bonté; mais jamais ne dites qu'on vous a defendu de vous confesser de cecy ou de cela.

  A006000472 

 Estimez cependant beaucoup, et faites grand estat de tout ce qui vous sera dit en Confession; car vous ne sçauriez croire le grand profit qu'il y a en ce Sacrement pour les ames qui y viennent avec l'humilité requise.

  A006000472 

 Les confesseurs n'ont pas tousjours intention de vous obliger sur peine de peché à ce qu'ils vous disent; il faut recevoir leurs conseils par maniere de simple [275] direction.

  A006000472 

 S'il arrive qu'ils vous donnent quelque conseil contre vos Regles et vostre maniere de vivre, escoutez-les avec humilité et reverence, et puis vous ferez ce que vos Regles permettront et non autre.

  A006000472 

 S'ils vous vouloyent donner pour penitence quelque chose qui fust contre la Regle, priez-les tout doucement de changer ceste penitence en une autre, d'autant qu'estant contre la Regle, vous craindriez de scandaliser vos Sœurs si vous le faisiez.

  A006000472 

 Si par son defaut il vous arrivoit quelque chose en confession, vous pourriez dire tout simplement à la Superieure que vous desirez bien, s'il luy plaisoit, de vous confesser à quelque autre, sans dire autre chose; car ainsi faisant, vous ne descouvrirez pas l'imperfection du confesseur, et si, aurez la commodité de vous confesser à vostre gré.

  A006000474 

 Dites seulement le mal que vous avez fait, et non pas la cause et ce qui vous y a poussée; et jamais, ni directement ni indirectement, ne descouvrez le mal des autres en accusant le vostre, et ne donnez jamais sujet au confesseur de soupçonner qui c'est qui a contribué à vostre peché.

  A006000474 

 Par exemple, ayant à vous confesser dequoy vous avez murmuré en vous-mesme ou bien avec les Sœurs de ce que la Superieure vous a parlé trop sechement, n'allez pas dire que vous avez murmuré de la correction trop brusque qu'elle vous a fait, mais simplement que vous avez murmuré contre la Superieure.

  A006000474 

 Vous avez eu des pensées d'imperfection sur le prochain, des pensées de vanité, voire mesme de plus mauvaises; vous avez eu des distractions en vos oraisons; si vous vous y estes arrestées deliberément, dites-le à la bonne foy, et ne soyez pas contentes de dire que vous n'avez pas apporté assez de soin à vous tenir recolligées durant le temps de l'oraison; mais si vous avez esté negligentes à rejetter une distraction, dites-le, car ces accusations generales ne servent de rien à la confession..

  A006000475 

 Je voudrois bien encor, mes cheres filles, qu'en ceste maison l'on portast grand honneur à ceux qui vous annoncent la parole de Dieu.

  A006000479 

 Aussi feroit-on un tres-grand mal d'aller dire à un confesseur: J'ay bien encore quelque faute, mais ma Superieure m'a defendu de m'en confesser; car outre que cela n'est nullement vray, vous obligez le confesseur à vous faire dire ceste faute, à laquelle peut estre, ne cognoissant [279] ni le fond ni l'estat de vostre ame, ni la rondeur de vostre maniere de vie, il y croira trouver du peché, et se mettra à blasmer la Superieure d'imprudence, d'ignorance et d'un mauvais gouvernement, murmurant contre vostre Institut, lequel en verité vous donne autant ou plus de liberté pour la conscience qu'en puissent avoir aucunes Religieuses.

  A006000479 

 Et premierement je vous dis que c'est une liberté toute sainte et de la sacrée enfance spirituelle enseignée en l'Evangile, que celle que vous avez d'aller demander en simplicité de cœur à la Superieure, ou Directrice quant aux Novices, en quelle façon vous vous confesserez de certaines choses où quelquefois vous vous trouvez embrouillées.

  A006000479 

 Jamais vos Superieures ne vous pressent de leur dire ce que vous ne leur voulez pas dire, ni jamais elles ne vous defendent de dire ce que vous voulez dire de vostre conscience à vos confesseurs ordinaires et extraordinaires..

  A006000479 

 Or, quand l'on vous dira que l'on ne croit pas qu'il y ait matiere de confession, l'on ne vous dit pas pour cela de ne vous en confesser point.

  A006000479 

 Vous me voulez aujourd'huy interroger de la Confession; j'en suis content, mes cheres filles.

  A006000480 

 Mais je vous ay aussi dit que vous n'avez aucune obligation sur peine de peché de tout dire à la Superieure; beaucoup moins estes-vous gehennées à ne dire point cecy ou cela au confesseur; [280] dites-luy à la bonne heure tout ce que vous voudrez, mais ne parlez que de vous et de ce qui appartient à la confession..

  A006000480 

 Mais les fantasies de l'esprit humain sont estranges, pour peu que l'on les escoute! Je vous ay dit maintesfois, mes tres-cheres filles, que c'est la voye du Ciel que la simplicité, que les Superieures sont les lieutenantes de Dieu; celles qui vont à cœur ouvert, franchement et confidemment avec elles, ont trouvé le grand secret pour maintenir la tranquillité et la paix de l'esprit, et elles n'en trouveront gueres ailleurs.

  A006000480 

 Que si vous demeurez si longuement en confession, que toute la Communauté en soit incommodée, et que la Superieure vous die que vous deviez demander à vous confesser la derniere, selon l'ordre de la maison, à fin que les Sœurs qui doivent aller selon leur rang ordinaire n'en soyent pas incommodées, elle ne vous demande pas pour cela: Que dites-vous, ou que ne dites-vous pas? Elle ne fait nul mal de vous ressouvenir qu'il faut que tout aille par ordre en la maison de Dieu.

  A006000484 

 Si l'obeissance où vous avez manqué est d'importance, dites quelle elle est tout simplement, et faites de mesme pour les autres manquemens.

  A006000485 

 Mais qui ne void que ce n'est ni les Regles ni les Constitutions qui font le peché, ains le mouvement de paresse par lequel vous desobeissez? Dites donc franchement vos mouvemens et vos fautes, particularisant quelles elles sont, quand elles sont un peu grosses et tirent consequence..

  A006000485 

 Par exemple, la cloche vous appelle à quelques exercices, et par paresse ou autre mauvais sujet vous n'y allez [282] pas: cela est un peché veniel.

  A006000488 

 Apres l'avoir confessée deux ou trois fois avec beaucoup d'attention, en fin je dis une fois à ceste bien-heureuse que je ne luy pouvois donner l'absolution, parce que les choses dont elle s'accusoit n'estoyent que minces imperfections et non peché, et luy en fis dire un qu'elle eust fait autres-fois, comme vous faites à la Visitation.

  A006000488 

 Elle s'estonna fort que je luy dis ne trouver pas peché veniel, et me remercia grandement de luy avoir donné ceste lumiere, m'asseurant qu'elle n'avoit jamais pensé à ceste distinction; par où vous voyez que cela est difficile, puisque ceste ame si sainte et si esclairée estoit neantmoins dans ceste ignorance..

  A006000488 

 En voicy un exemple: je viens vous dire qu'une telle personne vous salue, se recommande à vous, m'a parlé de vous avec estime, et de tout cela il n'en est rien: voilà un peché veniel tres-volontaire; mais je raconte quelque chose, et dans mon discours il se glisse quelques paroles qui ne sont pas du tout veritables, dont je ne m'apperçois qu'apres les avoir dites: voila une imperfection dont je ne suis pas obligé de me confesser, sinon que je n'eusse rien autre.

  A006000488 

 Il faut que je vous die une chose qui m'arriva à Paris, confessant la bien-heureuse Marie de l'Incarnation, qui estoit encore seculiere.

  A006000489 

 Ouy vrayement, ma tres-chere fille, vous pouvez vous approcher de la Communion avec un peché veniel, sinon que par humilité vous vous en voulussiez priver avec congé, ou bien demander licence de vous confesser; mais certes, je repugne fort que l'on se confesse plus souvent que les autres, cela ne sert qu'à donner soupçon que l'on a quelque grande chose..

  A006000490 

 Si neantmoins le scrupule est grand et la faute grosse, la Superieure trouvant bon que vous vous retiriez de la Communion, faites-le doucement, par reverence envers la grandeur et pureté de Dieu.

  A006000493 

 Ne voyez-vous pas que quand je presche au choeur devant les seculiers, comme [286] barbier, je ne fay point de mal? Je ne jette que des parfums, je ne parle que des vertus et des choses propres à consoler nos ames; je joüe un peu du flageolet, parlant des louanges que nous devons rendre à Dieu.

  A006000499 

 Je dis bien plus, car je vous asseure que nous prendrions plaisir à ne lire jamais qu'un mesme livre, pourveu qu'il fust bon et qu'il parlast de Dieu; ains, quand il n'y auroit que ce seul nom de Dieu nous serions contens, puisque nous trouverions tousjours assez de besogne à faire, apres l'avoir leu et releu plusieurs fois.

  A006000500 

 Si on vous en donne un que vous avez desja leu plusieurs fois, humiliez-vous, et vous asseurez [292] que c'est Dieu qui le veut ainsi à fin que vous vous amusiez plus à faire qu'à apprendre, et que sa Bonté vous le donne pour la seconde et troisiesme fois parce que vous n'avez pas fait vostre profit de la premiere lecture.

  A006000500 

 Vous donne-t'on un livre que vous sçavez desja tout ou presque tout par cœur? benissez-en Dieu, d'autant que vous comprendrez plus facilement sa doctrine.

  A006000501 

 Ceux qui sont fort doux tandis qu'ils n'ont point de contradiction, et qui n'ont point acquis ceste vertu l'espée au poing, ils sont voirement fort exemplaires et de grande edification; mais si vous venez à la preuve, vous les verrez incontinent remuer, et tesmoigner que leur douceur n'estoit pas une vertu forte et solide, ains imaginaire plustost que veritable..

  A006000501 

 Quant au premier poinct, c'est sans doute que vous ne vous devez nullement estonner de voir quelques imperfections ceans, de mesme qu'aux autres maisons religieuses pour parfaites qu'elles soyent; car vous ne le serez jamais tant que vous n'en fassiez tousjours quelques-unes par cy par là, selon que vous serez exercées.

  A006000503 

 Mais que faudroit-il faire si l'on voyoit de l'imperfection aux Superieures aussi bien qu'aux autres? ne faudroit-il pas s'en estonner? car on ne met pas des Superieures imparfaites, dites-vous.

  A006000504 

 Vous vous estonnez dequoy venant parler à la Superieure, elle vous dit quelque parole moins douce que l'ordinaire, parce qu'elle a peut estre la teste toute pleine de soucis et affaires; vostre amour propre s'en va tout troublé, au lieu de penser que Dieu a permis ceste petite secheresse à la Superieure pour mortifier vostre amour propre, qui recherchoit que la Superieure vous caressast un peu, recevant amiablement ce que vous luy vouliez dire.

  A006000505 

 Vous me demandez de plus, touchant ce poinct, si la Superieure ou la Directrice ne doit point tesmoigner de repugnance que les Sœurs voyent ses defauts, et que c'est qu'elle doit dire quand une fille se vient accuser tout simplement à elle de quelque jugement ou pensée qu'elle a fait, qui la marque d'imperfection; comme seroit si quelqu'une avoit pensé que la Superieure auroit fait une correction avec passion.

  A006000506 

 Voyez-vous, ceste petite vertu de l'amour de nostre abjection ne doit jamais s'esloigner de nostre cœur d'un pas, parce que nous en avons besoin à toute heure, pour avancés que nous soyons en la perfection, d'autant que nos passions renaissent, voire quelquesfois apres que nous avons vescu longuement en la Religion et apres avoir fait un grand progres en la perfection, ainsi qu'il advint à un Religieux de saint Pachome, nommé Sylvain, lequel estant au monde estoit comedien de profession; et, s'estant converti et fait Religieux, il passa l'année de sa probation, voire plusieurs autres apres, avec une mortification fort exemplaire, sans que l'on luy vist jamais faire aucun acte de son premier mestier.

  A006000509 

 Je vous diray à cela que les Superieurs doivent estre grandement affables aux seculiers à fin de leur profiter, et doivent de bon cœur leur donner une partie de leur temps.

  A006000509 

 Mais quelle pensez-vous devoir estre ceste petite partie? ce doit estre la douziesme, les unze restans pour estre employées dans la maison au soin de la famille.

  A006000509 

 Vous demandez en quatriesme lieu, s'il arrivoit un jour qu'une Superieure eust tant d'inclination de complaire aux personnes seculieres, sous pretexte de leur profiter, qu'elle en laissast le soin particulier qu'elle doit avoir des filles qui sont en sa charge, ou bien qu'elle n'eust pas assez de temps pour faire ce qui est des affaires de la maison, à cause qu'elle demeureroit trop longuement au parloir, si elle ne seroit pas obligée de retrancher ceste inclination, encore que son intention fust bonne.

  A006000511 

 Or, pour le regard de la derniere question, qui est si l'on ne doit pas tousjours faire quelque petite particularité à la Superieure de plus qu'au reste des Sœurs, tant au vestir qu'au manger, elle sera tantost resolue; car en un mot, je vous dis que non, en façon quelconque, si ce n'est de necessité, ainsi comme l'on fait à chacune des Sœurs.

  A006000512 

 Il y a de la superfluité en ceste jalousie, laquelle il faut retrancher; car à quel propos, je vous prie, vouloir celer au prochain ce qui luy peut profiter? Je ne suis pas de ceste opinion, car je voudrois que tout le bien qui est en la Visitation fust recognu et sceu d'un chacun, Et pour cela, j'ay tousjours esté de cest advis, qu'il seroit bon de faire imprimer les Regles et Constitutions, à fin que plusieurs les voyant en puissent tirer quelque utilité.

  A006000512 

 Mais vous dites qu'il y en a qui sont tellement jalouses de cest esprit, qu'elles ne le voudroyent point communiquer hors de la maison.

  A006000517 

 A plus forte raison sommes-nous obligés de couvrir ceux du prochain, luy en faisant toutes-fois la correction fraternelle, ainsi que la Constitution vous enseigne.

  A006000517 

 Car voyez-vous, mes tres-cheres filles, [305] nous pouvons bien dire nos pechés veniels haut et clair à tout le monde pour nous humilier, mais non nos pechés mortels, parce que nous ne sommes pas maistres de nostre reputation.

  A006000517 

 Je vous dis que non, mes cheres filles, et que la Superieure ne vous le doit pas demander.

  A006000517 

 Une Sœur aura dit devant d'autres quelque parole qui part de passion, ou fait quelque petit murmure, quelque mine froide: ô cela vous le pouvez dire à la Superieure, voire mesme l'advertir en chapitre ou au refectoire..

  A006000519 

 Vous dites, si une Sœur n'avoit pas la confiance de parler à la Superieure, ou à l'Assistante en son absence, pour declarer le secret de son cœur, où neantmoins elle auroit besoin d'estre éclaircie, qu'est-ce qu'elle doit faire? Mes tres-cheres filles, il faut que la Superieure, ou l'Assistante en son absence, luy donne tres-facilement et cordialement permission de parler à qui elle voudra d'entre les Sœurs, sans en tesmoigner ni aversion ni secheresse de cœur, bien qu'il soit vray que si la Sœur continue, elle seroit imparfaite; car elle est obligée à regarder Dieu en ses Superieures et en ce qu'elles luy disent, et des particulieres ne la pourront servir si utilement.

  A006000520 

 Mais il vous vient en pensée: Ceste fille n'a pas assez de mal pour ne pas jeusner.

  A006000520 

 Nullement, mes cheres filles; mais je vous diray pourtant, que les Superieurs et Superieures approuvés du Pape peuvent pour la necessité, dispenser de certains commandemens de l'Eglise.

  A006000520 

 Ouy, mes cheres filles, si apres avoir representé une fois qu'il vous semble n'avoir pas assez de mal pour ne pas jeusner, la Superieure vous dit neantmoins que si, vous, obeissez sans scrupule; que si elle dit que vous fassiez selon que vous [308] jugerez et que vous vous sentirez, faites-le avec une sainte liberté..

  A006000520 

 Par exemple, un jour de jeusne particulier, comme une vigile, vous voyez une Sœur toute traisnante et langoureuse; vous pouvez et devez tout librement luy dire: Ne jeusnez pas.

  A006000520 

 Vous voulez encore sçavoir, si la Superieure vous commande quelque chose contre les commandemens de Dieu et de son Eglise, si vous devez obeir.

  A006000521 

 Il faut que je vous die encore, mes cheres filles, que la sainte Eglise n'est point si rigoureuse que l'on pourroit penser.

  A006000521 

 Si vous avez une Sœur malade de la fievre tierce seulement, et qu'un jour de feste son acces la deust prendre pendant la Messe, vous pouvez et devez perdre la Messe pour demeurer aupres d'elle, bien qu'en la laissant seule il ne luy en deust point arriver de mal; car voyez-vous, la charité et la sainte douceur de nostre bonne Mere l'Eglise sont par tout surnageantes.

  A006000530 

 Et quand je dis cecy, je ne parle pas seulement pour vous autres, mais encores pour les filles qui sont au monde, desquelles certes il faut avoir du soin, les aydant parmi leurs bons desseins.

  A006000531 

 Et bien, leur dis-je, cela n'est rien; dites-moy, n'avez-vous pas senti le mouvement ou l'inspiration dans vostre cœur pour la recherche d'un si grand bien? Ouy, disent-elles, il est bien vray, mais cela s'est aussi tost passé.

  A006000531 

 Ne vous souciez point, dis-je, de quel costé il vienne, car Dieu a plusieurs moyens d'appeller ses serviteurs et servantes à son service..

  A006000531 

 Ouy bien, leur dis-je, la force de ce sentiment; mais non pas en telle sorte qu'il ne vous en soit demeuré quelque affection.

  A006000533 

 Vous aurez leu ce que raconte Platus, d'un gentilhomme brave selon le monde, lequel s'estant un jour bien paré et frisé, estant sur un beau cheval bien empannaché, taschoit par tous moyens de plaire aux dames qu'il muguettoit; et comme il bravoit, voila que son cheval le renverse par terre au milieu de la fange, d'où il sortit tout sale et crotté.

  A006000534 

 J'ay apprins de bonne part qu'un gentilhomme de nostre âge, brave d'esprit et de corps, de fort bon lieu, voyant passer des Peres Capucins, dit aux autres seigneurs avec lesquels il estoit: Il me prend envie de sçavoir comme vivent ces pieds deschaux et de me rendre parmi eux, non point à dessein d'y tousjours demeurer, mais seulement pour un mois ou trois semaines, à fin de mieux remarquer ce qu'ils font, pour puis apres m'en rire et mocquer avec vous autres.

  A006000536 

 Et tout ainsi qu'une personne qui ne sçait que c'est de la menuyserie, voyant quelque bois tortu en la boutique d'un menuysier, s'estonneroit de luy entendre dire que c'est pour faire quelque beau chef-d'œuvre (car, diroit-il, si cela est comme vous dites, combien de fois faudra-t'il passer le rabot par dessus, avant que d'en pouvoir faire un tel ouvrage?) ainsi, pour l'ordinaire, la divine Providence fait des beaux chefs-d'œuvre avec ces intentions tortues et sinistres, comme il fait entrer [319] en son festin les boiteux et les aveugles, pour nous faire voir qu'il ne sert de rien d'avoir deux yeux ou deux pieds pour aller en Paradis; qu'il vaut mieux aller en Paradis avec une jambe, un œil, un bras que d'en avoir deux et se perdre.

  A006000539 

 Ne laissez pas pour cela, si vous voyez qu'elle ayt ceste volonté constante de vouloir servir Dieu et se perfectionner, de luy donner vostre voix; car si elle veut recevoir les aydes que Nostre Seigneur infailliblement luy donnera, elle perseverera.

  A006000539 

 Que si, apres quelques années, elle perd la perseverance, à son dam! vous n'en estes pas la cause, ains elle-mesme.

  A006000540 

 Elles ressemblent à saint Jean et à saint Jacques, auxquels Nostre Seigneur dit: Pourrez-vous bien boire le calice de ma Passion? Ils respondirent hardiment et franchement qu'ouy, et la nuict de la Passion ils l'abandonnerent.

  A006000541 

 Et que la prudence humaine ne me vienne point icy dire: Et s'il se presentoit tous-jours telle sorte de gens, les faudroit-il tous jours recevoir? et si toutes estoyent aveugles ou malades, qui les serviroit? Or, ne vous mettez point en peine de cela, car il n'arrivera pas: laissez-en le soin à la divine Providence qui sçaura bien y pourvoir, et y appeller les fortes, necessaires à leur service.

  A006000546 

 L'on ne sçait, direz-vous, si cela procede faute de volonté de se guerir, ou bien qu'elle ne comprenne pas en quoy consiste la vraye vertu.

  A006000546 

 Or, si apres luy avoir fait bien entendre ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amendement, elle ne le fait pas ains se rend incorrigible, il la faut rejetter; sur tout parce que ses fautes, ainsi que vous dites, ne procedent pas faute de jugement ni de pouvoir comprendre en quoy consiste la vraye vertu, ni moins encore ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amendement; mais que c'est par le defaut de la volonté, qui n'a point de perseverance ni de constance à faire et à se servir de ce qu'elle sçait estre requis pour son amendement; encore qu'elle dise quelquefois qu'elle fera mieux, neantmoins ne le fait pas, ains persevere [330] en ceste inconstance de volonté, je ne luy donnerois pas ma voix..

  A006000547 

 Vous dites encor qu'il y en a de si tendres, qu'elles ne peuvent supporter qu'on les corrige, sans se troubler, et que cela les rend souvent malades.

  A006000549 

 Voyez-vous, ceste inclination est la derniere piece de nostre renoncement; car avant que l'on puisse arriver à ce point de n'avoir aucune inclination à l'une plus qu'à l'autre, et que ces affections soyent tellement mortifiées qu'elles ne paroissent point, il y faut du temps.

  A006000550 

 En fin, direz-vous, si le sentiment des autres Sœurs estoit tout contraire à ce que l'on sçait, et qu'il nous vinst inspiration de dire quelque chose que nous avons recognu qui est à l'advantage de la Sœur, faudroit-il laisser de le dire? Non, quoy que le sentiment des autres soit tout contraire au vostre et que vous soyez seule en ceste opinion; car cela pourra servir encor aux autres pour se resoudre à ce qu'elles doivent faire.

  A006000550 

 Or, ceste inclination que vous avez, que les autres donnent leur voix ou qu'elles ne la donnent pas, combien que vous donniez ou ne donniez pas la vostre, doit estre mesprisée et rejettée comme une autre tentation.

  A006000557 

 Vous cognoistrez cela si, quand vous desirez de vous communier, l'on ne le vous permet pas; ou bien si apres la sainte Communion vous n'avez point de consolation, et que pour cela vous ne laissez pas de demeurer en paix, sans consentir aux attaques qui pourroyent vous en venir.

  A006000557 

 [338] Mais si, au contraire, vous consentez à l'inquietude dequoy l'on vous a refusé de communier, ou dequoy vous n'avez pas eu de la consolation, qui ne void que vostre intention estoit impure, et que vous ne cherchiez de vous unir à Dieu, ains aux consolations, puisque vostre union avec Dieu se doit faire sous la sainte vertu d'obeissance? Et tout de mesme, si vous desirez la perfection d'un desir plein d'inquietude, qui ne void que c'est l'amour propre, qui ne voudroit pas que l'on vist de l'imperfection en nous? S'il estoit possible que nous peussions estre autant agreables à Dieu estans imparfaits comme estans parfaits, nous devrions desirer d'estre sans perfection, à fin de nourrir en nous par ce moyen la tres-sainte humilité..

  A006000560 

 Les personnes les plus spirituelles se reservent pour l'ordinaire la volonté d'avoir des vertus; et quand elles vont à la Communion: O Seigneur, disent-elles, je m'abandonne entierement entre vos mains, mais plaise vous me donner la prudence pour sçavoir vivre honnorablement; mais de simplicité, ils n'en demandent point.

  A006000560 

 Mais, outre ces trois preparations, je vous veux dire en un mot que la principale est l'abandonnement total de nous-mesmes à la mercy de Dieu, sousmettans sans [339] reserve quelconque nostre volonté et toutes nos affections à sa domination.

  A006000563 

 Cela s'entend, que vous ayez l'intention de prier Dieu qu'il donne la vertu ou la grace que vous luy demandez pour vous, à tous ceux qui en ont la mesme necessité, et que ce soit tousjours pour vous unir davantage avec luy; car autrement nous ne devons demander ni desirer aucune chose ni pour nous ni pour le prochain, puisque c'est la fin pour laquelle les Sacremens sont institués.

  A006000563 

 En fin, il faut qu'en toutes les prieres et demandes que vous ferez à Dieu, vous ne les fassiez pas seulement pour vous, ains que vous observiez de dire tousjours nous, comme Nostre Seigneur nous l'a enseigné en l'Oraison dominicale, où il n'y a ni mien, ni mon, ni moy.

  A006000565 

 Ne voyez-vous pas qu'il est dit que quiconque s'humiliera sera exalté? estre exalté c'est estre advancé.

  A006000565 

 Si vous devenez par le moyen de la tres-sainte Communion, fort douce (puisque c'est la vertu qui est propre à ce Sacrement, [343] qui est tout doux, tout suave, tout miel), vous retirerez le fruict qui luy est propre, et ainsi vous vous advancerez; mais si, au contraire, vous ne devenez point plus humble ni plus douce, vous meritez que l'on vous leve le pain, puisque vous ne voulez pas travailler..

  A006000565 

 Vous le cognoistrez si vous vous advancez par les vertus qui leur sont propres: comme si vous tirez de la Confession l'amour de vostre propre abjection et l'humilité, car ce sont les vertus qui luy sont propres; et c'est tousjours par la mesure de l'humilité que l'on recognoist nostre advancement.

  A006000565 

 Vous voudriez peut estre sçavoir comme vous cognoistrez si vous profitez par le moyen de la reception des Sacremens.

  A006000568 

 Pour tant de petits et legers defauts, vous en pouvez parler avec Nostre Seigneur toutes les fois que vous les appercevrez: un abaissement d'esprit, un souspir suffit pour cela..

  A006000569 

 Je vous dis qu'il ne faut presque point de temps pour le bien faire, puisqu'il ne faut autre chose que se prosterner devant Dieu en esprit d'humilité et de repentance de l'avoir offencé..

  A006000569 

 Vous demandez comment vous pourrez faire vostre acte de contrition en peu de temps.

  A006000570 

 Je le veux bien; et je vous dis premierement qu'il faut se preparer pour le dire, dés l'instant que l'on entend la cloche qui nous y appelle, et faut, à l'imitation de saint Bernard, demander à nostre cœur que c'est qu'il va faire.

  A006000570 

 Quand l'on dit: Deus in adjutorium meum intende, il faut penser que Nostre Seigneur nous dit reciproquement: Et vous, soyez attentifs à moy..

  A006000570 

 Vous desirez en second lieu que je vous parle de l'Office.

  A006000572 

 Que si vous dormez [346] le long d'une bonne partie de l'Office, encor que vous disiez les versets de vostre chœur, vous estes obligée de le redire; mais quand l'on fait des choses qui sont necessaires d'estre faites en l'Office, comme de tousser ou cracher, ou bien que la maistresse des ceremonies parle pour ce qui est de l'Office, alors on n'est point obligé de le redire..

  A006000573 

 Quand l'on entre au chœur, l'Office estant un peu commencé, il faut se mettre en son rang avec les autres et suivre l'Office avec elles; et apres qu'il est dit, il faut reprendre ce que le chœur avoit desja dit devant que vous y fussiez, finissant où vous l'avez pris; sinon, il faut dire bas ce que le chœur a dit, puis, l'ayant atteint, continuer avec luy en cas que vostre assistance y soit vrayement necessaire..

  A006000574 

 Il ne faut pas redire son Office pour avoir esté distraitte en le disant, pourveu que ce ne soit pas volontairement; et encor que vous vous trouvassiez à la fin de quelque Psalme sans estre bien asseurée si vous l'avez dit, parce que vous avez esté distraitte sans y penser, ne laissez pas de passer outre, vous humiliant devant Dieu.

  A006000575 

 Vous voulez que je vous die quelque chose de l'oraison Plusieurs se trompent grandement, croyant qu'il [347] faut beaucoup de methode pour la bien faire, et s'empressent pour trouver un certain art qu'il leur semble estre necessaire de sçavoir, ne cessant jamais de subtiliser et pointiller autour de leur oraison pour voir comme ils la font ou comme ils la pourront faire à leur gré; et pensent qu'il ne faille tousser ni se remuer durant icelle, de crainte que l'Esprit de Dieu ne se retire: folie certes tres-grande, comme si l'Esprit de Dieu estoit si delicat qu'il dépendist de la methode et contenance de ceux qui font l'oraison.

  A006000579 

 Il est vray ce que vous dites, qu'il y a des ames lesquelles ne peuvent s'arrester ni occuper leurs esprits sur aucun mystere, estant attirées à certaine simplicité toute douce qui les tient en grande tranquillité devant [349] Dieu, sans autre consideration que de sçavoir qu'elles sont devant luy et qu'il est tout leur bien.

  A006000581 

 Mais pour les autres manieres d'oraison plus relevée, sinon que Dieu les donne absolument, je vous prie que l'on ne s'y ingere point de soy-mesme et sans l'advis de ceux qui conduisent..

  A006000597 

 Vous entendez donc combien la dignité de saint Joseph estoit relevée, et combien il estoit rempli de toutes sortes de vertus; neantmoins, vous voyez d'ailleurs combien il estoit rabaissé, et humilié plus qu'il ne se peut dire ni imaginer.

  A006000604 

 Pour ce qui est de sa constance, combien je vous prie, la fit-il paroistre lors que voyant Nostre Dame enceinte, et ne sçachant point comment cela se pouvoit faire, mon Dieu, quelle detresse, quel ennuy, quelle peine d'esprit n'avoit-il pas? Neantmoins il ne se plaint point, il n'en est point plus rude ni plus mal gratieux envers son Espouse, il ne la maltraitte point pour cela, demeurant aussi doux et aussi respectueux en son endroit qu'il souloit estre.

  A006000606 

 Je vous laisse à penser quel desir devoit avoir saint Joseph de s'en retourner, à cause des continuelles craintes qu'il pouvoit avoir emmi les Egyptiens.

  A006000606 

 Si saint Paul a tant admiré l'obeissance d'Abraham lors que Dieu luy commanda de sortir de sa terre, d'autant que Dieu ne luy dit pas de quel costé il iroit, ni moins Abraham ne luy demanda pas: Seigneur, vous me dites que je sorte, mais dites-moy donc si ce sera par la porte du midy ou du costé de la bise, ains il se mit en chemin, et alloit selon que l'Esprit de Dieu le conduisoit, combien est admirable ceste parfaite obeissance de saint Joseph! L'Ange ne luy dit point jusques à quand il demeureroit en Egypte, et il ne s'en enquiert pas.

  A006000607 

 Et ne le voyez-vous pas? regardez comment l'Ange le tourne à toutes mains.

  A006000609 

 Je vous ay porté entre mes bras, maintenant prenez-moy sur les vostres; et comme j'ay eu soin de vous nourrir et conduire durant le cours de vostre vie mortelle, prenez soin de moy et de me conduire en la vie immortelle.

  A006000609 

 Maintenant que vous devez aller au Ciel, conduisez-moy avec vous: je vous receus en ma famille, recevez-moy maintenant en la vostre, puisque vous y allez.

  A006000609 

 Que nous reste-t'il plus à dire maintenant, sinon que nous ne devons nullement douter que ce glorieux Saint n'ayt beaucoup de credit dans le Ciel aupres de Celuy qui l'a tant favorisé que de l'y eslever en corps et en ame; ce qui est d'autant plus probable que nous n'en avons nulle relique ça bas en terre, et il me semble que nul ne peut douter de ceste verité; car, comme eust peu refuser ceste grace à saint Joseph Celuy qui luy avoit esté si obeissant tout le temps de sa vie? Sans doute que Nostre Seigneur descendant au Limbe, fut arraisonné par saint Joseph en ceste sorte: Mon Seigneur, ressouvenez-vous, s'il vous plaist, que quand vous vinstes du Ciel en terre je vous receus en ma maison, en ma famille, et que dés que vous fustes né je [369] vous receus entre mes bras.

  A006000614 

 La question que nostre Mere me fait, de vous declarer, mes cheres filles, la pretention que l'on doit avoir pour entrer en Religion, est bien la plus importante, la plus necessaire et la plus utile qui se puisse faire.

  A006000615 

 Il me vient en l'esprit deux similitudes pour vous donner à entendre sur quoy et comment vostre pretention doit estre fondée pour estre solide; mais je me contenteray d'en expliquer une qui suffira.

  A006000615 

 Je veux croire, mes cheres filles, que vos pretentions sont toutes autres, et partant que vous avez toutes bon cœur et que Dieu benira ceste petite troupe commençante.

  A006000616 

 Je dis donc, mes cheres filles, que nostre unique pretention doit estre de nous unir à Dieu comme Jesus Christ s'est uni à Dieu son Pere, qui a esté en mourant sur la croix; car je n'entens point vous parler de ceste union generale qui se fait par le Baptesme, où les Chrestiens s'unissent à Dieu en prenant ce divin Sacrement et caractere du Christianisme, et s'obligent à garder ses commandemens, ceux de la sainte Eglise, s'exercer aux bonnes œuvres, pratiquer les vertus de la foy, esperance et charité; et partant leur union est valable, et peuvent justement pretendre au Paradis, S'unissant par ce moyen à Dieu comme à leur Dieu, ils ne sont point obligés à davantage; ils ont atteint leur but par la voye generale et spacieuse des commandemens.

  A006000616 

 Mais quant à vous, mes cheres filles, il n'en va pas ainsi; car outre ceste commune obligation que vous avez avec tous les Chrestiens, Dieu, par un amour tout special, vous a choisies pour estre ses cheres espouses..

  A006000617 

 C'est pourquoy vous voyez que la Religion vous fournit de moyens tous propres à cest effet, qui sont l'oraison, les lectures, silence, retraitte du propre cœur pour se reposer en Dieu seul, elancemens continuels à Nostre Seigneur.

  A006000617 

 Par consequent, vous qui pretendez à l'habit, et vous autres qui pretendez la sainte Profession, regardez bien plus d'une fois si vous avez assez de resolution pour mourir à vous-mesmes et ne vivre qu'à Dieu.

  A006000617 

 Pesez bien le tout; le temps est encore long pour y penser, avant que vos voiles soyent teints en noir; car je vous declare, mes cheres filles, et je ne vous veux point flatter, quiconque desire vivre selon la nature, qu'il demeure au monde; et ceux qui sont determinés de vivre selon la grace, viennent en la Religion, laquelle n'est autre chose qu'une escole de l'abnegation et mortification de soy-mesme: c'est pourquoy vous voyez qu'elle vous fournit de plusieurs outils de mortification, tant interieurs qu'exterieurs..

  A006000618 

 Mais, mou Dieu! me direz-vous, ce n'est pas cela que je cherchois; je pensois qu'il suffisoit pour estre bonne Religieuse, d'avoir desir de bien faire l'oraison, avoir des visions et revelations, voir des Anges en forme d'homme, estre ravie en extase, aymer bien la lecture des bons livres.

  A006000618 

 Pensez-vous que ces bons Religieux du desert qui sont parvenus à une si grande union avec Dieu, y soyent arrivés en suivant leurs inclinations? Certes nenny; ils se sont mortifiés es choses les plus saintes, et bien qu'ils eussent grand goust à chanter les divins cantiques, à lire, prier et autres choses, ils ne le faisoyent point pour se contenter eux-mesmes.

  A006000620 

 Je vous asseure de la part de Dieu, que si vous estes fidelles à faire ce qu'elles vous enseignent, vous parviendrez sans doute au but que vous devez pretendre, qui est de vous unir à Dieu.

  A006000620 

 Mais comment, me direz-vous, le destruire? Comment, mes cheres filles? par l'obeissance ponctuelle à vos Regles.

  A006000620 

 Quand vostre Regle vous dit « que l'on demande les livres à l'heure assignée, » pensez-vous que ce soit pour l'ordinaire ceux qui vous contentent le plus que l'on vous donne? Nullement, ce n'est pas là l'intention de la Regle; et ainsi des autres exercices.

  A006000620 

 Vous devez sçavoir que nulle personne sage ne met point le vin nouveau dans un vieil vaisseau; la liqueur du divin amour ne peut entrer où le vieil Adam regne, il faut de necessité le destruire.

  A006000621 

 Certes, ma chere fille, facilement je vous croy; c'est chose qui ne s'apporte point du monde à la Religion.

  A006000621 

 Je vous en dis de mesme de la sainte humilité et douceur, fondement de ceste Congregation: Dieu nous les donnera infailliblement, pourveu que nous ayons bon cœur et fassions nostre possible pour les acquerir.

  A006000621 

 Vous estimez peut estre que la perfection se doit trouver toute faite, et qu'il ne faille faire autre chose que de la mettre sur nostre teste comme une autre robbe; nenny, mes cheres filles, nenny, il n'en va pas ainsi.

  A006000622 

 Je vous ay dit plusieurs fois que la Religion est une escole où l'on apprend sa leçon: le maistre ne requiert pas tousjours que les escoliers sçachent sans faillir leur leçon, il suffit qu'ils ayent attention de faire leur possible pour l'apprendre.

  A006000622 

 Vos passions parfois vous font teste, et pour cela vous direz: Je ne suis pas propre pour la Religion à cause que j'ay des passions; non, mes cheres filles, il n'en va pas ainsi.

  A006000622 

 Vous me dites, ma Mere, que nos Sœurs les Pretendantes sont de bonne volonté, mais que la force leur manque pour faire ce qu'elles voudroyent, et qu'elles ressentent leurs passions si fortes, qu'elles craignent bien de commencer à marcher.

  A006000622 

 Voyez-vous pas tous les jours les personnes qui apprennent à tirer des armes? ils tombent souvent; de mesme en font ceux qui apprennent à monter à cheval: mais ils ne se tiennent pas pourtant vaincus, car autre chose est d'estre quelquefois abbatus, et autre chose absolument vaincus.

  A006000623 

 Le monde se trompe en ceste pensée, Dieu ne rejette rien de ce où la malice ne se rencontre point; car dites-moy, je vous prie, que peut [378] mais une personne d'estre de telle ou telle temperature, sujette à telle ou telle passion? Le tout gist donc aux actes que nous en faisons par ce mouvement, lequel dépend de nostre volonté, le peche estant si volontaire que sans nostre consentement il n'y a point de peché.

  A006000623 

 On ne requiert pas de vous que vous n'ayez point de passions; il n'est pas en vostre pouvoir, et Dieu veut que vous les ressentiez jusques à la mort pour vostre plus grand merite; ni mesme qu'elles soyent peu fortes, car ce seroit dire qu'une ame mal habituée ne peut estre propre à servir Dieu.

  A006000624 

 A ce propos, il me vient en pensée de vous raconter une histoire qui vous est propre.

  A006000625 

 Cela est du devoir des nautonniers, qui voyant tousjours la belle estoille, ceste boussole du navire, sçavent qu'ils sont en bonne voye et disent aux autres qui sont en la barque: Courage, vous estes en bon chemin..

  A006000625 

 Pour celles que vous dites, ma Mere, qui ont de si grands desirs de leur perfection qu'elles veulent passer toutes les autres en vertu, elles font bien de consoler un peu leur amour propre; mais elles feront prou de suivre la Communauté en bien gardant leurs Regles, car c'est la droite voye pour arriver à Dieu.

  A006000625 

 Vous estes bien heureuses, mes cheres filles, au prix de nous autres dans le monde; lors que nous demandons le chemin, l'un dit: C'est à droite, l'autre: C'est à gauche, et en fin le plus souvent on nous trompe; mais vous autres, vous n'avez qu'à vous laisser porter.

  A006000625 

 Vous ressemblez à ceux qui cheminent sur mer; la barque les porte, et ils demeurent là dedans sans soin; en se reposant ils marchent, et n'ont que faire de s'enquerir s'ils sont bien en leur chemin.

  A006000626 

 Mais remarquez [380] que je vous dis: Marchez par l'observance ponctuelle et fidelle, car qui mesprisera sa voye sera tué, dit Salomon..

  A006000626 

 Suivez sans crainte ceste boussole divine, c'est Nostre Seigneur; la barque ce sont vos Regles; ceux qui la conduisent sont les Superieures, qui pour l'ordinaire vous disent: Marchez, nos Soeurs, par l'observance ponctuelle de vos Regles; vous arriverez heureusement à Dieu, il vous conduira seurement.

  A006000627 

 Mais prenez garde que s'il vous vient quelque goust interieur et caresse de Nostre Seigneur, de ne vous y attacher pas; c'est comme un peu d'anis confit que l'apothicaire met sur la potion amere du malade: il faut que le malade avale la medecine bien amere, pour sa santé, et bien qu'il prenne de la main de l'apothicaire ces grains sucrés, il faut par necessité qu'il ressente par apres les amertumes de la purgation..

  A006000627 

 Si vous faites ce qui vous est enseigné, mes cheres filles, vous serez tres-heureuses, vous vivrez contentes et experimenterez dés ce monde les faveurs du Paradis, au moins par petits eschantillons.

  A006000627 

 Soyez-y bien fidelles, et vous en rapporterez le fruict de benediction.

  A006000627 

 Vous dites, ma Mere, que nos Soeurs disent: Cela est bon de marcher par les Regles, mais c'est la voye generale.

  A006000628 

 Je vous envoyeray tous les jours de l'autel ma benediction, et ce pendant recevez-la au nom du Pere, du Fils et du Saint Esprit.

  A006000628 

 Tout nostre bon-heur consiste en la perseverance: je vous y exhorte, mes cheres filles, [381] de tout mon cœur, et prie sa Bonté qu'il vous comble de grace et de son divin amour en ce monde, et nous fasse tous jouïr en l'autre de sa gloire, A Dieu, mes cheres filles, je vous emporte toutes dans mon cœur; de me recommander à vos prieres ce seroit chose superflue, car je croy de vos pietés que vous n'y manquez point.

  A006000628 

 Vivez donc toute vostre vie et formez toutes vos actions selon icelle, et Dieu vous benira.

  A006000628 

 Vous voyez donc clairement quelle est la pretention que vous devez avoir pour estre dignes espouses de Nostre Seigneur, et pour vous rendre capables de l'espouser sur le mont de Calvaire.

  A006000633 

 Saint Paul pratiqua excellemment cest abandonnement au mesme instant de sa conversion; quand Nostre Seigneur l'eut aveuglé, il dit tout incontinent: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? et dés lors il demeura dans l'absolue dépendance de ce que Dieu ordonneroit de luy.

  A006000634 

 Vous me dites, s'il ne faut pas desirer les vertus, et que Nostre Seigneur a dit: Demandez, et il vous sera donné.

  A006000635 

 Mais pour l'employ exterieur, ne pourroit-on pas, dites-vous, desirer les charges basses parce qu'elles sont plus penibles et qu'il y a plus à faire et à s'humilier pour Dieu? Ma fille, David disoit qu'il aymoit mieux estre abject en la maison du Seigneur, que d'estre grand parmi les pecheurs; et: Il est bon, Seigneur, dit-il, que vous m'ayez humilié, à fin d'apprendre vos justifications. Or neantmoins, ce desir est fort suspect et peut estre une cogitation humaine.

  A006000635 

 Que si bien maintenant vous vous sentez la force de souffrir la mortification et l'humiliation, que sçavez-vous si vous l'aurez tousjours? Bref, il faut tenir le desir des charges, quelles qu'elles soyent, basses ou honnorables, pour tentation.

  A006000635 

 Que sçavez-vous si ayant desiré les charges basses, vous aurez la force d'agreer les abjections qui s'y rencontrent? il vous y pourra venir beaucoup de desgousts et d'amertumes.

  A006000636 

 Vous me demandez comme l'on peut pratiquer ce document de la sainte indifference dans les maladies.

  A006000640 

 Dites-vous ce que je desire qui vous demeure le plus engravé dans l'esprit, à fin de le mettre en pratique? Hé! que vous diray-je, mes tres-cheres filles, sinon ces deux cheres paroles que je vous ay desja tant recommandées: Ne desirez rien, ne refusez rien? En ces deux [388] mots je dis tout, car ce document comprend la pratique de la parfaite indifference.

  A006000667 

 Nous vous mandons, et par ces presentes, signees de nostre main, enjoignons que vous ayez à faire saisir et arrester tous les Exemplaires dudit livre, en quelque part qu'ils seront trouvez, et que vous contraigniez et fassiez contraindre tous ceux qui s'en trouveront saisis, de les vous delivrer, par toutes voyes dettes et raisonnables, pour estre lesdits Exemplaires supprimez, faisant faire, comme nous faisons par ces dictes presentes, tres-expresses deffences à tous Libraires et Imprimeurs, de reimprimer ledict livre, nonobstant ledict Privilege. et permission, que nous avons revoqué, revoquons, et à peine de confiscation des exemplaires, de cinq cens livres d'amande et autre plus grande peine s'il y eschet; nonobstant oppositions, ou Appellations quelconques, pour lesquelles ne sera differé, et dont si aucunes interviennent, Nous avons reservé et reservons la cognoissance, à Nous et à nostre Conseil, et icelle interditte à tous autres Juges.

  A006000730 

 Et qu'y ferois-je, ma fille? pas si bien que vous sans doute, car je ne [397] vaux rien; mais il me semble qu'avec la grace de Dieu, je me tiendrois si attentif à la pratique des petites et menues observances qui sont introduites ceans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Dieu.

  A006000730 

 Que dites-vous, ma chere fille Claude Simplicienne? que vous voulez tenir ma place ceans et faire ce que j'y ferois si j'y estois.

  A006000732 

 Voulez-vous que je vous die encore, ma tres-chere fille? Il m'est advis que je serois bien joyeux, et que je ne m'empresserais jamais; cela, Dieu mercy, je le fais desja, car jamais je ne m'empresse, mais je le ferois encore mieux..

  A006000734 

 Mais sçavez-vous encore, ma chere fille Simplicienne? j'espere que je laisserois bien faire de moy tout ce que l'on voudrait, et lirais souvent les chapitres De l'Humilité et De la Modestie, de nos Constitutions.

  A006000738 

 Et que c'est que je ferois? Je n'en sçay rien: qu'en peux-je sçavoir? Je ne ferois pas si bien que vous, car je suis un poltron, je ne vaux rien moy; [397] mais il m'est advis qu'avec la grace de Dieu, je me rendrois si attentif à la pratique des vertus et menues observances qui sont introduites là dedans, que par ce moyen je tascherois de gaigner le cœur de Nostre Seigneur.

  A006000738 

 Vous dites que vous feriez ce que je ferois si j'estois là dedans, ma chere fille.

  A006000742 

 Je lirois bien souvent le chapitre De l'Humilité et De la Modestie: et vous, ne les lisez-vous pas bien souvent? Quelquefois? Nous ferons prou, je le sçay bien moy, et Dieu nous aydera.

  A006000749 

 O Jesus, vous respondront-ils, excusez-moy, je ne vaux rien et ne suis que la misere mesme et imperfection; mais ce pendant ils sont extremement ayses de s'entendre louer, et encor plus si vous le croyez comme vous le dites.

  A006000749 

 Parlez à une femme la plus vaine du monde, à un courtisan de mesme humeur, dites-leur voir: Mon Dieu, que vous estes braves, que vous avez de merite! je ne vois rien qui approche de vostre perfection.

  A006000749 

 Voila donc comme ces termes d'humilité ne sont que sur le bout des levres et ne partent nullement de l'intime du cœur; car si vous les preniez au mot sur leurs fausses humiliations ils s'en offenceroyent, et voudroyent que tout sur le champ on leur fist reparation d'honneur.

  A006000750 

 Il faut donc avouer franchement et dire: Vous avez raison, vous me cognoissez extremement bien.

  A006000800 

 Les Filles de la Visitation doivent estre fort fermes en la foy, humbles dans la conversation, honnestes de paroles, justes és jugemens sur les deportemens du prochain, equitables és actions, [406] misericordieuses és œuvres, reglées és mœurs, patientes et courageuses és tribulations, maladies et infirmités, souples à tous les desseins et volontés de Dieu en toutes choses, douces et condescendantes au prochain, zelées pour la gloire de Dieu, ne cherchant qu'à luy plaire, unies inseparablement à son amour par une fidelité inviolable à ne s'attacher qu'à luy seul, à se tenir en sa presence, à le preferer à tout par un amour de surestime: c'est là l'esprit de vostre Congregation, mes cheres filles, et l'heritage que je vous laisse en vous disant le dernier adieu, avec ce souhait que vous soyez à jamais unies..

  A006000809 

 Et comme nous persistions à luy dire qu'il en serait incommodé, il nous dit: « Je suis trop bien, ne vous mettez pas en peine, conservez la paix du cœur.

  A006000809 

 » Et nous [407] dit avec une façon si pleine d'humilité et de douceur: « Je voy bien que vous avez envie de vous defaire de moy; mais, je vous prie, permettez que je loge là, et ne vous mettez nullement en peine que je ne sois pas bien; car en verité je couche à Neci dans une chambre qui est dix fois plus froide que celle-là.

  A006000810 

 Et comme il continuoit tousjours à nous parler de la tranquillité d'esprit, nous luy dismes: Monseigneur, nous vous supplions tres-humblement de nous en faire un Entretien, et comme il se faut comporter en la deposition des Superieures.

  A006000815 

 Il me dit: « Ne vous mettez pas en peine pour cela.

  A006000816 

 Le Fils de Dieu a dit: Si on vous demande vostre manteau, donnez encore vostre robe; si je le veux faire, on me dit que j'ay grand tort, que je ne me laisseray rien, que je suis desja assez pauvre.

  A006000816 

 Le Fils de Dieu a dit: Si on vous donne un soufflet, tendez l'autre joue; le monde ne veut point cela, ni ne veut supporter la moindre injure.

  A006000818 

 Et qu'ont à faire les servantes de Dieu d'estre importunées de mes infirmités? n'est-il pas mieux cent fois qu'elles demeurent en leur quietude et repos, que d'estre employées dans le tracas? Voyez-vous, ma fille, il est grandement important de ne point donner ceste ouverture aux confesseurs.

  A006000818 

 Je ne voudrais pas pourtant que vous commençassiez par celuy que vous avez maintenant; il est si bon et facile, qu'à mon advis il n'y a point de difficulté avec luy.

  A006000818 

 Puisque vous avez commencé à le nourrir, continuez, mais prenez garde pour les autres.

  A006000819 

 Il est vray, ma fille, que je ne trouve jamais à redire aux viandes, tant que je puis, sinon quelquefois qu'elles sont trop bonnes: ne faut-il pas faire ainsi, ma fille? Vous craignez qu'il ne fasse mal au cœur de nos Sœurs, de manger des entrées de table [411] faites des restes; il me fait mal à moy d'en entendre parler, mais d'en manger, jamais..

  A006000820 

 Ce que je dis aux Constitutions de ne point mettre de poupées sur l'autel, est parce que pour l'ordinaire elles sont mal faites et c'est une grande perte de temps, et que les filles naturellement se plaisent à cela; mais pour des anges et cherubins vous en pouvez mettre sans scrupule.

  A006000820 

 La pauvreté et la simplicité vous sont grandement recommandées; neantmoins, vous dites qu'il y a des Sœurs qui sur ce que je dis aux Constitutions, que la Congregation a un interest nompareil que la charge de la Sacristie soit passionement bien exercée, entendent qu'il faille avoir des grandes sollicitudes à fin que rien n'y manque et qu'il y ayt quantité de belles besognes.

  A006000821 

 Il respondit: « Il est vray, vous avez raison; quand les Superieures se tiennent bien unies avec Dieu, il ne manque pas de les enseigner.

  A006000821 

 Nous luy dismes un jour que nous craignions qu'il y eust bien du danger, quand les Superieures n'auroyent pas l'esprit de la Regle, « Que feriez-vous là? si elles sont fidelles à les observer, Dieu le leur donnera avec le temps.

  A006000824 

 Nous luy dismes: Monseigneur, quand vous aurez fait l'Entretien comme il se faut comporter és depositions et elections des Superieures nous ferons des merveilles à le bien pratiquer.

  A006000826 

 Quand on vous demande si vous direz tousjours le petit Office, dites que ouy, parce que vous esperez d'en obtenir la permission du Pape, et que vous l'avez desja pour dix ou douze ans; et c'est mon intention et mon desir que vous le disiez tousjours; mais si on me contrarioit je laisserois faire.

  A006000831 

 Si on le fait, ne vous en mettez pas en peine, non plus que si on vous mesprisoit, et n'amusez point vostre esprit à tout cela..

  A006000831 

 [414] Et quant à ce que vous me demandez s'il faut laisser de dire ses peines ou quelque chose qui feroit voir du bien en nous, crainte que vous avez de ne le pas sçavoir dire, et que vous donnez plustost suget de vous faire estimer que de vous accuser: ô ma fille, il se faut tousjours descouvrir naïfvement et simplement, tant du bien du mal, pourveu que vous n'ayez pas intention de vous faire estimer.

  A006000832 

 Et s'il vous semble que vous vous amendez de vos imperfections plustost pour la repugnance que vous avez de ce qu'on vous reprend, que pour Dieu, ne faites nul estat de cela; dressez vostre intention, et il n'y aura point de mal.

  A006000832 

 Il suffit de faire toutes vos actions pour Dieu tout simplement; et quand mesme vous n'auriez pas pensé de dresser vostre intention avant que de faire et commencer vostre action, il suffit de le faire apres, et n'en recevez aucun scrupule: l'intention generale que nous faisons le matin suffit.

  A006000832 

 Ma chere fille, le desir des choses eternelles doit accoiser vostre esprit, [415] sans vous soucier d'avoir du sentiment; et mesme l'on doit croire qu'on n'est pas digne de l'avoir..

  A006000832 

 Si bien vous faites des fautes par le mouvement de vostre sentiment, n'y regardez pas de si pres, et vous destournez de toutes ces reflexions; il faut tendre au blanc de la perfection, et ne pas s'estonner si nous ne rencontrons pas selon nostre desir.

  A006000833 

 Allez tout simplement, sans croire que vous vous servez du pretexte de l'obeissance pour vous satisfaire; quand vostre volonté n'y est pas il n'y a nul danger, c'est trop subtiliser..

  A006000833 

 Ne recevez point ces scrupules; mangez pour Dieu, et vous tenez en repos.

  A006000834 

 Et ne dites jamais que vous ne pouvez pas faire quelque chose, car nous pouvons tousjours quand nous voulons: ce seroit dire que Nostre Seigneur eust mis quelque impossibilité, ce qui n'est pas.

  A006000838 

 Ma fille, ne vous privez pas de la Communion par amertume de cœur, mais quand vous sentez cela, il s'en faut approcher pour se fortifier, et s'unir à Dieu par l'esprit de douceur.

  A006000839 

 Dieu vous a fait une grande grace de vous avoir appellée en son service dés vostre jeune âge; remerciez l'en bien de toutes les forces de vostre ame..

  A006000842 

 Quand ces pensées vous arrivent, il faut faire un simple abaissement de vostre esprit devant Dieu, de tous vos pechés, sans les particulariser, car ce seul acte suffit; pour l'ordinaire ces pensées ne nous servent que de distraction..

  A006000843 

 Vous serez en toutes vos actions en la presence de Dieu si vous les faites toutes pour Dieu.

  A006000845 

 Ne vous estonnez point des tentations; tenez-vous comme un vray neant; vuidez vostre cœur de toutes les affections mondaines et y gravez Nostre Seigneur crucifié; rendez-luy grace de vostre vocation et resolvez-vous d'obeir, car possible ne commanderez-vous jamais; et ne faites pas comme plusieurs qui disent: Je ne voudrois pas estre Superieure, mais tenez-vous tousjours en la sainte indifference: ni rien desirer, ni rien refuser..

  A006000846 

 Il ne faut jamais dire que nous ne pouvons pas faire quelque chose, mais vous faites bien de dire qu'il vous semble; car on peut tout en la grace de Dieu, lequel ne nous laisse pas en nos necessités..

  A006000846 

 Vous avez assez la lumiere pour voir en quoy consiste le bonheur de vostre vocation.

  A006000848 

 O ma chere fille, gardez-vous de ces reflexions, car il est impossible que l'Esprit de Dieu demeure en un esprit qui veut sçavoir tout ce qui se passe en luy.

  A006000851 

 Il faut avoir un grand courage, car, ma chere fille, vous estes fille de Jesus Christ crucifié, vous ne devez donc avoir pretention en ceste vie, que celle de l'union de vostre ame avec Dieu.

  A006000851 

 Vous estes bien-heureuses vous autres, vos Regles et tous vos exercices vous portent à ceste union..

  A006000855 

 Les Constitutions vous enseignent ce que vous devez faire: demandez tout simplement, sans scrupule, ce qui vous est necessaire..

  A006000856 

 Conservez bien le desir que vous avez d'observer vos Regles, car elles sont toutes d'amour; ressouvenez-vous que vous ne manquerez pas de difficultés, mais ne perdez pas courage, esperez en Dieu, et vous jettez entre les bras de sa divine Providence.

  A006000857 

 Vous vous pouvez bien destourner du sentiment de la delectation qui vous vient en prenant les choses qui vous sont necessaires; comme qui passeroit par une rue et rencontreroit beaucoup de boüe, il ne feroit rien autre que prendre un autre chemin: et ainsi devons-nous faire, sans y penser davantage..

  A006000858 

 Escoutez-les doucement sans les interrompre, car ce n'est pas mon intention, sinon à des personnes qui apportent beaucoup de nouvelles du monde, desquelles vous ne vous devez pas enquerir.

  A006000859 

 Ainsi devez-vous faire en toutes vos actions et œuvres, à fin d'imiter Nostre Seigneur qui s'est humilié jusques à la mort de la croix..

  A006000860 

 O mon Dieu, baillez-les de bon cœur; si Dieu permet qu'elles se gastent, il vous donnera de quoy pour en acheter d'autres.

  A006000861 

 Il est vray que la charité donne le prix à nos œuvres, et n'y a que Dieu qui la puisse donner; attendez-la plus de luy que de vous-mesme.

  A006000862 

 Il est bon que vous n'aymiez guere à parler de vous-mesme; le moins qu'on le peut faire, soit en bien soit en mal, c'est le meilleur..

  A006000867 

 Vostre entrée en Religion est pour l'amour de Dieu; soyez indifferente par quelles voyes il plaira à sa Bonté vous conduire, soit par la consolation, affliction ou abjection; vous meritez autant d'un costé que de l'autre.

  A006000868 

 Ne vous estonnez pas de la vanité, combattez-là fidellement; pourveu que vous ne fassiez rien en suite, il n'y a point de mal..

  A006000868 

 Soyez bien ayse de celles qui se presentent à vous, recevez-les de bon cœur, avec amour; recevez, aymez et embrassez l'aneantissement et abjection; que vos affections soyent en Jesus Christ crucifié.

  A006000869 

 Vous desirez sçavoir comme il s'entend qu'il faut mediter jour et nuict en la loy de Dieu.

  A006000870 

 Vous demandez comme je fais de voir empresser un chacun, sans me mettre en peine de rien.

  A006000872 

 Or, pour le froid, sçavez-vous quand il le faut souffrir? c'est quand la Superieure vous envoye au jardin cueillir des herbes et que vous fussiez en danger que les mains vous gelassent sur la plante; il ne faudrait pas laisser de le faire, parce que c'est l'obeissance..

  A006000875 

 Vous m'avez dit encore, comme s'entend ce que disent les Constitutions: de ne se servir de nostre cœur, ni de nos yeux, ni de nos paroles, que pour le service de l'Espoux celeste, et non pour le service des humeurs et inclinations humaines? O ma fille, que vous me parlez d'une perfection que bien peu de gens pratiquent, bien qu'ils le doivent tous faire.

  A006000875 

 Voyez-vous, ma fille, par exemple, voila deux de nos Sœurs: l'une que vous aymerez bien, et l'autre à laquelle vous n'aurez pas tant d'inclination à l'aymer, et par ce moyen vous ne la regarderez pas de si bon cœur que l'autre que vous aymez bien; au contraire, si vous l'aymiez bien purement pour Dieu, vous regarderiez d'aussi bon cœur celle que vous n'aymez pas comme celle que vous aymez bien, et luy souhaiteriez autant de bien qu'à l'autre..

  A006000876 

 Pour ce qui est de l'honneur qu'il vous semble que je porte à un chacun, la civilité nous apprend cela, et puis j'y suis porté naturellement; je n'ay jamais sceu faire comme plusieurs personnes font, auxquelles il semble, quand elles sont eslevées en [422] quelque dignité, qu'elles se doivent faire honnorer de tout le monde; et quand elles escrivent elles ne veulent mettre, sinon aux personnes de grand respect, « tres-humble » et « bien humble.

  A006000878 

 Il me dit: « Cela c'est une vraye condescendance, ma fille, comme à ceste heure vous en faites une d'estre avec moy.

  A006000880 

 Luy disant une fois que nous desirions grandement en ceste maison de prendre son esprit, il nous respondit: « Dieu vous en garde! prenez celuy de Dieu et de saint Augustin.

  A006000883 

 Il nous dit: « Que ne nous l'avez-vous envoyée à Nessy! ».

  A006000883 

 « Ouy, ma fille, vous pouvez recevoir les filles qui ne sont pas lrgitimrs, et encore celles desquelles les parens ont esté executés pour quelque grand mal, car les filles n'en peuvent mais.

  A006000884 

 Je vous raconteray ce qui m'arriva une fois avec un bon Religieux, lequel desiroit fort de faire des penitences et mortifications au dessus de la Communauté; je luy parlay tout au long du bonheur de la suivre en tout, et le priay de se mettre en la pratique, ce qu'il fit; et à quelque temps de là, il me vint trouver et me remercia de grande affection, et me dit que j'estois causede son bien.

  A006000895 

 Comme il entra, il dit: « Bonsoir, mes cheres filles, je viens icy pour vous dire le dernier adieu et m'entretenir un peu avec vous, parce que la Cour et le monde me desrobent le reste.

  A006000895 

 En fin, mes cheres filles, il s'en faut aller; je viens finir la consolation que j'ay receue jusques à present avec vous: qu'avons-nous à dire? Rien plus, sans doute.

  A006000895 

 Ne faisons point de preface, et vous asseyez, je vous prie, car nos Soeurs sont incommodées.

  A006000895 

 » Monseigneur, luy dit-on, nous voulons parler à vous à fin d'apprendre à parler à Dieu.

  A006000896 

 « De les regarder à fin de les imiter et en tirer de l'edification, or cela est autre chose; si vous regardez leurs vertus avec une grande charité, pour les imiter, vous ferez bien.

  A006000897 

 « Ma fille, vous ne devez pas souffrir cela.

  A006000898 

 « Vous demandez si ce n'est pas une grande foiblesse de desirer [426] des charges et se mettre en peine quand on ne nous en donne point.

  A006000899 

 Saint Paul pratiqua excellemment cest abandonnement au mesme instant de sa conversion; quand Nostre Seigneur l'eut aveuglé, il dit tout promptement: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? et demeura indifferent à tout ce que Dieu ordonneroit de luy.

  A006000900 

 Ouy, ma fille, car David disoit qu'il aymoit mieux estre abject en la maison du Seigneur que d'estre grand parmi les pecheurs, et disoit: Il est bon, Seigneur, que vous m'ayez humilié, à fin d'apprendre vos justifications.

  A006000900 

 Que si peut estre vous vous sentez la force de souffrir la mortification et humiliation, vous ne sçavez si vous l'aurez tousjours.

  A006000900 

 Que sçavez-vous si apres avoir desiré ces charges basses et humbles vous aurez la force d'agreer les abjections et humiliations qui s'y rencontreront? Il vous pourroit venir beaucoup de degoust et d'amertume de l'humiliation.

  A006000900 

 Vous demandez si on ne peut pas desirer des charges basses, parce qu'elles sont penibles, et semble qu'il y ayt plus à faire pour Dieu et plus de merite que de demeurer en sa cellule.

  A006000902 

 Je vous dis bien plus: voila une personne qui souffre le martyre pour Dieu avec une once d'amour, elle merite beaucoup, car on ne sçauroit donner davantage que sa vie; mais une autre personne qui ne souffrira qu'une chiquenaude avec deux onces d'amour aura beaucoup plus de merite, parce que c'est la charité et l'amour qui donne le prix à tout.

  A006000902 

 Vous sçavez que la contemplation est meilleure que l'action et vie active; mais si en la vie active il s'y trouve plus d'union, elle est meilleure.

  A006000903 

 Que si vous estes bien ayse par lascheté de courage de coudre en vostre cellule, à fin de n'avoir pas tant de peine, ce desir n'a pas une bonne fin.

  A006000904 

 Vous demandez si quand on ne se sent pas la force de faire une charge avec douceur d'esprit, parce que l'on y a beaucoup de repugnance, s'il le faudroit dire à la Superieure ou l'accepter tout simplement.

  A006000905 

 Mais vous demandez s'il ne faut pas dire les mouvemens de son cœur en rendant compte à la Superieure.

  A006000906 

 Vous demandez si les desirs quoy qu'involontaires ne nous retardent pas beaucoup de la perfection.

  A006000907 

 Vous demandez s'il ne seroit pas mieux de se divertir simplement, que de contester avec son esprit et s'opiniastrer à vouloir rejetter [la tentation].

  A006000908 

 Qui en doute, ma chere fille, qu'il ne soit mieux de s'estre tenu ainsi en la presence de Dieu, plustost que de tant flechir et reflechir sur ce qui se passe dedans nous et autour de nous? Vous demandez si on se sentoit un grand scrupule, ne pouvant accoiser son esprit, à cause que ces desirs et tentations ont tant duré, si on s'en pourrait confesser.

  A006000908 

 Vous demandez s'il ne faudroit point recevoir de scrupule quand on n'aurait point fait d'attention un jour ou deux à la rejetter, estant ainsi occupé en Dieu, sans faire attention à s'en divertir.

  A006000908 

 Vous le pouvez, si vous le voulez, et dire: Je m'accuse d'avoir eu deux ou trois jours une tentation de vanité que je suis en doute de n'avoir pas rejettée.

  A006000909 

 Vous dites, Monseigneur, qu'il ne faut rien desirer; mais ne faut-il pas desirer l'amour de Dieu et l'humilité? car Nostre Seigneur a dit: Demandez et il vous sera donné, heurtez et il vous sera ouvert.

  A006000912 

 Que voulez-vous que je vous die? vous le sçavez desja tant; mais j'ayme bien pourtant que l'on me fasse ces demandes icy.

  A006000912 

 Vous demandez comme il faut faire pour se bien confesser.

  A006000914 

 Vous mettez les confesseurs en peine, ils ne vous entendent pas, et pensent que les petites fautes soyent quelques grandes choses.

  A006000916 

 Dites-vous, ma fille, si à la recreation on a suivi quelque passion et fait quelque chose en suite d'icelle, comme de contester en quelque chose legere et de recreation, sans s'en appercevoir qu'apres que cela est fait, s'il y a matiere de confession? O non, ma fille, il n'y en a point en ce qui se fait par surprise et simple recreation; mais si vous ne vous sousmettez pas interieurement, il s'en faut confesser.

  A006000917 

 Et vous diray sur ce sujet ce qui m'arriva un jour en confessant la bien-heureuse Sœur Marie de l'Incarnation estant dans le monde.

  A006000917 

 Vous voyez donc combien cela est difficile, car bien que ceste ame fust fort esclairée, elle avoit neantmoins demeuré si long temps en ceste ignorance.

  A006000917 

 Voyant cela, je luy fis adjouster un peché qu'elle avoit fait autrefois, ce que vous faites vous autres.

  A006000918 

 Toutesfois, n'ayant rien autre on le pourrait faire; mais il faut tousjours dire un peché que l'on a fait au monde, parce que vous n'auriez pas matiere d'absolution.».

  A006000918 

 Vous demandez que c'est que peché veniel et imperfection.

  A006000919 

 Il respond: « O Jesus, ouy, ma fille, sinon que par humilité vous vous en voulussiez priver.

  A006000919 

 L'on demande si sçachant veritablement que l'on a des pechés veniels, si l'on peut s'approcher de la sainte Communion sans se confesser, parce que, Monseigneur, vous avez dit qu'ils font une petite separation entre Dieu et l'ame.

  A006000919 

 » Ne pourroit-on pas demander de se confesser hors de la Communauté? « Si c'est un jour que la Communauté se doive confesser, vous le pouvez demander; si on ne le vous permet pas, demeurez en paix, sinon que vostre conscience vous remorde trop: alors vous vous en pouvez priver avec congé.

  A006000920 

 Il me souvient à ce propos d'Arsenius, lequel commettoit ceste petite immodestie que vous sçavez; et de vray, la douceur avec laquelle ces saints Peres le reprirent est admirable, et fait bien voir comme l'on doit faire la correction doucement, particulierement aux vieilles personnes..

  A006000920 

 « Si vous le faisiez par un grand zele de profiter à ceste Sœur là il n'y aurait point de mal.

  A006000922 

 A cela je vous responds, ma chere fille, qu'il faut faire deux pratiques de vertu.

  A006000922 

 Quand la Superieure dit: Dites-moy, ma Sœur, vous avez fait une telle chose? si vous ne l'avez pas fait il faut respondre simplement et humblement la verité; si elle vous reitere que vous l'avez fait, faites deux actes, l'un de sousmission, et l'autre d'abjection parce que l'on croid que vous avez manqué.».

  A006000922 

 Vous demandez ce qu'il faut faire quand la Superieure dit quelque chose que l'on n'a pas fait.

  A006000923 

 Je vous diray qu'entre tous les Saints qui sont au Ciel il y en a bien peu qui ayent [toujours] donné droit au blanc des vertus; les uns ont excedé du costé de l'austerité, et il y en a bien peu qui se soyent tenus [invariablement] dans les bornes de la sainte mediocrité.

  A006000923 

 Mais je vous diray bien que les Superieures se sentent obligées à une sainte austerité en l'observance de la Regle; cela les rend plus retenues.

  A006000925 

 Vous estes bien heureuses vous autres d'estre en Religion; vos Regles et tous vos exercices vous portent continuellement à cela, vous n'avez qu'à faire, sans vous amuser aux desirs.

  A006000935 

 Or, ayant appliqué ces remedes, ne vous mettez point en peine mais souffrez de bon cœur sans desirer d'estre delivrée de vostre affliction, demeurant sousmise au bon plaisir de Dieu, qui est que vous soyez ainsi exercée..

  A006000950 

 Car si vous battez des portes ou marchez fort, vous troublez la tranquillité d'une Sœur qui est peut estre en oraison; si vous estes habillée de travers ou avec quelque indecence, vous donnez occasion à une autre de rire ou de se distraire de la presence de Dieu, et luy faites ce dommage; et ainsi en d'autres occasions.

  A006000959 

 Outre le bien que vous ferez en vous assubjettissant à l'entendre comme les autres, puisque tout doit aller d'un mesme air à la Visitation, vous observerez de plus le conseil du grand saint Bernard, lequel dit qu'il faut, aux prieres communes, joindre nostre attention à l'intention pour laquelle elles sont faites.

  A006000959 

 « Vous voulez sçavoir, mes cheres filles, si vous ne feriez pas mieux de vous conformer à la Communauté faisant l'exercice de la Messe en disant vostre chapelet, que non pas à faire une autre sorte d'oraison durant le temps qu'on la dit.

  A006000968 

 C'est une grande pitié, certes, que la Superieure dise: Faites ce qu'il vous plaira, quand on luy demande pour luy parler.

  A006000968 

 Si elle vous remet à vostre volonté, il faut considerer lequel est mieux, de le faire ou de ne le faire pas, et puis se resoudre, car il ne faut pas perdre le temps..

  A006000969 

 C'est tout un, il ne faut pas laisser pourtant de luy demander ce qui vous semblera estre bon de faire; et quant à ceste consideration qu'elle est peut estre importunée de vous, elle est vaine, il la faut retrancher.

  A006000969 

 Mais dites-vous, ma chere fille, si les Sœurs ont une Superieure qui ne les reçoive point avec l'esprit de suavité quand elles viennent à elle, soit quand elles ont besoin de luy parler ou qu'elles demandent quelque congé, et par ce moyen leur oste la confiance de recourir à elle en leurs necessités, s'il leur seroit point permis de s'adresser à celle qui tient sa place et son authorité quand elle n'y est pas, sous le pretexte de ne pas tant importuner la Superieure, et de plus, à fin d'avoir le congé que peut estre elle ne leur donneroit pas? O non certes, ma chere Sœur, l'on ne doit pas faire cela, sinon que la Superieure fust tellement empeschée que l'on l'incommodast bien de luy parler.

  A006000969 

 O c'est là que je vous attendois, car c'est tousjours nostre rendez-vous general que de revenir à nous-mesme; nous ne sommes jamais assez aymées ou estimées de la Superieure, qui est une chose tres-importante pour nostre consolation.

  A006000972 

 Si une Sœur suit un peu trop mollement son inclination à ceste heure, vous en ferez peut estre autant bien tost apres en une autre occasion, et partant il la faut supporter avec amour et patience.

  A006000974 

 Vous demandez maintenant, ma chere fille, si pour pratiquer la sainte pauvreté il ne faut pas se tenir attentif à recevoir de bon cœur les petites disettes qui nous arrivent, tantost en cecy, tantost en cela.

  A006000976 

 Il est vray que c'est estre bien pauvre d'observer cecy; mais je vous asseure que c'est un grand secret pour acquerir la perfection, et si caché neantmoins, qu'il y a peu de personnes qui le sçachent, ou, s'ils le sçavent, qui en fassent leur proffit.

  A006000976 

 J'ay dit en deux ou trois lieux de la France, une chose que je m'en vay vous dire maintenant: c'est que pour parvenir à la perfection il faut vouloir peu et ne demander rien.

  A006000976 

 Non certes, ma chere fille, je ne demanderais point des mortifications; je me tiendrais prest pour bien recevoir celles que vous me feriez, mais je n'en demanderais point.

  A006000977 

 En fin j'aymerois mieux porter une petite croix de paille que l'on me mettrait sur les espaules sans mon choix, que non pas d'en aller couper une bien grande dans un bois avec beaucoup de travail, et la porter par apres avec une grande peine; et je croirois, comme il seroit veritable, estre plus agreable à Dieu avec la croix de paille que non pas avec celle que je me serais fabriquée avec plus de peine et de sueur, parce que je la porterais avec plus de satisfaction pour [447] l'amour propre qui se plaist tant à ses inventions et si peu à se laisser conduire et gouverner en simplicité, qui est ce que je vous desire le plus.

  A006000977 

 Vous faites bien de demander à pestrir parce que vous vous sentez assez forte pour cela; mais moy je le ferais de bon cœur quand on me le commanderait, mais autrement je n'y penserais pas.

  A006000978 

 Mais, dites-vous qu'il y a de deux sortes de viandes en vostre portion.

  A006000978 

 Que dites-vous, ma chere fille, que sur ce que j'ay dit tantost qu'il se faut mortifier fidellement, si vous devez vous abstenir ordinairement de manger telle ou telle viande que vous aymez fort? Si c'estoit moy je ne le ferois pas, car nous sommes obligés, par la parole sacrée de Nostre Seigneur, de manger ce que l'on nous mettra devant; et cela se fait sans choix.

  A006000979 

 Celles qui ne le voudront faire peuvent demander ce qu'elles auront besoin, d'autant que les Regles le permettent, et cela n'est pas contre la pauvreté ainsi que vous dites; mais aussi n'est-il pas selon icelle ni selon la perfection à laquelle vous estes obligées de pretendre.

  A006000979 

 En demandant vos commodités vous ne faites pas mal, pourveu que vous ne vous rendiez trop exactes à la recherche d'icelles et que vous vous teniez tousjours dans les termes de l'observance pour ce regard; mais aussi perdez-vous par ce moyen les occasions de pratiquer les vertus qui sont fort propres à la condition de vie à laquelle Dieu vous a appellées.

  A006000980 

 A cela, ma chere fille, je vous responds que ce qui a esté fait pour ce regard jusques à present n'a pas esté mal; mais si est-ce pourtant que desormais il ne le faut plus faire.

  A006000980 

 Vous demandez si c'est manquer à l'observance et faire mal que de choisir une serviette plus deliée pour la Superieure, et ne luy donner pas celle qui se rencontre, sans choix, comme l'on fait aux [448] autres Sœurs.

  A006000988 

 Le Saint luy dit: Vous avez un monde de passions, d'adversaires et ennemis en vous-mesme: desirs inutiles, impatiences, presomption et autres semblables; puisque vous desirez tellement terrasser et tuer les ennemis [450] de Dieu, prenez chacun jour un de ces desirs desreglés, et ainsi vous tuerez les ennemis de Dieu.

  A006000988 

 Saint Pachome luy repliqua: Mon amy, le temps de souffrir la mort pour Jesus Christ n'est pas commun maintenant, la religion Catholique, par la grace de Dieu, a le dessus sur ses ennemis; d'ailleurs, vous n'estes point venu en ce lieu pour la mort, mais pour la mortification; mortifiez donc vos desirs inutiles qui vous font quitter les exercices presens, sous pretexte de faire merveille à l'advenir.

  A006000994 

 Je vous asseure que je n'y ay rien escrit que par son inspiration.

  A006000994 

 Quand Nostre Seigneur me fit l'incomparable grace d'entrer dans nostre Institut, il n'y avoit encore que six Religieuses, qui vivoyent comme des Anges en pureté et en amour, et qui estoyent gratifiées de plusieurs graces extraordinaires en l'oraison, en sorte que l'on auroit oublié de prendre les necessités du corps, si nostre saint Fondateur ne nous eust fait comprendre qu'il desiroit que nous fussions aussi promptes à obeir au premier coup de cloche pour aller au refectoire, aux recreations et au coucher, comme au resveil et à l'Office, nous disant: « Mes cheres filles, le mesme Dieu qui vous appelle à l'Office et à l'oraison, vous appelle à la refection et au repos; et comme je desire que vous soyez des filles mortifiées à toutes propres volontés, je souhaitte qu'à tout moment du jour et de la nuit vous viviez en esprit de sacrifice interieur, ce qui vous tiendra place de disciplines, jeusnes, cilices, etc. Et je vous asseure, mes [filles] tres-aymées de nostre commun Maistre, que vous ravirez son cœur estant fidelles à toutes les pratiques de vos Regles, car elles ne sont point ouvrage d'homme mais du Saint Esprit.

  A006000996 

 La Sœur grondeuse se mettra à genoux et dira à celle qu'elle aura faschée: Ma Sœur, je vous demande pardon, je supplie Vostre Charité de prier pour ma conversion.

  A006000996 

 » Il adjousta: « Commençons icy ceste pratique; ma Sœur Peronne Marie et ma Sœur Marie Jacqueline, approchez-vous, mettez-vous à genoux, et que ma Sœur Peronne Marie demande le pardon.

  A006001000 

 Je sçay que les Peres Jesuites, s'ils se rencontrent cent fois le jour, ils tirent tousjours le bonnet; et pour vous, vous vous ferez l'enclin de la teste seulement lors que vous vous rencontrerez; et pour observer plus d'esloignement des manieres du monde, aux seculieres vous ferez des enclins.

  A006001001 

 C'est pourquoy, à fin qu'il n'y ayt point de ces preeminences parmi nous qui sommes petites, on tirera les rangs, mettant dans les billets des Saints, i à l'un, à l'autre 2, ainsi de suite, selon le nombre que vous serez.

  A006001001 

 « Il a passé icy un Pere Feuillant, » reprit le Saint, « qui m'a dit qu'il y avoit des Religieuses en Italie tellement attachées à leurs chapelets, images et estuis ou choses semblables, qu'il s'en est trouvé qui auroyent mieux aymé sortir de leur couvent que de les quitter, C'est pourquoy j'ay pensé qu'il faudrait changer toutes ces [452] choses entre vous, à fin de ne s'attacher qu'à Dieu; et pour cela il faut choisir le dernier jour de l'an, quand on tire les Saints.

  A006001001 

 « Vous prendrez tous vos chapelets, » dit-il, « vos croix et ce qu'il faut changer, vous en ferez des petits monceaux, vous mettrez le [nom du] Saint dessus, puis vous tirerez au sort.

  A006001013 

 Il faut donc vivre en mourant et mourir en vivant, et sur tout vous ne devez user de tout ce qui est en vous à autre fin qu'au service et à la gloire de Celuy qui vous a particulierement choisies pour luy estre entierement dediées et consacrées.

  A006001013 

 Pour vous faire operer tout cecy, sa misericorde vous donne son Saint Esprit qui habite en vous estant en sa grace, à fin que vous soyez aydées par sa lumiere et son amour à fin d'operer le tout à sa gloire..

  A006001013 

 Pourquoy pensez-vous, mes filles, que Dieu vous a mises au monde, et sur tout appellées à la sainte Religion, sinon à fin que [453] vous y soyez des hosties d'holocaustes à sa divine Majesté et des victimes qui se consomment chaque jour en son saint amour? Ce qui vous oblige à destruire en vous tout ce qui s'oppose à la perfection et à l'union avec Dieu, autant que vous pourrez, sur tout l'amour propre, la propre volonté, la recherche de l'honneur, la satisfaction des sens.

  A006001027 

 Honorez-les, admirez-les, et d'ailleurs contentez vous de ce peu que Dieu vous donne; c'est assez pour vous.

  A006001027 

 Souvenez vous en fin que les Sœurs de saincte Marie sont semblables aux violettes entre les fleurs, qu'elles sont basses, petites et de couleur moins esclattante, et que la divine Majesté les a plantees pour son service et pour rendre un peu de bonne odeur en son Eglise.

  A006001030 

 Ah! Dieu vous donne une occasion de practiquer la patience: voudriez-vous bien la laisser eschapper? peut estre que de vostre vie vous n'en rencontrerez une semblable; peut estre que ce sera le dernier service que vous rendrez à sa divine Majesté.

  A006001030 

 Faites vous resolution d'estre chaste? Ouy; ô bien, je le seray, et quoy qu'il en puisse arriver, je mourray plustost que de consentir à la moindre impureté du monde: que le diable arme ses puissances, je ne le craindray point; je suis plus forte que luy, Dieu est mon Pere et il combatra pour moy.


07-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VII-Vol.1-Sermons.html
  A007000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A007000126 

 On me dira que cela s'entend de ceux qui avoyent receu le Saint Esprit; hé bien, pourquoy ne le recevray je pas avec vous? Si feray certes, si comme les Apostres et disciples nous nous mettons unanimement avec devotion a prier Dieu cum Maria Matre Jesu, laquelle [2] affin qu'elle nous assiste de son intercession, mes Freres, a ce mien commencement, jettons nous plus fervemment que jamais a ses piedz et la saluons; et puys, in nomine Domini laxabo rete.

  A007000126 

 Que si les peres et meres, quoy qu'ilz prisent plus les aisnés, ilz caressent neantmoins et cherissent plus tendrement les plus petitz, je vous accorde, Messieurs, que comme la rayson le veut bien, vous prisies plus tous les autres prædicateurs; mays je demande par droit de petitesse et de minorité d'estre cheri, et qu'on prenne en bonne part mes affections au lieu auquel j'ay jetté les premieres semences du fruict duquel maintenant je vous offre les premices.

  A007000131 

 Je m'arreste donques, mes Freres, et ce que j'en ay voulu dire ç'a esté pour monstrer en quelque façon qui est Celuy duquel nous celebrons la feste, qui est le Saint Esprit et Amour, procedant eternellement du Pere et du Filz, vray Dieu avec le Pere et le Filz; et encores pour vous donner a entendre que de toute eternité ce Saint Esprit venoit, par ceste incomprehensible procession et respiration, du cœur du Pere et du Filz, combien qu'il ne soit pas venu, ou par maniere de dire arrivé, et que ceste mission n'aye esté bien accomplie qu'a tel jour qu'aujourd'huy, il y a environ 1559 ans.

  A007000133 

 Donq, encores que l'operation merveilleuse et puyssante qui a esté faitte es cœurs de l'Eglise naissante a tel jour qu'aujourd'huy, aye esté faitte egalement par le Pere, le Filz et le Saint Esprit, neantmoins, parce qu'en icelle reluit une principale bonté, misericorde et magnifique liberalité, on ne dict pas que toute la Trinité soit venue sur les Apostres, mays on dict et on celebre la descente du glorieux Saint Esprit: a la charge que vous ne vous imagineres pas que pour cela il aye changé de lieu pour descendre; car estant Dieu, il est tellement par tout par « essence, presence et puyssance, » que est in mundo non inclusus, extra mundum non exclusus.

  A007000137 

 Vous sçaves bien que nostre ame est par tout le cors et toute en toutes les parties d'iceluy; autrement elle ne seroit pas spirituelle, ou nostre cors seroit mort en la partie en laquelle l'ame ne seroit pas.

  A007000138 

 Vous sçaves maintenant ce que c'est a dire quand on dict que le Saint Esprit est descendu sur les Apostres, et que cela n'est autre sinon qu'il y a faict quelques signalëes et grandes operations.

  A007000139 

 Ne sçaves vous pas que le plus souvent, l'esté principalement, avant que pleuvoir il tonne et fait vent? Ainsy aujourd'huy il tonne et fait vent, pour monstrer qu'il veut pleuvoir les douces pluyes des consolations du Saint Esprit, ainsy qu'il est escrit: Flabit spiritus ejus, et fluent aquæ.

  A007000140 

 Hé ne vous est il jamais advenu en une seche et alterëe sayson d'esté de voir vos jardins a gueule bëe, ouvrant par maniere de dire la gorge pour recevoir la pluÿe, et ne venant point de secours du ciel a leur soif, en fin les herbes paslir et secher, les fleurs se ternir et faner, et les arbrisseaux sembler plustost un bois mort qu'une plante? Les païsans alhors s'assemblent, font des prieres et processions pour impetrer ramollissement du ciel et la desiree liqueur pour les champs.

  A007000141 

 O qu'il me semble maintenant vous avoir bien donné a entendre le mistere de ceste grande journee.

  A007000143 

 Pour le former, vous trouveres par tout simplement: Fiat lux, appareat arida, faciamus; mais a le reformer, Mot caro factum est.

  A007000145 

 O combien de resistance trouve Dieu en ceste besoigne! Que si vous me demandes: Hé, qui est si osé et si temeraire que de faire resistance a Dieu, et qui le peut faire? Saint Pol ne dict il pas en ce chapitre scabreux et qui ne devroit estre leu que des doctes (c'est aux Rom., 9 ): Voluntati ejus quis resistit? et au Psalm.

  A007000146 

 Et quant a celles cy, il est tousjours obei au Ciel, et partant Deus autem noster in cœlo; omnia quæcumque voluit fecit. Mays en terre, il n'y est pas tousjours obei; autrement, dites moy, qu'aurions nous besoin de demander Fiat voluntas tua sicut in cœlo et in terra? Et d'ou vient, me dires vous, ceste difference entre les volontés qui sont au Ciel et celles qui sont en la terre? En peu de parolles je vous le diray: c'est que les volontés celestes et heureuses sont tellement appuyëes sur la volonté de Dieu, que l'une ne se peut mouvoir sans l'autre, et n'ont pas la liberté de contrarieté, c'est a dire de mal faire, ains seulement de bien faire: grace et gloire tout ensemble..

  A007000148 

 Un seigneur a juré que si vous prenes la peyne de ramer sur un batteau jusques a un certain lieu, de la, il vous conduira en un autre lieu plein de toute amenité, pour, le reste de vostre vie, y jouÿr de tous playsirs.

  A007000148 

 [13] Il desire infiniment que vous le fassies, il vous le commande, il vous excite, il vous menace, il faict tout effort pour vous faire prendre l'aviron en main et voguer; cependant, pour ce qu'il a juré de ne vous pas faire ce bien que vous ne ramies, si vous ne rames, quoy qu'il le desire, il ne fera rien pour vous.

  A007000148 

 » C'est icy ou je respondray a vostre demande: Qui peut resister, qui veut resister a Dieu? Je le veux demander a mon ame, luy proposant les doutes que j'ay en cecy, et si vous faites mes demandes chacun a la vostre, vous ouyres de belles responses en vous mesme..

  A007000160 

 Ce n'est pas sans cause que vous voyes les Apostres comparés aux biches, car les biches ne sont point armees de branches et cornes comme les cerfz; aussi les Apostres estoyent nudz d'armes corporelles, ne combattant le monde qu'avec la faim, soif et tribulation.

  A007000163 

 En paix, mon Dieu, et que feres vous de nous, Seigneur, qui sommes en guerre?.

  A007000164 

 Je ne m'amuseray donq pas a vous persuader de desirer le Saint Esprit, mays plustost je vous mettray en avant ce qu'il faut faire de nostre costé, comme il se faut disposer a le recevoir; car, disposés que nous serons, infalliblement selon sa sainte bonté, il arrivera en nous avec toutes ses benedictions..

  A007000164 

 Mes Freres, ores que vous aves ouy quelque chose de l'infinité des graces que le Saint Esprit communiqua a sa venue, et quoy que ce que j'ay dict soit peu en comparayson de ce qui en est, si est ce que je ne crois pas que vous ne desirassies extremement une venue du Saint Esprit sur vous autres; ou si vous estes si durs que de ne la pas desirer, je vous oseray bien dire a l'imitation de saint Pol, pour la premiere fois que j'ay eu cest honneur que de vous parler de la part de Dieu: O insensati Allobroges, usquequo gravi corde? Mais je ne le dis pas, ne pouvant croire tant de mal de [20] ceux auxquelz je desire tant de bien.

  A007000166 

 Je vous diray un sens aysé a nostre propos, et que peut estre ne sçaves vous pas encores, et neantmoins saint et veritable.

  A007000166 

 Ne sçaves vous pas le dire de l'Apostre: Justus ex fide vivit? Peut estre ne l'entendes vous pas.

  A007000167 

 Je ne veux pas m'amuser [22] beaucoup icy, car s'il plaist a Dieu de se servir de moy en ce ministere, je vous en parleray plus d'une fois.

  A007000167 

 Je vous diray seulement: le peché fondamental qui nous entretient en guerre, c'est l'impœnitence.

  A007000167 

 Que ferons nous, mes Freres, nous qui sommes, comme j'avois commencé a vous dire, en guerre? Mes Freres, la guerre est un fleau de Dieu, et pendant que nous en sommes chastiés, il nous faut croire que c'est pour nos pechés; car si in terra pax est hominibus bonæ voluntatis, donques, bellum hominibus malæ voluntatis; car, comme inter bonæ voluntatis et malæ voluntatis, il n'y a point d'entre-deux, il n'y en a point aussi entre bellum et pax.

  A007000169 

 Il me semble, mes Freres, qu'en Savoye nous nous entretenons tous au jeu du change: car si vous parles au peuple, la noblesse aura le change, laquelle avec sa lascheté n'ose rien remonstrer; si l'on parle a la noblesse, [23] les ministres de justice auront le change, qui se meslent de l'autruy; si l'on parle aux justiciers, les soldatz auront le change, qui sont trop desbordés; si l'on parle aux soldatz, les cappitaines auront le change, qui les conduisent et retiennent leurs payes, ou sont si avaricieux que pour desrobber eux mesmes ilz permettent a leurs soldatz de desrobber.

  A007000170 

 Et quel peché faut il chasser? Ah, que je me garderay bien de me contredire; vous ne me prendres pas en ma parole.

  A007000170 

 Je n'ay garde de dire qu'il faille chasser le peché des autres, affin de ne pas jouer au change aussi bien que les autres; mais je vous prieray que chacun die comme moy, et que chacun parle a sa conscience propre et non pas a celle des autres.

  A007000171 

 Messieurs, je vous exhorte a l'amitié et a la bienveuillance entre vous, et a la paix entre tous; car si nous avions la charité entre nous, nous aurions la paix, nous aurions le Saint Esprit..

  A007000175 

 A l'oraison, il faut y adjouster l'obsecration, c'est a dire l'adjurer en vertu de quelque chose qui luy plaise: et premierement, par sa mesme bonté, motif esgal a luy mesme; secondement, par son Filz Nostre Seigneur, vray mediateur entre Dieu et les hommes, et unique quant a la mediation principale, essentielle et naturelle, ainsy que faict tousjours l'Eglise, quoy que les hæretiques la calomnient; troysiesmement, par ses Saintz qui sont mediateurs par intercession et dependance: Memento, Domine, David, etc. (vous autres particulierement par le glorieux saint Pierre, saint François, saint Dominique, saint Jacques, saint Maurice), et sur tout par le merite et par l'amour qu'il porte a sa sainte Mere, la glorieuse Vierge Marie; et cecy ce sera accomplir la quatriesme condition pour recevoir le Saint Esprit, car ce sera estre cum Maria Matre Jesu.

  A007000176 

 Vous ne sçauries dire combien ceste condition est preignante.

  A007000179 

 Mais de cecy, une autre fois; il faudra que vous me facies ce bien que de m'assister pour ouyr des louanges de ceste Vierge un peu plus amplement; et ce pendant je la prieray qu'elle me rende capable.

  A007000188 

 Il pourroit sembler estrange a quelqu'un, mes chers auditeurs, que vous ayant apporté du pain la semaine passëe en ceste chaire, vous disant: Hic est panis qui de cœlo descendit (Joan., 6 ), maintenant je ne vous y apporte qu' une pierre, disant: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam; et neantmoins, quand je vous invitay a ceste exhortation, je vous promis une semblable refection spirituelle que celle que je vous presentay alhors.

  A007000188 

 Non, je ne m'abuse point, car je vous apporte ceste pierre sur la parole toute puyssante de Nostre Seigneur, laquelle nous asseure que ceste pierre nous doit tous repaistre: Petre, amas me? Tu scis, Domine, quia amo te.

  A007000192 

 Mais peut estre me dires vous que l'Eglise ne tient pas que ceux qui meurent martirs soyent mortz, mays vivans, et estime que, passans a une meilleure vie, on a grande occasion de se resjouyr en leur mort; et pour ce que leur nativité estant accompaignëe de peché elle les amene aux miseres, et leur mort les mene a la gloire, on celebre leur nativité le jour qu'ilz meurent..

  A007000193 

 Mays aujourd'huy je ne veux pas m'arrester sur ces choses pour vous les prouver; je ne prendray que ce qui fait a mon propos pour la solemnité de ce jour..

  A007000195 

 Certes, quand j'ay leu au Genese que Dieu fit deux grans luminaires au ciel, l'un pour præsider et esclairer le jour et l'autre pour la nuict, incontinent j'ay pensé que c'estoyent ces deux grans Saintz, saint Jan et saint Pierre; car ne vous semble il pas que saint Jan soit le grand luminaire de la Loy mosaïque, laquelle n'estoit qu'une ombre ou comme une nuict au regard de la clairté de la Loy de grace, puysqu'il estoit plus que prophete? Encores qu'il ne fust pas lumiere, toutesfois il portoit tesmoignage de la lumiere, par [33] quelque participation de la lumiere laquelle in tenebris lucet; Joan., I.

  A007000195 

 Et vous semble il pas que saint Pierre soit Evangelii luminare majus, puysque c'est luy qui præest diei Evangelii? lesquelz deux luminaires ont esté mis au ciel ecclesiastique par Celuy qui l'a faict et formé, qui est Jesus Christ Nostre Seigneur..

  A007000196 

 Ce que je ne dis pas pour vous faire entendre que saint Jan ne sceust bien la verité, mais affin que vous sçachies que comme saint Pierre, qui estoit le luminaire qui præsidoit au jour, parle ouvertement, aussi saint Jan, pour s'accommoder au tems auquel il præsidoit, qui estoit le tems des ombres et des figures, il parle plus couvertement..

  A007000196 

 Hé, penses vous pas qu'ilz s'entreregardoyent quand l'un disoit: Ecce agnus Dei, et que l'autre disoit: Tu es Christus Filius Dei vivi? Il est vray que la confession de saint Jan ressent encores quelque chose de la nuict de l'ancienne Loy, quand il appelle Nostre Seigneur aigneau, car il parle de la figure; mais celle de saint Pierre ne ressent rien que le jour, quia Joannes præerat nocti, et Petrus diei.

  A007000197 

 Mais puysque nous sommes sur le mistere de la vocation de saint Pierre, je vous veux descouvrir a ce propos une consideration plus profonde..

  A007000198 

 Vous apperceves vous point du mistere que contient ceste histoire? Moyse estoit chef de la Synagogue, et fut a cest effect sauvé et retiré des eaux par la providence de Dieu.

  A007000201 

 Mais quel encens penses vous que saint Pierre offroit au Seigneur quand il luy respondit: Domine, tu scis quia amo te? odeur qui seule est aggreable a sa divine Majesté..

  A007000204 

 Or, pour vous monstrer le rapport qu'il y a entre saint Jan et saint Pierre, je trouve que la Sainte Vierge fut presente a leur sanctification.

  A007000206 

 C'est une chose a quoy je ne puys bonnement respondre; seulement je vous diray que vous imities la sainteté de l'un et de l'autre, et puys vous le sçaures quand vous seres dans le Ciel.

  A007000206 

 Les philosophes ayant recherché, il y a plus de deux mille ans, les causes du flux et reflux de la mer, ne l'ont jamais sceu comprendre; mais je ne vous donne pas ce terme pour sçavoir la solution de ceste question: estudies seulement par imitation la sainteté de ces deux grans Saintz, et la pluspart de ceux qui sont icy le sçauront dans peu de tems..

  A007000206 

 Maintenant vous voudries peut estre sçavoir quis major est in Regno cœlorum.

  A007000206 

 Vous aves veu jusques icy quelle convenance il y a entre la nativité de saint Jan et la mort de saint Pierre.

  A007000211 

 Et pour cela, remarques que saint Pierre ne dict pas: L'Eglise de Babylone vous salue, mays: Salutat vos Ecclesia in Babylone coelecta.

  A007000212 

 Or, tout ce que je vous ay dict est rapporté par des autheurs irreprochables, a l'opinion desquelz il n'y a homme de bon jugement qui ose s'opposer.

  A007000214 

 Combien plus, dis je, penses vous que ce divin Sauveur fust espris de l'amour de saint Pierre, qui estoit comme son image, plongé dans les eaux de la tribulation du martire? Nonne oportuit, dict il aux disciples d'Emaüs, Christum pati, et ita intrare in gloriam suam? Luc., 24; de mesme je diray: Nonne oportuit Petrum pati, et ita intrare in gloriam Domini sui? Ouy sans doute, car Nostire Seigneur luy avoit dict: Sequere me; viens a la gloire, mays comme moy..

  A007000214 

 Ne penses vous pas que Nostre Seigneur regardast saint Pierre en son martire, puysque oculi ejus in pauperem respiciunt? Il le voyoit comme dans les eaux d'amertume et de tribulation, crucifié les piedz en haut, en sorte qu'il estoit comme son vray pourtrait.

  A007000215 

 Regardes en la Passion: vous trouveres que Nostre Seigneur ne pouvant porter sa croix, tant il estoit accablé de tourmens, on fit venir un certain homme pour luy ayder, lequel l'alloit suyvant, portant la croix sur ses espaules.

  A007000216 

 D'icy je vous puys conduire a l'intelligence d'une autre difficulté, que je vous veux esclaircir: c'est que Nostre Seigneur voulant donner le gouvernement de sa bergerie a saint Pierre, il l'appelle tousjours Simon Joannis, non pas Pierre, encores que luy mesme luy eust changé de nom.

  A007000218 

 Saint Pierre une fois fit le courageux, disant a Nostre Seigneur: Etiam si oportuerit me mori tecum, non te negabo (Matt., 26 ); puys, a la voix d'une chambriere, il le renia troys foys, et ayant reconneu son peché, tout incontinent il se retira pour le pleurer amerement; et non seulement alhors, mays il le pleura toute sa vie, ainsy que dict saint Clement, de sorte qu'il pouvoit bien dire: Seigneur, vous m'arrouseres de l'hyssope de la contrition, et je seray nettoyé de mon peché; vous me laveres dans l'eau de mes larmes, et je seray plus blanc que la neige.

  A007000220 

 Saint Pierre en outre renversa la teste contre terre pour monstrer que, s'en allant au Ciel, il laissoit neantmoins sa succession en terre, de laquelle Nostre Seigneur luy dict: Tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam. Imagines vous que saint Pierre est le premier fondement apres Jesus Christ; puys ses successeurs se sont fondés successivement sur luy, comme pierres angulaires qui tiennent ensemble le bastiment de l'Eglise.

  A007000220 

 Si vous estes en doute comme il faut entendre ceste loy evangelique, alles a ceste pierre pour apprendre comme il faut croyre: sur quoy je ne m'arresteray pas beaucoup, pour le prouver amplement, ne m'estant proposé pour sujet de ceste exhortation que la mort de saint Pierre, me contentant de vous apporter pour le present une seule rayson, mais qui est fondamentale..

  A007000223 

 Ne sçaves vous pas ce que les Apostres saint Pol et saint Barnabé disent es Actes, parlant aux Juifz: Vobis primum oportebat loqui Mot Dei, sed quia repellitis illud, ecce convertimur ad Gentes? Et ne sçaves vous pas ce que disoit [49] Osee en son second chapitre: Et dicam non populo meo: Populus meus es tu; et ipse dicet: Deus meus es tu? C'est dequoy parle saint Pol en son 9.

  A007000224 

 C'est asses parlé sur la mort de saint Pierre; que vous laisseray je pour prattique? La premiere chose a quoy je vous exhorte est de remercier Dieu de ce qu'il nous a donné une telle pierre, sur laquelle nous appuyant, nous ne tomberons jamais.

  A007000224 

 Et la seconde, pour la reformation de nostre entendement, je desirerois que nous fussions simples et fermes en la foy que la sainte Eglise nous enseigne, croyant fermement tout ce qui est escrit en ceste pierre, car je vous ay dict que la lo.y evangelique y estoit escritte.

  A007000224 

 Quand il survient quelquefois des fantasies es choses de la foy, certaynes petites suffisances, imaginations et pensëes d'infidelité, que feres vous? Si vous les laisses entrer dans vostre esprit, elles vous troubleront et osteront la paix; rompes et venes fracasser ces pensëes et imaginations contre ceste pierre de l'Eglise, et dites a vostre entendement: Ah, mon entendement, Dieu ne vous a pas commandé de vous repaistre vous mesme; c'est a ceste pierre et a ses successeurs a qui cela appartient, donq: Beatus vir qui allidet parvulos suos ad petram..

  A007000227 

 Aymes le de tout vostre cœur, serves le [52] fidellement, evites soigneusement tout ce qui le peut offenser, et par ce moyen vous obtiendres la paix, car il dict: Pax multa diligentibus legem Dei, et non est illis scandalum.

  A007000227 

 Je sçay que vous desires tous extremement la paix, c'est pourquoy je vous diray avec le Prophete royal: Si vous la voules obtenir, addresses vous a Dieu par prieres et oraysons: Rogate quæ ad pacem sunt Hierusalem.

  A007000229 

 Mays ne penses vous pas qu'il dict alhors comme l'Espouse du Cantique: Sub umbra illius quem desideraveram, sedi, et fructus ejus dulcis? Et quel est ce fruict? C'est la vie æternelle.

  A007000230 

 Je sousmetz tousjours a vos pieds ce que jamais je diray en la chaire et hors d'icelle; car vous estes ceste pierre sur laquelle a esté fondëe l' Eglise de Jesus Christ, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A007000230 

 O glorieux Apostre, impetres nous la grace d'appuyer tousjours nostre foy sur l'Eglise, laquelle estant fondëe sur vous apres Nostre Seigneur, comme sur une pierre ferme, est la vraye colomne et le firmament de verité.

  A007000247 

 Et si les Romains anciens solemnisoyent ce premier jour a lhonneur de leur Empereur Auguste, duquel le nom mesme fut donné a ce mois, ne vous semble il pas raisonnable que changeant le corporel au spirituel et le mondain au Christianisme, au lieu de la feste de l'Empereur paien, nous faisions feste a lhonneur de Dieu, sous le nom de son lieutenant general, vray Empereur de l'Eglise militante, tres auguste, tressainct et tres grand Prince des Apostres, et par la grace de Dieu protecteur et patron de ceste nostre Eglise pastorale?.

  A007000248 

 Et puisque entre toutes les festes qu'on celebre de cest arch'Apostre, nos peres ont choisy pour leur particuliere celebrité ceste journëe neomenie et calende, je vous veux dire et vous diray ce qu'en cas pareil dict le Psalmiste roial: Buccinate in neomenia tuba, in insigni die solemnitatis vestræ; Sonnes en ce premier jour du mois, de la trompe en grand liesse, puisque c'est le jour signalé que vous aves choisi pour honnorer vostre Patron solemnellement.

  A007000249 

 Mais affin que je ne vous invite pas au son de la trompe sans trombe, me voicy tout tel que je suys, que je m'offre a vous tres affectionnement pour vous servir de trombe.

  A007000249 

 Serves vous donques de moy aujourdhuy comme d'une trombe, et quoy qu'elle soit rauque et foible et carcassëe, ne laisses pourtant de vous en servir, attendant mieux, pour sonner au moins en ceste vostre solemnité.

  A007000249 

 Soustenes moy, et inspires et soufles puyssamment, par les souspirs et devotions que vous jetteres aux pieds de la glorieuse Vierge pour impetrer la faveur du Saint Esprit, saluant ceste Dame, Mere de Dieu, du salut que le mesme Dieu luy fit fayre; et par ainsy, non seulement, comme je vous disois, vous sonneres de la trombe en ce renouveau du mois, mays ce que vous dict le mesme Psalmiste: Laudate Deum in sono tubæ.

  A007000249 

 [56] Buccinate in neomenia tuba, car pour cest'heure icy je suys commandé de cela, et vous aussy, quia præceptum in Israel est.

  A007000251 

 Despuys n'ay je eu cest honneur de vous parler de la part de Dieu, que je vous rapportay ces paroles de nostre Maistre a son disciple saint Pierre: Cum esses junior, cingebas te et currebas ubi volebas; cum autem senueris, alius cinget te, et ducet quo non vis; et vous dis que ces dernieres paroles furent accomplies en la mort de ce glorieux Prince, lhors quil fut lié pour estre crucifié.

  A007000251 

 Mays les parolles praecedentes, je ne vous dis poinct quand elles furent verifiëes; ce que je fis affin de laisser toutes choses en leurs places.

  A007000251 

 Ni vous ne deves pas vous arrester pour voir quil parle de cecy comme de chose passëe, car cela est coustumier en l'Escriture, notamment en paroles prophetiques, d'exprimer le futur par le præsent, a cause de l'egalité de la certitude, comme: Et super vestem meam miserunt sortem; In omnem terram exivit; Puer natus est; Tu es sacerdos in æternum, et infinis autres.

  A007000255 

 Donques, ut reminiscamini quia ego, qui ay tant enduré pour vous, dixi vobis..

  A007000258 

 Car si vous regardes l'histoire du mistere du jourdhuy, vous verres que saint Pierre estant commandé de l'Ange de se ceindre, præcingere, fecit sic, il se ceignit.

  A007000259 

 Vous sçaves bien que Nostre Seigneur fut envoyé lié et garrouté par devant Herodes, et puys fut renvoyé a Pilate; ainsy, affin que saint Pierre verifiast le sequere me de Nostre Seigneur, il fut prisonnier par devant Herodes, et puis de la, renvoyé a Pilate, c'est a dire au maistre de Pilate, l'Empereur romain..

  A007000259 

 Vous vous resouvenes bien du mistere de la Passion, duquel l'imagination ne doit jamais partir de vostre memoyre.

  A007000264 

 Regardes un peu le premier Psalme, et vous y verres naifvement descrit saint Pierre ou le Pape.

  A007000268 

 Ne sçaves vous pas que Nostre Seigneur voulant former Eve de la coste d'Adam, il l'endormit et tira une de ses costes? Ainsy Dieu voulant ce jourdhuy envoyer saint Pierre [64] a Romme fonder son Eglise, il le faict dormir et frapper au costé, comme sil vouloit dire: Leve toy vistement, et sache que comme sur la coste d'Adam je luy fonday son espouse, ainsy sur toy je fonderay et ædifieray mon Eglise a Romme.

  A007000277 

 C'est de ces quattre fleuves que je voudrois bien vous faire boire maintenant; mais ni je ne le puis faire, ni il ne vous prouffiteroit de rien, si Nostre Seigneur n'y apporte sa benediction, pour laquelle impetrer employons la faveur de la glorieuse Vierge, disant Ave Maria..

  A007000280 

 aux Cor., ch. 6, dict: Empti estis pretio magno; Vous aves esté [67] rachetés avec un grand prix.

  A007000282 

 N'aves vous jamais ouÿ dire: Je voudrois avoir racheté ce cheval de troys fois autant qu'il valoit? N'aves vous jamais veu des dames tuer des moutons pour nourrir un petit chien couard et caignard, qui ne valoit pas l'un des pieds du pauvre mouton? Qui faict cela? l'affection, non la valeur et juste estimation.

  A007000284 

 Mais, s'il vous plaist, oyes un peu la rayson theologique de cecy.

  A007000285 

 Et ne me dites pas que le Filz de Dieu a satisfait selon la nature humaine, car je vous l'accorde, pour parler a la scholastique, si vous dites ut quo; si vous dites ut quod je vous le nie, « quia actiones, » dit le philosophe, « sunt suppositorum.

  A007000287 

 Jamais vous ne vous trouvastes plus esbahis que si vous lises deux passages qui sont en Job.

  A007000287 

 Je ne sçaurois que vous dire, sinon que ces parolles sont dites en la personne de Nostre Seigneur (ainsy qu'estime saint Gregoire, au septiesme de ses Morales, chap. 2), lequel a rayson de son infinie dignité, pouvoit bien dire que la moindre de ses peynes estoit sans comparayson plus considerable que tous les pechés de ses membres, qu'il appelle siens.

  A007000287 

 Voicy la belle et preignante rayson pour laquelle Nostre Seigneur dict: Beati oculi qui vident quæ vos videtis; comme s'il disoit: Quel bonheur est ce a vous de voir le tresor duquel on doit prendre la rançon de tout le monde..

  A007000288 

 Huguenotz, que dites vous de nous autres? vous semble il pas que nous reconnoissons comme il faut la grace de Nostre Seigneur, sa redemption et mediation? A vostre advis, ceste façon de discourir de la redemption ressent elle pas de la vraye Espouse de Jesus Christ? Nous parlons bien plus magnifiquement de ce mystere que vous, et vous faites les bons valetz.

  A007000289 

 Mais sur tout, c'est de la foy que se doit entendre Beati oculi, comme s'il vouloit dire: Bienheureux estes vous, car vous aves en presence le desiré et attendu Redempteur; bienheureux de ce que vous aves l'object de vostre beatitude ou vous commences de regarder; mais vous n'aures pas ceste beatitude si vous ne croyes ce que vous voyes.

  A007000291 

 Je vous ay desja dit que ceste beatitude s'entend principalement de la foy favorisëe de la præsence et confirmëe par experience, et je vous dis davantage qu'il s'entend d'une foy distincte et bien expliquee.

  A007000291 

 Vous me dires: Si ceste parolle s'entend de la foy, comme vient a propos ce qui s'ensuit: Dico enim vobis, quod multi prophetæ et reges voluerunt videre quæ vos videtis? car il n'y a point eu de Prophetes qui n'ayent creu.

  A007000292 

 Je vous en diray tout autant, Messieurs: Beati oculi qui vident. Combien penses vous qu'il y a de peuples qui voudroyent voir ce que vous voyes? Combien de Catholiques es [74] Allemaignes et en Angleterre, qui voudroyent avoir les commodités de leur salut, voir et ouÿr ce que vous oyes les Caresmes? Combien es Indes y a il de peuples lesquelz, ayans seulement senti quelque petite fumëe de l'Evangile, par le bon exemple des Chrestiens qui trafiquent avec eux, se sont convertis? Ilz n'ont pas encores eu ce bien d'avoir ceste bonne nouvelle que Jesus Christ est nay et mort pour nostre salut et resuscité pour nostre glorification; ilz n'ont point de Prælat qui aye soin d'eux, ilz n'ont personne qui les conduise au bien croire ni au bien faire, monstrant bien leur affection en ce qu'ilz se convertissent a milliers avec grande pœnitence..

  A007000294 

 Nous sommes d'accord, dires vous; aussi suis je, car en l'Evangile tout y est radicalement.

  A007000294 

 Quant aux traditions ecclesiastiques, n'y a il pas en l'Evangile: [75] Qui vos audit me audit? Si quis Ecclesiam non audierit, etc.? Ut scias quomodo oporteat te conversari in domo Dei, quce est columna et firmamentum veritatis? Rogavi pro te, Petre? Jamais je ne cesseray de vous prier, Messieurs, pour l'affection que j'ay au service de vos ames, que vous taschies a vous acquerir une grande simplicité en la foy, croyant et voulant inviolablement croire ce que l'Eglise croit; ce sera vostre consolation en la mort..

  A007000300 

 C'est avec ceste vie eternelle que je voudrois incliner vos courages, pour l'affection que j'ay et le service que je dois a vos ames, de vous ranger a une devote et vertueuse Confraternité, dressëe par plusieurs ecclesiastiques et personnes d'honneur, pour vostre edification et [78] reformation de vos consciences.

  A007000301 

 Que si d'adventure quelqu'un de ces sçavans rafroidis au vent de la bise venoit en vostre ville, et en murmuroit ou la vouloit calomnier, gardes de luy prester consentement, Messieurs d'Annessy; car nul n'en peut mesdire, personne n'en peut murmurer qu'il ne peche, pour ce que, quand bien ce seroit invention nouvelle, si est-ce qu'apres que vostre Prælat l'a authorizëe, vous la deves honnorer, non pas la mespriser pour cela.

  A007000301 

 Respondes, âmes devotes et courageuses, a ceux qui en gausseront: Patres nostri annuntiaverunt nobis, non seulement parce que Monseigneur le Reverendissime et ceux qui l'ont dressëe sont peres qui ayment autant vos ames que vous le pouves souhaitter, mays pour ce que l'institution est ancienne, et y en a de toutes semblables a Paris, Lyon, Tholose, Avignon, par toute la France et l'Italie.

  A007000328 

 Or, ce discours de la paralysie spirituelle est bien l'un des plus necessaires que vous puissies ouÿr.

  A007000328 

 Puysque par l'absence juste, comme je crois, de celuy qui vous devoit presenter la collation spirituelle de la part du maistre de ceans qui est Jesus Christ, j'ay encores eu ceste charge de vous entretenir de quelque discours spirituel, j'ay choysi celuy que l'Evangile me met en main de prime face, c'est a dire de la paralysie spirituelle et de la guerison d'icelle.

  A007000332 

 Et puys, ceste maladie a une tres mauvaise condition, c'est qu'elle est presque incurable, aussi bien que la paralysie corporelle; non pas que le sauverain Medecin ne le sçache et ne le puisse faire, mais parce que ceux qui en sont atteintz ne sentant pas leur mal, pour la pluspart, ilz n'ont point de recours au medecin si quelqu'un ne les y porte, comme vous voyes aujourd'huy; car, comme dict le Prov., 26, v. 16: Sapientior sibi videtur piger, septem viris loquentibus sententias.

  A007000334 

 Que penses vous que faict l'artisan qui survend sa marchandise, et lequel a tout propos jure, se maudit, etc., affin de vendre troys foys autant, et dict que c'est un gain honneste qu'il faict en homme de bien? Il cherche des excuses ad excusandas excusationes in peccatis, et c'est pour luy que David a adjousté: Qui jurat proximo suo, etc.; et Dieu: Non furtum facies.

  A007000337 

 C'est le vice auquel vous voyes tant de gens qui ne se veulent mouvoir au bien ny retirer du mal, pource que cela leur semble malaysé.

  A007000337 

 Mays mon intention est de vous descouvrir principalement l'autre cause de ceste paralysie, sçavoir la couardise et lascheté de courage.

  A007000340 

 Ne sçaves vous pas que le froid est gueri et chassé par le chaud? Or, toute sorte de chaleur ne guerit pas ce mal.

  A007000340 

 Que si quelqu'un se doute d'y tomber, comme nous avons tous occasion de la craindre, je vous veux donner un remede, duquel pourront encores user ceux qui sont desja tombés paralytiques, pour se guerir.

  A007000340 

 Voyes vous les maux que faict ceste paralysie, qui nous garde de cheminer a Dieu? vous aves veu ce que c'est.

  A007000341 

 Quel feu donques nous guerira de ceste paralysie? Le feu d'enfer, mes bons Freres, lequel je vous ordonne et a mon ame, propre pour nous guerir si nous nous en sçavons servir.

  A007000342 

 Ne vous imagines pas tant de peynes, car Nostre Seigneur dict: Ego cogito cogitationes pacis, et non afflictionis.

  A007000342 

 O donques, consideres ce que vous faites, et vous achemines au bien: Contendite intrare per angustam portam.

  A007000364 

 Ce mot de saint Bernard, le melliflueux Prévôt de Clairvaux, me venait à l'esprit: Malheur au jeune homme qui devient profès avant d'être novice, et cette parole encore plus grave du roi David: C'est en vain que vous vous levez avant le jour; levez-vous après vous être reposés, vous qui mangez le pain de la douleur.

  A007000367 

 Cette anxiété était causée par ce que j'achève maintenant de vous manifester; mais je vois que j'ai tremblé où il n'y avait aucun sujet de crainte.

  A007000368 

 Je reconnais assez qu'habitués jusqu'à ce jour à des Prévôts si doctes, si distingués, si habiles, il ne se peut qu'en face d'un tel changement et déclin de cette première dignité de votre Chapitre, vous n'éprouviez quelque répugnance; vous pourriez vous rappeler ce qu'a dit quelqu'un:.

  A007000371 

 Et on serait en droit d'appliquer à toute notre société ce texte: Pour vos pères, des enfants vous sont nés; c'est-à-dire: par une malheureuse vicissitude, [97] les hommes de premier ordre que vous avez eus pour pères et Prévôts ont été remplacés par des jeunes gens, presque des enfants..

  A007000372 

 Tout cela, mes Pères, n'est que trop vrai; mais je vous supplie de répéter avec moi pour notre consolation: Dieu a coutume de choisir ce qu'il y a de plus infime en ce monde pour confondre ce qui est fort, et généralement, c'est de la bouche des enfants et de ceux qui sont encore à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000416 

 Et comme ces préoccupations provenaient de causes toutes légitimes, pour ne pas être téméraire, je vais, avec votre assentiment, vous les expliquer, afin qu'au début de mon ministère aucun mauvais soupçon ne s'élève dans vos âmes à mon sujet..

  A007000416 

 S'il eût persévéré aujourd'hui encore, le cœur et [99] l'esprit m'eussent fait défaut; je n'aurais pu ni accepter votre Prévôté, ni vous adresser un seul mot; mon courage, maintenant fortifié et relevé, aurait défailli.

  A007000417 

 Aussi, vous prié-je d'abord d'apprendre en patience avec quelle anxiété, quel profond sentiment de mon indignité, je suis arrivé à occuper le premier siège de votre Chapitre..

  A007000417 

 Il pourrait toutefois être ébranlé et compromis par [100] suite de soupçons défavorables que je vous inspirerais.

  A007000417 

 Le développement de ces deux points devrait, si j'étais quelque peu orateur, merveilleusement enflammer mon éloquence et exciter en vous la plus grande attention.

  A007000417 

 Pour mener ce projet à bonne fin, je vous exposerai mon plan et la ligne de conduite à tenir.

  A007000419 

 Ignorant, inexpérimenté, simple soldat, me voir à l'entrée même du noviciat ecclésiastique, honoré d'une telle dignité, être préposé avant d'avoir été posé, parfait avant d'être fait! Et je me rappelai cette parole de David: C'est en vain que vous vous levez avant le jour; levez-vous après vous être reposés.

  A007000422 

 Ce Prévôt aurait à craindre, qui eût été préposé à des hommes difficiles à contenir dans le devoir; mais moi, mes Pères, quelle appréhension puis-je avoir [102] en cette occasion, en face de vous dont la charité et la prudence l'emportent sur celles qu'on pourrait désirer du Prévôt le plus accompli? Pourquoi rappeler mon inexpérience et ma faiblesse, puisque dans mes fonctions, je n'aurai jamais à user, de mesures de discipline ou de correction? A moins qu'on ne veuille « instruire Minerve, » « prêcher saint Bernard, » ou, selon notre proverbe, poser pour la latinité parmi les Cordeliers..

  A007000423 

 Je suppose volontiers, je reconnais même, qu'habitués jusqu'à ce jour à des Prévôts si distingués, vous éprouviez nécessairement en face d'un tel changement, et, à mon avis, pour dire vrai, d'un tel déclin de la première dignité de votre Chapitre, une répugnance qui vous rappelle ces vers:.

  A007000427 

 La chose parle d'elle-même, et vos cœurs vous répondent assez..

  A007000428 

 Mais tranquillisez-vous.

  A007000428 

 Rappelez-vous, je vous prie, et considérez que Dieu choisit ordinairement ce qu'il y a de plus infime et de plus infirme en ce monde pour confondre ce qui est fort, et que, généralement, c'est de la bouche des [103] enfants et de ceux qui sont à la mamelle qu'il tire sa plus parfaite louange.

  A007000428 

 » O Dieu immortel, que vos voies sont éloignées de nos voies! O suprême Protecteur des petits, vous pouvez, des pierres, susciter des enfants d'Abraham.

  A007000430 

 On me dira peut-être: rien ne vous autorise à présumer si grandement de [104] la bonté de Dieu, vous qui avez volontairement gravi un degré d'où il est si facile de déchoir et de se précipiter.

  A007000430 

 Si vous l'agréez, je lèverai cet obstacle aux espérances que vous pourriez concevoir de moi..

  A007000431 

 A mon insu (je vous le déclare ingénument, mes Pères, et je ne saurais dissimuler en leur présence), elles pressèrent par écrit leurs amis de solliciter pour moi, s'il était possible, votre Prévôté alors vacante.

  A007000432 

 Dans cette perplexité, je résolus d'attendre jusqu'à ce jour, et ce jour venu, si vous me rejetiez comme indigne, votre sentence était pour moi arrêt de justice et [105] je me retirais très volontiers comme indigne.

  A007000432 

 Que vouliez-vous, ô Pères, que je fisse en de telles conjonctures? Rejeter absolument cette faveur? je voyais dans cette conduite je ne sais quoi d'ingrat, de grossier, de méprisant pour ceux qui m'avaient obtenu cette dignité.

  A007000432 

 Si, au contraire, vous ne me trouviez pas indigne, j'inclinais promptement les épaules sous ma charge, assuré que votre décision m'indiquait la voie à suivre..

  A007000433 

 Mais, je le constate, vous me recevez tous avec les plus aimables félicitations.

  A007000433 

 Si je suis coupable en acceptant cet honneur, vous engagez tous, croyez-m'en, votre conscience avec la mienne, et la peine de la faute commise devra s'étendre à ceux qui y ont consenti.

  A007000433 

 Si vous voulez vous libérer de toute responsabilité, il ne vous reste qu'à aider et soutenir ma faiblesse par vos conseils et votre exemple, à suppléer par votre charité aux qualités qui me manquent, et je sens trop combien nombreuses elles sont! Soyez persuadés que Dieu vous a ordonné, comme à ses Anges, de me garder en toutes mes voies, de me porter dans vos mains, afin que je ne me heurte pas à cette table de pierre [sur laquelle sont gravés les dix commandements du Seigneur] sur laquelle il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et le serviras lui seul; et portant ainsi les fardeaux les uns des autres, nous accomplirons la loi du Christ.

  A007000433 

 Veuillez croire que je recevrai toujours humblement, dans le Seigneur, les avis de chacun d'entre vous, de telle sorte que si vous n'avez tous qu'un seul Prévôt, moi seul je paraisse en avoir autant que je compte de [106] Chanoines, et que je sois moins appelé préposé aux Chanoines que Prévôt des Chanoines..

  A007000435 

 C'est sur ce camp, vaillants Compagnons d'armes, que vous devez fixer vos regards; et ce que votre fidélité doit à Dieu, à l'Eglise, à la Patrie, à vos autels et à vos foyers, lorsque l'occasion s'en offrira, faites-le, montrez-le, accomplissez-le.

  A007000435 

 Je ne vous propose ni le fer, ni cette poudre dont l'odeur et la saveur rappellent la fournaise infernale; je n'organise pas un de ces camps dont les soldats n'ont ni foi ni piété.

  A007000435 

 Vous entrevoyez enfin, je pense, toute l'étendue du plan que je vous propose pour reconquérir Genève..

  A007000436 

 A notre tour, je vous en conjure, employons pour nous emparer de Béthulie et de cet Holopherne enfermé dans Genève la méthode dont lui-même nous a montré l'usage.

  A007000436 

 C'est par la prière que nous le chasserons; car ce genre de démons, vous le savez, ne peut être chassé que par la prière et le jeûne.

  A007000436 

 [Que l'exemple d'Holopherne nous apprenne, je vous prie, la meilleure manière d'emporter une ville d'assaut...] Voulez-vous une méthode facile pour emporter rapidement une ville d'assaut? Je vous prie de l'apprendre de l'exemple d'Holopherne: il est bien permis, en effet, de retourner contre l'ennemi ses propres armes et d'en tirer profit, comme l'a si bien démontré Plutarque.

  A007000438 

 Mais puisqu'il en est ainsi, mes Compagnons d'armes, puisqu'ils regardent les actions d'autrui et non les leurs, arrêtons le cours de cette eau, je vous prie; que chacun veille à ce que sa source privée ne coule pas jusqu'à l'ennemi.

  A007000443 

 Qu'il en soit ainsi, mes Pères, ou plutôt (pour ramener notre discours à la pensée de Dieu par laquelle il a commencé), puissions-nous vous rendre honneur et gloire, Dieu tout-puissant! A la Bienheureuse Vierge, aux Saints Anges, aux Bienheureux Pierre et Paul, au Bienheureux François, louanges [112] et actions de grâces! Et qu'en retour, ô Dieu, vous nous accordiez votre grâce, vous qui êtes souverainement exalté dans les siècles, Père, Fils et Saint-Esprit..

  A007000447 

 Excellents Collègues, je vous vois assez portés de vous-mêmes à cette entreprise... espérons donc.

  A007000448 

 Daignez combler la mesure de vos bienfaits envers moi, et, en vertu de la puissance qui vous a été donnée d'en haut, je vous supplie et conjure de nous fortifier tous par votre bénédiction.

  A007000448 

 Quant à vous, je vous rends d'immortelles actions de grâces, Illustrissime et Révérendissime Prélat, pour avoir, par votre très auguste présence, relevé l'éclat de cette assemblée où je compte mes plus chers amis, ceux que j'aime plus que le miel et le rayon de miel, plus que l'or et la topaze.

  A007000469 

 Je prie Dieu de tout mon cœur, auditoire devot, que comm'il luy a pleu de vous « fair'arriver au beau commencement de ce jour, » de ceste semayne, de ce mois et de cest'annëe, qu'il vous veuille « garder sain et sauve; » affin que le servans et honorans tousjours renouvellés en vos consciences, vos « œuvres et pensëes commencent par » iceluy, qui est Dieu benit es siecles.

  A007000490 

 C'est pourquoy voyant en l'Evangile une infallible marque de ceux auxquelz nous devons croire, et par mesme moyen de ceux auxquelz nous ne devons pas croire, de ceux qui sont vrays ouvriers et de ceux qui sont plustost dissipateurs, je me suis deliberé, estant envoyé pour ceste journëe au milieu de vous autres, comme ouvrier en la vigne de Dieu, de vous monstrer comme il faut fuir quelques uns de ceux qui font profession d'avoir espié la terre de l'Escriture, et faut se rendre obeyssant a la voix de ceux lesquelz sont marqués a bonnes enseignes..

  A007000491 

 Seigneur, arrouses de la douce pluÿe de vostre grace ceste vostre vigne, affin que la houë et la pesle y puyssent bien entrer; rendes la traittable, et donnes a cest indigne vigneron la force et l'addresse d'oster les espines et superfluités des mauvaises opinions que le tems y pourroit avoir apporté, a celle fin qu' en son tems elle vous rende le fruict, et le vigneron en puysse avoir le denier promis, qui est ce jour perpetuel.

  A007000499 

 C'est icy, mes Freres, la pierre de touche a laquelle vous connoistres si ceux qui se vantent de la parole de Dieu sont vrays ou faux prophetes; car il n'y a jamais eu secte qui n'aye tousjours dict qu'elle parloit de la part de Dieu, et que ses preschementeries estoyent les [121] vrayes paroles de Dieu, et ne se soit vantëe de l'Escriture: [ainsi] Luther, Calvin et tous les autres, a l'imitation du diable, lequel voulant tenter Jesus Christ luy allegue l'Escriture: Angelis suis mandavit de te.

  A007000502 

 O mes Freres, tenes ceste preuve pour fondamentale, et demandes a, ceux qui vous veulent retirer du sein de l'Eglise: Quis te misit? Saint Jan Baptiste fut un grand reformateur et envoyé de Dieu extraordinairement; mays, encores qu'il ne dist rien contraire a l'eglise judaïque, pour ce qu'il venoit a un grand office, vous verres qu'il a des marques pour se faire connoistre; sa vie miraculeuse, sa nativité, contraignoit de dire Quis, putas, puer iste erit? Saint Pol, extraordinairement envoyé, voulut encor une marque visible par l'imposition des mains d'Ananie, Act., 9: Ut videas, dict Ananie, et implearis Spiritu Sancto..

  A007000507 

 Voyes vous saint Pol, de l'extraordinaire comme il va a l'ordinaire? Et puys, qu'on m'en monstre un exemple.

  A007000511 

 N'attendes pas caresme prenant, car que sçaves vous si vous le verres? Ducunt in bonis dies suos; in puncto in infernum descendunt.

  A007000512 

 Quelles occasions n'avons nous point de sortir de nostre paresse? tant de maux que nous voyons tous les jours, etc. Nostre Seigneur faict comme le pere qui, tenant les verges en main, dict a ses enfans lesquelz il chastie: Ne seres vous jamais sages?.

  A007000515 

 La nous te loüerons a toute eternité, si nous te servons en ceste briefve journëe de ce monde: c'est, o Seigneur, dequoy nous vous prions nous faire la grace, puysque vous estes le Dieu de misericorde, Pere, Filz et Saint Esprit.

  A007000525 

 Or, le Seigneur luy dict par son Ange: Je vous veux livrer Hiericho.

  A007000526 

 Mays je ne suis pas icy pour apprendre la maniere comme il faut entrer et prendre a force les villes terrestres; je voudrois plustost vous dire comme il faut prendre et subjuguer les villes et forteresses spirituelles, ennemies de Dieu et des Saintz, pour le service de la divine Majesté.

  A007000529 

 Qui trouvera mauvais que j'appelle l'ame de l'homme une ville, puysque les philosophes l'ont bien appellëe un petit monde, puysqu'elle est « l'abbregé » de toutes les perfections « du monde, » recueillant en soy tous les grades plus parfaitz d'iceluy, comme tout le plus beau d'une province se retrouve en la ville principale d'icelle? En ceste ame encores, vous semble il pas qu'il y ayt un magazin qui vaut plus que tous ceux d'Anvers ou de Venise, puysque la memoyre retire toutes les idees de tant de varietés de choses? Vous semble il pas qu'il y ayt un brave ouvrier, puysqu'en l'entendement possible, toutes choses s'y font en des especes incomparables? Vous semble il pas qu'il y ayt un ouvrier, lequel avec cent millions d'yeux et de mains, comme un autre Argus, faict plus d'ouvrage que tous les ouvriers du monde, puysqu'il n'y a rien au monde qu'il ne represente? qui est l'occasion qui a faict dire aux philosophes que l'ame estoit tout en puyssance.

  A007000533 

 Ou sont ceux qui ne vont a la prædication par curiosité de voir les façons et les paroles? Que diries vous de ce malade lequel sçachant qu'en un jardin il y a l'herbe qui le peut guerir, n'y va que pour voir quelques fleurettes? Semblables a Herodes, qui ne desiroit de voir Nostre Seigneur que par curiosité, et le mesprisa; aussi mesprisent-ilz les prædicateurs quand ilz en ont passé leur fantasie, comme les femmes grosses, qui non par faim, mais par fantasie, desirent des viandes.

  A007000538 

 Vistes vous jamais un plus prompt jugement que celuy que fit David, lhors que Natan luy parla de sa faute en la personne d'un tiers? Peut estre n'eust il pas esté si facile s'il eust parlé directement a luy mesme.

  A007000555 

 Et c'est de ce voyage, c'est de ce pelerinage duquel je veux discourir, et quasi vous conduire de logis en logis, par la main de la consideration, jusques au lieu que vous deves desirer..

  A007000555 

 Qui est la rayson pour laquelle, devant choysir quelque proufitable discours avec lequel je peusse conduyre pas a pas, a journëes rompues, vos ames au pied de la Croix au mont Calvaire par affection, et au saint Cors et Sang de Nostre Seigneur par realité, et vous y faire aborder heureusement, j'ay choysi ces saintes paroles, par lesquelles nous sommes advisés que le Royaume de Dieu s'approchant, si nous voulons [y] avoyr part, il faut que de nostre costé nous nous approchions de luy.

  A007000556 

 Mays pour ce que le chemin par lequel nous devons passer est un grand desert de pœnitence, avant toutes choses je vous veux dire un peu des conditions et qualités d'iceluy, affin que vous ne soyes pas si nouveaus par apres des choses que nous y verrons par le menu; et puys, nous regarderons de nous acheminer.

  A007000566 

 Mays imagines vous que l'espervier sceust parler et quil eust rayson, ou plustost que quelqu'un parlast pour luy; ne diroit il pas au maistre: Laschez moy, je vous prie, je ne m'iray point esgarant, je retourneray tousjours a vous? O l'ame devote ayant rayson, se sentant lier, n'est pas comme l'oyseau qui ne faict que battre, mays regardant son Maistre, elle s'addresse a luy: Seigneur, deslie moy; Seigneur, filia mea male a demonio vexatur; Ad te, Domine, levavi animam meam, Deus meus in te confido, non erubescam..

  A007000569 

 O mes Freres, si vous aves cest'affection vous estes bien arrivés au mont d'Olivet, c'est a dire de paix et de grace.

  A007000569 

 Si vous n'y estes encores, chemines toute cest'huitayne en ceste desplaysance de vos pechés, et je suys asseuré que, aydant Dieu, vous y arriveres, et entendres la douce voix du Sauveur: O anima, magna est fides tua; fiat tibi sicut vis.

  A007000587 

 Comme le chasseur ayant donné la chasse et le cours au cerf et a la biche, la va attendre aupres de quelque fontayne ou elle a accoustumé de s'abbreuver (car ceste sorte d'animal est sujette a la soif estrangement), pour la prendre apres que la froideur de l'eau l'aura engourdie, suivant le dire du Psalmiste: Comme le cerf crie vers la fontayne, ainsy mon ame vous souhaite, o mon Dieu, tout de mesme Nostre Seigneur, en l'histoire de l'Evangile du jourdhuy, s'en va aupres d'une fontayne attendre une pauvre pecheresse alterëe par son iniquité, affin de la prendre d'une tres glorieuse chasse, apres qu'avec ses saintz discours il l'a engourdie aux mouvemens de son peché et de sa concupiscence.

  A007000590 

 Consideres vous point la bonté de ce Seigneur, l'affection de ce Chasseur qui court pour prendre la proye de l'ame, tant qu'il est las et contraint, par maniere de dire, de se reposer? Consideres vous point nostre lascheté, qui nous faschons de la moindre peyne du monde qu'il faut prendre pour nous sauver nous mesmes? Or, Nostre Seigneur n'estoit pas las sans cause, car il avoit cheminé bien tard, et a pied sans doute, dont l'Evangeliste dict: Hora autem erat quasi sexta, il estoit ja quasi midy; car les Juifz partagent le jour en douze heures et la nuict en douze..

  A007000592 

 Ceste femme donques luy reproche cela, comme disant: Vous autres Juifz, tenes les Samaritains pour excommuniés; et comme donques me demandes vous a boire? Elle sçait bien que ce n'est pas commerce que de demander un peu d'eau, mais elle luy dict cela par reproche.

  A007000610 

 S'il vous plaist de regarder les sept parolles que Nostre Seigneur dict a la Samaritaine, vous verres en icelles comme une petite nuëe, grosse d'une [153] sainte pœnitence, qui, puys apres, grossira et fera venir une grande trouppe de Samaritains.

  A007000610 

 Vous estes desja a la cinquiesme, ou Nostre Seigneur faict confesser son peché a la Samaritaine..

  A007000611 

 Je crois que vous sçaves l'histoire de la resuscitation de l'enfant de la devote Sunamite, faite par Helisee.

  A007000611 

 Mais il vous faut resouvenir de deux choses que je disois vendredy: 1.

  A007000611 

 que les Juifz tenoyent les Samaritains pour hseretiques et payens; mais je ne vous dis pas au long les raysons..

  A007000614 

 Voicy donques ceste femme qui faict de [155] la theologienne, et veut chercher son salut, et dict: Patres nostri in monte hoc adoraverunt, et vos dicitis quia Hierosolymis est locus ubi adorare oportet; Jacob a adoré, retournant de Mesopotamie, en ce mont (Genes., 33 ), et Abraham (Genes., 12 ); si donques nos peres y ont adoré, pourquoy dites vous, etc..

  A007000615 

 Et me semble voir une femme dans Geneve dire: Pourquoy ne manges vous de la chair? les Apostres en ont bien mangé, etc. [156].

  A007000628 

 Qui me donnera maintenant la grace de vous dire en si bonne façon la douce nouvelle de la venue que Nostre Seigneur doit bien tost faire en vos consciences par la sainte Communion, que vous luy allies au devant par desir et devotion, jettant les robbes de vos ames et les rameaux de vos affections, par mortification? O que ce seroit bien faire la memoyre de ce glorieux triomphe, puysque nous triompherions nous mesmes de nostre plus grand ennemy, qui est nostre chair, comme vrays enfans et hæritiers de ceste auguste et triomphante Majesté du Sauveur.

  A007000634 

 Vistes vous comme le diable tenta Eve, comme il tenta Nostre Seigneur?.

  A007000635 

 Qui diroit jamais qu'elle nous ostast mesmes les saintes vertus, et les nous rendist ennemies? Mais que penses vous? Si elle connoist qu'il y en aye en nous, elle sollicite tant, que nous nous en vantons, nous en prisons, et par ce moyen deviennent poison; car estant comme le moust et le bon vin doux, si elles sont esventees elles s'aigrissent.

  A007000636 

 O mes Freres, caro concupiscit adversus spiritum, etc. L'esprit engendre tant de bons desirs, la chair tant de mauvais, et les uns combattent si asprement les autres, que bien souvent, comme celuy qui a [161] la colique, on crie: Quis me liberabit a corpore mortis hujus? Comme il est dict de Rebecca, Genes., 25 chap. Voyes vous la guerre dangereuse de nostre vie? Militia est vita hominis super terram..

  A007000641 

 Aves [163] vous besoin de refuge? Pulsate, et aperietur vobis.

  A007000641 

 Aves vous besoin de force? Petite, et accipietis.

  A007000642 

 Il me semble que l'Eglise dict les paroles de Job, 29: Quis mihi tribuat, ut sim juxta menses pristinos, secundum dies quibus Deus custodiebat me? sicut fui in diebus adolescentiæ meæ, quando secreto Deus erat in tabernaculo meo? Il faut que je vous die que cum sancto sanctus eris; Psalm.

  A007000642 

 Vous vous resouvenes bien, mes venerables Dames, de vostre glorieuse Mere sainte Claire: estant un jour sa ville d'Assise, ville illustre pour ses deux beaux fleurons, assiegëe, elle se fit porter aux murs, y fit apporter le Saint Sacrement, et fit ceste orayson a Dieu: Ne tradas bestiis animas confitentium tibi, et custodi famulas tuas, quas « pretioso sanguine redemisti.

  A007000643 

 En ceste façon, nous pourrons porter les palmes comme eux en signe de victoire, vainqueurs de nostre chair, que nous porterons comme trophëes aux pieds de l'Aigneau qui y regne, comme a Celuy pour qui et en qui nous aurons triomphé, qui est Jesus Christ qui vit et regne es siecles, et vous benie.

  A007000651 

 C'est le discours que j'ay entrepris, mays que je ne puys bien faire, ny vous, bien escouter, si le Saint Esprit ne nous assiste.

  A007000656 

 Aves vous besoin de force, voicy mes mains; aves vous besoin de cœur, voicy le mien; estes vous colombelle, voicy des trous; estes vous des malades, voicy la medecine: Et absorpta est mors in victoria.

  A007000656 

 Estis captivi, en redemptio; estes vous captifz, voicy le rachapt.

  A007000670 

 Mais en la Croix de Nostre Seigneur, o quelle gloire! Si Celuy la qui estoit si grand qu'il estoit Dieu, y constitue son exaltation, sa clarification, s'il l'appelle la porte de sa gloire, que vous reste il a faire et que me reste il a dire, sinon: Hoc sentite in vobis quod et in Christo Jesu, qui cum in forma Dei esset, non rapinam arbitratus est se esse æqualem Deo, sed semetipsum exinanivit; propter quod, etc.?.

  A007000671 

 Et ne trouves pas estrange que je vous renvoye a ce livre pour y apprendre vostre leçon, car c'est le plus excellent livre de tous ceux qui jamais furent composés: et partant, qui desire la gloire de la [173] science, qu'il s'approche avec la sainte pensëe et qu'il lise ce saint livre; il y apprendra la plus profonde doctrine qui fut onques.

  A007000671 

 Lises de grace en ceste Croix, et vous y apprendres la gloire que Nostre Seigneur a pris en icelle.

  A007000673 

 Et vous, o mon tressaint et seraphique docteur Bonaventure, qui me sembles n'avoir eu autre papier que la Croix, autre plume que la lance, autre encre que le sang de mon Sauveur, quand vous aves escrit vos divins Opuscules.

  A007000673 

 Je vous prens a garant, o seraphique saint François, si jamais vous aves appris les saintz et admirables traitz de vos sermons et conversations, sinon en ce saint livre.

  A007000673 

 La Croix est le vray livre du Chrestien, et je vous prens a tesmoin, o Bernard, tres doux et devot Docteur; car ou aves vous repeu vostre entendement de la tres douce et tres souëfve doctrine dont vous nous aves laissé les saintes instructions, sinon en ce livre, quand vous disies: Fasciculus myrrhæ dilectus meus mihi? [174] Je vous appelle a garant, o grand saint Augustin, qui, constitué entre les deux misteres de la Nativité et de la Passion, pouves dire: Hinc lactor ab ubere, hinc pascor a vulnere.

  A007000673 

 O quel trait est le vostre quand vous vous escries: « O qu'il faict bon avec le Crucifix! J'y veux faire troys tabernacles: l'un en ses mains, l'autre en ses piedz, et le troysiesme en la playe de son costé; la je veux reposer, je veux veiller, je veux lire, je veux parler.

  A007000674 

 Ou voules vous donques aller sinon a la Croix pour l'apprendre? dont saint Pol, le plus savant des hommes qui furent onques, s'escrie: Arbitratus sum me nihil scire nisi Jesum Christium, et hunc crucifixum..

  A007000675 

 Je me suis estendu sur ceste premiere glorification que nous devons avoir en la Croix, pour vous conjurer d'y [175] penser et repenser tous les jours le plus souvent que pourres, et parmi la nuict toutes les fois que vous vous esveilleres.

  A007000675 

 Lises donques ce livre divin qui vous enseigne la science de salut, et ou Jesus Christ luy mesme a appris l'obeyssance qui est deuë a Dieu.

  A007000677 

 Continues a y lire, et vous y trouveres Nazarenus, qui signifie floridus, qui est encores un autre tres grand sujet de glorification; car par la Croix, nostre ame a esté parëe des belles et saintes fleurs de tant de vertuz, de tant d'aureoles si odoriferantes.

  A007000677 

 Derechef donques lises ce livre, et vous y trouveres le nom de Jesus, qui veut dire Sauveur, et Sauveur qui salvat populum suum a peccatis eorum.

  A007000678 

 En fin vous y lires Rex Judæorum, Roy des Juifz.

  A007000679 

 O Chrestiens, si je vous avois jamais defendu de vous glorifier, je m'en desdis; soyes desormais glorieux d'estre appellés a cest heritage.

  A007000679 

 Vous sentes vous point adoucir le cœur quand on vous dict que vous estes roys? S'il vous plaist, dites donques: O toutes les richesses du monde ne sont en rien comparables a ceste royauté, car elles perissent, on n'en peut jouir; mais celles la sont purement nostres.

  A007000680 

 Ainsy cest arbre vous sera bien plus venerable quand vous y considereres son excellent fruict pendu; ainsy ces espines, quand avec la rose; ainsy cest aubespin, quand avec ce rossignol qui y habite..

  A007000680 

 Ceste estime qu'on faict de la Croix plaist infiniment au Crucifix; et jamais nous ne l'honnorons qu'en intention d'honnorer le Crucifix, et vous conseille, pour vostre consolation, que quand vous verres la Croix, vous regardies tousjours le Crucifix en icelle.

  A007000680 

 Et de fait, qui n'honnoreroit un si grand reliquaire, une si signalee marque de la charité du Filz de Dieu? Je vous proposerois volontier une belle doctrine de saint Bonaventure touchant ceste veneration de la Croix; mais je veux finir.

  A007000724 

 On void souventesfois es bonnes et grosses villes, et peut estre l'aures vous bien remarqué, qu'arrivant quelque signalé operateur, il faict incontinent publier son arrivëe, et les maladies desquelles il faict profession de guerir plus particulierement, affin que ceux qui en sont travaillés viennent au secours vers luy.

  A007000725 

 Hé, qui voudries vous donques qui les receust? N'est ce pas l'honneur au medecin d'estre recherché des malades, et d'autant plus que leurs maladies sont incurables? Nostre Seigneur, non tant pour repousser la temerité de ces Pharisiens, que pour nous donner courage de nous approcher de luy, rejette bien loin par similitudes ceste consideration pharisaïque.

  A007000729 

 Ne voyes vous pas le prodigue comme il s'en va in regionem longinquam? Luc., 15.

  A007000737 

 Ilz vous ont tant offencé; Et eum qui venit [191] ad me, non ejiciam foras.

  A007000737 

 O mon Sauveur, comme sont venuz a vous ces pecheurs, puysque vous estes juste? Car David dict si absolument du juste: Non accedet ad te malum; et: Declinate a me, maligni.

  A007000738 

 Vous aves esté en peché de cœur, de bouche et d'œuvres; il faut aussi trois choses contraires, sçavoir: contrition, confession et satisfaction..

  A007000750 

 Celuy que vous estes venuz adorer, Jesus Christ vostre Seigneur et le mien, vous doint si bien faire ce pour quoy vous estes venuz, que vous recevies abondamment grace, paix et benediction de sa part, et luy, tout honneur et gloire de la vostre es siecles des siecles.

  A007000750 

 En quoy, affin de vous y ayder selon mon petit pouvoir, et vous donner quelques instructions pour vous faire benir Dieu, je vous ay apporté les parolles de David: Ecce nunc, etc., asseuré que je suis que si vous le benisses bien, il vous bénira de benedictions inestimables..

  A007000752 

 Souvenes vous donques, mes Freres, devant toutes choses, que Celuy en la præsence duquel vous estes est vostre naturel, absolu et sauverain Seigneur; car c'est a luy a qui est la terre et tout ce qui est en la terre.

  A007000752 

 [194] Il est vostre Seigneur et Maistre, parce que c'est luy qui vous a faict et formé; il n'y a point de plus juste tiltre pour posseder quelque chose que de l'avoir faite.

  A007000754 

 Adjoustes que vous vous estes donnés a Nostre Seigneur au Baptesme, si qu'on peut bien dire que vous estes a luy: Sicut jurastis Domino, votum vovistis Deo Jacob.

  A007000756 

 Et d'autant plus deves vous estre humbles, qu'estans ses taillables a misericorde, vous l'aves si souvent offencé; dont vous deves avoir si grande confusion, que d'humilité et de honte, vous retournies au neant auquel vous esties, en un nul estre, nulle vertu, nulle qualité, avant que Dieu vous tirast du miserable estat ou vous esties parmi le neant pour vous faire ses serviteurs.

  A007000756 

 Premierement, que si vous estes devant vostre Seigneur par tant de raysons, vous deves estre en toute reverence et humilité, considerant que tout ce que vous aves vous le tenes de luy, et pensant que vous luy deves autant d'honneur comme il y a de distance du rien a l'infinité.

  A007000756 

 Si donques estant devant Nostre Seigneur, en reconnoissance que vous estes ses sujetz et serviteurs, vous vous baisses et inclines le cors jusques a la terre de laquelle vous aves esté pris, baisses vos ames par humilité devant vostre Dieu, jusques au rien duquel vous estes la race..

  A007000757 

 Il veut dire: Je le sers si humblement que je ressemble un cheval mené par la bride apres vous, o mon Dieu.

  A007000760 

 O sainte parole, laquelle seule exprime tant de grandes conceptions! C'est ce service auquel le Prophete vous invite maintenant: Ecce nunc benedicite Dominum..

  A007000761 

 Dequoy j'entre en admiration comme il se peut faire que l'homme ou l'Ange ayment Dieu, et comme Dieu s'ayme soy mesme; car si aymer est desirer du bien a une personne, comme voules vous qu'on ayme Dieu a qui on ne sçauroit desirer aucun bien? Car, puysque Dieu est toute sorte de bien, on ne luy sçauroit desirer aucun bien qu'il ne l'aye plus parfaittement qu'on ne sçauroit desirer; et si il l'a, pourquoy le desirera-on? Et puys, au bout de tout cela, le bien en Dieu est essentiel; de maniere que comme ce seroit chose hors de propos de s'amuser a desirer qu'un Ange soit Ange, puysque c'est sa nature d'estre Ange, et de desirer que les Maures soyent noirs, puysque c'est leur nature, aussi semble il hors de propos de desirer que Dieu ayt quelque bien, puysqu'il a tout bien par nature..

  A007000761 

 Mais oyes comme cela va, car vous me pourries dire: Hé quoy, n'ayment-ilz pas Dieu? Aymer, mes Freres, c'est vouloir et desirer du bien, et ne sçauroit-on dire quelle difference il y a entre la bienveuillance et l'amitié, ne plus ne moins qu'on ne sçauroit dire quelle difference il y a entre haïr et vouloir du mal a une personne.

  A007000762 

 Quelqu'un me dira qu'on peut bien desirer a un Ange [198] qu'il soit Ange, c'est a dire la continuation en son estre: ainsy en Dieu, dites vous.

  A007000763 

 De cest amour parle David: Quam magna multitudo dulcedinis tuæ; Omnia ossa mea dicent: Domine, quis similis tibi? Isaye: Lætificabo eos in monte orationis meæ? C'est a quoy nous invite David: Ecce nunc benedicite Dominum, etc. Il dict nunc; comme vous voudries estre de ces beati qui habitant, commences donques maintenant, nunc..

  A007000766 

 Desormais nous vous benirons; mays affin de ce faire, assistes le magistrat ecclesiastique et seculier, delivres nous d'ennemis, donnes nous la paix, affin que vous demeuries avec nous, quia factus est in pace locus tuus, a fin que de manu inimicorum nostrorum liberati, serviamus tibi.

  A007000766 

 Non par nos merites, mais, Protector, aspice Deus, et vous nous verres tant affligés spirituellement et temporellement; et puys, in faciem Christi tui, qui a tant enduré pour nous, par la Passion duquel nous vous conjurons de nous faire misericorde.

  A007000795 

 Ilz l'approuvent asses avec ceste honnorable legation: Tu quis es? Vous ne trouveres point qu'ilz luy ayent contredict.

  A007000805 

 Or, ce qu'elle mesme faict voir par experience, je m'efforceray a vous le faire voir par discours, produisant les bons et indubitables tiltres qu'elle a pour sa visibilité et incorruption, qui est le gros du proces que nous avons avec nos adversaires.

  A007000807 

 Mays pour ne laisser aucune occasion en arriere pour faire reconnoistre l'Eglise, je vous apporteray maintenant des preuves tres certaines et tres claires comme elle est visible..

  A007000810 

 Je demande donques, mes Freres, si nos adversaires ne trouvent point de passage ou l'Eglise soit prise pour un cors invisible, n'est ce pas vouloir l'emporter sans l'Escriture? Que si au contraire, il se trouve plusieurs passages ou il est parlé de l'Eglise, et que tous s'entendent d'une assemblëe visible, vouloir contester au contraire n'est ce pas aller contre l'Escriture? Quand donq ilz vous allegueront ce fantosme, niant l'Eglise estre visible, demandes leur un passage de l'Escriture ou l'Eglise veuille dire chose invisible.

  A007000811 

 Mais dites moy, de grace, si l'Eglise est invisible, pourquoy sera ce que Nostre Seigneur nous dira, Matt., 18: Dic Ecclesiæ; si Ecclesiam non audierit, sit [208] tibi tanquam ethnicus et publicanus? Quelle sorte d'addresse seroit celle cy: Dis le a l'Eglise? Comme voules vous qu'on s'addresse a l'Eglise si on ne la voit, si on ne la connoist? 1.

  A007000812 

 Voyes vous point qu'il dict: Sicut audivimus, sic vidimus? Au Ps.

  A007000816 

 21, comme disant: A te proficiscitur, de vous depend, la louange que je reçoy en la grande Eglise, ou la loüange qui vous est rendue par mon incarnation.

  A007000818 

 Dites moy ou est la vraye prædication sinon en l'Eglise? et ou la chercheray je si je ne sçay ou est l'Eglise? Ou est la vraye administration des Sacremens sinon en l'Eglise? et ou voules vous que je les cherche si ceste Eglise est invisible et cachëe? Le jour de Pentecoste, le Saint Esprit vint il pas en l'Eglise, et toute ceste assemblëe estoit ce pas un cors visible? Mesme le Saint Esprit tient l'Eglise visible a tel poinct que, pour s'accommoder a sa visibilité, luy mesme qui est invisible, s'apparut a elle en forme visible.

  A007000818 

 Mais quoy, qu'appelles vous Eglise? est ce pas une assemblëe de gens? Ouy certes, non d'Anges.

  A007000833 

 C'est sans doute que Dieu qui a basti ceste Eglise, l'a bastie si bien et si fermement qu'elle doit estre perdurable; ce que je prouveray maintenant avec de tres preignantes raysons, pour les occasions que je vous diray tost apres.

  A007000833 

 O quelle seroit ceste espouse accompaignëe d'autant de perfections que luy desireroit son espoux! Penses donques, je vous prie, quelle doit estre ceste sainte cité que Dieu s'est præparëe luy mesme comme une espouse.

  A007000834 

 Je crois que vous sçaves, auditeurs chrestiens, que lhors qu'il pleut a Dieu creer le monde, voyant sa divine Majesté la terre et l'eau remplie d'animaux, il les benit tous, et leur donna force en leur nature, chacun en son espece, de continuer leur race jusques a la fin du monde; [de] mesme quand il eut creé l'homme, il le benit, et luy donna la mesme perfection et condition: si que des lhors on ne trouvera pas que jamais aucune sorte d'animaux aye manqué de race; et quant a nous autres, chacun sçait bien que par la ligne droitte et continuation perpetuelle, nous sommes tous descendus, de pere en filz sans interruption, de ce premier pere auquel Dieu donna la force et le commandement de multiplication.

  A007000835 

 Et qui diroit autrement, il feroit tort au sang de Jesus Christ, lequel n'a pas eu moins d'efficace pour fonder son Eglise a perpetuité, que le sang d'Adam a entretenir les generations des hommes; car ne sçaves vous pas que comme Adam a laissé une generation perpetuelle en son sang, aussi Jesus Christ a laissé une generation au sien? Que si le monde dure encores au sang d'Adam, pourquoy ne [216] durera aussi l'Eglise au sang de Jesus Christ? C'est ce que vouloit dire le grand David: Deus fundavit eam in æternum (Pseau. 47); Magnus Dominus et laudabilis nimis, in civitate Dei nostri..

  A007000836 

 Mays, je vous prie, seroit il bien seant que Nostre Seigneur eust respandu son sang pour reconcilier son Eglise a Dieu son Pere, et puys qu'en fin ceste Eglise fust tellement abandonnëe qu'elle vinst a estre du tout perdue? Certes, un tel Mediateur merite une paix perpetuelle, une alliance tres estroitte, dont Isaye dict: Et fœdus perpetuum feriam eis, parlant du Christianisme..

  A007000837 

 Voyes vous? il n'y a rien entre Christ et les siens, ny entre les siens et la fin: l'Eglise donques durera tousjours jusques a la fin, car aussi bien n'aura il jamais vaincu tous ses ennemis jusques a la fin.

  A007000841 

 Voyes vous la force de la verité, comme il la confesse? Mais voicy que vous me dires: Si Calvin confesse ceste verité, pourquoy la prouves vous si exactement? Je vous respons que le mensonge est inconstant et la doctrine de Calvin aussi.

  A007000842 

 A ceux qui disent qu'ouy, on replique: S'il y avoit une Eglise, ou vous esties avec [220] elle ou non.

  A007000842 

 Les autres donques voyant qu'il n'y avoit point d'honneur de dire, ou qu'il n'y avoit point d'Eglise, ou qu'elle estoit invisible, ont dict qu'au tems qu'ilz s'esleverent il n'y avoit plus aucune Eglise, mais que tout estoit apostasie, idolatrie et superstition; qu'elle estoit morte et esteinte, pleine d'erreurs, et que par eux elle a esté resuscitëe: et contre ceux cy, j'ay monstré maintenant que ce feu est inextinguible, car voyes vous pas la consequence?.

  A007000842 

 S'ilz disent que non, on leur dict: Vous esties donques damnés, car « non potest habere Deum patrem, » etc.; et partant il ne vous faut pas suivre.

  A007000842 

 Si vous esties avec elle, dites nous ou elle estoit.

  A007000853 

 Quant au premier, je vous advise tout du commencement, qu'un cors vray et naturel peut estre reellement en un lieu en deux façons.

  A007000854 

 Secondement, je vous advise qu'un cors peut estre spirituellement en un lieu en deux sortes: Premierement, spirituellement reellement, comme quand saint [223] Pol parle de la resurrection, I Corinth. 15, il dict: Seminatur corpus animale, surget corpus spiritale.

  A007000856 

 Troisiesmement, je vous advise que Dieu peut faire qu'un vray cors soit en un lieu ou y vienne (car l'un vaut l'autre) sans estre veu ni apperceu, et sans autres [224] conditions corporelles, et ne lairra pas le cors d'estre reellement et d'effect, vray et reel cors.

  A007000857 

 Quatriesmement, je vous advise qu'encores que j'use de ce mot de Cene, ce n'est pas pourtant que j'approuve ceste appellation; non pas parce qu'elle n'est pas en l'Escriture, car on se sert de plusieurs motz qui ne sont pas en l'Escriture, mays parce qu'elle est presque contraire, ou præsupposant chose contraire a l'Escriture.

  A007000858 

 Or, tout cela dict par maniere de præparatoire, je vous diray les tres preignans et inevitables motifz que nous devons avoir pour nous arrester fermement en ladicte creance de la realité..

  A007000900 

 Quand un prince tient la prise de quelque ville ou quelque notable victoire asseurëe, vous le voyes a tous propos parler de la bataille, et ne cessons jamais de parler de ce que nous attendons et desirons; ce que sçauroyent bien dire les voyageurs qui, desirans leur arrivëe en quelque ville, ne trouvent personne a qui ilz ne demandent combien le chemin est loin.

  A007000902 

 Vous sçaves que l'amitié est ennemie mortelle de l'oubly, dont les Anciens quand ilz la peignoyent, luy mettoyent pour devise sur ses habitz: « Æstas et hyems, procul et prope, mors et vita; » comme si elle n'oublioit ni en prosperité ni en adversité, ni près ni loin, ni en la vie ni en la mort..

  A007000908 

 Quel signe? La Croix sans doute, mes Freres; car quel autre signe, je vous prie? L'estendart de ce Prince paroistra, mays il n'en faut pas douter, car tous les Peres interpretent ainsy l'Escriture.

  A007000911 

 Vous semble il pas que nous avons rayson de suivre [235] plustost la prattique de l'ancienne Eglise que les difficultés de ces nouveaux venuz? Or, quelles raysons, je vous prie, proposent ilz?.

  A007000931 

 Vous resouvenes vous pas que quand David sonnoit de sa harpe, le malin esprit se retiroit de Saul, comme vaincu de la douce [240] melodie? Ainsy ce malin esprit, ennemy conjuré de tout accord et union, estant entré en possession de certains cerveaux leg'ers, discordans et sans harmonie, parlant par leurs bouches, il dict mille injures et blasphemes contre l'usage de ceste sainte Salutation..

  A007000933 

 Je ne m'amuseray pas a vous dire que c'est que salutation, ni moins a vous dire que c'est un office chrestien que de s'entresaluer l'un l'autre.

  A007000933 

 Mays je vous diray bien que ne pas saluer une personne quand on la connoist, est une protestation de mespris, d'indignation et abomination.

  A007000935 

 Mays, disent les hæretiques, vous salues les absens.

  A007000935 

 Que dites vous du Psalmiste quand il dict: Me expectant sancti, donec retribuas mihi? Quomodo expectant retributionem nisi sciant opera?.

  A007000936 

 Aves vous donques desir de l'honnorer, dites Ave.

  A007000936 

 Estes vous en doute de la maniere particuliere avec laquelle il la faut honnorer, dites Ave..

  A007000936 

 Or, estant ainsy arresté que c'est chose sainte de saluer la Vierge, je vous demande quelle salutation pourroit on trouver plus sainte que celle cy? l'Autheur saint, les parolles saintes.

  A007000952 

 Ainsy le faut il croire sans doute; et partant, voulant aujourd'huy vous monstrer avec ces paroles un des premiers et plus importans fondemens de la doctrine chrestienne, je vous supplie, demandons a ce celeste Consolateur son ayde, laquelle pour mieux obtenir, il nous y faut employer l'intercession de tous les Saintz, particulierement de la glorieuse Vierge, a laquelle partant nous presenterons l' Ave Maria..

  A007000952 

 C'est un viel axiome entre les philosophes que tout homme desire de sçavoir: « Omnis homo natura scire desiderat, » dict Aristote; en quoy l'esprit humain est si ardent, que l'ennemy ne sceut trouver tentation plus grande pour decevoir nostre premier pere que de luy proposer: Eritis sicut dii, scientes bonum et malum, Vous seres comme des dieux, sçachans le bien et le mal; Genes., 3.

  A007000989 

 Entre les signalëes faveurs que la bonté de Dieu fit a son bon serviteur Abraham nostre grand pere, l'une fut a mon advis, des plus grandes, lhors qu' en la vallee de Mambré, sa divine Majesté le vint visiter en son tabernacle visiblement, ainsy que raconte le Genese, chap. 18; car quel homme estoit ce qu'Abraham, affin que vous le visities? Apparuit ei Dominus in convalle Mambre.

  A007000990 

 Gloria Patri, etc. Nous luy rendons la gloire si nous croyons, esperons et aymons ceste supreme essence en sa tres glorieuse Trinité, si nous prions les troys Personnes de demeurer avec nous, si nous lavons leurs pieds, si nous les invitons sous l'arbre, ce que comme on le doive faire, je prætens vous le monstrer briefvement.

  A007000993 

 O comme nous devrions donques encores en ce tems miserable celebrer ceste sainte feste et dire: Gloria Patri, etc. Penses vous pas que nos adversaires se soyent contentés de renverser l'Eglise? Superbia eorum qui te oderunt ascendit semper; Psalm.

  A007000996 

 Chantons donques: Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, etc. Je sçay bien que vous n'entendes pas ce mistere, ni moy aussi, mays il me suffit que nous le croyions tant mieux; et ce que j'en ay dict n'est pour autre fin que pour vous le representer davantage, et vous ayder a le croire plus distinctement.

  A007000998 

 O malheur de nostre aage, o vanité, o arrogance de l'esprit humain, qui entreprend de disputer des verités si eslevees par de si foibles raysons! Ce mot de personne, o Calvinistes, signifie bien plus que vous ne dites, et les docteurs sçavent que personne est le suppost d'une nature intelligente, que c'en est le proprietaire et le possesseur; tellement qu'une Personne divine, c'est celuy qui possede et a en propre la nature divine..

  A007000999 

 Et quant a ceste belle objection que ce mot n'est pas latin, ignores vous encores que quand il a pleu a Dieu, en l'exces de son amour, nous descouvrir de nouvelles verités, il a fallu chercher de nouveaux motz pour les exprimer? Ignores vous que les motz sont faictz pour les choses, et non les choses pour les motz, et qu'il se faut bien garder d'assujettir les choses aux parolles, et beaucoup plus de renoncer aux choses les plus saintes et les plus divines pour ne pas rencontrer dans le langage usité parmi les Romains des dictions qui les signifient? Suyvant ceste maxime de vostre eschole, il faudroit encores rejetter le mistere fondamental de nostre salut, [260] l'Incarnation du Verbe æternel, pource que ce mot d'incarnation ne se trouve point dans la pure latinité.

  A007001037 

 Confirme tes frères (ce n'est pas un simple précepte, c'est l'institution d'un confirmateur, comme le: Croissez et multipliez-vous dit aux poissons, etc.); pour enlever toute défiance aux pasteurs et aux brebis, j'ai prié afin que ta foi ne défaille pas..

  A007001058 

 Et pour autant que la principale rayson que les adversaires praetendent avoir pour abandonner l'Eglise gist en ce different, je me suys proposé de vous remonstrer le mieux quil me sera possible les raysons de l'Eglise; ce que je feray avec tel ordre que vostre esprit ne sera pas beaucoup empesché a les retenir, et la probation en demeurera tres manifeste et tres claire..

  A007001060 

 Au reste, je vous adjure, Catholiques, par Celuy auquel vous esperes, que vous oÿes attentivement et devotement ces miens sermons, pour rendre tesmoignage a la foy en laquelle vos ayeulz et devanciers sont morts.

  A007001060 

 Et laysses en arriere toute sorte de passion humayne en cecy; ne regardes a la familiarité que vous aves en l'un parti ou en l'autre, mays seulement ou l'Escriture, la rayson et la vraÿe theologie battra.

  A007001060 

 Et selon que vous verres, resoulves vous, toutes choses layssees, a vous declairer pour le bon parti..

  A007001060 

 Et vous autres, Messieurs, qui suyves le parti contraire, je vous adjure par vostre salut et le sang du Sauveur, que vous venies ouir les raysons de l'Eglise Catholique, affin qu'on ne puysse dire de vous que vous l'aves condamnee sans l'avoir ouÿe.

  A007001060 

 Mays je ne voudroys pas que vous pensassies qu'en ces sermons je veuille alleguer ce que j'en pourrois dire; non, je ne diray que ce qui me semblera de plus singulier [269] et pregnant.

  A007001067 

 Et quoy donq, feres vous les misteres plus grans de l'Ancien que du Nouveau? Si la Cene n'est qu'une signification, ell'est beaucoup moindre que ceste figure.

  A007001068 

 » Mays outre cela, ne sçaves vous pas que le man fut mis sur l'autel, au tabernacle? ad Heb.

  A007001176 

 De même, lundi, vous verrez le Christ pèlerin, faire tout un voyage sans être connu..

  A007001213 

 Vos yeux seront ouverts, c'est-à-dire: vous connaîtrez toutes choses, ou simplement votre honte et la pudeur.

  A007001213 

 Vous serez comme des dieux, ou bons ou mauvais.

  A007001213 

 » Vous ne mourrez point, peut se rapporter ou à la mort subite ou à la mort inévitable.

  A007001214 

 Il est présent par la foi, en figure, etc.: et pendant que vous insistez sur sa présence, vous vous apercevez qu'ils nient positivement cette présence.

  A007001215 

 par les paroles expresses de l'Ecriture: Ceci est mon corps qui est livré pour vous.

  A007001216 

 Gardez-vous du levain des Pharisiens, qui est l'hypocrisie.

  A007001216 

 Je suis la vraie vigne; comme le sarment, etc. J'accomplis ce qui manque aux souffrances du Christ pour son corps qui est l'Eglise; qui est l'Eglise est une incidente déterminative employée dans un sens identique à: qui est donné pour vous.

  A007001220 

 Mais les paroles mêmes du texte et les arguments que nous en tirerons vous feront mieux saisir beaucoup de points..

  A007001221 

 Il réveille ensuite la foi: En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie [292] éternelle; je suis le pain de vie. Il va leur proposer une vérité difficile à accepter, il veut se concilier leur foi d'abord par un miracle, ensuite par une exhortation.

  A007001223 

 Ce pain dont je parle descend du ciel. Quant à Moïse, il ne vous a pas donné le vrai pain du ciel: c'était un pain céleste, mais non le vrai pain du ciel; il semblait venir du ciel, celui-ci seul vient vraiment du ciel.

  A007001226 

 Du serment: En vérité, en vérité, je vous le dis.

  A007001255 

 Jésus confirme son assertion lorsqu'il dit: Mais il y en a parmi vous qui ne croient point, c'est-à-dire qui ne croient pas que cette chair est pleine d'esprit..

  A007001276 

 Tirer l'exorde de la réception faite à Dieu en la personne des Anges, par Abraham qui lui dit dans la vallée de Mambré: Seigneur, si j'ai trouvé grâce, etc. ne poursuis pas ta route sans t'arrêter auprès de ton serviteur; j'apporterai un peu d'eau pour laver vos pieds, et vous vous reposerez sous l'arbre; je vous servirai aussi un peu de pain, et vous reprendrez vos forces, puis vous poursuivrez votre route; car c'est pour cela que vous êtes venus vers votre serviteur.

  A007001278 

 Souvenez-vous d'Elie sur son char de feu: il monte vers Dieu et en même temps abandonne à son disciple, avec son double esprit, son manteau.

  A007001303 

 Attendez donc la fin et vous comprendrez que ceux qui étaient aveugles ont recouvré la vue.

  A007001306 

 Saint Ignace, aux Ephésiens: « Approchez-vous souvent avec empressement de l'Eucharistie, cette gloire de Dieu.

  A007001309 

 Saint Bernard, I er sermon pour le Jeudi-Saint: « O glorieuse et aimable épouse, sur la terre vous possédez l'Epoux sous les espèces sacramentelles, au Ciel vous le posséderez sans voile! La réalité dans les deux cas, mais voilée ici-bas, à découvert aux Cieux.

  A007001310 

 LXXXIII sur saint Matthieu et LX au Peuple d'Antioche: « Si vous n'aviez pas de corps, » etc..

  A007001323 

 Ainsy vous diray-je au commencement, que semen est Mot Dei.

  A007001324 

 Aussi verres vous en saint Pol: Fides ex auditu, auditus autem per Mot Dei.

  A007001324 

 Que si vous voules voir plus clairement, voyes premierement en quelle façon se reçoit ceste semence: Hi sunt, dict il, qui in corde bono audientes Mot retinent.

  A007001347 

 [312] C'est de l'Eglise que vous aves appris, huguenotz, ce que vous sçaves, si vous en sçaves quelque chose, de l'incomprehensibilité et immensité de Dieu.

  A007001348 

 Mays je ne veux pas m'entretenir en cecy, car je ne pense pas qu'il y ayt icy personne tant ennemy de l'antiquité, qui ne porte honneur particulier aux eglises, comme maysons de Dieu; seulement je vous mettray un argument en main a ce propos, lequel vous pouves porter en face de tous les plus esveillés de nos adversaires..

  A007001348 

 Voyes-vous comme le lieu est determiné; car si c'estoit tout un, pourquoy diroit on in loco isto? Et en Exode, 25: Loquar inde tecum in medio cherubim.

  A007001349 

 Pourquoy donques sont ilz plustost appelés jours de Dieu que les autres? Ah, me dires vous, parce que Dieu se les est reservés.

  A007001349 

 Vous me dires: Pour ce qu'en ces jours Dieu nous a favorisés de la creation et autres benefices.

  A007001351 

 Voyes vous comme il faut que Nostre Seigneur vienne le premier a nous? S'il n'eust entré en Hiericho, jamais Zachee ne le seroit allé trouver, dont il dict bien [315] par, apres: Venit enim Filius hominis quærere et salvum facere quod perierat..

  A007001354 

 Ne sçaves vous pas que Joab respondit a Abner (2 des Rois, 2 )? Il l'avoit poursuivi si vivement, qu'Abner voyant le soleil couché, et que neantmoins Joab poursuivoit tousjours a les battre, il s'escria: Num usque ad internecionem tuus mucro desæviet? Et ait Joab: Vivit Dominus, si locutus fuisses mane, recessisset populus persequens.

  A007001355 

 Mes Freres, vous voudries bien que vous fussies sauvés, mays recevoir Nostre Seigneur quand il vous appelle, rien moins; faire restitution et pœnitence, abandonner l'occasion de pecher, rien moins.

  A007001355 

 Ne vous flattes pas de ce qu'on n'entend rien, on n'en sçait rien, car ces choses vous seront un jour rudement reprochëes, et Jesus Christ se plaindra qu'il vous a advertis de vous en deporter.

  A007001355 

 Vous demanderes quand, et il vous dira: Quod unus de minimis meis dixit, ego dixi; Qui vos audit me audit, qui vos spernit me spernit..

  A007001356 

 Voules vous le salut? faites comme Zachee, festinans; commences des maintenant, ce ne peut jamais estre trop tost, mais bien trop tard: Deus pœnitentibus veniam promisit, tempus pœnitendi non promisit.

  A007001364 

 Que si cela se peut dire de toute sorte de verité, combien plus, je vous supplie, mes chers Freres, de la verité qui est la premiere et la plus excellente de toutes, je dis de la verité chrestienne, au prix de laquelle toutes les autres verités ne sont presque pas tant verités que vanités; « verité plus belle que ne fut onques ceste fameuse Helene, » pour la beauté de laquelle moururent tant de Grecz et de Troyens, dict saint Augustin, puysque pour l'amour d'icelle sont mortz infiniment plus de gens d'honneur et de Martirs tressaintz.

  A007001365 

 C'est pour ceste rayson que desirant, en ces sermons suivans, prouver la verité du tressaint Sacrement de l'autel, j'ay creu que je ne pouvois mieux commencer, o mes tres chers Freres, que vous faisant voir clairement et distinctement la veritable doctrine de l'Eglise; doctrine si claire et si souëfve, que vos entendemens, au premier regard de sa beauté, la recevront, je m'en asseure, avec un amour et playsir incroyable, et la reconnoistront asses a son propre maintien et a sa grace pour estre fille de Dieu, sortie d e sa bouche et conceuë au sein de son infinie sagesse.

  A007001365 

 Mais aussi, si aupres d'icelle je vous fais voir la face du mensonge contraire, je ne doute nullement que la laydeur incroyable de celuy cy ne vous face beaucoup plus admirer et cherir la beauté de celle-la.

  A007001365 

 Tenes vos yeux ouvertz, o Chrestiens; voyes ceste belle verité autant desirable que nulle autre qui soit en l'Evangile, mays si grande et relevëe que ni vous ni moy n'en sçaurions soustenir l'esclat si Celuy qui l'a revelëe ne nous est propice.

  A007001367 

 C'est bien asses pour ce point; je crois que vous m'aves entendu, puysque je ne vous parle que d'une façon de presence et de manducation ordinaire, naturelle et charnelle..

  A007001368 

 Maintenant, mes Freres, il faut que je vous dise que les Capharnaïtes ayans ouÿ que nostre Redempteur avoit si souvent inculqué et repliqué en un sermon qu'il leur faisoit, qu'il failloit manger sa chair et boire son sang, que sa chair estoit vrayement viande, que le pain qu'il donneroit estoit sa chair pour la vie du monde, ilz creurent qu'il voulust donner sa chair en ceste premiere sorte, c'est a dire reellement (car ses parolles estoyent si preignantes qu'ilz n'en pouvoyent douter), mays charnellement; car ilz pensoyent qu'il la voulust donner morte, par pieces et morceaux, grossiere, obscure, espaisse, corruptible, pesante, palpable, visible, et que par consequent il failloit qu'ilz la deschirassent et maschassent comme les antropophages ou mangegens, cannibales et margajas, qui s'entremangent les uns les autres comme l'on mange la chair des moutons et brebis.

  A007001370 

 De ceste mesme sorte de manducation grossiere et charnelle furent accusés les anciens Chrestiens par les payens atheïstes; et je vous supplie, mes chers Freres, de remarquer cecy.

  A007001372 

 Mais qui peut trouver [excusable] ceste accusation en ce tems, auquel l'impudence a bien osé passer si avant que de reprendre ceste mesme calomnie pour en deshonnorer les Catholiques? Et qui ont esté ces impudens? me dires vous.

  A007001373 

 Mais quoy, n'exprime il pas asses son intention quand il dict en ce mesme discours: Je suys le pain vivant qui suys descendu du ciel? Voyes vous pas qu'il ne parle pas d'une viande morte, mays vivante? Or, elle ne seroit pas vivante, si elle estoit deschirëe, rompue et mise en morceaux.

  A007001373 

 Or en fin, tout cela n'est que calomnie, vous le sçaves bien, mes tres chers Freres.

  A007001374 

 Mays sur tout Nostre Seigneur avoit rejetté disertement ceste intelligence grossiere et toute charnelle par ces parolles: Spiritus est qui vivificat, caro non prodest quidquam; verba quæ locutus sum vobis spiritus et vita sunt; C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne prouffite de rien; les paroles que je vous [326] ay dites sont esprit et vie. Paroles saintes, paroles divines, paroles infiniment excellentes et propres a desraciner ceste lourde et grossiere intelligence de la manducation charnelle du cors de Nostre Seigneur, et ce, par deux beaux moyens que nos anciens Peres en ont doctement tiré et deduit.

  A007001379 

 Je vous disois Dimanche, mes tres chers auditeurs, que toutes les difficultés que nos adversaires mettent en la creance de la realité du cors et sang de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement se peuvent reduire a ces deux doutes que firent les Juifz et les Disciples a Jesus Christ Nostre Seigneur, quand il leur enseignoit la verité de cest article (en saint Jan, 6).

  A007001379 

 Puys je commençay a vous monstrer que la façon en laquelle Nostre Seigneur estoit en ce Sacrement, n'estoit aucunement dure ni horrible, ains tres suave et gratieuse..

  A007001381 

 O Seigneur, je loüeray de tout mon cœur vostre toute puyssance pourveu que vous ouvries mes levres a vos loüanges; j'adoreray vostre Majesté au saint Sacrement, pourveu que vous ternes tousjours vos paroles en mon cœur: car vos paroles m'instruiront que vous y estes Homme Dieu, reellement et veritablement, et que ceste vostre praesence n'est non plus impossible a vostre volonté, quoy qu'incomprehensible a nos foibles entendemens, que le reste de vos œuvres admirables.

  A007001383 

 Vous aves peut estre besoin d'entendre pour la pluspart le fonds de ceste difficulté; escoutes un peu attentivement, et je me declaireray bien ouvertement..

  A007001385 

 Je veux dire une chose peut estre tres parfaitement præsente en un lieu sans y occuper lieu; ains les choses, d'autant que plus parfaittement elles sont præsentes a quelque lieu, moins elles y occupent de place: dequoy les exemples vous feront foy..

  A007001386 

 Et comme je vous disois dernierement de David: Si ascendero in cœlum, tu illic es; si descendero in infernum, ades.

  A007001388 

 Voyes vous, il dict que tout cela est impossible aux hommes; mays ni cela ni autre chose n'est impossible a Dieu.

  A007001391 

 En ceste entrëe icy, Seigneur, comme comparustes vous au milieu des hommes? Sans doute que vous y entrantes, la porte virginale de Nostre Dame vostre sainte Mere estant tres bien fermëe, car elle fut Vierge en l'enfantement et apres; jamais il n'y eut aucune corruption ny en sa tressainte ame ny en son cors.

  A007001391 

 Mais quoy, o mon Dieu, o mon Sauveur, o mon Maistre, permettes moy que je parle de la premiere entrëe que vous fistes en ce monde, en laquelle non vous, mais les Anges pour vous, vous voyant parmi les hommes, petit enfant, pauvret, nud et pleurant, chanterent: Gloria in altissimis Deo, et in terra pax hominibus bonæ voluntatis.

  A007001391 

 Voyes vous, mes Freres, Nostre Seigneur avec son vray cors sort hors du ventre de sa Mere sans aucune fraction ni ruption de sa virginité; ne failloit il pas donques que ce fut sans occuper [332] place, et qu'il passast par ce cors virginal par penetration de dimension? A Dieu ne playse que je die ce que nos adversaires respondent en cest endroit; c'est chose hors de respect.

  A007001393 

 Voudries vous bien, Messieurs, que je me servisse du tesmoignage de saint Augustin au 22. livre de la Cité de Dieu, chap. 8? La il est dict que Petronie eut un anneau d'un certain Juif, ou il y avoit une pierre pour la guerir de certaine maladie qu'elle avoit; l'anneau estoit tres bien lié et attaché a un lien, bien fort et ferme; elle s'en va au sepulchre de saint Estienne.

  A007001393 

 Vous voyes donques comme un cors peut estre en un lieu sans y occuper place..

  A007001394 

 Mais puysque vous voules laisser l'Escriture pour la philosophie, je vous prie, dites moy comme vous pouves voir; car, ou c'est par mission ou par immission.

  A007001394 

 Nostre Seigneur respond asses a tous ces argumens quand il dict en saint Matthieu, 19: Hoc apud homines impossibile est; apud Deum omnia possibilia sunt. Vous n'entendes pas? O, il ne faut pas laisser de croire pour cela.

  A007001401 

 Mais voudries vous bien, Messieurs, qu'en ce Sacrement on repeust le ventre et l'esprit tout ensemble? Non, cela n'estoit pas convenable.

  A007001404 

 Car a la verité, puysque c'est Jesus Christ et que Jesus Christ est Dieu, qui ne l'adorera je vous prie, aussi bien la qu'au Ciel, puysqu'il est escrit en saint Matthieu, 4: Dominum Deum tuum adorabis, et illi soit servies? car Nostre Seigneur, ou qu'il soit, il y veut estre [338] adoré.

  A007001405 

 Or affin que tout d'un coup je prouve que Nostre Seigneur est reellement selon sa chair en ce tressaint Sacrement, et tout ensemble qu'il l'y faut adorer, l'un ne pouvant estre sans l'autre, ni qu'il y soit adoré s'il n'y est pas, ni qu'il y soit sans y estre adoré par l'Eglise, qui est jalouse de rendre a son Espoux tout honneur, je vous prie de regarder combien ceste affaire est convenable, puysque ceste adoration ayant esté preveüe par David, il en tressaute de consolation au Pseaume 21, et chante: Manducaverunt et adoraverunt omnes pingues terræ.

  A007001422 

 Les Catholiques respondent qu'ouy, parce, disent ilz, que accepimus a Domino, quoniam Dominus Jesus, in qua nocte tradebatur, accepit panem, et gratias agens, fregit et dixit: Accipite et manducate, hoc est corpus meum; Nous avons appris du Seigneur que le Seigneur Jesus, la nuict en laquelle il fut livré, prit du pain, et rendant graces, il le rompit et dict: Prenes et manges, cecy est mon cors. C'est en cest article, auditeurs, ou je vous desire attentifz, si jamais vous le fustes, pour entendre nos raysons, vous conjurant de laisser toute passion pour bien juger en une cause si importante; et je suis asseuré que, le tout meurement consideré, vous feres jugement en faveur des Catholiques, tant leurs raysons devancent en fermeté, en sainteté, en solidité et en bonté celles des adversaires..

  A007001423 

 Je prie, si jamais je priay humblement et d'affection, que Celuy qui faict la bouche des enfans diserte, daigne par sa bonté me donner l'entendement de bien sonder ses tesmoignages: Da mihi intellectum, et [342] scrutabor legem tuam, et custodiam illam in toto corde meo; et a vous, mes tres chers auditeurs, qu'il incline vos coeurs es tesmoignages de sa parolle; car en ceste difficulté je vois les ennemys qui m'attendent avec une trouppe de doutes et questions humaines: Me expectaverunt peccatores ut perderent me, testimonia tua intellexi; mays l'intelligence de vos commandemens m'en delivre.

  A007001425 

 De peur que par un praejugé et supposition fause vos entendemens ne soyent atteintz de quelque passion contre nous, chers auditeurs, pendant qu'on vous pourrait avoir faict accroire que le differend qui est entre nous et nos adversaires ne gist en autre, sinon en ce qu'ilz ne veulent rien croire que ce qui est es Escritures, et [que] nous voulions fonder nostre doctrine ailleurs que sur icelles, je vous supplie de croire qu'en ce particulier differend (ni en pas un autre aussi, non plus qu'eux) nous ne voulons ceder a eux en l'honneur que nous avons juré aux Saintes Escritures; mays que tout au contraire nous protestons ne vouloir le demesler que par la seule, pure et expresse parolle de Dieu, ainsy que nous fismes Dimanche.

  A007001425 

 Si donques on vous a dict que l'Eglise n'alleguoit que l'authorité des hommes, si on vous a dict qu'elle laissoit en arriere l'Escriture, je vous prie de vous en desabuser, et croire que l'Escriture [343] a tousjours esté en nos mains, et que ce riche thresor n'a esté gardé que par l'Eglise, et que nos adversaires ne l'ont eu que de nous.

  A007001426 

 Entrons, je vous prie, en matiere, et vous verres clairement la verité de ce que je dis..

  A007001432 

 Pourquoy voules vous, o Messieurs, adjouster vos interpretations sur le testament de Nostre Seigneur? Si saint Pol faict consideration sur un singulier et pluriel, tant il veut prendre rigoureusement la proprieté des parolles, pourquoy [345] voulons nous prendre la licence de renoncer a la proprieté des paroles du Filz de Dieu en ce sien testament?.

  A007001433 

 En fin, vous semble il qu'un morceau de pain soit un present digne d'un tel Seigneur? et voules vous que nous soyons tousjours serviteurs, n'ayant pour hæritage qu'une figure, comme les Mosaïques?.

  A007001433 

 Voudries vous bien chers auditeurs, qu'un morceau de pain, un legs si petit, fut le gage d'un tel et si grand amour? Non, c'estoit luy mesme en une autre forme, impassible, qu'il donnoit comme un juste et asseuré tesmoignage de l'exces de son amour.

  A007001473 

 Cependant... il monta en Béthel: Rejetez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous.

  A007001473 

 J'apporterai un peu d'eau pour laver vos pieds, et vous vous reposerez sous l'arbre.

  A007001473 

 Mon âme s'est attachée à vous.

  A007001504 

 Vous êtes bon, et dans votre bonté enseignez-moi vos justifications..

  A007001506 

 Qu'ai-je dû faire de plus pour ma vigne que je n'aie fait? Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israel? car je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur: revenez et vivez..

  A007001507 

 Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Convertissez-vous, convertissez-vous; pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? J'ai appelé et vous avez refusé; j'ai tendu mes mains et il n'y a eu personne qui ait regardé..

  A007001507 

 Vous avez toujours résisté à l'Esprit-Saint.

  A007001508 

 Bien que nous soyons plusieurs, nous ne sommes qu' un seul corps dans le Christ. Ne savez-vous pas qu'un peu de ferment [ corrompt ] toute, etc. Saint Augustin, sur le Ps.

  A007001508 

 LXXXVIII: « Si vous aviez un maître, » etc..

  A007001509 

 Vous mangerez dans une seule maison. Saint Cyprien, De l'unité de gouvernement dans l'Eglise.

  A007001517 

 Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous.

  A007001517 

 Qui sont ceux-ci qui volent comme des nuées, comme des colombes vers les ouvertures de leurs colombiers? Puisque à cause de vous nous sommes mis a mort tout le jour, nous sommes regardés comme des brebis d'immolation.

  A007001517 

 Vous êtes tous frères.

  A007001528 

 Convertissez-vous à moi.

  A007001540 

 Convertissez-vous à moi de tout votre cœur.

  A007001540 

 Je vous ai cherché de tout mon cœur.

  A007001541 

 Le sacrifice que Dieu désire est un esprit affligé; vous ne dédaignerez pas, ô Dieu, un cœur contrit et humilié.

  A007001551 

 La bénignité et l'humanité de notre Sauveur est apparue, etc. Levez-vous, Seigneur mon Dieu, selon le précepte que vous avez établi, etc..

  A007001552 

 Levez-vous, Seigneur, dans votre colère, et dominez au milieu de vos ennemis; et levez-vous, Seigneur mon Dieu, selon le précepte que vous avez établi.

  A007001552 

 Oh si vous ouvriez les deux, si vous descendiez! Les montagnes s'écouleraient devant votre face; elles fondraient comme si elles étaient consumées par le feu, les eaux s'embraseraient, afin que votre nom fût connu parmi les Gentils.

  A007001554 

 Voici mon commandement, c'est que vous vous aimiez.

  A007001568 

 C'est Jésus de Nazareth le crucifié que vous cherchez.

  A007001592 

 N'était-il pas tout brûlant? etc. Est-ce que vous voulez éprouver celui qui [ parle ] en moi? Quoi que tu trouves, mange-le.

  A007001593 

 Jéricho, c'est l'âme du pécheur; les murs, sont le péché: Les péchés ont établi une séparation entre Dieu et vous.

  A007001593 

 Vos péchés ont établi une séparation entre vous et Dieu.

  A007001594 

 Pendant que les prêtres sonnent de la trompette, Josué dit au peuple: Vous ne crierez point, et votre voix ne sera point entendue, et aucune parole ne sortira de votre bouche.

  A007001603 

 C'est le sujet de l'Evangile que je traitteray maintenant; mays que l'Esprit Saint qui assista a Nostre Seigneur pour ce combat, m'assiste pour vous bien instruire, et vous pour me bien escouter, ce que nous luy devons demander par les intercessions de Nostre Dame.

  A007001659 

 Pourquoi cela, je vous prie? 1.

  A007001688 

 Si vous êtes le Fils de Dieu..

  A007001689 

 Si vous êtes le Fils de Dieu, pour savoir s'il l'est; s'il ne l'est pas, pour lui inspirer de l'orgueil..

  A007001713 

 Nostre Seigneur est loin; elles envoyent seulement dire: Ecce quem amas infirmatur; Celuy que vous aymes est malade..

  A007001744 

 Toutes les nations espéreront en lui, et son sépulcre sera glorieux: ce qui est entendu du Christ dans l'Epître aux Romains, chap. XV. Je vous salue, Marie, etc. Il y a une prière par manière d'insinuation: Seigneur, voilà que celui que vous aimez est malade.

  A007001747 

 Vous ne laisserez point mon âme dans l'enfer, vous ne permettrez point que votre Saint voie la corruption.

  A007001748 

 « Le malade est cher, » etc. Saint Paul: Comme vous êtes associés aux souffrances, vous le serez aussi à la consolation..

  A007001763 

 Que veux-tu? pourquoi cries-tu? Il répondit: Vous m'avez enlevé mes dieux que je me suis faits, et vous dites: que? importe?... Et ayant déchiré ses vêtements, il se couvrit d'un cilice, pleurant son fils pendant longtemps.

  A007001764 

 Hélas, hélas, mon fils, pourquoi t'avons-nous envoyé en pays étranger? Vous me chercherez et vous me trouverez lorsque vous m'aurez cherché de tout votre cœur.

  A007001794 

 Il me revient seulement de vous dire que saint Jaques, duquel nous faysons aujourdhuy la feste, a mille similitudes avec Jacob et [384] Josué, desquelles je diray quelques unes, si elles se rencontrent sur les chemins de mon discours.

  A007001857 

 Si je vous appartiens parce que vous m'avez créé, combien plus parce que vous m'avez créé une seconde [396] fois! Mais que ne devrions-nous pas faire pour éviter l'enfer? Il m'a mené et ramené.

  A007001877 

 Bref, ce discours ne vous representera les belles actions de Monseigneur vostre pere que pour vous consoler.

  A007001877 

 Comme donq je fis ce discours pour obeyr a Madame vostre mere, aussi le laisse-je maintenant sortir en public pour satisfaire a vostre desir, vous suppliant tres humblement de vous en servir pour respondre a toutes les raysons que vostre perte vous pourroit suggerer contre la consolation, car il est dressé a ceste intention.

  A007001877 

 Fous y verres qu'encores que Dieu le nous eust laissé davantage, vous n'eussies pourtant gueres jouy du bien de sa presence; car il avoit tant de charité, qu'il eut tous-jours privé de ce contentement son espouse et sa fille, pour ne point frustrer de son secours l'Eglise sa mere et l'espouse de son Dieu.

  A007001877 

 Il vous fera resouvenir que vous estes fille d'un si grand prince, sa fille unique, sa chere fille; mays il adjoustera que vous estes fille de son esprit et de sa foy plus que de son cors, puysqu'il vous a receuë de Dieu par les prieres du grand saint François, duquel aussi vous portes le nom, et que par ce vous estes plus obligee de vous resjouyr en la vie et gloire de son esprit, que de regretter la mort de son cors.

  A007001877 

 Loues donq la bonté de Dieu, je vous supplie, de ce qu'il vous a fait naistre d'un si bon pere, et qu'il vous a laissé pour vostre conduitte une si vertueuse grand'mere et une si grande mere; et moy, je supplieray sa divine Majesté qu'elle vous donne les benedictions que Monseigneur vostre pere vous a desirees, pour le voir la haut en Paradis apres avoir heureusement fini la course de ceste vie, en laquelle je vous supplie tres humblement de m'advoüer,.

  A007001877 

 Vous y verres que la vie de Monseigneur vostre pere a esté l'une des plus belles et accomplies entre celles des princes des derniers siecles, et comparable a celle des plus excellens de l'antiquité.

  A007001886 

 Si Dieu me donnoit autant d'esprit pour discourir et force a bien dire que j'en desirerois maintenant, pour le service de ceste action publique que nous celebrons pour honnorer la memoire du grand Philippe Emmanuel de Lorraine duc de Mercœur, lieutenant general de l'Empereur en ses armees d'Hongrie, je ne pourrois pas pourtant ni ne devrois vous representer, tres illustre et chrestienne assemblee, la justice du regret que nous avons pour son trespas.

  A007001887 

 Il n'est, ce me semble, besoin de vous attendrir le cœur, puisque vous en ressentes la plus grande passion.

  A007001887 

 Il ne m'est donques pas necessaire de vous esmouvoir a regretter ce prince, puisque c'est vous qui y aves le principal interest, et qui, plus sensibles aux affections du public, connoisses trop bien la perte que nous avons faite.

  A007001887 

 Ne vaut il pas beaucoup mieux cesser d'affliger ceux qui sont affligés * et mettre peyne d'essuyer vos pleurs, que de les exciter? Aussi, quand je vois devant et tout autour de moy le feu de tant de flambeaux allumés, signe ordinaire de l'immortalité, et que je me trouve revestu de blanc, couleur et marque de gloire, je connois bien que mon office n'est pas maintenant (et je vous supplie, Messieurs, de ne le pas desirer de moy), de vous representer les raysons que nous avons eu de regretter et plaindre, mays plustost celles que nous avons de finir nos regretz par le commencement de la consideration du bien dont jouyt ce grand prince par son trespas, affin que le sujet que nous avons de nous resjouyr attrempe et modere la violence du ressentiment que nous avons de ceste grande perte, quoy que je sçache que l'on doit permettre quelque chose a la pieté, mesme contre le devoir, et qu'en une douleur extreme c'est une partie du mal que d'ouÿr des consolations..

  A007001888 

 En quoy neanmoins je ne feray rien contre la juste apprehension que j'ay du defaut que je reconnois en moy et de discours et d'eloquence; car la consolation que je vous puis donner depend du mesme principe duquel procede la cause de nostre affliction.

  A007001888 

 Permettes moy, je vous supplie, puysqu'aussi bien les larmes que nous espandons pour nos amis nous meneront plustost a eux qu'elles ne nous les rameneront, et que les pleurs apres la mort sont de tardives preuves d'amitié, permettes moy, dis je, Messieurs, que je revoque vos [401] espritz a la consolation, plustost que de les provoquer a une plus grande affliction.

  A007001895 

 Au surplus je vous desire, Messieurs, autant de bienveuillance en mon endroit que j'ay de confiance en vostre bonté; pour ce peu que j'ay a parler d'une si belle vie comme fut icelle de ce prince, vous seres bien tost consolés en sa mort.

  A007001898 

 Mais, je vous supplie, nostre Dieu ne dit-il pas au premier homme qu'au jour qu'il mangeroit du fruit defendu il mourroit de mort? Et neanmoins, si nous parlons selon le vulgaire, il ne mourut qu'apres plusieurs centaines d'annees despuis qu'il eut prevariqué; toutefois la verité est qu'il commença a mourir des le jour qu'il eut offencé, et continua jusques a son dernier jour..

  A007001902 

 Mays par ce que ceste consolation que je vous presente est fondee sur la certayne esperance que nous avons que nostre trespassé est receu en la main droitte de son Dieu avec tous les justes, Justorum animæ in manu Dei sunt, voyons je vous supplie, le sujet que nous avons d'une confiance tant asseuree.

  A007001902 

 Si vous faittes misericorde en terre, disent ilz, on vous fera misericorde au Ciel; si vous consoles les affligés icy bas, vous seres consolés la haut; si vous esclaires les ignorans en la nuict de ce monde, vous aures la clarté [406] de la vision de Dieu au plein midy de l'autre; si vous combattes pour Dieu en terre, vous seres couronnés au Ciel.

  A007001903 

 Mays ne penses pas, je vous supplie, que je veuille entreprendre de vous representer fleur a fleur et piece a piece, l'esmail d'une si belle vie: les perfections de ce prince se peuvent plustost admirer qu'imiter, desirer qu'esperer, envier qu'acquerir; c'est pourquoy j'ay peur d'offencer sa memoire, disant trop peu de ce qui ne se peut asses louer.

  A007001904 

 Mais sur tout je vous supplie de croire qu'en ceste chaire et en cest habit je parle tous-jours avec beaucoup de sincerité et de religion; aussi, puisque la verité est nue et simple, je penserois faire tort a ma veritable narration si je la desguisois avec des artifices..

  A007001905 

 O saint et celeste Esprit, o bel Ange de lumiere et de paix, qui fustes assigné a ce prince pour protecteur de son ame, et qui aves esté fidelle tesmoin des bonnes actions que Dieu luy a inspirees et que vous aves sollicitees, je suis vostre humble serviteur et devot; [408] suggeres maintenant a ma foible memoire ce que vous en jugerés de plus digne d'honneur et d'imitation..

  A007001909 

 Je ne vous diray rien de ce qu'elle a fait en France et en Allemagne; aussi vous est-ce chose trop connue.

  A007001909 

 Mays si nous passons en Espagne, vous y verres Henri, frere de Guillaume duc de Lorraine, lequel ayant fidellement et vaillamment combattu pour la religion sous Alphonse roy de Castille, en la guerre qu'il avoit lhors contre les Maures et Sarrasins, espousa en recompense sa fille, qui luy porta en dote la province laquelle despuis erigee en royaume est appellee Portugal, ou la race de ce premier Henri a fort chrestiennement et genereusement regné jusques au dernier Henri, Cardinal, trespassé de nostre tems..

  A007001914 

 Mais a la verité, je ne me fusse pas arresté a vous ramentevoir la gloire de ses predecesseurs, laquelle a mon advis est la moindre partie de la sienne, si luy mesme n'en eust fait un grand cas pour s'animer a la vertu; car en la resolution qu'il print d'aller en Hongrie, il alleguoit entre ses autres raysons, que ses predecesseurs paternelz et maternelz luy avoyent laissé comme en heritage ceste sainte volonté, et qu'ilz le conduisoyent par leur exemple, comme par la main, au chemin de ce saint voyage.

  A007001919 

 Ah, menus playsirs, que vous estes devenus grans, ayant fait naistre en ce prince le playsir de l'immortalité!.

  A007001923 

 Quant a la pieté envers nostre bon Dieu, qui est le souverain bien de nostre ame, c'estoit le rendes-vous de toutes ses pensees et le centre de toutes ses imaginations.

  A007001924 

 La loüange d'avoir esté des lhors tres chrestiennement eslevé ne luy est point particuliere, mais commune a tous les princes et princesses ses freres et seurs: tesmoins les annees de virginité, de mariage et viduité de Louise de Lorraine, tres chrestienne et tres pieuse reyne de France et de Pologne, d'heureuse memoire, miroüer de la pieté et idee des princesses de nostre aàge, de laquelle je vous ay veu, o Paris, unanimement admirer la religion, humilité et charité.

  A007001929 

 Puysque vous attendes, Messieurs, que je continue, et qu'il le faut, je diray que quant a ses biens temporelz, ilz estoyent tous dediés au service de la religion Catholique: tesmoins les bastimens d'eglises, monasteres, chapelles et services bastis et fondés, ores en l'honneur du Saint Sacrement, ores en l'honneur de la Vierge, de laquelle il estoit si devot qu'il ne sçavoit jamais pres de luy aucune eglise ou chapelle dediee a ceste thresoriere de graces, qu'il ne la visitast et n'y eslargist quelque aumosne.

  A007001932 

 Et combien que je peusse dire icy en termes generaux et d'une haleyne, qu'en toutes les parties de sa vie il a fait paroistre en luy toutes les qualités qui se peuvent desirer en un grand prince pour le rendre parfait, toutesfois, pour parler plus distinctement, il me sera plus a propos de ne vous faire plus attendre la monstre de la piece, laquelle, comme elle a esté la derniere de sa vie, a aussi esté la plus glorieuse pour luy, la plus aggreable pour sa memoire et la plus utile a la republique chrestienne, et en laquelle, comme en une riche tapisserie, vous verres la tisseure d'autant de faitz d'armes et de vertus que l'œil de vos entendemens en sçauroit desirer..

  A007001946 

 Il me seroit, a la verité, du tout impossible de vous representer par parolles la valeur et prudence avec laquelle ce prince attaquoit les escarmouches avec l'armee des ennemis, desengageant ceux qui parfois s'engageoyent temerairement, regaignant les logis et petitz fortz occupés par les Turcz, faysant paroistre pendant dix sept jours entiers que les deux armees furent presque en continuel combat, un parfait assemblage de toutes les parties requises en un grand chef d'armees, et principalement en trois grandes journees esquelles il combattit si heureusement, qu'il y gaigna plusieurs canons et fit un carnage de Turcz des plus signalés qui se soit fait en nostre aage; auquel, entre plusieurs autres chefz, Mechmet Kiaïa bascha de Bude et le bascha de Caiaie demeurerent mortz, desquelz les testes furent envoyees [426] pour estre baillees en eschange de plusieurs Chrestiens.

  A007001952 

 Consideres aussi le credit qu'il s'estoit acquis: voyes l'archiduc [427] frere de l'Empereur, sous sa conduitte, penses aux grans faitz d'armes qu'il a executés en si peu de tems, resouvenes vous de la puissance de l'ennemy qu'il a deffait, l'inegalité de ses forces avec la monstrueuse multitude des Turcz, et vous admireres l'immensité des merites de ce prince, mays plustost de ce grand miracle, duquel nous devons bien tous remercier le grand Dieu des armees, qui a voulu deffaire ses ennemis par le bras de ce prince, prenant en main la justice de la cause..

  A007001952 

 Mais ce pendant, imagines vous avec moy, je vous supplie, un prince estranger en un païs lointain, en une armee composee d'une si grande diversité de nations et de laquelle la moindre partie estoit françoise.

  A007001955 

 Je m'en resjouys avec vous, o belle France, et loué soit nostre Dieu que de vostre arsenal soit sortie une espee si vaillante, et que l'Empire soit venu a la queste d'un lieutenant general a la cour de vostre grand Roy, auquel c'est une grande gloire d'estre le plus grand guerrier d'un royaume duquel sortent des princes qui au reste du monde sont estimés et tenuz les premiers.

  A007001956 

 Mais parce que la vie doit estre comme une image dont toutes les parties doivent estre belles, et que la conclusion est la plus remarquable partie de l'œuvre, voyons un peu, je vous supplie, quelle fin eut une si belle vie.

  A007001961 

 Laisses pleurer David sur la mort de son Absalon lequel est mort reprouvé; mais consoles vous sur le trespas de ce prince qui n'est pas mort, mais sauvé de la mort.

  A007001961 

 Ne penses plus a sa vie pour regretter sa mort, mais penses plustost a sa mort pour imiter sa vie, de laquelle si vous voules avoir une perpetuelle idee devant les yeux et en conserver un brief memorial, resouvenes vous de sa devise: « Plus fidei quam vitæ.

  A007001961 

 Que vous semble il maintenant, Messieurs, de la vie et du deces de ce prince? Sa vie merite elle pas d'estre celebree par des louanges immortelles? Vous est il advis qu'il faille regretter le trespas de celuy qui a si bien vescu? Il a receu la mort de bon cœur, et vous en voules detester la nouvelle? Non, non; quicomque vous a [432] dict qu'il estoit mort vous a trompés, ceux qui ont si bien vescu ne meurent jamais.

  A007001962 

 Vous resouvient-il pas du bon Helie? Le chariot ardent l'enleve, et le transporte au ciel, mais il laisse tomber son manteau pour son disciple Helisee.

  A007001963 

 Hé, qui sera ce courageux Helisee qui la recueillira? Qui sera ce brave prince qui, marchant sur les pas de ce grand conducteur d'armees, avec « plus de foy que de vie, » poursuivra les victoires qu'il a si bien commencees contre les ennemis du Crucifix? Permettes moy que je vous expose une mienne pensee.

  A007001963 

 Non, croyes-moy, je vous supplie, qu'il n'a point de plus grand soucy que celuy que je dis..

  A007001965 

 Mais encores me semble-il qu'il vous parle, Madame sa tres chere vefve, et a vous, Messieurs ses parens, et qu'il vous dit ces paroles: Regardes ou je suis, je vous supplie: je suis au lieu que j'ay tant desiré, auquel je me console en mes travaux passés qui m'ont acquis ceste gloire presente; pourquoy ne vous consoles vous avec moy? Quand j'estois avec vous, vous faisies profession de vous resjouïr avec moy de toutes mes consolations, [434] mesmement des caduques et illusoires: hé, ne suis-je pas tous-jours celuy-la? Pourquoy vous affliges vous donques de mon trespas, puysqu'il m'a donné tant de gloire? Non, je desire de vous tout autre chose que ces regretz; si vous aves des larmes, gardes les pour pleurer vos pechés et les malheurs de vostre siecle..

  A007001967 

 Dieu exauce les prieres de tout le Christianisme, lequel, joignant ses vœux aux nostres, conspire en ceste voix pour vous: Dieu donne sa paix a celuy qui a tant combattu pour defendre la nostre; Dieu donne son Paradis a celuy qui a conservé les maysons de tant de Chrestiens; Dieu donne son temple celeste a celuy qui a tant preservé d'eglises en terre; Dieu reçoive en la cité de Hierusalem triomphante celuy qui a tant combattu pour la militante.

  A007001967 

 Dieu vous reçoive en son saint domicile, o belle ame.

  A007001967 

 Nous vous donnons tous nos vœux et souhaitz.

  A007001967 

 Que si neanmoins le secret inscrutable de nostre Dieu vous avoit encores confiné, o devot et genereux esprit, pour quelque tems au sejour de purgation, voicy que nous vous donnons nos prieres et oraysons, nos jeusnes et nos veilles et tout ce que nous pouvons, et sur tout ces saintz Sacrifices, aflin qu'ilz vous soyent appliqués.

  A007002034 

 C'est presque le sujet que j'ay a traitter devant vous, o peuple, mays que je ne puis bien traitter si je n'obtiens l'assistance du Saint Esprit.

  A007002039 

 Il est vray que l'Escriture nous enseigne en termes generaux que tous les hommes meurent, et n'y en a pas un qui soit exempt du trespas, mais elle ne dit pas que tous les hommes sont mortz, ni que tous ceux qui ont vescu soyent des-ja trespassés; au contraire elle en excepte quelques uns, comme Helie qui sans mourir fut transporté sur le chariot de feu, et Enoch qui fut ravi par Nostre Seigneur avant qu'il aye senti la mort; et encores saint Jean Evangeliste, comme je pense estre le plus probable selon la parole de Dieu, ainsy que je vous ay remonstré cy devant, le jour de sa feste en may.

  A007002040 

 Asseurés donques qu'elle est morte, meditons, je vous supplie, de quelle sorte de mort elle mourut.

  A007002052 

 Car quant a son amour, o comme il vous blessa, lhors que vous voyies mourir un Filz qui vous aymoit tant et que vous adories tant! Quant a sa douleur, comme elle vous toucha vivement, touchant si mortellement tout vostre playsir, vostre joye, vostre consolation! Et quant a ses paroles si douces et si aigres tout ensemble, helas, ce vous furent autant de vens et d'orages pour enflammer vostre amour et vos douleurs, et pour agiter le navire de vostre cœur presque brisé en la tempeste d'une mer tant amere! L'amour fut l'archer, car sans luy la douleur n'eust pas eu asses de mouvement pour atteindre vostre ame; la douleur fut l'arc qui lançoit les paroles interieures et exterieures, comme autant de dars qui n'avoyent autre but que vostre cœur..

  A007002054 

 Et quoy, me dires-vous, mourut elle alhors? J'ay des-ja dit que quelques uns qui l'ont ainsy voulu dire ont fort [446] erré, et que l'Escriture tesmoigne qu'elle estoit encor vivante au jour de la Pentecoste, et qu'elle persevera avec les Apostres aux exercices de l'orayson et communion, et de plus que la tradition est qu'elle vescut plusieurs annees despuis.

  A007002054 

 Mais oyes, je vous prie: n'arrive il pas souvent qu'une biche est blessee par le veneur, et que neanmoins elle s'eschappe avec son coup et sa playe, et va mourir bien loin du lieu ou elle a esté blessee et plusieurs jours apres? Ainsy certes Nostre Dame fut blessee et atteinte du dard de douleur en la Passion de son Filz sur le mont de Calvaire, et ne mourut toutefois pas a l'heure, mays porta longuement sa playe de laquelle en fin elle mourut.

  A007002054 

 Mais revenons a nous, je vous prie.

  A007002054 

 O playe amoureuse! o blesseure de charité, que vous fustes cherie et bienaymee du cœur que vous blessastes!.

  A007002056 

 Voyes les afflictions de son cœur, voyes les passions de son cors, consideras, je vous supplie, et voyes qu'il n'y a point de douleurs esgales aux siennes; mais neanmoins toutes ces douleurs, toutes ces afflictions, tous ces coups de main, de roseau, d'espines, de fouet, de marteaux, de lance ne pouvoyent le faire mourir; la mort n'avoit pas asses de force pour se rendre victorieuse sur une telle vie, elle n'y avoit point d'acces.

  A007002060 

 Mays comment cela? Vous aves veu qu'elle fut blessee d'une playe d'amour sur le mont de Calvaire voyant mourir son Filz; des lhors cest amour luy donna tant d'assautz, elle ressentit tant d'eslancemens, ceste playe receut tant d'inflammation, qu'en fin il fut impossible qu'elle n'en [449] mourust.

  A007002063 

 Le monde et tous ses habitans sont sujetz au sac et pillage et au feu general; mais ne vous semble il pas qu'il y aye rayson d'excepter Nostre Dame et son cors? cors qui receut et logea non les espies, mais le vray Josué, le vray Jesus, et non pour une nuict, mays bien pour plusieurs: Beatus venter, beata ubera.

  A007002067 

 Leves vous en ce commandement que vous aves fait, et ne permettes pas que ce cors qui vous a engendré sans corruption en reçoive maintenant par la mort; mais resuscités le et le saisisses sur les aysles de vostre puissance et bonté, pour le transporter du desert de ce monde bas en ce lieu de felicité immortelle.

  A007002067 

 Mays qui est l'enfant qui ne resuscitast sa bonne mere, s'il pouvoit, et ne la mist en Paradis apres qu'elle seroit decedee? Ceste Mere de Dieu mourut d'amour, et l'amour de son Filz la resuscita; et en ceste consideration laquelle, comme vous voyes, est toute raysonnable, nous disons aujourd'huy: Quæ est ista quæ ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super Dilectum suum? C'est le sujet de nostre feste, c'est l'occasion de ceste grande allegresse que tous les saintz celebrent en l'Eglise militante et triomphante..

  A007002067 

 Vous aves commandé l'assistance des enfans a l'endroit de leurs peres vieux, et l'aves gravé si avant en la nature que les cigoignes mesmes en prattiquent la loy.

  A007002069 

 Elle monte sicut virgula fumi ex aromatibus myrrhæ et thuris: Qui est celle, est il dit au Cantique des Cantiques, qui monte du desert comme une colomne de fumee, parfumee de mirrhe et d'encens, et de toutes les poudres d'un parfumeur? La reyne de Saba vint, comme vous sçaves, visiter le roy Salomon pour considerer sa sagesse et le bel ordre de sa cour, et a son arrivee elle luy donna une grande quantité d'or, de parfums et de pierres pretieuses: Non sunt allata ultra tam multa aromata, quam ea quæ dedit regina Saba regi Salomoni.

  A007002070 

 Et si bien par la penitence nous sommes restablis, si voyes vous qu'il y a bien du mauvais mesnage en nos affaires, car nous perdons beaucoup de tems; et si, nos forces demeurent affoiblies apres le peché, et mesme apres la penitence, si que nostre amas ne peut estre grand.

  A007002070 

 Mais nostre sainte Dame ayant esté comblee de grace en sa conception, des qu'elle eut l'usage de sa rayson n'a jamais cessé de prouffiter et croistre de plus en plus en toutes sortes de vertus et de graces, si que l'amas d'icelles en fut incomparable: Multæ filiæ congregaverunt divitias, sed tu supergressa es universas; Plusieurs ames ont assemblé des richesses, mais vous les aves toutes surpassees..

  A007002070 

 Voules vous voir clair en ceste doctrine? Sçaches qu'en matiere de bonnes œuvres, il n'y a personne qui commence si tost a en faire ni qui continue si diligemment comme fit Nostre Dame; car quant a nous autres, nous commençons bien tard a en faire, et si nous en faysons, bien souvent nous les perdons par le peché et ne continuons pas; si que l'amas ne s'en trouve pas fort grand, car bien qu'a l'adventure nous assemblons quelques deniers de merite, ce n'est que quelquefois, et bien souvent nous jouons et dissipons nostre argent en un coup de peché.

  A007002072 

 Aves-vous pas remarqué que la reyne de Saba portant tant de [456] choses pretieuses en Hierusalem, les offrit toutes a Salomon? Ah, tous les Saintz en font de mesme, et particulierement la Vierge; toutes ses perfections, toutes ses vertus, toutes ses felicités sont rapportees, consacrees et dediees a la gloire de son Filz qui en est la source, l'autheur et le consommateur: Soli Deo honor et gloria; tout revient a ce point.

  A007002072 

 Si vous dites qu'elle est une colomne de fumee souëfve et gratieuse, dites tout aussi tost que le feu de ceste fumee c'est la charité de son Filz; le bois c'est la Croix d'iceluy.

  A007002072 

 Si vous l'appelles rose pour son extreme charité, son vermeil ne sera que le sang de son Filz.

  A007002072 

 Voules-vous que Nostre Dame soit un lys de pureté et d'innocence? Ouy, elle l'est a la verité; mais ce lys a sa blancheur du sang de l'Aigneau auquel elle a esté blanchie, comme les estolles de ceux qui dealbaverunt eas in sanguine Agni, qui les ont lavees au sang de l'Aigneau.

  A007002073 

 Et pour tesmoigner la pureté de l'intention de l'Eglise en l'honneur qu'elle rend a la Vierge, je vous represente deux heresies contraires, qui ont esté contre le juste honneur de Nostre Dame: l'une par l'exces, qui nommoit Nostre Dame deesse du Ciel et luy offroit sacrifice, et celle-ci fut maintenue par les Collyridiens; l'autre par le defaut, qui rejettoit l'honneur que les Catholiques font a la Vierge, et celle-ci fut des Antidicomarites.

  A007002073 

 Mais aux autres elle dit: le sacrifice est le supreme honneur de latrie qui ne doit estre porté qu'au Createur; et ne voyes-vous pas que la Vierge n'est pas la creatrice, mais une pure creature, quoy que tres excellente?.

  A007002076 

 Voyes-vous pas que tout cela revient a l'honneur de son Filz et en magnifie la gloire? [459].

  A007002077 

 Et reginæ laudaverunt eam: et non seulement le peuple, mais les ames plus relevees, les prelatz, les docteurs, les princes et monarques l'ont loüee et magnifiee; et comme les oyseaux commencent a gazouiller chacun en son ramage a la pointe du jour, ainsy tous se sont evertués a celebrer ses honneurs, comme elle mesme l'avoit præveu, disant: Beatam me dicent omnes generationes, a la suitte desquelz tous les fidelles doivent, et vous le deves plus particulierement, o Parisiens, l'invoquer et luy obeyr, qui sont les deux premiers honneurs que nous luy pouvons rendre et qu'elle nous a invité a luy rendre..

  A007002078 

 La seconde fut quand elle parla aux serviteurs des noces, en Cana de Galilee, et lhors elle ne dit sinon: Faites tout ce que mon Filz vous dira.

  A007002079 

 Ceste Vierge, o peuple, vous demande sur tout pour la plus asseuree demonstration de vostre devotion en son endroit, que vous ayes son Filz pour Roy de vostre cœur et de vostre ame, qu'il regne en vous et que ses commandemens soyent mis en execution.

  A007002079 

 Faites le, o peuple, pour vostre devoir, pour vostre salut et pour l'amour de Nostre Dame, laquelle, comme vous aves veu, apres l'Ascension de son Filz, demeura encores pour quelques annees en terre, et mourut neanmoins apres quelque tems, et de la mort de son Filz, c'est a dire d'amour.

  A007002079 

 Mais si vous voules qu'elle prie pour vous, oyes sa seconde parolle, obeysses a ses commandemens.

  A007002079 

 Or, ses commandemens sont en un mot, que vous facies la volonté [460] de son Filz: Omnia quæcumque dixerit vobis, facite.

  A007002079 

 Voules vous qu'elle vous escoute? escoutes la; elle vous demande de tout son cœur et pour tout contrechange de ses affections, que vous soyes obeyssans serviteurs de son Filz.

  A007002081 

 O tres sacree et tres heureuse Dame, qui estes au plus haut du Paradis de felicité, helas, ayes pitié de nous qui sommes au desert de misere; vous estes en l'abondance des delices, et nous sommes en l'abisme des desolations; impetres nous la force de bien porter toutes afflictions, et que nous soyons tous-jours appuyés sur vostre Bien-aymé, seul appuy de nos esperances, seule recompense de nos travaux, seule medecine de nos maux.

  A007002081 

 Soyes propice au Roy: vostre grand père [461] David fit du bien au filz de Jonathas pour la memoire des services et offices receuz de Jonathas, et ce Roy est petit filz d'un de vos plus fidelles et devotz serviteurs, le bienheureux saint Louys; nous vous prions de luy donner vostre protection au nom de ce saint Roy.

  A007002081 

 Vous estes une mer, prestes les ondes de vos graces a ce jeune dauphin; vous estes estoille de mer, hé, soyes favorable au navire de Paris, affin qu'il puysse surgir au saint havre de gloire, pour y louer le Pere, le Filz et le Saint Esprit es siecles des siecles.

  A007002118 

 Vous l'avez prévenu des bénédictions de douceur; vous avez posé sur sa tête une couronne de pierres précieuses..

  A007002119 

 Et maintenant, â rois, comprenez; instruisez-vous, vous qui jugez la terre.

  A007002119 

 Servez le Seigneur dans la crainte et réjouissez-vous en lui avec tremblement..

  A007002138 

 Il ne permet pas, par vénération pour la sainte Croix, que ses enfants soient parés de fleurs le vendredi; et à vous, ô Parisiens, il légua une partie de cette sainte Croix, il vous légua la couronne d'épines, afin que le lis fût entre les épines.

  A007002157 

 Vous l'avez couronné de gloire et d'honneur.

  A007002173 

 Vous ne les sauverez à aucun prix; vous briserez les peuples dans votre colère.

  A007002194 

 Pourquoi regardez-vous? etc. Donc, tous seront rassemblés. Et alors se fera la séparation... Deux seront, etc..

  A007002195 

 En vérité, je vous le dis.

  A007002199 

 Levez-vous, morts, et venez, etc. Ne vous en étonnez pas, car l'heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui auront fait le bien en sortiront, etc..

  A007002199 

 Voici que je vais vous dire un mystère: A la vérité, nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés.


08-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome VIII-Vol.2-Sermons.html
  A008000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A008000128 

 Maître, nous voulons voir un miracle de vous.

  A008000132 

 Ainsi, en saint Jean, chap. IV: Si [ vous ne voyez ] des miracles, etc. Ainsi Thomas: Si je ne vois.

  A008000153 

 Je vous ferai devenir pecheurs d'hommes..

  A008000155 

 Vous l'avez prévenu de benédictions.

  A008000176 

 Vous me chercherez et vous ne me trouverez pas; et vous mourrez dans votre péché..

  A008000178 

 Je crois que le sens littéral est celui-ci: vous laissez de côté le vrai Messie, vous me chercherez dans d'autres, etc. Mais comme on entend aussi ce passage de leur mort dans le péché, voyons:.

  A008000180 

 Est-ce que je veux la mort de l'impie, et non qu'il se convertisse et qu'il vive? Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités, et l'iniquité ne causera pas votre ruine.

  A008000180 

 Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Car je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu; convertissez-vous et vivez. [6].

  A008000182 

 J'ai péché contre vous seul, etc., afin que vous soyez reconnu juste, etc. 2 me: Parce que le pécheur se constitue en un état dans lequel par la nature même de son acte il doit éternellement demeurer.

  A008000184 

 La fausse ressemble à la vraie... Pour vous faire éviter la fausse, je vous donnerai deux signes de la vraie.

  A008000184 

 Qu'elle soit entière: Convertissez-vous a moi de tout votre cœur; Je vous ai cherché de tout mon cœur; J'ai crié de tout mon cœur. Contre cette condition, etc.: 1.

  A008000205 

 A vous, parents, qui demandez et n'avez pas encore mérité (Remi, «orgueilleux»), mais à ceux pour qui il a été préparé, c'est-à-dire, qui ont bien mérité.

  A008000205 

 Ce n'est pas à moi, comme homme, de vous l'accorder, car ceci relève de Dieu; saint Augustin.

  A008000205 

 En effet, il semble faire allusion à ce qu'il allait dire: Possèdez le royaume qui vous a été préparé; car j'ai eu faim, etc. Vous rendrez à chacun selon ses œuvres.

  A008000206 

 Quand vous aurez fait tout cela, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles.

  A008000240 

 A la Passion: Toutes les fois que vous le ferez, vous annoncerez la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne.

  A008000240 

 Pour cela, il est ordonné dans l'Exode, XII: S'ils vous demandent, etc; Agneau pascal.

  A008000244 

 Je ne craindrai point les maux parce que vous allez avec moi..

  A008000266 

 Qui d'entre voits me convaincra de pichi? Si je vous dis la viriti, pourquoi ne me croyez-vous point? Celui qui est (le Dieu, icoute les paroles dc Dieu; et si vous ne les icontez point, c'est parce quc vous n'êtes point de Dieu..

  A008000267 

 Et maintenant le Christ, qui vient s'emparer de Jericho, la ville de la lune, la cite du monde, s'annonce comme un autre Josue qui a porte l'Arche d'alliance et accompli la loi, Qui d'entre vous me [15].

  A008000268 

 convaincra de péché? et aussi qui a prêché et fait retentir comme une trompette la parole de Dieu: Si je vous dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous point? Rien ne vous empeche de croire, puisque je vous dis la vérité et que vous ne trouverez rien dans ma vie qui n'y soit conforme.

  A008000269 

 Eh! Seigneur, c'est parce que vous dites la vérité qu'on ne peut accepter votre doctrine.

  A008000271 

 Comment connaissez-vous que quelqu'un est sourd, sinon quand les paroles ne l'atteignent pas? Près de la fontaine, Eliézer donne à Rébecca des pendants d'oreilles du poids de deux sicles, et des bracelets du poids de dix sicles..

  A008000271 

 Mais vous direz: Nous avons entendu.

  A008000271 

 Pratiquez la parole et ne l'écoutez pas seulement, vous trompant vous-mêmes, etc. Venez, descendons et confondons leur langue, afin que l'un n'entende pas la parole de l'autre; afin [17] qu'il n'entende pas, c'est-à-dire, qu'il ne comprenne pas.

  A008000273 

 En vérité, en vérité, je vous le dis: Si quelqu'un garde ma parole, il ne verra jamais la mort. L'observer comme la Sainte Vierge, la garder comme David.

  A008000273 

 Jésus répondit: Je n'ai pas de démon en moi (il ne parle pas de Samaritain; il est évident qu'il ne l'était pas), mais j'honore mon Père, et vous, vous me déshonorez.

  A008000273 

 Les Juifs dirent donc; Maintenant nous connaissons qu'il y a un démon en [18] vous; Abraham est mort, et les Prophètes aussi, qui prétendez-vous être? Jésus répondit: Si je me glorifie moi-même, ma gloire n'est rien; c'est mon Père, etc..

  A008000273 

 Les Juifs répondirent et lui dirent: Ne disons-nous pas avec raison que vous êtes un Samaritain et qu'un démon est en vous? Ces paroles-ci sont bien les propos du diable, c'est-à-dire, des blasphèmes, des paroles infernales.

  A008000274 

 Le sacrifice que Dieu désire est un esprit affligé, un cœur contrit, etc. Excitez-vous à la componction dans vos lits.

  A008000274 

 Mais le cœur de David fut frappé de remords et il dit: J'ai beaucoup péché en cette action; que votre main, je vous en prie, se tourne contre moi.

  A008000297 

 Ils dirent donc: Comment peut-il? et: Cette parole est dure... Or, le Christ sachant, etc.: Cela vous scandalise? Et si vous voyiez le Fils de l'homme montant où il était auparavant? Il prévoyait sans doute qu'un grand nombre tireraient de l'Ascension du Christ un argument pour s'efforcer d'anéantir le Sacrement de l'Eucharistie.

  A008000299 

 Il faut s'en tenir à la parole de Dieu écrite, donc rejeter les Traditions; l'Eglise dit: Gardez les Traditions que vous avez reçues, soit par nos discours, soit par notre Epître.

  A008000300 

 Gen., XVII, 16, 17, Dieu annonce un enfant de Sara, Abraham rit: Pensez-vous qu'à un centenaire? etc.; plaise à Dieu qu'Ismael vive! Gen., XVIII, Sara de même.

  A008000303 

 Voyez en effet, je vous prie, ce corps, non plus charnel, mais spirituel, qui pénètre les cieux.

  A008000317 

 Alors, vous, qui avez reçu Jésus-Christ dans son premier avènement, levez la tête.

  A008000318 

 Je m'élève vers vous, car c'est vous qui arrosez d'eau les montagnes, afin que les arbres de la campagne et les cèdres du Liban soient rassasiés; les passereaux y feront leurs nids.

  A008000331 

 Vous voyes que je vay faire un discours tout d'amour, mais que je ne puis faire si le Saint Esprit, amour celeste, ne m'inspire, et que Celle qui par luy a receu plus d'amour que nulle creature ne m'en impetre la grace.

  A008000349 

 Deuxième signe d'amour; aux Philippiens, I: Parce que je vous ai dans mon cœur; c'est l'union intime.

  A008000349 

 Mon âme s'est attachée a vous.

  A008000370 

 Vous boirez en effet mon calice..

  A008000403 

 En cette fête de Noël, vous avez reçu Jésus-Christ.

  A008000405 

 Quand le monde sera mort en vous, vous pourrez être un peu plus libres.

  A008000405 

 Quand vous serez crucifiés au monde et que le monde sera crucifié en vous, Dieu sera immortel en votre âme.

  A008000406 

 Pourquoi boitez-vous de part et d'autre?.

  A008000491 

 Comment donc l'homme, c'est-à-dire ma misère, approchera -t-il de votre cœur sublime, c'est-à-dire de vos richesses et de vos trésors? Comment irai-je de la poussière et de la cendre jusqu'au Ciel? Ah! mon Avocate, échelle du Ciel, montagne de Dieu, lien par lequel la grandeur de Dieu s'unit à ma misère, faites donc que par vous ma misère s'approche de Dieu.

  A008000491 

 Dites-moi, ô très chère Mère et ma très douce Souveraine, ces trésors resplendissants de la sagesse et de la science n'étaient-ils pas dans le Verbe, dans le Fils de Dieu, avant qu'il fût conçu dans votre sein? Mais vous, très vénérable Souveraine, ces trésors vous les avez voilés et comme cachés dans votre chair, car c'est en ce Verbe qu'ils sont cachés.

  A008000491 

 Je vous confesse, ô mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, que je suis poussière et cendre, et pourtant, je veux amasser les trésors de votre parole, non seulement pour moi, mais aussi pour mes enfants bien-aimés.

  A008000491 

 Mais mes trésors de misère sont enfouis dans cette terre; vos trésors à vous sont au Ciel, et autant le ciel est distant de la terre, autant vos pensées sont éloignées de mes pensées.

  A008000491 

 Qui donc les y a recélés? N'est-ce pas vous, ô Vierge? Mais dites-moi, ô Mère très aimante, [45] pour qui les mères cachent-elles des trésors, si ce n'est pour leurs enfants? C'est donc pour nous que vous les avez cachés.

  A008000491 

 «Malheureux! que ferai-je?» En moi tous les trésors de la misère et de l'abjection sont recélés ou plutôt manifestés; en vous, au contraire, sont cachés et maintenant même se manifestent tous les trésors de la sagesse et de la science.

  A008000492 

 O Seigneur Dieu, souvenez-vous que nous sommes poussière et que nous retournons en poussière.

  A008000492 

 O bonne Mère, ouvrez-nous ce que vous avez caché, mais de nouveau dès que nous aurons thésaurisé, cachez ces trésors en nous, comme vous les avez cachés en votre Fils.

  A008000492 

 Seigneur, il n'existe au Ciel que des trésors de sagesse, de science et de bonté; mais vous les possédez tous, ils sont tous en vous; pourquoi donc dites-vous: Thésaurisez? Livrez-nous vous-même vos trésors, et nous thésauriserons; et puisque votre Mère, comme trésorière, cache des trésors, ordonnez-lui de nous les ouvrir.

  A008000492 

 Vous les avez cachés en votre Fils sous l'humble enveloppe d'une chair mortelle, cachez-les en nous sous le souvenir de la mort et de notre fin.

  A008000492 

 Vous montrez votre puissance contre une poussière que le vent de la mort emporte de la face de la terre, et vous poursuivez une paille sèche? Pardonnez, pardonnez-nous, Seigneur, et nous ferons pénitence.

  A008000492 

 [46] Oui, Seigneur, inspiré par le zèle de votre amour, je vous en supplie, pardonnez à ceux qui veulent faire pénitence, et vous pourrez punir, Seigneur, ceux qui se rient de vous et abusent de votre miséricorde..

  A008000493 

 Convertissez-vous donc au Seigneur et faites pénitence; car voici bientôt, pour les impénitents, les supplices de l'enfer, et, pour les pénitents, le Royaume des cieux.

  A008000493 

 Quant à vous, ô Dieu, qui êtes Père et Fils et Saint-Esprit, bénissez-nous tous..

  A008000494 

 nous couvrir du cilice et de la cendre, dompter notre corps et mortifier notre chair: «Souviens-toi, ô homme.» Convertissez-vous à moi dans le jeune, les pleurs et les gémissements; 2.

  A008000497 

 Que ferez-vous donc? Pendant ce Carême, entendez la parole de Dieu, nourrissez-vous du Verbe dans l'Eucharistie, jeûnez, faites l'aumône, visitez les pauvres: voilà vos grandes œuvres.

  A008000497 

 Quelles sont les petites? Retirez-vous du plaisir des conversations inutiles, des ornements superflus; triomphez des moindres affections; soupirez fréquemment [50] de courtes mais très fréquentes oraisons jaculatoires; dites de bonnes paroles; humiliez-vous, etc..

  A008000497 

 Vous verrez bien les abeilles se poser sur les roses, les lis et les plus grandes fleurs; mais elles ne récoltent pas moins sur le thym, le romarin et les autres moindres fleurettes, et leur travail y est plus fructueux, à cause de la multitude de ces fleurs, et parce que le miel, dans ces petits vases, se conserve mieux et s'évapore moins.

  A008000498 

 En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense, c'est-à-dire la [satisfaction de leur] vanité.

  A008000498 

 Et le Seigneur nous montre cela quand il dit: Lorsque vous jeûner ne soyez pas tristes comme les hypocrites, afin d'être vus des hommes.

  A008000498 

 Jusqu'à quand aimerez-vous la vanité? Les œuvres vaines ont pour récompense la vanité..

  A008000499 

 Aussi saint Bernard ajoute-t-il: «La bouche a-t-elle seule péché, qu'elle jeûne seule; mais les membres ont aussi péché, pourquoi ne jeûneraient-ils pas? » Voir le passage sur le mot Jeûne, serm. XXXVIII. [2.] Lavez-vous, soyez purs, ôtez le mal de vos pensées.

  A008000499 

 Mon désir est donc que vous soyez tous joyeux de ce temps de jeûne quadragésimal, et que vous vous confessiez dès le début, afin que vos œuvres soient d'or et capables de vous former des trésors..

  A008000499 

 Montrez-vous joyeux; prenez votre visage des bonnes fêtes, Saint Chrysostôme: Le Christ est la tête que [51] nous oignons par notre pitié pour les pauvres, etc.; lave ton visage, c'est-à-dire ta conscience.

  A008000500 

 J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux; comme les yeux des esclaves sont fixés sur les mains de leurs maîtres, etc. [52] Les yeux sont fixés sur les mains parce que tout ce que la main du maître indique, la main de l'esclave l'entreprend; et l'œil avertit de ce qui est à faire.

  A008000503 

 Ainsi [54] saint Paul fut père: Car eussiez-vous plusieurs milliers de précepteurs, vous n'avez cependant pas plusieurs pères, etc.; il fut mère: Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement. » Or, comment le Christ nous vivifie de son sang, nous le comprenons; comment de sa bouche il nous donne la mort, la chose est moins claire.

  A008000503 

 Ainsi l'Eglise vous immole-t-elle aujourd'hui: «Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière,» etc.; ensuite, elle vous vivifie: Thésaurisez, etc..

  A008000507 

 Vous avez posé sur sa tete une couronne de pierres precieuses.

  A008000533 

 J'ai dit: Je confesserai, etc., et vous m'avez remis l'impiété de mon péché.

  A008000577 

 Qu'étes-vous allés voir an désert? Ils avaient appris qu'on prêchait au désert, ils s'y étaient rendus.

  A008000578 

 Ah! de grâce, pourquoi ta vie est-elle du vent? Saint Chrysostôme dit très bien: «Il en est qui sont irascibles par tempérament, d'autres par suite d'une longue infirmité deviennent chagrins; de même, quelques-uns sont changeants par nature, d'autres le deviennent en suivant leurs mauvais penchants.» Presque tout ce que vous jetez dans l'eau tiède s'amollit, ainsi l'âme qui s'abandonne à la mollesse, etc. Jérusalem a excessivement péché, c'est pourquoi elle a perdu sa stabilité.

  A008000578 

 Saint Augustin, dans son livre De la Doctrine Chrétienne, cité par saint Thomas, dit: «User des choses de cette vie avec plus de rigueur que les honnêtes gens qui vous entourent dénote la crainte de l'intempérance ou la tendance au scrupule; en user avec excès est preuve de prétention (comme ces histrions qui, tout misérables qu'ils sont, se couvrent d'habits royaux) ou de corruption.».

  A008000580 

 Ainsi au jour du jugement, il redira comme il dit aujourd'hui de saint Jean: Qu'êtes-vous allés voir dans le monde? Pour qui furent vos prévoyances et vos soins? Pour des roseaux, pour des hommes mollement vêtus, pour des prophètes? Oui, plus que des prophètes, car ils annoncèrent l'avenir et s'y préparèrent.

  A008000580 

 Allez, bien-aimés auditeurs, allez, mon peuple, au Christ, et demandez-lui en [65] mon nom: Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? Vous le voyez venir enfermé dans le sein de sa Mère, et c'est lui-même cependant qui viendra juger les vivants et les morts; nous ne devons pas en attendre un autre.

  A008000580 

 Donc, si vous êtes aveugles, ouvrez les yeux et voyez.

  A008000580 

 Entendez ses cris d'appel à la pénitence, marchez dans ses voies, relevez-vous.

  A008000580 

 Gardez-vous de mépriser ce petit Enfant, car ses Anges sont devant le Père pour exécuter ses vengeances.

  A008000580 

 Mais pour ne pas vous retenir davantage, je vous envoie à Jésus-Christ.

  A008000605 

 Devant votre face (version des Septante, d'après Sa, dans votre crainte, parce que nous vous craignons ) nous avons conçu et comme enfanté l'esprit, c'est-à-dire l'amour.

  A008000625 

 Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? En ce peu de mots, saint Jean exprime les deux plus beaux titres du Christ: qui doit venir et que nous attendons.

  A008000626 

 En attendant j'ai attendu le Seigneur, et il m'a écouté; ensuite: Vous n'avez pas voulu de sacrifice [72] ni d'offrande, mais vous m'avez rendu parfaitement attentif à vos paroles; vous n'avez pas demandé d'holocauste pour le péché, alors j'ai dit: Me voici... La vue est encore éloignée, c'est-à-dire la vision, mais il apparaîtra à la fin et il ne trompera pas; s'il tarde, attends-le, car il viendra et il ne tardera pas..

  A008000640 

 O Madianites, mondains, pecheurs desbauches, le Sauveur vous denonce la guerre, et nous sommes ses soldatz d'eslite.

  A008000640 

 Or sus, mes chers auditeurs, si vous ne le sçaves pas, les Madianites representent les mondains, Gedeon est la figure de Jesuschrist, et les troys cens soldatz sont un portrait des prædicateurs.

  A008000640 

 Vous dormes, non pas, au milieu de vos grossieres et terrestres affections? et voyci que ce divin Capitaine nous commande que nous sonnions haut et cler de nos trompettes, et que nous facions tout par tout retentir nos clerons: Vox dicentis mihi, clama; quasi tuba exalta vocem tuam.

  A008000641 

 Mays prions affin que je parle des paroles celestes, et que vous oyes avec un'attention convenable, et employons les prieres de la tressainte Vierge.

  A008000641 

 Mays, o Seigneur et Sauveur de nos ames, si mon ame vient icy animee du desir de sanctifier vostre nom sur ce peuple, si le courage de mon cceur tend a glorifier vostre grace, et si je suis passionne du desir de bien annoncer le fruit de vostre Passion a ces ames qui sont le sujet pour lequel vous la souffristes, he, doux Jesus, soyes moy propice, et puisque j'ay volonte de parler, donnes moy le moyen et m'inspires de quoy dire.

  A008000641 

 Mes auditeurs, escoutes avec reverence les paroles que je vous porte; car c'est en qualite d'ambassadeur extraordinaire de Dieu que je vous parle.

  A008000647 

 Et je suis sorti au champ de l'Escriture qui est proposee en 1'Evangile d'aujourdhuy, et avois cueilly a la bonne foy des collochintes: «Memento homo;» Convertimini in jejunio, fletu et planctu, etc. Mays si vous en goustes de la sorte, o Dieu, dires vous, cette prædication est toute de mort: Mors in olla, vir Dei.

  A008000663 

 Quelles figues? Les amères, très amères: [77] «Souviens-toi, ô homme, que tu es poussière;» convertissez-vous à moi de tout votre cœur, dans le jeûne, les pleurs et les gémissements.

  A008000665 

 Tu retourneras en terre est de la coloquinte; mêles-y la farine: Thésaurisez, etc. Or donc, très chers Frères, je vous présente aujourd'hui un mets fait de farine et de coloquinte.

  A008000666 

 Indiquez-moi, ô vous que chérit mon âme, où vous paissez, oit vous reposez au midi; c'est-à-dire, quelle est l'âme que vous aimez, qui fait vos délices, en qui vous vous délectez, en qui vous nourrissez vos affections que vous placez en elle comme dans un lit, de crainte que, ignorant la manière de vous plaire, je ne commence à m'égarer dans les affections mondaines des mondains.

  A008000668 

 (Ainsi: Mon Dieu, rendez-les comme une roue, c'est-à-dire, vous les rendrez.

  A008000668 

 Ajoutez iniquité sur iniquité, et qu'ils n'entrent point; c'est-à-dire, ils n'entreront point, vous ajouterez.) Or, nous vivons à l'égard de nous-même dans une double ignorance, ainsi que les philosophes ont donné une double signification à cet axiome: «Connais-toi toi-même.» Socrate, en effet, dans l'Alcibiade de Platon, dit que la connaissance de nous-même consiste dans la connaissance de l'excellence de notre âme; d'autres disent que c'est la connaissance de notre bassesse quant au corps; pusillanimité et orgueil..

  A008000670 

 Donc, dès que la femme est créée, il vient et dit: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? Voyez la ruse: Pourquoi a-t-il commandé? Parce qu'il est le Seigneur; c'est lui qui nous a faits, et nous ne nous sommes pas faits nous-mêmes.

  A008000670 

 Ses suggestions d'aujourd'hui sont semblables: Oh ces prédicateurs! ils vous interdisent toute joie, toute nourriture, tout sourire, tout soin des biens temporels; ils vous veulent tout le jour à l'église, toujours dans le jeûne, [82] Ah! traître à l'humanité! nous ne disons pas cela, mais: Nourris-toi de toute joie, mais de la joie du péché n'en use pas, etc. La femme dit: [ Nous mangeons ] du fruit des arbres... Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, c'est-à-dire, à l'arbre..

  A008000671 

 Ne savez-vous pas que le plus souvent les démons ne demandent pas de grandes choses aux devins et aux magiciens, mais un [83] poil de barbe, une rognure d'ongle? Si tu les donnes, tu es pris.

  A008000671 

 Voici le diable qui s'y précipite: Vous ne mourrez point.

  A008000674 

 Donc, étant capables de la vie éternelle, lorsque vous jeûnez, ne soyez pas tristes comme les hypocrites. Pourquoi êtes-vous tristes, vous qui attendez une telle récompense? Pourquoi, comme les hypocrites, poursuivez-vous une gloire éphémère, vous qui pouvez aspirer à une gloire éternelle? [85].

  A008000728 

 Avez-vous vu comment les verriers font les verres? Ils prennent à l'extrémité d'un bâton percé la matière préparée, soufflent ensuite dans ce tube, et le verre étant fait de la sorte n'est pas sujet à la dissolution.

  A008000736 

 Que dis-je, mes Frères? Soyez dans l'épouvante! Celui qui n'épargna pas les Anges pour une seule mauvaise pensée conçue dans le temple, comment vous pardonnera-t-il, à vous qui y poussez des éclats de rire? Pour moi, je [94] voudrais donner jusqu'à mon sang pour que vous abandonnassiez tout péché, mais je vous conjure surtout de respecter les temples; vous, nobles de la cité, vous, femmes, etc. Chambéry est le modèle de toute la Savoie.

  A008000736 

 Rien de plus agréable à Dieu, de plus utile pour vous.

  A008000736 

 Vous introduisez souvent Dagon dans le temple du Seigneur; et c'est le même péché d'introduire Dagon dans le temple du Seigneur ou l'Arche du Seigneur dans le temple de Dagon.

  A008000736 

 Vous voulez voir vos maisons honorées, honorez la maison de Dieu.

  A008000756 

 Seigneur, voila que celui que vous aimez est malade..

  A008000758 

 Comme les yeux des esclaves sont fixés sur les mains de leurs maîtres, etc. [96] J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux.

  A008000758 

 Mes yeux ont défailli dans l'attente de votre parole, disant: Quand me consolerez-vous? Nous parlons par le seul regard..

  A008000758 

 Mon cœur vous a parlé, ma face vous a recherché; Seigneur, je rechercherai votre face.

  A008000761 

 Dieu a vraiment besoin de notre misère: Ayez pitié de moi parce que je suis infirme; et notre misère a besoin de la miséricorde de Dieu; Bienheureux l'homme dont le secours vient de vous; il a disposé des ascensions dans son cœur.

  A008000761 

 Mais voyez cette admirable prière: Voilà que celui que vous aimez est malade.

  A008000761 

 «Que je vous connaisse et que je me connaisse.» «Qui êtes-vous, et qui suis-je?» Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, parce que mon âme s'est confiée en vous.

  A008000787 

 Citer alors ce que saint Grégoire de Nysse dit d'Abraham, [Ibid.,] liv. II, folio 274: Mais qui, je vous prie, pourrait sans pleurer voir l'image du Crucifié? Voici que nous voyons le corps du Christ suspendu, déchiré de toutes parts, ses yeux chargés de larmes, ses lèvres pleines de fiel et d'absinthe, sa tète ceinte d'une couronne, et le sang coulant en abondance de tous les membres de son corps.

  A008000788 

 O Jésus, purifiez, réchauffez, perfectionnez, rendez conformes à vous ceux que vous avez marqués de votre lumière, rachetés par votre sang..

  A008000789 

 De qui est cette image et cette inscription? Est-ce la tunique de Notre-Seigneur, ou non? O Seigneur, si nous vous voyions vous-même, etc. Pourquoi donc votre vêtement est-il rouge? Le pressoir, etc. Comme un signe auquel ou contredira..

  A008000789 

 Oui, tout ce qui vous implante en notre âme, nous l'aimons.

  A008000820 

 Si par l'esprit vous mortifiez les œuvres de la chair, vous vivrez.

  A008000822 

 Rappelez-vous, je vous prie, comme Anne, mère de Tobie, comptait les jours écoulés depuis le départ de son fils; ainsi cette Mère comptait ceux qui devaient s'écouler jusqu'au retour du sien: Comme le cerf soupire après les sources des eaux.

  A008000823 

 A cause de vous, nous sommes mis à mort tout le jour.

  A008000823 

 Je vous louerai sur la harpe.

  A008000850 

 Nous expliquerons brièvement la première partie; quant à la seconde, nous en presserons davantage l'exposition et nous vous en ferons un vêtement pour l'hiver qui vous menace..

  A008000852 

 Avant tout, ayez les uns pour les autres, etc. De même dans l'Epitre aux Ephésiens: Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme; c'est-à-dire dans l'Esprit-Saint qui est en votre âme, ou bien dans l'esprit qui est votre âme; parfois, en effet, nous ne pouvons renouveler la partie inférieure de notre âme dans laquelle s'élève la révolte.

  A008000852 

 Et revêtez-vous de l'homme nouveau, c'est-à-dire du Christ.

  A008000873 

 Ainsi les hérétiques: Pourquoi l'Eglise vous ordonne-t-elle de ne pas lire toute l'Ecriture? Pourquoi [113] défend-elle de se marier? Pourquoi, de manger des aliments créés par Dieu? etc. La femme lui répondit: Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le paradis; mais pour le fruit de l'arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous a commandé de n'en point manger et de n'y point toucher, de peur que nous ne mourions.

  A008000873 

 Et le serpent dit à la femme: Vous ne mourrez point; car Dieu sait qu'en quelque jour que ce soit que vous en mangiez, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal.

  A008000873 

 Je crains que de même que le serpent séduisit Eve par ses artifices, ainsi vos esprits se corrompent et que vous dégénériez de la simplicité qui est dans le Christ..

  A008000873 

 S'attaquant donc à la femme, comme étant la plus faible: Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé, dit-il, de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis? De tous, c'est-à-dire, pourquoi vous a-t-il commandé de n'en manger aucun; c'est l'opinion commune.

  A008000899 

 Je vais à Celui qui m'a envoyé, et nul d'entre vous ne me demande: Ou allez-vous?.

  A008000901 

 Quelque chose d'analogue se passe aujourd'hui: les Apôtres sont accablés de tristesse, et partant ne demandent pas au Seigneur: Où allez-vous? mais lui, les contraint à se nourrir et leur annonce son [115] départ, les causes et les avantages de ce départ.

  A008000902 

 Saint Jérôme, dans son Prologue casqué, dit: «La science de l'Ecriture est la seule dont, en tous lieux, chacun se fait fort.» Le Seigneur à la fin de notre Evangile la déclare difficile: J'ai beaucoup d'autres choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant.

  A008000903 

 Comme de petits enfants dans le Christ, je vous ai nourris de lait et non d'aliments solides, parce que vous n'en étiez pas capables, et à présent même vous ne l'êtes pas encore, parce que vous êtes encore charnels.

  A008000903 

 Dans l'Epître aux Hébreux, au sujet de Melchisédech: de qui, dit-il, nous avons de grandes choses à dire (c'est-à-dire en grand nombre), et difficiles à expliquer, parce que vous êtes devenus incapables de les entendre.

  A008000903 

 De ces grandes choses et de ce règlement, où, je vous prie, en est-il fait mention? Vous ne pouvez les porter maintenant.

  A008000903 

 Et le Christ: Vous scrutez les Ecritures.

  A008000906 

 Nul d'entre vous ne me demande: Où allez-vous? parce que nul ne veut savoir la science de la Croix ou se priver de consolation.

  A008000915 

 [119] Or sus, je ne veux point vous expliquer maintenant davantage mon sentiment ni ma consolation de me revoir aupres de vous, mon cher peuple; il me suffit que j'y sois, et que me voyci en cette si celebre feste pour vous en expliquer le mistere briefvement.

  A008000930 

 Vous êtes ma joie et ma couronne.

  A008000936 

 Vous voudriez recevoir l'Esprit-Saint? Soyez assis; humblement, vases vides, nombreux; unanimement, amour du prochain; dans la prière.

  A008000951 

 Je ne suis donc pas digne, je ne sais parler; mais vous, Mère du Verbe, par laquelle le Verbe nous est apparu, par vos prières, ouvrez ce sens, ou faites-le moi ouvrir.

  A008000985 

 (Signaler, en passant, les murmures des enfants d'Israël: librement sortis de l'Egypte, comme sortent du monde la plupart des religieux, ils sont à peine au désert, c'est-à-dire dans l'abandon, qu'ils murmurent et se ressouviennent des plaisirs du monde.) Ce soir vous saurez que le Seigneur vous a conduits hors de la terre d'Egypte, et, au [124] matin, vous verrez la gloire du Seigneur.

  A008000985 

 Je traiterai donc ces deux points: j'exposerai brièvement le mystère de l'Incarnation; en second lieu, je dirai comment nous devons tous, mais vous surtout, mes Sœurs, goûter ce mystère..

  A008000985 

 On y lit à peu près les paroles dont se servit Moïse pour annoncer aux Israélites la pluie de la manne: «Aujourd'hui,» dit-il, « vous saurez que le Seigneur viendra, et, au matin, vous verrez sa gloire.» Rappeler l'historique du fait jusqu'aux paroles de Moïse.

  A008000991 

 Mais voyez, je vous prie, comme il est pauvre! Pauvreté d'asile, pauvreté de langes, pauvreté de nourriture:.

  A008000996 

 Du reste, ce sont des animaux qu'il aime, parcs que l'un porte le joug, l'autre le fardeau; l'un est laborieux, l'autre chargé; et Jésus dira: Venez à moi vous tous qui travaillez et êtes chargés, et je vous soulagerai..

  A008001000 

 Ainsi donc vous êtes des abeilles bien-aimées; mais, n'avez-vous pas un roi? Voici votre petit Souverain, vrai Roi des abeilles; entourez-le, considérez-le, imitez-le et soyez des Oblates de probation parfaite.

  A008001000 

 Qu'il soit votre manne, votre miel, ce Roi, et qu'il régisse vos cœurs et vos corps jusqu'à ce rucher des cieux, où vous ferez un miel bien plus savoureux, etc..

  A008001027 

 Voici que parmi bien des sujets se présente la mémoire du bienheureux Joseph, objet de dévotion pour vous et pour moi.

  A008001028 

 Trois noms sont donnés à saint Joseph dans l'Evangile, car il est appelé Epoux de Marie, Père du Christ (c'est le nom que lui donne la Bienheureuse Vierge: Votre père et moi vous cherchions tout affligés ), et homme [130] juste.

  A008001030 

 Voire père et moi vous cherchions tout affligés.

  A008001054 

 Vous vous moques de Nostre [138] Seigneur, et de son nom et de ses volontes; et puis vous dites que vous estes devotz de la Mere.

  A008001067 

 Je vous adjure par les chevreuils et les cerfs des champs, si vous trouvez mon Bien-Aimé, annoncez-lui que je languis d'amour.

  A008001068 

 Son corps est aussi au Ciel: Vous ne permettrez point que votre Saint voie [136] la corruption... David: Que lui sera-t-il donné? Le roi Venrichira de grandes richesses, il lui donnera sa fille et il rendra la maison de son père exempte du tribut en Israël.

  A008001069 

 Amenez votre père et venez a moi, et je vous donnerai tous les biens de l'Egypte, afin que vous vous nourrissiez de la moëlle de la terre.

  A008001070 

 Entendant tous les Anges chanter: [137] Je vous salue, Marie (car une multitude de la milice céleste se joignit a Gabriel), Voici, dit-elle, la servante du Seigneur, et elle adora le Roi son Fils comme Jacob (les songes de Joseph en font foi: J'ai vu le soleil m'adorer).

  A008001112 

 Vous qui montez sur vos chevaux et trouvez votre salut dans vos quadriges.

  A008001114 

 Mais si vous ne vous repentez, vous serez à la vérité ses fils par votre naissance spirituelle, mais vous ne figurerez pas dans sa postérité pour le Ciel, vous ne serez pas dans le livre de sa génération..

  A008001114 

 Remarquez, très chers pécheurs, que si vous vous repentez, quels qu'aient été vos péchés, vous pourrez être fils de la Vierge qui dans sa généalogie compte plusieurs pécheresses.

  A008001115 

 Au milieu est le Christ, parce qu'elle le porte en corps et en âme: Heureuses les entrailles [ qui vous ont porté ]; heureux plutôt ceux qui entendent, [etc.] [144].

  A008001116 

 Ou, si vous voulez, ce char est la Bienheureuse Vierge; il est composé du bois de la blancheur et de l'incorruptibilité; virginité insigne, virginité des virginités.

  A008001142 

 La [148] plupart des interprètes unissent les deux mots nouveau et sien, parce qu'il était dit dans l'ancienne Loi: Tu aimeras ton prochain comme toi-même, mais dans la nouvelle: comme je vous ai aimés, c'est-à-dire, plus que soi-même.

  A008001195 

 Vous êtes la lumière du monde..

  A008001233 

 Admirable attente de la Vierge: Qui me donnera de vous avoir pour frère, allaité au sein de ma mère, afin que je vous trouve dehors, que je vous baise et.

  A008001237 

 Indiquez-moi où vous paissez, où vous reposez au midi.

  A008001239 

 Personne n'a du mien ou du tien; si quelqu'un avait dû posséder quelque chose en propre, c'eût été sans doute Marie qui aurait eu le divin Enfant, car il était son vrai Fils: cependant, elle ne se le réserve pas; mais: Votre père, dit-elle, et moi vous cherchions tout affligés..

  A008001288 

 Jacob: Emportez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous, purifiez-vous et changez vos vêtements. Et ils lui donnèrent tous les dieux étrangers qu'ils avaient, et les pendants d'oreilles; et il les enfouit sous le thérébinthe... Comme il pleurait en jetant de grands cris, Isaac ému, etc.

  A008001335 

 Comme votre esprit vous a portés à errer loin de Dieu, vous le rechercherez de nouveau avec dix fois plus d'ardeur..

  A008001336 

 Je repasserai devant vous toutes mes années dans l'amertume de mon [169] âme.

  A008001340 

 Au contraire, selon Job, [les pécheurs] ont dit à Dieu: Retirez-vous de nous, nous ne voulons point de la science de vos voies.

  A008001370 

 Sus donc, Lyonnais, entendez celui qui vous parle avec bonheur.

  A008001371 

 Ceux que vous avez haïs, Seigneur, ne les haïssais-j'e pas? J'ai haï les hommes iniques. [ Mon zèl e] m'a fait sécher.

  A008001371 

 Eloignez-vous de moi, méchants.

  A008001389 

 C'est pourquoi, comme les parents de l'Enfant le portaient [au Temple]: C'est maintenant, Seigneur, que vous laisserez aller votre serviteur..

  A008001389 

 Vous m'avez adapté un corps.

  A008001389 

 Vous n'avez pas demandé d'holocauste pour le péché; alors j'ai dit: Me voici.

  A008001389 

 Vous n'avez pas voulu de sacrifice ni d'offrande, mais vous m'avez rendu parfaitement attentif a vos paroles.

  A008001429 

 Bienheureux l'homme qui craint le Seigneur, etc.; [ sa postérité sera ] puissante; la gloire et les richesses, etc. Vous serez bon avec celui qui est [182] bon, vous serez saint avec le saint, vous serez innocent avec l'innocent.

  A008001429 

 Glorifiez-vous, vous tous qui avez le cœur droit.

  A008001430 

 Vous êtes juste, Seigneur, dit-il, et votre jugement est droit.

  A008001436 

 Vous ne vous détournerez pas à droite et à gauche; boiter de part et d'autre; à droite, par l'action, car c'est la droite qui agit; à gauche par l'omission, car la gauche est inerte et ne fait rien.

  A008001455 

 A peyne Isaac avoit acheve son propos et Jacob estant sorti, voyci Esau arrive, et apporte des viandes de sa chasse apprestees a son pere, disant: Levés vous, mon pere, et manges de la chasse de vostre filz, affin que vostr'ame me benisse ................................................ [191].

  A008001463 

 De même, être devant le soleil, c'est être éclairé; et s'il pèche envers toi, devant toi, a le même sens que contre vous; en votre présence équivaut à devant [189] vous, et pareillement signifie [quelquefois] contre vous.

  A008001465 

 Et notre Jacob dit au chap. XXVIII: La dîme de tout ce que vous me donnerez, je vous l'offrirai.

  A008001466 

 Malheur à vous, hypocrites, qui payez la dîme de la menthe, de l'aneth et du cumin, et qui négligez les choses les plus graves de la loi, la miséricorde, la justice et la foi; il fallait faire ceci et ne pas omettre cela, [190].

  A008001516 

 Mais le Christ, qui est le Seigneur lui-même, donne avant que nous ne demandions, car nous ne demanderions pas s'il ne nous enseignait intérieurement à demander: Vous l'avez prévenu des bénédictions de douceur.

  A008001516 

 Nous, confesseurs et pasteurs, qui sommes serviteurs, nous ne vous donnons les pendants d'oreilles des paroles de l'absolution ou de la purification (source de joie et d'allégresse pour les oreilles de notre coeur, d'où le texte: les os humiliés tressaillent) que lorsque vous nous avez donné des signes de componction, que vous nous avez sensiblement abreuvés du témoignage de votre contrition.

  A008001518 

 Ainsi, vous approchez le feu à l'extérieur d'un canon, et il s'allume instantanément à l'intérieur.

  A008001518 

 Voici deux comparaisons: vous tirez le cordon fixé extérieurement à la porte d'un monastère, et la clochette sonne à l'intérieur; vous touchez la bouche à l'extérieur, et la concupiscence frappe à l'intérieur, car il existe un certain lien entre les sens intérieurs et les extérieurs.

  A008001518 

 Vous vous mettez du poivre sur les lèvres, il ne brûle pas, mais peu après il brûlera.

  A008001520 

 Mais vous direz peut-être: Si les baisers étaient si fréquents entre les anciens Chrétiens, pourquoi ne le sont-ils plus aujourd'hui? Je vous demande moi: Pourquoi en temps de salubrité, tous se touchent-ils réciproquement, personne ne fuit l'haleine ou le vêtement d'autrui; et en temps de peste, pourquoi tous se fuient-ils les uns les autres? Vous me direz: C'est qu'en temps de peste tout contact est dangereux.

  A008001528 

 O prudente jeune fille, plût à Dieu que toutes vous imitassent! Quelqu'un vous caresse, pour ne pas être déçues allez aussitôt le dire à votre père ou à votre mère.

  A008001571 

 Ayant donques a traitter avec vous, mes treschers auditeurs, des choses divines qui regardent le salut æternel de vos ames, j'ay choisi pour sujet le divin cantique de Zacharie, parce qu'a mon advis, il vous sera extremement aggreable, estant un cantique de louange, un cantique de joye et cantique d'encouragement a bien recevoir le Filz eternel du Pere celeste, qui vient visiter et faire la redemption de son peuple.

  A008001572 

 Car premierement, aves vous jamais pense, voyant cet univers, pourquoy il avoit este cree? Deus, antequam quicquam faceret, ab æternitate omnium bonorum aggregatione fruebatur, neque aliquo indigebat.

  A008001591 

 Or la charité, qui est le mouvement de notre souverain Pontife, replie parfois notre vie, et présentement m'applique à vous pour un temps, moi sonnette d'une autre grenade, quoique vous ayez une sonnette bien supérieure; et voici donc que retentit à vos oreilles ma sonnerie et le son de ma voix, etc..

  A008001594 

 J'ai dit au Seigneur, vous etes mon Dieu, parce que vous n'avez pas besoin de mes biens; l'homme engendre par indigence, Dieu n'a pas créé par ce motif, mais par l'abondance de sa bonte qui est communicative.

  A008001594 

 Tout est à vous, soit Paul, soit Céphas; voir ce merveilleux passage, et enfin: Mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ à [204] Dieu.

  A008001596 

 Et au Cantique: Que verrez-vous dans la Sulamite, sinon les chœurs des camps? Mais cette guerre est pacifique, la paix triomphe: c'est dans la paix de l'âme qu'on remporte la victoire sur le démon, et dans le trouble de l'âme [205] le démon triomphe.

  A008001599 

 Le Myssolydien, au ton lugubre; c'est le genre de Jérémie dans les Thrènes, et peut-être aussi du Christ quand il disait: O Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné? Or le cantique de Zacharie comprend tous ces genres.

  A008001601 

 Premièrement, à l'Introït de la Messe: C'est vers vous que j'ai élevé mon âme, mon Dieu, je me confie en vous, c'est le cantique Lydien; bientôt après: La nuit passe, cantique Phrygien; ensuite: Il y aura des signes, chant Myssolydien.

  A008001621 

 Parcourir l'Evangile: Etes-vous Celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? [210].

  A008001665 

 C'est là que je ferai paraître la corne de David; fils de l'huile ou riche en parfums: Votre nom est une huile répandue; et Dieu vous a oint d'une manière plus excellente que ceux qui participeront à votre gloire, afin que tous les rois puisent l'huile de leur onction en vous, comme en une corne première, que vous soyez appelé Roi des rois et Seigneur des seigneurs, et que tous les rois reçoivent de votre plénitude, selon votre [216] prophétie: Par moi régnent les rois, etc. Mais cette corne qui est le Christ, est appelée fils de l'huile, c'est-à-dire qu'elle est remplie d'huile; comme fils d'iniquité, fils de péché, signifie plein d'iniquité.

  A008001672 

 Je vous adjure par les chevreuils et les cerfs des champs.

  A008001672 

 Je vous adjure, filles de Jérusalem, par les chevreuils et le faon des biches, ne troublez pas et ne rêveillez pas ma bien-aimée jusqu'à ce qu'elle-même le veuille..

  A008001674 

 Au milieu des années vous ferez connaître votre œuvre; lorsque vous serez irrité, vous vous souviendrez de la miséricorde.

  A008001696 

 Dans la première onction il reçut un cœur pur et un esprit droit ( Vous avez aimé la justice et haï l'iniquité ); dans la seconde, le saint esprit de prophétie; dans la troisième, l'esprit parfait; et comme le Christ, il a été oint d'une manière plus excellente que ceux qui devaient participer a sa gloire.

  A008001696 

 La grâce a été répandue sur vos lèvres, c'est pourquoi Dieu vous a béni pour l'éternité; l'huile répandue de la doctrine.

  A008001700 

 Droit, pur: Vous avez aimé la justice et haï l'iniquité, c'est pourquoi Dieu, votre Dieu, vous a oint d'une huile d'allégresse.

  A008001700 

 Saint Pierre prêchant: Vous savez comment Dieu l'a oint de l'Esprit-Saint et de la puissance.

  A008001723 

 Je vous dénonce souvent, et je ne le puis trop faire, ce manque de rectitude, cet esprit de contention, bizarre, qui caractérisent les anciens hérétiques.

  A008001727 

 Ceux à qui vous remettrez [ les péchés, etc.] Celui qui me mange vivra lui-même par moi.

  A008001727 

 Le Baptême: Je vous baptise dans l'eau, il vous baptisera dans l'eau et l'Esprit-Saint; et [saint Paul] aux Ephésiens: Le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré lui-même pour elle, la purifiant par le baptême d'eau dans la parole de vie. Expliquer ces textes: dans l'eau et l'Esprit-Saint et parole de vie.

  A008001727 

 Les paroles [230] que je vous dis sont esprit et vie.

  A008001749 

 Car je ne veux pas que vous ignoriez, mes frères, que nos pères ont tous été sous la nuée et qu'ils ont tous passé la mer, qu'ils ont tous été baptisés sous Moïse dans la nuée et dans la mer, qu'ils ont tous mangé la même nourriture.

  A008001749 

 Noter: Et que vous ne deveniez point idolâtres comme quelques-uns d'entre eux; ne commettons point la fornication; ne murmurez point, etc. Ils commirent la fornication, et il en tomba vingt-trois mille.

  A008001750 

 Quant à vous, vous êtes toujours le même.

  A008001751 

 Le changement, c'est-à-dire que vous paraissez avoir changé de dessein sur votre Christ.

  A008001751 

 Tant que nous sommes dans l'attente, le temps nous dure: Où sont vos anciennes miséricordes, ô Seigneur, telles que vous les avez jurées à David dans votre vérité? Souvenez-vous, Seigneur, de l'opprobre (que j'ai gardé dans mon sein) que vos serviteurs ont souffert de la part d'un grand nombre de nations; de ce que nos ennemis ont reproché, Seigneur, de ce qu'ils ont reproché le changement de votre Christ.

  A008001753 

 Vous aussi, par le sang de votre alliance, vous avez fait sortir les prisonniers du lac qui est sans eau.

  A008001791 

 Après que vous aurez tout fait, dites: Nous sommes des serviteurs inutiles. Le Seigneur dit de Jean: Un Prophète, oui, je vous le dis, plus qu'un Prophète; mais Jean répond: Je ne le suis pas.

  A008001791 

 Je ne suis pas digne que vous entriez.

  A008001791 

 Les anciens disent: Seigneur, il est digne que vous lui accordiez cette grâce, car il nous a même construit une synagogue; cette dignité est de convenance, elle est selon votre miséricorde, dignité relative et non pas équivalente.

  A008001792 

 Aussi ajoute-t-il: La malice des pécheurs sera anéantie, et vous dirigerez le juste.

  A008001792 

 D'après Maldonat, les anciens ne suivirent pas les intentions du centurion, et contre la fidélité aux termes de l'ambassade, ils ajoutèrent: Il est digne que vous lui accordiez cette grâce, tandis qu'il affirmait n'en être pas digne.

  A008001793 

 Cependant vous ne le guérirez pas si je n'ai la foi; eh bien! je l'ai, car nous avouons n'être pas dignes que vous entriez sous le toit de notre cœur, mais dites seulement une parole.

  A008001793 

 Et pour vous et vers vous, dans ce champ de pénitence, je m'écrierai: Seigneur, mon serviteur, mon peuple, mien, non que j'aie autorité sur lui, mais par l'affection que je lui porte, gît paralysé dans votre maison, et il souffre extrêmement, mais venez et guérissez-le.

  A008001793 

 Voici que je vous apporte la parole du Seigneur; mais vous, Seigneur, parlez, et non pas moi.

  A008001796 

 Vous avez formé un mauvais dessein contre moi, mais Dieu l'a changé en bien.

  A008001796 

 Vous avez pensé et vous n'avez pas réussi, Dieu a pensé et sa pensée est devenue acte.

  A008001805 

 Vous avez entendu qu'il a été dit aux anciens.

  A008001807 

 [243] Tertullien, Apologétique: «Le Chrétien n'est l'ennemi de personne.» Afin que vous soyez les fils de votre Père.

  A008001825 

 Hinc Psaltes: Irascimini, (Hebraice, contremiscite ) et nolite peccare; Tremousses par la saillie de l'ire, si vous sentes les eslans de l'ire.

  A008001848 

 Le Psalmiste dit aussi: Mettez-vous en colère (en hébreu: Tressaillez de crainte) et ne pèchez pas.

  A008001848 

 Trémoussez par la saillie de l'ire, si vous sentez les élans de l'ire.

  A008001851 

 C'est pourquoi nous sommes oints comme des athlètes et on fait sur nous des exorcismes contre le démon; nous sortons de la sainte Table forts «comme des lions au souffle enflammé;» ce sont les expressions de saint Chrysostôme; aussi disons-nous avec le Psalmiste: Vous avez préparé une table devant moi.

  A008001852 

 Saint Paul dit: Par les armes de justice, a droite et a gauche; et David: Le zèle de votre maison m'a dévoré et les outrages de ceux qui vous insultaient sont tombés sur moi.

  A008001888 

 Voici que je vais vous dire un mystère: A la vérité, nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés.

  A008001889 

 C'est d'une manière mystérieuse [254] qu'on entendra ces paroles: «Levez-vous, morts,» parce que les corps ressusciteront sur-le-champ; mais ces autres: «Venez au jugement,» seront entendues réellement, parce que déjà la résurrection aura eu lieu.

  A008001889 

 La voix: «Levez-vous, morts, et venez au jugement.» Bien peser ici les paroles du Seigneur, qui, après avoir parlé de son pouvoir de juger et de ressusciter les morts, ajoute: Ne vous en étonnez pas, car l'heure vient ou tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu; et ceux qui auront fait le bien en sortiront pour ressusciter à la vie, ceux qui auront fait le mal, pour ressusciter à leur condamnation.

  A008001915 

 Les Anges dirent [aux disciples]: Pourquoi vous arrêtez-vous ici? etc.; ce Jésus qui du milieu de vous s'est élevé au ciel, etc. Où s'est opérée la Rédemption, là se fera le jugement.

  A008001916 

 De cet examen le Seigneur affirme: En vérité, je vous le dis, il portera sur toute parole oiseuse.

  A008001916 

 Et l'Apôtre: Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous, etc.; c'est pourquoi ne jugez pas avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres et qui manifestera les secrètes pensées des cœurs... Et je vis un grand trône blanc, et quelqu'un assis dessus, en présence duquel la terre et le ciel s'enfuirent, et leur place ne se trouva plus; et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône; et les livres furent ouverts, et un autre livre fut encore ouvert, qui est le livre de vie (c'est-à-dire, qui est [258] la vie); et les morts furent jugés sur ce qui était écrit dans les livres selon leurs œuvres.

  A008001918 

 Histoire de Joseph: [ Ils se dirent ] les uns aux autres: C'est justement que [259] nous souffrons tout ceci, parce que nous avons péché contre notre frère; voyant les angoisses de son âme quand il nous suppliait, nous ne l'avons pas écouté; c'est pour cela que cette tribulation a fondu sur nous. Et Ruben de répondre: Ne vous ai-je pas dit: Ne péchez pas contre cet enfant? et vous ne m'avez pas écouté; voilà que son sang nous est redemandé..

  A008001944 

 Le Seigneur parlait des rigueurs de l'examen, lorsqu'il ajouta: Or, je vous le dis qu'il portera sur toute parole oiseuse, etc. Alors quelques-uns d'entre les Scribes et les Pharisiens lui répondirent: Maître, nous voulons voir un miracle de vous.

  A008001946 

 C'est donc à bon droit que seront condamnés les méchants, et ils n'auront rien à objecter à une aussi juste sentence; mais avant que nous l'entendions [je veux vous confier une pensée qui m'est familière].

  A008001947 

 Ou plutôt je me figure voir à ce jugement ce qu'on vit au Jourdain quand Israël sortait de l'Egypte: Les eaux supérieures grossissaient et s'élevaient semblables à une montagne (d'où le mot du Psaume: Montagnes, vous avez bondi comme des béliers; ce qui signifie que des montagnes de flots s'agitaient et semblaient danser), tandis que les eaux inférieures descendaient à la mer du Désert, c'est-à-dire à la mer Morte, au lac Asphaltite (belle comparaison, car le Jourdain est précisément le fleuve du jugement).

  A008001948 

 La voix des eaux de la vie et de la mort, mer Morte... Ses yeux comme une flamme de feu, pénétrant tout: Vous avez sondé mon cœur et vous l'avez visité pendant la nuit, vous m'avez éprouvé par le feu et il ne s'est point trouvé d'iniquité en moi.

  A008001949 

 (Que dites-vous, hommes pervers? Voici qu'on récompense [264] les œuvres de miséricorde: Les livres furent ouverts et les morts furent jugés, d'après ces livres, selon leurs œuvres.) Ils fondront de douceur à ces paroles.

  A008001949 

 Venez au port, venez dans le royaume, venez dans le sein de ma miséricorde, venez au festin, venez aux noces, venez à la solennité; bénis, fils bien-aimés de bénédiction; possédez le royaume qui vous a été préparé dès l'origine du monde.

  A008001950 

 Retirez-vous de moi, maudits; parole d'éternelle déchéance, d'exhérédation, de répulsion et de mort éternelle.

  A008001951 

 Et peut-être ce choix ne vous sera plus jamais proposé! O éternité, éternité! [265].

  A008001951 

 O Dieu! laquelle voulez-vous choisir? Faites un bon choix.

  A008001977 

 Ayez pitié de moi, Seigneur, parce que j'ai crié tout le jour vers vous; réjouissez l'âme de votre serviteur, parce que c'est vers vous, Seigneur, que j'ai élevé mon âme. De même: C'est vers vous que j'ai élevé mon âme; mon Dieu, je me confie en vous, je ne [267] rougirai point.

  A008001978 

 Vous serez utilement tourmenté, si c'est le repentir qui vous tourmente..

  A008001979 

 Hélas! Celui qui a créé l'oreille n'entendra pas? Celui qui a façonné l'œil ne considère pas? O Verbe de Dieu, vous ne répondez pas une parole? Parfois, l'amour fait la sourde oreille (Pierre, m'aimes-tu? Pierre, m'aimes-tu?) afin que nous criions plus fort..

  A008001980 

 Tirez-moi; nous courrons après vous à l'odeur de vos parfums..

  A008001981 

 Dès que [la Chananéenne] a levé le cerf de son fort, de son buisson: Elle crie après nous, [disent les Apôtres]; elle nous invoque, c'est-à-dire, elle vous prie par notre entremise.

  A008001981 

 O Seigneur, souvenez-vous de vos miséricordes.

  A008001981 

 [269] (Les pauvres crient après nous: «Ce que vous dévorez nous appartient; toutes vos dépenses inutiles sont un vol cruel que vous nous faites.») Mais la femme répond: Oui, car les petits chiens, etc..

  A008002012 

 Et saint Pierre: Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé..

  A008002047 

 Oh! que ne puis-je vous dépeindre au vif par mes paroles cette glorieuse Transfiguration! Assurément, vous voudriez avec Pierre, établir votre demeure [sur le Thabor]; mais du moins nous en esquisserons quelque chose, afin surtout que vous entendiez le Fils, c'est-à-dire, afin que vous observiez ses préceptes..

  A008002048 

 Et Isaïe: L'œil n'a point vu, hors vous seul, ô Dieu, ce que vous avez préparé a ceux qui vous attendent. Ainsi les enfants d'Israël ne pouvaient regarder le visage de Moïse.

  A008002053 

 Alors nous dirons: Que vous êtes beau, mon Bien-Aimé, que vous êtes beau! de là provient l'amour.

  A008002073 

 Qu'en sçaves vous? Quare de loco vobis incognito male loquimini?.

  A008002080 

 Vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché..

  A008002083 

 Dans ce texte: Le principe, c'est moi qui vous l'annonce, la version grecque met le mot principe à l'accusatif: [280] τήν άρχήν tin archin: C'est moi qui vous annonce le principe, c'est-à-dire Dieu votre Créateur.

  A008002083 

 Le sens littéral de l'Evangile est celui-ci: vous me laissez de côté, moi qui suis le vrai Messie.

  A008002083 

 Par la mort, je vais à mon Père; et alors, c'est-à-dire après ma mort, vous chercherez un autre Messie et vous ne me trouverez pas; et partant, vous mourrez dans votre péché.

  A008002084 

 Est-ce que je veux la mort de l'impie, dit le Seigneur, et non plutôt qu'il se convertisse et qu'il vive? Convertissez-vous et faites pénitence de toutes vos iniquités, et l'iniquité ne causera pas votre ruine.

  A008002084 

 Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Car je ne veux point la mort de celui qui meurt, dit le Seigneur Dieu; revenez et vivez.

  A008002086 

 Là où je vais, vous ne pouvez venir, c'est-à-dire: Je vais a mon Père par une voie dure et par une pénitence rédemptrice ( ce que je n'ai pas pris, je l'ai pourtant payé ); et vous ne pouvez venir, c'est-à-dire vous ne voulez pas, parce que vous êtes d'en-bas et du monde.

  A008002087 

 Je vous ai cherché de tout mon cœur, ne me rejetez pas de la voie de vos commandements.

  A008002087 

 La première est la fausse pénitence, car la fausse pénitence ressemble à la vraie: Mêlas et Céphisse; les eaux du Styx sont semblables à celles des autres fleuves; comète et planète... Cette pénitence n'est pas de tout cœur: Convertissez-vous a moi de tout votre cœur.

  A008002087 

 Si vous cherchez, cherchez bien; convertissez-vous, venez.

  A008002088 

 Qu'en savez-vous? Pourquoi parler mal d'un lieu qui vous est inconnu?.

  A008002122 

 Donc, tout ce qu'ils vous diront.

  A008002127 

 Grande donc est la dignité du sacerdoce! Que disent les hommes du Fils de l'homme («Vous qui n'êtes pas des hommes, mais des dieux»)? Qui vous écoute m'écoute.

  A008002127 

 Sur lequel l'Esprit-Saint vous a établis Evêques pour gouverner l'Eglise de Dieu.

  A008002129 

 Car eussiez-vous dix mille précepteurs, etc. Rien ne manque aux pasteurs qui aiment: l'amour même instruit, édifie; il souffre tout, enseigne tout, n'agit pas inconsidérément.

  A008002158 

 Dès lors, Jésus commença à découvrir à ses disciples, etc. Et Pierre: A Dieu ne plaise, Seigneur, cela ne vous arrivera point.

  A008002158 

 Et après la Résurrection, il voulut garder de cette Passion le plus éclatant souvenir, tant dans l'Eglise militante que dans l'Eglise triomphante: ici-bas, dans l'Eucharistie: Vous annoncerez la mort du Seigneur; au Ciel, dans les stigmates qu'il conserve..

  A008002159 

 C'est Jésus de Nazareth que vous cherchez.

  A008002161 

 Ils avaient entendu le Christ Seigneur dire peu auparavant: Vous siégerez vous aussi sur des trônes, et tout à l'heure: le troisième jour il ressuscitera; ils saisissent l'occasion d'exposer une demande à laquelle peut-être ils songeaient depuis longtemps.

  A008002161 

 Quelque chose: Maître, nous voulons que vous nous accordiez tout ce que nous vous demanderons.

  A008002163 

 Je puis le donner, mais il ne convient pas de le donner a vous qui êtes 1.

  A008002163 

 Vous ne savez ce que vous demandez; pouvez-vous, etc. Présomption.

  A008002163 

 [ Vous boirez ] en effet mon calice, etc. Ce n'est pas à moi de vous l'accorder.

  A008002196 

 Ainsi ces hommes de richesses ont dormi leur sommeil; ils dépouillent celui-ci de ses biens, ils dévorent celui-là, etc... Et: Malheur a vous qui joignez maison à maison et qui ajoutez champ à champ jusqu'à ce que le lieu vous manque; est-ce que vous habiterez seuls au milieu de la terre?.

  A008002200 

 Hélas, hélas! que faites-vous? [Vous vous exposez] à un grand péril.

  A008002235 

 Vous avez transporté de l'Egypte une vigne, vous avez chassé les [301] nations et vous l'avez plantée.

  A008002243 

 Et vous êtes les branches; toute branche, etc..

  A008002276 

 Et en saint Marc: En vérité je vous le dis, tous les péchés seront remis aux enfants des hommes, même les blasphèmes; mais celui qui aura blasphémé contre l'Esprit-Saint n'en recevra jamais le pardon et il sera coupable d'un péché éternel.

  A008002276 

 Immédiatement avant ces paroles, le Seigneur avait prononcé celles-ci: Je vous le dis, tout péché et tout blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera point remis.

  A008002280 

 Parce que tu as entendu la voix de ta femme, etc. La femme que vous m'avez donnée.

  A008002281 

 La chute d'Adam commença par une vaine complaisance en cette promesse: Vous serez comme des dieux; puis, de ce sentiment procéda un amour déréglé; en troisième lieu, il consentit à manger..

  A008002281 

 Par orgueil, elle se complut en cette parole: Vous serez comme des dieux; ensuite, elle crut qu'elle ne mourrait pas, et que la menace de Dieu ne devait pas être entendue à la lettre, comme elle l'avait tout d'abord comprise, et alors elle se décida à manger du fruit.

  A008002282 

 en se livrant au désespoir il montra qu'il renonçait à la miséricorde divine: Vous me rejetez de la face de la terre, et je serai caché a votre face; de même, ceux qui fuient la lumière du soleil et demeurent dans la nuit, perdent toute vigueur..

  A008002311 

 Vous m'appliquerez sans doute le proverbe: Médecin, guéris-toi toi-même.

  A008002313 

 Un jour que le Christ était à Nazareth, il entra dans la synagogue et, après la lecture du Livre d'Isaïe, il instruisit le peuple, de sorte que tous étaient dans l'admiration et lui rendaient témoignage; inutilement toutefois, car ils disaient: N'est-ce pas là le fils du charpentier? n'est-ce pas la le charpentier? D'où lui vient cette sagesse? etc. Lui, qui les voyait s'entretenir ensemble, savait ce qu'ils disaient et leur répondit: Vous m'appliquerez sans doute, etc. Et saint Marc conclut: Il ne pouvait faire la aucun miracle, si ce n'est qu'il guérit quelques [311] malades en leur imposant les mains; et il s'étonnait de leur incrédulité.

  A008002315 

 C'est à vous qu'il a fallu premièrement annoncer la parole de Dieu, il est vrai; mais puisque vous la rejetez et que vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voilà que nous nous tournons vers les Gentils..

  A008002315 

 de médecin? Pourquoi donc la blessure de mon peuple n'a-t-elle pas été fermée? Pourquoi mourrez-vous, maison d'Israël? Je me tiens à la porte.

  A008002316 

 Cieux, soyez frappés de stupeur sur cela, et vous, portes du ciel, soyez dans la plus grande désolation; mon peuple a fait deux maux.

  A008002317 

 Dieu laisse, en effet, à l'homme sa liberté: celui qui vous a créé sans vous, ne vous sauvera pas sans vous; il vous a fait sans que vous le sachiez, il ne vous sauvera pas sans que vous le vouliez..

  A008002318 

 Donc: Vous m'appliquerez sans doute, etc. Parler ensuite des deux histoires [mentionnées par Jésus]: ces veuves d'Israël n'auraient pas reçu Elie; ces lépreux n'auraient pas obéi, ne seraient pas venus vers Elisée.

  A008002348 

 Contre vous et devant vous ont le même sens, un mot explique l'autre.

  A008002348 

 Envers toi, devant toi; comme: J'ai péché contre vous seul et j'ai fait le mal devant vous.

  A008002355 

 Mes frères, si un homme est tombé par surprise en quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, chacun de vous se considérant soi-même, de peur qu'il ne soit aussi tenté.

  A008002358 

 Archélaiis ou Agésilas répondant à son coiffeur qui jasait trop et lui demandait: «Comment vous raserai-je» ou vous tondrai-je? «Eu te taisant,» dit-il.

  A008002387 

 A cette occasion, je vous ferai brièvement un discours sur les Traditions..

  A008002389 

 Ainsi encore saint Paul: Gardez les Traditions que vous avez apprises soit par nos discours, soit par notre Epître.

  A008002389 

 Jésus-Christ nous l'enseigne lorsqu'il dit: Qui vous écoute m'écoute, et en cent lieux ( Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende.

  A008002389 

 Saint Jude dit dans son Epître: Mes bien-aimés, me sentant pressé de vous écrire touchant votre salut commun, j'ai dû vous écrire afin de vous supplier de combattre vigoureusement pour la foi qui a été une fois transmise aux saints; car quelques hommes impies se sont introduits parmi vous.

  A008002394 

 Voir en outre ce passage de l'Apôtre aux Hébreux, [touchant Melchisédech]: De qui nous avons de grandes choses à dire, et difficiles a expliquer, parce que vous êtes devenus incapables de les entendre.

  A008002428 

 Vous aurez remarqué, je pense, que je ne suis pas remonté jusqu'aux traditions qui nécessairement étayaient la religion jusqu'à Moïse, le premier [325] écrivain sacré, ni aux traditions qui régnaient parmi les Hébreux, c'eût été trop long.

  A008002466 

 Nous ne cherchons [332] point ce qui est à vous, mais vous-mêmes.

  A008002467 

 [On ne s'étonne plus des plaintes de Jérémie:] Comment l'or s'est-il obscurci et sa couleur éclatante a-t-elle été ternie? comment les pierres du sanctuaire ont-elles été dispersées aux coins de toutes les places? Comment les fils de Sion, qui étaient si illustres et revêtus de l'or le plus pur, ont-ils été traités comme des vases d'argile, ouvrage des mains du potier? Hélas! avec quelle irrévérence vous-mêmes apportez dans les temples des bœufs, des brebis, des colombes: des pensées immondes, terrestres, comme les bœufs et les brebis; et volages, comme les colombes..

  A008002503 

 Il faut donc alors faire pénitence; [335] ensuite imiter David: Je me suis tu et n'ai pas ouvert la bouche, parce que c'est vous qui l'avez fait; détournez de moi vos coups.

  A008002504 

 Mais quand les autres sont frappés, il ne faut pas juger qu'ils le sont pour leurs péchés, comme le faisaient les amis de Job, la femme de Tobie et les barbares [dont il est question] dans les Actes, chap. XXVIII. Un esclave éthiopien portait un objet recouvert d'un voile; interrogé sur ce qu'il portait: «Je ne l'aurais pas voilé,» dit-il, «si j'avais voulu vous le faire connaître.» Euclide, questionné sur la nature de Dieu et sur ce qui lui est le plus agréable, répondit: «J'ignore le reste, mais ce que je n'ignore pas, c'est qu'il hait les curieux.».

  A008002508 

 Or, quelle est la piscine de la mission sinon le Sacrement de Pénitence? En l'instituant, le Christ ne dit-il pas: Comme mon Père m'a envoyé, ainsi je vous envoie; ceux à qui vous remettrez les péchés, etc. [337].

  A008002539 

 Vous avez entendu hier les disciples demander: Maître, qui a péché, celui-ci ou ses parents? Question qui est évidemment grossière et impertinente, car comment un enfant aurait-il pu, avant de naître, commettre un [340] péché en punition duquel il naîtrait aveugle? Mais au sujet du jeune homme de Naïm, on pouvait soulever la question: Qui a péché, celui-ci ou sa mère, pour qu'il soit mort si prématurément? C'est une opinion commune parmi les hommes [que la mort prématurée est une punition du péché]: ainsi le croyaient, par exemple, la femme de Tobie; Job, qui dit pourtant: Je n'ai point péché; Marthe: Seigneur, si vous eussiez été ici, [etc.] Néanmoins, c'est quelquefois même par bonté que Dieu retire les hommes de ce monde: Ayant plu à Dieu, il est devenu son bien-aimé, et Dieu l'a transféré d'entre les pécheurs parmi lesquels il vivait.

  A008002544 

 A cette occasion, je vous rappelle que le souvenir de la mort vous est tout-à-fait nécessaire.

  A008002546 

 C'est pourquoi le démon répète toujours: Vous ne mourrez point.

  A008002546 

 Ils passent leurs jours dans la jouissance, etc. Comme les chasseurs qui poursuivent les ramiers des bois, [les maltraitent après les avoir saisis, ainsi, etc.] Ecoutez la parole du Seigneur, hommes railleurs; vous avez dit: Nous avons contracté une alliance avec la mort et nous avons fait un pacte avec l'enfer, etc. [342].

  A008002546 

 Si vous disiez à ces derniers: Vous perdrez telle somme, ils ne joueraient pas; mais s'ils perdent un écu, ils en perdront facilement un second.

  A008002580 

 le jour même de la Communion et de la complète purification par le lavement des pieds: Vous êtes purs, mais non pas tous [343] (voir saint Jean, XIII, à ces paroles); 3.

  A008002589 

 Le Seigneur répondit: Tu donneras ta vie pour moi? Simon, Simon, Satan a demandé, etc. Vous serez tous scandalisés a mon sujet cette nuit..

  A008002589 

 Or, comment tomba Pierre? Premièrement, par une trop grande confiance [347] en lui-même, [1.] Le Seigneur avait dit: Où je vais, vous ne pouvez venir.

  A008002589 

 Pierre dit: Pourquoi ne pouvons-nous pas vous suivre à présent? je donnerai ma vie pour vous.

  A008002590 

 [2.] Pierre répondit: Quand même tous seraient scandalisés, [etc.]; je suis prêt à aller avec vous en prison et à la mort et à la croix; trop grande sécurité.

  A008002591 

 Seigneur, par votre puissance vous avez affermi mon état florissant.

  A008002591 

 Vous avez détourné votre face de moi, et j'ai été troublé (voir Bellarmin).

  A008002592 

 Priez afin que vous n'entriez point en tentation.

  A008002592 

 Sans moi vous ne pouvez rien faire.

  A008002592 

 Sans moi vous ne pouvez rien faire..

  A008002595 

 Enfin un parent de celui à qui il avait coupé l'oreille [lui dit]: Ne t'ai-je pas vu dans le jardin avec lui? Il le nia de nouveau: O homme, je ne sais ce que tu dis; il commença a faire des imprécations et a jurer: Je ne connais point cet homme dont vous parler..

  A008002628 

 Le matin venu, [ les Anges ] le pressaient: Lève-toi, etc. Comme il différait, etc.; si vous ne prenez les gens par la main, vous ne ferez rien..

  A008002629 

 Lisez l'histoire de Naboth: vous y verrez un grand crime résultant du léger désir de posséder une vigne, désir qui, sans être injuste, était pourtant immodéré.

  A008002631 

 Ce n'est donc pas dans l'absence mais dans le règlement des passions que consiste la perfection; les passions sont au cœur ce que les cordes sont à une harpe: il faut qu elles soient ajustées afin que nous puissions dire: Je vous louerai sur la harpe..

  A008002634 

 Mes frères, si un homme est tombé par surprise dans quelque faute, vous qui êtes spirituels, instruisez-le en esprit de douceur, chacun de vous se considérant soi-même, de peur qu'il ne soit aussi tenté.

  A008002634 

 Vous n'avez pas bandé ce qui a été brisé.

  A008002634 

 Vous êtes bon, et dans votre bonté enseignez-moi vos justifications: David avait les autres vertus, mais non pas l'humilité, c'est pourquoi il pèche.

  A008002658 

 Ta perte vient de toi, Israël; c'est seulement en moi qu'est ton secours... Nul ne peut venir à moi si mon Père ne l'attire... Tirez-moi, nous courrons après vous.

  A008002683 

 Elle est appelée attraction: Tirez-moi après vous; vocation: Beaucoup sont appelés; voix: La voix de mon Bien-Aimé; prévenance: Sa miséricorde me préviendra; illumination: Lève-toi, toi qui dors, et le Christ t'illuminera.

  A008002716 

 Convertissez-vous de tout cœur; il y en a qui, à la vérité, tournent bien les yeux, mais non pas leur corps vers ceux qui crient derrière eux.

  A008002716 

 Pourquoi ce mélange de jour et de nuit? ( Si vous cherchez, cherchez bien.) Parce que vous ne cherchez pas sérieusement; vous voulez et vous ne voulez pas.

  A008002718 

 Cette grâce coopérante comprend les trois services rendus à Tobie par Raphaël: elle dirige directement ou indirectement, au dedans et au dehors (et remarquez, si vous négligez la direction extérieure, c'est-à-dire celle qui provient de l'homme, vous obtiendrez difficilement l'intérieure; écoutez le [366] coq et le Seigneur vous regardera); elle protège et défend contre le mal, contre le poisson; elle soutient, comme Raphaël qui fournit encore des aliments.

  A008002719 

 Vous couriez si bien; qui vous a arrêtés? Le Concile de Trente dit: Le don mystérieux de la persévérance est très haut et très profond.

  A008002761 

 Comment me tairais-je en présence d'une si grande cause de joie? La circonstance d'ailleurs est opportune, car c'est l'anniversaire du premier sermon que je vous adressai, il y a vingt-cinq ans complets.

  A008002761 

 Et je m'en félicite, car vous avez toujours été pour moi un auditoire bienveillant; si, à la vérité, vous avez eu bon nombre d'orateurs plus habiles, vous n'en avez pas eu de plus affectionné.

  A008002761 

 Et puisque je vous ai toujours [371] annoncé l' Evangile de paix, maintenant, au retour de cet anniversaire, je commencerai encore en parlant de paix la vingt-sixième année de ma prédication.

  A008002761 

 Vous voyez déjà, mes très chers Frères, que je veux mêler à mes paroles quelque chose de la joie de notre paix.

  A008002762 

 Jean étant né, tous s'émerveillaient de cette miraculeuse naissance: la mère était stérile et n'était plus en âge d'avoir des enfants, le père avait perdu la voix et l'avait recouvrée, et tous se disaient les uns aux autres: Que pensez-vous que sera cet enfant? Et Zacharie prophétisant: Et toi, dit-il, tu seras appelé le Prophète du Très-Haut, etc., car tu précéderas, c'est-à-dire, tu seras le Prophète, le Précurseur.

  A008002765 

 Du reste, ayez la paix, et le Dieu de paix et de dilection sera avec vous.

  A008002765 

 Et le Christ [donna cet ordre] à ceux qui devaient prêcher l'Evangile: En quelque maison que vous entriez, etc., dites: Paix à cette maison; c'est-à-dire, la paix de l'Evangile, l'Evangile de paix.

  A008002765 

 [ Le Christ ] en venant vous a annoncé la paix; car il est notre paix.

  A008002792 

 Zeuxis peignit une image admirable, de laquelle il déclara qu'elle serait «plutôt admirée qu'imitée.» Et voici que l'Eglise vous met sous les yeux l'Assomption [de la Sainte Vierge], voulant que vous l'admiriez et l'imitiez..

  A008002793 

 Saint Bernard, dans son sermon n° pour la veille de la Nativité du Seigneur, dit que «l'avancement dans la vie spirituelle est semblable à un voyage.» Bienheureux l'homme dont le secours vient de vous; il a disposé des ascensions [376] dans son cœur, dans la vallée de larmes, dans le lieu qu'il a fixé.

  A008002815 

 Vous concevrez de la flamme et vous enfanterez de la paille; votre esprit vous devorera comme le feu..

  A008002817 

 O Galates insensés, qui vous a fascinés pour ne pas obéir a la vérité, vous aux yeux de qui a été dépeint Jésus-Christ crucifié au milieu de vous?.

  A008002819 

 Mes petits enfants, pour qui je ressens de nouveau les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que le Christ soit formé en vous... As-tu observé les biches lorsqu'elles enfantent? Elles se courbent pour produire leur fruit et elles le mettent au jour, et elles poussent des rugissements.

  A008002820 

 Mais je voudrais être maintenant près de vous, et changer mon langage; c'est-à-dire, varier les inflexions de ma voix, tantôt caressant, tantôt me courrouçant, tantôt pleurant.

  A008002821 

 Renouvelez-vous dans l'esprit de votre âme, et revêtez-vous de l'homme nouveau qui a été créé selon Dieu dans la justice et la sainteté de la vérité... La femme lorsqu'elle enfante, etc. D'après Rupert et plusieurs Grecs, l'enfant doit être le Christ; voir Maldonat.

  A008002821 

 Revêtez-vous de notre Seigneur Jésus-Christ, d'une double façon: pour participer à ses mérites, pour reproduire ses vertus.

  A008002823 

 Parce que c'est vous qui m'avez tiré du sein de ma mère....

  A008002842 

 Du reste, mes frères, fortifiez-vous dans le Seigneur et dans la puissance de sa vertu; revêtez-vous de l'armure de Dieu, afin de pouvoir tenir contre les embûches du diable; car ce n'est pas, etc., mais c'est contre les princes et les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits de malice répandus dans l'air.

  A008002842 

 Le diable est le chef des ennemis, car il met en action tous les autres; de là ces expressions: ange de Satan, aiguillon de la chair; je vous donnerai toutes ces choses.

  A008002875 

 Mes yeux ont défailli dans l'attente de votre parole, disant: Quand me consolerez-vous?.

  A008002898 

 Jésus levant les yeux au ciel dit: Mon Père, l'heure est venue; glorifiez votre Fils, afin que votre Fils vous glorifie..

  A008002900 

 Tout est à nous: à notre usage et pour nous; vous êtes au Christ, comme les esclaves sont au maître qui les a achetés, et les membres, au chef.

  A008002900 

 Tout est à vous, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est a Dieu.

  A008002932 

 Or, convention faite, [etc.] Allez vous aussi à ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste..

  A008002935 

 L'homme naît pour le travail (d'après Cal., pour travailler dans la Loi), et l'oiseau pour voler... Parce que tu mangeras le fruit du travail de tes mains... Mais chacun recevra son propre salaire selon son travail... Nous vous déclarons ceci: si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange point... Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front... Or, faisant le lien, ne nous lassons point, car nous moissonnerons en son temps.

  A008002936 

 Ne savez-vous pas que ceux qui courent [392] dans la lice? etc.; courez de telle sorte que vous remportiez le prix. Saint Bernard à Guérin: « Il a exulté comme un géant pour parcourir sa carrière; on ne saisit pas celui qui court si l'on ne court aussi vite que lui.» J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi; reste [à recevoir] la couronne de justice qui m'est réservée..

  A008002990 

 Mais pour que je parle avec profit de votre Père, je m'adresse, Seigneur, à votre piété filiale: «Nous vous en supplions, Seigneur, que les mérites de l'Epoux de votre sainte Mère nous soient en aide, et que les grâces que nous ne pouvons obtenir par nous-mêmes nous soient accordées par son intercession;» et à vous, ô Vierge, je dis, Ave Maria, etc..

  A008002990 

 Quelle sainte et aimable solennité, mes auditeurs! Quelle église (temple) sainte et digne de vénération, dédiée à un saint et aimable Patriarche! O saint Joseph, «je ne sais de quelles louanges vous honorer, parce que vous avez» pressé dans vos bras «Celui que les cieux ne peuvent contenir.» Et voici le premier éloge que ce jour met en lumière et que chante l'Eglise dans l'office de la Messe: Le juste fleurira comme le palmier.

  A008002995 

 Mays pourquoy vous dis-je ceci? Parce, mes treschers auditeurs, que Tertullien, 1.

  A008002999 

 O Dieu! vous voyes des-ja la plus part ce que je veux dire, mays il est expedient que je l'explique pour les simples.

  A008003024 

 Dans son sein: Heureuses les entrailles qui vous ont porté, et les mamelles que vous avez sucées; dans son esprit: Heureux plutôt ceux qui entendent la parole de Dieu et qui la gardent.

  A008003035 

 En verité, en verité, je vous dis, que si vous demandes quelque chose au Pere en mon nom, il vous le donnera..

  A008003049 

 En vérité, en vérité, je vous le dis; si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera.

  A008003049 

 Et il exprime sa promesse de deux manières, comme au commencement de l'Evangile du Dimanche: En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous demandez quelque chose a mon Père en mon nom, etc.; et comme à la fin de l'Evangile de la fête: Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

  A008003049 

 Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

  A008003057 

 Et quand nous disons Père, nous comprenons toute la sainte Trinité; c'est ce qui explique le chapitre XIV: Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.

  A008003057 

 Ne savez-vous pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? Nous demandons bien aux Saints, mais non d'une manière absolue, nous demandons qu'ils appuient nos prières par les leurs.

  A008003057 

 Père: J'ai levé mes yeux vers les montagnes; toute prière aboutit à Dieu: J'ai levé mes yeux vers vous qui habitez dans les cieux.

  A008003057 

 Si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera.

  A008003058 

 Vous n'avez pas reçu l'esprit [408] de servitude qui vous retienne encore dans la crainte; mais vous avez reçu l'esprit des enfants, par lequel nous crions: Aida, Père.

  A008003093 

 Ja n'advienne que je me glorifie en quelque autre chose qu'en la croix de mon Jesus: et ne croyes pas, mes chers Galates, que j'aye d'autre vie que celle de la croix; [415] car je vous asseure que je voy et sens tellement par tout la croix de mon Sauveur, que par sa grace je suis du tout crucifié au monde, et le monde m'est crucifié.

  A008003095 

 Je conseille volontier a mes devotz et devotes, pour se rafraischir plus souvent la memoire de la tressainte Croix, qu'ilz en portent tousjours une ou a leur col ou a leurs chapeletz, et qu'ilz ne soyent jamais sans avoir une croix sur eux pour la voir et bayser souvent, car le bayser est un signe d'amitié: et c'est pourquoy Jesus Christ, le parfait Amant de nos ames, baysoit ses Apostres quand ilz revenoyent a luy; et saint Paul enseignoit a ses disciples: Salues vous l'un l'autre de ma part, en vous donnant le saint bayser..

  A008003109 

 Mes yeux qui voyent, o Jesus, vos larmes couler pour mes pechés sur la Croix, ne regarderont jamais chose qui vous soit contraire; ces deux luminaires de mon cors defailliront a force de regarder en haut mon Sauveur eslevé sur la Croix; je les destourneray affin qu'ilz ne voyent la vanité du monde, mais qu'ilz avisent tousjours la verité de vostre sainte dilection.

  A008003109 

 Regardant donq la sainte Croix de Jesus avec un cœur plein d'amour et de reverence, je feray ces eternelles et inviolables resolutions: O mon Jesus, Bien Aymé de mon ame, permettes-moy que, comme un bouquet de myrrhe, je vous serre sur mon sein, et que je bayse le pied de ceste sainte Croix, teinte de vostre pretieux sang, et que je vous dise que ma bouche, qui est si [419] heureuse que de bayser vostre sainte Croix, s'abstiendra desormais de mesdisance, de murmure et de lasciveté.

  A008003121 

 Déjà il avait dit aux deux disciples qui allaient à Emmaüs: O stulti et tardi corde ad credendum; O hommes sans intelligence et d'un cœur tardif à croire! A son exemple, saint Paul disait aux Galates: O insensati Galatœ, quis vos fascinavit non obedire veritati? O hommes dépourvus de sens, qui vous a fasciné l'esprit pour vous empêcher d'obéir à la vérité?.

  A008003121 

 Il leur avait dit: Si peccaverit in te frater tuus, vade et corripe eum; Si votre frère pèche contre vous, reprenez-le. Il pratique cette ordonnance par le reproche qu'il leur fait.

  A008003122 

 Zacharie doute, et l'Ange lui dit: Ecce eris tacens, et non poteris loqui usque in diem quo hœc fiant, pro eo quod non credidisti verbis meis; Parce que vous n'avez pas cru, vous perdrez l'usage de la parole jusqu'à la naissance de votre fils.

  A008003131 

 Qu'est-ce à dire, l'Agneau debout comme immolé? Vous le savez, Messieurs, c'est Jésus-Christ qui dans le Ciel conserve ses plaies, marques touchantes de son immolation.

  A008003146 

 «Ah! Seigneur Jésus, je vous en conjure, percez mon cœur de vos divines blessures, enivrez-moi de votre sang, afin que dans cette ivresse surnaturelle, de quelque côté que je me tourne, je vous voie toujours crucifié; qu'à mes yeux tout paraisse rougi de votre sang, en sorte que, uniquement occupé de vous, je ne puisse rien trouver que vous, je ne puisse rien considérer que vos plaies sacrées: Domine Jesu Christe, cor meum tuis vulneribus saucia, et tuo sanguine inebria mentem meam, ut quocumque me vertam, semper te videam crucifixum, et quidquid aspexero, in sanguine tuo mihi appareat rubricatum, ut sic in te totus tendens, nihil praeter te valeam invenire, nihil nisi tua vulnera valeam intueri.».


09-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome IX-Vol.3-Sermons.html
  A009000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A009000062 

 « Vous sçaurez aujourd'huy que le.

  A009000063 

 Seigneur viendra, et au matin vous.

  A009000068 

 De mesme l'Eglise nous disant: « Vous sçaurez aujourd'huy que le Seigneur viendra» demain, ne pretend autre chose sinon de faire que nous enfoncions nos entendemens en la consideration de la grandeur du mystere de la tres sainte Nativité de Nostre Seigneur.

  A009000068 

 La tres sainte Eglise nous voulant donques faire preparer en la vigile du saint jour de Noël, et, comme une mere tres aymable, ne nous voulant laisser surprendre d'un si grand mystere, nous dit ces paroles: « Vous sçaurez aujourd'huy que Nostre Seigneur viendra» demain; qui est autant à dire: Il naistra demain, et vous le verrez tout petit enfant couché dans une creche.

  A009000068 

 Les ayant fait assembler il leur parla donques ainsy: Vous sçaurez au soir que le Seigneur vous a retirés de la terre d'Egypte, et au matin vous verrez la gloire du Seigneur; qui est autant que s'il eust dit: Il viendra demain au matin.

  A009000069 

 Alexandre le Grand estant à l'article de la mort, ses courtisans, fols, insensés et flatteurs, luy vindrent dire: «Sire, quand te plaist-il que nous te fassions dieu?» Lors Alexandre monstra bien, en la response qu'il leur fit, qu'il n'estoit pas si fol comme eux: «Vous me ferez dieu quand vous serez bienheureux,» leur respondit-il.

  A009000071 

 Dieu faisoit pleuvoir de nuit la manne dans le desert pour les enfans d'Israël; et à fin que les Israëlites eussent plus de sujet de luy en sçavoir gré, il voulut dresser luy mesme le festin et la table, car vous avez entendu que Moyse dit: Vous sçaurez que le Seigneur vous a retirés de l'Egypte, et au matin vous verrez sa gloire.

  A009000072 

 Mais considerons un peu, je vous prie, comme cela se fit.

  A009000073 

 Quelle apparence, je vous prie, y a-t-il que Nostre Seigneur deust violer l'integrité de sa Mere, luy qui ne l'avoit choisie sinon parce qu'elle estoit vierge? Luy qui estoit la pureté mesme eust-il peu diminuer ou entacher la pureté de sa tres sainte Mere? Nostre Seigneur est engendré et produit virginalement de toute eternité du sein de son Pere celeste; car si bien il prend la mesme divinité de son Pere eternel, il ne la divise pourtant pas, ains demeure un mesme Dieu avec luy.

  A009000078 

 O pain savoureux, quiconque vous mangera dignement vivra eternellement et ne pourra jamais mourir de la mort eternelle.

  A009000078 

 O que ce pain a un goust incomparablement delectable pour les [7] ames qui le mangent dignement! Quelle delectation, je vous prie, de se nourrir du pain descendu du ciel, du pain des Anges! Toutefois, ce qui le rend plus delectable est l'amour avec lequel il nous est donné par Celuy mesme qui est le don et le donateur tout ensemble.

  A009000079 

 Dieu, quelles enseignes sont celles cy pour faire reconnoistre Nostre Seigneur, et quelle simplicité des bergers de croire naïfvement ce qui leur estoit annoncé! Les Anges eussent eu quelque rayson de se faire croire s'ils eussent dit: Allez, vous trouverez l'Enfant assis sur un throsne d'ivoire et entouré de courtisans celestes qui luy tiennent compagnie.

  A009000079 

 Les Anges ayant annoncé la nouvelle de cette heureuse naissance donnerent des enseignes admirables aux pasteurs: Allez, dirent-ils, et vous trouverez l'Enfant emmaillotté en des langes et couché dans une creche.

  A009000079 

 Mais ils disent: Vostre Sauveur est né à ces enseignes: vous le trouverez dans une creche, entre des animaux et emmaillotté dans des langes..

  A009000080 

 Pourquoy pensez-vous que les Anges s'addresserent aux bergers plustost qu'à nul autre qui fust en Bethleem? Non pour autre cause, sinon parce que Nostre Seigneur, estant venu comme Pasteur et le Roy des pasteurs, ne vouloit favoriser que ses semblables.

  A009000081 

 Mais qu'est-ce qu'il fait, ce tres doux Enfant? Regardez-le couché dedans la creche: Vous le trouverez, disent les Anges, emmaillotté dans des langes.

  A009000084 

 Qu'est-ce, je vous prie, que nous pourrions porter à ce divin Berger qui luy fust plus aggreable que le petit agnelet de nostre amour, qui est la principale partie de nostre troupeau spirituel, car l'amour est la premiere passion de l'ame.

  A009000088 

 C'est la grace que je vous desire, mes cheres ames, que de vous tenir bien proches de ce sacré Sauveur qui vient pour nous ramasser tout autour de luy, à fin de nous tenir tousjours sous l'estendart de sa tres sainte protection, soit comme le pasteur a soin de ses brebis et de son troupeau, soit comme le roy des abeilles, qui en a un tel soin que l'on dit qu'il ne sort jamais de sa ruche sans estre entouré de tout son petit peuple.

  A009000098 

 Voulez-vous sçavoir en un mot que cela signifie? C'est autant à dire que: Prenez et recevez de bon cœur toutes les peines, contradictions, afflictions et mortifications qui vous arriveront en cette vie.

  A009000100 

 Mais disons un peu, je vous supplie, un abus qui est en l'esprit de plusieurs, à sçavoir, qu'ils n'estiment et [18] ne veulent porter les croix qu'on leur presente si elles ne sont grosses et pesantes.

  A009000100 

 Vous vous trompez si vous croyez qu'il y ait moins de vertu à vous sousmettre en cela, car le merite de la croix n'est pas en sa pesanteur, ains en la façon avec laquelle on la porte.

  A009000101 

 Je m'en vay vous donner un exemple admirable pour vous faire comprendre la valeur de ces petites croix, c'est à dire d'obeissance, condescendance et souplesse à suivre la volonté d'un chacun, mais specialement des Superieures.

  A009000101 

 Que pensez-vous que faisoit la pauvre fille pour devenir sainte? Non certes autre chose que de se sous-mettre bien simplement à la volonté de la Mere.

  A009000102 

 O Seigneur Dieu, me direz-vous, il faut estre grandement sur ses gardes pour ne la point suivre, cette propre volonté, et n'escouter point ce que nostre amour propre desire, car ils font des artifices pour attirer nostre attention.

  A009000103 

 C'est que, si vous perseverez le long de vostre vie, à la fin il vous mettra devant luy; là vous jouirez de la claire veüe de sa face, il s'entretiendra familierement avec vous comme l'amy avec son amy, et cet entretien durera eternellement.

  A009000103 

 Vous voudriez peut estre sçavoir quelle recompense vous aurez de le suivre.

  A009000120 

 O Dieu, que faites-vous, cheres ames? Ne changez pas la pierre en pain, convertissez-la plustost en eau, car vostre Pere, qui est Dieu, l'a bien fait pour desalterer les enfans d'Israël; mais il n'en a jamais tiré du pain, ains a plustost fait descendre la manne du ciel.

  A009000121 

 Vous vous trompez: les Saints ne sont pas parvenus à la sainteté par là, ains ils ont agi ainsy parce qu'ils estoyent saints.

  A009000122 

 Il faut que chacun marche en sa voye: la voye des Saints estoit de faire ce qu'ils faisoyent, mais la vostre c'est de parvenir, ou tascher de parvenir à la perfection peu à peu, et non pas tout d'un coup comme vous voudriez.

  A009000122 

 Il ne faut donc pas faire ce que vous dites, que vous aymez mieux employer à vostre sanctification quarante jours de jeusne que de traisner tant à vous perfectionner.

  A009000122 

 Oh non, cela ne vous rendra pas saintes, mais ouy bien une longue perseverance à vous bien mortifier, et à endurer amoureusement les mortifications, tentations, aridités et afflictions qui vous surviendront en cette vie, [25] resistant aux tentations et appliquant les remedes à vos peines, avec beaucoup de patience et d'humilité, avec resignation à souffrir autant et aussi longuement qu'il plaira à la divine Majesté, sans jamais vous laisser aller à aucun desir d'en estre affranchies.

  A009000131 

 Les quatre considerations que je m'en vay deduire vous monstreront assez si vous faites de l'avancement, puisque ce sont des excellens degrés de perfection..

  A009000132 

 Si, au sortir de l'oraison, vous avez un visage renfrogné et chagrin, l'on voit assez que vous n'avez pas fait l'oraison comme vous deviez..

  A009000133 

 Voyez-vous, emmy la Transfiguration l'on parle de la Passion; car cet exces n'estoit autre que la Passion.

  A009000134 

 Hé, ne le voyez-vous pas en nostre mystere d'aujourd'huy? Ces trois Apostres ayans veu la gloire de Nostre Seigneur ne laisserent par apres de le quitter en sa Passion, et saint Pierre qui avoit parlé tousjours plus hardiment, commit neanmoins un tres grand peché reniant son Maistre.

  A009000134 

 Il faut monter sur la montagne de Thabor pour y estre consolé, direz-vous, car cela pousse et fait avancer les ames foibles qui n'ont pas le courage de faire le bien sans y sentir de la satisfaction.

  A009000135 

 Je dis bien neanmoins que si vous voulez bien faire vostre devoir, il faut que vous priiez Dieu, et c'est en l'oraison que nous apprenons à bien faire ce que nous faisons.

  A009000147 

 Je sçay bien, vouloit-il dire, que conversant parmi les hommes il faut que vous ayez de la prudence pour assembler diverses sortes de pretentions, mais aussi je veux que vous soyez simples, en les reduisant toutes en une, qui est ma plus grande gloire..

  A009000149 

 Mais ces bonnes gens ne disent mot, ains vont simplement; et ils rencontrerent aussi des bonnes gens et bien simples, car ayant deslié l'asnesse, ceux à qui elle estoit demanderent seulement: Que voulez vous faire? Et les Apostres respondant: Le Seigneur en a besoin, ils ne repliquerent pas un mot.

  A009000149 

 Nostre Sauveur donques, voulant estre monté sur une asnesse pour entrer en Hierusalem, dit à deux de ses Apostres: Allez vous-en au village qui est proche, entrez en une telle maison, desliez l'asnesse et l'asnon, et me les amenez; et si l'on vous dit quelque chose, dites que le Seigneur en a besoin.

  A009000149 

 O que cecy devroit faire grand honte à tant de personnes qui sont si curieuses qu'elles veulent sçavoir le pourquoy de tout ce que Dieu fait! Qu'il vous suffise que le Seigneur en a besoin..

  A009000149 

 Voyez-vous, ce sont des bons Religieux, d'autant qu'ils obeissent tout promptement, sans replique.

  A009000153 

 Que representent, je vous supplie, ces habits jettés sous les pieds du Sauveur? En latin, habit et habitude c'est la mesme chose; or ces bonnes gens nous apprennent que si nous voulons bien honnorer nostre divin Maistre entant que nous le pouvons, il faut que nous jettions devant luy et sousmettions à ses pieds toutes nos habitudes, tant bonnes que mauvaises.

  A009000153 

 Qui, je vous prie, trouverons-nous qui jette ses vertus aux pieds de Nostre Seigneur, se sousmettant à ne les vouloir posseder que pour l'en honnorer, et ne les voulant avoir pour son contentement particulier ou bien pour en estre estimé?.

  A009000155 

 Remarquez en passant, je vous supplie, la simplicité de l'obeissance de ce fils de Prophete; c'estoit un bon Religieux, car il fit tout ainsy qu'on luy avoit commandé.

  A009000156 

 Celuy qui avoit esté creé roy, s'en retourna à l'assemblée et dit aux autres princes: Cet enfant que vous avez veu qui m'a parlé, n'est point fol comme vous croyez; et leur raconta tout ce qui s'estoit passé entre eux deux.

  A009000162 

 Remarquez icy, je vous prie, l'infinie bonté du Sauveur qui voulut mourir de la mort des hommes, pour nous faire vivre, selon la pretention d'Adam, de la vie de Dieu.

  A009000164 

 Et moy je vous asseure que rien n'est si propre pour nous conduire à une entiere resolution de nous despouiller, que la consideration de l'incomparable despouillement et nudité du Sauveur crucifié..

  A009000164 

 Ne sçavez-vous pas qu'Adam tout aussi tost qu'il eut prevariqué commença à avoir honte de luy mesme, et se fit au mieux qu'il peut des vestemens de feuilles de figuier? car devant le peché il n'y avoit point d'habits et Adam estoit tout nud.

  A009000164 

 Un jour le grand abbé Serapion fut trouvé tout nud emmi une rue par quelques uns de ses amis; ceux-cy, meus de compassion, luy dirent: Qui vous a mis en tel estat et qui vous a osté vos habits, mon cher ami? Oh, dit-il, «c'est ce livre qui m'a ainsy despouillé,» parlant du livre des Evangiles qu'il tenoit.

  A009000166 

 Que me reste-t-il plus à adjouster, sinon à vous convier d'escouter ce que saint Paul nous recommande aujourd'huy, qui est que nous taschions de ressentir en nous ce que nostre Maistre a ressenti en ce jour pour nous? Qu'est-ce que ce grand Saint veut dire? Veut-il que nous ressentions un amour purement affectif pour Nostre Seigneur sur la croix? veut-il que nous pleurions de compassion? O non, ce n'est pas ce que le Sauveur demande de nous que l'amour affectif qui nous fait jetter des larmes ou nous cause tant de desirs sans effects; l'enfer est plein de ces desirs.

  A009000167 

 Mais voulez-vous sçavoir ce qu'il a ressenti et ce que saint Paul veut que nous ressentions avec luy? C'est cet aneantissement.

  A009000168 

 Allez donques, et aymez tellement Celuy qui est mort pour nous unir à luy et pour nous tesmoigner son amour, que rien ne puisse vivre en vous que luy, à fin que vous puissiez dire avec saint Paul: Je vis, mais non pas moy, ains Jesus Christ vit en moy.

  A009000180 

 Celle qui se fait par authorité ne se doit non plus appeller priere; aussi voit-on que si une personne qui a beaucoup d'authorité [48] dessus nous, comme sont peres, seigneurs ou maistres, use de ce mot de priere, nous luy disons incontinent: Vous pouvez commander, ou: Vos prieres me servent de commandement.

  A009000182 

 Si vous allez regarder en un autre lieu, vous y verrez des esperviers, faucons et tels oyseaux de proye qui sont chaperonnés, et ceux là sont pour prendre la perdrix et autres oyseaux pour nourrir delicatement le prince.

  A009000182 

 Une autre similitude: si vous entrez en la chambre d'un prince, vous y verrez une voliere de divers petits oyseaux qui sont dans une cage bien colorée et bien accommodée; et si vous voulez sçavoir la fin pour laquelle on les y a mis, c'est pour donner du playsir à leur maistre.

  A009000196 

 Il faut donques, pour bien faire oraison, que nous reconnoissions que nous sommes pauvres et que nous nous humiliions grandement; car ne voyez-vous pas qu'un tireur d'arbalete quand il veut descocher un grand trait, plus il veut tirer haut et plus il tire la corde de son arc en bas? Ainsy faut-il que nous fassions quand nous voulons que nostre priere aille jusqu'au Ciel; il faut que nous nous approfondissions par la connoissance de nostre rien.

  A009000197 

 Et si vous leur demandez comme ils l'ont fait monter, ils vous respondront qu'elle monte par cette descente.

  A009000197 

 Ne voyez-vous pas que les grans voulant faire monter une fontaine au plus haut de leurs chasteaux, vont prendre la source de cette eau en quelque lieu fort eslevé, puis la conduisent par des tuyaux, la faisant descendré autant qu'ils veulent qu'elle monte? car autrement l'eau ne monteroit jamais.

  A009000197 

 Tout de mesme en est-il de l'oraison; car si on demande comme est-ce qu'elle peut monter au Ciel, on vous respondra qu'elle y monte par la descente de l'humilité.

  A009000200 

 Mais qu'est-ce estre revestu de ce sang? Ne sçavez-vous pas que l'on dit: Voyla un homme qui [55] est revestu d'escarlatte; et l'escarlatte est un poisson.

  A009000206 

 Nous avons monstré que la fin de l'oraison est nostre union avec Dieu et que tous les hommes qui sont en la voye de salut peuvent et doivent prier; mais il nous demeura un scrupule en nostre derniere exhortation, à sçavoir mon, si les pecheurs peuvent estre exaucés, car ne voyez-vous pas que l'aveugle-né duquel il est parlé en l'Evangile, et que Nostre Seigneur illumina, dit à ceux qui l'interrogeoyent que Dieu n'exauçoit point les pecheurs? Mais laissons-le dire, car il parloit encores comme aveugle..

  A009000207 

 Et Dieu respondant leur dit: Vos jeusnes, vos afflictions et vos festes me sont en abomination, d'autant qu'emmi tout cela vous avez vos mains ensanglantées.

  A009000207 

 Luy mesme le fait entendre à ceux qui luy disoyent: Nous avons jeusnè et affligé nos ames, et vous n'avez point regardé.

  A009000207 

 Ne sçavez-vous pas aussi que nul ne peut avoir acces vers le Pere que par la vertu du nom de son Fils, comme luy mesme a dit que tout ce que l'on demanderoit à son Pere en son nom on l'obtiendroit Les prieres du pecheur impenitent ne sont donc point aggreables à Dieu..

  A009000208 

 Nous avons des preuves en quantité que les prieres des pecheurs penitens sont aggreables à la divine Majesté, mais je me contenteray de vous apporter l'exemple du publicain, lequel monta au Temple pecheur et en sortit justifié par le merite de l'humble priere qu'il fit..

  A009000208 

 Qui est-ce à vostre advis qui luy donne ce repentir d'avoir offensé Dieu, sinon le Saint Esprit, puisque nous ne sçaurions avoir une bonne pensée pour nostre salut s'il ne nous la donne? Mais ce pauvre homme n'a-t-il rien fait de son costé? Si a, certes; escoutez les paroles de David: Seigneur, dit-il, vous m'avez regardé lors que j'estois en la fondriere de mon peché, vous m'avez ouvert le cœur et je ne l'ay pas refermé, vous m'avez tiré et je me suis laissé aller, vous m'avez poussé et je n'ay pas reculé.

  A009000212 

 Vous vous resouviendrez bien qu'une fois le frere Gilles s'en alla trouver saint Bonaventure et luy dit: O que vous estes heureux, mon Pere, d'estre si sçavant, car vous pouvez bien plus aymer [59] Dieu que nous autres qui sommes ignorans.

  A009000213 

 Mais qui ne voit la tromperie de ceux qui sont tous-jours apres leur pere spirituel pour se plaindre dequoy ils n'ont point de ces tendretés et consolations en leurs oraisons? Ne voyez-vous pas que si vous en aviez vous ne pourriez eschapper à la vaine gloire, et ne sçauriez empescher que vostre amour propre ne s'y compleust, en sorte que vous vous amuseriez plus aux dons qu'au Donateur? C'est donques une grande misericorde que Dieu vous fait de ne vous en point donner; et ne faut pas perdre courage pour cela, puisque la perfection ne consiste pas à avoir de ces gousts et tendretés, ains à avoir nostre volonté unie à celle de Dieu.

  A009000217 

 Ne voyez-vous pas sa grande abstinence? Il ne mangeoit que des locustes et ne beuvoit que de l'eau, encores bien sobrement.

  A009000219 

 Et si vous me dites que vous n'avez point prié d'aujourd'huy, je vous respondray que vous ressemblez aux bestes.

  A009000220 

 C'est comme si nous disions: Vous desirez, ma bonne mere l'Eglise, que je fasse cela; et encores que vous ne me le commandiez pas, je suis bien ayse de le faire pour vous contenter.

  A009000229 

 Que pensez-vous, je vous prie, que signifient les rameaux que nous portions aujourd'huy en nos mains? Non autre, sinon que nous demandons à Dieu qu'il nous rende victorieux par le merite de la victoire que Nostre Seigneur remporta sur l'arbre de la Croix..

  A009000230 

 Escoutez saint Paul: Je ploye mes genoux, dit-il, vers le Pere de Nostre Seigneur Jesus Christ pour vous autres.

  A009000230 

 Et ne voyez-vous pas que le Sauveur mesme priant son Pere se prosterne en terre?.

  A009000231 

 Je pense que vous sçavez que le grand saint Paul hermite demeura plusieurs dizaines d'années dans le desert, et saint Anthoine l'estant allé voir, le trouva en oraison; apres il luy parla, puis se retira.

  A009000231 

 Ouy mesme la posture d'estre gisant est bonne, et semble que d'elle mesme elle prie; car ne voyez-vous pas le saint homme Job couché sur son fumier, faire une priere si excellente qu'elle merite que Dieu l'escoute? Or, cela soit dit ainsy..

  A009000232 

 Parlons maintenant de l'oraison mentale; et si vous le trouvez bon, je vous monstreray, par la comparaison du Temple de Salomon, comme en l'ame il y a quatre estages.

  A009000236 

 Ainsy nous allons picorant les vertus de Nostre Seigneur l'une apres l'autre, pour en tirer l'affection d'imitation; [ensuite nous les considerons toutes ensemble d'un seul regard par la contemplation.] Dieu à la creation medita; car ne voyez-vous pas qu'apres qu'il eut creé le ciel il dit qu'il estoit bon? et tout de mesme fit-il apres qu'il eut creé la terre, les animaux, puis en fin l'homme.

  A009000238 

 L'Espoux conclut par apres: Enivrez-vous, mes tres chers; et qu'est-ce qu'il veut dire? Vous sçavez bien que l'on n'a pas accoustumé de mascher le vin, ains on ne fait que l'avaler; ce qui nous represente la contemplation en laquelle on ne masche plus, ains on ne fait qu'avaler.

  A009000238 

 Or, quand il dit: Mangez, mes bien-aymés, il veut dire meditez; car ne sçavez-vous pas que pour rendre la viande capable d'estre avalée il la faut premierement mascher et amenuiser, et la jetter tantost d'un costé de la bouche et tantost de l'autre? Ainsy faut il que nous fassions des mysteres de Nostre Seigneur: il faut que nous les maschions et roulions plusieurs fois dans nostre entendement, premier que d'eschauffer nostre volonté et passer à la contemplation.

  A009000238 

 Venez, mes bien-aymés, et mangez, enivrez-vous, mes tres chers.

  A009000238 

 Vous avez assez medité que je suis bon, semble dire l'Espoux divin à sa bien-aymée, regardez-moy, et vous delectez à voir que je le suis..

  A009000239 

 Saint François passa une nuit à repeter: Vous estes «mon tout.» Il prononçoit ces parolles estant en contemplation, comme voulant dire: Je vous ay consideré piece à piece, o mon Seigneur, et j'ay trouvé que vous estiez tres aymable; maintenant je vous regarde et vois que vous estes «mon tout.» Saint Bruno se contentoit de dire: O bonté! Et saint Augustin: «O beauté ancienne et nouvelle!» Vous estes ancienne parce que vous estes eternelle, mais vous estes nouvelle parce que vous apportez une nouvelle suavité à mon cœur.

  A009000240 

 Il est vray que de dire à Dieu: Vous estes «mon tout,» et vouloir quelque autre chose que luy, ce ne seroit pas bien, parce qu'il faut que les paroles soyent conformes aux sentimens du cœur.

  A009000240 

 Mais dire à Dieu: Je vous ayme, encores que nous n'ayons pas un grand sentiment d'amour, nous ne devons pas laisser de le dire, parce que nous voulons et avons un grand desir de l'aymer..

  A009000240 

 Qui vous empesche de luy parler au fond de vostre cœur, puisqu'il n'importe que [70] vous luy parliez mentalement ou vocalement? Dites des paroles courtes mais ferventes.

  A009000240 

 Vous me dites que vous n'avez pas le temps de faire deux ou trois heures d'oraison; qui vous en parle? Recommandez-vous à Dieu dès le matin, protestez que vous ne le voulez point offenser, et puis vous en allez à vos affaires, resolue de faire neanmoins plusieurs eslevations de vostre esprit en Dieu, voire emmi les compagnies.

  A009000241 

 Les saints Peres qui vivoyent au desert, ces anciens et vrays Religieux, estoyent si soigneux de faire ces oraisons et eslancemens, que saint Hierosme raconte que quand on alloit les visiter on entendoit l'un qui disoit: Vous estes, o mon Dieu, tout ce que je desire; l'autre: Quand seray-je tout vostre, o mon Dieu? et l'autre repetoit: Deus in adjutorium meum intende.

  A009000241 

 Mais vous me direz: Si l'on prononce ces parolles vocalement, pourquoy l'appellez-vous oraison mentale? Parce qu'elle se fait aussi mentalement et qu'elle part premierement du cœur..

  A009000241 

 Par exemple, vous avez pris aujourd'huy: Pater noster qui es in caelis; vous direz donques la premiere fois: Mon Pere, qui estes au Ciel; et un quart d'heure apres vous direz: Si vous estes mon Pere, quand seray-je parfaitement vostre fille? Ainsy vous irez continuant de quart d'heure à autre vostre oraison.

  A009000243 

 C'est là où je vous desire.

  A009000250 

 Mais apres tout cecy, ce mesme Saint, pour faire voir que ces dons ne venoyent pas de luy, mais de la bonté infinie de la divine Majesté qui l'avoit fait ce qu'il estoit, il parle de ses defauts et raconte exactement ses pechés et imperfections, disant: Voyez-vous ce petit bossu et contrefait (car il estoit petit de stature comme de mauvaise mine), comme Dieu en a fait un vaisseau d'election; ce grand pecheur et grand persecuteur des Chrestiens, comme il l'a rendu de loup aigneau; ce chagrin, cet opiniastre, cet orgueilleux et ambitieux, comme il l'a comblé et rempli de tant de graces et benedictions, le rendant si humble et charitable qu'il dit de soy qu'il est le moindre et le plus petit des Apostres et le plus grand des pecheurs, et qu'il se fait tout à tous pour les gagner tous.

  A009000252 

 Ce divin Sauveur la voyant luy dit: Que demandez-vous? Et elle respondit: Une petite chose ay-je à vous demander, Seigneur.

  A009000252 

 Voyez-vous cette bonne femme, comme elle fait mille tours et retours, n'allant point simplement.

  A009000253 

 Et ses enfans qui estoyent avec elle adjousterent: Nous voulons, Seigneur, que tout ce que nous vous demanderons vous nous le donniez.

  A009000253 

 Il luy dit donques: Que voulez vous? car le Sauveur ne se plaisoit point à tant de discours, luy qui ayme uniquement la simplicité.

  A009000253 

 Voyez-vous que nostre misere est grande! Nous voulons que Dieu fasse nostre volonté, et nous ne voulons pas faire la sienne sinon lors qu'elle se trouve conforme à la nostre.

  A009000256 

 Nostre Seigneur respondit donc à cette femme et à ses enfans: Vous ne sçavez ce que vous demandez.

  A009000256 

 O non certes, car ne sçavez-vous pas, mes cheres ames, que tout nostre bien et bonheur depend d'estre entierement abandonné à la Providence divine, ne cherchant que son bon playsir, estant parfaitement sousmis à sa tres sainte volonté, [77] nous resjouissant de la voir accomplir en nous et en toutes creatures, quoy que ce soit avec des afflictions et des souffrances? Nous avons quelquefois affection et inclination à prattiquer les vertus qui sont selon nostre volonté.

  A009000256 

 Par exemple, une personne qui sera malade, si nous luy disons: Mon enfant, ne sçavez-vous pas bien que les peines et souffrances prises avec patience et sousmission au vouloir divin sont uniquement aggreables à sa Majesté? Ouy, vous respondra-t-elle, mais je voudrois estre au chœur pour prier Dieu comme les autres, je voudrois faire des penitences et mortifications et les actions de vertu comme eux, avec ferveur et sentiment.

  A009000256 

 Voyez-vous, elle voudroit servir Dieu en l'action, et Dieu veut qu'elle le serve en patissant et souffrant pour son amour..

  A009000257 

 Le divin Sauveur dit à ses Apostres sur ce sujet de l'ambition de ces deux Saints: Ne pensez pas que pour avoir des preeminences et dignités en mon Royaume vous ayez pour cela plus de gloire et d'amour.

  A009000257 

 O non, car ma Mere qui n'a pas esté esleüe à telle dignité, ne lairra pourtant d'avoir infiniment plus de gloire et d'amour au Ciel que vous et d'autres aussi..

  A009000257 

 Vous autres que j'ay choisis et esleus pour estre as sis sur des throsnes pour juger avec moy au jour du jugement, vous n'en serez pas plus haut et n'aurez pas plus de gloire pour cela.

  A009000259 

 Et il adjousta: Sçavez-vous que c'est que boire mon calice? Ne pensez pas que ce soit avoir des dignités, des faveurs et consolations, o non certes; mais boire mon calice c'est participer à ma Passion, endurer des peines et souffrances, des clous, des espines, boire le fiel et le vinaigre..

  A009000259 

 Nostre divin Maistre dit donques à ces deux Saints: Pouvez-vous boire avec moy le calice qui m'est [78] preparé? car je suis descendu du Ciel pour faire la volonté de mon Pere qui m'a envoyé et pour parachever son ouvrage.

  A009000262 

 J'admire cette grace incomparable dequoy il changea de cœur avec elle; car auparavant elle prioit ainsy: «Seigneur, je vous recommande mon cœur,» mais despuis elle disoit: «Seigneur, je vous recommande vostre cœur,» de sorte que le cœur de Dieu estoit son cœur.

  A009000264 

 Vous me demanderez peut estre les raysons pour lesquelles nos cœurs à nous autres sont si cachés qu'on ne les voit point.

  A009000265 

 Voyez-vous, lors que nous avons des chaleurs, des bons sentimens et consolations il nous semble que nous ferons des merveilles; mais aux moindres petites occasions, nous choppons et donnons du nez en terre.

  A009000266 

 Saint Pierre dit à Nostre Seigneur avec une grande ferveur: Je ne vous quitteray point, mais je mourray avec vous; et à la seule voix d'une chambriere, il le renia trois fois.

  A009000268 

 Vous me direz neanmoins qu'il y en a tant qui desirent de souffrir et porter la croix; et c'est la verité.

  A009000269 

 Voyez-vous cette grande sainte Catherine de Sienne, laquelle prefera la couronne d'espines à celle d'or? Nous en devons faire le mesme, car en fin le chemin de la croix, des souffrances et afflictions est un chemin asseuré qui nous conduit à Dieu et à la perfection de son amour, si nous sommes fideles.

  A009000275 

 Mais pourquoy donques, s'il est vray que vous l'estimez tant, ne vous retirez-vous en Religion pour appartenir plus entierement à Nostre Seigneur et le servir plus parfaitement, puisque vous n'avez point de legitime occasion de demeurer dans le monde? O Dieu, je ne me puis destacher de telles et telles choses que j'ayme tant; je le desirerois bien, mais je ne puis.

  A009000275 

 [85] Confessez donques que vous manquez de force et de courage et que vous vous laissez surmonter par des ames que vous estimiez plus foibles et plus fragiles que vous.

  A009000276 

 Mais que pensez-vous que soyent ces odeurs qui les attirent? O que cette divine amante, et nous aussi, avons bien rayson de nous estonner, car ces odeurs ne sont autre chose sinon les croix, les espines, les clous, la lance.

  A009000277 

 Au monde vous viviez à [85] vostre propre volonté, et maintenant il la faudra faire mourir; vous viviez en tous vos sens, desormais il faut qu'ils soyent morts.

  A009000277 

 Bref, il faut que vous mouriez à la propre volonté, à la volupté et à la vanité..

  A009000277 

 Vous ne possederez plus rien en propre, l'on ne preschera plus vos louanges, il ne sera plus fait aucune mention de vous, non plus que si vous n'estiez plus au monde.

  A009000277 

 Vous viviez en l'esperance d'avoir des biens que les anciens philosophes ont voulu appeller de fortune, à sçavoir les richesses, les honneurs, les grandeurs, les preeminences; desormais il faut mourir à cela.

  A009000277 

 Voyez-vous, nous n'avons point accoustumé de tromper les filles qui se presentent pour estre receues dans les Religions; car nous leur disons qu'elles meurent en y entrant, et qu'il ne faudra plus qu'elles vivent à tout ce à quoy elles ont vescu au monde.

  A009000278 

 Et pour monstrer que ce n'est pas par mon choix, il faut que vous sçachiez que si la volonté de mon Pere eust esté que je fusse mort d'une autre mort que celle de la croix, ou bien que j'eusse vescu en delices, je me serois trouvé tout aussi prompt que j'ay fait, parce que je n'estois pas venu en ce monde pour faire ma volonté, mais celle de mon Pere qui m'a envoyé.

  A009000280 

 Bref, il faut que vous mouriez à vostre vie civile, leur repetons-nous, car, ainsy que nous avons desja dit, vous n'aurez plus de reputation, l'on ne parlera plus de vous que comme d'une personne morte; aussi vous revestira-t-on du sac noir qui vous en doit faire resouvenir..

  A009000280 

 Vous aviez accoustumé de porter la veüe haute et les yeux tousjours ouverts pour regarder toutes choses; desormais il la faudra porter basse, n'ouvrant les yeux que pour la necessité et non point pour le service de la curiosité.

  A009000281 

 Mais pourquoy ainsy mourir à toutes choses, et si particulierement à soy mesme? Non certes pour autre sujet sinon à fin que Jesus Christ vive en vous.

  A009000287 

 Voyez-vous, nostre divin Maistre presche, et cette femme se prend à louer Nostre Dame.

  A009000290 

 De mesme quand nostre divin Maistre dit, parlant des Superieurs: Qui vous escoute m'escoute et celuy qui vous mesprise me mesprise, c'est comme s'il disoit: Je tiens que [91] ceux qui vous obeissent c'est à moy qu'ils obeissent; et ceux qui mesprisent vos paroles ne s'en voulant pas servir, je tiens que ce sont mes paroles mesme qu'ils mesprisent..

  A009000290 

 Ne voyez-vous pas qu'il ne dit pas seulement estre bienheureux ceux qui escoutent sa parole, ains adjouste ceux qui l'observent? Dieu monstre assez qu'il ne juge pas qu'on l'escoute si on ne l'effectue avec affection de sousmission et d'obeissance; aussi se plaint-il de son peuple parce que luy ayant parlé, il n'en a pas esté ouy; c'est à dire qu'ils n'ont pas mis en effect ses paroles, d'autant qu'ils l'avoyent bien ouy de leurs oreilles.

  A009000290 

 Vous autres qui faites profession de la spiritualité sçavez la difference qu'il y a entre l'amour effectif et l'amour affectif.

  A009000292 

 Voyez-vous ce bon homme Jean dont nous faisons mention, il fut prompt à suivre l'attrait de Dieu; car estant inspiré de luy donner tous ses biens, et ne sçachant comme il le pourrait executer à sa gloire et à l'honneur de Nostre Dame à laquelle il avoit une si particuliere devotion, il se mit en priere et il entendit ce qu'il devoit faire.

  A009000293 

 Mais qui est-ce, je vous prie, qui ne luy en auroit, veu qu'elle est nostre tres aymable Mere? Et qu'il ne soit vray, escoutez l'Espoux au Cantique des Cantiques lors qu'il luy dit: Ton ventre, o ma Bien-Aymée, est comme un monceau de grains de froment qui est tout entouré de lys de la pudeur de sa virginité.

  A009000293 

 Que veut-il signifier ce divin Amant, sinon que Nostre Dame a porté tous les Chrestiens en son sein? Et si bien elle ne produit que ce grain duquel il est escrit que s'il n'est jettè en la terre il demeurera seul, et s'il y est jetté et couvert il germera et en produira plusieurs, à qui est ce, je vous prie, doit-on attribuer la production de ces autres grains, sinon à celle qui a produit le premier, Nostre Seigneur estant Fils naturel de Nostre Dame? Bien qu'elle n'ait porté que luy en effect clans son sein, elle a pourtant porté tous les Chrestiens en la personne de son divin Fils, car ce beni grain nous a tous produits par sa mort; de mesme la datte estant plantée produit la palme de laquelle viennent par apres quantité d'autres dattes; et pourquoy ne dira-t-on pas que ces dattes appartiennent à la premiere dont la palme est sortie?.

  A009000297 

 Elles disent à Nostre Seigneur, à l'imitation du grand saint Paul: Seigneur, que vous plaist-il que je fasse? Et ayant dit cela, elles se sousmettent à la conduite de leurs Superieurs, pour ne jamais plus estre maistresses d'elles mesmes ni de leur volonté, evitant par ce moyen la sentence du grand saint Bernard qui asseure que «celuy qui se gouverne soy mesme est gouverné par un grand sot.» Hé, pourquoy voudrions-nous estre maistres de nous mesme pour ce qui regarde l'esprit, puisque nous ne le sommes pour ce qui est du corps? Ne sçavons-nous pas que les medecins lors qu'ils sont malades appellent d'autres medecins pour juger des remedes qui leur sont propres? De mesme les advocats ne plaident pas leur cause, d'autant que l'amour propre a accoustumé de troubler la rayson..

  A009000299 

 Nous faisons comparaison de la blancheur de la neige à la blancheur d'une ame pure parce qu'elle surpasse toute autre blancheur; et qu'il ne soit vray, vous le verrez demain en l'Evangile où il est dit que Nostre Seigneur estant transfiguré, ses vestemens devinrent blancs comme neige.

  A009000300 

 Le saint Prophete disoit au Seigneur: Une chose vous ay-je demandée, c'est celle que je requiers encores, que vous me meniez en vostre saint temple, à fin que là je jouisse de vostre volupté.

  A009000302 

 Faire toutes ces choses ainsy, c'est obeir; au grand Apostre qui dit: Soit que vous mangiez, soit que vous beuviez, faites tout au nom de Dieu.

  A009000304 

 Mais remarquez, je vous prie, qu'il ne se contente pas qu'elle escoute si elle n'incline encores son oreille; c'est pour monstrer qu'il veut estre escouté avec une particuliere attention et avec affection.

  A009000304 

 Mais sçavez-vous bien d'où procede le bonheur de ces ames religieuses? De ce qu'elles ont obei à ces paroles que Nostre Seigneur leur a dites en la personne de son grand Prophete David: Escoute, ma fille, vois et incline ton oreille, oublie ton peuple et la maison de ton pere.

  A009000304 

 Voyez-vous comme cette obeissance comprend en soy tout le bonheur et felicité de ces ames? L'homme obeissant, dit la Sainte Escriture, rendra compte à Nostre Seigneur de plusieurs belles victoires lors qu'il viendra s'asseoir sur son throsne judicial au jour du jugement.

  A009000317 

 Vous sçavez que chacun vit et se nourrit mieux en mangeant de la chair parce qu'elle a plus de rapport avec la substance de nos corps.

  A009000321 

 Si vous leur demandez pourquoy, elles diront que c'est à fin de s'unir plus promptement à la divine Bonté et monter plus legerement à la perfection de son amour, car c'est une montaigne difficile que celle cy, parce que c'est la montaigne de Calvaire, de croix et d'afflictions; neanmoins elle est suave, douce et aggreable pour les ames genereuses et fortes.

  A009000322 

 Avec quel amour s'employent-ils en cet office, quelle douceur exercent-ils autour des petits enfans! Si vous leur demandez ce qu'ils font aupres de ces berceaux, veu que ces enfans n'ont point l'usage de rayson et ne sont capables de faire le bien ou de correspondre à leurs inspirations, ils vous diront qu'ils leur donnent du lait, et qu'à mesure qu'ils vont croissant ils leur donnent de plus grandes inspirations.

  A009000328 

 Bienheureuses donques sont les ames humbles d'une [109] humilité vraye; car, tant de reverences qu'il vous plaira, tant de paroles d'humilité que vous voudrez, tout cela est peu de chose si vous n'avez au cœur l'humilité vraye et sincere, qui vous fasse connoistre vostre vileté, vos miseres, defauts et imperfections, vous reconnoissant la plus miserable de toutes les creatures et vous sousmettant de bon cœur à toutes pour l'amour de Nostre Seigneur.

  A009000328 

 Et si vous avez la charité et que vous n'ayez point d'humilité, vous n'avez pas veritablement la charité; car ces deux vertus ont une si grande sympathie et liaison entre elles que l'une ne va point sans l'autre.

  A009000328 

 Si vous distribuez tout vostre bien aux pauvres, si vous me dites que vous travaillez beaucoup pour la gloire de Dieu et pour convertir les ames à luy, et que vous donnez vostre vie et vostre corps pour estre bruslé, je vous diray que tout cela n'est rien si vous n'avez la charité.

  A009000346 

 Et moy, ayant à vous parler en cette solemnité des Saints, j'ay pensé me servir des mesmes parolles de ce grand Apostre et de les vous addresser, pour vous exciter par icelles à rehausser vos cœurs et vos pensées à la consideration de la gloire et felicité eternelle que Dieu a preparée à ceux qui le craignent et ayment [112] en cette vie, et pour vous inciter par ce discours à mespriser et retirer vos affections de toutes les choses creées, puisque, comme l'escrit saint Jean en son Apocalypse, le ciel et la terre passeront, c'est à sçavoir que tout ce qui est ça bas prendra fin..

  A009000347 

 Or, pour vous dire quelque chose de cette gloire, je me serviray d'une histoire qui est rapportée au premier chapitre du Livre d'Esther.

  A009000348 

 Je n'ay point trouvé d'histoire et de discours plus propre pour vous representer la gloire et felicité des Saints que ce banquet du roy Assuerus, puisque cette felicité n'est autre qu'un festin ou banquet auquel nous sommes invités et où ceux qui sont receus sont rassasiés et assouvis de toutes sortes de delices.

  A009000354 

 Hé, combien pensez-vous qu'ils ressentent de suavité en la claire veuë du mystere ineffable de la tres sainte Trinité, de l'eternité du Pere, du Fils et du Saint Esprit? Quelle joye de comprendre que le Fils n'est pas moindre que le Pere, que le Pere pour estre Pere n'est point plus grand que le Fils, et que le Saint Esprit est en tout esgal au Pere et au Fils! Quelle suavité de voir que le Fils est eternel et aussi ancien que le Pere, et le Saint Esprit aussi bien que le Pere et le Fils, et que ces trois Personnes ayant une mesme essence, ne font qu'un seul Dieu!.

  A009000355 

 Que si ce Saint receut tant de consolation par cette vision, quelle pensez-vous doit estre celle des Bienheureux en la claire veuë de ce mystere ineffable?.

  A009000358 

 Il les entretiendra du mystere de l'Incarnation, de la salvation et Redemption, leur disant: J'ay fait telle chose pour vous sauver et attirer à moy.

  A009000358 

 Je vous ay attendus tant de temps, allant apres vous quand vous faisiez les revesches, vous contraignant par une douce violence à recevoir ma grace.

  A009000358 

 Je vous donnois ce mouvement et telle inspiration en un tel temps; je me servis d'un tel pour vous attirer à moy.

  A009000358 

 Là Nostre Seigneur leur descouvrira de grans secrets, il leur parlera de ce qu'il a souffert, de ce qu'il a fait pour eux; il leur dira: En un tel temps j'ay souffert telle chose pour vous.

  A009000359 

 Que si estant un jour en l'eglise de Chastillon sur Seine, meditant la sacrée Nativité de Nostre Seigneur, son entendement et toutes ses facultés furent tellement englouties en la contemplation d'icelle, et avec tant de consolation et admiration qu'il fut tout [118] absorbé, demeurant quelques jours sans se pouvoir desprendre ni retirer, quelque violence qu'il se peust faire, en quel abisme, je vous prie, l'entendement de l'homme se perdra-t-il en la claire veue non seulement de la Nativité du Sauveur, mais de tous les divins mysteres? La volonté sera alors en cette union inseparable avec son Dieu, sans que jamais elle puisse faire aucune resistance à icelle, ains accomplira tousjours sans aucune repugnance tout ce qui sera de son divin vouloir..

  A009000359 

 Saint Bernard estoit, comme vous sçavez, tout plein d'amour et grandement devot à Jesus Christ et à sa tres sainte Mere, mais tout particulierement à l'humanité du Sauveur, en sorte qu'il prenoit un particulier playsir de mediter son enfance.

  A009000361 

 Mais cette pensée m'est venue ce soir considerant ce que je vous devois dire: la parolle escritte en cette pierre blanche, que personne ne sçait que celuy qui la reçoit, n'est autre qu'une parolle filiale, une parolle d'amour, telle que celles dont nous avons parlé: Je suis tout à toy et tu es toute à moy; tu ne te separeras [119] jamais de moy et je ne m'esloigneray jamais de toy.

  A009000362 

 Or, si la pensée que le regne de Dieu est eternel cause au cœur humain tant de liesse spirituelle, quelle pensez-vous doit estre la joye des Esprits celestes en l'asseurance qu'ils ont de la perpetuité de leur gloire? Voyla pour ce qui est de la gloire essentielle des Bienheureux..

  A009000362 

 Vous aurez leu, je m'asseure, en la Vie de la bienheureuse Mere Therese, la devotion qu'elle avoit à ouÿr le Credo de la sainte Messe, selon que l'Eglise le chante, mais particulierement elle estoit attentive à ces paroles: Cujus regni non erit finis, qui veulent dire: «Son royaume sera eternel;» et en la consideration de cette eternité, elle se fondoit toute en larmes pleines d'une extreme joye.

  A009000363 

 Cette gloire accidentelle vient de plusieurs choses, mais specialement de la contemplation et claire vision de tous les habitans du Ciel; car vous sçavez que tous n'ont pas de la gloire esgalement, ains en degrés differens: les uns en ont plus que les autres, mais neanmoins tous sont contens et rassasiés.

  A009000363 

 Mais vous entendrez mieux cecy par quelque similitude..

  A009000364 

 Si vous les regardez, ils sont tous deux vestus de drap d'or et sont contens, d'autant qu'un chacun en a suffisamment pour son habillement; et quoy que le premier qui en a sept aunes en ayt plus que celuy qui n'en a que trois ou quatre, si est-ce que celuy cy ne luy en porte aucune envie, parce qu'il y a autant de drap en sa robbe qu'il luy en faut pour le couvrir.

  A009000367 

 Et qu'est-ce ce mirouer où l'on voit tout ce que je vous ay dit, sinon l'essence de Dieu dans lequel on le contemple et connoist on luy mesme tel qu'il est? Dans cette mesme essence on se connoist soy mesme avec tout ce qu'on a receu, et en icelle on voit encores la gloire de tous les autres Saints, tous leurs merites, tout ce qu'ils ont fait et souffert et toutes les graces et faveurs qui leur ont esté octroyées.

  A009000367 

 Mais de vous parler de la beauté du lieu où se fait ce festin, qui est encores une gloire accidentelle, et de la dignité de ceux qui y sont et qui y servent, certes c'est [121] une chose qui seroit trop longue à raconter; voire, tout ce qui s'en pourrait dire ne seroit rien au prix de ce qui en est.

  A009000367 

 Tout cecy sera un sujet de cette gloire accidentelle qui provient, comme vous voyez, de l'essentielle..

  A009000370 

 Contentez vos entendemens à les considerer, mes cheres Sœurs, à fin que par les beautés et excellences que vous y descouvrirez vous veniez à les aymer et desirer.

  A009000370 

 Je vous pensois encores dire un mot sur toutes les autres circonstances qui se retrouvent au banquet de ce grand Assuerus, Nostre Seigneur; mais je voy que l'heure passe, c'est pourquoy je finis ce discours parce que je suis appellé autre part, et aussi parce qu'il ne faut pas abuser de vostre patience.

  A009000370 

 Que me reste-t-il, mes cheres Sœurs, sinon de vous exciter derechef par ces parolles de saint Paul à relever vos cœurs et vos pensées à ces [123] biens que nul œil n'a veu, ni oreille entendu, ni cœur d'homme pensé, et que Dieu a preparé à ceux qui l'ayment en cette vie.

  A009000370 

 Retirez vos affections de toutes les choses creées et transitoires de cette vie, et vous appliquez soigneusement à faire ce qu'il faut pour les acquerir.

  A009000370 

 Soyez constantes à mediter ce divin mystere de Nostre Seigneur et de nostre Redemption, à ce que, par la connoissance que vous en acquerrez, vostre volonté vienne à l'aymer; car il faut aymer ce bien en terre pour l'aymer eternellement là sus au Ciel, parce qu'il n'y a point de Ciel pour celuy qui n'a point de charité..

  A009000371 

 En fin travaillez avec fidelité en cette vie et perseverez jusques à la fin, à ce que vous puissiez estre congregées et unies avec les bienheureux Esprits en cette felicité eternelle, pour aymer et jouir de la divine Majesté pour toute eternité, qui est ce que je vous souhaitte de tout mon cœur.

  A009000371 

 Remplissez-la encores du souvenir de vos fautes et infidelités pour vous en humilier et amender, et des benefices que vous avez receus de Dieu pour l'en remercier; et si vous avez receu des graces, resouvenez vous-en pour les bien cultiver et conserver, vous disposant à l'augmentation et accroissement d'icelles.

  A009000377 

 Mais avec quelle ferveur d'esprit pensez-vous que cette bien heureuse Infante du Ciel desiroit de quitter la mayson de ses pere et mere, pour se plus absolument dedier et consacrer au service de son Espoux celeste qui l'attiroit et amorçoit par l'odeur de ses parfums, ainsy que le dit la Sulamite: O mon Bien-Aymé, ton nom est comme un baume ou huile respandu, c'est pour quoy les jeunes filles t'ont desiré et sont allées apres toy; ains tu n'es pas seulement parfumé, tu es le parfum mesme et le baume.

  A009000377 

 Voyez-vous, le temps luy duroit sans doute, à nostre glorieuse Dame, de voir arriver le jour auquel ses parens la devoyent offrir à Dieu, car c'est une chose tres asseurée qu'elle avoit eu l'usage de la rayson dès le ventre de sa mere.

  A009000380 

 J'ay voulu dire cecy en passant à fin de vous bailler sujet de vous entretenir le reste de cette journée à considerer la suavité de ce voyage; à fin aussi de vous esmouvoir à escouter ce divin cantique que nostre glorieuse Princesse entonne si melodieusement, et ce avec les oreilles de vostre devotion, car le tres heureux saint Bernard dit que la devotion est l'oreille de l'ame..

  A009000384 

 Ces grandes Saintes qui ont esté mariées et qui se sont dediées au service de la divine Bonté en leur vefvage, comme sainte Paule, sainte Melanie, sainte Françoise et tant d'autres, pensez-vous qu'elles ne soyent [129] pas du nombre de ces vierges? Au contraire, elles ont gaigné par l'humilité une tres glorieuse virginité.

  A009000387 

 Ne vous est-il pas advis que la terre descheoit en hiver, et quand ce vient le printemps qu'elle veut regaigner les pertes qu'elle a faites le long des grandes froidures? Nous en devons faire de mesme nous autres, faisant nostre course comme le soleil sur toutes les affections et passions de nos ames, pour regaigner les pertes causées par leur immortification le long de l'année.

  A009000389 

 Quant au premier point, à sçavoir qu'elle vient se dedier à Dieu en son enfance, comme pourrions-nous faire cela, veu que nous ne sommes plus en cet aage là et que nous n'y sçaurions jamais plus retourner, car le temps perdu ne se peut recouvrer? Dites-vous qu'il n'y a plus de remede? O pardonnez-moy, il y a du remede en toutes choses.

  A009000389 

 Si la virginité est reparée par l'humilité et si la chaste vefve est rendue vierge glorieuse et triomphante, pourquoy voulez-vous que nous ne puissions regaigner le temps perdu, par la ferveur et diligence à bien employer celuy que nous avons presentement? Il est tres veritable que le bonheur de ceux qui se sont dediés et consacrés à la divine Majesté dès leur adolescence est tres grand, d'autant plus que Dieu le desire et s'y complaist grandement, se plaignant du contraire lors [131] qu'il dit par son Prophete que les hommes sont tellement pervertis que dès leur adolescence ils ont quitté sa voye et ont pris le chemin de perdition.

  A009000390 

 Mais pensez-vous que la jeunesse soit tousjours prise et entendue de nostre aage, et que la divine Espouse veuille parler de celles qui sont jeunes d'années, lors qu'elle dit au Cantique des Cantiques que les jeunes ames ont desiré son celeste Espoux et sont allées apres luy attirées de l'odeur de ses parfums? O non, sans doute, ains elle parle de celles qui sont jeunes de ferveur et de courage, et qui viennent nouvellement consacrer au service de son saint amour non seulement tous les momens de leur vie, mais aussi toutes leurs actions, sans reserve d'aucune.

  A009000390 

 Mais, me direz-vous, quel est le temps le plus propre pour nous dedier et consacrer tout à Dieu, apres que nous avons passé nostre adolescence? Oh, quel il est? c'est le temps present, tout à cette heure; c'est le vray temps, car celuy qui est passé n'est plus nostre, le futur n'est pas non plus en nostre pouvoir, c'est donques le moment present qui est le meilleur..

  A009000394 

 Ce sont les Sacremens, car dites-moy, je vous prie, que nous couste-t-il d'entendre ces parolles: «Je t'absous de tous tes pechés,» ou bien de recevoir le tres saint Sacrement dans lequel est comprise toute la suavité du Ciel et de la terre? Et bien qu'il faille prononcer les parolles de la consecration que Nostre Seigneur a commandées, qu'est-ce que cela pour faire venir nostre souverain Maistre à la voix d'un prestre, pour meschant et indigne qu'il soit, se renclore sous ces especes pour nostre bonheur? N'est-ce pas nous porter entre ses bras que de nous permettre de nous unir à luy en ces deux façons? Quand donques vous viendrez dire: «Je renouvelle et reconfirme de tout mon cœur les vœux que j'ay faits à mon Dieu,» le Sauveur vous conduira par la main, d'autant que vous prononcerez ces paroles et ferez quelque chose de vostre part; mais soudain que nous vous [134] communierons, il vous prendra entre ses bras, faisant en vous cette œuvre toute ouvrée..

  A009000395 

 Elle dit: Tirez-moy, pour monstrer qu'elle ne peut rien d'elle mesme si elle n'est tirée et aydée de sa faveur; et pour monstrer qu'elle veut correspondre à ses attraits volontairement et sans estre violentée, elle adjouste: nous courrons; pour peu que vous nous tendiez la main pour nous tirer, nous ne cesserons point de courir, jusques à ce que vous nous ayez pris entre vos bras et unis à vostre Bonté..

  A009000395 

 L'Espouse le tesmoigne fort clairement au Cantique lors qu'elle dit à son Bien-Aymé: Tirez-moy, et nous courrons apres vous à l'odeur de vos onguens.

  A009000398 

 Voulez-vous devenir une bonne fille de la Visitation? Il faut tout quitter, non seulement ce qui est hors de soy mais soy mesme, et estre absolument sevrée de la [136] propre volonté que nous aymons tendrement comme si elle estoit nostre mere.

  A009000400 

 Puis vous [137] adjousterez: Quoniam confirmata est super nos miser icordia ejus; Parce qu'il a confirmé sur nous ses misericordes, nous attirant par sa bonté à la jouissance de tant de graces et benedictions dès cette vie perissable, pour par apres, en la compaignie de nostre tres sainte Maistresse et des Bienheureux qui sont au Ciel, chanter eternellement Gloire soit au Pere, au Fils et au Saint Esprit.

  A009000400 

 Si vous faites cela aussi parfaitement que nous venons de dire en cette journée de vos renouvellemens, à l'imitation de Nostre Dame et glorieuse Maistresse, elle vous acheminera au Ciel, en excitant vos cœurs à chanter en cette vie le Laudate Dominum omnesgentes, invitant un chacun à glorifier la divine Majesté.

  A009000410 

 Quelles necessités pensez vous qu'il souffrit au voyage d'Egypte et durant le temps qu'il y demeura? Bref, sa pauvreté fut si grande qu'elle passa jusques à la mendicité; il ne vivoit que d'aumosnes, car chacun sçait que les beaux-peres ne sont pas obligés de nourrir les enfans de leur femme, et neanmoins Nostre Seigneur estoit nourri du travail de son Pere nourricier et de celuy de sa Mere qui gaignoyent leur vie à la sueur de leur visage; ainsy, ce divin Enfant ne pouvant gaigner la sienne, recevoit l'aumosne de saint Joseph.

  A009000411 

 Quant à l'odorat, vray Dieu! quelle suavité, quel parfum pensez-vous que l'on puisse avoir dans une estable? Lors que les enfans des grans roys naissent, quoy qu'ils ne soyent que des miserables hommes comme les autres, l'on met tant de parfums, l'on fait tant de ceremonies; et pour nostre Sauveur, qui n'est pas seulement homme ains Dieu tout ensemble, il ne se fait rien de tout cela! Quelle musique pour recreer son ouye? Un bœuf et un asne qui chantent pour magnifier la naissance de ce Roy celeste.

  A009000411 

 Vous sçavez sans doute la revelation que sainte Brigitte eut de la naissance de ce divin Sauveur.

  A009000412 

 Herode estant mort, il faut qu'il s'en retourne d'Egypte; il auroit peu dire à sa Mere ou à saint Joseph qui l'aymoient si tendrement: Ma chere Mere, ou, mon Pere, retournons nous-en quand il vous plaira, car Herode que vous craignez est mort; mais non, il attend que l'Ange le revele à saint Joseph..

  A009000416 

 Mais quelle fleur des champs estes-vous, Seigneur? O quand il dit la fleur seulement, on doit entendre la fleur qui excelle entre toutes les autres et en odeur et en beauté.

  A009000418 

 On leur asseure qu'elles seront eternellement unies avec la divine Majesté, mais apres avoir renoncé entierement à elles mesmes, à toutes leurs passions, affections et inclinations, faisant une absolue transmigration, car nous leur disons: Si vous avez aymé à vivre selon vostre propre volonté et à faire estime de vostre propre jugement, desormais il ne le faudra plus, ains rien plus estimer que l'obeissance et la sousmission; il faudra reduire tant qu'il vous sera possible vos passions à neant, pour ne vivre plus selon icelles ains selon la perfection qui vous sera enseignée..

  A009000420 

 Et tout ainsy que les abeilles rejettent et abhorrent tous les parfums estrangers, c'est à dire qui ne proviennent point des fleurs sur lesquelles elles cueillent leur miel (et qu'ainsy ne soit, portez leur du musc ou de la civette, et vous les verrez incontinent se resserrer et fuir cette senteur, parce qu'elle provient de la chair), de mesme les amans de la Croix rejettent toutes sortes de senteurs, je veux dire de consolations terriennes et mondaines, que le diable, le monde et la chair leur presentent, pour n'odorer jamais plus aucun parfum que celuy qui provient de la croix, des espines, des fouets, de la lance de Nostre Seigneur.

  A009000420 

 Nostre Seigneur en fait de mesme; mais sçavez-vous ce qu'il donne, au lieu des faisans et des perdrix? Des mortifications, des humiliations, des mespris, des douleurs et des peines interieures, lesquelles nous font presque douter que nous ne soyons tout à fait abandonnés de sa bonté..

  A009000428 

 Vous ne sçavez peut estre pas comme elle fut instituée par Dieu mesme lors que les enfans d'Israël furent sortis de l'Egypte et delivrés de la captivité.

  A009000429 

 Mais à quoy bon tout cecy, sinon pour servir de preface au discours que je m'en vay vous faire? Tous les Chrestiens en leur Baptesme sont offerts à la divine Majesté comme des javelles à la feste de Pasques.

  A009000430 

 Il s'en trouve en effect qui disent: Il est vray que je suis colere, mais que voulez-vous que j'y fasse? c'est mon naturel.

  A009000433 

 Vous sçavez que pour faire du pain il est necessaire de petrir la farine, la joignant et l'unissant avec l'eau, et en fin il la faut cuire; car la paste est maniable et pliable avant d'estre cuite, mais apres elle est impliable, ferme et dure.

  A009000435 

 Voyez-vous donques comment les Apostres firent excellemment bien cette offrande avec toute sorte de perfection? car ils sousmirent absolument leur jugement et volonté par la profession de l'obeissance.

  A009000441 

 Mais dites-moy, je vous supplie, que reste-t-il à ces ames bienheureuses qui se sont ainsy disposées pour se sacrifier entierement et sans aucune reserve au service de l'amour celeste, sinon que le Saint Esprit, qui leur a desja fait tant de dons, descende maintenant en forme de feu sur leur sacrifice pour le consommer, ou, pour mieux dire selon nostre premier discours, qu'il vienne cuire les pains qu'elles ont petris, puisqu'ils sont tout prests à estre mis dans le four? La paste a esté preparée le long de leur année de noviciat, en suite des resolutions qu'elles ont prises de se laisser froisser et moudre tant par la sainte obeissance que par la mortification de leur propre jugement et volonté, qui sont les deux pains que Nostre Seigneur demande des ames religieuses.

  A009000455 

 Ce ne fut donques point la curiosité ni aucune sorte de doute de la grossesse de sainte Elizabeth qui luy fit entreprendre ce voyage, mais bien plusieurs considerations tres aggreables; je vous en toucheray quelques unes..

  A009000455 

 Ou bien, disent-ils, il se peut faire qu'elle eust quelque doute de ce que l'Ange luy avoit annoncé; ce qui n'est pas, et saint Luc les condamne et refute en la parole qu'il escrit en son chapitre premier, que sainte Elizabeth voyant entrer la Vierge s'escria: Vous estes bienheureuse parce que vous avez creu.

  A009000457 

 Au demeurant, ne pensez-vous point, mes tres cheres Sœurs, que ce qui incita plus particulierement nostre glorieuse Maistresse à faire cette visite ce fut sa charité tres ardente et une tres profonde humilité qui la fit passer avec cette vistesse et promptitude les montagnes de Judée? O certes, mes cheres Sœurs, ce furent ces deux vertus qui la pousserent et luy firent quitter sa petite Nazareth, car la charité n'est point oysive: elle bouillonne dans les cœurs où elle regne et habite, et la tres sainte Vierge en estoit toute remplie, d'autant qu'elle avoit l'amour mesme en ses entrailles.

  A009000460 

 Elle avoit conceu Celuy qui estant tout amour l'avoit rendue l'amour mesme; tellement qu'on luy peut appliquer mieux qu'à nul autre ces parolles du Cantique des Cantiques, lors que l'Espoux sacré, contemplant sa bien-aymée en son doux repos, fut saisi d'une sainte complaisance qui luy fit adjurer les filles de Hierusalem de ne la point esveiller, disant: Filles de Hierusalem, je vous adjure par les chevreuils et chevres des champs de ne pas esveiller ma bien-aymée qui est en l'amour, qu'elle ne le veuille ou desire.

  A009000460 

 Ou plustost, selon une autre version: Filles de Hierusalem, je vous adjure de ne pas resveiller la dilection et l'amour mesme, qu'elle ne le veuille; et cette dilection et amour est ma bien-aymée, c'est à dire la sacrée Vierge, qui non seulement a l'amour, mais est l'amour mesme.

  A009000462 

 Voyez-vous avec quelle asseurance parle cet Apostre? S'il confesse que rien ne le pourra separer de là charité de son Dieu, il faut donques qu'il croye avoir la charité.

  A009000463 

 Neanmoins, Holophernes ne fut prins ni par les yeux, ni par les levres, ni par les cheveux de Judith, ni d'aucunes des choses que je vous ay dit estre en elle; mais quand il jetta ses yeux sur ses sandales et chaussures, qui, comme nous pouvons penser, estoyent recamées d'or avec une fort bonne grace, il en demeura tout espris et touché.

  A009000467 

 Vous voyez donques, mes tres cheres Sœurs, comme [164] l'humilité est aggreable à Dieu, et comme nostre glorieuse Maistresse fut choisie pour estre Mere de Nostre Seigneur parce qu'elle estoit humble.

  A009000469 

 Quelles graces et faveurs pensez-vous, mes cheres Sœurs, tomberent sur la mayson de Zacharie lors que la Vierge y entra? Si Abraham receut tant de graces pour avoir hebergé trois Anges en sa mayson, si Jacob apporta tant de benedictions à Laban, quoy que celuy ci fust meschant homme, si Loth fut delivré de l'embrasement de Sodome pour avoir logé deux Anges, si le Prophete Elie remplit tous les vaysseaux de la pauvre vefve, si Elisée ressuscita l'enfant de la Sunamite, en fin si Obededom receut tant de faveurs du Ciel pour avoir abrité chez luy l'Arche d'alliance, quelles graces et combien de bénédictions celestes tomberent sur la mayson de Zacharie en laquelle entra l'Ange du grand conseil, ce vray Jacob et divin Prophete, la vraye Arche d'alliance, Nostre Seigneur enclos dans le ventre de Nostre Dame!.

  A009000470 

 Certes, toute la mayson en fut comblée de joye: l'enfant tressaillit, le pere recouvra la parole, la mere fut remplie du Saint Esprit et receut le don de prophetie, [166] car voyant cette sainte Dame entrer dans sa mayson elle s'escria: D'où me vient cecy que la Mere de mon Dieu me soit venue visiter? Voyez-vous, elle la nomme Mere avant qu'elle ait enfanté, ce qui est contre la coustume ordinaire, d'autant qu'on n'appelle point meres les femmes avant leur enfantement, parce que souvent elles enfantent malheureusement.

  A009000471 

 Certes, ce n'est pas merveille si saint Jean tressaillit de joye à la venue de son Sauveur, puisque Nostre Seigneur dit en parlant aux Juifs: Abraham vostre pere s'est resjoui voyant en esprit prophetique mon jour advenir que vous voyez.

  A009000471 

 Puis elle dit: Vous estes bienheureuse, Madame, parce que vous avez creu; et de plus, vous estes benite par dessus toutes les femmes.

  A009000471 

 Vous avez creu que la vierge et la sterile concevroyent, qui est une chose qui surpasse le cours de nature: voyla pour le passé, qu'elle sceut par esprit prophetique.

  A009000471 

 Vous estes bienheureuse d'avoir creu à tout ce que l'Ange vous a dit, parce que vous avez fait voir en cela que vous avez plus de foy qu'Abraham.

  A009000472 

 Ah! que d'actions de graces devez-vous à ce Seigneur pour tant de faveurs! Que vous le devez escouter avec grande attention et executer fïdellement et promptement ses divines volontés!.

  A009000472 

 O combien, mes tres cheres Sœurs, devez-vous estre comblées de joye lors que vous estes visitées par ce divin Sauveur au tres saint Sacrement de l'autel, et par les graces interieures que vous recevez journellement de sa divine Majesté par tant d'inspirations et paroles qu'il dit à vostre cœur; car il est tousjours à l'entour frappant et vous parlant de ce qu'il veut que vous fassiez pour son amour.

  A009000474 

 O mes cheres Sœurs, qui avez cette Vierge pour Mere, filles de la Visitation Nostre Dame et de sainte Elizabeth, que vous devez avoir un grand soin de l'imiter, sur tout en son humilité et charité, qui sont les principales vertus qui luy firent faire cette Visitation.

  A009000474 

 Que si vous le faites fidellement et humblement en ce monde, indubitablement vous chanterez au Ciel, avec la mesme Vierge, Magnificat; et benissans par ce sacré cantique la divine Majesté, vous serez benites d'elle à toute eternité, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000474 

 Vous devez donques reluire tout particulierement en icelles, vous portant avec une grande diligence et allegresse à visiter vos Sœurs malades, vous soulageant et servant cordialement les unes les autres en vos infirmités, soit spirituelles ou corporelles; et par tout où il s'agit d'exercer l'humilité et la charité vous vous y devez porter avec un soin et promptitude singuliere, car voyez-vous, ce n'est pas [168] assez pour estre fille de Nostre Dame de se contenter d'estre dans les maysons de la Visitation et porter le voyle de Religieuse.

  A009000491 

 Il veut nous faire entendre par cette similitude que les negociateurs du Ciel sont semblables à ce marchand; car, si vous y prenez garde, ils font un mesme negoce, je veux dire, ils negocient de mesme façon.

  A009000491 

 Voyez-vous ce marchand? Il cherche des perles, mais [170] en ayant trouvé une, il s'arreste à cause de son prix et de son excellence; il vend tout ce qu'il a pour se la rendre sienne.

  A009000495 

 L'Espouse, au Cantique des Cantiques, dit que son Bien-Aymé ayant frappé à sa porte passa outre; et elle, ayant ouvert et ne le trouvant pas, s'en va apres luy pour le chercher, puis rencontrant les gardes de la ville elle leur demande si elles ont point veu son Bien-Aymé: Hé, de grace, si vous le rencontrez, annoncez-luy que je languis d'amour.

  A009000497 

 Mais escoutez, je vous prie, le maistre de tous et le Prince des Apostres: Voicy, dit-il à Nostre Seigneur, que nous avons tout quitté; quelle recompense en aurons-nous? Sur quoy le grand saint Bernard luy parle en ces termes: O pauvre saint Pierre, comme vous pouvez-vous ainsy vanter d'avoir tout quitté, et quelle rayson avez-vous d'exagerer l'abandonnement que vous avez fait, disant que vous avez quitté toutes choses, puisque vous n'estiez qu'un pauvre pescheur et n'aviez quitté qu'une petite barque et des rets? A quoy il respond luy mesme: C'est assez tout quitter et abandonner que de ne se reserver point de pretentions au monde, et qui plus est, de se quitter et abandonner soy mesme.

  A009000499 

 C'est une pretention bien haute que de conquerir le pur amour de Dieu, qui est la perle pretieuse que vous cherchez et que vous avez trouvée, laquelle neanmoins ne se peut acheter qu'au prix de toutes choses.

  A009000499 

 C'est à ce renoncement parfait que vous estes appellées maintenant, mes tres cheres filles.

  A009000499 

 Si vous la voulez avoir il est en vostre pouvoir, mais aussi il faudra faire l'abandonnement parfait de tout, et ce qui est encores plus, il vous faudra quitter vous mesme, le pur amour de Dieu ne pouvant souffrir aucun compagnon.

  A009000502 

 Il est vray, mes cheres filles, mais si la difficulté vous estonne, je vous presente trois petites considerations qui yous feront connoistre l'entreprise estre plus facile que vous ne pensez et qui vous serviront de consolation..

  A009000502 

 Vous avez abandonné les biens exterieurs; mais de sousmettre vostre propre jugement, assujettir vostre entendement à celuy d'une [175] Superieure, et renoncer tellement vostre propre volonté qu'elle ne paroisse plus et qu'elle soit absolument sujette et obeissante à ses ordonnances, c'est une chose bien difficile et bien malaysée; il est besoin d'un grand courage pour faire cela.

  A009000503 

 Dites luy hardiment: «Commandez, Seigneur, à nos ames tout ce qu'il vous plaira, et nous donnez que nous le fassions.» Donnez-nous le desir de parvenir à vous, de faire tout ce qui sera aggreable à vostre Bonté, et accomplissez ce nostre desir.

  A009000503 

 La premiere est que Celuy qui vous appelle à la conqueste de son tres pur amour est assez puissant pour vous ayder.

  A009000503 

 Vous nous appeliez, faites par vostre grace que nous allions; vous avez commencé l'œuvre de nostre perfection, nous ne voulons jamais douter que vous ne la paracheviez..

  A009000504 

 Je vous ay dit que vous aviez besoin d'une grande magnanimité pour parvenir au bout de vostre entreprise; mais en quoy pensez vous que consiste cette magnanimité de courage? Certes, c'est en la petitesse de courage.

  A009000504 

 La seconde consideration qui vous relevera le courage c'est de sçavoir en quoy il consiste.

  A009000504 

 Mais remarquez, je vous supplie, comme le Sauveur prattiqua la grandeur de son courage au plus excellent acte de l'amour qu'il nous a monstré avoir pour nous en sa Mort et Passion.

  A009000504 

 Resouvenez-vous de cette parole tant admirablement bien inculquée par Nostre Seigneur dans le cœur des Apostres: S i vous n'estes faits comme petits enfans, vous n'entrerez point au Royaume des cieux.

  A009000504 

 Vous l'aurez d'autant plus grand que vous serez plus petites en vous mesmes.

  A009000505 

 La troisiesme consideration qui vous doit estre de grande consolation, c'est l'honneur que vous avez de venir faire vos offrandes sous la protection de la glorieuse mere de la tres sainte Mere de Dieu, laquelle, comme une mere perle, demeura erami la mer de ce monde sans recevoir aucune goutte d'eau salée, je veux dire, sans estre aucunement abreuvée des vains playsirs terrestres, ains vescut tousjours tres saintement en la prattique de toutes sortes de vertus.

  A009000505 

 Ne doutez point qu'elle ne vous prenne en sa protection si vous venez faire vos offrandes avec humilité et simplicité de cœur, puisque ce sont les vertus qui ont le plus relui en elle durant le cours de sa vie, jointes à celle de suivre fidellement les attraits et les inspirations celestes.

  A009000513 

 La voyez-vous là, dans la ville de Bethleem, où l'on fit tout ce qu'on peut pour luy trouver un logis? Il ne s'en trouve point, elle ne dit mot.

  A009000513 

 Mais voyons un peu, je vous prie, comme elle pratiqua merveilleusement bien l'exercice de Marie.

  A009000514 

 Remarquez, je vous prie, que Nostre Seigneur reprend Marthe parce qu'elle s'empresse, et non pas de ce qu'elle a du soin.

  A009000514 

 Vous verrez bien souvent un homme qui aura une grande affection de prescher; defendez-luy la predication, le voyla troublé.

  A009000516 

 Cecy correspond à la response qu'il fit à cette femme dont il est parlé en l'Evangile: Vous dites bien que bienheureux est le ventre qui m' a porté et les mammelles que j'ay succees; mais moy je vous dis que bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

  A009000518 

 Il s'en trouveroit assez qui s'estonneroyent, disant: Comment est-ce que Nostre Seigneur, qui aymoit si tendrement et si fortement sa sainte Mere, ne luy donna le privilege de ne point mourir? Puisque la mort est la peine du peché, et qu'elle n'en avoit jamais fait aucun, pourquoy est-ce qu'il la laissa mourir? O mortels, que vos pensées sont contraires à celles des Saints, que vos jugemens sont esloignés de ceux de la divine Majesté! Ne sçavez vous pas que la mort n'est plus ignominieuse, ains qu'elle est pretieuse despuis que Nostre Seigneur et Maistre se laissa attacher par elle sur l'arbre de la croix? Ce n'eust point esté un advantage ni un privilege pour la Sainte Vierge de ne point mourir, ains elle avoit tousjours desiré la mort dès qu'elle la vit dans les bras et dans le cœur mesme de son tres sacré Fils.

  A009000518 

 Vous sçavez tous l'histoire de son glorieux trespas; je suis pourtant tousjours poussé de faire le recit des [181] mysteres que nous celebrons, à cause des grossiers et simples auditeurs.

  A009000519 

 L'on a accoustumé de dire que telle est la vie telle est la mort: de quelle mort pensez-vous donques que mourut la Sainte Vierge, sinon de la mort d'amour? O c'est une chose indubitable qu'elle mourut d'amour, mais je ne dis pas cecy parce qu'il est escrit.

  A009000520 

 Sa tres sainte ame s'envola droit au Ciel; car qu'est-ce, je vous prie, qui l'en eust peu empescher, veu qu'elle estoit toute pure et n'avoit jamais contracté aucune souilleure de peché? Ce qui nous empesche nous autres quand nous mourons d'y aller tout droit comme Nostre Dame, c'est que nous avons presque tous en nos pieds de la poussiere ou des souilleures qu'il est necessaire que nous allions laver et purger en ce lieu que l'on nomme Purgatoire, devant que d'entrer au Ciel..

  A009000522 

 Elle fut certes une lampe toute nourrie d'huile parfumée; quel parfum pensez-vous donc qu'elle jettast à l'heure de son glorieux trespas? Les jeunes filles sont allées apres elle à l'odeur de ses onguens.

  A009000523 

 Il est escrit des Anges: Vous estes mes serviteurs et mes messagers; mais auquel de ceux cy a-t-il esté dit: Vous estes mon Fils, je vous ay engendré? De mesme en pouvons-nous dire de la tres sainte Vierge qui est le parangon de tout ce qui est de beau au Ciel et en la terre: A laquelle a-t-on dit: Vous estes Mere du Tout-Puissant et du Fils de Dieu, sinon à elle? Vous pouvez donques bien penser qu'elle fut eslevée au dessus de tout ce qui n'est point Dieu..

  A009000523 

 Mais avec quel triomphe, mais avec quelle magnificence croyez-vous qu'elle fut accueillie de son Fils bien aymé en contreschange de l'amour avec lequel elle l'avoit receu venant en terre? Il faut bien croire qu'il ne fut pas mesconnoissant, ains qu'il la recompensa d'un degré de gloire d'autant plus grand au dessus de tous les Esprits bienheureux, que ses merites surpassoyent ceux de tous les Saints ensemble.

  A009000525 

 L'Arche de l'alliance dans laquelle estoyent les tables de la Loy ne pouvoit estre atteinte d'aucune corruption, d'autant qu'elle estoit faite de bois de cedre qui est incorruptible; combien estoit-il plus raysonnable que cette Arche en laquelle avoit reposé le Maistre de la Loy, fust exempte de toute corruption? La resurrection de la tres sainte Vierge est declarée par ces paroles: Levez-vous, Seigneur, vous, et l'Arche de vostre sanctification.

  A009000525 

 Les vers nous mangent et nous avons tous sujet de dire aux vers: V ous estes mon pere, vous estes ma mere..

  A009000525 

 Quant à ces mots: Levez-vous, ils font mention de la resurrection de Nostre Seigneur; mais ceux qui suivent: et l'Arche de vostre sanctification, se doivent entendre de celle de sa Mere.

  A009000526 

 Je ne sçay si vous aurez remarqué que le petit David, avant qu'entreprendre la bataille contre Goliath, s'informa soigneusement parmi les soldats de ce que l'on donneroit bien à celuy qui vaincroit et terrasseroit ce grand geant, ennemy des enfans de Dieu.

  A009000529 

 Maistre, dit-elle, permettez-vous que ma sœur ne m'ayde point et qu'elle me laisse tout le soin de la maison? commandez-luy qu'elle vienne m'ayder.

  A009000530 

 Escoutez des Religieux quand ils parlent de leur Institut, ils l'estiment tousjours au dessus de tous les autres: Il est vray, disent-ils, que cet Ordre dont vous parlez est de grande perfection, mais le mien est tousjours quelque chose davantage.

  A009000530 

 Prenez garde à [187] vous, car en fin vous retournerez à vous mesme, je dis mesme sans vous en appercevoir.

  A009000533 

 Voyez-vous cette personne qui a dessein de la prattiquer? Elle commence à faire pacte avec ses yeux qu'ils ne regarderont que pour les choses necessaires et non point autrement; et pour cela elle leur fera comme aux esperviers que l'on chaperonne quand on ne leur veut pas donner le vol et à fin de les porter plus aysement sur le poing.

  A009000536 

 Je vous dis en un mot: ayez la tres sainte charité et vous aurez toutes les vertus.

  A009000536 

 Mais quel remede, me direz-vous, pour ne pas avoir tant de soin, puisqu'il faut que je m'exerce en la vertu? O certes, ce soin, pourveu qu'il soit sans anxieté et empressement, est tres louable.

  A009000536 

 Voicy neanmoins un remede pour vous delivrer de tant de sollicitudes: puisque Nostre Seigneur dit qu' une seule chose est necessaire, qui est d'estre sauvé, il n'est pas requis de tant multiplier les moyens pour l'acheminement de nostre salut, bien qu'il faille un acheminement à toutes choses.

  A009000537 

 Aymez-vous parfaitement Dieu, vous aymez donques parfaitement le prochain.

  A009000537 

 Si vous avez l'amour de Dieu, ne vous mettez point en peine ni en souci de prattiquer les autres vertus, d'autant qu'il ne se presentera point d'occasion de vous y exercer que sans soin vous ne le fassiez; je dis quelle vertu que ce soit: de patience, de douceur, de modestie, et ainsy des autres..

  A009000559 

 Mais, disent quelques autres, Dieu veut que nous l'aymions de tout nostre cœur, de tout nostre esprit, de toutes nos forces, de toute nostre pensée, et ainsy de tout nostre pouvoir: et comme donques le pourrons nous faire en cette vie, puisqu'il faut que nous aymions nos peres, nos meres, nos femmes et nos enfans? Comment, nostre amour estant partagé, pourrons-nous aymer Dieu de toutes nos forces? Cela ne se peut, dites-vous.

  A009000559 

 O pauvres gens, que vous monstrez bien qui vous estes, et que vous avez des esprits, mais non pas pour penetrer les choses de Dieu, ni les comprendre et connoistre pour telles qu'elles sont.

  A009000559 

 Si Nostre Seigneur nous eust commandé de l'aymer comme font les Bienheureux là haut au Ciel, vous auriez quelque rayson de dire que nous ne le pouvons pas, d'autant qu'ils l'ayment d'un amour ferme, stable et constant, sans interruption quelconque; ils le benissent perpetuellement, et par ainsy ils sont en un continuel exercice de leur amour; ce que nous ne pouvons pas faire nous autres, car il faut que nous dormions, et pendant ce temps là nostre amour cesse son exercice.

  A009000561 

 Et comment, me direz-vous, pourrons-nous faire pour satisfaire à ce divin commandement de l'amour de Dieu tandis que nous serons en cette vie, puisque vous asseurez que nous le pouvons accomplir selon le desir de la divine Bonté? Il est vray sans doute, nous le pouvons, mais pour le vous mieux faire entendre je me serviray d'une similitude..

  A009000562 

 Imaginez-vous, de grace, de voir trois archers qui tous trois portent leur arc tendu pour tirer à tous rencontres selon la necessité, et pour cela ils ont leur carquoy plein de sagettes.

  A009000564 

 Pensez-vous que ce soit pour luy defendre de tirer ses sagettes qu'il parle ainsy? O non, sans doute, c'est plustost pour la blesser reciproquement, car vous m'advouerez que c'estoit bien la blesser amoureusement, mais d'une blesseure neanmoins douloureuse, que de luy dire qu'elle destourne ses yeux de dessus luy..

  A009000565 

 Vous entendez donc assez maintenant comme on peut prattiquer ce commandement..

  A009000566 

 Il est vray, me direz-vous, mais est-ce assez aymer Dieu que se contenter de l'aymer comme ceux qui observent ses commandemens? O sans doute, qui se contenteroit de cela sans desirer de l'aymer davantage, je veux dire sans avoir la pretention d'accroistre son amour envers la divine Bonté, il ne l'aymeroit pas assez; car n'avons-nous pas veu que la suffisance n'est pas suffisante? En effect, ce n'est pas icy comme aux desirs que l'on a d'acquerir des honneurs et des richesses, parce que, en ces sortes de choses, rien ne sçauroit contenter ni assouvir la soif insatiable de celuy à qui la suffisance ne suffit pas.

  A009000567 

 J'ay desiré, dit-il, d'un grand desir de faire cette Pasque avec vous.

  A009000567 

 Remarquez, je vous supplie, combien le Sauveur a de grace à nous exprimer l'ardeur de sa passion amoureuse, tant en paroles et en affections qu'en œuvres.

  A009000568 

 Ne vous semble-t-il pas, mes cheres ames, que nous ayons une tres grande obligation à contreschanger autant que nous le pouvons cet amour sacré et incomparable duquel nous avons esté et sommes aymés de Nostre Seigneur? C'est sans doute que nous le devons; au moins [198] devons-nous avoir affection de le faire.

  A009000569 

 De mesme en est-il en cet amour sacré: la fidelle amante s'essaye par tous les moyens possibles de rencontrer par tout son cher Bien-Aymé tout seul, pour luy lancer dans le cœur quelques traits [199] de sa passion amoureuse et luy rendre quelque petit tesmoignage de son amour, quand ce ne seroit que de luy pouvoir dire: Vous estes tout mien, et moy je suis toute vostre..

  A009000569 

 Je vay vous en donner des marques infaillibles.

  A009000569 

 La premiere, si vous vous plaisez fort en sa presence, car vous sçavez que l'amour recherche tous-jours la presence de celuy qu'il ayme.

  A009000569 

 Mais vous seriez bien ayses de sçavoir comment vous pourrez connoistre si vous aymez Dieu ainsy que nous venons de dire.

  A009000569 

 Si vous aymez bien Dieu vous aurez un grand soin de rechercher sa presence à fin de vous unir tousjours plus avec sa divine Bonté, non point pour la consolation qu'il y a de jouir de cette presence, ains simplement pour satisfaire à son amour qui le desire ainsy; vous rechercherez le Dieu de toutes consolations et non pas les consolations de Dieu.

  A009000570 

 Une autre marque pour connoistre si vous aymez bien Dieu, est si vous n'aymez pas beaucoup d'autres choses avec luy, ainsy que j'ay dit (mais cela s'entend d'un amour fort et puissant); car vous sçavez que quand on ayme beaucoup de choses ensemble, c'est les aymer d'un amour moins fort et moins parfait.

  A009000571 

 La troisiesme et la principale marque que je vous donne pour connoistre si vous aymez bien Dieu est que vous aymerez aussi bien le prochain; car nul ne peut dire en verité qu'il ayme Dieu s'il hait le prochain, ainsy que l'asseure le grand Apostre saint Jean.

  A009000571 

 Mais comme aymerez vous le prochain, de quel amour? Oh! de quel? de l'amour dont Dieu mesme nous ayme, car il faut aller puiser cet amour dans le sein du Pere eternel, à fin qu'il soit tel qu'il doit estre.

  A009000571 

 Mais encor, quel pensez vous qu'il soit? C'est un amour ferme, constant, invariable, qui, ne s'attachant point aux niaiseries, ni aux qualités ou conditions des personnes, n'est pas sujet au changement ni aux aversions comme celuy que nous nous portons les uns les autres, qui pour l'ordinaire se dissipe et s'alangourit sur une mine froide ou qui n'est pas si correspondante à nostre humeur comme nous desirerions.

  A009000578 

 C'est le souhait que l'Eglise fait aux benedictions, en mettant le voile aux vierges, comme nous vous dirons tantost en vous le donnant, ma tres chere fille: «Le Seigneur vous veuille despouiller du viel homme pour vous revestir du nouveau.» Et cecy est comme un avant propos de ce que je veux traitter..

  A009000578 

 Il dit: Despouillez-vous des habitudes du monde et des affections d'iceluy.

  A009000578 

 Pensant à ce que je devois prendre pour la ceremonie que nous allons celebrer, qui est de recevoir nostre Sœur la Pretendante au Noviciat, j'ay trouvé que ces paroles des Epistres de saint Paul, escrivant aux Ephesiens et Colossiens, viennent fort à mon propos: Soyez renouvellés en justice et verité; despouillez-vous du viel homme pour vous revestir du nouveau en Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A009000583 

 O ma chere fille, si vous voulez demeurer en Religion il n'y faut point apporter les moeurs du monde, mais vous despouiller du viel homme: de ces petites esmotions de colere que l'on ressent quand on nous reprend, car personne n'ayme la correction; de ces tendretés sur nous mesme quand on nous contrarie, de ces larmes de compassion et ces petits ressentimens d'impatience aux contradictions qu'on nous fait sur nos humeurs et inclinations, de la propre estime de nous mesme, du desir d'estre estimé de bonne mayson et quelque chose de plus que les autres.

  A009000584 

 L'Eglise fait encores cette priere: Dieu «vous veuille despouiller du viel homme et vous reveste du nouveau,» pour nous monstrer que toute nostre force vient de [205] Dieu.

  A009000585 

 Or, Nostre Seigneur disoit au cœur de saint Augustin: Changez-vous des vielles habitudes, n'aymez point tant les festins, les playsirs, les vaines conversations, despouillez-vous du viel homme et vous revestez du nouveau..

  A009000586 

 Revestez-vous donc aussi, ma chere fille, des habits et habitudes de ce sacré Fils du Pere eternel, à fin que vous puissiez meriter la grace de recevoir sa benediction..

  A009000588 

 Or sus, ma tres chere fille, demeurez en paix, et vous revestez de l'homme nouveau, ainsy que nous vous dirons en vous mettant le voile, et vous recevrez la benediction que l'Eglise donne à cette intention.

  A009000595 

 Ce que sçachant, le roy fut fort fasché, et appellant à soy de ses gentilshommes il leur commanda de s'en aller par la ville et par toutes les avenues des chemins pour inviter [208] tous les pauvres, tant malades que sourdsmuets, boiteux, aveugles, bossus et contrefaits, sans en laisser un seul auquel ils ne dissent: Le roy vous prie de venir en son festin..

  A009000599 

 Elle avoit quantité de filles, cette sainte amante, qui consideroyent soigneusement tous les traits de passion amoureuse que son divin Amant et elle s'entrecommuniquoyent, et partant elle s'escrie en cette sorte: O filles de Hierusalem, hé de grace, je vous supplie de mettre toutes la teste aux fenestres pour considerer mon Bien-Aymé au jour de sa joye, et voir la couronne dont sa mere l'a couronné au jour de ses fiançailles.

  A009000599 

 Mais, me demanderez-vous, comme osez-vous appeller le jour de la Passion jour des noces de Nostre Seigneur, puisque le jour où on celebre des noces est ordinairement un jour de consolation, de playsir et de joye? Il est vray; mais ne pensez pas que ce soit moy seul qui dise cecy, ni de moy mesme, car sa divine Espouse le dit elle mesme au Cantique des Cantiques.

  A009000602 

 Si cela est, qui peut douter que le jour de la Passion du Sauveur ne fust le jour de sa joye et de son allegresse? car ne voyez-vous pas les fleurs qui sortent et commencent à bourgeonner autour de la Croix, presage certain des fruits que devoit rendre cet arbre de vie? je veux dire les merites de cette mort, produisans les doux fruits de la salvation des hommes qui espereroyent en ces merites? Que si la joye de la femme est de produire beaucoup d'enfans, combien de sujets de resjouissanee Nostre Seigneur et Maistre eut-il au jour de sa Mort et Passion, puisque ce fut en iceluy qu'il fut fait Pere de tous les enfans des hommes, et leur acquit la grace pour cette vie passagere et la gloire pour la vie eternelle..

  A009000602 

 [211] Vous sçavez que chaque chose se resjouit lors qu'elle produit son fruit; si que l'on dit qu'au printemps la terre semble se resjouir, les arbres commençans à produire des fleurs qui sont des presages de la production des fruits.

  A009000603 

 Et comment celuy du Pere eternel, puisqu'il voyoit mourir son Fils de la mort naturelle? Ne vous semble-t-il pas que ce fut plustost le jour de sa douleur que non pas celuy de son allegresse? Hé, non certes, mes cheres ames, il ne nous doit pas sembler ainsy.

  A009000603 

 O Dieu, quel acte d'obeissance est celuy cy! Quel exces de complaisance pour le Pere eternel, lequel avoit desja dit au baptesme de Nostre Seigneur qu'il estoit son Fils bien aymé! Combien pensez-vous qu'il receut de contentement voyant qu'il luy rendoit le dernier et le plus [212] excellent tesmoignage de sa souveraine dilection et sousmission?.

  A009000603 

 Outre cela, quel playsir pensez-vous qu'il eut de voir son Fils attaché sur la croix pour obeir à sa divine Majesté? Chacun sçait le contentement que les peres reçoivent en l'obeissance que leurs enfans leur rendent; et plus ceux cy se monstrent sujets et obeissans à leurs volontés plus aussi ils reçoivent de complaisance à les aymer.

  A009000605 

 Mais, me demanderez vous, pourquoy dites vous que la Croix est un festin auquel nous sommes tous invités, sans en excepter pas un? Hé, ne voyez-vous pas les mets delicieux qui nous y sont preparés? Voyez et considerez de grace la souveraine misericorde que Dieu y presente aux hommes; remarquez, je vous supplie, que c'est là où nous sont preparés et offerts tous les secours necessaires pour parvenir à la gloire..

  A009000608 

 Me voyci maintenant à ce que je voulois dire, et pour ne laisser plus vos attentions en suspens, je vous declareray que cette robe d'Esther represente fort bien la robe nuptiale de laquelle il faut que les ames soyent revestues pour estre trouvées aggreables par le grand Assuerus, par nostre divin Sauveur; mais principalement les Religieux et Religieuses qui luy sont presentées pour estre ses espouses et qui pretendent de parvenir à son lit nuptial..

  A009000610 

 Que represente cela, je vous prie, sinon qu'elles sont abondantes en parolles et ont fort peu d'œuvres? Oh, moy je suis une fille de bien et d'honneur; mais de bonnes actions qui soyent conformes à ces parolles, point, ou du moins peu.

  A009000610 

 Voyez, je vous prie, comme la difference des habits des filles du monde d'avec ceux des Religieuses monstre bien cecy.

  A009000612 

 Que pensez-vous que je veuille [215] signifier par cela? Puisque cette robe represente la robe nuptiale que nous devons apporter au banquet et festin de la Croix, il faut que nostre charité soit longue et traisnante, qu'elle soit perseverante jusqu'à la fin de nos jours.

  A009000618 

 Mais je ne veux ni dois entreprendre ce discours sans avoir jetté le fondement de l'esperance que j'ay de vous dire quelque chose qui vous soit utile et profitable en l'assistance du Saint Esprit, par l'intercession de la Sainte Vierge, luy presentant le Salut angelique..

  A009000618 

 Mes tres cheres Sœurs, ayant un mot à vous dire de la part de Nostre Seigneur, je ne puis vous entretenir plus utilement que de vous parler des medecins et des malades, puisqu'il est à mon propos à cause de la feste que nous celebrons aujourd'huy de deux grans Martyrs et medecins tant du corps que de l'esprit.

  A009000621 

 Si vous entrez en un hospital vous y verrez quantité de malades de diverses maladies; vous en verrez de si affreux et si extremement mal qu'ils sont fort proches de la mort, quoy qu'ils en pensent estre bien esloignés.

  A009000622 

 Par le Sacrement de l'Eucharistie nous sommes unis et conjoins à la divine Bonté et recevons la vraye vie de nos ames; car ne sçavez-vous pas que le divin Sauveur a dit: Celuy qui me mange vivra eternellement? En fin il en est de mesme des autres Sacremens qui en une certaine façon nous lavent tous de nos iniquités..

  A009000624 

 Ne voyez-vous pas le grand Apostre saint Paul, tout ravi qu'il avoit esté jusqu'au troisiesme Ciel, confesser qu'il est infirme et malade de corps et d'esprit? Oyez-le s'escrier: Qui me delivrera du corps de cette mortalité? Que veut-il signifier de grace, sinon: Qui me delivrera de mes maladies et infirmités?.

  A009000624 

 Que veut dire, je vous prie, ce mot de Chrestien, sinon oint et embaumé, c'est à sçavoir que l'on se tient pour malade et infirme? de sorte qu'il faut advouer que veritablement nous le sommes.

  A009000626 

 Le grand saint Paul escrivant aux Corinthiens leur dit: J'ay une sainte jalousie pour vos ames qui sont espouses de Jesus [220] Christ; nuit et jour je suis consumé d'ardeur et de desir de vous rendre purs et nets, sans aucune macule devant ses yeux.

  A009000627 

 Vous sçavez que deux roys ne peuvent subsister ensemble en un mesme royaume; de sorte que nous devons renoncer et aneantir l'amour propre qui nous cause tant de mal, de troubles, d'inquietudes et chagrins, pour laisser posseder nostre cœur au saint amour qui nous comblera de contentement, d'une paix et tranquillité nompareille..

  A009000628 

 Considerez comme ce cher Sauveur de nos ames voyant ce peuple s'escrie: Venez à moy vous tous qui estes chargés de maladies et d'infirmités, venez à moy, et je vous gueriray.

  A009000628 

 Regardons, je vous prie, nostre Sauveur en l'Evangile d'aujourd'huy: il monte sur la montagne avec une grande multitude de peuple qui le suivoit pour estre gueris de leurs maladies, car il sortoit de luy comme une celeste liqueur qui guerissoit; tellement que les uns s'approchoyent pour le voir, d'autres pour l'ouyr parler, d'autres pour toucher le bord de ses vestemens et d'autres pour odorer cette divine odeur à fin d'estre gueris.

  A009000630 

 Allez tant que vous voudrez par tout le monde prescher la pauvreté; qui vous entendra? Exaltez tant qu'il vous plaira la sainte humilité; à qui, je vous prie, la persuaderez-vous? Criez et recriez tant que vous pourrez que bienheureux sont les pauvres; personne ne le veut estre pour tout cela, sinon ceux à qui le Saint Esprit a donné le don de sapience, par lequel il fait gouster à leurs ames la douceur qu'il y a au service de Dieu et en la prattique des vertus.

  A009000632 

 Helas! je considere la fidelité que nous avons tous jurée à la divine Majesté aux saints fonts du Baptesme et comme il s'en trouve peu qui la gardent! Voyez, je vous prie, ces deux Saints dont nous celebrons aujourd'huy la feste, saint Cosme et saint Damien, lesquels subirent tant de tourmens et aymerent mieux mourir que de fausser la foy et loyauté deuë à leur Createur, disant un petit ouy.

  A009000633 

 Que pensez-vous que ce soit, la pauvreté d'esprit? Ce n'est autre chose que la tres sainte humilité, parce que la richesse d'esprit c'est la vanité, l'orgueil et presomption qui font que nous nous enflons et estimons estre riches, quoy qu'à la verité nous soyons tres pauvres.

  A009000633 

 Si vous me dites que vous avez la charité et que vous n'avez pas l'humilité, je vous respondray que vous mentez; si vous [224] asseurez que vous avez l'humilité et que vous n'avez pas la charité, vous ne dites rien qui vaille.

  A009000634 

 Cela est bon quand Dieu les donne; mais que fait-elle encores pour estre si sainte que vous dites? Elle donne souvent l'aumosne.

  A009000634 

 Lors que les mondains voyent une personne devote ils disent incontinent qu'elle est sainte; et si vous leur demandez: Pourquoy est-elle sainte? Parce, vous respondront-ils, qu'elle demeure long temps aux eglises, qu'elle recite quantité de chapelets et entend beaucoup de Messes.

  A009000635 

 En fin, mes cheres Soeurs, vous voyez que sans l'humilité et la charité nous ne sommes rien.

  A009000635 

 Et nostre Sauveur leur respondra: Je ne vous connois point, ouvriers d'iniquité.

  A009000635 

 Si vous pensiez avoir la charité sans l'humilité vous vous tromperiez, car ce seroit faire comme celuy qui voudroit poser le couvert d'une mayson sans avoir auparavant fait le fondement et les murs; il seroit certes un grand sot.

  A009000635 

 Vous avez, de vray, fait toutes ces choses là en mon nom, mais non pas selon mon [225] nom; c'est pourquoy je ne vous connois point, et vous n'aurez aucune recompense ni part avec moy.

  A009000637 

 Ne sçavez-vous pas que le grand saint Paul dit que luy et les autres Apostres, parce qu'ils servoyent leur Maistre et mesprisoyent le monde, estoyent reputés des mondains comme les excremens du monde, les balayeures et peleures des pommes, qui sont des choses si viles et que l'on jette là? Voyez comme il parle, ce divin [226] Apostre: J'ay reputé toutes choses fange et ordure pour gaigner Jesus Christ et sa bonne grace.

  A009000639 

 Quand je vois que la plus grande partie des hommes ne respirent rien moins que l'humilité, qu'ils la fuyent pour rechercher les honneurs, les charges relevées et les grandes dignités, qu'ils sont pleins de presomption et de superbe, mon Dieu, cela m'est insupportable! Et ne sçavez-vous pas, o mondains, que le mauvais riche pour s'estre enflé d'orgueil, comme il tesmoigna en mesprisant le pauvre Lazare, est maintenant aux enfers pour toute eternité? Mais lors que ces personnes du monde vont [227] un peu aux eglises entendre la sainte Messe, qu'elles communient à Pasques et font quelque aumosne, elles pensent pour cela estre saintes, tellement qu'il ne faut plus que les canonizer et les mettre sur les autels.

  A009000639 

 Sçavez-vous pas, pauvres gens, que puisque vous n'avez point de charité et d'humilité tout cela n'est rien?.

  A009000640 

 D'où pensez-vous que viennent ces relasches et desordres de certaines maysons religieuses? C'est certes parce que l'humilité n'y est pas.

  A009000640 

 Et pourquoy pensez-vous que l'humilité n'y est pas? C'est parce que cette infortunée parolle tien et mien n'en est pas bannie; car dès que la communauté et pauvreté n'est pas observée, la presomption et superbe y entre aussi tost, d'autant qu'il n'y a rien qui nous enfle tant que les richesses, par lesquelles nous avons dequoy dire tien et mien.

  A009000644 

 C'est qu'il vous faut cent et cent fois la journée toucher Nostre Seigneur crucifié.

  A009000644 

 Or, pour abreger et reduire tout en un seul point, je desire de vous donner une methode par laquelle vous pourrez facilement mettre en prattique tout ce que nous avons dit cy dessus.

  A009000654 

 Elle venoit avec un cœur nompareil se donner à Dieu sans reserve, et semble que si elle eust osé, elle eust dit volontiers aux bonnes dames qui eslevoyent ces filles qu'on dedioit au Seigneur dans le Temple: Me voyci entre vos mains comme une boule de cire, faites de moy tout ce que vous voudrez, je ne feray nulle resistance.

  A009000655 

 Au commencement de sa Passion il monstra sa toute puissance lors que, comme lion de la tribu de Juda, il se prit à rugir cette parole: Ego sum, c'est moy, quand les Juifs le cherchant, il leur demanda: Qui cherchez-vous? Ils luy respondirent: Jesus de Nazareth.

  A009000656 

 Mais qu'est-ce, je vous prie, que nous donner tout à Dieu? C'est ne se reserver aucune chose qui ne soit pour Dieu, non pas mesme une seule de nos affections ou de nos desirs.

  A009000658 

 Le Seigneur vous a enrichies de sa grace, il veut que vous luy apportiez ce que vous avez..

  A009000659 

 O mondains, jouissez, si bon vous semble, de vos biens, pourveu que vous ne fassiez tort à personne; prenez les playsirs licites et permis par la tres sainte Eglise, faites vos volontés en tant et tant d'occurrences, Dieu vous permet tout cela.

  A009000661 

 Car, je vous prie, qui est celuy qui au jour solemnel de Pasques ne se renouvelle tout entier par des saintes affections et resolutions de mieux faire, voyant Nostre Seigneur tout renouvellé en sa Resurrection? Qui est le Chrestien qui ne renouvelle point son cœur au jour de la Pentecoste, où il considere que Dieu envoye du Ciel un nouvel esprit sur ceux qui l'ayment, et au jour de la Toussaint où la sainte Eglise nous represente la gloire et felicité des Esprits bienheureux, apres laquelle nous souspirons et pour laquelle nous esperons? En fin, qui peut estre de si petit courage qu'il ne s'efforce de se renouveller au jour de Noël, où l'on voit le Sauveur de nos ames fait petit enfant tant aymable qui vient pour nous racheter?.

  A009000662 

 Et comme le pourrions-nous mieux faire que par des reconfirmations du dessein que nous avons et du choix que nous en avons fait? Vous avez donques, mes cheres ames, mis aujourd'huy un clou à vostre vocation par le renouvellement de vos vœux en presence de la divine Majesté, qui demande cela de vous en reconnoissance du don sacré qu'elle vous a fait à mesme temps d'elle mesme..

  A009000663 

 Demandez, je vous prie, à un Chrestien s'il ne veut pas obeir à la parole de Dieu: Oh! sans doute je le veux.

  A009000663 

 Et de cette parole du Sauveur: Bienheureux sont les debonnaires, qui est-ce qui en tient compte? Je viens du monde, et je vous puis asseurer qu'il s'en trouve bien peu qui la pratiquent.

  A009000663 

 O Dieu, si vous voulez estre redouté vous ne serez pas humble, car il n'y a rien qui soit plus contraire à l'humilité.

  A009000663 

 Ouy, pourveu que rien ne vous manque.

  A009000664 

 Vous sçavez que le Sauveur preschant un jour dans le Temple les parolles de la vie eternelle, Nostre Dame estant à la porte, quelqu'un luy vint dire que sa Mere et ses freres le demandoyent (car il y avoit encores quelques uns de ses parens qu'il appelloit ses freres); à quoy il respondit: Qui est ma mere et qui sont mes freres? Ce sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est au Ciel .......................................................

  A009000671 

 Nostre Seigneur ayant enseigné à ses Apostres la perfection de la loy evangelique, disant: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, bienheureux les debonnaires, bienheureux ceux qui pleurent, et la suite, il adjousta: Vous estes le sel de la terre; ce que l'on attribue non seulement aux Apostres, mais aussi à tous leurs successeurs, tel que fut le grand saint Ambroise duquel la sainte Eglise celebre aujourd'huy la feste.

  A009000672 

 Cecy ne se doit pas entendre materiellement ains spirituellement; et pour vous le mieux faire comprendre je considere trois qualités du sel, sur lesquelles nous nous arresterons principalement.

  A009000672 

 De mesme, si le feu du Saint Esprit, l'amour de Dieu, touche une ame et la choisit pour y faire sa demeure, vous appercevrez tout aussi tost que l'amour terrestre, caduc et perissable commencera à s'esteindre, à mourir et perir, en fin à luy quitter la place..

  A009000672 

 Nostre Seigneur dit donques à tous les hommes apostoliques et aux Religieux et Religieuses: Vous estes le sel de la terre.

  A009000672 

 Si vous en mettez un grain sur vostre langue, tout incontinent vous sentirez qu'il brusle, comme le poivre ou autres espiceries fortes; au contraire, jettez-en quelques grains dans le feu et vous verrez l'effect: s'il y a du feu à la cheminée vous le verrez tomber et s'esteindre.

  A009000673 

 Car qui ne voit que non seulement ils ont esté touchés, mais esclairés et enflammés du feu du Saint Esprit, en sorte qu'ils n'ont autre attention que d'exterminer et aneantir l'amour charnel et perissable? Qu'est-ce, je vous supplie, qui auroit peu esteindre le feu de la convoitise des richesses ou des honneurs, que les Religieux et Religieuses renoncent pour jamais en faisant le vœu de pauvreté, s'ils n'eussent esté touchés de cette flamme sacrée et tres aymable de l'amour de Dieu, qui les a tirés d'entre le peuple pour les mettre ès lieux où plus à souhait ils peussent monstrer les effects de son infinie misericorde exercée en leur endroit? O Dieu, qu'ils sont heureux d'avoir donné entrée à ce feu celeste! car tout ainsy que le feu du ciel esteint celuy de la terre, de mesme le feu sacré exterminera et consommera celuy de la concupiscence qui regne et domine en nostre chair.

  A009000673 

 Remarquez donques, je vous prie, combien il est vray que les Religieux et Religieuses sont le sel de la terre (s'entend pourveu qu'ils soyent bons Religieux), puisqu'ils ont cette premiere condition du sel.

  A009000674 

 Quelle plus grande sagesse, je vous supplie, que celle des Religieux qui connoissans leur foiblesse pour demeurer dans le monde, emmi les continuelles occasions de se perdre, s'en retirent pour plus à souhait servir Dieu fidellement? Ils ont esté touchés de ce feu du Saint Esprit lequel leur a fait connoistre, par un petit rayon de sa lumiere, qu'ils ont plusieurs maladies spirituelles auxquelles il faut remedier pour ne point tomber au peril de la mort eternelle..

  A009000678 

 Mais, je vous supplie, considerez un peu la folie des mondains lesquels estans fort malades n'estiment pourtant pas l'estre, ains ils se louent de la meilleure santé du monde, bien que leurs maladies soyent telles qu'ils sont prests à tomber dans la fosse de la mort eternelle.

  A009000678 

 Voyons, je vous prie, en quoy ils constituent leur sagesse.

  A009000680 

 Qu'est-ce, je vous prie, qui precipita nostre mere Eve, et apres elle nostre premier pere Adam, dans le gouffre du peché, sinon le desir de faire leur propre volonté et jouir de leur independance? Vous sçavez ce qui leur en arriva, et à nous apres eux.

  A009000682 

 O qu'ils sont heureux ceux cy parce qu'ils ne font rien qui ne soit aggreable à Dieu! Vous estes le sel de la terre; c'est à dire vous assaisonnez les actions mesme terrestres, et par ce moyen vous les rendez celestes..

  A009000683 

 Pourquoy pensez-vous que le Seigneur en l'ancienne Loy eust commandé aux Israelites qu'ils se gardassent bien de luy offrir aucun sacrifice où ils ne missent du sel? Nostre divin Maistre reconfirma ce mesme commandement par sa sacrée bouche, pour nous monstrer qu'il vouloit que tous nos sacrifices fussent offerts avec une grande sagesse et consideration.

  A009000684 

 C'est donques à eux que Nostre Seigneur dit: Vous estes le sel de la terre..

  A009000687 

 Dieu vous fasse la grace d'enfanter Nostre Dame ainsy que vous l'avez conceue, c'est à sçavoir de bien mettre en effect vos resolutions et vos desirs..

  A009000687 

 O que vous estes heureuses, mille fois plus que les imperatrices et les reynes, non seulement parce qu'apres avoir esté espouses de Jesus crucifié en cette vie vous le serez de Jesus glorifié là haut en sa gloire, mais aussi parce que la Croix du Sauveur est mille fois, et sans comparaison, plus honnorable que les sceptres et couronnes et les royaumes tout entiers de ce monde perissable.

  A009000687 

 Que vous avez bien conceu Nostre Dame en la veille de sa Conception! car, qu'est-ce autre chose concevoir la sacrée Vierge sinon concevoir la volonté et le desir de l'imiter en ses vertus? Elle estoit si droite en ses intentions qu'elle ne voulut point donner son consentement d'estre Mere de Dieu que premier elle n'eust consideré si c'estoit la divine volonté; mais l'ayant [248] reconneuë elle dit: Fiat; me soit fait selon ta parole.

  A009000688 

 Oh que vostre pretention est masle et genereuse, et qu'elle vous rendra grandement aggreables à la mesme Vierge, qui sera vostre protectrice pourveu que vous luy soyez fidelles.

  A009000688 

 Vous allez devenir esclaves bien aymées de son Fils tres beni Nostre Seigneur, car que voulons-nous signifier quand nous jettons la croix au col de ces filles, ainsy que vous verrez tantost? Que nous les attachons à la Croix de Nostre Seigneur, pour passer le reste de leurs jours sur le mont de Calvaire à fin d'y considerer le renoncement parfait et les travaux qu'il a soufferts pour nous, nous excitant par ce moyen à cette continuelle attention de faire tout pour luy, et preserver ainsy nos actions de la corruption et putrefaction qu'elles contractent en la communication des intentions obliques et impures.

  A009000698 

 Il ne se faut pas amuser à la prattique d'une certaine humilité de contenances et parolles, qui consiste à dire que nous ne sommes rien et à faire tant de reverences et d'humiliations exterieures que vous voudrez, et que sçay-je moy, choses semblables qui ne sont rien moins que l'humilité mesme.

  A009000703 

 Prenez, je vous prie, une fille d'Eve: comme quoy n'est-elle pas ambitieuse de l'honneur et de se faire estimer? Certes, si bien ce mal est general entre les hommes, cependant il semble que ce sexe y soit plus enclin que tout autre.

  A009000705 

 Il ne se trouve point en l'Evangile qu'elle ait parlé, sinon aux noces de Cana en Galilée lors qu'elle dit: Faites ce que mon Fils vous dira, preschant ainsy l'observance de l'obeissance.

  A009000705 

 Quant à Nostre Dame, voyez et considerez tout le cours de sa vie, vous n'y trouverez qu'obeissance.

  A009000712 

 Mais considerons un peu, je vous prie, les conditions necessaires pour obtenir cette faveur de prendre le Sauveur entre nos bras et de le recevoir des mains de Nostre Dame, comme saint Simeon et Anne, cette bonne vefve qui eut le bonheur de se trouver au Temple en [261] ce mesme temps.

  A009000713 

 C'est bien dit; vous ne voulez donques pas ajuster vostre volonté à celle de Dieu qui veut que vous y ayez des secheresses et des sterilités? cela n'est pas estre juste.

  A009000713 

 Cela est bon, Dieu vous veuille acheminer au but de vostre desir et entreprise; mais dites-moy, je vous prie, qu'est-ce que vous y allez faire? Je m'en vay demander à Dieu des consolations.

  A009000713 

 Helas, ne voyez-vous pas que tout cela n'est pas rendre vostre volonté capable d'estre unie et ajustée à celle de Nostre Seigneur, qui veut qu'entrant à l'oraison vous soyez resolue d'y souffrir la peine des continuelles distractions, secheresses et degousts qui vous y surviendront, demeurant aussi contente que si vous y aviez beaucoup de consolations et de tranquillité, puisque c'est une chose certaine que vostre oraison ne sera pas moins aggreable à Dieu, ni à vous moins utile, pour estre faite avec plus de difficultés.

  A009000722 

 O bien aymés et tres chers Atheniens, leur disoit ce grand predicateur de la Croix, ce Dieu que vous ne connoissez point encores et que tout maintenant je vous veux faire connoistre n'est autre que Dieu le Pere tout puissant, qui a envoyé son Fils ça bas en terre pour prendre nostre nature humaine; en icelle, bien qu'il fust Dieu comme son Pere, de mesme nature et essence que luy, ce divin Fils a neanmoins souffert la mort, et la mort de la croix, pour satisfaire à la justice de Dieu son Pere justement indigné contre les hommes en suite du peché de nos premiers parens, peché qui nous eust sans doute causé à tous la mort eternelle.

  A009000723 

 Et moy, mes tres cheres [266] Sœurs, ayant à vous entretenir icy quelque peu de temps, j'ay jetté les yeux de ma consideration sur le tiltre que j'ay veu non au dessus de l'autel des Atheniens, mais au dessus de cet autel incomparable sur lequel nostre Sauveur et Maistre s'est offert pour nous à Dieu son Pere en sacrifice tres aggreable et d'une suavité nompareille, autel qui n'est autre que la Croix, laquelle despuis a tousjours esté honnorée comme tres pretieuse et adorable.

  A009000723 

 Non pas que je vous veuille parler d'un Dieu inconneu, car grace à sa bonté nous le connoissons; mais certes, je pourrois bien parler d'un Dieu mesconneu.

  A009000723 

 Nous ne vous ferons donc pas connoistre, mais nous vous ferons reconnoistre ce Dieu tant aymable qui est mort pour nous..

  A009000723 

 Or, ayant consideré le tiltre placé sur icelle, j'ay pensé qu'à l'imitation du predicateur de la Croix, je ne devois pas rechercher autre sujet pour fondement de ce que je vous devois dire.

  A009000725 

 Or je n'entens pas vous parler, mes cheres Sœurs, avec combien d'ignominies, de douleurs, d'amertumes, d'angoisses, de vituperes, d'affronts, de mespris nostre divin Maistre souffrit la mort, ni moins vous faire un narré de la cruauté envenimée avec laquelle les Juifs l'attacherent à la croix; car vous sçavez que je vous ay tousjours fait entendre que c'est la moindre consideration en la Passion de nostre Sauveur que celle cy, et celle sur laquelle vous vous devez moins arrester, puisque l'affection de compassion sur ses souffrances est la moins utile.

  A009000730 

 Mon Dieu, que ces parolles sont admirables! Considerez, je vous prie, la douceur du cœur de nostre Maistre, et voyez comme la charité recherche des artifices pour parvenir au but de sa pretention qui est la gloire de Dieu et le salut du prochain.

  A009000730 

 Mon Pere, s'escrie nostre cher Sauveur; comme s'il eust voulu dire: Je suis vostre Fils, resouvenez-vous que vous estes mon Pere, et partant que vous ne me devez rien refuser.

  A009000734 

 O que voicy un document incomparable d'une parfaite charité! Aymez-vous les uns les autres comme je vous ay aymès, disoit-il souvent preschant au peuple ou à ses Apostres, de telle sorte qu'il sembloit n'avoir point tant d'affection pour autre chose que pour inculquer cette tres sainte dilection.

  A009000737 

 je ne demande pas que vous me pardonniez à moy, car je suis monté sur le comptoir de la croix à fin de satisfaire à toutes leurs dettes; et pour que vous ne leur demandiez rien et que vostre bonté leur pardonne je respandray jusques à la derniere goutte de mon sang, bien qu'une seule fust suffisante.

  A009000741 

 O heureux enfans de la Croix, puisque vous [275] estes asseurés qu'au mesme temps que vous serez penitens et vous repentirez de vos pechés, nostre Sauveur sera vostre Redempteur et vous donnera la gloire!.

  A009000742 

 Et quoy, me direz-vous, qu'y a-t-il autre chose? Quoy, mes chers Sœurs? Il y a une certaine delicatesse spirituelle dont il devoit faire present à ses plus chers amis, delicatesse qui n'est autre qu'un moyen tres singulier pour conserver la grace acquise et pour parvenir au plus haut degré de gloire.

  A009000748 

 Elles seroyent trop longues à vous les rapporter toutes, c'est pourquoy je me contenteray d'en remarquer quatre tant seulement, lesquelles je ne feray que toucher en passant, les laissant par apres considerer le reste de cette journée à une chacune de vous autres, à fin que leurs odeurs tres aggreables puissent parfumer toutes vos ames et les embaumer d'un saint propos de les odorer souventesfois, ainsy que le Sauveur le desire pour vostre avancement en la perfection.

  A009000751 

 Mais quant au sentiment de cette tres sainte protection et union, il estoit retiré tout entierement en la pointe de son esprit, le reste de l'ame estant absolument delaissé à la merci de toutes sortes de peines et d'afflictions, si qu'il se print à dire: Pourquoy m'avez-vous abandonné? Durant le cours de sa vie il avoit tousjours, ou pour l'ordinaire, receu quelques consolations; il tesmoignoit aucunesfois de ressentir de la joye en la conversion des pecheurs, comme il le disoit aux Apostres; mais en sa Mort et Passion il n'en avoit aucune, tout luy servoit d'affliction, de tourment et d'amertume.

  A009000751 

 Mais que pensez-vous qu'il faisoit, ce doux Sauveur de nos ames, durant ce silence? Il rentroit en soy mesme et consideroit le mystere de son abjection; car l'humilité, qu'est-ce autre chose sinon un rentrement en nous mesme pour nous considerer plus meurement? Et que cela ne soit ainsy il nous le fait entendre par ce qu'il dit par apres: Mon Dieu, mon Dieu, pour quoy m'avez vous delaissé? Ayant consideré sa pauvreté, non tant [279] exterieure que beaucoup plus interieure, il eslança cette parole de parfaite humilité, faisant connoistre sa disette, son abjection et son delaissement.

  A009000753 

 Je vous laisse à penser: estant attaché avec des clous sur la croix, navré dès la teste jusques aux pieds en telle sorte qu'il n'avoit qu'une seule playe qui tenoit tout au long de son tres sacré corps; ses os tout disloqués.

  A009000755 

 Il manifesta neanmoins simplement sa necessité pour nostre instruction, si vous le voulez prendre en ce sens; apres quoy il fit un acte de tres grande sousmission, car quelques uns luy ayant tendu au bout d'une lance un morceau d'esponge trempé dans du vinaigre pour le desalterer, il le sucça avec ses tres benites levres.

  A009000758 

 Il est vray, vouloit-il dire, que tout est consommé et que j'ay tout accompli ce que vous m'aviez commandé; mais pourtant, si telle est vostre volonté que je demeure encor davantage sur cette croix pour souffrir plus long temps, j'en suis content; je remets mon esprit entre vos mains, vous en pouvez faire tout ainsy qu'il vous plaira.

  A009000758 

 Nous en devrions faire de mesme, mes cheres Sœurs, en toutes occasions, soit quand nous souffrons ou quand nous jouissons, et repeter: Mon Pere, je remets mon esprit entre vos mains, faites de moy tout ce qu'il vous plaira, nous laissant ainsy conduire à la volonté divine, sans jamais nous laisser preoccuper de nostre volonté particuliere..

  A009000759 

 Nostre Seigneur ayme donques d'un amour extremement tendre ceux qui sont si heureux que de s'abandonner entierement en son soin paternel, se laissant gouverner par sa divine providence comme il luy plaist, sans s'amuser à considerer si les effects de cette providence leur sont utiles, profitables ou dommageables; estant tout asseuré que rien ne nous sçauroit estre envoyé de ce cœur paternel et tres aymable, ni qu'il ne permettra que rien nous arrive de quoy il ne nous fasse tirer du bien et de l'utilité, pourveu que nous ayons mis toute nostre confiance en luy, et que de bon cœur nous disions: Je remets mon esprit entre vos mains; et non seulement mon esprit, mais mon ame, mon corps et tout ce que j'ay, à fin que vous en fassiez selon qu'il vous plaira..

  A009000767 

 Paix vous soit, c'est moy, ne craignez.

  A009000771 

 Comme s'il eust voulu dire: Qu'y a-t-il que vous estes si craintifs et affligés? Si c'est le doute que ce que je vous ay promis de ma resurrection n'arrive point, pax vobis, demeurez en paix, la paix soit faite en vous, car je suis ressuscité.

  A009000771 

 Les Apostres et les disciples de Nostre Seigneur, comme des enfans sans pere et des soldats sans capitaine, s'estans retirés dans une mayson tout craintifs qu'ils estoyent, le Sauveur s'apparut à eux pour les consoler en leur affliction et leur dit: Paix vous soit.

  A009000771 

 Voyez mes mains, touchez mes blesseures; je suis bien moy mesme, ne craignez plus, la paix soit en vous.

  A009000773 

 Gedeon demeura bien estonné de ces parolles et respondit: Hé, comment est-il possible que ce que vous dites soit vray? Vous m'asseurez que le Seigneur est avec moy; si cela estoit, comme seroit-il possible que je fusse saisi et environné de tant d'afflictions? Le Seigneur est le Dieu de paix, et je ne suis qu'en [287] guerre et en trouble.

  A009000774 

 Bien, dit Gedeon, je crois ce que vous m'annoncez, mais à fin d'en estre plus certain je voudrois qu'il vous pleust m'en donner quelques signes par lesquels je puisse reconnoistre que veritablement il arrivera tout ainsy que vous m'asseurez.

  A009000774 

 Mais, reprend Gedeon, helas, comment m'osez-vous appeller fort, puisque je suis si foible? C'est le propre de l'ennemy de nous faire trouver foibles, en sorte qu'il nous semble n'avoir aucune force.

  A009000774 

 Vous me dites, poursuit-il, que je prenne les armes et que je demeureray victorieux; hé, ne sçavez-vous pas que je suis le moindre de tous les hommes? C'est tout un, respond l'Ange, Dieu veut que ce soit toy qui delivres les Israelites de l'affliction en laquelle ils sont.

  A009000778 

 C'est ce que nostre divin Maistre vouloit signifier à ses Apostres par ces paroles: La paix soit avec vous, voyci mes pieds et mes mains, leur monstrant un signe certain que la paix leur estoit asseurée par le moyen de ses playes.

  A009000778 

 Comme s'il eust voulu dire: Qu'avez-vous? Je vois bien, mes Apostres, que vous estes tout craintifs et peureux; mais desormais vous n'en avez plus aucun sujet, car je vous ay acquis la paix que je vous donne.

  A009000778 

 Jusques à cette heure je vous ay donné diverses fois ma paix, mais maintenant je vous monstre comme je vous l'ay acquise.

  A009000778 

 Non seulement mon Pere me la doit parce que je suis son Fils, mais encores parce que je l'ay achetée au prix de mon sang et de ces playes que je vous monstre.

  A009000778 

 Vous avez donques sceu que j'ay esté battu, couronné d'espines, navré dès la teste jusques aux pieds et attaché à la croix, que j'ay souffert toutes sortes d'opprobres, de derelictions et d'ignominies, et qu'en somme mes ennemis bandés contre moy m'ont fait endurer mille tourmens.

  A009000778 

 Vous avez eu quelques raysons de craindre ces jours passés quand vous m'avez veu fouetter (ou du moins vous l'avez ouï dire, car tous m'ont abandonné excepté l'un d'entre vous qui m'a esté fidelle).

  A009000779 

 Vous sçavez que ma grandeur ne consiste point en la possession des biens de la terre, puisque je n'en ay point eu tout le temps de ma vie; mais pour toutes richesses j'ay la paix, qui est le legat eternel que je vous ay fait en me departant d'avec vous et lequel je vous reconfirme encores.

  A009000780 

 Allez, leur avoit-il dit auparavant, annoncez aux hommes les choses que je vous ay apprises, et entrant aux maisons dites: La paix soit ceans.

  A009000780 

 Comme s'il eust voulu dire: Annoncez d'abord en entrant ès maisons que vous n'y allez pas pour y mettre la guerre, mais pour y apporter la paix de ma part, et que quiconque vous recevra demeurera en paix; au contraire, quiconque vous rejettera aura indubitablement la guerre.

  A009000781 

 Et par apres il ne presche que la paix: Je vous donne ma paix, dit le Sauveur parlant à ses Apostres, je vous baille ma paix, mais je ne la vous donne pas comme le monde la donne, ains comme mon Pere me la donne.

  A009000781 

 Ils vous feront voirement bien la guerre, mais nonobstant leurs assauts vous conserverez la tranquillité et la paix en vous mesme.

  A009000781 

 Mais moy je ne vous promets pas la paix tant seulement, ains je vous la donne; et non pas une paix telle quelle, ains telle que je l'ay receue de mon Pere, par laquelle vous surmonterez tous vos ennemis et en demeurerez victorieux.

  A009000783 

 Hé, ne le voyez-vous pas, puisque Nostre Seigneur asseure ses Apostres qu'ils vivront en paix, ayant par [292] le moyen de ses playes et de ses tourmens terrassé leurs ennemis et abattu toutes leurs forces?.

  A009000783 

 Nostre Seigneur disoit donc bien justement: Je vous donne ma paix, puisqu'il se donnoit luy mesme qui est la vraye paix.

  A009000784 

 Apres cette victoire, il s'en retourneroit tout triomphant dans la ville principale, chargé neanmoins de blesseures, et rencontrant ses sujets il leur diroit: Courage, mes amis, voyla les playes avec lesquelles je vous ay acquis la paix; demeurez en repos, ne craignez plus, car j'ay terrassé nos ennemis.

  A009000784 

 Imaginez-vous un prince revenant de la guerre en laquelle il a battu à dos et à ventre ses ennemis et les a fait passer par le fil de l'espée, sans en laisser aucun en vie, sinon quelques fuyars, quelques laquais et couards auxquels il auroit fait grace par compassion.

  A009000784 

 J'ay bien donné la vie à certains goujats qui peut estre viendront vous servir de quelque importunité; mais ne craignez rien, parce qu'ils n'ont aucun pouvoir sur vous, et ne vous sçauroyent nuire, bien qu'ils vous ennuyent..

  A009000785 

 Il en est resté voirement quelques uns, mais ne craignez point, car ils n'auront aucun pouvoir sur vous, ains vous aurez pleine authorité sur eux; partant, demeurez en paix..

  A009000785 

 Touchez, dira-t-il Dimanche à saint Thomas, touchez de vos doigts les playes de mes pieds et de mes mains; mettez, si bon vous semble, toute vostre main dans mon costé, et voyez que je suis bien moy mesme; ayant fait cela, ne soyez plus incredule mais fidelle.

  A009000786 

 Car, d'où vient, je vous prie, [293] tant de pauvreté que plusieurs souffrent, sinon des miserables pretentions que les autres ont d'accroistre leurs biens et d'estre riches, quoy que ce soit aux despens du prochain? Les uns ont trop et les autres n'ont rien.

  A009000795 

 Servez-vous de la prudence, car elle est bonne, mais servez-vous-en comme d'un cheval: montez dessus, et la tournez à toutes mains, donnez-luy cent coups d'esperons, jusques à tant que vous l'ayez rangée et domptée pour la rendre sousmise à la simplicité de Nostre Seigneur.

  A009000796 

 Attendez au soir de cette vie mortelle; indubitablement, si vous perseverez à demander vous obtiendrez.

  A009000796 

 Grand cas de l'esprit humain! Nostre Seigneur a dit: Tout ce que vous demanderez en mon nom vous sera donné; neanmoins, parce que nous ne le recevons pas si promptement que nous voudrions, incontinent nous sommes chancelans en la foy de cette promesse.

  A009000796 

 Oh! patience, le jour n'est pas passé; ce n'est que le matin, et vous doutez.

  A009000796 

 Oh! pensoyent-ils en eux mesmes, que nous eussions esté heureux si nous eussions eu un Maistre immortel! et plusieurs telles raysons par lesquelles ils monstroyent qu'ils estoyent en doute de l'effect de la promesse du Sauveur; et partant il leur dit pour les accoiser: La paix soit avec vous.

  A009000798 

 Que nous serions heureux si nous nous occupions aussi des promesses que non seulement au Baptesme, mais, la pluspart d'entre nous, par le moyen des vœux, nous avons faites à Dieu de luy estre fidelles et de ne nous arrester jamais qu'à ce qui nous pourra rendre plus aggreables à ses yeux! Si les Religieux et Religieuses accomplissoyent les promesses qu'ils ont faites d'observer fidellement leurs Regles et Constitutions et de suivre les conseils qui leur seront donnés, ils possederoyent, dis-je, la paix en leurs ames, Nostre Seigneur viendrait en eux et leur dirait: Paix vous soit, comme il fit à ses Apostres..

  A009000800 

 Combien avez-vous de desirs en vostre volonté? dira-t-on à quelqu'un.

  A009000800 

 De mesme, pourriez-vous bien dire, en aymant Dieu je rencontre plusieurs autres choses, comme les livres, les vertus, [300] l'oraison, le prochain que j'ayme voirement bien; cependant mon dessein principal estant de n'aymer que Dieu, fait que j'ayme toutes ces choses et que je m'en sers, mais ce n'est qu'en passant, pour m'exciter à l'aymer davantage, et tousjours plus parfaitement, car tel est mon vouloir et je n'en veux jamais point d'autre..

  A009000800 

 Je vois, respondrez-vous, cette muraille qui est blanche.

  A009000800 

 Mais ne voyez-vous point l'air qui est entre elle et vous? Non, me direz-vous, parce que je ne regarde que cette muraille; et bien que ma veiie passe et traverse parmi l'air qui est d'icy là, neanmoins je ne le vois pas, d'autant que je n'y arreste pas ma veüe.

  A009000800 

 Mais, me repliquerez-vous, ne faut-il pas vouloir aymer le prochain? Puisque vous dites qu'il ne faut aymer que Dieu et ne vouloir que luy seul, pourquoy donques tant de livres spirituels, tant de predications et tous les autres exercices de devotion? Un exemple vous fera entendre cecy: vous regardez cette muraille qui est blanche, et je vous demande ce que vous voyez.

  A009000802 

 Imaginez-vous, je vous supplie, de voir deux barques ou navires qui voguent sur la mer, dont l'une soit celle où Nostre Seigneur estant avec ses Apostres, dormoit tout doucement.

  A009000802 

 O pauvres gens, dequoy vous troublez-vous? n'avez-vous pas avec vous le Sauveur qui est la vraye paix? Alors Jesus leur dit: Que craignez-vous, gens de petite foy? n'ayez point peur.

  A009000803 

 L'autre barque dont je vous parle et qui represente la paix des enfans du monde, est celle où estoit Jonas.

  A009000806 

 Il faut que je vous raconte sur ce sujet un bel exemple que je lisois l'autre jour dans les Vies des Peres nouvellement recueillies.

  A009000806 

 Il luy fit une harangue remarquable, selon sa ferveur, disant: Mon Pere, je viens à vous à fin qu'il vous plaise m'enseigner comme je pourray faire pour estre bien tost parfait; car voyez-vous, il le vouloit estre, mais bien tost.

  A009000806 

 Le bon Pere loua son dessein et luy respondit: Mon fils, quant [303] à vous enseigner la voye de vous perfectionner je le feray de bon cœur, mais que vous soyez parfait si tost que vous voudriez, je ne le puis pas promettre; car en cette mayson nous n'avons pas de perfection toute faite, ains il faut que chacun fasse la sienne..

  A009000807 

 Aurez-vous bien le courage de le faire? A quoy le jeune apprentif desireux de la perfection se sousmit.

  A009000807 

 Ce pauvret pensoit que la perfection luy seroit donnée comme l'on donne l'habit de Religion, mais il fut bien trompé, car le bon Pere poursuivant son discours luy dit: Mon fils, la perfectionne s'acquiert pas tout d'un coup comme vous pensez; l'on n'y sçauroit parvenir si promptement.

  A009000807 

 Lors le bon Pere adjousta: Mon fils, il faut que trois ans durant, outre la generale prattique de toutes les vertus, vous entrepreniez de soulager tous les freres; de sorte que, par exemple, si vous rencontrez le cuisinier qui va puiser de l'eau ou qui va querir ou fendre du bois, vous y alliez pour luy.

  A009000807 

 Ne voyez-vous pas qu'en l'eschelle de Jacob il y avoit des eschellons par lesquels il failloit monter de l'un à l'autre jusques à tant que l'on fust au haut bout auquel on rencontroit la poitrine du Pere celeste? Et avant que d'aller succer ses divines mammelles il faut monter de degré en degré, car la perfection que vous desirez ne se trouve pas toute faite.

  A009000807 

 Puis si vous en rencontrez d'autres qui sont chargés, vous preniez leur charge et les soulagiez en la portant pour eux; bref, que vous vous rendiez le valet de tous en les servant en toute chose, sans reserve.

  A009000807 

 Si vous la voulez avoir un jour, je vous enseigneray bien comme elle s'acquiert, pourveu, mon fils, que vous ayez bon courage et que vous fassiez fidellement ce que je vous diray.

  A009000808 

 Ce n'est pas tout, repartit le bon Pere, il faut entreprendre encores un autre exercice pour autres trois ans si vous voulez estre parfait.

  A009000808 

 Vous avez bien et fidellement fait ce que je vous ay commandé ces trois années, il est vray, mais il ne faut pas s'arrester là.

  A009000810 

 Mais le Pere luy dit: Mon fils, il n'appartient qu'à Dieu de juger si vous l'estes ou non; mais si vous voulez, nous en ferons bien une petite espreuve.

  A009000811 

 Et cependant, vous taschez de me tourmenter et affliger, et vous ne m'obligez point à vous en recompenser..

  A009000811 

 Lors le bon novice respondit: Certes, il me semble que j'ay bien rayson de rire et d'estre content, car je possede la paix en mon ame parmi toutes les attaques et risées que vous me faites; mais de plus, j'ay un grand sujet de contentement, car en verité vous m'estes bien plus doux et gracieux que n'a pas esté mon maistre que vous voyez là, lequel m'a icy amené; car il m'a tenu trois ans en telle sujetion, qu'il failloit que je fisse quelque present à tous ceux qui me maltraittoyent pour recompense de l'offence qu'ils m'avoyent faitte.

  A009000811 

 Voyez-vous, Nostre Seigneur permet tousjours que les vertus de ses vrays amis et serviteurs soyent reconneues par quelques-uns.

  A009000812 

 C'est la vraye paix, mes cheres ames, que je vous desire, qui se conserve, ains qui s'accroist emmi la guerre et les tourbillons des vents des persecutions, [306] humiliations, mortifications et contradictions que nous rencontrons en cette vie mortelle, afflictions et peines qui seront en fin suivies des consolations et repos eternel, pourveu que nous les ayons souffertes avec paix interieure à l'imitation de ce bon Religieux.

  A009000823 

 Il me semble que j'ay entendu vos cœurs, mes tres cheres Filles, dire telles ou semblables paroles à Nostre Seigneur, que vous venez maintenant choisir pour vostre Espoux et «l'unique objet de vostre dilection:» Il est vray, mon Seigneur et mon Dieu, qu'en la Religion on ne presche que la mortification tres entiere de nous mesme à fin d'obeir à cette semonce sacrée que vous avez faite: Quiconque veut estre parfait il est requis et necessaire qu'il renonce à soy mesme, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive.

  A009000823 

 Nonobstant tout cela, nous ne laisserons pas de nous venir ranger sous l'estendart de vostre sainte protection, estans tres asseurées que puisque vostre Bonté nous a appellées à cette maniere de vie plus parfaite que la commune des mondains, voire de ceux qui font profession de vivre tres chrestiennement dans le monde, vostre mesme Bonté nous fortifiera et nous baillera la grace de bien faire ce que nous entreprenons aujourd'huy pour la gloire de vostre saint nom et pour le salut de nos ames; car nous croyons fermement que, selon la parolle de vostre saint Apostre, si nous mourons avec vous en cette vie, nous ressusciterons avec vous en la gloire..

  A009000824 

 Oh! qu'à bon droit et joyeusement pourrez-vous chanter desormais, mes cheres Filles: Non fecit taliter; le Seigneur n'a pas usé d'une telle misericorde à l'endroit d'un chacun, l'appellant à la suite de ses parfums et au renoncement de toutes choses pour son amour; grace bien grande à la verité, puisqu'elle est un moyen tres efficace [310] et tres excellent pour nous sauver.

  A009000825 

 Voyez, je vous prie, le pauvre saint Thomas aujourd'huy (et j'entre par icy dans le sujet de l'Evangile): il s'estoit absenté de la compagnie des Apostres pour aller se promener, promenade et séparation qui luy cousta cher.

  A009000827 

 Il est bien aysé à dire, vous respondra-t-elle, qu'il se faut et que l'on peut se divertir, mais nenny, c'est une chose impossible.

  A009000827 

 Parlez, je vous supplie, à une personne preoccupée de chagrin, elle ne croit point ce que vous luy dites.

  A009000830 

 L'orgueil ou la vanité ne leur peut permettre un petit defaut que tout incontinent ils n'entrent en de grans troubles qui les portent par apres au desespoir: O Dieu, il ne faut plus rien attendre de moy, je ne feray jamais rien qui vaille! C'est bien dit; hé, pensiez-vous estre si brave que de ne point faillir? En toutes sortes d'arts il faut estre apprentif, premier que d'estre maistre..

  A009000831 

 Nostre Seigneur tout bon et tout misericordieux, ne pouvant plus souffrir que cette chere brebis de son troupeau demeurast errante et vacillante en la foy, vient tout doux et debonnaire trouver saint Thomas en presence des autres Apostres, et apres les avoir salués selon son [313] accoustumée, disant: Paix vous soit, il s'addresse au plus malade de tous.

  A009000831 

 Voyez, je vous supplie, comme amiablement il contrecarre de point en point son incredulité; car premierement il l'appelle par son nom et luy dit: Thomas, mets ton doigt dans les ouvertures de mes mains, et fourre si tu veux toute ta main dans la playe de mon costè, et prens si tu veux mon cœur (car, bien qu'il ne die pas: Prens mon cœur, il semble qu'il le vouloit signifier, luy donnant liberté de le toucher); considere que l'esprit n'a ni chair ni os, et reconnois que je suis moy mesme.

  A009000848 

 Vous resouvenez-vous de cette belle histoire du grand Joseph qui a desja tant de fois esté ditte, mais qui ne peut assez estre considerée? Pendant qu'il estoit vice roy [315] de l'Egypte, ses freres le vindrent voir par plusieurs fois pour estre secourus de luy en l'extreme necessité où leur pere Jacob et eux se trouvoyent reduits à cause de la famine qui estoit en leur pays.

  A009000849 

 Ne sçavez-vous pas qu'il est dit que le Sauveur receut des graces infinies et que les dons du Saint Esprit reposerent sur son chef? Et pourquoy cela, puisque estant la grace mesme il n'en avoit ni pouvoit avoir nulle sorte de necessité? Ce ne fut donques sinon pour nous faire entendre que toutes les graces et benedictions celestes nous devoyent estre distribuées par luy, les laissant couler sur nous qui sommes membres de l'Eglise de laquelle il est le Chef.

  A009000849 

 Que pensez-vous que veuille signifier ce Bien-Aymé de nos ames, sinon qu'il desire ardemment que son Espouse luy ouvre promptement la [316] porte de son cœur, à fin qu'il y puisse respandre les dons et les graces qu'il avoit si abondamment receus de son pere comme une rosée et liqueur tres pretieuse..

  A009000853 

 Mais considerons, je vous prie, ce don si pretieux entant qu'il est fait à un chacun de nous en particulier.

  A009000854 

 Remarquons, je vous prie, qu'il est dit que les dons du Saint Esprit, de sapience et les autres, reposerent sur le chef de nostre divin Sauveur, et puis ensuite qu'il fut rempli de la crainte du Seigneur.

  A009000859 

 Au contraire, nostre grand Apostre semble vouloir subjuguer et parcourir toute la terre pour renverser non les murailles mais les cœurs des hommes, et les sousmettre à son Maistre par sa predication; et non content de cela, voyez, je vous prie, le pouvoir qu'il a sur soy mesme, debellant et assujettissant ses affections et passions à la regle de la rayson, et le tout à la tres sainte volonté de la divine Majesté.

  A009000861 

 Mais remarquez, je vous supplie, que je dis par la meditation et oraison, et non par la curiosité, speculation et estude, comme font les theologiens; car une simple et pauvre femmelette sera plus capable de le faire que non pas les plus excellens docteurs qui auront moins de pieté.

  A009000861 

 Vous voyez donques bien clairement les effects du don d'entendement, lequel, outre ce que nous avons dit, nous fait comprendre la verité des mysteres de nostre foy et combien il nous est necessaire de regarder à la vraye essence des vertus et non pas à l'apparence exterieure seulement, combien aussi il nous est utile de suivre les verités conneues, soit par le don de conseil ou par celuy d'entendement..

  A009000869 

 Apres que saint Augustin a raconté ce grand conteste et divorce, ce grand combat et contention qu'il avoit sur le point de sa conversion, en ses deux parties, l'inferieure et la superieure, combat le plus grand qui se puisse voir, appercevant en fin les yeux de la misericorde qui desja le regardoyent, il s'escrie au commencement du Livre neufviesme de ses Confessions: O Seigneur, vous avez regardé vostre serviteur et le fils de vostre servante.

  A009000869 

 Ayant donques à m'entretenir avec vous, quel meilleur sujet pourrois-je prendre que ces paroles du Psalmiste: Dirupisti, et ce qui suit? Mais pour rendre mon discours plus familier, je le diviseray en trois points: au premier nous verrons quels sont les liens desquels saint Augustin estoit lié; au second, quel sacrifice de louange il a offert à Nostre Seigneur; et au troisiesme, quel est ce calice du salutaire..

  A009000869 

 Puis apres, sentant la main puissante de Dieu qui le deslioit, il poursuit avec ces paroles qui sont du Psalme CXV: Dirupisti vincula mea; O Seigneur, vous m' avez deslié des liens de mes pechés, et que feray-je en reconnaissance d'une telle faveur? Je vous sacrifieray un sacrifice de louange, je boiray le calice de vostre salutaire et invoquer ay le nom du Seigneur.

  A009000870 

 Je me contenteray seulement de vous dire ce qui est à mon propos.

  A009000870 

 Je ne m'arresteray pas à vous en beaucoup parler, car vous avez ce livre où vous le lirez avec bien plus de playsir, parce que vous y verrez les choses tout au long, mieux que je ne les vous sçaurois rapporter.

  A009000873 

 Ceux de fer, comme dit nostre grand Pere saint Augustin, ne sont autres que la crainte des jugemens, de la mort et de l'enfer; ces menaces que nous lisons dans l'Evangile et celles par lesquelles l'Apostre saint Paul espouvantoit les roys et les princes, les laboureurs et artisans, les petits et les grans, leur disant: Je vous advertis qu'il y a un souverain Juge [325] des vivans et des morts, et c'est à luy à qui vous rendrez compte.

  A009000875 

 O pauvre Augustin, vous estiez de ce temps-là maistre de la rhetorique, et parmi ces belles phrases, poesies, proses et declamations, vostre esprit devint enflé, vain et superbe, car la science humaine [326] enfle.

  A009000879 

 O Dieu, qu'il failloit bien une main toute puissante pour le deslier de tant et de si fortes chaisnes! Helas! qui pourroit concevoir les combats et convulsions qu'enduroit cette pauvre ame lors qu'elle vouloit reprendre sa liberté et se desfaire des fers et manottes dont elle estoit enferrée? Mais lors que Dieu, par sa misericorde infinie, eut touché ces liens, se sentant en liberté, il commença, comme tout ravi, à chanter le cantique des misericordes divines et s'escria saisi d'estonnement: Dirupisti vincula mea! O Seigneur, mon Dieu, vous m'avez desliè des fers et cadenes de mes passions, vicieuses coustumes et habitudes.

  A009000884 

 C'est ce que le divin Espoux a signifié lors que parlant de l'Espouse au Cantique des Cantiques, il dit: Ma bien-aymée, ma mie qui est parmi vous et que vous connoissez, laquelle s'est donnée toute à moy, ne prend playsir qu'à me louer et me repaistre des fruits de son jardin; et non contente de m'en donner les fruits, elle me donne encores l'arbre.

  A009000890 

 Et de plus, c'est le playsir de ce seigneur: n'est-il pas maistre de son bien pour en faire ce qu'il luy plaist? Cessez donques vos murmures, et que cela vous suffise puisqu'il le veut ainsy..

  A009000890 

 Hé, pauvres gens, que vous estes grossiers et terrestres! Il est vray que les chevaux eussent esté utiles, mais ce petit estourneau ne l'est pas moins parce que, dans cette cage, il n'a autre soin et estude que de resjouir son maistre par son chant melodieux; il est mesme trescontent de perdre sa liberté pour demeurer en cette prison toute sa vie à fin de donner du contentement à son seigneur.

  A009000893 

 Voyez-vous comme ce glorieux Saint disoit avec beaucoup de rayson: Je vous sacrifieray un sacrifice de louange? Il avoit en effect le cœur plein d'une grande douceur et gratitude.

  A009000895 

 Cela est bon quand il vient de Dieu, et saint Augustin l'a experimenté, à ce qu'il confesse luy mesme avec une grande sincerité lors qu'il dit: O Dieu, Jesus, Jesus, vous me desliiez des liens de mes pechés, mais à mesme temps vous me reliiez et menottiez avec ces liens, ces cadenes d'amour et de dilection.

  A009000895 

 Oh, adjoustoit-il, où estois-je? où estoit ma liberté avant que vous l'eussiez liée de ces douces chaisnes qui me tiennent à present en cette bienheureuse esclavitude?.

  A009000896 

 Voyez-vous, il ne parle que de sa liberté; si bien est-ce la plus riche piece de l'homme, car, comme j'ay dit, c'est la vie de nostre cœur; c'est donc le plus pretieux don que nous puissions faire.

  A009000898 

 Voyez-vous la Magdeleine? Elle estoit touchée de l'amour affectif quand voyant son Maistre et luy voulant bayser les pieds, elle s'escria: Rabboni.

  A009000899 

 Combien pensez-vous qu'il souffrit lors qu'il rembarra les heresies des Manicheens, des Donatistes et autres Africains? O Dieu, ce ne fut pas sans grand travail et peine.

  A009000899 

 Et vous, vous avez receu de grandes douceurs en l'oraison, mais hors d'icelle vous ne pouvez supporter une injure, une parole et action faite par [336] surprise; vous ne pouvez vous accommoder aux personnes d'une humeur contraire à la vostre! Il y en a à qui la nature a donné de grans advantages et il est bien facile de s'accommoder avec elles; d'autres n'ont pas ces qualités, elles ont au contraire je ne sçay quoy qui repugne à nos inclinations.

  A009000900 

 Saint Augustin disoit une parole que nous devrions tous graver sur le frontispice de nos chambres ou plustost de nos cœurs: O Dieu, dit-il, qu'il seroit à souhaiter que l'on n'aymast que vous, qu'on vous aymast en toutes choses et qu'on n'aymast aucune chose sans vous! Mais, o glorieux Saint, vous voulez que l'on n'ayme que Dieu; ne faut-il pas aussi aymer ses amis? Ouy, mais en Dieu.

  A009000901 

 Mais sçachant qu'homme mortel ne peut voir Dieu, il demande de mourir à fin de ne pas mourir; comme s'il disoit: L'amour que vous m'avez donné pour vous est si grand que vivre sans vous m'est une mort; c'est pourquoy, Seigneur, faites que je meure à fin que je ne meure pas, car vous voir c'est ma vie.

  A009000902 

 Mais comme elle continuoit à l'importuner, Augustin s'addressa à Nostre Seigneur, le priant de le luy octroyer; neanmoins, adjousta-t-il, Seigneur, si vous ne me le voulez pas donner, donnez-le luy vous mesme.

  A009000902 

 Quelque personne luy ayant un jour demandé ce que certes il n'avoit pas, il luy respondit franchement: Je n'ay pas ce que vous me demandez.

  A009000902 

 Sa charité passa si avant qu'estant proche de sa mort on le sollicita de faire son testament, et il dit: Hé, je vous prie, ne me pressez pas de le faire.

  A009000903 

 Avant que de finir, disons encores ce mot que saint Augustin escrit en un autre endroit: O Dieu, est-il possible que l'on sçache que vous estes Dieu et que l'on ne vous ayme pas! Certes, c'est chose pitoyable en cet aage que nous sçachions que Dieu est Dieu, que nous le croyions et que nous ne l'aymions pas.

  A009000903 

 Si quelqu'un m'ayme; voyez-vous, il monstre en cela que le nombre de ceux qui l'ayment est petit..

  A009000904 

 Et moy, mes cheres Sœurs, vous ayant dit quelque chose de ce grand saint Augustin, et me trouvant à la fin de cette mienne exhortation sur sa mort et parfaite abnegation, je paracheveray, non point de peur que vous mouriez d'une semblable mort, mais bien de crainte de vous ennuyer par un trop long discours; car ayans esté une partie du jour attentives à chanter l'Office divin, vous voudrez apres cette predication que vous avez entendue avec attention, faire quelque chose de ce que nous avons dit de ce glorieux Pere, lequel vous admirerez et imiterez.

  A009000904 

 Je vous repeteray ce qu'un predicateur disoit un jour à ses auditeurs, les entretenant du trespas d'un grand Saint: Je finiray, concluoit-il, de peur qu'en vous parlant de la mort d'un tel (et il le nomma), je ne vous fasse mourir, voyant l'attention avec laquelle vous avez ouy ce que j'en ay touché.

  A009000904 

 Pour vous laisser suivre vostre Office, je finiray donques en vous disant: Que Celuy qui a beni ce glorieux Saint vous benisse, que Celuy qui l'a sanctifié vous sanctifie, et que Celuy qui l'a glorifié vous glorifie là haut, par tous les siecles des siecles.

  A009000917 

 Le predicateur exhortoit vivement le peuple à ne point s'arrester à ses pompes et vanités, disant: Je vous prie, mes tres chers freres, de ne vous point attacher au monde de cœur ni d'affection, car le ciel et la terre passeront, et tout ce qui se trouve en iceux; ce qu'il vous presente n'a qu'un peu d'apparence, mais certes, ce ne sont que des fleurs qui passent et sont ja toutes fletries.

  A009000917 

 Si vous voulez demeurer au monde, servez-vous des choses qui se trouvent en iceluy, usez-en et en prenez ce qui est requis pour vostre usage; mais, pour Dieu, ne vous y affectionnez pas, ni vous y attachez en sorte que vous veniez à oublier les biens celestes et eternels pour lesquels vous estes creés, car toutes ces choses passeront.

  A009000918 

 Il faut que je vous die à ce propos ce que je me souviens d'avoir leu.

  A009000918 

 Voyez-vous par où il faut commencer la perfection chrestienne? Par ce renoncement et abnegation..

  A009000919 

 Approchez-vous de ce berceau, considerez les vertus de cette sainte Enfant, et vous trouverez qu'elle les prattique toutes d'une façon tres eminente.

  A009000919 

 Interrogez les Anges, les Cherubins et Seraphins, et leur demandez s'ils esgalent en perfection cette petite fille, et ils vous respondront qu'elle les surpasse infiniment.

  A009000920 

 Car, parmi ces applaudissemens et cette exaltation, la voyez-vous rabaissée et ne voulant paroistre que comme un enfant simple et ordinaire, combien qu'elle eust l'aage de rayson dès l'instant mesme de sa conception.

  A009000924 

 Car voyez-vous, c'est l'ennemie la plus desloyale, la plus traistreuse et perfide qui se puisse dire; aussi le continuel renoncement qu'on en doit faire est certes bien difficile.

  A009000924 

 Et pour ce le grand Apostre dit: Defiez vous de cet ennemy mortel qui vous accompagne tousjours, et gardez qu'il ne vous seduise.

  A009000926 

 Voyez-vous ce pauvre enfant, il tiendra une pomme, et de crainte qu'il la mange et que puis apres il en soit malade, on la luy oste, et souvent à grande force.

  A009000928 

 Et vous verrez qu'on leur mettra un voile sur la teste non seulement pour leur apprendre qu'elles sont mortes au monde et à ses vanités, mais encores pour leur faire souvenir qu'elles doivent desormais porter la veuë basse et regarder la terre de laquelle elles sont petries, et à fin de leur monstrer qu'elles sont venues pour marcher en esprit d'humilité.

  A009000929 

 Ne vous y trompez donques pas, car si vous venez en Religion avec vostre esprit propre, vous y aurez souvent du trouble et des convulsions, d'autant que vous y trouverez un esprit entierement contraire au vostre et qui l'ira tousjours contrepointant jusques à ce qu'il vous en ayt entierement rendues quittes.

  A009000929 

 Or, les exercices de ce renoncement doivent estre continuels, car tant que vous vivrez vous trouverez tous-jours de quoy renoncer à vous mesme; et ce renoncement sera d'autant plus excellent que vous le ferez avec plus de ferveur.

  A009000929 

 Partant il faut avoir bon courage et y entrer avec cette determination, que si bien vous souffrez quelque chose, vous ne vous en estonnerez point parce qu'il n'en peut estre autrement..

  A009000930 

 Voyez-vous, cette abnegation consiste à quitter son ame, son esprit propre pour le sousmettre à celuy d'autruy.

  A009000932 

 Regardez bien tout le cours de sa vie, et vous ne verrez autre chose qu'une continuelle sujetion.

  A009000932 

 Voyez sa sortie de Nazareth pour aller en Bethleem, sa fuite en Egypte, son retour en Nazareth; en somme vous ne trouverez en toutes ses allées et venues qu'une sujetion et souplesse admirable.

  A009000933 

 Je finiray par icy cette exhortation, en vous monstrant comme nostre cher Maistre et Sauveur a fait excellemment cette abnegation.

  A009000934 

 Mais pour finir par le glorieux saint Nicolas Tolentin, je vous diray qu'ayant fait ces trois renoncemens dont nous avons parlé et s'estant bien crucifié en la Croix de nostre Sauveur, il voulut qu'à l'heure de sa mort on luy apportast ce bois sacré; puis, le voyant et l'embrassant il s'escria, comme un autre saint André: «O bonne Croix, o Croix tant desirée, o Croix, je te salue!» O Croix unique, o Croix pretieuse, sur laquelle demeurant et m'appuyant comme sur un baston tres asseuré, je passe à pieds secs la mer tempestueuse de ce monde.

  A009000935 

 En ce faisant vous aurez sans doute la mesme faveur que saint Nicolas receut de Nostre Seigneur, de Nostre Dame et de saint Augustin, puisque vous estes filles d'un mesme Pere et d'une mesme Mere que luy.

  A009000935 

 O que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si vous faites ce renoncement absolu du monde, de la chair et de vous mesme, et si vous vivez desormais en l'exacte observance des Regles et Constitutions qui vous ont esté données de la part de Dieu.

  A009000935 

 Si vous avez fidellement gardé vos Regles, le Sauveur viendra asseurement vous recevoir à l'heure de vostre mort avec la sacrée Vierge, sinon visiblement, car il ne le faut pas desirer, du moins invisiblement pour vous introduire en la vie eternelle, où nous conduisent le Pere et le Fils et le Saint Esprit.

  A009000943 

 Voyez-vous par où commence cette femme qui veut louer Nostre Seigneur? Par le ventre qui l' a porté et par les mammelles qui l'ont allaitté; comme si elle eust voulu dire, poussée de la grande estime qu'elle avoit conceue de la grandeur et excellence de nostre divin Maistre: O qu' heureux [355] sont le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées! et par consequent, que la Dame qui a esté esleue pour ta mere est bienheureuse!.

  A009000944 

 De mesme il n'est pas de Seraphin ni de creature quelle qu'elle soit, hormis Nostre Dame, à qui le Sauveur ayt dit: Vous estes ma Mere.

  A009000947 

 Ils ont beau crier, exhorter, se peiner, si la vertu de Dieu ne les anime et que de vostre costé vous n'y apportiez quelque disposition, rien ne vous en demeurera dans le cœur..

  A009000951 

 Et quoy, dit-il, vous vous estonnez que l'Empereur qui n'est qu'un homme comme un autre m'ayt escrit et envoyé un de ses ambassadeurs, et vous ne vous estonnez point que Nostre Seigneur nous parle dans la Sainte Escriture? Voire, non content de cela, il nous envoye ses messagers, qui sont ses Anges, pour nous faire entendre ses volontés, et de plus il vient encores luy mesme s'incarner et demeurer sur cette terre pour nous enseigner en propre personne.

  A009000954 

 Ce que saint Bernard entendoit fort bien lors qu'il exhortoit ses Religieux à garder diligemment ce pain sacré de la parole de Dieu: Soyez bien soigneux de garder vostre pain, si vous en avez, leur disoit-il; mettez-le en quelque lieu où il ne vous puisse estre desrobé par les larrons.

  A009000954 

 Hé, malheureux, ne sçavez-vous pas qu'il n'est pas asseuré? Des larrons pourroyent venir vous le desrober dans cette armoire.

  A009000954 

 Mais pour le bien conserver, comme ferez-vous? Voyez, adjouste ce grand Saint, un pauvre homme qui a un pain dans un coffre ou buffet; il est content, il pense qu'il en a assez pour le soir et pour le lendemain.

  A009000954 

 Ne peut il pas aussi estre mangé par les rats ou par les souris? Que si vous voulez bien faire, vous le devez manger, et non seulement cela, mais en faire aussi une bonne digestion par le moyen de laquelle vous le convertissiez en vostre propre substance..

  A009000954 

 Voyez-vous, pour que les viandes nous profitent il faut faire une bonne digestion par le moyen de laquelle elles aillent en l'estomach et se convertissent en sang, qui passant par toutes les veines se change puis apres en nous mesme.

  A009000960 

 Il vous a dit un mot en secret et vous luy avez obei; car c'est luy seul qui peut parler au cœur des hommes, et, par mesme moyen, leur donner la grace de faire ce qu'il demande d'eux.

  A009000960 

 O que vous estes heureuses, mes cheres Filles, car vous estes du nombre de celles qui ont entendu cette divine parole de Celuy qui seul peut penetrer les cœurs.

  A009000961 

 Que vous reste-t-il plus sinon de bien entendre et garder la parole divine, à sçavoir vos Regles et Constitutions, et vous convertir tellement en elles que vous soyez desormais vostre vocation mesme? Les Religieuses ne doivent avoir autre soin que celuy là, d'autant que dans leurs Regles et Constitutions elles voyent la volonté de Dieu qui leur [364] signifie et monstre ce qu'elles ont à faire pour parvenir à la perfection et union avec sa divine Majesté.

  A009000961 

 Vous voyez que quand on veut joindre deux pieces de bois l'on y apporte la regle, ensuite on retranche ce qui est superflu, puis on les ajuste; et ainsy des pierres que l'on taille pour mettre en quelque edifice, et lors on dit: Voyla qui est bien ajusté.

  A009000966 

 Mais pour moy, je veux en ce discours me conformer et suivre au moins mal qu'il me sera possible l'intention de la sainte Eglise, en vous entretenant de l'un des articles de nostre foy, à sçavoir de la communion des Saints..

  A009000967 

 Cette communion se peut comprendre et expliquer en diverses façons, comme nous voyons en la Sainte Escriture; mais nous vous monstrerons qu'elle se doit sur tout entendre de deux sortes d'amours lesquels se declarent beaucoup mieux quand on parle de ce qui concerne Nostre Seigneur que non pas les creatures.

  A009000967 

 La complaisance nous fait resjouir de ce qu'il est infini, immense, d'une perfection incomprehensible, en un mot de ce qu'il est Dieu, prononçant avec un vif ressentiment ces paroles de David: J'ay dit: Vous estes mon Dieu; et je m'en suis resjoui.

  A009000969 

 En outre de tous ces celestes Esprits, la multitude des ames bienheureuses est si grande que le denombrement n'en peut estre fait; car, combien pensez vous qu'il y a eu de Saints despuis la creation du monde jusques à maintenant? C'est une chose qui ne se peut dire.

  A009000974 

 C'est pourquoy nous vous demandons la resurrection generale, apres laquelle ceux qui sont au Ciel et nous autres mortels souspirons..

  A009000974 

 Mais, vostre royaume nous advienne, c'est à sçavoir, ce royaume que vous avez fait pour les ames et pour les corps; que cette resurrection de la chair se fasse, car les Saints ont encores leurs corps en terre, et partant ils ne sont pas entierement glorifiés.

  A009000974 

 Quant à nous autres, qui sommes ça bas en terre, il nous est aussi desja advenu; car, Seigneur, vous nous en laissez le choix et disposition, et les justes le possedent par desir et esperance.

  A009000980 

 Mais que veut dire sympathie? Les gens du monde l'entendent bien, mais vous qui n'estes pas du monde, peut estre ne l'entendrez vous pas si je ne le vous dis.

  A009000981 

 Belle rayson! comme qui vous diroit: Vostre pere estoit fol, il faut donques que vous le soyez aussi, car on connoistra à cela la sympathie que vous avez avec luy..

  A009000981 

 Or, dites à telles gens ce qu'il faut faire contre ce vice là; que vous respondra-t-on? C'est mon naturel d'estre colere et d'aymer l'honneur.

  A009000987 

 Et quelle pauvreté fut celle du grand Apostre, lequel apres avoir tout quitté pour l'amour de son Maistre voulut servir les Corinthiens et autres pour rien! En effect, [377] apres avoir presché, sué et souffert pour l'Evangile et pour monstrer la voye du salut, il ne vouloit point vivre des aumosnes des Chrestiens, ains du travail de ses mains et à la sueur de son corps; car il travailloit pour gaigner sa vie, disant: Pour monstrer combien j'ayme mon Maistre pour l'amour duquel je vous sers, et que la peine que je prens n'est point pour m'enrichir de vos moyens, ains purement pour l'amour de Celuy à qui je sers, je ne veux pas qu'apres vous avoir aydé à vous sauver vous me nourrissiez de vos aumosnes comme vous faites les autres Apostres, ains je veux gaigner ma vie à la sueur de mon front et vous servir pour rien, vous donnant ainsy tout ce que j'ay.

  A009000987 

 Je veux donques, mes chers enfans, estre battu pour vostre salut, flagellé, garrotté et emprisonné, non par moy mesme mais par les autres et à leur gré, donnant tout ce que j'ay pour vous, sans reserver ni mon corps ni ma peau..

  A009000988 

 Car que pensez-vous qui aye fait supporter avec tant de suavité l'aspreté des deserts à nos anciens Peres, en sorte qu'elle leur sembloit peu de chose, sinon cette pauvreté qu'ils cherissoyent si tendrement que rien plus? Saint François [378] n'en estoit-il pas passionné comme un jeune homme de sa maistresse qu'il aymeroit grandement? Aussi l'appelloit-il sa dame et estoit-il tousjours en attention pour en ressentir les incommodités, prenant en icelles tous ses delices.

  A009000988 

 Travaillez donques avec fidelité en cette vie, mes cheres Filles, et perseverez jusques à la fin, à ce que vous puissiez estre congregées et unies avec les bienheureux Esprits en cette felicité, pour aymer et jouir de Dieu à toute eternité.

  A009001002 

 Vous voyez donques que cette cuve placée entre les deux tabernacles represente le Baptesme, la penitence et la doctrine evangelique, qui sont les liens par lesquels l'Eglise militante est unie à la triomphante.

  A009001005 

 Me voyci maintenant sur le sujet de la feste de nostre tres chere Mere et Maistresse que nous celebrons aujourd'huy; car, je vous prie, quel plus beau et pretieux mirouer vous sçauroit-on presenter que celuy-cy? N'est-ce pas le plus excellent qui soit en la doctrine evangelique? N'est-ce pas elle qui l'a le plus ornée et enrichie, tant par ce qu'elle mesme a prattiqué que par les exemples admirables qu'elle nous a laissés? Certes, il n'y a point de Saint ni de Sainte qui luy puisse estre parangonné, car cette glorieuse Vierge surpasse en dignité et excellence non seulement les Saints, mais aussi les plus hauts Seraphins et Cherubins.

  A009001013 

 C'est pour vous, mes cheres Sœurs, un jour grandement solemnel, d'autant qu'en iceluy vous vous venez offrir à la divine Majesté, à l'imitation de cette glorieuse Vierge, ou plustost renouveller l'offrande que vous luy avez desja faite..

  A009001014 

 Mais vous me direz: Declarez-nous un peu comme et avec quelle perfection nostre divine Maistresse fit son offrande, à ce que nous l'imitions; car estans ses filles nous serons bien ayses de la suivre.

  A009001014 

 Voyez-vous, en cette feste nous n'avons point d'autre Evangile que celuy qui se lit toutes les fois qu'on fait l'office de Nostre Dame; or, vous trouverez en iceluy tout ce qu'il faut faire pour l'imiter.

  A009001015 

 Or bien que je me souvienne de vous avoir desja entretenues trois ou quatre fois sur ce sujet et sur cet Evangile, si est-ce que c'est un puits où il y a tant à prendre que je ne me peux lasser d'en parler ni de puiser dans sa profondité ce qui est propre pour nostre instruction.

  A009001018 

 L'on fait tant d'examens, il faut tant considerer, il faut parler aux uns et aux autres pour sçavoir si l'inspiration est vraye, si elle vient de Dieu, il faut tant esplucher toutes choses! Certes, il est bon de bien considérer et discerner quelle est l'inspiration, mais apres ce regard, sortez et allez en la terre que Dieu vous monstre; n'escoutez point tant de discours, ne prestez point l'oreille à tant de raysons que l'on vous apporte, n'usez point de tant de dilayemens, car vous vous mettez en grand peril; ne vous endormez point, soyez prompts.

  A009001024 

 Et ne voyez-vous pas qu'en faisant cette reserve vous n'estes pas totalement à Dieu? Mais c'est pour Dieu.

  A009001025 

 Elle vous doit tousjours estre devant les yeux, mes tres cheres Filles, pour former vostre vie sur la sienne et ajuster toutes vos actions et affections au niveau des siennes; car vous estes ses filles, vous la devez donc suivre et imiter, et vous servir de ses exemples comme d'un mirouer dans lequel vous vous regardiez sans cesse.

  A009001025 

 Oh! quand on considere le cours de la tres sainte vie de cette Dame, je vous asseure qu'on a le cœur tout rempli de douceur et suavité; et quand on regarde les rares exemples qu'elle nous a laissés, l'on est tout [393] ravi en admiration.

  A009001025 

 Or, bien que la douceur que vous recevrez par le regard et consideration de la vie de Nostre Dame tombe dans un vaysseau d'argile, elle ne lairra pas d'estre d'une suavité admirable, car le baume mis dans un vaysseau de terre est aussi suave que dans une fiole de cristal..

  A009001026 

 Et quand reviendrez-vous? Quand Dieu le commandera.

  A009001026 

 Mais lors que vous reviendrez ne serez-vous pas bien plus joyeuse qu'en y allant? O non certes.

  A009001026 

 Mais vous en retournant vous irez dans vostre patrie.

  A009001026 

 Où allez-vous, o glorieuse Vierge, avec ce petit Poupon? Je m'en vay en Egypte.

  A009001026 

 Qui vous y fait aller? La volonté de Dieu.

  A009001027 

 Oh! quel aveuglement est celuy cy! N'est-ce pas la parole et volonté de Dieu qu'il vous annonce? Or, si vous aymez cette divine parole, et Dieu qui vous l'envoye et qui commande qu'on fasse sa volonté, pourquoy ne la recevrez-vous pas d'aussi bon cœur de celuy cy comme d'un autre? Si un prince ou un roy vous envoyoit quelques lettres par un sien page, regarderiez-vous, pour avoir ces lettres aggreables, si le page est vestu de gris, vert ou jaune? Non certes, ains vous prendriez ces lettres et les mettriez sur vostre teste en signe de resjouissance et reverence, sans avoir esgard à la livrée de celuy qui les apporte.

  A009001027 

 Pourquoy donques n'escoutez-vous et ne recevez-vous la sacrée parole des uns comme des autres?.

  A009001027 

 Puisque je suis sur le sujet de l'obeissance, je vous diray deux conditions fondamentales de cette vertu, lesquelles je deduiray briefvement.

  A009001028 

 Il est vray, car tirez-la de là et l'employez à d'autres choses qu'elle n'aymera pas, et vous verrez si elle le fait et si elle en sort sans rechigner.

  A009001030 

 Ainsy, mes cheres Filles, vous venez faire vos renouvellemens comme Nostre Dame nous l'enseigne en cette Presentation; car bien qu'elle n'eust point besoin de se renouveller, d'autant que n'ayant point peché elle ne pouvoit descheoir, neanmoins la divine Providence permit pour nostre instruction qu'elle reconfirmast à ce jour le sacrifice qu'elle luy avoit fait en sa conception.

  A009001030 

 Jettez des souspirs et eslancemens amoureux à nostre cher Sauveur; accompagnez cette glorieuse Vierge, mettez vos cœurs et vos vœux entre ses mains et elle les presentera à son Fils, lequel les recevra et offrira à son Pere eternel qui vous benira avec iceluy et le Saint Esprit.

  A009001030 

 Par vos renouvellemens, mes cheres Filles, vous allez reprendre de nouvelles forces et rebander tous vos arcs pour le service et dilection de Nostre Seigneur; car certes, tant que nous vivrons nous aurons besoin de nous renouveller et relever.

  A009001037 

 Estes-vous Celuy qui doit venir, ou.

  A009001044 

 Pourquoy donques, disent nos anciens Peres, estant en prison et entendant parler des grans prodiges et miracles que faisoit nostre divin Maistre, envoye-t-il ses disciples pour sçavoir de luy quel il est, si c'est luy qui doit venir ou s'ils en attendroyent un autre? Certes, tous sont admirables à demesler cette difficulté, et si je vous voulois rapporter la multitude et varieté de leurs opinions sur ce sujet, il me faudroit employer beaucoup de temps qui nous desroberoit ce que nous avons à deduire pour nostre utilité.

  A009001045 

 C'est ce que va disant en un sien Psalme le royal Prophete David, grand et divin poëte: Seigneur, vous avez de loin considere mon sentier et mes voyes.

  A009001045 

 Comme s'il disoit: Bien que je sois fin comme un renard, vous avez neanmoins conneu toutes mes finesses.

  A009001045 

 J'ay esté comme un cerf qui a couru et sautelé par les fourrés les plus entourés de ronces et d'espines, mais vous estes ce divin chasseur qui de loin avez remarqué mes pas et mes vestiges; vous m'avez apperceu au lieu où j'estois, d'autant que vos yeux voyent et penetrent tout.

  A009001045 

 Que feray-je pour me cacher de vous? Si je monte au Ciel vous y estes, et là je vous trouveray beaucoup plus present que moy mesme.

  A009001045 

 Si, comme l'aube du jour et la belle aurore, je m'en vay courant sur les eaux, vous y serez plus tost que moy.

  A009001048 

 Et pourquoy, Seigneur, le luy demandez-vous? ne sçavez-vous pas bien quelle est la cause de sa douleur et ce qu'elle cherche? Certes, il le sçavoit tres bien; aussi ce n'est point pour l'apprendre qu'il l'interroge, d'autant que toutes choses luy sont tres claires et manifestes.

  A009001050 

 Mais lors qu'ils voulurent confirmer la merveille qu'ils leur faisoyent entendre ils leur dirent: Allez le voir, et alors vous croirez et tiendrez pour certain ce que nous vous annonçons; car il n'y a point de moyen ni de signe asseuré pour trouver Dieu que Dieu mesme.

  A009001051 

 C'est ce que vouloit dire le grand Apostre escrivant aux Corinthiens: Mes petits enfans, que j'ay conceus et gaignés à Jesus Christ parmi tant de peines, fatigues et travaux, pour lesquels j'ay souffert tant de douleurs et de convulsions, je vous asseure que je ne vous enseigne point pour vous attirer à moy, ains pour vous attirer à mon Seigneur Jesus Christ..

  A009001051 

 Car que vouloit-il signifier sinon: Ouoy que je vous presche et enseigne, ce n'est point pour vous attirer à moy, mais bien à Jesus Christ duquel je suis la voix; c'est pourquoy je vous addresse à luy.

  A009001051 

 Comme s'il vouloit dire: Je ne me contente pas de vous asseurer que c'est Celuy que nous attendons, mais je vous envoye à fin que vous soyez instruits par luy mesme.

  A009001055 

 Il dit donques, escrivant aux Thessaloniciens: Mes petits enfans, je me suis fait parmi vous comme un petit enfant, à fin de vous gaigner tous.

  A009001055 

 J'ay encores esté au milieu de vous comme une mere nourrice: je vous ay donné du lait et vous ay nourris de viandes propres à vostre petitesse..

  A009001055 

 J'ay marché le petit pas, et non point le pas de grand Apostre, parce qu'estans petits enfans vous ne m'eussiez peu suivre; mais je me suis accommodé à vostre foiblesse et ay cheminé avec vous comme un petit enfant.

  A009001056 

 Si vous voulez voir saint Paul parmi ses Corinthiens, regardez une mere qui auroit cinq ou six petits enfans qui l'environnent.

  A009001056 

 Voyez, je vous prie, l'industrie de cette femme, comme elle sçait donner à un chacun ce qui luy appartient, et le traitter selon la portée de son esprit.

  A009001057 

 Et que l'on ne die point: Vous ne me parlez pas tant pour ma perfection qu'à celuy là.

  A009001057 

 Hé Dieu, laissez-vous donc gouverner par autruy.

  A009001057 

 Je crois bien, vous n'avez point encores de dents! Ne voyez-vous pas que si l'on vous donnoit les mesmes pratiques qu'on conseille aux autres vous ne pourriez les mascher? Oh, il me semble que j'ay assez de dents, dites-vous.

  A009001057 

 Mais certes, vous en aurez d'autant moins que vous croyez en avoir davantage.

  A009001057 

 Or, escrit ce saint Pere, lors que le grand Apostre dit: Je suis avec vous comme une mere nourrice, que veut-il signifier sinon qu'il fait à l'endroit de ses disciples ce qu'une [mere nourrice fait à l'endroit de ses enfans? Il est certes necessaire que ceux qui gouvernent les ames ayent une grande industrie pour les sçavoir toutes conduire comme il convient, selon leur capacité et portée.

  A009001058 

 Dites à Jean ce que vous avez veu et ce que vous avez ouy: les aveugles voyent, les sourds entendent, les boiteux marchent droit, les ladres sont gueris, les morts ressuscitent, les pauvres sont evangelisés.

  A009001058 

 Il est tres certain que les Apostres avoyent une grande suavité à raconter à ces deux disciples les œuvres admirables de leur bon Maistre; mais Nostre Seigneur [406] ne laissa pas pourtant de faire beaucoup de miracles en leur presence, c'est pourquoy il leur respond: Dites à Jean ce que vous avez veu et entendu..

  A009001059 

 O admirable humilité de nostre cher Sauveur qui vient pour confondre nostre orgueil et destruire nostre superbe! On luy demande: Qui es-tu? Et il ne respond autre chose sinon: Dites ce que vous avez veu et entendu, pour nous apprendre que ce sont nos œuvres et non point nos paroles qui rendent tesmoignage de ce que nous sommes, et que nous sommes pleins d'orgueil..

  A009001059 

 Or, je vous responds: Dites ce que vous avez veu et entendu.

  A009001059 

 Vous me demandez si je suis ce grand Prophete, le Messie promis, Celuy qui tonne dans les deux et qui doit venir briser la teste à l'ennemy.

  A009001060 

 Certes, il n'est besoin de faire monstre de toutes ces bagatelles pour prouver que vous estes gentilhomme.

  A009001060 

 En ce siecle, si l'on demande à un gentilhomme: Qui estes-vous? o Dieu, il faut prendre ce mot au point d'honneur et s'en couper la gorge sur le pré.

  A009001060 

 Mais quand on vous fait cette question: Qui estes-vous? il faudroit pouvoir respondre: Dites que vous avez veu un homme doux, cordial, humain, protecteur des vefves, pere des pupiles et orphelins, charitable et benin envers ses sujets.

  A009001060 

 Qui estes-vous? Il faut faire voir de quelle extraction, de quelle race, il faut faire paroistre les lettres de noblesse, que sçay-je, moy? telles folies et niaiseries; il faut examiner si ses ancestres sont descendus d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.

  A009001060 

 Si vous avez veu et entendu cela, dites asseurement que vous avez trouvé un bon gentilhomme.

  A009001060 

 Si vous vous addressez à un Evesque: Qui estes-vous? il devroit pouvoir se rendre ce tesmoignage: Dites que vous avez veu un homme qui fait bien et deuement sa charge; et alors asseurez-vous qu'il est vrayement Evesque.

  A009001060 

 Si à une Religieuse: Qui estes-vous? Si vous avez veu une Religieuse exacte et ponctuelle en l'observance de ses Regles, respondez alors qu'elle est vrayement [407] Religieuse.

  A009001061 

 Ne vous contentez donc pas lors qu'on vous interroge vous disant: Qui estes-vous? de respondre comme les petits enfans au catechisme: Je suis Chrestien; mais vivez en telle sorte que l'on puisse adjouster qu'on a veu un homme qui ayme Dieu de tout son cœur, qui garde les commandemens de la Loy, qui frequente les Sacremens, et telles autres choses dignes d'un vray Chrestien.

  A009001064 

 Ainsy font ces lepreux spirituels: quoy qu'ils soyent tout couverts d'un nombre infini de petites et menues imperfections, ils sont si hautains qu'ils ne veulent point qu'on les voye ni moins qu'on les touche, et pour peu que vous les repreniez ils se retournent pour vous mordre..

  A009001069 

 Mais bienheureux celuy qui ne se scandalisera point en moy; car, moy qui suis icy, faisant de grans miracles au milieu de vous, je dois estre crucifié et attaché à une croix; et de cela, plusieurs se scandalizeront.

  A009001069 

 Mais quoy, que dites-vous, Seigneur? Comme se pourroit-il faire que vous voyant operer tant de prodiges, vous voyant exercer les oeuvres d'une si grande charité et misericorde, l'on peust se scandalizer? Je seray, dit ce Seigneur, l'opprobre des hommes et le rebut du peuple; je seray scandale aux Juifs et pierre de tresbuchement aux Gentils.

  A009001070 

 Tant d'extases, tant d'eslevations d'esprit, tant d'eslancemens et ravissemens que vous voudrez; ravissez mesme, si vous le pouvez, le cœur du Pere eternel; si avec cela vous ne demeurez en la Croix du Sauveur et ne vous exercez en la mortification de vous mesme, je vous dis que tout le reste n'est rien, qu'il s'en ira tout en fumée et vanité, et vous demeurerez vuides de tout bien, sujets et disposés à vous scandalizer avec les Juifs de la Passion de Nostre Seigneur.

  A009001071 

 O Dieu, quels pensez-vous qu'estoyent les cœurs de ces [412] bons disciples? Combien doux et pleins d'une grande consolation! Qu'il leur tardoit d'estre pres de leur Maistre pour luy dire ce qu'ils avoyent veu et entendu.

  A009001071 

 Ou'ils estoyent remplis de grandes lumieres et connoissances touchant la venue de Nostre Seigneur! Qu'ils s'alloyent doucement entretenais de ces grans miracles et merveilles qu'il avoit faits en leur presence, et des choses qui leur avoyent esté racontées par les Apostres! Comme ils furent sortis, le Sauveur se tourna du costé du peuple qui l'environnoit et leur dit: Qui estes-vous allés voir au desert? Peut estre que vous y aurez veu un roseau, exposé aux orages et tempestes, ou bien un rocher immobile au milieu de la mer? (De mesme peut-on dire: Qui avez-vous veu au desert, ou en Religion? car desert signifie Religion, et la Religion n'est autre chose qu'un desert.) Donc, qui estes-vous allés voir? Peut estre y aurez-vous trouvé des roseaux? O non, saint Jean n'est point un roseau, car il est demeuré ferme comme un rocher au milieu de toutes les vagues et tempestes des tribulations..

  A009001074 

 Mais quand ils furent partis, il dit aux Juifs: Qui estes-vous allés voir au desert? Considerez cet homme que vous avez veu, ou plustost cet ange revestu d'un corps humain.

  A009001074 

 Vous n'avez point trouvé un roseau, mais un rocher en fermeté, un homme d'une esgalité admirable parmi la varieté des divers accidens; vertu la plus aggreable et desirable qui soit en la vie spirituelle.

  A009001074 

 Vous n'avez point veu un roseau, car saint Jean est tel en l'adversité qu'en la prosperité; tel dans la prison parmi les persecutions que dans le desert parmi les applaudissemens; autant joyeux en l'hiver de l'adversité qu'au printemps de la prosperité; il fait les mesmes fonctions en la prison qu'il faisoit au desert..

  A009001075 

 Vous en verrez d'autres qui veulent la prosperité parce qu'en ce temps ils font des merveilles, ce leur semble.

  A009001076 

 Dites que vous avez veu un homme doux, charitable et zelé pour la gloire de Dieu; un vigilant pasteur, en fin un homme accompli en toutes vertus et qui s'acquittoit soigneusement de tous les devoirs de sa charge, ayant les deux portions de l'ame si bien reglées qu'il n'avoit point de haine que pour le peché ni d'amour que pour la dilection de nostre cher Sauveur..

  A009001076 

 Mais je veux achever en disant du glorieux saint Ambroise, duquel nous commencerons cette nuit à celebrer la feste, ce que Nostre Seigneur dit de saint Jean Baptiste: Vous n'avez point veu un roseau dans le desert.

  A009001076 

 Si nous demandons à ce glorieux Saint: Tu quis es? Qui es-tu? Il nous sera sans doute respondu: Dites ce que vous avez veu et entendu.

  A009001076 

 Vous luy devez une particuliere devotion, car il a esté le pere spirituel de saint Augustin, lequel raconte en ses Confessions comme non seulement les doctes predications de ce grand Saint, mais encores sa douceur et debonnaireté luy desroba le coeur.

  A009001077 

 Dites donques ce que vous avez veu et entendu; car la renommée de ce grand Saint s'estendoit par tout, de maniere que des gens doctes et bien experimentés venoyent de fort loin pour entendre sa doctrine..

  A009001077 

 Et quand on luy representoit que c'estoit un empereur à qui il s'en prenoit, comme tesmoignoit-il par ses paroles qu'il n'avoit esgard qu'à la gloire de Dieu! Que ne dit-il pas à ceux qui, sur ce [415] sujet, luy representoyent la faute de David! Eh bien, respondoit-il, vous me parlez de la faute de David, mais vous ne m'alleguez rien de sa penitence.

  A009001090 

 C'est pourquoy il leur dit: Vous serez semblables à Dieu.

  A009001090 

 Et comment semblables à Dieu? Oh! c'est que mangeant de ce fruit vous aurez, comme Dieu, la connoissance du bien et du mal.

  A009001092 

 Voyci donques qu'il s'esleva contre luy une tentation d'orgueil et d'ambition, la plus forte et la plus rude que l'on se puisse imaginer; car remarquez, je vous prie, qu'elle ne luy fut point presentée par l'ennemy en personne et qu'elle ne vint point immediatement de luy.

  A009001096 

 Remarquez un peu, je vous prie, les fantasies de l'esprit humain: ils attendoyent le Messie, ils voyoient que toutes les propheties estoyent accomplies, car ils avoyent en main la Sainte Escriture; le Sauveur estoit venu et alloit parmi eux enseignant sa doctrine, faisant des miracles, et confirmant tout ce qu'il disoit par ses œuvres; neanmoins, au lieu de le reconnoistre, ils en vont chercher un autre..

  A009001102 

 Combien fut grande cette tentation et combien grande aussi l'humilité avec laquelle il la repoussa! Mais remarquez, je vous prie, comme les envoyés des princes des prestres luy parlent: Nous sommes icy mandés de la part des Scribes et Pharisiens et de toute la republique pour vous dire que les propheties sont accomplies et que le temps est arrivé auquel nous doit venir le Messie.

  A009001102 

 En somme, nous croyons que vous estes le Messie promis.

  A009001102 

 Il est vray que nous voyons parmi nous beaucoup de personnes qui vivent bien et sont fort vertueuses, mais il nous faut confesser que nos yeux n'en ont point veu qui soyent semblables à vous ou desquelles nos cœurs goustent les œuvres comme nous goustons les vostres.

  A009001102 

 Que si cela est, nous vous supplions de ne point nous le dissimuler et cacher davantage, car nous sommes venus pour vous rendre l'honneur que vous meritez.

  A009001102 

 Voyez-vous, ils luy mettent le marché entre les mains; s'il eust voulu accepter ils l'eussent reconneu pour le Christ.

  A009001108 

 Mais comment pouvoit-il asseurer n'estre pas Prophete, sçachant bien qu'il l'estoit et que Dieu mesme l'avoit declaré? Voyez-vous, il estoit encor promis en la Loy au peuple Juif qu' un grand Prophete luy seroit envoyé.

  A009001108 

 Mais parce que en toutes vos demandes vous visez à un mesme but, qui est de me reconnoistre pour le Messie promis, je vous dis que je ne suis ni le Christ, ni Elie, ni Prophete.

  A009001108 

 [425] Comme s'il eust voulu dire: Si vous me demandiez seulement qui je suis, je vous respondrois simplement; si vous vouliez sçavoir si je suis un simple Prophete, je vous advouerois franchement que je le suis, et mesme que je suis envoyé pour preparer les voyes au Messie.

  A009001110 

 Hé, folie! vous vous moquez du monde en disant cela; comme si Dieu pouvoit estre honnoré par le peché! Non, cela n'est pas; il ne faut jamais mentir pour honnorer Dieu, et c'est une sottise et grande ignorance que celle là.

  A009001110 

 Regardez, saint Jean n'a pas agi ainsy, car il pouvoit avec verité respondre comme il fit, ainsy que je vous l'ay monstré.

  A009001110 

 Si on les en reprend et qu'on leur dise: Mais en telle action ou façon de parler vous estes menteurs.

  A009001111 

 Voyez-vous, ils perdent quasi patience aupres de l'humilité de saint Jean.

  A009001113 

 Voyez-vous pas qu'en confessant vostre faute vous la niez? Dites donques: Ç'a esté par ma malice, par mon impatience et mauvais naturel, ou en suite de mes passions et inclinations mal mortifiées que j'ay commis telle et telle faute.

  A009001114 

 Vous trouverez des ames auxquelles on dira: Il faut faire cela, il faut aller là.

  A009001115 

 Remarquez, je vous prie, la parfaitte humilité de ce glorieux Saint: plus ils le vont poursuivant, plus il va reculant et s'approfondissant dans son neant, montant tousjours en un plus haut degré d'humilité.

  A009001116 

 Je vous raconteray à ce propos, puisqu'il fait à mon sujet, un beau trait que j'ay leu avec playsir ès Vies des Peres tout fraischement imprimées; l'autheur les a recueillies fort curieusement et soigneusement.

  A009001117 

 Comme s'il vouloit dire: O pauvres gens, que vous estes bien trompés en moy! Vous pensez que je suis le Messie parce que je suis tout nud, c'est à dire que je ne suis pas vestu comme les autres hommes, mon vestement estant tissu de poils de chameaux.

  A009001117 

 Je baptise avec l'eau pour la penitence; mais il y en a un parmi vous, lequel vous ne connoissez pas, qui en baptizant remet les pechés.

  A009001117 

 Je ne mange point de pain ni de viande, et ne me nourris que de sauterelles et du miel sauvage que les avettes m'apportent; je ne bois point de vin, je n'ay point de mayson, ains j'habite clans le desert avec les bestes; je suis sur le fleuve Jourdain, baptizant avec de l'eau et preschant la penitence, et pour cela vous croyez que je suis le Messie.

  A009001117 

 Nous vous en parlerons Dimanche prochain, car l'heure est passée..

  A009001117 

 Or je vous dis que je ne le suis pas, mais seulement la voix de celuy qui crie au desert.

  A009001117 

 Vous me demandez pourquoy je baptize? dit-il.

  A009001117 

 Vous voulez sçavoir qui je suis: je vous dis que je ne suis rien qu'une voix.

  A009001118 

 Or, lequel est-ce d'entre vous qui estime l'echo un homme à cause qu'il luy respond? cela ne s'est jamais veu.

  A009001118 

 Si vous allez clans ce desert, vous trouverez des echos parmi ces rochers; que si vous parlez ils vous respondront, d'autant que vos voix entrans dans la concavité de la montagne il s'y forme une parole semblable à la vostre.

  A009001118 

 Vous croyez que je suis le Messie, et moy je vous proteste que je ne suis pas mesme homme, ains moins qu'homme, car je ne suis qu'une simple voix.

  A009001137 

 Comme s'il disoit: Vous voulez sçavoir qui je suis? Je ne suis que la voix de celuy qui crie au desert, c'est à [432] dire, je ne suis pas celuy qui crie, mais seulement la voix de celuy qui crie.

  A009001137 

 Le glorieux saint Jean, ainsy que je vous le monstray Dimanche, donna suffisamment et excellemment des preuves et tesmoignages de son humilité lors qu'il fut enquis s'il estoit le Christ, Elie ou Prophete; car sçachant que Moyse parlant de la venue de Nostre Seigneur dit qu'il devoit venir un grand Prophete, et voyant que les Juifs croyoient que ce fust luy qui estoit promis, il advoua franchement: Non sum, je ne le suis pas.

  A009001137 

 Ne recevez point mes paroles comme paroles d'homme, mais comme paroles de Dieu, car je vous dis en verité que ce n'est point moy qui enseigne, ains Dieu par moy..

  A009001137 

 Pensez-vous, leur escrivoit-il, que ce soit moy qui vous parle? Oh non, mais c'est Dieu qui vous parle par ma bouche.

  A009001138 

 Comme s'il disoit: Ce n'est pas moy qui crie en ce desert: Faites penitence, ains c'est Dieu qui le vous dit par moy, et je ne suis que la voix, la trompette par laquelle il vous donne à entendre comment vous vous devez preparer à faire penitence et vous disposer à sa venue.

  A009001138 

 Mais parce que je crie et presche en ce desert, vous voulez sçavoir qui je suis: je vous proteste que je ne suis que la voix de Celuy qui crie.

  A009001138 

 Voyla ce que je suis; vous devez donc escouter mes paroles non comme miennes mais comme de Dieu qui vous parle par ma bouche, car je suis la voix de Celuy qui crie au desert.

  A009001142 

 Je viens icy pour vous prescher, mais si je suis obligé de vous apporter la divine parole, [434] vous l'estes par consequent de l'escouter, et non seulement cela, ains encores de bien entendre et prattiquer ce que l'on vous enseigne.

  A009001142 

 Mais comme il estoit obligé de crier que l'on preparast les voyes, que l'on applanist les sentiers et les chemins du Seigneur, le peuple auquel il s'addressoit estoit de mesme obligé de l'ouyr, de recevoir le baptesme qu'il luy presentoit et de faire ce qu'il luy disoit; car si le predicateur a le devoir de vous prescher, vous avez aussi celuy de l'escouter et de bien recevoir ce qu'il vous annonce de la part de Dieu.

  A009001144 

 Et qu'est-ce cela sinon une avarice spirituelle, qui est un vice assez grand en la vie devote? Vous en trouverez d'autres qui ne sont jamais assouvis d'entendre ou de voir de nouvelles choses; ils assemblent quantité de livres et font des bibliotheques à merveille, ils sont tousjours à faire des remarques.

  A009001144 

 Hé, pauvres gens, que voulez-vous faire de tout cela? Oh, nous voulons user de prevoyance, nous le trouverons à nostre besoin; quand nous serons vieux nous nous en sçaurons bien servir.

  A009001144 

 O Dieu, ne sçavez-vous pas que Nostre Seigneur voulant esloigner l'avarice et toute sollicitude du cœur de ses disciples, leur commanda de vivre au jour la journée et de n'avoir point souci du lendemain?.

  A009001144 

 Vous trouverez des personnes qui ne seront jamais lasses [435] de ramasser et recueillir des documens et instructions nouvelles, tant d'advis, tant d'enseignemens, et neanmoins n'en font pas une seule prattique.

  A009001145 

 Je vous l'expliqueray le plus familierement qu'il me sera possible; mais pour ce faire il faut que briefvement je vous en rapporte l'histoire..

  A009001145 

 Vivez au jour la journée, mangez ce que l'on vous donne et vous en nourrissez bien par les prattiques que vous en ferez, et laissez le soin du reste à la divine Providence, car elle vous pourvoira assez selon vostre besoin; usez bien seulement de ce qui vous est donné et soyez libres de tout autre souci.

  A009001147 

 O peuple d'Israël, consolez-vous, mais je vous dis encor une fois que vous vous consoliez, et d'une consolation qui ne sera point vaine ni inutile, sur ces paroles que je vous fais entendre: Parce que sa malice et meschanceté est arrivée à son comble, ses iniquités luy seront pardonnées.

  A009001155 

 Quel plus grand esclat voudriez-vous de la divine misericorde? car alors que David estoit au comble de sa malice, Dieu luy pardonna ses iniquités.

  A009001159 

 La bonne sainte Thaïs (il faut que je vous die cecy parce que je viens de m'en souvenir et qu'il fait à mon propos), s'addressant un jour à saint Paphnuce luy dit: Hé, mon Pere, que dois-je faire? le souvenir de ma miserable vie m'espouvante.

  A009001160 

 Cela est bon; mais si vous estes Evesque, comme vous comportez-vous en cette charge? quelle est vostre vie, et vos mœurs sont-elles bien conformes à vostre vocation? N'estes-vous point plein de superbe et de presomption, comme ce pharisien duquel il est parlé en l'Evangile, ou bien ressemblez-vous au publicain? Le pharisien estoit une montagne d'orgueil, il avoit quelques vertus apparentes dont il se vantoit et glorifioit.

  A009001160 

 J'aurois encores à dire plusieurs choses sur ce sujet, mais je me contenteray de ce que je vous en ay touché, qui suffira pour ce coup..

  A009001163 

 O Dieu, que ce seroit une chose amiable et suave de voir en un homme cette esgalité d'humeur! Nous en sommes tant esloignés, nous sommes si variables et inconstans! L'on trouvera des personnes qui estans de bonne humeur sont encores d'une conversation aggreable; mais tournez la main, vous les trouverez chagrines et inquietes.

  A009001163 

 Tel aura maintenant le cœur en douceur, mais pour peu que vous attendiez il sera aigre et aspre.

  A009001163 

 Vous en verrez d'autres à qui il faut parler à cette heure d'une façon, et devant qu'il soit une heure il leur faudra parler d'une autre.

  A009001164 

 Ce sont les chemins que nous devons redresser pour l'avenement de Nostre Seigneur; et pour le bien faire, il nous faut aller à l'escole du glorieux saint Jean Baptiste, et nous mettre, ou plustost le prier de nous recevoir, au nombre de ses disciples; car voyez-vous, ce grand Saint les envoya au Sauveur pour estre instruits de luy, il les remit entre ses mains et Nostre Seigneur les garda, car apres la mort de saint Jean ils furent ses disciples.

  A009001169 

 Or, mon dessein est de vous faire un petit catechisme auquel je vous veux parler de l'Incarnation, car cecy n'est pas une predication ni une exhortation.

  A009001170 

 Les anciens Docteurs, particulierement saint Bonaventure, rapportent plusieurs similitudes de cecy pour nous le faire entendre; mais pour vous le rendre plus intelligible je l'accommoderay à nostre façon.

  A009001171 

 Or, quand on vous demandera qui a fait ce grand mystere, vous respondrez que c'est la tres sainte Trinité, mais qu'il n'y a que la seconde Personne qui ayt pris nostre humanité..

  A009001178 

 Comment cet homme peut-il dire qu'il estend le bras ou qu'il a mal au bras, veu qu'il n'a ni bras ni jambes, l'ame estant une substance toute spirituelle? Au contraire, si voyant l'homme qui parle et qui discourt, vous le regardez en tant que corporel et non spirituel, vous vous estonnerez, veu qu'il n'appartient qu'à une substance spirituelle de pouvoir discourir et comprendre.

  A009001178 

 Or voyez-vous, si cet homme qui plaint le bras ou qui discourt n'estoit composé que de corps ou d'ame seulement, il ne discourroit pas ni ne plaindroit pas, mais à cause de cette estroitte union entre la nature du corps et celle de l'ame, lesquelles estans deux ne font toutefois qu'une personne, l'on dit avec verité que cet homme, ou autrement cet animal raysonnable, a mal à la jambe, qu'il parle et discourt, meslant tellement ces deux natures qu'on parle des deux comme s'il n'y en avoit qu'une.

  A009001178 

 Vous verrez une personne qui a mal à la jambe; si vous regardez [452] seulement l'ame de cette personne, vous direz promptement: Comme est-ce que cette creature qui est spirituelle peut dire qu'elle a mal à la jambe? car l'ame n'a point de jambes, et c'est l'ame qui fait l'homme.

  A009001179 

 Prenez une lame de fer et la jettez dans une fournaise bien ardente, puis prenez les pinces et la retirez de là; vous verrez que cette lame qui nagueres estoit fer seulement, est à present toute enflammée, en sorte que vous ne sçauriez discerner si c'est fer ou feu, car ce fer est tellement enflammé qu'il paroist plustost feu que fer, tant ces deux natures se sont meslées ensemble; si bien que vous pouvez dire que ce feu est un feu enferré et ce fer un fer embrasé.

  A009001179 

 Que si vous voulez voir cecy plus clairement, mettez de l'eau sur ce fer chaud et vous verrez qu'il retournera en sa premiere forme..

  A009001179 

 Vous entendrez mieux cecy par des similitudes, non point toutefois comme on entend ce qui se passe au dessous des sens, ni comme on comprend la maniere de faire un ouvrage, une broderie; mais vous en aurez suffisamment l'intelligence pour le croire comme vous le devez.

  A009001180 

 Voyla donques comme vous pourrez entendre que c'est que l'Incarnation..

  A009001181 

 C'est une chose admirable que de l'esprit humain! Il dit donques au Seigneur: Je prendray une toison, c'est à sçavoir une tonsure de mouton ou de brebis, et l'estendray sur la plate terre; si la rosée vient à tomber dessus et que le matin je trouve la toison toute trempée sans que la terre soit mouillée, je tiendray cela pour un signe tres certain que vous me serez favorable et que [454] nous aurons la victoire sur nos ennemis.

  A009001183 

 Imaginez-vous donques une grande esponge qui auroit esté creée dans la mer et qui n'auroit jamais servi à l'usage d'aucune creature.

  A009001183 

 Mais certes, despuis que les Juifs la presenterent à Nostre Seigneur lors qu'il dit en sa Passion qu'il avoit soif, et que cette esponge eut touché les levres sacrées de ce [455] divin Sauveur, elle fut canonizée, et dès lors aussi on n'a point fait de difficulté de la nommer dans les discours des choses saintes, et ce n'a plus esté une incivilité d'en parler mais au contraire une chose honnorable et bienseante; c'est pourquoy je m'en serviray pour vous faire entendre que c'est que l'Incarnation.

  A009001183 

 Si vous regardez cette esponge dans cette mer vous verrez qu'en toutes ses parties il y a de l'eau: la mer est dessus et dessous et n'y a pas la moindre parcelle qui n'en soit detrempée; neanmoins l'esponge ne perd point sa nature ni la mer la sienne.

  A009001183 

 Vous entendrez encores mieux cecy par une autre similitude.

  A009001183 

 Vous voyez par ces similitudes que c'est que l'Incarnation; quand donques on vous demandera que c'est que ce mystere, vous respondrez: C'est une telle union de la nature humaine avec la divine, une telle jonction de la Divinité avec l'humanité, que par icelle l'homme est fait Dieu et Dieu est fait homme, en prenant sa nature..

  A009001187 

 O que nous serions heureux si nous lisions bien dans ce livre et que toute nostre preoccupation fust d'accomplir la volonté de Dieu par le renoncement et entiere abnegation de la nostre, n'ayant d'autre soin que de l'ajuster à la sienne! Ce seroit le moyen d'obtenir de sa Bonté tout ce que nous voudrions, car celuy qui n'a autre souci que de faire la volonté divine obtient d'elle tout ce qu'il requiert, et à mesure qu'il accomplit cette sainte volonté, Dieu fait la sienne ainsy qu'il est escrit: Le Seigneur fait la volonté de ceux qui le craignent, comme vous avez veu qu'il fit tout ce que voulut Gedeon quand il luy demanda un signe.

  A009001189 

 Et qu'est-ce que vous faites? Vous vous trompez si vous pensez y venir pour y estre consolée, pour y gouster et y recevoir des douceurs spirituelles.

  A009001189 

 Je dis tousjours à ces ames, et je ne le sçaurois trop repeter: Or sus, ma chere fille, qu'estes-vous venue chercher en Religion? Y cherchez-vous des consolations? Ouy.

  A009001189 

 Que si Dieu vous donne des consolations ou grains de dragées, baysez-luy la main et le remerciez tres humblement, mais ne vous arrestez point à cela, ains passez outre et vous humiliez..

  A009001189 

 Si vous voulez du sucre et de la dragée, allez en querir chez les apothicaires; car l'on ne mange icy que des viandes ameres et fascheuses à la chair, lesquelles sont toutefois profitables au cœur.

  A009001190 

 Helas! elles ne sont pas necessaires, vous n'en estes pas meilleures pour cela; Dieu ne les accorde pas seulement aux justes ains aux pecheurs, car il en donne bien quelquefois à des ames qui sont en estat de peché et hors de sa grace: pourquoy donques vous y arrestez-vous tant? Considerez, je vous prie, ce petit nouveau né dans la creche de Bethlehem, escoutez ce qu'il vous dit, regardez l'exemple qu'il vous donne.

  A009001203 

 Vous sçavez qu'il est dit en l'Evangile, qu'il s'en alla en un païs esloigné: Abiit in regionem longinquam.

  A009001205 

 Ainsy en est-il des consolations du monde; car au commencement et pour un peu vous y trouverez certain goust qui vous donnera quelque sorte de suavité grossiere et impure, laquelle en fin finale se terminera en aspreté et amertume, et si apres vous [464] y retournez cent fois, vous n'y trouverez plus que du degoust.

  A009001205 

 Prenez un raisin et l'espraignez: pour la premiere fois vous en tirerez du vin; mais retournez-y la seconde, il le faudra bien presser, et si, vous n'en tirerez plus qu'un peu de suc bien aspre et amer; mais apres, si vous y retournez pour la troisiesme fois vous n'en tirerez plus rien du tout.

  A009001205 

 Quelques Docteurs ont encores interpreté ces paroles: Meliora sunt ubera tua, etc., en une autre maniere, entendant par les mammelles de Nostre Seigneur les consolations celestes et divines; car qui ne sçait que les consolations divines sont infiniment meilleures que le vin des consolations de la terre? Aussi n'est-ce pas merveille si les unes sont comparées au lait et les autres au vin, d'autant que le vin, comme vous sçavez, se tire du raisin.

  A009001206 

 Or maintenant, si ces paroles sont addressées par l'Espoux à l'Espouse, que pensez vous qu'il luy veuille dire? Saint Bernard explique ce passage admirablement bien.

  A009001207 

 Mais si ce sont les compagnes de l'Espouse qui luy disent: Meliora sunt ubera tua vino; Tes mammelles sont meilleures que le vin, le mesme saint Bernard l'explique en cette sorte: O que vous estes heureuse, nostre chere compagne, de jouir ainsy des chastes et amoureux baysers de vostre celeste Espoux! Mais ce pendant que vous estes ainsy submergée dans cet ocean de delices, nous autres chetifves demeurons privées de l'ayde et du secours qui nous est necessaire, au defaut duquel nous sommes en danger de nous perdre; donques, vos mammelles sont meilleures que le vin..

  A009001209 

 Voulez-vous sçavoir si vous avez fait une bonne oraison, et si vous avez baysé Nostre Seigneur du bayser de la bouche? regardez si vous avez la poitrine pleine de douces et charitables affections envers le [466] prochain, et si vostre coeur est disposé de le secourir en tputes ses necessités et le supporter amoureusement en toutes sortes d'occasions; car l'oraison qui nous enfle et nous fait presumer d'estre quelque chose de plus que les autres, et qui nous porte à mespriser le prochain comme imparfait, nous le faisant corriger de ses defauts avec arrogance et sans compassion, n'est pas bonne et n'est point faite en charité, verité et sincerité.

  A009001210 

 Trouvez-vous quelqu'un qui ayt commencé à servir Dieu fidellement et qui ayt fait quelque progres au chemin de la sainte devotion? il s'en faut resjouir avec luy, et luy donner courage non seulement de perseverer mais encores de s'avancer, et ne se point lasser ni descourager pour les difficultés qu'il rencontrera, luy representant l'excellence du bien auquel nous pretendons, l'exhortant à marcher diligemment et fidellement tandis qu'il est jour et qu'il y a de la lumiere.

  A009001211 

 Nous avons un rare et excellent exemple de cecy au glorieux saint Paul, quand il disoit avec un cœur plein d'une ardente charité: Je meurs tous les jours pour vous, o Corinthiens; Quotidie morior propter vestram [467] gloriam; c'est à dire: L'extreme soin et le grand desir que j'ay de vostre salut, me fait mourir tous les jours.

  A009001212 

 Ce grand serviteur de Dieu ayant saintement parachevé le pelerinage de sa vie et se voyant sur le point d'entrer en sa tant desirée patrie, pour recevoir la recompense de ses travaux et bayser Nostre Seigneur du bayser de la bouche par une parfaitte union avec sa divine Majesté, desja son ame battoit des aisles pour s'envoler sur ce bel arbre de l'immortalité, quand un grand nombre de Religieux et d'enfans spirituels qu'il avoit engendrés à Nostre Seigneur, s'affligeant autour de luy, commencerent à pleurer et luy dire: Helas, mon Pere, nous voulez-vous quitter? voulez-vous laisser vostre troupeau sans pasteur, à la merci des loups qui sans doute le raviront apres vostre despart? Ayez pitié de vos enfans, et ne leur ostez pas si tost la mammelle de vostre charité.

  A009001212 

 Voulez-vous voir encores un bel exemple de cette ardente charité pour le salut du prochain? vous le trouverez en la vie du bienheureux saint Martin.

  A009001216 

 Et David mesme, duquel l'ame estoit vrayement espouse, puisqu'il estoit selon le cœur de Dieu, confesse neanmoins qu'il se servoit de ce motif: Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum propter retributionem; O Seigneur, dit-il, j'ay incliné mon cœur à garder vos commandemens à cause des grandes recompenses que vous donnez à ceux qui les observent..

  A009001218 

 Non, dit Jacob, je ne vous laisseray point aller que vous ne m'ayez donné vostre benediction; Non dimittam te, nisi benedixeris mihi.

  A009001218 

 Voyez, je vous prie, avec quelle promptitude elle court apres luy, et comme elle passe parmi les gardes de la ville, sans craindre aucune difficulté; puis en fin l'ayant trouvé, voyez avec quelle ardeur elle se jette à ses pieds, et l'embrassant par les genoux:, toute transportée de joye: Inveni quem diligit anima mea, tenui eum nec dimittam, donec introducam illum in domum matris meae; Ah, je le tiens, dit-elle, le Bien-Aymé de mon ame, je ne le laisseray point aller que je ne l'aye introduit dans la mayson de ma mere..

  A009001219 

 Mais considerez, je vous prie, l'ardent amour de cette Espouse: certes, rien ne la peut contenter que la presence de son Bien-Aymé; elle ne veut point de benedictions, ni ne s'arreste point à l'esperance des biens à venir comme Jacob; elle ne veut que son Dieu, et pourveu qu'elle le possede elle est contente.

  A009001220 

 Considerez, je vous prie, comme toutes ces paroles se rapportent bien; car saint Pierre dit: Soyez sans dol et sans feintise, qui est autant comme s'il disoit: Ayez une grande simplicité..

  A009001220 

 Je dis en premier lieu que pour tetter les mammelles de Nostre Seigneur, il se faut rendre semblable aux petits enfans; car vous sçavez que ce n'est qu'à eux à qui on donne les mammelles.

  A009001221 

 O Dieu, mes cheres Filles, ayons donques cette faim, je vous prie; ayons un grand desir de l'amour de Nostre Seigneur, et taschons de nous rendre semblables aux petits enfans, à fin qu'il nous donne ses divines mammelles à tetter, et qu'il nous prenne entre ses bras et nous mette sur sa sacrée poitrine..

  A009001221 

 Vous voyez quelquefois des enfans qui ne veulent point prendre la mammelle parce qu'ils ont l'estomach tout rempli de catarrhe, de maniere que n'ayans point de faim, on ne les peut faire tetter, quoy que la nourrice les provoque et leur presente son sein.

  A009001222 

 L'Escriture Sainte nous enseigne que quand ce divin Sauveur de nos ames estoit en ce monde conversant avec les hommes, il caressoit les petits enfans, les embrassoit et prenoit entre ses bras, comme il fit le petit saint Martial, ou saint Ignace martyr, suivant l'opinion de plusieurs Docteurs, qui disent que Nostre Seigneur le tenant un jour entre ses bras et le considerant, il se tourna vers ses disciples et leur dit: En verité, si vous n'estes faits comme ce petit enfant, vous n'entrerez point au Royaume des cieux; Amen dico vobis, nisi efficiamini et conversi fueritis sicut parvulus [473] iste, non intrabitis in Regnum caelorum.

  A009001223 

 Il veut dire: Encor que vous m'ayez eslevé à des honneurs et à des faveurs si grandes que de me porter dessus vostre poitrine et me donner vos divines mammelles à succer, neanmoins je n'ay point eslevé mon regard en choses hautes, ni n'ay point retiré mes yeux de dessus la terre, qui est mon origine et en laquelle je dois retourner, ains j'ay tous-jours porté la veuë basse, en la consideration de mon neant et de mon abjection; mon cœur ne s'est point enflé d'orgueil pour les grandes graces que vous m'avez faites.

  A009001224 

 Si je ne me suis abaissé et humilié, dit-il, voicy, o Seigneur, ce que je veux qui m'arrive: Sicut ablactatus est super matre sua, ita retributio in anima mea; C'est que vous me separiez de vous et me retiriez vos sacrées mammelles, et je demeureray comme l'enfant sevré avant le temps, qui ne fait plus que languir, pleurer, gemir, se lamenter et regretter sa perte; si donques je n'ay tousjours esté bas, vil et abject à mes yeux et à mon propre jugement, ainsy soit-il fait à mon ame.

  A009001224 

 [474] O certes, il est vray que cette vertu a un pouvoir incomparable par dessus toutes les autres de nous eslever à Dieu et nous rendre capables de succer ses divines mammelles, lesquelles il ne donne qu'aux petits et humbles de cœur; c'est pourquoy je vous exhorte, mes cheres Filles, pour finir ce discours, de vous exercer fidelement en la prattique de cette vertu; car par icelle vous recevrez de tres grandes graces en cette vie, et parviendrez en fin en la gloire eternelle, où nous conduise le Pere, le Fils et le Saint Esprit.


10-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome X-Vol.4-Sermons.html
  A010000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A010000061 

 C'est sur iceluy que je vous parleray en ce petit discours; car de le faire sur saint Antoine il n'y auroit point d'apparence, veu qu'il en a esté excellemment parlé au grand sermon, auquel on a dit presque tout ce qui s'en pouvoit dire.

  A010000064 

 Et cela, non point pour vous l'enseigner, car vous le croyez assez, non point pour vous confirmer et affermir en vostre croyance, car vous voudriez mourir pour maintenir cette verité, mais pour resjouir vostre [3] cœur et luy causer une certaine suavité que l'on trouve en parlant de ces grans mysteres..

  A010000064 

 Mais quelle consideration tirerons-nous de cecy pour la consolation do nostre foy? Voyez-vous, ce premier miracle se fit par la conversion et transmutation de l'eau en vin, tout ainsy que le dernier operé par Jesus Christ en ce sejour mortel fut le changement du vin en son sang au tres saint Sacrement de l'Eucharistie.

  A010000064 

 Or, puisque nous qui vous annonçons la parole de Dieu, sommes obligés de vous dire sur chaque mystere les choses qui peuvent servir à la consolation de nostre foy quand les occasions s'en presentent, comme à ce coup icy de celuy de l'Eucharistie, j'en toucheray ce qui fait à nostre propos.

  A010000069 

 Voyons maintenant comment ce miracle s'est operé, et pour ce je vous raconteray toute l'histoire de l'Evangile.

  A010000070 

 Les Apostres allerent donc aux noces, et Nostre Seigneur y estant convié ne refusa point de s'y trouver; car voyez-vous, il estoit venu pour racheter, reformer et recreer l'homme, et pour ce faire il ne voulut pas prendre un maintien et une contenance grave, austere et rigide, mais bien une façon de proceder toute suave, civile et courtoise.

  A010000070 

 O combien pensez-vous que ces noces furent [7] modestes! Sans doute la presence du Sauveur faisoit que l'on estoit grandement retenu..

  A010000071 

 Cecy soit dit comme un petit mot d'instruction que je vous vay donnant en passant..

  A010000072 

 Ces bonnes gens qui vous ont invité s'en vont tomber en une grande ignominie si vous ne les secourez; mais je sçay que vous estes tout puissant, que vous pourvoirez à leur necessité et empescherez qu'ils ne reçoivent une telle honte et abjection.

  A010000072 

 Comme si elle eust [8] voulu dire: Mon Seigneur et mon Fils, ces gens icy sont pauvres, et quoy que la pauvreté soit grandement aymable et vous soit fort aggreable, si est-ce qu'elle est de soy grandement honteuse, car elle reduit souvent son hoste à d'extremes mespris et confusions devant le monde.

  A010000072 

 De plus, je ne doute point de vostre charité et misericorde; souvenez-vous de l'hospitalité qu'ils nous ont faite de nous convier à leur banquet, et fournissez, s'il vous plaist, ce qui leur manque..

  A010000073 

 Vous estes, vouloit dire cette sacrée Vierge, si doux et si charitable, vous avez un cœur si clement et plein de pitié; condescendez donques, s'il vous plaist, et faites ce de quoy je vous requiers pour ces pauvres gens.

  A010000074 

 Mais que demandez-vous? Hé que je demande? vous sçavez bien ce de quoy j'ay besoin; il me suffit de vous faire voir ce que je suis, c'est à vous de pourvoir à mes miseres et necessités selon qu'il vous plaira..

  A010000076 

 C'est bien fait de demander l'humilité, car ce doit estre nostre chere vertu que celle là; c'est une chose bonne de demander et souspirer apres le divin amour, mais neanmoins je vous dis que cette demande que vous faites de l'humilité et de l'amour n'est pas bonne; car ne voyez-vous pas que vous ne desirez pas l'humilité, ains le sentiment de l'humilité? Vous voulez sçavoir et sentir si vous estes humble, si vous avez l'humilité.

  A010000076 

 Que requerez-vous, ma chere fille? Je demande des consolations.

  A010000076 

 Vous pouvez donques estre bien humble et aymer Dieu sans le sentir..

  A010000076 

 Vous verrez une personne toute confite en devotion qui demandera en toutes ses prieres de grandes douceurs.

  A010000077 

 O Dieu, attendez un peu, mes cheres ames, ce n'est pas icy le lieu des gousts et sentimens; attendez d'estre là haut au Ciel où vous connoistrez si vous avez l'humilité et jouirez de ces suavités.

  A010000077 

 Vous verrez alors comme vous aymez Dieu, et gousterez la douceur de son amour; mais en cette vie le Seigneur veut que nous vivions entre la crainte et l'esperance, que nous soyons humbles et que nous l'aymions sans le sçavoir..

  A010000077 

 Vous vous trompez; dites plustost: Je voudrois avoir les extases, les sentimens d'amour et d'humilité d'une sainte Therese, d'une sainte Catherine de Sienne, car ce n'est point l'amour que vous demandez, ains le sentiment et la suavité de cet amour.

  A010000078 

 Ce qu'elle fit paroistre lors que, apres icelle, son cœur demeura tout plein d'une sainte confiance, disant à ceux qui servoyent: Vous avez ouy ce que mon Fils m'a respondu, et pour cela, vous qui n'entendez pas le langage de l'amour, pourrez entrer en doute qu'il ne m'ayt esconduite.

  A010000078 

 Ce qu'entendant, le Sauveur luy dit: Femme, qu'avez-vous à demesler avec moy? Mon heure n'est pas encores venue.

  A010000078 

 O non, ne craignez point, faites seulement ce qu'il vous dira et ne vous mettez en peine de rien, car asseurement il pourvoira selon vostre besoin..

  A010000078 

 Quelles paroles icy entre le Fils et la Mere, entre deux cœurs les plus aymans et les plus aymables qui furent jamais! Qu'avez-vous à demesler avec moy, femme? Ha, Seigneur, qu'a à faire la creature avec son Createur de qui elle tient l'estre et la vie! qu'a à faire la mere avec son fils, qu'a à demesler le fils avec la mere de qui il a receu le corps, c'est à dire l'humanité, la chair et le sang! Ces paroles semblent estre bien estranges, et en effect estans mal entendues par des ignorans qui les ont voulu interpreter, ils en ont formé trois ou quatre heresies.

  A010000079 

 Combien qu'en apparence elle soit un peu rude, ce n'est rien pour vous qui entendez le langage de l'amour, lequel ne s'explique pas seulement par les parolles, mais aussi parles yeux, par les gestes et par les actions.

  A010000079 

 Il y a parmi les Docteurs une grande varieté d'opinions sur ces paroles de Nostre Seigneur: Femme, qu'avez-vous à demesler avec moy? Aucuns disent qu'il vouloit signifier: Qu'avons-nous à faire, vous et moy, de nous mesler de cela? Nous ne sommes que des invités, nous ne devons donc point avoir soin de ce qui manque; et plusieurs semblables raysons.

  A010000079 

 Mais demeurons fermes en celle que la pluspart des Peres tiennent, laquelle est que le Sauveur respondit à sa sainte Mere: Qu'ay-je à demesler avec vous? pour apprendre aux personnes qui sont constituées en quelque benefice ecclesiastique, de prelature et autres telles dignités, à ne se point servir de ces charges pour gratifier les parens selon la chair et le sang, ou faire en leur faveur chose aucune qui soit [12] tant soit peu repugnante à la loy de Dieu; car ils ne se doivent jamais oublier jusques là qu'à leur occasion ils viennent à s'esloigner de la droiture avec laquelle ils sont tenus à exercer leurs offices.

  A010000079 

 Or, nostre divin Maistre voulant faire cette leçon au inonde, se servit du cœur de la tres sainte Vierge; en quoy certes il luy donna des preuves tres grandes de son amour, comme s'il disoit: Ma tres chere Mere, en vous respondant: Qu'avez-vous à demesler avec moy? je ne veux point vous esconduire en vostre demande; car qu'est-ce que peut refuser un tel Fils à une telle Mere, la plus aymée et la plus aymante qui ayt jamais esté? Mais d'autant que vous m'aymez parfaitement, aussi vous aymé-je souverainement; et cet amour que je vous porte et celuy duquel je sçay que vous m'aymez m'a fait prevaloir de la fermeté de vostre cœur pour donner cette leçon au monde, estant tout asseuré que ce cœur tres amoureux ne s'en esmouvra point.

  A010000080 

 Aussi cette divine Amante, la tres sacrée Vierge, prit les paroles de Nostre Seigneur comme un faisceau de myrrhe qu'elle mit entre ses mammelles, au milieu de son amour; elle receut la goutte qui descouloit de cette myrrhe, laquelle raffermit son cœur en telle sorte qu'en entendant la responce qui aux autres sembloit un refus, elle creut sans aucun doute que le Sauveur luy avoit accordé ce qu'elle luy demandoit; et pour cela elle dit aux officiers: Faites tout ce qu'il vous dira.

  A010000082 

 Mon heure n'est pas encores venue, dit-il à sa sainte Mere, mais puisque je ne vous puis rien refuser, j'avanceray cette heure pour faire ce que vous me demandez.

  A010000085 

 Cela est bon, c'est bien fait de se servir de l'invocation des Saints; mais, ma chere fille, pourquoy demandez-vous tant la santé de ce fils? Quand il se portera bien qu'en ferez-vous? Je le mettray sur l'autel de mon cœur et je l'encenseray.

  A010000085 

 Je vous feray entendre cecy par un exemple familier.

  A010000085 

 Mais, mes cheres ames, quel vin demandez-vous? O certes, non autre que celuy des consolations, c'est celuy que nous voulons et pas un autre.

  A010000085 

 Or voyez-vous, si la Vierge eust demandé du vin à fin que ceux qui estoyent aux noces s'enivrassent, sans doute Nostre Seigneur n'eust point operé cette transmutation de l'eau en vin..

  A010000086 

 Benissez-le en cette vie et vous le glorifierez avec tous les Bienheureux au Ciel, où nous conduisent le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A010000086 

 En somme, mes cheres Sœurs, prattiquez bien ce qui vous a esté enseigné jusqu'à present et vous reposez en la providence de Dieu, car il ne manquera pas de vous fournir ce que vous aurez besoin.

  A010000086 

 Faisons bien ce que le Sauveur nous dira, remplissons bien nos cœurs de l'eau de penitence, et l'on nous changera cette eau tepide en vin de fervent amour; faites soigneusement ce que vous avez aujourd'huy entre les mains, et demain on vous ordonnera autre chose.

  A010000086 

 Voulez-vous estre bien recueillie en l'oraison? Tenez-vous hors de l'oraison comme si vous y estiez et n'employez pas le temps à des reflexions inutiles tant sur vous que sur ce qui se passe autour de vous; ne vous amusez pas à des niaiseries.

  A010000086 

 Vous voudriez avoir quelque lumiere de la foy pour comprendre le mystere de l'Incarnation; entretenez-vous le long du jour en de devotes pensées sur la bonté infinie de nostre Dieu.

  A010000095 

 En un autre endroit le mesme Psalmiste s'escrie: O Dieu, mon cœur s'est tout resjoui quand il a sceu que vous estiez sa felicité; et nostre grand Pere saint Augustin dispit: «O Dieu, mon cœur est creé pour vous, il n'aura jamais repos ni tranquillité qu'il ne jouisse de vous.» Nous voyons par ces paroles comme le cœur humain tend naturellement à Dieu qui est sa beatitude.

  A010000104 

 Le saint Apostre leur dit: O meschans, vous vous reservez une partie du prix de vostre bien; hé quoy, pensez-vous mentir au Saint Esprit? Allez, si vous vouliez faire quelque reserve vous deviez demeurer au monde, car vous y pouviez vivre vertueusement, et non point venir icy pour mentir au Saint Esprit.

  A010000104 

 Nous en devrions dire autant à ceux qui entrent en Religion: Si vous voulez garder quelque proprieté, restez au monde; vous y pouvez bien vivre et vous y sauver en observant les commandemens, sans venir en Religion pour retenir quelque chose, voulant encores user de vostre liberté et volonté.

  A010000104 

 On ne vous a pas priés d'entrer au monastere, ainsy vous n'y devez point venir si vous ne renoncez à tout, à tout, car faire quelque exception c'est mentir au Saint Esprit.

  A010000104 

 Or, il ne faut pas agir de la sorte, d'autant que Dieu ne pouvant estre trompé, il vous en prendroit comme à Ananias et à sa femme; pensant tromper Dieu vous vous trouveriez trompés vous mesmes.

  A010000105 

 Sainte Brigide fit cecy avec une admirable perfection, et pour le vous faire mieux entendre, je vous rapporteray sommairement l'histoire de sa vie, parce qu'il est necessaire, combien que vous la puissiez lire en des livres et [24] y voir tout ce que j'ay à dire.

  A010000110 

 Puisque nous ne sommes icy que des gens de connoissance, je vous parleray tout franchement.

  A010000111 

 Voyez-vous que c'est du monde? Quand elle estoit belle et recherchée des plus grans du païs son pere la tenoit chez luy à cause du bien et advantage qu'il eu attendoit; mais la trouvant changée, oh! il la faut envoyer en Religion, elle ne vaut rien pour le monde..

  A010000118 

 Je vous dis derechef que vous serez heureuse, ma chere Fille, si vous vous donnez tellement à Dieu que desormais vous viviez non plus selon vos humeurs et fantasies, mais selon les Regles et Constitutions et la volonté de ceux qui vous gouverneront..

  A010000118 

 O que vous serez heureuse, ma chere Fille, si aujourd'huy que vous voulez vous dedier à Dieu vous vous donnez toute à luy sans aucune reserve, et si, à l'imitation de sainte Brigide, vous quittez et renoncez toutes choses pour acheter cette perle unique de la perfection religieuse! Vous serez bienheureuse si de bon cœur vous venez chercher en cette mayson la vraye paix et tranquillité d'esprit, qui consiste et se trouve non pas dans les consolations ou mignardises, comme plusieurs pensent lesquels se trompent, mais dans le renoncement parfait et absolu de vostre propre volonté et jugement, en la sujetion et sousmission de vostre liberté, vous laissant conduire et gouverner par autruy.

  A010000118 

 Vous suivrez ainsy l'exemple de sainte Brigide qui estoit entre les mains de ses Superieurs comme une boule de cire, prenant toutes les impressions qu'on luy vouloit donner et se laissant manier au gré des autres sans aucune resistance.

  A010000119 

 Or, si vous voulez qu'il vous accorde cela, donnez-luy aussi ce qu'il vous demande, qui est que vous gardiez sa loy et obeissiez à ses conseils..

  A010000119 

 Or, vous ayant sommairement raconté la vie de sainte Brigide, il est bien raysonnable que je vous die encores quelques uns de ses miracles; je vous en rapporteray seulement deux qui sont propres à ce sujet, avec lesquels je fermeray ce discours.

  A010000119 

 Si vous voulez qu'il vous octroye ce que vous desirez, donnez-luy donques ce qu'il vous demande.

  A010000119 

 Vous le priez que sa volonté soit faite, car c'est en icelle que consiste tout nostre bien; puis encores, que son Royaume nous advienne pour jouir de cette eternelle felicité apres laquelle nos cœurs aspirent et parpillent continuellement.

  A010000120 

 Aussi cette sainte vierge, esclairée de la lumiere interieure: Hé bien, mon amy, reprit-elle, la guerison de la ladrerie exterieure vous a causé la lepre interieure; oh! il n'en sera pas ainsy, car vous redeviendrez ladre.

  A010000120 

 Voyez-vous, celuy-cy fut gueri le premier, et neanmoins c'estoit un grand ladre.

  A010000121 

 Voyez-vous ce que fait cette Sainte, guidée de l'Esprit de Dieu, pour guerir ces lepreux? Elle leur dit: Lavez-vous les uns les autres.

  A010000122 

 Quand on vient à dire: Moy qui suis net je n'oserois toucher celuy là qui est encores malade; ou bien: C'est un membre pourri, la correction ne luy proffite point, c'est en vain qu'on se travaille apres luy, il vaut mieux le laisser, o Dieu, ne voyez-vous point le danger où vous estes de devenir vous mesme lepreux? Car, qui veut-on guerir sinon celuy qui est malade? Et pourquoy Nostre Seigneur est-il venu sinon pour les infirmes? Le juste, comme dit le glorieux Apostre, n'a pas besoin de loy; il n'est pas requis de luy persuader d'aymer Dieu, il l'ayme assez, ni encores d'aymer le prochain, car il sçait à quoy l'amour de Dieu l'excite et oblige.

  A010000125 

 O que vous serez heureuse, ma chere Fille, si vous quittez vostre veuë et si vous renoncez à tout pour tout avoir, embrassant en telle sorte la vraye mortification de vos sens et passions, que mesprisant toutes les choses temporelles et transitoires, [34] vous recherchiez avec cette bonne Urie les biens eternels et perdurables! Si vous vous livrez toute à Dieu et luy donnez tout ce qu'il vous demande, il vous octroyera tout ce qu'il est luy mesme et ne vous refusera rien de ce que vous requerrez de luy.

  A010000125 

 Vous quitterez le rien pour avoir le tout sans fin; vous arriverez là haut au Ciel pour jouir de cette felicité apres laquelle nos cœurs tendent continuellement, et où nous serons unis de cette union indissoluble et eternelle par tous les siecles des siecles.

  A010000132 

 Vous avez, mes tres cheres Filles, choisi un jour fort propre pour renoncer au monde et vous donner a Nostre Seigneur, car c'est un jour de joye pour les fidelles; aussi faites-vous une action de grande resjouissance en quittant le tracas de ce siecle pour vous mieux dedier à nostre cher Sauveur..

  A010000133 

 Mais, mes cheres Filles, nostre bon Dieu vous a tant aymées qu'il vous a fait entendre son inspiration sacrée malgré ces tracas, encores que vous luy fissiez la sourde oreille et que possible vous n'y pensiez pas..

  A010000134 

 Il faut que vous sçachiez que nous naissons tous enfans d'ire et de perdition, mais par le Baptesme nous sommes transportés en l'estat de grace.

  A010000134 

 Mes cheres Filles, vous avez mieux fait que tous ceux-là, car encores qu'ils se puissent sauver chacun selon sa vocation, bien qu'avec grande peine, ils sont si enfoncés dans la terre, dans les richesses, dans les vanités, que malaysement ils s'acquittent de leurs devoirs envers Dieu; bienheureux neanmoins sont-ils si, parmi tant d'empeschemens, ils suivent Nostre Seigneur selon leur capacité.

  A010000135 

 Je ne dis pas aussi que vous n'en aurez point, parce que je mentirois, car je sçay bien que vous en aurez; mais pourtant il n'y faut pas venir à cette intention, mes cheres Filles, ains pour y faire la volonté de Dieu et pour luy estre tant soit peu plus aggreables..

  A010000135 

 Passons à la seconde consideration, car je ne veux pas estre long à fin que vous puissiez mieux faire vostre proffit de cette petite exhortation.

  A010000136 

 Ainsy vos mains, vous ne les tiendrez plus dans des manchons, vous ne prendrez plus tant de peine pour les entretenir, mais les employerez à tout ce que l'obeissance ordonnera.

  A010000136 

 De mesme vos autres sens, les mortifiant tous selon qu'on vous enseignera.

  A010000136 

 Il ne vous sera point loysible d'ouyr des choses inutiles, non pas mesme ce que vous pouviez bonnement entendre dans le monde; car il faut tout quitter en la Religion pour se dedier tout entiere à la plus grande gloire de Dieu.

  A010000136 

 Sçachez qu'il faudra mortifier vos «sens exterieurs» et interieurs: vostre memoire, vous ne la devrez plus occuper sinon à ce qui est de l'obeissance, oubliant ce que vous sçaviez au monde, quoy qu'il fust bon, pour apprendre ce que l'on voudra; et quant à vostre volonté, il la faudra conformer à celle de vos Superieurs.

  A010000136 

 Vos yeux, vos oreilles, seront assujettis pour ne regarder ni entendre des choses vaines comme les passetemps, ains vous porterez la veue basse.

  A010000136 

 Vous n'aurez plus aucun souci de vous conserver, ains laisserez tout le soin de vous mesmes; en fin, mes cheres Filles, il vous faudra toutes conformer au bon playsir de Dieu, et non à vos inclinations..

  A010000137 

 Examinez bien si vous avez le courage d'entreprendre ce que nous venons de dire.

  A010000137 

 Mais souvenez-vous que quand Nostre Seigneur vit la multitude qui l'avoit suivi avec tant de peine, il en eut compassion et luy prepara un banquet; ainsy, mes cheres Filles, si vous avez une grande fidelité à marcher apres luy tant en l'affliction qu'en la consolation, il vous preparera un festin là haut au Ciel, car pendant cette vie il le faut suivre en la souffrance et parmi les tentations..

  A010000137 

 Vous avez vostre volonté libre pour faire ce que vous voudrez, sortir ou [38] demeurer.

  A010000139 

 Dieu vous benisse.

  A010000139 

 Faites comme Nostre Seigneur dit à sainte Catherine de Sienne: «Ma fille, pense en moy, et je penseray et auray soin de toy.» Pensez bien à luy plaire et ne craignez point, car il pensera à ce qui vous sera necessaire, si vous prenez peine de chasser de vostre cœur tout ce qui n'est point luy.

  A010000139 

 Mais il y a une autre sorte de vie plus parfaite que tout cela, laquelle est une escole de la perfection, où l'on est plus totalement et plus facilement à Nostre Seigneur: c'est la vie monastique et religieuse que vous avez choisie à fin de vous rendre plus aggreables à sa divine Majesté, car il ne faut point avoir d'autre pretention.

  A010000139 

 Si vous luy estes fidelles, les Regles vous seront du miel, les Constitutions du sucre et les mortifications des roses; l'obeissance vous sera un doux repos et vous vivrez comme des vrayes espouses de Jesus Christ crucifié; et de mesme qu'on appelle reynes les espouses des roys, vous, on vous appellera les crucifiées, parce que vostre Espoux c'est Jesus Christ crucifié, pendant cette vie, mais en l'autre il sera Jesus Christ glorifié.

  A010000139 

 Vous serez bienheureuses si vous y perseverez et si vous tenez toutes choses pour un vray neant; et vous souvenez que ce que vous avez quitté n'est rien au prix de ce que vous possedez.

  A010000155 

 Mais quand est-ce que ce divin bayser fut donné à cette Espouse incomparable? Au mesme instant qu'elle respondit à l'Ange cette parole tant desirée: Qu'il me soit fait comme vous dites.

  A010000156 

 Considerez, je vous prie, comme elle exprime merveilleusement ses amours.

  A010000157 

 Prenez, si vous voulez, tous les plus grans de la terre et considerez leur condition les uns apres les autres; vous verrez qu'ils ne sont jamais vrayement satisfaits, car s'ils sont riches et eslevés aux plus hautes dignités du monde ils en desirent tousjours davantage..

  A010000159 

 N'estimeroit-on pas bien fol et de [43] peu de jugement un marchand qui travailleroit beaucoup à faire quelque commerce dont il ne luy reviendroit que de la peine? Donques, je vous prie, ceux dont l'entendement estant esclairé de la lumiere celeste sçavent asseurement qu'il n'y a que Dieu seul qui puisse donner un vray contentement à leurs cœurs, ne font-ils pas un trafic inutile logeant leurs affections aux creatures inanimées ou bien à des hommes comme eux? Les biens terriens, les maysons, l'or et l'argent, les richesses, voire les honneurs, les dignités que nostre ambition nous fait rechercher si esperduement, ne sont-ce pas des trafics vains? Tout cela estant perissable, n'avons-nous pas grand tort d'y loger nostre cœur, puisque, au lieu de luy donner un vray repos et quietude, il luy fournit des sujets d'empressement et d'inquietude tres grande, soit pour les conserver si on les a, soit pour les accroistre ou acquerir si on ne les a pas?.

  A010000161 

 Je vous diray à ce sujet un exemple tres aggreable.

  A010000162 

 Vous ne sçauriez croire combien Dieu se recrée à ouyr les louanges qui luy sont données par le cœur qui l'ayme; il se plaist grandement aux eslans de nos voix et en l'harmonie de nostre musique.

  A010000166 

 O que cette jeune fillette Nostre Dame ayma souverainement le divin Espoux! Aussi en fut-elle souverainement aymée, car à mesme temps qu'elle se donna à luy et luy consacra son cœur, qui fut lors qu'elle prononça ces paroles: Voicy la servante du Seigneur, me soit fait comme vous dites, ou comme il luy plaira, voyla que soudain il descendit dans ses chastes entrailles et se rendit fils de celle qui se nommoit sa servante.

  A010000167 

 Les saints Peres s'arrestent à considerer ce que cette Espouse veut signifier par ces paroles: Tirez-moy et nous courrons, d'autant que c'est comme si elle disoit: Bien que vous ne tiriez que moy, nous serons toutefois plusieurs qui courrons.

  A010000167 

 Ou bien, comme quelques autres croyent: plusieurs courront avec moy, à mon imitation, à ma suite; plusieurs ames vous suivront à l'odeur de vos onguens..

  A010000167 

 Quelques-uns pensent que quand elle prie son Bien-Aymé de la tirer, elle proteste par là qu'elle a besoin d'estre prevenue de sa grace sans laquelle nous ne pouvons rien faire; mais quand elle adjouste nous courrons, c'est à sçavoir, vous et moy, mon Bien-Aymé, nous courrons par ensemble.

  A010000169 

 Mais vous avez beau vous cacher, les Anges vous sçauront bien trouver; ne voyez-vous pas que Nostre Dame estant toute seule fut bien trouvée par saint Gabriel?.

  A010000171 

 Mais considerons un peu à part, je vous prie, les vertus qu'elle prattiqua et fit paroistre plus excellemment que toutes autres au jour de sa glorieuse Annonciation, vertus que je ne feray que marquer en passant et [49] puis je finiray.

  A010000172 

 Je toucheray seulement ces trois points, laissant le surplus aux considerations que vous ferez une chacune en particulier le long de cette octave..

  A010000176 

 Nostre glorieux Pere saint Augustin dit, parlant aux Anges: Il ne vous est pas difficile d'estre vierges, o Esprits bienheureux, puisque vous n'estes point tentés, et ne le pouvez estre.

  A010000177 

 Hé, ne le remarquons-nous pas en ce qu'elle commença à craindre et se troubler, si que saint Gabriel le connoissant luy dit: Marie, ne crains point; car si bien, vouloit-il signifier, vous me voyez en forme d'homme, je ne le suis pourtant pas, ni moins vous veux-je parler de leur part.

  A010000189 

 Au contraire on leur dit, soit qu'elles veuillent faire Profession ou entrer au noviciat: Il vous faudra aller sur «le mont de Calvaire,» où, avec Nostre Seigneur, il faudra que vous soyez «crucifiées,» attachant et crucifiant vostre entendement pour restreindre toutes vos pensées, pour n'en admettre volontairement aucunes que [56] celles qui vous seront marquées selon la vocation que vous choisissez.

  A010000189 

 Il faudra de mesme crucifier vostre memoire, pour n'admettre jamais aucun ressouvenir de ce que vous avez laissé au monde.

  A010000189 

 Il faudra en fin que vous crucifiiez et attachiez à la Croix de Nostre Seigneur vostre volonté particuliere, pour n'en avoir jamais plus pour vous en servir à vostre gré, ains il vous faudra vivre en parfaitte sousmission et obeissance tout le temps de vostre vie..

  A010000190 

 Dites-moy donques, s'il vous plaist, n'est-ce pas un acte de tres grande consideration, et digne d'estre honnoré, que celuy que font ces filles en passant outre, bien qu'on ne leur represente que croix, qu'espines, que lances, que clous et en fin que mortifications en la Religion? O ames grandement genereuses et qui monstrez qu'en verité vous bataillez et marchez sous les auspices de nostre sainte et glorieuse Maistresse, qui est la tres sainte Vierge! O sans doute, il faut bien que ces filles ayent consideré que c'est le propre de l'amour de rendre leger ce qui est pesant, doux ce qui est amer et facile ce qui est insupportablement difficile sans amour.

  A010000191 

 Allez donc, mes cheres Filles, ou plustost venez amoureusement vous dedier à Dieu et au service de son tres pur amour; et bien que vous rencontriez du travail, la peine vous en sera bien aymée, en l'asseurance que vous contenterez Dieu et vous rendrez aggreables à vostre chere Patronne, laquelle bien qu'elle n'aye pas eu le nom de Religieuse, n'a pas laissé pourtant d'en pratiquer les exercices, et laquelle, bien qu'elle soit Protectrice de tous les hommes et de chaque vocation en general, s'est neanmoins rendue particuliere Protectrice des vierges qui se sont dediées au service de son Fils en la Religion, d'autant qu'elle a esté comme une Abbesse qui leur a monstré l'exemple de tout ce qu'elles [57] devoyent faire pour vivre religieusement.

  A010000191 

 Et qu'ainsy ne soit, je vous presenteray seulement trois points à considerer, sur lesquels je ne feray que passer en courant, pour preuve de mon dire, que je trouve dans l'Evangile de ce jour, auquel il est dit que l'Ange s'addressant à cette sainte Vierge pour luy annoncer le mystere incomparable de l'Incarnation du Verbe eternel, il la trouva en Galilée, et en la ville de Nazareth, retirée et seule dans sa chambre..

  A010000192 

 Sur quoy il faut que vous sçachiez qu'il y a de deux sortes d'oyseaux, les uns qui sont passagers et les autres qui ne le sont pas.

  A010000196 

 A qui appartiennent, je vous prie, tant de fleurs dont l'Eglise a esté remplie et a esté tant embellie et ornée, sinon à la tres sainte Vierge, l'exemple de laquelle les a toutes produites? Et n'est-ce pas par son moyen que l'Eglise a esté parsemée des roses des Martyrs invincibles en leur constance, des soucis de tant de saints Confesseurs et des violettes de tant de saintes Vefves, qui sont petites, humbles et basses comme ces fleurs, mais qui respandent une tres bonne et suave odeur? Et en fin, n'est-ce pas à elle à qui appartiennent plus particulierement tant de lys blancs, tant de puretés et de virginités toutes candides et toutes innocentes? d'autant que ç'a esté à son exemple que tant de vierges ont consacré leurs cœurs et leurs corps à la divine Majesté, par une resolution et un vœu tres indissoluble de conserver leur virginité et pureté..

  A010000196 

 Et ne sçavez-vous pas que c'est elle qui est ce jardin clos et fermé du Cantique, lequel en est tout emperlé et esmaillé? Hortus conclusus, soror mea sponsa, hortus conclusus; repetition qui n'est pas sans mysteres.

  A010000205 

 Voyez un peu les extremités de ces deux vertus, et vous direz: Comment peut-on accorder, unir et joindre ensemble l'humilité et la charité, puisque la nature de l'une est de monter en haut, et celle de l'autre de descendre en bas? C'est une chose naturellement impossible..

  A010000208 

 Vous voyez donques comme en cet instant, Dieu unit en la Sainte Vierge la charité et l'humilité; en disant: Voicy la servante du Seigneur elle s'est abaissée jusques au profond abisme du neant, mais en mesme temps elle est relevée par la charité au dessus des Cherubins et Seraphins lors qu'elle adjouste: Me soit fait selon ta parole, car à cette heure le Verbe divin print chair dans son ventre virginal, et par ce moyen elle devint Mere de Dieu..

  A010000209 

 Comme si elle eust voulu dire à sainte Elizabeth: Vous me proclamez bienheureuse, et il est vray que je le suis; mais tout mon bonheur procede de ce que Dieu a regardé ma vileté et mon abjection.

  A010000210 

 Ce ne fut peut estre pas à l'heure mesme ni au mesme jour qu'elle le sceut, car je vous laisse à penser si cette sainte Vierge demeura en sa petite maison, recueillie et ravie en admiration, touchant ce profond et incomprehensible mystere qui s'estoit operé en elle.

  A010000212 

 Mais que de benedictions et de graces entrerent en cette maison avec la sacrée Vierge! Ce qui se connoist par les parolles de sainte Elizabeth, laquelle avec un esprit de prophetie s'escria d'une voix claire et intelligible: D'où me vient ce bonheur que la Mere de mon Dieu vienne me visiter? Puis, poursuivant elle dit: Vous estes bienheureuse parce que vous avez creu.

  A010000212 

 O Dieu, qui pourroit comprendre les douceurs et suavités qui s'escoulerent dans le cœur de sainte Elizabeth en cette Visitation? Comme est-ce qu'elle meditoit ce grand mystere de l'Incarnation et les graces et faveurs que le Seigneur luy avoit accordées? Que de paroles amoureuses, que de divins colloques faisoit saint Jean dès le sein de sa mere avec son cher Maistre [66] qu'il reconnoissoit et adoroit dans celuy de Nostre Dame! Que de benedictions et de lumieres ce cher Sauveur de nos ames respandoit dans le cœur de son Precurseur! Il luy avança donc à cette heure l'usage de rayson; mais je ne vous en diray rien pour le present parce que je me souviens fort bien de vous en avoir desja parlé autrefois..

  A010000212 

 Vous estes benite entre toutes les femmes, et beni est le fruit de vostre ventre, Jesus.

  A010000213 

 Je vous toucheray seulement ces deux ou trois points en passant, pour ayder et soulager vos esprits.

  A010000214 

 En effect, si vous regardez un cheval, ne connoissez-vous [67] pas sa fierté à son crin, à sa teste, à son alleure? Il bat le pavé, il fait le feu avec les pieds.

  A010000214 

 Voyez aussi quelque jeune muguet, quelque jeune sot: ne remarquerez-vous pas son orgueil, sa presomption et vanité? Prenez garde à sa demarche, à son maintien, comme il va sur le bout des pieds, comme il leve la teste, en somme il fait mille niaiseries et lanterneries qui sont toutes marques de sa fierté et outrecuidance.

  A010000220 

 Anciennement il se faisoit aussi plusieurs visites et salutations en priant, d'autres avec des complimens, comme il se prattique encores par les bonnes gens qui se rencontrent, lesquelles disent: Dieu soit avec nous, Dieu vous donne un bon jour, un bon an, Dieu nous ayde.

  A010000220 

 En ce temps icy on se sert plus de compliment et on dit: Monsieur, je suis vostre serviteur, je vous bayse les mains; et pour l'ordinaire on ne pense rien moins qu'à cela..

  A010000220 

 Les Grecs se saluoyent en cette sorte: Dieu soit avec nous, Dieu nous benisse; les Hebreux: Pax Christi, la paix de Nostre Seigneur soit avec vous; et parmi les Latins: Laus Deo, Deo gratias; gloire soit à Dieu, loué soit Dieu.

  A010000221 

 Or, les principaux effects de l'Esprit Saint sont ceux qu'il opera en sainte Elizabeth; vous pourrez donc connoistre par iceux si vous l'avez aussi receu.

  A010000222 

 En quoy vous voyez que le second effect du Saint Esprit est de nous faire demeurer fermes en la foy et d'y confirmer les autres; puis de retourner à Dieu, reconnoissant qu'il est la source de imites les graces.

  A010000222 

 Il est vray, semble dire sainte Elizabeth la Vierge, que vous estes benite entre toutes les femmes, mais il est vray aussi que cette benediction [71] vous vient du fruit de vostre sein, lequel est le Maistre des benedictions; car on ne benit pas le fruit à cause de l'arbre, ains l'arbre à cause de la bonté de son fruit.

  A010000222 

 Secondement, Elizabeth dit: O que vous estes heureuse parce que vous avez creu! Et par apres: Vous estes benite entre toutes les femmes, et le fruit de vostre ventre est beni.

  A010000223 

 Quand donques vous desirez sçavoir si vous l'avez receu, regardez quelles sont vos œuvres, car c'est par là qu'on le connoist..

  A010000224 

 Certes, nous nous devons servir d'elle comme d'une mediatrice aupres de son Fils pour obtenir ce divin Esprit; et bien que nous puissions aller à Dieu directement et luy demander ses graces sans employer à cette fin l'entremise des Saints, neanmoins la divine Providence n'a pas voulu qu'il en passast ainsy; mais elle a fait encores une autre union, car Dieu est un, comme je vous ay dit au commencement, aussi ayme-t-il ce qui est uni.

  A010000224 

 Mais pourquoy employe-t-il l'entremise des Anges pour nous garder et nous conferer ses graces? ne pourroit-il pas bien le faire luy mesme sans se servir d'eux? Il le pourroit, sans doute, mais pour operer cette union dont je vous parle il a resolu d'unir les Anges avec les hommes et de les assujettir les uns aux autres.

  A010000225 

 Mais, me direz-vous, comme est-ce que les hommes peuvent causer de la joye aux Anges? n'ont-ils pas en la vision de Dieu une parfaite beatitude? De cecy il n'y a nul doute; neanmoins, la Sainte Escriture ne tesmoigne-t-elle pas qu' il se fait plus de feste au Ciel pour un pecheur converti que pour nonante neuf justes? par lesquelles parolles vous voyez la joye des Anges sur la conversion d'un pecheur.

  A010000227 

 Ouy; et la recevriez-vous comme la receut sainte Elizabeth? Nostre Dame nous vient visiter fort souvent, mais nous ne la voulons pas recevoir.

  A010000227 

 Voulez-vous estre parente de la Vierge? Communiez, car en recevant le saint Sacrement vous recevrez la chair de sa chair et le sang de son sang, puisque le pretieux corps du Sauveur, qui est dans la divine Eucharistie, a esté fait et formé de son plus pur sang par l'operation du Saint Esprit.

  A010000230 

 Voyez-vous, elle estoit bien humble et civile.

  A010000231 

 Il nous semblera quelquefois d'estre abandonnés de Dieu; vous devez endurer tout cela si vous voulez estre participantes de ces visites, car de penser pouvoir estre devotes sans souffrir, c'est une tromperie.

  A010000231 

 Qui eust dit à la Vierge: Hé bien, Madame, comme est-ce que vous laissez tant souffrir cette petite fille? Il est [76] requis, eust-elle respondu, que ceux qui veulent avoir part à mes visites y mettent tousjours quelque chose du leur.

  A010000231 

 Voyez-vous, la Vierge visita la petite Muse, la changea et transforma toute entiere.

  A010000232 

 De plus, si vous voulez que la Vierge vous visite comme la petite Muse, il faut faire une transformation interieure, laquelle ne se peut operer sans endurer quelque chose, ce qui nous est representé par la chaleur de la fievre que supporta cette enfant.

  A010000232 

 Regardez aussi si vous avez sa confiance en Nostre Dame, car elle est necessaire pour estre visité.

  A010000240 

 C'est bien la rayson que puisque vous voulez un autre roy que moy, vous gardiez ses ordonnances..

  A010000240 

 Il vous baillera des lois et constitutions lesquelles vous suivrez et observerez; car puisque vous vous plaignez d'estre sans roy, estimant les autres nations bien heureuses d'en avoir, nonobstant qu'ils soyent cruels et tyrans, or sus, vous en aurez un desormais, et vous luy obeirez.

  A010000240 

 O bien, dit-il, vous ne vous contentez pas de ma conduite pleine de douceur et debonnaireté, vous voulez un roy terrien; ha! je vous en donneray un pour vous regir.

  A010000241 

 Il ne prendra point ceux que vous voudrez, mais ceux qu'il voudra, et vous n'aurez pas le pouvoir de les employer selon vos desseins, car il vous les enlevera et s'en servira comme il trouvera bon.

  A010000241 

 Il prendra aussi vos filles, et fera les unes ses panetieres et boulangeres, les autres cuisinieres et les autres parfumeuses; vous ne pourrez donc plus dire: Je dedie cette mienne fille à cecy ou à cela, car le roy les employera en la façon qu'il luy plaira..

  A010000241 

 Or, quelles seront les lois et constitutions que ce roy donnera aux Israelites? Les voyci: Vous aurez, dit le Seigneur, un roy qui prendra vos fils: il fera les uns ses charretiers et carrossiers, les autres ses cuisiniers, d'autres ses soldats et corps de garde; en somme il vous les ostera et s'en servira en sorte que leur vie se passera en continuelle servitude et esclavage.

  A010000244 

 Grande Sainte que celle cy! Elle apprestoit son manger, et vous entendrez d'icy à huit jours le glorieux saint Luc qui voulant hautement la louer dit qu'elle preparoit le pain du Seigneur, qu'elle le traittoit en samayson et avoit un soin tres grand que rien ne luy manquast; si qu'il l'en reprit un jour comme nous verrons cy apres.

  A010000254 

 Que vous serez heureuses, mes cheres ames, si vous la suivez; car elle donne exemple à tous, mais particulierement aux Religieuses, pour ne parler à cette heure que d'elles.

  A010000257 

 O qu'il estoit heureux! Et que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si toute vostre vie vous ne quittez pour rien que ce soit ces sacrés pieds, si vous vivez en humilité et sousmission, imitant et suivant vostre reyne, et encores plus la Reyne de toutes les reynes, la sacrée Vierge, nostre chere Maistresse, à laquelle sainte Magdeleine fut si devote qu'elle ne l'abandonna jamais.

  A010000258 

 Ne venez donques pas en Religion pour estre consolées, ains pour vous sacrifier, pour estre les panetieres et cuisinieres de Nostre Seigneur, voire ses parfumeuses, quand il luy plaira et non quand il vous plaira.

  A010000258 

 O que vous serez heureuses si vous faites des sacrifices entiers de vous mesme à la divine Majesté, si vous ne vous reservez l'usage d'aucune chose, pour petite qu'elle soit! [88] Dieu vous demande cela.

  A010000260 

 Or, que nous representent-ils, sinon les pensees non seulement mauvaises, mais aussi [89] inutiles, lesquelles il faut couper et retrancher? C'est ce que doivent entendre ces filles quand on les leur coupe; car pourquoy pensez-vous qu'on tonde les Religieuses? On dit que cela est sain; je le crois, mais cette cy n'est pas la principale cause, ains pour leur apprendre que comme elles sont retirées des objets qui leur pourroyent donner des mauvaises pensées, elles ne doivent non plus courir apres les choses vaines et mondaines qu'elles ont laissées, mais oublier tout pour s'appliquér totalement à Dieu.

  A010000260 

 Puisque vous avez tout donné au monde, il faut tout donner à Dieu et ne vous reserver aucune chose.

  A010000261 

 Grande misere que celle cy! Vous verrez une femme tout esplorée; on luy demande: De quoy pleurez-vous? Oh! je pleure mon mari qui est mort.

  A010000261 

 Il est vray que la nature est un peu excusable: vous verrez, par exemple, une fille qui sera bien melancolique; et qui n'excusera cela? Une autre sera bien joyeuse, et pour ce elle excedera quelquefois à rire; cela est supportable.

  A010000261 

 Mais cela n'est encores rien, il faut de plus sacrifier ses yeux; car pourquoy croyez-vous qu'on vous aye mis des voiles sur la teste, sinon à fin de vous apprendre à ne vous plus servir de vos yeux pour voir et pleurer que quand la grace vous y excitera, et non pour les niaiseries et tendretés pour lesquelles les femmes sont sujettes aux larmes, larmes folles et vaines, certes! Je voudrois bien faire telle chose, mais je ne peux.

  A010000261 

 Une autre pleure de ce que sa mayson est bruslée; hé, pauvres gens, pensez-vous esteindre par vos larmes le [90] feu qui a desja bruslé vostre mayson? Toutes telles et semblables larmes sont vaines et inutiles; il ne s'en faut donc plus servir, ains mortifier ces tendretés et mollesses.

  A010000262 

 Mais en ces accidens, la langue vient tesmoigner ce qui est du mouvement du cœur: Hé! dit-elle, vous avez fait tel jugement de mon regard; neanmoins je vous asseure que je n'ay rien moins pensé que cela.

  A010000264 

 Mais vous avez trouvé des Anges.

  A010000264 

 Pourquoy pleurez-vous? disent les Anges.

  A010000264 

 Voyez vous comme elle nous apprend à ne chercher que Dieu, à ne pleurer sinon pour son absence causée par nos pechés, ou bien de quoy il est si peu conneu et glorifié du prochain.

  A010000265 

 En effect, l'une des grandes miseres de l'esprit humain est que chacun s'en fait accroire, et vous ne sçauriez penser combien il est difficile de se rendre quitte de ce parfum.

  A010000267 

 En Religion on fait mourir la nature, on contrarie les affections et inclinations pour faire regner la grace; en somme on vous despouille du viel Adam pour vous revestir du nouveau, et cela ne se fait pas sans souffrir..

  A010000267 

 Il faut donques entrer avec une resolution de «mourir à vous mesme pour vivre à Dieu,» embrassant la Croix du Sauveur, et vous renonçant entierement.

  A010000267 

 O que vous serez heureuses si vous faites ce sacrifice entier, no vous servant plus de vos pensées, de vos paroles, de vos yeux ni de vos parfums «que pour le service de la dilection de» vostre Espoux.

  A010000267 

 Quant à ce qui est de l'estime de vous mesme, oh! ne vous souvenez plus de quel lieu vous estes, mais de ces paroles: Escoute, ma fille, preste-moy ton oreille, oublie la mayson de ton pere, ta patrie et ton extraction, et le Roy convoitera ta beauté.

  A010000267 

 Vous entrez aujourd'huy au noviciat, ayant achevé vostre essay.

  A010000267 

 Voyez-vous, la Religion «est un mont de Calvaire,» on ne vous y a pas receues pour vous y donner des consolations; o non certes, car on ne demande rien moins de vous que d'estre crucifiées.

  A010000268 

 Et qui n'aymeroit sainte Dorothée? Comme on la menoit au martyre, un advocat nommé Theophile, qui estoit present, luy ayant ouy asseurer que là où estoit Jesus Christ et où elle alloit il y avoit des pommes en toute saison et des roses qui ne flestrissoyent jamais, il luy dit, comme en se moquant d'elle: Dorothée, faites-moy tant de faveur que de m'envoyer du jardin de vostre Espoux de ces roses et de ces pommes dont vous nous faites si grand cas.

  A010000268 

 Il faut donques avoir bon courage en une si haute entreprise commencée en la feste d'une si vaillante guerriere, car bien que vous n'en portiez pas le nom, elle ne laissera pas d'estre vostre protectrice.

  A010000268 

 L'une de vous a devotion à sainte Dorothée, l'autre à saint Bonaventure et la troisiesme à sainte Agnes.

  A010000268 

 On ne vous le cache point, la perfection ne s'acquiert pas sans difficulté.

  A010000270 

 Et sainte Agnes, qui, aagée seulement de treize ans, triompha du monde et de la chair, donnant son sang pour son Espoux celeste! O que vous serez heureuses si voir, imitez ces Saints et Saintes en leur mespris des creatures et d'eux mesmes! Il faut de necessité faire une parfaite abnegation pour parvenir à la perfection, et ne penser plus au monde ni à vos parens; je veux dire aux maysons desquelles vous estes sorties, car je n'entens pas que vous oubliiez de prier pour eux..

  A010000271 

 Et ne dites point: O Dieu, tousjours vivre icy! et le moyen? (Peut estre que cela ne vous viendra pas en teste pendant vostre noviciat, mais puis apres il pourroit survenir des fantosmes qui vous estonneront.) Ressouvenez-vous des paroles de saint Paul: J'ay tellement mesprisé le inonde que je le tiens comme un pendu et il me tient comme un pendard; je suis crucifié au monde et le monde m'est crucifié; je n'ay pas de vie pour moy, ni pas un bouton pour le monde; car si bien je vis, je ne vis pas moy, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy.

  A010000271 

 Que vous serez heureuses si vous mourez de la mort de saint Paul, pour vivre sa vie, mourant à vous mesme à ce que Jesus Christ vive en vous..

  A010000272 

 Bonaventure, car vous avez receu aujourd'huy une bonne adventure, et si vous estes fidelle vous en recevrez encor de tres bonnes; Bonaventure donc, ainsy soit-il.

  A010000272 

 Dorothée, me direz-vous.

  A010000272 

 Je vais finir en vous demandant quel nom vous voulez, mes cheres Filles.

  A010000272 

 Mais outre ces trois noms je vous en veux donner un quatriesme qui vous sera commun et duquel je [95] vous appelleray en finissant.

  A010000272 

 Puissiez-vous, mes cheres Filles, estre toutes des Marie, c'est à dire des lumieres par vos bons exemples, et ayder les autres par vos prieres à parvenir au port de salut; des mers, pour recevoir les amples benedictions que Dieu communique à ceux qui se consacrent à son service; ameres, avalant et devorant les difficultés qui se rencontrent en l'exercice de la vie spirituelle; des dames exaltées, pour avoir excellemment mortifié vos puissances, vos appetits, vos sens et inclinations, leur commandant d'un pouvoir absolu; illustrées par la lumiere celeste, et illustratrices par une vraye humilité et mortification..

  A010000272 

 Que vous serez heureuse si vous vous rendez simple et douce comme un aigneau! Or sus, Agnes, ainsy soit-il.

  A010000273 

 Cherchez-le tousjours et ne cessez jusques à ce que vous l'ayez trouvé; cherchez-le pendant cette vie mortelle, non point glorifié, mais mort et crucifié.

  A010000273 

 Je conclus ce discours en vous souhaittant, mes cheres Filles, l'une des benedictions de sainte Marie Magdeleine; et si, je ne vous souhaitte point d'extases, de ravissemens, ni d'estre eslevées par les Anges comme elle fut à la Sainte Baume, ni de vous apparoistre comme elle fit à plusieurs, ni de jetter une grande abondance de larmes, ni le don tres excellent de la contemplation.

  A010000273 

 Non, mes cheres Filles, ne faites point les contemplatives ni les extatiques; mais bien vous souhaitté-je de demeurer tout le temps de vostre vie aux pieds de Nostre Seigneur, d'avoir un grand courage pour devorer toutes les difficultés qui vous empescheroyent de jouir de vostre Dieu et qui vous pourroyent tant soit peu separer de luy.

  A010000273 

 Preparez vos espaules pour porter volontiers sur icelles la croix et le Crucifié; il sera pesant, il est vray, mais bon courage, car il vous fortifiera pour le porter..

  A010000274 

 Elle cherche son Sauveur dans le monument et le demande au jardinier: Hé, respond-elle, Monsieur, [96] si vous l'avez pris, dites-moy où vous l'avez mis et je l'emporteray.

  A010000274 

 O qu'en ce temps icy l'on se garderoit bien d'appeller Monsieur un jardinier! Vous rencontrerez parmi le monde des femmes qui sont si coquettes qu'elles font mille difficultés de nommer Monsieur et Madame celuy cy et celle là; il faut tant d'examens, tant de niaiseries pour s'asseurer si celuy cy est monsieur ou non! Or vous, mes cheres Filles, quand vous serez humbles comme Magdeleine vous appellerez tous Monsieur, c'est à dire vous obeirez à tous sans exception de personne, donnant à un chacun le pouvoir de vous commander..

  A010000274 

 Voyez la Magdeleine qui vous provoque par son exemple.

  A010000274 

 Voyez-vous l'humilité de cette Sainte? Elle dit: Domine, Monsieur.

  A010000275 

 Mais Celuy que vous cherchez est mort; comme pourrez-vous porter un corps mort qui est tres pesant? Oh! eust-elle dit, l'amour me donne assez de force pour l'aller prendre et pour m'en charger.

  A010000275 

 Vous l'emporterez? Mais il est parmi les Juifs et soldats; vous n'estes qu'une femme, comment ferez-vous? O Dieu, respond-elle, ne craignez point cela, car je l'iray prendre au milieu des Juifs et je l'emporteray; je me sens assez de force pour le faire.

  A010000276 

 Et, comme Magdeleine, vous respondrez: Rabboni, mon Maistre! Maistre que nous avons suivi, Maistre auquel nous avons obei, Maistre auquel nous nous sommes conformées, et pour et avec lequel nous nous sommes «crucifiées, pour apres cette vie estre glorifiées avec luy» en l'eternité de la vie bienheureuse, et là chanter avec nostre reyne sainte Magdeleine les cantiques eternels par tous les siecles des siecles.

  A010000276 

 Ne craignez point de l'emporter et de vous en saisir par tout où vous le trouverez.

  A010000276 

 Ne vous estonnez point de sa pesanteur; et si bien il vous semble que vous estes trop foibles pour vous changer d'un mort crucifié, aggrandissez vostre courage et ne laissez de prester vos espaules, car la glorieuse Magdeleine vous viendra au secours, et joignant ses espaules avec les vostres, son amour avec le vostre, vous triompherez de toutes les difficultés et demeurerez victorieuses.

  A010000276 

 Vous serez par apres bien heureuses si le Sauveur, tesmoin de vos labeurs et travaux pris pour son amour, vous appelle en fin par vos noms: Marie! Ame [97] forte, vaillante, courageuse et perseverante.

  A010000288 

 Là, pressé de cette violente conteste qui se passoit entre son homme interieur et l'exterieur, il commença, comme un autre saint Paul, d'exprimer sa douleur par les paroles du mesme Apostre: Qui me delivrera de ce corps de mort, et qui m'affranchira de cette incomparable convulsion que je ressens ès deux parties de mon ame? Oh! qui me delivrera de cette chair si contraire à l'esprit? Hé, Seigneur, disoit-il (car ce sont ses propres mots, comme il raconte luy mesme au livre de ses Confessions ), jusques à quand, jusques à quand serez-vous courroucé contre moy? jusques à quand vous souviendrez-vous de mes pechés? O cieux, jusques à quand serez-vous irrités contre moy? jusques à quand y aura-t-il un si grand divorce entre vous et moy, et quand vous reconcilierez-vous avec mon ame? Au plus fort de ses plaintes, il entendit chanter ces paroles derriere la muraille où il estoit: «Prens et lis, prens et lis;» puis, prestant l'oreille pour mieux escouter, il ouyt encores: «Prens et lis.» Et pensant en soy mesme si ce ne seroit point une compagnie de filles qui repetoit cette chanson, il taschoit de se resouvenir s'il n'en couroit point pour lors auxquelles on trouvast ces paroles: «Prens et lis.» Car, comme vous sçavez, et si vous ne le sçavez pas vous l'apprendrez, en toutes les villes il court tousjours quelques chansons parmi le vulgaire et menu peuple, qui certes devroyent plustost estre mesprisées qu'escoutées.

  A010000289 

 O enfans de la lumiere, despouillez-vous de vos habillemens de nuit, gardez-vous bien de paroistre en la lumiere avec iceux.

  A010000289 

 O mes enfans, dit le grand Apostre escrivant aux Romains, levez-vous, quittez vos desbauches, vos jeux et festins, l'ivrognerie et la gourmandise, sortez de vos couches sensuelles et voluptueuses, devestez-vous de vos vestemens et de vos habitudes, et vous revestez des vestemens et habitudes [100] de Jesus Christ.

  A010000291 

 Il a esté tres admirable en toute sa vie, et il ne s'est rien trouvé en icelle qui ne fust excellent; vous en pouvez penser de mesme de bon nombre de Bienheureux..

  A010000291 

 Or, pour entrer en mon premier point, vous sçavez toutes, je m'en asseure, qu'il y a trois sortes d'hommes qui sont arrivés à la sainteté, c'est à dire qu'ils ont esté saints en des aages et manieres differentes.

  A010000292 

 Mais pour ne vous parler que d'une, à fin d'estre plus court, considerez la vigne.

  A010000293 

 Voyez vous comment le Saint Esprit va de prime abord mettre le coup de lancette dans l'apostume de son cœur, comme en la source et origine de toute sa maladie? Car il est vray, ainsy que saint Augustin le raconte luy mesme, qu'il estoit grandement adonné à ce detestable peché de la chair; il luy sembloit impossible de se passer de ces playsirs sensuels et illicites, qui estoyent la cause des plus grandes resistances qu'il faisoit à l'Esprit de Dieu, ne se pouvant resoudre à quitter ces voluptés ni à se desvelopper de ces liens..

  A010000297 

 Desportez-vous, dit le grand Apostre, de vos ivrogneries et gourmandises.

  A010000298 

 Devestez-vous de la gourmandise, et vous revestez de la sobrieté en vous rendant austeres; devestez-vous de la sensualité, quittez vos couches pretieuses, et vous revestez de la chasteté, et priez sans cesse; devestez-vous des contentions, envies et courroux, et vous revestez de la douceur et debonnaireté.

  A010000298 

 Nous dirons un mot sur chacune, bien que courtement et briefvement, car je ne feray que les toucher, vous les laissant ruminer et digerer à part vous, chacune à vostre loysir..

  A010000298 

 Qu'est-ce se devestir de ses habits pour se revestir de Jesus Christ? Despouillez-vous, dit l'Apostre, de vos habitudes, qui sont vos vestemens; car les vestemens environnent de toutes parts celuy qui en est couvert, et les habitudes en font de mesme au cœur que les vestemens au corps.

  A010000299 

 Soyez sobres, dit l'Apostre, vous rendant austeres.

  A010000300 

 Vous sçavez toutes comme il l'a cherie, car il ne voulut aucune richesse; et quoy qu'il exerçast une noble profession, qu'il fust d'une honneste mayson, et qu'avec la grandeur de son esprit et sa singuliere eloquence il peust acquerir beaucoup d'honneurs et de biens, parce que l'eloquence estoit grandement recherchée et estimée en ce temps là, il renonça et quitta neanmoins tout cela, se retirant en un logis champestre où il vivoit en une extreme pauvreté.

  A010000301 

 Maintenant donques je vous prie de les ayder de vos moyens, les leur communiquant liberalement de vos propres mains, ou bien me donnez les aumosnes que vous leur voulez bailler et je les leur distribueray.

  A010000301 

 Remarquez, je vous prie, la candeur et simplicité de ses paroles, la grande confiance et liberté avec laquelle il parloit à son troupeau et l'estime que celuy cy en avoit.

  A010000302 

 C'est ce que vous mediterez, car je ne fais que passer sur ces considerations..

  A010000303 

 La seconde chose que dit saint Paul, est celle cy: Revestez-vous de la chasteté et priez.

  A010000304 

 Que faut-il donques faire pour acquerir et attirer ce don des mains de Dieu, puisque nul ne peut estre chaste si le Seigneur ne luy en fait la grace? Priez, dit l'Apostre; c'est à dire, demandez-la en esprit de profonde humilité, car c'est par la priere que vous l'obtiendrez, et que, l'ayant receuë, vous la conserverez.

  A010000307 

 Il possedoit asseurement plus de science que nul autre Docteur, car il en estoit le phœnix; cependant son humilité estoit plus grande encores: voyez-le vous mesmes, je vous prie.

  A010000307 

 Vous aurez ouy dire que l'humilité se trouve rarement avec la science qui d'elle mesme enfle, mais encores moins avec une aussi haute science que celle de saint Augustin; neanmoins elle estoit chez luy accompagnée d'une si profonde humilité qu'on ne sçait s'il avoit plus [109] de science que d'humilité ou plus d'humilité que de science.

  A010000311 

 Certes, nous serions bien heureux nous autres si nous empoignions le test de la correction pour nettoyer les ordures de nos consciences; mais vous estes bien plus heureuses, mes cheres Sœurs, d'habiter en une mayson où l'on fait la correction avec tant d'exactitude que par le moyen d'icelle on vous corrige des moindres petites imperfections.

  A010000311 

 O Dieu, quel bonheur sera le vostre si vous la recevez en esprit de sousmission comme le glorieux saint Augustin..

  A010000313 

 J'eusse bien voulu, pour mon dernier point, dire un mot sur la douceur de ce grand Saint, mais le temps me manque; c'est pourquoy je le laisseray et me contenteray, pour fermer ce discours, d'adjouster deux ou trois mots encores sur ces paroles de saint Paul: Revestez-vous des habitudes de Jesus Christ.

  A010000313 

 Or, dit l'Apostre, ne vous revestez point de soye, de peau de buffle ni de chameau, mais revestez-vous des habitudes de Jesus Christ, de la Passion de Nostre Seigneur, revestez-vous du sang du Sauveur; et tout ainsy que les vestemens environnent le corps, environnez aussi tout vostre cœur et vos affections du Sauveur, c'est à dire ne vous appuyez point sur vos merites, mais sur les merites de sa Mort et Passion.

  A010000314 

 Ne faites pas ce que vous faites pour avoir beaucoup de merites et ne vous informez point si vous en aurez en faisant cecy ou cela.

  A010000314 

 Nous le devrions tous avoir gravé en nostre esprit, d'autant que parmi les hommes l'on n'entend autre chose sinon: Vous aurez bien du merite à faire cecy ou à laisser cela; ou encores: Je meriteray ou ne meriteray rien en cecy ou en cela.

  A010000314 

 Oh! je vous en prie, ne dites point cela, mes cheres Sœurs, si vous voulez estre vrayes filles non seulement de la Vierge, car c'est sous icelle que vous estes erigées, mais encores de saint Augustin, puisque vous estes sous sa Regle..

  A010000315 

 Appuyez-vous tousjours sur les merites du sang de Nostre Seigneur, et apres avoir tout fait fidellement, dites que vous estes serviteurs inutiles.

  A010000315 

 Et pourquoy donques? Pour plaire à Dieu en toutes vos œuvres, ains pour davantage luy plaire; pour vous revestir des merites de la Passion et du sang pretieux de Jesus Christ.

  A010000315 

 Ne dites point: Voyla un homme qui par ses œuvres aura bien du merite; mais plustost: O que Dieu a fait de grandes graces à cette personne là! O que grande a esté sa misericorde en son endroit! N'ayez point d'autre fin que de chercher la gloire de Dieu, car c'est pour cela que vous estes entrées en Religion, et non pas seulement pour vous retirer du tracas du monde; les philosophes payens faisoyent bien ce renoncement, à fin d'avoir par ce moyen plus de temps pour vaquer à l'estude des sciences humaines.

  A010000315 

 Que si vous le confessez, Nostre Seigneur ne le dira pas, car il vous recompensera à l'esgal de la fidelité que vous aurez eue à son service; et quoy que vous ne travailliez pas pour les merites, vous ne lairrez pas d'en avoir au Ciel la recompense.

  A010000315 

 Vous n'y estes pas venues non plus pour devenir plus riches; oh! rien de cela, car c'est icy où l'on se fait pauvre.

  A010000321 

 medecin vous salue..

  A010000324 

 Et vous, mes tres cheres Filles, ayant aujourd'huy fait la sainte Profession, j'ay formé cette imagination que vous estes saluées de cette mesme salutation et que l'on vous peut addresser ces paroles que le grand Apostre a mis dans ses Epistres: Luc, le tres excellent et tres cher medecin, vous salue, parce que cette sorte de salutation est merveilleusement propre tant pour vostre Profession que pour vostre condition, comme aussi pour la condition de celles qui demeurent au lieu où vous estes.

  A010000324 

 Il ne dit pas: Luc le medecin, ou Luc seulement, mais Luc, le tres aymé et le tres cher medecin, vous salue.

  A010000324 

 Je feray donques ce petit discours sur ce sujet, lequel je diviseray en deux points: au premier nous verrons comme vous devez estre desormais des guerisseuses, et au second, des peintresses..

  A010000324 

 Or, il vous salue en ces deux qualités a fin que vous appreniez et deveniez non seulement medecineuses et guerisseuses, mais encores peintresses, puisque la profession que vous faites et la Religion où vous estes n'est autre chose, comme disent les anciens Peres, qu'une maladiere, une assemblée de guerisseurs et de gens qui ne font que se medeciner et guerir.

  A010000324 

 Saint Luc vous salue donques en qualité de medecin et encores de peintre; car bien que saint Paul ne le nomme pas peintre, si est-ce que selon la tradition ecclesiastique il l'estoit, comme le disent saint Damascene et Nicephore; et c'est luy qui a peint la sacrée Vierge, nostre [116] Mere et Maistresse.

  A010000324 

 Saint Paul escrivant aux Colossiens, de Rome où il estoit, les saluoit de la part du glorieux saint Luc; et entre toutes les autres salutations que l'on trouve dans cette Epistre on y remarque celle cy: Luc, le bien aymé disciple, le tres excellent et tres cher medecin, vous salue.

  A010000325 

 Quant au premier, je me souviens fort bien vous en avoir desja parlé et vous avoir monstré que la Religion est une maladrerie toute pleine de gens malades, qui sont neanmoins tous medecins, car ils se guerissent les uns les autres, voire aussi eux mesmes, et ce continuellement, malades; disant et purgeant de leurs defauts.

  A010000327 

 En temps de carnaval on verra des joyes et liesses qui se monstrent par des actions badines et folastres, et bien tost apres vous verrez des tristesses et ennuis si extremes que c'est chose horrible et, ce semble, irremediable.

  A010000328 

 Pour obvier à tel [118] inconvenient les Peres de la vie spirituelle ont opposé à ces passions la paix et tranquillité interieure, d'où naist cette douce esgalité de cœur et d'esprit tant recommandée et inculquée par les anciens Chrestiens, ainsy que le tesmoigne la salutation qu'ils se faisoyent par ces paroles: La paix soit avec vous.

  A010000332 

 Telle est vostre profession, mes cheres Filles, c'est à quoy vous devez travailler et pretendre; et certes, le glorieux saint Luc vous en a laissé de grans exemples.

  A010000333 

 C'est assez dit sur ce premier point de la salutation que ce glorieux Evangeliste vous fait en qualité de medecin; passons au deuxiesme, qui est qu'il vous salue en qualité de peintre.

  A010000333 

 O que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si apres avoir bien medeciné et purgé vos cœurs vous venez à peindre sur iceux! Et quoy? O Dieu, rien autre que Nostre Seigneur crucifié, à l'imitation de sainte Claire de Montefalco qui, par une vive imagination et affection d'amour et compassion interieure, imprima en son cœur l'image de la Croix de son Sauveur.

  A010000334 

 C'est pourquoy je laisseray de costé ce sujet pour vous dire que la salutation que saint Luc vous addresse en qualité de peintre n'est qu'un advertissement qu'il vous donne de peindre dans vos cœurs.

  A010000334 

 Mais il faut que je vous dise ce qui s'observe pour faire un beau portrait et pour tirer au vif la face de ceux que l'on veut peindre; c'est ce que saint Luc a prattiqué et ce que nous devons prattiquer nous mesmes pour l'imiter..

  A010000334 

 Que vous serez heureuses si vous en faites de mesme, et ce, par une vive et meure consideration de ses vertus et perfections, les imprimant en vostre cœur par une affection amoureuse, meditant sa sainte vie et conformant la vostre à icelle.

  A010000337 

 Par où vous voyez que pour estre bonnes peintresses il ne suffit pas de purger vos cœurs de tout ce qui est mauvais, mais encores de toutes autres teintures desquelles vous les auriez voulu enrichir.

  A010000338 

 Combien de mariages verrions nous se dissoudre s'ils n'estoyent affermis par le Sacrement qui empesche de varier en cette sorte de vie! Combien d'ecclesiastiques verrions nous quitter le sacerdoce et s'oublier de la promesse qu'ils ont faite à Dieu en recevant l'ordre de prestrise! O Dieu, quel bonheur d'avoir eu necessité d'estre attachés par ces vœux pour vous garder fidelité! car sans cette necessité nous n'eussions jamais esté disposés à recevoir les traits de la peinture spirituelle, d'autant que nous eussions tousjours esté mobiles et sans aucune fermeté en nos resolutions..

  A010000338 

 O que vous serez heureuses, mes cheres Filles, si maintenant que vous venez de faire et prononcer vos vœux, vous demeurez attachées avec une invariable fermeté à la Croix de nostre Sauveur et à vostre vocation! car alors, comme sur des tableaux d'attente, on retracera dans vos cœurs et vos esprits la face de Nostre Dame.

  A010000338 

 [124] Vous estes donques fixées par vos trois vœux comme avec trois clous, pour ne jamais varier ni chanceler en en l'election que vous avez faite de cette vocation.

  A010000342 

 Quelle pudicité virginale y apperceut-il! Que si les filles, pour peu qu'elles soyent de bon naturel, monstrent leur pudeur en leur face, rougissant pour la moindre parole qu'on leur dise, o Dieu, quel pensez-vous devoit estre celle qui se voyoit en la face de cette sainte Vierge lors qu'elle estoit regardée de son peintre? Que d'admirables vertus il descouvrit en ce pudique et chaste regard! Quel contentement de considerer celle qui est plus belle que le Ciel ou que la pleine diaprée de la varieté de tant de fleurs, et qui surpasse en beauté les Anges et les hommes! Mais qui pourroit penser l'humilité avec laquelle saint Luc la pria de le regarder, et la douceur et simplicité avec laquelle Nostre Dame le fit? O que de lumieres il receut par ce regard sacré, que son cœur demeura enflammé de son amour, que de connoissances il tira quand les yeux de cette douce Vierge s'arresterent sur luy! Ils imprimerent alors en son cœur un si grand amour de la pureté qu'il y persevera constamment tout le temps de sa vie et garda le celibat..

  A010000344 

 Je finis, mais avant je vous diray encores cecy, que la Sainte Vierge enseigna entre autres choses à cet Evangeliste la sainte humilité tant necessaire aux Religieuses, particulierement aux Filles de la Visitation qui ont une obligation particuliere à la prattique de cette vertu.

  A010000344 

 Quant à vous autres, mes cheres Filles, vous devez souvent mediter la vie de cette sainte Dame et tousjours avoir devant les yeux ses vertus pour les imiter, car c'est vostre Abbesse, vostre Superieure et vostre Maistresse, laquelle vous devez suivre et obeir.

  A010000345 

 Mais voyez encores mieux ce que je vous veux dire touchant les escrits de saint Luc. Ce glorieux Saint estoit souvent envoyé en mission par saint Paul pour le bien de l'Eglise; or, quand il raconte ses voyages, il le fait avec une simplicité et humilité admirables, sans parler des merveilles qu'il operoit ni des peines qu'il souffroit, ains il dit simplement: Nous allasmes, nous vinsmes, nous retournasmes.

  A010000349 

 Or, mes cheres Filles, puisque vous avez fait la sainte Profession en ce jour que l'Eglise celebre la feste de ce Saint, vous luy devez estre grandement devotes et fort soigneuses de l'imiter en tout ce qui vous sera possible, apprenant de luy à vous bien medeciner et guerir, et à peindre en vos cœurs la douce et desirable face de la tres sainte Vierge en la façon que nous avons deduit, le regardant en cecy comme vostre maistre.

  A010000349 

 Resouvenez vous des paroles du Psalmiste qui dit que le bon serviteur a tousjours les yeux sur les mains de son maistre, et la bonne servante sur celles de sa maistresse.

  A010000350 

 Et maintenant, que vous reste-t-il plus, sinon que vous vous prosterniez devant la tres sainte Vierge, que vous la preniez pour vostre Mere et Maistresse, la suppliant de vous presenter devant le throsne de la majesté de vostre Espoux crucifié, et de vous donner sa tres grande benediction en cette vie, pour puis apres la recevoir en sa plenitude en l'autre, où nous conduisent le Pere, le Fils et le Saint Esprit.

  A010000350 

 Peignez son image dans vos cœurs et l'y conservez avec fidelité, perseverant constamment en ce que vous avez voué et promis, car c'est la perseverance qui rend nos œuvres aggreables à Dieu et qui les couronne.

  A010000356 

 Il y a plusieurs raysons de l'institution d'icelle; mais je me contenteray de vous en dire seulement une qui est fondamentale.

  A010000356 

 O Dieu, combien pensez-vous qu'il y a eu de Saints dans les cavernes, dans les boutiques, dans les maysons devotes, dans les monasteres, qui sont morts inconneus et qui à cette heure sont exaltés dans la gloire par dessus ceux qui ont esté bien conneus et honnorés sur la terre? C'est pourquoy l'Eglise considerant la feste qui se celebre au Ciel en fait par consequent une en terre, en laquelle elle exalte ceux qu'elle connoist et aussi ceux dont elle ne connoist ni les noms, ni les vies..

  A010000366 

 O Dieu, que c'est une parole pleine d'amour que celle cy, et qu'elle remplit le cœur de douceur et de confiance filiale! Ce que vous verrez par les demandes qui se font en la mesme Oraison, en laquelle on parle immediatement à Dieu; car apres l'avoir appellé du nom de Pere on luy demande son Royaume et que sa volonté soit faite ça bas en terre comme elle se fait là haut au Ciel.

  A010000367 

 Cecy est fort discuté entre les theologiens; mais il me semble que l'on s'en doit rapporter à ce que nostre divin Maistre a declaré: Je ne dis pas que je prieray pour vous; car il y a difference entre prier et demander, comme nous venons de le voir.

  A010000371 

 Que si, en cette vie, une personne, par le frequent exercice des considerations et meditations sur la grandeur de Dieu et sur sa bassesse, vient à descouvrir une si grande disproportion et esloignement de l'une à l'autre qu'elle s'abaisse et humilie jusqu'au plus profond abisme de son neant, ne trouvant jamais de lieu assez bas pour s'y enfoncer, quelle doit estre, je vous prie, l'humilité de ces glorieux Saints qui voyent clairement la Majesté divine?.

  A010000373 

 Car voyez-vous, nostre cher Sauveur et Maistre nous a creés sans nous, c'est à dire il nous a donné l'estre lors que nous n'estions rien; mais il ne nous veut pas sauver sans nous, il ne veut point violenter nostre liberté ni sauver personne par force, il luy faut nostre consentement et cooperation à sa grace..

  A010000375 

 Voyez-vous, si nous voulons nous rendre bien capables [142] des suffrages des Saints et les esmouvoir à prier pour nous, il nous faut fidellement prattiquer les vertus que nous demandons par leur intercession, et nous bien disposer à recevoir les dons du Seigneur: c'est icy mon troisiesme point.

  A010000376 

 O mes cheres Sœurs, c'est à vous à qui je parle, car si bien vous n'estes pas encores hors du monde, vous estes neanmoins comme des Nazareens, esloignées et sequestrées du monde et de la vanité.

  A010000376 

 Qu'est-ce, je vous prie, cette statue sinon ce monde, ou plustost la vanité et orgueil d'iceluy, qui a la teste d'or et tout ce qui suit? Et cette montagne dont il est descendu une petite pierre n'est autre que Nostre Seigneur, de la bouche duquel est sortie cette pierre des huit beatitudes qui renverse la statue de la vanité, faisant que tant et tant de personnes ont quitté le siecle, ses richesses, honneurs et dignités, et se sont rendues pauvres, viles et abjectes..

  A010000376 

 Voicy une estrange doctrine qui est directement contre l'esprit du monde; mais vous l'entendrez mieux par la comparaison de cette statue que Nabuchodonosor vit en songe, laquelle avoit la teste d'or, les bras d'argent, le ventre d'airain, les pieds de terre et tout le reste comme vous l'avez souvent ouÿ dire.

  A010000378 

 Je pourrois adjouster beaucoup de choses sur cecy si j'estois en un autre lieu, mais je passe outre, car je ne veux parler qu'à vous.

  A010000381 

 Si on luy eust demandé: O bon Saint, qui vous a reduit en tel point? O Dieu, eust-il dit, c'est cette aymable pauvreté à laquelle est promis le Royaume des cieux; c'est elle qui m'a icy conduit et qui me fait patir de la sorte.

  A010000399 

 C'est bien fait que de circoncire sa bourse et de donner l'aumosne; c'est une chose bonne que l'aumosne, dit l'Apostre, elle est bonne en tous temps et saisons; mais ne voyez-vous pas que si bien vous faites la circoncision spirituelle, vous ne la faites pas en maniere qu'il faut? Ne circoncisez pas vostre bourse, car ce n'est pas là, o voluptueux et charnels, la partie que vous avez le plus malade, ains circoncisez vostre coeur.

  A010000399 

 Retranchez ces discours, cette compagnie, ces conversations et amitiés, ces muguetteries et telles autres niaiseries, car c'est par là qu'il faut commencer si vous voulez faire une bonne circoncision.

  A010000400 

 O Dieu, qu'est-ce que vous faites? Ces veilles, ces jeusnes sont bons, mais vous ne faites pas bien la circoncision spirituelle, car vous ne commencez pas en la partie la plus interessée: le mal est au cœur, et vous tuez le corps.

  A010000400 

 Retranchez de vostre cœur tant d'affections desreglées qui s'y trouvent pour les richesses, honneurs et commodités; mettez asseurement et hardiment à ce cœur, à ces affections le couteau de la circoncision, et commencez par là comme par la partie la plus malade qui est en vous..

  A010000401 

 O pauvres gens, vous pensez estre bien circoncis en portant la haire, prenant la discipline et telles autres choses; mais ne voyez-vous pas que la partie qu'il faut circoncire est la langue qui se baigne dans le sang de l'innocent?.

  A010000402 

 Ah, mes cheres ames, que faites-vous? Le mal est caché dans le cœur, ce n'est donques pas tout de circoncire la langue; il faut faire la circoncision en cette partie interessée d'où naissent ces grommellemens, murmures et sentimens, car la circoncision se doit faire en l'endroit le plus malade..

  A010000404 

 Or, il faut que je vous dise cecy comme par maniere de preface: tous sont obligés de faire la circoncision, mais differemment, non pas esgalement; car les ecclesiastiques, Prestres, Evesques, Religieux et Religieuses ont une particuliere obligation à la faire et d'une façon toute autre que ceux qui vivent dans le monde, d'autant qu'ils sont plus specialement dediés à Nostre Seigneur..

  A010000405 

 De là vient que vous verrez dans le monde des personnes qui se vautrent dans la fange et le bourbier de mille pechés, qui sont liées de plusieurs passions et affections depravées; si vous leur demandez ce qu'elles font ou ce qu'elles ont [151] fait, elles respondront qu'elles n'ont point fait de mal.

  A010000405 

 Il est vray, mais ce n'est pas tout là; il y a bien d'autres pechés que ceux cy, lesquels peut estre vous aurez commis, qui sont aussi dangereux que ceux que vous dites n'avoir pas fait.

  A010000408 

 Hé, hé, mes cheres ames, leur respond-on, nous ne sommes pas venus icy pour jouir, ains pour patir; attendez un peu, et vous serez un jour dans le Ciel où il n'y a que paix et joye; vous n'y sentirez aucune passion, mouvement d'envie, aversion ni repugnance, ains vous possederez une tranquillité et repos perdurables.

  A010000410 

 Hé, pauvres gens, ne voyez-vous pas que ce n'est pas là la partie la plus malade et que ce n'est pas ce qu'il faut circoncire, puisque ces tremoussemens ne sont pas en vostre pouvoir?.

  A010000410 

 Il ne faut pas penser quand [154] vous sentez dos esmotions et des repugnances que vous pechiez et offenciez tant soit peu.

  A010000411 

 Allez donc, vous autres, tout à l'entour du cœur, regardez soigneusement vos passions, inclinations et affections, puis raclez et coupez tout cela nettement et absolument; ne vous contentez pas de faire seulement des incisions, comme ceux qui vivent parmi le monde, mais faites de bonnes circoncisions spirituelles et interieures.

  A010000413 

 Mais si en ce temps là quelqu'un leur va dire: [156] Vous estes un lourdeau, un rusteau ou quelque autre chose semblable, o certes, tout le sang se remue, l'on est tout troublé, l'on sent promptement des mouvemens de colere; cela ne peut estre supporté et l'on trouve de beaux discours pour faire entendre et valoir ses raysons.

  A010000413 

 Vous verrez des gens orgueilleux, hautains, fiers, grossiers; ils comprennent bien qu'il est du tout necessaire de circoncire ces passions, car elles sont un grand empeschement à la grace de Dieu.

  A010000413 

 Vous voyez donques combien il est necessaire qu'un autre prenne en main le couteau pour nous circoncire, car il scait beaucoup mieux que nous mesmes où il le faut appliquer..

  A010000414 

 Il luy failloit plustost abattre celle cy que l'autre, a ce qu'il fust plus apte et prompt à ouyr les inspirations et les parolles divines et celestes; mais parce que vous avez agi tout au contraire, la circoncision n'en est pas bien faite.

  A010000414 

 Le premier des Apostres, saint Pierre, estant au jardin des Olives et voyant venir les soldats pour prendre son bon Maistre, fut soudain saisi d'un tremoussement d'ire, et s'addressant à Nostre Seigneur il luy demanda s'il frapperoit du glaive, comme s'il eust dit: Je n'ay qu'un petit couteau, mais s'il vous plaist que je frappe ces canailles, je feray du carnage.

  A010000414 

 Mais nostre divin Sauveur n'approuvant pas cette action, le reput et tança, et prenant l'oreille de Malchus il la rattacha et remit en son lieu, puis il dit à saint Pierre: Remettez vostre espée dans son fourreau; comme s'il eust voulu dire: Vous n'avez pas mis le couteau où il failloit, cette circoncision n'est pas bien faite, d'autant que ce n'est pas cette partie là qu'il failloit couper.

  A010000414 

 Vous luy avez coupé l'oreille droite, qui est celle par laquelle ou reçoit et on entend les choses spirituelles, les inspirations et bons mouvemens, et vous luy avez laissé la senestre de laquelle on entend les choses mondaines et Vaines.

  A010000415 

 Je finis, car le jour s'en va, et fermeray ce mien discours par une histoire, vous disant toutefois un mot de l'autre partie de l'Evangile.

  A010000415 

 Le predicateur qui a fait [157] aujourd'huy le grand sermon a commencé sa predication par un trait admirable que je ne lairray pas de vous rapporter, car c'est un mets bien propre pour servir à deux tables et il le sera aussi à conclure mon exhortation.

  A010000415 

 Voyez-vous que c'est de l'esprit humain: elle alla non seulement pour regarder, mais certes aussi, comme je crois, pour estre regardée des autres, car elle estoit belle et elle le sçavoit bien.

  A010000420 

 Or voyez-vous, nous autres Chrestiens participons à ces deux derniers noms.

  A010000421 

 Mais comment faut-il prononcer ce nom sacré de Jesus à fin qu'il nous soit utile et profitable? C'est ce que je vous vay dire et monstrer par une histoire avec laquelle je finis.

  A010000422 

 Le bon Jephté, estonné de recevoir cette nouvelle esmotion, leur dit: Hé, mes chers amis, vous sçavez bien que voulant aller à la guerre je vous ay invités, mais vous vous estes excusés d'y venir; c'est pourquoy, le moment arrivé auquel il me failloit de necessité livrer la bataille, je l'ay fait.

  A010000422 

 Or Jephté plaça un corps de garde et des sentinelles sur le quay du Jourdain et leur donna le mot du guet, disant: Demandez à ceux qui voudront avoir le passage quels ils sont; s'ils vous respondent qu'ils sont d'Ephraïm, massacrez-les, et s'ils le nient faites-leur dire vostre mot du guet: Scibboleth.

  A010000423 

 A nostre derniere heure, si Dieu nous fait tant de grace que de ne point mourir de mort soudaine, nous aurons un prestre aupres de nous qui tiendra un cierge beni entre ses mains et qui nous criera: Souvenez-vous de nostre Redempteur; dites Jesus, dites Jesus.

  A010000427 

 Or, j'ay pensé qu'il seroit proffitable et aggreable à vos coeurs de vous dire quelque chose sur ces trois noms..

  A010000428 

 Je vous diray donques un mot de l'Incarnation puisqu'il vient à mon propos..

  A010000430 

 En cent endroits de la Sainte Escriture il est pris pour nous representer la nature divine, car il y a mille rapports entre iceluy et la Divinité; mais je me contenteray de vous en dire seulement quelques uns.

  A010000436 

 Comme est-ce donques que cette tres sainte Dame, estant toute pure et sans macule, a voulu aller au Temple pour se purifier comme les autres femmes, veu que, outre [170] tout cela, cette loy n'estoit pas une loy generale, ains seulement legale, instituée par Moyse? Il y a mille et mille raysons de cecy chez les anciens Peres, c'est à dire chez les anciens Docteurs; mais nous en trouvons en la Genese desquelles je me serviray pour vous monstrer pourquoy la sacrée Vierge, n'estant point obligée à la loy de la purification, s'y est neanmoins voulu assujettir..

  A010000437 

 Je vous diray donques briefvement l'histoire de la cheute de nos premiers pere et mere, Adam et Eve; elle ne sera pas hors de propos, puisque Nostre Seigneur, dont il est fait mention en cette feste, est appellé le nouvel Adam, qui est venu pour reparer la faute du premier, et par son obeissance satisfaire à la desobeissance d'iceluy, et que Nostre Dame est nommée la nouvelle Eve.

  A010000438 

 Le voyla donques qu'il prend à cet effect un corps de serpent; il s'entortille à un arbre, et s'addressant à Eve comme à la partie la plus foible, il commence à l'arraisonner en cette sorte: Pourquoy Dieu qui vous a mis dans ce lieu vous a-t-il defendu de manger de tous les fruits qui y sont? Elle luy respondit ainsy, mais certes tout effrayée et tremblottante: Il ne nous a pas defendu de manger de tous les fruits, mais seulement de ne point toucher ni manger de celuy cy.

  A010000438 

 Mais voyez-vous la malice et la ruse de cet esprit infernal et menteur? Pourquoy, dit-il, Dieu vous a-t-il defendu de manger de tous ces fruits? Voyez-vous comme il exagere la defense de Dieu? Il n'avoit pas defendu de manger de tous les fruits ains d'un seul, mais il parloit ainsy à Eve à dessein de luy faire haïr le commandement du Seigneur; car le premier degré de la desobeissance c'est de haïr la chose commandée, et cette haine est une tres grande tentation contre l'obeissance.

  A010000439 

 Remarquez, je vous en prie, combien cette tentation s'accroist par la responce d'Eve: Nous mangeons bien, dit-elle, de tous les fruits, mais pour celuy de science, il nous a defendu d'en manger et de le toucher; et vous me demandez pourquoy? C'est, adjouste-t-elle, de peur que nous ne mourions.

  A010000441 

 Je vous donneray quelques exemples pour vous faire von la grandeur de cette tentation.

  A010000441 

 Voyez-vous le degoust du silence comme il fait parler? Une autre qui n'aymera point aller à l'Office aux heures ordonnées sera dans sa cellule sur quelque bonne cogitation, et voyla le signe qui l'appelle pour aller au chœur: O Dieu, pensera-t-elle, ne seroit-il pas mieux de ne pas me rendre en tel lieu? j'estois en ma cellule sur une si bonne pensée, peut estre que si j'y eusse encor un peu demeuré j'eusse eu quelque ravissement, et cependant il me faut maintenant aller chanter au chœur.

  A010000442 

 Mais, o tres sainte Dame, vous n'avez nul besoin d'iceluy.

  A010000444 

 Il nous a, vouloit-elle donner à entendre, menacés de la mort si nous en mangions; mais quelle rayson a-t-il eue de nous faire une telle menace? et neanmoins il a dit ainsy: De peur que vous ne mouriez.

  A010000444 

 Neanmoins, c'est à quoy vise le malin esprit, et pour ce sujet il demande à Eve, comme en mesprisant l'ordre du Seigneur: Pourquoy Dieu vous a-t-il fait ce commandement? Quelle rayson, vouloit-il dire, de vous mettre en ce paradis terrestre et de vous defendre de manger de tous les fruits qui y sont? Mais il estoit un grand menteur, d'autant que Dieu n'avoit pas fait une telle defense; et certes, s'il l'eust faite, il semble qu'elle eust esté insupportable, car de mettre un homme et une femme dans un beau verger tout plein de fruits et leur l'aire une defense generale de n'en toucher pas un, c'eust esté un commandement bien difficile à observer.

  A010000444 

 Voyez-vous comme ces paroles ressentent le mespris? car Dieu leur avoit non seulement signifié qu'ils n'eussent point à manger de ce fruit de peur d'encourir la mort, ains il leur avoit declaré tout clairement que [175] s'ils en mangeoyent ils mourroyent.

  A010000445 

 Vous en verrez qui aymans le jeusne voudront jeusner le jour de Pasques; et telles autres superstitions qui n'existent plus à cette heure, mais que nous avons veuës en un autre aage.

  A010000447 

 Je dois vous dire encor un mot sur le troisiesme nom d'icelle, qui est qu'on l'appelle la feste de saint Simeon le juste.

  A010000447 

 Le fait est donc tel: Nostre Seigneur rencontrant un jour un petit enfant, le print, le baysa fit le monstra à ses Apostres, leur disant: Je vous dis [177] en verité que si vous n'estes faits semblables à ce petit enfant, vous n'entrerez jamais en Paradis.

  A010000447 

 Pour vous, deduire ce troisiesme point, je vous presenteray un exemple profitable; et bien que j'en aye ja parlé d'autres fois, et mesme en ce lieu, je ne laisseray pas de vous le dire, car la plus grande partie de celles qui sont à present icy n'y estoyent pas alors; et puis, encores que l'on reparle d'un mesme sujet on ne dit pas tousjours les mesmes choses.

  A010000448 

 Mais si vous aviez à choisir, lequel prendriez-vous? Vous y penserez, car ce ne sera pas une pensée inutile; et ce pendant je vous diray la mienne..

  A010000448 

 Or dites-moy, je vous prie, lequel estimez-vous estre le plus heureux, ou saint Ignace qui fut porté entre les bras de Nostre Seigneur, ou saint Simeon le juste qui le porta entre les siens? Dites-moy ce que vous aymeriez le mieux, ou d'estre portées par ce cher Sauveur comme saint Ignace, ou de le porter entre vos bras comme fit Simeon? Certes, tous deux sont bien heureux, et saint Ignace d'estre manié et porté non point où il veut mais où il plaist à Nostre Seigneur, et saint Simeon de porter entre ses bras Celuy qui luy causa tant de contentement qu'il respandit sur ce divin Seigneur une abondance de larmes de douceur et de consolation.

  A010000451 

 Mais pour vous dire lequel est le plus heureux je ne le sçaurois, vous y penserez à part vous; ce pendant taschez de les imiter en cette vie, et vous benirez le Sauveur et en serez benites en l'autre avec ces glorieux Saints.

  A010000451 

 O que nous serons heureux si nous nous laissons bien porter par ce cher Seigneur, et si nous le portons sur nos espaules comme saint Christophe, et entre nos bras comme saint Simeon, nous abandonnant tout à luy pour nous laisser conduire comme il luy plaira! Remettez-vous donc entierement entre les bras de sa divine Providence, sousmettez-vous à ce qui est de sa loy et vous disposez à endurer toutes les peines qui vous pourront arriver en cette vie; ce faisant, les choses les plus dures et penibles vous seront rendues douces et suaves, et vous participerez au bonheur de saint Simeon et de saint Ignace.

  A010000456 

 C'est pourquoy j'ay pensé de vous parler en cette exhortation des conditions qui rendent le jeusne bon et meritoire, mais briefvement et le plus familierement qu'il me sera possible; ce que j'observeray tant aujourd'huy comme ès discours que je vous addresseray tous les jeudys de ce Caresme, lesquels seront des plus simples et propres pour vos cœurs, si j'y puis rencontrer..

  A010000457 

 Mais c'est une pensée trop grossiere pour entrer dans le cœur des Religieuses, car c'est à vous à qui je parle, et aux personnes dediées à Nostre Seigneur.

  A010000458 

 Or, entre toutes les conditions requises pour bien jeusner, je vous en marqueray trois principales, sur lesquelles je vous diray familierement quelque chose..

  A010000459 

 Si je vous rapporte les paroles de saint Bernard touchant le jeusne, vous sçaurez non seulement pourquoi il est institué, mais encores comme il se doit garder..

  A010000463 

 Or, comme d'apres l'Apostre, tout ce qui se luit sans la charité n'est point aggreé de Dieu, aussi dis je de mesme avec ce grand Saint, que si vous jeusnez sans humilité vostre jeusne ne vaudra rien; car si vous n'avez l'humilité vous n'avez pas la charité, et si vous estes sans charité vous estes aussi sans humilité, d'autant qu'il est presqu'impossible d'avoir la charité sans estre humble et d'estre humble sans avoir la charité, ces deux [185] vertus ayans une telle sympathie et convenance par ensemble qu'elles ne peuvent jamais aller l'une sans l'autre..

  A010000463 

 Ouand vous vous disciplineriez, quand vous feriez de fraudes prieres et oraisons, si vous n'avez la charité cela n'est rien; quand mesme vous opereriez des miracles, si vous n'avez la charité ils ne vous profiteront point; voire si vous souffriez le martyre sans la charité, vostre martyre ne vaudroit rien et ne seroit point meritoire aux yeux de la divine Majesté; car toutes les œuvres, petites ou grandes, pour bonnes qu'elles soyent en elles mesmes, ne valent et ne nous profitent point si elles ne sont faites en la charité et par la charité.

  A010000463 

 Voicy le Caresme qui approche; preparez vous à jeusner avec charité, car si vostre jeusne est fait sans icelle, il sera vain et inutile, d'autant que le jeusne, comme toutes les autres bonnes œuvres, s'il n'est pas fait en charité et par la charité n'est point aggreé de Dieu.

  A010000464 

 Or, comme est-ce que l'on jeusne pour la vanité? En cent et cent façons qui nous sont marquées en la Sainte Escriture; mais je me contenteray de vous en dire une, car il ne faut pas charger vostre memoire de beaucoup de choses.

  A010000464 

 Vous en trouverez qui veulent jeusner plus qu'il ne faut, et d'autres qui ne veulent pas jeusner autant qu'il faut.

  A010000465 

 Vous trouverez des femmes qui veulent jeusner tous les samedis de l'année et non le Caresme; elles veulent jeusner à l'honneur de Nostre Dame et non à celuy de Nostre Seigneur, comme si Nostre Seigneur et Nostre Dame ne tenoyent pas rendu à l'un le culte qui est deferé à l'autre, et qu'en honnorant le Fils par le jeusne fait à son intention l'on ne contentast pas [186] la Mere, ou qu'en honnorant la Vierge l'on n'aggreast pas au Sauveur.

  A010000467 

 Mais quand Nostre Seigneur dit: Faites vostre jeusne en secret, il veut entendre: Ne le faites point pour estre veus ni estimés des creatures, ne faites point vos œuvres pour les yeux des hommes; soyez soigneux de les bien edifier, mais non pas à fin qu'ils vous estiment saints et vertueux.

  A010000467 

 Ne faites point, dit Nostre Seigneur, comme les hypocrites, lesquels quand ils jeusnent sont tristes et melancoliques à fin d'estre loués des hommes et estimés grans jeusneurs; mais que vostre jeusne se fasse en secret; lavez alors vostre face, oignez vostre chef, et vostre Pere celeste qui voit le secret de vostre cœur vous sçaura bien recompenser.

  A010000468 

 Car quoy que le jeusne et les autres penitences soyent bonnes et louables, si est ce neanmoins que n'estans pas pratiquées par ceux avec lesquels vous vivez, il y auroit de la singularité et partant de la vanité, ou du moins quelque tentation de vous surestimer par dessus ceux qui ne font point comme vous, et cela par une certaine complaisance en vous mesmes, comme si vous estiez plus saints qu'eux en faisant de telles choses.

  A010000468 

 Le glorieux saint Augustin, en la Regle qu'il a escrite pour ses Religieux, et encores en celle de ses Religieuses (car il les a dressées toutes deux, et l'une apres l'autre), ordonne qu'on suive la communauté autant qu'il se peut, comme voulant dire: Ne soyez pas plus vertueux que les autres, ne veuillez pas faire plus de jeusnes, plus d'austerités, de mortifications qu'il ne vous en est ordonné; faites seulement ce que les autres font et ce qui vous est commandé par vos Regles, selon la maniere [188] de vivre que vous tenez, et vous contentez.

  A010000468 

 Que les forts et robustes mangent ce qui leur est donné, gardent les jeusnes et austerités qui sont marqués, et qu'ils se contentent de cela; que les foibles et infirmes reçoivent ce qui leur est presenté pour leur infirmité, sans vouloir faire ce que font les robustes; et que les uns et les autres ne s'amusent point à regarder ce que celuy cy mange et ce que celuy là ne mange pas, ains que chacun demeure satisfait de ce qu'il a et de ce qui luy est donné: par ce moyen vous eviterez la vanité et particularité..

  A010000470 

 O non, dit saint Augustin, ne paroissez point plus vertueux que les autres, contentez-vous de faire ce qu'ils font; accomplissez vos bonnes œuvres en secret et non pour les yeux des hommes.

  A010000471 

 Il est de saint Pacome, cet illustre Pere de Religieux, duquel je vous ay souvent parlé.

  A010000471 

 Il se promenoit un jour avec quelques uns de ces bons Peres du desert, s'entretenant de devis pieux et devots; car voyez-vous, ces grans Saints ne parloyent jamais de choses vaines et inutiles, tous leurs discours estoyent de choses bonnes.

  A010000471 

 Je vous diray un exemple de cecy, mais familierement, car c'est ainsy que je veux traitter avec vous autres.

  A010000472 

 Voyez-vous, ces anciens Religieux gaignoyent leur vie du travail de leurs mains, ils s'employoient non point à ce qu'ils vouloyent ou aymoyent, mais ouy bien à ce qu'on leur ordonnoit; ils exerçoyent leur corps par letravail manuel, et l'esprit par la priere et oraison, joignant ainsy l'action avec la contemplation.

  A010000473 

 Or, dit Nostre Seigneur, ne faites pas comme ceux-là, ains que vostre jeusne se fasse en secret, pour les yeux de vostre Pere celeste, et il vous regardera et recompensera..

  A010000473 

 Voyez-vous un peu que c'est de l'esprit humain: il ne considere que l'apparence et, comme vain, fait toutes ses œuvres pour paroistre devant les hommes.

  A010000476 

 Laissons donques cela, et voyons plustost, par trois exemples que je vous rapporteray, combien c'est une chose dangereuse de vouloir faire les discrets sur les commandemens de Dieu ou de nos Superieurs.

  A010000479 

 En fin un petit Religieux luy vint dire: O mon Pere, qu'il me tardoit que vous revinssiez, car nous n'avons point mangé d'herbes cuites despuis vostre despart! Ce qu'entendant, il fut fort touché, et ayant fait appeller le cuisinier il luy demanda pourquoy il n'avoit point fait cuire d'herbes.

  A010000479 

 Sur cela le saint Pere luy fit en presence de tous une bonne correction, puis il commanda que l'on jettast au feu toutes ses nattes ou stolles, disant qu'il failloit brusler ce qui estoit fait sans obeissance; car, adjousta-t-il, je sçavois bien ce qui estoit propre pour ces enfans, lesquels il ne faut pas traitter comme les anciens; et cependant vous avez voulu, contre l'obeissance, faire les discrets.

  A010000480 

 C'est ce que j'avois à vous dire touchant le jeusne et ce qu'il faut observer pour bien jeusner.

  A010000480 

 La premiere chose est que vostre jeusne soit entier et general, c'est à sçavoir que vous fassiez jeusner tous les membres du corps et les puissances de l'ame: portant la veuë basse, ou du moins plus basse qu'à l'ordinaire; gardant plus de silence, ou du moins le gardant plus ponctuellement que de costume; mortifiant l'ouye et la langue pour n'entendre ni dire rien de vain et inutile; l'entendement, pour ne considerer que des sujets saints et pieux; la memoire, en la remplissant du souvenir de choses aspres et douloureuses et quittant les joyeuses et gracieuses; en fin tenant en bride vostre volonté, et vostre esprit aux pieds du Crucifix et en quelque sainte et dolente pensée.

  A010000480 

 La seconde condition est que vous n'accomplissiez pas vostre jeusne ni vos œuvres pour les yeux des hommes, et la troisiesme, que vous fassiez toutes vos actions, et par consequent vostre jeusne, pour plaire à Dieu seul, auquel soit honneur et gloire par tous les siecles des siecles.

  A010000480 

 Si vous faites cela vostre jeusne sera entier, interieur et exterieur, car vous mortifierez le corps et l'esprit.

  A010000493 

 Voyez-vous, l'oysiveté est une grande puissance pour la tentation.

  A010000495 

 Ils n'ont pas si tost fait leur dessein que la tentation les attaque, ainsy que dit saint Pierre: Qui vous a tentés de mentir au Saint Esprit? Et le grand Apostre saint Paul, dès qu'il se fut donné au service divin et rangé du parti du Christianisme, le voyla tout incontinent tenté pour le reste de sa vie, luy qui tandis qu'il estoit ennemy de Dieu et qu'il persecutoit les Chrestiens n'avoit jamais senti les atteintes d'aucune tentation; au moins ne nous en tesmoigne-t-il rien par ses escrits, ains seulement dès qu'il fut converti par Nostre Seigneur..

  A010000495 

 Mais voyons un peu, je vous prie, comme c'est une chose certaine que venant au service de Dieu nul ne peut eviter la tentation.

  A010000497 

 Il dit donques ainsy, comme s'il ne se fust addressé aux Chrestiens ou à quelqu'un en particulier: O que vous estes heureux, vous qui estes armés de la verité de Dieu, car elle vous servira comme d'un bouclier contre les traits de vos ennemis, et fera que vous demeurerez victorieux.

  A010000497 

 Non, ni les craintes nocturnes, car vous n'y tresbucherez point; ni les sagettes qui volent en l'air en plein jour, car elles ne vous sçauroyent offencer; ni les negociations qui se font en la nuit, ni moins l'esprit qui marche et se monstre en plein midy..

  A010000498 

 Quiconque est armé de la foy ne doit rien craindre, et c'est l'unique arme necessaire pour rembarrer et confondre nostre ennemy; car qu'est-ce, je vous prie, qui pourra nuire à celuy qui dira: Credo, «Je crois en Dieu» qui est nostre Pere, et nostre «Pere tout puissant?» En disant ces paroles nous monstrons que nous ne nous confions point en nos forces, et que ce n'est qu'en la vertu de Dieu, «Pere tout puissant,» que nous entreprenons le combat et que nous esperons la victoire.

  A010000499 

 Ne recherchons donc point d'autres armes ni d'autres inventions pour refuser nostre consentement à la tentation, sinon de dire: «Je crois.» Et que croyez-vous? «En Dieu, mon Pere tout puissant.».

  A010000500 

 [200] Hé, ne vous troublez point et ne faites point ces chimeres d'apprehension de ne pouvoir accomplir ce à quoy vous vous estes obligées, puisque vous estes armées et environnées de la verité de Dieu et de sa parolle; car vous ayant appellées à cette maniere de vie et en cette maison, pourveu que vous marchiez simplement en vostre observance, il vous fortifiera et vous donnera la grace de perseverer et de faire ce qui est requis pour sa plus grande gloire et pour vostre plus grand salut, c'est à dire vostre plus grande felicité..

  A010000501 

 Ne vous estonnez donques point, et ne faites pas comme les paresseux qui se troublent quand ils se resveillent la nuit par l'apprehension que le jour viendra bien tost auquel il faudra travailler.

  A010000501 

 Oh, disent-ils, si je m'adonne au service de Dieu il me faudra tant travailler pour resister aux tentations qui m'attaqueront! Vous avez bien rayson, car vous n'en serez pas exempts, d'autant que c'est une regle generale que tous les serviteurs de Dieu sont tentes, ainsy que l'escrit saint Hierosme en cette belle epistre qu'il addresse à sa chere fille Eustochium..

  A010000502 

 A qui voulez-vous, je vous prie, que le diable presente ses tentations sinon à ceux qui les mesprisent? Les pecheurs se tentent eux mesmes, le demon les tient desja pour siens: ils sont ses confederés parce qu'ils ne rejettent point ses suggestions, ains au contraire ils les cherchent et la tentation reside en eux.

  A010000502 

 Laissons-les, je vous prie, et retournons à cette crainte des paresseux..

  A010000503 

 Ils sont tousjours à se lamenter; et de quoy? Dequoy, dites-vous, helas! il faut travailler; et cependant je pensois qu'il suffisoit de s'embarquer en la voye de Dieu et en son service pour se reposer.

  A010000503 

 Mais ne sçavez-vous pas que la faineantise et l'oysiveté fit perir le pauvre David en la tentation? Vous voudriez, à l'adventure, estre de ces soldats de garnison lesquels ont tout à souhait dans une bonne ville: ils sont joyeux, ils sont maistres de la maison de l'hoste, ils couchent dans son lit et font bonne chere; ils s'appellent neanmoins soldats, faisans des vaillans et courageux tandis qu'ils ne vont point à la bataille ni à la guerre.

  A010000504 

 Hé, ne craignez rien, je vous prie, puisque vous estes environnés de l'armeure de la verité et de la foy.

  A010000504 

 Levez-vous de vostre lit, paresseux, car il est temps, et ne vous espouvantez pas du travail de la journée, car c'est une chose ordinaire que la nuit estant donnée pour le repos, le jour qui vient apres est destiné au travail.

  A010000505 

 Hé, donques, veut dire le Psalmiste, que craignez-vous, vous qui estes environnés de la verité et armés du fort bouclier de la foy qui vous apprend que Dieu est vostre «Pere tout puissant?» Tendez-luy la main et ne vous espouvantez point, car il vous sauvera et protegera contre tous vos ennemis.

  A010000505 

 Les enfans, si vous y prenez garde, sont grandement craintifs dès qu'ils sont hors du sein de leur mere; de sorte que s'ils voyent un chien qui abbaye, soudain ils se prennent à crier et ne cessent point qu'ils ne soyent aupres de leur maman.

  A010000505 

 Ne voyez-vous pas que saint Pierre, quand il croyoit enfoncer dans la mer, apres qu'il eut fait cet acte si genereux de s'y jetter et de marcher sur les eaux pour s'approcher plus promptement de nostre divin Sauveur qui l'appelloit, soudain qu'il commença à craindre et en mesme temps à s'enfoncer, Seigneur, s'escria-t-il, sauvez-moy.

  A010000506 

 Il faut remarquer qu'il y en a aucuns, lesquels faisans les courageux vont de nuit seuls en quelque part; mais dès qu'ils entendent tomber une petite pierre du plancher, ou qu'ils oyent seulement courir une souris se prennent à crier: O mon Dieu! Qu'est-ce, leur dit-on, qu'avez-vous trouvé? J'ay ouy.

  A010000509 

 La tentation entra dans la congregation des Apostres mesmes: et pourquoy donques vous estonnerez-vous si elle vous attaque?.

  A010000509 

 Pensez-vous, mes cheres ames, leur peut-on respondre, qu'en la solitude et en la retraitte il ne se rencontre point de tentations? O que vous estes bien trompées! Nostre divin Maistre ne fut point attaqué de l'ennemy tandis qu'il vivoit parmi les pharisiens et publicains, ains seulement lors qu'il se retira au desert.

  A010000510 

 Mais si la Sainte Vierge vous eust demandé: Pourquoy desirez-vous ce lieu pour vostre demeure? C'est parce que où est Nostre Seigneur tous biens abondent, la consolation n'y manque point et la tentation n'y peut avoir entrée.

  A010000510 

 O Madame, eussiez-vous reparti, je ne veux point d'autre lieu que le desert où est mon Sauveur.

  A010000510 

 O que vous estes bien trompées! c'est justement parce que nostre divin [205] Sauveur y est que la tentation s'y trouve.

  A010000510 

 Si vous eussiez esté du temps de Nostre Seigneur, je dis tandis qu'il vivoit de sa vie mortelle, et que rencontrant sa tres sainte Mere, nostre glorieuse Maistresse, elle vous eust laissé le choix d'un lieu pour faire vostre demeure, sans doute vous l'eussiez interrogée ainsy: Madame, où est vostre Fils? Elle vous auroit respondu: Mon Fils est au desert; il y doit demeurer quarante jours, en jeusnant, veillant et priant continuellement.

  A010000511 

 Consolez-vous, je vous prie, et prenez courage, ce n'est pas maintenant l'heure du repos..

  A010000511 

 Mon Dieu, la grande pitié que le seul desir de la perfection ne suffise pas pour l'avoir, mais qu'il la faille acquerir à la sueur de nostre visage et à force de travail! Hé, ne sçavez-vous pas que Nostre Seigneur voulut estre tenté durant les quarante jours qu'il fut au desert, pour nous apprendre que nous le serions tout le temps que nous demeurerions au desert de cette vie mortelle, qui est le lieu de nostre penitence? car la vie du parfait Chrestien est une continuelle penitence.

  A010000512 

 Cela estant, demeurez en paix et ne vous troublez point pour la perfection que vous desirez tant; il suffit que vous l'ayez en mourant.

  A010000512 

 Il suffit que vous ne les aymiez pas et qu'elles ne vivent point dans vostre cœur, c'est à dire que vous les commettiez pas volontairement et que vous ne veuilliez pas perseverer en vos defauts.

  A010000512 

 Je le crois bien; aussi ne pensez pas pouvoir vivre sans commettre des imperfections, d'autant que cela est impossible tandis que [206] vous serez en cette vie.

  A010000512 

 Mais je suis si imparfaite, dites-vous.

  A010000512 

 Ne soyez pas si craintifs, marchez asseurement; si vous estes armés de l'armeure de la foy, rien ne vous sçauroit nuire..

  A010000514 

 Mais encor, qu'y a-t-il, je vous prie, qui vous tourmente? C'est que je ne suis pas sainte.

  A010000514 

 Si cela est, ne vous mettez pas en si grand peine, car possible c'est parce que vous l'estes qu'on vous a corrigée, à fin de vous rendre tousjours plus parfaite.

  A010000514 

 Vous devez sçavoir que ceux qui ont une vraye charité ne peuvent souffrir de voir quelque defaut au prochain qu'ils ne taschent de l'arracher par la correction, et sur tout en ceux qu'ils estiment saints ou fort avancés en la perfection, parce qu'ils les croyent plus capables de la recevoir; ils veulent aussi par ce moyen les faire croistre tousjours plus en la connoissance d'eux mesmes qui est si necessaire à un chacun..

  A010000514 

 Vous n'estes pas sainte! et qui vous l'a dit que vous ne l'estes pas? Peut estre ce qui vous le fait penser c'est qu'on vous a reprise de quelque [207] defaut.

  A010000515 

 C'est bien dit, certes; hé, croyez-vous qu'en cette vie vous puissiez avoir une quietude si permanente qu'elle ne doive point recevoir de divertissement? Il ne faut pas desirer les graces que Dieu ne fait pas communement; ce qu'il a fait pour une Magdeleine ne doit pas estre souhaitté de nous autres.

  A010000515 

 Ne pensez pas non plus vous rendre dignes de recevoir ces divines suavités et consolations, ni d'estre eslevées par les Anges comme elle l'estoit plusieurs fois le jour, si vous ne voulez premierement souffrir avec elle les confusions, les mespris et censures que meritent tres bien nos imperfections, lesquelles nous exerceront de temps à autre, veuillons-nous ou non; car cette regle est generale, que nul ne sera si saint en cette vie qu'il ne soit sujet à en commettre tousjours quelqu'une..

  A010000516 

 Quelle correspondance, je vous prie, y peut-il avoir de nostre perfection à la sienne, de nostre pureté à la sienne, veu qu'il est la pureté mesme? En fin, faisons de nostre costé ce que nous pouvons, et demeurons en repos pour le reste.

  A010000517 

 Cela est bon; mais dites-moy, quel temps prenez-vous pour vous rendre telles? Trois moys, respondez-vous, voire moins s'il se peut.

  A010000517 

 Tout beau! leur peut-on dire, ne vous hastez pas tant; commencez à bien vivre selon vostre vocation, doucement, simplement et humblement; puis confiez-vous en Dieu qui vous rendra saints quand il luy plaira..

  A010000517 

 Vous faites bien d'adjouster s'il se peut, car autrement vous vous pourriez bien tromper.

  A010000519 

 Pour moy il m'est advis (et cecy est le cinquiesme document que je vous presente) que ces negociations qui se font dans les tenebres nous representent l'avarice et l'ambition, vices qui font leur trafic en la nuit, c'est à sçavoir par dessous main et en cachette.

  A010000519 

 Voyez-vous, les ambitieux n'ont garde d'aller tout à descouvert au pourchas des honneurs, des preeminences, des charges ou des offices relevés; ils marchent en l'obscurité, craignans d'estre apperceus.

  A010000522 

 Considerez, je vous prie, ces avares spirituels: ils ne se contentent jamais des exercices qui leur sont presentés.

  A010000522 

 Hé, pauvres gens, qui ne voulez pas qu'il y ayt aucun plus saint que vous, que ne vous contentez-vous de vostre sainteté telle que vous la pouvez avoir, non pas faisant un si grand amas d'exercices, mais en pratiquant bien, et le plus parfaittement possible, ceux auxquels vostre condition et vocation vous oblige.

  A010000537 

 En ce jour les predicateurs prennent divers biais pour louer les vertus de la Chananée; mais moy je prendray pour sujet la foy, en vous monstrant ce qu'elle est.

  A010000537 

 Si j'y puis rencontrer, nous marierons ce que je vous en diray à ce qui se passa en l'Evangile entre Nostre Seigneur Chananée; et par ce moyen vous connoistrez les qualités que doit avoir la foy..

  A010000540 

 Ainsy, je dois en croire autant que vous, et vous autant que moy, et tous les Chrestiens semblablement; de sorte que celuy qui ne croit pas tous ces mysteres n'est pas catholique, et partant n'entrera jamais en Paradis.

  A010000542 

 Partant, voulez-vous connoistre si vostre foy est morte ou mourante? Regardez vos œuvres et actions.

  A010000546 

 Cette foy ressemble encores à ces personnes qui ont l'esprit lourd [219] et songear: à la verité, elles ouvrent les yeux, vous les verrez bien pensives et, ce semble, attentives à quelque chose, mais elles ignorent que c'est.

  A010000550 

 Hé bien, vous le serez, dit saint Bernard, si vous croyez et faites ce que la foy vous enseigne estre requis pour obtenir la vie eternelle.

  A010000550 

 Vous n'estes pas de ces serviteurs veillans qui ont tousjours l'œil ouvert sur les mains de leur maistre, qui sont grandement soigneux et vigilans à faire tout ce qu'ils sçavent luy pouvoir rendre leurs services aggreables.

  A010000550 

 Vous ne travaillez donc pas pour Dieu ains seulement pour vous mesme, puisque vostre prudence ne s'estend pas plus avant qu'à faire ce que vous scavez qui vous peut empescher de vous perdre.

  A010000555 

 Cette foy ou priere attentive est suivie et accompagnée d'une grande varieté d'autres vertus marquées en la Sainte Escriture; mais parce qu'il y en a un nombre innombrable, je me contenteray de vous toucher celles qui sont les plus propres pour vous autres et qui reluisent tout particulierement en la priere de la Chananée.

  A010000555 

 Donques les vertus particulieres dont cette femme accompagna sa requeste furent quatre: la confiance, la perseverance, la patience et l'humilité, sur chacune desquelles je vous diray un mot, car je ne veux pas estre long..

  A010000555 

 Voyez-vous que c'est que meditation ou contemplation? C'est en un mot la priere.

  A010000556 

 Je sçaiy, vouloit-elle dire, que vous estes si doux et benin à tous, que je ne fais nul doute que vous priant d'avoir pitié de moy vous ne l'ayez, et si tost que vous l'aurez ma fille sera guerie..

  A010000557 

 Et le Sauveur les reprint et leur dit: Homme de petite foy; comme s'il eust voulu signifier: Que vostre foy est petite, d'autant qu'en cette occasion en laquelle vous deviez la monstrer davantage vous manquez de confiance; or, parce que la confiance qui vous reste est petite, vostre foy l'est aussi..

  A010000558 

 Grande vertu que cette perseverance! Si vous eussiez demandé à ce bon Religieux de saint Pacome qui estoit jardinier, s'il ne feroit rien autre chose que le jardin et des nattes ou stolles: Rien autre, eust-il respondu.

  A010000559 

 Qu'il y a peu de gens qui comprennent bien en quoy elle consiste! Vous verrez des jeunes filles qui ne font que de naistre à la devotion, et encores des hommes (mais ne parlons pas de ceux cy, ne parlons pour maintenant que des filles, puisque c'est à des filles que je m'addresse); l'on en verra donc qui ne font que commencer à prier et suivre Nostre Seigneur, lesquelles demandent et veulent ja avoir des gousts et consolations, et ne peuvent point perseverer en la priere qu'à force de douceurs et de suavités.

  A010000560 

 Mais je ne veux pas m'arrester icy; pour moy je tiens cette derniere opinion, et que quand les Apostres dirent: Seigneur, congediez-la, ou bien, renvoyez cette fermme, car elle ne fait que crier apres nous, ils vouloyent signifier apres vous, car c'estoit bien crier apres eux que de crier apres leur Maistre..

  A010000561 

 Et la ferons-nous chaque jour, n'en ferons-nous point d'autre? Non, je ne dis pas cela; mais Dieu ne vous en enjoint point d'autre.

  A010000561 

 Je sçay bien que ce mal l'ait de diversifier ses oraisons et meditations, car l'Eglise mesme nous l'enseigne en la varieté de ces Offices; mais outre ces prieres là, vous en ferez une quotidienne, laquelle il faut reciter non seulement apres Laudes, Prime et Vespres, ains souventefois le jour.

  A010000563 

 N'est-ce pas un martyre, je vous prie, d'aller tousjours habillé d'une mesme façon sans avoir la liberté de se chamarrer et decouper ses vestemens comme font les mondains? N'est-ce pas un martyre de manger tousjours à une mesme heure et quasi des mesmes mets, comme c'est une grande perseverance aux paysans de n'avoir [228] ordinairement pour leur nourriture que du pain, de l'eau et du fromage? Neanmoins ils n'en meurent pas plus tost, sins se portent mieux que ces delicats auxquels l'on ne sçait quelle viande est propre.

  A010000565 

 Hé donques, Seigneur, cette brebis icy n'est-elle pas de la mayson de vostre Pere? sera-t-elle perdue? N'estes-vous pas venu pour tout le monde, pour le peuple Juif et pour le Gentil? C'est une chose toute claire que Nostre Seigneur estoit venu pour tout le monde; cela est tout notoire en la Sainte Escriture.

  A010000566 

 Et cette femme entendant Nostre Seigneur n'en entra point en impatience, elle ne s'en attrista ni offença point, mais se prosternant a ses pieds elle respondit: Il est vray, je suis une chienne, je le vous confesse; mais je vous prens au mot, car les chiens suivent leurs maistres et se nourrissent des miettes qui tombent sous leur table..

  A010000566 

 Mais comme est-ce donques que se doit entendre que Nostre Seigneur est venu pour les Gentils aussi bien que pour les Juifs? Voyez-vous, c'est que, comme il estoit venu pour marcher sur ses propres pieds parmi les enfans d'Israël, il devoit marcher sur les pieds de ses Apostres parmi les Gentils; il devoit guerir leurs malades non de ses propres mains mais par celles des Apostres, leur prescher sa doctrine mais par la bouche de ses Apostres, retrouver la brebis esgarée mais par le moyen et le labeur de ses Apostres.

  A010000567 

 Ils l'advoueront tant que l'on voudra, mais gardez vous bien de le leur dire, car ils s'en offenceront.

  A010000588 

 Le discours que nous devons faire aujourd'huy, selon nostre Evangile, estant de la felicité eternelle, il faut avant toute autre chose que je vous represente une similitude.

  A010000588 

 Saint Gregoire le Grand, ayant à traitter en ses Dialogues des choses merveilleuses de l'autre monde, dit: Imaginez-vous, de grace, de voir une femme laquelle estant enceinte est mise en prison, où elle demeure jusques [233] à son accouchement, voire mesme elle y accouche; apres quoy elle est condamnée d'y passer le reste de ses jours et d'y eslever son enfant.

  A010000591 

 Ayant desja presché plusieurs fois, et mesme en ce lieu sur l'Evangile d'aujourd'huy et sur ce sujet, j'ay pensé que je devois traitter d'un point duquel je ne vous eusse pas encor parlé.

  A010000591 

 Mais avant que de le vous proposer il est necessaire que je leve de vos esprits quelques dificultés qui vous pourroyent empescher de bien entendre ce que je diray par apres; et je le fais d'autant plus volontiers que je desire que ce point soit bien masché, consideré compris..

  A010000592 

 Et que cela ne soit, je vous presente l'histoire de saint Augustin, qui n'est pas un autheur auquel il ne faille adjouster foy.

  A010000596 

 Et si bien il est escrit que Nostre Seigneur enivrera ses bien-aymés, disant: Beuvez, mes amis, et vous enivre mes tres chers, cet enivrement ne rendra pas l'ame moins capable de voir, considerer, entendre et faire ses divers mouvemens, ainsy que nous l'avons declaré, selon que l'amour de son Bien-Aymé luy suggerera; ains cela l'excitera tousjours davantage à redoubler ses mouvemens et eslans amoureux, comme estant tousjours plus enflammée de nouvelles ardeurs..

  A010000599 

 Je ne veux pas, mes cheres Sœurs, vous entretenir de la felicité que les Bienheureux ont en la claire veuë de la face de Dieu, qu'ils voyent et verront sans fin en son essence, car cela regarde la felicité essentielle, et je n'en veux pas traitter, sinon que j'en dise quelques mots sur la fin.

  A010000600 

 Mais, mes cheres Sœurs, il faut que vous sçachiez que tous les Bienheureux se connoistront les uns les autres, un chacun par leur nom, ainsy que nous l'entendrons mieux par le recit de l'Evangile, lequel nous fait voir nostre divin Maistre sur le mont de Thabor, accompagné de saint Pierre, saint Jacques et saint Jean.

  A010000604 

 Nostre glorieux pere saint Augustin (je me plais à parler de luy car je sçay que le souvenir vous en est fort aggreable) faisoit un jour un souhait de voir Rome triomphante, le glorieux saint Paul preschant et Nostre Seigneur allant parmi le peuple, guerissant les malades et faisant des miracles.

  A010000604 

 O mes cheres ames, quel bonheur à ce Saint de contempler la Hierusalem celeste en son triomphe, le grand Apostre (je ne dis pas grand de corps, car il estoit petit, rnais grand en eloquence et en sainteté) preschant et entonnant ces louanges qu'il donnera eternellement à la [241] divine Majesté en la gloire! Mais quel exces de consolation pour saint Augustin de voir Nostre Seigneur operer le miracle perpetuel de la felicité des Bienheureux que sa mort nous a acquise! Imaginez-vous, de grace, le divin entretien que ces deux Saints auront l'un avec l'autre, saint Paul disant à saint Augustin: Mon cher frere, ne vous resouvenez-vous point qu'en lisant mon Epistre vous fustes touché d'une inspiration qui vous sollicitoit de vous convertir, inspiration que j'avois obtenue de la divine misericorde de nostre bon Dieu par la priere que je faisois pour vous à mesme temps que vous lisiez ce que j'avois escrit? Cela, mes cheres Sœurs, ne causera-t-il pas une douceur admirable au cœur de nostre saint Pere?.

  A010000605 

 Faites derechef une imagination, je vous prie.

  A010000605 

 Supposez que Nostre Dame, sainte Magdeleine, sainte Marthe, saint Estienne et les Apostres fussent veus l'espace d'un an, comme pour un grand jubilé, en Hierusalem: quel d'entre nous autres, je vous supplie, voudroit demeurer icy? Pour moy je pense que nous nous embarquerions tous et nous mettrions au peril de tous les hazards qu'encourent ceux qui vont d'icy là, pour avoir cette grace de voir nostre glorieuse Mere et Maistresse, Magdeleine, Marie Salomé et les autres qui s'y trouveroyent, puisque nos pelerins s'exposent bien à tant de dangers pour aller seulement reverer les lieux où ces saintes personnes ont posé leurs pieds.

  A010000606 

 Mais, me pourriez-vous demander, s'il est ainsy que vous dites que nous nous entretiendrons avec tous ceux qui sont en la Hierusalem celeste, qu'est-ce que nous dirons? De quoy parlerons-nous? Quel sera le sujet de nostre entretien? O Dieu, mes cheres Soeurs, quel sujet! Celuy des misericordes que le Seigneur nous a faites icy bas, par lesquelles il nous a rendus capables d'entrer en la jouissance d'un bonheur tel que seul il nous suffit.

  A010000607 

 Passons plus outre, je vous prie, et disons un peu quelques mots de l'honneur et de la grace que nous aurons de converser mesme avec Nostre Seigneur humanisé.

  A010000607 

 Que ferons-nous, cheres ames, que deviendrons-nous, je vous prie, quand à travers la playe sacrée de son costé nous appercevrons ce [243] cœur tres adorable et tres aymable de nostre Maistre, tout ardent de l'amour qu'il nous porte, cœur auquel nous verrons tous nos noms escrits en lettres d'amour? Est-il possible, dirons-nous, o mon cher Sauveur, que vous m'ayez tant aymé que d'avoir gravé mon nom en vostre cœur! Cela est pourtant veritable.

  A010000608 

 Que ne devrions-nous donques pas faire ou souffrir pour jouir de ces suavités indiciblement aggreables! Cette verité nous est monstrée en l'Evangile d'aujourd'huy; car ne voyez-vous pas que Nostre Seigneur estant transfiguré, Moyse et Elie luy parlent et s'entretiennent tout familierement avec luy?.

  A010000610 

 Representez-vous tous ceux qui se peuvent prononcer pour attendrir un cœur et les noms les plus affectionnés qui se puissent ouyr, et puis dites en fin que ce n'est rien au prix de celuy que Dieu donnera à un chacun là haut au Ciel.

  A010000610 

 Supposez qu'il vous dira: Tu es ma bien-aymée, tu es la bien-aymée de mon Bien-Aymé, c'est pourquoy tu seras cherement aymée de moy; tu es la bien choisie de mon bien choisi qui est mon Fils.

  A010000617 

 Mais parce qu'une telle façon de parler mange beaucoup de temps, je ne m'y arresteray gueres pour vous entretenir principalement de la vocation de saint Mathias..

  A010000625 

 Tenez-vous bien à l'arbre de vostre profession chacun selon vostre vocation; mais ne laissez pas de cheminer craintifs et comme à taston tout le temps de vostre vie, de peur que voulant marcher avec trop [252] d'asseurance et de hardiesse vous ne tombiez dans les ruines du peché.

  A010000627 

 C'est à telles sortes de gens que le Prophete dit à l'oreille: O fols que vous estes, croyez-vous que le monde ne soit fait que pour vous? Comme s'il disoit: O miserables, que faites-vous? Pensez-vous tousjours demeurer en la terre, ou n'y estre que pour amasser des biens temporels? O certes, vous n'estes point creés pour cela..

  A010000627 

 Pour bien entendre cecy il faut que vous sçachiez qu'il y a deux sortes d'avarice: l'une est temporelle, et c'est celle par laquelle on a une avidité d'acquerir les biens, les honneurs et commodités de cette vie; d'où vient que l'on en voit tant dans le monde qui ne pensent et semblent n'avoir autre chose à faire icy bas qu'à amasser des richesses et à mettre mayson sur mayson, pré sur pré, champ sur champ, vigne sur vigne, tresor sur tresor.

  A010000635 

 Le Sauveur mesme le tesmoigne en la cene, parlant de luy, quoy que courtement: Un d'entre vous me trahira.

  A010000636 

 Si vous [258] dites qu'il est larron il ne s'en pique pas; si qu'il est desbauché il ne s'en soucie point et ne fait que s'en rire; mais si vous dites qu'il est poltron il s'en offensera et ne l'endurera pas, sçachant bien que c'est la plus grande injure qu'on luy puisse faire, d'autant que la poltronnerie est tout à fait contraire à sa profession.

  A010000638 

 O Dieu, que c'est une chose redoutable que le peché, pour petit et leger qu'il puisse estre! C'est ce qui faisoit dire à ce grand saint Bernard: Marchez tousjours et gardez de vous arrester; allez tousjours plus avant, car il est impossible de demeurer en un mesme estat en cette vie; celuy qui n'avance pas, il faut de necessité qu'il recule.

  A010000638 

 Quelques anciens Peres disent que cela peut arriver pour avoir rejetté un advertissement, une inspiration; car quoy que ce rejet ne soit qu'un peché veniel qui ne nous oste pas la grace, neanmoins il en empesche le cours, la ferveur s'amoindrit, on s'affoiblit contre les vices; si qu'aujourd'huy que vous manquez à la grace luy refusant vostre consentement et commettant ce peché veniel, vous vous disposez à en commettre bien tost un autre, et par la multitude des veniels à tomber petit à petit dans les mortels, et par iceux à perdre la grace.

  A010000639 

 Hé bien, la grace de Dieu vous manque-t-elle pour mortifier cette inclination que vous avez à rire? Mettez la main bien avant dans le cœur où sont ces passions de la joye, de la tristesse, de la vanité ou de la colere, travaillez avec le secours de Dieu, et vous les rangerez toutes à la rayson.

  A010000639 

 Mais j'ay tant de mauvaises inclinations! Et quel est celuy qui n'en a pas? N'avez-vous pas la grace divine pour les combattre? Il y en a d'autres qui s'excusent sur leur naturel: Hé, disent-ils, nous ne sçaurions jamais rien faire qui vaille, nous avons un si mauvais naturel.

  A010000639 

 Or sus, il faut travailler pour vous en desfaire.

  A010000641 

 Lors saint Pierre dit, parlant aux disciples: Il nous faut choisir un d'entre vous pour mettre en l'apostolat à la place de Judas qui l'a quitté et s'est fait apostat..

  A010000642 

 Il y a un grand danger que delaissant la place que vous aviez en la Religion, vous ne perdiez par consequent celle qui vous estoit preparée au Ciel, et que, comme Judas, vous ne l'ayez dans les enfers.

  A010000642 

 Pour ce, tenez bien ce que vous avez et gardez qu'une autre ne l'emporte; conservez vostre vocation et prenez garde qu'une autre ne vous l'oste.

  A010000642 

 Si vous quittez la Religion, la Religion ne manquera pas pour cela, car la Providence divine en envoyera une autre pour occuper vostre place; mais si vous la quittez, où irez-vous? Je ne sçay.

  A010000642 

 Veillez continuellement sur vos exercices, observez soigneusement vostre maniee de vivre, servez fidellement Dieu en cette vocation, de peur qu'elle ne vous eschappe; car si vous la perdez elle ne se perdra pas pour cela, mais une autre vous succedera et en heritera..

  A010000660 

 Comme s'il disoit: De mesme que Dieu, nostre Pere tout bon, nous a aymés si cherement qu'il nous a tous adoptés pour ses enfans, ainsy monstrez que vous estes vrayement ses enfans en vous aymant cherement les uns les autres en toute bonté de cœur..

  A010000661 

 Aymez-vous les uns les autres comme Jesus Christ nous a aymés, non pour aucun merite qui fust en nous, ains seulement parce qu'il nous a creés à son image et semblance.

  A010000664 

 Que veux-je dire par là, sinon que le commandement de l'amour de Dieu et celuy de l'amour du prochain se ressemblent autant que ces deux jouvenceaux dont Pline parle, quoy qu'ils soyent de païs extremement lointains; [269] car quel esloignement y a-t-il, je vous prie, entre l'infini et le fini, entre l'amour divin qui regarde un Dieu immortel et l'amour du prochain qui regarde l'homme mortel, entre l'un qui regarde le Ciel et l'autre, la terre? Cette divine ressemblance est donques d'autant plus admirable.

  A010000666 

 Cela estant donques ainsy, voyons un peu, je vous prie, en quels termes Nostre Seigneur nous a recommandé l'amour du prochain, sur lequel point j'establis ces considerations.

  A010000666 

 Je vous donne, dit-il parlant à ses Apostres, un commandement nouveau, qui est que vous vous aymiez les uns les autres.

  A010000670 

 Aussi, avant de renouveller ce commandement de l'amour du prochain, il nous a aymés et monstré par son exemple comment nous le devions prattiquer à fin que nous ne nous en excusassions point comme si c'estoit une chose impossible; il s'est donné au tres saint Sacrement, puis il nous a dit: Aymez-vous les uns les autres comme je vous ay aymés.

  A010000672 

 Se faut-il donques estonner si ce Bien-Aymé de nos ames veut que nous nous aymions comme il nous a aymés, puisqu'il nous a tellement restablis en cette parfaitte ressemblance que nous avions avec luy qu'il semble qu'il n'y ayt plus aucune difference? Certes, nul ne peut douter que l'image de Dieu qui estoit en nous avant l'Incarnation du Sauveur ne fust grandement distante de la vraye ressemblance de Celuy que nous representions et duquel nous estions les portraits; car quelle proportion y a-t-il, je vous prie, entre Dieu et la creature? Les couleurs de ce portrait estoyent infiniment blasfardes et decolorées; il n'y avoit simplement que quelques traits, quelques petits lineamens, ainsy que l'on voit en un portrait ou en un tableau qui est seulement esbauché, et où les couleurs n'estans encores posées, on n'y remarque qu'un air bien petit et bien mince de celuy qu'il represente.

  A010000673 

 Or dites-moy donques, l'amour cordial que nous nous devons porter les uns aux autres quel doit-il estre, puisque Nostre Seigneur nous a tous esgalement reparés et faits semblables à luy sans en exclure aucun? On doit neanmoins tousjours se resouvenir qu'il ne faut pas aymer au prochain ce qui est contraire à cette divine ressemblance ou qui peut ternir ce portrait sacré; mais hors de là, ne devrions-nous pas, mes cheres ames, aymer cherement celuy qui nous represente si au vif la personne sacrée de nostre Maistre? N'est-ce pas un des plus pregnans motifs que nous sçaurions avoir pour nous aymer d'un amour extremement ardent? Hé, quand nous voyons nostre prochain ne devrions-nous pas faire comme le bon Raguel quand il vit le jeune Tobie? Celuy-cy, estant allé en Rages par le commandement de son pere, fit rencontre de ce bon homme Raguel, lequel le regardant: Hé, dit-il à sa femme, mon Dieu, que ce jeune homme me represente bien nostre cousin Tobie! Sur quoy il luy demanda d'où il estoit et s'il ne connoissoit point Tobie; à quoy l'Ange qui le conduisoit respondit: Celuy cy à qui vous parlez est son fils; je vous laisse à penser si nous le connoissons! Lors le bon Raguel, tout transporté d'ayse, l'embrassa, et le caressant et baysant fort tendrement: O mon enfant, s'escria-t-il, que tu es fils d'un bon pere et que tu ressembles à un grand homme de bien! Puis il le receut en sa mayson et le traitta merveilleusement bien selon l'affection qu'il portoit à son cousin Tobie..

  A010000674 

 Hé donques, n'en devrions-nous pas faire de mesme quand nous nous rencontrons les uns les autres? Oh, devrions-nous dire à nostre frere, que vous ressemblez à un grand homme de bien, car vous me representez mon [274] Sauveur et mon Maistre! Et sur l'asseurance qu'il nous donne ou que nous nous donnerions les uns aux autres que nous reconnoissons tres bien la ressemblance du Createur et que nous sommes ses enfans, quelles tendres caresses ne devrions-nous pas nous faire! Mais pour mieux dire, combien devrions-nous recevoir amoureusement le prochain, honnorant en luy cette divine ressemblance, renouant tousjours de nouveau ces doux liens de charité qui nous tiennent liés, serrés et conjoints les uns aux autres.

  A010000677 

 Et en l'une de ses Epistres, parlant à ses enfans tres chers, il escrit: Je suis prest à donner ma vie pour vous et à m'employer si absolument que je ne veux faire aucune reserve à fin de vous tesmoigner combien je vous ayme cherement et tendrement; ouy mesme je suis prest à laisser faire par vous ou pour vous tout ce que l'on voudra de moy.

  A010000677 

 Je l'ayme tellement, je vous asseure, que j'employerois volontiers ma personne mesme pour luy et en tout ce qu'il desireroit de moy.

  A010000680 

 Aymez-vous donques les uns les autres, dit saint Paul, comme Nostre Seigneur nous a aymés.

  A010000681 

 O Bonté incomparable, que vous estes digne d'estre aymée et adorée!.

  A010000693 

 Aussi verroit-on par là que, bien qu'il n'eust pas tous-jours gardé le celibat, neanmoins il y estoit lors qu'il se mit à la suite du Sauveur, ce qu'il monstra par ces parolles qu'il luy addressa: Nous avons tout quitté pour vous suivre; quelle recompense nous donnerez-vous? Nous avons tout quitté: il ne dit pas en partie, mais tout, sans reserve d'aucune chose; et puisque nous avons tout quitté, quelle sera la recompense que nous recevrons de vous? Or, il n'eust peu parler de la sorte s'il eust eu une femme..

  A010000698 

 Neanmoins, d'autant que les vertus que prattiqua cette femme sont en tres grand nombre, je ne vous en marqueray que trois sur lesquelles je diray quelque chose.

  A010000704 

 Comme elle est tranquille et paisible! Voyez-vous, elle avoit une grande fievre qui la retenoit dans le lit et la travailloit grandement, d'autant que c'est le propre de cette maladie; neanmoins elle demeure sans aucune inquietude et sans en donner à ceux qui estoyent aupres d'elle; car l'Evangeliste n'en fait aucune mention, ains dit seulement qu'elle estoit dans son lit avec la fievre.

  A010000710 

 Cecy est bien considerable; car si ce saint Pere leur eust mandé qu'il leur parloit selon son sentiment, il n'eust pas esté si austere; mais non: Je ne vous parle point, asseure-t-il, selon mon sentiment, «mais en ce que je vous dis, il me semble que j'ay l'Esprit de Dieu.».

  A010000710 

 Saint Bernard paroist bien austere en cecy, mais il l'est encores davantage en ce qu'il leur escrit par apres en la mesme epistre: Que s'il vous semble que je sois trop rigoureux, je vous diray qu'en ce que je vous dis, j'ay l'Esprit de Dieu et que c'est avec iceluy que je vous parle.

  A010000711 

 Ailleurs il respond à l'objection de ceux qui luy pouvoyent repliquer que l'Apostre saint Paul, qui avoit pourtant l'Esprit de Dieu, commandoit à son disciple Timothée de boire du vin quand il luy escrivoit en cette sorte: Mon cher fils et tres aymé frere, nous vous ordonnons de laisser de boire de l'eau et de vous servir d'un peu de vin pour fortifier vostre estomach qui est affoibli par l'eau que vous avez beu.

  A010000711 

 Si vous m'objectez, dit saint Bernard, que l'Apostre enjoignit l'usage du vin à Timothée, je vous respondray qu'il sçavoit bien que Timothée estoit Timothée; «donnez-moy donc un Timothée en ce temps cy, et nous luy permettrons» le vin, voire nous luy en ordonnerons l'usage, et non seulement du vin, mais encores «de l'or potable» s'il en est besoin.

  A010000712 

 Mais comme il permet le peché, il envoye les infirmités pour nous chastier et purifier d'iceluy; alors il se faut sousmettre à sa justice et à sa misericorde, et nous tenir dans un humble silence qui nous fasse tranquillement embrasser les evenemens de sa providence, comme faisoit David, lequel disoit dans ses afflictions: J'ay souffert et me suis teu, parce que je sçay que c'est vous qui me les avez envoyées pour me chastier et me purger de mon iniquité..

  A010000713 

 Nostre febricitante en faisoit de mesme: Vous m'avez envoyé la fievre, et je l'ay receuë, et me suis sousmise à vostre justice et à vostre misericorde.

  A010000713 

 Or, comme vous me l'avez envoyée, aussi me la pouvez-vous oster sans que je vous le demande; vous sçavez bien mieux que moy ce qu'il me faut, je n'ay point besoin de m'en mettre en peine; il me suffit que vous me regardiez et que vous sçachiez que je suis malade dans mon lit.

  A010000721 

 Imaginez-vous aussi ce que faisoyent de leur costé les Apostres qui avoyent veu ce miracle, et apprenez comment on se doit comporter aux maladies corporelles et le profit que l'on en doit tirer..

  A010000721 

 Or, si vous voulez, faites à cette heure agir l'imagination et regardez combien cette femme servoit son cher Maistre avec amour, joye et allegresse; comme elle le regardoit, comme son cœur s'embrasoit de son amour et combien d'actes elle en faisoit; combien de benedicite elle avoit en la bouche, louant Celuy qui luy avoit fait tant de bien.

  A010000744 

 Ayez patience, peut-on dire à ces bonnes gens, quittez un peu le soin de vous mesme et n'ayez pas peur que rien vous manque; car si vous vous confiez en Dieu il aura soin de vous et de tout ce qui sera requis à vostre perfection.

  A010000744 

 Considerez, je vous prie, ces troupes qui suivent nostre cher Maistre jusques sur la montagne: avec quelle paix et quelle tranquillité d'esprit elles vont apres luy! Pas un ne murmure ni ne se plaint, bien qu'il sembloit qu'ils deussent exhaler l'ame à force de langueur et de faim.

  A010000745 

 Hé, ne voyez-vous pas que les oyseaux, lesquels ne moissonnent ni ne recueillent, et qui ne servent à rien qu'à recreer l'homme par leur chant, ne laissent pas pourtant d'estre nourris et sustentés par l'ordre de cette divine providence? Vous sçavez que l'on tient de deux sortes d'animaux dans les maysons: les uns pour l'utilité, et les autres pour le simple playsir que l'on en tire.

  A010000748 

 Mais au contraire, mettez Elie pres du torrent de Carith ou bien dans le desert de Bersabèe, et vous verrez que là Dieu le sustente, en un lieu par l'entremise des Anges, et en l'autre par celle d'un corbeau qui luy apporte tous les jours des pains et de la chair pour son entretien..

  A010000749 

 Il semble que le Sauveur, tout amoureux des cœurs de ces bonnes gens, qui estoyent environ cinq mille, disoit à part luy: Vous n'avez nul soin de vous, mais je le prendray moy mesme.

  A010000752 

 Chose estrange que de l'esprit humain: cela n'est rien! Et que voudriez-vous donques de plus? que Dieu vous envoyast un Ange pour vous consoler? O il ne le fera pas; vous n'avez pas cneores jeusné trois jours et trois nuits pour le suivre sur la montagne de la perfection, pour à laquelle parvenir il faut que vous vous oubliiez vous mesme, laissant à Dieu le soin de vous consoler ainsy que bon luy semblera, ne vous mettant en peine ni en soucy d'autre chose que d'aller apres luy en escoutant sa parole comme ce bon peuple..

  A010000760 

 Quant à moy je vous diray ma pensée sur la question que je m'en vay vous faire: à sçavoir mon, lequel vous aymeriez mieux, ou d'estre nourries d'un peu de pain cuit sous la cendre avec le Prophete Elie dans le desert de Bersabée, ou bien avec le mesme Prophete, des pains et de la chair qu'il reçoit du bec d' un corbeau pres du torrent de Carith? Je ne puis sçavoir vostre pensée, mais quant à moy je vous diray bien franchement que j'aymerois mieux de la main de l'Ange le pain cuit sous la cendre, que non pas le pain, pour blanc qu'il fust, ni de la chair m'estant apportés au bec d' un corbeau, qui est un oyseau infect et puant.

  A010000777 

 Au jour du jugement, ou un peu devant iceluy, l'Archange viendra, qui par le commandement de Dieu dira: «Levez-vous, morts, venez au jugement.» Et à cette voix tous les morts ressusciteront pour estre jugés.

  A010000777 

 Et pourquoy l'Archange addresse-t-il ses paroles à ces cadavres tout reduits en cendre et poussiere? Ne sçait-il pas que les morts n'entendent rien? et s'il le sçait, pourquoy donc leur commandet-il ainsy: «Levez-vous, morts?» Comme se leveront-ils, puisqu'ils n'ont point de vie? Neanmoins c'est bien à ces carcasses mortes que l'Archange parle, et cette parole estant proferée par le commandement de Dieu, est tellement puissante et efficace qu'elle donne la vie à ceux qui ne l'ont pas; en disant elle opere ce qu'elle dit, et de ce qui n'est pas elle en fait ce qui est, si que ces morts qui estoyent reduits en cendre se leveront en corps et en ame, vrayement vivans, c'est à sçavoir ressuscités, tout ainsy que Nostre Seigneur ressuscita de soy mesme et par sa propre vertu au troisiesme jour..

  A010000779 

 Je ne vous dis pas quelles elles sont, car vous pensez bien qu'elles traittent de la mort..

  A010000781 

 Et comme le disoyent-ils, puisque les plus courageux et sçavans philosophes d'entre eux, estans sur un basteau, sont demeurés tout pasles et transis voyant les flots et tourmentes de la mer qui les menaçoyent d'une mort prochaine? C'est ce que raconte saint Augustin, adjoustant les paroles que respondit l'un d'eux en cette occurrence: Vous autres estes des canailles et gens qui n'avez point de cœur et point d'ame à perdre, car vous les avez ja perdus; mais moy, dit-il, je redoute la mort parce que j'ay une ame et que je crains de la perdre.

  A010000781 

 Pour vous faire entendre cecy, je passe à mon second point..

  A010000785 

 Je vous proposeray neanmoins l'exemple de deux Saints qui ont eu ce privilege.

  A010000786 

 Neanmoins j'ay cet autre desir, de ne point mourir qu'il ne luy plaise, et par consequent de demeurer avec vous tant qu'il luy plaira et qu'il connoistra que ma presence vous sera necessaire.

  A010000786 

 Notez cependant que par son autre souhait il marque cette condition, à sçavoir, si c'estoit la volonté de Dieu; car, dit-il, je suis retenu d'un autre desir, qui est de demeurer parmi vous, mes tres chers enfans, parce que j'ay esté envoyé pour vous enseigner et instruire; de sorte que pendant que ma presence vous sera tant soit peu necessaire je suis pressé de ne me point separer de vous et de me priver du contentement incomparable et inexplicable que j'attens apres la mort, plustost que de vous quitter, sçachant que je vous puis estre encores utile et qu'il y a tant soit peu du bon playsir de mon Maistre.

  A010000787 

 Mais quand vous seriez asseurés d'aller en Paradis il ne la faudroit pas desirer ni demander pour estre delivrés des miseres de ce monde, ni sans cette condition de la volonté de Dieu.

  A010000787 

 Ouy, et sçavez-vous bien si estant delivrées des travaux de cette vie vous arriverez au repos de l'autre? O non certes.

  A010000788 

 Considerez ces paroles, je vous prie: Que le jour perisse auquel je suis né, et celles qui s'ensuivent, lesquelles l'auroyent rendu [320] coulpable si Dieu n'eust pris en main sa cause, et asseuré qu'il ne pecha point en tout le temps qu'il fut reduit sur le fumier, affligé en toutes les façons qui se peuvent imaginer..

  A010000791 

 Je vous veux monstrer cecy par un exemple qui se trouve en l'Evangile.

  A010000791 

 Lors que la Sainte Vierge, aux noces de Cana en Galilée, dit à Nostre Seigneur avec [321] tant d'humilité et charité que le vin estoit failli, il la rejetta, luy respondant: Femme, qu'y a-t-il entre vous et moy? Pourquoy vous meslez-vous de cela, qu'en ay-je à faire? et telles autres choses que pouvoit signifier la responce qu'il fit à sa Mere, responce qui semble bien rude et rigoureuse à ceux qui n'entendent pas le langage de l'amour.

  A010000792 

 Comme si elle eust voulu signifier: Si vous avez prins garde à la responce de mon Fils, vous penserez peut estre qu'elle est bien severe et qu'il veut m'esconduire; mais il n'en est pas ainsy, ains j'ay conneu par icelle qu'il veut faire tout ce que je voudray; pour ce, faites tout ce qu'il vous dira et ne craignez rien, car je suis asseurée qu'il m'exaucera.

  A010000792 

 De plus, ces paroles qui en apparence semblent estre rudes, sont les plus douces et obligeantes qu'un cœur amoureux puisse dire à une ame amoureuse; et pour ce, je vous repete encores, faites seulement tout ce qu'il vous dira..

  A010000792 

 Elle ne s'estonna donques point de ces paroles par lesquelles il paroissoit l'esconduire de sa demande, ains elle creut qu'il feroit tout ce qu'elle desiroit, et, pleine de confiance, elle donna cet ordre aux serviteurs: Faites tout ce qu'il vous dira.

  A010000797 

 Il est vray que mesme en vivant bien vous craindrez la mort, mais vostre crainte sera toute douce et tranquille, appuyée sur les merites de la Passion de Nostre Seigneur, sans laquelle certes la mort seroit effroyable et redoutable.

  A010000800 

 A ce propos je vous raconteray deux petites histoires que je ne dirois pas si j'estois en une autre chaire; mais en ce lieu il n'y a point de danger.

  A010000811 

 de Dieu; c'est pourquoy vous.

  A010000812 

 ne les escoutez pas, parce que vous.

  A010000817 

 C'est ce que Nostre Seigneur nous apprend en l'Evangile que la sainte Eglise nous propose aujourd'huy, où il est fait mention d'un reproche qu'il addressoit aux scribes et pharisiens dequoy ils ne recevoyent pas ses paroles, reproche par lequel il jette toute la faute sur eux, disant: Pourquoy ne croyez-vous pas à la verité que je vous enseigne? Il s'estonne grandement de cela, comme s'il eust voulu dire: Vous n'avez nulle excuse, [328] car qui d'entre vous m'arguera de peché? Pourquoy donques ne me croyez-vous pas, puisque ce que je vous dis est la verité mesme? Moy ne pouvant errer, il faut indubitablement que vostre meschanceté en soit la cause, car le defaut n'est point en moy ni en la parole que je vous enseigne..

  A010000821 

 Pour confirmation de mon dire, je vous raconteray volontiers un bel exemple qui se trouve en la Vie du grand saint Ephrem; je dis grand non seulement parce qu'il fut diacre de deux illustres Docteurs de l'Eglise, mais aussi parce qu'il fut grand Docteur luy mesme, ayant escrit des choses infiniment belles qui causent une merveilleuse suavité à ceux qui les lisent.

  A010000822 

 Estant parvenu à Edesse il fit rencontre d'une femme desbauchée, rencontre qui luy causa une si grande fascherie qu'il dit en soy mesme: Mon Dieu, je vous avois prié de me faire trouver quelqu'un qui m'enseignast ce que vostre bon playsir requiert de moy, et cependant j'ay rencontré cette miserable.

  A010000826 

 C'est pourquoy Nostre Seigneur en l'Evangile d'aujourd'huy, demande aux scribes et aux pharisiens: Qui d'entre vous m'arguera de peché? Vous dites que je suis un samaritain, que je bois et mange avec les publicains, [332] que je suis un buveur de vin, que je defends de payer le tribut à Cesar, que je n'observe pas le sabbat; vous me mettez ainsy à sus plusieurs calomnies et impostures, mais respondez-moy, qui est celuy d'entre vous autres qui me reprendra de pechè? Pourquoy donques ne me croyez-vous pas? Il faut sans doute que le mal soit tout en vous, car il n'y en peut avoir en moy..

  A010000828 

 Apres il adjouste: Si je vous presche la verité, pourquoy ne l'embrassez-vous pas? Comme s'il eust dit: Puisque je suis sans peché vous devez croire que je vous enseigne la verité et que je ne me puis tromper.

  A010000828 

 Cela estant donques ainsy, Nostre Seigneur disoit tres justement aux Juifs: Qui d'entre vous me peut accuser de peché? et sur ce il entroit en un grand estonnement de quoy ils ne croyoyent pas à ses paroles et ne suivoyent pas sa doctrine, veu que sa vie estoit irreprochable.

  A010000830 

 C'est donques pour nous autres qu'il a esté rempli de ces dons; c'est pourquoy il se peinoit tant pour les faire recevoir aux scribes et aux pharisiens, et se courrouçant, Pourquoy, disoit-il, ne voulez-vous pas croire en mes paroles? elles ne sont point vaines, ains tres veritables..

  A010000832 

 Car le malin esprit trouvant Eve qui, au lieu de considerer les grandes graces qu'ils avoyent receuës, se promenoit oysifve dans le paradis terrestre, il luy proposa de quitter la meditation de cette verité: Si vous mangez du fruit defendu vous mourrez.

  A010000832 

 Non, ne pensez pas tant à la mort, car cela vous rendra melancholiques, c'est un sujet ennuyeux.

  A010000832 

 Quelle plus grande verité que celle-cy, puisque Dieu mesme avoit proferé cette sentence? Mais cet ancien serpent commençant à arraisonner la femme: Hé, dit-il, ou vouloit-il dire, ne soyez pas si exacts à prendre les paroles du Seigneur à la rigueur, vous ne mourrez point.

  A010000836 

 Pourquoy donc, nous pourroit-il demander [337] comme il faisoit aux Juifs, pourquoy ne me croyez-vous pas, puisque je vous enseigne la verité?.

  A010000837 

 Nous serons dignes d'une tres grande punition, si ayant sceu que nous avons esté si cherement aymés de nostre doux Sauveur, nous sommes si miserables que de ne pas l'aymer de tout nostre cœur et pouvoir, et de ne pas suivre de toutes nos forces et avec tout nostre soin les exemples qu'il nous a donnés en sa vie, en sa passion et en sa mort, car il nous addressera le mesme reproche qu'il fait en l'Evangile d'aujourd'huy: Si je vous ay enseignés, moy qui ne puis estre accusé de peché, moy dont la vie est irreprochable, moy qui vous ay presché la verité que j'ay apprise de mon Pere celeste, pourquoy donques ne me croyez-vous pas? Ou si vous croyez que je dis la verité, pourquoy ne la recevez-vous pas et ne demeurez-vous pas en icelle, ains vivez tout au contraire de ce qu'elle requiert de vous? Nous serons alors convaincus par sa divine Majesté, et il faudra qu'à nostre confusion nous confessions que le defaut vient de nostre costé et que c'est nostre malice qui en est la cause.

  A010000841 

 Mais avant que finir il faut que je leve une petite espine que vous pourriez ficher bien avant dans vostre pied si vous vouliez vous mettre promptement à marcher en l'observance des choses que je viens de deduire.

  A010000841 

 Vous me pourriez objecter: Mon Dieu, vous avez dit que pour bien recevoir la sainte parole et faire qu'elle ne retourne pas à nostre condamnation ains en tirer de l'utilité, il faut l'entendre avec attention, en esprit de devotion et reverence.

  A010000850 

 Mais quoy que la colombe soit employée ordinairement pour nous signifier la perfection, si est-ce que je trouve en la mesme l'ecriture que l'on s'en sert pour nous faire entendre la laideur du vice et du peché; car Dieu parlant au peuple d'Ephraïm luy dit: Vous avez erré et vous vous estes fourvoyé comme la colombe qui n'a point de cœur.

  A010000860 

 Un saint Pierre a esté brusque et actif, est-ce merveille que je le sois? Cela le portoit à faire souvent des fautes; et qu'est-ce si j'en fais de mesme? Hé Dieu, voyla pas de belles raysons? Mais quelle folie est celle cy! Ne voyez-vous pas que telle sorte de gens prennent de là occasion de nourrir leurs imperfections et croupir dans leurs mauvaises habitudes?.

  A010000863 

 Cette doctrine est toute contraire à celle du siecle; car quoy que Nostre Seigneur crie et recrie: Bienheureux sont les pauvres d'esprit, les pacifiques, les debonnaires, ceux qui ont faim et soif de justice, le monde, qui ne peut approuver cette sagesse, dit tous-jours: O que bienheureux sont les riches, les braves, ceux qui se vengent de leurs ennemis et que l'on n'oseroit offenser! Voyez-vous comme la perfection de la croix est une folie devant les sages du monde, car elle embrasse ce que la prudence humaine abhorre? Elle ayme la correction, s'y sousmet et se complaist de n'estre rencontrée que pour estre corrigée, et n'a point de plus grand playsir que d'estre reprinse et advertie de ses defauts et manquemens.

  A010000864 

 A ce propos, je ne me sçaurois empescher de vous dire une histoire fort aggreable, et j'auray bien tost fait.

  A010000866 

 D'autres disoyent: On a remarqué que vous estes vain et orgueilleux, vous vous plaisez de porter des moustaches relevées, vous regardez souvent si vostre barbe est bien peignée, en un mot l'on voit que vous estes vain à merveille.

  A010000866 

 L'on dit aux uns: Nous avons remarqué en vous que vous usez souvent de duplicité, vos paroles ne sont pas simples, vous ne faites pas vos actions avec sincerité.

  A010000866 

 Or, vous eussiez veu ceux-cy rougir, ceux-là paslir, les uns d'une façon, les autres d'une autre, selon les divers mouvemens avec lesquels ils recevoyent l'advertissement..

  A010000867 

 Le voicy donques qui, tenant le bonnet à la main, est prié en cette sorte par le Saint de luy declarer bien simplement ce qu'il sçavoit: O non, ne m'espargnez pas, je vous supplie, dites-moy bien mes verités, car je suis du tout disposé à vous entendre.

  A010000867 

 Monseigneur, dit-il, il y a fort long temps que l'on a observé qu'il y a en vous une grande indiscretion; et cecy n'a pas esté remarqué seulement par moy, mais par plusieurs autres qui vous ont estimé et tenu pour grandement inconsideré.

  A010000867 

 Saint Charles entendant cecy: Monsieur, dit-il ostant son chapeau, je vous remercie, il est vray qu'il en est ainsy; mais je vous prie de me specifier quelque chose de particulier, car cela est trop general; j'attens maintenant, s'il vous plaist, les particularités; parlez donques et ne m'espargnez point..

  A010000868 

 Ceux qui vous voyent s'en estonnent et disent: Voyez-vous nostre Archevesque qui dort? ne vaudroit-il pas mieux qu'il dormist la nuit sans venir le faire icy? Cela peut mesme fournir quelque desplaysir au predicateur et luy causer quelque distraction; c'est pourquoy il me semble que vous auriez besoin de vous amender de cette indiscretion et prendre la nuit pour dormir à fin de pouvoir veiller le jour.

  A010000868 

 Monseigneur, respondit l'autre, l'on tient que c'est en vous une grande indiscretion de ne pas dormir la nuit et de le faire le jour; car si vous estes à l'eglise pour ouyr la Messe ou les predications vous vous endormez.

  A010000868 

 Saint Charles, recevant cecy qui venoit de la prudence humaine, se sousrit en remerciant avec une grande affection; et, tesmoignant qu'il avoit ouy cet advertissement avec un cœur tout humble et doux, il respondit: Cela est tres veritable que je commets pour l'ordinaire cette indiscretion; mais je vous asseure, et il [352] est vray, que j'ay un corps si lourd et si pesant que quand bien j'aurois dormi neuf heures la nuit je ne laisserois encores de dormir le jour.

  A010000869 

 Or, comme je ne me souviens pas bien de ce que je vous ay autrefois entretenues sur le sujet de cette feste en laquelle Nostre Seigneur fait son entrée en Hierusalem, j'ay pensé de vous declarer les raysons qui l'esmeurent à choisir une asnesse et un asnon pour cette entrée royale.

  A010000871 

 Quand ils ont leurs chevaliers sur eux ils dressent les oreilles en telle sorte que vous diriez qu'ils veulent escouter ce que l'on dit d'eux.

  A010000876 

 Nostre Seigneur donques, ayant choisi l'asnesse pour sa monture, envoya deux de ses disciples en un petit village qui estoit là aupres, leur disant: Allez vous-en en ce village, desliez l'asnesse et l'asnon et me les ameneque si quelqu'un y trouve à reprendre dites luy que le Seigneur en a besoin.

  A010000876 

 Si vous me demandiez qui estoyent ces deux disciples je ne sçaurois que vous respondre, car les Evangelistes n'en disent rien; aussi, puisqu'ils ne les nomment pas je ne pourrais non plus les nommer.

  A010000877 

 Hé, ne pouvoyent-ils pas dire: Vous nous ordonnez de vous amener ces deux bestes; mais comment connoistrons-nous que ce sont celles que vous voulez? N'y a-t-il que celles-là? Nous les laissera-t-on bien prendre? et plusieurs autres semblables raysons que la prudence humaine leur pouvoit fournir.

  A010000878 

 J'ay desja dit cecy en ce lieu, et me resouviens tres bien de vous avoir donné l'exemple d'Eve qui apporta tant de difficultés sur la defense que le Seigneur avoit faite de manger du fruit de l'arbre de science.

  A010000879 

 C'est pourquoy prevoyant cela, il leur dit: Si quelqu'un vous veut empescher de les amener respondez-luy que le Seigneur en à besoin, et ils les laisseront aller.

  A010000880 

 Pourquoy jeusnez-vous, vous confessez-vous et communiez-vous si souvent? disent les sages du monde.

  A010000891 

 D'autant qu'il y a peu d'heures pour parler de la Passion par laquelle nous avons tous esté rachetés, je ne prendray pour sujet de ce que j'ay à vous dire que les paroles du tiltre que Pilate fit escrire sur la croix: Jesus Nazarenus, Rex Judœorum; Jesus de Nazareth, Roy des Juifs.

  A010000895 

 Vous sçavez, je m'asseure, toute l'histoire et comme cela arriva.

  A010000897 

 Remarquez, je vous prie, comme cecy nous figure bien la cause de la mort de Nostre Seigneur.

  A010000902 

 C'est dequoy se plaignoit le grand saint Augustin: O Seigneur, disoit-il, est-il possible que l'homme sçache que vous estes mort pour luy et qu'il ne vive pas pour vous? Et ce grand amoureux saint François: Ha! disoit-il en sanglotant, vous estes mort d'amour et personne ne vous ayme!.

  A010000903 

 O Dieu, que c'est une consideration de grande utilité et proffit que celle de la Croix et de la Passion! Est-il moyen, je vous prie, de contempler en icelle l'humilité de nostre Sauveur sans devenir humble et sans avoir de l'affection aux humiliations? Peut-on voir son obeissance sans estre obeissant? O non certes, nul n'a jamais regardé Nostre Seigneur crucifié, qui soit mort ou resté malade; comme au contraire, tous ceux qui sont morts, ç'a esté pour ne l'avoir pas voulu regarder, de mesine qu'entre les enfans d'Israël ceux là moururent qui n'avoyent pas voulu considerer le serpent que Moyse avoit fait dresser sur la colonne..

  A010000904 

 Certes, encor que son cœur eust esté chatouillé par les discours et raysons de cet esprit infernal et qu'en suite de cela elle n'eust fait que regarder ou toucher le fruit de l'arbre de science, voire qu'elle en eust cueilli et mesme presenté à Adam son mary, ils ne seroyent pas morts pour cela, car Dieu avoit seulement dit: Si vous en mangez vous mourrez.

  A010000911 

 Comme s'il vouloit dire: O pauvre peuple, vous m'aviez tellement fasché par vos vices et iniquités que j'avois resolu de vous perdre et abismer tous; mais voyci que je vous envoye mon Fils pour vous reconcilier avec moy, car tout mon playsir est à le regarder et considerer, et en ce regard je trouve tant de complaisance que je m'oublie de tous les desplaysirs que je reçois de vos pechés; escoutez-le donc.

  A010000911 

 Hé, veut-il dire, ne doutez point de sa doctrine, car il est la verité mesme, et pour ce escoutez-le bien; sa doctrine est toute divine, et si vous la prattiquez et suivez, elle vous conduira à la vie eternelle..

  A010000912 

 Mais que nous dira-t-il sur cette montagne? O certes, il ne vous dira rien icy, d'autant qu'il parle à son Pere celeste avec Moyse et Elie de l'exces qui devoit s'accomplir en Hierusalem.

  A010000912 

 Vous y verrez voirement la gloire de la Transfiguration, neanmoins on vous defendra de [368] rapporter ce que vous aurez veu; mais en la montagne du Calvaire vous ouyrez des plaintes, des souspirs, des prieres faites pour la remission de vos pechés; vous entendrez des paroles de grande doctrine et l'on ne vous defendra point de dire ce que vous y aurez veu, ains on vous ordonnera d'en parler et de n'en jamais perdre la memoire..

  A010000913 

 Il est tres certain que la pluspart du peuple connoissoit que nostre divin Maistre estoit innocent, de sorte que si bien il demanda qu'il fust crucifié ce fut à cause des princes des prestres; car vous sçavez que quand il se fait une sedition en quelque ville tout le menu peuple se range, soit à tort soit à droit, du costé de ceux qui gouvernent tout l'affaire.

  A010000915 

 Ce que je vous vay dire est la chose la plus admirable qui se puisse imaginer et la plus propre à fournir une comparaison pour monstrer que Nostre Seigneur est mort à cause de nos pechés; et pour moy je pense que quand je rencontray cecy à l'ouverture de ce livre ce fut une inspiration que Dieu m'envoyoit, du moins l'ay-je toujours creu ainsy..

  A010000915 

 Il faut, puisque je suis en ce lieu où je parle tousjours librement et franchement, que je vous die ce qui m'arriva un jour que je devois prescher la Passion de Jesus Christ en l'une des plus fameuses villes de France.

  A010000919 

 Pour vous dire un mot sur ces paroles, je prendray volontiers encores une demi heure, car aussi l'Office n'est pas achevé aux autres eglises.

  A010000923 

 Il estoit crucifié au milieu de deux larrons, meschans, traistres et voleurs, l'un desquels le blasphemoit; l'autre confessant son innocence luy dit: Ha, Seigneur, je reconnois bien que vous n'estes point coulpable, mais ouy bien moy qui merite pour mes pechés et crimes d'estre attaché à cette croix; et pour ce je vous prie d'avoir souvenance de moy quand vous serez en vostre Royaume..

  A010000924 

 Grand accident que celuy cy, lequel perça le cœur de Nostre Seigneur! Hé, pauvre saint Pierre, que faites-vous et que dites-vous? Vous ne sçavez quel il est, vous ne le connoissez pas, vous qui avez esté appellé de sa propre bouche à l'apostolat, vous qui avez confessé qu'il estoit le Fils du Dieu vivant! Ah! miserable homme que vous estes, comment osez-vous dire que vous ne le connoissez pas? N'est-ce pas Celuy qui nagueres estoit à vos pieds pour les laver, qui vous a repeu de son corps et de son sang? Et vous asseurez que vous ne le connoissez pas! Oh, comme est-ce que la terre vous peut supporter? comment ne s'ouvre-t-elle pas pour vous engloutir dans le plus profond des enfers?.

  A010000924 

 Il faut que je vous fasse sur ce sujet une remarque que je ne vous ay point encores faite en ce lieu, bien qu'il me semble en avoir parlé ailleurs.

  A010000928 

 Mais faites encores cette remarque, je vous prie, que saint Pierre ne se convertit point qu'il n'entendist le chant du coq comme Nostre Seigneur le luy avoit predit; en quoy l'on voit l'admirable sousmission de cet Apostre à se servir du moyen marqué pour sujet de sa conversion.

  A010000929 

 O glorieux saint Pierre, que vous fustes heureux de faire une si grande penitence d'une telle et si grande desloyauté, car par icelle vous fustes remis en grace, et vous qui meritiez une mort eternelle, vous rendistes capable de la vie eternelle.

  A010000939 

 Et les meres se glorifient de dire à leurs filles en ce dernier abois: Allez-vous-en en un tel coffre, vous trouverez encores toute neuve la robe avec laquelle je fus espousée, vous y trouverez mes chaisnes et mes bagues que je vous ay conservées, et telles autres bagatelles.

  A010000939 

 Les hommes voulant bien favoriser leurs enfans ou heritiers, leur disent avant de trespasser: Allez-vous-en en un tel buffet, vous trouverez là tant de mille escus.

  A010000941 

 Il faut encor remarquer un autre accident qui survint sur ces entrefaites, lequel je pense ne vous avoir jamais fait considerer.

  A010000944 

 Mais d'autant que ces douleurs n'estoyent conneuës que de luy seul qui les souffroit et de sa sainte Mere à qui il les communiquoit, voulant faire voir à tout le monde qu'il n'estoit pas là sans souffrir, il cria tout haut en se plaignant à son Pere eternel, de sorte qu'il fut entendu de tous: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'avez-vous delaissé?.

  A010000944 

 Or, comme je me souviens de vous avoir desja parlé plusieurs fois sur ce sujet, je ne vous en diray rien à cette heure, sinon que je pense que la plus grande douleur qu'enduroit alors le cœur sacré de Nostre Seigneur fut causée par l'ingratitude de ces Chrestiens qui, mesprisans sa Mort et ne se servans pas de cette Passion qui luy estoit si penible et douloureuse, se perdroyent pour ne s'en vouloir prevaloir.

  A010000945 

 Mais la partie inferieure fut tellement abandonnée de tout secours humain et divin, que se trouvant privée de toute consolation et sentant les douleurs du corps et de l'esprit avec toute l'aspreté et rigueur qui se puisse souffrir, il se plaignit disant: Mon Dieu, mon Dieu, pour quoy m'avez vous delaissé? pour faire entendre à tous la vehemente douleur qu'il enduroit alors.

  A010000946 

 Les autres, se riant, disoyent: Le voyla qu' il crie tout haut à Elie qu'il luy vienne au secours; attendons, je vous prie, et voyons s'il viendra le delivrer.

  A010000950 

 Cela n'est pas raysonnable, et pour ce vous mourrez obstinés en vostre peché et ne trouverez point de pardon, car la piscine vous estant preparée vous refusez de vous y jetter.

  A010000950 

 Ha! miserables que vous estes, dit nostre Sauveur, vous demandez que je descende de ce bois pour croire en moy; c'est à sçavoir vous voulez un autre moyen de redemption que celuy que mon Pere a ordonné de toute eternité, moyen qui a esté predit par tant de Prophetes et annoncé par tant de figures; vous pretendez donc estre sauvés comme vous voulez et non comme Dieu veut.

  A010000950 

 La redemption est ouverte et si abondamment qu'elle regorge de tous costés, et vous ne vous y voulez pas laver!.

  A010000950 

 O miserable peuple, que dites-vous, que nostre cher Sauveur et Maistre descende de ce gibet? Oh! il ne le [385] fera pas, car, dit saint Paul, il s'est fait obeissant jusques à la mort, et à la mort de la croix; il est monté sur la croix par obeissance et mourra en icelle par obeissance.

  A010000951 

 Oyez ce cher Sauveur qui crie qu'il a soif de nostre salut, qui nous y attend et invite: Venez, nous dit-il, si vous voulez, car si vous ne venez vous ne trouverez point ailleurs de salut.

  A010000952 

 Partant, s'il vous vient des inspirations ou mouvemens quels qu'ils soyent qui vous portent à faire chose aucune qui vous tire hors de l'obeissance, rejettez-les hardiment et ne les suivez point..

  A010000953 

 Ne desirez donques point de descendre de cette croix sous quelque bon pretexte que ce soit; mais puisque Dieu vous y a mis demeurez-y sans en sortir..

  A010000955 

 Obeissez seulement, Dieu ne vous demande pas autre chose..

  A010000956 

 O Dieu, il y auroit matiere à une infinité de reflexions sur ces paroles, et toutes tres utiles, mais je vous en ay parlé autrefois..

  A010000956 

 Oh! dit-il, vous voulez que j'en descende? mais moy je vous dis au contraire que tout est consommé.

  A010000957 

 Je remets, dit-il, mon esprit entre vos mains; en quoy vous remarquerez son humilité, son obeissance et sa vraye sousmission.

  A010000957 

 Pendant que j'ay vescu je vous ay desja, o mon Pere, remis sans reserve mon corps et mon ame; à cette heure il ne me reste plus rien, apres avoir tout accompli ce que vous requeriez de moy, sinon de remettre mon esprit entre vos mains..

  A010000958 

 Tout est accompli, mais s'il vous plaist que mon esprit demeure encores plus long temps dans ce corps à fin de souffrir davantage, je le remets entre vos mains; si vous voulez que je passe de cette vie en l'autre pour entrer en ma gloire, je remets mon esprit entre vos mains; en somme, o mon Pere, vouloit dire nostre cher Maistre, me voicy entierement prest et resolu de faire tout ce qu'il vous plaira.

  A010000959 

 Il s'en trouve assez qui, venant au service de Dieu, disent bien à Nostre Seigneur: Je remets mon esprit entre vos mains, avec cette reserve neanmoins, que vous nourrirez mon cœur dans les douceurs et consolations sensibles, et que je ne souffriray point d'aridités ni de secheresses.

  A010000959 

 Je remets mon esprit entre vos mains, mais aussi vous ferez en sorte que du moins je seray tous-jours bien aymé de ceux qui me conduiront, entre les mains desquels je me delaisse pour l'amour de vous; vous ferez qu'ils approuvent et trouvent bon tout ce que je feray, du moins la plus grande partie, car de n'estre pas aymé et de ne pas sentir cet amour cela ne se peut supporter..

  A010000959 

 Je remets mon esprit entre vos mains, mais à condition que l'on ne contrariera pas ma volonté; ou bien, pourveu que vous me donniez un Superieur qui [389] soit selon mon cœur, ou plustost selon mon affection et inclination.

  A010000960 

 Helas, ne voyez-vous pas que ce n'est pas là remettre son esprit entre les mains de Dieu comme fit Nostre Seigneur? Certes, c'est d'icy que naissent tous nos maux, nos troubles, nos inquietudes et autres telles niaiseries; car si tost que les choses n'arrivent pas selon que nous attendions ou comme nous nous promettions, voyla que soudain la desolation saisit nos pauvres esprits qui ne sont pas en cette parfaitte indifference et remise entre les mains divines.

  A010000961 

 Voulez-vous que je m'employe aux actions de la vie active ou contemplative? Je remets mon esprit entre vos mains.

  A010000961 

 Voulez-vous que je sois contrariée, que j'aye des repugnances et des difficultés, que je sois aymée ou non, que j'obeisse à celuy cy ou à celle là, et en quoy que ce soit, en choses grandes ou petites? Je remets mon esprit entre vos mains.

  A010000961 

 Voulez-vous que je sois en secheresse ou en consolation? Je remets mon esprit entre vos mains.

  A010000962 

 Que me reste-t-il maintenant sinon de remettre mon esprit entre vos mains à la fin et sur le declin de ma vie, comme je vous l'ay remis au commencement et au milieu d'icelle? Mais pour le pouvoir bien faire, mes cheres Sœurs, employons les trois heures de tenebres de cette vie comme nostre cher Sauveur et Maistre les a employées.

  A010000972 

 Ainsy donques, chacun de vous qui ne.

  A010000978 

 On voit par ces mots, chacun de vous, qu'il n'y a celuy lequel vivant ça bas, ne soit compris et enserré dans cette regle qui est sans exception aucune, tant pour ceux qui demeurent emmi le tracas et les distractions ordinaires de ce monde erroné, que pour ceux qui, desirans mener une vie de plus haute perfection, se sont separés d'iceluy; bref, soit grans soit petits, tous sont [392] compris dans cette proposition.

  A010000979 

 Ce n'est donques pas sans sujet, ains à bon droit, que Nostre Seigneur dit: Ainsy, chacun de vous qui ne renoncera à tout ne peut estre mon disciple.

  A010000987 

 La quatriesme et derniere consideration est de prendre garde que le ferme propos que nous avons de tout quitter ne soit vain, dissimulé et par flatterie; car si celuy qui fait edifier une tour est si imprudent qu'il ne considere point avant de la commencer s'il a des biens et des commodités suffisantes pour mettre à chef son edifice, et que par cette imprudence il ne puisse faire reussir son dessein, ne jugerez-vous pas qu'il est un sot et un mal advisé? De mesme, un roy ne seroit-il pas bien despourveu de jugement, si sçachant qu' un autre roy a mis vingt mille hommes sur pied pour luy donner la bataille, il ne consultoit pour sçavoir s'il pourra avec dix mille hommes aller au devant de celuy qui vient avec vingt mille? Autrement, s'il ne le fait, il sera contraint, et avec grande confusion et detriment de son honneur, d'envoyer au devant de l'ennemy demander les moyens de paix.

  A010000990 

 En fin, parcourez [397] tant qu'il vous plaira tout ce qui est en nous, vous ne trouverez qu'une seule petite partie dont nous soyons maistres: c'est la volonté, laquelle nous possedons tellement que Dieu mesme n'a pas voulu s'en reserver le dessus, donnant à l'homme libre juridiction ou d'embrasser le mal ou de suivre le bien, si mieux il luy aggrée..

  A010000994 

 de loysir que le tracas du monde nous laisse sera cause que je vous entretiendray fort simplement et familierement (car il me semble que les choses en sont meilleures) des deux points que je ne vous peus expliquer jeudy dernier, c'est à dire comme il faut celebrer les festes et quelles sont les festes et mysteres que nous celebrons.

  A010000997 

 Or, mes cheres ames, je vous dis qu'il y a cent articles en nostre foy qui ne sont point exprimés dans le Symbole, lesquels pourtant tous les Chrestiens doivent croire; et ne faut point dire: Je me contente de croire ce que l'Eglise croit, et demeurer ainsy en cette ignorance crasse..

  A010000999 

 Vous sçavez aussi les autres qui suivent au Decalogue et ceux de l'Eglise, [400] laquelle ressemble à un bel arbre, ou bien à l'oranger qui est tousjours verdoyant en toute saison.

  A010001001 

 Or, vous sçavez que tous les Anges furent creés en grace, mais ils ne furent pas aussi tost confirmés en icelle, Dieu leur ayant laissé leur franc arbitre et pleine liberté.

  A010001005 

 Il me faut servir d'une comparaison pour vous le faire entendre.

  A010001005 

 Sçavez-vous comme se font les perles? (Plusieurs dames desirent des perles, mais elles ne se soucient pas du reste.) Les meres perles font comme les abeilles: elles ont un roy, et prennent pour cela la plus grosse d'entre elles et la suivent toutes.

  A010001008 

 Bethsabée respondit: Sire, que mon fils regne apres vous.

  A010001009 

 Si donques vous l'escoutez fidellement, vous entendrez dans vostre cœur qu'elle vous prononcera cette mesme parole: Faites tout ce que mon Fils vous dira.

  A010001009 

 Vous, mes tres cheres Sœurs, qui avez quitté le monde pour vous mettre sous les auspices de la tres sainte Vierge, si vous l'interrogez et luy dites: Madame, que vous plaist-il que nous fassions pour vous? Elle vous respondra sans doute qu'elle desire et veut que vous fassiez ce qu'elle enjoignit de faire en ce celebre banquet de Cana en Galilée où le vin estoit failli; elle dit à ceux qui en avoyent le soin: Faites tout ce que mon Fils vous dira.

  A010001015 

 Mais, je vous prie, [406] pourquoy la font-ils sinon pour nous faire voir l'infinie misericorde de Dieu en comparaison de la misere des pecheurs? Nous trouvons qu'il est dit en la Sainte Escriture que Dieu fait son throsne de nostre misere.

  A010001018 

 Escoutez parler nostre Sauveur aux pharisiens: Comment pouvez-vous croire, vous autres qui estes tout bouffis de vaine gloire et d'estime de vous mesmes?.

  A010001018 

 Sur quoy saint Bernard replique et dit: O pauvre Thomas, pourquoy ne voulez-vous pas croire sans toucher, puisque nostre foy n'est point palpable et qu'elle ne depend point des sens? Et de vray il a rayson, ce grand Saint, d'autant que la foy est un don de Dieu qu'il infuse en l'ame humble, car elle n'habite pas en une ame pleine d'orgueil; il faut avoir l'humilité pour recevoir ce rayon de la lumiere divine qui est un don purement gratuit.

  A010001019 

 Le grand saint Paul, ou plustost Nostre Seigneur en saint Paul, apres le Prophete, nous dit: Courroucez-vous, mais ne pechez point, parce que ce n'est pas pecher d'avoir ses passions esmeuës; mais c'est bien autre chose d'entrer en colere et de suivre les sentimens d'icelle, comme de se despiter et opiniastrer en suite: c'est cela qui fait le peché.

  A010001021 

 Il me souvient à ce propos que saint Denis Areopagite, que l'on surnomme avec tres juste rayson le grand Apostre de la France, raconte en une sienne epistre cette histoire que vous sçavez toutes fort bien.

  A010001022 

 Considerons, je vous prie, combien le Sauveur est bon.

  A010001022 

 Mais que pensez-vous que fit ce bon Saint? O certes, il n'y a point de doute que quand il l'eut touché il sentit une grande chaleur divine, principalement quand il mit la main dans ce pretieux cabinet des tresors de la Divinité, quand il toucha [409] ce sacré cœur tout ardent d'amour.

  A010001024 

 De mesme ès Religions, entre vous autres, quand l'une tombe, les autres l'aydent à se relever par la correction fraternelle, par les prieres et bons exemples; aussi les ames se perdent rarement en Religion sinon qu'elles le veuillent, s'obstinant et opiniastrant en leur mal.

  A010001038 

 Considerons, je vous prie, la bonté du Pere eternel; car s'il eust voulu il eust peu creer l'humanité de son Fils comme il crea nos premiers parens, ou bien luy donner la nature des Anges, cela estant en son pouvoir.

  A010001039 

 Je vous laisse aux pieds de cette bienheureuse accouchée, à fin que, comme des sages avettes, vous ramassiez le miel et le lait qui distillent de ces saints mysteres et de ses chastes mammelles, en attendant que je vous explique le reste, si Dieu nous en fait la grace et nous en donne le temps, lequel je supplie nous benir de sa benediction.

  A010001047 

 Initium sapientiœ timor Domini; Le commencement de la sapience c'est la crainte de Dieu, dit le Psalmiste; et en un autre lieu: Timete Dominum, omîtes sancti ejus; Craignez Dieu, o vous tous saints et esleus.

  A010001048 

 C'est pourquoy le saint Prophete David parlant à Dieu, au Psalme CXLIX, luy dit: Vous assujettirez sous vostre empire les rois et les grans, et les emprisonnerez avec des menottes de fer; Ad alligandos reges eorum in compedibus, et nobiles eorum in manicis ferreis..

  A010001048 

 Mais qu'appellez-vous crainte inferieure ou superieure? dira quelqu'un; expliquez-nous en quoy elle consiste.

  A010001050 

 C'est pourquoy vous voyez d'ordinaire que ceux qui n'ont cette crainte que dans la partie inferieure s'en retournent de la predication melancholiques en leur mayson, comme au contraire ceux qui ont la crainte don du Saint Esprit s'en retournent convertis et penitens..

  A010001051 

 Et saint Hierosme disoit que la crainte des jugemens de Dieu transperçoit si fort son ame qu'il luy sembloit tousjours entendre retentir à ses oreilles cette voix espouvantable des Anges: «Levez-vous, morts, et venez au jugement; Surgite, mortui, venite ad judicium.» Mon Dieu, que de personnes ont quitté le peché par cette crainte du jugement! C'est donc à tres juste rayson qu'elle est dite le commencement de la sapience, et l'amour la consommation, qui nous fait monter au Ciel pour nous joindre à Dieu; mais pour arriver à ce bonheur il faut quitter le peché, et pour le quitter il faut craindre.

  A010001052 

 La generosité relevant donques nostre cœur apres ces biens eternels, nous l'ait dire avec le Psalmiste: Inclinavi cor meum ad faciendas justificationes tuas in aeternum propter retributionem; Ah, Seigneur, j'ay incliné mon cœur à garder vos commandemens à cause des grandes recompenses que vous donnez à ceux qui les observent.

  A010001053 

 Vous voyez donques bien maintenant que cette crainte est appellée inferieure et superieure parce qu'elle est composée de ces deux craintes, des peines d'enfer et de la perte du Paradis.

  A010001055 

 Et ne voyons-nous pas que sa divine Majesté se [422] plaint de ce defaut de crainte, d'amour, d'honneur et de respect par son Prophete Malachie, disant: Si je suis vostre Pere, où est l'honneur que vous me rendez? si je suis vostre Seigneur, où est la crainte que vous devez avoir de m'offenser? Si ergo Pater ego sum, ubi est honor meus? et si Dominus ego sum, ubi est timor meus? Le fils sert comme fils, et non point comme serviteur crainte d'estre battu, ni pour la recompense comme mercenaire, mais par amour, d'autant que cet amour est imprimé au cœur filial.

  A010001055 

 Quand l'ame a eu la crainte de perdre le Paradis dont je vous ay parlé, elle passe outre et dit: Quand il n'y auroit point de Paradis, Dieu est mon Pere: il m'a creée, me conserve, me nourrit et me donne toutes choses, et partant je le veux aymer, honnorer et servir.

  A010001056 

 Et pour vous monstrer que ce don de pieté, c'est à dire cette crainte filiale, nous est donnée du Saint Esprit, l'Apostre saint Paul escrivant aux Romains leur dit: Non accepistis spiritum servitutis iterum in timoré, sed accepistis spiritum adoptionis flliorum Dei, in quo clamamus: Abba, Pater; c'est à dire que nous devenons comme des petits enfans aupres de Nostre Seigneur.

  A010001057 

 Declina a malo et fac bonum; Destournez-vous du mal et faites le bien, dit le Prophete, car c'est la science des sciences et celle qui nous est donnée du Saint Esprit, laquelle les enfans du monde n'ont point euë; car bien qu'ils fussent grans philosophes, si n'ont-ils point appris à glorifier Dieu ni à suivre la justice, parce qu' ils ont tenu la verité captive et prisonniere en l'injustice, dit l'Apostre: Veritatem Dei in injustitia detinent.

  A010001058 

 Dieu sçait le mal, mais pour le detester, et le bien pour le prattiquer: Vous serez comme des dieux; Eritis sicut dii, scientes bonum et malum, dit le serpent à nos premiers parens pour les tromper miserablement, leur faisant prattiquer le mal.

  A010001058 

 Et qui leur avoit donné ce don de science pour discerner le bien et le mal, le vice et la vertu, sinon le Saint Esprit? Mais, direz-vous, je ne sçay point comme il faut prattiquer la vertu.

  A010001058 

 Mettez-vous en la presence du Saint Esprit, humiliez-vous, et il vous l'enseignera et vous rendra sçavante..

  A010001061 

 Mais, me direz-vous, puisque nous recevons le Saint Esprit et avec luy tous ses dons, lors que nous recevons les Sacremens avec les dispositions requises, d'où vient que nous retombons si souvent au peché? C'est par lascheté, d'autant que nous n'osons pas entreprendre la guerre contre le vice avec la fermeté et le courage necessaires pour surmonter nos ennemis.

  A010001063 

 Le don suivant en remontant, est le don de conseil, sans lequel la force est temerité; comme vous voyez que les soldats, bien qu'ils ayent de la force, neanmoins il leur faut un capitaine pour le conseil.

  A010001063 

 Par exemple, vous verrez une personne qui voudra suivre la devotion, qui dira en elle mesme: Quel conseil suivray-je pour prattiquer le bien que Dieu m'a inspiré et pour eviter le mal qu'il m'a fait reconnoistre? quel chemin tiendray-je? quel conseil observeray-je? Sera-ce celuy de la chasteté ou de la pauvreté? sera-ce l'obeissance simple et aveugle? Suivray-je la [426] viduité ou le mariage? Feray-je l'aumosne ou donneray-je tout mon bien aux pauvres? Le Saint Esprit, residant dans nostre cœur, nous conseille et nous pousse par son inspiration à faire ce qui est plus pour la gloire de Dieu et nostre salut.

  A010001064 

 Combien y en a-t-il au monde qui sçavent bien qu'on s'y perd à cause que l'air est infecté, et qu'il donne la mort eternelle aux ames dans lesquelles il entre, ou leur cause de grandes maladies: quel remede à cela? Sortez, leur dit le Saint Esprit interieurement, puisque vous connoissez que vous n'y pouvez pas faire vostre salut.

  A010001064 

 Vous verrez des personnes dans le monde sujettes à la colere, lesquelles s'adonneront au jeu où ils se laissent emporter pour l'ordinaire à dire quantité de blasphemes et injures: que faire là? C'est qu'il faut quitter le jeu.

  A010001068 

 Quam dulcia faucibus meis eloquia tua! super mel ori meo; O Seigneur, combien vos paroles sont douces à mon gosier! dit le Psalmiste; elles surpassent la douceur du miel quand je les savoure en la bouche de mon cœur, lors que vous me donnez à gouster vos divines maximes contre celles du monde.

  A010001082 

 Et c'est icy ou je veux faire la conclusion generale a nostre voyage de trois jours, vous disant: Nostre Seigneur estant resuscité une fois ne meurt plus.

  A010001117 

 Vous sçaves ja qu'Abram signifie Dieu le Pere.


11-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XI-Vol.1-Lettres.html
  A011000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A011000032 

 Rendez-vous à Faverges.

  A011000203 

 Despuys vostre dernier voyage en ceste ville j'avois tousjours bien bonne devotion de vous escrire, ce que toutefoys je n'avoys osé fayre.

  A011000203 

 Et maintenant que je suys au milieu et meillieur âge de mes estudes, si je puys cognoistre seulement par presumption que prenies en bonne part mes lettres, ce me sera comme un aultre corage pour poursuyvre mon entreprise en l'estude, laquelle j'oseroys bien me promettre (sans me flatter) reussira au bien que je desire, Dieu aydant, qui est de le bien pouvoir servir; puys apres, vous fayre service, a qui j'ay tant de debvoir et obligation..

  A011000203 

 Mays m'ayant escript un de mes amis de l'honneur et faveur que vous aves faict a une mienne seur, je me suys persuadé que le treuveries bon de moy, auquel vous fistes tant d'acueil dernierement en ceste ville; joinct aussi que ne pouvant encores (Dieu m'en face la grace pour l'advenir) fayre paroistre [1] l'affection que j'ay de vous fayre humble service, j'ay volu (comme il s'accoustume) vous en donner souvenance par lettres.

  A011000204 

 J'auroys bien bonne volonté de vous escrire des nouvelles de pardeça, mays les nostres ne sont que de colleges, outre ce qu'elles sont si incertaynes (on a faict le prince de Condé mille foys mort) que pour ce seul respect il me semble que je suys asses excusé d'en escrire..

  A011000205 

 Atant je vous bayse bien humblement les mains, et prie Dieu, Monsieur, qu'il vous tienne en santé et tres heureuse vie, vous suppliant de vous resouvenir de moy comme de celluy qui est et sera a jamays.

  A011000208 

 Monsieur Deage vous bayse bien humblement les [mains].

  A011000227 

 Je vous remercie donc d'avoir quelque souvenir de nous, et tant de sollicitude pour notre bien, que vous trouvant au milieu d'une ville où, si je ne me trompe, on se réjouit beaucoup de la nouvelle Navarraise qui s'y est répandue, par affection pour nous vous n'en éprouvez aucun contentement.

  A011000228 

 Il y a ici jusqu'à quarante-deux de nos Français atteints de la fièvre; et, d'après ce que l'on dit, vous avez encore chez vous grand nombre de maladies; c'est pourquoi nous avons tous reçu beaucoup de contentement de votre lettre qui nous assure de votre bonne santé.

  A011000229 

 Je vous prie d'excuser notre italien francisé, ou plutôt notre français italianisé.

  A011000239 

 Et de vos nouvelles nous en avons tousjours eu nostre part quand vous escrivies a monsieur Coppier, car de vostre grace vous faysies tousjours mention et de moy et de tous ces autres messieurs ausquels je ne cede poinct en ce faict, et sans ceremonie je me nomme....

  A011000239 

 Les lettres que je vous ay envoyëes se sont peut estre perduës, pour autant que nous payons le port avant qu'elles partent, et partant besogne païee, malfaicte.

  A011000239 

 Premierement, que comme je croys que n'ayes receu aucune de mes lettres, bien que realement je vous en aye envoyé plusieurs a diverses foys, aussy n'en ay je receu aucune des vostres despuys que j'estoys malade, comme si je ne devoys avoyr ces deux consolations ensemble, santé et vos lettres.

  A011000239 

 Si ceste mienne lettre prend plus heureusement port que plusieurs autres que je vous ay escrit, elle vous asseurera de deux choses.

  A011000250 

 Je ne fis jamais chose qui meritasse que vous prissies la peine de m'escrire avec tant de caresses comme vous aves faict le 24 de septembre, dont je vous remercie d'autant plus humblement de ceste vostre faveur, pour laquelle je m'offriroys a vous humblement si je ne vous estoys desja tout obligé et dedié.

  A011000250 

 Or, vostre lettre me servira au moins de tesmoignage que vous prenes a gré l'affection que je vous porte, et partant j'ay pris un tres [4] grand contentement de voir que desires que je retourne bien tost par devers vous, tout plein de belles qualités....

  A011000255 

 Vous pouves bien tant quil vous playra accroistre le monde d'obligations que je vous ay, comme vous aves faict prenant la peyne de m'escrire le 24 septembre avec tant de caresses comme vous aves faict; mays vous ne pouves plus accroistre l'affection que je vous porte, et a vostre service, icelle estant aussy grande qu'on la pourroit avoir....

  A011000265 

 Je me fais accroyre que monsieur des Granges, present porteur, m'ayme beaucoup, comme j'en ay eu de fort bons signes; dont l'ayant prié fort instamment [5] qu'estant de pardela il me recommandasse fort affectionnement a vostre bonne grace, je ne doute poinct que sil vous peut trouver et se souvient, il ne face cela pour moy.

  A011000265 

 Toutefoys, pour autant que peut estre ne vous trouvera il pas comme il desire, et aussy quil est fort aysé a oublier si peu de chose comme je suys, affin d'asseurer mon intention j'ay escrit ces deux mots que je vous addresse, par lesquels je vous saluë tres humblement et affectionnement, et vous remercie de la memoyre que vous eustes de moy quand monsieur de la Chapelle print congé de vous pour venir icy, lequel m'a encores dict que d'autrefoys vous luy avies parlé de moy; ce que cognoissant ne venir de mes merites, j'en honore d'autant vostre bonté, delaquelle je reconnoys toutes ces faveurs..

  A011000266 

 Je presuppose que deux de mes lettres vous auront estëes donnëe....

  A011000277 

 D'autre part j'estimoys que sous l'adveu de ceux qui m'eussent presenté a vous, j'eusse esté beaucoup mieux receu que je [7] n'eusse osé me promettre sans presomption.

  A011000277 

 Despuys lhonnorable memoyre que vous fistes de moy par lettre a monsieur de Marry, il y a quelque tems, qui me fut comme un'arre de vos graces, le grand desir que ja auparadvant j'avoys d'estre accepté pour vostre serviteur tres humble s'estoit extremement accreu.

  A011000277 

 Dont vous pourres asses connoistre, sans que je vous en die autre, avec combien de satisfaction j'ay receu vostre lettre, combien j'en fays d'estat et combien estroittement je m'en sens obligé, mays beaucoup plus de ce que par icelle vous me presentes.

  A011000277 

 Et pourtant j'avoys a plusieurs foys prié monsieur de la Tornette et monsieur de la Porte de vous fayre present, de ma part, et de moy mesme et de mon service, pensant par ce moyen, sans que je vous importunasse par lettres (que je craignoys fort), vous pouvoir fayre sçavoyr combien je me connoissois honnoré de vostre mention et combien humblement je vous en remercioys.

  A011000278 

 Et maintenant, puys quil vous a pleu me monstrer de si bons signes, ains de me favre fayre de si bonnes asseurances de vostre amitié en mon endroit, je vous supplieray tres humblement de me fayre ce bien que de continuer, et me mettre en conte comme vostre tres humble et serviteur.

  A011000298 

 Cette abondance momentanée compensait ainsi la pénurie dans laquelle vous m'aviez laissé.

  A011000298 

 J'ai reçu à la fois, ces jours-ci, les lettres que vous m'avez écrites le 29 novembre 1590 et le 23 janvier 1591.

  A011000298 

 Je m'étonne d'autant plus qu'une telle crainte ait pu exister en vous, qu'elle ne peut assurément « s'emparer d'un homme fort et constant.

  A011000298 

 Vous avez grandement craint, dites-vous, que je n'eusse conçu à votre égard quelque indignation, car dans mes dernières lettres je semblais fâché de ce que vous n'êtes pas ardent à m'aimer ou diligent à m'écrire.

  A011000298 

 » [9] Si vous l'expliquez de la sorte: « Tout éveille les craintes de ceux qui aiment, » c'est bien, mais à la condition que vous me dispenserez de vous prouver mon affection en redoutant tout de votre part..

  A011000299 

 J'ai demandé ensuite de vos nouvelles d'ici, de là, tantôt à un ami, tantôt à un autre, jusqu'à me rendre presque importun; mais partout, silence étonnant sur vous (peu s'en faut-il que je ne dise contre vous).

  A011000299 

 J'apprends que vous êtes en France.

  A011000299 

 Je cesse de vous écrire, je ne cesse pas de demander de vos nouvelles.

  A011000299 

 Je voudrais que cette conviction demeurât en vous le plus fermement possible et prévînt toute ombre de défiance.

  A011000299 

 Le fait est que je vous ai écrit, que je vous ai expédié plus d'une fois des lettres, sans savoir jamais si elles vous étaient parvenues.

  A011000299 

 Quant aux paroles que vous semez sur mon compte, par ci par là, auprès de vos amis, surtout auprès de celui que vous appelez votre maître, prenez garde qu'on ne les interprète comme si vous semiez votre champ.

  A011000299 

 Vous m'écrivez, en effet, que rien ne vous persuadera que j'aie pu vous oublier le moins du monde.

  A011000300 

 pour que les autres pensent ce que je pense moi-même, c'est-à-dire que vous proclamez vos vertus, que vous savourez votre propre miel.

  A011000301 

 Antoine de Mérindol que, par sympathie, vous appelez François, de sa propre main se consigne entièrement entre les vôtres.

  A011000301 

 Nous parlâmes beaucoup de vous, ce qui le fit soupirer après vous tout autant qu'après la santé..

  A011000302 

 Et sur ce, je vous dis adieu..

  A011000302 

 M. Déage notre précepteur m'ordonne de vous saluer mille fois.

  A011000302 

 Sachez que, pour n'importe quel service, vous avez droit d'user de moi, non il est vrai en qualité de parrain, mais à titre de maître.

  A011000318 

 Depuis longtemps déjà vos mérites et vos vertus, homme très savant, auraient suffi pour m'attacher à vous sans réserve; mais aujourd'hui vous vous êtes acquis sur toute ma personne un droit sans égal par la bienveillance qui vous a porté à me dédier si amicalement vos très savantes thèses théologiques.

  A011000318 

 Sans doute, nous sommes compatriotes et nous avons commencé ensemble nos études littéraires; mais vous m'avez [13] tellement dépassé, votre génie et votre savoir ont établi une si grande distance entre nous, que je m'étonne de l'intime amitié que vous voulez contracter avec moi..

  A011000319 

 En attendant, daignez agréer mes plus vifs remerciements pour la sympathie que vous me témoignez, et croyez-moi, très digne Monsieur, votre plus dévoué serviteur.

  A011000319 

 J'appelle donc chaque jour avec plus d'impatience cette heure de bonheur où il me sera permis de vous voir, de vous entendre, de vous serrer le plus affectueusement possible dans mes bras.

  A011000319 

 Que Notre-Seigneur Jésus-Christ vous soit [propice].

  A011000335 

 Enfin vous savez du moins que tout ce que je suis est entièrement vôtre.

  A011000335 

 Je vous remercie de tout mon cœur des paroles si aimables que vous m'écrivez, et je ferai tout ce qui dépendra de moi pour les mériter..

  A011000335 

 La raison pour laquelle je n'ai pas répondu à la première est que j'espérais, avec mon Révérendissime Evêque, avoir une occasion prochaine de vous voir ici.

  A011000336 

 Ainsi la Majesté impériale vous déclare absolument affranchi de tout impôt..

  A011000336 

 Comme j'entends dire que les populations auxquelles vous consacrez vos talents sont si grossières qu'elles ne veulent pas vous affranchir des charges publiques, et n'ayant nulle autorité pour le faire par moi-même, je le fais du moins par l'autorité de l'empereur Constantin, qui a édicté le décret suivant dans la VI e Loi du Titre LII, intitulée: De Professoribus et Medicis, Livre X du Code: « Les médecins, les maîtres d'école et les docteurs en droit avec leurs femmes, leurs enfants et les biens qu'ils possèdent dans la ville (ce mot-là vous affranchit complètement) sont exempts de tout impôt et charge soit municipale, soit publique, de toute corvée et obligation de logement.

  A011000337 

 Portez-vous donc bien; demeurez exempt de toute charge publique et de tout mal, et continuez à bien aimer celui qui est tout vôtre.

  A011000361 

 J'ai reçu votre lettre, très illustre et vertueux Sénateur, et ce gage précieux et inattendu de votre bienveillance pour moi m'a tellement [18] rempli de joie et d'admiration que mon esprit demeure impuissant à vous exprimer ces sentiments.

  A011000361 

 La bonté qui vous porte, homme vénérable de l'ordre des sénateurs, à rechercher l'amitié d'un novice inexpérimenté, et mon désir déjà ancien de mériter votre affection excitent dans mon cœur un contentement égal à ma surprise..

  A011000362 

 Si j'avais pu vous témoigner l'inclination que j'éprouve depuis longtemps à vous honorer et à vous aimer, vous auriez compris que j'avais moins besoin d'être excité à vous aimer, comme vous le dites avec tant de modestie, que d'obtenir la permission de vous exprimer ouvertement les sentiments intimes de mon âme.

  A011000363 

 Puisque vous êtes un arbre excellent, et, par ses fruits, reconnu comme tel dans tout le monde savant, depuis longtemps je me propose votre exemple, et, jour et nuit, je tâche autant que faire se peut de me conformer à ce modèle.

  A011000364 

 Ce désir de me concilier votre bienveillance, s'il était possible, était si ardent que mon âme ne pouvait plus se contenir; et si l'occasion ne s'en était présentée, en dépit de toute modestie, je n'aurais pas hésité, moi faible jeune homme, à venir à temps ou à contre-temps vous provoquer, vénérable Sénateur, à cette douce lutte d'amitié..

  A011000364 

 Cependant, après plusieurs années ne voyant pas paraître en moi, je ne dis pas l'image, mais le moindre indice d'un tel mérite, [20] tout en étant convaincu de mon impuissance, je n'en ai pas moins gardé le désir de vous voir et de vous entretenir.

  A011000365 

 Aux dernières fêtes de Pâques, me trouvant à Chambéry, je me présentai chez vous, conduit par le médecin Coppier; ce fut encore inutilement, car vous étiez absent..

  A011000365 

 Lorsque je suis allé à Chambéry me faire inscrire au nombre des avocats, j'espérais qu'une fois admis, je pourrais saluer tous les Sénateurs, les remercier selon l'usage, et, à cette occasion, obtenir place parmi vos amis en vous laissant mon nom écrit de ma main; mais voilà que la noblesse est appelée aux armes, et que je suis contraint de partir à une heure indue, sans vous avoir vu; car j'aurais considéré comme un [21] plus grand mal de vous saluer seulement à la hâte, surtout vous étant inconnu, que de ne pas vous saluer du tout.

  A011000366 

 Maintenant que par votre lettre, comme par un cartel signé, vous avez provoqué un combattant qui par nature est très ardent dans ces sortes de luttes, prenez garde d'avoir bientôt à considérer moins lequel de nous deux est le premier descendu dans l'arène que celui qui y demeurera le dernier..

  A011000367 

 Et pour ne pas paraître honorer en vous la dignité sénatoriale plutôt que la vertu consommée du sénateur, je n'estimais pas convenable de vous adresser mes hommages à distance, car je ne me croyais pas un jeune homme assez important pour mériter que mon nom eût été prononcé ou entendu par quelqu'un des membres de votre illustre corps.

  A011000367 

 J'ai admiré et aimé vos éclatantes qualités avant même que mon nom vous fût connu, mais non point avant que vous ne fussiez enrichi de ces dons éminents innés en votre âme, et qui, en tout temps, ont fait qu'il a été impossible de ne vous pas aimer.

  A011000367 

 Ne prétendez pas cependant, comme vous le faites, avoir été le premier à m'aimer, et ne croyez pas par suite que je vous doive moins ou que vous deviez davantage à mon mérite.

  A011000367 

 Si, par une bienveillance extrême, vous avez été le premier à m'écrire, cela prouve seulement que vous avez donné [22] le premier, ce qui est plus divin, et que j'ai été le premier à recevoir, comme il sied à mon infériorité.

  A011000368 

 En même temps, j'ai toutefois à redouter que, lorsque je me présenterai à vous, constatant l'infériorité de mon mérite qu'à distance vous vous figurez si grand, vous ne regrettiez de m'avoir témoigné tant d'affection.

  A011000368 

 Je ne m'informerai donc pas si c'est pour m'exciter à la vertu que, non content de m'aimer, vous daignez encore m'écrire, ou (comme vous vous y croyez obligé par ce qu'on vous a rapporté de moi) si c'est pour satisfaire votre propre inclination envers ceux qui ont en eux-mêmes quelque faible semence de cette probité et de ces talents qui fructifient si abondamment en vous.

  A011000368 

 Mais cette crainte sera modérée par la connaissance que j'ai de votre grande bonté, laquelle est unie à une prudence telle qu'aucune [23] exagération, addition, diminution, aucun artifice et habileté de langage en ceux qui vous parleront de moi, soit en bien soit en mal, ne saurait vous tromper.

  A011000368 

 Quoi qu'il en soit, je ne craindrai plus que vous ne cessiez désormais de m'aimer..

  A011000369 

 Pour mon compte, moins j'attendais de vos lettres, ne croyant pas vous être connu même de nom, plus j'ai admiré votre extrême bonté, et plus a grandi le désir que j'éprouvais de vous voir et de vous parler.

  A011000370 

 En attendant le bonheur de vous voir, je vous remercie de ce que vous avez bien voulu m'écrire le premier, et je vous promets de ne [24] me laisser surpasser par qui que ce soit dans le soin de vous honorer et de correspondre à votre amitié.

  A011000370 

 Toutes les fois que je la prends (je la lis et relis sans fin) je me sens pris de la volonté et de la joie de vous estimer davantage, à tel point que mon âme reste prise dans son impuissance.

  A011000386 

 Auprès de personne, en effet, je n'ai l'autorité suffisante; aussi vous dois-je une reconnaissance d'autant plus grande que je puis moins vous offrir de retour.

  A011000386 

 C'est bien l'œuvre d'un [habile] artisan, très digne Monsieur, de parvenir, grâce à votre éloquence, à faire aimer des personnages les [25] plus illustres ceux que vous aimez vous-même.

  A011000386 

 Je ne puis nullement à cet égard vous rendre pareille faveur; car, bien qu'en affection je n'hésiterais pas à lutter même avec vous, que je reconnais par des signes indubitables être un homme des plus aimants, toutefois la prétention de vous concilier l'amitié de qui que ce soit n'est compatible ni avec la médiocrité de mon mérite, ni avec l'éclat de vos vertus.

  A011000387 

 C'est pourquoi je vous rends des actions de grâces d'autant plus vives pour m'avoir procuré un ami tel que, dussé-je vivre toute la vie d'un Nestor, je n'eusse pu l'acquérir par mes propres mérites.

  A011000387 

 Du reste, eussé-je l'autorité suffisante pour cela, n'espérez pas que je vous [26] rende jamais pareil service; car, à moins de sortir de notre hémisphère, il serait impossible de trouver un homme de science et de probité qui ne vous vénère, ne vous aime, et ne se propose vos exemples pour modèle.

  A011000387 

 Et si vous n'aviez pas toutes les qualités qu'on vous attribue, c'est précisément à François Girard, d'après ce que vous me dites de lui dans votre lettre, que je devrais aller pour les rencontrer... Vous voyez donc que ma preuve ressort plus évidemment par sa propre force que par l'habileté de celui qui l'expose..

  A011000388 

 C'est en vous, c'est dans l'affection singulière que vous me témoignez qu'il faut chercher la cause de mon bonheur.

  A011000388 

 Pour en venir à une conclusion déjà manifeste, comme il n'est plus personne qui ne vous honore grandement, comme il ne reste plus d'autre François Girard, je déclare que, dans cette affaire, je vous dois absolument tout.

  A011000389 

 Il convient donc que vous appeliez compagnon celui qui veut bien m'aimer, il est vrai, mais seulement par amour pour vous, puisqu'il ne me connaît pas personnellement, mais seulement d'après l'opinion que vous avez conçue de moi.

  A011000411 

 Si vos vertus et votre bienveillance pour moi ne vous assuraient depuis longtemps des droits à mon dévouement, il vous serait acquis aujourd'hui à juste titre en retour des agréables relations que vous m'avez procurées avec François Girard; car, d'après sa lettre, c'est à l'influence et à l'autorité que vous avez sur lui que j'en suis redevable.

  A011000412 

 Par suite, me mettant en union de sentiments avec vous, vous m'y mettez aussi avec François Girard, de telle sorte que tout, jusqu'à la moindre bagatelle, vous devient commun..

  A011000412 

 Vous avez donc fait une chose bien supérieure à mes mérites, mais bien digne de la bonté de François Girard et de l'amitié qui existe entre vous et moi, en me faisant participer à ce trésor singulier de votre âme, c'est-à-dire à l'intimité de votre ami.

  A011000413 

 Certes, je ne crains pas qu'à ce sujet survienne entre vous la moindre division; car si l'amitié que vous vous portez mutuellement vous rend indivisibles, il en sera de même de votre bienveillance pour moi.

  A011000413 

 Pareillement l'estime que je vous porte à tous deux étant établie comme elle l'est dans mon âme, s'identifie avec elle, et participe à sa nature qui est, selon les termes de l'école, d'être tout entière dans le tout et tout entière dans.

  A011000415 

 Afin qu'il en soit ainsi, puissé-je vous ressembler non seulement dans la manière d'exprimer mes sentiments (comme a coutume de faire le Prévôt François, et en cela, ainsi qu'en plusieurs autres choses, il existe entre nous un certain air de famille), mais encore en réalité et par le mérite, comme vous vous persuadez que je le fais.

  A011000415 

 Alors je serais moins indigne de l'amitié d'hommes aussi éminents que vous l'êtes.

  A011000415 

 Le désir qui, dans mon cœur, demeurera toujours très ardent est de conserver toutes mes amitiés, surtout celle de François Girard, et, excellent Artisan, toutes celles qu'il vous plaira me fabriquer.

  A011000416 

 Après les avoir relues plus de dix fois, comme j'ai coutume de faire pour toutes les vôtres, pendant que je remettais d'y répondre au lendemain, afin qu'en un jour où la plupart des avocats vont prêter serment entre vos mains, j'eusse aussi moi-même des protestations à vous faire....

  A011000416 

 Du reste, si j'ai mis quelque retard à répondre soit à votre lettre soit à celle de François Girard, la raison de ce délai, qui vient de ma famille, est, je pense, également légitime en soi et agréable pour [31] vous qui aimez à remplir les devoirs de l'amitié.

  A011000435 

 En chemin, je rencontrai M. Portier, l'un de nos chanoines, que je priai de vous saluer en mon nom, puisque je n'avais aucune facilité pour vous écrire..

  A011000436 

 Me voici maintenant dans la condition que vous aviez la bienveillance de me poser en disant: « Ecrivez-moi quand vous le pourrez.

  A011000436 

 » C'était, ce me semble, me demander de vous écrire tant que je ne serais pas retenu par un empêchement qui arrêterait même « l'homme fort et constant.

  A011000437 

 Je ne sais si je dois m'estimer heureux ou malheureux d'avoir dans cet intervalle reçu trois de vos lettres tandis que je n'ai pas même pu vous en adresser une seule.

  A011000437 

 Si d'une part il m'a été très pénible de ne pouvoir répondre à un homme tel que vous, j'oserais même dire (pour employer un terme plus doux qu'autorise votre extrême obligeance) à un tel ami, qui m'écrit avec tant d'affection, d'un autre côté ce m'a été une immense joie au milieu de préoccupations très pénibles de savourer le miel qui découle de votre plume, et de vous entendre en quelque sorte parler par vos lettres..

  A011000438 

 De plus, j'ai entendu dire qu'il y a en cette affaire je ne sais quoi qui relève de la justice criminelle, c'est pourquoi j'ai été près de m'exclamer; Eloignez-vous de moi, [35] hommes de sang; car en telles matières les ecclésiastiques ne doivent pas intervenir..

  A011000438 

 On me sollicite en ce moment d'intercéder auprès de vous en faveur d'un de nos paysans de Thorens au sujet du différend qu'il a avec Soudan, notaire dans la même localité, et de vous prier de faire prévaloir les droits du villageois.

  A011000438 

 Toutefois, si je vous la recommandais, je passerais pour un sot; car ce que vous ne prenez pas à cœur n'est pas juste, toute cause juste, quelle que soit la personne intéressée, étant toujours patronnée par vous.

  A011000439 

 Ayant reçu trois lettres de vous, je n'estime pas, seulement par celle-ci, m'acquitter à votre égard.

  A011000439 

 Je compte vous en adresser, illustre Artisan, au sujet de la question que vous soulevez à votre apprenti, à savoir s'il doit désirer ou refuser la dignité sénatoriale; à moins que je n'aie, comme je l'espère, la possibilité de vous entretenir de vive voix; car je pressens que j'aurai bientôt ce plaisir, et je ne manquerai pas d'en faire naître l'occasion.

  A011000454 

 A l'approche de ce jour terrible, de ce jour effroyable, comme l'appelle saint Chrysostome, où d'après la volonté de notre Evêque, c'est-à-dire d'après la volonté de Dieu (car je ne cherche pas d'autre interprète de cette divine volonté), à l'approche de ce jour, dis-je, où après avoir passé par tous les degrés des saints Ordres, je vais être promu à l'auguste dignité du sacerdoce, je ne puis me dispenser de vous annoncer l'insigne honneur et le bien excellent qui m'attendent.

  A011000456 

 Si vous connaissiez aussi bien ma faiblesse, je solliciterais seulement sur ma situation actuelle votre commisération qui m'est bien due.

  A011000456 

 Vous êtes le seul, Monsieur le Sénateur, qui me paraissiez capable de comprendre le trouble de mon esprit; car vous traitez les choses divines avec tant de respect et de vénération que vous pouvez facilement juger combien il est dangereux et redoutable d'en présider la célébration, combien il est facile de pécher et de pécher gravement, et combien difficile de remplir dignement ces saintes fonctions.

  A011000457 

 Et pourtant, comment se fait-il (ici je m'éloigne insensiblement des considérations qu'il me suffit de vous avoir indiquées), comment se fait-il que si un ami s'efforce par la compassion qu'il porte à son ami malheureux d'éloigner de lui les maux qui le menacent, celui-ci se sente réconforté par cette compassion même, bien qu'en s'apitoyant sur lui, le premier n'ait pu s'empêcher de ressentir les mêmes maux? Sans doute cela vient de ce que la commisération est la marque incontestable de l'amitié, ce sentiment le plus exquis de tous, lequel, dans nos amis, nous est bien plus précieux étant mêlé de compassion que s'il se terminait à une froide bienveillance qui ne participerait en rien à nos douleurs..

  A011000457 

 Je vous ai déclaré mes sentiments uniquement pour exciter votre sympathie; c'est un remède utile, je le sais, pour soulager [39] le cœur souffrant.

  A011000458 

 D'autre part, ne vous persuadez pas que les saints mystères m'inspirent un effroi tel qu'il ne laisse en moi place à une espérance et à une allégresse bien supérieures à ce que pourraient me valoir mes propres mérites.

  A011000485 

 Cependant une chose m'attriste, c'est d'apprendre les angoisses que vous a causées ma maladie, d'autant plus que je n'ai rien ou presque rien souffert.

  A011000485 

 Même, comme par l'effet d'une souveraine affection vous ressentiez ma fièvre, je dirais presque notre fièvre, si entre nous les maux étaient communs comme les biens (et de ceux-là je pourrais vous enrichir sans m'appauvrir, car j'en suis de beaucoup le mieux pourvu), j'en aurais été pour ma part tout glorieux; mais alors j'aurais souffert à mon tour de vos douleurs, à moins qu'il n'eût été préférable de mettre un terme à cette communication de peines..

  A011000486 

 Chappaz vous a bien représenté au festin antonien; je dis vraiment bien antonien par la sincérité de la tendresse fraternelle.

  A011000486 

 Si vous vouliez faire remonter à saint Antoine l'origine de ce mot, vous vous [42] tromperiez; car dans la vie de ce Saint il n'est question d'aucun banquet, si ce n'est celui dont l'amphytrion était un corbeau, les convives, Paul et Antoine, et où, à la place de mets somptueux, l'on ne servait que du pain et de l'eau pour boisson..

  A011000487 

 Puisque vous me donnez espoir que nous passerons ensemble et en bonne santé le carnaval prochain, mon cœur est rempli d'une si douce joie qu'aucun de ceux qui sont dégoûtés du maigre quadragésimal ne désire plus vivement les fêtes de Pâques que je ne soupire après le carnaval.

  A011000489 

 Et, lors même que vous ne viendriez pas, je n'assisterais pas à cette fête; car comment aller aux noces, moi qui n'ai pas la robe nuptiale? D'ailleurs, je redoute ces réunions et ces festins..

  A011000489 

 Si vous venez ici je me garderai bien d'aller ailleurs, si ce n'est avec vous.

  A011000490 

 C'est ainsi que je vous écris [44] familièrement.

  A011000490 

 Le baron de Chivron a facilement obtenu que nos princes entrassent dans les vues de notre Evêque, relativement à l'affaire dont il vous a entretenu.

  A011000504 

 Je devais représenter ma mère à ces noces auxquelles elle croyait ne pouvoir assister, et j'étais bien désolé de devoir être ailleurs, même pour représenter ma mère, puisqu'il en résulterait pour moi la privation d'une rencontre avec vous, le meilleur de mes [46] amis.

  A011000504 

 Pour ne pas garder un silence absolu, j'ai jugé à propos de vous écrire cette courte lettre comme avant-coureur de salutations que je pense vous adresser sous peu de vive voix; car voici où en sont les choses.

  A011000504 

 Quant à moi, dès que j'aurai connaissance de votre arrivée dans cette ville, je prendrai mes mesures pour que vous puissiez voir parmi les Favergiens votre inhabile mais diligent apprenti; nous irons ensuite à la maison Tulliane, qui ne saurait être plus illustrée que de recevoir son nom de vous.

  A011000505 

 Ce qui m'a le plus réjoui, [47] c'est qu'à son départ d'Annecy, j'ai pu, dans les derniers mots que nous avons échangés, jeter, en lui parlant de vous, comme le parfum d'un baume odorant dans son esprit....

  A011000519 

 Du reste, je n'eusse pas confié ma lettre à un homme qui me pressait de la sorte, s'il n'eût importé davantage de vous écrire qu'il n'était regrettable de le faire d'une manière trop précipitée.

  A011000519 

 En effet, d'après celle qui précédait l'avant-dernière, remise à mon précepteur, je croyais, comme il me l'avait dit, que vous demeureriez à Chambéry toutes ces vacances, et j'ai confié ma lettre à Jean-Baptiste de Valence, qui, en qualité d'ancien condisciple, me reste spécialement cher.

  A011000519 

 Il avait surtout insisté pour être mon intermédiaire auprès de vous parce que, étant lui-même ami des lettres, il vous a voué une spéciale admiration, et qu'il pensait vous être agréable en vous remettant mon message..

  A011000519 

 Vous avez reçu ma lettre, mais assurément plus tard que je n'eusse voulu.

  A011000534 

 Cette dame, que je n'ai jamais vue, a été informée je ne sais comment de la très grande affection que vous me portez.

  A011000534 

 Elle a jugé qu'il lui serait fort utile et avantageux d'implorer l'autorité de mon excellente mère, pour me décider à vous demander de faire en sa faveur ce que, de votre propre aveu, l'ami le plus loyal peut solliciter du juge le plus intègre: que vous patronniez sa cause.

  A011000534 

 Une noble femme, M me de Ville, veuve de celui qui par suite des embûches des hérétiques périt, il y a quelques années, dans l'incendie de son château, attendait ces jours derniers la sentence d'un procès qui se plaidait devant le Sénat entre ses fils et M. Bessonnet, procès [50] dans lequel vous êtes rapporteur.

  A011000535 

 Il me semblait à peine nécessaire de le faire parce que nos dernières lettres, comme les précédentes, témoignent si bien de l'unité de nos esprits, que volontiers je croirais superflu de vous communiquer mes pensées autrement qu'en concentrant sur elles une profonde attention.

  A011000535 

 Quant à moi, je me suis déterminé à vous écrire pour qu'on ne puisse mettre en doute le crédit que me donne sur vous l'amitié que vous me portez.

  A011000535 

 Toutefois cette hypothèse est détruite [51] par votre vif désir d'assister à mes petites prédications, lesquelles vous devriez pouvoir entendre de la seule oreille spirituelle, puisque je les prononce avec autant d'attention que de force.

  A011000535 

 Vous ferez mieux de ne prêter l'esprit et l'oreille qu'au Franciscain Chérubin.

  A011000554 

 Cependant je préfère vous écrire non seulement d'une façon laconique, mais à la hâte et avec précipitation, que de ne pas le faire du tout; car, dans ce temps de jeûne, j'ai pensé que je serais excusable de vous adresser une lettre un peu maigre, moi surtout qui rarement en écris d'autres, et qui, moins par la suppression des mets, que par la récente privation de votre présence, trouve tout fade et insipide.

  A011000554 

 J'ai reçu hier de mon Révérendissime Evêque une lettre à vous transmettre, et maintenant je n'ai que le temps de vous l'envoyer, car ce bon homme qui vous la portera est venu me saluer au moment de son départ, et en chemin plutôt qu'en ville.

  A011000567 

 Comment [54] en effet laisser partir l'un de nos serviteurs sans lui remettre une lettre pour vous? Mais son départ précipité m'a ôté le loisir et la facilité d'écrire à mon gré; en l'absence de mes parents, il doit aller à Chambéry traiter une affaire au nom des paysans de la Thuille.

  A011000567 

 Je vous prie et vous conjure, mon très bon et très aimant Frère, d'accueillir avec votre bienveillance accoutumée le laconisme auquel je suis obligé de revenir; car le départ de cet homme de la Thuille, qui est aussi notre domestique, m'oblige à vous écrire.

  A011000568 

 En conséquence, il est juste qu'à votre tour vous fassiez pour moi ce que j'ai fait jusqu'à présent pour vous: puisque je vous tiens pour un ami hors de pair, que vous me considériez aussi comme tel; vous devenez donc ainsi pour moi le frère le plus aimant, et tout mien de la meilleure manière possible, et je me sens devenu le vôtre, au point de me croire un autre homme que moi-même.

  A011000568 

 Quant à votre dernière lettre, elle offre une telle harmonie de pensées avec celle que je vous ai adressée le même jour, qu'elle montre clairement la parfaite unanimité de sentiments qui existe entre les deux frères, surtout en matière d'amitié, bien que ces sentiments ne soient pas exprimés de la même manière, car par l'élégance de votre style vous me laissez bien loin derrière vous.

  A011000569 

 Adieu, mon excellent Frère; faites en sorte que nous vous ayons en ces fêtes de Pâques; votre présence augmentera pour nous les charmes du printemps..

  A011000585 

 C'est non seulement avec empressement, mon très bon et très doux Frère, mais avec une véritable anxiété que j'ai cherché tous ces jours derniers à rencontrer un des nombreux personnages qui se sont rendus auprès de vous; mais, par un regrettable contretemps, aucun ne m'a prévenu.

  A011000585 

 Enfin Chappaz me donne un court moment pour vous tracer quelques lignes.

  A011000585 

 J'en profite, mon excellent Frère, et je vous prie de croire que, bien que vous me combliez de vos lettres, vous ne parviendrez pas à m'en rassasier; car telle en est la douceur que, loin d'accabler jamais, elles charmeraient toujours l'esprit le plus blasé, tandis qu'une douceur trop fade inspire le dégoût.

  A011000585 

 La seule chose dont je sois accablé, ce sont les bienfaits si nombreux et si grands par lesquels, non sans peine, vous avez montré à nos gens de la Thuille votre amitié pour la famille de Sales; et si d'une part cette preuve d'affection me réjouit, de l'autre je déplore le sacrifice de vos précieux instants de loisir..

  A011000586 

 J'en viens maintenant à Rodolphe Démeiller, ce bon paysan de Thorens; en le recommandant à votre bonté, je vous rends d'avance mille actions de grâces de ce que vous avez déféré à ma recommandation dans une mesure bien supérieure à mes mérites.

  A011000586 

 Je ne crains pas qu'on m'accuse de vouloir favoriser une mauvaise cause, si par ignorance je vous en recommandais une qui fût telle; car celui qui présenterait du cuivre pour de l'or à un orfèvre aussi habile que vous ne saurait être soupçonné d'agir de mauvaise foi.

  A011000586 

 Je ne vous parle pas de la noble veuve M me de Ville, puisque sa [57] cause est en si bonne voie, soit parce qu'elle est juste, soit aussi parce que, en ma faveur, vous avez bien voulu la prendre en considération.

  A011000587 

 L'un et l'autre nous vous attendons avec une vive impatience; mais avec cet inconvénient pour moi, que les jours solennels consacrés au divin Crucifié, lesquels m'auraient paru bien courts à [58] raison des cérémonies si graves et si belles qui les remplissent, me paraîtront d'autant plus longs que je vous attends avec plus d'impatience..

  A011000587 

 Nous avons passé hier une bonne partie de la nuit à nous entretenir de vous.

  A011000587 

 Vous viendrez donc immédiatement après les fêtes de Pâques: je ne pouvais recevoir de M. de Charmoisy une nouvelle plus agréable.

  A011000606 

 Le silence entre frères est toujours pénible, inopportun (voyez que je suis loin du sentiment que parfois je craignais un peu vous voir adopter); mais [59] ce silence serait bien plus amer, plus dur, aujourd'hui que les lois de la saison printanière semblent nous permettre non seulement une conversation sérieuse, mais un babillage amical..

  A011000607 

 D'ailleurs, la saison si favorable aux voyages nous fournira plus d'une occasion de nous rapprocher, alors que les plaideurs, même par simple divertissement, se rendront bien souvent auprès de vous.

  A011000610 

 Portez-vous bien, Frère très aimable, et que le Christ vous protège! [61].

  A011000627 

 Avant-hier, me rendant ici dans l'intention d'aller à vous le lendemain avec M. Coppier, après environ trois milles de marche sous une pluie torrentielle, je fus arrêté par un obstacle que je n'avais pas prévu, je vous assure: le torrent était si enflé qu'il ne présentait aucun endroit guéable, et je fus forcé de rebrousser chemin.

  A011000628 

 Je suis pressé par un incroyable désir de tenir ma promesse, et je le ferai aussitôt que je le pourrai; mais je me garderai bien de vous indiquer le jour, de peur que vous ne veniez encore à ma rencontre.

  A011000628 

 Vraiment, si cette amitié extrême (je dirais aveugle ou presque aveugle) que vous me portez ne vous servait d'excuse, je jugerais intolérable qu'un sénateur aussi distingué que vous l'êtes se fût dérangé une fois déjà pour moi avec toute une illustre compagnie.

  A011000629 

 Après avoir été attendu avec tant d'impatience, je suis on ne peut plus confus, mon excellent Frère, d'avoir manqué au rendez-vous.

  A011000629 

 Qu'il plaise à Dieu, mon Frère, me délivrer au plus tôt du trouble que je ressens jusque dans les profondeurs de mon être, sans quoi je cours risque de ne plus oser vous regarder en face!... [64].

  A011000646 

 J'avais presque achevé une autre lettre qui vous était destinée, mon très aimable Frère, lorsque Soudan m'a remis de votre part cette dernière, qui est toute remplie de la très suave odeur de l'Esprit-Saint.

  A011000647 

 Je ne puis guère vous dire l'heure précise, puisque, contre notre gré, une foule nombreuse s'est jointe à nous pour ce pèlerinage, principalement quelques dames que tous nos arguments n'ont jamais pu faire changer de résolution, notre Confrérie les ayant, dès le commencement, admises à la [66] Communion et autres pieux exercices.

  A011000647 

 Le cérémonial ne sera pas différent de celui que vous avez vu dernièrement quand vous étiez ici, et nous dirons les mêmes Litanies de Jésus crucifié.

  A011000647 

 Le mardi de la Pentecôte, Dieu aidant, nous ferons à Aix, [65] ainsi que vous l'écrivez, le pèlerinage convenu.

  A011000647 

 Louange soit donc à Dieu pour vous tous par Jésus-Christ, vous dirai-je avec saint Paul, parce que votre foi est maintenant annoncée partout.

  A011000647 

 Puisque vous venez le même jour, vous aurez à nous attendre là, parce que vous êtes plus rapprochés et que vous n'êtes point embarrassés d'un si grand nombre de personnes étrangères au pèlerinage..

  A011000648 

 Et il ne faut pas que j'oublie une chose merveilleuse: vous avez su que notre pèlerinage était décidé au moment où nous venions à peine de prendre cette détermination, car c'est mercredi soir seulement que nous avons délibéré à ce sujet; de sorte qu'on peut attribuer à une inspiration divine ce fait que, portant les regards sur la même Croix, nous [67] avons eu les uns et les autres le même sentiment.

  A011000649 

 Il faut seulement que vous et nous ayons à jamais cette unique loi, d'être non seulement appelés, mais d'être en effet tous frères et enfants de Dieu..

  A011000649 

 Je vous envoie les Statuts de notre Confrérie mis en ordre; si quelque point vous paraît offrir des inconvénients à cause de la variété des lieux, vous le modifierez.

  A011000650 

 Adieu, mon très aimable, très aimant et très doux Frère, et que le divin Crucifié vous soit propice.

  A011000650 

 Nous vous saluons encore une fois, tous tant que nous sommes, et nous saluons aussi tous les autres enfants de la très sainte Croix, espérant de vous voir au plus tôt et de vous parler bouche à bouche, afin que notre joie soit pleine dans le Seigneur.

  A011000668 

 Bon nombre de nos amis vous attendront le 17 juin au soir; mais notre parent, M. de Charmoisy, et moi nous vous attendrons de meilleure heure.

  A011000668 

 Il est juste que ceux dont le bonheur doit être plus grand devancent, en vous attendant plus tôt, le moment de le goûter..

  A011000669 

 Je vise à la brièveté, faute de loisir et non de choses à vous dire..

  A011000669 

 Ne vous mettez nullement en souci de ce que, dans votre lettre à M. de Charmoisy, vous appelez une maison de ville.

  A011000669 

 Nous en avons non seulement deux toutes prêtes, mais trois, puisque je ne dois pas vouloir que la mienne porte ce nom, et je vois que vous n'avez [69] pas voulu celle de M. de Charmoisy.

  A011000670 

 Je ne sais trop si je dois envoyer mes salutations à ma très aimable sœur, votre épouse très distinguée et très chère, car je ne voudrais pas la reconnaître pour vôtre si, à votre tour, vous ne la rendiez nôtre ainsi que vous.

  A011000670 

 Je prie Jésus-Christ de vous être propice à tous deux et à vos très nobles enfants.

  A011000687 

 Comme vous aviez écrit à notre parent, M. de Charmoysi, que vous viendriez vendredi ou samedi soir, M. de Chissé, grand-vicaire de notre Révérendissime Evêque, M. de Montrottier, M. de Novery et moi nous sommes tenus chaque jour en embuscade entre les deux chemins jusqu'au coucher du soleil, afin de vous attendre, ainsi que je vous l'avais écrit précédemment, un peu plus tôt qu'un grand nombre d'autres.

  A011000687 

 Notre déconvenue ne nous a pas empêchés de vous envoyer force compliments en soupant chez M. de Charmoisy, où [71] nous avons discuté jusque bien avant dans la nuit sur les raisons qui vous avaient arrêté, mon Frère.

  A011000687 

 On pensait à la solennité du Dimanche du Saint-Sacrement; mais, d'après la lettre qu'il a reçue de vous, M. de Charmoisy réfutait cette supposition..

  A011000688 

 A vous maintenant de voir comment vous me dédommagerez d'une perte si considérable.

  A011000688 

 M'en irai-je donc quand vous venez? Assurément je ne le ferais pas sans la raison du scandale à éviter, et si je n'avais cru que vous arriveriez plus tôt, rien n'aurait pu me déterminer à cette absence.

  A011000688 

 Quoi qu'il en soit, alors même que vous arriveriez aujourd'hui, ce retard peut être bien fâcheux pour moi qui me rends mercredi à La Roche pour prêcher.

  A011000689 

 Si donc vous ne voulez pas venir, laissez-moi saluer cordialement votre digne épouse et vos nobles enfants.

  A011000690 

 Je n'ai aucune inquiétude au sujet de votre santé, car nous avons entendu dire à un voyageur qu'il vous a vu vendredi vous promener en grande tenue..

  A011000690 

 Ne vous laissez pas arrêter par la crainte de n'avoir pas d'appartement; si vous venez, vous aurez des maisons de ville à votre disposition.

  A011000691 

 Adieu, et attendez un troisième arrêt du prince pour venir, s'il vous semble à propos.

  A011000706 

 A quel point j'ai été jusqu'ici inconsidéré et coupable en passant tant de mois sans vous écrire, je le sens mieux que personne, et j'en suis d'autant plus affligé que personne n'apprécie mieux que moi les grands avantages de votre amitié.

  A011000706 

 Après être demeuré si longtemps sans vous écrire, mon très bon et très respectable Girard, je suis à peu près dans la situation où se trouvent parfois de bons écoliers qui, n'étant pas arrivés aux heures fixées, ont manqué inconsidérément certaines leçons.

  A011000706 

 Aussi, dans la confusion que j'éprouve de vous avoir donné un pareil sujet de mécontentement, à peine aurais-je osé, même par lettre, diriger sur vous mes regards, si le souvenir de votre douceur et de votre indulgence ne m'avait encouragé..

  A011000707 

 Ainsi moi, qui me devais déjà une fois tout entier à vous, à raison de la bienveillance dont vous m'avez entouré, et à notre très digne Favre parce qu'il m'a obtenu cette faveur, je me devrai désormais tout entier à vous seul, et cela avec d'autant plus de raison que je me trouve dans ce [75] magnifique monastère où l'on ne peut entrer sans se rappeler cette sentence: « Il est plus difficile de réformer que de former.

  A011000708 

 Avant que j'aie la peine d'être séparé d'un très aimable frère, je me suis persuadé que je pourrais obtenir le pardon de mon silence prolongé en vous promettant de vous dédommager à l'avenir par ma diligence et mon exactitude.

  A011000708 

 C'est aujourd'hui le dix-neuvième jour que je passe la vie la plus douce avec mon frère notre cher Favre; il ne manquait, ce semble, à notre bonheur que de vous avoir avec nous.

  A011000708 

 La majesté de ce lieu, le caractère sacré de cet excellent et très vertueux Pontife vous feront croire à ma parole; pour le même motif aussi, je l'espère, vous [76] recevrez amicalement un coupable qui en vous écrivant revient au devoir, et j'aurai moi-même plus de soin de rester fidèle à ce devoir....

  A011000723 

 Il ne faut rien moins que la très grande autorité que vous avez sur moi pour me convaincre, comme vous me l'écrivez, qu'il est toujours plus facile de répondre à un ami que de le provoquer; car [77] lorsque j'étais sur le point de vous prévenir, votre lettre si gracieuse et, qui plus est, si amicale, m'est parvenue.

  A011000723 

 L'éclat de votre érudition m'a si fort ébloui l'esprit, que, tout en me disposant à vous écrire, je désespérais de pouvoir m'élever à la hauteur de votre savoir.

  A011000723 

 Vous nous êtes tellement supérieur sous tous rapports que nous ne pouvons en aucune façon nous mesurer avec vous, à moins toutefois que nous n'entamions la correspondance ou que nous n'en choisissions le sujet..

  A011000724 

 Si grande est l'estime que je vous ai vouée, que sur ce point on peut tout au plus rivaliser avec moi, mais l'emporter, jamais.

  A011000725 

 Adieu; que Jésus-Christ vous soit propice! [78].

  A011000740 

 Deux raisons principales me portent à vous écrire, mes très chers Amis: la première est de répondre à la lettre dont vous m'avez favorisé récemment, et qui m'a causé tant de plaisir; la seconde est de vous demander une nouvelle lettre, car celle que vous m'avez écrite est tout endommagée par la lecture répétée que j'en ai faite.

  A011000741 

 Ayez jour et nuit, mes [79] très chers Amis, les yeux fixés sur le modèle éclatant qui resplendit devant vous; suivez-le religieusement.

  A011000741 

 En agissant de la sorte, vous qui êtes dans son atelier d'excellents apprentis, vous en sortirez très nobles ouvriers, et spécialement vous aurez appris de lui à m'aimer..

  A011000741 

 Vous faites très bien d'imiter l'exemple de votre illustre et excellent père en m'écrivant si affectueusement.

  A011000758 

 Je m'en réjouis vivement et je vous félicite tous deux de ce que, suivant le proverbe, vous ne jetez pas des épines sous les pieds du voyageur de bonne foi..

  A011000758 

 Que j'étais donc simple et ingénu, mon Frère, quand je vous conseillais si naïvement d'être un peu condescendant envers ma sœur, [votre femme,] comme si jamais vous aviez eu d'autres pensées! Je serais déjà plein de confusion d'avoir été trompé en chose aussi [80] évidente si je ne l'avais été par un artisan tel que vous.

  A011000759 

 Certes, je félicite aussi grandement ma sœur de pouvoir jouir longuement de votre agréable présence; mais pourquoi vouloir être prié, pressé et presque contraint dans cette affaire? Pourquoi n'occuper qu'après les nombreuses instances de plusieurs, la place que vous avez choisie vous-même, si ce n'est par une extrême finesse digne des hommes de cour, à la manière de notre Locatel? C'est bien.

  A011000760 

 Mais je ne vois pas ce qui peut m'être attribué dans cet ouvrage, car vous l'avez vous-même tissé et enrichi de tant de belles pierreries, que, par une heureuse transformation, il a perdu son ancien nom et sa première forme..

  A011000760 

 Vous m'avez envoyé fort à propos les Méditations sur la pénitence, afin que je m'y exerce pendant que je suis privé de votre [81] présence.

  A011000761 

 Je vous ai transmis dernièrement la lettre de l'Evêque d'Albi, je ne sais si vous l'avez reçue.

  A011000761 

 Portez-vous bien et à souhait, ainsi que votre illustre épouse..

  A011000776 

 J'ai reçu votre lettre par le porteur à qui vous l'aviez remise.

  A011000776 

 Qu'est-ce qui m'agréa davantage, ou de voir votre envoyé ou de lire votre lettre? Tout ce qui vient de vous ne peut que m'être extrêmement agréable.

  A011000777 

 Cette bienveillance dont je suis l'objet de sa part m'est d'autant plus douce qu'elle procède uniquement de celle que vous avez pour moi et qu'elle se rapporte immédiatement à celle-ci, puisque « la première chose en chaque genre sert de mesure à tout le reste.

  A011000777 

 Du reste, comme il aura trouvé en moi si peu des qualités que vous m'avez attribuées, il ne voudra plus être ni votre ami ni le mien, à moins que, pour s'expliquer l'amour que vous me portez, il ne vous considère avec beaucoup d'indulgence, moi avec beaucoup de bienveillance, et tous deux avec quelque surprise.

  A011000777 

 » A vous maintenant de me conserver ce bien dont je vous suis redevable..

  A011000795 

 Il faut maintenant vous féliciter du fond du cœur, excellent Girard, puisque nous vous voyons combattre de toutes vos forces sous [84] l'étendard du très saint Crucifié; car n'est-ce pas combattre pour le Christ que de haïr ceux que Dieu hait, et de sécher de douleur à cause des ennemis de la Croix? Vous ne pourrez jamais rencontrer une occasion plus glorieuse pour bien mériter de Dieu et de l'Eglise que celle qui vous est présentement offerte par la souveraine providence divine.

  A011000795 

 O bienheureux combat dans lequel à la fois nous mourons et nous vivons pour le Christ! Qu'est-ce qui a, je vous le demande, environné de tant de gloire et [85] d'une si religieuse vénération la mémoire des anciens Pères de l'Eglise? C'est que jamais aucune menace n'a pu les empêcher de patronner (permettez-moi cette expression) la cause de Jésus crucifié.

  A011000796 

 Bien plutôt, je vous félicite hautement de ce que, dans un âge avancé, vous avez entrepris et poursuivez si hardiment la guerre pour le Christ.

  A011000796 

 En conséquence nous participons aux avantages les uns des autres: nous, à la gloire de vos combats, vous, au mérite de nos prières et de nos sacrifices..

  A011000796 

 Ne vous persuadez pas, du reste, qu'en vous disant ces choses je prétende exciter votre courage.

  A011000796 

 Nous pouvons avec vérité vous appliquer la parole de saint Jérôme: « Le bœuf fatigué enfonce plus fortement le pied.

  A011000796 

 » Votre gloire me [86] devient d'autant plus douce que l'excellent Jean Tissot, déjà vénérable par ses cheveux blancs, très digne prieur de notre Confrérie, vous a dernièrement inscrit avec plus de bonheur au nombre des confrères de la Croix; car maintenant il y a entre nous une certaine communauté de biens à divers titres, et principalement parce que nous sommes frères dans la Croix.

  A011000797 

 O bien aimé de Dieu, que le Ciel vous soit en aide!.

  A011000798 

 Le Seigneur est votre défenseur, vous ne craindrez pas ce que l'homme fera contre vous..

  A011000808 

 Qui a faict que le Chappitre de Saint Pierre ayant esté advisé, ou pensant quil se devoit tenir quelque journëe a Thurin touchant ces balliages et autres affayres, il a pris resolution, en l'asseurance de vostre zele et pieté, de vous supplier tres humblement de leur faire ausmosne de vostre credit et intercession en cest endroict, affin qu'en cas de quelque restitution de païs, ils ressentent le prouffit de la devote intention de sa dicte Altesse, et que les biens qui se trouveront avoir esté dudict Chappitre au tems de la subversion de Geneve leur soient restitués.

  A011000808 

 [88] Ils vous supplient donques, Monsieur, tres humblement, tous en general et moy en particulier, comm'ayant cest honneur d'estre Prevost en leur compaignie, de prendre ce leur affere en main; se promettans que si la bonne intention de Son Altesse, dressëe sur la pieté de la cause, est aydëe de vostre faveur et authorité, elle sortira en son effect avec grand merite de sa dicte Altesse, qui nous aura remis nostre pain en la main, et de vous, Monsieur, qui nous aures procuré ce bien, duquel je puys bien vous asseurer avec verité que nous avons bon besoin, pour s'estre la pauvreté de cest'eglise cathedrale de trente chanoynes, quasi tous gentilhommes ou gradués, fort rengregëe par ces guerres, sans avoir voulu jamais diminuer aucune chose de ce qui s'observoit pour la decoration du service divin..

  A011000809 

 Vous suppliant donques nous avoir pour recommandés, nous recommanderons de toute nostre devotion vostre santé et prosperité a Nostre Seigneur, et demeurerons obligés a jamais de prier plus particulierement sa divine [Majesté] qu'elle vous comble de ses benedictions.

  A011000828 

 Certes, je l'eusse fait plus tôt très volontiers, car nulle autre pensée ne m'est aussi douce, ne me récrée autant que celle par laquelle je tâche chaque jour de vous représenter à mon esprit le plus fidèlement qu'il m'est possible; il me semble alors qu'après de très épaisses ténèbres, une certaine lumière luit pour moi, tant me paraît sombre le nuage auquel commande sans doute le prince de ces ténèbres dont vous me parlez..

  A011000830 

 Que feriez-vous, mon Frère? Leur cœur est endurci; ils ont dit à Dieu: Nous ne servirons pas; retirez-vous de nous, nous ne voulons point marcher dans la voie des commandements de Dieu.

  A011000838 

 ... que vous sçaves trop mieux comme l'on manie ces affaires, et que l'affection et devotion que vous y aves vous y conseille asses.

  A011000838 

 Mays seulement je vous rends ainsy conte de mes pensers, lesquelz vous advoueres ou rayeres comm'il vous playra..

  A011000839 

 Ce pendant je prieray Dieu pour vostre heureuse santé et longue vie, vous suppliant tres humblement me [93] continuer en lhonneur que j'ay de vostre Reverende Paternité, et lequel je prise tant, d'estre advoüé pour.

  A011000868 

 Aujourd'hui enfin il m'est permis de bien augurer des affaires de Thonon, et je dois vous faire savoir, très aimable Frère, qu'avant-hier l'un de ces messieurs m'a témoigné tant de bienveillance et d'amabilité qu'il ne se peut rien dire de plus.

  A011000868 

 Quelques Thononais avaient donc apporté votre lettre: je vous le demande, pouvait-il y avoir rien de plus efficace que ce présent qui relevait mon courage pour aller à eux? En effet, je me trouve tellement devenu un autre vous-même, que sans vous je ne pourrais traiter avec ces hommes..

  A011000869 

 D'ailleurs, la solennité des fêtes de la Toussaint et des Fidèles Trépassés me laisse à peine le loisir de m'entretenir avec vous, à moins que ce noble M. de Blonay ne remette son départ à une autre heure.

  A011000869 

 S'il m'eût été possible, j'aurais écrit aussi à M. Guichard, comme vous me l'avez [96] recommandé, et je le ferai au plus tôt, pourvu qu'auparavant vous vous engagiez de bonne foi à l'assurer que j'ai écrit, et à lui laisser ignorer que j'ai l'habitude d'écrire si mal.

  A011000869 

 Vous me demandiez de vous écrire au sujet des affaires de notre Rolland, mais je l'ai déjà fait.

  A011000883 

 ... Tandis que [la mère] pensera au père et au parrain, la ressemblance avec tous les deux se produira chez l'enfant, car vous savez [97] que l'imagination fait son œuvre.

  A011000884 

 Je ne tarderai pas à vous écrire de nouveau pour vous parler de ce qui se passe ici et des affaires de la religion..

  A011000884 

 Permettez-moi de vous confier une lettre pour lui, ainsi que d'autres pour notre Guichard, pour Girard et pour l'Evêque d'Albi.

  A011000884 

 Pour moi, j'estime d'autant plus précieuse son affection si aimable et si bienfaisante qu'il me fait partager cet avantage avec vous.

  A011000885 

 Lorsque je l'aurai mieux constaté, je ne manquerai pas de vous le faire savoir, à vous qui avez employé votre conseil, votre autorité, votre action pour favoriser cette entreprise..

  A011000886 

 En attendant, portez-vous bien, et que le Christ nous soit de plus en plus propice à vous et à moi.

  A011000901 

 Ce faible témoignage de gratitude vous prouvera l'impérissable souvenir que je garde de la bienveillance dont vous m'avez précédemment honoré; il vous montrera également mon désir d'être à jamais le très humble serviteur de Votre Révérendissime Paternité..

  A011000901 

 J'ai entendu dire en effet que vous vous préparez à votre départ pour Albi, et, s'il ne m'est pas possible d'aller, comme il conviendrait, baiser religieusement [100] vos mains sacrées, il est au moins de mon devoir de vous en demander pardon, et je ne voudrais pas y manquer.

  A011000901 

 La même cause me presse à bon droit de vous écrire aujourd'hui.

  A011000901 

 Le très grand respect et la profonde vénération dont je suis pénétré à votre égard m'ont seuls empêché jusqu'à présent de vous prévenir par mes lettres, sachant Votre Seigneurie toujours appliquée à des études ou à des occupations très importantes.

  A011000902 

 En conséquence, lorsqu'il vous plaira de faire le dénombrement de vos Allobroges, je me présenterai enfin le dernier à votre mémoire; je serai d'ailleurs facilement des premiers si vous voulez bien prendre en considération non pas le mérite personnel, mais l'estime et l'affection dont tous ces cœurs vous entourent..

  A011000902 

 Les choses étant ainsi, il appartiendra à votre bonté et à votre magnanimité, Monseigneur, de m'attribuer entre ceux qui vous sont dévoués une place si sûre et si stable que je ne puisse jamais être moins vôtre que vous n'aurez daigné me croire.

  A011000903 

 Pour nous, unissant nos prières à celles de tous vos Albigeois et [101] de ceux qui cultivent les lettres, nous demanderons au Seigneur de vous conserver longues années et de rendre vos diocésains parfaitement soumis au joug de la religion.

  A011000921 

 Celuy auquel vous voulies que je parlasse pour vous n'estant icy, je n'ay peu fayre ce dont vous m'avies escrit; mays en toute sorte d'occasion vous me trouveres tous-jours prompt a vous servir.

  A011000921 

 Je prie Dieu quil vous doint parfaitte santé et sa grace, et me recommande bien fort a vostre bonne grace, de Madame la curiale et de vostre beaufilz et fille, attendant de bien tost aller voir mes pere et mere et leur....

  A011000933 

 En quoy, le peu d'asseurance que j'avoys du lieu ou vous esties et le respect que je dois a vos occupations me pourroit beaucoup excuser, puysque je n'ay pas layssé de demander a toutes occasions de vostre santé, tant quil y a quelques moys que j'en eus des nouvelles par le P. Jean Lorrini.

  A011000933 

 Pour me nourrir en vostre memoyre [et] [104] conserver ce bien pour moy, je vous ay voulu addresser ceste lettre comm'une humble requeste, pour vous supplier m'entretenir tousjours en la faveur laquelle une foys vous m'avies accordëe, n'ayant rien faict des lors qui m'en puysse priver, sinon que ce fut d'avoir tant attendu de vous escrire et salluer.

  A011000934 

 Et au reste, pour vous rendre quelque conte du vostre despuys que je suys de retour d'Italie, je me suys tellement faict ecclesiastique que j'ay celebré Messe le jour de saint Thomas l'Apostre dernier, en nostre eglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, ou je suys indigne Prævost, qui est la premiere dignité apres l'episcopale, et, par le commandement de mon Evesque, des demy annee en ça j'ay praesché icy et ailleurs parmi le diocæse la parole de Dieu; en quoy je m'accuseroys bien fort de temerité si l'obeissance ne m'en avoit osté le scrupule.

  A011000934 

 [105] C'est ce que j'ay faict et que je fays encores le mieux que je scay, vous portant bien souvent avec moy en imagination en chaire.

  A011000955 

 C'est assez, et même trop, de ressentir avec une peine très vive mon récent éloignement de vous.

  A011000955 

 Je dois de fait maintenant écrire à la française, comme je vous le disais dernièrement, mon Frère, par manière de plaisanterie, car j'ai appris seulement pendant le souper que Thovex doit retourner vers vous cette nuit même.

  A011000956 

 Ce que je ressens, ce qui me peine gravement c'est mon récent éloignement de vous.

  A011000956 

 J'espérais, mon Frère, vous envoyer dès maintenant quelque chose de notre travail; mais, changeant d'avis, j'ai résolu d'attendre qu'il formât pour ainsi dire un corps, plutôt que de vous le soumettre pièce à pièce.

  A011000956 

 Je vous avais cependant écrit avant-hier une lettre que Thovex devait vous porter; mais contre sa promesse il n'est pas venu la prendre.

  A011000956 

 Vous ne vous étonnerez donc pas si, comme je vous le disais récemment par manière de plaisanterie, je dois maintenant de fait écrire à la française.

  A011000956 

 [108] Quant à vous, mon Frère, portez-vous bien en la compagnie de votre illustre artisane Benoîte et de tous vos artisans grands et petits, et aimez-moi comme vous le faites..

  A011000970 

 En effet, j'ai pensé que dans ce temps solennel de pénitence où vous me remettriez même les péchés commis contre vous, j'obtiendrais facilement grâce pour les omissions.

  A011000970 

 En somme, parce que vous avez aimé la paix au milieu des guerriers, vous vous montrez bon soldat.

  A011000970 

 Je suis très confus d'avoir tant tardé jusqu'ici de répondre à votre aimable lettre par laquelle vous réclamiez la mienne.

  A011000970 

 » Puisque me voilà prêt à recevoir toutes les conditions que vous voudrez m'imposer, oubliez tout..

  A011000984 

 Vous désirez voir les premières pages de mon ouvrage contre les hérétiques; je le désire aussi extrêmement, et je ne porterai pas mes enseignes dans les rangs de l'ennemi avec toute l'ardeur que mérite cette cause, avant que vous ayez approuvé mon dessein, le plan de la bataille et la tactique adoptée.

  A011000985 

 Je vous le dis parce que je voudrais que vous fussiez instruit de ce que je fais à toute heure du jour.

  A011000985 

 » Aussitôt qu'il se pourra facilement faire, vous verrez quelque chose de mon travail.

  A011001014 

 Je commençais à m'affliger de votre départ pour la Bresse, lorsque j'ai vu, par la date de votre lettre, que vous étiez de retour au moment où je la recevais.

  A011001015 

 J'étais donc blessé par moi-même, moi dont la blessure venait de ce que je vous croyais blessé.

  A011001015 

 Je le savais, mon Frère: par l'observation attentive et le mépris des choses périssables du temps, par l'attente et l'amour des biens incorruptibles de l'éternité, vous avez porté jusqu'au dernier degré de perfection cette force d'âme dont la nature vous a gratifié.

  A011001015 

 Si quelqu'un a jamais su le moyen de [113] mettre à profit l'adversité, si quelqu'un a jamais pu remédier aux ruines et aux désastres de son époque, c'est de vous (dois-je dire sénateur ou bien artisan expérimenté?) qu'il faut attendre cela..

  A011001015 

 Supposer que, si bien protégé et défendu, vous pouviez être blessé par quelque changement survenu dans les choses d'ici-bas, ce ne pouvait être que vaine imagination d'un esprit faible.

  A011001015 

 » O maxime bien propre à notre temps et digne du grand Chrysostome, dont une certaine homélie, vous le savez mieux que personne, est illustrée par ce célèbre frontispice.

  A011001020 

 J'étais blessé par moi-même, moi qui l'étais parce que je vous croyais aussi blessé; c'est qu'il appartient non à un apprenti, mais à un artisan de prévenir par la raison ces premiers mouvements de l'âme..

  A011001022 

 Je n'ignore pas, mon Frère, combien mes lettres vous sont agréables; je le devine en effet facilement, puisque les vôtres me causent un si vif plaisir.

  A011001024 

 Encore un mot: je voudrais apprendre de vous comment il faut traduire en latin commissaire des guerres, et si procureur du Prince a la même signification que procureur fiscal.

  A011001025 

 Adieu, et que le Christ vous soit propice, ainsi qu'à vos grands et petits artisans..

  A011001035 

 Nul ne peut douter de la mauvaise volonté de nos adversaires; mays aussi vous faict on tort quand on doute de nostre courage.

  A011001036 

 Je vous supplie donq, mon Pere, de ne point attribuer ma perseverance a la desobeyssance, et de me regarder tousjours comme.

  A011001050 

 Si vous desires de sçavoir, comme il est convenable que vous le sçachies, ce que nous avons faict et ce que nous faisons maintenant, vous le trouveres tout en la lecture des Epistres de saint Paul.

  A011001051 

 Vous le sçaves plus que tous, Monseigneur, aussi bien que ceste verité, que toutes choses me rendent plus fort de jour en jour,.

  A011001061 

 Et si ce n'estoit que je suys icy engagé en un jeu ou qui la quitte la perd, je me serois desja rendu par devers vous; ce que je me prometz de faire, Dieu aydant, plus tost que je ne vous puys promettre et non jamays si tost que je souhaitteroys.

  A011001061 

 J'en loue Dieu mille fois, et vous remercie tres humblement de la souvenance que vous daignés avoir de si peu de chose que je suys et du desir que vous aves de me voir, que je ne pense pas pouvoir estre plus grand que celuy que j'ay de jouir de vostre præsence, quoy qu'on die que l'amitié descend plus vistement qu'elle ne monte.

  A011001061 

 Je ne vous sçaurois dire, et ne sçay si vous sçauries croire, combien j'ay receu de consolations de vostre lettre, car il y a longtems que je desirois infiniment d'estre [119] asseuré de vostre santé; mays en avoir l'asseurance de vous mesme, et de si pres comme je l'ay eue, je ne l'eusse pas osé si tost esperer.

  A011001061 

 Si ne veux je pas m'en remettre du tout a ce tems la de vous dire de mes affaires spirituelz..

  A011001062 

 Et cest'occasion seule me prive pour quelques jours du bien que je recevray de vous ouyr, parce que Son Altesse ayant un gentilhomme en Suysse qui doit bien tost revenir, si par fortune il apportoyt point de bonnes nouvelles, je pourrois, me trouvant icy, fair'esclorre ceste foy secrette.

  A011001062 

 Et ne faut pas penser d'apporter aucun remede a cela, car de leur apporter en jeu l'enfer, la damnation, ilz se couvrent de la bonté de Dieu; si on les presse, ilz vous quittent tout court.

  A011001062 

 Monsieur le senateur Favre, mon frere, vous aura bien dict, a ce que je voys, comme je suys venu en ce païs, voyci desja le septiesme moys.

  A011001063 

 J'en dis trop, a vous qui sçaves bien de quell'estouffe doit estre la resolution qui faict abandonner le soucy des biens de ce monde et de la famille.

  A011001065 

 Je prie Nostre Seigneur quil vous conserve longuement pour son service, et demeure, Monsieur mon Reverend Pere,.

  A011001065 

 Voyla ce que pour cest'heure je puys escrire, me reservant de vous dire le reste a bouche plus seurement et bien tost, Dieu aydant, quand vous me favoriseres de vos saints conseilz et instructions, qui ne seront jamays [121] recueillys plus humblement et affectionnement que de moy.

  A011001090 

 Dirai-je, mon Frère, avec quelle joie intime j'ai reçu avant-hier votre lettre et celle du très digne P. Antoine Possevin? Si le seul souvenir de l'un de vous séparément suffît d'ordinaire pour délecter toute mon âme, qu'en a-t-il été, je vous le demande, non du souvenir seulement, mais de ce gage précieux de la bienveillance de l'un et [122] de l'autre à mon égard? Une lettre est déjà comme un portrait de celui qui écrit; mais l'image de Possevin est si naturelle dans ce charmant ouvrage de la Poésie et de la Peinture que, pour se représenter et se peindre soi-même avec tant de grâce et d'exactitude, il n'a certainement pas emprunté les pensées d'autrui.

  A011001090 

 Il ne m'est guère moins présent par cet écrit qu'il ne vous l'est en réalité.

  A011001091 

 Si jamais on put [124] appliquer ailleurs le conseil de saint Jérôme: « Foulez aux pieds votre père et courez vous réfugier sous l'étendard de la Croix, » c'est bien ici en particulier le cas de le faire.

  A011001092 

 Cependant je ne veux pas vous laisser ignorer avec quelle unanimité de sentiments les PP. Possevin et Chérubin m'ont prévenu.

  A011001092 

 Pensez vous-même quelle conclusion je tirerai de ceci par rapport à vous qui êtes l'auteur de ces biens.

  A011001093 

 Ce même chevalier se chargera de vous porter cette lettre et, si vous le voulez, de m'en rapporter une autre de vous.

  A011001093 

 Le baron d'Hermance vous salue affectueusement..

  A011001094 

 Adieu, veillez, comme vous le faites, à ce que le P. Possevin ne diminue rien de sa bienveillance à mon endroit.

  A011001094 

 Que le Christ vous soit propice!.

  A011001109 

 Comme le chevalier de Compois n'a pas envoyé son serviteur en ville au jour convenu, j'ai eu soin d'expédier tout récemment par une autre voie des lettres pour vous et pour le P. Possevin.

  A011001109 

 Et parce qu'il a, comme vous voyez, une stature et une voix de géant, je n'ai pas osé refuser tout à fait, moi petit homme sans défense, bien que, pris ainsi à l'improviste, je n'aie rien de nouveau à vous écrire, si ce n'est que Poncet, dont je vous ai parlé dans ma dernière lettre, a maintenant promis de faire publiquement profession de la foi catholique d'ici à peu de temps.

  A011001109 

 Mais le chevalier lui-même se mettant en route maintenant, n'a pas voulu partir sans une lettre de moi, afin de n'être pas privé, à cause de son retard, d'une occasion de vous saluer.

  A011001109 

 Vous verrez que notre chevalier, avec son langage militaire, ne se vante pas peu de m'avoir devancé dans la joie de cette conversion..

  A011001110 

 Au reste, il me serait difficile de dire si j'aime mieux voir le P. Possevin à Annecy ou à Chambéry, si vous n'êtes pas en l'un et l'autre endroit.

  A011001110 

 Mais je dois prévenir les Annéciens du jour de son arrivée, afin que, si sa bienveillance pour moi le décide à venir, ils ailllent l'attendre à mi-chemin et ne soient pas privés de la visite d'un tel homme... vous salue... [129].

  A011001123 

 La négligence de ceux que j'avais chargés de vous remettre ma dernière lettre sera cause, mon Frère, que vous recevrez celle-ci en même temps.

  A011001123 

 M. Portier, au nom de notre Chapitre, portera peut-être devant vous une affaire concernant un certain prêtre.

  A011001124 

 C'est à vous de décider.

  A011001124 

 En conséquence, nous ne voudrions pas voir la question tranchée par un autre que par vous, en qui nous honorons non seulement un très habile artisan, mais un très religieux confrère..

  A011001124 

 Le postulant a demandé enfin que vous soyez juge en cette discussion.

  A011001124 

 Mais nous sommes dans l'odieux, eu égard au respect dû à nos Constitutions, et dans le dangereux si vous considérez le grand malheur d'une excommunication.

  A011001125 

 Adieu, Frère mille et mille fois très aimable; que le Christ vous soit propice..

  A011001125 

 Pour moi, j'attends de vous des [131] nouvelles de notre Possevin, car j'en ai eu du Chantre, notre frère, et de Girard par un certain chanoine de Bresse qui est auprès de nous.

  A011001147 

 Aussitôt averti par vous, j'accourrai..

  A011001147 

 Mon père m'appelle, et je n'ai pas voulu partir à votre insu, [132] de peur que si Possevin venait, vous ne sussiez où je suis.

  A011001148 

 Je ne sais si je dois maintenant, ayant presque le pied à l'étrier, vous remercier de ces poésies sacrées que vous me dédiez si affectueusement; certes, l'occasion est bonne, car la pénurie de temps m'autorise à faire plus courtement ce que je ne croirai pas avoir bien fait une seule fois, alors même que je le ferais toujours.

  A011001148 

 Mais je vous dirai cela plus au long lorsque j'aurai considéré un peu plus attentivement l'ouvrage entier pendant ces quatre ou cinq jours.

  A011001149 

 Vous aurez reçu maintenant enfin, je pense, ma précédente lettre; plût à Dieu que j'eusse pu la remettre à notre ami Portier! Il m'aurait [133] sans doute rapporté la réponse au sujet de nos affaires du Chablais.

  A011001154 

 Portez-vous bien, mon Frère, et que le Christ vous soit propice.

  A011001178 

 Aucune nouvelle triste ou joyeuse n'a jamais pu m'impressionner à l'égal de celle que vous me donnez d'un si grand ami.

  A011001178 

 Et d'ailleurs, comment, je vous prie, suppléer à un zèle tel que le vôtre? [135].

  A011001178 

 Je comprends donc à peine l'estime que vous faites de moi, lorsque vous voulez substituer mon zèle au vôtre en cette affaire.

  A011001179 

 Je sais, en effet, que le premier à qui il appartient de venir en aide à Guichard, c'est vous, et par ordre de nature, comme on dit, et par ordre d'ancienneté; moi, je ne suis que le second; mais au point de vue de l'affection, que je ne sois, je vous prie, ni le premier ni le second, et que rien n'altère l'unité qui existe entre vous et moi.

  A011001180 

 Je ferai injure à ce très noble M. de Montrottier, qui vous est des plus attachés, si je ne vous dis combien il a dépensé d'énergie pour soutenir cette cause par son éloquence lorsqu'il ne pouvait le faire par l'action.

  A011001180 

 Ou plutôt, si je ne me trompe, ce serait déjà une grande injure que de vouloir rendre la grâce, la douceur toute de miel de ce plaidoyer; vous vous le représenterez mieux par la pensée que je ne pourrais vous le redire de mémoire..

  A011001181 

 Mais quelle est l'opinion du public? La voici: on admire le charme du style, la richesse et l'élévation des pensées; on semblait même dire que si vous ne m'eussiez appelé votre frère, l'obscurité de mon nom aurait rabaissé un ouvrage si excellent et fait de main de maître..

  A011001181 

 Oui, comme vous l'écrivez d'ailleurs, mon Frère, il est vrai que j'ai répondu à votre précédente lettre sans entreprendre de louer ni de blâmer votre œuvre poétique, car je n'en avais pas encore examiné chaque partie isolément.

  A011001182 

 Eh bien! qu'on n'entende plus entre nous ces mots mien et vôtre, ou qu'ils ne se profèrent en toute vérité que lorsque vous voudrez me dire vôtre, ou vous dire mien..

  A011001182 

 J'avouerai volontiers encore qu'autant la dédicace que vous m'en [137] faites m'a merveilleusement charmé par sa grâce, autant elle laisse à désirer pour la franchise.

  A011001182 

 Qui ne sait, en effet, que des écrits tels que les vôtres ne sortent pas de mon pauvre atelier et que de petits esprits ne peuvent traiter de si grands sujets? Et en vérité, si j'ai énoncé le premier ou rappelé à votre mémoire quelques idées que sans doute vous connaissiez déjà, soit, attribuez-le moi; mais ce ne sont là que des tables rases et brutes qui doivent disparaître sous une peinture si achevée.

  A011001182 

 Vous, au contraire, vous nommez fond ce qui n'est que partie, et, pour que l'hyperbole amicale corresponde en tout point à votre affection, vous semblez affirmer que la façon même est de moi.

  A011001183 

 Pour moi, étant chez nos parents de Sales, au milieu des oiseaux qui chantent le printemps, j'ai admiré et admiré encore dans tous ses détails ce très suave poème, et il ne faut pas que vous ignoriez ceci: je ne crois pas [138] qu'on ait jamais chanté plus belle ode que celle où, avec autant d'esprit que d'élégance, vous rappelez les larmes d'Alexandre le Grand, au point.

  A011001183 

 Vous attendiez-vous, pour un si beau présent, à un si grave réquisitoire? Mais c'est la vieille coutume des débiteurs insolvables de recourir à cette adresse ordinaire de la diversion.

  A011001187 

 Vous êtes à peu près le seul qui m'approuviez, mais c'est assez, et voici ma résolution: dans quatre mois, c'est-à-dire mon année achevée, si chacun ne remplit pas fidèlement son devoir en cette affaire, je ne souffrirai plus qu'aucun autre que vous me retienne dans cette charge.

  A011001187 

 [139] Je ne voudrais cependant pas que vous en parlassiez à personne, car, vous le voyez, ces propos pourraient être mal interprétés..

  A011001188 

 Portez-vous bien; aimez, comme vous le faites, votre très humble frère, et s'il vous plaît, saluez en mon nom tous les nôtres, en particulier ma très illustre sœur qui ne m'est pas autrement....

  A011001188 

 Si vous apprenez quelque chose de Possevin, dites-le-moi.

  A011001216 

 C'est pourquoi je ne pense pas avoir besoin d'excuse quand j'ose vous écrire, moi, homme de rien, inconnu et obscur; car vous n'êtes pas également un homme inconnu et obscur, vous qui vous êtes signalé auprès de tous les fidèles du Christ par tant de choses (j'emploie le terme le plus modéré) si bien faites, dites et écrites pour le Christ.

  A011001216 

 Tel est l'éclat de la vertu, vous le savez mieux que personne, très vénéré Père, qu'aucune distance ne peut l'empêcher d'être aperçue [140] et, par sa lumière, d'illustrer ceux qui la possèdent et les rendre aimables à quiconque honore au moins le nom de la vertu.

  A011001217 

 Ayant donc su que je n'étais pas à une grande distance de vous, et que nous n'étions séparés, pour ainsi dire, que par le seul lac Léman, j'ai pensé ne point vous être désagréable et m'être extrêmement utile [141] à moi-même, si, ne pouvant m'entretenir avec vous, je vous adressais par lettres, à l'occasion, des questions sur les matières théologiques et sur les difficultés qu'elles présentent, afin de recevoir aussi par lettres vos instructions.

  A011001218 

 Enfin il s'est rendu, ce dont nous vous sommes l'un et l'autre très, redevables..

  A011001219 

 Je m'adresse donc à vous, qui êtes un docteur très habile et très obligeant, et je vous demande, moi pauvre débutant sans aucune science ni expérience, l'interprétation de cette phrase hébraïque; je l'attends de l'inclination que vous avez d'aider tout le monde.

  A011001220 

 Veuillez vous-même me tenir, comme l'a fait depuis longtemps Antoine Possevin, de votre Société, pour votre très humble et très dévoué serviteur et fils en Jésus-Christ..

  A011001262 

 J'ai jugé à propos de donner promptement connaissance de cela à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime afin qu'elle daigne [149] prendre le fait en main auprès de Son Altesse, puisque vous êtes notre refuge et le protecteur de la liberté ecclésiastique.

  A011001263 

 En [150] implorant pour vous de Dieu notre Seigneur tout contentement, je baise humblement vos mains vénérées et je demeure,.

  A011001263 

 Néanmoins je n'ai pas voulu laisser de vous en écrire, afin que Son Altesse ne donnât pas une réponse à son Sénat avant que Votre Seigneurie Illustrissime en fût informée.

  A011001274 

 Je voudrois bien vous salluer avec autre occasion que cellecy, mays les occasions ne sont pas en nostre pouvoir; elles viennent, nous ne les allons pas querir..

  A011001275 

 Et par ce que d'un costé il desire infiniment ne faire chose qui vous despleut, et de l'autre il est obligé au proufit de son neveu, tant qu'il se peut maintenir avec rayson, il m'a prié d'employer mon credit vers vous affin qu'il vous playse ne vous desplaire point s'il met a effect le droit de son neveu, quil a desja acheminé si avant et avec tant de frais quil demeureroit en grosse perte sil le quittoit ainsy tout court, sinon que sa partie voulut entendre a ce que Monseigneur le Reverendissime et monsieur d'Angeville en avoyent une fois ordonné a l'amiable.

  A011001275 

 L'obligation que j'ay a monsieur de Ronis et a Monseigneur le Reverendissime, chez qui son neveu sert, m'a faict aysement vous prier, comme je fays, que sil ny a point d'autre interest pour vous que pour l'affection que vous pourries avoir a celuy qui est leur competiteur, il vous playse leur permettre la poursuitte de leur prætention; quilz vous rendront autant de service que l'autre..

  A011001275 

 Monsieur de Ronis m'est venu voir ce matin et m'a monstré une vostre lettre par laquelle il semble que [151] vous aves desplaysir de le voir poursuyvre le droict que son neveu a sur la cure d'Argonnay.

  A011001276 

 Pour moy, je n'employe point autre merite vers vous pour estre continué en vostre bonne grace, que lhonneur que j'ay de ma nature d'estre a jamays,.

  A011001300 

 J'ai passé tout le mois soit en pèlerinages soit en courses indispensables, et si je me suis arrêté quelquefois, je n'ai trouvé personne qui se chargeât de vous porter ma lettre..

  A011001300 

 Je n'ignore pas, mon très doux Frère, que le silence entre nous vous est aussi pénible qu'à moi; aussi je ne viens nullement m'excuser.

  A011001301 

 Lorsque vous entendrez parler de guerres et de séditions, n'en soyez point effrayés..

  A011001302 

 J'ai reçu en effet son petit présent, comme vous le dites, et le Sponde envoyé par notre Girard, double hommage dont je vous suis redevable, à vous qui avez fait valoir auprès de tous deux le respect que je leur ai voué.

  A011001302 

 Quant au Sponde avec sa nouvelle préface, vous pourrez juger par un seul fait combien il est arrivé à propos.

  A011001304 

 Portez-vous bien, mon Frère, et que le Christ vous protège et vous conserve!.

  A011001318 

 Je ne suis pas cependant privé de tout espoir; aussi, en apprenant que la chose se passe plus facilement, je m'en félicite beaucoup pour vous et pour moi.

  A011001318 

 N'avais-je pas raison de vous dire, mon Frère, que je ferais en sorte désormais qu'il ne fût plus question de silence entre nous? Comme au milieu de nos gens de Thonon, je puis à peine vous écrire une fois par mois, je vous écris maintenant de ma maison paternelle [156] de Sales, par Coquin, avec d'autant plus de plaisir que je viens de recevoir des nouvelles un peu meilleures de nos affaires.

  A011001318 

 On ne saurait croire combien de pensées inquiétantes agitaient mon âme attristée, relativement à vous et à tous les vôtres, qui deviez, des premiers, comme il arrive, être mis en péril.

  A011001354 

 Quant à la première dont vous me parlez, et à celle du P. Possevin, qui avaient été confiées à notre Portier, [160] je n'en ai pas entendu souffler le moindre mot jusqu'ici.

  A011001354 

 Si vous pesez toutes choses, comme il convient, à la juste balance de l'estime et de l'affection que j'ai pour vous et pour notre Possevin, vous comprendrez combien je souffre maintenant dans la longue attente de lettres d'une telle importance..

  A011001355 

 Je suis très heureux de savoir que vous avez trouvé vos affaires en meilleur état que vous ne pensiez.

  A011001355 

 Quant à ce que vous m'écrivez de notre baron, c'est une mauvaise nouvelle pour les méchants qui suivent une religion de fer; et moi je souffre parce que l' espérance différée afflige l'âme.

  A011001356 

 Je presse maintenant davantage ces messieurs de Thonon, et les presserai encore beaucoup plus lorsque j'aurai conduit à terme, suivant ma capacité, le petit ouvrage que je méditais depuis longtemps, et que vous aurez approuvé mon entreprise.

  A011001356 

 Seul, un pauvre ministre insensé ayant lu que vous nommez « heureuse la faute qui nous a valu un tel et si grand Rédempteur, » s'est écrié comme un homme tout à fait stupide et extravagant: « O blasphème! ô athéisme! ô Papisme! » Mais avec toute la modération possible, j'ai, par un tiers, remis à la raison cet effronté, car lui-même n'a pas encore osé en venir aux mains avec moi..

  A011001357 

 Acceptez donc, s'il vous plaît, avec bienveillance cette poésie telle qu'elle est.

  A011001357 

 Si vous voulez me faire à part, lorsque vous m'écrirez, une aimable allusion à ses vers (dans le même style que lui), il me semble que vous ferez quelque chose digne de votre caractère.

  A011001357 

 Son désir serait, si j'ai bien compris, que je vous les fisse parvenir pour vous féliciter non pas en son nom, mais au mien.

  A011001358 

 Portez-vous bien.

  A011001379 

 Je désirerais vous tenir ainsi au courant de ce que je fais à chaque heure, à chaque instant..

  A011001380 

 Et afin que, même ici, rien ne se fasse sans vous, [164] je vous demande, très doux Frère, de donner son vrai sens à cette règle: « La preuve incombe à celui qui affirme et non à celui qui nie.

  A011001380 

 Je vous enverrai le plus tôt possible un chapitre de mes Commentaires contre les hérétiques, dans lequel je m'efforcerai de montrer que, loin d'être les vrais réformateurs de l'Eglise, ils font revivre les anciennes hérésies.

  A011001380 

 Mettez, s'il vous plaît, tous vos soins à le bien établir, afin que désormais les ministres me redoutent d'autant plus qu'ils verront plus clairement que je combats sous votre égide..

  A011001381 

 Portez-vous bien, très doux Frère, aimez-moi comme vous le faites, et surtout que le Christ vous protège et vous conserve, vous et toute votre très noble famille..

  A011001391 

 Je prie Dieu qu'il vous rende la peyne et le soin que vous prenes pour son honneur, et vous remercie tres humblement de l'affection qu'il vous plaict prendre a ce dont je vous avois prié..

  A011001394 

 Je parle a vous comme a celuy duquel j'attens toute correction, laquelle je subiray tousjours sans replique.

  A011001394 

 Je vous entretiens comme celuy que je sçay se trouver en des grandes occasions d'y prester ayde et avoir sur tout en zele le salut des ames.

  A011001395 

 Excuses moy, Monsieur mon Reverend Pere, si j'use tant librement avec vous.

  A011001409 

 Puysqu'il plaict a Vostr' Altesse de sçavoir les moyens que je pense estre plus pregnans pour faire sortir en effect le saint desir qu'ell'a de voir ces peuples de Chablaix reunis a l'Eglise Catholique, comme j'ay appris de monsieur d'Avully auquel il vous a pleu d'en escrire, je diray purement et fidellement ce que j'en crois..

  A011001415 

 Reste, Monseigneur, que je remercie Dieu qui vous presente de si signalëes occasions, et allum'en vous de [170] si sains desirs de luy faire le service pour lequel il vous a faict naistre prince et maistre des peuples.

  A011001429 

 Puysque il plaict a V. A. de sçavoir quelz moyens je cuyderoys estre plus preignans pour la reduction de ces peuples a la foy catholique, comme j'ay appris de monsieur d'Avully auquel il vous a pleu d'en escrire, je produyray purement et fidellement ce qu'il m'en semble..

  A011001435 

 Le glorieux Martir saint Maurice, auquel vous portes tant d'honneur, demandera vangeance a son Maistre contre ceux, quelz [174] quilz soyent, qui empecheront et retarderont l'establissement de la foy catholique en ces contrëes, lesquelles il a arrousëes de ses sueurs et de son sang pour le tesmoignage de ceste mesme foy.

  A011001435 

 Reste, Monseigneur, que je remercie de tout mon cœur nostre Sauveur qui vous presente de si grandes occasions, et donne de si ardantz desirs de luy faire le service pour lequel il vous a faict naistre prince et maistre des peuples.

  A011001460 

 Au matin, comme nous longions les remparts de Genève, j'appris que vous en étiez parti à l'aube de ce même jour.

  A011001460 

 Comme pour attiser, si toutefois la chose eût été possible, le désir dont je brûlais de jouir de votre présence, vous sembliez imiter l'industrie de celle « qui s'enfuyait vers les saules, tout en cherchant auparavant à se faire voir.

  A011001460 

 Je l'avoue sans peine, très aimable Frère, vous avez sujet de vous plaindre de moi, car vous n'avez pas encore, cette année, reçu de ma part la moindre lettre.

  A011001461 

 Je l'ai vu lire et relire attentivement cette lettre où il était question de moi, et grâce à elle, vous auriez semblé partager notre causerie, si, en nous entretenant de vous, nous n'eussions dit des choses que votre modestie n'eût pas souffert être dites en votre présence..

  A011001461 

 Toutefois Locatel, que je considère presque comme un second frère, m'avait beaucoup parlé de vous.

  A011001462 

 Comment? Je vous ai entendu dire si souvent et sérieusement que votre ardent désir était que votre nom fût écarté le plus possible de la bouche et de l'oreille des princes, et voici que je vous vois dans la plus grande [178] joie parce que vous avez appris que notre prince manifestait parfois dans ses paroles de magnifiques sentiments à mon égard! Et moi au contraire, mon Frère, je considère aussi bien que vous, comme le plus heureux le parti choisi par notre Genand, dont vous me dites plus loin envier le bonheur, ou plutôt essayer de ne pas l'envier.

  A011001462 

 Il faut que je me fâche un peu contre vous.

  A011001463 

 Je dois le remercier par une lettre, et, afin de lui être plus agréable, si vous le trouvez bon, vous le ferez aussi en mon nom, après avoir retenu pour vous-même une part de mes remerciements..

  A011001464 

 Quant au poème sur les mystères de l'Eucharistie, je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez le dédier à l'Evêque.

  A011001464 

 Vous m'avez dédié, dites-vous, le douzième livre des Conjectures.

  A011001465 

 Il est bon toutefois que vous seul sachiez que j'en suis l'auteur..

  A011001465 

 Je retourne en effet à l'œuvre de Thonon et, avant toute autre chose, je vous expédierai cette pièce.

  A011001466 

 Adieu donc, et veuillez m'excuser, car je vous écris sans loisir.

  A011001476 

 Mon insuffisance ne me despleut onques tant qu'elle fit quand je vis avanthier la lettre que vous aves daigné m'escrire; car j'eus tant d'honte de me voir si peu de chose au pris de l'opinion que Son Altesse, de sa bonté, en a conceu et qu'avec son authorité il m'a faict valoir vers Monseigneur le Nonce, que l'honneur lequel j'en reçois ne m'en peut pas relever..

  A011001477 

 J'ay receu la faveur avec laquelle vous m'offres vostre amitié avec d'autant plus d'humilité que j'en ay moins de merite, avec ceste seule apprehension, que peut estre la connoissance du sujet pourroit cy apres apporter du changement a ceste vostre volonté; si ce n'est que vous y reg*ardies l'affection que j'ay de me rendre capable de vous faire humble service, puisque vous me verries aussi bien assorti de ce costé la que vous pourries jamais voir homme.

  A011001478 

 Je supplie sa divine Majesté pour vostre santé, et vous, de me faire cest honneur de vous asseurer que je vivray tousjours,.

  A011001507 

 C'est pourquoi je regrette infiniment de ne posséder aucune des autres conditions qui justifieraient l'opinion avantageuse que vous avez conçue de moi, si ce n'est un ardent désir de servir la sainte Eglise et d'obéir avec une grande promptitude aux commandements de mes supérieurs, surtout à ceux de Votre Seigneurie.

  A011001509 

 Mais surtout en cette ville de Thonon, qui est le rendez-vous de toute la province, on doit très promptement ériger l'autel, restaurer l'église et se procurer des ornements et des revenus pour y faire l'office convenablement, avec accompagnement d'orgue et choses semblables.

  A011001559 

 Dans cette ville de Thonon, rendez-vous de toute la province, beaucoup sont bien disposés, et presque tous les autres, si ébranlés dans leur conscience que s'ils voyaient l'exercice de la religion catholique rétabli, ils se rendraient facilement et en peu de jours.

  A011001562 

 En attendant, je prierai le Dieu éternel de vous conserver pour l'avantage de l'Eglise, et baisant respectueusement vos mains sacrées et paternelles, je demeurerai,.

  A011001588 

 Quand arrivera-t-il, Frère très aimable? J'ai eu, c'est tout naturel, un [193] immense désir de vous voir et de m'excuser de vive voix de mon retard à écrire, car je ne puis en aucune façon satisfaire par lettres mon affection pour vous.

  A011001589 

 Lisez attentivement la lettre, s'il vous plaît, avant de chercher l'occasion de la faire parvenir..

  A011001589 

 Mais voici que le loisir m'est rendu, que le courrier va partir, qu'en même temps mon espérance de voyage s'évanouit, et je vous envoie cette brève expression de ma pensée.

  A011001589 

 Si le prince vient, j'accours aussitôt vers vous; si, ce qu'à Dieu ne plaise, il ne vient pas, je ne manquerai pas de me détourner de mon chemin, s'il m'est possible, pour me rendre auprès de vous.

  A011001590 

 Cependant, Frère très aimable, aimez-moi beaucoup, comme vous [194] le faites, et portez-vous bien, ainsi que toute votre très noble famille, que je désire en excellente santé.

  A011001590 

 Que le Christ vous soit propice!.

  A011001620 

 Je vous en remercie avec toute humilité, comme du souvenir que vous avez eu de moi en la nécessité dans laquelle je me trouve d'obtenir la licence de lire les livres défendus.

  A011001621 

 J'espère vous annoncer bientôt des nouvelles qui seront pour Votre Seigneurie Illustrissime le sujet d'une joie parfaite, si on nous procure le moyen d'envoyer un nombre convenable de [196] prédicateurs en cette province.

  A011001621 

 Quant aux fruits de salut qui se produisent et se multiplient de plus en plus dans le Chablais, je ne puis vous donner des renseignements détaillés, ni vous envoyer la liste des convertis, car je l'ai laissée à Thonon.

  A011001623 

 Ce serait hors de propos de vous communiquer les renseignements promis, jusqu'à ce que la paix soit rendue à ce pays désolé.

  A011001624 

 Je prie sans cesse le Seigneur notre Dieu de vous combler de toute sorte de contentement, demeurant,.

  A011001637 

 Je vous envoye le commentaire de saint Hierosme tout au long, duquel ont estés tirees les paroles qui [198] vous faysoyent difficulté.

  A011001637 

 Le dernier sens quil apporte du chien mort et lion vivant est mistique ou allegorique; mays vous considereres mieux que moy tout cecy..

  A011001638 

 Or, Monsieur, c'est chose vostre, que je ne vous dois pas recommander si je ne vous estois tant serviteur que je suis..

  A011001638 

 [199] Je ne sçai si elles auront esté instruittes a plein fons, et partant je vous supplie, ou par lettre ou autrement, les consoler.

  A011001640 

 Je prie Dieu nostre Createur quil nous face vivr'et mourir pour son service, et vous supplie croire que je suys,.

  A011001677 

 Je reçus hier, par M. d'Avully, la lettre que Votre Seigneurie Illustrissime eut la bonté de m'écrire le 27 août, et j'éprouvai une entière et parfaite allégresse du contentement que vous donna la conversion de ce chevalier.

  A011001680 

 J'écrivis dernièrement à Votre Seigneurie au sujet de la conversion de M. d'Avully, et je vous en rendrai un compte plus particulier encore; car vraiment ce n'est pas seulement à lui et à moi, mais c'est au général de la mission, que ces médisants portent un grand préjudice.

  A011001737 

 Les affaires m'assiégeaient de toutes parts, à tel point que, je vous le dis en parfaite sincérité, je ne me suis pas appartenu un seul instant à Annecy.

  A011001737 

 Maintenant toutefois j'obtiens au moment du départ ce que je n'ai pu me procurer en le différant: le loisir de vous écrire un mot n'importe comment..

  A011001737 

 Vous serez étonné, mon Frère, et avec raison, que j'aie pu passer huit jours à Annecy sans vous donner de mes lettres; mais ce n'a pas été sans vous donner de mes pensées, car vous êtes perpétuellement présent à mon esprit.

  A011001738 

 Je ne puis vous en dire davantage par le moyen de l'encre et du papier..

  A011001738 

 Vous occupez la première place dans l'estime de notre duc de Genevois, et il ne porte personne aussi haut que vous dans ses louanges.

  A011001738 

 [208] Si vous permettez que l'on vous considère comme Président (c'est ainsi que je parle à la façon des hommes de cour), nous aurons un Président non seulement très désiré ici, mais tel qu'il nous le faut dans les circonstances où nous nous trouvons.

  A011001740 

 De notre affaire de Thonon, que vous dirai-je, mon Frère? M. de Jacob nous a fait les plus belles promesses.

  A011001741 

 Je vous écrirai après le pèlerinage que je me propose de faire aux reliques de saint Claude.

  A011001742 

 Adieu, mon très doux Frère, aimez-moi toujours comme vous le faites; c'est la seule consolation que j'aie en ces temps malheureux..

  A011001752 

 Je vous escris avec cest'asseurance que le peu de loysir et de commodité que j'ay ne vous empechera pas de croire a bon escient que vous n'aves point de parent qui soit plus vostre affectionné que je suis..

  A011001753 

 Je ne sçay si [210] le R. P. Jan de Lorini se resouviendra point de moy; a toutes fortunes je vous prie le saluer de ma part..

  A011001754 

 J'ay voulu vous saluer par ce mot de mauvays ancre et de mauvays papier, mais avec autant de bonne affection que peut et doit un qui desire de vous estre irrevocablement,.

  A011001770 

 Et bien que la singuliere recommandation en laquelle vous aves la justice soit un'inseparable proprieté de vostre vie et qui [211] vous rend digne de recommandation immortelle, si est ce que pour rendre l'amitié de laquelle vous m'honnores et l'honneur que je vous porte plus recommandable, j'ay deu, ce me semble, vous faire, et vous prie de recevoir, ceste humble recommandation qui part de celuy qui ne pense en rien estre recommandable qu'en l'honneur qu'il a d'estre advoué de vous,.

  A011001770 

 L'obligation que j'ay d'affectionner le service de monsieur de Coursinge faict que sçachant qu'il alloit au Senat pour un sien affaire d'importance, je vous supplie que son droict vous soit en recommandation.

  A011001803 

 Je me dispose à faire l'information secrète que vous m'avez confiée, [215] et, aussitôt terminée, je vous l'enverrai.

  A011001822 

 Dans le cas où vous échangeriez difficilement la [217] compagnie des pasteurs de la ville contre la société de ceux de la campagne, nous comptons du moins que vous viendrez avec les Rois de l'Orient.

  A011001822 

 Si donc ce que nous attendons s'effectue par la grâce de Dieu: qu'en ces lieux, durant les jours consacrés aux fêtes de sa Nativité, le Christ, redevenant pour ainsi dire petit enfant, naisse enfin de nouveau parmi ce peu de fidèles qu'il a ici, je vous préviendrai très certainement de tout, puis je vous appellerai pour être témoin oculaire.

  A011001823 

 J'écris à plusieurs personnes pour recommander ces hommes, mais à condition qu'ils remettront immédiatement mes lettres à qui de droit, si vous le jugez utile; sinon, ils les rapporteront... [218].

  A011001823 

 Je vous supplie donc instamment de les aider de votre action et de votre influence en cette affaire.

  A011001859 

 Mais je ne laisserai pas de vous dire que l'ennemi ne manque point de diriger contre ce chevalier tous les assauts possibles, afin d'obscurcir l'éclat qu'a eu sa conversion; il suscite contre lui beaucoup de haines, tant de la part des hérétiques que de celle des Catholiques.

  A011001859 

 Votre Seigneurie aura reçu maintenant la lettre de M. d'Avully en réponse au Bref de Sa Sainteté; car il y a quelque temps qu'il vous l'a adressée.

  A011001860 

 Je vous envoie ci-joint l'information secrète faite par ordre de [222] Votre Seigneurie.

  A011001860 

 Je vous prie de me pardonner si elle n'est pas bien rédigée, soit parce que je m'acquitte pour la première fois de semblable commission, soit parce que je n'ai pu avoir de secrétaire capable.

  A011001861 

 Plût à Dieu que ce fût Votre Seigneurie, dont je baise les mains sacrées avec un très humble respect, suppliant le Seigneur de vous combler de bonheur..

  A011001912 

 J'ai préféré vous écrire ainsi à la hâte, plutôt que de ne pas vous avertir de nos besoins.

  A011001913 

 Priant le Seigneur vous combler de tout bonheur, je reste à jamais,.

  A011001927 

 C'est pourquoy je vous escris ceste [lettre], par laquelle je vous invite de nouveau m'estre en secours, attendu que la charge et distraction des affaires de l'Eglise me levent la commodité de m'arrester dans Thonon pour la continuation des divins offices et administration des saintz Sacremens.

  A011001927 

 Et parce que vous estes desja en ce lieu conneu et aymé, pour y avoir prattiqué ceste mesme charge, si daignes prendre ceste peyne, je mettray ordre a la cuisine et obtiendray de Monseigneur Reverendissime vostre congé....

  A011001927 

 Je voy bien que vous et moy sommes condamnés a porter le tracas et difficultés de l'eglise de Thonon.

  A011001966 

 Puisque M. le chevalier Bergera s'en retourne, je n'ai pas besoin de vous renseigner sur ce qui a été établi ici, par ordre de Vos Seigneuries Illustrissimes, à l'honneur de Dieu et pour la propagation [232] de la sainte foi catholique.

  A011001992 

 A la vérité, lesdites lettres me parvinrent le jour même où j'expédiai les miennes; mais j'attendais mon retour ici pour y répondre, et à mon retour j'attendis de jour en jour la mise à exécution de l'ordre donné pour les six curés, ce qui n'a pas encore été fait jusqu'à présent: telle est la raison pour laquelle j'ai tant tardé à vous écrire.

  A011001992 

 Il me semble [235] qu'il n'était nullement besoin d'user à mon égard du commandement in virtute sanctæ obedientiæ pour m'obliger à vous donner plus souvent des nouvelles de nos affaires, puisque votre simple volonté me presse assez fortement pour me faire accomplir les plus grandes choses qui soient en mon pouvoir..

  A011001994 

 De même, je ne vous ai point encore parlé des [238] trois cents écus destinés à couvrir les dépenses faites jusqu'ici, vu que le paiement n'en est pas achevé.

  A011001994 

 Il m'a pressé de vous communiquer cette proposition, ce que je fais très volontiers, la jugeant juste et très utile à cette entreprise; car il ne faut pas que nous ayons à devenir courtisans et pensionnaires des Chevaliers, ce qui, s'il m'est permis de le dire, serait inconvenant et préjudiciable au fruit qu'on peut espérer.

  A011002020 

 Pour la seconde, j'ai à vous remercier le plus humblement que je le puis d'avoir, avec tant de bienveillance, pris sous votre protection les intérêts de ce diocèse, surtout en procurant que le legs de Rome nous soit réservé, nonobstant les prétentions de la fabrique de Saint-Pierre.

  A011002021 

 Afin de vous donner pleine connaissance des choses, je dirai que M. le chevalier Bergera est arrivé ici depuis longtemps, muni de l'ordre dont vous m'avez écrit.

  A011002021 

 Loué soit le Dieu éternel de la patience et du zèle qu'il vous a départis pour faire, par un modeste commencement, éclore enfin cette bénite entreprise.

  A011002053 

 Je supplie très humblement votre bonté de croire plutôt toute autre chose d'un serviteur qui vous a tant d'obligations et qui vous est si attaché, et d'être persuadé que c'est l'occasion et non la volonté qui m'a manqué.

  A011002058 

 C'est le docteur Roget qui viendra ici, selon la promesse qu'il m'en a faite, lequel doit vous être certainement connu, puisqu'il a été député pour le voyage de Piémont; étant bon et très expérimenté prédicateur, il pourra desservir deux paroisses.

  A011002059 

 Je ne veux pas omettre de vous dire que M. d'Avully ayant été jusqu'ici juge du consistoire suprême des hérétiques, ceux-ci prétendaient le récuser ces jours passés.

  A011002061 

 N'ayant présente à l'esprit aucune autre particularité qui vaille la peine d'être signalée, je prie Notre-Seigneur vous donner tout vrai contentement, et je serai toujours,.

  A011002106 

 Si par hasard le porteur des présentes, M. de Blonay, avait besoin de recourir à votre protection, je vous supplie très humblement la lui accorder, car il est un bon et zélé catholique..

  A011002192 

 Je ne veux pas manquer de vous recommander l'affaire de la prébende d'Abondance que l'on a coutume d'appliquer au P. Prédicateur d'Evian.

  A011002193 

 Par conséquent, s'il avait besoin de la protection de Votre Seigneurie Illustrissime, [266] en quelqu'une de ses affaires, je vous prierais de nous en accorder la grâce à lui et à moi.

  A011002194 

 En attendant, je prie le Seigneur de vous conserver pour l'utilité de son Eglise, et je baise en toute humilité vos mains vénérées..

  A011002228 

 Comme ce Religieux devait se rendre à ce qu'ils appellent le Chapitre général de leur Ordre, lequel se tenait à Rome, nous avions convenu que, pour lui, il traiterait de toute cette affaire en présence de Votre clémente Béatitude, et qu'il vous prierait de ne pas refuser (si toutefois ce bruit de conversion se réalisait) votre bienveillance apostolique à cet hérésiarque rentrant au bercail.

  A011002230 

 Et puisque votre bonté si grande m'y autorise, je ne veux pas manquer l'occasion de vous dire que les populations hérétiques jusqu'ici, qui de tous côtés environnent Genève, celles des pays qu'on nomme bailliages de Gex et de Gaillard, demandent avec les plus humbles prières, le rétablissement de la foi et du culte catholiques afin de pouvoir vivre en catholiques.

  A011002287 

 J'écris à Sa Sainteté sur le sujet que Votre Seigneurie verra; je vous envoie à cet effet la lettre sous cachet volant, en vous priant de la fermer aussitôt après l'avoir lue, afin que personne autre ne la voie, parce qu'il est très important pour moi que l'on ne sache pas d'où viennent les avis qu'elle contient.

  A011002290 

 Me confiant en votre bonté, je vous remémorierai la réforme des abbayes de cette contrée, particulièrement de celles d'Aulps et d'Abondance, ainsi que la provision pour le P. Prédicateur d'Evian, afin qu'on lui paie exactement la prébende accoutumée..

  A011002347 

 Je vous dirai maintenant qu'on vient de m'adresser une requête de la paroisse de Bernex, au bailliage de Ternier, distante de Genève d'environ trois milles.

  A011002349 

 Je vous adresse aussi les lettres [284] du juge-mage de Gex et du baron de Viry, personnage distingué et influent, afin que les Chevaliers voient que je suis seulement avocat et non point partie, car la partie n'est autre que le bien public.

  A011002349 

 Je vous prie instamment de ne pas les égarer, afin que je puisse m'en servir contre ceux qui trouveraient mauvais que je m'entremette en tant de choses.

  A011002353 

 Je vous dirai de plus que les choses vont mal au sujet de ces pensions; jusqu'ici je n'ai pu en tirer que cent soixante florins et trente-cinq coupes de froment.

  A011002353 

 Nous manquons de logements pour les curés, nous manquons de tout ameublement pour les églises et il faut tout acheter: je vous laisse à penser en quel état nous nous trouvons.

  A011002354 

 Je baise en toute, humilité vos mains vénérées et, priant le Seigneur de vous conserver longtemps, je demeure à jamais,.

  A011002396 

 Vous ayant exposé dans la précédente l'état des affaires du Chablais, je n'ai maintenant aucune réponse à vous faire, si ce n'est au sujet du prédicateur d'Evian.

  A011002397 

 J'envoie à Votre Seigneurie Illustrissime une copie du Bref de Sa Sainteté en faveur du feu P. Papard: vous y verrez les motifs pour lesquels le Pape jugea raisonnable que l'Abbé donnât cette prébende, motifs qui actuellement sont plus pressants que jamais.

  A011002400 

 Dès qu'il aura achevé, Votre Seigneurie sera informée par le menu de nos moindres projets afin qu'ils soient tous dirigés par vous.

  A011002400 

 Nous ne nous endormirons point en cette négociation, et vous en serez averti immédiatement, dans le plus grand détail.

  A011002400 

 Nous vous demanderons plus ou moins de théologiens selon [295] le nombre de conférenciers voulu par ceux de Genève, et nous tâcherons de toute façon qu'il y ait deux ou trois Jésuites.

  A011002401 

 Depuis vingt jours Monseigneur est au lit très malade; il a reçu pendant ce temps deux lettres de Votre Seigneurie, l'une le 26, l'autre hier par M. le chanoine Floccard, et regrette beaucoup de n'avoir pu vous répondre, parce que le médecin n'a pas voulu le lui permettre.

  A011002401 

 Il espère néanmoins recouvrer un peu de force et vous donner, dans quelques jours, pleine et entière satisfaction au sujet de vos lettres [296] et de celles de M. Giustiniani, lequel n'est certainement pas bien informé des affaires de ce pays ni des comptes de Monseigneur son oncle.

  A011002401 

 M gr notre Révérendissime Evêque vous prie donc de patienter un peu jusqu'à ce qu'il puisse vous répondre..

  A011002405 

 Je prie le Seigneur de vous conserver longues années pour l'utilité [299] de ces provinces, et baisant très humblement vos mains vénérées, je demeure à jamais,.

  A011002411 

 Cette lettre était écrite et non encore expédiée, quand le P. Esprit m'en a fait remettre une que je joins à celle-ci; je crois qu'il vous renseignera sur les affaires de Thonon.

  A011002434 

 Je vous remercie infiniment du zèle avec lequel vous vous employez pour ces pauvres populations..

  A011002438 

 M gr notre Révérendissime Evêque m'a envoyé, pour faire parvenir à Votre Seigneurie, une lettre dans laquelle il vous annonce que, par la grâce de Dieu, il a recouvré la santé..

  A011002439 

 Le P. Chérubin vous écrit où nous en sommes touchant la conférence.

  A011002439 

 Puisque vous me demandez lequel serait le plus utile, du Recteur de [303] Turin ou du français, lecteur de théologie à Milan, je crois que le français nous conviendra mieux, soit à cause de la langue, soit aussi pour qu'il y ait moins d'affectation de notre côté; car cette conférence ne doit se faire que sous le nom de M gr notre Evêque.

  A011002439 

 S'il est vrai, je ne voudrais pas importuner inutilement Votre Seigneurie; j'attendrai donc pour vous supplier à ce sujet la décision de Rome à l'égard du prétendant..

  A011002440 

 On m'avertit que M. le chantre de la métropole de Lyon adresse à M gr l'Illustrissime Cardinal Légat de France certains avis touchant les affaires de Genève; comme il est un homme digne de foi, j'ai cru devoir vous en informer, afin que si par hasard Votre Seigneurie écrit audit Légat et qu'Elle en ait occasion, Elle daigne le favoriser... [305].

  A011002462 

 Je ne puys penser d'ou me vient la faveur [par laquelle] il vous pleut embrasser dernierement l'honnorable souvenance que Son Altesse eut de moy sur la nouvelle qui courut de la maladie de Monseigneur l'Evesque de Geneve, si ce n'est vostre bonté, qui vous sollicite a bienfaire jusques aux inconneuz.

  A011002462 

 Mays je sçai bien que ceste vostre courtoisie ne se pouvoit adresser a [307] sujet qui s'en tint plus indigne et plus obligé a vous rendre humble service..

  A011002463 

 Je prie Dieu quil vous conserve longuement en prosperité, et m'offre meshuy a vous pour demeurer a jamais,.

  A011002488 

 Pendant que je différais de jour en jour d'écrire à Votre Seigneurie Illustrissime en attendant que je pusse me concerter avec le P. Chérubin pour le faire plus amplement, il est arrivé tant de choses dignes de vous être communiquées, que je ne sais si je pourrai les rappeler toutes à mon souvenir..

  A011002489 

 Comme je vous l'écrivais dans ma dernière lettre, les RR. PP. Jean Saunier, Jésuite, Esprit et Chérubin, Capucins, le chanoine de Sales, [308] le curé d'Annemasse (tous prédicateurs, et le baron de Viry, conseiller d'Etat de Son Altesse, se sont réunis à Annemasse afin d'aviser aux moyens les plus convenables pour ramener à la foi les populations des environs de Genève; voici ce qui a été conclu. Il est absolument nécessaire que les Chevaliers de Saint-Lazare et autres cèdent les cures qu'ils possèdent; qu'un collège de PP. Jésuites, ou du moins une résidence ad tempus soit établie à Thonon.

  A011002490 

 Le P. Chérubin m'a dit que Votre Seigneurie Illustrissime se proposait de prier Sa Sainteté de vouloir bien écrire à M. le Cardinal Légat de France, afin qu'il tâche d'obtenir que le roi ordonne aux Genevois de venir à la conférence; or, je ne puis omettre de vous prévenir que, de cette manière, elle se ferait avec beaucoup plus de fruit et dans des conditions plus avantageuses..

  A011002502 

 L'ayse que j'attendois de vostre presence m'a fait moins gouster celluy que j'ay accoustumé de prendre quand je reçois de vos lettres, a la reception de vostre derniere, laquelle neanmoins, a faute de vous, a esté la tres bien venue en une heure en laquelle j'estois en conversation avec le Pere Cherubin, vers lequel je me suis servi de vostre authorité pour luy persuader de retourner bien tost par dela, ce quil fera.

  A011002503 

 Faites moy cest honneur de croire que la nouvelle santé que Dieu me donne vous est toute acquise, puisque je suis.

  A011002561 

 Je prie tres instamment Nostre Seigneur quil vous doint....

  A011002573 

 Desirant donq infiniment, pour l'honneur de Dieu, que Son Altesse daigne lire ou faire lire promptement ma lettre affin que je ne sois prevenu par les requestes de ces huguenotz, je n'ay sceu a qui mieux m'addresser qu'a vous, pour vous supplier tres humblement de bailler ma lettre et prier Son Altesse la voir, et, s'il ne la veut voir, luy discourir du sujet.

  A011002573 

 La grande confiance que j'ay en vostre bonté me fait ainsy vous importuner, ayant mesme ce bien et honneur d'estre et devoir estre a jamais,.

  A011002600 

 J'envoie donc leurs lettres à Votre Seigneurie Illustrissime; et, pour dire en même temps ce qu'il m'en semble, je vous prie de croire que, quant à l'exercice des Quarante-Heures, il ne peut être que très fructueux.

  A011002601 

 Veuillez maintenant en ordonner comme bon vous semblera..

  A011002647 

 Je ne voudrais pas vous occasionner cet embarras, mais votre bonté et la nécessité m'en donnent le courage..

  A011002647 

 Je vous prie très humblement de commander à votre agent à Rome, de retirer lesdites expéditions des mains de Favret et de vous les envoyer.

  A011002654 

 Le R. P. Chérubin m'a donné parole de vous écrire touchant plusieurs choses très dignes d'attention dont nous avons traité en semble.

  A011002691 

 Vous pourrez ensuite, les accompagnant d'une très pressante et très chaude recommandation, en rendre porteur le même Président; car l'on ne saurait trouver quelqu'un de plus fidèle et de plus zélé..

  A011002695 

 Je m'en remets au porteur des présentes pour vous donner une plus grande connaissance des affaires dont elles traitent et d'autres semblables; et priant le Dieu tout-puissant de vous conserver heureux et content de très longues années pour l'utilité de la sainte Eglise, je baise très humblement vos mains vénérées..

  A011002741 

 Je me garderay bien, Dieu aydant, d'attribuer a mes merites, qui sont ou petitz ou nulz, la faveur avec laquelle il vous plait recueillir mes importunités.

  A011002742 

 Je desirois bien fort de vous baiser les mains en præsence, mais je suis lié sur le banq pour ceste semaine.

  A011002742 

 Que si je puys, a la prochaine je me rendray par dela, et sans honte ni autre apprehension je prendray logis chez vous, comme vous me commandes; car puysque je suis des-ja tant insolvable des obligations que je vous ay, il ne m'importe meshuy de rien de l'estre tous-jours [341] plus; et quoy qu'on me juge importun, je ne lairray d'estre bien glorieux si par la je me puys faire connoistre tel que je suis, Monsieur, non seulement vostre tres et tres obligé, mais encores.

  A011002745 

 A Sales, ou mes pere et mere et toutes leurs gens vous saluent tres humblement..

  A011002757 

 Restera qu'il vous plaise d'essaier si l'on pourra trouver qui veuille fournir aux frais a ceste condition, en advançant, et je tiendrois main a les faire bien paier dans le terme quilz prendroient; et si vous le trouvies, il faudroit faire marcher (sic) a combien par jour ilz entretiendroient la personne honnestement et sans superfluité..

  A011002758 

 Item, je vous prie de trouver un logis parmi les Catholiques pour Monseigneur l'Evesque.

  A011002759 

 J'ay esté beaucoup deplaisant de ne m'estre pas trouvé icy quand vous y aves esté, pour jouir de vostre conversation et apprendre a sohait de voz nouvelles.

  A011002760 

 Je vous salue de tout mon cœur avec toutte vostre compagnie, et suis,.

  A011002783 

 Je vous ay bien voulu faire ce mot d'advis, affin que si quelcun de dela desiroit honnorer cest'action de pieté de sa præsence, il ne s'acheminast pas en vain ceste semayne.

  A011002789 

 Le R. P. Cherubin et toute la brigade des serviteurs de Dieu que nous avons icy vous salue tres affectionnement..

  A011002817 

 Soyez du reste assuré que, s'il vous plaît en agir ainsi, Dieu le regardera comme un grand service rendu à sa divine Majesté et vous en tiendra bon compte au jour du jugement.

  A011002847 

 C'est agir assurément de la façon la plus généreuse et la plus chrétienne, et nous vous en rendons les plus vives actions de grâces..

  A011002847 

 C'est avec une joie incroyable que j'ai reçu la lettre que vous m'avez adressée le lendemain de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie; j'y ai reconnu clairement combien grande est votre piété envers Dieu et votre bienveillance à notre égard.

  A011002847 

 D'après vos paroles, je vois que vous avez mis le comble à la solennité projetée de nos fêtes, non seulement par vos prières, mais encore par celles du peuple qui vous est confié.

  A011002847 

 Vous les auriez même ornées de votre présence, si la chose eût été possible.

  A011002848 

 Du reste, telle est l'inconstance des choses humaines, qu'à l'heure même où je vous écris, survient un ordre de nos supérieurs qui, pour les motifs les plus graves, nous enjoignent de remettre à la fête de [351] la Nativité de la Sainte Vierge, les supplications solennelles que nous préparions.

  A011002849 

 J'ai voulu que vous en fussiez averti l'un des premiers, et, tant en mon nom qu'en celui du P. Chérubin, je vous offre nos meilleures salutations..

  A011002866 

 Ces gens de Thonon desirent quil vous plaise leur faire ce bien qu'au cas que le seigneur Dom Joan veullie passer icy resolument, il vous plaise d'assister a son passage, estimans que vostre præsence adoucira l'aigreur quilz en pourroyent sentir.

  A011002866 

 Ceste infinité de peyne que vous aves pour l'affaire de Dieu vous sera recompensee par Celuy pour lhonneur duquel vous le faittes.

  A011002866 

 Nous solliciterons vivement l'exacteur pour la partie quil vous doit, comme pour celuy auquel nous avons de si grosses obligations..

  A011002866 

 Si donq cela ne vous incommode pas beaucoup, je vous supplie tres humblement de le faire.

  A011002868 

 Je pensois partir passé demain, aller vers vous et a Sales; mais j'attendray jusques a mercredi, par ce que le P. Cherubin me vient de dire qu'a son advis il ne seroit que bon que vous donnies un coup d'esperon jusques icy pour voir tant plus briefvement ouverture a vostre payement.

  A011002888 

 Puysque nous avons observé jusques a præsent de mettre nos dires de part et d'autre par escrit, je vous prie d'escrire le vostre encores sur le particulier de l'intention des messieurs vos superieurs touchant vostre venue, ce pendant qu'en responce (sachans que ce ne sera autre que ce que vous aves proposé a bouche) nous dressons les articles demandés..

  A011002927 

 Mais je suis contraint de dire que Nosseigneurs de Genève et de Saint-Paul et [356] nous tous qui vous sommes dévoués ici, avions été fort étonnés et non moins affligés de ne recevoir aucune nouvelle de votre santé.

  A011002930 

 Malheur à l'homme seul, surtout dans le voisinage des léopards, des ours et des loups! Il faut même, au besoin, vendre les calices et objets précieux non nécessaires aux autres églises, pour faire ces dépenses et nourrir ces âmes affamées, qui autrement sont exposées d'heure en heure à périr, afin qu'on ne puisse pas nous appliquer ces paroles: « Vous avez tué ceux que vous n'avez pas nourris.

  A011002931 

 Je voudrais pouvoir et savoir vous donner la relation de ce que Dieu a fait ici pendant les premières Quarante-Heures célébrées le 20 et 21 du mois dernier, avant l'arrivée de Son Altesse, et pendant les secondes célébrées le I er et le 2 courant; je suis sûr que je vous dédommagerais de l'ennui que je vous ai causé par mes désirs de Jubilés.

  A011002931 

 Je voudrais pouvoir vous dire la joie de M gr de Genève, notre Evêque, en voyant revenir entre ses bras tant d'enfants prodigues, et avec quelle peine il se dévoue à cette heureuse entreprise.

  A011002931 

 Je voudrais pouvoir vous rendre compte de la dextérité, de la prudence et du [360] courage avec lesquels M gr de Saint-Paul a travaillé pour avancer ces conversions et œuvres pies, le zèle avec lequel il a traité cette affaire auprès de Son Altesse et celui qu'il déploie en toute occasion.

  A011002956 

 C'est pourquoi, tant que nous sommes ici d'ecclésiastiques, nous vous avons député le plus promptement qu'il a été possible, le Prévôt de mon Eglise cathédrale qui, en notre nom à tous, se prosternera aux pieds de Votre clémente Béatitude, et lui exposera combien grand serait le dommage qu'une telle paix, si elle vient à se conclure, causerait à la république chrétienne et la tache honteuse qu'elle imprimerait à un si grand et si heureux succès.

  A011002956 

 Que, selon la clémence [365] paternelle qu'Elle témoigne à toute la Catholicité et surtout à cette province agitée par tant de maux, Votre Sainteté daigne intervenir sérieusement auprès du roi très chrétien et du sérénissime duc, afin qu'une telle paix ne soit pas accordée aux impies, et qu'ils n'en goûtent point les avantages ceux qui s'efforcent de bouleverser par tant de divisions la paix de l'Eglise; mais que plutôt ils soient contraints de rendre l'honneur à qui ils doivent l'honneur, le tribut à qui ils doivent le tribut, et que, par ce moyen, la paix vienne sur eux en la vertu du Seigneur et par l'autorité du Siège Apostolique que Votre Sainteté occupe si heureusement et avec tant de clémence, et sur lequel nous supplions le Dieu très grand et très bon de vous conserver de longues années pour le bien de son Eglise.

  A011003481 

 Je ne suis plus marry que, pour faute de porteur, j'aye retardé plus que je ne voulois de respondre a voz premieres lettres, qui me furent rendues ces jours passés avec les sonnetz de ma Seconde Centurie par monsieur de Chavanes; car je me fusse plaint fort aigrement de nostre monsieur Portier, auquel j'avois remis mes precedentes lettres, avec celles du Pere Possevin et le livre quil m'avoit adressé pour vous faire tenir.

  A011003481 

 Maintenant je suis hors de ceste peine, voyant par les vostres dernieres qu'en fin le tout vous a esté rendu..

  A011003482 

 J'ay pris fort a mon avantage ce que vous m'escrivez, que noz messieurs de Tonon facent estat de ma Premiere Centurie; car outre ce, que malaisement peut il estre ainsy quilz ne facent sans comparaison plus d'estat de vous a qui je la rapporte toute, comme je doy, il me semble que c'est un commencement de tesmoignage quilz donnent de leur resipiscence, sil est vray ce que j'ay tousjours ouy dire, [407] que les heretiques ne veullent point ouyr parler de penitence, du moins en la façon que j'en parle..

  A011003483 

 Ce seul poinct a esté cause que je n'en ay peu faire l'estat que j'eusse voulu; car, comme il me souvient de vous avoir autrefois dit, je ne peux me commander de croire qu'un heretique puisse rien avoir de bon, du moins que l'heresie ne gaste et corrompe.

  A011003483 

 Les vers desquelz monsieur Després m'a honoré m'ont esté fort aggreables, et vous remercie de la recommandation que vous y avez adjousté du vostre, et luy de la faveur.

  A011003484 

 Je remetray a ce tems là de l'embrasser et de recueillir avec plus de demonstration l'amitié que sa poesie me presente, vous priant toutefois de l'en remercier de ma part.

  A011003484 

 Toutefois, je veux bien esperer de sa conversion puis que vous qui le voyez de plus pres en concevez ceste esperance.

  A011003485 

 J'attens de bon cœur l'ornement que vous m'avez promis pour mon Code Savoysien, lequel je vay avançant de jour a autre le plus que je peux pendant le loisir que m'en donnent ces feries..

  A011003486 

 Entre autres poinctz, n'oubliez pas, sil vous plait, celuy là, que noz heretiques font mestier de nier tout et ne rien dire.

  A011003486 

 Ilz se fondent sur la reigle qui dit que aienti, non neganti, incumbit probatio; mais vous sçavez mieux que moy comment telle reigle est [408] entenduë en nostre jurisprudence, a laquelle proprement elle appertient.

  A011003488 

 Escrivez moy si vous voulez que je le tire en consequence, affin que je n'en abuse..

  A011003488 

 Je me suis fort appuyé autrefois sur ceste derniere consideration pour conclurre que noz heretiques, pour nieurs quilz soyent, sont tenus de preuver toutes leurs negatives; car ilz ne peuvent nier quilz ne soyent demandeurs, puis qu'ilz viennent a nous troubler en nostre possession de sezecentz ans qui nous rend deffendeurs; et vous sçavez que c'est la principale commodité de la possession, qu'elle decharge le possesseur de toute necessité de preuve jusques a ce que le demandeur aye fondé et preuvé son action: de là vient que adversus extraneos, id est, nihil juris habentes actores, etiam viciosa possessio prodest. Mais c'est trop faire le docteur avec vous; aussy me faites vous dottor in volgar.

  A011003489 

 J'ay esté presque botté pour vous aller voir affin de vous conduire au Baptesme de nostre neveu, lequel nous esperions [409] devoir estre fait le jour de la Toussainctz; mais j'ay esté retenu par une infinité d'incommodités, et pour avoir sceu aussy que monsieur le Commandeur doit partir aujourdhuy pour Lyon, et qu'a ceste occasion la solemnité du Baptesme sera remise en autre tems..

  A011003490 

 Aussy font ma belle mere et ma maistresse, avec noz escoliers, qui prient tous Dieu avec moy quil vous conserve, Monsieur mon Frere, a longues annees en sa grace, et nous, en la vostre..

  A011003490 

 Encor avois je a vous prier de m'ayder a me faire avoir responce des lettres que j'ay escrit a Geneve et addressé a l'hoste du Lyon d'Or, pour sçavoir si ces imprimeurs mettront la main a imprimer mes derniers Livres de Conjectures suyvant les promesses qu'ilz m'en ont faites toute ceste annee.

  A011003490 

 Je ne peux attendre davantage pour le desir que j'ay de faire sçavoir en Allemagne et en l'Italie, aussy bien qu'en France, que nous sommes freres; et comme tel je vous baise les mains.

  A011003490 

 Vous me treuverez aussy long en françois qu'en latin, mais je ne sçaurois qu'y faire.

  A011003590 

 Je me doubte fort que la lettre que je vous escrivis la semaine derniere par la voye de monsieur de Crans ne vous aye pas esté rendue, par les dangers de contagion continués et accreus, comme l'on nous dit, du costé de Necy.

  A011003590 

 Je porteray la perte fort patiemment, pourveu que vous croyez que je n'ay pas esté si paresseux d'attendre jusques a present de me conjouir avec vous de vostre heureux retour (car aussy n'estoit elle pour autre), en attendant qu'avec plus de loisir je puisse vous escrire.

  A011003591 

 Bref, il me semble que je vous ay veu et que je vous voy, et peut estre encor que je vous verray en brief.

  A011003591 

 Je m'asseure que vous n'aurez pas esté moins impatient en l'attente de recevoir de mes nouvelles que moy, en l'attente de pouvoir vous faire part des miennes et d'avoir des vostres, combien que pour ma consolation j'aye veu nostre bon frere, qui m'a bien au long entretenu, et discouru plusieurs particularités de vostre voyage, toutes tres aggreables, mesme celle du françois converti; car elle vise a l'honneur de Dieu premierement, puis au vostre, qui sont les deux plus grandes grandeurs que j'apprehende dans ce monde.

  A011003592 

 Apprestes vous seulement d'estre le president du President, et de rabbattre trois ou quattre heures tous les jours de vostre plus serieuse estude.

  A011003592 

 Au reste, j'ay a vous dire pour bonne nouvelle, et meilleure pour moy que pour vous, que monsieur de Jacob, venant de France, m'a fait entendre que Madame de Nemours l'avoit prié fort affectionnement de sçavoir de Son Altesse si elle auroit aggreable que je fusse convié d'estre President du Genevois; a quoy s'accorde un billet escrit par monsieur de Charmoisy, nostre parent, a monsieur son pere, qui adjouste que Monsieur et Madame de Nemours estoyent sur le poinct de m'en prier.

  A011003592 

 Je ferois tort a ceste lettre, pleine d'un sujet tant desiré, si je la chargeois d'autre matiere, sinon pour vous dire que j'ay fait tenir voz pacquetz a monsieur de Lullin par le secretaire mesme de monsieur de Jacob, qui m'a promis de les delivrer en mains propres..

  A011003592 

 Je serois trop long a vous conter tout ce qui a esté dit sur ce propos entre luy et moy; tant y a, que son advis a esté que je peux et doy entendre a ceste condition, et que Son Altesse l'aura tres aggreable, et a resolu de faire l'office a ce voyage qu'il fait en nostre court, ou il s'est acheminé despuis deux jours.

  A011003593 

 Quant a la vostre, je la tiens et desire toute telle que celle de l'autre vous mesme, sinon que de plus il est.

  A011003596 

 Ma maistresse avec toute la suite vous salue; ainsy fait elle madame du Foug, et moy encores plus, sans oublier monsieur l'advocat du Crest, et monsieur le Procureur fiscal..

  A011003610 

 Combien que je vous aye escrit ny a que deux ou trois jours par l'homme de monsieur de Coudree bien amplement, et avec beaucoup de contentement pour la bonne nouvelle de laquelle je vous ay fait part de ma promotion a l'estat que je desirois, tousjours plus pour m'approcher de vous, qui m'estes et serez in æternum instar omnium, que pour m'esloigner du reste de mes amis, si est ce que j'ay recherché encores ceste commodité de vous pouvoir escrire par monsieur le Gouverneur, pour me reintegrer en la possession de noz premieres diligences, autant que la commodité ou, pour mieux dire, l'incommodité et le malheur du tems le pourra permettre; car Necy est maintenant plus decrié que jamais pour le mal qui est naguieres survenu pres du pont de Nostre Dame.

  A011003611 

 Tout mon train se porte bien, graces a Dieu, et sur toutz celuy que vous tenez et recognoissez pour.

  A011003612 

 L'autre vous mesme et rien moins qu'autre,.

  A011003630 

 Je feray voir au Conseil d'Estat la requeste du gentilhomme duquel vous m'escrivez a la premiere assemblee qui se fera, qui ne peut estre devant demain, 15 e de ce mois, et n'oublieray rien de ce que je pourray pour luy faire ressentir quelque bon effect de vostre recommandation; me resjouissant au reste des bonnes esperances que vous donne Monsieur le Nonce, ne pouvant croire qu'elles doivent plus longuement demeurer sans effect en chose de telle importance, et laquelle je ne doubte point que Son Altesse, aussy bien que luy, n'affectionne beaucoup plus qu'auparavant des qu'ilz vous ont veu: et me semble qu'icy l'autheur doit admirer leur tardiveté autant que son sçavoir..

  A011003631 

 Autres advis n'en ay je desquelz je puisse vous faire part..

  A011003631 

 Bon Dieu, que le tems m'en dure, et de vous voir et en cest acte là! l'un et l'autre sera quand il plaira a Dieu.

  A011003631 

 Ce pendant, pour accroistre ce contentement qui n'est qu'un a vous et a moy, je vous diray que je viens de recevoir lettres de monsieur de Jacob, par lesquelles il m'asseure que Son Altesse a tres aggreable que j'aille en Genevois et qu'elle m'en priera (voyez quelz termes); et qu'en tesnioignage de cela, mes gaiges de senateur me demeureront.

  A011003631 

 Je m'estois bien promis que je me treuverois a la premiere grand'Messe que vous diriez a Tonon pour ces festes de Noel, mais a ce que je voy, la chose sera remise a l'an qui vient.

  A011003631 

 [418] Mais tenez, je vous prie, ce dernier poinct secret, car il m'importe affin qu'on ne me rabbatte rien dans cela des gaiges qu'avoit monsieur Poille, qui est le plus haut degré d'ambition et d'avarice auquel ma pauvreté aspire.

  A011003632 

 Ma maistresse et tous voz neveux qui sçavent parler vous saluent, mais le pere sur tous et plus que tous, comme celuy qui est et sera a jamais,.

  A011003651 

 Estant au plus fort des Meditations poetiques que j'ay commencées despuis quelques jours sur les misteres du tressainct Rosaire, pour faire quelque provision de devotion pour ces bonnes festes, j'ay sceu par monsieur l'advocat Salteur, lequel m'a remis voz dernieres lettres, quil y avoit commodité de vous faire responce par le [419] greffier de Thonon; et a l'instant, sans poser la plume, j'ay seulement changé de papier pour vous faire ce mot, non moins pour accroistre en moy cet esprit de devotion par l'imagination que je conçoy de vostre conversation, que pour vous advertir comme du jour mesme que je receus vostre pacquet, ou, pour ne mentir, du lendemain, je le remis a la poste avec les autres que le Conseil d'Estat depechoit par courrier expres a Son Altesse et soubs une mesme couverture, de sorte que je m'asseure quil aura esté bien et seurement rendu; dequoy je n'eusse pas tant tardé de vous advertir si j'eusse heu la commodité d'un porteur..

  A011003652 

 Car, quant au reste que vous vouliez sçavoir de moy, de la negotiation de monsieur de Jacob pour moy en nostre court, je vous ay ja escrit, et m'asseure qu'aurez receu la lettre, que Son Altesse treuve tout bon et me laisse, avec l'estat de senateur, mes gaiges.

  A011003652 

 On m'en escrit en ces termes: « Vous irez, vous demeurerez et tirerez voz gaiges.

  A011003652 

 » Toutefois, je n'ay encor point receu de lettres de Son Altesse, non plus que de Leurs Excellences, tellement que, non sans beaucoup de peine, je suis contraint de dissimuler et ne faire pas semblant que je desire de voir la chose executee, quand ce ne seroit que pour empecher que noz confreres ne vous veullent mal, pour l'asseurance quilz ont que la force de nostre amitié m'attire a ceste resolution autant qu'autre chose quelconque.

  A011003653 

 Je ne pers point pour cela courage d'esperer que vous aymerez tousjours le President, lequel vous avez bien aymé senateur.

  A011003654 

 Encor feroy je bien ceste plus longue, si le dernier coup de Matines ne me pressoit; car je vous escris ceste en semblable tems auquel je jouissois de nostre premiere entreveuë a Necy en vostre estude, sont passés trois ans.

  A011003654 

 Je ne pensois vous escrire qu'un mot, et vous voyez ou la passion me porte.

  A011003656 

 Je vous baise bien humblement les mains, et a monsieur nostre cousin, sans oublier tout ce quil y a de bon et d'honeste en vostre ville de Tonon.

  A011003656 

 Ma maistresse et voz neveus vous en presentent autant, et du mesme cœur duquel nous prions Dieu, tous tant que nous sommes, monsieur mon Frere, pour vostre santé et prosperité..

  A011003673 

 Despuis, j'ay receu une des vostres datee du jour de Sainct Thomas, non toutefois l'autre laquelle vous dites m'avoir escrit par autre voye..

  A011003673 

 Je vous avois escrit en grande haste la veille de Noel, comme vous verrez par la cy jointe, pour ne perdre la commodité qu'on m'avoit enseigné du greffier de Tonon; mais il se treuva au lendemain qu'il estoit parti le soir devant, fort tard, de peur, comme je croy, de se treuver a nostre Messe de minuit.

  A011003674 

 Je ne treuve pas moins estrange que vous l'empechement que vous font ces messieurs de Tonon, et en ay conferé bien a plein avec monsieur le Gouverneur lequel m'a dit les mesmes raisons lesquelles il a discouru avec vous sur ce sujet.

  A011003674 

 L'autre raison qui m'esmeut beaucoup, c'est que la trefve estant sur le poinct de finir, il ne faut doubter que [421] si elle estoit finie ou rompue l'ennemy courroit quant et quant du costé de Tonon, quand ce ne seroit que pour abbattre l'autel lequel vous auriez fait construire..

  A011003674 

 Tout ce que je treuve de plus considerable, c'est qu'il dit que par les lettres mesmes de Monsieur le Nonce a vous, il est fait mention des depeches qu'en veut faire Son Altesse, lesquelz ne sont encor venus; car sans doute s'ilz estoient entre vos mains, la chose se pourroit faire avec beaucoup plus de reputation.

  A011003675 

 Je ne fauldray, incontinent apres qu'il sera arrivé, de luy en parler, tant pour sçavoir s'il apporte point de commandement de Son Altesse sur ce faict, que pour entendre ce qui luy en semblera; et sera bon que vous luy en escriviez, affin qu'il s'en prenne quelque bonne resolution entre luy et monsieur de Lambert, lequel m'a dit que si la trefve est continuee il viendra le voir.

  A011003675 

 Je vous escriray dans peu de jours ce que j'en auray appris de monsieur de Jacob..

  A011003675 

 Qu'y feriez vous, mon bon Frere? Il faut joindre encor ceste patience a tant d'autres desquelles Dieu vous a donné et le sujet et le merite en ceste vostre si saincte et digne negotiation.

  A011003676 

 Et en ceste attente, vous baisant bien humblement les mains, comm'aussy ma maistres.se avec voz neveux, sans oublier madame du Foug, monsieur le Procureur fiscal et monsieur du Crest, je prie Dieu vous donner la santé longue et contente vie..

  A011003694 

 Le subjet meritoit bien qu'elles me fussent plus tost renduës, affin que j'eusse peu faire plus diligemment et plus chaudement l'affaire duquel vous m'escrivez.

  A011003694 

 Mais, graces a Dieu, tout va bien puisque vous avez reintegré la Messe en sa possession en un jour si solemnel, quoy que non pas si solemnellement que vous et moy eussions desiré..

  A011003695 

 Mais ilz sont bien d'advis que pour ce qui reste a faire de plus, vous attendiez quelque commandement plus expres de Son Altesse, pour ne contraindre Son Altesse de venir aux remedes violens qui seroient necessaires si ces messieurs faisoient quelque insolence qui cust forme de mespris ou de rebellion; car en somme, comme vous escrivez, ilz n'ont point capitulé avec Son Altesse..

  A011003695 

 Tant y a que voz scyndics de Tonon n'ont point esté icy pour se plaindre de vous, mais seulement pour presenter requeste a la Chambre des Comptes a cause de la gabelle du sel, a ce que leur Procureur mesme m'a asseuré.

  A011003695 

 je l'ay aussy sceu de monsieur le prenaient Pobel, qui a tousjours presidé au Conseil d'Estat en l'absence de monsieur de Jacob; j'en ay encores parlé a monsieur de Jacob, qui me dit n'avoir ouy aucunes plaintes de vous, ny deça ny dela les monts, au contraire toutes les voix du monde favorables a vostre reputation, et l'un et l'autre treuvent bon ce que vous avez fait et que vous continuiez, estant bien resolus, si quelqu'un de ces messieurs vient se plaindre a eux, de luy bien laver la teste sans savon.

  A011003696 

 Monsieur de Jacob m'a asseuré que Son Altesse est tres bien disposee a plaider vostre cause (si ainsy la faut appeller plustost que celle de Dieu) contre Messieurs de Sainct Lazare, et que luy mesme s'y est aydé, s'asseurant qu'en brief vous l'emporterez, du moins pour l'entretenement de six curés.

  A011003696 

 Nous avons resolu d'en conferer avec monsieur de Lambert, par lequel en apres je vous en escriray plus a plein, car je suis maintenant merveilleusement pressé.

  A011003697 

 J'ay de rechef recommandé a monsieur le president Pobel l'affaire de ce bon gentilhomme de Tonon, et a monsieur Chaven encor qui m'avoit promis merveilles sans y avoir encor rien fait; et l'un et l'autre m'ont promis de le favoriser pour amour de vous, et de la plus briefve expedition qu'il sera possible..

  A011003703 

 Ma maistresse et voz neveux vous baisent les mains; aussy fay je moy a tous ceux de qui vous m'escrivez.

  A011003717 

 En responce de celle que ce porteur m'a remis de vostre part, je vous diray qu'il n'y a que quattre ou cinq jours que je vous ay escrit bien a plein par le solliciteur de monsieur de Colombier, pour respondre aux deux dernieres que j'avois eu de vous, dont la premiere estoit datee du jour de Sainct Estienne, l'autre, du jour de Sainct Thomas.

  A011003717 

 Je m'asseure que ma lettre ne s'esgarera pas, car je l'ay recommandee fort estroittement; toutefois, parce que peut estre elle ne vous sera pas si tost rendue, je vous en feray par ceste cy un epilogue..

  A011003718 

 Je vous escrivois qu'ayant conferé avec monsieur le president Pobel et autres seigneurs du Conseil d'Estat, j'avois sceu que le scyndic Vernaz, qui estoit venu en ceste ville, ne s'estoit aucunement plaint de vous, et que quand luy ou quelque autre viendroit a si mauvaise fin, on luy lavera bien la teste.

  A011003718 

 Tous ces messieurs treuvent bien fait ce que vous avez fait et monsieur de Jacob encor, avec lequel j'en ay conferé bien au long; et est d'advis, puisque vous avez commencé de dire la Messe a Sainct Hippolite, [424] que vous continuiez; mais il ne treuveroit pas bon que vous y fissiez construire aucuns autelz jusques a ce que vous ayez receu depeches de Son Altesse, pour ne donner point de sujet ou d'occasion de nouveau remuement en un tems si chatouilleux comme est celuy cy..

  A011003719 

 Je me console en l'esperance que j'ay que vostre depeche ne tardera plus gueres, et que vous n'avez pas peu fait par ceste boutee..

  A011003719 

 Qu'y feriez vous, mon Frere? Il faut prendre ceste mortification et la joindre a tant d'autres qui ont esprouvé vostre patience.

  A011003721 

 Si faut il qu'encor je vous die que j'ay receu par monsieur de Jacob les patentes de Son Altesse, qui me permet d'aller en Genevois en retenant mon estat de senateur avec mes gaiges.

  A011003722 

 Je le porte impatiemment pour le desir que j'ay de vous voir, et monsieur vostre pere, avec tout ce qui est de la suite.

  A011003723 

 Ceste cy ne laissera, s'il luy plaist, d'estre pour vous deux, comme encores les tres humbles recommandations que ma maistresse et moy presentons a ses bonnes graces et a celles de Madame nostre mere, Messieurs nos freres, et Mesdemoiselles nos sœurs, priant Dieu vous donner a tous, Monsieur mon Frere, une santé longue et contente vie..

  A011003727 

 J'ay remis au Pere Cherubin vostre traitté incontinent que je le vis a Necy apres vous avoir laissé.

  A011003741 

 Vous m'avez osté d'une extreme peine me faisant sçavoir de voz nouvelles et m'envoyant la requeste de ce bon gentilhomme qui languit des si long tems; car ayant eu je ne sçay combien de fois la main a la plume pour vous escrire, j'ay tousjours esté retenu et empeché par honte que j'ay du tort que nous avons, monsieur Chaven et moy, de l'avoir abusé si longuement.

  A011003741 

 Vous serez adverty par la premiere commodité de ce que j'auray peu negotier..

  A011003742 

 Ce pendant tenez vous joyeux, nonobstant les traverses ou nonchalances de ceux qui devroyent vous ayder en ceste vostre si saincte entreprise; vostre patience a desja vaincu les plus grandes difficultés, j'estime que ce qui reste a faire ne vous peut estre que subjet d'honneur et de contentement.

  A011003742 

 Je ne vous escris rien de ce malheureux acte qui s'est naguieres commis a Mussel, tant pour n'en avoir le loisir que pour n'interrompre voz devotes pensees d'un si fascheux entretien.

  A011003743 

 J'ayme mieux vous parler de monsieur Locatel, nostre frere, qui m'a chargé par sa derniere lettre de vous baiser bien humblement les mains, et vous advertir qu'il est pere d'une Marguerite.

  A011003743 

 J'espere qu'avec vostre bonne ayde je pourray dans cinq mois estre pere d'un François, si ma maistresse ne me trompe, laquelle en ceste apprehension vous baise bien humblement les mains, comm'aussy je fay, et a madame du Foug et a tous ces messieurs nos communs amis, priant Dieu vous donner a tous une santé longue et contente vie..

  A011003759 

 J'avoy differé quelques jours de vous escrire tout expressement pour donner loisir a mes depeches de venir, affin de vous entretenir desormais de quelque subjet plus aggreable que ne sont ces esperances languissantes qui nous ont morfondus despuis tant de mois.

  A011003760 

 Dieu sçait combien je desireroys de vous y treuver, et pour combien de raisons; mais je prendray bien patience pour quelques jours, pourveu que je sois bien adverty de vostre bon portement, et que la conversation du Pere Esprit vous console parmy tant de travaux que vous continuez de prendre a cultiver ceste barbarie huguenotte, si cultiver se peut dire pour deraciner; mais je parle du terroir, non pas de la semence..

  A011003760 

 Et pour ceste cause, je ne refuse pas d'estre le premier a vous aller au devant, si messieurs du Senat et du Conseil treuvent bon que j'aille prendre possession de mon presidentat, affin qu'a nostre premiere veuë je vous mette un president entre les bras.

  A011003761 

 Quant a la conference, je ne desire rien tant que d'ouir dire le jour auquel elle se fera, et ne croy pas quil y aye presidentat que je ne quittasse pour aller en estre tesmoin; mais je suis bien comme vous, je crains que ces longueurs n'en facent perdre et le goust et l'occasion.

  A011003762 

 Je vous envoye une lettre que je viens de recevoir de Monsieur l'Evesque de Mauriane.

  A011003762 

 Vostre commere vous salue pour elle et pour son petit François qui se fait tous les jours plus gros que grand; nostre frere de mesme, avec toute la brigade; mais moy plus que tous, qui suis,.

  A011003764 

 Vostre vous mesme, frere et serviteur,.

  A011004061 

 A quoy vous continuerez avec la dexterité et prudence que vous sçavez convenir, ayant escript au sieur de Lambert qu'il a tres bien faict de secourir le ministre qui se veult catholiser, ainsy que vous et luy Nous escripvez..

  A011004061 

 En responce de celle que avez escript, vous disons que treuvons bon qu'ayez faict dresser un autel en l'esglise de Sainct Hipolite, comme aussy les aultres bonnes œuvres qu'a la louange de Dieu et extirpation des heresies vous y allez exercitant; et Nous desplaict des oppositions que l'on vous y a faictes, que neantmoings avez surmonté ainsy que vous Nous escrivez.

  A011004062 

 A tant prions Dieu que vous aye en sa garde..

  A011004099 

 Je vous prie de tenir main a ceste deliberation, et je prieray le Createur vous conserver en sa saincte et digne garde..

  A011004113 

 De quoy je reçois un tres grand contentement, attendu que nostre attente nous a appourté ce bon heur que d'y avoir un tant principal Prelat, lequel Nous attendrons audict lieu, ou Nous nous acheminerons a l'advantaige; vous en ayant bien voullu donner [advis] a celle fin, que ce pendant vous vous disposiez a une bonne patience qui se terminera a ladicte venue, sans aultre dilation..

  A011004114 

 A tant je prie Dieu qu'il vous aye en sa garde..

  A011004129 

 Et si bien je crois que, mes lettres receues, vous aurez changé de deliberation, si n'ay je pourtant voullu laisser de vous en donner advis, priant Dieu qu'il vous aye en sa garde..

  A011004129 

 Je vous prie qu'un peu de temps ne nous soit vendu si cher, comme il seroit si icelle (sic) se faisoit sans Nous, qui Nous causeroit un regret inevitable.

  A011004129 

 Par mes antecedentes lettres, vous aurez sceu de la venue du Legat et le desir qu'avons qu'il se treuve aux Quarente Heures, qui les sollempnisera beaucoup plus; et seroit bien marry si pour un peu de temps luy et moy en perdions la commodité.

  A011004143 

 Peu appres la lettre que vous avons escript du jourd'huy est arrivee la vostre du dix huictiesme, qui Nous appourte un tres grand contentement et ensemble remplit de toutte consolation, voyant tant d'ames bien disposees pour se remettre au vray chemin.

  A011004143 

 Si aultre ne retarde le Legat, il s'y treuvera des mardy prochain en six jours, non compris le mardy, et Nous un peu auparavant, ne le desirant pas moingtz que vous..

  A011004144 

 A tant prions Dieu qu'il vous aye en sa garde..

  A011004161 

 De quoy avons voullu vous donner advis, priant Dieu qu'il vous aye en sa garde..

  A011004161 

 Nous ayant, appres vostre despart, le Reverend Monsieur Louys Perrucard faict apparoir de la nomination faicte en sa personne, des l'annee 1589, lhors que nous estions a Gex, du prieuré de Sainct Jean soubz le vocable de Sainct Jean hors les murs de Geneve, riesre ledict pays, et supplié de ne luy prejudicier en son anterieurité par l'aultre nomination qu'en avons faict au Baron de Viry: ce que [451] Nous semblant raysonnable, et estant d'ailleurs bien memoratif des causes que Nous meurent de le faire, Nous a semblé par ce de vous dire qu'ayez a vous desporter de la charge et sollicitation qu'en pourriez faire pour l'union dudict prieuré a la Collegiale de Viry, ains faire instance pour en obtenir les provisions necessaires en faveur dudict Perrucard, docteur es droictz et esleu de Seseri, en escripvant en ceste conformité a monsieur l'Ambassadeur Arconat et au Cardinal Aldobrandin.


12-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XII-Vol.2-Lettres.html
  A012000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A012000193 

 Nous allions attendant la commodité de quelques plus asseurees addresses que ne sont les ordinaires en ce tems si troublé, pour envoyer nos lettres de dela, et quelque resolution du chemin que nos affaires prendroyent pour vous en donner quelque advis; et l'un et l'autre nous est seulement arrivé maintenant.

  A012000194 

 Il a accordé que la provision desditz pasteurs se fit par vous absolument pour ceste premiere fois; que vous puissies donner portion congrue a tous curés etiam extra visitationem; absoudre les hæretiques comme ci devant, pour cinq ans a venir, licence laquelle ilz estiment icy perpetuelle par ce qu'il ne couste sinon d'envoyer pour demander la continuation avant qu'elle soit passee..

  A012000200 

 Le seul Cardinal Mathæi estant malade, nous retient encor sans autre [3] response, sinon quil reçoit vostre Visitation et si quid erroris admissum esset in mora, absolvit ad cautelam, et fera droit touchant la prætention que vous aves d'estre mis au nombre des ultramontains pour les termes de vostre Visitation; mais il ni a pas moyen de tirer aucun'escriture de luy, dautant quil ne peut signer..

  A012000202 

 Le Cardinal Sainte Severine me dit que Monseigneur le Nonce sollicitoit de me faire depescher pour aller vers vous en l'absence du bon P. Cherubin, lequel, a ce qu'on nous advise de deça, est tumbé en une tres lamentable [4] infirmité; et Sa Sainteté et ces messieurs du Saint Office, bref tous les bons, regrettent infiniment cest accident, et pour la valeur de la personne, qu'il rend inutile, et pour le bruit qu'en feront les adversaires, qui, n'ayant aucune rayson pour leur opiniastreté, font bouclier de tous les sinistres evenemens qui nous arrivent, pour naturelz et ordinaires quilz soyent.

  A012000203 

 Je serois ingrat si je ne vous donnois advis que nous avons icy le seigneur chevallier Buccio, prieur de Contamine, qui s'employe pour nous a bon escient, et le seigneur Bartholommeo Bonesio, cameriero secreto di Sa Sainteté..

  A012000204 

 Or, nous esperons entre cy et Pasques vous bayser les mains et rendre conte en presence du tems et loysir que nous avons fait des nostre despart; ce ne sera jamais si tost que je le desire.

  A012000221 

 Ce fidele amy ne s'empressera que trop pour escrire en Savoye les signes de bonté paternelle dont le Pape m'a honnoré, qui m'obligent d'estre plus que jamais bon enfant et bon serviteur de la sainte Eglise Romaine; mays quoy que nos amis escrivent, souvenes vous que nos amis exagerent aussi souvent nostre bien que nos ennemis exagerent nos maux, et qu'en fin nous ne sommes que ce que nous sommes devant Dieu.

  A012000221 

 Je vous asseure que M. le Grand Vicaire est sorti du Consistoire plus joyeux que moy.

  A012000221 

 Je vous confesse ingenuement que Dieu n'a pas permis que nous ayons esté confus dans l'examen, quoy qu'en ne regardant que moy mesme je n'attendis que cela.

  A012000255 

 A Lorette j'ai joui de la part de M gr le Révérendissime Evêque et de M. le Primicier, mais dans une mesure entassée et débordante, de la bienveillance et du bon accueil que vous m'aviez prédits.

  A012000255 

 Il suffit de dire que, grâce à vous, j'ai été connu et affectueusement traité par ces deux insignes Prélats, dont lesouvenir ne peut qu'exciter en moi le désir de bien vivre..

  A012000258 

 mais, comme je dis, ce fut un ressentiment affectueux et non point amer; alors je lui fis connaître ce que j'en avais appris de vous, et l'entretien se termina dans les mêmes termes honorables avec lesquels il avait été commencé..

  A012000261 

 C'est tout ce que j'ai à vous communiquer pour le moment, distrait comme je le suis par les poursuites que je fais pour nos affaires ecclésiastiques.

  A012000299 

 Veuillez vous rappeler qu'il s'agit ici du service de Dieu, dans lequel toute négligence attire la malédiction, et me pardonnez si avec tant de liberté je vous invite à venir sans délai, car je me sens obligé d'agir ainsi.

  A012000304 

 Turin, d'où je vous souhaite du Seigneur le bonheur éternel.

  A012000322 

 Elle le seroit toutefois encor plus si je n'estois tout seur que vous voudres bien vous repræsenter la justice du desir que peut avoir un creancier de se servir du sien en son besoin, et un filz, de servir a la raysonnable volonté de son pere..

  A012000322 

 Obliges moy, je vous supplie, de tant, outre tant de devoirs que je vous auray toute ma vie, que de me faire sçavoir si mon pere se pourra promettre quelque pavement ou du tout ou d'une partie de la somme qu'il a sur l'hoirie de feu monsieur le baron d'Hermence en ceste necessité qu'il en a maintenant.

  A012000323 

 Monsieur, je prie Dieu de tout mon cœur pour vostre prosperité, et vous supplie croire que vous ne sçauries donner credit vers vous a l'intercession d'homme du monde qui soit plus entierement et fermement,.

  A012000328 

 A Sales, ou tous vous saluent humblement, et madame vostre partie avec toute vostre famille; le 25 julliet 99..

  A012000373 

 Je ne veux point perdre le droit que je me suis réservé jusqu'ici de vous faire toujours quelque demande.

  A012000374 

 Je ne laisserai pas de vous demander encore quelle est l'intention de Sa Sainteté touchant la réforme des monastères de Savoie, œuvre nécessaire autant qu'il se peut dire..

  A012000417 

 Il vous envoie donc son rapport, après lequel il ne me reste plus rien à dire, sinon que les choses vont assez bien ici, et que l'on espère de plus grands progrès à l'avenir, surtout en voyant que Sa Sainteté les prend à cœur et veut nous aider, ce dont nous avons un très grand besoin.

  A012000421 

 C'est en priant Dieu notre Seigneur de vous accorder la plénitude de ses grâces pour la consolation de plusieurs, et en particulier pour celle de cette province, que je baise très humblement vos mains vénérées..

  A012000453 

 Aussi bien vous diront ilz tout ce que je vous sçaurois escrire.

  A012000453 

 Faites donq seulement selon vostre courtoisie a apprivoiser avec Rome [30] ces patriottes, et croyes, sil vous plait, mon frere quand il vous dira que je suis tout entierement,.

  A012000453 

 Si je vous remerciois au long par escrit de la souvenance que vous aves de moy, selon vostre lettre receüe par les mains de monsieur le Præsident mon frere, je meriterois que vous ne leussies pas ma lettre, car vous seres tant empressé a recevoir et caresser ces jeunes gentilshommes nouveaux venuz, que vous n'aures pas le loisir de parler avec ma lettre.

  A012000494 

 Je vous en envoie deux autres dudit Monseigneur dont l'une, pour le motif ci-dessus mentionné, est de plus vieille date que je ne l'aurais désiré, et en même temps le plan de Thonon..

  A012000496 

 Je vous envoie une longue information au sujet de l'érection des prébendes théologales; vous y trouverez tous les renseignements que vous désiriez de moi.

  A012000536 

 Partant j'ai recours au Saint-Siège pour en avoir raison au pétitoire, et je dépose sous ce pli ma lettre que je vous supplie d'expédier à Rome.

  A012000538 

 Je me rends demain à Annecy, afin d'aller ensuite à Thonon pour les fêtes, si c'est nécessaire, et je m'empresserai de vous renseigner selon les occasions.

  A012000566 

 Pour moi, non seulement j'ai beaucoup espéré ces faveurs, mais j'en ai reçu même le gage très assuré lorsque, traitant naguère auprès de vous d'autres affaires également saintes, vous daignâtes les embrasser avec tant d'ardeur..

  A012000567 

 Priant de toute mon âme la divine Majesté de continuer et augmenter ses grâces en votre endroit et de vous conserver longuement pour le bien de la sainte Eglise, je baise avec dévotion vos mains vénérées..

  A012000591 

 Deux lettres de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime me sont arrivées simultanément les derniers jours de l'année passée: l'une est du 7 décembre, l'autre est le duplicata d'une lettre précédente du 20 octobre, avec la copie de celle que le P. Chérubin vous écrivit de Rome le 2 du même mois d'octobre (les originaux de ce double et de cette copie ne sont jamais tombés entre mes mains), et, dans le même pli, une autre lettre datée du 7 décembre.

  A012000604 

 Cependant que j'ay suivi le proces que j'ay eu avec messire Nicolas Balli pour la parrochiale du Petit Bornand par devant les juges lais pour le possessoire, j'ay laissé en surseance la poursuitte de l'adjournement que j'avoys eu a Vienne des que maistre Coquin se presenta pour moy et vous constitua mon procureur, il y a environ deux ans.

  A012000604 

 Et je vous tiendray tres bonne et entiere rayson de toute la despense que vous m'accuseres par vostre lettre que j'attens en response de la præsente, par voye de monsieur de Medio, chanoyne a Lion..

  A012000604 

 Maintenant, desirant reprendre les arremens dudit proces, auquel je m'estois præsenté, je vous supplie de m'envoyer les lettres necessaires a ces fins pour, au moyen d'icelles, poursuivre par apres mon droit ainsy que je seray conseillé.

  A012000605 

 A tant je vous salue tres affectionnement, demeurant,.

  A012000639 

 Au milieu de tant d'afflictions par lesquelles il a plu à Dieu de châtier nos péchés, il ne me reste autre chose à vous écrire sinon qu'en cette infirmité, la vertu divine s'est montrée par la constance de nos convertis de Thonon.

  A012000642 

 Je prie le Seigneur notre Dieu de vous donner tout vrai contentement, et, vous faisant très humble révérence, je baise vos mains vénérées..

  A012000659 

 Mais voyant que le sujet ne portoit point ceste presse, je vous envoye les deux lettres et demeure icy au devoir que j'ay au service de mon pere, lequel de jour a autre avance a grans pas a l'autre vie, s'affoiblissant tellement en cellecy que, si Dieu ne nous preste sa main miraculeuse, je me vois dans peu de jours privé de la [53] consolation que, avec toute ceste mayson, j'ay tous-jours eu en la presence de ce bon pere.

  A012000659 

 Sur la lettre que monsieur de Sanci m'escrivoit pour me rendre solliciteur aupres de vous de son intention, j'ay ouvert celle quil vous escrivoit, appuyé tant sur la creance qu'il vous plait prendre en la fidelité de l'affection que j'ay a vostre service, qu'aussi sur la crainte que j'avois que ce ne fut pour chose qui meritast que j'allasse aupres de vous pour en entendre vos commandemens.

  A012000663 

 A Sales, ou ma mere avec tous les siens et mon pere mesme vous baysent tres humblement les sacrees mains, 19 janvier..

  A012000696 

 J'ai éprouvé une très grande consolation de la lettre que Votre très Révérende Paternité a daigné m'adresser par M. Philippe de [54] Quoex, et cela pour plusieurs raisons; mais particulièrement parce que j'ai compris par son contenu que non seulement vous me conservez un spécial souvenir, mais aussi que vous avez pour toute cette province une singulière sollicitude.

  A012000705 

 Je ne veux pas manquer de vous avertir que l'affaire de la coadjutorerie n'a eu aucun succès ni avancement depuis l'examen; c'est pourquoi, si vous me favorisez de vos lettres, je vous supplie de ne pas me donner un titre qui ne me convient pas..

  A012000735 

 Mon oncle, M. de Villette, maître d'hôtel de Son Altesse, se rendant auprès de vous, il m'a semblé devoir rompre un silence forcément prolongé, en offrant par ces lignes mes très humbles hommages à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime.

  A012000736 

 Je vous en supplie aussi moi-même, baisant très humblement vos mains sacrées, et priant Dieu de nous faire jouir longues années des fruits de votre protection..

  A012000751 

 A quoy ledit sieur Præsident a respondu qu'il le feroit infalliblement; et despuys je l'ay repris, et le Procureur patrimonial encores, lesquelz conformement m'ont dit que sil vous playsoit d'en venir par termes de justice, la chose ne pouvoit pas se terminer du tout si tost, et qu'en ce cas il sera requis de voir ledit Procureur patrimonial repliquer a vos responces.

  A012000751 

 Ce pendant, sur cecy je vous prieray de me donner advis du choix que vous feres, et je le feray sçavoir audit sieur Procureur du domeyne.

  A012000751 

 Je viens tout maintenant d'aupres de luy, et luy ay representé ce que vous aves desiré, a quoy il s'est rendu fort aysé; et ne pouvant employer beaucoup de tems a la consideration de l'affaire pour tant d'affaires que la soudaineté de son despart luy a apportés, il a commandé sur le champ et en ma presence a monsieur le præsident Floccard de le despecher au plus tost que faire se pourra.

  A012000751 

 Mays sil vous plait d'en venir [60] a l'amiable et prendre un des premiers jours apres Pasques, vous series bien tost expedié.

  A012000751 

 Monsieur le Præsident m'a dit que si franchement et resolument vous vous contentés de rendre a Monsieur ce quil vous a baillé en eschange et reprendre le Turchet, la chose sera du tout hors de difficulté et de dilation..

  A012000752 

 Je vous salue de tout mon cœur, et madame d'Avully, et vous prie de [croire] que je seray tous-jours fort affectionnement,.

  A012000752 

 Monsieur, excusés moy si je vous escris ainsy a baston rompu, car j'ay la teste tant rompue et d'ennuy et d'affaires que je ne pense guere aux paroles.

  A012000795 

 C'est pourquoi je dois vous remercier d'abord, comme je le fais très humblement, des faveurs infinies dont, par votre bonté, vous m'avez comblé pour ma consolation et pour le bien de cette province, de laquelle vous êtes non seulement le bienfaiteur signalé, mais aussi le père très aimant.

  A012000795 

 Je vous supplie ensuite de daigner me continuer vos bonnes grâces partout où vos mérites vous porteront, et de croire que jamais vous n'aurez un serviteur qui soit plus que moi dédié à votre obéissance, quoique je sois inutile..

  A012000800 

 Et parce que j'ai l'habitude de vous présenter toujours quelque requête pour ma consolation particulière, je vous demanderai de vouloir bien vous rappeler des prébendes obtenues pour M. Nouvellet, vétéran de la milice ecclésiastique, dont M. de Villette vous parlera plus amplement..

  A012000802 

 En baisant vos mains sacrées, je vous fais très humble révérence..

  A012000802 

 Je vous demande en dernier lieu de me permettre de vous écrire quelquefois soit à Rome, soit à Bari, et de vous renseigner sur nos affaires, dont je crois que Votre Seigneurie gardera toujours un agréable souvenir, se rappelant les travaux qu'Elle leur a consacrés pour le service de Dieu.

  A012000802 

 Pour moi, je prierai toujours le Seigneur de vous conserver et de vous accorder une très longue vie, telle qu'elle est nécessaire pour le bien de l'Eglise.

  A012000821 

 Aussi, confiant dans votre bienveillance à mon égard, je pars en vous assurant de tout mon respect, et je proteste vouloir vivre et mourir votre frère, tout dévoué a ce que votre bon plaisir réclamerait de moi..

  A012000821 

 Je n'ignore pas avec quel empressement cette excellente mère Vous avertira de mon passage, elle qui m'a embrassé avec une [68] âme débordante de joie, et qui n'eût pas consenti à me laisser partir si je ne l'avais contrainte à constater combien est urgente la cause de mon départ.

  A012000821 

 Vous-même, du reste, pouvez juger de cette urgence, puisqu'elle m'oblige à m'éloigner sans vous saluer, vous qui alliez si tôt revenir, vous qu'une si petite distance séparait de moi! Il s'agit de la religion; or, cette cause qui est la première pour tous, doit l'être surtout pour moi, qu'elle soulève et entraîne avec tant de force.

  A012000822 

 Veuillez, je vous prie, saluer le plus affectueusement du monde le tout aimé et tout aimant Rodolphe.

  A012000846 

 Bien que d'après ce qui m'a été dit par M. le président Favre et M. le baron de Chevron je sache que peut-être cette lettre ne parviendra pas entre vos mains pendant votre nonciature, je ne veux pas toutefois laisser de vous donner connaissance de deux choses, au succès desquelles votre autorité et votre bonté pourront beaucoup aider à l'occasion..

  A012000909 

 Je prendray le plus d'instruction que je pourray des particularités requises pour ce tant signalé commencement d'une œuvre de laquelle la gloire estant toute a Dieu, comme a sa source, doit neanmoins verser beaucoup d'honneur sur vous, qui estes le principal instrument duquel il s'est voulu servir..

  A012000909 

 Puisqu'il vous a pleu me dispenser d'aller en personne aupres de vous pour vous donner l'advis que vous desires avoir de moy avant que de vous acheminer a Gex, je vous diray simplement sur ce papier que Monsieur l'Evesque se tient tout prest avec la petite trouppe pour arborer la Croix et en publier les mysteres par tout ou vous luy en marqueres les lieux et occasions; il attendra seulement l'assignation du jour que vous luy donneres pour vous rencontrer sur le chemin.

  A012000910 

 Je le prieray toute ma vie pour vostre felicite, et confesseray que je dois estre, comme je vous supplie de croire que je seray tousjours,.

  A012000947 

 Nous voici a Lion pour apprendre de monsieur le baron de Lux, lieutenant au gouvernement de Bourgoigne [84] et de Bresse, Verromey et Gex, ce que nous avons a faire pour le restablissement de la religion catholique au balliage de Gex, suivant la lettre que le Roy de France en a escritte a Monseigneur le R me Evesque, de laquelle je vous envoye copie.

  A012000948 

 Je vous prieray donq de l'accompagner ou monsieur Reydet, en la donnant, d'une declaration un peu ample de la necessité que nous avons de l'assistence du Saint Siege, du dommage que cela fera a l'heresie et du grand honneur qui en reussira a la sainte Eglise..

  A012000949 

 Vous demanderes pourquoy [85] il faut procurer ces formalités.

  A012000961 

 Mays on replique: Que veut dire qu'avant la guerre vous ne recherchies pas ces biens? C'estoit par ce que feu Son Altesse avoit Iraitté autrement avec ceux de Berne, et despuis le traitté a esté annullé par ceux de Berne mesme.

  A012000974 

 C'est pourquoy j'ay voulu vous envoyer immediatement ces advis pour prendr'occasion de vous demander la faveur de vos bonnes graces et vous offrir mon humble service, me promettant aysement d'estre gratiffié par vostre bonté..

  A012000974 

 En quoy, [87] bien que j'eusse desiré de le servir comm'en toute autre occasion, pour son respect, si est ce que la volonté m'en est beaucoup augmentee quand il m'a dit quil faysoit ceste recherche la pour vous.

  A012000975 

 Je vous prieray m'excuser si je ne vous envoye pas pour l'heure les memoires que vous desires au premier article, par ce que je suis en voyage et ne puis pas obtenir de ma souvenance tout ce que je luy en demande, avec l'asseurance des particulieres circonstances qui sont requises pour s'en bien servir.

  A012000975 

 Mays estant de retour au diocsese, qui sera dans peu de jours, j'en iray a la queste par tout [88] ou je cuyderay en pouvoir rencontrer des pieces, et bientost apres je les vous envoyeray..

  A012001006 

 C'est ce que je fais actuellement, vous suppliant de daigner agréer l'ardente affection avec laquelle le peu que je suis vous est dédié.

  A012001012 

 Je prie Dieu de vous conserver de longues années sain et sauf pour le bien des âmes..

  A012001026 

 Il dit merveilles, et tant, que la moytié suffiroit sil le faysoit; sur tout il desire d'avoir acces vers vous et de pouvoir aller voir ma mere.

  A012001026 

 Je vous prie de bien pratiquer le saint mot de l'Apostre: Tu autem, vince in bono malum et de procurer que ma mere en face de mesme; nostre nature nous y porte et en devons faire gloire, car chi l' aspetta la vince.

  A012001027 

 Las et recreu, je vous salue, estant.

  A012001047 

 J'espere d'estre a Paris dans 10 ou 12 jours, la ou sil vous plait m'escrire dans les pacquetz de Madame, les lettres ne se perdront point.

  A012001047 

 Or, Dieu merci et vous, le Pape nous veut ayder; cela y est extremement requis.

  A012001049 

 Touchant la coadjutorie, je vous bayse les mains de la peyne que vous en aves.

  A012001069 

 Il y va un petit de la peyne et du tracas et un peu plus de tems que je ne pensois; je l'abbregeray neanmoins le plus que je pourray, pour avoir l'honneur d'estre bien tost aupres de vous.

  A012001070 

 Je vous envoye la lettre qu'il vous escrit sur le sujet de ma negociation, et, pour sçavoir plus a plein ce qu'il en esperoit, je me suis dispensé de l'ouvrir, avec la confiance accoustumee en vostre bonté et en l'asseurance que vous aves de la loyauté de mon intention a vostre service..

  A012001071 

 Nous n'avons aucunes nouvelles qui vaillent l'escrire, qui me fera finir par la tres humble reverence que je vous fay, vous baysant les sacrees mains, et priant Dieu qu'il vous donne, Monseigneur, ce que vous doit desirer et souhaitter.

  A012001075 

 Monsieur Deage vous bayse tres humblement les mains, comme fait aussy le bon Pere Galesius, qui part pour aller prescher a Calais..

  A012001089 

 Je desirois infiniment de faire que Madame vous envoyast argent et, quant et quant, congé pour revenir aupres de madame ma seur, laquelle commença des-ja a vous attendre des vostre despart.

  A012001090 

 Je ne laysseray passer aucune occasion de vous servir que je ne la prenne soigneusement, comme je dois.

  A012001090 

 Monsieur le [103] President et monsieur de Saint Evroul y employent aussi tous bons offices, et ne doute point que vous ne soÿés contenté..

  A012001090 

 Pour le premier, Madame se tient pour asseuree, sur lettres de monsieur de Moyron, que vous aures receu 400 escus et vous en envoye d'icy autre (sic) 400.

  A012001091 

 Ce pendant, je vous supplie de tenir main a ce que Monseigneur le Cardinal d'Ossat en escrive, car j'ay extreme besoin de toutes mes pieces.

  A012001091 

 Touchant l'affaire pour lequel je suys icy, je vous diray en deux motz que je ne fus jamais tant empesché, renvoyé que je suis au Conseil, dans lequel je trouve tout le monde reconnoissant que ma demande est extremement juste; mays au reste, tout y va sur les respectz et retardations mal fondees a mon advis.

  A012001092 

 Je vous remercie infiniment de la peyne que vous y aves, et vous supplie de tenir tellement l'affaire sur pied que rien ne gaste pour la reputation..

  A012001095 

 Je vous prie humblement de luy bayser les mains de ma part..

  A012001096 

 Jay receu une lettre de monsieur nostre Ambassadeur, outre ce que vous aves escrit pour le seigneur Persiani; marri de ne l'avoir receu sur les lieux ou j'eusse peu faire ce quil me commande, j'escriray au plus tost pour le faire faire.

  A012001096 

 Je vous prie rendre capable mondit seigneur de cecy, outre ce que je luy en escris..

  A012001097 

 J'attendray de vous le signe pour faire les remercimens necessaires, et vous salue de toute mon ame, vous suppliant croire que vous obliges l'un des plus humbles et asseurés serviteurs que vous puissies avoir par tant de bons offices que vous me faittes.

  A012001115 

 Ce qu'estant fait, je partiray soudain pour me rendre aupres de vous, au bonheur de vostre presence, lequel ne m'arrivera jamais si tost que je le desire..

  A012001115 

 L'affaire pour la sollicitation duquel je suis icy est de si delicate conduitte et bigearre poursuitte que je n'ose encor vous en rien promettre, si ce n'est que je continueray d'y mettre tout le soin et affection que vous desires pour le faire resoudre; ce que j'espere pouvoir bien tost obtenir, sinon avec toutes les bonnes conditions que tous les bons desirent, au moins avec quelque advantage qui nous puisse servir de sujet pour une meilleure esperance.

  A012001116 

 Ce pendant je prie Dieu, Monseigneur, qu'il comble vos souhaitz de ses graces, et vous bayse tres humblement les mains, comme fait monsieur Deage..

  A012001120 

 Monseigneur le Nonce vous salue fort affectionnement, et embrasse vivement l'affaire que vous m'aves confié..

  A012001134 

 Si cela est, il vous dira mieux qu'homme du monde le succes et la route que mon affaire a prins en ceste court; aussi bien ne sçaurois-je pas vous l'escrire.

  A012001134 

 Si cela n'est point, j'en escris un eschantillon a monsieur le Vicaire mon frere, affin qu'il vous en face rapport.

  A012001135 

 Je n'arresteray guere que je ne prenne la resolution finale necessaire pour mon retour, lequel je desire pour [108] avoir l'honneur d'estre pres de vous et recevoir vos commandemens avec l'obeissance que vous a vouee,.

  A012001154 

 Monseigneur, je suis si pressé qu'il ne me reste plus de loysir que pour vous bayser tres humblement les mains et supplier de me continuer la faveur de vos graces, comme a celuy qui est a jamais,.

  A012001159 

 Je vous supplie, Monseigneur, de commander a l'un de vos gens d'escrire de mes nouvelles a quelqu'un de mes freres.

  A012001159 

 Monsieur le President vous bayse humblement les mains..

  A012001173 

 Vos premiers desirs ayans tenu lieu de commandemens sur ma volonté lhors que vous jettastes les yeux sur ma petitesse pour le discours funebre de feu monsieur le duc de Mercœur, je dois recevoir avec le mesme respect les tesmoignages des seconds, souffrant, Madame, que la piece soit mise au jour et donnee au public, puisque vous l'aggrees..

  A012001174 

 Vous n'y verres rien de moy, Madame, que les simples tesmoignages de ma bonne volonté et les seules marques de mon obeissance, en un sujet, au reste, ou je n'ay pas eu moins de propension que de devoir.

  A012001175 

 Que si, apres cela, on veut considerer ce qu'il y a du mien, rien sans doute que la sincerité de mes affections et respectz, qui ne mourront jamais pour la memoire de ce prince, qui ne doit jamais mourir en celle de tous les bons, mais principalement en la vostre, Madame, qui trouves advantageusement dans les vertuz de ce grand prince et cher espoux deffunct, comme aussi dans les vostres qui luy estoyent communes, dequoy vous consoler dans ceste sensible privation; quoy que la plus solide, la veritable et la plus chrestienne consolation est celle que vous aves puisee dans la source, qui est la volonté de Dieu, qui seul en ceste occasion a donné ce grand calme et ceste absolue resignation qui paroist en vostre esprit..

  A012001176 

 Ce n'est pas qu'apres cela, s'il est permis, comme il l'est sans doute, de rechercher quelque adoucissement au dehors, vous n'en ayes un tres grand dans le pretieux gage que ce grand prince vous a laissé de vostre mariage; je veux dire en madamoyselle de Mercœur, laquelle estant une image vivante du pere, elle est aussi la legitime heritiere de ses vertuz, dont il a laissé le soin a vostre conduitte, Madame, pour les cultiver par la noble et chrestienne education que vous luy reserves.

  A012001176 

 Si elle [112] avoit besoin hors de soy de quelque memorial de celles du grand prince que le Ciel luy avoit donné pour pere, je la prierois, sous vostre adveu et bon playsir, Madame, d'aggreer le sommaire que j'en ay dressé en ceste piece; vous conjurant, puisqu'aussi bien vous desires qu'elle voye le jour, que ce soit sous les auspices et a la faveur du nom de ceste princesse, vostre unique et tres chere lille..

  A012001177 

 C'est la tres humble supplication que vous fait,.

  A012001189 

 J'ay receu vostre lettre du 17 avril, et, pour response, je vous diray que nous allons avançant le plus que nous pouvons aupres de Madame, affin que vous puissies recevoir la consolation de vostre retour que vous desires; non que j'y puisse guiere, mais j'y contribue et contribueray le soin que je pourray, et voy Madame asses disposee; niais les executions des desseins sont un petit lentes et tardifves, non seulement en cela, mais en tout le reste.

  A012001189 

 J'espere que vous en aures contentement.

  A012001190 

 A nostre veüe, vous vous dires tout bellement vos raysons l'un a l'autre, et je vous donneray l'absolution a tous deux.

  A012001190 

 Il m'a dit despuis que pour tout cela il ne laisseroit de vous cherir sincerement, et faire tous les offices que vous sçauries desirer de luy.

  A012001190 

 Je ne suis pas d'advis que vous monstries d'avoir plus aucune defiance de son amitié, puisque il n'en a plus de la vostre.

  A012001190 

 Touchant monsieur le President, il n'a esté fasché sinon par ce qu'on luy a exaggeré que vous escrivies a Madame que luy seul estoit cause du proces, et seul d'opinion quii fut soustenable, et que les voix quii se promettoit pour nous n'estoyent que vanité; et così discorrendo.

  A012001191 

 Bref, je vous recommande mon honneur de tous costés.

  A012001191 

 J'attens aussi que vous me donnies advis des remerciemens que j'auray a faire.

  A012001191 

 Mes freres m'escrivent que par deux diverses voÿes ilz ont donné ordre a vous faire tenir les [114] 200 escus quil faut pour les escritures, propines, etc., et ne doute pas que des-ores vous ne les ayes receuz.

  A012001191 

 Pour le regard de mon affaire, je vous supplie de l'avoir en recommandation.

  A012001193 

 Je vous supplie de me faire ceste faveur de bayser les mains a monsieur nostre Ambassadeur en mon nom et m'entretenir en sa grace, que je cheris autant que nul autre de ce monde.

  A012001195 

 Monsieur, je vous salue humblement et suis.

  A012001212 

 Mais je pense bien avoir asses de vraye et franche affection pour correspondre a la faveur que vous me faittes de m'aimer, si ell'est mesuree par l'estendue de son acte et non pas par le merite de l'agissant; car a ce prix, toute mon ame demeureroit bien bas et hors des prises de la comparaison..

  A012001213 

 Ceste double relation quii vous a m'oblige dautant plus a luy desirer et vouer tous mes services, et a me souhaitter beaucoup plus de capacité pour luy en rendre..

  A012001213 

 J'accepte tout ce que vous me donnes, et vous et madamoiselle vostre partie et la benediction des enfans que Dieu vous a donnés, affin de ne vous envier pas la part que vous aures en la sentence: Beatius est dare quam accipere.

  A012001213 

 Mais trefves je vous supplie, Monsieur; mon cœur ne peut pas garder les regles de la contenance au sujet de vostre amitié, il en est trop vivement esmeu.

  A012001213 

 Tenes moy, je vous prie, pour esclave, ma cadene me sera tres agreable; aussi sera-elle d'or, et du fin or de charité.

  A012001215 

 J'ay esventé parmi les bonnes ames le desir qui vous avoit esté proposé de la Congregation de l'Oratoire, mais je ne voy pas encor la sayson bien arrivee: Dieu fera son œuvre..

  A012001216 

 Croyes que j'en suis infiniment marri; mais, si je puis, je ne perdray qu'en l'attente, car estant despeché je retarderay plus tost quelques jours pour rencontrer l'occasion de recevoir ce bien, et lhors je vous diray plus de nouvelles du dessein des Religieuses reformees que je ne sauroys faire maintenant, car Sa Majesté en aura receu la requeste et declairé son bon plaisir.

  A012001216 

 Je m'attendois avec beaucoup de desir de vous aller voir a Pontoise au jour que nous avions choysi; mais il faut que je me mortifie et que je perde du tout l'esperance en ce grand contentement, ou que je differe a un autre tems, car mes affaires me tiennent assiegé et a la gorge, en sorte que je ne puis m'eschapper.

  A012001216 

 Vous sçaves bien que Paris perd le P. Don Vicaire, qui s'en va Prieur a Cahors, en Querci.

  A012001217 

 Monsieur, le papier me manque et, en devisant avec vous, l'appetit m'est creu jusques a me porter en ce coin ou je n'ay plus de lieu que pour me recommander humblement a vos bonnes prieres et a vos graces et a celles de madamoiselle vostre femme, et me dire pour toute ma vie,.

  A012001234 

 Je vous supplie tres humblement, Madame, de n'en point estre importunee, puis que la renommee de vostre bonté et charité est cause qu'elle m'a esté si fort demandee, et l'asseurance et certitude que j'en ay m'a donné le courage de l'oser faire..

  A012001235 

 Je fusse allé moy mesme vous donner cest'attestation [si] je [n'eusse] estimé que vos occupations recevront....

  A012001244 

 Croyes moy, je vous supplie, que je ne fay pas volontiers ni de mon gré ceste faute; j'avois trop de desir de vous revoir et representer mon humble service a toute la mayson de messieurs d'Acy et de Manœuvre, a quoy madamoiselle de Sainte Beuve m'avoit encor animé par le tesmoignage qu'elle m'a rendu qu'ilz s'y attendoyent.

  A012001244 

 Je passé (sic) et passe plein de desplaisir de me treuver si pres de vous sans avoir le bien de vous revoir, comme j'avois souhaitté faire avec tant de passion.

  A012001244 

 Mais puisque je ne puis pas, et qu'aussi est ce un foible tesmoignage de l'affection des serviteurs d'aller faire bonne chere a la table de leurs maistres, je vous conjure, par nostre ancienne connoissance et reciproqu'amitié, de faire treuver bonne mon excuse a mesdits sieurs d'Acy et de Manœuvre, et de les asseurer que je prise leur bienveüillance autant qu'autre homme auquel ilz en puissent faire part, et que je suis infiniment obligé a la courtoisie dont ilz m'ont prevenu, et m'en tiens pour redevable serviteur.

  A012001245 

 Je ne veux dire pour tout sinon que je vous supplie de tout mon cœur de m'aymer de tout le vostre, de faire que messieurs d'Acy et de Manœuvre m'ayment tous-jours, de m'escrire quelquefois par l'entremise de monsieur Santeul; et je vous prometz de ma part de vous aymer, honnorer, servir toute ma vie, d'estre tous-jours humble serviteur de toute la mayson de ces seigneurs, et de vous rendre compte de ma vie le plus souvent que je pourray, glorieux que je seray de me resouvenir souvent que vous m'aymes et que je suis,.

  A012001245 

 Pardonnés moy, je vous supplie, si je dis trop de paroles.

  A012001245 

 Quant a vous, je me prometz que vous m'aymeres au travers de toutes les distances du monde, lequel n'est pas asses grand pour borner l'activeté de nostre amitié; car je juge de la vostre par celle que je sens en mon ame, nonobstant la difference que l'object y peut apporter, qui se treuve aussi grand pour mon action quii est petit pour [121] la vostre; mais l'agent de vostre part ne doit estre vaincu.

  A012001250 

 Je vous demande part a vos prieres, je vous feray part aux miennes.

  A012001250 

 Monsieur Deage vous salue extremement..

  A012001279 

 ... Vous ne sçauries croire le desplaysir que je receu a Lion quand l'on me dit le trespas de feu Monseigneur le Reverendissime, mon bon pere....

  A012001295 

 Je ne vous escris point maintenant pour vous donner comte de ce que j'ay fait et que je n'ay pas fait en mon [124] voyage; ce sera une piece de nostre entretien a nostre premiere veüe.

  A012001295 

 Mais je vous escris pour vous supplier de vouloir favoriser toute ceste maison, et moy particulierement, en un'occasion que nous pensons estre a nostre propos..

  A012001296 

 Je pense que vous aures sceu que ma mere et mes freres, avec le reste de casa, ont achepté la terre de Thorens de madame la Duchesse de Mercœur, pour le prix de 6000 escus d'or, et pense aussi que vous sçavés que ce n'a peu estre sur la confiance d'aucun tresor que nous eussions en main.

  A012001296 

 Reste quatre mille escus, lesquelz nous ne pouvions assembler que par l'exaction de l'argent qui nous est deu et par des ventes d'autres biens, et des engagemens; mais tout cela ne se peut bien faire qu'avec du loisir, comme vous pouves penser.

  A012001297 

 Et pour ce regard, la vielle amitié quil vous a pleu de nous porter, et a toute ceste mayson, nous a donné confiance de vous supplier de nous faire ce bon office en quelque façon que ce soit, ou par l'entremise d'amis ou par vous-mesme, comme vous jugerés plus a propos.

  A012001297 

 Nous vous en supplions donques humblement, et de nous en donner les advis le plus tost que vostre commodité le permettra..

  A012001298 

 Et en cas que monsieur de Prangin vous semble le plus duisant, vous pourriés, sil vous plait, me mettre en consideration, et ma promotion a l'evesché, bien que la verité est que cela ni apporte rien; mais je le dis seulement par ce quil m'ayme et me connoist, et que telle cause est probable.

  A012001298 

 Je remetz en fin toute ceste conduitte a vostre prudence et a la bonne et entiere amitié que vous nous portes, sans vous en dire plus de paroles, sinon que la somme que nous desirerions seroit de trois mille, deux mille ou au moins mille escus..

  A012001299 

 J'attens de jour a autre les despeches de Romme necessaires pour la resolution et execution de l'affaire de l'evesché; les ayant, je vous en feray sçavoir des nouvelles et ne parleray plus que des choses spirituelles, attendant cependant de vous des nouvelles de ces choses [126] temporelles, que je vous supplie d'embrasser pour ceste mayson, qui vous est entierement acquise et servente, et de moy en particulier, qui ay tous-jours esté et seray toute ma vie,.

  A012001329 

 De ce Pontife bien connu de vous, ô Pontife suprême si vigilant, je ne dirai qu'un mot: chargé pendant vingt-cinq ans du gouvernement de cette Eglise, il l'a soutenue par l'assiduité de sa résidence.

  A012001331 

 Et à vous, Père très saint et très clément, je rends autant qu'il est en moi les plus vives actions de grâces pour les immenses bienfaits dont votre munificence apostolique m'a comblé.

  A012001332 

 Je la soumets tout entière aux ordres et au bon plaisir de Votre Sainteté, et de tout cœur je supplie Dieu, le grand rémunérateur, de vous conserver très longtemps dans une santé heureuse et inaltérable pour le bonheur de son Eglise.

  A012001354 

 Pour moi, Très Saint Père, qui ai assisté à presque toutes les conférences tenues à ce sujet, je me suis engagé à vous déclarer ce que j'en pense, bien que mon témoignage soit très indigne d'être entendu, et je ne puis m'empêcher d'assurer qu'il sera très utile à la religion que Votre Sainteté favorise de ses bénédictions apostoliques cette céleste inspiration, vu le temps et surtout le lieu où elle s'effectuera.

  A012001365 

 Je me confie neanmoins en la bonté de Dieu, qu'elle me donnera la grace de sa sainte assistance pour vous rendre le service que je desire et auquel ma naissance et mon education m'invite.

  A012001365 

 Je voudrois voir en moy autant de sujet de la joye que vous prenes en ma promotion comme j'en voy en l'amitié que vous me portes; j'aurois beaucoup moins [134] d'apprehension de la pesanteur du devoir auquel je suys meshuy engagé.

  A012001365 

 Sil vous plaist me faire ce bien de l'en supplier avec moy, vous aures tous-jours tant plus de rayson de le vous promettre, et moy de l'esperer comme l'un des plus grans contentemens que j'aye jamais souhaitté..

  A012001366 

 Permettes moy ce pendant que je vous salue des icy, attendant que bien tost j'aye le bonheur de me voir en vostre ville, a laquelle je desire toute benediction du Ciel, et de laquelle je suis entierement comme de vous,.

  A012001385 

 J'ay pris une telle confiance en vostre charité qu'il ne me semble plus avoir besoin de preface ou avant propos pour vous parler, soit en absence, comme je suis contraint de faire maintenant, soit en presence, si jamais Dieu dispose de moy en sorte que j'aye le bien de vous revoir.

  A012001385 

 J'ayme en tout la simplicité et la candeur; je croy que [136] vous l'aymes aussi, ce que je vous supplie de continuer, parce que cela est fort seant a vostre profession.

  A012001385 

 Je pense que les tuniques blanches que vous portes en sont le signe.

  A012001385 

 Je vous diray donq simplement ce qui m'a esmeu a vous escrire ainsy a toutes ensemble..

  A012001386 

 Croyes-moy, je vous supplie: je suys fort importuné de l'affection extreme que je porte au bien de vostre mayson; car icy, ou je ne puis vous rendre que fort peu de services, elle ne laisse pas que de me suggerer une infinité de desirs, qui vous sont inutiles et a moy.

  A012001386 

 Or, c'est un vent qui agite maintenant mon esprit en l'affection qu'il vous porte, et ne sçaurois m'empescher de vous le nommer; car c'est le seul sujet qui m'a fait desrober ce loysir pour vous escrire, a la presse d'un monde d'affaires qui m'environnent en ce commencement de ma charge..

  A012001387 

 Je partis de Paris avec ce contentement de vous avoir en quelque sorte tesmoigné l'estime que je faisois de la vertu de vostre mayson, de laquelle l'opinion me donnoit beaucoup de consolation et me prouffitoit interieurement, m'animant au desir de ma perfection.

  A012001387 

 Mais [ne] penses [pas], je vous supplie, que ce fut un vent [de quelque rapport leger, envieux, ou mesdisant; non, a la verité, ce fut un vent venant] du midy d'une entiere charité; ce fut un rapport auquel je fus obligé de donner creance par la consideration de toutes les circonstances.

  A012001387 

 Seigneur Dieu, que je fus marry et de ce que l'on me disoit, et de l'avoir sceu seulement en un tems auquel je n'avois pas loysir d'en traitter avec vous; car je ne sçay si mon affection me trompe, mays je me persuade que vous m'eussies donné une favorable audience, et n'eussies sceu treuver mauvaise aucune remonstrance que je vous eusse faite, puisque vous n'eussies jamais descouvert en mon ame ni en tous ses mouvemens, sinon une entiere et pure affection a vostre advancement spirituel et au bien de vostre mayson..

  A012001387 

 Un vent fit presque le mesme effect en la consolation que j'avois en vous.

  A012001388 

 Dieu employe bien souvent les plus foibles pour les plus grans effectz: que puis-je sçavoir s'il veut porter son inspiration dans vos cœurs par les paroles qu'il me donnera pour vous escrire? J'ay prié; je diray bien plus et je ne diray que la verité, mais cecy suffira: j'ay arrousé ma bouche du sang de Jesus Christ en la Messe, pour vous pouvoir envoyer des paroles convenables et pregnantes.

  A012001388 

 Mais n'ayant pas deu arrester pour cela, estant appellé icy pour un bien plus grand, je me suis mis a vous escrire sur ce sujet, bien que j'aye quelque tems desbattu en moy mesme si cela seroit a propos ou non; car il me sembloit presque que cela seroit inutile, d'autant que ma lettre seroit sujette a recevoir des repliques, et m'en feroit donner; qu'elle arriveroit peut estre hors de sayson; qu'elle ne vous representeroit pas naifvement ni mon intention ni mon affection; que vous estes en lieu ou vous seres conseillees de vive voix par un monde de personnes qui vous doivent estre en plus grand respect que moy, et que si vous ne croyes a Moïse et aux prophetes qui vous parleront, malaysement croires vous a ce pauvre pecheur qui ne peut que vous escrire, et que, outre cela, a ce que l'on m'a dit, quelques autres predicateurs, meilleurs et plus experimentés a la conduitte des ames [138] que je ne suys, vous en ont parlé sans effect.

  A012001389 

 J'aurois aussi beaucoup de choses a vous dire sur ce sujet; mais ayes la patience, je vous supplie, faites moy cest honneur de lire attentivement et doucement ce que je vous en represente; gratifies en cela mon zele a vous servir..

  A012001390 

 Certes, il faut que vous soyes sans tache ou macule apparente; mays ne sont ce pas des macules bien noires et manifestes que ces defautz et grans manquemens que j'ay marqués ci devant, et principalement en une telle mayson? Il les faut donq corriger.

  A012001390 

 L'aigneau pascal doit estre sans macule vous estes des aigneaux de la Pasque, c'est a dire du passage, car vous aves passé de l'Egypte du monde au desert de la Religion, pour vous acheminer en la terre de promission.

  A012001390 

 Mes bonnes Dames, vous deves corriger vostre mayson de tous ces defautz, qui sont sans doute contraires a la perfection de la vie religieuse.

  A012001391 

 L'aspic de dissolution et de desreglement n'est pas encor esclos en vostre mayson, mais prenes bien garde a vous: ces defautz en sont les œufz; si vous les couves en vostre sein, ilz esclorront un jour a vostre ruine et perdition, et vous n'y penseres pas..

  A012001391 

 Prenes moy, dit le Cantique, ces petitz renardeaux qui ruinent les vignes; ilz sont petitz, n'attendes pas qu'ilz soyent grans, car si vous attendes, non seulement il ne sera pas aysé de les prendre, mais quand vous les voudres prendre ce sera lhors qu'ilz auront des-ja tout gasté.

  A012001391 

 Vous les deves corriger, a mon advis, parce qu'ilz sont petitz, ce semble, et partant il les faut combattre pendant qu'ilz le sont; car si vous attendes qu'ilz croissent, vous ne les pourres pas aysement guerir.

  A012001392 

 C'est aussi une grande tare a la bonté de vostre mayson d'y avoir des pensions particulieres et semblables defautza, apres que l'on y veu tant d'autres qualités luables; soyés donq fideles en la reformation de ces menues imperfections, affin que vostre Espoux vous constitue sur beaucoup de perfections et qu'il vous appelle un jour a sa gloire..

  A012001392 

 Mays si ces defautz sont petitz, comme il peut sembler a quelques unes, n'estes vous pas beaucoup moins excusables de ne les pas corriger? Quelle misere, disoit aujourd'huy saint Chrisostome en l'homelie de l'Evangile de sainte Cecile, de laquelle nous faisons la feste; quelle misere, disoit il, de voir une trouppe de filles avoir [140] combattu, battu et vaincu le plus fort ennemy de tous, qui est le feu de la chair, et neanmoins se laisser vaincre a ce chetif ennemy, mammon, dieu des richesses.

  A012001392 

 » Vostre mayson excelle en beaucoup d'autres perfections et est incomparable en icelles a toute autre: ne sera-ce pas un grand reproche d'en laisser ternir la gloire par ces chetifves imperfections? On vous appelle par une ancienne estime et prerogative de vostre mayson, Filles de Dieu: voules vous perdre cest honneur par le defaut d'une reformation en ces petites defectuosités? pour un potage de lentilles, perdre la primogeniture que vostre nom semble vous avoir donnee par le consentement de toute la France? C'est, a la verité, une marque de tres grande imperfection au lion et a l'elephant, qu'apres avoir vaincu les tigres, les boeufs, les rhinoceros, ilz s'effrayent, s'espouvantent et tremoussent, le premier devant un petit poulet, et l'autre devant un rat, dont la seule veuë leur fait perdre courage: cela est un grand deschet de leur generosité.

  A012001393 

 Est ce, je vous supplie, un petit mal que celuy qui attaque et gaste une partie noble de vostre cors, a sçavoir le vœu de pauvreté? On peut estre bonne Religieuse sans chanter au chœur, sans porter tel ou tel habit, sans telle ou telle abstinence; mais sans la pauvreté et communauté, nulle ne le peut estre.

  A012001393 

 Ils sont, a la verité, petitz si on les met en comparaison des plus grans, car ce ne sont que commencements, et tout commencement, soit en mal soit en bien, est tous-jours petit; mais si vous les consideres en comparaison de la [141] vraye et entiere perfection religieuse a laquelle vous deves aspirer, ilz sont sans doute tres grans et tres dangereux.

  A012001393 

 Mais apres tout cela, permettes moy, je vous supplie, de vous dire mon opinion touchant ces defautza.

  A012001394 

 L'esprit a engendré le bon Isaac: c'est le vœu que vous aves fait comme un sacrifice volontaire sur la montagne de la Religion, ainsy qu'Isaac sur la montagne de Vision s'offrit de volonté en sacrifice.

  A012001394 

 Mays quand il agace vostre vœu, vostre pauvreté, vostre profession, je vous supplie, mais je vous conjure, chassés le et le [142] bannissés.

  A012001394 

 Pendant que cet Ismaël, ce soin et desir n'attaque point vostre Isaac, c'est a dire vostre vœu et profession, bien qu'il demeure chez vous et en vostre mayson, j'en suis content, et, ce qui est le principal, Dieu n'en est point offensé.

  A012001394 

 Qu'il soit tant petit qu'il voudra, qu'il soit tant enfant qu'il vous plaira, qu'il ne soit pas plus grand qu'une fourmy; mais il est mauvais, il ne vaut rien, il vous ruinera, et gastera vostre mayson..

  A012001395 

 Ce sont les raysons que Dieu m'a donnees pour vous prier de vouloir reformer vostre mayson touchant ces petites ou grandes fautes que l'on m'a dit y estre; mays je ne puis assouvir le desir que j'en ay..

  A012001396 

 J'ay encor voulu considerer quelz empeschemens vous [143] pourroyent rendre ce saint œuvre malaysé, et vous en dire mon advis.

  A012001396 

 Je me doute que vous n'estimes pas qu'en ces pensions et autres particularités il y ayt aucune proprieté contraire a vostre vœu, parce qu'a l'adventure tout s'y fait sous la permission et licence de la Superieure.

  A012001396 

 Vous voyes des-ja un sujet de reformation.

  A012001397 

 Appellés cela comme vous voudres, mais c'est une pure proprieté; car la ou il n'y a point de proprieté « il n'y a point de mien et de tien, qui sont les deux motz qui ont produit le malheur du monde.

  A012001398 

 L'amour et tendre affection que vous portes a vostre mayson peut aussi estre un grand empeschement a la reformation d'icelle, par ce que ceste passion ne peut permettre que vous pensies mal d'elle, ni que vous oÿes de bon cœur les reprehensions qu'on vous en fait.

  A012001398 

 Les abeilles ayment leurs ruches, qui sont comme leurs maysons (je vous dis un jour que c'estoit comme des religieuses naturelles entre les animaux); mays elles ne laissent pas d'esplucher par le menu ce qui y est et de les purger a certains tems.

  A012001398 

 Mais prenes garde, je vous supplie; car l'amour propre est rusé, il se fourre et glisse par tout, et nous fait accroire que ce n'est pas luy.

  A012001399 

 Je pense que vous en pouves bien dire autant de vostre mayson: elle est belle et vertueuse, c'est la verité; mais la longueur du tems et des annees a un petit alteré son teint.

  A012001399 

 Pourquoy ne luy redonneres vous pas ses couleurs par une sainte reformation? Quand il y a quelque defaut passager dans une mayson, on le peut dissimuler; mais quand il est permanent et par maniere de coustume, il le faut chasser [a cor et a cry s'il en est besoin.

  A012001400 

 Je pense qu'il y a un autre empeschement a la reformation de vostre mayson: c'est que, a l'adventure, vous estimes qu'elle ne pourroit se maintenir sans ces pensions par ce qu'elle est pauvre.

  A012001400 

 Si une fois vous esties a bon escient pauvres en particulier, vous series par apres riches en commun..

  A012001401 

 Or, vostre condition religieuse vous oblige a vous resigner en la Providence de Dieu sans l'ayde ni faveur d'aucune pension ni proprieté particuliere; c'est pourquoy vous les deves rejetter..

  A012001402 

 Vous estes sorties de l'Egypte mondaine, vous estes au desert de la Religion: ne recherchés plus les moyens mondains, esperés fermement en Dieu; il vous nourrira sans doute, quand il devroit faire pleuvoir la manne..

  A012001403 

 Je me doute encor qu'il y ayt un autre empeschement a vostre reformation: c'est qu'a l'adventure, ceux qui vous l'ont proposee ont manié la playe un peu asprement.

  A012001403 

 Mays voudries vous bien pour cela rejetter vostre guerison? Les chirurgiens sont quelquefois contrains d'aggrandir la playe pour amoindrir le mal, lhors que sous une petite playe il y a beaucoup de meurtrisseures et concasseures; ç'a esté peut estre cela qui leur a fait porter le rasoir un petit bien avant dans le vif.

  A012001403 

 Neanmoins, ne laissés pas pour cela de vous reformer.

  A012001404 

 Je prie Dieu qu'il envoye ses Anges pour vous porter entre leurs mains, affin que vous ne heurties point aux pierres d'achoppement..

  A012001404 

 Que tous ces empeschemens ne soyent point asses fortz, je vous prie, pour vous retarder de faire le voyage de ceste sainte et necessaire reformation.

  A012001405 

 Il me reste a vous dire mon advis touchant l'ordre que vous deves tenir.

  A012001405 

 Lhors vostre Espoux vous regardera avec ses Anges, comme nous faysons les abeilles quand elles sont doucement empressees a la confection de leur miel, et je ne doute point que ce saint Espoux ne parle a vostre cœur pour vous dire ce qu'il dit a [149] son serviteur Abraham: Chemines devant moy et soyes parfait; entrés plus avant au desert de la perfection.

  A012001405 

 Ne tenes plus vostre parti ni celuy de vostre mayson, [mays simplement celuy de vostre bien et du bien de vostre mayson.] Faites tout ainsy que si vous voulies instituer une nouvelle Congregation selon vostre Ordree et vostre Regle; traittes en les unes avec les autres en esprit de douceur et de charité.

  A012001405 

 Pries Dieu par des oraisons communes et distinctes a cest effect, qu'il vous fasse voir les defautz de vostre mayson et les moyens pour y remedier et pour recevoir la grace.

  A012001405 

 Puisqu'il est le Dieu de paix, apaises vos espritz, mettes les en repos; ne permettes pas que la [coustume, la difficulté, je diray clair et nel, ne permettes pas que la] contention que vos espritz auront peut estre faite contre ceux qui vous auront cy devant voulu corriger, fasse aucun prejugé contre la lumiere celeste.

  A012001405 

 Vous aves des-ja fait la premiere journee par l'exacte chasteté, et la seconde par l'obeissance, et une partie de la troisiesme par quelque sorte de pauvreté et communauté: mais pourquoy vous arrestes vous en si beau chemin, et pour si peu de chose comme sont ces pensions particulieres? Marchés plus avant, achevés la journee: mettés tout en commun, renoncés a la particularité, affin que, selon la sainte Parole, vous fassies une sainte immolation et entier sacrifice [a nostre Dieu], en esprit, [en cors] et en biens..

  A012001406 

 A ceux la vous deves confier vostre affaire, affin qu'ilz jugent de ce qui sera plus convenable; car vostre sexe est sujet des la creation a la condition de l'obeissance, et ne reussit jamais devant Dieu qu'en se sousmettant a la conduitte et instruction.

  A012001406 

 Apres que vous aures traitté de vostre affaire avec vostre Espoux et par ensemble, appellés a vostre secours et pour vostre conduitte quelques uns des plus spirituelz qui sont a l'entour de vous; ilz ne vous manqueront pas.

  A012001406 

 J'en nommerois quelques uns, mais vous les nommeres mieux que moy, et ceux la mesme, a l'adventure, que je voudrois nommer.

  A012001406 

 Voyes toutes les excellentes Dames de la Mere de misericorde jusques a present, et vous treuveres que je dis vray; mays en tout je presuppose que l'authorité de Madame de Fontevrault tienne son rang..

  A012001407 

 C'est peut estre trop parler et trop escrire d'un sujet duquel vous aves, a l'adventure, les oreilles des-ja trop [150] battues; mais Dieu, devant lequel je vous escris, sçait que j'ay beaucoup plus d'affection que de paroles en cest endroit.

  A012001407 

 Je suis indigne d'estre escouté, mais j'estime vostre charité si grande que vous ne mespriseres point mon advis, et croy que le bon Jesus ne m'a pas donné tant d'amour et de confiance en vostre endroit qu'il ne vous aye donné une affection reciproque de prendre en bonne part ce que je vous propose pour le service de vostre mayson, laquelle je prise et honnore a l'esgal de toute autre, et l'estime une des bonnes que j'aye veües.

  A012001407 

 Je vous diray comme vostre saint Patron saint Jan qui reçut commandement d'escrire aux prelatz d'Orient: Je sçay vos œuvres qui sont presque toutes bonnes, vous estes presque tres bonnes Religieuses; mais j'ay quelque petite chose a dire contre vous, il vous manque quelque chose.

  A012001407 

 Je vous loue en toutes choses, dit saint Pol a ses Corinthiens, mais en cela je ne vous loüe pas.

  A012001407 

 Je vous supplie et conjure, par la charité qui est entre vous, ostes de vostre mayson ce qui est de trop et adjoustes ce qui y defaut..

  A012001408 

 Donnes moy, je vous prie tres humblement, ceste consolation de lire ceste lettre en repos et tranquillité d'esprit, et de la peser non au poids vulgaire, mais au poids du sanctuaire et de la charité.

  A012001408 

 Et je prie Dieu qu'il [151] vous donne les resolutions necessaires a vostre bien, pour la plus grande sanctification de son saint nom en vous, affin que vous soyes de nom et d'effect ses vrayes filles.

  A012001424 

 Ma mere et tous les siens vous baysent humblement les mains, et a madame ma tante, du soin que vous aves [152] de nostre bonheur.

  A012001424 

 Monsieur Vulliod vous dira meilleures nouvelles que vous n'avies pas conceues de son accident..

  A012001425 

 Aussi n'ay je pas estimé de le devoir refuser, car encor que sera avec vostre incommodité, neanmoins il en sera mieux et plus chaudement receu, et vous estes des-ja tant accoustumé a recevoir de nos importunités que ce ne vous est plus guere de peyne..

  A012001425 

 Ce sera, sil vous plait, samedi, puisque j'ay accepté de vous l'offre qu'il vous a pleu me faire de loger monsieur l'Archevesque de Vienne a son passage.

  A012001425 

 Vous verres, Dieu aydant, le reste dans peu de jours que nous nous promettons l'honneur de vostre presence et de celle de madame ma tante, ma seur, ma commere, a laquelle, pour son arrivee, je garde le baiser solemnel, si elle m'en juge encor digne.

  A012001441 

 C'est pourquoi je vous supplie, sur l'occasion de ma promotion et reception a cest evesché, de m'accorder encor vostre faveur en deux demandes que je vous fais fort humblement: l'une, de m'aymer tous-jours et vous asseurer bien fort de mon service que je vous offre; l'autre, d'avoir aggreable la requeste que je fai presenter a messieurs du Senat, puis qu'ell'est droitte, juste et sainte, et pour un qui, priant Dieu pour vous, sera toute sa vie,.

  A012001441 

 Vous aymies feu Monsieur l'Evesque mon prædecesseur; vous m'aves aussi favorisé il y a long tems de lhonneur de vostre bienveuillance, et j'ay tous-jours eu beaucoup de desir a vostre service.

  A012001458 

 Dieu vous veuille dire luy mesme en vostre cœur ce quil en desire; mais si ce bonheur m'arrivoit, je le mettrois au premier rang de ceux que j'ay eu ci devant, tout aupres de celluy que j'ay receu en vostre connoissance, car aussi en seroit ce l'accroissement et perfection.

  A012001458 

 J'ay veu que vous panches encor a l'opinion que vous me communiquastes de venir quelque tems a la recollection et retraitte en ces quartiers.

  A012001458 

 Les deux conditions que vous mettes pour l'execution de ce dessein ne me semblent revenir qu'a une seule, d'autant que si vous avés la liberté, je ne doute point que Nostre Seigneur ne [155] vous face connoistre quil se veut servir de vous pour l'administration de son saint Evangile..

  A012001459 

 Ce que je vous dis par ce que je vous veux rendre conte de mon esprit comme vous me faittes du vostre, disant que vous continués en une grande varieté d'occupations et multitude d'imperfections.

  A012001459 

 Je suis Evesque consacré des le jour Nostre Dame, 8 de ce mois, qui me fait vous conjurer de m'ayder tous-jours plus chaudement par vos prieres, comme de ma part je ne vous oublie pas, sur tout en la recommandation de la Messe.

  A012001460 

 Je vous supplie, Monsieur, de croire entierement quil ni a homme au monde qui vous soit plus dedié et affectionné que je suis et seray toute ma vie, pour demeurer,.

  A012001465 

 Avec vostre congé, je vous supplie de me ramentevoir aux prieres de madamoyselle vostre mere et de [156] madame la lieutenante vostre tante.

  A012001465 

 Je suis consolé que Edmond soit aupres de vostre personne, asseuré quil y rendra le bon et fidelle service que je vous souhaitte..

  A012001481 

 Je dois beaucoup a la constance de l'amitié quil vous plait me porter, qui me maintient si vivement en vostre souvenance ou je desirerois bien avoir pris place par quelque bon service que je vous eusse fait.

  A012001481 

 Je vous supplie de le croire et d'en tirer les preuves par les effectz ou vous me jugerés sortable..

  A012001482 

 Cependant, Monsieur, puisque vous me faittes cest honneur de vous res-jouir de ma promotion a cest evesché, faittes moy encor ceste faveur de m'assister de vos advis et prieres pour m'en bien acquitter, comme en contre-change [158] je prieray toute ma vie Dieu pour vostre santé, et me diray,.

  A012001517 

 Veuillez, en conséquence, me donner souvent les conseils et les instructions que le Saint-Esprit vous inspirera, vous ressouvenant que vous avez été l'instrument de ma promotion et que celui « qui donne l'être doit donner ce qui s'ensuit.

  A012001533 

 J'ay receu vos deux lettres par monsieur le president Favre un peu plus tard que vous ne pensies et que je n'eusse desiré, mais asses tost pour me donner de la consolation, y voyant quelque tesmoignage de l'amendement de vostre esprit.

  A012001534 

 Apportés donq toute confiance et liberté a m'escrire, et demandés ce que vous penseres estre propre pour vostre bien.

  A012001534 

 Pour responce, je vous diray premierement, que je ne veux pas que vous usies d'aucune parole de ceremonie ni d'excuse en mon endroit, puisque, par la volonté de Dieu, je vous porte toute l'affection que vous sçauries desirer et ne m'en sçaurois empescher.

  A012001535 

 Ayés patience, je vous diray tantost que c'est.

  A012001535 

 Je voy en vostre lettre une contradiction, laquelle vous y aves mise sans y penser; car vous me dites que vous estes delivree de vostre inquietude, et neanmoins je vous voy encor toute inquietee a la recherche d'une precipitee perfection.

  A012001535 

 Une autre fois, si vous m'escrives sur quelque semblable sujet, donnés moy exemple de l'action de laquelle vous me demandes l'advis; comme seroit a dire de quelqu'un de ces sentimens qui vous aura donné le plus de soupçon pour n'estre pas receu, car j'apprendray bien mieux vostre intention.

  A012001535 

 Vous me demandes si vous deves recevoir et prendre des sentimens; que sans eux vostre esprit languit, et neanmoins vous ne pouves les recevoir qu'avec soupçon et vous semble que vous les deves rejetter.

  A012001539 

 Par ces quattre ou cinq marques vous pourres connoistre d'ou viennent vos sentimens; et, venans de Dieu, il ne faut pas les rejetter, mais reconnoissant que vous estes encores un pauvre petit enfant, prenes le lait des mammelles de vostre Pere, qui, par la compassion qu'il vous porte, vous fait encor office de mere.

  A012001539 

 Que si saint Pol conseilla du vin a son disciple pour la foiblesse corporelle, je vous en puis conseiller du spirituel pour la spirituelle..

  A012001539 

 Receves les donq au nom de Dieu, avec ceste seule condition, que vous soyes preste a ne les recevoir pas, et a ne les aymer pas et les rejetter quand vous connoistres, par l'advis de vos superieurs, qu'ilz ne sont pas bons ni a la gloire de Dieu, et que soyés preste de vivre sans cela, quand Dieu vous en jugera digne et capable.

  A012001539 

 Recevés les donq, dis je, ma tres chere Seur, vous estimant foible de l'estomach spirituel, puisque le Medecin vous donne du vin, nonobstant les fievres des imperfections qui sont en vous.

  A012001540 

 Et pour vous, j'ay seulement un scrupule en ce que vous me dites que ces sentimens sont de la creature; mays je pense que vous aves voulu dire qu'ilz viennent a vous par la creature, et neanmoins de Dieu, car il me semble que, par le reste de vostre lettre, vous m'en donnes des argumens.

  A012001540 

 Neanmoins vous deves croire que, quand Dieu vous envoyera ces sentimens, c'est pour vostre imperfection, laquelle il faut combattre, non pas les sentimens qui servent contre elle.

  A012001540 

 Voyla ma responce asses clairement, ce me semble, a laquelle j'adjouste que vous ne facies jamais de difficulté de recevoir que Dieu vous envoye a dextre ou a gauche, avec la preparation et resignation que je vous ay dite; et quand vous series la plus parfaite du monde, vous ne devries pas refuser ce que Dieu vous donne, a condition d'estre preste a le refuser si tel estoit son playsir.

  A012001541 

 Il me semble que je vous voy empressee avec grande inquietude a la queste de la perfection; car c'est cela qui vous a fait craindre ces petites consolations et ces sentimens.

  A012001541 

 Je vous diray maintenant ce que je vous avois promis.

  A012001541 

 Laissés vous gouverner a Dieu, ne pensés pas tant a vous mesme.

  A012001541 

 Or, je vous dis en verité, comme il est escrit au Livre des Rois: Dieu n'est ni au vent fort, ni en [166] l'agitation, ni en ces feux, mais en ceste douce et tranquille portee d'un vent presque imperceptible.

  A012001541 

 Si vous desires que je vous commande, puisque vostre Mere Maistresse le veut, je le feray volontier, et vous commanderay premierement, qu'ayant une generale et universelle resolution de servir Dieu en la meilleure façon que vous pourres, vous ne vous amusies pas a examiner et esplucher subtilement quelle est la meilleure façon.

  A012001542 

 C'est cest empressement que je vous defens expressement, comme la mere imperfection de toutes les imperfections..

  A012001542 

 Vous sçaves que Dieu veut en general qu'on le serve, en l'aymant sur tout, et nostre prochain comme nous mesmes; en particulier, il veut que vous gardies une Regle: cela suffit, il le faut faire a la bonne foy, sans finesse et subtilité, le tout a la façon de ce monde, ou la perfection ne reside pas; a l'humaine et selon le tems, en attendant un jour de le faire a la divine et angelique et selon l'eternité.

  A012001543 

 N'examinés donq pas si soigneusement si vous estes en la perfection ou non.

  A012001545 

 Il n'y a pour vous que Dieu et vous en ce monde; tout le reste ne vous doit point toucher, sinon a mesure que Dieu le vous commande et comme il le vous commande.

  A012001545 

 Je vous prie, ne regardés pas tant ça et la, tenes vostre veuë ramassee en Dieu et en vous.

  A012001545 

 Ne requerés pas en eux plus de perfection qu'en vous et ne vous estonnes point de la diversité des imperfections, car l'imperfection n'est pas plus imperfection pour estre extravagante et estrange.

  A012001545 

 Vous ne verrés jamais Dieu sans bonté, ni vous sans misere, et verrés sa bonté propice a vostre misere et vostre misere objet de sa bonté et misericorde.

  A012001546 

 Allés joyeusement et a cœur ouvert le plus que vous pourres; et si vous n'alles pas tous-jours joyeusement, allés tous-jours courageusement et confidemment.

  A012001546 

 Aymés la sainte vertu de support et de sainte souplesse, car ainsy, dit saint Pol, vous accomplires la loy de Jesus Christ..

  A012001546 

 Mon troysiesme commandement est que vous facies comme les petitz enfans: pendant qu'ilz sentent leur mere qui les tient par les manchettes, ilz vont hardiment et courent tout autour, et ne s'estonnent point des petites bricoles que la foiblesse de leurs jambes leur fait faire: ainsy, tandis que vous appercevres que Dieu vous tient [168] par la bonne volonté et resolution qu'il vous a donné de le servir, allés hardiment, et ne vous estonnes point de ces petites secousses et choppemens que vous feres; et ne s'en faut fascher, pourveu qu'a certains intervalles vous vous jetties entre ses bras et le baysies du bayser de charité.

  A012001547 

 Au demeurant, quand il vous viendra des doutes en ceste vie que vous aves entrepris de suivre, je vous advertis de ne vous pas attendre a moy, car je suis trop loin de vous pour vous assister, cela vous feroit trop languir; il ne manque pas de peres spirituelz pour vous ayder: employés les avec confiance.

  A012001547 

 Ce n'est pour desir que j'aye [169] de ne recevoir pas de vos lettres, car au contraire elles me donnent de la consolation, et je les desire, voire avec toutes les particularités des mouvemens de vostre esprit (et la longueur de la presente vous tesmoignera asses que je ne me lasse pas de vous escrire); mais affin que vous ne perdies pas tems, et, qu'attendant le secours de si loin, vous ne soyes battue et endommagee de l'ennemi..

  A012001547 

 En fin, Dieu vous a donné un pere temporel sur lequel vous pouves prendre beaucoup de consolation spirituelle; retenes ses advis comme de Dieu, car Dieu vous donnera beaucoup de benedictions par son entremise.

  A012001547 

 Il m'a envoyé sa traduction de l' Institution de Blosius: je l'ay fait lire a la table et l'ay goustee incroyablement; je vous prie, lises la et la savourés, car elle le vaut.

  A012001548 

 Quant a mes sacrifices, ne doutés que vous n'y ayes part perpetuellement.

  A012001548 

 Si vous sçavies la grande multiplicité des affaires que j'ay et l'embarrassement ou je suis en ceste charge, vous auries pitié de moy et prieries quelquefois Dieu pour moy, et il l'auroit bien aggreable..

  A012001548 

 Tous les jours je vous presente sur l'autel avec le Filz de Dieu; j'espere que Dieu l'aura aggreable.

  A012001549 

 Il fera de vous, en vous, sans vous, et neanmoins par vous et pour vous, la sanctification de son nom, auquel soit honneur et gloire..

  A012001549 

 Je vous en supplie, et la Seur Anne Seguier, dites souvent a Dieu, comme le Psalmiste: Je suis vostre, sauvés moy, et comme la Magdeleine estant a ses piedz: Rabboni, Ah, mon Maistre; et puys, laissés le faire.

  A012001561 

 J'ay receu double consolation de la lettre que vous m'escrivistes il y a quelques moys, car elle me tesmoigne vostre bienveuillance, que je desire beaucoup, [171] et me donne advis des graces que Dieu fait a vostre monastere, qui me sont des nouvelles les plus cheres que je sceusse recevoir, d'autant que j'honnore et prise extremement ceste mayso'n par une certaine inclination que Dieu m'en a donné..

  A012001562 

 Je vous supplie seulement, Madame (et pardonnés a la simplicité et confiance dont j'use), que, parce que ceste porte est estroitte et malaysee a passer, vous prenies la peyne et la patience de conduire par icelle toutes vos Seurs l'une apres l'autre; car de les y vouloir faire passer a la foule et en presse, je ne pense pas qu'il se puisse bien faire.

  A012001562 

 La faveur que le Roy vous fit dans l'octave de vostre grand Apostre, quittant la nomination, en est un bon præsage, mesmement estant accompagné de la bonne volonté de ces vertueux espritz qui concourent avec le vostre au desir d'un'entiere reformation, Je represente souvent a l'autel ce saint dessein a Celuy qui l'a [172] dressé et qui vous a donné l'affection de l'embrasser, affin qu'il vous face la grace de le parfaire.

  A012001563 

 Le soin que vous deves apporter a ce saint ouvrage doit estre un soin doux, gracieux, compatissant, simple et debonnaire.

  A012001564 

 J'en dis trop, Madame, puisque je ne doute point de vostre charité et humilité; [173] mais je n'en dis pas asses selon l'extreme desir que j'ay a vostre bonheur, auquel seul vous attribueres, s'il vous plait, ceste façon d'escrire, car je n'ay sceu retenir mon esprit de vous presenter naïfvement ce que ceste affection luy suggere..

  A012001564 

 Sur tout, je vous supplie, prevales vous de l'assistence de quelques personnes spirituelles, desquelles le choix vous sera bien aysé a Paris, la ville estant fort grande; car je vous diray, avec la liberté d'esprit que je dois employer par tout, mays particulierement en vostre endroit: vostre sexe veut estre conduit, et jamais, en aucune entreprise, il ne reuscit que par la sousmission; non que bien souvent il n'ayt autant de lumiere que l'autre, mais parce que Dieu l'a ainsy establi.

  A012001565 

 Au demeurant, Madame, ne doutés point que je ne vous communique et applique beaucoup des sacrifices que Nostre Seigneur me permet de luy presenter.

  A012001565 

 Je vous supplie de les contrechanger de vos prieres et plus ferventes devotions.

  A012001565 

 Vous n'en donneres jamais part a personne qui soit de meilleur cœur, ni plus que moy,.

  A012001577 

 Je vous remercie de l'advis que vous me donnés touchant la resolution de messieurs de Saint Claude et du soin quil vous plait avoir de cet affaire pour la gloire de Dieu et le bien des brebis quil m'a commises.

  A012001596 

 Cependant, Monsieur, je vous supplie, croyes que tout tel que je suis, je ne cederay jamais a pas un de ceux qui vous sont acquis en affection et fidelité; dequoy quand il vous plaira de tirer les preuves en m'employant, je le prendray en singuliere faveur, comme j'eusse fait a vous rendre service sur le particulier sujet pour lequel vous m'escrivies que [175] vostre agent s'addresseroit a moy, ce quil n'a pas fait jusques a l'heure..

  A012001596 

 Je receu nagueres une des lettres quil vous a pleu m'escrire, si pleyne de tesmoignages de vostre bienveuillance que je n'en pourray jamais tant meriter.

  A012001596 

 Je voudrois que la resjouissance que vous prenés de ma promotion a ceste charge eut autant de sujet en ma capacité et suffisance comm'ell'en a en l'amitié delaquelle il vous plait m'honnorer; Dieu, par sa bonté, m'aydera et suppleera a ce qui me manque.

  A012001597 

 Je demeureray donques attendant les occasions, et priant Dieu quil vous conserve et donne le comble de ses graces, comme doit celuy qui est.

  A012001613 

 Dieu, pour le service et gloire duquel je vous le desire, vous veuille disposer luy mesme de sa main, affin que vous soyes son bon serviteur et fidelle ....

  A012001613 

 Je vous envoyeray l'advis que vous desires de moy touchant la preparation requise pour subir le faix qui pend meshuy sur vos espaules.

  A012001624 

 C'est la principale pensee que nos amis decedés requierent de nous, en laquelle je vous supplie de vous entretenir, laissant les desmesurees tristesses pour les espritz qui n'ont point de telles esperances..

  A012001624 

 Mais j'estime que vous aves tant de charité et de crainte de Dieu, que, voyant son bon playsir et sainte volonté, vous vous y accommoderes, et adoucirés vostre desplaysir par la consideration du mal de ce monde, qui est si miserable que, si ce n'estoit nostre fragilité, nous devrions plustost louer Dieu quand il en oste nos amis que non pas nous en fascher.

  A012001624 

 Si je ne sçavois que vostre vertu vous peut donner les consolations et resolutions necessaires a supporter avec un courage chrestien la perte que vous aves faitte, je m'essayerois a vous en presenter quelques raysons par ceste lettre; et, s'il estoit requis, je vous les porterois moy mesme.

  A012001625 

 Cependant, Madame ma Tante, j'ay tant d'affection a la memoire de nostre deffunct et a vostre service, que vous accroistres infiniment l'obligation que j'y ay si vous me faites l'honneur de me commander avec toute liberté et de m'employer en grand'asseurance.

  A012001625 

 Faites le, je vous supplie de tout mon cœur, et je prie Nostre Seigneur qu'il accroisse en vous ses saintes consolations et vous comble des graces que vous souhaitte,.

  A012001637 

 C'est pourquoi je ne me suis point resolu d'en partir pour vous aller saluer et demander vos commandemens avant mon despart pour Piemont; ce que j'eusse fait, sans doute, si je ne me fusse promis le premier bonheur.

  A012001637 

 Je m'attendois, sur l'esperance que vous m'en avies donnee, d'avoir l'honneur de vous voir en cette ville [178] quelques jours de cette Semaine Sainte.

  A012001637 

 Je me prometz aysement cette faveur de vostre bonté, en laquelle seule je puis prendre la confiance que je prens de la vous demander si franchement..

  A012001637 

 Je vous supplie, Monsieur, de me conserver tous-jours lhonneur de vostre bienveuillance, et de me favoriser d'une recommandation qui me face bien tost despecher; car outre ce, qu'ayant fait la fidelité que je dois je seray fort inutile de dela, je laisse un grand amas d'affaires spirituelles de deça qui, de leur nature, requierent la presence de l'Evesque.

  A012001638 

 Outre cela, Monsieur, je vous fay encor une supplication pour un pauvre curé de Ternier, qui s'appelle Burgiat, curé de Beaumont, qui a esté fait prisonnier de guerre par ceux de Geneve, affin que si il se fait quelque traitté dans lequel il puisse rencontrer sa delivrance par [179] quelque eschange ou autrement, il vous plaise, Monsieur, luy faire cette charité; et je puis vous asseurer qu'elle sera fleurie devant nostre bon Dieu, puisque il a esté pris sans sa coulpe et quil rendoit fort bien son devoir..

  A012001639 

 Ce pendant, je prie tous-jours sa divine Majesté quil accroisse de jour en jours ses graces et benedictions sur vous, de qui je seray toute ma vie,.

  A012001659 

 J'ay receu vostre lettre en laquelle vous vous essayes de me descouvrir l'estat de vostre esprit.

  A012001659 

 Je ne puis nier que je ne sois beaucoup consolé de voir la confiance que vous aves en mon affection en vostre endroit, laquelle aussi est autant grande et constante que vous la sçauries desirer.

  A012001659 

 Mays je m'en vay vous dire deux ou trois petitz motz sur le sujet de vostre lettre.

  A012001660 

 Premierement, croyés fermement, je vous supplie, que l'opinion que vous aves de ne devoir recevoir allegement de Dieu que par moy est une pure tentation de celuy qui a accoustumé de nous mettre des objetz esloignés en consideration, pour nous oster l'usage de ceux qui nous sont presens.

  A012001661 

 Apres cela il me semble que vous aves rencontré le vray sujet de vostre mal, quand vous me dites qu'il vous est advis que c'est une multitude de desirs qui ne pourront jamais estre accomplis.

  A012001661 

 Demandés les remedes a Nostre Seigneur et aux peres spirituelz que vous aves aupres de vous; car iceux, touchant vostre mal avec la main, connoistront bien quelz remedes il y faut appliquer.

  A012001661 

 Neanmoins je vous diray nuement ce qui m'en semble..

  A012001662 

 C'est que si vous ne commences a mettre en execution quelques uns de ces desirs, ilz se multiplieront tous-jours et s'embarrasseront avec vostre esprit en sorte que vous ne sçaures comme vous en demesler.

  A012001662 

 Cela est entierement en vostre pouvoir, et partant vous deves les executer; car en vain feres vous dessein d'executer les choses dont le sujet n'est pas en vostre puissance ou est bien esloigné, si vous n'executes celles que vous aves a vostre commandement.

  A012001662 

 Mays par quel ordre? Il faut commencer par les effectz palpables et exterieurs, qui sont le [181] plus en nostre pouvoir: par exemple, il n'est pas [requis] que vous n'ayes desir de servir aux malades pour l'amour de Nostre Seigneur, de faire quelques vilz et abjectz services en la mayson par humilité; car ce sont desirs fondamentaux, et sans lesquelz tous les autres sont et doivent estre suspectz et mesprisés.

  A012001662 

 Or, exercés vous fort a la production des effectz de ces desirs la, car l'occasion ni le sujet ne vous en manqueront pas.

  A012001662 

 Partant, executés fidellement les desirs bas et grossiers de la charité, humilité et autres vertuz, et vous verrés que vous vous en treuveres bien.

  A012001664 

 [182] Faites sortir les enfans de vostre ame, c'est a dire les desirs du service de Dieu, les uns apres les autres, et vous sentires un grand allegement..

  A012001665 

 Il est vray que l'allegement leur est court et incertain; mays si vous venes avec humilité embrasser le pied de la Croix, si vous n'y treuves autre remede, au moins y treuveres-vous la patience plus douce qu'ailleurs, et le trouble plus aggreable..

  A012001665 

 Mais en fin, si vous ne treuves point de repos en ces remedes, ayés patience; attendés que le soleil soit levé, il dissipera ces broùillars.

  A012001666 

 Je vous ay voulu dire quelque chose, plus pour vous tesmoigner le desir que j'ay de vostre bien que pour penser que je sois capable de vous y servir.

  A012001666 

 Ne doutés point, au reste, que je ne vous recommande a ce Pere de lumiere; je le fay avec une tres grande volonté et inclination, croyant, pour ma consolation, que vous me rendrés fidellement le reciproque, dont j'ay a la verité bon besoin, pour estre embarqué en l'endroit le plus tempestueux et tourmenté de toute cette mer de l'Eglise..

  A012001667 

 Elle ne treuvera pas, peut estre, un autre monastere chez son pere comme vous aves treuvé chez le vostre; neanmoins j'espere que Dieu la fera cheminer devant luy et estre parfaitte, car j'ay confiance en la misericorde de Dieu qu'elle en fera quelque chose de mieux..

  A012001667 

 Je la vous recommande quand elle sera chez son pere, car elle ne sera pas [183] dehors.

  A012001668 

 Je finis, vous priant de continuer en la resolution que vous faittes au milieu de vostre lettre quand vous dites: Je proteste devant Dieu et devant vous que je ne veux que luy et ne veux servir qu'a luy.

  A012001668 

 « Cela est digne est juste, » puisqu'aussi luy ne veut de vous que vous mesme.

  A012001679 

 Ce m'est un extrem'honneur d'estre si avant en vostre souvenance que non seulement vous ayes daigné [184] m'escrire le 16 avril, mais aussi il vous aye pleu de tesmoigner que vous auries aggreable de recevoir de mes lettres.

  A012001679 

 Mais la favorable plainte que vous me faites a moymesme de n'en point recevoir me couvriroit de honte si j'eusse autant eu de commodité de vous en envoyer comme j'en ay eu de desir; car, en l'asseurance de vostre bonté, Madame, je n'eusse pas failly de vous faire plus souvent la reverence par lettres, si je n'eusse esté empesché par le voyage et sejour que j'ay esté contraint de faire en Piemont, pour obtenir la mainlevee des revenuz de mon evesché que Son Altesse m'avoit fait saysir un peu apres que je fus fait Evesque.

  A012001680 

 Et quant a celles de ce pais, elles sont si desagreables que je ne pense pas vous en devoir entretenir, puis qu'elles ne consistent qu'en volleries et pilleries que font ceux de Geneve sur nous, et particulierement sur les gens d'Eglise qui seulz ne sont receuz a aucune contribution [185] ni composition, dont s'en est ensuivi l'abandonnement d'une grande quantité d'eglises.

  A012001681 

 Et je prieray tous-jours Dieu quil luy playse de vous donner, (sic) me croyant tous-jours fidelle et affectionné au service de Vostre Excellence et de Monseigneur son filz....

  A012001692 

 Je le commande a vostre Chapitre et a vous, en vertu de la sainte obedience et sub pœna excommunicationis latæ sententiæ..

  A012001692 

 Je veux absolument et sans replique que vos chantres, le sousdiacre que vous me donneres et l'encenseur [186] soyent des chanoynes, nonobstant toutes vos coustumes, puisque ceux de mon eglise sont de cette qualité la.

  A012001708 

 Maintenant, Monsieur, je vous envoye la provision de Rome que vous desiries, laquelle j'ay ouverte pour sçavoir si tout ce dont vous avies besoin y estoit; et je voy que tout y est, et quelque chose davantage, dont vous n'aves que faire, ne prejudiciant en rien a la provision pour le reste qui vous est requis.

  A012001708 

 Que s'il vous reste quelque difficulté, prenés en la mesme confiance [187] avec moy; je vous asseure, Monsieur, que jamais je ne me lasseray de rendre du service a vostre consolation et a vostre esprit, lequel j'espere que Dieu addressera pour le service de plusieurs autres..

  A012001709 

 Neanmoins, voyci un abbregé de ce que j'ay a vous proposer..

  A012001710 

 Helas, Dieu soit loué, qui vous a donné le desir de n'en faire pas de mesme; j'espere qu'il vous en donnera encor le pouvoir affin que son œuvre soit parfaitte en vous..

  A012001710 

 Je vous diray ce qui fut dit a un berger choisi pour estre Roy sur Israël: Mutaberis in virum alterum; il faut que vous soyes tout autre en vostre interieur et en vostre exterieur.

  A012001710 

 Vous entrés en l'estat ecclesiastique et, tout ensemble, en la cime de cet estat.

  A012001711 

 Je desirerois que vous le conneussies, estimant que vous en auries beaucoup de consolation..

  A012001711 

 Je vous en nomme un autre, M. Galemand, curé d'Aumale; si par fortune il estoit a Paris, je sçay qu'il vous ayderoit beaucoup.

  A012001711 

 Je vous en nomme un troisiesme, homme a qui Dieu a beaucoup donné et qu'il est impossible d'approcher sans beaucoup proffiter, c'est M. de Berulle; il est tout tel que je sçaurois desirer d'estre moy mesme.

  A012001711 

 Pour vous ayder a ce changement il faut que vous employes les vivans et les mortz: les vivans, car il vous faut treuver un ou deux hommes bien spirituelz, de la conversation desquelz vous puissies vous prevaloir.

  A012001712 

 Ayés, je vous prie, Grenade tout entier, et que ce soit vostre second breviaire; le Cardinal Borromee n'avoit point d'autre theologie pour prescher que celle la, et neanmoins il preschoit tres bien.

  A012001712 

 De la premiere sorte vous en deves avoir avant que d'entrer en charge, et les lire et mettre en usage; car il faut commencer par la vie monastique avant que de venir a l'œconomique et politique.

  A012001712 

 Mays ce n'est pas la son principal usage: c'est qu'il dressera vostre esprit a l'amour de la vraye devotion et a tous les exercices spirituelz qui vous sont necessaires.

  A012001712 

 Mon opinion seroit que vous commençassies a le [189] lire par la grande Guide des Pecheurs, puis que vous passassies au Memorial, et en fin que vous le leussies tout.

  A012001712 

 Quant aux mortz, il faut que vous ayes une petite bibliotheque de livres spirituelz de deux sortes: les uns pour vous entant que vous seres ecclesiastique, les autres pour vous entant que vous seres Evesque.

  A012001713 

 Apres Grenade, je vous conseille fort les Œuvres de Stella, notamment De la vanité du monde, et toutes les Œuvres de François Arias, Jesuite.

  A012001713 

 Les Confessions de saint Augustin vous seront extremement utiles, et, si vous m'en croyes, vous les prendres en françois de la traduction de Monsieur Hennequin, Evesque de Rennes.

  A012001713 

 Mais apres tous, il me souvient de [190] vous recommander les Epistres spirituelles de Jan Avila, esquelles je suis asseuré que vous verrés plusieurs belles considerations et leçons pour vous et pour les autres; et, tout d'un train, je vous recommande les Epistres de saint Hierosme, en son excellent latin..

  A012001714 

 De Decreta Ecclesiæ Mediolanensis vous est necessaire, mays je ne sçai s'il est imprimé a Paris.

  A012001714 

 Entant qu'Evesque, pour vous ayder a la conduitte de vos affaires, ayés le livre des Cas de conscience, du Cardinal Tolet, et le voyés fort: il est court, aysé et asseuré, il vous suffira pour le commencement.

  A012001714 

 Item, je desire que vous ayes la Vie du bienheureux Cardinal Borromee, escritte au long par Charles a Basilica Petri en latin, car vous y verrés le modelle d'un vray pasteur; mais sur tout ayés tous-jours es mains le Concile de Trente et son Catechisme..

  A012001714 

 Que s'il vous plait d'avoir un abbregé de l'un et de l'autre, ayés le livre intitulé Stimulus Pastorum, de l'Archevesque Braccarense, en latin, imprimé chez Keruer.

  A012001715 

 Je ne pense pas que cela ne vous suffise pour la premiere annee, pour laquelle seule je parle; car pour le reste, vous seres mieux conduit que cela, et par cela mesme que vous aures avancé en la premiere annee, si vous vous enfermes dans la simplicité que je vous propose.

  A012001715 

 Mais excusés moy, je vous supplie, si je traitte avec cette [191] confiance; car je ne sçaurois faire en autre façon pour la grande opinion que j'ay de vostre bonté et amitié..

  A012001716 

 L'un est qu'il vous importe infiniment de recevoir le sacre avec une grande reverence et disposition, et avec l'apprehension entiere de la grandeur du mistere.

  A012001716 

 S'il vous estoit possible d'avoir l'orayson qu'en a faitte Stanislaüs Socolorius, intitulee: De sacra Episcoporum consecratione et inaugurations, au moins selon mon exemplaire, cela vous serviroit beaucoup, car, a la verité, c'est une belle piece.

  A012001716 

 Vous sçaves que le commencement en toutes choses est fort considerable, et peut on bien dire que « primum in unoquoque genere est mensura cæterorum.

  A012001717 

 L'autre point est que je vous desire beaucoup de confiance et une particuliere devotion a l'endroit du saint Ange gardiateur et protecteur de vostre diocese, car c'est une grande consolation d'y recourir en toutes les difficultés de la charge.

  A012001717 

 Pour le surplus, Monsieur, vous m'obligeres beaucoup de m'aymer estroittement et de me donner la consolation de m'escrire familierement, et croyés que vous aves en moy un serviteur et frere de vocation autant fìdelle que nul autre..

  A012001717 

 Vous deves avoir beaucoup de confiance en l'un et en l'autre, et, par la frequente invocation d'iceux, contracter une certaine familiarité avec eux, et specialement pour les affaires avec celuy du diocese, comme aussi avec le saint Patron [192] de vostre cathedrale.

  A012001718 

 J'oubliois de vous dire que vous deves en toute façon prendre resolution de prescher vostre peuple.

  A012001718 

 Je voy que vous escrives si bien vos lettres, et fluidement, qu'a mon advis, pour peu que vous ayes de resolution, vous feres bien les sermons; et neanmoins je vous dis, Monsieur, qu'il n'en faut pas avoir peu de resolution, mais beaucoup, et de la bonne et invincible..

  A012001718 

 Le tres saint Conncile de Trente, apres tous les Anciens, a determiné qie « le premier et principal office de l'Evesque est de prescher; » et ne vous laisses emporter a pas une consideration qui vous puisse destourner de cette resolution.

  A012001718 

 Ne le faittes pas pour devenir grand predicateur, mays simplement parce que vous le deves et que Dieu le veut.

  A012001718 

 Tout cecy soit dit pour le commencement, car le commencement vous enseignera par apres le reste.

  A012001719 

 Je vous supplie de me recommander a Dieu; je vous rendray le contrechange et seray toute ma vie,.

  A012001733 

 Mais tout cela pour neant, car ma lettre ne fut pas en chemin que l'arrest sortit tel que le juge vous escrira, ainsy quil m'a dit.

  A012001734 

 Je treuvay en Piemont monsieur le referendaire Millet, et passay en Maurienne pour parler a Monsieur l'Evesque touchant Faverges; ilz persistent, et s'offrent de solliciter, ayant procure de Madame, pour faire rendre les deniers sans que Madame en face la despence, suivant les memoires que je vous en laissay.

  A012001735 

 Faittes moy cet honneur, Monsieur, que de l'en asseurer et luy presenter une tres humble reverence en mon nom, ce pendant que je prieray Dieu quil vous comble de ses graces et que je suis,.

  A012001754 

 C'est pourquoy j'envoye le porteur aupres de vous, Monsieur, pour vous les representer, estimant de ne treuver pas moins de faveur pour nostre droit que nous y en avons tous-jours treuvé, et que je me prometz d'en treuver ci apres..

  A012001769 

 Il me semble quil y a cent ans que je ne vous ay escrit, et deux cens que je n'ay receu de vos nouvelles.

  A012001769 

 J'ay de peyne, par la grace de Dieu, autant que j'en puis porter; je desire que vous m'aydies fort par vos prieres et par celles de vos amis.

  A012001769 

 Jamais je ne vous oublie aux miennes que je fay a l'autel, ni le filz ni nostre fille, de laquelle mon esprit ne peut abandonner le soin, quoy qu'inutile..

  A012001770 

 Cependant continues, je vous prie, a m'aymer, et me donnes advis de vostre santé et des vostres.

  A012001770 

 Je vous embrasse de tout mon cœur et suis,.

  A012001770 

 Vous m'aves salué au nom de madamoiselle de Fontaine, de madame Fillard; je vous prie qu'elles le [198] soyent de ma part par vostre entremise.

  A012001774 

 J'escris a madame de Montmartre en response de celle qu'elle m'escrivit et que vous m'envoyastes.

  A012001774 

 Voyes la, et la fermes, sil vous plait..

  A012001787 

 C'est mon advis, lequel je pense estre digne d'estre suivi; autrement je ne le vous proposerois pas..

  A012001787 

 Et avant consideré l'un et l'autre, j'ay jugé que vous estiés de bon accord en effect, encor quil semble qu'il y ait quelque difference en paroles; car ayant demandé a [199] monsieur Loquet sil vouloit vous obliger par sa fondation a fournir plus quil ne vous reviendroit du revenu d'icelle, il m'a dit que nanni: aussi ne seroit-il pas bien raysonnable.

  A012001787 

 J'ay encor voulu sçavoir sil desiroit plus de soin et d'obligation de vostre Chapitre a la conservation du fondz et des revenuz de sa fondation que vous n'en aves au demeurant des biens de vostre eglise; il m'a semblablement dit que non, et que son intention n'estoit que de vous obliger d'avoir un pareil soin de la maintenance et conservation de sa fondation que celuy que vous estes obligés d'avoir du reste de vos revenuz et autres fondations.

  A012001787 

 J'ay veu les propositions que monsieur Loquet fait pour fonder a ses despens l'entretenement de quattre enfans de chœur en vostre eglise et, quant et quant, j'ay aussi veu les responses que vous y aves faittes.

  A012001787 

 Or, cela est fort raysonnable; car quand il ni auroit aucune clausule obligatoire, si est ce que vous ne laysseries d'estre redevables de maintenir soigneusement et en bons peres de famille telz biens et fondz; mais pour tout cela vous ne seriés pas tenuz ni a l'impossible ni a la charge, si les moyens se perdoyent sans vostre faute et coulpe.

  A012001788 

 C'est pour cela que je vous ay voulu escrire ces deux motz, me doutant que, faute de vous entr'entendre, cette œuvre ne se perdit, comme il arrive bien souvent des bons desseins.

  A012001788 

 Neanmoins, si vous estimes pour quelque autre rayson de devoir apporter de la difficulté en cet affaire, je vous prieray de m'en advertir, affin que j'apporte le plus que je pourray de diligence et industrie pour accommoder le tout a la gloire de Dieu, ornement de son service et vostre contentement..

  A012001789 

 Cependant, je me recommande a vos oraysons, et prie reciproquement Nostre Seigneur quil vous accompagne de ses graces et nous donne a tous l'esprit et zele de son service, qui est ce que doit desirer,.

  A012001804 

 Il me reste a vous en ramentevoir aux occasions, qui m'a fait maintenant vous en rafraischir la premiere supplication que je vous en ay faite, laquelle vous gratifieres, je m'en asseure, non seulement pour l'humble et entiere affection de laquelle je vous honnore, mais aussi en contemplation de ce bon Prælat decedé, duquel les merites vivent devant Dieu et en vostre souvenance..

  A012001804 

 Je vous suppliay, a mon despart de Chamberi, de vouloir donner une place en la cavallerie au sieur de Grenier, d'Hiene, que je dois affectionner pour estre neveu de feu Monsieur l'Evesque, mon bon prædecesseur; vous me fistes la grace, Monsieur, de me l'accorder.

  A012001805 

 Je supplie sa divine Majesté qu'elle vous benisse de ses plus cheres faveurs, et suis,.

  A012001823 

 Car je suis asseuré que vous remarqueres aysement que les travaux interieurs que vous aves souffertz ont esté causés par une multitude de considerations et de desirs, produitz avec un grand empressement pour atteindre a quelque perfection imaginaire.

  A012001823 

 Je veux dire que vostre imagination vous avoit formé une idee de perfection absolue, a laquelle vostre volonté se vouloit porter; mays, espouvantee de la grande [202] difficulté, ou plustost impossibilité, elle demeuroit grosse au mal de l'enfant, sans pouvoir enfanter.

  A012001823 

 Mais, ma bonne Fille, puisque vous voyla a moitié eschappee de ces terribles passages par ou vous aves esté conduitte, il me semble que vous deves maintenant prendre un peu de repos, et vous arrester a considerer la vanité de l'esprit humain, comme il est sujet a s'embrouiller et embarrasser en soy mesme.

  A012001828 

 Je vous diray ce mot, mais retenes le bien: nous nous amusons quelquefois tant a estre bons Anges, que nous en layssons d'estre bons hommes et bonnes femmes.

  A012001829 

 Je ne sçai si je vous escris a propos; mais il m'est venu au cœur de vous dire cecy, estimant qu'une partie de vostre mal passé vous est arrivee de ce que vous aves fait des grandes preparations; et voyant que les effectz estoyent tres petitz et les forces insuffisantes pour prattiquer ces desirs, ces desseins et ces idees, vous aves eu des certains creve cœur, des impatiences, inquietudes et troubles; puis ont suivi des desfiances, allanguissemens, abbaissemens ou defaillances de cœur.

  A012001831 

 Il vous semble que ce soyent des armees; ce ne sont que des saules esbranchés, et ce pendant que vous regardés la, vous pourries faire quelque mauvais pas.

  A012001831 

 Je vous recommande la sainte simplicité.

  A012001831 

 Regardés devant vous, et ne regardés pas a ces dangers que vous voyes de loin, ainsy que vous m'aves escrit.

  A012001832 

 Ce sera vostre bonheur si vous n'aves nul autre que le doux Jesus, lequel, comme il ne veut pas que l'on mesprise la conduitte de ses serviteurs quand on la peut avoir, aussi quand elle nous defaut, il supplee pour tout; mais ce n'est qu'a cette extremité, a laquelle si vous estes reduitte, vous l'experimenteres..

  A012001832 

 J'appreuve infiniment l'advis du Pere N., que vous ayes un directeur, entre les bras duquel vous puissies doucement deposer vostre esprit.

  A012001833 

 Ce que je vous escrivis n'estoit pas pour vous garder de communiquer avec moy par lettres, et de conferer de vostre ame qui m'est tendrement chere et bienaymee, mais pour esteindre l'ardeur de la confiance que vous avies en moy, qui, pour mon insuffisance et pour vostre esloignement, ne puis vous estre que fort peu utile, bien que tres affectionné et tres dedié en Jesus Christ.

  A012001833 

 J'ay mis au fons de la lettre ce que vous desiries, affin qu'elle soit pour vous seulement..

  A012001834 

 Priés fort pour moy, je vous supplie; il n'est pas croyable combien je suis pressé et oppressé sous cette grande et difficile charge.

  A012001834 

 Vous me deves cette charité par les loix de nostre alliance, et puisque je vous contrechange par la continuelle souvenance que je porte de vous a l'autel et en mes foibles prieres.

  A012001845 

 Je la garde, par ce que c'est le seul tiltre par lequel je vous puis demander l'estroitte bienveüillance qu'elle me promet; je la regarde, pour y voir cette mesme bienveuillance si courtoysement depeinte que je ne la sçaurois voir ailleurs avec plus de douceur et playsir..

  A012001846 

 Je regrette tous-jours de n'avoir eu autant de bonheur pour la connoistre pendant que je fus a Paris comme j'ay de devoir maintenant a la reconnoistre; ce que je fay avec toute la sincerité que vous sçauries desirer d'un homme duquel vous aves entierement acquis le service et volonté, comme je vous supplie de croire, et de nourrir cett'amitié que vostre seule bonté a fait naistre pour m'en favoriser, tandis que de mon costé je prieray Dieu quil vous comble de ses graces, et demeureray inviolablement....

  A012001846 

 Rencontrant donques cette commodité d'envoyer des lettres a Paris au jour anniversaire de celuy auquel vous me fites lhonneur de m'escrire la vostre, j'ay voulu vous en rafraichir la memoire et vous supplier de me continuer tous-jours cette affection quil vous pleut me [207] tesmoigner.

  A012001856 

 [Monsieur] de la Bastie de Dombes me fait une recharge de toute autre façon; car il vient (sic) a Farges [208] et Asserens, ou il monstra un'extreme affection et resolution pour empescher la jouissance des biens qui estoyent clairement donnés et ouctroyés pour l'entretenement du pasteur de ces lieux en l'ordonnance que vous, Monsieur, en avies faitte par les patentes de l'establissement.

  A012001857 

 C'est cela qui me mit fort en peyne, en laquelle je serois encor si je ne me fusse resouvenu que vous l'aymies et avies beaucoup d'authorité sur luy; car j'ay pensé qu'encor quil eut fait tant de demonstration de roydeur, si est ce que vostre entremise le plieroit tous-jours assés a la rayson quand il vous plairoit de l'y employer.

  A012001857 

 Ce que je vous supplie humblement de faire, non seulement pour lhonneur et service de Dieu, qui vous est le plus cher, mais encor pour lhonneur de la premiere action que vous aves faitte en ce sujet et qui a servi de fondement a toute cette suitte.

  A012001857 

 Dieu vous a choysi pour commencer un si saint œuvre et, par la, vous a assés obligé d'en desirer et solliciter le progres et l'accomplissement.

  A012001857 

 Je vous supplie, Monsieur, de le faire et de moderer l'affection de monsieur de la Bastie, puis [209] que mesme le sieur lieutenant civil et criminel de Gex nous a renvoyé tous deux devers vous pour estre reglés sur l'intelligence de vostre ordonnance, laquelle, bien qu'elle soit tres claire, on veut neanmoins obscurcir..

  A012001858 

 J'ay deduit ce fait un peu bien au long affin que, par ce moyen, vous sceussies les accidens survenuz en une besoigne que je vous ay veu embrasser avec tant de ferveur, au milieu de la rigueur du plus grand froid de l'annee, avec tant de consolation de tous ceux qui furent presens, et specialement de feu Monsieur l'Evesque mon predecesseur, qui, pendant quil a vescu despuis, ne sceut onques s'empescher d'en faire feste..

  A012001859 

 Au demeurant, Monsieur, j'ay tous-jours esté extremement curieux de sçavoir des nouvelles de vostre santé, et les dernieres que j'en ay eues ont esté que vous avies esté prendre congé de Monsieur et Madame de Nemours pour venir de deça pour le service du Roy; qui m'a fait mettre en doute si ceste lettre vous rencontreroit encor a Paris ou si vous series des-ja en chemin: c'est pourquoy j'en ay fait un duplicat, affin que l'un fut envoyé d'un costé et l'autre de l'autre.

  A012001859 

 Et cependant que j'attends l'asseurance de la reception, je prieray Dieu quil vous comble de ses benedictions, et demeureray de toute mon affection,.

  A012001884 

 Mais je me resouviens aussi, Monseigneur, que vous estes si entier en la pieté, que vous ne voudres jamais en rien authoriser ceux qui voudront rompre les ordonnances de l'Eglise, sous le voyle et pretexte d'estre advoüés vos chapelains.

  A012001895 

 C'est pourquoy, Monsieur, je vous en supplie humblement, et de me pardonner si je suis si prompt a vous importuner, puisque c'est pour un œuvre charitable et le soulagement des affligés, comm'est ce creancier..

  A012001895 

 Mais n'estans reussis et voyant la necessité de ce creancier croistre tous les jours, je me suis enquis sil y auroit aucun autre moyen pour faire ce payement; et on m'a dit que Son Altesse avoit ordonné certaine pension annuelle a ladite Mayson, delaquelle on pourroit bien prendre la somme requise, qui n'est que de 80 escus, et particulierement sil vous playsoit d'en dire un mot de faveur.

  A012001911 

 Mais se resouvenant que feu monsieur de la Barge, son frere, l'avoit laissee en ce pais principalement en [216] la confiance quil avoit de vostre amitié et que vous en auries soin, dequoi aussi ell'a ressenti beaucoup d'effectz, elle n'a pas voulu passer outre a prendre la derniere resolution en ce sujet sans vous en donner advis et prendre vostre congé..

  A012001912 

 C'est pourquoi ell'envoye monsieur Sapientis, auquel j'ay donné ce mot pour vous tesmoigner qu'apres avoir sceu ce dessein, et l'avoir consideré et recommandé a Dieu avec le soin que j'eusse fait pour une propre fille de ma mere, j'ay estimé qu'il estoit fort bon et sortable, et ne m'est demeuré aucune difficulté pour retenir mon jugement, que le devoir qu'ell'a d'attendre le vostre, lequel je pense ne pouvoir pas estre beaucoup dissemblable au mien..

  A012001931 

 C'est cela, Monsieur, qui me fait esperer d'en voir bien tost tout d'une main un heureux accomplissement, pour lequel ledit P. Cherubin allant a Chamberi, je vous supplie, Monsieur, de continuer vostre faveur a ce saint œuvre affin que la conclusion s'en puisse prendre au plus tost, a faute delaquelle je voy l'establissement de l'eglise de Thonon demeurer en suspens..

  A012001931 

 Le R. Pere Cherubin, præsent porteur, m'a dit et fait entendre combien de zele Dieu vous a donné a l'advancement des affaires de la Sainte Maison de Thonon et le bon commencement que vous y aves fait donner.

  A012001932 

 Je le prie quil vous comble de ses graces et suis,.

  A012001932 

 Je ne crains nullement de vous estre importun pour des semblables occasions qui tendent a la gloire de Dieu, delaquelle il vous a donné tant de jalousie et de sainte ambition.

  A012001951 

 C'est pourquoy, si je suis creu, vous ne le laisseres pas revenir sans traitter avec luy, et mesme pour les prises des annees passees, desquelles il desire avoir honneste prix en payant argent content.

  A012001951 

 Il desire de prendre a ferme de Madame la terre de Duin, et je suis obligé de vous tesmoigner que ne pense pas que Madame puisse mieux remettre la susdite ferme qu'es mains d'un homme de ceste sorte.

  A012001952 

 Vous aures sceu comme le seigneur Dom Amedeo de Savoye a remporté gain de cause contre Son Excellence pour Conflens, non obstant tout l'essay que je fis en mon voyage de Piemont de faire retarder l'issue du proces, dont ledit seigneur Dom Amé m'a sceu fort mauvais gré.

  A012001953 

 Croyés, je vous supplie, que je n'ay nul souci du monde que pour ce particulier, et que je ne laisse passer aucune occasion sans m'en empresser.

  A012001953 

 J'attens response, et priant Dieu qu'il vous comble de ses graces, je suis toute ma vie,.

  A012001971 

 Ce m'est un'extreme faveur que vous ayes desiré de m'avoir en vostre ville pour le service de vos ames, et ne puis penser comme ce bon heur m'est arrivé que vous [220] sachies mon nom et que je suis au monde.

  A012001971 

 Cela m'estonne d'autant plus que je me voy esloigné de le meriter, n'ayant rien en moy qui puisse respondre a l'opinion que vous aves de moy qu'une fort entiere affection a l'accroissement de la gloire de Dieu et a ceux qui la desirent, entre lesquelz sachant que vous tenes des premiers rangs, je vous supplie de croire que vous ne me sçauries faire voir aucun'occasion de vous rendre service que je ne m'y porte de tout mon cœur.

  A012001971 

 En cette volonté, je m'essayeray de vaincre toutes les difficultés qui me pourroyent destourner de me rendre aupres de vous au teins que vous m'aves marqué en vostre lettre..

  A012001972 

 Ce sera pour l'Advent que j'auray beaucoup a debattre pour m'eschapper des grandes incommodités qui se presentent contre l'extreme desir que j'ay de vous contenter; et neanmoins, plus tost que de vous donner aucun sujet de croire que je veüille user d'aucune exception a vos volontés, je vous asseure des maintenant que si vous mesme ne me donnés le pouvoir de demeurer icy l'Advent, je n'y demeureray non plus que le Caresme, mays forceray tous les empeschemens pour me treuver en tous deux les tems en vostre ville.

  A012001972 

 J'attendray donques de vous, par ce porteur, la declaration de vostre volonté, a laquelle, toutes considerations laissees, je me rangeray entierement.

  A012001972 

 Mais vous me permettres, s'il vous plait, de vous dire que si vous aviés aggreable que ce fut seulement pour le Caresme, je n'aurois a vaincre nulle difficulté, car je n'en rencontrerois pas une.

  A012001973 

 Dieu vous veuille donner, Messieurs, le comble de ses graces, et a moy autant de pouvoir quil m'a donné d'affection de me faire connoistre.

  A012001990 

 Jay entendu que vous ne voulies continuer de dire deux Messes suy vant la permission que je vous en avoys donné, qui me fait vous dire que jusques a ce que je vous enleve le pouvoir vous ne cessies de servir Vincie comme vous aves de coustume.

  A012001990 

 Je vous advertis aussy que prenies peyne a vous rendre plus cappable pour exercer telle charge, a quoy vous estes tenu.

  A012001990 

 M'assurant donques que vous ne manqueres a bien rendre vostre devoir, je demeure, Monsieur le Curé,.

  A012002006 

 » Sil ne tient qu'a cela, il me semble, Monsieur, que je les doy envoyer; mais je ne puis si je ne l'ay, ni l'avoir que par vostre moyen, que j'implore a cet effect, et vous supplie de m'aymer tous-jours et croire que, priant Dieu pour vostre santé, je demeure toute ma vie,.

  A012002037 

 C'est tout ce que j'ai à vous écrire dans la circonstance présente..

  A012002038 

 En finissant, je vous souhaite du Seigneur notre Dieu tout vrai contentement..

  A012002052 

 C'est pourquoy je vous prie de me faire ce bien de m'en donner advis entre cy et Noël, poinct par poinct, affin que si je doy contribuer quelque diligence a l'entiere execution d'icelles, je n'y manque par ignorance de la necessité..

  A012002053 

 Ce que vous manquant, si vous m'en donnes advertissement, je ne feray aucune faute de [226] m'essayer d'y remedier, honteux que je serois de faire des ordonnances aux visites des autres monasteres, ainsy que nostre Saint Pere et Son Altesse le veulent, si a la premiere j'avois esté du tout inutile..

  A012002053 

 Si cela est, vous aures occasion d'en tenir quitte ledit sieur Abbé, puisque quant a moy, cela ne m'importe point, pourveu que vous soyes payés comme il faut, qui est mon seul regard pour ce particulier.

  A012002114 

 C'est avec de très humbles et très vives instances que je les sollicite de la clémence de Votre Sainteté, et, dans l'espoir de les obtenir, je prie le Christ de vous être toujours propice..

  A012002115 

 En outre, plusieurs chanoines de mon Eglise cathédrale, et d'autres personnes d'une probité et d'une doctrine éprouvées ont vu et en quelque sorte touché les choses dont je vous fais le récit, car ils ont collaboré dans le Seigneur à l'instruction de ces peuples et ils ont été pour « une grande part » dans tout ce qui s'est fait.

  A012002147 

 Je vous escris cecy, ma tres chere et bonne Mere, en montant a cheval pour Chamberi.

  A012002148 

 Je le doy, et vous le sçaves que je suis.

  A012002148 

 Tenés vous joyeuse en Nostre Seigneur, ma bonne Mere, et sçachés s'il vous plaist que vostre pauvre filz se porte bien, par la divine misericorde, et se prepare de [244] vous aller voir le plus tost et le plus longuement qu'il luy sera possible, car je suis tout a vous.

  A012002189 

 C'était l'usage parmi les anciens prélats de l'Eglise de s'écrire des lettres: tout le monde le sait, et vous, Révérendissime Père, vous l'ignorez moins que personne.

  A012002190 

 Aussi, en strict droit chrétien, si j'ai le devoir de vous rendre visite, vous avez celui de me faire un accueil hospitalier.

  A012002190 

 Ce sentiment, le mobile à peu près unique de nos Pères, a suffi pour me décider à vous écrire, surtout quand une dignité ecclésiastique toute semblable, et un sujet d'affliction tout pareil, quoique en sens inverse, établissent entre nous un singulier rapprochement.

  A012002190 

 Je pense donc que si je vous salue par lettres (et le puis-je faire autrement?), vous me recevrez d'un air souriant et vous m'embrasserez selon les effusions de votre charité..

  A012002190 

 Les hérétiques, à ce qu'on dit, Révérendissime Seigneur, vous tiennent bloqué dans votre ville assiégée, et vous n'avez que votre seule cité épiscopale en votre possession.

  A012002191 

 Il se plaît souvent à dire que vous [247] méritez de grandes louanges, principalement pour ceci: ses concitoyens, si attachés qu'ils soient à leurs princes, doivent surtout à votre vigilance de n'avoir pas vu leur ville tomber au pouvoir des ennemis, malgré les stratagèmes inouïs tant de fois employés pour la séduire.

  A012002191 

 J'ai d'ailleurs une autre raison de vous écrire: je veux vous recommander M. Rodolphe, fils de Jean van Dunghen, votre diocésain.

  A012002192 

 Aussi je vous le recommande volontiers et avec toutes les instances possibles.

  A012002192 

 Cet homme, qui rend un tel hommage à vos mérites, me fit savoir, étant sur son départ, que s'il pouvait vous présenter une attestation de la vie honorable qu'il a menée parmi nous, cela lui serait, en toutes circonstances, d'une précieuse utilité.

  A012002192 

 Il me semble donc le voir retourner maintenant vers vous pourvu d'une rare provision de vertus et de piété, semblable au navire d'un marchand qui revient avec une riche cargaison.

  A012002192 

 Tout ceci, Révérendissime Père, vous fera sans doute un très grand plaisir, et je suis sûr aussi que vous accorderez volontiers vos sympathies à un homme si digne d'être aimé.

  A012002193 

 Jouissez d'une santé parfaite, et que le Christ vous soit propice; puissé-je, à la faveur de vos charitables prières, obtenir sa miséricorde! [249].

  A012002202 

 C'est pourquoy je vous prie de faire transferer ladite aumosne en un autre jour moins celebre, affin que l'un des biens n'empesche point l'autre.

  A012002202 

 Mais il faut que cela se face sans replique, et partant je desire que vous vous y employes vivement..

  A012002217 

 Il m'a fallu dire ce mot pour vous tesmoigner l'ayse que je reçois de vostre vray bien parmi les phantosmes de vostre mal apparent; mais le bon est qu'apres tout cela la victoire vous demeure, comme indubitablement elle fera tous-jours, et cela me donne encor du contentement selon le monde et selon Dieu..

  A012002217 

 Je participeray tous-jours a tous les evenemens aggreables et desaggreables qui vous toucheront; mais je me res-jouis de cettuy-ci qui vous a donné sujet de prattiquer la charité chrestienne au pardon que vous aves fait a celuy qui, sans sujet, avoit prattiqué la desloyauté mondaine en vostre endroit.

  A012002217 

 La premiere m'advertit de l'ennuy que vous a fait un secretaire au traitté des offices de Montargis.

  A012002217 

 Vivés tous-jours comme cela, Monsieur, et parmi l'orage de la mer ou vous estes, regardés perpetuellement vostre port.

  A012002219 

 Je ne laisseray pas de presser le plus que je pourray pour en envoyer de dela, mays il faut que je vous confesse la verité: c'est icy un pauvre païs et auquel il est malaysé de treuver des sommes apres tant de remuemens et troubles..

  A012002221 

 Je me suis extremement res-joui du bon succes des affaires des Peres Jesuites en France, a laquelle, comme vous sçaves, je desire et souhaitte toute bonne et sainte prosperité, qui ne luy peut jamais arriver que par la renaissance de son ancienne vertu et pieté, a laquelle cette excellente Compaignie peut infiniment contribuer, estant favorisee du zele de Sa Majesté comme elle va estre, a ce qu'on me dit..

  A012002222 

 Je ne sçay comme je doy vous remercier de tant de faveurs que vous me faites; l'amas des obligations en est [253] si grand que j'en ay l'esprit et le cœur tout saysis.

  A012002239 

 Je vous remercie tres humblement du soin qu'il vous plait tesmoigner a mon bien par l'advis que le bon Pere [254] Recteur m'a donné de vostre part.

  A012002240 

 Le Pere Recteur me fera ce bien de vous dire plus de particularités sur ce suject, et je prieray Dieu pour vostre prosperité, demeurant sans fin,.

  A012002284 

 Je puis dire que ce fut sans ma faute que nous laissasmes retourner vostre laquais sans response a la lettre que vous aves pris la peyne de m'escrire.

  A012002285 

 Ce que je crains [est] le deschet de l'opinion que vous m'asseures vous aves de mon affection, laquelle, si elle pouvoit croistre, s'augmenteroit tous les jours comme vous en faites naistre en tout tems de nouveaux sujetz, comme est la patience qu'il vous a pleu avoir a ma priere a l'endroit de M. de Bellecombe; de laquelle ne voulant plus abuser, Monsieur, on ne vous priera point de la continuer plus avant, [craignant] de la voir employer avec vostre incommodité et sans leur prouffit, puisqu'ilz ne s'en sont servis a faire l'appointement que vous desires..

  A012002286 

 Et quant aux consolations, je sçai qui vous estes, et ma cousine aussi, et laisse au bon Jesus, lequel vous aves en vostre esprit, a vous faire cet office.

  A012002286 

 J'ay sceu le trespas de monsieur vostre pere, mon Oncle, bien tost apres qu'il fut advenu, et en ressentis les afflictions que je devois a l'amitié de laquelle il avoit tous-jours honnoré nostre mayson et a la perte que vous aves faitte, laquelle je sçeus bien [apprehender] par la memoire de celle que peu d'annees auparavant j'avois l'ait moy mesme sur un pareil sujet.

  A012002286 

 Je n'attendis pas, croyés le bien je vous supplie, de recommander son ame a Nostre Seigneur que vous m'en eussies adverti, mais luy rendis ce devoir sur le champ a la premiere nouvelle; et n'eusse pas retardé non plus a vous escrire pour vous faire la ceremonieuse offrande du service de nostre mayson et du mien en particulier, si je n'eusse sceu que vous nous croyes tout vostres pour une bonne fois, sans qu'il soit necessaire d'en renouveller si souvent [261] les reconnoissances.

  A012002293 

 C'est tout ce que je vous puis dire; recommandés moy a vostre bon Ange.

  A012002293 

 Dieu, ce me semble, m'a donné a vous; je m'en asseure toutes les heures plus fort.

  A012002300 

 C'est tous-jours pour vous asseurer davantage que j'observeray soigneusement la promesse que je vous ay faite de vous escrire le plus souvent que je pourray.

  A012002300 

 Je ne cesseray jamais de prier nostre bon Dieu qu'il luy plaise de parfaire en vous son saint ouvrage, c'est a dire le bon desir et dessein [263] de parvenir a la perfection de la vie chrestienne; desir lequel vous deves cherir et nourrir tendrement en vostre cœur, comme une besoigne du Saint Esprit et une estincelle de son feu divin..

  A012002300 

 Plus je me suis esloigné de vous selon l'exterieur, plus me sens-je joint et lié selon l'interieur.

  A012002301 

 J'ay veu un arbre planté par le bienheureux saint Dominique a Romme: chacun le va voir et cherit pour l'amour da plantateur; c'est pourquoy, ayant veu en vous l'arbre du desir de sainteté que Nostre Seigneur a planté en vostre ame, je le cheris tendrement, et prens playsir a le considerer plus maintenant qu'en presence, et je vous exhorte d'en faire de mesme et de dire avec moy: Dieu vous croisse, o bel arbre planté; divine semence celeste, Dieu vous veuille faire produire vostre fruit a maturité, et lhors que vous l'aures produit, Dieu vous veuille garder du vent qui fait tomber les fruitz en terre, ou les bestes vilaines les vont manger.

  A012002301 

 Madame, ce desir doit estre en vous comme les orangers de la coste marine de Gennes, qui sont presque toute l'annee chargés [264] de fruitz, de fleurs et de feuilles tout ensemble; car vostre desir doit tous-jours fructifier par les occasions qui se presentent d'en effectuer quelque partie tous les jours, et neanmoins il doit ne jamais cesser de souhaitter des nouveaux objetz et sujetz de passer plus avant, et ces souhaitz sont les fleurs de l'arbre de vostre dessein; les feuilles seront les frequentes reconnoissances de vostre imbecilité, qui conservent et les bonnes œuvres et les bons desirs: c'est la l'une des colomnes de vostre tabernacle..

  A012002302 

 Loüé soit Dieu, qui vous a donné ce cher et saint amour; faites le croistre tous les jours de plus en plus, et la consolation vous en accroistra tout de mesme, puisque tout l'edifice de vostre bonheur est appuyé sur ces deux colomnes.

  A012002302 

 Mais je dis, si vous l'aymes mieux, car en tout et par tout je desire que vous ayés une sainte liberté d'esprit touchant les moyens de vous perfectionner; pourveu que les deux colomnes en soyent conservees et affermies, il n'importe pas beaucoup comment..

  A012002302 

 Ne vous lies pas toutefois a cette mesme meditation, car je ne la vous envoye pas a cet effect, mais seulement pour vous faire voir a quoy doit tendre l'examen et espreuve de soy mesme que vous deves faire tous les moys, affin que vous sachies vous en prevaloir plus aysement.

  A012002302 

 Que si vous aymes mieux repeter cette mesme meditation, elle ne vous sera pas inutile.

  A012002302 

 Regardés au moins une fois le moys si l'une ou l'autre est point esbranlee, par quelque devote meditation et consideration pareille a celle de laquelle je vous envoye une copie, et que j'ay communiquee avec quelque fruit a des autres ames que j'ay en charge.

  A012002303 

 Gardés vous des empressemens et inquietudes, car il n'y a rien qui nous empesche plus de cheminer en la perfection.

  A012002303 

 Gardés vous des scrupules et vous reposes entierement [265] sur ce que je vous ay dit de bouche, car je l'ay dit en Nostre Seigneur.

  A012002303 

 Jettés doucement vostre cœur es playes de Nostre Seigneur, et non pas a force de bras; ayés une extreme confiance en sa misericorde et bonté qu'il ne vous abandonnera point, mays ne laissés pas pour cela de vous bien prendre a sa sainte Croix..

  A012002303 

 Tenes vous fort en la presence de Dieu par les moyens que vous sçaves.

  A012002304 

 Apres l'amour de Nostre Seigneur je vous recommande celuy de son espouse l'Eglise, de cette chere et douce colombe laquelle seule peut pondre et faire esclorre les colombeaux et colombelles a l'Espoux.

  A012002304 

 Jettés vos yeux sur l'Espoux et sur l'Espouse, et dites a l'Espoux: O que vous estes Espoux d'une belle Espouse! et a l'Espouse: Hé, que vous estes Espouse d'un divin Espoux! Ayés grande compassion a tous les pasteurs et predicateurs de l'Eglise, et voyés comme ilz sont espars sur toute la face de la terre, car il n'y a province au monde ou il n'y en ayt plusieurs.

  A012002304 

 Priés Dieu pour eux affin qu'en se sauvant ilz procurent fructueusement le salut des ames; et en cet endroit, je vous supplie de ne jamais m'oublier, puisque Dieu me donne tant de volonté de ne jamais vous oublier aussi..

  A012002305 

 Escrives-moy, je vous supplie, le plus souvent que vous pourres, avec toute la confiance que vous sçaures; car l'extreme desir que j'ay de vostre bien et advancement me donnera de l'affliction si je ne sçay souvent a quoy vous en estes.

  A012002305 

 Je l'ay dressé non pour vous, mays pour plusieurs autres; neanmoins vous verrés en quoy vous le pourrés faire valoir pour vous.

  A012002305 

 Je le supplie qu'il vous donne abondamment son saint amour, et a tout ce qui vous appartient..

  A012002305 

 Je vous envoye un escrit touchant la perfection de la vie de tous les Chrestiens.

  A012002306 

 Je suis sans fin et vous supplie me tenir pour.

  A012002318 

 Je ne vous puis pas donner tout a coup ce que je vous ay promis, car je n'ay pas asses d'heures franches pour mettre tout ensemble ce que j'ay a vous dire sur le sujet que vous avés desiré vous estre expliqué par moy.

  A012002318 

 Je vous le diray a plusieurs fois, et outre la commodité que j'en auray, vous aurés aussi cellela, que vous aures du tems pour bien remascher mes advis.

  A012002319 

 A vous, Madame, qui estes mariee, les moyens sont de vous bien unir a Dieu et a vostre prochain et a ce qui despend d'eux..

  A012002319 

 Vous avés un grand desir de la perfection chrestienne: c'est le desir le plus genereux que vous puissies avoir, nourisses-le et le faittes croistre tous les jours.

  A012002320 

 Mais quant a la Confession, je vous conseilleray bien de la frequenter encor plus, principalement sil vous arrivoit quelque imperfection delaquelle vostre conscience fut affligee, comm'il en arrive bien souvent au commencement de la vie spirituelle.

  A012002320 

 Neanmoins, si vous n'avies pas les commodités requises pour se confesser, la contrition et repentance suppleeroit..

  A012002320 

 Quant a l'usage des Sacremens, vous ne devés nullement laisser escouler aucun moys que vous ne communiyes, et mesme dans quelque tems, selon le progres que vous aurés fait au service de Dieu et selon le conseil de vos peres spirituelz, vous pourres vous communier plus souvent.

  A012002321 

 Et a cet effect, il faut que vous ayés les autheurs qui ont couché les pointz des meditations sur la vie et mort de Nostre Seigneur, comme Grenade, Bellintani, [268] Capillia, Bruno, dans lesquelz vous choysirés la meditation que vous voudrés faire, et la lirés attentivement pour vous en resouvenir au tems de l'orayson, et n'avoir autre chose a faire que de les remascher, suyvant tous-jours la methode que je vous mis par escrit en la meditation que je vous donnay le Jeudy Saint..

  A012002321 

 Et pour vous ayder a la bien faire, il faut qu'avant icelle vous sachies le point sur lequel vous devés mediter, affin que, commençant l'orayson, vous ayes vostre matiere preste.

  A012002321 

 Faittes en donques tous les jours une petite heure le matin avant que de sortir, ou bien avant le souper, et gardés vous bien de la faire ni apres le disner ni apres le souper, car cela gasteroit vostre santé.

  A012002321 

 Quant a l'orayson, vous la devés fort frequenter, specialement la meditation, a laquelle vous estes assés propre, ce me semble.

  A012002322 

 Je voudroy quil ne se passast aucun jour sans que vous donnassies une demi heure ou un'heure a la lecture de quelque livre spirituel, car cela vous serviroit de prædication.

  A012002322 

 Outre cela, faittes souvent des oraysons jaculatoires a Nostre Seigneur, et ce a tous (sic) les heures que vous pourres et en toutes compaignies, regardant tous-jours Dieu dans vostre cœur et vostre cœur en Dieu.

  A012002322 

 Prenes playsir a lire les livres que Grenade a fait de l'orayson et meditation, car il ni en a point qui vous instruise mieux ni avec plus de mouvemens.

  A012002324 

 Je vous conseille de prendre quelquefois la peyne de visiter les hospitaux, consoler les malades, considerer leurs infirmités, attendrir vostre cœur sur icelles et prier pour eux en leur faysant quelqu'assistence.

  A012002324 

 Mais en tout ceci prenes garde soigneusement que monsieur vostre mari, vos domestiques et messieurs vos parens ne soyent point offencés par des trop longs sejours aux eglises, des trop grans retiremens et abandonnement du soin de vostre mesnage, ou, comm'il arrive quelquefois, vous rendant contrerolleuse des actions d'autruy ou trop desdaigneuse des conversations ou les regles de devotion ne sont pas si exactement observees; car en tout cela il faut que la charité domine et nous esclaire, pour nous faire condescendre aux volontés du prochain en ce qui ne sera point contraire aux commandemens de Dieu..

  A012002325 

 Les malades aymeront vostre devotion silz en sont charitablement consolés; vostre famille, si elle vous reconnoist plus soigneuse de son bien, plus douce aux occurrences des affaires, plus amiable a reprendre, et ainsy du reste; monsieur vostre mari, sil void que a mesure que vostre devotion croist vous estes plus cordiale en son endroit et plus soüefve en l'affection que vous luy portés; messieurs vos parens et amis, silz reconnoissent en vous plus de franchise, de support, de condescendence a leurs volontés qui ne seront pas contraires a celle de Dieu.

  A012002325 

 Or, vous la rendres aymable si vous la rendes utile et aggreable.

  A012002325 

 Vous ne devés pas seulement estre devote et aymer la devotion, mais vous la deves rendre aymable a un chacun.

  A012002326 

 J'ay fait un petit advertissement sur le sujet de la perfection de la vie chrestienne, dont je vous envoye une copie que je desire estre communiquee a Madame du Puis d'Orbe.

  A012002327 

 Je vous supplie de me donner quelque part en vos prieres et Communions, comm'aussi je vous asseure que je vous feray toute ma vie part aux miennes et seray sans fin,.

  A012002345 

 J'ay envoyé a madame la presidente Brulart, vostre seur un escrit que je desire vous estre communiqué; non pas que celuy que je vous ay donné ne suffise pour vous et pour ce tems, mais affin que vous ayés tous-jours plus d'esclaircissement en vostre esprit, a l'advancement duquel je me sens tant obligé que je ne suis de rien plus desireux en ce monde, non seulement pour cette grande confiance que Dieu vous a donnee en mon endroit, mays [271] aussi pour celle qu'il me donne que vous servires beaucoup a sa gloire.

  A012002346 

 Je suis infiniment consolé du playsir que vous prenes a lire les Œuvres et la Vie de la Mere Therese, car vous verrés le grand courage qu'elle eut a reformer son Ordre, et cela vous animera sans doute a reformer vostre Monastere, ce qui vous sera bien plus aysé qu'il ne fut pas a elle, puisque vous estes Superieure perpetuelle.

  A012002346 

 Je vous recommande sur tout l'esprit de douceur, qui est celuy qui ravit les cœurs et gaigne les ames.

  A012002346 

 Mais tenes la methode que je vous ay dite, de commencer par l'exemple; et bien qu'il vous semblera prouffiter peu au commencement, ayés neanmoins de la patience, et vous verrés ce que Dieu fera.

  A012002346 

 Tenes bon et ferme en ce commencement a bien faire tous vos exercices, et prepares vous aux tentations et contradictions; car le malin esprit vous en suscitera infiniment pour empescher le bien qu'il prevoit devoir sortir de vostre resolution; mais Dieu sera vostre protecteur.

  A012002347 

 Je vous prie de me recommander a sa misericorde, et croire que je suis, autant que vous le sçauries desirer et que je puis,.

  A012002352 

 Je vous prie qu'en ce cas la je le sçache avant le tems, affin que je me puisse treuver en lieu et loysir propre a vostre consolation..

  A012002352 

 Mon compagnon m'a dit en chemin que vous desiries [272] venir a Saint Claude et qu'a cette occasion j'auray le bien de vous voir.

  A012002363 

 Mon dessein ne fut pas d'entrer en aucune conference avec vous; la prochaine necessité de mon despart m'en ostoit entierement l'occasion.

  A012002364 

 Il est vray que nous disons et affermons, et que vous niés et rejettés.

  A012002364 

 Je ne prendray pas la peyne de vous en dire d'avantage, car je ne piquotte point.

  A012002364 

 L'Eglise a tous-jours esté combattue par cette mesme façon; mais vos negatives doivent estre preuvees par une mesme sorte de preuve qu'est celle que vous exigés de nous, car c'est a celuy qui nie de preuver, quand il nie contre la possession et que sa negative sert de fondement a son intention.

  A012002364 

 Les jurisconsultes vous le tesmoigneront, puisque c'est d'eux que la maxime est tiree: vous n'en refuseres pas l'explication..

  A012002364 

 Vous sçavés bien ce que je veux dire quand je parle du Livre des Maccabees II en a deux, et deux font un cors de livre.

  A012002366 

 Je vous conjure, par les entrailles de Jesus Christ, de vouloir meshuy lire et l'Escriture et les anciens Peres avec un esprit deschargé de preoccupations: vous verrés [274] que les parties principales et essentielles de la face de l'Eglise ancienne sont entierement conservees en celle qui est maintenant.

  A012002366 

 On me dit que Dieu a mis en vous beaucoup de dons de nature; n'en abusés pas pour forclorre ceux de la grace, et consideres attentivement les qualités de la part en laquelle vous desires conferer..

  A012002368 

 Conferes a vostre salut l'attentive meditation sur nos raysons et sur les anciens Peres, et j'y confereray mes pauvres et chetives prieres, que je presenteray a la misericorde de nostre Sauveur, auquel et pour l'amour duquel je vous offre mon service et suis.

  A012002397 

 Ce m'a esté une tres grande consolation d'avoir eü la lettre que vous m'escrivites le 30 de may.

  A012002397 

 Tout cela donques me console, comm'aussi ce que vous m'escrivés que le Reverend Pere que le Seigneur vous a baillé pour directeur avoit treuvé fort bon que pendant mon sejour a Dijon vous m'aves communiqué vostr'ame, et que mesme il ne treuveroit pas mauvais que vous me donnassies quelquefois de vos lettres..

  A012002397 

 Toutes ses parties sont aggreables: la souvenance que vous avés de moy en vos prieres, car cela tesmoigne vostre charité; le memoire que vous avés des sermons que j'ay fait ce Caresme, car encor que de mon costé il ni aÿe eu autre chose qu'imperfection, si est ce que ç'a tous-jours esté parole de Dieu, delaquelle le souvenir ne peut que vous estre fort utile; le desir que vous aves de la perfection, car c'est un bon fondement pour l'obtenir.

  A012002398 

 Car je vous dis qu'en cela vous ne sçauries avoir fait faute, puisque le mal vous pressoit et vostre medecin spirituel estoit absent; que cela n'estoit pas changer de directeur, ce que vous ne pouviés faire sans perte bien grande, mais que c'estoit seulement se soulager pour l'attendre; que mes advis ne s'estendoyent que sur le mal present, qui requeroit un remede present, et partant ne pouvoyent nullement prejudicier a la conduitte generale de vostre premier directeur.

  A012002398 

 Et quant au scrupule que vous aviés de m'avoir demandé mon advis pour l'addresse de toute vostre vie, je vous dis que vous n'aviés non plus contrevenu aux loix de la submission que les ames devotes doivent a leur pere spirituel, par ce que mes conseilz ne seroyent rien plus qu'un escrit spirituel duquel la pratique seroit tous-jours mesuree par le discernement de vostre directeur ordinaire, selon que la presence de son œil et la plus grande lumiere spirituelle, avec la plus entiere connoissance qu'il a de vostre capacité, luy donnent le moyen de le mieux faire que je ne puis, estant ce que je suis; joint que les advis que je pensois vous donner seroyent telz quilz ne pouvoyent estre que bien [278] accordans avec ceux du Pere directeur.

  A012002398 

 Je me res-jouis donques que vous ayes reconneu combien il est veritable que ceux qui sont bien accordans en l'intention du service de Dieu ne sont jamais guere esloignés d'affections et conceptions..

  A012002398 

 Madame, si vous vous en resouvenés, je vous dis bien cela mesme, quand vous me dites que vous craignés de [277] l'avoir offencé ayant receu les petitz advis que je vous donnay verbalement sur le sujet de vostre affliction interieure qui vous troubloit en la sainte orayson.

  A012002398 

 Mays quand vous m'eustes nommé le personnage, resouvenés vous, je vous supplie, que je vous dis avec pleyne confiance qu'il me connoissoit et m'avoit fait le bien de me promettre un jour son amitié, et que je m'asseurois quil ne treuveroit point mauvaise la communication que vous avies eüe avec moy, tant je le tenois de mes amis.

  A012002398 

 Vous voyes donq, Madame, que je jugeay fort bien de tout cela, et n'employay guere de tems ni de consideration pour me resoudre a ce jugement.

  A012002399 

 Ce respect vous doit sans doute contenir en la sainte conduite a laquelle vous vous estes si heureusement rangee, mais il ne vous doit pas gehenner, ni estouffer la juste liberté que l'Esprit de Dieu donne a ceux quil possede.

  A012002399 

 Je loüe infiniment le respect religieux que vous portes a vostre directeur et vous exhorte de soigneusement y perseverer; mais si faut il que je vous die encor ce mot.

  A012002400 

 Je l'ay longuement honnoré avant que de l'avoir veu; l'ayant veu, mon affection s'en est accreùe, et m'estant apperceu du fruit quil a fait a Dijon (car vous n'estes pas seule), je luy ay donné et voué autant de cœur et de service quil en sçauroit desirer de moy.

  A012002400 

 Je vous ay voulu resouvenir de tout ce que je vous ay dit en presence, et y adjouster ce que j'ay pensé en escrivant pour vous representer pour un bon coup mon opinion sur ce scrupule; et si, j'ose bien me promettre que si vous la proposes a vostre directeur la premiere fois que vous le verres, il se treuvera autant conforme avec moy en cet endroit comm'il l'a esté en l'autre.

  A012002400 

 Je vous cheris en luy et luy en vous, et l'un et l'autre en Jesus Christ..

  A012002400 

 Mais je laisse cela a vostre discretion, de luy proposer ou non; bien vous supplieray-je de le saluer a mon nom et l'asseurer de mon service.

  A012002401 

 Monsieur l'Archevesque m'a escrit une lettre si excessive en faveurs que ma misere en est accablee; il le faut pardonner a sa courtoisie et naturelle bonté, mais je m'en plains a vous par ce que cela me met en danger de vanité.

  A012002401 

 Vous ne m'escrives pas de la santé de monsieur vostre pere, et toutefois j'en suis extrement desireux; ni de monsieur vostre oncle que je vous avois supplié de saluer de ma part..

  A012002402 

 Au demeurant, puisque le Pere directeur vous permet de m'escrire quelquefois, faites le, je vous prie, de bon cœur, encor que cela vous donnera de la distraction, car ce sera charité.

  A012002402 

 Je l'en supplie, et vous salue bien humblement, donnant la sainte benediction a vos petitz enfans, si vous estes a Chantal; car si vous estes a Dijon je ne le voudrois entreprendre en la presence de monsieur leur oncle, bien que leur petit agenouillement et vostre demande me fit faire une pareille laute a mon despart..

  A012002402 

 Je vous tesmoigne par cette longueur combien mon esprit aggree la conversation du vostre.

  A012002419 

 Le desir que vous avés que les soldatz puissent estre tirés des lieux sacrés pour estre chastiés selon leurs demerites est fort juste et propre a la conservation du bien publiq.

  A012002420 

 Je vous supplie, Monsieur, d'avoir aggreable que j'attende puisque ma condition le requiert, en laquelle je prie Dieu tous les jours pour vous, et suis,.

  A012002437 

 J'y ay fourré [282] beaucoup de choses pour empescher le soupçon qu'il eut peu prendre qu'elle fut escritte a dessein, et l'ay neanmoins escritte avec toute verité et sincerité, ainsy que je doy tous-jours faire; mais non pas avec tant de liberté comme cellecy, en laquelle je desire vous parler cœur a cœur..

  A012002437 

 L'autre lettre vous servira pour contenter le bon Pere a qui vous desires la pouvoir monstrer.

  A012002438 

 C'est pour vous dire que l'unité de pere spirituel ne forclost point la confiance et communication avec un autre, pourveu que l'obeissance promise demeure ferme en son rang et soit præferee..

  A012002438 

 Je suis bien d'accord avec ceux qui vous ont voulu donner du scrupule, quil est expedient de n'avoir qu'un pere spirituel, l'authorité duquel doit estre en tout et par tout præferee a la volonté propre, et mesme aux advis de tout autre particuliere personne; mais cela n'empesche nullement le commerce et communication d'un esprit avec un autre, ni d'employer les advis et conseilz que l'on reçoit d'ailleurs.

  A012002439 

 Arrestés vous-la, je vous supplie, et ne vous mettes nullement en peyne en quel degré vous me devés tenir, car tout cela n'est que tentation et vaine subtilité.

  A012002439 

 Dieu m'a donné a vous; tenes moy pour vostre en luy et m'appelles ce quil vous plaira, il n'en importe..

  A012002439 

 Je ne vous sçaurois pas expliquer ni la qualité ni la grandeur de cett'affection que j'ay a vostre service spirituel; mais je vous diray bien que je pense qu'ell'est de Dieu et que pour cela je la nourriray cherement, et que tous les jours je la voy croistre et s'augmenter notablement.

  A012002439 

 Maintenant, ma chere Dame, vous voyes asses clairement la mesure avec laquelle vous me pouves employer, et combien vous pouves avoir de confiance en moy.

  A012002439 

 Que vous importe-il de sçavoir si vous me pouves tenir pour vostre pere spirituel ou non, pourveu que vous sachies quell'est mon ame en vostre endroit et que je sache quell'est la vostre au mien? Je sçai que vous aves une entiere et parfaitte confiance en mon affection; de cela je n'en doute nullement, et en reçoi de la consolation.

  A012002439 

 Sachés aussi, je vous supplie, et croyes-le bien, que j'ay une vive et extraordinaire volonté de servir vostre esprit de toute l'estendue de mes forces.

  A012002439 

 Sil m'estoit bien [284] seant je vous en dirois davantage, et avec verité, mais il faut que je m'arreste la.

  A012002440 

 Encor faut il que je vous die, pour coupper chemin a toutes les repliques qui se pourroyent former en vostre cœur, que je n'ay jamais entendu quii y eut nulle liayson entre nous qui portast aucune obligation, sinon celle de la charité et vraÿe amitié chrestienne, delaquelle le lien est appellé par saint Paul le lien de perfection, et vrayement il l'est aussi, car il est indissoluble et ne reçoit jamais aucun relaschement.

  A012002440 

 Obeisses a vostre premier conducteur filialement et librement, et servés vous de moy charitablement et franchement.

  A012002440 

 Tenes moy donques pour bien estroittement lié avec vous, et ne vous souciés pas d'en sçavoir d'avantage, sinon que ce lien n'est contraire a aucun autre lien, soit de vœu soit de mariage.

  A012002440 

 Voyla, ma bonne Seur (et permettes moy que je vous appelle de ce nom, qui est celuy par lequel les Apostres et premiers Chrestiens exprimoyent l'intim'amour qu'ilz s'entreportoyent), voyla nostre lien, voyla nos chaysnes, lesquelles plus elles nous serreront et presseront, plus elles nous donneront de l'ayse et de la liberté.

  A012002441 

 Et ce pendant ne vous mettes nullement en scrupule, car vous n'aves point offencé le disant, bien qu'a l'adventure vous eussies mieux fait le celant, a cause de la reverence du Sacrement, qui doit estre si grande qu'hors iceluy il ne soit rien mentionné de ce qui s'y dit.

  A012002441 

 Et quicomque vous demande si vous aves dit ce que vous aves dit avec le seau (sic) tressaint de la Confession, vous luy pouves hardiment et sans peril de duplicité dire que nanni: il ni a nulle difficulté en cela.

  A012002441 

 Je me resouviens bien ou vous me parlastes sur ce sujet la premiere fois..

  A012002441 

 Je suis consolé que vous aves en horreur la finesse et duplicité, car il ni a guere de vice qui soit plus contraire a l'embonpoint et grace de l'esprit.

  A012002441 

 Mais bien, beni soit Dieu; j'aime mieux que vous excedies en naïfveté que si vous en manquiés.

  A012002441 

 Mais si est ce que ce n'eut pas esté duplicité, puisque si en cela vous avies fait quelque faute a cause du scrupule que vous avies en me communicant vostre cœur et me demandant des instructions, vous l'avies suffisamment effacee par apres pour n'estre plus obligee de le dire a personne.

  A012002441 

 Neanmoins je loüe vostre candeur et me resjouïs que vous l'aÿés dit, comm'aussi tout le reste, bien que vous devés estre ferme en la resolution que je vous donnay, que ce qui se dit au secret de la Pœnitence est tellement sacré quil ne se doit pas dire hors d'icelle.

  A012002441 

 Vous aves eu crainte de tumber en quelque duplicité quand vous aves dit que vous m'avies communiqué vostre esprit et que vous m'avies demandé quelques advis.

  A012002442 

 Gardes vous en, je vous supplie, et ayes bon courage..

  A012002442 

 J'ay reprins la plume plus de douze fois pour vous escrire ces deux feüilles, et sembloit que l'ennemi me procuroit des distractions et affaires pour m'empescher de ce faire.

  A012002442 

 Le sachant, je m'essayeray de vous donner autant de loysir quil me sera possible, et prieray Dieu [286] particulierement affin que je vous puisse estre autant utile a toules comme je suis affectionné.

  A012002442 

 Vous me dites que peut estre auray-je le bien de vous voir environ la septembre.

  A012002443 

 C'est le bon Jesus qu'il nous faut enfanter et produire en nous mesmes; vous en estes grosse, ma chere Seur, et beni soit Dieu qui en est le Pere.

  A012002443 

 Je me suis souventesfois animé parmi mes petites difficultés par les paroles de nostre doux Sauveur qui dit: La femme, quand elle enfante, a une grande detresse; mais apres l'enfantement elle oublie le mal passé parce qu'un enfant luy est né. Je pense qu'elles vous consoleront aussi, si vous les consideres et repetes souvent.

  A012002443 

 Quand il vous surviendra quelqu'ennuy, ou interieur ou exterieur, prenes entre vos bras vos deux resolutions et colomnes de l'edifice, et, comme une mere sauve ses enfans d'un danger, portés-les es playes de Nostre Seigneur et le pries quil les vous garde et vous avec elles, et attendés la dedans ces sainte cavernes jusques a ce que la tempeste soit passee.

  A012002443 

 Vous aures des contradictions et amertumes; les tranchees et convulsions de l'enfantement spirituel ne sont pas moindres que celles du corporel: vous aves essaÿé les unes et les autres.

  A012002444 

 Au demeurant, je ne dis jamais la sainte Messe sans vous et ce qui vous touche de plus pres; je ne communie point sans vous, je suis en fin autant vostre que vous sçauries souhaitter.

  A012002444 

 C'est trop vous entretenir; je m'arreste, priant ce celeste [287] Enfant qu'il vous rende digne de ses graces et faveurs, et nous face mourir pour luy, ou au moins en luy.

  A012002444 

 Gardes vous des empressemens, des melancholies, des scrupules.

  A012002444 

 Vous ne voudries pour rien du monde offencer Dieu, c'est bien asses pour vivre joyeuse..

  A012002445 

 Ma bonne mere est vostre servante, et tous ses enfans vos serviteurs; elle vous remercie tres humblement de vostre bienveuillance.

  A012002445 

 Mon frere se sent infiniment obligé a la souvenance que vous aves de luy et la contrechange par la continuelle memoire qu'il a de vous a l'autel; il est absent, maintenant que j'escris.

  A012002446 

 Je n'ose pas presser les dames que vous me nommes du voyage parce qu'il ne me seroit pas seant; je le desire neanmoins, et me console en l'esperance que j'en ay..

  A012002486 

 Le seigneur chevalier Lobet m'a treuvé chez ma mere, ou je n'ay sceu luy donner autre satisfaction que de vous supplier bien humblement, comme je fay, qu'il vous playse, Monsieur, de faire examiner ses pretentions autant comme il se peut sommairement, en la presence des seigneurs officiers de Son Altesse qui ont charge de la conservation des biens de la Sainte Mayson; et je donne des a present mon consentement a tout ce qui sera advisé et treuvé raysonnable pour terminer cette affaire.

  A012002500 

 Je m'attens d'aller pour la septembre a Thonon, et la, [293] selon vostre advis, je m'essayeray d'obtenir la courtoysie de monsieur Muneri, delaquelle vous m'escrivés.

  A012002517 

 Ce me fut une bien grande consolation, laquelle je vous tesmoignay par la response que je vous fis; car je n'eusse pas peu m'en empescher, j'en estois touché tres vivement.

  A012002517 

 Je suis par tout le reste de mon ame fort imbecille et foible; mais j'ay l'affection fort tenante et presque immuable a l'endroit de ceux qui me donnent le bonheur de leur amitié, comme je croy fermement que vous aves fait.

  A012002517 

 La derniere lettre que je receus de vous fut celle par laquelle vous me fistes l'honneur de m'advertir que vous avies receu la sainte consecration, et que vous vous retiries aupres de vostre troupeau.

  A012002517 

 Mais, a ce que M. Favier m'a fait sçavoir, vous n'aures pas receu ma lettre.

  A012002517 

 Ne croyés jamais, je vous supplie, Monsieur, que ni la memoire ni la reconnoissance du devoir que j'ay a la bienveuillance quil vous a pleu de me promettre me puisse defaillir: non, sans doute.

  A012002517 

 Que si vous n'aves [294] pas receu de mes lettres si souvent que j'eusse souhaitté, attribués-le a toute autre sorte de manquement plustost qu'a celuy de l'affection.

  A012002518 

 Je vous diray donq, Monsieur, que, despuis les dernieres nouvelles que vous aves euës de moy, j'ay esté perpetuellement parmi les travaux et traverses que le monde fait naistre en ma charge, et me semble que cette annee m'a esté encor plus aspre que celle du noviciat; mays je puis dire aussi que nostre bon Maistre m'a beaucoup assisté de ses saintes consolations, qui m'ont fortifié en sorte que je puis dire d'avoir nagé parmi les eaux d'amertume sans en avoir avalé une seule goutte.

  A012002519 

 Encor vous diray-je cecy: j'y ay reconneu plusieurs centaines de personnes laïques et seculieres qui font une vie fort parfaitte, et, parmi le tracas des affaires du monde, font tous les jours leur meditation et saintz exercices de l'orayson mentale..

  A012002522 

 Mais les anciens Evesques n'en faysoyent pas moins, et la communication que vous me permettes d'avoir avec vous m'est d'autant plus douce que nous sommes plus esloignés l'un de l'autre; car je pense que c'est de la largeur ou longueur du royaume de France.

  A012002522 

 Monsieur, je pense que vous connoistres par cette lettre combien est grande l'asseurance que je prens en vostre amitié, puisque je suis si long et si libre a vous dire ces menusailles de mon particulier, lesquelles ne vous peuvent estre presentees que sous une extreme confiance de vostre bonté.

  A012002522 

 Permettes moy, je vous supplie, que je desire de sçavoir presque aussi particulierement de vos nouvelles comme je vous en dis des miennes, mais sur tout si vous ne montes pas en chaire, ou au moins si vous ne faites pas de sermons a l'autel; et pardonnés moy, Monsieur, si c'est trop..

  A012002523 

 Je ne suis jamais a l'autel que je ne l'en supplie, et nommement pour vous, Monsieur, de qui je me prometz un riche contreschange, a qui je bayse tres humblement les mains, et suis inviolablement,.

  A012002536 

 Je vous prie de l'y semondre en mon nom, mais bien vivement; et sii arrive devant moy, monsieur Deage le recevra et vous aussi..

  A012002556 

 Il n'est rien d'impossible a l'amour; je ne suis qu'un chetif et malotru predicateur, et il me fait entreprendre de vous dire mon advis de la vraye façon de prescher.

  A012002556 

 Je ne sçai si c'est l'amour que vous me portes qui tire cette eau de la pierre, ou si c'est celuy que je vous porte [299] qui fait sortir des roses de l'espine.

  A012002556 

 Permettes-moy ce mot d'amour, car je parle a la chrestienne, et ne treuvés pas estrange que je vous promette des eaux et des roses; car ce sont des epithetes qui conviennent a toute doctrine catholique, pour mal ageancee qu'elle soit.

  A012002573 

 Au sortir du sermon je ne voudrois point qu'on dist: O qu'il est grand orateur! o qu'il a une belle memoire! o qu'il est sçavant! o qu'il dit bien! Mais je voudrois que l'on dist: O que la penitence est belle! o qu'elle est necessaire! Mon Dieu, que vous estes bon, juste! et semblable chose; ou que l'auditeur, ayant le cœur saysi, ne peust tesmoigner de la suffisance du predicateur que par l'amendement de sa vie.

  A012002588 

 Mais on peut bien apporter plusieurs interpretations, les louant et faysant valoir toutes l'une apres l'autre, comme je fis, le Caresme passé, de six opinions et interpretations des Peres sur ces paroles: Dicite quia servi inutiles sumus, et dessus ces autres paroles: Non est meum dare vobis; car, si vous vous en resouvenes, je tiray de chacune de tres bonnes consequences, mais je teus celle de saint Hilaire, ce me semble; ou si je ne le fis, je fis faute, et le devois faire, parce qu'elle n'estoit pas probable..

  A012002601 

 Si vous voules parler de quelque vertu, allés a la Table de saint Thomas, voyés ou il en parle, regardés ce qu'il dit; vous treuveres plusieurs raysons qui vous serviront de matiere: mays au bout de la, il ne faut pas employer cette matiere sinon qu'on puisse fort clairement se faire entendre, au moins aux mediocres auditeurs..

  A012002609 

 Or maintenant, il faut voir les choses qui vont plus viste par dilatation, et vous en treuveres quelques unes, comme les navires quand le vent estend leurs voiles.

  A012002610 

 Apres tout cela, je vous advise qu'on se peut servir de l'Escriture par application avec beaucoup d'heur, encores que bien souvent ce qu'on en tire ne soit pas le vray sens; comme saint François disoit que les aumosnes estoyent « panis Angelorum, » parce que les Anges les procuroyent par leurs inspirations, et applique le passage: Panem Angelorum manducavit homo.

  A012002612 

 Dequoy, je vous prie, sert la methode si on ne la voit et que l'auditeur ne la connoisse?.

  A012002613 

 Pour vous ayder en cecy, je vous diray que, ou vous [315] voules prescher quelque histoire, comme de la Nativité, Resurrection, Assomption, ou quelque sentence de l'Escriture, comme: Omnis qui se exaltat humiliabitur, ou tout un Evangile ou il y a plusieurs sentences, ou la vie de quelque Saint avec quelque sentence..

  A012002614 

 Considerer combien de personnages il y a en l'histoire que vous voules prescher; puys, de chacun tirer quelque consideration.

  A012002618 

 Ainsy donques, ayant descouvert en la sentence que vous voules manier la vertu a laquelle elle vise, vous pourres reduire vostre sermon a methode, considerant en quoy gist la vertu, les vrayes marques d'icelle, ses effectz et le moyen de l'acquerir ou exercer; qui a tous-jours esté ma methode, et j'ay esté consolé d'avoir rencontré le livre du Pere Rossignol, Jesuite, conforme a cette methode.

  A012002618 

 Le livre est [317] intitulé: De Actionibus Virtutum, imprimé a Venise; il vous sera fort utile..

  A012002618 

 Mais il y a d'autres sentences ou le sujet n'est pas si descouvert, comme: Quomodo huc intrasti non habens vestem nuptialem? Voyla la charité; mays vous la voyes couverte d'une robbe, car la robbe nuptiale c'est la charité.

  A012002618 

 Quand vous voules prescher une sentence, il faut considerer a quelle vertu elle se rapporte, comme par exemple: Qui se humiliat exaltabitur; voyla le sujet de l'humilité bien clair.

  A012002622 

 Voyla bien asses de methodes pour commencer; car apres un peu d'exercice vous en feres d'autres qui vous seron propres et meilleures.

  A012002623 

 Mais apres tout ceci, il faut que je vous die comme il faut remplir les pointz de vostre sermon, et voir comment.

  A012002623 

 Par exemple, vous voules traitter de la vertu d'humilité, et vous aves disposé vos pointz en cette sorte: 1.

  A012002623 

 Pour remplir de conceptions, vous chercheres en la table des autheurs les motz humilitas, humilis, superbia, superbus, et verrés ce qu'ilz en disent; et treuvant des descriptions ou definitions, vous les mettres sous le tiltre: « En quoy gist cette vertu, » et tascheres de bien esclaircir ce point, monstrant en quoy gist le vice contraire..

  A012002624 

 Pour remplir le second point, vous verrés humilitas ficta en la table, humilitas indiscreta, et semblables; et par la vous monstreres la difference entre la fause et vraye humilité.

  A012002624 

 S'il y a des exemples de l'une et de l'autre, vous les apporteres; et ainsy des autres deux pointz.

  A012002640 

 Je me suis allegué moy mesme; mais c'est, Monsieur, parce que vous voules mon opinion et non celle des autres.

  A012002640 

 Monsieur, que dires vous de cela? Pardonnés moy, je vous supplie; j'ay escrit a course de plume, sans aucun soin ni de paroles ni d'artifice, porté du seul desir de vous tesmoigner combien je vous suis obeissant.

  A012002641 

 Il faut, avant que je ferme cette lettre, que je vous conjure, Monsieur, de ne la point faire voir a personne duquel les yeux me soyent moins favorables que les vostres, et que j'adjouste ma tres humble supplication que [323] vous ne vous laissies emporter a nulle sorte de consideration qui vous puisse empescher ou retarder de prescher: plus tost vous commenceres, plus tost vous reuscires.

  A012002641 

 Vous le pouves, Monsieur, et vous le deves.

  A012002642 

 Le Cardinal Borromee, sans avoir la dixiesme partie des talens que vous aves, presche, edifie, se fait saint.

  A012002642 

 Saint Jan mourant ne sçavoit que repeter cent fois en un quart d'heure: « Mes enfans, aymés vous les uns les autres, » et avec cette provision il montoit en chaire: et nous faysons scrupule d'y monter si nous n'avons des myrobolans d'eloquence! Laissés dire a qui alleguera la suffisance de Monsieur vostre predecesseur: il commença une fois comme vous..

  A012002643 

 Mais mon Dieu, Monsieur, que dires vous de moy qui vay si simplement avec vous? L'amour ne se peut taire [324] ou il y va de l'interest de celuy qu'on ayme.

  A012002643 

 Monsieur, vous ay juré fidelité, et l'on souffre beaucoup d'un serviteur fidelle et passionné.

  A012002643 

 O qu'ilz seront edifiés quand ilz vous verront souvent a l'autel sacrifier pour leur salut; avec vos curés traitter de leur edification, et en chaire parler de la parolle de reconciliation et prescher!.

  A012002643 

 Vostre peuple vous attend pour vous voir et estre veu et reveu de vous; de vostre commencement ilz jugeront du reste: commencés de bonne heure a faire ce qu'il faut faire tous-jours.

  A012002643 

 Vous alles, Monsieur, a vostre troupeau: hé, que ne m'est il loysible de courir jusques la pour vous assister, comme j'eus l'honneur de faire a vostre premiere Messe! Je vous y accompagneray par mes vœux et desirs.

  A012002644 

 Monsieur, je ne fus jamais a l'autel sans vous recommander a Nostre Seigneur; trop heureux si je suis digne que quelquefois vous m'y porties en vostre memoire.

  A012002656 

 En cela seul ilz n'auront pas sceu passer la mesure a dire, ni vous, Monsieur, a croire que je leur ay voüé toutes mes affections, qui vous sont par ce moyen acquises, puisqu'il sont vostres avec tout ce qu'ilz ont..

  A012002656 

 Et vous, Monsieur, n'aves pas esté moins aysé ni, comme je connois, moins ayse de leur donner une ample et liberale creance.

  A012002656 

 Monsieur de Bourges et madame de Chantal, vos chers et dignes [326] enfans, m'ont sans doute esté trop favorables en la persiasion qu'ilz vous ont faitte de me vouloir du bien; car je voy bien, Monsieur, par la lettre qu'il vous a pleu de m'escrire, qu'ilz y ont employé des couleurs desquelles ma chetifve ame ne fut onques teinte.

  A012002658 

 J'abuse de vostre bonté a vous desployer si grossierement mes affections; mais, Monsieur, quicomque me provoque en la contention d'amitié, il faut qu'il soit bien ferme, car je ne l'espargne point..

  A012002658 

 Je vous asseure que si je voulois je ne m'en sçaurois empescher; et de fait, je luy envoye une lettre de quattre feuilles, et toute de cette estoffe.

  A012002658 

 Mais M. le President des Comptes, vostre bon frere, ne vous a-il point dit qu'il m'aymoit aussi bien fort? Je vous diray bien au moins que je m'en tiens pour tout asseuré.

  A012002658 

 Mais, Monsieur, vous voules que je continue de mon costé cette conversation, et sur ce sujet, par lettres.

  A012002659 

 Ce [328] m'est, a la verité, une obeissance un petit aspre; mays vous jugeres bien qu'elle en vaut mieux.

  A012002659 

 Si faut-il que je vous obeisse encores en ce que vous me commandes de vous escrire les principaux pointz de vostre devoir.

  A012002659 

 Vous excedes bien en humilité a me faire cette demande: pourquoy ne me sera-il loysible d'exceder en simplicité a vous obeir?.

  A012002660 

 Monsieur, je sçai que vous aves fait une longue et tres honnorable vie, et tous-jours tres constante en la sainte Eglise Catholique; mais au bout de la, ç'a esté au monde et au maniement de ses affaires.

  A012002663 

 A cet effect, je croy, Monsieur, que vous aures une incroyable consolation de choisir de chasque jour une heure pour penser, devant Dieu et vostre bon Ange, a ce qui vous est necessaire pour faire une bienheureuse retraitte.

  A012002663 

 Quel ordre a vos affaires s'il failloit que ce fust bien tost? Je sçai que ces pensees ne vous seront pas nouvelles; mais il faut que la façon de les faire soit nouvelle en la presence de Dieu, avec une tranquille attention, et plus pour esmouvoir l'affective que pour esclairer l'intellective..

  A012002664 

 J'ay veu et joui de vostre belle bibliotheque: je vous presente, pour vostre leçon spirituelle sur ce propos, saint Ambroyse, De bono mortis, saint Bernard, De interiori domo, et plusieurs homelies esparses de saint Chrysostome..

  A012002667 

 Apres cela a nos proches; mays « nul ne vous est si proche que vous mesme, » dit nostre Seneque chrestien.

  A012002667 

 En fin aux amis: mais n'estes vous pas le premier des vostres? Je remarque que saint Paul dit a son Timothee: Attende tibi et gregi; primo tibi, deinde gregi, dit il..

  A012002668 

 Et pardonnés moy, je vous en conjure par vostre propre humilité, si ma simplicité a esté [331] si extravagante en son obeissance que de vous escrire avec tant de longueur et de liberté sur un simple commandement, et avec une entiere connoissance que j'ay de vostre extreme suffisance, qui me devoit ou retenir au silence ou en une exacte moderation.

  A012002668 

 Vous m'aves commandé que toutes les annees je vous escrive quelque chose de cette sorte: me voyla quitte pour celle ci, en laquelle je vous supplie d'oster le plus de vos affections de ce monde que vous pourres, et, a mesure que vous les arracheres, de les transplanter au Ciel.

  A012002683 

 Cela suffira bien pour vous enseigner la forme qu'il faut tenir a passer la journee.

  A012002683 

 Je desire que vous la communiquies a madame la Presidente vostre seur, et a madame de Chantal, car je pense qu'elle leur sera utile..

  A012002683 

 Je vous ay mis quelques autres exercices et des oraysons jaculatoires.

  A012002683 

 Je vous envoye, ma chere Fille (et voyla le mot que vous voules et que mon cœur me dicte), un escrit touchant lu façon de faire l'orayson mentale qui me semble la plus aysee et utile.

  A012002684 

 Bruno et Capiglia vous pourront servir pour les festes et Dimanches, et les autres deux le long de la semaine.

  A012002684 

 Les livres que je vous conseille, ce sont Bruno, Jesuite; Capiglia, Chartreux; Bellintani, Capucin; mais sur tout Grenade, au Vray Chemin, pour ce commencement.

  A012002684 

 Mais quoy que vous voyies [en] ces autheurs qui sont excellens, ne vous departes point de la forme que je vous ay envoyee..

  A012002685 

 Faites tous-jours l'entree de l'orayson en vous mettant en la presence de Dieu, l'invoquant et proposant le mystere; et apres les considerations, faites tous-jours les actes des affections, non pas de toutes, mays de quelques unes, et les resolutions; apres cela l'action de graces, l'offre, la priere; en fin lisés bien le petit memorial que je vous envoye et le prattiqués..

  A012002686 

 Et tenés cette regie perpetuellement, que jamais vous ne deves finir vostre orayson qu'avec confiance; car c'est la vertu la plus requise pour impetrer de Dieu, et celle qui l'honnore le plus.

  A012002686 

 Il faut donq, qu'ayant consideré [333] la grandeur des peynes, et l'eternité, et vous estant excitee a la crainte d'icelles et fait resolution de mieux servir Dieu, vous vous representies le Sauveur en croix, et, recourant a luy les bras estenduz, vous l'allies embrasser par les piedz, avec des acclamations interieures pleines d'esperance: O port de mes esperances, ah, vostre sang me garentira; Je suis vostre, Seigneur, et vous me sauveres.

  A012002686 

 Mais ne faillés pas a tous-jours finir par l'esperance, autrement vous ne retireries nul prouffit de telles meditations.

  A012002686 

 Mais, ma Fille, je vous prie, que toutes ces meditations la des quatre fins se finissent toutes par l'esperance et confiance en Dieu, et non pas par la crainte et l'effroy; car quand elles finissent par la crainte elles sont dangereuses, sur tout celles de la mort et de l'enfer.

  A012002686 

 Quant a la meditation de la mort, du jugement et de l'enfer, elle vous sera fort utile, et vous en treuveres les matieres en Grenade bien au long.

  A012002686 

 Retires vous en cette affection, remerciant nostre Sauveur de son sang, l'offrant a son Pere pour vous delivrer et le priant qu'il vous l'applique.

  A012002686 

 Vous pourres donq faire ces meditations des quatre fins de l'homme tous les trois mois une fois, et ce en quatre jours..

  A012002687 

 Apres cela vous pouves disposer de vos affaires de ce jour-la jusques a l'Office, s'il y a du tems..

  A012002687 

 Je vous le diray neanmoins icy un petit plus particulierement.

  A012002687 

 Pour l'ordre de prier la journee, il me semble de vous avoir asses esclaircie en ce petit memorial que je vous envoye.

  A012002687 

 Sçachant que vous estes fort matineuse, je dis que le matin, estant levee, vous deves faire vostre meditation, et l'exercice du matin que j'ay appellé preparation, a la charge que le tout ne durera au plus que trois quartz d'heure, ne desirant pas que la meditation et l'exercice arrivent a une heure.

  A012002688 

 A la Messe, je vous conseille plustost de dire vostre Chapelet qu'aucune autre priere vocale; et, le disant, vous le pourres rompre quand il faudra observer les pointz que je vous ay marqué, a l'Evangile, au Credo, a l'Eslevation, et puis reprendre ou vous aves laissé.

  A012002688 

 Et ne doutés nullement qu'il n'en sera que mieux dit par toutes ces interruptions; et si vous ne le pouves achever a la Messe, ce sera a quelque heure du jour, et ne sera besoin que de poursuivre ou vous aures laissé..

  A012002689 

 Au repas, j'appreuverois que vous observassies de faire [334] dire le Benedicite et les Graces ecclesiastiques qui sont a la fin du Breviaire; et cela vous le pourres introduire au meste tems que vous introduires le Breviaire de Trente, ou devant, s'il vous semble, et, petit a petit, faire que chaque Dame le die a son tour; car l'Eglise ne l'a pas fait mettre sinon a fin que nous l'observions.

  A012002689 

 Un petit devant le souper il vous seroit fort utile de prendre demi quart d'heure de recueillement a remascher la meditation du matin, sinon qu'a cette heure-la on dist Complies au Monastere..

  A012002690 

 Le soir avant que d'aller coucher, j'appreuve que si l'eglise n'est point esloignee de vos chambres, ni trop incommode, vous y allies toutes ensemble, et qu'estans arrivees et mises a genoux et en la presence de Dieu, la semainiere fasse l'office de l'examen de conscience en cette sorte: Pater noster, et dire secrettement le reste; Ave Maria et Credo, et a la fin: carnis resurrectionem, vitam æternam.

  A012002691 

 Au demeurant, ma chere Dame, sur tout il faut que vous la premiere, et puis les autres, tenies un ordre non seulement pour les Offices, mais aussi pour s'aller coucher et lever; autrement vous ne pourres pas continuer en santé: et cela s'observe en toutes assemblees.

  A012002692 

 Aux jours de jeusne on peut faire collation a sept heures; et pour le regard du jeusne, pour vous, il suffira de commencer par le vendredy et vous en contenter pour quelque tems, et mesmement parce qu'il faut que vous soyes avec les autres et qu'il faut les conduire petit a petit..

  A012002693 

 Estant malade, ne faites point d'autre orayson que jaculatoire, et ayés soin de vous, obeissant soigneusement au medecin, et croyes que c'est une mortification aggreable a Dieu; et quand vos Seurs le seront, soyes fort affectionnee a les visiter, secourir et faire servir et consoler.

  A012002693 

 Mesme s'il y en a de maladives, monstrés leur une tendre compassion, les dispensant aysement des charges de l'Office, selon que vous jugeres convenable, car cela les gaignera infiniment..

  A012002694 

 Je n'ay pas icy les livres qui en traittent, et peut estre le disent-ilz mieux que moy; mais il n'importe: si vous le treuves ailleurs, tant mieux..

  A012002694 

 Je vous envoye un petit formulaire de Confession que j'ay dressé expres pour vous.

  A012002694 

 Pour le regard des Communions et Confessions, je treuve bon que ce soit tous les huit jours, et que le soir du samedi vous adjousties au Visita l'orayson du Saint Sacrement.

  A012002694 

 Vous le pourres communiquer a madame Bruslart et de Chantal, et aux Religieuses que vous verres disposees a en faire prouffit.

  A012002695 

 Cela me plaist que vous estes peu de filles, la multitude engendre confusion.

  A012002695 

 Je vous voy dedans, sans doute; si Dieu vous donne sa grace et quelques annees de vie, ce sera vous qui seres employee de la divine Providence a cette sacree besoigne, et sans beaucoup de peyne.

  A012002695 

 Mais comment commenceres vous? [336].

  A012002695 

 Quant a la reformation de vostre Mayson, ma chere Fille, il faut que vous ayes un cœur grand et qui dure.

  A012002696 

 Il vous faut bien garder de donner ni peu ni prou aucune alarme de vouloir reformer; car cela ferroit que tous les espritz chatouilleux dresseroyent leur larmes contre vous et se roidiroyent.

  A012002696 

 Sçaves vous ce qu'il faut faire? Il faut que d'elles mesmes elles se reformement sous vostre conduitte et qu'elles se lient a l'obeissance et pauvreté.

  A012002697 

 Le premier c'est de leur commander souvent, mais des choses fort petites, douces et legeres, et ce devant les autres; et puis, la dessus, les en louer modestement, et les appeller a l'obeissance avec des termes d'amour: Ma chere Seur, ou Fille, et semblables; et plustost leur dire avant que de le faire: Si je vous prie de ceci ou de cela, le feres-vous pas bien pour l'amour de Dieu?.

  A012002698 

 Le second c'est de leur jetter devant des livres propres a cela, et entr'autres il y en a trois admirables que je vous conseille d'avoir, et quelquefois leur en lire a part les pointz plus sortables.

  A012002699 

 Et ainsy vous tenir fort humble..

  A012002699 

 Le troysiesme c'est de commander si doucement et amiablement qu'on rende l'obeissance aymable; et, apres qu'elles vous auront obei, adjouster: Dieu vous veuille recompenser de cette obeissance.

  A012002700 

 Le quatriesme c'est de faire profession vous mesme de ne vouloir rien faire que par l'advis et conseil de vostre pere spirituel, auquel neanmoins vous n'attribueres nullement aucun tiltre de commandement, ni a ce que vous feres par sa direction aucun tiltre d'obeissance, de peur d'exciter des contradictions, et que les malins ne suscitent des jalousies en l'esprit de ceux qui sont Superieurs de vostre Monastere, car cela gasteroit tout.

  A012002702 

 Mays que ce soit en sorte qu'il semble que vous ne le dites que pour vostre particulier, et vous verres que, petit a petit, elles seront bien ayses de retrancher les sorties au monde et les entrees des mondains; et en fin, un jour (il suffira bien si c'est apres une annee, voire deux) vous feres passer cela en constitution et en ordre, car c'est en fin la gardienne de la chasteté que la clausure..

  A012002702 

 Quant a la chasteté il faut commencer ainsy: tesmoigner vous mesme que vous n'estes jamais si contente que quand vous estes seule avec elles; qu'il vous semble que c'est la plus grande consolation d'estre ainsy en vostre conversation particuliere entre vous autres Seurs; que vous voudries que chacun demeurast en son lieu, les mondains chez eux et vous avec elles; qu'aussi bien les mondains ne viennent aux monasteres que pour en tirer, [338] ou pour en faire des contes ça et la et se mocquer des Religieuses; et semblables petites inspirations.

  A012002704 

 Mais dites moy, estimés vous peu ce que vous aves des-ja fait pour l'Office, pour la table, pour le voile et semblables choses? Seigneur Jesus! Nostre Seigneur demeura trois ans et demi a former le college de ses douze Apostres, encores y avoit il et un traistre et beaucoup d'imperfections quand il mourut.

  A012002704 

 Ne tesmoignes pas de vouloir vaincre; excusés en l'une son incommodité, en l'autre son aage, et dites le moins qu'il vous sera possible que c'est faute d'obeissance.

  A012002704 

 Quand vous rencontreres des difficultés et contradictions, ne vous essayes pas de les rompre, mais gauchisses dextrement et pliés; avec la douceur et le tems, si toutes ne se disposent pas, ayés patience, et avancés le plus que vous pourres avec les autres.

  A012002705 

 En particulier, je suis bien d'advis que vous relevies son esprit avec douceur et que vous invities a en faire de mesme toutes les Dames, car l'Apostre dit tout net que les plus spirituelz doivent relever les defaillans en esprit de douceur, quand ilz viennent en esprit de penitence.

  A012002705 

 Ma Fille, j'appreuve la charité que vous voules faire a cette pauvre creature esgaree, pourveu qu'elle revienne avec esprit de reconnoissance et penitence; et si elle vient en cette sorte, elle treuvera plus doux que sucre et miel d'estre reculee au dernier rang et de ne point avoir part aux honneurs de la Mayson, jusqu'a ce que les vertuz qu'elle pourra faire paroistre en contreschange [339] des fautes passees la puissent relever aux autres honneurs, horsmis le rang, qu'il est bien raysonnable qu'elle perde absolument.

  A012002707 

 Et la premiere fois qu'elles communient, il est bon de prendre vous mesme la peyne de les bien instruire de la reverence qu'elles y doivent porter, et de leur faire marquer le jour et l'an en leur Breviaire pour en remercier Dieu toutes les annees suivantes..

  A012002708 

 Il me reste a vous dire que, sans ceremonie, je suis entierement vostre et de toute vostre Abbaye, ou j'espere voir un jour fleurir de toutes pars la sainte devotion; en ce que je pourray, je contribueray et ce que Dieu me donnera d'esprit et mes foibles prieres.

  A012002708 

 Je le supplie de tout mon cœur qu'il vous fortifie de plus en plus en son amour, avec toutes mesdames vos Religieuses, que je saluë et prie de ne point m'oublier en leurs [340] oraysons, mays de me donner quelques uns des souspirs de devotion qu'elles jettent au Ciel, ou est leur esperance.

  A012002708 

 Je ne manque jamais de vous loger amplement en la memoire de la sainte Messe, et croyes que si vous vous desires pres de moy, je me desire bien aussi pres de vous.

  A012002708 

 Voyla, ce me semble, que je vous ay respondu a tout ce que vous me demandies, Madame ma chere Seur.

  A012002713 

 Prenes en bonne part, je vous prie, ma façon d'escrire si grossiere; je n'escris qu'a....

  A012002722 

 C'est tout ce qu'il nous faut pour le present, car vous seres assaillie sans [341] doute; mais avec l'esprit d'une douce vaillance nous chevirons de ce bon dessein, Dieu aydant.

  A012002722 

 Je vous supplie par les entrailles de Nostre Seigneur de croire, sans aucunement douter, que je suis entierement et irrevocablement au service de vostre ame, et que je m'y employeray de toute l'estendue de mes forces, avec toute la fidelité que vous sçauries jamais souhaitter.

  A012002722 

 Je vous veux mettre icy quelques pointz a part, que je desire vous estre particuliers.

  A012002723 

 Quant au desir que vous aves de refaire vos vœux entre mes mains et m'en envoyer un escrit, puisque vous estimes que cela vous donnera tant de repos, j'en suis content, pourveu que vous adjousties a l'escrit cette condition, a l'endroit ou vous parleres de moy: « sauf l'authorité de tous legitimes Superieurs; » et ne faut pas que rien de cela se sçache..

  A012002724 

 Je me dispense un peu de vous en cette lettre-la, mais vous sçaves bien que ce n'est tout que pour la gloire de Dieu et vostre bien, a quoy je regarde sans plus en tout cecy.

  A012002724 

 Je sçai que vous me tenes pour trop vostre pour interpreter aucune chose venante de moy qu'a bien et a droitte intention.

  A012002725 

 J'ay bien peur que l'escrit de la meditation ne soit si mal fait que vous ne sachies pas le lire; vous prendres la peyne, s'il vous plaist, de le faire mettre au net pour le pouvoir lire avec plus de fruit.

  A012002727 

 Prevales-vous de l'assistence du bon Pere de Villars, lequel, en response du billet que je vous donnay a Saint Claude, m'escrit qu'il aura un particulier soin de vous servir.

  A012002727 

 Vous feres bien de vous arrester aux devotions que je vous ay presentees et de ne point varier sans m'en advertir; Dieu aura aggreable vostre humilité en mon endroit et vous les rendra fructueuses..

  A012002728 

 Je vous demande un Chapelet pour son repos, car je sçai que si je fusse trespassé devant luy, il m'en eust fait faire la charité [343] comme cela par tout ou il eust eu du credit.

  A012002728 

 Si j'eusse eu le tems a moy, je vous eusse escrit en meilleur ordre; mais tout ce que j'escris ce n'est que par morceaux, selon le loysir que je puis avoir.

  A012002729 

 Cela vous suffira, ou une partie, avec ceux que je sçai que vous aves des-ja..

  A012002729 

 Les livres que vous pouves avoir pour le present, sont: Platus, Du Bien de l'Estat de religion; Le Gerson des Religieux, de Luc Pinel; Paul Morigie, De l'institution et commencement des Religions; les Œuvres de Grenade, imprimees nouvellement a Paris; Bellintani, De l'Orayson mentale, les Meditations de Capiglia, Chartreux; celles de saint Bonaventure; Le Desirant; les Œuvres de François Arias et sur tout l' Imitation de Nostre Dame; les Œuvres de la Mere Therese; le Catechisme spirituel de Cacciaguerre et ses autres Œuvres.

  A012002733 

 Madame, j'oubliois presque de vous dire que ma mere et moy avons fait un projet de vous envoyer apres l'hiver prochain ma jeune seur que vous vistes a Saint Claude, [344] en intention que si Dieu la favorise de l'inspiration d'estre Religieuse, elle le soit, le tems estant venu, par vostre grace et assistence; trop heureuse qu'elle sera d'arriver en cette Mayson-la a mesme tems que la devotion s'y allumera.

  A012002742 

 Ce m'a esté un extreme contentement d'avoir eu et veu vostre lettre; je voudrois bien que les miennes vous en peussent donner un reciproque, et particulierement pour le remede des inquietudes qui se sont eslevees en vostre esprit despuis nostre separation.

  A012002743 

 Je vous ay dit une fois, et m'en resouviens fort bien, que j'avois treuvé en vostre confession generale toutes [345] les marques d'une vraye, bonne et solide confession, et que jamais je n'en avois reçeu qui m'eust plus entierement contenté.

  A012002743 

 Mais si ce n'est que peché veniel, ou que vous l'ayes omis par oubliance et defaut de memoire, ne doutés point, ma chere Seur; car, au peril de mon ame, vous n'estes nullement obligee de refaire vostre confession, ains suffira de dire a vostre confesseur ordinaire le point que vous aures omis: de cela j'en respons.

  A012002743 

 N'ayés pas crainte non plus de n'avoir pas apporté tant de diligence qu'il failloit a vostre confession generale; car je vous redis fort clairement et asseurement que si vous n'aves point fait d'omission volontaire, vous ne deves nullement refaire la confession, laquelle, pour vray, a esté tres suffisamment faitte; et demeurés en paix de ce costé la.

  A012002743 

 Que si vous aves omis quelque chose a dire, considerés si ç'a esté a vostre escient et volontairement; car en ce cas la, vous devries sans doute refaire la confession, si ce que vous auries omis estoit peché mortel, ou que vous pensassies a cette heure la que ce le fust.

  A012002743 

 Que si vous en conferes avec le Pere Recteur, il vous en dira le mesme, car c'est le sentiment de l'Eglise nostre mere..

  A012002744 

 Ne vous en mettes donq nullement en peyne, mays serves Dieu gayement et en liberté d'esprit..

  A012002744 

 Toutes les regles du Rosaire et du Cordon n'obligent nullement ni a peché mortel ni a veniel, ni directement ni indirectement; et, ne les observant pas, vous ne pecheres non plus que de laisser une autre sorte de bien a faire.

  A012002745 

 La vertu de devotion n'est autre chose qu'une generale inclination et promptitude de l'esprit a faire ce qu'il connoist estre aggreable a Dieu; c'est cette dilatation de cœur de laquelle David [346] disoit: J'ay couru en la voye de vos commandemens quand vous aves estendu mon cœur.

  A012002745 

 Ma chere Seur, vous ne me demandes pas peu; mais je m'essayeray de vous en dire quelque chose, car je vous le dois.

  A012002745 

 Maintenant je vous diray quelques regles qu'il faut observer pour estre vrayement devote..

  A012002745 

 Mais remarqués bien ce que je vous diray.

  A012002745 

 Vous me demandes le moyen que vous deves tenir pour acquerir la devotion et paix de l'esprit.

  A012002749 

 Et qu'est ce donques qui vous les rend fascheux? Rien, a la verité, sinon vostre propre volonté, qui veut regner en vous a quel prix que ce soit; et les choses que peut estre elle desireroit si on ne les luy commandoit, luy estant commandees elle les rejette.

  A012002753 

 Mais, ma bonne Fille (permettes moy que je vous parle selon mon cœur, car je vous ayme comme cela), vous voudries avoir quelque petite prattique pour vous conduire.

  A012002753 

 Vostre meditation ne doit estre que d'une grosse demi heure, et non plus, au bout de laquelle adjoustés tous-jours une consideration de l'obeissance que Nostre Seigneur a exercee a l'endroit de Dieu son Pere, car vous treuveres que tout ce qu'il a fait il l'a fait pour complaire a la volonté de son Pere; et la dessus, esvertues vous de vous acquerir un grand amour de la volonté de Dieu..

  A012002753 

 faites la meditation tous les jours, ou le matin avant disner, ou bien une heure ou deux avant le souper, et ce, sur la Vie et Mort de Nostre Seigneur; et a cest [349] effect, serves vous de Bellintani, Capucin, ou de Bruno, Jesuite.

  A012002754 

 Avant que de faire ou vous preparer a faire aucune des choses de vostre vocation qui vous faschent, pensés que les Saintz ont bien fait gayement d'autres choses plus grandes et fascheuses: les uns ont souffert le martyre, les autres ont souffert le deshonneur du monde.

  A012002756 

 Et venant au particulier de ce qui vous faschera, dites: Voules vous que je face telle et telle chose? Helas, Seigneur, encor n'en suis je pas digne; je le feray tres volontier: et ainsy, que vous vous humilies fort.

  A012002756 

 Je voudrois que souvent parmi la journee vous invoquassies Dieu affin qu'il vous donnast l'amour de vostre vocation, et que vous dissies comme saint Paul quand il fut converti: Seigneur, que voules vous que je face? Voules vous que je vous serve au plus vil ministere de vostre mayson? Ah, je me reputeray encor trop heureuse: pourveu que je vous serve, je ne me soucie pas en quoy ce sera.

  A012002756 

 O mon Dieu, quel thresor vous acquerres, plus grand sans doute que vous ne sçauries estimer.

  A012002757 

 Je voudrois que vous considerassies combien de Saintz et Saintes ont esté en vostre vocation et estat, et qu'ilz s'y sont tous accommodés avec une grande douceur et resignation, tant au Nouveau qu'en l'Ancien Testament: Sara, Rebecca, sainte Anne, sainte Elizabeth, saintee Monique, sainte Paule et cent mille; et que cela vous anime, vous recommandant a leurs prieres..

  A012002758 

 Meslés doucement l'office de Marthe a celuy de Magdeleine; faites diligemment le service de vostre vocation, et souvent revenes a vous mesme et vous mettes en esprit aux piedz de Nostre Seigneur, et dites: Mon Seigneur, soit que je coure, soit que je m'arreste, je suis toute vostre, et vous a moy; vous estes mon premier Espoux, et tout ce que je feray, c'est pour l'amour de vous, et cecy et cela..

  A012002759 

 Il me semble que, faysant le matin une demi heure d'orayson mentale, vous deves vous contenter d'ouÿr tous les jours une Messe, et, parmi la journee, lire une demi heure de quelque livre spirituel, comme de Grenade ou de quelque autre bon autheur.

  A012002759 

 Les Dimanches et festes vous pourres, outre la Messe, ouÿr Vespres (mais cela sans adstriction) et le sermon..

  A012002759 

 Lisés fort le Combat spirituel, je vous le recommande.

  A012002759 

 Vous verrés l'exercice de l'orayson que j'envoye a Madame du Puis d'Orbe: tirés-en une copie, et vous en prevalés, car je le desire.

  A012002760 

 N'oubliés pas de vous confesser tous les huict jours et quand vous aures quelque grand ennuy de conscience.

  A012002761 

 Mon Dieu, que vous estes heureuse d'avoir un mari si raysonnable et souple! vous en devés bien louer Dieu.

  A012002761 

 Quand il vous surviendra quelque contradiction, resignés vous fort en Nostre Seigneur, et vous consolés sçachant que ses faveurs ne sont que pour les bons ou pour ceux qui se mettent en chemin de le devenir..

  A012002761 

 Souvenes vous de ce que je vous ay si souvent dit: laites honneur a nostre devotion; rendes la fort aymable [351] a tous ceux qui vous connoistront, mays sur tout a vostre famille; faites que chascun en die du bien.

  A012002762 

 Dieu sçait si jamais je vous oublie, ni toute vostre famille, en mes foibles prieres; je vous ay tres intimement gravee en mon ame.

  A012002774 

 Mais je m'en vay vous dire ce que je pourray, pour exprimer en peu de paroles ce que je pense vous estre necessaire sur ce sujet..

  A012002774 

 Pleust a nostre bon Dieu que j'eusse autant de moyen de me bien faire entendre par cest escrit comme j'en ay de volonté; je m'asseure que pour une partie de ce que vous desires sçavoir de moy vous series consolee, et particulierement pour les deux doutes que l'ennemy vous [352] suggere sur lo choix que vous aves fait de moy pour estre vostre pere spirituel.

  A012002775 

 Ce grand mouvement d'esprit qui vous y a porté presque par force et avec consolation; la consideration que j'y ay apporté avant que d'y consentir; ce que ni vous ni moy ne nous en sommes pas fiés a nous mesmes, mais y avons appliqué le jugement de vostre confesseur, bon, docte et prudent; ce que nous avons donné du loysir aux premieres agitations de vostre conscience pour se refroidir si elles eussent esté mal fondees; ce que les prieres non d'un jour ni de deux, mais de plusieurs mois ont precedé, sont indubitablement des marques infallibles que c'estoit la volonté de Dieu..

  A012002775 

 Pour le premier, le choix que vous aves fait a toutes les marques d'une bonne et legitime eslection; de cela n'en doutés plus, je vous supplie.

  A012002777 

 Arrestes-vous la, je vous supplie, et ne disputés [353] plus avec l'ennemy en ce sujet; dites luy hardiment que c'est Dieu qui l'a voulu et qui l'a fait.

  A012002777 

 Ce fut Dieu qui vous embarqua en la premiere direction, propre a vostre bien en ce tems la; c'est Dieu qui vous a portee a celle ci, laquelle, bien que l'instrument en soit indigne, il vous rendra fructueuse et utile..

  A012002777 

 Ce n'a esté ni vous ni moy qui en avons fermé le traitté; ç'a esté un troysiesme, qui en cela n'a peu regarder qu'a Dieu seul.

  A012002777 

 La difficulté que j'y apportay au commencement, qui ne procedoit que de la consideration que j'y devois appliquer, vous doit entierement resoudre; car cryés bien que ce n'estoit pas faute de tres grande inclination a vostre service spirituel (je l'avois indicible), mais parce qu'en chose de telle consequence je ne voulois suivre ni vostre desir ni mon inclination, ains Dieu et sa provividence.

  A012002778 

 Chasque affection a sa particuliere difference d'avec les autres; celle que je vous ay a une certaine particularité qui me console infiniment, et, pour dire tout, qui m'est extremement prouffitable.

  A012002778 

 Je n'en voulois pas tant dire, mais un mot tire l'autre, et puis je pense que vous le mesnageres bien..

  A012002778 

 Mays maintenant, ma chere Fille, il y est survenu une certaine qualité nouvelle qui ne se peut nommer, ce me semble; mais seulement son effect est une grande suavité interieure que j'ay a vous souhaitter la perfection de l'amour de Dieu et les autres benedictions spirituelles.

  A012002778 

 Pour le second, ma tres chere Seur, sçachés que, comme je viens de dire, des le commencement que vous conferastes avec moy de vostre interieur Dieu me donna un grand amour de vostre esprit.

  A012002778 

 Quand vous vous declarastes a moy plus particulierement, ce fut un lien admirable a mon ame pour cherir de plus en plus la vostre, qui me fit vous escrire que Dieu m'avoit donné a vous, ne croyant pas qu'il se peust plus rien adjouster a l'affection que je sentois en mon esprit, et sur tout en priant Dieu pour vous.

  A012002779 

 En voyla bien asses pour respondre cy apres a toutes ces suggestions, ou au moins pour vous donner courage de vous mocquer de leur autheur et luy cracher au nés.

  A012002779 

 Il ne m'estoit jamais arrivé, sous cette forme de parler generale, de porter mon esprit a aucune personne particuliere: despuis que je suis sorty de Dijon, sous cette parole de nous, plusieurs particulieres personnes qui se sont recommandees a moy me viennent [354] en memoire; mais vous, presque ordinairement la premiere, et quand ce n'est pas la premiere, qui est rarement, c'est la derniere pour m'y arrester davantage.

  A012002779 

 Je vous diray le reste un jour, ou en ce monde ou en l'autre..

  A012002780 

 C'est tout un; patience, il se faut parler par signes: il se faut prosterner devant Dieu et demeurer la devant ses piedz; il entendra bien, par cette humble contenance, que vous estes sienne et que vous voules son secours, encores que vous ne puissies pas parler.

  A012002780 

 Il en seroit tantost tems, me dires-vous..

  A012002780 

 Il ne faut nullement respondre ni faire semblant d'entendre ce que l'ennemy dit; qu'il clabaude tant qu'il voudra a la porte, il ne faut pas seulement dire: Qui va la? Il est vray, ce me dires-vous, mais il m'importune, et son bruit fait que ceux de dedans ne s'entendent pas les uns les autres a deviser.

  A012002780 

 Je vous en diray ce que Dieu me donnera.

  A012002780 

 Mays sur tout tenes vous bien fermee dedans, et n'ouvres nullement la porte, ni pour voir qui c'est ni pour chasser cet importun; en fin il se lassera de crier et vous laissera en paix.

  A012002780 

 Pour le troysiesme, vous me demandes les remedes au travail que vous donnent les tentations que le malin vous fait contre la foy et l'Eglise; car c'est cela que j'entens.

  A012002781 

 Je vous prie, ayés un livre intitulé De la Tribulation, composé par le P. Ribadeneira en espagnol et traduit en françois (le Pere Recteur vous dira ou il est imprimé), [355] et le lisés soigneusement.

  A012002782 

 Apres ce remede je vous en donne un autre.

  A012002782 

 Il en faut dire aussi a Jesus Christ et au Saint Esprit, telles qu'il vous suggerera, et mesme a l'Eglise: O mere des enfans de Dieu, jamais je ne me separeray de vous; je veux mourir et vivre en vostre giron..

  A012002782 

 Sçaves vous ce que vous feres pendant que l'ennemy s'amuse a vouloir escalader l'intellect? Sortés par la porte de la volonté et luy faites une bonne charge; c'est a dire, comme la tentation de la foy se presente pour vous entretenir: Mais comment se peut faire cecy? mais si cecy, mais si cela? faites qu'en lieu de disputer avec l'ennemy par le discours, vostre partie affective s'eslance de vive force sur luy, et mesme joignant a la voix interieure l'exterieure, criant: Ah traistre, ah malheureux, tu as laissé l'Eglise des Anges, et tu veux que je laisse celle des Saintz! Desloyal, infidelle, perfide, tu presentas a la premiere femme la pomme de perdition, et tu veux que j'y morde.

  A012002783 

 Il est vray qu'en ce tems de tentation la pauvre volonté est toute seche; mays tant mieux, ses coupz seront tant plus terribles a l'ennemy, lequel voyant qu'en lieu de retarder vostre advancement il vous donne sujet d'exercer mille affections vertueuses, et particulierement de la protestation de la foy, il vous laissera en fin finale.

  A012002784 

 En troysiesme lieu, il sera bon d'appliquer quelquefois cinquante ou soixante coupz de discipline, ou trente, selon que vous seres disposee.

  A012002784 

 Mais de ce troysiesme remede il en faut user moderement, et selon le prouffit que vous en verrés reuscir par l'experience de quelques jours..

  A012002785 

 Mais sur tout serves-vous du premier et second remede..

  A012002786 

 Pour le quatriesme point, je ne veux point changer les offres que vous fistes la premiere fois que vous voüastes, ni la place qui vous fut donnee, ni tout le reste..

  A012002787 

 Adjoustés le Pater noster, l' Ave Maria, le Credo, le Veni Creator Spiritus, l' Ave maris Stella, l' Angele Dei et une courte orayson pour les deux saintz Jan et les deux saintz François d'Assise et de Paule, que vous treuveres dans le Breviaire, ou peut estre les aves vous des-ja dans le livret que vous penses m'envoyer.

  A012002787 

 Ainsy vous aures visité toute l'Eglise, dont l'une des parties est au Ciel, l'autre en terre et l'autre sous terre, comme saint Paul et saint Jan tesmoignent.

  A012002787 

 Cela vous tiendra une heure bien ronde..

  A012002790 

 C'est bien asses pour tous les jours; les festes vous y pourres adjouster d'estre a Vespres et dire l'Office de Nostre Dame..

  A012002790 

 Cela vous tiendra pres d'une demi heure.

  A012002790 

 Le soir, environ une heure ou une heure et demie apres souper, vous vous retireres et dires le Pater noster, l' Ave, le Credo; cela fait, le Confiteor jusques a mea culpa; puis l'examen de conscience, apres lequel vous acheveres le mea culpa, et dirés les Litanies de Nostre Dame de l'eglise de Lorette; ou bien, par ordre, les sept Litanies de Nostre Seigneur, de Nostre Dame, des Anges, et ainsy des autres, telles qu'elles sont en un livre fait expres.

  A012002791 

 Mais si vous aves grand goust aux prieres que ci devant [358] vous aves faites, ne changés pas, je vous prie, et s'il vous advient de laisser quelque chose de ce que je vous ordonne, ne vous mettes point en scrupule, car voyci la regie generale de nostre obeissance escritte en grosses lettres:.

  A012002793 

 Je vous laisse l'esprit de liberté, non pas celuy qui forclost l'obeissance, car c'est la liberté de la chair; mais celuy qui forclost la contrainte et le scrupule ou empressement.

  A012002793 

 Si vous aymes bien fort l'obeissance et sousmission, je veux que s'il vous vient occasion juste ou charitable de laisser vos exercices, ce vous soit une espece d'obeissance, et que ce manquement soit suppleé par l'amour..

  A012002794 

 Je desire que vous ayes une traduction françoise de toutes les prieres que vous dires; non pas que je veuille que vous les disies en françois, ains en latin, car elles vous rendront plus de devotion; mais c'est que je veux que vous en ayes aucunement le sens, mesme les Litanies du Nom de Jesus, de Nostre Dame et des autres.

  A012002795 

 J'appreuve que vous employés les Exercices de Taulere, les Meditations de saint Bonaventure et celles de Capiglia; car c'est en fin tous-jours la vie de Nostre Seigneur que ses Evangiles.

  A012002795 

 Les meditations des quatre fins de l'homme vous seront utiles, a la charge que vous les finissies tous-jours par un acte de confiance en Dieu, ne vous representant jamais ni la mort ni l'enfer d'un costé, que la Croix ne soit de l'autre, pour, apres vous estre excitee a la crainte par l'un, recourir a l'autre par confiance.

  A012002795 

 Mais il faut reduire le tout a la maniere que je vous envoye dans l'escrit.

  A012002797 

 Vous ne deves pas relascher de la frequence de la Communion, sinon que vostre confesseur le vous commande.

  A012002798 

 Ayés les Confessions de saint Augustin, et lisés soigneusement des le huitiesme Livre; vous verrés sainte Monique vefve, avec le soin de son Augustin, et plusieurs choses qui vous consoleront..

  A012002798 

 Puisque Dieu vous a donné ce cœur de les desirer totalement au service de Dieu, il les faut nourrir a ce dessein, leur inspirant souëfvement des pensees conformes a cela.

  A012002799 

 Ce pendant prenes garde, non seulement pour luy, mais pour ses seurs, qu'ilz ne dorment que seulz, le plus qu'il se pourra, ou avec des personnes esquelles vous puissies avoir autant de juste confiance comme en vous mesme.

  A012002800 

 Cependant j'appreuve bien que vous en facies nourrir en la Religion du Puis d'Orbe, en laquelle j'espere que la devotion va refleurir bien tost a bon escient, et je veux que vous cooperies a cette intention.

  A012002800 

 Je sçai que vous aves les Epistres de saint Hierosme en françois: voyés celle qu'il escrit de Pacatula, et les autres pour la nourriture des filles; elles vous recreeront.

  A012002801 

 Je voy que vous deves deux mille escuz: le plus que vous pourres, hastes-en le payement, et gardés sur tout de retenir rien de personne, tant qu'il vous sera possible.

  A012002802 

 Pour le sixiesme point, j'appreuve que vous partagies vostre sejour aupres de monsieur vostre pere et de monsieur vostre beau pere, et que vous vous exercies a procurer le bien de leur ame a la façon des Anges, comme j'ay dit.

  A012002802 

 Sans doute que l'hyver vous sera plus propre a Dijon..

  A012002802 

 Taschés de [361] vous rendre tous les jours plus aggreable et humble a l'un et l'autre des peres, et procurés leur salut en esprit de douceur.

  A012002803 

 Il vous monstrera la lettre, je n'en doute point; aydés-le a l'entendre et a la prattiquer..

  A012002804 

 Vous luy deves une grande charité a l'acheminer a une fin heureuse, et nul respect ne vous doit empescher de vous y employer avec une humble ardeur, car c'est le premier prochain que Dieu vous oblige d'aymer; et la premiere partie que vous deves aymer en luy c'est son ame, et en son ame, la conscience, et en la conscience, la pureté, et en la pureté, l'apprehension du salut eternel.

  A012002805 

 En fin, que voules vous plus? pere, frere, oncle, enfans, tout cela m'est infiniment a cœur..

  A012002806 

 Pour le septiesme point, de l'esprit de liberté, je vous diray que c'est.

  A012002806 

 Vous entendres aysement ce que je veux dire si Dieu me donne la grace de vous proposer les marques, signes, effectz et occasions de cette liberté..

  A012002809 

 Exemple: Une ame qui s'est attachee a l'exercice de la meditation, interrompés la, vous la verres sortir avec du chagrin, empressee et estonnee.

  A012002812 

 Il me reste a vous dire deux ou trois exemples de cette liberté, qui vous feront mieux connoistre ce que je ne sçay pas dire.

  A012002812 

 Mais premierement il faut que je vous die qu'il faut observer deux regles pour ne point chopper en cet endroit.

  A012002814 

 Maintenant je veux que vous consideries le Cardinal Borromee qu'on va canoniser dans peu de jours.

  A012002817 

 Mais je vous veux præsenter un soleil au pris de tout cela, un vray esprit franc et libre de tout engagement, et qui ne tient qu'a la volonté de Dieu.

  A012002819 

 N'est ce pas trop? mais mon esprit court plus viste que je ne veux, porté de l'ardeur de vous servir..

  A012002820 

 Pour le huitiesme point, resouvenes vous du jour du bienheureux Roy saint Louïs, jour auquel vous ostastes de rechef ou de nouveau la couronne de vostre royaume a vostre propre esprit pour la mettre aux pieds du Roy Jesus; jour auquel vous renouvelastes vostre jeunesse comme l'aigle, vous plongeant dans la mer de la pœnitence, jour fourrier du jour æternel pour vostr'ame.

  A012002820 

 Resouvenes vous de faire estat que tout le passé n'est rien et que tous les jours il [367] vous faut dire avec David: Tout maintenant je commence a bien aymer mon Dieu.

  A012002820 

 Resouvenes vous que sur les grandes resolutions que vous declairastes de vouloir estre toute a Dieu de cors, de cœur, d'esprit, je dis Amen de la part de toute l'Eglise nostre mere, et a mesme tems la Sainte Vierge, avec tous les Anges et Bienheureux, firent retentir au Ciel leur grand Amen et Alleluya.

  A012002821 

 Je vous donne ce Saint pour vostre special patron pour toute cett'annee; vous l'aures devant vos yeux avec les autres sus nommés.

  A012002821 

 L'annee qui vient, sil plait a Dieu, je vous en donneray un autre, apres que vous aures bien proffité en l'escole de cettuyci..

  A012002822 

 Pour le neufviesme point, croyes de moy deux choses: l'une, que Dieu veut que vous vous servies de moy, et n'en doutes point; l'autre, que en ce qui sera pour vostre salut, Dieu m'assistera de la lumiere qui me sera necessaire pour vous servir; et, quand a la volonté, il me l'a des-ja donnee si grande qu'elle ne peut l'estre d'avantage.

  A012002823 

 Je vous demande trois Chapeletz pour son repos, asseuré que je suis que [368] sil m'eut survescu il m'eut procuré une charité pareille vers tous ceux ou il eut eu credit..

  A012002824 

 Dieu le veuille, ma tres chere Seur, mais pour mon regard je ne voy rien devant mes yeux qui me puisse faire esperer d'avoir liberté d'aller de dela; je vous en dis la rayson en confiance estant a Saint Claude.

  A012002824 

 Et a vostre premier loysir, escrives-moy l'histoire de vostre porte de saint Claude, et croyés que ce n'est point par curiosité que je la vous demande..

  A012002824 

 Je suis icy lié pieds et mains; et pour vous, ma bonne Seur, l'incommodité du voyage passé ne vous estonne-elle point? Mais nous verrons entre cy et Pasques ce que Dieu voudra de nous; sa sainte volonté soit tousjours la nostre.

  A012002824 

 Je vous prie de benir Dieu avec moy des effectz du voyage de Saint Claude; je ne vous les puis dire, mais ilz sont grans.

  A012002824 

 Vous m'escrives en un endroit de vostre lettre en façon qu'il semble que vous tenes pour resolu que nous nous reverrons un jour.

  A012002825 

 Aydes-la et la visites par lettres; Dieu vous en sçaura gré.

  A012002825 

 J'ay esté consolé de voir que vous appelles de si bon cœur Madame du Puis d'Orbe seur; c'est une grand'ame, si ell'est bien assistee, et Dieu se servira d'elle a la gloire de son nom.

  A012002825 

 Je la veux pourtant finir, vous demandant une grand'assistence de vos prieres; et que j'en suis necessiteux! Je ne prie jamais sans vous avoir pour une partie du sujet de mes supplications; je ne salue jamais mes Anges que je ne salue le vostre; rendes moy la pareille, et vostre Celse Benine aussi, pour lequel je prie tous-jours et pour toute vostre compaignie.

  A012002825 

 Ma mere vous est tellement acquise que rien plus.

  A012002825 

 Si je me veux croire je ne finiray [369] point cette lettre, escritte sans autre soin que de vous respondre.

  A012002906 

 Monsieur, j'ay veu que la lettre qu'il a pleu a Son Altesse m'envoyer estoit sortie de vostre main, qui m'a fait croire que je devoys vous supplier de prendre en protection mon droit pour ce sujet, comme je vous supplie bien humblement, me resouvenant que vous m'aves fait l'honneur de m'aimer il y a long tems, et me promettant la mesme faveur encor maintenant que je suis,.

  A012002940 

 Je diray ce que je pourray tumultuayrement, et sil me reste quelque chose apres cela, je vous l'escriray dans bien peu de tems par homme de connoissance qui va a Dijon et revient..

  A012002940 

 Je suis seulement en peyne si je pourray tirer de la presse de mes affaires le loysir quil faut pour vous respondre si tost comme je desire et si bien comme vous attendés.

  A012002941 

 C'est asses dit une fois pour toutes: ouÿ, Dieu m'a donné a vous; je dis uniquement, entierement, irrevocablement..

  A012002941 

 Je vous remercie de la peyne que vous aves prise a me desduire l'histoire de vostre porte de saint Claude, et prie ce beni Saint, tesmoin de la sincerité et integrité de cœur avec laquelle je vous cheris en Nostre Seigneur et commun Maistre, quil impetre de sa sainte bonté l'assistence du Saint Esprit qui nous est necessaire pour bien entrer au repos du tabernacle de l'Eglise.

  A012002942 

 Car, puisque vous voules oster les quatorse mille francz a celuy a qui ilz avoyent esté donnés pour le faire transiger, il est bien raysonnable que la transaction quil a faitte pour les avoir soit aussi gastee.

  A012002942 

 Pour vostre proces, je vous diray qu'en ayant conferé avec un des excellens hommes qui vivent, affin quil m'aydast a m'en bien esclarcir, j'ay rencontré, ce me semble, le nœud de l'affaire pour vous bien et solidement conseiller pour nostre ame, qui est a Dieu et delaquelle, pour l'amour d'icelluy, il nous faut estre fort jaloux.

  A012002942 

 Vous voules reprendre ce que vous luy avés donné, qui est la somme de 14000 francz; rendes luy aussi ce que vous avés de luy a cette consideration, qui est la cession de cette succession.

  A012002943 

 C'est pourquoy, en ayant conferé avec des personnes entendantes au mestier et consciencieuses, desquelles vous ne manques pas a Dijon, si mon opinion n'est pas jugee bonne ne la suivés pas, mais la leur, car je le desire ainsy, bien que j'espere que j'auray bien deviné, selon la proposition que vous m'en avés faitte.

  A012002943 

 En cette façon je ne voy pas quil y ait rien a craindre pour nostre chere ame, car vous ne luy faites nul tort de reprendre ce que vous luy aves donné, luy rendant ce quil vous a donné.

  A012002943 

 Prenes garde, en la poursuite du proces, de ne point relascher de la pure et entiere charité du prochain, et faittes les sollicitations religieusement; et, moyennant cela, ne vous laysses nullement inquieter d'aucun scrupule, car il ni a nul danger..

  A012002944 

 Je ne vous diray plus rien du doute que vous avies si Dieu vouloit ou ne vouloit pas ce qui se passa a Saint Claude; car, puisque sa bonté s'est inclinee jusques aux aureilles de vostre cœur pour s'en declairer a vous, il n'est plus quæstion que vous en douties.

  A012002945 

 C'est bien dit, ma chere Fille, vous vous exprimés bien; Je ne sçai si je vous entens bien.

  A012002945 

 C'est une certaine impuissance, ce me dites vous, des facultés ou parties [382] de vostre entendement qui l'empesche de prendre le contentement de la consideration du bien, et, ce qui vous fasche le plus, c'est que, voulant lhors prendre resolution, vous ne sentes point la solidité accoustumee, ains vous rencontrés une certaine barriere qui vous arreste tout court; et de la vient le torment des tentations de la foy.

  A012002945 

 Je le souhaitte infiniment et l'en supplie, affin que je vous puisse dire quelque chose bien a propos.

  A012002945 

 Vous adjoustés que neanmoins la volonté, par la grace de Dieu, ne veut que la simplicité et fermeté en l'Eglise, et que vous mourries volontiers pour la foy d'icelle..

  A012002946 

 Ces deux enfans en un mesme ventre s'entrebattent comm'Esau et Jacob; c'est pour quoy Rebecca s'ecrie: M'estoit il pas mieux de mourir que de concevoir avec tant de douleurs? De ces convulsions s'ensuit un certain degoustement qui fait que vous ne savoures pas les meilleures viandes.

  A012002946 

 Croyes-moy, ce n'est que le goust qui vous manque, ce n'est pas la veüe.

  A012002946 

 De l'autre costé, vous aves l'amour de Dieu, qui est conceu apres et est puisné; il a aussi ses mouvemens, inclinations, passions, actions.

  A012002946 

 Il vous semble que vos resolutions sont sans force par ce qu'elles ne sont pas [383] gaÿes ni joyeuses, mais vous vous trompés, car l'Apostre saint Paul bien souvent n'en avoit que de cette sorte-la.

  A012002946 

 Mais que vous importe-il de savourer ou ne savourer pas, puis que vous ne laissés pas de bien manger? Sil me failloit perdre l'un des sentimens, je choysirois que ce fut le goust, comme moins necessaire, voire mesme que l'odorat, ce me semble.

  A012002946 

 Vous aves deux peuples au ventre de vostre esprit, comm'il fut dit a Rebecca; l'un combat contre l'autre, mais en fin le plus jeune surmontera l'aisné.

  A012002946 

 Vous voyes, mais sans contentement; vous maschés le pain comme si c'estoyent des estouppes, sans goust ni saveur.

  A012002947 

 Il y a quelque chose en moy, ce dites vous, qui n'a jamais esté satisfait, mais je ne sçaurois dire que c'est.

  A012002947 

 Je crains infiniment que vous n'ayes un petit trop d'ardeur a la proÿe, que vous ne vous empressies et multipliies les desirs un petit trop dru.

  A012002947 

 Je le voudrois bien sçavoir, ma chere Fille, pour vous le dire; mais j'espere qu'un jour, vous oyant a loysir, je l'apprendray.

  A012002947 

 L'oyseau attaché sur la perche se connoit attaché et sent les secousses de sa detention et de son engagement seulement quand il veut voler; et tout de mesme, avant qu'il aye ses aisles il ne connoit son impuissance que par l'essay du vol. Pour un remede donques, ma chere Fille, puisque vous n'aves pas encor vos aysles pour voler et que vostre propre impuissance met une barriere a vos effortz, ne vous debattes point, ne vous empressés point pour voler; ayes patience que vous ayes des aisles pour voler comme les colombes.

  A012002947 

 Vous ne vous sentes pas ferme, constante, ni bien resolue.

  A012002947 

 Vous voyes la beauté des clartés, la douceur des resolutions; il vous semble que presque presque vous les tenes, et le voysinage du bien vous en suscite un appetit demesuré, et cet appetit vous empresse et vous fait eslancer, mais pour neant; car le Maistre vous tient attachee sur la perche, ou bien vous n'aves pas encor vos aisles, et ce pendant vous amaigrisses par ce continuel mouvement du cœur et alanguisses continuellement vos forces.

  A012002948 

 Cest empressement donques est un defaut en vous, et c'est ce je ne sçai quoy qui n'est pas satisfait, car c'est un defaut de resignation.

  A012002948 

 Examines bien vostre procedure en cet endroit; peut estre verres vous que vous bandes trop vostr'esprit au [384] desir de ce souverain goust qu'apporte a l'ame le ressentiment de la fermeté, constance et resolution.

  A012002948 

 Or sus, arrestes vous, ne vous empresses point; vous verres que vous vous en treuveres mieux et vos aisles s'en fortifieront plus aysement.

  A012002948 

 Sçavés vous ce quil faut faire? Il faut prendr'en gré de ne point voler, puisque nous n'avons pas encor nos aisles..

  A012002948 

 Vous aves la fermeté, car qu'est ce autre chose fermeté que vouloir plus tost mourir qu'offencer ou quitter la foy? mais vous n'en aves pas le sentiment, car si vous l'avies vous auries mille joÿes.

  A012002948 

 Vous avés tout ce quil faut, mais vous n'en avés nul sentiment; il ni a pas grande perte en cela.

  A012002948 

 Vous vous resignes bien, mais c'est avec un mais; car vous voudries bien avoir ceci et cela, et vous debates pour l'avoir.

  A012002949 

 Or sus, sil vous failloit mourir sans boire de l'eau de la Samaritaine, et qu'en seroit ce pour cela, pourveu que nostr'ame fut receue a boire æternellement en la source et fontaine de vie? Ne vous empresses point a des vains desirs, et mesme ne vous empresses pas a ne vous empresser point.

  A012002949 

 Vous me faites resouvenir de Moyse.

  A012002950 

 Saches, ma tres chere Seur, que je vous escris ces choses avec beaucoup de distractions, et que si vous les treuves embrouïllees ce ne sera pas merveille, car je le suis moymesme, mais, Dieu merci, sans inquietude.

  A012002950 

 Voules vous connoistre si je dis vray que le defaut qui est en vous c'est de cett'entiere resignation? Vous voules bien avoir une croix, mais vous voules avoir le choix; vous la voudries commune, corporelle et de telle ou telle sorte.

  A012002951 

 Or sus, ma Seur, ma Fille, mon ame (et ceci n'est pas trop, vous le sçaves bien), dites moy, Dieu n'est il pas meilleur que l'homme? mais l'homme n'est il pas un vray neant en comparaison de Dieu? Et neanmoins voyci un homme, ou plustost le plus vray neant de tous les neans, la fleur de toute la misere, qui n'ayme rien moins la confiance que vous aves en luy, encor que vous en ayes perdu le goust et le sentiment, que si vous en avies tous les senti mens du monde; et Dieu n'aura-il pas aggreable vostre volonté bonne, encor qu'elle soit sans nul sentiment? Je suis, disoit David, comm'une vessie sechee a la fumee du feu, qu'on ne sçauroit dire a quoy elle peut servir.

  A012002952 

 Est il pas bon a vostre advis? Il me semble que cette vicissitude vous le rend bien savoureux.

  A012002952 

 J'appreuve neanmoins que vous remonstriés a [386] nostre doux Sauveur, mais amoureusement et sans empressement, vostre affliction, et, comme vous dites, qu'au moins il se laisse treuver a vostre esprit; car il se plait que nous luy racontions le mal qu'il nous fait et que nous nous plaignions de luy, pourveu que ce soit amoureusement et humblement, et a luy mesme, comme font les petitz enfans quand leur chere mere les a fouettés.

  A012002952 

 Mais avec tout cela vous n'estes pas encor au pais ou il ni a point de jour, car vous aves le jour par fois et Dieu vous visite.

  A012002953 

 Ce Seigneur sçait si j'ay jamais communié sans vous des mon despart de vostre ville... Dieu veut que je le serve en souffrant les sterilités, les angoisses, les tentations, comme Job, comme saint Paul, et non pas en preschant.

  A012002953 

 Les livres que vous lires demi heure sont Grenade, Gerson, la Vie de Jesus Christ mise en françois, du latin de Ludolphe Chartreux, la Mere Therese, le Traitté de l'Affliction, que je vous ay marqué en la precedente lettre.

  A012002953 

 Servés Dieu comme il veut; vous verres qu'un jour il fera tout ce que vous voudres et plus que vous ne sçauries vouloir.

  A012002954 

 Cela donq s'entend en observant la vraye discretion, et, en ce cas la, ce n'est [387] non plus que de dire que vous aymeres bien Dieu et vous accommoderes a vivre, dire, faire et donner selon son gré..

  A012002954 

 La promesse que vous fistes a Nostre Seigneur de ne jamais rien refuser de ce qui vous seroit demandé en son nom, ne vous sçauroit obliger sinon a le bien aymer; c'est a dire que vous pourries l'entendre en telle façon que la prattique en seroit vicieuse, comme si vous donnies plus qu'il ne faut et indiscretement.

  A012002955 

 Je garde les livres des Psaumes, et vous remercie de la musique, en laquelle je n'entens rien du tout, bien que je l'ayme extremement quand elle est appliquee a la louange de Nostre Seigneur..

  A012002956 

 Vrayement, quand vous voudres que je depesche et que je treuve du loysir sans loysir pour vous escrire, envoyés moy ce bon homme [Rose]; car, sans mentir, il m'a pressé si extremement que rien plus, et ne m'a point voulu donner de relasche, pas seulement d'un jour; et vous dis bien que je ne voudrois pas estre juge en un proces duquel il fust solliciteur..

  A012002957 

 Je veux bien neanmoins vous defendre de m'appeller Monseigneur; car encor que c'est la coustume de deça d'appeller ainsy les Evesques, ce n'est pas la coustume de dela, et j'ayme la simplicité..

  A012002958 

 La Messe de Nostre Dame que vous voules vouer pour toutes les semaines le pourra bien estre, mais je desire que ce ne soit que pour une annee, au bout de laquelle vous revoüeres, s'il y eschoit; et commencés le jour de la Conception Nostre Dame, jour de mon sacre, et auquel je fis le grand et espouvantable vœu de la charge des ames et de mourir pour elles s'il estoit expedient.

  A012002959 

 J'attens de pied coy une grande tempeste, comme je vous ay escrit au commencement, et pour mon particulier, mais joyeusement; et, regardant en la providence de Dieu, j'espere que ce sera pour sa plus grande gloire et mon repos, et beaucoup d'autres choses.

  A012002959 

 Je n'ay observé ni ordre ni mesure a vous respondre; mais ce porteur m'en a levé le moyen.

  A012002959 

 Mais pourquoy vous dis-je [388] ceci? Et pour ce que je ne m'en sçaurois empescher; il faut que mon cœur se dilate avec le vostre comme cela; et puisqu'en cett'attente j'ay de la consolation et de l'esperance de bonheur, pourquoy ne vous le dirois-je pas? mais a vous seule, je vous prie..

  A012002960 

 Item, resouvenes vous de vous comporter avec un grand respect et honneur en tout ce qui regardera le bon Pere spirituel que vous sçavés; et mesme traittant avec ses disciples et enfans spirituelz, quilz ne reconnoissent que la vraye douceur et humilité en vous.

  A012002960 

 Resouvenes vous de prier pour ma Geneve, affin que Dieu la convertisse.

  A012002960 

 Si vous recevies quelques reproches, tenes vous douce, humble, patiente et sans autre mot que de vraye humilité, car il le faut..

  A012002965 

 Je suis si pressé que j'ay transposé les pages, mais vous les remettres par la marque.

  A012002965 

 Ma mere malade vous salue humblement et vous offre son tres humble service et de toute sa mayson.

  A012002967 

 J'adjouste ce matin, jour sainte Cecile, que le proverbe tiré de nostre saint Bernard: L'enfer est plein de bonnes volontés ou desirs, ne vous doit nullement troubler.

  A012002968 

 Nostre Seigneur vous veuille donner la perpetuelle assistence de son Saint Esprit, ma Seur et Fille tres aymee..

  A012002980 

 Nostre Seigneur vous veuille donner son Saint Esprit, pour faire et souffrir toutes choses selon sa volonté.

  A012002980 

 Vostre homme [Rose] me presse si fort de le depescher que je ne sçai si je pourray vous respondre entierement; au moins vous diray je quelque chose, selon que Dieu m'en donnera la grace..

  A012002981 

 Pour moy, ma chere Seur et Fille, ne doutés nullement, vous ne sçauries m'estre importune; et si Nostre Seigneur m'avoit autant donné de liberté et de commodité de vous assister commne j'en ay de volonté et d'affection, vous ne me verries jamais las de vous servir a la gloire de Dieu, car jo suis pleinement vostre, et vous ne sçauries avoir trop d'asseurance de moy pour ce regard..

  A012002981 

 Tous vos degoustemens ne m'estonnent point; ilz cesseront un jour, Dieu aydant, et si bien vous aves donné peu de satisfaction a ce bon Pere, [390] je m'asseure qu'il ne s'en troublera point; car je le tiens pour capable de connoistre les divers accidens d'une ame qui commence a cheminer au chemin de Dieu.

  A012002982 

 Touchant la meditation, je vous prie de ne point vous affliger si parfois, et mesme bien souvent, vous n'y estes pas consolee; mais poursuivés doucement et avec humilité et patience, sans pour cela violenter vostre esprit, Serves-vous du livre quand vous verres vostre esprit las; c'est a dire lises un petit et puis medités, et puis relises encor un petit et puis medités, jusques a la fin de vostre demie heure.

  A012002983 

 Pour le coucher je ne changeray point d'opinion, s'il vous plait; mais si le lict vous desplait et que vous n'y puissies pas tant demeurer que les autres, je vous permettray bien de vous lever une heure plus matin; car, ma chere Seur, il n'est pas croyable combien les longues veilles du soir sont dangereuses et combien elles debilitent le cerveau.

  A012002983 

 Tous vos autres exercices vous les continueres en la façon que je vous les ay marqués.

  A012002984 

 Ce ne sera pas sans des douleurs extremes; mais mon Dieu, quel sujet est-ce que sa bonté vous donne de probation en ses commandemens! O courage, ma chere Seur; [391] nous sommes a Jesus Christ, voyla qu'il vous envoye ses livrees.

  A012002984 

 O quel honneur! Il a choysi pour luy ces sortes de faveurs, et les a tant cheries qu'il les a portees en Paradis; et voyla qu'il vous en fait part..

  A012002985 

 Comme s'il disoit: Si un autre que vous, o mon Dieu, m'avoit envoyé cette affliction, je ne l'aymerois pas, je la rejetterois; mais puisque c'est vous, je ne dis plus mot, je l'accepte, je la reçois, je l'honnore..

  A012002985 

 David affligé disoit a Nostre Seigneur: J'ay fait le muet et n'ay dit mot, parce que c'est vous, o mon Dieu, qui m'aves fait ce mal que je souffre.

  A012002985 

 Et vous me dites que vous me laisses a penser comme vous servires Dieu pendant le tems que vous seres sur le lict! Et suis content d'y penser, ma bonne Fille.

  A012002985 

 Et voyla donques le service que vous feres a Dieu sur vostre lict: vous souffrires et offrires vos souffrances a sa Majesté.

  A012002985 

 Il sera sans doute avec vous en cette tribulation, et vous consolera.

  A012002985 

 Sçaves vous ce que je pense? A vostre advis, ma chere Seur, quand fut-ce que nostre Sauveur fit le plus grand service a son Pere? Sans doute que ce fut estant couché sur l'arbre de la croix, ayant pieds et mains percés; ce fut la le plus grand acte de son service.

  A012002985 

 Voyla vostre croix qui vous arrive: embrassés-la, et la caressés pour l'amour de Celuy qui vous l'envoye.

  A012002986 

 Je le dois, je le feray, et seray en esprit pres de vous pendant tout vostre mal; non, je ne vous abandonneray point.

  A012002986 

 Ne doutés point que je ne prie fort Nostre Seigneur pour vous, affin qu'il vous face part de sa patience, puisqu'il luy plait vous faire part de ses souffrances.

  A012002986 

 Prenes tous les jours une goutte ou deux du sang qui distille des playes des pieds de Nostre Seigneur et le faites passer par la meditation, et avec imagination trempés reveremment vostre doigt en cette liqueur et l'appliqués sur vostre mal, avec l'invocation du doux nom de Jesus, qui [392] est un huyle respandu, disoit l'Espouse aux Cantiques, et vous verrés que vostre douleur s'amoindrira..

  A012002987 

 L'obeissance que vous rendres au medecin sera infiniment aggreable a Dieu, et mise en conte au jour du jugement..

  A012002987 

 Pendant ce tems la, ma chere Fille, dispenses vous de l'Office pour tous les jours que les medecins vous le conseilleront, encor qu'il vous semblera que vous n'en ayes pas besoin: je vous l'ordonne comme cela au nom de Dieu.

  A012002987 

 Si ces lettres vous arrivent avant le coup, faites chercher par tout le Traitté de Cacciaguerre, De la Tribulation, et le lises pour vous preparer; si moins, faites-le vous lire paysiblement a quelqu'une de vos plus devotes pendant que vous seres au lict, et croyes moy, cela vous soulagera incroyablement.

  A012002988 

 Je ne puis vous envoyer maintenant l'escrit de la Communion, car vostre homme me presse trop.

  A012002988 

 Je vous l'envoyeray bien tost, car j'en auray commodité; mays ce pendant vous treuveres dans Grenade tout ce qui est requis, et dans la Prattique spirituelle.

  A012002988 

 Ma chere Seur, il faut tous-jours faire comme cela, et Dieu sera glorifié en vous..

  A012002988 

 O que j'ay esté consolé de voir que vous aves franchi toutes difficultés pour faire tout ce que je vous escrivis touchant vos vœux et la Confession.

  A012002989 

 Pendant que je vous penseray affligee dans le lict, [393] je vous porteray (mais c'est a bon escient que je parle), je vous porteray une reverence particuliere et un honneur extraordinaire, comme a une creature visitee de Dieu, habillee de ses habitz et son espouse speciale.

  A012002989 

 Vous aures tres souvent de mes lettres et a toute occasion.

  A012002990 

 O jambe laquelle estant bien employee vous portera plus avant au Ciel que si elle estoit la plus saine du monde! Le Paradis est une montaigne a laquelle on s'achemine mieux avec les jambes rompues et blessees qu'avec les jambes entieres et saines..

  A012002990 

 Quand vous aures la jambe percee, dites a vos ennemis la parole du mesme Apostre: Au demeurant, que nul ne me vienne plus fascher ni troubler, car je porte les marques et signes de mon Seigneur en mon cors.

  A012002990 

 Vous ne sçaves pas dequoy les Anges nous portent envie.

  A012002991 

 Il n'est pas bon de faire dire les Messes dans les chambres; adorés des le lict Nostre Seigneur a l'autel et contentes vous.

  A012002991 

 Mais je suis bien d'advis que vous communiies tous les Dimanches et bonnes festes au lict, autant que les medecins vous le permettront: Nostre Seigneur vous visitera volontier au lict de l'affliction..

  A012002992 

 Je l'accepte de tout mon cœur, et vous prometz que j'auray le soin de vous que vous desires, autant que Dieu m'en donnera de force et de pouvoir.

  A012002992 

 Je prie sa divine Majesté qu'il vous comble de ses graces et benedictions, et toute vostre Mayson.

  A012002992 

 [394] Dieu soit eternellement beni et glorifié sur vous, en vous et par vous.

  A012002996 

 Demandés en ce tems la a Dieu les vertuz qui vous seront plus necessaires..

  A012002996 

 Je vous supplie qu'il vous plaise faire recommander a Dieu un bon œuvre que je souhaitte voir accompli, et sur tout de le recommander vous mesme pendant vos tourmens; car en ce tems la, vos prieres, quoy que courtes et de cœur, seront infiniment bien receuës.

  A012003005 

 Je loüe Dieu de tout mon cœur de voir en vostre lettre le grand courage que vous aves de vaincre toutes les difficultés pour estre vrayement et saintement devote en vostre vocation.

  A012003005 

 Tenés ferme en ce train, et ne vous laisses nullement esbranler en cette resolution..

  A012003006 

 Et bien, il faut retendre l'arc et recommencer avec tant plus de soin; mais une autre fois il ne faut pas que les chams vous apportent cette incommodité.

  A012003006 

 Vous aves, ce me dites vous, un peu relasché de vos exercices aux chams.

  A012003006 

 [395] Vous aves maintenant le petit escrit de la meditation, prattiqués le en paix et repos..

  A012003007 

 Je prie Nostre Seigneur qu'il vous donne une singuliere assistence en son Saint Esprit, affin que vous le servies de cœur et d'esprit selon son bon playsir.

  A012003007 

 Pardonnés moy, ma chere Dame, si je trousse un peu plus court ma lettre que vous ne desireries; car ce bon homme Rose me tient tellement au collet pour le faire depescher qu'il ne me donne pas le loysir de pouvoir escrire.

  A012003007 

 Priés-le pour moy, car j'en ay besoin, et jamais je ne vous oublie en mes foibles oraysons..

  A012003008 

 Si monsieur vostre mary ne me tient pas pour son serviteur il a bien tort, car je le suis tres asseurement, et de tout ce qui vous appartient..

  A012003009 

 Dieu soit a jamais avec vous et en vostre cœur.

  A012003020 

 Cettuici aussi ne me donne pas loysir d'escrire qu'a vous..

  A012003020 

 Je ne puis laisser partir aucun messager d'ici qui s'en aille de dela sans luy donner de mes lettres, et au moins pour vous.

  A012003021 

 Despuis le despart de vostre homme j'ay feuilleté tous les escritz que vous m'avies envoyés, et ni ay rien treuvé qui ne soit bien bon, sinon le point qui regarde la confession, ou il est dit quil faut tous-jours changer de [396] confesseur.

  A012003021 

 Tenes vous donques a vostre confesseur sans contrainte, et quand pour quelque sujet il le faudra changer, que ce soit sans dissolution..

  A012003022 

 Je n'ay pas loysir de vous en dire autre chose..

  A012003023 

 C'est pour respondre a la petite marque que vous avés mis en marge.

  A012003023 

 Je voy la dedans, ma tres chere Fille, que vous aves tout laissé a Dieu, pour estre exercee par toutes sortes d'aridités, tentations et secousses selon son bon playsir: resouvenés vous en bien.

  A012003023 

 Mais voyla que vous me dirés: C'est que les testamens n'ont point d'effect que par la mort du testateur.

  A012003023 

 Mon Dieu, que vous estes obligee a l'amour de sa divine bonté! Sans doute, toutes choses bien considerees, il vous a esté expedient d'estre conduite par ou vous aves esté conduite jusques a present; mais [397] jusques a present.

  A012003024 

 Si cet homme ne passoit a Geneve je vous eusse renvoyé tous vos papiers; mais je craindroys quil ne fut recherché la dedans, et qu'ilz les voulussent voir et s'en mocquassent, comm'ilz ont accoustumé de faire des choses qui ne sont pas a leur goust.

  A012003025 

 J'attens tous les jours un assault, comme je vous escrivois par la derniere, mais il ne sçait venir.

  A012003026 

 Ma chere Seur et ma Fille, tous les jours je donne vostre cœur a Dieu avec celuy de son Filz en la sainte Messe; donnes luy le mien, et je vous advoüeray au jour du jugement.

  A012003030 

 Je veux bien que vous communiquies mes advis qui regardent vostre conscience avec vostre confesseur, mais nompas mes lettres qui sont un petit trop naifves et [398] cordiales pour estre veües par des yeux autres que bien simples, et respondans a mon intention toute franche et ronde en vostre endroit..

  A012003047 

 Je prie Nostre Seigneur quil vous donne abondamment l'assistence de son Saint Esprit, et suis,.

  A012003047 

 Je vous envoye l'original que vous avés desiré de moy, avec quelques autres papiers qui regardent le mesme sujet, et ne sçai pourquoy les scindiques de Thonon prenent ce biais de nier une chose si claire et quilz ne peuvent ignorer.

  A012003065 

 C'est pourquoy je luy ay donné advis de passer jusques a vous, Monsieur, qui jugeres de sa proposition, laquelle, a ce quil m'a dit, il n'a communiqué a homme du monde que a moy, qui ne l'ay pas bien entendue..

  A012003066 

 J'attens que le P. Recteur aille aupres de vous, Monsieur, pour vous esclarcir sur le sujet de vostre lettre dont il vous pleut m'honnorer, et cependant je suis pour toute ma vie,.

  A012003084 

 J'ay receu vostre lettre par les mains de ce mesme porteur, duquel le droit sera conservé fort soigneusement, non seulement pour le devoir que j'ay de rendre cet office a tous ceux de ce diocæse, mais aussi pour la recommandation que vous m'en faites, laquelle aura tous-jours autant de pouvoir sur moy que null'autre.

  A012003084 

 Si monsieur le Præsident eüt esté icy, j'eusse sur le champ essayé de faire ce que vous desirés de moy vers luy, comme je le feray, Dieu aydant, tout aussi tost quil sera de retour de Chamberi qui sera, comm'il m'escrit, aux Rois..

  A012003085 

 Je ne voy l'heure en laquelle je me rendray au pres de vous et de vostre ville, pour le contentement que j'en prætens.

  A012003085 

 Le vous puisse je rendre en quelque façon reciproque, et je l'espere de la bonté de Dieu, lequel je supplie de tout mon cœur vous donner bon commencement, meilleur progres et tres bonne fin de cette nouvelle annee qui nous arrive.

  A012003085 

 Son Saint Esprit veuille tous-jours vous consoler de ses benedictions, avec madame ma bonne tante et seur, et toute vostre suitte; et je suis de tres grand'affection,.

  A012003114 

 C'est pour vous obeir que je vous envoye ce pauvre escrit, lequel, pour la plus grande partie de ses pointz, vous sera inutile.

  A012003114 

 Je vous confesse que je n'ay point de scrupule de me desregler de mon reglement quand c'est le service de mes brebis qui m'occupe, car alhors il faut que la charité soit plus forte que nos propres inclinations, pour bonnes que nostre amour propre nous les face voir; et, en faysant cet escrit que je vous envoye, mon dessein a esté, non de me gesner, mais ouÿ bien de me regler, sans m'obliger a aucun scrupule de conscience, car Dieu me fait la grace d'aymer autant la tressainte liberté d'esprit que haïr la dissolution et le libertinage.

  A012003122 

 Aussi ay renversé sans dessus dessous mon entendement et mes livres et ceux de mes amis pour treuver quelque facilitation au dessein que je presageois vous devoir advenir, et ay treuvé que tout est aysé et revient a bien a ceux que Dieu veut tant aymer que de se faire aymer par eux.

  A012003123 

 Je me resoudray encor plus avant de ce que nous aurons a faire et, l'ayant bien dressé par ordre, je vous tesmoigneray que les offres que je vous fis partoyent [d'une] volonté bien asseuree a vostre service.

  A012003123 

 Mais si faut il que je vous die ce mot: le rocher d'Horeb estoit vif et dur; sil jetta de l'eau ce ne fut point par mollesse, ce fut que Dieu le toucha.

  A012003124 

 Courage, Madame; ce seroit une vraye et prodigieuse pusillanimité en un'ame bien nee de quitter une telle resolution que celle que vous aves receu; Dieu, qui vous l'a donnee, ne la retirera jamais si vous ne la chassés.

  A012003137 

 Je vous remercie en toute humilité de la faveur avec laquelle il vous a pleu m'escrire pour me rendre doux et leger le besoin que j'ay, sur mes vieux jours, de mon filz, lequel, puysqu'il trouveroit pardeça plus de guerre qu'il ne luy seroit necessaire pour acquerir de la reputation en sa propre patrie, ne peut avoir autre sujet d'arrester d'avantage a venir me servir que vostre commandement.

  A012003137 

 Je vous supplie donq tres humblement que la mesme bonté avec laquelle il vous plait de favoriser le filz de vostre bienveuillance, vous mette en consideration des necessités de la viellesse du pere, qui, priant Dieu pour vostre santé et prosperité, vous est et sera a jamais, comm'il a tousjours esté et doit estre,.

  A012003137 

 Mays, Monseigneur, vous pouves [405] tousjours avoir tout autant de serviteurs aupres de vous quil vous plaira d'en recevoir, et je ne puis me voir soulagé d'autre filz que de celluy la.

  A012003161 

 Ainsi, non seulement en vertu de votre charge, mais encore par vos immortels mérites, vous aurez droit à la bienheureuse félicité..

  A012003195 

 Je loue donq Dieu qui nous a establi pardeça ceste pierre de refuge; et, pour employer ceste faveur, je vous supplie, Monseigneur, d'avoir aggreable que je luy represente une des plus importantes necessités de ceste Eglise..

  A012003195 

 Me sentant chargé du soin du plus important evesché de tout ce voysinage, ce m'a esté une incroyable consolation d'avoir sceu que vous esties aupres de Sa Majesté, [411] car je ne doutois pas qu'une sayson si pleyne de difficultés ne fit naistre beaucoup d'occasions esquelles ceste pauvre et tant affligee Eglise que Dieu m'a confiee auroit extreme necessité d'ayde et d'appuy; et ne pouvois d'ailleurs souhaitter un appuy et asseurance plus ferme et solide que d'une telle colomne du tressaint Siege Apostolique que vous estes.

  A012003196 

 J'entens un gros bruit qui porte que les Bernois taschent par toutes voyes d'avoir congé de Sa Majesté de se saysir des balliages de Thounon (sic) et Ternier, qui sont de mon diocæse; je me sens obligé en ma conscience de vous representer la dommageable consequence qui s'ensuivroit d'une telle saysie.

  A012003198 

 Entre lesquelz, le plus aspre et dangereux pour elles, pour tous les bons, qui leur peut arriver, seroit celuy duquel il court des-ja certain bruit, venant, a l'adventure, de ceux qui sont ennemis de leur conscience, ennemis de toute l'Eglise tressainte, pour le service delaquelle je supplie le grand Pere de famille de vous conserver longuement, et faire vivre saintement en toute prosperité, selon la volonté de Celuy qui m'en donne une d'estre eternellement.

  A012003198 

 Or, Monseigneur, puysque la providence de Dieu, sans laquelle rien ne se fait icy bas, ouvre aux armes du Roy [413] le passage et chemin a ces balliages, il me semble que je vous dois supplier tres humblement et par les entrailles de Jesus Christ, comme je fais, de prendre en singuliere protection aupreès de Sa Majesté la conservation de ces saintes nouvelles plantes, lesquelles sont autant plus cheres a l'Eglise leur mere, a ceux qui les ont plantees et a Sa Sainteté, qui les a arrousees de tant de bienfaitz, qu'elles sont encor tendres et exposees a beaucoup de vens.

  A012003213 

 Dequoy je me suis d'autant plus res-joüy en Jesus Christ que tout a l'heure j'avois eu advis comme asseuré que l'exercice de l'heresie se devoit restablir a Thonon sous vostre permission; ce que toutefois je ne voulois ni pouvois me persuader, tant pour la ferme creance que j'ay en la franchise avec laquelle vous chemines au service de Dieu, qu'aussi pour les saintes intentions que Sa Majesté tres Chrestienne a touchant ce point, comm'elle me declaira ouvertement estant en ceste ville; sans l'asseurance desquelles j'eusse imploré le credit que nostre Saint Pere a en son endroit, ainsi que je dois et que Sa Sainteté m'a commandé de faire a toutes les occasions qui se presenteront pour le bien de ces nouvelles plantes qui luy sont si cheres.

  A012003213 

 Je viens de recevoir la lettre que vous m'escrivistes a Geneve le XIIII e d'octobre, laquelle, quoy que tard, m'est arrivee fort a souhait pour avoir veu au fin commencement d'icelle que le Roy vous depeschant de dela pour son service, vous commanda de tenir main de tout vostre pouvoir a ce que l'exercice de la religion fut maintenu en son integrité, selon l'ordre et acheminement que j'y avois ci devant donné.

  A012003213 

 Vous m'aves donques infiniment obligé par ceste nouvelle asseurance que vous me faites que tout demeurera en son integrité, [415] sans alteration d'aucun nouveau meslange; dont je vous remercie bien humblement..

  A012003214 

 Et touchant la provision de la cure de Saint Mathieu et doyenné de Vullionnex, que vous desiries de moy en faveur du filz de monsieur le baron du Villars, je vous prie, Monsieur, de faire consideration de l'estat auquel je suis touchant les benefices de ces balliages.

  A012003215 

 Qui me fait vous supplier, Monsieur, de prendre en bonne part si je ne rapporte au contentement de monsieur du Villars ce que vous desiries, puys quil tient au pouvoir que je n'ay plus et non a l'affection, laquelle j'y ay tres entiere, quand ce ne seroit que pour lhonneur que je porteray tous-jours a tout ce qu'il vous plaira me recommander..

  A012003216 

 Ce qu'attendant de tesmoigner par effect quand il plaira a sa divine Bonté m'en donner le pouvoir, je la prieray vous donner, Monsieur, longue et heureuse vie en la benediction de sa sainte grace..

  A012003233 

 J'ay tous-jours porté dans le cœur beaucoup de desir d'aggreer a tous vos semblables, et a vous particulierement des que j'eu le bien de jouir plus famillierement de [417] vostre conversation, au tems que vous me remettes en memoire par vostre lettre; qui me rend autant plus de regret me voyant les mains liees et me treuvant hors de pouvoir au sujet pour lequel vous m'escrives avec tant de courtoisie, et que monsieur de Sanci me recommande si affectionnement, puis que quant a la cure je suis engagé dans l'ordre que j'en ay pieça envoyé au Saint Siege Apostolique, par lequel ell'est unie avec celles de Bernex et de Confignon.

  A012003234 

 Faittes moy donq ce bien, Monsieur, et croyes, je vous prie, qu'en toutes occasions ou j'auray le pouvoir esgal a la volonté vous me rencontreres tous-jours prompt et prest pour le contentement de vos desirs; de quoy je prie Dieu me mettre bien tost en main les occasions et vous donner, Monsieur, heureuse et longue vie en sa grace et protection..

  A012003248 

 Les huguenotz, sachans bien quilz n'oseroyent en vostre præsence user de la violence quilz ont accoustumé d'employer a l'advancement de leur hæresie, ne vous eurent pas si tost perdu de vëue qu'ilz font sortir de Geneve des ministres et autres telles gens, non seulement pour precher publiquement, mais aussi pour honnir et profaner nos eglises, renverser nos autelz et desrobber les cloches et autres meubles sacrés, comm'ilz ont fait a Veyri, Saint Julien et en deux lieux de Chablais, injurians et menaçans les personnes.

  A012003248 

 Soudain que je me suis apperceu de vostre retour es balliages desquelz vous aves le gouvernement, je me suis deliberé de vous faire les plaintes lesquelles pendant vostre absence j'ay esté contraint addresser ailleurs.

  A012003249 

 Il reste, Monsieur, qu'estant maintenant sur les lieux, vous facies prendre une finale resolution ausditz huguenotz et ministres de ne plus nous troubler ni attaquer l'Eglise, soit en ses personnes ou en ses choses.

  A012003249 

 Je sçai ce que vous m'en aves escrit, en quoy [419] je prens toute confiance.

  A012003249 

 Je vous en supplie et conjure par lhonneur et fidelité que vous deves a Jesuschrist, et encor de me donner advis s'il sera besoin que je recoure derechef pour cest effect au Roy, de la bonté et parole duquel je me prometz toute justice, mesmement estant appuyé sur le credit de Sa Sainteté que j'imploreray, resolu que je suis de ne m'espargner en rien pour la bergerie qui m'a esté confiee..

  A012003250 

 Je me tiens asseuré de vostre faveur en ceste occasion, laquelle attendant je prie Dieu quil vous doint, Monsieur, le comble de ses graces et benedictions..

  A012003270 

 Pour toutes ces bonnes fortunes, après Dieu, c'est à vous assurément, Très Saint Père, c'est à vous que reviennent mes très profondes actions de grâces.

  A012003271 

 Je me plais à espérer, Très Saint Père, que, malgré de si délicates difficultés, l'importance de l'entreprise sera de vous justement appréciée, de vous, dis-je, dont l'autorité apostolique collabore en quelque sorte à mon œuvre par une providence générale.

  A012003325 

 Je préviens aussi maintenant Sa Sainteté de mon recours à Votre Seigneurie, et je suis sûr que le zèle et la sollicitude que vous emploierez en cette occasion lui seront très agréables et précieux.

  A012003325 

 Je vous baise humblement les mains, priant Dieu notre Seigneur de vous accorder tout vrai contentement..

  A012003356 

 [432] En vous baisant humblement les mains, je vous souhaite de Dieu notre Seigneur tout vrai contentement..

  A012003388 

 Je la prie vous conserver de longues années pour le bien de la sainte Eglise, et je vous baise humblement les mains..

  A012003419 

 Je voy qu'il est requis de faire la distribution des diesmes ecclesiastiques qui ont esté saysis au balliage de Galliard par vostre authorité, aux pasteurs qui y sont en charge; et par ce que monsieur de Rovinoz, juge du lieu, qui les a saysiz, desireroit avoir vostre commandement pour les lascher, je vous supplie de luy ordonner quil ayt a les delivrer ou faire delivrer entre les mains du sieur chanoyne Gottri, lequel j'y ay deputé œconome, comme de mesme la rente de Colonge sur l'abbaye de Bellerive et autres revenuz ecclesiastiques, affin que, comme je puys prouvoir de pasteurs aux peuples, je puysse aussy prouvoir d'entretenement aux pasteurs, l'un estant necessaire a l'autre..

  A012003420 

 Ce que me promettant de vostre zele et prudence, je prieray Dieu qu'il accroisse en vous ses saintes graces, et demeureray,.

  A012003437 

 Et par ce que je n'en puis esperer sinon ce que le Roy en ordonnera, je vous envoye ce chanoyne de mon Eglise pour apprendre de vous ce que je m'en dois promettre; dequoy je vous prie luy vouloir donner les advis pour me les apporter, et de trouver bonne l'ardeur de mon desir en un affaire qui me doit estre si recommandable, et au succes duquel j'auray l'un de mes plus chers contentemens, et Sa Sainteté encores, laquelle en attend de jour a autre les premieres nouvelles..

  A012003438 

 Je ne vous prieray pas de prester l'ayde de vostre faveur a un si saint souhait, car je sçai que vostre pieté vous y tient tout entierement dedié; mays je prieray bien Dieu quil luy plaise vous maintenir et accroistre en [439] ceste chrestienne et sainte affection, et de me donner le bon heur de pouvoir tesmoigner combien je desire estre,.

  A012003541 

 « Et vous avez tué ceux que vous n'avez pas nourris.

  A012003587 

 Qui Nous faict a present vous dire que n'avez a en faire plus aulcune poursuitte, ains vous en despartir, n'estant nostre intention de en rien prejudicier a ladicte Religion.

  A012003588 

 A tant prions Dieu qu'il vous ait en sa garde.

  A012003603 

 Et pour ne faillir en rien d'y appourter de nostre cousté tout ce qui sera en nostre pouvoir, Nous avons ordonné au President Rochette que tout aussy tost que Nous serons partis, il s'achemine en ces quartiers la pour establir ce qui est necessaire pour l'entretenement des curez, a celle fin que chascun d'eux y puisse faire sa residence pour y exercer religieusement ce qui est de leur charge; a quoy vous tiendrez main et l'y assisterez de tout vostre pouvoir, ainsy que de mesme escripvons a l'Evesque de Geneve..

  A012003603 

 Nous avons veu par vostre lettre du septiesme du present, la devotion que ce peuple a monstré en ce qui est de sa nouvelle conversion; ce qui Nous a appourté un singulier contentement, comme aussy l'esperance que vous avez que le reste en fera de mesme, en quoy Nous nous asseurons que vous vous employerez avec la mesme affection et pieté qu'avez faict par cy devant, avec tant de louange et satisfaction nostre.

  A012003604 

 Quant a l'establissement de la Maison de vertu ou Refuge de Thonon, mise en avant par le Pere Cherubin a Romme, vous en traicterez avec ledict President, et par ensemble avec ledict Evesque, vous adviserez de ce qui est necessaire que faisions pour icelle; et Nous en envoyerez les memoires pour, sur icelles, y faire les dheues considerations et y prendre la resolution que verrons estre convenable..

  A012003605 

 Et touchant le sieur d'Avully, de Vallon et Dame du Four, Nous treuvons tres raisonnable ce que vous en escripvez, et ne leur sera rien innové qu'au preallable ilz n'ayent leur recompense..

  A012003606 

 A tant prions Dieu qu'il vous ait en sa garde..

  A012003619 

 Cecy je dis a l'occasion de quelques mauvaises relations qu'ont esté faictes a Sa Sainteté, qu'ont besoin de vostre soustien par le moyen d'une bien ample attestation qu'il faut que vous Nous envoyez de l'estat auquel vous avez veu vostre diocese auparavant les guerres en ce que concerne le spirituel; mais particullierement en combien d'endroictz l'on y frequentoit l'exercice de la religion pretendue reformee, et par combien de ministres elle y estoit divulguee et maintenue, et si des le commencement des guerres, l'on y a remis les cures et planté heureusement la religion Catholique et Apostolique, Romaine, et abolly ledict exercice de pretendue religion jusques sur les portes de Geneve ou, par tous les lieux, l'on celebre la sainte Messe.

  A012003619 

 Et d'aultant qu'il faut faire le boclier de ladit'attestation contre ce que l'on a donné a entendre a Sa Sainteté, il est necessaire que non seullement elle soit signee de vous, mais de vos chanoines qui en peuvent avoir eu notice, et de quelques autres notables ecclesiastiques qui pourront servir a la foy indubitable de ladicte attestation, comme aussi pour son ampliation, a laquelle Nous nous asseurons que n'oblierez rien; non plus que du bon ordre que l'on tint, moy present, pour appeller ceux qui estoyent esgarez a la vraye foy, et combien d'ames l'on y gagna pour lhors et jusques a present, et si l'on y continue l'œuvre et quel fruit s'en ensuit, et plus amplement, comme trop mieux vous sçavez convenir, pour me l'envoyer au plus tost a l'effait que dessus..

  A012003620 

 Ce qu'attendant, prions Dieu quil vous ait en sa sainte et digne garde..

  A012003635 

 Ce que desirant de reprouver, il est necessaire que vous Nous en envoyez une bien autentique attestation comme il ny a en point de lieu que la sainte Messe n'aye esté retablie, et qu'elle se celebre jusques sur les portes de Geneve, et les cures pourveues de bons curez, la plus part desquelz y annoncent la parolle de Dieu, et que ceulx qui se sont reunis a la sainte foy y continuent avec un grand zele.

  A012003635 

 Ce quil est necessaire qu'attestiez bien amplement et comme celluy qui en est mieux informé que les aultres, et Nous l'envoyez au plus tost, sans touttesfoys en icelle faire aulcune mention que Nous vous en ayons escript, mais requis du peuple pour desabuser Sa Sainteté de ce que l'on a dict d'eulx.

  A012003635 

 Il y a quelques sepmaines que Nous vous escripvismes sur quelque mauvays rapport qu'a esté faict a Sa Sainteté de la conversion des heretiques des baillages, luy ayant este donné a entendre que tout estoit en son premier estat, et que les curez n'ont point esté retablis en leurs eglises.

  A012003636 

 A tant prions Dieu quil vous ait en sa garde..

  A012003868 

 En fin, apres m'estre informé exactement en cette ville, je me suis aidé de Monsieur Favier pour y emploier un sien amy sur le lieu, quy est un honneste gentilhomme, chanoine en l'Eglise de Poictiers, duquel vous verrez, sil vous plaist, la responce que je vous envoie.

  A012003868 

 Je suis honteux d'avoir esté si long temps a vous respondre; je desirois satisfaire a vostre memoire affin de vous en donner advis par mesme moien.

  A012003868 

 Que pleust a Dieu que pour resentiment de tant de faveur je peusse vous rendre aultant de service comme je vous en presente de remercimentz; vous verriez de quel courage je recognoistroy le plain pouvoir que vous avez sur moy, dont attendant qu'il s'offre quelque occasion, je vous supplie, Monsieur, de prendre toute creance de ma disposition a l'obeissance que je vous doibz..

  A012003868 

 Que si vous estimez que par cette voie il se puisse quelque chose davantage, commandez moy librement, comme vous pouvez, faisant estat, Monsieur, que je confesse de ne devoir point tant a homme du monde qu'a vous, l'obligation que je vous ay estant infinie par les bons offices que vous me rendez d'un bien quy n'a point de fin.

  A012003869 

 Du reste, je praticquerey voz bonnes instructions au plus pres de la lettre qu'il me sera possible, et premierement pour ce quy est de l'eslection de Monsieur du Val, tant pour prendre de la conduitte de luy en la vie que vous m'avez proposee, que pour me servir de la Lettre Apostolique que vous m'avez envoiée, de laquelle j'ay differé d'user attendant que j'eusse asseurance de l'expedition de mes Bulles, pour laquelle ces jours passez nous avons fourny a la composition qu'on nous a faict de deux mil escus pour tout.

  A012003869 

 Toutesfois, je ne m'en croirey pas; saint Hyerosme disoit de soy: Ea etiam de quibus me scire arbitrabar interrogare me solitum, quanto magis de iis super quibus anceps eram! J'en enquerrey ceux que vous m'avez nommé, ou, si vous me faictes ce bien de m'adjouster vostre advis, j'en serey encor plus asseuré, n'ayant point tant de creance a nul aultre qu'a vous..

  A012003870 

 J'ay faict provision des livres que vous m'avez marqué, principalement de tous ceux du premier temps, selon vostre division; entre lesquelz, apres Grenade que j'ay tout en sa langue, au moins ce quy s'en trouve, je trouve admirables les epistres d'Avila; mais il les fauldroit avoir aussy en la langue de l'auteur, car la traduction en françois est tres mal faicte.

  A012003870 

 Je les lirey soigneusement et comme par vostre advis, vous suppliant neantmoins, Monsieur, me departir tousjours de voz bons discours et instructions par les vostres, que je prise et cheris par dessus tout, et ou je trouve plus d'ediffication qu'en livre quelconque, comme venant de personne que je tiens pour un digne exemple a tous ceux quy ont charge en cet estat..

  A012003871 

 Je vous baise tres humblement les mains, et suis a jamais,.

  A012003887 

 En fin, n'en ayant sceu rien apprendre, j'ay creu qu'en tout cas vous n'auriez point desagreable ce tesmoignage de l'affection que je vous doy, [477] vous suppliant de prendre en bonne part que je vous rende conte de moy despuis le temps que vous n'avez eu des miennes, et que je vous donne advis jusques ou je suis advancé en la profession dont vous m'avez faict l'honneur de me donner les premieres instructions..

  A012003887 

 J'attendoy de sçavoir si l'on vous auroit rendu celles que je vous escrivis sur la reception de la lettre de Rome quil vous pleust m'envoier, desirant en avoir des nouvelles advant que de vous importuner d'aultres lettres.

  A012003887 

 Je n'ay pas oublié le devoir que je vous ay, encor qu'il y ait long temps que je ne vous en aye rendu des effectz.

  A012003888 

 Je les receuz quelques jours advant les festes de Noel passé, et me disposoy apres au sacre, que je receuz le jour de la feste des Roys de la main de Monsieur l'Archevesque d'Aix, assisté de Messieurs de Bologne et de Mascon, aiant auparavant usé de la preparation dont vous me fistes ce bien de m'advertir, le mieux qu'il m'a esté possible; non pas toutes fois si bien que j'eusse desiré..

  A012003888 

 Je vous direy donc, Monsieur, qu'en fin j'ay eu mes expeditions de Rome avec la grace de nostre Sainct Pere telle que je la pouvoy esperer, sinon que j'eusse eu le gratis entier.

  A012003889 

 Il ne reste maintenant que de m'aller rendre au lieu ou je suis envoié; ce que je suis prest de faire dans quelques jours, avec l'aide de Dieu, et de commencer a mettre la main a l'œuvre; ou, si je ne craignoy de vous estre importun, je vous supplieroy volontiers, continuant ce que vous avez commencé en moy, de me vouloir assister de voz bons advis et conseilz, que je mettrey peine d'ensuivre au plus pres quil me sera possible, sil vous plaist de m'en favoriser.

  A012003889 

 Je ne vous direy pas combien je m'en tiendrey vostre obligé, quy vous suis desja tout acquis, et suis entierement a vous par tant d'occasions que je desespere de vous en pouvoir jamais assez donner de recognoissance; vous suppliant neantmoins de croire qu'il ne se descouvrira aulcun endroict de le pouvoir faire que vous ne me voiez efforcer en mon debvoir..

  A012003890 

 Et sur cette asseurance de mon service, je vous supplie de m'aimer et me conserver l'honneur de voz bonnes graces, priant Dieu, Monsieur, qu'il vous donne, en tres parfaicte santé, tres longue et tres heureuse vie..

  A012003894 

 Si vous me faictes l'honneur, Monsieur, de me donner de voz nouvelles, vous pourrez addresser a M. de Soulfour pour les bailler a M. Favier, quy me les fera asseurément tenir en vostre maison de Dol..

  A012003903 

 Et a la verité, Monsieur, il faudroit n'avoir ni jugement ni recognoissance si, apres avoir heu lhonneur de vostre frequentation, l'on pouvoit vivre sans vous cherir et sans avoir du regret de vostre absence.

  A012003903 

 Je ne vous escris pas pour me ramentevoir en vostre memoire; je sçay l'honneur que vous me faictes de m'aymer, et le rang que vous tenez en la mienne me promet que j'ay quelque place en la vostre.

  A012003903 

 Nous jugeons des intentions d'autruy par les nostres; ainsi, cherissant voz merites d'une si particuliere inclination, je dois croire que si le sujet manque de mon costé pour vous convier a ce mesme desir, ne pouvant m'aymer pour l'amour de moy, du moins vous m'aymerez par ce que je vous honore et que je vous ayme.

  A012003903 

 Pour moy, je la supporte avec tant d'impatience, que, n'estoit la creance que j'ay que ce n'est pas estre tout a faict separé de vous que d'estre en vostre esprit, je blasmerois le jour que je vis reluire tant de rares vertus en vous, puis qu'il failloit en estre si tost et si long temps privé.

  A012003919 

 C'est quil vous plaise, Monsieur, nous faire cest honneur qu'en l'Advent et Caresme prochain nous soyons instruictz par vos sainctes et doctes predications.

  A012003919 

 Ce vous sera beaucoup d'incommodité, voires aultant qu'a nous de bon heur de vous avoir; touteffois, tascherons par tous les moiens a nous possibles de vous en reverer..

  A012003919 

 La reputation qu'aves acquise par tout, et mesme en ces quartiers, du zele et affection qu'aves a l'honneur et service de Dieu et a procurer de tout vostre pouvoir l'advancement de son Eglise Catholicque, Nous a faict prandre la hardiesse de vous faire une priere aultant pleine d'affection que d'assurance que l'on nous a donné de la pouvoir obtenir et de n'en estre esconduictz.

  A012003920 

 Nous n'heussions manqué a ce debvoir de vous envoyer l'ung des nostres pour vous en supplier de nostre part; mais le peril et danger des chemins nous en ont retenu, avec la faveur que nous a faict Monsieur Brunet de prandre a sa charge de vous donner cestes, avec nostre supplication, et mesme vous la presenter sil est possible, avec la semblable affection de laquelle, recepvant ung sy grand bien de vous, nous desirons demeurer a jamais,.

  A012003933 

 Je me resjoüys infiniment avec vous de l'advenement de Vostre Reverendissime Seigneurie en l'Evesché titulaire de Nicopoli, et beaucoup plus en l'ample et grande evesché de Geneve, comme serviteur tres humble et tres ancien que je lui suis, mesme des nos estudes de Paris, et, pour mieux dire, des le berceau; me resjouyssant d'ailleurs du bien et bon heur que, par ce moyen, arrive a voz diocezes.

  A012003933 

 lit encores que l'honneur qui vous accompagne en ceste charge pastorale meritoirement soit accompagné de beaucoup de peines et travaux, neantmoins je sçay que Vostre Reverendissime Seigneurie, bruslant du zele de l'honneur de Dieu et advancement de sa gloire, portera ce fardeau joyeusement, qu'est le bien et salut de vos diocesains.

  A012003934 

 Ce n'est pour user d'aucune flatterie, ains seulement pour vous tesmoigner par ces presentes, continuation du tres humble service et obeissance que j'ay voué a Vostre Reverendissime Seigneurie, comme aussy pour ne me perdre et esgarer en l'haute mer de vos louanges.

  A012003934 

 De quoy il m'a semblé estre expedient en advertir Vostre Reverendissime Seigneurie, a ce qu'il luy plaise favoriser ceste œuvre, et ce faisant permettre a Monsieur Grandis, a Monsieur Theodore, a Monsieur Chevallier et autres qu'il vous plaira (nommement le Reverend Pere Fourrier), qui sont de bonne volonté, moyennant vostre licence [481] ayants a ces fins esté assemblez pour pouvoir resider du moins la plus part de la sepmaine icy, et vacquer pour ce commencement aux lectures qui leur seront ordonneez; vous asseurant que, ce faisant, outre le merite que Vostre Reverendissime Seigneurie acquiert, et le bien qui en arrivera a ce pays et a tout l'estat de Monseigneur et a la voisinance, principalement pour la conversion des heretiques que Son Altesse aura tres aggreable, ainsy que je peux remarquer par les lettres qu'elle me faict, et comme j'estime, aydant Dieu, vous dire lors que j'auray ceste faveur recevoir vostre sainte benediction, comme aussy plusieurs autres choses sur ce subjet..


13-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIII-Vol.3-Lettres.html
  A013000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A013000138 

 » — Le rendez-vous général de toutes les consolations.

  A013000267 

 Ecoutez la réponse: « Je viens de parler pour vous a Nostre Seigneur... et certes, je n'ay pas osé luy demander absolument vostre delivrance; car s'il luy plaist d'escorcher l'offrande qui luy doit estre presentee, ce n'est pas a moy de desirer qu'il ne le face pas.

  A013000267 

 » Est-ce que de telles paroles sont inspirées par la molle complaisance d'un fade attendrissement? Dans le retranchement des vaines consolations, le Saint va plus loin encore; sachant que toute douleur se soulage à être racontée, il n'hésite pas à lui déconseiller [XVI] même cette innocente consolation: « Vous feres bien de regarder simplement Nostre Seigneur... sans vous amuser a considerer vostre mal, non pas mesme pour me le dire.

  A013000316 

 Et quant a moy, ma tres chere Fille, adorant de tout mon cœur cette divine Providence, je la supplie de respandre sur vostre cœur l'abondance de ses faveurs, affin que vous soyes benite en ce monde et en l'autre des benedictions du ciel et de la terre, des benedictions de la grace et de la gloire eternelle.

  A013000316 

 La benediction que je vous souhaitte, ma tres chere Seur ma Fille, se doit obtenir de la main de Nostre Seigneur, et je croy que sa divine Majesté vous l'octroyera [1] si vous la requeres avec la sousmission et humilité convenable.

  A013000317 

 Benite soyes vous en vostre cœur et en vostre cors, en vostre personne et en celles de ceux qui vous sont plus chers, en vos consolations et en vos travaux, en tout ce que vous feres et que vous souffrires pour Dieu.

  A013000327 

 Frere Jean m'a treuvé au sortir d'une fievre continue, de laquelle les effetz ne me permettent en cor de vous escrire que par la main d'autruy, combien que je vous salue et souhaitte mille benedictions du propre fons de mon cœur.

  A013000327 

 Je n'auray pas plustost recouvert mes forces et rencontré quelque commodité de vous escrire [2] que je le feray fort soigneusement, comme j'ay fait cy devant a touttes les occurrences qui s'en sont presentees.

  A013000327 

 Je n'ay pas voulu confier voz petitz livretz a ce porteur, lequel, s'acheminant fort lentement et passant par Chalon et autres lieux, auroit peu les esgarer; je m'imagine aussi que vous n'en estes pas beaucoup necessiteuse..

  A013000328 

 Je gueriray cependant pour luy escrire, et a vous aussi; et me recommandant a voz prieres, je supplie Dieu quii soit tousjours vostre coueur (sic), vostre ame et vostre amour, et je suis,.

  A013000328 

 Je n'escris qu'a vous par ce que c'est un exercice qui m'est encor defendu; et je crois que vous me feres ce bien que de saluer tout le reste de ceux et celles qui m'ayment en Nostre Seigneur, puisque je vous en supplie bien humblement.

  A013000332 

 Ma mere, qui est venue icy pour m'assister, vous salue tres humblement, et moy je n'oublie point Celse Benigne..

  A013000346 

 Je m'en sollicite asses moy mesme sans que vous preniez la peyne de m'en resouvenir.

  A013000346 

 Je vous escrivis dernierement par Frere Jehan et n'ay jamais laissé escouler aucune commodité de vous envoyer de mes nouvelles que je ne l'aye embrassee.

  A013000346 

 Maintenant, au sortir de ma maladye, j'ay receu vostre lettre du quinziesme janvier que monsieur Grenaut m'a envoyé; mais non pas encor celle que vous m'avez escripte precedemment, en laquelle, comme vous me distes, vous m'escriviez fort particulierement de l'estat interieur de vostre ame.

  A013000346 

 Si vous m'eussiez nommé la voye par laquelle vous me l'envoyes, je me fusse essayé de la recouvrer.

  A013000347 

 Dieu donques vous vueille delivrer de ces deux dernieres incommodités, et tost appres vous serez delivree de l'autre..

  A013000347 

 En vostre patience, dit le Fils de Dieu, vous possederez vos ames.

  A013000347 

 Maintenant, pour respondre a celle que j'ay en main, autant que ma santé me le permet (pour laquelle je ne puis encor vous escrire de ma main), je loue Dieu de la constance avec laquelle vous supportés vos tribulations.

  A013000348 

 Mais bon courage, je vous supplie, ma tres chere Seur; vous n'aves souffert l'incommodité du chemin que troys ans, et vous voulez le repos.

  A013000348 

 Mais resouvenés vous de deux choses: l'une, que les enfans d'Israël furent quarante ans parmi les dezerts avant que d'arriver en la terre du sejour qui leur estoit promis; et neantmoings, six sepmaynes pouvoyent suffire pour tout ce voyage, et a l'aise.

  A013000349 

 Il me semble que vous vous arrestez un petit trop a la consideration de vostre mal..

  A013000349 

 Que nous doyt il chaloir si c'est par le desert ou par les champs que nous allons, pourveu que Dieu soyt avecq nous et que nous allions en Paradis? Croyez moy, je vous prie, trompez le plus que vous pourrez vostre mal, et si vous le sentez, au moings ne le regardez pas; car la veüe vous en donnera plus d'apprehension que le sentiment ne vous donnera de douleur.

  A013000350 

 Appres que vous aurez prié le Pere quil vous console, s'il ne luy plaist pas de le faire n'y pensez plus, et roidissez vostre courage a faire l'œuvre de vostre salut sur la croix, comme si jamais vous n'en deviez descendre et qu'onque plus vous ne deussiez voir l'air de vostre vie clair et serain.

  A013000350 

 Et quand a ce que vous me distes, que c'est un grand travail de vouloir et ne pouvoir, je ne veux pas vous dire quil faut vouloir ce que l'on peut, mais je vous dis bien que c'est un grand pouvoir devant Dieu que de pouvoir vouloir.

  A013000350 

 Mais la divine Bonté ne vous a pas appellé au train auquel vous estes quil ne vous fortiffie pour tout cecy; c'est a luy de parfaire sa besoigne.

  A013000350 

 Passez oultre, je vous supplie, et pensés a ceste grande dereliction que souffrit nostre Maistre au jardin des Olives.

  A013000350 

 Que voulez vous? il faut voir et parler a Dieu parmy les tonnerres et tourbillons du vent; il le faut voir dans le buisson et parmy le feu et les espines, et pour ce faire, la verité est quil est besoing de se deschausser et faire une grande abnegation de nos volontés et affections.

  A013000351 

 Bref, pour lhonneur de Dieu, acquiescés entierement a sa volonté, et ne croyez nullement que vous le servissiez mieux autrement, car on ne le sert jamais bien sinon quand on le sert comme il veut.

  A013000351 

 C'est assez pour ce point, jusques a ce que Dieu me donne la commodité de vous le declairer a souhait, lors que, sur iceluy, nous establirons l'asseurance de nostre vie.

  A013000351 

 Ce service ne vous donne pas satisfaction, mais il le contente; il n'est pas a vostre gré, mais il est au sien.

  A013000351 

 Faites en de mesme maintenant, et apprivoisez vous avecq vostre travail comme si vous deviez tousjours vivre ensemble.

  A013000351 

 Imaginez vous que vous ne deussiez jamais estre delivree de vos angoisses: qu'est-ce que vous feries? Vous diries a Dieu: Je suis vostre; si [6] mes miseres vous sont aggreables, accroisses en le nombre et la duree.

  A013000351 

 J'ay confiance en Nostre Seigneur que vous diries cela; vous n'y penseries plus, au moings vous ne vous en empresseriez plus.

  A013000351 

 Or, il veut que vous le serviez sans goust, sans sentiment, avec des repugnances et convulsions d'esprit.

  A013000351 

 Vous verrez que quand vous ne penserez plus a vostre delivrance, Dieu y pensera, et quand vous ne vous en empresseres plus, Dieu y accourra.

  A013000352 

 Ceste bonne ame que vous et moy cherissons tant, me fait demander si elle pourra attendre la presence de son pere spirituel pour s'accuser de quelque point duquel elle n'eust point souvenance en sa confession generalle, et, a ce que je vois, elle le desireroyt fort.

  A013000352 

 Mais (listes luy, je vous supplie, que cela ne se peut en aucune façon; je trahiroys son ame si je luy permettoys cest abbus. Il faut qu'a la fine premiere confession qu'elle fera, que tout au commencement elle s'accuse de ce peché oublié (j'en dis de mesme sil y en a plusieurs), purement et simplement, et sans repeter aucune autre chose de sa confession generalle, laquelle fut fort bonne; et partant, non obstant les choses oubliees, cett'ame la ne se doit nullement troubler. Et ostez luy la mauvaise apprehension qui la peut mettre en peyne pour ce regard; car la verité est que le premier et principal point de la simplicité chrestienne gist en ceste franchise d'accuser ses pechés quand il en est besoing, purement et nuëment, sans apprehender l'oreille du confesseur, laquelle n'est la presente que pour ouyr des pechés et non des vertus, et des pechés de toute sorte..

  A013000354 

 Dites luy encor, je vous supplie, que j'ay veu le desir qu'elle commence de prendre de se voir un jour en lieu ou elle puisse servir Dieu de cors et de voix.

  A013000354 

 Je vous donne bien de la peyne vous rendant messagere [8] de ces responses; mais puisque vous avez bien pris le soin de me proposer les demandes de sa part, vostre charité le prendra bien encores pour luy faire entendre mon opinion..

  A013000355 

 Ferme, je vous supplie; que rien ne vous esbranle.

  A013000356 

 Mais qui vous a jamais enseigné que Dieu en fust autheur? Bien des tenebres, bien des impuissances, bien du liement a la perche, bien de la dereliction et destitution de vigueur, bien du devoyement de l'estomach spirituel, bien de l'amertume de la bouche interieure, laquelle rend amer le plus doux vin du monde; mais des suggestions de blaspheme, d'infidelité, de mescreance, ha non, elles ne peuvent sortir de nostre bon Dieu: son sein est trop pur pour concevoir telz objetz..

  A013000356 

 Vous ne pouves croire, ma tres chere Fille, que les tentations contre la foy et l'Eglise viennent de Dieu.

  A013000357 

 Souvenes vous de ce que je pense vous avoir dit une autre fois: c'est bon signe qu'il face tant de bruit et de tempestes autour de la volonté, c'est signe qu'il n'est pas dedans..

  A013000357 

 Sçaves vous comment Dieu fait en cela? Il permet que le malin forgeron de semblables besoignes les nous vienne presenter a vendre, affin que, par le mespris que nous en ferons, nous puissions tesmoigner nostre affection aux choses divines.

  A013000358 

 Et ne me dites pas qu'il vous semble que vous le dites avec lascheté, sans force ni courage, mais comme par une violence que vous vous faites.

  A013000358 

 Voyés vous, ma Fille, mon ame, c'est signe que tout est pris et que l'ennemy a tout gaigné en nostre forteresse, hormis le donjon imprenable, indomptable et qui ne peut se perdre que par soy mesme.

  A013000359 

 En fin notés cecy: pendant que la tentation vous desplaira, il n'y a rien a craindre; car, pourquoy vous desplait elle, sinon par ce que vous ne la voules pas?.

  A013000359 

 Or, voyes vous les ames afiligees parce que l'ennemy, occupant toutes les autres facultés, fait la dedans son tintamarre et fracas extreme? A peyne peut on ouÿr ce qui se dit et fait en ceste volonté superieure, laquelle a bien la voix plus nette et plus vive que la volonté inferieure; mais celle cy l'a si aspre et si grosse qu'elle estouffe la clarté de l'autre.

  A013000360 

 Je vous diray un jour, quand j'auray bien du loysir, quel mal causent ces obstructions de l'esprit; cela ne se peut escrire en peu de paroles..

  A013000361 

 Escrives moy donques, et souvent et sans ordre, et le plus naïfvement que vous pourres; j'en recevray tous-jours un extreme contentement..

  A013000361 

 Ne craignes nullement, je vous supplie, de me donner aucune peyne; car je proteste que ce m'est une extreme consolation d'estre pressé de vous rendre quelque service.

  A013000362 

 Il ne m'est rien encor arrivé de la tempeste que je vous dis; mais les nuees sont encor pleines, obscures et chargees dessus ma teste..

  A013000363 

 Vous ne sçauries avoir trop de confiance en moy, qui suis parfaittement et irrevocablement vostre en Jesus Christ, duquel mille et mille fois le jour je vous souhaitte les plus cheres graces et benedictions.

  A013000376 

 J'eusse egalement desiré de pouvoir vous visiter tous les jours par mes lettres et d'estre visité par les vostres, pour participer au bien et au mal que Dieu a mis en vous depuis l'ouverture de vostre jambe.

  A013000376 

 Mais sçavez vous ce que j'ay pensé? L'Escripture dit que la porte du Royaume des cieux, c'est a dire du service et de l'amour de Dieu, n'est autre chose que la tribulation; et la dessus j'ay dit a moy mesme que vrayement Dieu vous avoit choisie pour estre fille de son royaume, puysque a ce commencement de vos resolutions il vous avoit fait passer par la porte ordinaire et plus certaine..

  A013000377 

 Mais maintenant, vous devez, ce me semble, estre bien glorieuse, ayant receu au moings une de ses marques; car, sans doubte, les marques de Nostre Seigneur ne sont autre chose que des playes: ce sont les [12] livrees qu'il fait porter aux siens et les bagues qu'il donne a ses espouses..

  A013000378 

 Il craint neantmoings tousjours que vous ne passiez a quelque extreme severité et mortification exterieure, et ne se peut asseurer que je ne vous y porte.

  A013000378 

 Je ne doute point que vous n'ayez fait plusieurs semblables considerations, lesquelles vous auront extremement consolée.

  A013000378 

 Mais affin de combler ma joye, faites moy ce bien, je vous prie, de me faire escrire par quelqu'une de vos plus confidentes du succez de vostre maladye, de laquelle monsieur vostre pere m'escript, mais en gros.

  A013000379 

 A l'advanture seroyt il bon que vous le vissiez et prissiez quelques leçons de luy pour la police de vostre Maison, car il n'est pas qu'il n'ayt une grande cognoissance de semblables choses..

  A013000380 

 Benissons le, servons le, aymons le de tout [13] nostre cœur, ma chere Seur, ma bonne Fille, et courage, je vous supplie.

  A013000380 

 Et voyla comme nostre bon Dieu m'a voulu donner un bout de sa croix pendant quil vous avoit imposé le gros de l'arbre.

  A013000380 

 Les medecins m'ont tant crié de ne point escrire sitost apres ma maladie que, pour obeir, je vous ay escrit par la main d'autruy.

  A013000380 

 Tenes vous asseuree que je suis infiniment vostre, et que je ne cesse de vous souhaitter mille et mille benedictions..

  A013000384 

 Je vous escriray bien tost et de la façon avec laquelle vous pourres employer monsieur Viardot, encor quil ne demeure pas en vostre Mayson, comm'il ne sçauroit, a ce que j'apprens.

  A013000396 

 Et puis que vous treuves de l'advancement et de la consolation au changement que vous avez fait, je ne puis que [14] je ne l'appreuve, m'asseurant que vous l'avez fait avec telle discretion que le precedent n'en auroit receu aucun mescontentement..

  A013000397 

 Je ne voy encores rien devant mes yeux qui me puisse promettre le bonheur de vous voir cette annee; et quant a ce que vous me touchez de [me voir] de deça, il ne me semble pas que ce soit chose bien aysee a faire, ni [peut] estre convenable de quelque tems, eu esgard aux [liens] avecq lesquels Dieu vous a attachee de dela.

  A013000397 

 Pour ma part, croyez moy je vous supplie, je n'ay pas moings de desir de vous revoir, et a loisir, que vous sçauriez avoir encor [vous même; mais] il faut sçavoir qui est le plus expedient et a propos.

  A013000398 

 Les medecins m'ont fort defendu d'escrire de ma main au sortir de cette maladie; c'est pourquoy j'ay employé la main d'autruy jusques icy, adjoustant de la mienne que vous vous resouvenies de ce que je vous ay tant recommandé, et que, le faysant, vous feres chose qui aggreera plus a Dieu que si, sans le faire, vous donnies vostre vie au martyre; parce que Dieu veut l'obeyssance beaucoup plus que le sacrifice.

  A013000398 

 Nostre doux Sauveur vous donnera, s'il luy plaist, la lumiere pour suivre ce bon chemin auquel vous estes: ayés seulement bon courage.

  A013000399 

 Je le suis autant du contentement que vous donnes aux vostres et de la gayeté avec laquelle vous vives; car Dieu est le Dieu de joye.

  A013000399 

 Je suis bien consolé de voir combien vous estimes le bien de servir Dieu, car c'est signe que vous l'embrasseres estroittement.

  A013000400 

 Je prie Dieu nostre Sauveur qu'il vive et regne en vous, et vous en luy..

  A013000401 

 Je vous diray seulement que le commerce des huguenotz n'est pas absolument defendu a ceux qui sont meslés avec eux; mays la verité est qu'il faut s'en abstenir le plus qu'on peut, car il a accoustumé de refroidir la devotion.

  A013000401 

 Je vous souhaitte mille et mille benedictions, et suis invariablement, Madame,.

  A013000411 

 Or sus donques, courage: Si vous aves confiance vous verres la gloire de Dieu..

  A013000411 

 Vous me dites que vous portes tous-jours vostre grande croix, mais qu'elle vous pese moins parce que vous aves plus de force.

  A013000412 

 Je ne vous envoyeray rien a present pour la reception du tres saint Sacrement; si je puis, ce sera a la premiere commodité..

  A013000412 

 Je ne vous respons pas maintenant, car je ne sçaurois; je ne fay que passer legerement sur vos lettres.

  A013000413 

 Et communiant au jour auquel je sçavois que vous en faysies de mesme, je logeois par desir ce beni Hoste en cette place et chez vous et chez moy..

  A013000413 

 O Dieu, dis je, ainsy puissies vous vous asseoir sur le cœur de cette fille que vous m'aves donnee et a laquelle vous m'aves donné.

  A013000425 

 Je diray neanmoins bien asses pour ce coup, en attendant une autre commodité de vous escrire bien au long..

  A013000425 

 Je seray plus court a vous respondre que je ne desirerois, par ce que j'ay moins de loysir et plus d'empeschemens que je ne pensois.

  A013000425 

 Vostre lettre du vingtiesme de janvier m'a donné un extreme contentement, parce qu'au milieu de vos miseres, que vous me descrives, je remarque, ce me semble, quelque advancement et proffit que vous aves fait en la vie spirituelle.

  A013000426 

 C'est un grand advantage pour vous, puisque vous voules m'employer a vostre salut.

  A013000426 

 Et je vous dis, qu'encor que je n'aye pas connoissance des actions que vous faites en mon absence, car je ne suis pas prophete, je pense toutefois que, pour le peu de tems que je vous ay veuë et ouÿe, il n'est pas possible de mieux connoistre vos inclinations et les ressortz d'icelles que je fay, et m'est advis qu'il y a peu de replis dans lesquelz je ne penetre bien aysement; et pour peu que vous m'ouvries la porte de vostre esprit, il me semble que j'y voy tout a descouvert.

  A013000426 

 Vous me dites donq que vous estes affligee de ce que vous ne vous descouvres pas asses parfaittement a moy, comme il vous semble.

  A013000427 

 Je vous respons qu'il n'est pas possible de nous abandonner du tout nous mesmes.

  A013000427 

 Vous vous plaignes dequoy plusieurs imperfections et defautz se meslent en vostre vie, contre le desir que vous aves de la perfection et pureté de l'amour de nostre Dieu.

  A013000428 

 Il faut, s'il vous plaist, avoir patience avec tout le monde, mais premierement avec vous mesme..

  A013000429 

 Es palais des princes et des rois on y met des statues qui ne servent qu'a recreer la veuë du prince: contentés vous donq de servir de cela en la presence de Dieu, il animera cette statue quand il luy plaira..

  A013000429 

 Mais qu'est ce que vous y voudries faire sinon ce que vous y faites, qui est de presenter et representer a Dieu [19] vostre neant et vostre misere? C'est la plus belle harangue que nous facent les mendians que d'exposer a nostre veuë leurs ulceres et necessités.

  A013000429 

 Mais quelquefois encor ne faites-vous rien de tout cela, comme vous me dites, ains vous demeures la comme un fantosme et une statue.

  A013000429 

 Vous ne faites rien, ce me dites vous, en l'orayson.

  A013000431 

 C'est un mot de merveilles que celuy que vous me dites: Que Dieu me mette en quelle saulse qu'il voudra, ce m'est tout un, pourveu que je le serve.

  A013000431 

 Et bien, vous me dites qu'en quelle saulse que Dieu vous mette ce vous est tout un.

  A013000431 

 La Mere Therese que vous aymes tant, dont je me res-jouys, dit en quelque endroit que bien souvent nous disons de telles paroles par habitude et certaine legere apprehension, et nous est advis que nous les disons du fond de l'ame, bien qu'il n'en soit rien, comme nous descouvrons par apres en la prattique.

  A013000431 

 Or sus, vous sçaves bien en quelle saulse il vous a mise, en quel estat et condition; et dites moy, vous est il tout un? Vous n'ignores pas non plus qu'il veut que vous payes cette dette journaliere de laquelle vous m'escrives, et neanmoins ce ne vous est pas tout un.

  A013000433 

 Mais, courage, je vous supplie; accoustumés petit a petit vostre volonté a suivre celle de Dieu ou qu'elle vous mene; faites qu'elle se sente fort piquee quand vostre conscience luy dira: Dieu le veut; et petit a petit, ces repugnances que vous sentes si fortes, s'affoibliront et bien tost apres cesseront du tout.

  A013000433 

 Mais, particulierement vous deves combattre pour empescher les demonstrations exterieures de la repugnance interieure que vous aves, ou au moins les rendre plus douces.

  A013000434 

 Quant au desir que vous aves de voir les vostres fort advancés au service de Dieu et desir de la perfection chrestienne, je le loue infiniment, et comme vous souhaittes, j'adjousteray mes foibles prieres aux supplications que vous en faites a Dieu.

  A013000435 

 En cette sorte vous gaigneres beaucoup plus qu'en aucune autre façon, sur tout y adjoustant la priere..

  A013000435 

 Je crains semblables choses en telz desirs; c'est pourquoy je vous supplie de bien prendre garde a vous pour ne point tomber en ces inconveniens, comme aussi de poursuivre ce desir doucement et souëfvement, c'est a dire, sans pour cela importuner ceux ausquelz vous desires de persuader cette perfection, ni mesme descouvrir vostre desir, car croyes moy, que cela reculeroit l'affaire au lieu de l'avancer.

  A013000444 

 O tribulation, que vous series desirable si on voyoit aussi bien vos roses que l'on void vos espines! Mon Dieu, ma Fille, que j'ayme vostre mauvaise jambe, car je sçai bien qu'elle vous portera plus au Ciel que la bonne; [22] jambe qui n'est pas une jambe, c'est un'aisle pour vous faire voler en l'air de la vie spirituelle.

  A013000444 

 Que le lict de vostre douleur est bien meilleur que le lict des delices, el que je l'honnore du fons de mon ame! Il me sera advis, en l'imagination [que] j'en feray souvent, de vous voir presser cette croix sur vostre cœur, et dire au [Sauveur crucifié,] comme saint Pierre: [Hé, Seigneur, ] non seulement les jambes, mais ....

  A013000456 

 J'admire que le paquet de lettres que j'ay envoyé avant ce caresme prenant au sieur de Maillen pour vous rendre, soit encor en chemin, ne pouvant croire qu'il soit perdu; j'escrivis a presque tous mes amis..

  A013000456 

 Vous m'obligés infiniment d'employer, comme vous faites, toutes les occasions qui se presentent a vous pour m'escrire; car j'ay tous-jours beaucoup de consolation a [23] recevoir de vos nouvelles.

  A013000457 

 Hors de la, despuis la Quasimodo jusques a la Pentecoste, je ne voy rien devant mes yeux qui me puisse destourner de la consolation que je prendray au bien de vostre presence, si vous prenes la peyne de venir jusques a la mayson de ma mere, ou j'auray plus de commodité de vous entretenir sur tout ce qu'il vous plaira.

  A013000457 

 Je vous voy si ferme au dessein de venir a Saint Claude que je ne puis plus vous dire autre chose, sinon que despuis le 24 d'avril jusques au 3 de may je seray empesché aux affaires du Synode de ce diocese.

  A013000457 

 Mais puisque vous [24] desires me communiquer pleinement vostre ame, il sera bien expedient de prendre un loysir convenable..

  A013000458 

 Je ne sçaurois jamais vous oublier en ces foibles prieres que je fay, estant par tant de raysons, d'une affection filiale, Madamoyselle,.

  A013000461 

 Le porteur, qui m'est conneu de longue main, m'a dit de combien de charité vous uses en son endroit.

  A013000471 

 Despuis encor vous ay-je escrit, mais parmi la presse d'un monde d'affaires qui m'empescherent de vous beaucoup entretenir, comme j'eusse beaucoup desiré de faire, ne me manquant jamais le sujet, pour l'extreme contentement que j'y prens..

  A013000471 

 Tout au sortir du lict je vous escrivis, et m'asseure que vous aves la lettre.

  A013000471 

 Vous aures des-ja sceu toutes les nouvelles de ma guerison, laquelle est si entiere que j'ay presché le Caresme tout entierement.

  A013000472 

 J'ay sans doute une extreme compassion a vos souffrances, et les recommande souvent a Nostre Seigneur affin qu'il vous les rende utiles et qu'au sortir d'icelles on puisse dire de vous, comme il fut dit du bon homme Job: En toutes ces choses il ne pécha onques, mays il espera en son Dieu..

  A013000472 

 Non seulement vostre laquais, mais monsieur nostre bon et cher pere m'a fait sçavoir combien de maux vous aves souffertz et de quelle sorte luy en est compassionné.

  A013000472 

 Voyla le chemin du Ciel le plus asseuré et le plus royal; et, a ce que j'entens, vous estes pour y demeurer quelque tems, puisque, a ce que m'escrit nostre bon pere, vous estes encor es mains des medecins et chirurgiens.

  A013000473 

 Acceptés mille fois le jour cette croix, et la baysés de bon cœur pour l'amour de Celuy qui vous l'envoye; c'est sans doute qu'il vous l'envoye par amour et comme un riche present.

  A013000473 

 Mon Dieu, que vous seres eternellement heureuse si vous souffres pour Dieu ce peu de maux qu'il vous envoye!.

  A013000473 

 Representes vous souventefois le Sauveur crucifié tout vis a vis de vous, et pensés qui souffre plus l'un pour l'autre, et vous treuveres vostre mal beaucoup moindre.

  A013000474 

 Et bien, ma tres aymee Fille, sur ce lict la vous aures descouvert les imperfections de vostre ame.

  A013000474 

 Et pourquoy, je vous prie, plustost la qu'ailleurs, sinon parce qu'ailleurs elles demeurent dedans l'ame et la elles sortent dehors? L'agitation de la mer esmeut tellement toutes les humeurs, que ceux qui entrent sur icelle pensans n'en avoir point, ayant un peu vogué, connoissent bien qu'ilz en sont pleins, par les convulsions et vomissemens que ce bransle desreglé leur excite.

  A013000474 

 Mais, ma chere Fille, ayés confiance, soyés ferme: Si vous croyes, vous verres la gloire de Dieu.

  A013000474 

 Que penses-vous que soit le lict de la tribulation? Ce n'est autre chose que l'eschole de l'humilité: nous y apprenons nos miseres et foiblesses, et combien nous sommes vains, sensibles et infirmes.

  A013000474 

 Vous ne vous abuseres point, en vous imaginant que je suis pres de vous en ces tribulations; je le suis aussi de cœur et d'affection, et prononce souvent devant vostre Espoux vos souffrances et travaux et en sens une grande consolation.

  A013000475 

 Cette inquietude d'importance et d'autres inquietudes desquelles vous aves esté assaillie et qui vous ont laissé de la peyne en l'esprit, ne m'estonnent point, puysqu'il n'y a rien de pis.

  A013000475 

 Ne vous troublés donq point, ma Fille bienaymee.

  A013000476 

 C'est par inspiration divine que vous m'interroges de la paix de l'ame et de l'humilité ensemblement; car c'est bien la verité que l'une ne peut estre sans l'autre..

  A013000476 

 Vous me demandés que je vous envoye quelque chose touchant la paix de l'ame et l'humilité: je le ferois volontier, ma tres chere Fille, mais je ne sçay si je le sçauray faire en si peu de loysir comme j'ay a vous rescrire.

  A013000481 

 De ceci je desire que vous tiries ces resolutions.

  A013000483 

 Si j'avois icy mes papiers, je vous envoyerois un traitté que je fis a Paris pour ce sujet en faveur d'une fille spirituelle et Religieuse d'un digne monastere, qui en avoit besoin et pour soy et pour les autres.

  A013000483 

 Si je le treuve, a la premiere fois je vous l'envoyeray..

  A013000484 

 De paroles, comme vous humiliant a une inferieure; d'effect, comme faysant quelque moindre office ou service, ou de la mayson ou des particulieres..

  A013000484 

 Et quant a l'exterieur, j'appreuverois que tous les jours vous fissies [31] quelque acte d'humilité, ou de paroles ou d'effect; j'entens de paroles qui sortent du cœur.

  A013000484 

 Quant a l'humilité, je n'en veux guere dire, ains seulement que vostre chere seur de [Chantal] vous communique ce que je luy en ay escrit.

  A013000485 

 Mais je sçai bien que la, dessus le lict, vous jettes mille fois le jour vostre cœur es mains de Dieu, et c'est asses.

  A013000485 

 Ne vous fasches pas de demeurer au lict sans meditation; car endurer les verges de Nostre Seigneur n'est pas un moindre bien que mediter.

  A013000485 

 Obeysses bien aux medecins, et quand ilz vous defendront quelque exercice, ou de jeusne, ou d'orayson mentale, vocale, ou mesme l'Office, horsmis la jaculatoire, je vous prie tant que je puis, et par le respect et par l'amour que vous me voules porter, d'estre fort obeissante, car Dieu l'a ainsy ordonné.

  A013000485 

 Quand vous seres guerie et bien fortifiee reprenes tout bellement vostre chemin et vous verres que nous irons bien loin, Dieu aydant; car nous irons ou le monde ne peut atteindre, hors ses limites et confins..

  A013000486 

 Croyés, je vous supplie, que je n'ay rien plus a cœur que vostre advancement devant Dieu; et si mon sang y estoit utile, vous verries bien en quel rang je vous tiens.

  A013000486 

 Je laisse a part l'extreme confiance que vous aves en moy, qui m'oblige a un extreme zele a vostre bien.

  A013000486 

 Ma chere Fille, vous m'escrives que vous estes par tout la cadette; mays vous vous trompés, les fruitz que j'espere de vous estans plus grans que de nulle autre.

  A013000486 

 Mays vous sçaves le rendes vous de nos cœurs: la ilz se peuvent voir les uns les autres malgré la distance des lieux..

  A013000486 

 Vous voudries, ce me dites vous, m'envoyer vostre cœur.

  A013000487 

 Mays avec cela, je vous prie de faire en sorte que cet autre bon Pere qui a desiré de vous ayder ne puisse pas reconnoistre que vous ne le goustes pas, par ce qu'a l'advenir il sera utile pour estre employé a l'œuvre que vous et moy desirons, pour obtenir quelque chose du Saint Pere..

  A013000487 

 Parlés a ce bon Pere dont je vous ay parlé de vostre interieur; il aura asses de conformité avec moy, et moy [32] avec luy, pour ne point distraire vostre esprit a la diversité des chemins, laquelle aussi luy seroit fort nuisible.

  A013000488 

 Mais que ce mot icy ne vous eschauffe point, car il faut sur tout aller bellement et pied a pied; l'edifice en sera plus ferme.

  A013000489 

 Mais en tout, vous deves participer avec moy, puisque je suis vostre chetif pere..

  A013000489 

 Quant a cet autre bon Pere, j'appreuve que vous l'oyes et l'escouties, et qu'encores vous vous prevalies de ses conseilz en les executant; mais non en ce qu'ilz se treuveront contraires aux projetz que nous avons faitz de suivre en tout et par tout l'esprit de suavité et de douceur, et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur.

  A013000491 

 Ma mere, qui vous offre tout son service et celuy de tous les siens, continue au desir qu'elle avoit d'avoir l'honneur de voir ma seur aupres de vous.

  A013000492 

 Et pourquoy dis je ceci? Parce qu'il me semble que vous aves quelque apprehension de m'offencer.

  A013000492 

 Il n'estoit ja besoin de me faire des excuses de la lettre ouverte; car mon propre cœur voudroit estre ouvert devant vos yeux, si ses imperfections et imbecillités ne vous donnoyent trop d'ennuy.

  A013000492 

 Vivés, je vous supplie, avec moy, en toute asseurance, et croyés que je ne desire rien tant que de vous voir avec un esprit tout plein de charité, laquelle est toute franche et saintement libre.

  A013000493 

 J'escris a celle de vos filles que vous desires, le plus proprement que j'ay sceu pour son mal.

  A013000494 

 Je le supplie qu'il vous preserve des vaines tristesses et inquietudes, et qu'il se repose en vostre cœur, affin que vostre cœur se repose en luy.

  A013000494 

 Je ne finirois jamais de vous escrire si je suivois mon inclination pleine d'affection; mais c'est asses, la Messe m'appelle, ou je vay presenter Nostre Seigneur a son Pere pour vous, ma tres chere Fille et pour toute vostre Mayson, pour obtenir de sa divine bonté son Saint Esprit [34] qui addresse toutes vos actions et affections a sa gloire et vostre salut.

  A013000504 

 Mais je ne voudrois pas aussi qu'elle laissast pour cela de se prevaloir des bons advis et [35] conseilz qu'elle peut recevoir d'ailleurs, et particulierement du bon Pere de Saint Benigne, duquel vous m'escrives, et moy a elle, pour luy en declarer mon opinion telle que je vous dis..

  A013000504 

 Que vous m'obliges a vous rendre une vraye et entiere obeissance filiale par la faveur qu'il vous plaist me faire en m'escrivant si souvent et de vostre santé et de l'estat des affaires de madame l'Abbesse, ma tres chere Seur! Rien sans doute ne me peut donner plus de consolation que de me voir vivre en vostre souvenance et bonne grace, et de vous estre aggreable au desir que j'ay de servir cette Seur en tous ses vertueux desseins, pour la poursuitte desquelz j'appreuve bien qu'elle ne change pas le chemin que je luy ay proposé, qu'avec beaucoup de consideration.

  A013000506 

 C'est la une de mes ambitions, mays de laquelle je sousmetz l'execution a vostre commandement, n'en voulant que ce qu'il vous plaira de m'en permettre.

  A013000506 

 Que s'il vous plaist m'en donner la permission, ce sera, Dieu aydant, sans que la Mayson en reçoive aucune charge; madame l'Abbesse seule en sera importunee de seulement supporter [36] l'incommodité de voir aupres de soy une inutile et maussade fille et servante..

  A013000507 

 Croyés, je vous supplie, que c'est pour la totale confiance que j'ay d'estre en vostre ame ce que je suis en la mienne; c'est,.

  A013000507 

 Vous voyes, Monsieur mon Pere, avec quelle liberté je me pousse envers vous.

  A013000520 

 Je vous ay jusques a present respondu de point en point a tout ce que vous m'aves demandé, et je sçai que vous aves maintenant mes lettres en main.

  A013000520 

 Vous m'aves infiniment consolé a m'escrire si souvent comme vous aves fait; de mon costé, je n'ay jamais manqué de vous escrire par toutes les commodités qui s'en sont presentees.

  A013000521 

 Il me reste a vous dire que j'ay escrit si amplement a madame l'Abbesse vostre bonne seur, que j'espere qu'elle en sera consolee.

  A013000521 

 Je le vous dis aussi, affin que vous me reconnoissies fort et que vous allies a vostre ayse, tant qu'il se peut, en la voye de la sainte perfection..

  A013000522 

 Pour vous, ma chere Seur, je vous ay des-ja dit en une autre lettre que non seulement j'appreuvois le choix que vous avies fait d'iceluy pour estre vostre confesseur, mais que je m'en consolois; et vous disois que vous pourres apprendre de luy ce qui sera convenable touchant les aumosnes et autres charités que vous voules et deves faire.

  A013000522 

 Vous feres bien aussi de luy obeir en tout le reste de vostre conduitte interieure et spirituelle, sans que pourtant je me veuille exempter de contribuer tout ce que Dieu me donnera de lumiere et de force, car il ne me seroit pas possible de desfaire la sainte liayson que Dieu a mis entre nous..

  A013000523 

 Affermissés tous les jours de plus en plus la resolution que vous aves prise avec tant d'affection de servir Dieu selon son bon playsir et d'estre tout entierement sienne, sans vous rien reserver pour vous ni pour le monde.

  A013000523 

 Embrassés avec sincerité ses saintes volontés, quelles [38] qu'elles soyent, et ne pensés jamais avoir atteint a la pureté de cœur que vous luy deves donner, jusques a ce que vostre volonté soit non seulement du tout, mais en tout, et mesme es choses plus repugnantes, librement et gayement sousmise a la sienne tres sainte; regardant a ces fins, non le visage des choses que vous feres, mais Celuy qui vous les commande, qui tire sa gloire et nostre perfection des choses les plus imparfaittes et chetifves, quand il luy plaist..

  A013000539 

 Je ne vous puis dire, si nous aurons besoin de beaucoup de jours pour la reveue de tout vostre estat interieur; peu plus, peu moins, en fera la rayson..

  A013000539 

 Le jour sera le samedi suivant l'Ascension, affin que je vous puisse donner les quatre ou cinq jours suivans francs et libres, avant que la feste de Pentecoste arrive, en laquelle il faut necessairement que je vienne icy a Neci pour faire l'Office et mon devoir.

  A013000539 

 Le lieu que je vous marqueray, c'est chez ma mere a Thorens, par ce qu'en cette ville je ne sçaurois promettre un seul moment de mon tems.

  A013000539 

 Puysque vous estes resolue de me revoir entre ci et [39] Pentecoste et que vous en esperes tant de fruit, venes au nom de Dieu, et pour une bonne fois.

  A013000540 

 Je dis cela en cas que le sujet mesme de la retardation de vostre voyage ne meritast pas de soy mesme de m'en advertir; mais pour cela faites comme vous jugeres, ou pour m'advertir ou pour ne point m'advertir..

  A013000540 

 Sil vous arrivoit quelqu'incommodité pour laquelle il falust differer vostre venue, vous n'aures pas pour cela besoin de m'advertir par homme expres, mais seulement par la premiere commodité, puisque, passé ce tems-la, je seray a la visite et ne m'arresteray nulle part jusques a Nostre Dame de septembre que je seray icy quinze jours seulement: si que, entre ci et la, vous auries asses de loysir de m'advertir.

  A013000541 

 De mon costé, je presenteray a Dieu plusieurs sacrifices, pour obtenir de sa bonté la lumiere et grace necessaire, pour vous servir en cette [40] occasion.

  A013000541 

 Je vous dirois bien que vous præparassies une grande, mais je dis une tres grande et absolue confiance en la misericorde de Dieu premierement, puis en mon affection, mais je sçai que de cela la provision est toute faitte..

  A013000542 

 En ce qui regarde les ennuys des tentations de la foy ne vous y amuses pas, mais attendes que vous soyes icy, car ce sera bien asses tost.

  A013000542 

 Le plus que vous pourres apporter d'abnegation ou indifference de vostre propre volonté, c'est a dire de desir et resolution de bien obeir aux inspirations et instructions que Dieu vous donnera, quelles qu'elles soyent, ce sera le mieux, car Nostre Seigneur agit es ames qui sont purement siennes et non præoccupees d'affections et de propres volontés.

  A013000542 

 Mais sur tout, gardes de vous inquieter en cette præparation; faites-la doucement et en liberté d'esprit.

  A013000542 

 Ne partes pas sans le congé de vostre confesseur; je veux croire que vous luy en aves communiqué vos deliberations avant que d'en resoudre..

  A013000542 

 Sil vous semble qu'a mesure que vostre souvenance et consideration vous suggereront quelque chose, il vous soit utile de le marquer avec la plume, je l'appreuverois fort.

  A013000543 

 Au demeurant, il faut que je vous supplie de me faire un bien.

  A013000543 

 C'est pourquoy je desire quil vous playse de m'apporter asseurance de tout ce quil sera requis de faire a cette intention, sans que madame l'Abbesse le sache, affin que tout aille comm'il faut et que ma seur aye ce bien de [vous accompagner a ] vostre retour.

  A013000543 

 Voyla de la peyne que je vous donne, mais c'est encor pour un office de charité..

  A013000544 

 Courage, ma Seur, Dieu vous sera bon et propice..

  A013000544 

 Je l'en supplie de tout mon cœur, [41] et vous, ma chere Seur, de venir joyeuse en luy, qui est vostre joye et consolation.

  A013000544 

 Je vous escris sans entendement, mais je ne vous escris pas sans un cœur plein d'extraordinaire desir de vostre bien et perfection.

  A013000544 

 Si vous sçavies comme je vous escris, vous excuseries bien l'indigestion de mes paroles et de mon stile; mais cet (sic) tout un.

  A013000547 

 De Saint Claude, vostre chemin s'adresse droit a Gex, ou je vous feray tenir un homme qui vous accompaignera jusques chez ma mere.

  A013000547 

 Je vous attendray plus tost la veille de l'Ascension que le samedi suivant..

  A013000547 

 L'homme qui vous ira au rencontre vous conduira.

  A013000547 

 Vous viendres de Gex a Geneve ou, si vous ne voules pas, vous n'arresteres point, et si vous voules, vous pourres arrester, car il ni a pas de danger, et de la vous viendres a Thorens.

  A013000548 

 Dieu vous ayde.

  A013000548 

 Je vous invitois a la veille de l'Ascension, mais comme je fermois la lettre, des Peres Chartreux me sont venuz conjurer d'aller en un monastere voysin consacrer des filles; si que le jour auquel je vous attendrey sera le samedi suivant.

  A013000559 

 L'esperance qu'on me donnoit d'avoir bien tost lhonneur de vous voir de deça, me faysoit attendre de vous supplier humblement pour beaucoup de grandes necessités ecclesiastiques qui sont en ce diocæse; mais puisque nous sommes encor incertain de la jouissance du bien de vostre præsence, j'ay prié le sieur Gottri, present porteur, d'aller apprendre de vous, Monsieur, quelle issue ces bonnes affaires pourront avoir.

  A013000563 

 Je ne sçai, Monsieur, si je doy plus rien esperer pour le college de cette ville, qui a tant besoin des Peres Jesuites, mays je sçai bien que n'en puis rien esperer [44] que par l'assistence de vostre charité, la grandeur delaquelle me promet qu'elle me pardonnera si je vous donne tant et si souvent de l'importunité..

  A013000577 

 Cet homme vous va rencontrer a Gex pour vous accompagner en cette derniere journee de vostre voyage.

  A013000577 

 Je le supplie qu'il vous accompagne a jamais..

  A013000577 

 Venes joyeusement, Dieu vous attend.

  A013000580 

 Celuy duquel Dieu vous donne l'ame,.

  A013000590 

 Voyla, ma Fille, l'image que je vous envoye: elle est de vostre sainte Abbesse, pendant qu'elle estoit encor au monastere des mariees, et de sa bonne mere, laquelle estoit venue du convent des vefves pour la visiter.

  A013000592 

 Au demeurant, vous voyés que le doux Jesus se panche et tourne du costé de sa mere grand, toute vefve qu'elle est, et mal coiffee et simplement vestue.

  A013000592 

 Et si vous y prenes bien garde, il tient un monde en ses mains, lequel il destourne doucement a gauche, par ce qu'il sçait bien qu'il n'est pas propre aux vefves; mais de l'autre main il luy presente sa sainte benediction..

  A013000593 

 Tendés les yeux et les bras a l'Enfant; sa Mere, vostre Abbesse, vous le donnera a vostre tour, et luy tres volontier s'inclinera a vous et vous benira glorieusement.

  A013000593 

 Tenés vous aupres de cette vefve, et, comme elle, ayés vostre petit panier.

  A013000605 

 Et de plus, si vous avez trop d'incomodité de vous y emploier vous mesmes, emploiez y qui bon vous semblera, car je le tiens pour deputé a ce faire et l'advoüe..

  A013000610 

 Je prie Dieu, Monsieur, quil vous comble de ses graces, et suis.

  A013000624 

 J'oubliay de vous dire, ma chere Fille, que si les oraysons de saint Jan, de saint François et les autres que vous dites, vous donnent plus de goust en françois, je suis bien content que vous les recities comme cela.

  A013000625 

 Je veux que nous les appellions jours de nostre dedicace, puisqu'en iceux vous aves si entierement dedié vostre esprit a Dieu..

  A013000625 

 O que mon ame est satisfaitte de l'exercice de penitence que nous avons fait ces jours passés, jours heureux, et acceptables, et memorables! Jobdesire que le jour de sa naissance perisse et que jamais il n'en soit memoire; mais moy, ma Fille, je souhaitte, au contraire, que ces jours esquelz Dieu vous a faitte toute sienne, vivent a jamais en vostre esprit et que la souvenance en soit perpetuelle.

  A013000626 

 Que rien ne vous trouble ci apres, ma Fille; dites avec [51] saint Paul: Au demeurant, que nul ne me fasche, car je suis stigmatisé des playes de mon Maistre; c'est a dire, je suis sa servante, voüee, dediee, sacrifiee.

  A013000627 

 Nourrissés tant qu'il sera possible beaucoup d'union entre vous et mes dames du Puy d'Orbe et Brulart, car il me semble que cela leur sera profitable..

  A013000628 

 Vous connoistres asses, a voir que je vous escris a tout propos, que je vous vay suyvant en esprit, et il est vray.

  A013000629 

 Et donq, ma chere Fille, reposes vous en cette Providence paternelle, resignes vous du tout en icelle; et cependant, tant que je pourray, je m'espargneray pour vous tenir parole, affin que, moyennant la grace celeste, je vous serve longuement.

  A013000629 

 Helas, nenny, ma tres aymee Fille, ne regardés point a qui, mais pour qui vous obeisses.

  A013000629 

 Je suis fort consolé, ma chere Fille, de vous voir pleine du desir d'obeissance; c'est un desir de prix incomparable, et qui vous appuyera en tous vos ennuys.

  A013000629 

 Mon Dieu, ne craignés point que la providence de Dieu vous defaille; non, s'il estoit besoin, il envoyeroit plustost un Ange pour vous conduire que de vous laisser sans guide, puisqu'avec tant de courage et de resolution vous voules obeir.

  A013000638 

 Je le beniray toute ma vie des graces qu'il vous a preparees: preparés-luy aussi de vostre costé des grandes resignations en contreschange, et portés vaillamment vostre cœur a l'execution des choses que vous sçaves qu'il veut de vous, malgré toutes sortes de contradictions qui se pourroyent opposer a cela..

  A013000638 

 Me voyci a vous escrire et ne sçai quoy, sinon que vous allies tous-jours gayement en ce chemin celeste auquel Dieu vous a mise.

  A013000639 

 En un mot, estant aggreables a Dieu et reconneuës pour cela, a qui doivent elles estre desaggreables? Prenés garde, ma tres chere Fille, a vous rendre tous les jours plus pure de cœur.

  A013000639 

 Ne regardés nullement a la substance des choses que vous feres, mais a l'honneur qu'elles ont, toutes chetifves qu'elles sont, d'estre voulues de sa volonté divine, ordonnees par sa providence, disposees par sa sagesse.

  A013000640 

 Je ne sçai si vous m'entendes, mais je le pense: je regarde a vos desirs, a vos ardeurs.

  A013000640 

 N'aymés rien trop, je vous supplie, non pas mesme les vertus, que l'on perd quelquefois en les outrepassant.

  A013000640 

 Soyons ce que Dieu veut, pourveu que nous soyons siens, et ne soyons pas ce que nous voulons contre son intention; car, quand nous serions les plus excellentes creatures du Ciel, dequoy nous serviroit cela, si nous ne sommes pas au gré de la volonté de Dieu? Je redis a l'adventure trop cela, mais je ne le diray plus si souvent, puisque mesme Nostre Seigneur vous a des-ja beaucoup fortifiee en cet endroit..

  A013000641 

 Faites moy ce bien de m'advertir du sujet de vos meditations pour cette annee presente; je me consoleray a le sçavoir, et du fruit qu'elles font en vous.

  A013000653 

 Pour me tenir en possession de vous escrire a toutes les commodités qui s'en presenteront, je vous diray ces trois ou quatre choses lesquelles j'ay dittes a madame de Chantal nostre bonne seur, mais non pas si clairement quil ne soit encor utile de vous les representer icy.

  A013000654 

 Je me contente infiniment de ce que vous m'escrives que, non obstant toutes difficultés, en fin en fin vous passiés outre.

  A013000654 

 Or, ma Fille, ni a-il pas moyen de dissoudre petit a petit ces difficultés? Il le faut sans doute, et procurer d'avoir une vraye simplicité chrestienne, delaquelle le principal effect consiste a naifvement se declairer en confession, et bien plus encores; car je ne doute point qu'un jour Dieu vous fera la grace d'estre si humble que vous desireres que non seulement vos peres spirituelz, mais les autres aussi sachent toutes vos imperfections.

  A013000654 

 Vous m'escrivies n'a gueres que vous esties tous-jours pleyne de difficultés pour la confession.

  A013000655 

 Et moy, ma chere Fille, je prieray tant Dieu, quil m'assistera a vous bien conseiller..

  A013000655 

 Je ne sçai encor si vous aurés choysi monsieur Viardot pour vous visiter quatre ou cinq fois l'annee, avec quelque soin special du progres spirituel de vostre Mayson.

  A013000655 

 Que [55] sil luy plait prendre la peyne de vous voir quelquefois, ce vous sera tous-jours tant plus de bien.

  A013000655 

 Que s'il se treuvoit quelque disparité d'opinion entre luy et monsieur Viardot, vous ne mescontenteres ni l'un ni l'autre en vous en rapportant a moy, auquel l'un et l'autre sçavent bien que vous aves speciale confiance.

  A013000655 

 Vos lettres, ce me sembloit, tendoyent a cela, qui m'occasionna de luy en escrire; neanmoins, je ne veux pas en cela vous donner aucune contrainte.

  A013000655 

 Voyes bien et considerés si vous pourres vous bien ranger a luy donner de la confiance, et escrivés moy tout au plus tost vostre intention, affin que, selon cela, je luy en puisse derechef escrire et luy dire encor plus amplement mon opinion touchant vostre conduite, a laquelle je ne puis cesser de penser et soigner jour et nuit.

  A013000656 

 Nostre seur de Chantal me dit quelque chose de certaines craintes et ombres qui se presentent quelquefois a vous en vos prieres; et je luy dis que vous ne deviés pas seulement arrester un seul moment vostre esprit a considerer si cela estoit ou non, ni que cela peut estre ou que c'est; car je vous asseure, ma chere Seur, que cela n'est rien du tout, sinon une divagation d'imaginative que l'apprehension de la solitude, ou l'ennuy et difficulté de ces commencemens engendre en vostre esprit.

  A013000656 

 Tenes donq ferme, car ce n'est rien; et quand cela vous arrivera, ne vous amuses ni peu ni prou a penser et philosopher la dessus, mais tenes vous pour tout asseuree que Dieu est avec vous, et divertisses soudainement vostre pensee a quelqu'autr'object, comme seroit a Jesuschrist qui vous regarde des le Ciel et a sa sainte Mere..

  A013000657 

 Et voyla tout ce que j'en dis, sinon que je vous supplie de la bien humilier.

  A013000657 

 J'ay esté infiniment consolé, sachant combien vous estes estroittement jointe de cœur avec madame de Chantal, delaquelle je puis bien respondre qu'elle vous cherit avec un'affection tout'entiere et parfaitte.

  A013000657 

 Vous aves maintenant ma jeune seur, laquelle sans doute vous fera bien de l'incommodité; mais il ni a remede, je ne sçaurois vous en faire ni des excuses ni des ceremonies, j'ay trop de confiance en cett'estroitte alliance qui est entre nous.

  A013000658 

 Je la vous souhaite et desire avec un'ardeur extreme, et suis,.

  A013000664 

 Faites-moy sçavoir bien au long la disposition de vos filles, que c'est que monsieur Neron aura treuvé bon de faire en vostre Mayson et, plus que tout, quell'est vostre inclination au choix d'un Pere spirituel auquel de dela vous puissies jetter vostre confiance..

  A013000678 

 Ne voyes vous pas que l'on n'esmonde point les vignes a coups de coignee, mais que l'on les coupe avec la serpe doucement et sarment apres sarment? J'ay veu telle piece de sculpture que le maistre a manié dix ans avant qu'elle fust parfaitte, et n'a jamais cessé d'en lever avec le ciseau et le burin, et petit a petit, tout ce qui empeschoit la juste proportion.

  A013000678 

 Non sans doute, il n'est pas possible d'arriver en un jour ou vous aspires: il faut ores gaigner ce point, demain un autre, et pied a pied nous nous [58] rendrons maistres de nous mesmes, qui ne sera pas une petite conqueste..

  A013000679 

 Continues, je vous supplie, avec confiance et sincerité en cette sainte poursuitte, de laquelle despend toute la consolation de l'heure de vostre mort, toute la vraye douceur de cette vie presente et toute l'asseurance de la future.

  A013000679 

 Et mon Dieu, que vous seres heureuse si au milieu du monde vous conserves Jesus Christ dedans vostre cœur! Je le supplie qu'il y veuille vivre et regner eternellement..

  A013000680 

 Souvenes vous de la leçon principale, laquelle il nous a laissee en trois motz, affin que nous ne l'oubliions jamais et que, cent fois le jour, nous la puissions repeter: Apprenes de moy, dit-il, que je suis doux et humble de cœur.

  A013000680 

 Vous verres qu'a mesure que ce saint et delicat Amant prendra place en vostre esprit, le monde, ses vanités et superfluités en sortiront..

  A013000681 

 Je vous l'ay dit, Madame, et je vous l'escris maintenant: je ne veux point une devotion fantasque, brouillonne, melancholique, fascheuse, chagrine; mais une pieté douce, souëfve, aggreable, paysible et, en un mot, une pieté toute franche et qui se fasse aymer de Dieu premierement, et puis des hommes.

  A013000682 

 Il faut seulement que je vous responde sur ce que vous me demandes, commïl faut que desormais vous m'escrivies.

  A013000682 

 Je n'ay pas autre chose a dire pour cela, sinon que vous ne deves pas mettre sur la lettre Monseigneur tout court, ni autrement; il suffit d'y mettre Monsieur, et pour cause.

  A013000682 

 Je suis homme sans ceremonie, et vous cheris et honnore de tout mon cœur pour plusieurs raysons, mais sur tout par [59] ce que j'espere que Nostre Seigneur vous veut avoir pour toute sienne.

  A013000682 

 Notés bien et vous resouvenes de ce que je vous ay dit: offrés et donnés a tout moment vostre cœur a Dieu, souspirés a luy, rendes vostre devotion aggreable, sur tout a monsieur vostre mari, et vives joyeuse d'avoir pris ce genre de vie..

  A013000682 

 Soyés le, Madame, soyés le, je vous supplie.

  A013000682 

 Sçaves-vous comment, Madame? Escrives moy librement, sincerement et naïfvement.

  A013000683 

 Je prie tous-jours Dieu qu'il vous tienne de sa sainte main; rendes moy le reciproque, et jettés quelques souspirs au pied de la Croix pour mon ame, laquelle est toute voüee au service de la vostre et de tout ce qui vous est plus cher.

  A013000700 

 Je vous escrivis la lettre precedente, sur l'asseurance que j'avois au voyage d'un Pere Cordelier, lequel n'a [60] pas reusci, et elle m'est demeuree, en attendant de jour a autre, jusques a l'arrivee de la vostre, receu (sic) par l'homme de ma mere; en response a laquelle, permettes moy, je veux dire, ayes aggreable que je vous parle en vray pere..

  A013000701 

 Ce n'est ni vostre incommodité, ni vostre pauvreté, ni toutes ces considerations que vous aves rencontrees, et sur tout ce n'est pas pour ne me point rendre vostre obligé.

  A013000701 

 L'amour que je vous porte ne pense nullement a cela; je ne sçai pas comme le vostre y va songer.

  A013000701 

 La rayson pour laquelle je voulois que la pension de ma jeune seur fut paÿee est plus grande que tout ce que vous me dites.

  A013000701 

 Non, ma Fille, je ne crain (sic) point les liens et chaisnes qui m'obligeront a vous, car le grand lien spirituel me serre si fort, que tous les autres me semblent des filetz d'araignees en comparayson.

  A013000701 

 Sans doute, j'avois la rayson pour moy; neanmoins, puisque vous vous en offencés, je cede et ne vous en parleray plus, sans qu'il soit besoin que vous employes l'authorité de monsieur nostre pere..

  A013000701 

 Sçaves vous ce que je pensois? C'est que, puisque j'avois declairé mon opinion a bon escient, j'estimois que vous y accommoderies la vostre et croiries que j'avois rayson, sans vous en enquerir davantage; mais vous n'estes pas si simple.

  A013000702 

 Que voules-vous? il faut un petit s'accommoder a luy.

  A013000702 

 Seigneur Dieu, je croyois que vous n'oseries pas seulement y penser sans mon advis, et vous me parles d'en sortir! O ma Fille, qu'est ce qui a esbranlé nos resolutions? Quelle nouvelle difficulté nous peut faire retirer de nos desseins, si proffitables a nos ames, si pleins de la gloire de Dieu? Ouy vrayment, il m'en faudra bien parler, et faudra bien que nous en parlions a Dieu avant que de le faire.

  A013000702 

 Vous m'aves bien mis plus en peine quand vous m'aves parlé de sortir de cette Mayson-la, mais non pas sans m'en parler.

  A013000703 

 Je m'attendois a sçavoir par vostre lettre, ou vostre inclination vous portoit pour la confession; c'est a dire, si vous receviés pas a plein cœur les advis de monsieur Viardot, si vous y avies pas de la confiance.

  A013000703 

 Ledit sieur Viardot m'en a esclarci, m'escrivant que, par une lettre, vous l'y avies invité, dont je suis bien ayse; et, suivant cela, je luy escris asses au long de ce que j'ay pensé propre pour vostre Mayson..

  A013000703 

 Mais vous avies la teste pleyne de ma seur et de la cholere de la pension.

  A013000704 

 Je vous recommande en tout le progres de cette reformation, cette sainte douceur et charité requise; il faut que ce soit le principal instrument de toute cett'entreprise.

  A013000704 

 La patience vous est requise, par ce que vous y aures mille petitz degoustz; mais il ni a remede, c'est la gloire de Dieu.

  A013000705 

 Je ne pense pas que mon affection envers vous et vostre Monastere soit explicable; je sçai que si vous la voÿies vous l'admireries pour sa grandeur et sa constance..

  A013000705 

 Ma chere Fille, tenes les yeux sur Jesuschrist qui vous a appellee a cette sainte œuvre; faites tout pour l'amour de luy.

  A013000706 

 Le doux Jesus soit tous-jours avec vous, ma chere Fille, et je suis vostre, tout entierement vostre en Jesuschrist..

  A013000709 

 Item, je vous avois escrit que les Dames pouvoyent, au tems de la recreation, chanter des cantiques spirituelz en françois, selon leur disposition; et je l'ay, du despuis, treuvé de mesme en la Mere Therese..

  A013000720 

 Courant je vous escris ces quattre motz pour très humblement vous saluer et presenter mon advis sur les articles de la reformation de nostre Puis d'Orbe.

  A013000720 

 Je croy que vous ny treuveres rien d'aspre; mais, Monsieur mon tres honnoré Pere, ne suis-je pas vostre tres obeissant filz? Et donques, mesnages mon honneur en ne permettant pas que le bon Pere de Saint Benine croye que je veuille surnager a son conseil, car je ne le doy pas vouloir..

  A013000721 

 Croyes, Monsieur mon Pere, que si je pouvois autant que je desire, il ne se passeroit point de six mois que je ne fuss'avec vous huit jours en cette devote Mayson; j'y suis ordinairement d'esprit et d'affection..

  A013000721 

 Je vous supplie donques de l'avoir aggreable.

  A013000721 

 Ni pour cela veux je dire [63] que monsieur Neron ne soit tres utile a nostr'entreprise; mais je vous marque un autr'instrument bien sortable.

  A013000721 

 Voyes vous, Monsieur mon Pere, toutes sortes d'espritz ne sont pas bons pour le sien.

  A013000735 

 Je vous escriray dans peu de jours par le Gardien des Cordeliers d'Aoustun qui doit venir a Lion au jour de saint Bonaventure; je luy envoyeray mes lettres pour les vous faire tenir..

  A013000736 

 A Dieu, ma Fille tres aymee; vivés en Jesus Christ et faites quil vive en vous.

  A013000736 

 Ne craignés nullement a m'escrire de vos travaux, car a qui en voudriés vous escrire?.

  A013000736 

 Tenes vous tous-jours pres [64] de vostre Abbesse et avec vostre Maistresse.

  A013000740 

 Ma mere ne sçait pas que je vous escrive.

  A013000753 

 Mais je dois, nonobstant cett'asseurance, me resouvenir moy mesme de vous supplier humblement, comme je fay, pour les necessités de nos cures de Chablaix et Gaillart, destituees de pasteurs faute de moyens, suivant ce que vous pristes la peyne d'en apprendre estant a Thonon.

  A013000754 

 Et permettes moy, Monsieur, je vous en supplie, que je vous resouvienne de ce quil vous pleut m'accorder pour mon particulier, qui est, qu'estant a Chamberi, vous me feries lhonneur de considerer, si pour n'avoir pas voulu accorder des excommunications en matiere criminelle et contre les Canons, il est raysonnable que le temporel de l'evesché ou celuy du vicaire soit saysi....

  A013000765 

 Puisque le conte que mes freres vous ont envoyé se treuve bon au fons, je vous supplie avec toute mon affection de donner ordre au payement de ce qui reste, ou par quelque bonn'assignation ou autrement.

  A013000765 

 Vous termineres par ce moyen les importunités que vous recevés de nostre sollicitation et les incommodités que nous recevons de la retardation du payement, et vous nous obligeres encor de plus fort a vostre service, sur tout moy qui, priant Nostre Seigneur pour vous, me prometz un'entiere asseurance de vostre amitié et suis, Monsieur,.

  A013000780 

 Vous me demandies comme je voulois que vous fissies a l'entreveuë de celuy qui tua monsieur vostre mary; je respons par ordre..

  A013000781 

 Il n'est pas de besoin que vous en recherchies ni le jour ni les occasions; mais s'il se presente, je veux que vous y porties vostre cœur doux, gracieux et compatissant.

  A013000782 

 Je replique: je n'entens pas que vous recherchies le rencontre de ce pauvre homme, mais que vous soyes condescendante a ceux qui le vous voudront procurer, et que vous tesmoignies que vous aymes toutes choses.

  A013000783 

 A Dieu, ma Fille; demeurés en paix, et tenés-vous sur le bout de vos piedz et vous estendés fort du costé du Ciel.

  A013000802 

 Alors, Très Saint Père, vous étiez par le cardinalat, tout proche de la dignité pontificale, tandis que moi-même, en qualité de Prévôt de cette Eglise, je négociais auprès du Saint-Siège; il s'agissait de faire restituer au culte catholique les églises que les hérétiques, à la suite d'une très longue occupation, avaient ruinées.

  A013000802 

 Je le dois à vous, le Pontife suprême, à vous qui illustrez une telle Chaire.

  A013000802 

 Si dans cette circonstance j'eus tant à me louer de votre bienveillance, tandis que vous étiez Cardinal, n'ai-je pas lieu d'espérer vos bonnes grâces, aujourd'hui que vous êtes Père et Pontife?.

  A013000803 

 Aussi, nous n'en pouvons douter, outre la sollicitude que vous avez de l'universalité des Eglises, vous voudrez aider d'une particulière assistance au relèvement de ce diocèse, qui, plus que les autres, a subi de la part des hérétiques les pires des vexations; et cette assistance sera d'autant plus féconde que vous exercez de plus haut sur nous votre prééminence.

  A013000803 

 D'ailleurs, c'est le Christ, Chef des Evêques, dont sur terre vous tenez la place, qui, la où le péché avait abondé, fait surabonder la grâce..

  A013000803 

 Or, Très Saint Père, vous êtes le cœur et le soleil de l'état ecclésiastique tout entier.

  A013000821 

 Dequoy pleures-vous, o femme? Non, il ne faut plus estre femme, il faut avoir un cœur d'homme; et, pourveu que nous ayons l'ame ferme en la volonté de vivre et mourir au service de Dieu, ne nous estonnons ni des tenebres, ni des impuissances, ni des barrieres.

  A013000821 

 Mais que vous diray-je, ma chere Fille? Demain, jour de la Magdeleyne, je vay prescher devant nos bonnes Filles de Sainte Claire; [74] mais a vous, je dis qu'un jour Magdeleyne parloit a Nostre Seigneur, et, s'estimant separee de luy, elle pleuroit et le demandoit, et estoit tant empressee que, le voyant, elle ne le voyoit point.

  A013000821 

 Vous m'aves tant fait de feste de mes petites lettres que je vous envoyois sur chemin, que meshuy je vous en veux faire plusieurs de cette sorte-la et ne laisser aucune occasion sans vous escrire ou peu ou prou.

  A013000822 

 Vous diray-je une pensee que je fis dernierement en [75] l'heure du matin que vous voules que je reserve pour ma chetifve ame? Mon point estoit sur cette demande de l'Orayson dominicale: Sanctificetur nomen tuum, ton nom soit sanctifié.

  A013000822 

 Voyes vous, ma chere Fille, ou mon esprit se laisse aller? Je me ressouvins aussi des hostelz de Paris, sur le frontispice desquelz le nom des princes ausquelz ilz appartiennent est escrit, et je me res-jouissois de croire que celuy de vostre cœur est a Jesus Christ.

  A013000826 

 Tous les vostres de deça se portent bien, mais nul ne sçait que je vous escrive.

  A013000840 

 Je vous supplie, Monsieur, de continuer en mon endroit la charité que vous m'aves promise de prier Dieu pour moy, qui suis....

  A013000850 

 Voyla le bon Pere Sebastien qui brusle de zele a la reduction de ces ames de Gaillart, et comme vous verres, [77] il s'essaye de me communiquer de sa chaleur et me charge de vous envoyer sa lettre.

  A013000851 

 Mais je ne lairray pas de vous supplier, Monsieur, de faire appeller par devant vous le sieur chevalier Bergeraz, et de me marquer le jour et le lieu auquel je me rende ensemblement pres de vous, pour, par vostre authorité, terminer une bonne fois les portions necessaires a l'entretenement du service de Dieu es eglises des balliages.

  A013000852 

 Je crains extremement de me rendre importun, mais non pas en cett'occasion, en laquelle vous jugés bien, Monsieur, que mon desir est raysonnable, pour fort et pressant qu'il puiss'estre..

  A013000852 

 Monsieur, ou qu'il vous playse de me voir pres de vous pour cet effect, je m'y rendray tout aussi tost, et vous supplie tres humblement de me favoriser en cet endroit de l'acceleration.

  A013000853 

 Je prie Nostre Seigneur quil vous conserve et comble de ses graces, et suis,.

  A013000871 

 Je suis tous-jours en peyne de sçavoir si vous aures encor point rencontré de personnage propre pour la conduire de cette trouppe d'ames, qui, sans doute, ne peut autrement estre qu'avec beaucoup de troublement et d'inquietudes, qui sont des herbes qui croissent volontier dans les monasteres mal cultivés, et principalement en ceux des filles.

  A013000871 

 Mais sur tout je voudrois fort entendre quel progres vous esperes pour la clausure; s'il sera pas possible de tenir la porte fermee aux hommes, au moins avec la moderation que je vous avois escrit, laquelle n'estoit que trop facile, ce me semble, et telle que monsieur nostre pere ne pouvoit treuver mauvaise.

  A013000872 

 Mesnagés vostre santé affin qu'elle vous serve a servir Dieu.

  A013000872 

 Soyés soigneuse, mais gardés-vous des empressemens.

  A013000873 

 A Dieu, ma chere Fille; je supplie sa sainte Bonté qu'elle vous assiste a jamais, et je suis extremement, et de tout mon cœur, tout vostre et plus que vostre..

  A013000880 

 Qu'est ce que je puis craindre de vous a cette heure? Non, j'ay je ne sçai quoy qui me respond en bien de l'estat de vostre ame..

  A013000881 

 O ma Fille, il me semble que je vous ay une bonne fois enfantee sur les genoux de la belle Rachel, de nostre tres chere et sacree Abbesse: elle vous a prise a soy; pour moy, je n'en ay plus le soin principal.

  A013000882 

 Tant de tenebres que vous voudres, mais cependant nous sommes pres de la lumiere; tant d'impuissances qu'il vous plaira, mais nous sommes aux pieds du Tout Puissant.

  A013000883 

 Demeurés en paix, ma Fille, vous aves le partage des enfans de Dieu.

  A013000883 

 Vous ne sçaves pas que je pense sur ce que vous me demandés des remedes? C'est que je n'ay point souvenance que Nostre Seigneur nous ayt commandé de guerir la teste de la fille de Sion, mais seulement son cœur.

  A013000884 

 Courés dedans les barrieres, puisqu'on les a mises; vous ne laisseres pas [81] d'emporter la bague, et plus seurement.

  A013000884 

 Mais que voudries vous qu'il fust? Quelque esprit clairvoyant, fort, constant et subsistant? Aggreés que vostre esprit soit assortissant a vostre condition: un esprit [de] vefve, c'est a dire vil et abject de toute abjection, horsmis celle de l'offense de Dieu.

  A013000884 

 Ne vous efforces point, ne vous mettes point en peyne vous mesme, puisque vous me parles comme cela: apres les pluyes, le beau tems.

  A013000885 

 Mais mon Dieu, commenceray je par la a vous parler de moy, puisque vous le desires? C'est la verité; hier tout le jour et toute cette nuit, j'en ay porté une pareille, non pas en ma teste, mais en mon cœur; mais maintenant elle m'est ostee par la confession que je viens de faire.

  A013000885 

 Ne soyés point jalouse, encores une fois; vous n'aves pas seule cette croix.

  A013000885 

 Or sus, mays encores quand vous auries toute seule une croix a part, qu'en seroit ce? Elle en vaudroit mieux, et, par la rareté, en devroit estre plus chere.

  A013000886 

 Ce pendant, n'aves vous pas vos petitz ouvrages a faire en attendant? Suis-je point trop dur, ma Fille? Au moins je suis veri table.

  A013000886 

 Il ne messied point aux vefves d'estre un petit reculees; il y a une trouppe d'honnestes gens qui attendent aussi bien que vous, il est raysonnable qu'ilz soyent preferés.

  A013000886 

 On ne vous a pas encor ouvert la porte, mais, par le guichet, [82] vous voyes la basse cour et le frontispice du palais de Salomon: demeurés la.

  A013000886 

 Serves vous du peu de lumiere que vous avés, dit Nostre Seigneur, jusques a ce que le soleil se leve.

  A013000887 

 C'est ce que je vous dis..

  A013000887 

 Je vous dis que vous pouvies voir les huguenotz; je dis maintenant: ouy, voyés-les, mais rarement, et soyés courte et retroussee avec eux, neanmoins douce et reluisante en humilité et simplicité.

  A013000887 

 Le filz de vostre bonne Maistresse escrivoit un jour a la devote Maxime, sa bonne fille spirituelle, et il luy dit presque ces paroles: Soiés avec les heretiques simple et gracieuse comme une colombe a leur parler, ayant compassion de leurs malheurs; soyés prudente comme le serpent a bien tost vous glisser hors de leur compaignie aux rencontres, aux occasions et encor par maniere de quelque rare visite.

  A013000888 

 Ouy, ma Fille, j'appreuve que vous marquies les mouvemens interieurs qui vous auront porté aux imperfections et defautz, pourveu que cela ne vous inquiete point.

  A013000888 

 Pour vos pensees, il n'est pas requis de s'amuser a celles qui ne font que passer, mais seulement a celles lesquelles, comme font les abeilles, vous laisseront leurs germes et esguillons dans leurs piqueures..

  A013000889 

 J'ay fait [83] en partie ce que vous desiries de moy, c'est a dire pour la reserve des œuvres requises au cors et a l'esprit.

  A013000889 

 Je m'en vay vous dire en quattre motz quelque chose de moy.

  A013000889 

 Je voudrois que vous me vissies tout interieurement, pourveu que mes imperfections ne vous scandalisassent.

  A013000890 

 Je ne vous diray rien de la grandeur de mon cœur en vostre endroit, mais je vous diray bien qu'elle demeure bien loin au dessus de toute comparayson; et cette affection est blanche plus que la neige, pure plus que le soleil: c'est pourquoy je luy ay lasché les resnes pendant cette absence, la laissant courir de son effort.

  A013000892 

 De deux costés j'ay des nouvelles que l'on me veut relever plus haut devant le monde; l'un suivant le billet que je vous leus en la gallerie de vostre Sales, l'autre de Rome.

  A013000892 

 Mais tout cecy entre le pere et la fille; point plus loin, je vous en prie.

  A013000893 

 Je prie Nostre Seigneur de vous aggrandir en son amour..

  A013000904 

 Je vous escris volontier par ce porteur par ce qu'il m'est fort asseuré et que, dans peu de tems, il me rapportera de vos nouvelles, sil vous plait luy en donner.

  A013000904 

 Que je les souhaite saintes, ma chere Dame, et sortables aux graces que Dieu vous a faites.

  A013000905 

 Faites moy ce bien de m'en escrire quelque chose au retour de ce porteur, lequel peut estre ne sera pas si soudain qu'elle mesme ne puisse bien vous envoyer des lettres pour me faire tenir par son entremise..

  A013000906 

 Je n'escris point a monsieur Viardot; il me suffira si vous prenes la peyne de le saluer en mon nom et le resouvenir de moy pour le tems de ses prieres, ausquelles je me recommande, et aux vostres aussi.

  A013000911 

 Je vous supplie de me ramentevoir es bonnes graces de monsieur vostre mari, auquel je suis serviteur tres humble, et de monsieur et madamoyselle de Jacot..

  A013000922 

 Il me reste a vous respondre a celle de cette date la, puisque par les precedentes j'ay respondu a toutes les autres..

  A013000922 

 Vous aves maintenant en main, je m'en asseure, ma Fille, les trois lettres que je vous ay escrittes et que vous n'avies pas encor receuës quand vous m'escrivistes le second aoust.

  A013000923 

 Vos tentations sont revenues et, encores que vous ne [87] leur repliquies pas un seul mot, elles vous pressent.

  A013000923 

 Vous aymes la foy et ne voudries pas qu'une seule pensee vous vinst au contraire, et, tout aussi tost qu'une seule vous touche, vous vous en attristes et troubles.

  A013000923 

 Vous estes trop jalouse de cette pureté de foy, il vous semble que tout la gaste.

  A013000923 

 Vous estes trop sensible aux tentations.

  A013000923 

 Vous ne leur repliques pas, voyla bon, ma Fille; mais vous y penses trop, mais vous les craignes trop, mais vous les apprehendes trop: elles ne vous feroyent nul mal sans cela.

  A013000924 

 Croyés-moy, ne craignés point les tentations, ne les touchés point, elles ne vous offenceront point; passés outre et ne vous y amuses pas..

  A013000924 

 Non, ce me dit un paisan, n'ayés point peur et ne les touchés point, et elles ne vous piqueront nullement; si vous les touchés, elles vous mordront.

  A013000925 

 Je vous dis ceci parce que mon cœur ne sauroit rien celer au vostre et ne se tient point pour estre divers ni autre, ains un seul avec le vostre.

  A013000926 

 C'est aujourd'huy saint Augustin, et vous pouves penser, si j'ay prié pour vous et le Maistre et le serviteur et la mere du serviteur de Dieu.

  A013000926 

 C'est luy qui m'a donné a vous; il soit a jamais beni et loué..

  A013000928 

 Vous apprehendes trop les tentations; il n'y a que ce mal.

  A013000929 

 Vivés, ma chere Fille, avec le doux Jesus et vostre sainte Abbesse, parmi les tenebres, les cloux, les espines, les lances, les derelictions, et, avec vostre Maistresse, vivés long tems en larmes, sans rien obtenir; en fin Dieu vous resuscitera et vous res-joüyra, et vous fera voir le desir de vostre cœur.

  A013000943 

 J'ay soudainement despeché vostre homme, et par ce que je doy prescher a midi, je ne vous diray sinon que je suis tous-jours fort consolé, quand j'ay de vos lettres, et le dois bien estre encor plus par celle ci qui m'asseure si asseurement que vostre cœur est ferme au dessain quil a fait de servir son Dieu a la poursuite de la vraye devotion..

  A013000944 

 Aspires y perpetuellement par les courtz mais vifz eslancemens de vostre esprit a son saint amour, desquelz je vous ay souvent parlé..

  A013000944 

 Continues, ma chere Dame, continues, dis-je, a vous avancer joyeusement de ce costé-lâ, ou vous rencontreres en fin le bienheureux repos de vostr'ame.

  A013000944 

 Souvenés vous que nostre Dieu n'est pas comme le reste des choses: il est bon a tous et en tous tems, vous le treuveres par tout a vostre support et consolation; c'est pourquoy ne vous lasses point a la queste d'un si grand bien.

  A013000945 

 Et ne vous puis oublier pour ce regard, [90] nom plus que moymesme, qui, saluant mille fois monsieur vostre mari et vos bonnes graces, suis sans fin.

  A013000945 

 Faites-le tous-jours, je vous prie, et saches que je n'offre jamais le Filz celeste au Pere sur l'autel, que je n'offre quant et quant vostre cœur a sa divine Majesté, affin qu'elle la (sic) benisse de ses plus cheres benedictions.

  A013000945 

 Je vous remercie de la souvenance que vous aves devant Nostre Seigneur de ma misere pour la recommander a sa misericorde.

  A013000959 

 Mon Dieu, ma chere Fille, quand sera ce que Nostre Dame naistra dedans nostre cœur? Pour moy, je voy bien que je n'en suis nullement digne; vous en penseres tout autant de vous.

  A013000971 

 Y a-il rien de si doux que de ne voir guere de terre et beaucoup de ciel? Mais souvenes vous que je parle d'une closture tres douce, comme celle des Chartreux, et vous jugeres aussi tost qu'elle est faysable, pour peu qu'on y veuille employer de loysir, d'industrie, de priere..

  A013000973 

 Ce me seroit pourtant de la consolation de vous voir assistee de quelqu'un qui fust propre a vostre dessein, et qui, par la veuë et presence, sceust mieux juger des particulieres convenances que je sçaurois faire de si loin..

  A013000973 

 Quand vous ne le voudriés pas, encor pensés que je me desguiserois pour, sous la personne d'une autre, vous rendre le service auquel je me sens attaché par la main de Nostre Seigneur.

  A013000974 

 Vous exclames de desir de me revoir; mais croyes-moy, ma Fille, mon cœur en pousse des clameurs bien fortes devant Dieu; s'il les exauce, sans doute je vous reverray plus tost que les circonstances de ma charge ne me le promettent pas.

  A013000975 

 Non, ma Fille, demeurés ferme (mais je vous l'ordonne au nom de nostre Maistre), demeurés ferme a ne point dire vos Heures ni l'Office, tant que les medecins vous diront que le recit vous seroit dommageable.

  A013000975 

 Vous ne laisseres pas, je m'asseure, de faire exhaler de vostre cœur mille parfums de courtes mais ardentes prieres, aux pieds de Jesus Christ crucifié, qui doit estre l'ordinaire [93] object de vos pensees, en ce saint tems de vos tribulations.

  A013000976 

 J'escriray a vos jeunes filles comme vous desires, mais je ne sçay quelle inscription mettre au dessus de la lettre.

  A013000976 

 Je ne retiens vostre homme qu'un seul jour, tant je desire de vous [donner] l'asseurance que vous desires de ma chetifve et inutile santé, et de tout ce qui est a vous de deça..

  A013000976 

 Je vous l'envoyeray en blanc, et vous l'y feres mettre telle que vous jugeres.

  A013000976 

 Par ci apres, vous pourres me faire escrire tant que vous voudres, par l'entremise de madame de Chantal, qui a treuvé une voye fort aysee a Aoustun, par laquelle je vous escriray aussi le plus que je pourray.

  A013000977 

 Ce bon succes du commencement de nostre reformation, ces bons desirs, ces bonnes affections a la poursuite de la vertu, ces feux, ces fers, ces litz de douleur, cette jambe boiteuse, ces contradictions, que penses vous que soit tout cela? Marques de l'amour de Dieu, signes de son bon playsir en nous.

  A013000978 

 Ouy, ma Fille, je prieray incessamment sa Bonté qu'elle soit aupres de vous et vous tienne de sa main, affin que rien ne vous esbranle: j'ay confiance en sa misericorde qu'il nous l'accordera.

  A013000979 

 Je suis, ma chere Fille, plus vostre que mien; vostre [94] autant que vous mesme, puisque Celuy qui vous a donné a vous mesme m'a rendu vostre..

  A013000991 

 Tout aussi tost que nostre bon Dieu mit en l'esprit de madame vostre Abbesse la confiance qu'ell'a au mien, et qu'avec tant de volonté, ell'eut embrassé le dessein de restablir la discipline religieuse en son Monastere, je me sentis aussi tout soudainement lié et voué a vostre service, et commençai a vous souhaiter toutes les benedictions du Ciel, lesquelles je ne doutois point vous devoir bien tost arriver par la disposition en laquelle je voyois vostre teste, et celle en laquelle, par son recit, je vous voyois aussi toutes; car elle me dit tant de louables qualités de vostre bon naturel, que je m'en promis aysement les beaux et dignes effectz desquelz vous jouisses maintenant avec elle, et je m'en res-jouis extremement avec vous..

  A013000992 

 Que puis-je dire en ce grand contentement que j'en reçois, sinon que Dieu vous veuille affermir de plus en plus en ces saintes affections et vous donne la sainte perseverane? Y a il consolation au monde, comparable a celle d'un'ame religieuse, qui n'a que Dieu pour l'object de ses affections? Y a-il rien de si doux que de voir une mere, avec tant de filles autour d'elle, qui, comme branches d'un bel olivier, fleurissent sur le tige de la sainte obeissance et observance de la Regie?.

  A013000992 

 Vous appliques [déjà] fort vos entendemens a connoistre Dieu par l'orayson, vos memoires a vous resouvenir de ses bien faitz, par l'action de graces et meditation, vos volontés a son obeissance, par celle que vous rendes avec tant de soupplesse a vostre Abbesse.

  A013000993 

 Que vous estes donques heureuses d'estre dans le panier des figues douces, car il ni a point de douceur qui puisse estre parangonnee a une Religion reformee..

  A013000994 

 Et combien de benedictions, je vous prie, vous donneront celles qui, marchant sur vos pas, vivront ci apres saintement en vostre Mayson..

  A013000994 

 Il me semble que je voÿe escrire vos noms au Ciel, et qu'on adjouste que vous estes les meres de plusieurs autres qui, apres vous et a vostre imitation, embrasseront la Croix en vostre Monastere.

  A013000994 

 Mais, mes Dames, permettes moy que je m'en resjouisse avec vous d'une speciale allegresse, car sans doute ce sujet est extraordinaire et des plus grans.

  A013000994 

 Non seulement vous jouires du bonheur que la vie vrayement religieuse donne aux ames qui l'embrassent, mais vous en aures encor cette particuliere consolation: c'est, mes Dames, que non seulement vous receves cette benediction pour vous, mais vous la feres couler a vostre posterité spirituelle, et laisseres dedans vostre Mayson des plantes apres vous, qui rendront le mesme fruit, Dieu [96] aydant.

  A013000994 

 Vous n'estes pas seulement des ruisseaux, mais vous estes des fontaines.

  A013000995 

 Quel bonheur de vous voir, comme seurs en une table, repaistre et l'interieur et l'exterieur d'une mesme tressainte viande; de vous voir au chœur, les yeux couvertz au monde et ouvers a Dieu; de vous voir, avec cett'humilité et renoncement de vous mesme, obeir aux volontés de celle que Dieu vous a donnee pour conductrice en ce voyage de perfection.

  A013000995 

 Vous aves rencontré la terre coulante de miel et de lait, l'obeissance et la devotion; possedes-la en vraye joye, arrestes y vos espritz..

  A013000996 

 Ayes aggreable l'affection qui le pousse a vos yeux, et croyes, je vous supplie, que je ne cesseray jamais d'implorer de la misericorde de Dieu les graces qui vous sont requises, pour le saint accomplissement de cette sainte besoigne que vous aves si heureusement commences avec madame vostre Abbesse.

  A013000996 

 Et si, outre cela, je pouvois estre treuvé utile a l'advancement de vos desirs saintz et devotz, je vous consacre mon esprit et toutes ses forces..

  A013000996 

 Pour moy, mes cheres Dames, j'en ay une consolation indicible, et n'ay sceu me retenir de vous la tesmoigner par cest escrit, qui vous porte a la haste quelques unes de mes pensees sur vostre sujet.

  A013000997 

 Aimes vos vœux, qui vous peuvent ouvrir la porte de ce saint tabernacle; vives avec la sainte douceur du cœur, qui rend toutes choses souëfves; conserves cette couronne que Dieu a mis sur vos testes, le plus haut fleuron de laquelle c'est l'obeissance.

  A013000997 

 Je finis, mes Dames, vous suppliant d'oüyr doucement ces quattre motz.

  A013000997 

 Vous estes sorties du monde et vous montes pas a pas le sacré mont de perfection: ne regardes point en derriere, voyes devant vos yeux le Ciel [97] qui vous attend.

  A013001014 

 Escrives moy seulement a cœur ouvert et de vos maux et de vos biens, et ne vous mettes en nulle peyne, car mon cœur est bon a tout cela..

  A013001014 

 Mon esprit, sans [98] doute, vit parmi vos tenebres et tentations, car il accompaigne fort le vostre; le recit de vos maux me touche de compassion, mais je voy bien que la fin en sera heureuse, puisque nostre bon Dieu nous fait prouffiter en son eschole, en laquelle vous estes plus esveillee a la sentinelle qu'en autre tems.

  A013001014 

 Ne vous mettes nullement en peyne de moy pour tout ce que vous m'escrives, car voyes vous, je suis en vos affaires comme Abraham fut un jour.

  A013001015 

 Et fermés les yeux a tout respect que vous pourries porter a mon repos, lequel, croyés-moy, je ne perdray jamais pour vous, pendant que je vous verray ferme de cœur au desir de servir nostre Dieu, et jamais, jamais, s'il plait a sa Bonté, je ne vous verray qu'en cette sorte la.

  A013001015 

 Partant, ne vous mettes nullement en peyne..

  A013001017 

 Je vous diray ces deux motz de moy.

  A013001017 

 Mais faites courir vostre imagination tant que vous voudres, elle ne sçauroit atteindre ou ma volonté me porte, pour vous souhaitter de l'amour de Dieu..

  A013001017 

 Mon Dieu, que je lis avec beaucoup de consolation les parolles que vous m'escrivistes, que vous desiries de la perfection a mon ame presque plus qu'a la vostre: c'est une vraye fille spirituelle, cela.

  A013001018 

 Je ne peux faire plus de paroles que pour vous donner la benediction; je la vous donne donques au nom de Jesus Christ crucifié, la Croix duquel soit nostre gloire et nostre consolation, ma chere Fille.

  A013001030 

 Je luy dis ce que [101] vous m'avies respondu quand j'eu le bien de vous en parler; mais cela ne la peut accoyser.

  A013001030 

 La force de l'attraction interieure ne peut souffrir ni dilation ni allentissement; c'est pourquoy, voyant que j'avois compassion de son cœur qui se va consumant en ses desirs, elle me conjura fort de vous en escrire ce qui m'en semble, estimant que mon entremise luy seroit plus favorable cette seconde fois que la premiere..

  A013001031 

 Croyes moy, Monsieur, Dieu sçait qu'en ceci je parle devant luy: abandonnés vous a la Providence divine, et laisses embarquer cette fille ou l'inspiration l'appelle.

  A013001031 

 Dieu vous consolera plus en un jour, acquiesçant a sa volonté, que tous les enfans du monde ne feront en cent ans.

  A013001031 

 Et pourroit bien avoir tant en affection son dessein, qu'ell'en seroit un jour malade de melancholie, et, en lieu de vous contenter, elle vous donneroit du desplaysir.

  A013001031 

 Et s'il vous falloit immoler vostre fille comm'Abraham voulut faire son enfant, et Jephté le fit reellement, n'auries vous pas le courage de le faire pour Dieu? Or, voyla une douce et non sanglante immolation de vostre fille que Dieu desire de vous; en cela connoistra-il combien vous l'aymes, si vous exposés l'ame de cette fille, qui est vostre ame, pour l'amour de sa divine Majesté, laquelle vous a tant aymè que de donner son Filz pour vous..

  A013001031 

 Je vous diray donq, Monsieur, que l'esprit de madamoyselle vostre fille estant si parfaittement animé du dessein de vivr'a Dieu totalement et sans division, elle n'aura jamais repos hors du lieu ou elle aspire; et vous, qui l'aimes tendrement, aures aussi beaucoup d'inquietude de la voir vivra contrecœur au monde et devant vos yeux.

  A013001032 

 Et vous sçaves que nous ne devons pas nous arrester au bien, quand nous pouvons attaindre au mieux et que nous y sommes attirés comm'est cette benite fille, laquelle, pour le plus grand bienfait qu'elle prætend de vostre paternelle charité, vous demande congé de voüer [102] son cors, son ame, ses pensees, ses forces, ses annees et sa liberté a Celuy qui luy a donné tout ce qu'ell'a..

  A013001033 

 Je vous prie, Monsieur, d'avoir aggreable cette recharge que je vous en fay, qui sort d'un cœur tout affectionné a vostre bonheur et prosperité, que je supplie la divine Bonté vous vouloir departir abondamment, et demeure, Monsieur,.

  A013001044 

 Or sus donq, ma bonne Fille, vous verres que nous ferons prou; car ce cher et doux Sauveur de nos ames ne nous a pas donné ces desirs enflammés de le servir, qu'il ne nous en donne les commodités.

  A013001044 

 Sans doute, il n'esloigne point l'heure de l'accomplissement de vos saintz souhaitz que pour vous la faire rencontrer plus heureuse; car voyés vous, ma tres chere Fille, cet amoureux cœur de nostre Redempteur mesure et adjuste tous les evenemens de ce monde a l'advantage des espritz qui, sans reserve, se veulent asservir a son divin amour..

  A013001045 

 Elle viendra donq, cette bonne heure que vous desires, au jour que cette Providence souveraine a nommé dans le secret de sa misericorde; et alhors, avec mille sortes de secrettes consolations, vous desployeres vostre interieur devant sa divine Bonté, qui convertira vos rochers en eau, vostre serpent en baguette, et toutes les espines de vostre cœur en roses et en roses odorantes, qui recreeront vostre esprit et le mien de leur suavité.

  A013001046 

 Puisque vous aves asses de force pour vous lever une heure avant Matines et faire l'orayson mentale, je l'appreuve bien fort.

  A013001046 

 Quel bonheur d'estre la, seule a seule avec Dieu, sans que personne sache ce qui se passe entre Dieu et le cœur, que Dieu mesme et le cœur qui l'adore! J'appreuve que vous vous exercies es meditations de la Vie et Passion de Nostre Seigneur..

  A013001047 

 Le soir, entre Vespres et le souper, vous vous retireres pour un quart d'heure ou une petite demy heure, ou en l'eglise ou en vostre chambre; et la, pour rallumer le feu du matin, ou reprenant la mesme matiere que vous [104] aures meditee ou prenant pour sujet Jesus Christ crucifié, vous ferés une douzaine de ferventes et amoureuses aspirations a vostre Bienaymé, renouvellant tous-jours vos bons propos d'estre toute sienne..

  A013001048 

 Ayés un bon courage, Dieu vous appelle indubitablement a beaucoup d'amour et de perfection.

  A013001048 

 Et quant a moy, ma Fille, asseurés vous bien que toutes mes affections sont dediees a vostre bien et au service de vostre chere ame, que Dieu veuille a jamais benir de ses grandes benedictions..

  A013001048 

 Il sera fidelle de son costé a vous ayder; soyés fidelle du vostre a le suivre et seconder.

  A013001074 

 Aussi, ayant su naguère que vous étiez à Venise pour l'impression de votre Apparatus Sacer et cet honnête homme devant s'y rendre (c'est encore lui qui, de retour, pourra me rapporter exactement des nouvelles de votre santé), je désire en vous saluant très humblement, s'il vous plaît, me rappeler à votre souvenir..

  A013001074 

 Voici bien longtemps que je vais m'enquérant de vos nouvelles et du lieu précis où vous demeurez, afin de vous en donner pareillement [105] des miennes.

  A013001074 

 Votre grande bienveillance pour moi, à l'époque où j'avais le bonheur d'être de vos enfants spirituels à Padoue, m'en donne assez l'assurance, vous n'apprendrez pas sans plaisir ce que je fais.

  A013001075 

 Depuis, vous vîntes à Chambéry, mon Révérend Père, et sachant qu'il était à Thonon, où il prêchait pour la défense de la foi catholique, vous lui fîtes l'honneur de lui écrire pour l'encourager, en lui adressant votre Moscovia et le petit livre de Poesi et Pictura collata cum Christiana, imprimé à part de votre Bibliotheca Selecta.

  A013001075 

 Il y avait à Padoue un jeune gentilhomme savoisien, M. de Sales; [106] par une faveur singulière vous lui donniez un très libre accès auprès de vous, non seulement dans le Sacrement de Pénitence, mais encore dans votre commerce intime.

  A013001075 

 Un an plus tard vous lui fîtes la grâce de lui écrire de Bologne où vous étiez Recteur..

  A013001076 

 Le porteur de cette lettre, M. de Gaillon, est un de ces convertis; il pourra vous fournir de plus amples détails.

  A013001078 

 Je composai depuis un autre livret qui a reçu l'approbation de plusieurs; si j'en avais eu la commodité, je vous l'aurais offert, non certes que je le juge digne de tomber sous vos yeux, mais pour vous rendre mon devoir et soumettre à votre censure toutes mes affaires, tout ainsi que jadis je vous soumettais mon âme elle-même, et c'est de quoi je serai fier toute ma vie..

  A013001079 

 Je souhaite qu'il vous soit propice, qu'il protège votre respectable vieillesse, et je demeure pour toujours,.

  A013001079 

 Veuillez agréer, je vous supplie, mon Révérend Père, cette lettre; elle vient, n'en doutez pas, d'un homme qui vous honore et vénère [109] autant que nul autre, et qui s'estimera fort honoré et obligé si vous daignez le recommander parfois à la miséricorde de notre Sauveur.

  A013001091 

 A cette intention je vous escriray asses souvent, non pour vous provoquer a me faire des responses (ce vous seroit peut estre trop de peyne), mais pour me ramentevoir en vostre bienveuillance et vous tesmoigner, tant que je pourray, combien j'en cheris l'honneur..

  A013001091 

 Estant et devant estre homme de fort peu de ceremonies, je vous diray fort simplement que Dieu m'a donné [110] tant d'inclination a vous souhaiter ses graces et benedictions et tant de confiance en vostre vertu, qu'il ne me seroit pas possible ni de cesser de supplier sa divine Majesté affin qu'il perfectionne son saint amour en vostre esprit, ni de douter que vous n'ayes aggreable de vous resouvenir quelques fois de moy, qui, chargé de grand fardeau, ay bien besoin de l'assistance de vos prieres reciproques.

  A013001092 

 Continues, je vous supplie, a faire ainsy vostre proffit de tout ce qui vous est proposé.

  A013001092 

 Et ceci vous le deves faire souvent, car, outre que cela recree, Dieu en est servi.

  A013001092 

 Permettes moy cependant, Madame, que je me resjouisse avec vous de l'affection avec laquelle vous aves receues ce peu de paroles que je vous dis pour le bien de vostre ame.

  A013001092 

 Que si vous uses de ces moyens, vous rompres petit a petit le chemin a toutes amertumes et melancolies spirituelles..

  A013001092 

 Resveilles souventefois en vous l'esprit de joÿe et de suavité, et croyes fermement que c'est le vray esprit de devotion; et si par fois vous vous sentes attaquee du contraire esprit de tristesse et d'amertume, eslancés a vive force vostre cœur en Dieu et le luy recommandes, puis, tout soudainement, divertisses vous a des exercices contraires, comme de vous mettre a quelque conversation sainte, mais de celles qui vous peuvent resjouir.

  A013001092 

 Sortes a vous promener, lises quelque livre de ceux que vous gousteres le plus, et, comme dit le saint Apostre, chantés quelque chanson devote.

  A013001093 

 Je prie Nostre Seigneur qu'il vous veuille donner une continuelle assistance de son tres saint Esprit pour luy rendre le service et l'amour que vous desires.

  A013001098 

 Mon frere vous remercie tres humblement de la souvenance dont vous l'honnores et demeure vostre serviteur obeissant..

  A013001109 

 Ouy, je vous salue, vous, petites et grandes croix, spirituelles ou temporelles, exterieures ou interieures; je salue et bayse vostre pied, indigne de l'honneur de vostre ombre..

  A013001110 

 A quel propos cela? Ouy, c'est a propos, ma si chere Fille, car j'adore de mesme affection les vostres, que je tiens pour miennes, et veux (au moins je vous en prie) que vous aymies les miennes de mesme cœur.

  A013001112 

 Je ne vous diray plus rien, ni dessus le grand abandonnement de toutes choses et de soy mesme pour Dieu, ni dessus la sortie de sa contree et de la mayson de ses parens.

  A013001114 

 Il n'est pas besoin de dire en confession ces petites pensees, qui, comme mousches, passent et viennent devant vos yeux, ni l'affadissement des goustz que vous aves eu en vos vœux, car tout cela ne sont point pechés, mais ennuis, mais incommodités..

  A013001114 

 Pour nos filles, vous ne sçauries faillir a suivre l'advis de vostre confesseur.

  A013001115 

 Je prie Nostre Seigneur qu'il vous rende de plus en plus sienne; qu'il soit [114] le protecteur de vos resolutions, le defenseur de vostre viduité, le directeur de vostre obeissance; qu'il soit vostre tout et tout vostre.

  A013001127 

 Et puisqu'il vous plait achever l'œuvre, il ne sera pas besoin de faire rayer aucun des noms des freres, mais seulement celuy de la mere, laquelle ne pretend rien a l'achast.

  A013001127 

 L'argent s'envoyera quand, et ou bon vous semblera et en telle somme que vous marqueres.

  A013001127 

 Le pied a l'estriet, pour aller a la visite ces six semaines qui sont entre ci et l'Advent, je vous remercie humblement du soin quil vous a pleu prendre pour les freres Rollans.

  A013001130 

 Je vous salue humblement, et madame ma tante, estant,.

  A013001135 

 Mon frere a charge de vous envoyer ce que vous desiries pour vostre parroisse..

  A013001147 

 Je vous remercie infiniment de la lettre qu'il vous a pleu m'escrire, qui m'a donné un'extreme consolation, [117] et de sçavoir que vous aves souvenance de moy, et d'entendre les heureuses nouvelles du progres des monasteres de la sainte Mere Therese en nos Gaules; car, a la verité dire, j'ay une particuliere devotion et a la Mere et aux filles: dont je loue Dieu d'en voir ces nouvelles plantes a Dijon, ville qui m'est chere autant que si j'en estois.

  A013001148 

 Que si, avec ce bien, il vous plait de m'assister de vos prieres et oblations aupres de sa divine Majesté, l'obligation sera parfaitte..

  A013001148 

 Vous m'obligeres extremement si, a vos commodités, vous me faites part du succes et des particularités de l'arrivee de cet Ordre en France, et des ames qui s'y sont reduites.

  A013001154 

 Madamoyselle vostre niece, despuis vostre depart de Paris, au tems que j'y estois, me rendit son pere spirituel; permettes moy que je vous demande de ses nouvelles.

  A013001169 

 Monsieur nostre bon pere m'escrit souvent de vos nouvelles: rien ne me peut arriver de plus souhaittable quand elles sont bonnes, comme elles sont tous-jours selon Dieu, en qui je sçai que vous jettes toute vostre veuë interieure, et au bon playsir duquel tous vos desseins et desirs se vont fondre..

  A013001169 

 Opprimé et accablé d'affaires en cette visite de mon diocese que je fay, je ne laysse pas de prier nostre bon Dieu tous les jours et luy offrir le saint Sacrifice, affin que vous ne soyes pas accablee des douleurs que vostre jambe vous apporte, ni des difficultés que nos saintes entreprinses ont et doivent avoir en ces commencemens.

  A013001170 

 Courage, ma chere Fille; Dieu vous sera propice sans doute, pourveu que vous luy soyes fidelle.

  A013001170 

 Quel bonheur que sa divine Majesté vous veuille employer a son service non seulement agissant, mays patissant! Ayés soin de conserver la paix et la tranquillité de vostre cœur; laissés bruire et gronder les vagues tout autour de vostre barque et ne craignes point, car Dieu y est, et par consequent le salut.

  A013001179 

 C'est tout un; encor vaut-il mieux vous escrire peu que rien..

  A013001179 

 Ne voyci pas un estrange fait, ma chere Fille! Il y a un mois que je n'ay sceu vous escrire ni peu ni prou, par ce que j'estois engagé dans nos montagnes, du tout hors de chemin, et je tiens en ma main sept de vos lettres, dont la derniere est du 9 de ce moys, ausquelles il me semble que je n'aye pas encor respondu qu'a trois; et neanmoins je ne puis maintenant vous escrire qu'en courant.

  A013001180 

 Mais ne vous inquietés point pour cela, car, ayant le propos de vous conduire par mon advis en cela, vostr'ame n'en peut estre coulpable..

  A013001180 

 Pour le papier des cinq mille francz, je ne puis vous en donner resolution, que vous ne me marquiés a qui l'interest en pourroit revenir; c'est a dire qui en pourroit souffrir perte si vous le gardies, car de la depend le jugement que j'en dois faire.

  A013001181 

 Et partant, vous pourres prudemment [121] cesser de faire les visites personnelles, esquelles il y auroit une juste apparence de danger et contagion..

  A013001182 

 Ce vous est (et a moy par consequent) un extreme contentement de sçavoir que ce chevalier estoit bon, doux et gracieux a ceux qui l'avoyent blecé ou offencé; maintenant il en aura bien a voir que nous en voulons faire de mesme.

  A013001182 

 Et vous voyes donques que sil vous pouvoit parler, il vous diroit ce que je vous ay dit, pour l'entrevëue de celuy qui luy fit le coup de son trespas.

  A013001182 

 J'ay esté consolé, au recit que vous me faites des traitz de vertu qui parurent en l'ame de feu monsieur vostre mari, sur le point de son depart de ce monde: signes evidens de son bon fons et de la presence de la grace de Dieu.

  A013001183 

 Il ne passe jour que je ne prie pour le bien de l'ame de monsieur vostre premier espoux, et je pense que vous m'en aves voulu souvenir par ces deux recitz que vous m'en aves fait, qui m'ont esté fort aggreables..

  A013001185 

 Voyes vous bien, cette chere seur que j'ayme infiniment, ell'est guerie, Dieu merci, mais encor un peu de defluxion dessus ses jambes la font (sic) aller lentement a la closture de sa Mayson: encor un peu de respect aux volontés des freres, des peres, des meres, que sçai-je moy? O mon Dieu! que bien heureux sont ceux qui, en semblables occasions, dient a leurs peres et freres: Je ne sçai qui vous estes, je ne vous connois point.

  A013001186 

 Non, je vous prie, ma Fille, ne violentes point vostre teste pour la faire franchir les barrieres; demeures tranquille en vostre orayson, et quand les distractions vous attaqueront, destournes-les tout bellement si vous pouves; sinon, tenes la meilleure contenance que vous pourres, et laisses que les mouches vous importunent tant qu'elles voudront, pendant que vous parles a vostre Roy.

  A013001186 

 Vous pouves les esmoucher avec un mouvement civil et tranquille, mais non pas avec un effray ni impatience qui vous face perdre contenance..

  A013001188 

 Et voyla donq M me de Saint Ange qui vous arrivera fort a propos.

  A013001188 

 Pour ma seur, je suis de vostre advis; non que je ne voulusse bien qu'elle fut auprès de vous, puisqu'elle n'a pas son cœur contourné a la Religion, mais pour condescendre a l'amitié de madame l'Abbesse, qui merite bien qu'on ne la contrechange pas de desplaysir en ses faveurs.

  A013001189 

 J'attendray que cett'autre seur m'escrive sur le sujet pour lequel vous luy laissastes l'article que j'avois escrit dans vostre livre.

  A013001189 

 Que Satan est mauvais! Jusques ou se va-il fourrer! Mais ne vous en estonnes pas: les choses spirituelles luy sont fort accessibles, par ce quil est esprit; il ne luy faut pas beaucoup d'ouverture, pour se glisser es amitiés des mortelz.

  A013001190 

 Je dis une demi heure, au lieu de la petite recollection que je vous avois marquee..

  A013001190 

 N'adjoustes gueres de peynes corporelles a celles du jeusne de l'Eglise; mais puisqu'en Caresme on jeusne et que l'on n'employe pas le tems du souper a manger, sinon pour la petite collation, vous pourres bien prendre une demi heure environ ce tems la, a mediter sur la Passion ou sur ce qui vous aura touché au sermon.

  A013001190 

 Pour le Caresme il y a du loysir a vous parler; pour l'Advent il n'est plus tems.

  A013001190 

 Vous pourres refaire encor pour un an vos petitz vœux, sinon que la charge d'iceux vous pressast trop.

  A013001192 

 J'ay confirmé un nombre innombrable de peuple; et a tous les biens qui se seront faitz parmi ces simples ames, vous aves tous-jours participé, comme a tout le reste de ce qui se fait et se fera en ce diocese, pendant que j'en auray l'administration.

  A013001192 

 Mais pourquoy vous dis-je ceci? Par ce que je parle avec vous comme avec mon propre cœur..

  A013001192 

 Que vous diray-je plus? J'arrivay icy samedy au soir, apres avoir battu les chams six semaines durant, sans arrester en un lieu, sinon au plus demi jour.

  A013001194 

 Monsieur Cassart m'escrit comme n'ayant pas receu de nos lettres; et neanmoins je luy ay escrit, et pense que ma lettre luy sera arrivee, aussi bien que celle que je vous ay escritte, puisqu'elles estoyent ensemble..

  A013001195 

 Ma bonne mere ne sçait pas que je vous escrive, mais je sçay bien qu'elle et toute sa famille sont acquis irrévocablement a vostre service..

  A013001204 

 Vous sçaves, ma Fille, que c'est aussi le remede que j'ordonne volontier que la tranquillité, et que je defens tous-jours l'empressement.

  A013001209 

 Mon Dieu, ma chere Fille, qu'est ce que je vous escris? je veux dire, a quel propos cela? O ma Fille, puisque nostre invariable propos et finale et invariable resolution tend incessamment a l'amour de Dieu, jamais les paroles de l'amour de Dieu ne sont hors de propos pour nous..

  A013001220 

 A cett'intention, j'ay fait ces quattre motz pour vous en prier, estant fort desireux de tout ce qui regarde le bien [129] de cette ville la, comme je seray aussi tous-jours de ce qui tendra au service de vostre Chapitre, auquel je souhaite les benedictions cœlestes, et suis,.

  A013001220 

 A quoy il me semble que vous pouves et deves contribuer non seulement vos voix, mais vos remonstrances et persuasions, puisque l'erection et establissement de ce college servira tant a la gloire de Dieu et de l'Eglise, comme vous pouves juger et croire.

  A013001234 

 C'est pourquoy je vous y veux saluer par cette commodité, pour non seulement me ramentevoir en vostr'amitié, mais aussi pour demander, par vostr'entremise, la faveur d'estre continué en la bienveuillance de madame nostre mere, a laquelle mon obeissance filiale est entierement dediee.

  A013001234 

 Je pense que ces bonnes festes qui nous arrivent vous auront r'appellé au pres de madame nostre bonne mere, apres ce long voyage de Languedoc.

  A013001240 

 Vous ne seres pas marri, Monsieur mon Frere, si je vous dis qu'outre le devoir que j'avois de cherir avec tout honneur et respect monsieur de Pezieu, les demonstrations et tesmoignages d'amitié quil m'a rendu en vostre absence, me rendent infiniment son serviteur et tout plein de desir de me rendre son agreable frere et digne de sa faveur..

  A013001252 

 Je m'essayeray de persuader par lettres au Prieur de Bellevaux qu'il tienne sa parole et se rende a [131] Chambery pour s'accommoder a la rayson, pour le different quil a avec le seigneur Basso, et m'estonne bien quil vous aye respondu avec si peu de respect..

  A013001253 

 Ell'a desiré, Monsieur, que j'adjoustasse ma supplication a sa misere, pour obtenir, ce luy semble plus aysement, vostre compassion; et je n'ay pas deu l'esconduire, tant en faveur des bonnes festes, que pour connoistre son mari exempt de malice et fort homme de bien et fidelle, qui me fait vous supplier humblement, Monsieur, de luy vouloir estre propice..

  A013001254 

 Dieu veüille vous combler des benedictions qu'il respandit sur terre, quand il y envoya son Filz pour naistre petit enfant parmi nous; de quoy nous celebrons la memoire en ces jours, que je vous souhaite pleins de joye et contentement, estant,.

  A013001269 

 Vive Dieu! ma Fille, nostre cœur (voyes vous, je dis nostre cœur) est fait pour cela: ah! que n'en sommes nous bien pleins.

  A013001269 

 Vous ne sçauries vous imaginer le sentiment que j'ay presentement de ce desir.

  A013001270 

 Demandés-le luy, elle vous le donnera; et l'ayant, desrobbés luy secrettement une de ces petites gouttelettes qui sont dessus ses yeux.

  A013001270 

 Mon Dieu, ma Fille, que je vous souhaite en Bethlehem maintenant, aupres de vostre sainte Abbesse.

  A013001271 

 Ne vous chargés point d'austerités ce Caresme, sinon avec le congé de vostre confesseur, qui, a mon advis, ne vous en chargera pas.

  A013001272 

 A Dieu, ma chere Fille; je suis celuy qui vous a dedié tout son service..

  A013001286 

 J'entens neanmoins que ce ne soit pas pour dire une partie de l'Office publiq et solemnel, mais simplement, comme vous dites, des Noelz et chansons spirituelles.

  A013001286 

 Vous m'aves demandé, s'il seroit loysible aux filles de chanter en l'eglise, quelque Noël appreuvé ou autre chanson spirituelle.

  A013001302 

 La faveur que vous me faites d'avoir aggreable (sic) mes importunités, me fait encor lascher celleci, pour vous representer cette necessité que ledit Pere me dit estre fort grande, et je voy qu'au moins elle luy est a cœur..

  A013001302 

 Le bon Pere Maurice, qui est icy pour quelques jours, me dit que sil vous playsoit de recommander au [136] sieur juge maje de Ternier, ou au sieur de Rovenoz son lieutenant, l'execution et observation des editz faitz contre les huguenotz, ou plus tost pour eux et leur reduction, en peu de jours les effectz en seroyent tres bons et desirables.

  A013001319 

 Mais dites moy, ma Fille, ne m'est ce pas de l'affliction de ne vous pouvoir escrire qu'ainsy a la desrobbee? O voyla pourquoy il nous faut acquerir le plus que nous pourrons l'esprit de la sainte liberté et indifference; il est bon a tout, et mesme pour demeurer six semaines, voire sept, sans qu'un pere, et un pere de telle affection comme je suis, et une fille telle que vous estes, reçoivent aucunes nouvelles l'un de l'autre..

  A013001320 

 Vous fustes malade apres la Conception, et je le fus aussi sept ou huit jours durant, et craignois bien que ce ne fust pour bien plus, mais Dieu ne le voulut pas.

  A013001321 

 Et si feray, ma Fille, je vous diray quelque chose de moy, puisque vous le desires tant et que vous me dites que cela vous sert; mais, mais a vous, a vous seulement.

  A013001321 

 Je vous puis dire avec verité que j'en ay eu du travail sans mesure despuis que je me suis mis a la visite; et, a mon retour, je treuvay une besoigne de laquelle il me fallut entreprendre ma part, qui m'a infiniment occupé.

  A013001322 

 Je me sens un peu plus amoureux des ames que l'ordinaire; c'est tout l'advancement que j'ay fait despuis vous, mais au demeurant, j'ay souffert des grandes secheresses et derelictions, non toutefois longues, car mon Dieu m'est si doux, qu'il ne se passe jour qu'il ne me flatte pour me gaigner a luy.

  A013001323 

 Est ce pas asses dit, ma bonne Fille? Je dis ma bonne [139] Fille, parce que vous m'estes fort bonne et me consolés plus que vous ne sçauries croire.

  A013001326 

 C'est toute la ceremonie delaquelle j'use avec vous; autrement je reviendrois au mien et tien, duquel Dieu nous veuille garder et defendre..

  A013001326 

 Mais si elle ne veut pas estre Religieuse, je suis bien d'advis que vous exercies vostre charité envers elle, a l'enseigner comm'il faut estre bonne vefve, puisque quicomque se marie a besoin de cette leçon.

  A013001326 

 Si ma petite seur est si sage comme vous dites, je luy en sçai bon gré.

  A013001327 

 Parlons un peu de vous, c'en est bien la rayson.

  A013001328 

 Ouy da, ma Fille, lises et lises cherement l' Imitation de vostre Abbesse et les epistres de saint Hierosme; vous y treuveres celle qu'il escrit a sa Furia, et quelques autres qui sont bien belles.

  A013001329 

 M'entendes vous bien? Je croy qu'ouy, car vous sçavés ce que je vous dis un jour de mon voyage de Dijon, lequel je fis des-ja contre le commun advis de tous mes amis, mais sur tout de celuy auquel je devois le plus deferer, qui est le mesme Pere Recteur que je vay voir a ce Caresme prenant, lequel, avec un grand zele de mon bien, me pensa quasi arrester; mais ce grand Dieu, en la face duquel je regardois droit, tiroit tellement mon ame a ce beni voyage, que rien ne me peut arrester, et aussi il l'a reduit tout a bien et a sa gloire.

  A013001329 

 Pour ma personne, je ferois tout pour donner satisfaction, je ne dis pas a vous, mais au moindre de tous mes enfans que Dieu m'a donné; mais ma pauvre femme me fait compassion, et puis que je ne la puis laisser qu'elle n'en souffre mille incommodités et que Dieu veut que je luy adhære, me voyla garrotté.

  A013001329 

 Vous me demandes si j'iray en Bourgoigne cett'annee.

  A013001329 

 Voyla que c'est, je pense vous l'avoir des-ja dit par une præcedente.

  A013001330 

 Je vous ay dit ceci au long parce qu'il m'est venu en l'ame de penser que je le devois faire, a la charge que c'est a vous seulement.

  A013001330 

 Saint Paul dit a ses chers Romains, entre lesquelz et par lesquelz il devoit mourir: J'ay souvent proposé de venir a vous, affin que j'eusse [142] quelque fruit entre vous; mais j'ay esté empesché jusques a present.

  A013001331 

 Alhors vous me dires s'il est requis que nous nous voyons cette annee; et s'il l'est, je vous diray quand, et je le puis dire des maintenant.

  A013001331 

 Mays je dis cela en cas que vous et vostre confesseur jugies qu'il soit expedient; car, sans mentir, je plains vostre peyne, et si elle n'est contrechangee de quelque grande utilité spirituelle, elle m'afflige..

  A013001331 

 Pour moy, je pense bien, Dieu aydant, vous escrire tous les huit jours.

  A013001331 

 Tout ce Caresme, si vous m'escrives par Lyon vous en aures une tres grande commodité; car de Lyon a Chambery ce n'est pas comme des icy, car tous les jours les courriers arrivent.

  A013001333 

 A Dieu, ma chere Fille, a Dieu donq soyes vous a jamais.

  A013001333 

 Je suis en luy plus vostre que vous ne sçauries estimer; il n'y a rien de semblable.

  A013001333 

 Le doux Jesus repose a jamais sur vostre poitrine, et vous face reposer sur la sienne, ou du moins sur ses pieds..

  A013001338 

 Faites vous riche, je vous supplie, de ces thresors pretieux que rien ne vous peut ni ravir ni gaster.

  A013001338 

 Souvenes vous de ce que j'ay accoustumé de dire: Nous ne ferons jamais bien un Caresme pendant que nous en penserons faire deux.

  A013001338 

 Vous estes maintenant a Dijon, ou je vous ay escrit il n'y a que peu de jours, et ou vous abondes, par la grace de Dieu, de plusieurs consolations ausquelles je participe en esprit.

  A013001341 

 A vous, ma chere Fille, je dis que vostre bonne volonté, c'est vostre vigne; la cisterne, sont les saintes inspirations de la perfection que Dieu y fait pleuvoir du Ciel; la tour, c'est la sainte chasteté, laquelle, comme il est dit de celle de David, doit estre d'ivoire; le pressoir, c'est l'obeissance, laquelle rend un grand merite pour les actions qu'elle exprime; la haye, ce sont vos vœux.

  A013001342 

 La, comme vous sçaves que je ne puis faire autrement, je vous presenteray et representeray au Pere en l'union de son Filz, auquel, pour lequel et par lequel je suis uniquement et si entierement vostre..

  A013001352 

 Croyés que ce pendant je pense a tous momens a vous et a vostre ame, pour laquelle je jette incessamment mes souhaitz devant Dieu et ses Anges, affin que, de plus en plus, elle soit remplie de l'abondance de ses graces.

  A013001352 

 Ma tres chere Fille, que j'ay d'ardeur, ce me semble, pour vostre advancement au tres saint amour celeste, auquel, en celebrant ce matin, je vous ay derechef dediee et offerte, m'estant advis que je vous eslevois sur mes bras comme on fait les petitz enfans et les grans encor, quand on est asses fort pour les lever.

  A013001353 

 Ha! que vous fistes neanmoins un heureux eschange en ce jour la, embrassant l'estat de cette parfaite resignation auquel, avec tant de consolation, je vous ay treuvee; et vostre ame, prenant un Espoux de si haute condition, a bien rayson d'avoir une extreme joye en la commémoration de l'heure de vostre fiancement avec luy..

  A013001354 

 Je doy a jamais tascher de vous tenir hautement et constamment dans le siege que Dieu vous a donné en mon ame, qui est establi a la Croix..

  A013001354 

 Or sus, il est vray, ma chere Fille, nostre unité est toute consacree a la souveraine unité; et je sens tous-jours plus vivement la verité de nostre cordiale conjonction, qui me gardera bien de vous oublier jamais, qu'apres et long tems apres que je me seray oublié de moy mesme pour tant mieux m'attacher a la Croix.

  A013001355 

 Au demeurant, allés de plus en plus, ma chere Fille, establissant vos bons propos, vos saintes resolutions; approfondissés de plus en plus vostre consideration dans les playes de Nostre Seigneur, ou vous treuveres un abysme de raysons qui vous confirmeront en vostre genereuse entreprise et vous feront ressentir combien vain et vil est le cœur qui fait ailleurs sa demeure, qui niche sur autre arbre que sur celuy de la Croix.

  A013001356 

 N'en serés vous pas bien ayse, ma chere Fille, si un jour vous me voyes bien fait au service de Nostre Seigneur? Ouy, ma chere Fille, car nos biens interieurs sont inseparablement et indivisiblement unis.

  A013001356 

 [147] Vous me souhaittes perpetuellement beaucoup de graces, et moy, avec ardeur nompareille, je prie Dieu qu'il vous rende tres absolument toute sienne..

  A013001357 

 O ma Fille, je suis fort pressé; que vous puis-je plus dire, sinon que ce mesme Dieu vous benisse de sa grande benediction?.

  A013001358 

 Je le supplie qu'il vous serre et unisse de plus en plus en luy.

  A013001368 

 Je loue cette langueur, car elle ne [148] vous retarde point, je le sçai bien; au contraire, elle vous anime et pique a la conqueste..

  A013001368 

 Je vous voy tous-jours languissante du desir d'une plus grande perfection.

  A013001369 

 Il est vray, ma bonne Seur; mais ne taschés-vous pas d'heure a autre de les faire mourir en vous? C'est chose certaine que, tandis que nous sommes icy environnés de ce cors si pesant et corruptible, il y a tous-jours en nous je ne sçai quoy qui manque.

  A013001369 

 Je ne sçai si je vous l'ay jamais dit: il nous faut avoir patience avec tout le monde, et premierement avec nous mesmes, qui nous sommes plus importuns a nous mesmes que nul autre, despuis que nous sçavons discerner entre le viel et le nouvel Adam, l'homme interieur et exterieur..

  A013001369 

 Vous vivés, ce me dites vous, avec mille imperfections.

  A013001370 

 Or sus, vous aves tous-jours le livre en main pour la meditation, autrement vous ne faites rien.

  A013001370 

 Que vous doit il chaloir de cela? Que ce soit le livre en main et a diverses reprises, ou sans livre, que vous importe-il? Quand je vous dis que vous n'y fussies que demi heure, c'estoit au commencement, que je craignois de forcer vostre imagination; mais maintenant il n'y a pas de danger d'y employer une heure..

  A013001371 

 En la primitive Eglise, ou tous communioyent tous les jours, pensés vous qu'ilz se tinssent les bras croisés pour cela? Et saint Paul, qui disoit la sainte Messe ordinairement, gaignoit neanmoins sa vie au travail de ses mains.

  A013001373 

 Vous me demandes si ceux qui veulent vivre avec quelque perfection peuvent tant voir le monde.

  A013001374 

 Enquerés vous peu de ce que le monde pense, ne vous en mettes point en soucy, mesprisés son prix et son mespris, et le laissés dire ce qu'il voudra, ou bien ou mal.

  A013001374 

 Mais il me fasche, dites vous, des mauvais jugemens que l'on fait de moy qui ne fay rien qui vaille, et on croit que si; et vous me demandés une recette.

  A013001375 

 De dire qu'on n'est pas ce que le monde pense, quand il pense bien de vous, cela est bon; car le monde est un charlatan, il en dit tous-jours trop, soit en bien soit en mal..

  A013001375 

 En un mot, mesprisés presque esgalement l'opinion que le monde aura de vous et ne vous en mettés point en peyne.

  A013001376 

 Comme le sçaves-vous bien, ma chere Sœur? En quoy prefere-je les autres? Non, croyés-moy, vous m'estes chere et tres chere; et je sçai bien que vous ne prefereres pas les autres a moy, bien que vous le deussiés.

  A013001376 

 Mais je vous parleray en confiance.

  A013001376 

 Mais, que me dites-vous? que vous portes envie aux autres, que je prefere a vous? et le pis est que vous dites que vous le sçavés bien.

  A013001376 

 Nos deux seurs des chams ont plus de necessité d'assistance que vous qui estes en la ville, en laquelle vous abondes d'exercices, de conseil et de tout ce qu'il faut, la ou elles n'ont nul qui les ayde..

  A013001377 

 Et quant a nostre seur du [Puits-d'Orbe], ne voyes vous pas qu'elle est seule, n'ayant point d'inclination a se ranger a la confiance de ceux que monsieur nostre pere luy propose, et monsieur nostre pere ne gouste point ceux que nous proposons? car, a ce qu'elle m'escrit, monsieur nostre pere ne peut appreuver le choix de monsieur Viardot.

  A013001377 

 Ne dois-je pas plus de compassion a cette pauvre crucifiee qu'a vous, qui, Dieu mercy, aves tant de commodités?... [151].

  A013001386 

 Contre tous ces nouveaux assautz et tentations d'infidelité ou doute de la foy, tenés vous close et couverte dans les instructions que vous aves eu jusques a present; vous n'aures rien a craindre.

  A013001386 

 Prenes garde a ne point disputer ni marchander; item, a ne point vous en attrister et inquieter, et vous en seres delivree..

  A013001387 

 Ne vous amuses point a la consideration de tout cela, car il vous doit suffire que Dieu n'est point offencé en ces attaques que vous receves.

  A013001387 

 Pour moy, je voy cette grande horreur et hayne que vous aves pour ces suggestions, et ne doute nullement que cela ne vous nuise et ne donne de l'advantage a l'ennemy, qui se contente de vous ennuyer et inquieter, puisqu'il ne peut faire autre chose, comme il ne fera jamais, Dieu aydant.

  A013001387 

 Usés le plus que vous pourres de mespris de ces broüilleries la, car le mespris y est le remede le plus utile..

  A013001389 

 Je ne peux ni veux jamais finir de vous souhaitter [152] l'abondance des graces de Nostre Seigneur et de sa tres sainte Mere, en l'amour duquel je suis et seray invariablement et uniquement tout vostre..

  A013001398 

 Je vous asseure que cette seule nouvelle m'a des-ja rempli de joye et de contentement, et si cela m'arrive je le tiendray pour une singuliere faveur de Dieu....

  A013001408 

 J'avois des-ja sceu par la voye de mon frere de la Tuille le desir que vous avies pris de faire donner page mon cosin vostre filz a monsieur d'Albigni, et tout [154] aussi tost je m'enquis sil y avoit place, ou vacante ou preste a vaquer.

  A013001409 

 Je ne veux pas retourner que je ne me sois essayé fort fidellement a bien rendre ce devoir, comme je feray en toutes autres occasions, aydant Dieu, que je supplie vous benir et conserver, et demeure,.

  A013001427 

 Maintenant je vous diray que toutes les places de page chez monsieur d'Albigny sont pleynes et ni a pas grand'esperance qu'elles puissent estre vuides si tost.

  A013001442 

 Je vous demanday congé pour venir faire l'office que je fay en cette ville; je vous le demande maintenant pour mon retour, duquel je voy bien tost arriver la journee, avant laquelle je ne sçay si j'auray une si [157] bonne commodité de vous bayser les mains, comme est celle que me donne le voyage de M. vostre Official, pour aller pres de vous; qui m'a donné le sujet de vous supplier des maintenant d'avoir pour aggreable l'affection que j'ay eue au service de vostre peuple, et de croire que je suys,.

  A013001452 

 J'avois demeuré fort long tems sans avoir l'honneur de vos lettres, et tout en un jour, peu avant Pasques, j'en receu deux: l'une du 13 janvier, l'autre du 18 fevrier, par lesquelles, en un coup, j'ay receu aussi deux consolations; car je fus asseuré de vostre santé, de laquelle j'avois esté en peyne a rayson d'un advis que j'avois eu que vous avies eu des ressentimens de vostre gravelle, et de celle de madame l'Abbesse, ma tres chere seur, a laquelle j'en souhaite beaucoup pour le desir qu'elle [158] a de l'employer entierement a la gloire de Nostre Seigneur..

  A013001453 

 Vous seres consolé sans doute, Monsieur mon Pere, par le voysinage de ces bonnes Dames Carmelites, desquelles la bonne odeur se respand souefvement par tout ou elles sont receües; et moy, qui participe a tous vos contentemens, je m'en res-jouis beaucoup, comme aussi de la conversation de messieurs de Berulle [et Gallemand], que j'honnore de tout mon cœur pour sçavoir que Dieu a le sien tourné du costé du leur..

  A013001454 

 Vous luy faites trop de grace de vous resouvenir d'elle si tendrement..

  A013001455 

 Je m'en revay a mon Annessy, puisque le Caresme est achevé, d'où je vous escriray le plus souvent qu'il me sera possible pour vous tenir la memoire fraische de celuy qui, quoy que indigne et inutile, est glorieux d'estre et se pouvoir dire toute sa vie,.

  A013001472 

 Je vous ay des-ja escrit mon avis sur le sujet de vostre derniere lettre; mais voyant que vous le desires fort et craignant que si mes paquetz s'estoyent esgarés vous n'en demeurassies en peyne, je vous rediray quil ni a nul danger que vous entries au Monastere de nostre seur jusques a ce que la clausure y soit exactement establie.

  A013001472 

 Les ames qui vous en font scrupule sont bonnes et devotes, comm'elles tesmoignent par leur scrupule, lequel neanmoins n'a nul fondement; c'est pourquoy il ne s'y faut pas arrester.

  A013001472 

 Pleut a Dieu que les hommes qui n'entrent en cette Mayson-la que par curiosité et indiscretion, en fisse (sic) bien scrupule, car ilz auroyent bon fondement pour cela; mais non pas vous, jusques a ce que, comme je dis, la clausure y soit establie, qui ne sera jamais si tost que je le desire..

  A013001473 

 J'ay sceu ce que vous me dites des inquietudes de touttes les Religieuses, et en suis marri.

  A013001487 

 Pour le remede de ces importunités que vous receves touchant la foy, il dit vray: il ne faut point disputer, mais s'humilier; ni speculer avec l'entendement, mais roidir la volonté..

  A013001488 

 Le livre de La Methode de servir Dieu est bon, [161] mais embarrassé et difficile plus qu'il ne vous est requis.

  A013001489 

 Je vous ay neanmoins marqué en quelque papier que cette imagination doit estre fort simple, et comme servant d'esguille pour enfiler dans nostre esprit ses affections et resolutions.

  A013001489 

 Ne vous departés encor point de nostre methode jusques a ce que nous nous revoyons..

  A013001490 

 Ausquelles des deux que vous voulies venir, vous me treuveres icy plein de cœur, et, Dieu aydant, de joye a vous servir..

  A013001490 

 Mais quand sera-ce, me dires vous? Si vous pensies, [162] ma chere Fille, que vous puissies tirer de ma presence tant d'ayde et de bon fruit et de provisions spirituelles come vous m'escrives, et que vous en ayes beaucoup de desir, je ne seray pas si dur que de vous remettre a l'annee prochaine, mais vous remettray volontier au premier dessein, lequel ne me donne nulle peyne que celle que vous aures au voyage; car, au demeurant, il m'est plein de suavité et de contentement.

  A013001491 

 Et voyés-vous, ma chere Fille, en ces choses non necessaires, ou au moins desquelles je ne puis * pas bien discerner la necessité, ne prenés point mes paroles ric a ric; car je ne veux point qu'elles vous serrent, mais que vous ayes liberté de faire ce que vous croirés estre meilleur.

  A013001491 

 Seulement, il faudra m'advertir duquel des deux tems vous voudrés faire choix, car je veux faire venir ma mere icy en ce cas la; et croyés qu'elle et moy en serons bien consolés, aux despens de vostre travail..

  A013001491 

 Si donq vous croyes que vostre voyage vous soit fort utile, je m'accorde qu'il se face, mais cela avec ayse et toute volonté.

  A013001503 

 Il n'est pas croyable combien vous me lies estroittement au grand devoir que je vous ay, par cette continuelle memoire que vous aves de moy, de laquelle vos lettres si frequentes sont les marques.

  A013001504 

 C'est pourquoy, Monsieur mon Pere, je vous supplie de l'y bien assister, particulierement pour la closture, au moins avec la modification que j'y avoys apportee, car, cela, c'est le grand mot pour ce sujet.

  A013001504 

 Je sçai que mes prieres sont superflües, puysque vostre bonne volonté est abondante; mais je ne puis m'empescher de vous en faire ces repliques, par ce que mon desir, qui est extreme au bien de cette seur et a la gloire de sa Mayson, m'en presse et sollicite incessamment..

  A013001504 

 Mais, Monsieur mon tres honnoré Pere, sans vous, sans vostr'authorité elle ne peut rien, ni pour establir cette [entière] reformation qui est requise en son Monastere, ni pour la maintenir, au moins en ce commencement.

  A013001505 

 Mais quel prix, je vous supplie? car je ne croy pas que la devotion en aÿe icy bas; mais je pense bien qu'elles en auront au Ciel.

  A013001505 

 Vous m'escrives, Monsieur mon Pere, que madame la Presidente vostre fille et madame de Chantal ont emporté le prix entre toutes les devotieuses.

  A013001505 

 [164] Je vous entens bien neanmoins, Monsieur mon tres bon Pere; vous me voules consoler par la devotion de ces deux ames que j'affectionne infiniment en Nostre Seigneur.

  A013001506 

 Aussi ne demande-je sinon vostre juste et equitable faveur pour sa protection, ce pendant que je supplie Nostre Seigneur [165] quil multiplie la sienne sur vous et madame ma mere, comm'estant,.

  A013001506 

 Cela me gardera de m'estendre plus au long sur ce sujet de la devotion de ces deux dames; mesme, puisqu'il faut que, changeant de propos, je vous supplie d'avoir en recommandation les droitz du sieur de Longecombe, Religieux de Nantua, duquel la famille m'appartient d'un'alliance si estroitte qu'il ne se peut dire plus, et est toute pleyne de vertu.

  A013001523 

 Jay respondu a toutes vos precedentes lettres; je repete neanmoins quil ni a nul danger a vous d'aller dans le Monastere de mesdames vos seurs pendant que la clausure ni est pas establie; le scrupule que vous en aves est sans fondement, et n'en doute point.

  A013001524 

 Ma chere Seur, si vostre confesseur juge a propos que vous communiies plus souvent que tous les huit jours, [166] vous le pourres faire; car je pense qu'il voit et considere soigneusement l'estat de vostre ame pour vous bien conduire en ce point.

  A013001524 

 Que si j'estois aussi pres de vous quil seroit requis pour discerner sur cette particularité, je vous en dirois mon opinion; mais vous ne pouves faillir, suivant celle de ceux qui voyent vostre disposition et necessité presente: c'est pourquoy vous deves, avec confiance, vous y reposer..

  A013001525 

 Haïssés donq vos imperfections parce qu'elles sont imperfections, mays aymés-les parce qu'elles vous font voir vostre rien et vostre neant, et qu'elles sont sujet a l'exercice et perfection de la vertu et misericorde de Dieu, a laquelle je vous recommande incessamment, me confiant que vous en faites le reciproque pour moy, qui, a jamais, suis et seray.

  A013001525 

 Mais cette inquietude qui vous arrive de ne pouvoir atteindre a ce signe de perfection pendant cette vie, vous invite au soupçon du desplaysir que vous en aves, lequel sans doute n'est pas pur, puisqu'il inquiete.

  A013001525 

 Vous aymeries mieux vous voir sans faillir que de vous voir parmi les imperfections; aussi ferois je bien moy, car nous serions en Paradis.

  A013001529 

 Je salue monsieur vostre mari; je luy souhaite le Ciel propice, comme a tout ce qui vous appartient.

  A013001529 

 Vous me faites tous-jours des excuses; pour l'honneur de Dieu, non plus, car il semble que vous ne sçachies pas quelle ame sa divine bonté m'a donnee en vostre endroit..

  A013001541 

 Ceux de la Roche envoyent le secretaire de leur ville, avec l'acte signé du consentement quilz prestent aux articles portés par la requeste quilz vous ont presentee pour l'establissement de leur college.

  A013001541 

 Je les ay asseuré (sic) quil ne leur estoit besoin d'aulcun'autre chose, puisque, Monsieur, vous esties tout disposé a les gratifier pour ce sujet, qui, a la verité, est de soi mesme tres recommandable..

  A013001542 

 Je vous en supplie de rechef, et priant Nostre Seigneur quil accroisse tous-jours de plus en plus ses benedictions en vous, je demeure,.

  A013001560 

 C'est pourquoy, affin de le ranger plus tost, il seroit a propos que vous fissies une attestation comme du costé de vostre Chapitre [169] et des Religieux, vous me receustes en qualité de Superieur, et acquiescés pleinement a mes ordonnances.

  A013001560 

 Or, puisque c'est la verité, et que je ne desire de voir la fin de ce proces que pour la gloire de Dieu et le bien de vostre Monastere, je croy que vous ne feres nulle difficulté de m'envoyer ladite attestation..

  A013001560 

 Vous sçaves le proces que monsieur l'Abbé de Sixt m'a suscité a Vienne pour s'exempter, s'il peut, de la correction qu'il doit recevoir des Evesques; et en fin, je m'asseure que l'iniquité de son dessein estant mise au jour de la justice, il se treuvera confus.

  A013001561 

 Je vous en prie, et me recommande a vos prieres, demeurant, Messieurs,.

  A013001577 

 C'est, Madame, qu'il vous playse commander a Pensabin de ne point vouloir exiger de luy, [170] ni le charger d'interestz et accessoires pour les sommes qu'il doit a Vostre Excellence, sinon a la mesme mesure et quantité que Sa Grandeur en veut retirer, affin que non seulement l'un, mais l'autr'aussi participe a sa charité et liberalité, et que l'un des debiteurs use a l'endroit de l'autre de la debonnaireté et gratification qu'il a obtenue de son seigneur et creancier, selon l'Evangile..

  A013001595 

 Du moins ne m'y espargneray-je point, Dieu aydant, lequel je prie vous vouloir combler de ses graces, et desire d'estre recommandé a sa misericorde en vos saintz Sacrifices..

  A013001595 

 Je vous remercie des expeditions que vous m'aves envoyees, lesquelles je ne desire qu'employer a vostre repos et consolation.

  A013001612 

 Continués seulement a presenter souvent vostre cœur a Dieu et vivés en esprit de douceur et d'humilité devant sa face et parmi les prochains, et ne doutes nullement qu'il ne vous assiste et conduise ou vous aspirés..

  A013001612 

 Les bons desirs et dessains que Nostre Seigneur a mis dedans vostre cœur me donnent beaucoup de sujet de vous honnorer, et voudrois bien pouvoir estre utile a vous servir pour ce regard; en signe dequoy j'ay mis en escrit les petits advis que je vous dis a bouche, et les vous envoÿe de bonne volonté, puis que vous les desirés et qu'aussi je pense qu'ilz vous seront utiles.

  A013001612 

 Si toutefois, il y avoit quelque chose que vous n'entendissies pas du tout bien, il ne s'en faudroit pas mettre en peyne, car avec le tems, vous l'entendres sans difficulté.

  A013001612 

 Vous ni treuverés rien, ce me semble, qui ne vous soit facile, mesmement les ayant oüy declairer de vive voix.

  A013001613 

 Vous ne profiterés pas peu communicant vostr'ame avec le P. Recteur, comm'il me semble que vous avies resolu de faire a mon despart.

  A013001614 

 Je prie Nostre Seigneur quil vous comble abondamment [173] des graces de son Saint Esprit, et desire que reciproquement vous me facies part a vos prieres, comm'a celuy qui sera tous-jours,.

  A013001619 

 Il ne sera pas requis que cet escrit soit veu sinon par vous..

  A013001629 

 Avec icelle, j'ay receu l'advis que cette bonne fille que vous connoissés, m'a envoyé de ce petit accident [174] qui luy estoit arrivé en l'amitié spirituelle de la personne a laquelle ell'avoit pris de la confiance; et par ce que vous luy dires mieux ce que je desire qu'elle sache sur ce point, que je ne sçaurois luy escrire, je le vous diray..

  A013001629 

 Voicy qu'en fin j'ay receu la lettre que vous m'escrivi tes le 28 decembre de l'an passé; et le pauvre La Pause, a qui ell'avoit esté remise, s'estant rompu une jambe aupres de Mascon, n'a peu me l'apporter plus tost.

  A013001631 

 Il me reste a vous dire, ma tres chere Seur, que le chemin de devotion le plus asseuré, c'est celuy qui est au pied de [la] Croix: d'humilité, de simplicité, de douceur de cœur.

  A013001631 

 [175] J'ay respondu a tout le reste de ce qu'elle m'escrivoit, par les precedentes que vous luy aures rendues.

  A013001664 

 Et voyant qu'il n'arrive point, je me plains a vous, Messieurs, mais de vous mesmes, qui, ce me semble, avés trop peu de soin d'une chose si importante a la gloire de Dieu et salut des ames.

  A013001664 

 J'attens, il y a long-tems, l'ordre que vous deves donner de vostre costé a la juste dotation des eglises de Chablaix, Gaillart et Ternier, qui sont encor despourvëues de pasteurs, faute de moyens convenables pour les y loger.

  A013001665 

 Ayes aggreable, Messieurs, je vous supplie, cette plainte que je vous fay avec autant de respect que ma juste affection me permet, desirant vivre, Messieurs, en vos bonnes graces, priant Dieu quil vous comble de ses benedictions, et demeurant.

  A013001681 

 Et ne laisses pas, je vous supplie, Madame ma chere Cousine, de me croire fort fidelle en tout ce qui regardera vostre service, car je le seray toute ma vie autant que nul homme du monde..

  A013001681 

 Il faut que je commence ma lettre en vous demandant pardon d'une faute que j'ay faite, mais je vous asseure, sans aucune malice, par une pure inadvertance.

  A013001681 

 J'eusse bien pëu rabiller la faute et la vous rendre imperceptible; mais j'ayme mieux me confier en vostre bien-veuillance qu'en mon artifice.

  A013001681 

 Receves-la donq, sil vous plait, apres qu'ell'a esté ouverte, mais tout de mesme comme si elle ne l'avoit pas esté, et pardonnes a ma præcipitation qui [179] a deceu le respect que je porte et a l'escrivant et a vous.

  A013001682 

 Je garderay donques comme vous l'ordonnes les cent escus, et y feray joindre le reste que ma bonne mere vous doit, laquelle, avec tous ses enfans, non seulement se sentent obligés de vous rendre vostre bien a vostre besoin, mais de fondre tout le leur pour vostre service..

  A013001683 

 Vous ne sçauries sans doute, Madame ma chere Cousine, communiquer vos desplaysirs petitz ou grans, non plus que vos contentemens, a un'ame plus sincere en vostre endroit ni plus entierement vostre que la mienne; et ne doutes nullement que je n'observe avec toute fidelité le secret auquel, outre la loy commune, la confiance que vous prenes en moy me lie indissolublement.

  A013001684 

 C'est bien dit, ma chere Cousine, il le faut tous-jours faire et en toutes occurrences; et quand vous vous accoustumeres de faire souventefois cette remise, non de bouche seulement, mais de cœur, et profondement et sincerement, croyes que vous en ressentirés des effectz admirables.

  A013001684 

 C'est grand cas que je ne puis m'empescher de vous parler de ces exercices du cœur et de l'ame; c'est par ce que je n'ayme pas seulement la vostre, mais je la cheris tendrement devant Dieu qui, a mon advis, desire beaucoup de devotion d'elle..

  A013001684 

 J'ay esté consolé de voir que vous vous remettés en la providence de Dieu.

  A013001685 

 Alles cependant tout bellement aux exercices de l'exterieur, et ne vous charges pas d'aller a Saint Claude a pied, non plus que ma bonne tante madame du Foug, laquelle n'est plus de l'aage auquel ell'y alla, quand je l'accompagnay.

  A013001704 

 C'est donq a la gloire de Nostre Seigneur que vous estes attachee, non pas a ses creatures.

  A013001704 

 Mais, ce dites-vous, vous n'estes pas encores destachee de ce costé la.

  A013001704 

 Que je demandasse de vous survivre? Oh vrayement, que ce bon Dieu en face comme il luy plaira, ou tost ou tard: ce ne sera pas cela que je voudrois excepter en mes resignations, si j'en faysois.

  A013001704 

 Seigneur Dieu, que dites vous, ma tres chere Fille? Vous puis je servir de lien, moy, qui n'ay point de plus grand desir sur vous que de vous voir en l'entiere et parfaite liberté de cœur des enfans de Dieu? Mais je vous entens bien, ma chere Fille, vous ne voules pas dire cela; vous voules dire que vous penses que ma survivance soit a la gloire de Dieu, et pour cela vous vous y sentes affectionnee.

  A013001705 

 Et, si vous voules que je vous die tout, elle n'agissoit pas si souëfvement au commencement que Dieu me l'envoya (car c'est luy sans doute), comme elle fait maintenant, qu'elle est infiniment forte, et, ce me semble, [182] tous-jours plus forte, quoy que sans secousse ni impetuosité.

  A013001705 

 Mais sçaves vous quelle parole je vous donneray bien? C'est d'avoir plus soin de ma santé dores-en-avant, quoy que j'en aye tous-jours eu plus que je ne merite; et, Dieu mercy, je la sens fort entiere maintenant, ayant absolument retranché les veillees du soir et les escritures que j'y soulois faire, et mangeant plus a propos aussi.

  A013001706 

 Or sus, je m'en vay vous nommer vos heures.

  A013001706 

 Pour coucher, neuf s'il se peut, ou dix s'il ne se peut mieux; pour lever, cinq, car il vous faut bien de sept a huit heures.

  A013001707 

 Et pour cela, si vous faites quelque imagination vehemente et que vous vous y arresties puissamment, sans doute vous aves eu besoin de cette correction; mais si vous la faites briefve et simple, pour seulement rappeller vostre esprit a l'attention et reduire ses puissances a la meditation, je ne pense pas qu'il soit encor besoin de la du tout abandonner.

  A013001707 

 Il ne faut ni trop particulariser, comme seroit de penser la couleur des cheveux de Nostre Dame, la forme de son visage et [183] choses semblables; mais simplement en gros, que vous la voyes souspirante apres son Filz, et choses semblables, et cela briefvement..

  A013001707 

 J'ay pensé sur ce que vous m'escrivistes que monsieur N. vous avoit conseillé de ne point vous servir de l'imagination ni de l'entendement, ni de longues oraysons, et que la bonne Mere Marie de la Trinité vous en avoit dit de mesme touchant l'imagination.

  A013001709 

 De tout cela, je recueille que vous deves vous abstenir des longues oraysons (car je n'appelle pas longue l'orayson de trois quartz d'heure ou de demi heure) et des imaginations violentes, particularisees et longues; car il faut qu'elles soient simples et fort courtes, ne devant servir que de simple passage de la distraction au recueillement.

  A013001709 

 Que si je vous avois dit quelque chose contraire, ou que vous eussies entendu autrement, il la faudroit reformer sans doute..

  A013001709 

 Voyla ce que je vous en puis dire.

  A013001710 

 J'appreuve encor plus que vous facies ces ouvrages de vos mains, comme le filer et semblables, aux heures que rien de plus grand ne vous occupe, et que vos besoignes soyent destinees ou aux autelz ou pour les pauvres; mais non pas que ce soit avec si grande rigueur que, s'il vous advenoit de faire quelque chose pour vous ou les vostres, vous voulussies pour cela vous contraindre a donner aux pauvres la valeur; car il faut par tout que la sainte liberté et franchise regne, et que nous n'ayons point d'autre loy ni contrainte que celle de l'amour, lequel, quand il nous dictera de faire quelque besoigne pour les nostres, il ne doit point estre [184] corrigé comme s'il avoit mal fait, ni luy faire payer l'amende comme vous voudries faire.

  A013001710 

 Je pense que si vous m'entendes bien, vous verres que je dis vray, et que je combatz pour une bonne cause quand je defens la sainte et charitable liberté d'esprit, laquelle, comme vous sçaves, j'honnore singulierement, pourveu qu'elle soit vraÿe, et esloignee de la dissolution et du libertinage qui n'est qu'une masque de liberté..

  A013001712 

 Mais bien! que vostre intention vous vaille devant Dieu! J'en suis content pour une piece; mais qui me l'estimera a sa juste valeur? car si je voulois rendre aux pauvres son prix selon que je l'estimeray, je n'aurois pas cela vaillant, je vous en asseure.

  A013001713 

 Ce dessein m'a donné mille [185] gayes pensees; mais je ne veux vous en dire qu'une, que je faysois le jour de l'octave du Saint Sacrement, le portant a la derniere procession.

  A013001713 

 Je vous dressois, ce me semble, bien de la besoigne a filer, et sur une brave quenouille.

  A013001713 

 O saint et divin Aigneau, ce disois je, que j'estois miserable sans vous! Helas, je ne suis revestu que de vostre laine, laquelle couvre ma misere devant la face de vostre Pere.

  A013001713 

 Voyés-vous, j'adorois Celuy que je portois, et me vint au cœur que c'estoit le vray Aigneau de Dieu, qui oste les pechés du monde.

  A013001714 

 Car, qui sont ces choses hardies qui se rapportent au fuseau, sinon les mysteres de la Passion filés par nostre imitation? La dessus, je vous souhaittay mille et mille benedictions, et qu'a ce grand jour du jugement nous nous treuvassions tous revestus, qui en Evesque, qui en vefve, qui en mariee, qui en Capucin, qui en Jesuite, qui en vigneron, mais tous d'une mesme laine blanche et rouge, qui sont les couleurs de l'Espoux.

  A013001714 

 Filés, dis je, et tirés dans le fuseau de vostre cœur toute cette blanche et delicate laine: le drap qui s'en fera vous couvrira et gardera de confusion au jour de vostre mort, il vous tiendra chaude en hiver, et, comme dit le Sage, vous ne craindres point le froid des neiges.

  A013001715 

 Fay-je bien, ma chere Fille, de vous dire mes pensees? Je pense qu'au moins ne fay-je pas mal, et que vous les prendres pour telles qu'elles sont..

  A013001715 

 Mais il est vray, vous me venes presque tous-jours a la traverse en ces exercices divins, sans neanmoins les traverser ni divertir, graces a ce bon Dieu.

  A013001716 

 Ce pendant, vous fileres vostre quenouille, non point avec ces grans et gros fuseaux, car vos doigtz ne les sçauroyent manier, mais seulement selon vostre petite portee: l'humilité, la patience, l'abjection, la douceur de cœur, la resignation, la simplicité, la charité des pauvres malades, le support des fascheux et semblables imitations pourront bien entrer en vostre petit fuseau, et vos doigtz le manieront bien en la conversation de sainte Monique, de sainte Paule, de sainte Elizabeth, de sainte Liduvine et plusieurs autres qui sont aux piedz de vostre glorieuse Abbesse, laquelle, pouvant manier toute sorte de fuseau, manie plus volontier ces petitz, a mon advis, pour nous donner exemple..

  A013001716 

 Cela suffira bien, et aussi n'ay je point voulu vous respondre a ces desirs de s'esloigner de sa patrie ou de servir au Noviciat des filles qui aspirent a la Religion: tout cela, ma chere Fille, est trop important pour estre traitté sur le papier; il y a du tems asses.

  A013001716 

 Or, ces desirs de vous voir esloignee de toutes ces recreations mondaines, comme vous dites, ne peuvent estre que bons, puisqu'ilz ne vous inquietent point.

  A013001719 

 Je ne sçai ou est nostre Monsieur l'Archevesque; vous me feres le bien de luy envoyer ma lettre.

  A013001720 

 A cet effect, je vous ay envoyé trente escus par Lyon, tant pour la despence qui sera necessaire a l'envoyer prendre, qu'a faire ses petitz honneurs avec les filles qui servent madame l'Abbesse, avec lesquelles elle n'aura pas tant demeuré sans les beaucoup incommoder.

  A013001720 

 Il faut, je vous en prie, ma chere Fille, que vous prenies le soin d'en ordonner comme il convient.

  A013001720 

 Je ne revoque point en doute si je la vous dois donner ou non; car, outre mon inclination, ma mere le veut si fort qu'elle le veut avec inquietude, des qu'elle a sceu que cette fille ne vouloit pas estre Religieuse; si que, quand je ne le voudrois pas, il faudroit que je le voulusse.

  A013001721 

 Et avec vous, feray je point quelque petite ceremonie pour vous remettre ce fardeau sur les bras? Je vous asseure que cela ne seroit pas en mon pouvoir; mais ouy bien de vous supplier, mais je dis conjurer, et s'il se peut dire quelque chose de plus, que vous ayes a me marquer tout ce qui sera requis pour l'equiper et tenir equipee a vostre guise, comme les princesses d'Espagne font, quand on leur donne des filles pour menines, car cela je le veux, et tres absolument; voire, jusques a luy faire porter un chaperon de drap, si cela appartient a vos livrees.

  A013001721 

 Il faut, je veux, et si le sujet le portoit, je commanderois que vous me marquies tout ce qu'il faut pour cette fille la.

  A013001721 

 J'escris a monsieur vostre beaupere pour le supplier d'avoir aggreable la [189] faveur que vous me voules faire, mais la verité est qu'en termes de belles paroles je n'y entens rien; vous le suppleeres, s'il vous plaist..

  A013001721 

 Je dis pour son equipage, puisque, quant au ratellier, il n'en faut pas parler; autrement vous me diries mille maux, je le sçai bien.

  A013001721 

 Vous voyes bien, ma chere Fille, que je ne suis pas en mes mauvaises humeurs, mais a bon escient je vous conjure.

  A013001722 

 Comme aussi ce que M. de [Sauzéa] me dit, que vous n'esties point pompeuse et que vous ne porties point de vertugadin, et que vous ne pensies point a vous remarier; mais cela me fut dit si naïfvement, ma chere Fille, que je le croy.

  A013001722 

 Et puis, vous me defendes de dire vos secretz apres que tout le monde les sçait.

  A013001722 

 Mais ne triomphés-vous pas quand vous m'imposes silence sur vos secretz? Vrayement, ce n'est pas moy, ma chere Fille, qui ay dit a monsieur N. que vous esties ma fille: il me le vint dire tout d'abord, comme chose que je devois recevoir fort a gré, et aussi fis je.

  A013001722 

 Or bien, je ne diray mot de vos besoignes, ni de l'emploite que vous en voules faire; car, a qui, je vous prie, le dirois je?.

  A013001723 

 J'ayme bien vostre petite cadette, puisque c'est un esprit angelique, comme vous me dites.

  A013001724 

 Je me conserveray tant qu'il me sera possible, pour l'amour de moy, que je n'ayme que trop, et encores pour l'amour [190] de vous qui le voules et qui aurés part a tout ce qui s'y fera de bon, comme vous aves en general a tout ce qui se fait en mon diocese, selon le pouvoir que j'ay par ma qualité de le communiquer..

  A013001725 

 Mon frere le chanoyne vous vouloit escrire; je ne sçai s'il le fera.

  A013001726 

 Je suis aussi consolé de ce que ces bonnes Dames Carmelines vous affectionnent, et voudrois bien sçavoir d'ou est la bonne Seur Marie de la Trinité.

  A013001726 

 Monsieur de N. m'a promis qu'il viendroit avec vous et seroit vostre conducteur, et qu'il avoit esté nourry aupres de vous; et cela me pleut fort, comme aussi ce que vous m'escrives de l'amour reciproque de nostre seur de Dijon et de vous; car je la tiens pour une femme bien bonne, brave et franche.

  A013001730 

 De ma vie, que j'aye memoire, je n'ay esté plus embesoigné a diverses choses, mais bonnes; je dis ceci pour m'excuser si je ne vous escris plus amplement.

  A013001731 

 J'oubliois de vous prier de m'envoyer le plus tost que vous pourres, des chansons spirituelles que vous aves de dela; faites moy ce bien, je vous prie, ma chere Fille, pour l'amour de Dieu, qui vous veuille benir et conserver eternellement.

  A013001741 

 Je vous dis ainsy mes petites affaires parce qu'il me fait grand bien..

  A013001741 

 Mais, comme je vous ay dit maintesfois, nostre bon Dieu me traitte en enfant bien tendre, car il ne m'expose a point de rude [192] secousse; il connoist mon infirmité et que je ne suis pas pour en supporter de grandes.

  A013001742 

 Ouy da, je vous en sçay bon gré de bien aymer vostre fievre tierce.

  A013001744 

 Je vous escriray souvent, ma chere Fille, et mille et mille fois je vous beniray des benedictions que nostre Dieu m'a commises.

  A013001754 

 Aymés tous les prochains, mais sur tout ceux que Dieu veut que vous aymies le plus.

  A013001754 

 Ravales-vous volontier aux actes desquelz l'escorce semble moins digne, quand vous sçaures que Dieu le veut; car, de quelque façon que la sainte volonté de Dieu se fasse, ou par des hautes ou par des basses operations, il n'importe.

  A013001754 

 Servés Dieu avec un grand courage et, le plus que vous pourres, par les exercices de vostre vocation.

  A013001754 

 Souspirés souvent a l'union de vostre volonté avec celle de Nostre Seigneur; ayés patience avec vous mesme en vos imperfections; ne vous empresses point, et ne multipliés point des desirs pour les actions qui vous sont impossibles..

  A013001755 

 Si nostre bon Dieu vous fait courir, il dilatera vostre cœur; mais de nostre costé, arrestons nous a cette unique leçon: Apprenes de moy qui suis debonnaire et humble de cœur ... [194].

  A013001764 

 Je vous supplie bien humblement de donner un passeport pour un moys au sieur d'Ivoyre, de Chablaix, qui donne de grandes esperances de s'instruire et convertir pendant ce tems-la, a ce que j'apprens par l'advis que m'en a donné le sieur chanoyne Grandis, homme tres digne d'estre creu, et sur la parole duquel je vous fay cette supplication sans scrupule, priant Nostre Seigneur quil vous conserve en parfaitte prosperité.

  A013001781 

 J'espere que Dieu nous y aidera, que je supplie vous vouloir abondamment combler de ses graces; et vous remerciant bien humblement du soin que vous aves eu de nos affaires, je demeure.

  A013001798 

 Je me ressouviens tous-jours de ceux que j'aime, mais vous, peut estre, n'en estes pas de mesme; c'est pourquoy je me veux ramentevoir a vostre bonne grace, outre que du Four me presse, disant quil a acquiescé a nostre ordonnance fort amplement, et que neanmoins vous poursuives avec rigueur contre luy.

  A013001798 

 Mais moy je ne le puis croire, car vous aymes trop les appointemens..

  A013001799 

 Je me porte tous-jours bien, et vous porte tous-jours bien en mon cœur, qui vous souhaite mille et mille benedictions cælestes, estant, Monsieur,.

  A013001815 

 Je me suis obligé de promesse a plusieurs gentilz-hommes de ce haut Faucigny, de vous faire une bien humble supplication en faveur du sieur Dufresne.

  A013001815 

 Mais parce que je m'en declaire fort amplement a madame vostre femme, en l'entremise de laquelle j'ay beaucoup de confiance pour obtenir ce que je desire, je ne m'estendray pas davantage a le particulariser, me devant contenter de vous supplier de tout mon cœur de me vouloir gratifier en ce sujet qui me semble digne de vostre bonté et charité..

  A013001816 

 Cependant croyes, Monsieur, que cette asseurance que je prens avec vous depend du desir que j'ay d'estre toute ma vie, comme je seray, Monsieur,.

  A013001827 

 Que voulies vous que je pensasse la dessus? Je vous en envoyeray un jour un extrait, car, sans mentir, il y a je ne sçai quoy de bon en cette petite histoire d'une femme mariee, et qui estoit, de sa grace, de mes grandes amies et m'avoit souvent recommandé a Dieu..

  A013001828 

 Certes, vous feres bien de regarder simplement Nostre Seigneur crucifié, et de luy protester vostre amour et absoluë resignation, toute seche, aride et insensible qu'elle est, sans vous amuser a considerer ni examiner vostre mal, non pas mesme pour me le dire..

  A013001828 

 Je viens de parler pour vous a Nostre Seigneur en la sainte Messe, ma tres chere Fille, et certes, je n'ay pas osé luy demander absolument vostre delivrance; car s'il luy plaist d'escorcher l'offrande qui luy doit estre presentee, ce n'est pas a moy de desirer qu'il ne le face pas; mais je l'ay conjuré et conjure par cette si extreme dereliction par laquelle il sua le sang et s'escria sur la croix: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoy m'as-tu delaissé, qu'il vous tienne tous-jours de sa sainte main, comme il a fait jusques a present, bien que vous ne sçachies pas de quel costé il vous tient, ou au moins que vous ne le senties pas.

  A013001830 

 Ouy, ma tres chere Fille, priés pour celuy qui, incessamment, vous souhaitte mille benedictions, et la benediction des benedictions, qui est son saint amour parfait..

  A013001838 

 Mais gardés de vous empresser, car vous entortilleries vostre filet a nœudz et embarrasseries vostre fuseau.

  A013001838 

 Que je vous dirois volontier quelque chose sur cette parole! Vostre quenouille c'est l'amas de vos desirs: filés tous les jours un peu, tirés a poil vos desseins jusques a l'execution, et vous en chevires sans doute.

  A013001838 

 Vous mettes un peu la main a l'œuvre, ce me dites vous.

  A013001839 

 Dieu vous laisse la pour sa gloire et vostre grand proffit; il veut que vostre misere soit le throsne de sa misericorde, et vos impuissances, le siege de sa toute puissance.

  A013001839 

 Non, ma Fille, ces impuissances ne vous empeschent pas d'entrer en vous mesme; mais elles vous empeschent bien de vous plaire en vous mesme..

  A013001839 

 Vos impuissances vous nuysent beaucoup, car, dites-vous, elles vous gardent de rentrer en vous mesme et de vous approcher de Dieu.

  A013001840 

 Dites moy, ma chere Fille, vous sçaves bien qu'a la naissance de Nostre Seigneur les bergers ouÿrent les chans angeliques et divins de ces Espritz celestes; l'Escriture le dit ainsy.

  A013001840 

 Or, je vous demande en bonne foy, n'eussiés-vous pas choysi d'estre en l'estable tenebreux et plein des cris du petit Poupon, plustost que d'estre avec les bergers a pasmer de joye et d'allegresse a la douceur de cette musique celeste et a la beauté de cette lumiere admirable?.

  A013001841 

 C'est assés dit, ma Fille, et plus que je ne voulois, sur ce sujet des-ja tant discouru entre nous: non plus, je vous prie.

  A013001841 

 Trois croix sans plus, et rangés-vous a celle du Filz, ou a celle de la Mere vostre Abbesse, ou a celle du Disciple: par tout vous seres la bien receuë, avec les autres filles de vostre Ordre qui sont la tout autour..

  A013001842 

 Car, qu'est-ce autre chose estre abject, qu'estre obscur et impuissant? Aymés-vous comme cela pour l'amour de Celuy qui vous veut comme cela, et vous aymerés vostre propre abjection..

  A013001842 

 Mais, dites-vous, qu'est cela, aymés vostre abjection? car j'ay l'entendement obscur et impuissant a tout bien.

  A013001842 

 [203] Si vous demeures humble, tranquille, douce, confiante parmi cette obscurité et impuissance, si vous ne vous impatientes point, si vous ne vous empresses point, si vous ne vous troubles point pour tout cela, mais que de bon cœur (je ne dis pas gayement, mais je dis franchement et fermement) vous embrassies cette croix et demeuries en ces tenebres, vous aymeres vostre abjection.

  A013001843 

 Or, le haut point de l'humilité, c'est de non seulement reconnoistre son abjection, mais l'aymer; et c'est cela a quoy je vous ay exhorté..

  A013001849 

 Neanmoins, ma Fille, prenes bien garde a ce que je m'en vay vous dire.

  A013001850 

 En fin, ma Fille, vous desires sçavoir quelles sont les meilleures abjections.

  A013001850 

 Je vous dis que ce sont celles que nous n'avons pas choysies et qui nous sont moins aggreables, ou, pour mieux dire, celles esquelles nous n'avons pas beaucoup d'inclination; mais, pour parler net, celles de nostre vocation et profession.

  A013001851 

 Mais non, je ne vous avois pas dit que vous n'en eussies nulle esperance ni nulle pensee, ouy bien que vous ne vous y amusassies pas; parce que c'est chose certaine qu'il n'y a rien qui nous empesche tant de nous [206] perfectionner en nostre vocation que d'aspirer a une autre, car, en lieu de travailler au champ ou nous sommes, nous envoyons nos bœufz avec la charruë ailleurs, au champ de nostre voysin, ou neanmoins nous ne pouvons pas moissonner cette annee.

  A013001851 

 Vous treuvant plongee en l'esperance et pensee d'entrer en Religion, vous eustes peur d'avoir contrevenu a l'obeissance.

  A013001852 

 Mais voyés vous, je ne dis pas qu'on n'y puisse penser et esperer, mais je dis qu'on ne s'y doit pas amuser, ni employer beaucoup de ses pensees a cela.

  A013001853 

 Et qu'ay je apprins jusques a present? Qu'un jour, ma Fille, vous deves tout quitter; c'est a dire, affin que vous n'entendies pas autrement que moy, j'ay apprins que je vous dois un jour conseiller de tout quitter.

  A013001853 

 Mais vous me demandes que je vous die si je ne pense pas qu'un jour vous quitties tout a fait et tout a plat toutes choses de ce monde pour nostre Dieu, et que je ne le vous cele pas, ains que je vous laisse cette chere esperance.

  A013001853 

 O doux Jesus, que vous diray-je, ma chere Fille? Sa toute Bonté sçait que j'ay fort souvent pensé sur ce point et que j'ay imploré sa grace au saint Sacrifice et ailleurs; et non seulement cela, mais j'y ay employé la devotion et les prieres des autres meilleurs que moy.

  A013001854 

 Et apres tout cela, encores ne voudrois je pas qu'en ce point vous prissies entiere resolution sur mon opinion, sinon que vous eussies une grande tranquillité et correspondance interieure en icelle.

  A013001854 

 Et quand j'en serois tout resolu, encor ne voudrois je pas contester et preferer mon opinion ou a vos inclinations, quand elles seroyent fortes en ce sujet particulier (car par tout ailleurs je vous tiendray parole a vous conduire selon mon jugement et non selon vos desirs), ou au conseil de quelques personnes spirituelles que l'on pourroit prendre..

  A013001854 

 Je ne voy point qu'il soit requis de se haster, et ce pendant vous pourres vous mesme y penser, sans vous y amuser et perdre le tems; car, comme je vous dis, encores que jusques a present l'advis de vous voir en Religion n'a sceu prendre place en mon esprit, si est ce que je n'en suis pas entierement resolu.

  A013001854 

 Je vous la diray bien au long, le tems en estant venu; et si elle ne vous donne pas du repos interieur, nous employerons l'advis de quelque autre a qui, peut estre, Dieu communiquera plus clairement son bon playsir.

  A013001854 

 Mais parce que ce point est de tres grande importance, et qu'il n'y a rien qui nous presse, donnés-moy encores du loysir et du tems pour prier davantage et faire prier a cette intention; et encor faudra-il, avant que je me resolve, que je vous parle a souhait, qui sera l'annee prochaine, Dieu aydant.

  A013001855 

 Ne preoccupés point vostre esprit par des vaines promesses de tranquillité, de goust, de merites; mays [208] presentés vostre cœur a vostre Espoux, tout vuide d'autres affections que de son chaste amour, et le suppliés qu'il le remplisse purement et simplement des mouvemens, desirs et volontés qui sont dedans le sien, affin que vostre cœur, comme une mere perle, ne conçoive que de la rosee du ciel et non des eaux du monde; et vous verres que Dieu nous aydera, et que nous ferons prou et au choix et a l'execution..

  A013001856 

 C'est a dire, j'appreuve que vous les facies nourrir es monasteres en intention de les y laisser, moyennant deux conditions: l'une, que les monasteres soyent bons et reformés, et esquelz on face profession de l'interieur; l'autre, que le tems de leur Profession estant arrivé, qui n'est qu'a seize ans, on sache fidellement si elles s'y veulent porter avec devotion et bonne volonté, car si elles n'y avoyent pas affection, ce seroit un grand sacrilege de les y enfermer.

  A013001856 

 Quant a nos petites, j'appreuve que vous leur preparies un lieu dedans des monasteres, pourveu que Dieu prepare dedans leur cœur un lieu pour le monastere.

  A013001858 

 Si c'estoit un autre oncle, je dirois que vous en eussies le soin vous mesme, affin que ce thresor d'innocence ne se perdist.

  A013001859 

 Allés tout simplement a l'abry de nos resolutions, et rejettés les reflexions d'esprit que vous faites sur vostre mal comme des cruelles tentations..

  A013001859 

 Je ne vous sçaurois dire autre chose pour l'apprehension que vous aves de vostre mal, ni pour la crainte des impatiences a le souffrir.

  A013001859 

 Vous dis je pas la premiere fois que je parlay a vous de vostre ame, que vous appliques trop vostre consideration a ce qui vous arrive de mal et de tentation, qu'il ne failloit le considerer que grosso modo, que les femmes, et les hommes aussi quelquefois, font trop de reflexions sur leurs maux, et que cela entortilloit les pensees l'une dans l'autre, et les craintes et les desirs, dont l'ame se treuve tellement embarrassee qu'elle ne s'en peut demesler.

  A013001859 

 Vous resouvient il de monsieur N., comme son esprit s'estoit entortillé et entrelassé es vaines craintes sur la fin du Caresme, et que cela n'a esté nullement utile? Je vous supplie pour l'honneur de Dieu, ma Fille, ne craignes point Dieu, car il ne vous veut faire nul mal; aymés le fort, car il vous veut faire beaucoup de bien.

  A013001860 

 Demeurés ferme en vos resolutions; arrestés vous en la barque ou je vous ay embarquee, et, vienne l'orage et la tempeste, vive Jesus, vous ne perires point.

  A013001860 

 Dites luy souvent: Que puis-je avoir sur terre ou que pretens-je au Ciel sinon vous, o mon Jesus? Vous estes le Dieu de mon cœur et l'heritage que je desire eternellement.

  A013001860 

 Il dormira, mais en tems et lieu il s'esveillera pour vous rendre le calme..

  A013001860 

 Ne vous efforces point de vaincre vos tentations, car cet effort les fortifieroit; mesprises les, ne vous y amuses point.

  A013001860 

 Que cherchés vous sur terre sinon Dieu? et vous l'aves.

  A013001860 

 Que craignes vous, ma Fille? Oyés nostre Seigneur qui crie a Abraham et a vous aussi: Ne crains point, je suis ton protecteur.

  A013001860 

 Que puis je dire pour arrester ce flux de pensees en vostre cœur? Ne vous mettes point en peyne de le guerir, car cette peyne le rend plus malade.

  A013001861 

 Il vous tendra la main; serrés la bien et allés joyeusement..

  A013001861 

 O Fille de peu de foy, qu'est ce que vous craignés? Non, ne craignes point; vous marches sur la mer, entre les vens et les flotz, mais c'est avec Jesus: qu'y a-il a craindre la? Mays si la peur vous saysit, criés fort: O Seigneur, sauvés moy.

  A013001862 

 Non, Dieu ne sçauroit vous perdre pendant que, pour ne le point perdre, vous vivres en nos resolutions.

  A013001872 

 Je vous envoyeray bien tost le recueil de la vie d'une [212] sainte villageoise de mon diocese, mariee, et qui, en quarante huit ans de vie, a donné toutes les marques d'une vie parfaitte dans l'interieur et dans l'exterieur; car elle a esté une Monique dans son mesnage et une Magdeleine dans l'orayson.

  A013001881 

 Allés tous-jours outre, ma chere Fille, et ne vous destournes point ni a droitte ni a gauche.

  A013001881 

 Je respondray donques briefvement a ce que vous me demandes..

  A013001881 

 Je suis en une occupation qui me tient la bride si courte que je ne me puis guere eschapper pour vous escrire selon mon souhait, ni a madame nostre Abbesse.

  A013001882 

 Communiés tout asseurement selon le conseil de messieurs de Berulle et Gallemand, puisque vous vous y sentes inclinee et consolee.

  A013001882 

 Et ne vous mettes nullement en peyne de l'apparence quil y a de quelqu'irreverence pour l'exercice de la condition en laquelle vous estes; car, ma chere Fille, il ni a null'irreverence, mais seulement un'apparence.

  A013001883 

 Je dis que vous l'aymies et cherissies, non point pour ce qui est exterieur et qui peut regarder la sensualité en elle mesme, mais pour l'interieur, par ce que Dieu l'a ordonné, par ce que, sous cette vile escorce, la sainte volonté de Dieu s'accomplit.

  A013001883 

 Or, la volonté de Dieu est que, pour l'amour de luy, vous facies librement ainsy: que vous aymies franchement l'exercice de vostre estat.

  A013001884 

 Cela soit dit pour une fois, et quil vous suffise que c'est la vraye verité..

  A013001884 

 Je vous dis encor une fois quil ne faut point regarder a la condition exterieure des actions, mais a l'interieure, c'est a dire si Dieu le veut ou ne le veut point.

  A013001884 

 O Dieu, faut-il donques que l'action qui, en l'exterieur, est si basse, soit si haute en merite, et mes prædications, mes Confirmations, si relevees en l'exterieur, soyent si basses en merite pour moy, faute d'amour et de dilection! J'ay dit ceci de la sorte affin que vous sachies que la Communion n'est nullement incompatible avec l'obeissance, en quelque sorte d'action qu'on l'exerce.

  A013001885 

 Mais la partie qui recherche peche-elle point, si elle sçait que l'autre aÿe communié? Et je vous dis que non, nullement, sur tout quand les Communions sont frequentes; ce que j'ay dit de l'Eglise primitive en fait foy, et la rayson y est toute claire.

  A013001886 

 Et par ce quil me semble que vous m'aves dit qu'ouÿ, il ni a nulle difficulté non seulement que vous les pouves, mais que vous les deves faire.

  A013001886 

 Pour l'aumosne, vous deves sçavoir si c'est pas l'intention de monsieur vostre mari que vous en facies a proportion de vos facultés et des moyens de vostre mayson.

  A013001886 

 Quant a la quantité, cela ne se peut mieux juger que par vous mesme.

  A013001887 

 Pour escrire la confession, cela est indifferent; mais pour vous, je vous asseure que vous n'en aves nul besoin, car je me resouviens que vous fistes exactement bien la generale, mesme sans l'avoir escritte.

  A013001887 

 Si vous les pouves faire de la sorte, je les vous conseille; si moins, je ne desire pas que vous les facies..

  A013001888 

 Un jour je vous en mettray quelque chose en escrit, car je desire de tout mon cœur de vous servir; et bien que je sache que vous ne manques pas de bons conseilz, ayant la communication que vous aves avec tant de saintes et sçavantes ames, si est ce que, puisque vous voules encor le mien, je le vous diray..

  A013001888 

 Vous me demandies encor, ma chere Seur, un petit memorial des vertus plus propres a une femme mariee; mais de cela je n'en ay pas le loysir.

  A013001889 

 Et pour moy, je vous tiens pour si unies vous deux, qu'avec laquelle qu'elle soit, je croyray qu'elle sera encor avec l'autre..

  A013001889 

 Vous faittes trop de faveur a cette petite et vile creature de la desirer aupres de vous, mais ma mere juge que la vie des chams est plus propre pour les filles de ce pais que celle des villes; c'est cela qui luy fit prendre resolution d'en importuner plus tost madame de Chantal que vous.

  A013001891 

 Je vous supplie, ma chere Fille, ne me traittes point avec ceremonie, car je suis vostre bien sincerement.

  A013001901 

 J'ay receu les lettres ci jointes de monsieur le President et madame la Presidente, avec une troysiesme quilz m'escrivent sur un mesme sujet, affin que, selon mon advis, je vous en escrive de mon costé.

  A013001902 

 Je diray donq, mais en toute sincerité et verité, que monsieur de Premery, duquel ilz vous parlent, est une [217] des douces, belles et sages ames qu'on puisse rencontrer, et ne penseray jamais qu'une damoyselle ne soit heureuse de l'avoir pour mari.

  A013001902 

 Quant a ses moyens, ilz sont telz que monsieur et madame la Presidente vous escrivent, et ses incommodités aussi, lesquelles, comme vous pourres aysement juger, peuvent estre bien aysement effacees; ce qui ne sera pas plus tost fait, que l'on verra ce jeune gentilhomme croistre tous les jours en moyens et bonheur, qui me fait dire sans reserve qu'une damoyselle aura tous-jours beaucoup de contentement avec luy..

  A013001903 

 Mais pour adjouster quelque chose du mien a ce que monsieur et madame le President et Præsidente vous en escrivent, je vous diray quil me semble que pour faire une response bien asseuree, il seroit [a] propos que avec quelque bon prætexte, vous allassies jusques a Neci pendant que monsieur le President y est encor, c'est a dire dans huit ou dix jours; et la, vous pourries vous enquerir de toutes les particularités, voir le personnage sans faire semblant d'autre chose, et, par apres, prendre resolution selon ce que vous en connoistrés, puisque mesme ce gentilhomme dont il s'agit ne peut demeurer longtems quil ne prenne parti..

  A013001904 

 Voyla ce quil m'en semble, Monsieur, que vous croires bien sortir d'un cœur tout entier et franc en vostre endroit, comme je suis obligé de l'avoir pour tant d'amitiés et de faveurs que j'ay receues de vous, et pour la particuliere inclination que j'ay a souhaiter beaucoup de benediction a madamoyselle vostre fille.

  A013001938 

 Empereur très grand et très auguste, que le Seigneur vous exauce au jour de la tribulation, que le nom du Dieu de Jacob vous protège; qu'il vous envoie du ciel son assistance, et que du haut de Sion, il soit votre défenseur.

  A013001947 

 D'ordre, de mesure, de rayson, je n'en tiens point du tout maintenant (car je ne vous sçaurois rien dissimuler); et cependant, me voyla tout fort, Dieu mercy..

  A013001957 

 ... et de prendre tant de loysir pour le faire que vous en soyes bien satisfaitte, comme j'espere que Dieu vous en fera la grace, et a moy qui le souhaite sans fin.

  A013001959 

 Je me res-joüis dequoy vous treuveres de deça cette connoissance et celle de M....

  A013001960 

 ... Je sçay bien que vous n'aves pas besoin d'autres connoissances pour estre consolee que de celle de Dieu, lequel vous treuveres indubitablement icy, ou il attend les pecheurs a penitence et les penitens a sainteté, comme il fait aussi a tous les endroitz du monde; car je l'ay mesme rencontré tout plein de douceur et de suavité parmi nos plus hautes et aspres montaignes, ou beaucoup de simples ames le cherissoyent et adoroyent en toute verité et sincerité, et les chevreuilz et chamois couroyent ça et la parmi les effroyables glaces pour annoncer ses louanges.

  A013001961 

 Mais, ma chere Fille, vous diray-je pas une chose qui me fait frissonner les entrailles de crainte? Chose vraye.

  A013001962 

 Mais je vous dis ceci par impetuosité d'esprit; [car, au] demeurant, je n'ay pas beaucoup de loysir de vous [entretenir] ... Fille, apres mon retour de la [visite]... tient presqu'autant... aussi....

  A013001965 

 De ma petite seur je ne vous en dis rien.

  A013001975 

 Je vous escrivis, il y a six semaines, pour respondre a tout ce que vous m'avies demandé, et ne doute nullement que vous n'ayés receu ma lettre; qui me fera tenir plus resserré en celle ci.

  A013001975 

 Selon ce que vous me proposes par la vostre du 26 septembre, j'appreuve que nostre bonne Abbesse commence a bien establir ces petites regles que nostre pere a dressees, non pas pour s'arrester-la, mais pour passer par apres plus aysement a plus grande perfection.

  A013001976 

 Pour ma petite seur, je la vous laysse et ne m'en metz nullement en peyne; mais je ne voudrois pas que nostre pere eut peur qu'elle ne devint trop devote, comm'il a tous-jours eu peur de vous, car je suis asseuré qu'elle ne pechera point en exces de ce costé-la..

  A013001977 

 Ilz veulent estre maistres, et n'est ce pas la rayson? Si est, certes, en ce qui depend du service que vous leur deves; mais les bons seigneurs ne considerent pas que pour le bien de l'ame, il faut croire les directeurs et medecins spirituelz, et que, sauf les droitz quilz ont sur vous, vous deves procurer vostre bien interieur par les moyens jugés convenables par ceux qui sont establiz pour conduire les espritz.

  A013001977 

 Je vous l'ay dit d'autrefois: moins nous vivons a nostre goust et moins il y a de nostre choix en nos actions, plus il y a de bonté et de solidité de devotion.

  A013001977 

 Mon Dieu, le bon pere que nous avons et le tres bon mari que vous aves! Helas, ilz ont un peu de jalousie de leur empire et domination, qui leur semble estr'aucunement violé quand on fait quelque chose sans leur authorité et commandement.

  A013001977 

 Que voules-vous, il leur faut permettre cette petite humanité.

  A013001978 

 Non, je ne me puis contenir, ma chere Fille, que je ne vous die ma pensee; je sçai que vous treuveres tout bon [226] ce qui vient de ma sincerité.

  A013001978 

 Peut estre aves vous donné occasion a ce bon pere et a ce bon mari de se mesler de vostre dévotion et de s'en cabrer; que sçai-je, moy? a l'adventure que vous vous estes un peu trop empressee et embesoignee, que vous aves voulu les presser eux mesme et les estraindre.

  A013001979 

 Croyes moy, cette resignation, cette abnegation vous sera tres-extremement utile..

  A013001979 

 Et me sera une bien grande consolation, si je sçai que cest advis que je vous donne ne mette point vostre cœur en inquietude.

  A013001979 

 Je veux dire que, pour un peu, Dieu sera servi si, pour regaigner l'esprit de ces deux superieurs quil vous a establiz, vous souffres la privation de la Communion reelle.

  A013001979 

 Or, je vous diray maintenant ce que vous feres.

  A013001979 

 Quand vous pourres communier sans troubler vos deux superieurs, faites-le selon l'advis de vos confesseurs; quand vous craindres de les troubler, contentes vous de communier d'esprit, et croyes moy, cette mortification spirituelle, cette privation de Dieu aggreera extremement a Dieu et vous le mettra bien avant dans le cœur.

  A013001980 

 Vous pourres neanmoins gaigner des occasions secrettes pour communier; car, pourveu que vous deferies et compatissies a ces volontés de ces deux personnages et que vous ne les metties point en impatience, je ne vous donne point d'autre regie de vos Communions que celle que vos confesseurs vous diront, car ilz voyent l'estat present de vostr'interieur et peuvent connoistre ce [227] qui est requis pour vostre bien.

  A013001981 

 Mortifies-vous donques joyeusement, et a mesure que vous seres empeschee de faire le bien que vous desirés, faites tant plus ardemment le bien que vous ne desires pas.

  A013001981 

 Vous estes, a ce que je voy, au vray essay de la resignation et indifference, puisque vous ne pouves pas servir Dieu a vostre volonté.

  A013001981 

 Vous ne desires pas ces resignations, vous en desireries d'autres; mais faites celles que vous ne desires pas, car elles en valent mieux..

  A013001982 

 Je ne contredis jamais a personne, mais je sçai fort bien que ces Pseaumes ne vous sont nullement prohibés et qu'il ni a nul lieu d'en faire scrupule.

  A013001982 

 Les Pseaumes de David traduitz ou imités par des Portes ne vous sont nullement ni defenduz ni nuysibles, au contraire vous sont profitables.

  A013001982 

 Une chose est bien asseuree, c'est que vous les pouves lire en toute bonne conscience, comme aussi vous pouvies entrer au cloistre du Puys d'Orbe sans scrupule; mais il ni a pourtant pas lieu de vous ordonner pœnitence pour le scrupule que vous en aves l'ait, puisque le scrupule mesme est un'asses grande peyne a ceux qui le nourrissent ou souffrent, sans qu'on en impose d'autres.

  A013001983 

 Tenes vostre cœur fort large pour y recevoir toutes sortes de croix et de resignations ou abnegations pour l'amour de Celuy qui en a tant receu pour vous.

  A013001987 

 Il n'est [229] pas raysonnable quil le sache, mais il est bien raysonnable que vous luy rendies tous-jours de l'honneur; et ne faites nul semblant que je vous aye dit ce mot..

  A013001987 

 M. [Viardot] m'a escrit, et assez cordialement; mais il me semble quil desire sçavoir pourquoy vous ne suives plus ses advis.

  A013002007 

 Mais en l'occurrence que vous me marques, tout le monde sçait que j'ay les mains liees d'un lien indissoluble et que je ne puis les mettre a la provision des cures que par l'entremise du concours, duquel je ne puis forclorre personne..

  A013002008 

 Les manquemens des effectz ont accoustumé d'estre interpretés pour manquemens de volontés; mais je me prometz de la bonté de vostre esprit que vous donneres [230] meilleur'interpretation a ma response, et que, voyant qu'ell'est vrayement veritable, vous ne laisseres pas de croyre que je souhaite autant d'avancement a monsieur vostre frere comme je fay aux miens propres, demeurant,.

  A013002064 

 Je vous supplie en même temps d'accorder à mon frère la faveur d'assister aux exercices de votre très pieuse Congrégation.

  A013002064 

 Tout en envoyant mon frère à Rome pour visiter les tombeaux des Apôtres, je viens, par cette lettre, me rappeler à vous comme votre très affectionné serviteur.

  A013002080 

 Cela m'a tenu occupé, mais consolé, a la reception de plusieurs confessions generales et changemens de consciences, outre la mer de mes affaires ordinaires, entre lesquelles (je le dis a vous) je vis en plein [236] repos de cœur, resolu de m'employer fidellement ci apres et soigneusement a la gloire de mon Dieu, premierement chez moy mesme, et puis en tout ce qui est a ma charge.

  A013002080 

 Il faut vous dire un mot de moy, car vous m'aymes comme vous mesme.

  A013002081 

 Tous les vostres de deça se portent bien et vous honnorent d'un honneur tout particulier..

  A013002095 

 Alors, de même que de vos Annales, plus précieuses que l'or et la topaze, vous avez fait jaillir avec tant de bonheur le souffle de la bouche du Christ et son glaive à deux tranchants, de même vous déploierez l'autorité dont vous êtes revêtu, pour exercer la vengeance [du Seigneur] sur les nations schismatiques et ses châtiments sur les peuples hérétiques..

  A013002095 

 C'est pourquoi, Illustrissime et Révérendissime Seigneur, élevez-vous avec moi, je vous en supplie, contre les méchants, défendez-moi auprès du Saint-Siège contre les ouvriers d'iniquité.

  A013002095 

 La bienveillance et la sainte amabilité que vous m'avez témoignées pendant mon séjour à Rome, me donnent plus de hardiesse pour implorer l'appui de votre intervention, aujourd'hui que j'envoie mon propre frère, chanoine de mon Eglise, visiter le seuil des saints Apôtres et demander au Saint-Siège Apostolique tous les remèdes nécessaires au relèvement de ce diocèse.

  A013002096 

 Agréez, Illustrissime et Révérendissime Cardinal, les salutations de votre très dévoué serviteur; daignez lui continuer l'appui et [238] l'honneur do votre bienveillance, et qu'en toutes choses le Christ vous soit propice..

  A013002117 

 Vous savez le lieu de ma demeure, Illustrissime et Révérendissime Seigneur: c'est Genève, c'est-à-dire le trône de Satan.

  A013002124 

 Helas! ma tres chere Fille, il est vray: Dieu, ce me semble, vous faisoit alhors renaistre spirituellement entre mes bras interieurs, qui vous embrasserent, certes, tendrement, et mon cœur fut tout dedié au vostre..

  A013002124 

 Ouy da, ma bonne et chere Fille, benissons Dieu ensemblement de cette heureuse journee en laquelle, par un feu tout nouveau, vous renouvellastes l'holocauste de [241] vostre cœur, offert et voué pieça a la divine Majesté; et que ce jour, donques, soit conté entre les jours memorables de nostre vie.

  A013002125 

 C'est un point tres admirable; car voyes vous, ma Fille, les humilités que l'on voit le moins sont les plus fines.

  A013002125 

 Ce n'est rien de ressentir ces mouvemens de cholere et d'impatience, pourveu qu'ilz soyent mortifiés a mesure que vous les voyes naistre; c'est a dire que vous taschies de vous remettre au lien et pacification du cœur, car cela estant, encor bien que le combat durast tout le jour, ce seroit de l'exercice, mais non pas de la perte pour vous..

  A013002125 

 Mais pour l'exterieur pourtant, je voudrois bien, a cause de la bienseance religieuse, que vous vous corrigeassies de cette parole hautaine et intemperee.

  A013002125 

 Or, je sçai bien que vous aves tres souvent sujet d'exercer l'amour du mespris, des rebroüemens et de vostre propre abjection.

  A013002135 

 En vous attendant, madame vostre chere Presidente et moy nous prions pour vostre santé emmi les devotions du Jubilé, et nous entretenons de vostre retour et comme, si une fois nous vous pouvons tenir, nous ne permettrons plus que vous nous laissies.

  A013002135 

 Et si l'asseurance que vous prendrés de la nostre peut servir a l'avancement de la vostre, vous vous porteres bien, puisque tout ce qui est vostre icy se porte si bien..

  A013002136 

 Je suis tous-jours sans nouvelles; vous estes aussi en lieu ou il ne faudroit pas vous en envoyer, car vous les auriés la a meilleur marché.

  A013002150 

 Ce m'est tous-jours bien de la consolation de sçavoir que vostre cœur s'avance en l'amour de Nostre Seigneur, comme monsieur de Bluci m'en [a] asseuré, bien quil ne m'a parlé qu'en bloc, ne m'ayant particularisé qu'un desir que vous aves d'estre Religieuse.

  A013002150 

 Le desir est bon sans doute, mais il faut que vous ne luy permeties pas de vous inquieter, puisque, pour le present, vous ne le pouves pas reduir'en effect.

  A013002150 

 Voyes quelles occasions vous rencontrés tous les jours pour servir sa divine Majesté, soit pour vostr'advancement, soit pour celluy du prochain, et les employes fidellement; car voyes vous, ma Fille, vous pouvés beaucoup proffiter si vous aymes bien Dieu et sa gloire..

  A013002151 

 Je sçai que l'abandonnement de vostre pere vous afflige, mais repetes souvent et de cœur et de bouche la [244] parole du Profete: Mon pere et ma mere m'ont delaissé, et le Seigneur m'a eslevé a soy. C'est une croix, sans doute, a une fille que d'estre ainsy abandonnee du secours des hommes; mais c'est une croix tressainte et qui est la plus propre pour gaigner plus entierement l'amour de Dieu.

  A013002152 

 Ce n'est pas pour eschange de vostre beau present, mais seulement pour souvenance de la pure affection que je porte a vostre ame en Nostre Seigneur, auquel je vous prie de me recommander souvent, comme.

  A013002152 

 Je vous envoye sur ce propos une petite croix, au milieu de laquelle il y a une sainte Tecle martire, a la vëue de laquelle vous vous animeres a souffrir beaucoup pour Nostre Seigneur.

  A013002188 

 Vrayement, ma tres chere Fille, les resolutions que vous me communiquies estoyent toutes telles que je les vous pouvois desirer, et faites bien ainsy: ne desmordés nullement de la sainte humilité et de l'amour de vostre propre abjection.

  A013002191 

 Taschés de tirer cette ame que vous devés visiter, a quelque sorte d'excellentes resolutions.

  A013002192 

 Il soit beni eternellement par vous, ma tres chere Fille, et par moy qui suis sans fin vostre..

  A013002208 

 Certes, j'en serais moi-même tout confus, si la charge de la visite générale de mon diocèse (elle m'a occupé une bonne partie de l'année passée) ne m'avait empêché, pendant plusieurs mois, de recevoir l'ouvrage et votre lettre, et de vous envoyer la mienne.

  A013002208 

 De plus, à mon retour, c'est à peine si j'ai trouvé quelqu'un pour lui confier ce billet, à cause des divers chemins détournés qu'il faut prendre pour aller à vous.

  A013002208 

 J'ai reçu un deuxième exemplaire du remarquable ouvrage que vous avez publié sur le très auguste Sacrement de l'Eucharistie, pour l'utilité du public, et que vous m'avez dédié.

  A013002208 

 Sans doute, [249] excellent Docteur, vous serez surpris que j'aie différé plus qu'il ne convenait de vous adresser mes si justes remerciements.

  A013002222 

 ... Ces députés du clergé du diocèse se rendent [à Turin], pour remettre à Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime les [251] notes des revenus ecclésiastiques et recevoir de vous les ordres nécessaires pour le paiement des décimes, mais aussi parce que son Altesse Sérénissime nous demande maintenant la prestation du serment de fidélité, comme on l'appelle.

  A013002228 

 Demandés-la, je vous supplie, continuellement pour moy qui en ay tant de besoin..

  A013002228 

 Mais que vous diray je pour cela, ma chere Fille? Soyés tous-jours bien petite et vous appetissés tous les jours devant vos yeux.

  A013002256 

 Le personnage qui se présente à vous est de ce nombre.

  A013002286 

 En finissant, je baise très humblement les mains de Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, et je prie le Seigneur de vous accorder tout vrai contentement..

  A013002301 

 Il vous tarde que vous ne sçachies de mes nouvelles; mais je ne puis penser a quoy il tient que vous n'en ayes plus souvent, car j'escris a toutes occasions, et mon affection n'en laisse pas escouler une seule qu'elle ne me violente pour l'employer..

  A013002301 

 Je m'en vay vous dire tout ce que je pourray le plus vistement et briefvement que je sçauray, car je n'ay nul loysir, l'homme de monsieur de Sainte Claire m'estant arrivé en un tems que je n'ay que ce soir pour escrire, je pense, vingt lettres.

  A013002302 

 Je m'en res-jouis en Dieu, pour l'amour duquel je vous les ay recommandés et vous les serves..

  A013002302 

 La pauvre madame de Sainte Claire et son mary m'escrivent combien d'assistances charitables ilz reçoivent de vous.

  A013002303 

 Monsieur vostre bon pere m'escrit qu'affin que ma petite seur n'oublie les exercices de devotion, vous et madamoyselle de Villers luy en faites des repetitions et la conduisés; la dessus je luy dis deux ou troys motz de joye affin qu'il luy plaise de le permettre.

  A013002303 

 Que s'il vous la remet pour l'avoir pres de vous, je n'en seray que plus ayse, puisqu'elle ne sera moins aupres de luy, et sera plus pres de vous et de madamoyselle vostre fille, que je pense ne devoir estre guere [plus] aagee qu'elle.

  A013002303 

 Vous voyes de quelle ceremonie j'use avec vous, car je ne fay rien qu'accepter.

  A013002304 

 Si c'est celle-la de laquelle vous me demandies de la communier, je puys bien dire qu'ouÿ, qu'elle est bien capable..

  A013002306 

 Je sçay bien que vous en aves de fort capables la, et celuy des Carmelines et aux Jesuites et celuy de vostre parroisse..

  A013002306 

 Je vous avois dit que vous en fissies selon l'advis de vos confesseurs, mais puisqu'ilz ne sont pas d'accord, je vous diray comme j'ay dit a nostre madame de Chantal: quand les festes seront grandes, nonobstant la Communion ordinaire il ne faut pas laisser de les celebrer par une Communion extraordinaire; car, comme pourrons nous bien celebrer une grande feste sans ce festin? Ce que je vous renvoyois a vos confesseurs, c'est que je ne sçay pas clairement les particularités de vostre necessité.

  A013002306 

 Vous me demandes si vous communieres deux jours l'un apres l'autre quand il arrive de grosses festes joignantes au jour ordinaire de vostre Communion.

  A013002307 

 Cette multitude de pensees qui tracassent vostre esprit ne doivent nullement estre attaquees; car, quand auries-vous achevé de les desfaire l'une apres l'autre? Il faut seulement de tems en tems, je veux dire plusieurs et plusieurs fois le jour, les desmentir toutes ensemble et les rejetter en gros; et puys, laisser l'ennemy faire tant de [259] fracas qu'il voudra a la porte de vostre cœur, car pourveu qu'il n'entre point, il n'importe.

  A013002307 

 Demeurés donques en paix parmi la guerre, et ne vous troublés point, car Dieu est pour vous.

  A013002307 

 Je le supplie qu'il vous rende toute a luy et pour luy.

  A013002312 

 Vous aves rayson de vous accuser de la superfluité et exces dont vous uses a toutes les compaignies; mais apportés-y donques de la moderation et voyés de garder cette regie: c'est que vous traitties en sorte qu'eu esgard a vostre qualité et de ceux que vous traittes, vous ne facies pas comme les moins liberaux et magnifiques de vostre condition, ni aussi comme les plus magnifiques et liberaux.

  A013002318 

 Que si toutes les lettres que je vous ay escrittes pendant ce tems-la estoyent en un pacquet, elles seroyent bien en plus grand nombre; car, tant que j'ay peu, j'ay tous-jours escrit et par Lion et par Dijon.

  A013002319 

 J'y penseray bien fort, et presenteray plusieurs Messes pour obtenir la clarté du Saint Esprit pour m'en bien resoudre; car voyes vous, ma chere Fille, c'est un maistre coup que celluy-la, et qui doit estre pesé au poids du sanctuaire.

  A013002319 

 Je m'en vay vous dire beaucoup de choses par ci par la, selon le sujet de vos lettres.

  A013002319 

 Mon Dieu, que vous faites bien de mettre vostre desir de sortir du monde en depost es mains de la Providence cæleste, affin qu'il n'occupe point vostre ame inutilement, comm'il feroit indubitablement qui le laisseroit menager et remuer a sa fantasie.

  A013002320 

 J'escris des maintenant affin qu'elle vous soit remise incontinent apres Pasques.

  A013002320 

 Mais escrives moy donques si je vous envoyeray prendre a Montelon ou a Dijon et si vous prendres cette petite a Dijon, ou si j'envoyeray la prendre a Dijon pour vous la faire conduire a Montelon, ou comment..

  A013002320 

 Mais pourquoy donques je vous supplie, ma Fille, remettrois-je vostre voyage de Saint Claude? Sil ni a point d'autr'incommodité que celles qui se presentent, il me semble quii ni a pas dequoy le remettre.

  A013002321 

 Ce pendant nostre petite Françoise vous accompaignera, et vous la laisserés selon vostre desir et le conseil du bon P. de Vilars.

  A013002321 

 Venes donques pour le jeudy avant Pentecoste, et passes a Besançon tant que vous voudres pour y voir le saint Suayre: tout cela n'est que tout a mon goust.

  A013002321 

 Vous y verrés des Cordelieres du Tiers Ordre, que l'on loue fort; et peut estre un'Abbesse d'un'autre Religion qui est a quatre liëues de lâ, c'est a dire a Baume les Nonains, qui est fort vertueuse, des plus grandes maysons [262] de mon diocæse et qui m'ayme singulierement.

  A013002322 

 Faysons-le donques, puisque Dieu vous l'inspire aussi; vous ne laisseres pas d'estre asses brave sans cela aux yeux de vostre Espoux et de vostre Abbesse.

  A013002322 

 Or sus, croyes moy je vous prie, ma chere Fille, j'ay pense, il y a plus de troys moys, a vous escrire que ce Caresme nous ferions bien de faire une desfaite de nostre vertugadin.

  A013002323 

 Il ne reste que l'automne duquel, comme vous dites, vous ne voyes pas beaucoup de fruitz.

  A013002323 

 Je voy que toutes les saysons de l'annee se rencontrent en vostre ame: que tantost vous sentes l'hyver de maintes sterilités, distractions, degoustemens et ennuys, tantost les rosees du mois de may, avec l'odeur des saintes fleurettes, tantost des chaleurs de desir de plaire a nostre bon Dieu.

  A013002323 

 Vous voudries bien que tout fut en printems et esté; mais non, ma chere Fille, il faut de la vicissitude en l'interieur aussi bien qu'en l'exterieur.

  A013002325 

 Dieu vous en sçaura bon gré, car il ayme les petitz enfans; et, comme je disoys l'autre jour au cathechisme pour inciter nos dames a prendre soin des filles, les Anges des petitz enfans ayment d'un particulier amour ceux qui les eslevent en la crainte de Dieu et qui instillent en leurs tendres ames la sainte devotion; comme au contraire, Nostre Seigneur menace ceux qui les scandalisent, de la vengeance de leurs Anges.

  A013002325 

 O vrayement, j'appreuve fort que vous soyes maistresse d'escolle.

  A013002326 

 Je loue Dieu que vous voules accorder vos proces.

  A013002326 

 Si vous n'estes pas a Dijon le Caresme il n'importe pas; vous ne laisseres pas d'estre aupres de nostre bon Dieu, de l'ouyr et servir, mesme en l'assistence de monsieur vostre beaupere auquel je doy tant d'honneur et de respect pour le bien quil me fait de m'aymer.

  A013002328 

 Ce sont advis bons et propres pour vous, mais non point commendemens; quand on commande on use de termes qui se font bien entendre.

  A013002328 

 Non, vous ne contrevenes pas a l'obeissance n'eslevant pas si souvent vostre cœur a Dieu et ne prattiquant [264] pas si a souhait les advis que je vous ay donné.

  A013002328 

 Sçaves vous que les advis requierent? Ilz requierent qu'on ne les mesprise pas et qu'on les ayme, cela est bien asses; mais ilz n'obligent pas aucunement.

  A013002329 

 J'ay donné charge au porteur, qui est monsieur Favre, mon grand Vicaire, de vous envoyer la presente aussi tost quil sera arrivé, affin que vous ayes le loysir de luy renvoyer vostre response, puisquil sera a Dijon huit jours entiers..

  A013002330 

 C'est pour me recreer et filer, aussi bien que vous, ma quenouille..

  A013002330 

 Je n'ay encor sceu revoir la Vie de nostre bonne vilageoise pour la mettre au net; mais affin que vous sachies tout ce que je fay, quand je puis avoir quelque quart d'heure de relay, j'escris une vie admirable d'une sainte delaquelle vous n'aves encor point oüy parler et je vous prie de ne point aussi en dire mot.

  A013002330 

 Mais c'est une besoigne de longue haleyne et que je n'eusse pas osé entreprendre si quelques uns de mes plus confidens ne m'y eussent poussé; vous en verres quelque bonne piece quand vous viendrés.

  A013002330 

 Mais, comme je vous dis, je desire que [265] cela ne [se] sache point qu'elle ne soit entierement faite; et je ne fay que de la commencer.

  A013002331 

 En eschange, je vous envoye le livre ci joint, auquel vous verres beaucoup de beaux traitz qui furent en partie faitz sur mes premieres prædications par M. le President de cette ville, homme de rare vertu et fort chrestien..

  A013002332 

 O Dieu me face vrayement enfant en innocence et simplicité! Mais ne suis je pas aussi un vray simple de vous dire ceci? Il ni a remede, je vous fay voir mon cœur tel qu'il est et selon la varieté de ses mouvemens, affin que, comme dit l'Apostre, vous ne pensies de moy plus quil ni a en moy..

  A013002332 

 Que vous diray-je davantage? Je viens tout maintenant de faire le cathechisme, ou nous avons fait un peu de desbauche avec nos enfans a faire un peu rire l'assistence, en nous mocquant des masques et des balz; car j'estois en mes belles humeurs, et un grand auditoire me convioit par son applaudissement a continuer de faire l'enfant avec les enfans.

  A013002333 

 Je luy parleray de vostre cœur, et croyes, de tout le mien je le supplieray quil vous rende sa chere, sa bienaymee servante.

  A013002350 

 Il me semble que j'ay des-ja trop mis de tems sans vous escrire pour me ramentevoir en vostre bienveuillance.

  A013002350 

 Mon ame, qui est toute voüee a la vostre, me fait des grans reproches sur cett'intermission; bien que je sçay que vous ne jugeres pas mes affections par cette sorte de tesmoignage, et que ce soit le moindr'effect de l'infini devoir que je vous ay..

  A013002351 

 Je passeray ce Caresme a faire residence en ma cathedrale et a rabiller un peu mon ame qui est presque toute descousue par tant de tracas qu'ell'a souffert despuis la chere consolation que j'eu aupres de vous en vostre maison a Dijon.

  A013002352 

 Voyla, Monsieur, ce que je m'essayeray de faire; ce que je vous dis par ce qu'estant si tres fort vostre comme je suis, vous deves sçavoir ce que je fay.

  A013002364 

 Si j'eusse sceu plus tost vostre dessein, je vous eusse prié d'y employer mon frere, lequel est a Romme des Noël pour les affaires de ce diocæse, et eut esté glorieux de vous obeir; mais il n'est plus tems maintenant, puis que avant que vos lettres soyent a Romme, il sera en chemin pour son retour.

  A013002365 

 Conserves moy, je vous supplie, en vostre bonne grace comme celuy qui, vous souhaittant la perpetuelle assistence du Saint Esprit, sera toute sa vie,.

  A013002378 

 Je vous renvoye les patentes signees; mais, pour l'honneur de Dieu, si c'est monsieur de Pinché, qu'il n'aille pas sur les galoches et friseures, ni galantant comm'il a fait jadis.

  A013002379 

 Si vous escrives de dela, faites, je vous prie, une lettre a madame Graguette, l'animant tous-jours a ce dessein, et de se joindre fort a son Abbesse en cœur et esprit, avec le support qui sera necessaire..

  A013002380 

 Si je ne vous respons pas si exactement aux lettres que vous m'envoyes, accusés-en ma mauvayse coustume, qui est de ne point mettre la main a la plume que sur le despart des messagers, dont il arrive que souvent, en ce point la, je suys embarrassé d'autres occupations..

  A013002381 

 J'ay receu les lettres de madame de Chantal que vous m'aves envoyees, en eschange desquelles je vous envoye les ci jointes.

  A013002381 

 Je me res-jouis du bien que vous faites a ceux de Seyssel: Et bene patientes erunt ut annuntient.

  A013002382 

 Conservés moy en vostre souvenance, particulierement quand vous estes a l'autel; et je suys,.

  A013002410 

 Je vous escriray au plus tost la resolution..

  A013002411 

 Je pense aussi que vous vous tiendres desliee, affin que, si Dieu le veut, vous puissies venir au tems que nous avons marqué; si moins, au tems que nous marquerons.

  A013002411 

 Je vous escris par Dijon une autre lettre tout maintenant, affin que si l'une vous arrive tard, l'autre puisse suppleer a l'attente..

  A013002423 

 Voyés vous, ma chere Fille, vous sçaves bien que le Caresme c'est la moysson des ames.

  A013002425 

 Il est vray que, pour vous consoler, il faut que je vous die que je la sens encor toute dedans mon cœur, dont je loue Dieu; car c'est la verité que cette sorte d'occupation m'est infiniment proffitable.

  A013002426 

 Je nommois le vostre et celuy de cette jeune servante de Dieu de qui je vous parlois, et plusieurs autres.

  A013002426 

 Oh! ce matin (car il faut encor dire cecy), presentant le Filz au Pere, je luy disois en mon ame: Je vous offre vostre cœur, o Pere eternel; veuillés, en sa faveur, recevoir encor les nostres.

  A013002426 

 Vivés, ma chere Fille, avec nostre doux Sauveur entre vos bras en ce saint tems de Passion; qu'a jamais puisse-il reposer entre vos mammelles, comme un sacré faisceau de myrrhe: ce vous sera un epitheme souverain pour tous vos tremoussemens de cœur.

  A013002427 

 Or sus, demeurés tous-jours en paix entre les bras du Sauveur qui vous ayme cherement, et duquel le seul amour nous doit servir de rendés vous general pour toutes nos consolations, ce saint amour, ma Fille, sur lequel le nostre, fondé, enraciné, creu, nourry, sera eternellement parfait et perdurable..

  A013002428 

 Je suis celuy que Dieu vous a donné irrevocablement..

  A013002437 

 Je vous envoye le saint metail que Monseigneur l'Evêsque de Sion vous a liberalement departi a mon intercession.

  A013002437 

 Receves-le avec honneur et reverence, et priés Dieu pour celuy qui vous le donne et pour moy qui l'ay impetré..

  A013002451 

 Dites seulement de gros en gros les principales fautes que vous aures commises des Pasques dernieres, commençant par le premier commandement, ou vous treuveres vos Offices et oraysons; et puis au second, ou vous treuveres vos vœux, et ainsy de main en main.

  A013002451 

 Et en chasque commandement il faut faire deux rancz: l'un, des fautes plus sensibles, desquelles il faut dire a peu pres le nombre; l'autre, des menues fautes, quil faut dire en bloc, et vous n'aves pas besoin de particulariser rien davantage..

  A013002452 

 Je ne veux pas que vous veillies le sepulchre cett'annee, ains qu'avec Madeleyne et les autres bonnes filles, vous præparies des le soir les parfums et unguentz, et que le mattin a bonn'heure vous aillies au sepulchre; car cette demesuree veille vous tiendroit tout le jour hors d'aleyne et estoufferoit l'esprit de devotion..

  A013002454 

 C'est tout ce que je puis et que vous desirés, Monsieur mon Frere, de vostre humble seur et servante..

  A013002454 

 Vostre response sera telle: Monsieur mon Frere, comme pourray-je dignement correspondre a lhonneur que vous m'aves fait d'accepter si amiablement mon humble salutation et me la rendre avec tant de surcroist? Je prieray mon Sauveur, ce cher Jesus que vous suivés, quil vous conduise heureusement a la perfection de son saint amour.

  A013002459 

 Le P. Prædicateur vous va voir et part a midi; il va a pied, dequoy je suis en peyne, mais je n'ay point de cheval.

  A013002467 

 Et penses vous que je sois exempt de pareilles attaques? Mais c'est la verité, je ne fay que m'en rire quand je m'en resouviens, qui est fort peu souvent.

  A013002469 

 A quel propos dis-je ceci? Je ne sçay, sinon que je n'ay peu m'empescher de vous Ir dire.

  A013002469 

 Et quand ce vint au point auquel je contemplois comme on chargea la croix sur lesaspaules de Nostre Seigneur et comment il l'embrassa, en disant qu'en sa croix et avec icelle il advoüa et prit a soy toutes nos petites croix et qu'il les baysa toutes pour les sanctifier; venant a particulariser qu'il baysa nos secheresses, nos contradictions, nos amertumes, je vous asseure, ma chere Fille, que je fus fort consolé et eu peyne de contenir les larmes.

  A013002469 

 Hier (car il faut que je vous die encor ce mot) je fis un sermon de la Passion devant nos Religieuses de Sainte [280] Claire qui m'en avoyent tant conjuré, apres le sermon de la ville auquel j'assistay.

  A013002470 

 Ouy, ma Fille, car ç'a esté un grand Ange qui vous a donné vos bons desirs: ainsy puisse-il vous en donner l'execution et la perseverance..

  A013002481 

 Car, ma chere Mere, voyes-vous, je vous veux parler un peu plus tendrement des-ormais de me promettre vostre venue a Saint Claude.

  A013002481 

 Je suis en si peu de liberté que je ne puis pas dire si ce sera cette annee; mais j'ay tant de desir de vous revoir, que je ne puis ne l'esperer pas..

  A013002481 

 Je sçai que vous estes tendre au voyage et que vous n'aves pas tant de santé que de volonté; mais croyes moy, ou je mourray a la poursuitte, ou je m'approcheray un jour, en sorte que s'il vous faut faire quelque partie du chemin en ma faveur, elle sera fort courte.

  A013002481 

 Pressé de mille sortes d'empeschemens sur ce despart que je fay pour aller celebrer un grand Jubilé a Thonon, [281] je vous salue humblement par cette occasion, vous suppliant de me faire part un peu bien amplement de vos nouvelles par madame de Chantal, laquelle, comme je croy, fera avec nous la feste de la Pentecoste.

  A013002482 

 Aymés-moy ce pendant, et croyés que mon ame vous est toute dediee en Nostre Seigneur, qui m'a rendu.

  A013002493 

 Dieu donques, ma tres chere Fille, veut que ce soit a Pentecoste que je vous voye, et icy a Neci ou, nonobstant le Jubilé de Thonon, je me treuveray en ce tems-la et y arresteray au fin moins quinze jours entiers, pour retourner par apres a la conclusion dudit Jubilé, a laquelle Son Altesse, comm'on dit, se treuvera.

  A013002494 

 Ce porteur m'a promis de vous rendre cette lettre pour tout ce moys, qui sera bien asses tost pour vous faire disposer au voyage.

  A013002494 

 Et neanmoins je vous envoyeray Claude des le premier jour de may pour en avoir encor plus d'asseurance, car je le desire extremement..

  A013002494 

 Je vous prie de m'escrire par Lion tout aussi tost que vous aurés receu cette nouvelle, affin que je sois bien asseuré de ce que vous ferés et du jour auquel je vous devray faire rencontrer a Saint Claude, ou au moins environ.

  A013002495 

 Et ce pendant, je prieray nostre grand Dieu qu'il me donne sa sainte lumiere pour vous bien servir en cett'occasion pour laquelle vous aures tant de peyne et de mesayse.

  A013002495 

 Il m'est advis que je vous voy des-ja en nostre petite vilette et en mon petit heberge.

  A013002495 

 La dame delaquelle je vous escrivois fait merveille, et m'a tant prié que je la face venir des chams pour vous recevoir, que rien plus.

  A013002497 

 Celuy que Dieu vous a si uniquement dedié,.

  A013002499 

 Avec quell'affection ma mere vous attend, cela ne se peut dire..

  A013002510 

 Je voudrois bien [284] avoir quelque chose pareille pour les contre changer, mais ce sera lhors que nostre Prieure eslëue, ainsy que vous me dites, viendra fonder un Monastere dans ma miserable Geneve, et que, obstetricante manu Domini, educetur coluber tortuosus.

  A013002510 

 Si faut il que je vous escrive un petit-mot, car que dirois-je pour m'en excuser sur le depart d'un si digne porteur? Je receu dernierement vos lettres, avec mille consolations de sçavoir des nouvelles des vostres, que je cheris uniquement, et de l'avancement de la pieté en tant de lieux et de bonnes ames de dela.

  A013002511 

 Je salue messieurs du Val, Gallemend et Galot par vostre entremise, sil vous plait, avec messieurs de Berules, de Bretigni, Vivien et cætera id genus hominum « quos æquus amavit » Salvator.

  A013002511 

 Vous sçaves que j'honnore toute cette mayson de tout mon cœur.

  A013002512 

 Au moins souvenes-vous en tous-jours en vos saints Sacrifices, puis que je suis,.

  A013002517 

 A monsieur de Monbrot, mille salutations meo nomine, sil vous plait; item, a monsieur de Santeüil.

  A013002530 

 Mais avant que vous parties, demandés la benediction a Monsieur d'Autun, s'il se peut, avec permission de vous prevaloir des Indulgences qui vous seront octroyees ou vous passeres par les Evesques.

  A013002531 

 Venes, venes donques, ma tres chere Fille; que vostre bon Ange soit tous-jours joint a vous pour vous heureusement amener.

  A013002531 

 Vous seres consolee de voir ma petitesse en mayson, en train, en tout, et de voir nostre bel Office, car en cela mon Chapitre excelle..

  A013002541 

 Mais sçaves vous pas que je vous ay dit mille fois que je sçavois que vous m'aymies et que j'aymois bien fort nostre mutuelle amitié, non seulement pour le bien qu'elle me donnoit, mais parce que son fondement estoit eternel? Je me plais bien fort sur ce sujet..

  A013002541 

 Non, a la verité, je ne doute nullement que vous ne m'aymies fort estroittement; j'aurois bien peu de sentiment si tant de tesmoignages que vous m'en aves rendus ne m'en asseuroyent, outre lesquelz j'en ay un dans moy mesme qui me suffiroit pour cela; car il ne me semble pas que mon cœur vous peust aymer comm'il vous ayme si, par une secrette correspondance, le vostre ne l'attiroit; car l'on a beau dire que la connoissance des merites force a l'amour (je dis a l'amitié); c'en est vrayement un grand motif, mais inutile si on n'espere pas une reciproque affection.

  A013002542 

 Voyla que monsieur de Sansix, qui vient expres pour me voir et vostre chere discretion, m'advertit que dans deux jours je seray avec vous, et pourrons dire [288] le reste tout a l'ayse, sans que, pour mon goust particulier, je traitte incivilement ce gentilhomme en le faysant trop longuement attendre une si vile veuë comme est la mienne..

  A013002558 

 La confiance que vous aves en moy me console tous-jours, et suis neanmoins marri de ne pouvoir si bien [289] correspondre par lettres comme je desirerois; mais Nostre Seigneur, qui vous ayme, supplee par tant d'assistances que vous aves la..

  A013002559 

 J'appreuverois qu'en l'orayson vous vous tinssies encor un peu au petit train, preparant vostre esprit par la leçon et disposition des pointz, sans autre imagination neanmoins que celle qui est necessaire pour ramasser l'esprit.

  A013002560 

 Je suis consolé de sçavoir l'addresse que vous aves pour vos confessions au bon Pere Gentil.

  A013002560 

 Vous feres donques bien de continuer vos confessions vers luy, et prendre les bons advis qu'il vous donnera selon l'occurrence de vos necessités..

  A013002561 

 Je ne voudrois pas que vous portassies madamoyselle vostre fille a une si frequente Communion qu'elle ne sache bien peser que c'est que cette frequente Communion.

  A013002562 

 Dequoy sert il de bastir des chasteaux en Espagne, puisqu'il nous faut habiter en France? C'est ma vielle leçon, et vous l'entendes bien; dites moy, ma chere Fille, si vous la prattiques bien..

  A013002562 

 Ne desirés point de n'estre pas ce que vous est es, mais desirés d'estre fort bien ce que vous estes; amusés vos pensees a vous perfectionner en cela et a porter les croix, ou petites ou grandes, que vous y rencontreres.

  A013002562 

 Perseverés a bien vous vaincre vous mesme en ces menuës contradictions journalieres que vous ressentes; faites le gros de vos desirs pour cela.

  A013002562 

 Sachés que Dieu ne veut rien de vous sinon cela, pour maintenant: ne vous amuses donques pas a faire autre chose.

  A013002563 

 Je vous prie, reglés vos exercices, et faites en iceux grande consideration aux inclinations de vostre chef.

  A013002563 

 Mocques-vous de ces attaques frivoles par lesquelles vostre ennemy vous represente le monde comme si vous devies y retourner; mocques-vous en, dis je, comme d'une impertinence.

  A013002564 

 Il me semble que j'ay satisfait a tout ce que vous desiries de sçavoir de moy, qui n'ay point de plus grand desir que de vous servir fidellement en cet endroit.

  A013002564 

 Je [291] desirois bien de vous voir, mais il n'estoit pas convenable que je le voulusse; Dieu disposera peut estre quelque moyen plus propre pour cela.

  A013002573 

 Je l'en ay supplié fort souvent, quoy que fort froidement selon mon ordinaire misere, mais particulierement a la sainte Messe et en nostre exercice du soir, aux Litanies de nostre chere Dame et Maistresse; je vous ay recommandé et fait recommander a tous nos prestres affin de suppleer a mon insuffisance.

  A013002573 

 Je pense que maintenant vous estes arrivee en vostre mayson, ma tres chere Fille, car voyci justement l'octave de vostre despart; et je m'en vay, par cette lettre et en esprit, vous revoir et vous demander des nouvelles du succes de vostre voyage.

  A013002573 

 Vous estes vous bien portee, ma chere Fille? Aves vous point rencontré nostre Sauveur en chemin? car il vous attendoit par tout.

  A013002574 

 La dessus, un certain accroissement d'esperance pour vous respandit une suavité bien grande en tout mon esprit.

  A013002575 

 Nostre bon Pere Bonivard partit hier, qui, par une pure rencontre de sentiment, appreuve infiniment le choix que j'ay fait pour vous.

  A013002575 

 Pour moy, je le sens tous-jours plus l'erme en mon ame; et puis que, apres tant de considerations, de prieres et de sacrifices, nous avons fait nos resolutions, ne permettés point a vostre cœur de s'appliquer a des autres desirs; mais, benissant Dieu de l'excellence des autres vocations, arrestés-vous humblement a celle-ci, plus basse et moins digne, mais plus propre a vostre suffisance et plus digne de vostre petitesse.

  A013002576 

 Tout ce que vous aymés icy se porte bien.

  A013002586 

 Cela s'entend sous le bon playsir de sa divine Majesté; car s'il vous veut sur la croix, j'y acquiesce.

  A013002586 

 Et vous aussi, ma bien aymee Fille, non pas? Ouy, sans doute.

  A013002588 

 Je m'en sens une suavité extraordinaire, comme aussi de l'amour que je vous porte; car j'ayme cet amour incomparablement.

  A013002588 

 Vous ne sçauriés croire combien mon cœur s'affermit en nos resolutions et comme toutes choses concourent a cet affermissement.

  A013002589 

 Je pense que vous m'entendes bien, car vous m'entendes tous-jours bien..

  A013002589 

 Maintenant donq, y ayant pensé, je vous dis qu'il n'y a point de danger d'en parler quand l'occasion s'en presente, car cela ne tesmoigne que la memoire que vous en deves avoir; mais je croy qu'il seroit mieux, parlant de luy, d'en parler sans paroles et souspirs qui tesmoignassent un amour attaché et engagé a la presence corporelle; et parlant, en lieu de dire: feu mon pauvre mary, je voudrois [295] dire: mon mary, que Dieu ayt en sa misericorde; et ces dernieres paroles, les dire avec sentiment d'un amour non point affoibli par le tems, mais bien affranchi et espuré par l'amour superieur.

  A013002589 

 Que vous dis je, ma chere Fille? car je ne m'en resouviens pas.

  A013002589 

 Vous me demandastes si vous parlies point trop souvent de feu monsieur vostre cher mary.

  A013002592 

 Tout ceci ne sont pas des grandes choses, mais je les vous ay voulu dire parce qu'elles me sont venues en l'esprit, apres avoir escrit une douzaine de lettres a ces Messieurs de la cour en recommandation de nostre Chapitre de Saint Pierre..

  A013002593 

 Humilies vous bien fort, mais, ma Fille, tous-jours d'une humilité douce et non empressee; car encor en cela y peut-il avoir de l'empressement..

  A013002593 

 Tenés vostre cœur ferme et haut eslevé en Dieu par une entiere confiance en sa sainte providence, laquelle, sans doute, ne vous a pas donné le dessein de la servir qu'elle ne vous donne tous les moyens de ce faire.

  A013002594 

 A Dieu, ma chere Fille, ce n'est pas avec loysir que je vous escris; c'est par impetuosité que j'ay conduit ma plume jusques icy, partie avant la sainte Messe, partie apres.

  A013002594 

 Priés souvent pour celuy qui ne sçauroit prier sans vous faire part de ses prieres, ni plus desirer son salut que le vostre.

  A013002604 

 Je ne me peux empescher de vous escrire avec une grande nudité et simplicité d'esprit..

  A013002617 

 Baysés souvent de cœur les croix que Nostre Seigneur vous a luy mesme mises sur les bras; ne regardés point si elles sont de bois pretieux ou odorant: elles sont plus croix quand elles sont d'un bois vil, abject, puant.

  A013002617 

 Il ne m'est pas possible de me contenir de vous escrire a toutes sortes d'occasions qui s'en presentent.

  A013002617 

 Ne veuilles pas tout faire, mais seulement quelque chose, et sans doute vous feres beaucoup.

  A013002617 

 Ne vous empresses point, non, croyés moy; exerces-vous a servir Nostre Seigneur avec une forte et soigneuse douceur: c'est la vraye methode de ce service.

  A013002617 

 Prattiqués les mortifications desquelles le sujet se presente plus souvent a vous, car c'est une besoigne qu'il faut faire la premiere; apres celle-la nous en ferons d'autres.

  A013002617 

 Sans doute, [298] ma chere Seur, c'est le cantique de l'Aigneau; il est un peu triste, mais il est harmonieux et beau: Mon Pere, qu'il soit fait, non point selon que je veux, mais selon que vous voules..

  A013002619 

 Croyes vous pas qu'il vous dit: Marie, Marie? Non, avant que vous le voyes en sa gloire, il veut planter dedans vostre jardin beaucoup de fleurs petites et basses, mays a son gré: c'est pourquoy il est ainsy vestu.

  A013002619 

 Vous voudries bien qu'il vous offrist d'autres plus belles mortifications.

  A013002619 

 Voyes-vous, ma chere Seur ma Fille, c'est Nostre Seigneur en l'habit de jardinier que vous rencontres tous les jours ça et la, es occurrences des mortifications ordinaires qui se presentent a vous.

  A013002624 

 Ayés bon courage, ne vous estonnés point; soyons seulement a Dieu, car Dieu est nostre.

  A013002632 

 C'est aujourd'huy la feste de sainte Marguerite, ma tres chere Fille, et je viens tout maintenant de dire la Messe pour vous.

  A013002632 

 Je puis tous-jours dire pour vous, ma Fille, car vous y aves part en un certain rang si special et particulier qu'il me semble presque que ce n'est que pour vous.

  A013002632 

 Ne vous desire-je pas, ma chere Fille, tout ce qui se doit desirer?.

  A013002632 

 O mon Sauveur, disois je, que cette fille que vous m'aves si uniquement confiee ayt tous-jours sous ses pieds le dragon infernal crevé et gasté, vostre Croix bien estroittement serree sur sa poitrine et ses yeux eslevés au Ciel, ou vous estes.

  A013002632 

 Or bien, je vous y ay depeinte en mon desir comme on depeint la Sainte du jour.

  A013002633 

 Croyés moy, ma chere Fille, ne vous lourmentes point pour toutes les suggestions que cet adversaire vous fera.

  A013002633 

 Non, ne vous estonnes de rien; mocqués-vous de ces assautz de nostre ennemy: je dis de ces assautz desquelz vous m'aves fait les monstres pendant vostre sejour en ce païs.

  A013002633 

 Tenes-vous bien a couvert sous nos grandes et inviolables resolutions, sous nos vœux et consecrations.

  A013002634 

 Non, ma chere Fille, si vous esties icy, encor ne voudrois-je pas pour cela entreprendre de faire taire les grenouilles; mais ce vous dirois-je bien qu'il ne les faudroit pas craindre ni s'en inquieter, ni ne penser pas a leur bruit.

  A013002634 

 Vous ne sçavés pas, ma chere Fille, ce qui me vient en l'esprit? je dis tout presentement, car je suis esmeu a la joye.

  A013002635 

 Tenés donques seulement la Croix de Nostre Seigneur sur vostre poitrine; repliqués doucement et par actes positifz nos resolutions; ne vous efforces point de ruiner la superbe, mais taschés de bien asseurer l'humilité en l'exerçant positivement; et ne doutés point, car tandis que vous aures la Croix entre vos bras, l'ennemy sera tous-jours dessous vos pieds.

  A013002636 

 Ouy, ma chere Fille, attachés-vous fort a la Providence divine: qu'elle face ce qu'elle voudra de vous et de tout ce qui est vostre.

  A013002636 

 Soyons joyeux en ce service, je vous supplie: soyons joyeux sans dissolution et asseurés sans arrogance; craignons sans nous troubler, soyons soigneux sans nous empresser..

  A013002646 

 Que ce me fut un grand contentement, ma chere Fille, vous ne le sçauries croire; car je ne sçai, le matin en l'orayson j'avois eu de grandes esmotions d'esprit a vous recommander a nostre Sauveur, lequel je voyois, ce me sembloit, de bonne humeur pour [302] estre accosté chez Simon le Lepreux.

  A013002646 

 Une chose me consoloit fort: apres le disner, Nostre Seigneur remit sa chere convertie a Nostre Dame; aussi, vous voyes que, despuis, elle estoit presque tous-jours avec elle, et cette sainte Vierge caressoit extremement cette pecheresse.

  A013002647 

 Non, ma Fille, ne marqués plus ainsy par le menu vos defautz, remarqués-les seulement en bloc; car cela suffira abondamment pour vous faire connoistre a qui vous desires et pour vostre direction..

  A013002648 

 Il n'est pas besoin de nommer ceux pour lesquelz vous voules faire dire des Messes; il suffit que, par vostre intention, ce bien-la leur soit appliqué..

  A013002650 

 Je ne sçai si vous me connoisses bien: je pense qu'ouy, pour beaucoup de parties de mon cœur.

  A013002651 

 Bien, escrivés-moy donques de ces duplicités ce qui vous en faschera le plus; je m'essayeray de vous bien esclaircir sur cela, car je m'y entens un peu..

  A013002651 

 Mais cependant, l'acte que vous me marques n'est pas fort double; au moins il n'est pas double d'une fort mauvaise estoffe, car que pretendries vous pour vous a faire connoistre que le bon M. le Conte jeusnoit? La fascheuse duplicité c'est celle qui a une bonne action doublee d'une intention mauvaise ou vaine.

  A013002652 

 Tenés ferme a ce que je vous ay dit..

  A013002653 

 Mais ne vous tourmentes point a prattiquer ce commandement; car c'est cela que je veux, que vous ne vous tourmenties point, ni par ces desirs, ni par autres quelconques.

  A013002653 

 Mon Dieu, ma Fille, vous aves trop avant ces desirs dans le cœur.

  A013002653 

 Or sus, je ne veux point que vous desiries d'un desir volontaire cette paix inutile, et peut estre [304] nuysible.

  A013002653 

 Pour vos vielles tentations, n'en affectionnés pas tant la delivrance; dissimulés de les sentir, ne vous effarouchés point pour leurs attaques.

  A013002653 

 Vous desires infiniment que Dieu vous laisse paysible, dites vous, de ce costé la; et moy je desire que Dieu soit paysible de tous costés et que pas un de nos desirs ne soit contraire aux siens.

  A013002653 

 Vous en seres delivree bien tost, Dieu aydant, lequel j'en supplieray, mais, je vous asseure, avec beaucoup de resignation en son bon playsir; je dis une resignation gaye et douce.

  A013002653 

 Voyes vous, Nostre Seigneur nous donnera sa paix quand nous nous humilierons a doucement vivre en la guerre..

  A013002654 

 Vous faites bien de n'avoir nul soin de vostre ame et de vous en reposer sur moy; vous seres bien heureuse si vous continues.

  A013002661 

 C'est par nostre bon Pere Gardien des Capucins que je vous escris, ma bonne, ma tres chere Fille, car je [305] me suis imaginé que facilement quelques uns des leurs qui sont a Aoustun se treuveroyent en leur Chapitre provincial, qui pourroyent vous rendre ces lettres..

  A013002662 

 Ayés en un bon, bien resolu, bien constant, c'est a dire l'ancien, celuy qui vous fit faire nos vœux avec tant de courage; car pour celuy-la, ma Fille, il le faut arrouser souvent de l'eau de la sainte orayson, il faut avoir grand soin pour le conserver dans nostre verger, car c'est l'arbre de vie.

  A013002662 

 Mais que vous escriray-je? Tenés vostre cœur au large, ma tres chere Fille, ne le pressés point trop de desirs de perfection.

  A013002663 

 En dea, disoit saint Anthoine, je vous voy, mais je ne vous regarde pas.

  A013002663 

 Je vous souhaite un courage grand, et non point chatouilleux; un courage lequel tandis quil peut dire bien resolument: VIVE JESUS! sans reserve, ne se soucie point ni du doux ni de l'amer, de la lumiere ni des tenebres.

  A013002665 

 Courage, ma Fille, n'avons nous pas occasion de croire que nostre Sauveur nous ayme? Si avons certes; et pourquoy donques se mettre en peyne des tentations? Je vous recommande nostre simplicité, qui est si jolie et qui est si aggreable a l'Espoux, et encor nostre pauvr'humilité, qui a tant de credit vers luy; et faites moy une charité pareille en me les recommandant a moy.

  A013002666 

 Je vous vay dire un peu de mes nouvelles, puis que vous le desirés.

  A013002667 

 J'ay des salutations a vous faire de la part de nostre Præsidente et de M me de Lalee.

  A013002668 

 Je fay par tout prier Dieu pour vous, et veux, Dieu aydant, prier encor plus et mieux que je n'ay fait ci devant.

  A013002668 

 Je vous escriray bien tost, et voyci la sixiesme lettre que je vous ay escritte des vostre depart, car je ne veux point vous manquer a parole.

  A013002672 

 Je vay tout de ce pas dire la sainte Messe pour vous; c'est tous-jours pour vous, sans doute.

  A013002683 

 Encor mon affection n'est pas satisfaite, car elle est insatiable au desir de rendre a mon Dieu le devoir que j'ay envers vous.

  A013002683 

 Voyci la septiesme fois que je vous escris despuis vostre retour; je n'en laisse escouler aucune occasion.

  A013002685 

 Sçaves-vous comme je voulois accommoder le differend? Je voulois que sainte Marthe, nostre chere maistresse, vinst aux pieds de Nostre Seigneur en la place de sa seur, et que sa seur allast apprester le reste du souper; et ainsy elles eussent partagé et le travail et le repos, comme bonnes seurs.

  A013002686 

 Or, cette consequence, je la tire maintenant en vous escrivant, car alhors je n'y pensay pas, d'autant que je n'avois nulle sorte d'attention qu'a ce qui se passoit au mystere..

  A013002687 

 Et puisque mon cœur me presse de vous dire tout ce qui luy arrive de consolation (ce qu'aussi bien ne sçai je faire a beaucoup pres a nulle autre creature), je vous diray que ces trois jours passés, j'ay eu un playsir nompareil a penser au grand honneur qu'un cœur a de parler seul a seul a son Dieu, a cet Estre souverain, immense et infini.

  A013002688 

 Aussi, ce ne sont pas icy des responces, car je n'ay encor eu que deux lettres de vous, ausquelles j'ay rendu responce il y a long tems..

  A013002688 

 Il m'a esté force de vous dire cela.

  A013002688 

 Voyés-vous, ma Fille, il faut que je vous parle souvent; c'est pourquoy je suis contraint de vous dire ces choses selon qu'elles se prasentent a moy, hors de propos et a propos.

  A013002690 

 Mon Dieu, que ma pauvre mere eut grand'peur le jour que tant d'esclairs et de tonnerres se firent, dont je vous escrivis dernierement; car le foudre tumba en [plusieurs] endroitz tout au tour de Sales, sans interest neanmoins d'aucune creature, mais avec tant d'eaux et de tintamarre que jamais on n'avoit rien veu de tel.

  A013002691 

 Je ne sçai ou madame de Charmoysi est; toutefois on dit qu'elle sera icy dans huit jours, et je le desire bien; car voyes-vous, je suis tous-jours un peu en peyne pendant l'annee du noviciat.

  A013002691 

 Madame de Lalee me vint voir hier et me demanda tant de vous; pour cela elle vous surhonnore.

  A013002703 

 Helas, ma chere Fille, dites moy, le doux Jesus ne nasquit il pas au cœur du froid? Et pourquoy ne demeurera-il pas aussi au froid du cœur? J'entens a ce froid duquel, comme je pense, vous parles, qui ne consiste pas a aucun relaschement de nos bonnes resolutions, mais simplement en une certaine lassitude et pesanteur d'esprit, qui nous fait cheminer avec peyne en la voye en laquelle nous nous sommes mis, et de laquelle nous ne nous voulons jamais esgarer, jusques a ce que nous soyons au port.

  A013002703 

 Vos froidures, ma tres chere Fille, ne vous doivent nullement estonner, pourveu que vous ayes un vray desir de la chaleur et que vous ne layssies pas, pour le froid, de continuer au train de vos petitz exercices.

  A013002704 

 J'iray, si je peux, a vostre feste, et vous donneray la sainte Confirmation.

  A013002704 

 Je vous diray ce jour la quelqu'une de ses divines paroles qui planterent si avant le Sauveur dans le cœur de ses disciples..

  A013002704 

 Que puysse-je participer a l'esprit de ce Saint qui vous a nommee de son nom des vostre Baptesme, et qui le confirmera en vostre faveur le jour mesme auquel toute l'Eglise le reclame.

  A013002705 

 Cependant, vivés toute a Dieu, et pour l'amour qu'il vous a porté, supportés-vous vous mesme en toutes vos miseres.

  A013002706 

 Vous sçaves bien, au reste, de quelle sorte mon cœur vous cherit: c'est, ma tres chere Fille, plus que vous ne sçauries dire.

  A013002714 

 Ce porteur, qui est de mes amis et homme digne de louange en sa profession, a desiré ma recommandation aupres de vous pour raccourcissement du proces qu'il a devant le souverain Senat.

  A013002714 

 Je vous supplie donques, [314] Monsieur, de luy estre favorable en cela, puisque, par ce moyen, il retournera plus tost en son eglise a prier Dieu, comme je fay, quil vous conserve et prospere longuement, et que la faveur dont vous le gratifierés sera un juste adveu que vous me tenes et aymes,.

  A013002746 

 De plus, bien d'autres, en voyant un lieu de rendez-vous s'ouvrir devant eux, seraient engagés à se convertir, et à la longue, ce ne serait pas un petit préjudice pour Genève qui perdrait ainsi une grande partie de son commerce et de ses ouvriers..

  A013002747 

 C'est pourquoi, me confiant en votre généreuse bonté et aimable charité, je vous supplie en toute révérence et humilité, de vouloir bien encourager par une de vos lettres ces deux gentilshommes, afin qu'ils soient consolés dans leur bon dessein.

  A013002759 

 Que de choses, ma Fille, j'aurois a vous dire si j'en avois le loysir, car j'ay receu vostre lettre du jour de sainte Anne, escritte d'un stile particulier et qui ressent au cœur, et requiert une ample responce..

  A013002760 

 Ayés patience sur vostre croix interieure: helas! nostre Sauveur vous la permet affin qu'un jour vous connoissiés mieux que c'est que vous estes de vous mesme.

  A013002760 

 Ne voyes [317] vous pas, ma Fille, que le trouble du jour est esclairci par le repos de la nuit? signe evident que nostre ame n'a besoin d'autre chose que de se resigner fort en son Dieu et se rendre indifferente a le servir, soit parmi les espines, soit parmi les roses..

  A013002760 

 Vous voyla bien, ma Fille; continués seulement.

  A013002761 

 Croiries vous bien, ma tres bonne Fille, que ce soir propre, j'ay eu une petite inquietude pour un affaire qui ne meritoit certes pas que j'y fisse pensee? Or, cela neanmoins m'a fait perdre deux bonnes heures de mon sommeil, chose qui m'arrive rarement.

  A013002762 

 Je ne puis vous dire beaucoup de choses, car ce bon Pere part dans une heure, et il faut que je die Messe: je laisseray donques tout le reste..

  A013002762 

 Je vous asseure bien que je suis fort ferme en nos resolutions, et me playsent beaucoup.

  A013002763 

 O ma Fille, si faites: demandés-moy tous-jours l'estat de mon ame, car je sçai bien que vostre curiosité en cela sort de l'ardeur de la charité que vous me portes.

  A013002763 

 Vous me fistes grand playsir en l'une de vos lettres de me demander voir si je faysois pas l'orayson.

  A013002775 

 Ce porteur vous dira comme j'en escris a madame la Baronne affin qu'ell'y remedie, et croy qu'elle le fera..

  A013002775 

 J'ay sceu que madame la Baronne vous avoit institué son heritier, mais qu'aussi ell'avoit substitué monsieur de Coursinge et monsieur le Marquis de Lulin, en sorte que, pour vous, il ni a rien a craindre.

  A013002775 

 Mais le tort de sa dote confessee et non receue reviendroit a messieurs vos parens plus proches, si vous mouries sans enfans; car il [319] faudroit quilz ramboursassent la somme de la dote a ces messieurs qui seroyent substitués, ou au moins cela le (sic) mettroit en proces.

  A013002776 

 Cependant, Monsieur, je prie Dieu quil vous comble de benedictions, et suis.

  A013002792 

 Il n'est nullement besoin de faire des excuses et ceremonies pour m'escrire, car vos lettres me consolent bien fort en Nostre Seigneur, pour lequel je vous ayme sincerement.

  A013002792 

 Je vous en sçay vrayement bon [320] gré, mais si faut-il que vous ne perdies point courage pour cela; car encor que vous n'aures pas tant d'ayde exterieure, si est ce que, tenant tous-jours vos desirs et resolutions d'estre toute a Dieu bien vifs et formés en vostre ame, le Saint Esprit vous consolera par une secrette assistance qui suppleera aux exercices que vous laysses, puisque vous ne les laysses que pour l'honneur et la gloire de cette mesme divine Bonté..

  A013002792 

 Je voy que vous aves de l'apprehension de vous ranger au chasteau, d'autant que vous seres privee des commodités que vous avies de servir Dieu par la hantise du college des Jesuites.

  A013002793 

 Avec cela, vous pouves justement vous contenter, et suppleer le manquement des autres exercices par des frequentes et ferventes oraysons jaculatoires ou eslancemens d'esprit en Dieu, et les sermons, par une devote et attentive lecture des bons livres..

  A013002793 

 Je pense que vos Communions vous seront permises, car je ne voy pas que cela vous puisse estre refusé.

  A013002793 

 Vous pourres bien avoir une demi-heure chaque jour pour vostre orayson mentale, outre la priere d'appareil qui se fait avec Madame.

  A013002794 

 Au demeurant, d'estre sujette et vivre en compaignie vous donnera mille sujetz de vous bien mortifier et rompre vostre volonté, qui n'est pas un petit moyen de perfection, si vous l'employes avec humilité et douceur de cœur.

  A013002794 

 Nulle compaignie, nulle sujetion ne vous peut empescher de parler souvent avec Nostre Seigneur, ses Anges et ses Saintz, ni d'aller souvent parmi les rues de sa Hierusalem celeste, ni d'escouter les sermons interieurs de Jesus Christ et de vostre bon Ange, ni de communier tous les jours en esprit..

  A013002795 

 Faites donques avec gayeté de cœur tout cela; et de mon costé, en correspondant a la confiance que vous aves en moy, je prieray sa divine Majesté qu'elle vous [321] remplisse des graces de son Saint Esprit et vous rende de plus en plus uniquement sienne..

  A013002806 

 Encor faut-il, ma chere Fille, que je vous parle un peu de nos nouvelles domestiques.

  A013002815 

 J'ay fort prié ce porteur, qui est des vieux serviteurs de la mayson de Monsieur et de mes bons amis et voysins, [323] de vous saluer de ma part avec le plus d'efficace qu'il pourra.

  A013002815 

 Permettes-moy, Monsieur, que, sans necessité, par la seule abondance de mes desirs, je vous supplie de me continuer ce bien que j'estime tant, et qui m'honnore et console si fort..

  A013002817 

 On m'a dit que nostre monsieur Fenouillet avoit esté [324] esleu pour Montpellier, presentement privé d'Evesque; mais je n'en croiray rien, que vous, Monsieur, ou luy, ne m'en escrivies..

  A013002818 

 Je la vous veux addresser premierement, affin que vous la voyes et revoyes pour y corriger avant que Monsieur la voye; car j'ay crainte qu'il ne m'eschappe quelques accens de nostre ramage de deça..

  A013002819 

 Nous sommes icy hors de nouvelles, et moy particulierement, parmi ces replis de nos montagnes; mais je ne passe point de jour que je n'invoque la benediction de Dieu sur vous et sur toute vostre mayson.

  A013002819 

 Qu'a jamais vous soit-il propice et favorable, Monsieur, selon que le desire.

  A013002863 

 Et bien, ma chere Fille, mais n'est il pas raysonnable que la tres sainte volonté de Dieu soit executee, aussi bien es choses que nous cherissons comme aux autres? [328] Mais il faut que je me haste de vous dire que ma bonne mere a beu ce calice avec une constance toute chrestienne; et sa vertu, de laquelle j'avois tous-jours bonne opinion, a de beaucoup devancé mon estime..

  A013002864 

 Dimanche matin, elle envoya prendre mon frere le chanoyne; et parce qu'elle l'avoit veu fort triste, et tous les autres freres aussi le soir precedent, elle luy commença a dire: « J'ay resvé toute la nuit que ma fille Jane est morte; dites moy, je vous prie, est il pas vray? » Mon frere, qui attendoit que je fusse arrivé pour le luy dire, car j'estois a la visite, voyant cette belle ouverture de luy presenter le hanap et qu'elle estoit couchee en son lit: « Il est vray, » dit il, « ma mere; » et cela sans plus, car il n'eut pas asses de force pour rien adjouster.

  A013002865 

 Au demeurant, elle vous remercie infiniment du soin et de l'amour maternel que vous aves exercé a l'endroit de cette petite [329] defuncte, avec obligation aussi grande que si Dieu l'eust conservee par ce moyen.

  A013002865 

 Autant vous en dit toute la fraternité, laquelle, de vray, s'est tesmoignee d'extremement bon naturel au ressentiment de ce trespas, sur tout nostre Boisy que j'en ayme davantage..

  A013002866 

 Je sçai bien que vous me dires volontier: Et vous, comme vous estes vous comporté? Ouy, car vous desires de sçavoir ce que je fay.

  A013002867 

 Vous pouves penser, ma chere Fille, combien j'aymois cordialement cette petite fille.

  A013002868 

 Mais vous, ma chere Fille, que voules vous dire quand vous me dites que vous vous estes bien treuvee en cette occasion telle que vous esties? Dites-moy, je vous prie: nostre esguille marine n'a-elle pas tous-jours esté tendante a sa belle estoille, a son saint astre, a son Dieu? Vostre cœur qu'a-il fait? Aves-vous scandalizé ceux qui vous ont veu sur ce point et en cet evenement? Or cela, ma Fille, dites le moy clairement; car voyes vous, je n'ay pas treuvé bon que vous ayes offert ni vostre vie ni celle de quelqu'un de vos autres enfans en eschange de celle de la defuncte.

  A013002870 

 Je vous voy, ce me semble, ma chere Fille, avec vostre cœur vigoureux, qui ayme et qui veut puissamment.

  A013002870 

 Vous en treuveres je ne sçai quoy dans le petit livre du Combat spirituel que je vous ay si souvent recommandé..

  A013002871 

 Et bien, si Dieu vous ravissoit tout cela, n'auries vous pas encor asses d'avoir Dieu? N'est ce pas tout, a vostre advis? Quand nous n'aurions que Dieu, ne seroit ce pas beaucoup? Helas, le Filz de Dieu, mon cher Jesus, n'en eut presque pas tant sur la croix, lhors qu'ayant tout quitté et laissé pour l'amour et obeissance de son Pere, il fut comme quitté et laissé de luy; et le torrent des passions emportant sa barque a la desolation, a peyne sentoit il l'esguille, qui non seulement regardoit, mais estoit inseparablement unie a son Pere.

  A013002871 

 Vous aves, ma Fille, quattre enfans; vous aves un pere, un beaupere, un si cher frere, et puis encor un pere spirituel: tout cela vous est fort cher et meritamment, car Dieu le veut.

  A013002873 

 Je vous envoye un escusson pour vous aggreer; et puisqu'il vous plaist de faire faire le service la ou cette fille repose en son cors, je le treuve bon, mais sans grandes pompes, sinon celles que justement la coustume chrestienne exige: car a quoy tout le reste? Vous feres, par apres, tirer en liste tous ces frais et ceux de sa maladie, et me l'envoyeres, car je le veux ainsy; et ce pendant on priera Dieu de deça pour cette ame et luy ferons joliment [332] ses petitz honneurs.

  A013002873 

 Vous me connoisses: j'ayme la simplicité et en la mort et en la vie.

  A013002884 

 Je m'estonne comme vous receves si peu de mes lettres; il m'est advis que je n'en laisse point des vostres sans quelque response.

  A013002886 

 Mais quant vous vous y voudres mettre, si Dieu vous tire en un autre, alles y avec luy.

  A013002886 

 Ne vous tourmentes point pour vostre orayson que vous me dites se passer sans paroles, car ell'est bonne, pourveu qu'elle vous laisse des bons effectz au cœur.

  A013002886 

 Ne vous violentes point pour parler: en cet amour divin, asses parle qui regarde et se fait voir.

  A013002886 

 Suives donques le chemin auquel le Saint Esprit vous tire, sans toutefois que je desire que vous laissies de vous præparer a la meditation comme vous faysies au commencement; car c'est cela que vous deves de vostre costé, et ne deves point entreprendre d'autre chemin de vous mesme.

  A013002887 

 Et vous resouvenes qu'il n'est pas question qu'un seul mange tout un festin preparé pour plusieurs: As-tu treuvé du miel, manges en ce qui suffit, dit le Sage.

  A013002887 

 Vous pourres utilement lire les livres de la Mere Therese et de sainte Catherine de Siene, la Methode de servir Dieu, l' Abbregé de la Perfection chrestienne, la Perl'Evangelique; mais ne vous empresses point a la prattique de tout ce que vous y verres de beau, mais alles [334] tout doucement aspirant apres ces beaux enseignemens et les admirant tout bellement.

  A013002888 

 Estant aux chams, les prestres que vous treuveres es parroisses vous pourront aussi confesser..

  A013002888 

 Et si, il n'est nullement besoin de faire ces reveuës generales en la parroisse, desquelles vous m'escrives; il suffit d'y rendre son devoir a Pasques en s'y confessant, ou au moins communiant.

  A013002888 

 Non, ma chere Fille, vous confessant a des bons confesseurs, ne doutés nullement; car s'ilz n'avoyent le pouvoir de vous ouÿr, ilz vous renvoyeroyent.

  A013002889 

 Ne vous laisses point [presser de scrupules ni de trop de desirs; cheminés doucement] et courageusement.

  A013002891 

 [Ma bonne mere a fait merveilles a souffrir la mort de] ma [petite seur] et elle vous salue humblement et remercie des faveurs [qu'elle a receu de vous]..

  A013002901 

 Mais si ell'est de la terre, je le connoistray aysement par le repentir qui la suivra de pres, et lequel, a mon advis, je descouvriray soudainement; et en ce cas, je m'employeray avec affection au dessein que vous agreés, et que, pour cela, j'ay [336] bien avant au cœur, comme je vous supplie de croire fermement..

  A013002903 

 Je prieray cependant Dieu, Monsieur, quil vous prospere en l'abondance de ses graces..

  A013002917 

 Le voyla donq quil part avec ces quatre lignes qui vous diront briefvement que l'aspreté du tems m'a en fin fait sonner a la retraitte et suis des avant hier de retour a la ville..

  A013002917 

 O ma chere Fille, ne voyci pas grand cas! c'est mon Noé qui va a Lion, et neanmoins je n'ay pas loysir de [337] vous escrire, car je ne sçavois pas quil partist avant qu'aller dire la Messe; et au sortir d'icelle, nos messieurs les chanoynes m'ont prié de l'envoyer pour certaines affaires qui regardent encor le service de Dieu.

  A013002918 

 Croyes moy, ma Fille, je ne creu point cela, mais il me fut impossible d'en divertir entierement la premiere frayeur; car vous le sçaves bien, ce qu'on craint fort fait de l'apprehension malgré toute la rayson du cœur.

  A013002918 

 Dieu soit loüé, beni et magnifié en tout ce que vous me dites par vostre lettre..

  A013002918 

 Oüy, ma Fille, car je vous diray ce que je craignois: on m'avoit dit que quand ma seur fut morte vous aviés tesmoigné une grandissime impatience, avec de la defiance que cet accident ne rendit l'affection que je vous ay, alanguie.

  A013002919 

 Je vous escriray bien tost plus au long et de point en point; je considereray vos lettres pour voir sil y a quelque chose a respondre.

  A013002919 

 Maintenant il faut aller a la Messe de sainte Catherine, qui est solemnelle en nostr'eglise; si que je vous escris entre ma Messe et celle de nostre Chapitre.

  A013002921 

 Je vous dresseray, Dieu aydant, quelque petit exercice pour nostre chere volonté divine.

  A013002921 

 O quel bonheur, ma chere Fille! Vous sçaves bien que je suis revenu de ma visite avec un desir bien grand de servir nostre Sauveur; mais helas! quand sera ce que nos fleurs se convertiront en fruitz?.

  A013002922 

 Ma chere Fille, j'escriray a monsieur vostre beaupere selon vostre desir; mais vous n'escrivés pas selon le mien, ni a ma mere, ni a M me de Charmoysi, quand vous dites « nostre bon et saint Evesque; » car, en lieu que ces bonnes femmes devroyent lire sot Evesque, elles lisent saint Evesque.

  A013002924 

 Non, ma chere Fille, quand je vous destinay le chapelet de saint François, je le fis a rayson de la dignité de sa matiere; mais sur le champ, il me vint en l'esprit que vous en seriés mortifiee, et sur cela je dis: Et bien! tant mieux.

  A013002924 

 Quant a l'autre, faites en comme vous voudres, car il est vostre..

  A013002925 

 Je ne vous escris point de nos dames, ni de M me de Lalee, que j'ayme bien, affin que vous le sachies; car je n'ay encor veu que M me la Presidente et M me de Charmoysi, mais tout simplement en des courtes confessions..

  A013002925 

 Je vous escriray aussi souvent que je pourray, n'en doutes point.

  A013002926 

 Failloit il pas que je vous disse cela? Mais non, ce n'est pas par vantance; oh! ce n'est que par liberté..

  A013002926 

 Il faut que je sois un peu fol pour vous res-jouir.

  A013002926 

 Or voyes vous, il me semble que j'ay dit de belles choses pour monstrer que ce souverain Bon, quoy qu'il fasse [le] courroucé et qu'il ne semble respirer qu'ire et indignation, il pense tous-jours des pensees de douceur et de consolation.

  A013002930 

 Je ne sçay ce que je vous escris, mais il n'importe; [340] vous sçaves bien de quel cœur je vous escris.

  A013002930 

 Mon frere ne sçait pas que je vous escrive..

  A013002945 

 Et bien, Monsieur, que nous soyons fort esloignés des merites que vous pouvies justement requerir pour nous faire cette faveur et nous recevoir a une si estroitte alliance avec vous, si esperons nous de tellement y correspondre par une entiere, sincere et humble affection a vostre service, que vous en aures contentement..

  A013002945 

 J'ay bien asses de connoissance de la grandeur de la courtoysie avec laquelle vous aves aggreable le dessein [341] du mariage de madamoyselle vostre fille aysnee avec mon frere; mais il ne m'est pas advis que jamais j'en puisse faire aucune sorte de digne reconnoissance et remerciement.

  A013002945 

 Seulement vous supplie-je bien humblement de croire que vous ne pouvies pas obliger de cet honneur des gens qui le receussent avec plus de ressentiment que nous faysons, mes proches et moy, qui tous en sommes remplis de consolation.

  A013002946 

 En mon particulier, Monsieur, permettes moy que je dise que l'amitié non seulement fraternelle, mais encor paternelle, que je portois a ma petite seur, m'est demeuree en l'esprit pour la donner a cette autre encor plus petite seur que, ce me semble, me preparés; et si, la luy donneray avec un surcroist de respect et d'estime tout singulier, en consideration de l'honneur extreme que je vous porte, Monsieur, et a Monsieur de Bourges et a monsieur le President, sans y comprendre ce que je pense de la dilection que je dois a madame sa mere, vostre chere fille..

  A013002947 

 Or, j'espere que Dieu benira le tout et se rendra le protecteur de ce projet, que je luy recommande de tout [342] mon cœur, et qu'il vous conserve et comble de ses grandes graces et faveurs.

  A013002967 

 Mais faut il pas que je vous die les resolutions de monsieur le Baron de Menthon et de monsieur d'Autrechese, dont le premier a fait veu de chasteté perpetuelle et, s'estant desja revestu de sottane a l'ecclesiastique, minute son despart entier des affections du siecle pour se lier aux Ordres sacrés; et le second, ayant solemnellement voué, dedié et consacré tous ses biens a l'Eglise pour l'erection d'une Collegiale a Ugine, persiste vaillamment a la resolution de prendre le subdiaconnat a [344] ceste premiere ordination.

  A013002968 

 e supplie sa divine Majesté qu'elle vous face abonder en ses graces, avec madame ma tante et vostre trouppe, et suis sans fin,.

  A013003000 

 En verité, vous auries du playsir de voir un si estroit accord parmi des choses qui sont pour l'ordinaire si discordantes: belle mere, belle fille, belle seur, freres et beaux freres.

  A013003000 

 Entre tout cela, ma vraye Fille, je vous puis asseurer, a la gloire de Dieu, [347] qu'il n'y a icy qu' un cœur et qu'une ame en unité de son tres saint amour; et j'espere que la benediction et la grace du Seigneur s'y doit rendre abondante, car des-ja c'est beaucoup, et une chose bonne, belle et suave, de voir comme cette fraternité demeure ensemble..

  A013003000 

 Ma Fille, je ne vous puis cacher que je suis de present a vostre Sales, comblé d'une tendre et incomparable consolation aupres de ma bonne mere.

  A013003001 

 Il a fallu que mon cœur vous ayt dit cecy; car en effect, que vous peut-il cacher?....

  A013003001 

 Vostre envoyé vous pourra dire que hier, universellement, toute cette aymable famille vint a confesse a moy en nostre petite chappelle, mays avec tant de pieté que l'on eust dit qu'il y avoit un Jubilé d'annee sainte a gaigner.

  A013003009 

 Je vous advoüe qu'une bonne partie de la louange en est deuë a nostre la Thuille; car cette intelligence ne se peut faire sans une tres grande sagesse et pieté en celuy qui a la conduitte principale de tout cela... [348].

  A013003009 

 Mon cher la Thuille vous salue humblement; il est icy aupres de moy, et je m'asseure que ma bonne mere ne fut jamais plus satisfaitte ni plus contente, ni la devotion plus florissante dans la famille.

  A013003028 

 On peut bien lui dire: Votre douleur est grande comme la mer; qui pourra vous consoler? Aussi, selon toute justice, les enfants de la maison de Dieu doivent d'abord féliciter cette Eglise à la veille d'être si bien pourvue, et ensuite l'Eglise Romaine, comme étant leur très bonne mère..

  A013003031 

 C'est la grâce que je demande à Votre Béatitude pour lui, ayant été jusqu'ici son Evêque, et aussi à cause des obligations que lui a l'Eglise de Genève, et je la demande très humblement, par les entrailles du Christ, à vous qui êtes le Père de l'un et de l'autre, prosterné à vos pieds pour les baiser.

  A013003043 

 Je suis tellement pressé que je n'ay loysir de vous escrire sinon le grand mot de nostre salut: JESUS. Ouy, ma Fille, que puissions-nous au moins une fois prononcer ce nom sacré de nostre cœur.

  A013003044 

 Mais qu'est ce que le bien prononcer, ce sacré nom? car vous me dites que je vous parle clair.

  A013003044 

 Tenés vous joyeuse sur cela, et ne permettes point a vostre ame de se troubler d'aucune chose..

  A013003054 

 Faut il donques que ce soit tous-jours en courant que je vous escrive, ma bonne et chere Fille? Il y a, ce me semble, long tems que je ne vous escris que comme cela; et si, ce n'est pas que je n'aye a vous escrire un peu au long sur l'obeissance et l'amour de la volonté de Dieu.

  A013003054 

 Je vous escris donq a dix heures du soir..

  A013003055 

 O ma Fille, comme prié-je maintenant Dieu pour vous! Certes, avec une consolation extraordinaire; je m'y sens poussé d'une ardeur toute nouvelle.

  A013003056 

 Je suis bien ayse, ma Fille, que vous facies les litz des pauvres malades; et si, je suis bien ayse que vous y ayes de la repugnance, car cette repugnance est un plus grand sujet d'abjection que la puanteur et saleté qui la provoque..

  A013003068 

 Je prens la plume pour vous escrire le plus que je pourray, et avec desir de vous escrire beaucoup, en contres-change du long tems qu'il y a, ce me semble, que je ne vous ay point escrit qu'en courant.

  A013003069 

 En la premiere vous me dites que vous vous sentes affamee plus que l'ordinaire de la tres sainte Communion.

  A013003069 

 Et puis qu'asses demande du pain celuy qui se plaint de la faim, je vous dis, ma Fille: ouy, communiés ce Caresme les mercredis et vendredis et le jour de Nostre Dame, outre les Dimanches..

  A013003069 

 Humiliés-vous fort, ma Fille, et eschauffés fort vostre estomach du saint amour de Jesus Christ crucifié, affin que vous puissies bien digerer spirituellement cette celeste viande.

  A013003070 

 Mais qu'entendes vous que l'on face digestion spirituelle de Jesus Christ? Ceux qui font bonne digestion corporelle ressentent un renforcement par tout leur cors, par la distribution generale qui se fait de la viande en toutes leurs parties.

  A013003070 

 O quand sera-ce, ma chere Fille? mon Dieu, quand sera-ce? Mais ce pendant je vous monstre ce a quoy il faut pretendre, bien qu'il se faille contenter d'y atteindre petit a petit.

  A013003071 

 Et puis, je m'en vay tantost a cette sainte refection avec vous; car c'est jeudy, et ce jour-la nous nous tenons l'un a l'autre, et nos cœurs, ce me semble, s'entretouchent par ce saint Sacrement..

  A013003071 

 Je ne pensois pas vous tant dire sur ce premier point, mais je me laisse emporter aysement avec vous.

  A013003072 

 En la seconde, vous ne me dites rien a quoy il faille respondre.

  A013003073 

 En la troisiesme, vous me parles du jeune garçon que vous desirés mettre avec moy.

  A013003073 

 J'entens quand vous voudres, car je voy le tems aspre, et auquel je fay scrupule d'envoyer un homme a troys lieuës loin.

  A013003073 

 Je me feray mieux entendre en vous disant que je crains de rencontrer des secretaires qui, quand on leur dit: Donnés-moy ma botte, bridés ce cheval, faites ce lit, ilz respondent: Je ne suis pas pour cela; car en tout j'employe le premier que je treuve, horsmis les ecclesiastiques.

  A013003073 

 Je pensois que ce fust quelque garçon de respect; c'est pourquoy je vous escrivis l'autre jour que je le prendrois dans quelque tems, apres que je me serois desfait d'un autre.

  A013003073 

 Mais parce que, par une autre lettre, vous me dites que Jacques le connoissoit, je m'en enquis, et il me dit que c'estoit un enfant [358] bon a tout; c'est pourquoy je vous dis maintenant que, quand il vous plaira me l'envoyer, je le recevray de bon cœur.

  A013003073 

 Vous m'escrirés, s'il vous plaist, ce que je luy devray donner..

  A013003075 

 Au partir de la, elle est l'aysnee; et si, je suis obligé de l'aymer plus tendrement parce qu'un [jour] que vous n'esties pas au logis a Dijon, elle me fit bien des faveurs et me permit de la bayser d'un bayser d'innocence.

  A013003076 

 Je vous ay escrit que vous fussies commere de M. de Chazelles.

  A013003078 

 Je vous entens bien en la maniere que vous me le dites, avec laquelle vous vous mettés, a l'adventure, en faysant les actions que vous ne reconnoissés pas du tout bien: je l'appreuve, car vrayement elle est bonne, et si, j'en fay de mesme..

  A013003078 

 Tous-jours, quand vostre cœur vous le dira, recommandés moy les vertus.

  A013003078 

 Vous me faites grand playsir, je dis tres grand, de m'exhorter a l'humilité; non pas parce qu'il ne me manque que cette vertu-la, mais parce que c'est la premiere et le fondement des autres.

  A013003079 

 Il faut, pendant que je m'en resouviens, que je vous defende ce mot de saint quand vous escrivés de moy, car, ma Fille, je suis plus faint que saint: aussi la canonization des saintz ne vous appartient pas.

  A013003081 

 Escrives quand vous pourres a M me de Charmoysi; cela luy proffitera, et escrivés-luy de cœur, tout hardiment..

  A013003081 

 Je presse M. de Sauzea pour sçavoir qu'il a fait des lettres que je vous escrivois en responce de celles qu'il m'apporta.

  A013003081 

 Je vous escrivois une grande lettre, et avec liberté, car il m'avoit dit qu'il envoyoit son homme expres pour le proces.

  A013003082 

 Les deux pointz que je vous dis en la chappelle de Sales pour la pureté du cœur sont d'eviter le peché et de [360] ne point y laisser entrer aucune affection formee qui ne tende a l'honneur et amour de Dieu.

  A013003083 

 Je n'escris point a vos dames de Dijon, ni a M me de Crespy ni a ses filles; ce sera un de ces jours que je vous escriray a toutes quand vous y seres..

  A013003085 

 J'aurois grande envie de vous dire un mot de l'amour de la volonté de Dieu, car je m'apperçois que vous en faites l'exercice en l'orayson, et ce n'est pas cela que je voulois dire; car il ne faut point vous assujettir en icelle, j'entens a l'orayson, a aucun point ordinaire.

  A013003085 

 Mais, en vous promenant seule, ou ailleurs, jettés l'œil sur la volonté generale de Dieu, par laquelle il veut toutes les œuvres de sa misericorde et de sa justice au Ciel, en terre, sous terre; et, avec une profonde humilité, appreuvés, loués, puis aymés cette volonté souveraine, toute sainte, toute equitable, toute belle..

  A013003087 

 Considerés cette volonté en vostre particuliere personne, en tout ce qui vous arrive de bien et de mal et qui vous peut arriver, hors le peché; puys, appreuvés, loués et aymés tout cela, protestant de vouloir a jamais honnorer, cherir, adorer cette souveraine volonté, exposant a sa merci et luy donnant vostre personne et celle de tous les vostres, et j'en suis.

  A013003088 

 J'ay presque dit ce qu'il faut, mais j'adjouste qu'ayant fait deux ou trois fois cet exercice en cette façon, vous [361] pourres l'accourcir, le diversifier et accommoder comme vous le treuveres mieux, car il le faut souvent ficher au cœur par maniere d'eslancemens..

  A013003089 

 Nostre chanoyne m'a dit quil vous escriroit; il s'est mis a la pesche des ames ces jours passés fort heureusement, y entrant par deux familiers..

  A013003089 

 Or sus, je m'en vay vous dire de nos nouvelles de toutes sortes.

  A013003090 

 Elle tesmoigne de vous cherir passionement, comme m'a dit mon frere qui la voit fort souvent.

  A013003090 

 Nos dames me sont venues voir cett'apres disné et m'ont empesché de vous escrire avec plus de loysir.

  A013003090 

 Vous sçaves ce que je dis..

  A013003095 

 ... beaupere, et tous-jours, quand vous voudres, salues [362] le de ma part... les graces du Saint Esprit.

  A013003104 

 Voyes, je vous prie, la lettre du chevalier Bergera et l'envoyes a M. le curé de Thonnay.

  A013003105 

 J'ay escrit un mot a mon frere, qui vous regarde, [363] ne pensant pas vous escrire.

  A013003117 

 Je vous ay escrit il n'y a justement que six heures, [364] par l'homme qui rameyne le cheval sur lequel Thibaut est venu.

  A013003118 

 Cela m'a un peu arresté, car j'estois en peyne sur ce mal sensible, mais non dangereux, avec lequel vous m'aves escrit la derniere lettre.

  A013003118 

 Et cependant, voyés-vous, quand vous m'escrires, dites-moy bien tous-jours de vostre santé..

  A013003119 

 Il m'a dit que nostre Marie Aymee, et tres aymee, estoit aupres de vous, car je le luy ay demandé; mais il m'a dit que vous la metties fort au monde, sans que je le luy demandasse.

  A013003119 

 Or, je suis donques bien d'advis que vous la facies communier; et ce bon Dieu [365] la veüille bien prendre pour sa bienaymee et luy donner le ressentiment de son amour pour cela.

  A013003119 

 Si j'estois pres de vous, je confesse que je voudrois bien estre preferé a la mettre a la Communion, car c'est un coup memorable pour une ame destinee au bien comme celle-la; mais encor ne faut il pas que mon ambition la prive de cette celeste viande pour ces Pasques.

  A013003119 

 Sçaves vous, ne la nous faites pas aussi si brave qu'elle nous desdaigne pour cela.

  A013003120 

 Je vous diray que mes chanoynes font merveilles a faire des exhortations et a gaigner nos jeunes damoyselles pour la devotion, quand la conformité de l'aage y sert.

  A013003120 

 Mais ne vous effarouchés pas pour cela a dire: Mais que doy je donq estre, moy? Car, ma Fille, je ne sçai comme je suis fait; encor que je me sens miserable je ne m'en trouble point, et quelquefois j'en suis joyeux, pensant que je suis une vraye bonne besoigne pour la misericorde de Dieu, a laquelle je vous recommande sans cesse.

  A013003120 

 Mais sçaves vous, tout cela va par ordre et n'y a rien a craindre, sinon parce que tout se tient a moy qui suis un grand miserable.

  A013003121 

 Elle ne cesse de demander quand vous viendres, et se fait accroire qu'il faut que ce soit pour toute cette annee.

  A013003121 

 Je vous veux envoyer un exercice que j'ay dressé et fait prattiquer a madame de Charmoysi, car je voudrois que je ne fisse rien sans que vous le sceussies.

  A013003124 

 Je dis ceci affin que vous ne pensassies pas, pour n'estre pas empressee, qu'il faille ne pas m'escrire le plus souvent que vous pourres.

  A013003131 

 Hier seulement je vous escrivis, ma chere Fille, par la voye de Lyon; et maintenant, vovci arriver l'homme de M. de Sainte Claire, qui m'apporte vostre lettre du 24 fevrier, a laquelle je vay briefvement respondre; et, si je puis, je respondray encor a quelqu'une des autres..

  A013003132 

 Je fay cela, il est vray, mais c'est par vive force: autrement, je dors fort bien ce qui m'est necessaire, et je veux que vous en facies de mesme.

  A013003132 

 La lettre ci-jointe vous fut escritte a la minuit, mais il y avoit long tems que je n'avois tant veillé.

  A013003132 

 Pourquoy faites vous cela, ma chere Fille? Non certes, il ne faut pas accabler l'esprit a force de travailler le cors; saint François le disoit a ses disciples.

  A013003133 

 Et bien, ma chere Fille, vous aves eu vostre esprit tout entortillé ces deux ou troys jours premiers de Caresme.

  A013003133 

 Tout cela ne m'estonne nullement, car vous aves un esprit si douillet et jaloux de ce que vous aves en resolution, que tout ce qui le touche a biais contraire vous est si sensible [367] que rien plus; et je vous ay dit mille fois qu'il ne faut pas, ma chere Fille, aller si pointilleusement en nostre besoigne..

  A013003134 

 Helas, ma Fille, vous diray je ce qui m'est advenu ces jours passés? Jamais de ma vie je n'avois eu un seul ressentiment de tentation contraire a ma profession; l'autre jour, sans y penser, il m'en tomba une dans l'esprit.

  A013003135 

 Ces importunités ne sont pas pour tous-jours, mais pour l'estat present de vos affaires; c'est pourquoy je vous ay dit qu'il failloit avoir patience.

  A013003135 

 Mays quand elles vous viendront a droitte, alhors je ne vous sçauray que dire, sinon: Croyés moy, ma Fille, reposés vous sur mon ame pour ce regard; j'ay bien des raysons, a mon advis, irreprochables.

  A013003135 

 Mon Dieu, ma Fille, je voudrois que vous eussies la peau du cœur un peu plus dure, affin que vous ne laissassies pas de dormir pour les puces.

  A013003135 

 Quand les tentations vous viendront a gauche, je ne m'en mettray pas en peyne, car elles sont trop grossieres.

  A013003136 

 La foy, l'esperance, la charité, pieces immobiles de nostre cœur, sont bien sujettes au vent, quoy que non pas a l'esbranlement: comment voulons nous que nos resolutions en soyent exemptes? Vous estes admirable, ma Fille, si vous ne vous contentés pas que nostre arbre demeure bien et profondement planté, mais que vous voulies encor que pas une feuille ne soit agitee..

  A013003136 

 Or sus, je parle trop de ceci; car, puisque vous demeures ferme en nos resolutions, je ne devois vous dire sinon: Demeurés en paix, ma Fille, tout cela n'est rien.

  A013003137 

 Apres tout cela, ne craignés pas, pour ces bagatelles, contrevenir a nos resolutions, ni a la confiance et repos que vous deves prendre en icelles et en moy.

  A013003138 

 Au demeurant, vous aves choysi un confesseur bon, prudent et docte; dites-luy hardiment nos resolutions telles qu'elles sont, affin de bien alleger vostre esprit par ses advis, car je ne doute nullement qu'il n'y bougera rien, mais vous y confortera.

  A013003138 

 Dites luy les considerations qui font differer la sortie, et puis celles que j'ay fait pour le genre de vie apres la sortie (mais, outre tout cela, ce sera sans doute [369] la plus grande gloire de Dieu, pour des raysons que je ne puis dire), et vous verres qu'il dira que nos resolutions sont resolutions faites de la main de Dieu.

  A013003139 

 Non, ma Fille, ne philosophés point sur tout ceci, car je ne l'escris pas a cette intention, ni pour crainte que j'aye que le cœur vous faille.

  A013003139 

 Non, nullement: c'est simplement affin que, l'ayant proposé au Pere Gentil, vous puissies non point fortifier ces resolutions, car je les tiens invariables, mais vous y consoler, et moy aussi.

  A013003140 

 J'ay veu en la lettre que [Thibaut] m'a apportee, que vous aves parlé franchement et librement a vostre confesseur, dont je loue Dieu, et qu'il s'est conformé a nos opinions..

  A013003141 

 Nostre Seigneur soit tous-jours avec vous, ma Fille.

  A013003151 

 Les parroissiens de vostre eglise sont venus aux plaintes vers moy pour le manquement du service, et monsieur [370] Exertier est venu pour son particulier, a rayson de cerlaines dixmes desquelles il dit que vous le frustrés et pour les despens desquelz je me retins de connoistre.

  A013003151 

 Pour tout cela, je desire vous voir icy jeudi prochain, affin que, s'il se peut, nous accommodions ces differens a la gloire de Dieu, que je supplie vous assister, et suis.

  A013003166 

 J'ay perdu des pacquetz en chemin qui vous auront fait estre quelque tems sans avoir de mes lettres, mesme celles par lesquelles je respondois a ce que M. de Sauzea m'avoit dit de vostre [371] part; dont j'ay esté bien fasché, car je vous escrivois avec grande confiance..

  A013003166 

 Je sçai que cette pauvre jambe vous incommode toute; mais quand vous me feres escrire, cela me suffira bien.

  A013003167 

 J'ay tant de compassion a vos infirmités et incommodités que vous ne le sçauries croire; mais la vertu de Dieu se declaire en l'infirmité..

  A013003167 

 Maintenant je vous demanderois volontier, ma chere Fille: Qu'est ce que dit vostre cœur? Est il pas tous-jours celuy que j'ay veu si desireux de la gloire de Dieu? Ah, pour l'amour de Dieu, ma chere Fille, si ce cœur avoit perdu son courage, reprenes-le et ne le laisses pas sans cela.

  A013003168 

 Je m'essaveray de m'approcher fort de vous, et treuve bon, comme M me nostre seur Brulart m'escrit de vostre part, que je puisse vous voir hors de vostre Monastere pour sçavoir si je devray y aller.

  A013003169 

 Je ne luy sçaurois refuser cet office, et luy ay promis que, le tems en estant venu, je vous en feray les supplications requises; dequoy j'ay voulu vous tenir advertie de bonn'heure pour sa consolation..

  A013003169 

 Monsieur Robin, medecin de Dijon, de mes anciens amis et compaignons d'estude, m'a conjuré d'employer mon intercession vers vous pour y mettre une sienne fille, laquell'il m'escrit avoir un'extrem'affection a la vie religieuse.

  A013003170 

 A Dieu, ma tres chere Fille, jamais je n'eu plus de desir de vous servir que j'en ay maintenant: Dieu m'en donne la grace selon mon souhait.

  A013003170 

 Ma mere ne parle point de vous sans souspirer d'un souspir tout cordial.

  A013003183 

 C'est en fin par monsieur Favre que je vous escris, ma chere Fille, et tous-jours neanmoins sans loysir, car il m'a faillu escrire beaucoup de lettres, et tous-jours vous estes la derniere a qui j'escris, ne craignant point pour cela de m'en oublier.

  A013003183 

 Je me repentis l'autre jour de vous avoir tant escrit de choses sur cette petite brouillerie d'esprit qui vous estoyt arrivee; car, puisque ce n'estoit rien en vraye verité, et que l'ayant communiqué au P. Gentil tout cela s'estoit esvanoüy, je n'avois que faire sinon de dire: Deo gratias.

  A013003183 

 Mais voyes vous, mon esprit est sujet aux espanchemens avec vous et avec tous ceux que j'affectionne..

  A013003184 

 Hé, je ne veux pas dire que vous ne regardies pas, non; mais je veux dire: ne regardes pas pour vous y amuser, pour examiner soigneusement, pour vous embarasser et entortiller vostre esprit de considerations desquelles vous ne sçauries vous demesler.

  A013003185 

 C'est que tout ce que je vous dis: Ne penses pas ceci, cela; ne regardes pas, et semblables, tout cela s'entend grosso modo; car je ne veux point que vous contraignies vostre esprit a rien, sinon a bien servir Dieu, a le bien aymer, a ne point abandonner nos resolutions, ains a les aymer.

  A013003185 

 Parlons d'une regie generale que je vous veux donner.

  A013003186 

 Cette crainte retire la force de vostre esprit, et laisse ce pauvr'esprit tout pasle, triste et tremblant; cette crainte luy desplait et engendre un'autre crainte que cette premiere crainte et l'effray qu'elle donne ne soit cause du mal, et ainsy vous vous embarasses.

  A013003186 

 Helas, ma chere Fille, c'est aussi un entortillement que celuy duquel vous m'escri vies par monsieur de Sauzea, ce tintamarre ... qui vous fait peur de ...ement de ....

  A013003186 

 Mais, ma Fille, voyci ce que vous faites.

  A013003186 

 Mon Dieu, ma Fille, ne sçauries vous vous prosterner devant Dieu quand cela vous arrive, et luy dire tout simplement: Ouy, Seigneur, si vous le voules je le veux, et si vous ne le voules pas je ne le veux pas; et puis passer a faire un peu d'exercice et d'action qui vous serve de divertissement.

  A013003186 

 Vous craignes la crainte, puis vous craignes la crainte de la crainte; vous vous fasches de la fascherie, et puis vous vous fasches d'estre faschee de la fascherie.

  A013003187 

 Imagines vous (je veux dire penses) que vous estes un petit saint Jan qui doit dormir et se reposer sur la poitrine de Nostre Seigneur, entre les bras de sa providence.

  A013003187 

 Mocques vous de la plus part de ces brouilleries, ne debrassés point pour les penser rejetter; moques vous en, divertisses a des actions, tasches de bien dormir.

  A013003187 

 Voyes vous (voyci un autr'espanchement d'esprit, mais il ni a remede), ceux qui ne peuvent pas soufrir la demangeayson d'un ciron, en la pensant faire passer, a force de se gratter ilz s'escorchent les mains.

  A013003188 

 Au moins croyes bien quil me fait bien playsir quand, parlant de vous, il dit tout court: Madame; et cela me touche, et me sémble quil me die sans le dire que je dois le cherir.

  A013003189 

 Je vous envoye l'Exercice que j'ay fait faire a madame de Charmoysi ce tems de caremprenant, car elle n'a [375] esté aux festes que le lundi et mardi.

  A013003189 

 Vous le lires comm'un'autre chose, et seulement la derniere partie, a mon advis, vous pourra servir.

  A013003190 

 Je ne le veux point excuser, mais accuser dequoy il ne vous escrit pas.

  A013003191 

 Thibaut me dit que vous aves vostre petit Baron qui fait merveilles, mais il me dit du bien de nostre Aymee avec un goust particulier; et de nostre Charlotte, il dit qu'ell'est toute malade, et Françon, toute jolie et grosse fille: j'ayme bien tout cela.

  A013003192 

 Et si, il faut que vous die encor cette petite folie: c'est que je presche si jolyment a mon gré en ce lieu, je dis je ne sçai quoy que ces bonnes gens entendent si bien, que quasi ilz me respondroyent volontier..

  A013003192 

 Je vous asseure, ma Fille, quil est neuf heures du soir: il faut que je face collation et que je die l'Office, pour prescher demain a huit heures; mais je ne me puis arracher [376] de dessus ce papier.

  A013003208 

 C'est a cette seule intention que je vous les envoye, vous priant de ne point les communiquer entieres; ouÿ bien, selon que vous verres, piece a piece, en paroles.

  A013003208 

 En l'examen, il y a des particularités propres a la condition de cett'ame la: vous les sçaures bien discerner..

  A013003208 

 Il a fallu que je vous envoyasse cet Exercice; en quoy je voy bien que plusieurs choses sont si particulieres [377] a l'ame que je traittois qu'elles ne peuvent estre appliquees ailleurs; mais vous, qui la connoisses, ne laisseres pas de vous y recreer.

  A013003210 

 Hé vrayement, cette pauvre mere vous ayme bien fort.

  A013003210 

 Je vous ay envoyé une lettre de ma mere il y a peu.

  A013003210 

 Si vous escrives deux billetz, un a M me [d'] Equimier, vostre hostesse de Cruselles, l'autre a M me de Lalee, vous les consoleres fort..

  A013003211 

 Or, ne vous mettes pas en peyne si elle prendra vos parolles par advertissement ou non, car il n'y a rien a craindre; non, elle va fort rondement et naifvement.

  A013003212 

 Je salue humblement monsieur vostre oncle et monsieur Robert qui vous gouverne vostre Baron; or sus, et dame Anne et dame Jane..

  A013003212 

 Vous connoistres la lettre de Thibaut, a qui neanmoins je n'ay encor sceu parler, car je suis bien affairé.

  A013003213 

 Si vous sçavies comme je vous escris, vous le savoureries comme viande de Caresme.

  A013003226 

 Et cependant, mon Pere, je vous supplie de luy presenter mes tres affectionnees recommandations de ma part, et luy dire que si mes prieres sont exaucees au Ciel, il se treuvera bien tost en l'eglise et assemblee, a rendre action de graces de sa santé recouverte, pour l'employer encor plusieurs annees a la gloire de Dieu et consolation de plusieurs.

  A013003227 

 Or, c'est a vous, mon Pere, a qui je confie ce petit message d'amitié, parce que vous m'aves donné une plus particuliere confiance en la vostre, et que je suis,.

  A013003245 

 Que vous faites bien de treuver Dieu bon et doux et de savourer sa paternelle sollicitude en vostre endroit, dequoy, estant maintenant en lieu ou vous ne pouves pas jouir du tems pour vous exercer a la meditation, il se presente en eschange plus frequemment a vostre cœur pour le fortifier de sa sacree presence.

  A013003245 

 Soyés fidelle a ce divin Espoux de vostre ame, et de plus en plus vous verres que, par mille moyens, il vous fera paroistre son cher amour envers vous..

  A013003246 

 Je ne m'esbahis donques pas, ma chere Cousine, si Dieu vous donnant le goust de sa presence, vous va petit [381] a petit degoustant du monde.

  A013003246 

 Mais se pourroit-il bien faire qu'apres avoir consideré la bonté, la fermeté, l'eternité de Dieu, nous puissions aymer cette miserable vanité du monde? Or sus, il nous faut supporter et tolerer cette vanité du monde; mais il ne faut aymer ni affectionner que la verité de nostre bon Dieu, lequel soit a jamais loué de ce qu'il vous conduit a ce saint mespris des folies terrestres..

  A013003259 

 Ce n'est pourtant que pour vous dire que je demande continuellement a la sainte Messe beaucoup de graces pour vostre ame, mais sur tout et pour tout l'amour divin, car aussi est-ce nostre tout.

  A013003259 

 Je ne puis, mais je ne veux pas me contenir de vous escrire, ayant un porteur si asseuré.

  A013003262 

 Il ne le sçauroit refuser, a cause de cette union en vertu de laquelle je fais l'offre; mais je presuppose que vous en faites autant de vostre costé.

  A013003274 

 Aussi sçai-je que vous estes en un lieu et en une compaignie ou rien ne vous peut manquer pour ce sujet; mais la charité qui se plaist a la communication fait que vous me demandés la mienne en me donnant la vostre.

  A013003274 

 Je receus il y a quelque tems une de vos lettres, que je cheris fort parce qu'elle porte tesmoignage de la confiance que vous aves en mon affection, qui aussi vous est entierement acquise, vous n'en deves nullement douter.

  A013003274 

 Je regrette seulement que je suis fort peu capable pour respondre a ce que vous desires de moy sur les accidens de vostre orayson.

  A013003274 

 Je vous diray donq quelque chose..

  A013003275 

 L'inquietude que vous aves a l'orayson et laquelle est conjointe avec un grand empressement pour treuver quelque objet qui puisse arrester et contenter vostre esprit, suffit elle seule pour vous empescher de treuver ce que vous cherchés.

  A013003276 

 De cest empressement vain et inutile, ne vous peut arriver qu'une lassitude d'esprit, et de la, cette froideur et engourdissement de vostre ame.

  A013003276 

 Je ne sçay pas les remedes dont vous deves user, mais je pense bien que si vous pouves vous empescher de l'empressement, vous gaigneres beaucoup; car c'est l'un des plus grans traistres que la devotion et vraye vertu puisse rencontrer.

  A013003277 

 Et pour vous ayder a cela, resouvenes-vous que les graces et biens de l'orayson ne sont pas des eaux de la terre, mais du Ciel, et que partant, tous nos effortz ne les peuvent acquerir, bien que la verité est qu'il faut s'y disposer avec un soin qui soit grand, mais humble et tranquille.

  A013003280 

 Or, Madamoyselle ma bonne Fille (puisque vous voules que je parle ainsy), l'un de ces deux biens ne vous peut jamais manquer a l'orayson.

  A013003281 

 Quand donq vous viendres aupres de Nostre Seigneur, parlés-luy si vous pouves; si vous ne pouves, demeurés la, faites-vous voir et ne vous empressés d'autre chose.

  A013003281 

 Voyla mon advis, je ne sçai s'il sera bon, mais je ne m'en metz pas en peyne; car, comme je vous ay dit, vous estes en lieu ou de beaucoup meilleurs ne vous peuvent manquer..

  A013003282 

 Quant a la crainte que vous aves que vostre pere ne vous face perdre le desir d'estre Carmeline par la trop grande distance de tems qu'il vous veut prefiger pour executer vostre souhait, dites a Dieu: Seigneur, tout mon desir est devant vous, et le laissés faire; il maniera le cœur de vostre pere et le contournera a sa gloire et a vostre prouffit.

  A013003283 

 Mes prieres, que vous demandés, ne vous manquent point, car je ne sçaurois vous oublier, sur tout a la sainte Messe.

  A013003294 

 Ayes aggreable, Messieurs, je vous supplie, que je vous expose sur ce papier les raysons qui m'ont tiré hors de vostre ville, ma chere patrie.

  A013003294 

 Vous estes obligés de m'oüir, car je veux implorer par icelles vostre justice et æquité contre tant de calomnies et injures desquelles mes concitoyens m'ont chargé despuis ma sortie, c'est a dire des un mois en ça..

  A013003296 

 J'en avois bien des raysons d'estre melancolique: je me perdois; et puis vous vous estonnes dequoy j'estois triste..

  A013003297 

 Non, si jamais je vous oublie, ou ma chere Geneve, si je ne me resouviens de vous en toutes mes [390] prieres, que ma dextre et mon bonheur soit mis en oubly et que je sois effacé.

  A013003297 

 Penses tout'autre chose, Messieurs, je vous supplie, avant que de croire que je puisse oublier vostre ville, ma patrie.

  A013003308 

 Ayant perdu l'esperance de vous revoir pour cett'annee, suivant ce que m'en a dit nostre Evesque mon filz, j'attendray avec impatience d'avoir ce bonheur la suivante.

  A013003308 

 Et ce pendant, puisque la petite que j'ay au Puis d'Orbe n'est point portee a la Religion, je vous veux ramentevoir la priere que je vous fis de la retirer en [391] ce cas la, et vous supplie de rechef de luy faire cest honneur, et a moy.

  A013003308 

 Je l'ay tenüe pour bien confiee avec Madame du Puys d'Orbe, si ell'eù (sic) voulu suivre la vocation religieuse; je la tiens trop heureuse aussi d'estre aupres de vous, voulant prendre cet autre chemin, auquel je prie Nostre Seigneur quil la veuille bien conduire selon les bons exemples qu'elle verra..

  A013003309 

 Pardonnes moy, Madame ma tres chere Fille, cette liberté avec laquelle je vous incommode de cette fille, qui ne pourra jamais, non plus que moy, correspondre a l'obligation qu'elle vous a. Nostre Seigneur vous en veuille recompenser, et je suis,.

  A013003320 

 Mon Dieu, que j'ay et de cœur et de passion au service de vostr'esprit, vous ne le sçauriés asses croire, ma chere Seur.

  A013003321 

 C'est aujourdhuy la feste de tous les Saintz; et faysant l'Office a nos Matines solemnelles, voyant que Nostre Seigneur commence les beatitudes par la pauvreté d'esprit et que saint Augustin l'interprete de la sainte et tres desirable vertu de l'humilité, je me suis resouvenu que vous m'avies demandé que je vous envoyasse quelque [392 a ] chose d'icelle, et il m'est advis que je ne l'aye pas fait en ma derniere lettre, quoy que bien ample et peut estre trop longue.

  A013003321 

 Et sur cela, Dieu m'a donné tant de choses pour vous venir escrire, que si j'avois asses de loysir, il m'est advis que je dirois merveilles..

  A013003324 

 Connoisses-vous que vous estes une chetifve et pauvrette vefve? Aymes cette chetifve condition, glorifies-vous de n'estre rien, soyés en bien ayse, puisque vostre misere sert d'object a la bonté de Dieu pour exercer sa misericorde.

  A013003325 

 Humilions nous, je vous supplie, et ne preschons que nos playes et miseres a la porte du temple de la pieté divine.

  A013003325 

 Mais resouvenes vous de les prescher avec joÿe, vous consolant d'estre toute vuide et toute vefve, affin que Nostre Seigneur vous remplisse de son Royaume.

  A013003325 

 Soyés douce et affable avec un chascun, hors-mis a ceux qui voudront vous oster vostre gloire, qui est vostre misere, vostre viduité parfaitte.

  A013003325 

 Voyes vous, il aymeroit mieux mourir que de perdre ses infirmités, qui sont sa gloire.

  A013003326 

 Soyés bien ayse que le monde ne tienne conte de vous: s'il vous estime, mocqués vous en joyeusement, et riés de son jugement et de vostre misere qui le reçoit; s'il ne vous estime pas, consoles vous joyeusement dequoy, au moins en cela, le monde suit la vérité..

  A013003326 

 Tenes vous donques joyeusement humble devant Dieu; mais tenes vous esgalement joyeuse et humble devant le monde.

  A013003327 

 Je le répété souvent parce que c'est la clef de ce mystere pour vous et pour moy.

  A013003328 

 Continues vos Communions et exercices ainsy que je vous ay escrit.

  A013003328 

 Si vous vous playses a le hanter, vous apprendres ses contenances..

  A013003328 

 Tenes vous cette annee bien ferme en la méditation de'la Vie et Mort de Nostre Seigneur: c'est la porte du Ciel.

  A013003329 

 Mocqués vous de luy et le laissés faire; ne contestés point, mais faites luy la nique, car [392 d ] tout cela n'est rien.

  A013003329 

 Nostre ennemy est un grand clabaudeur; ne vous en mettes nullement en peyne, car il ne vous sçauroit nuire, je le sçai bien.

  A013003330 

 Je desire que vous voyes le chapitre 41 du Chemin de perfection de la bienheureuse sainte Therese; car il vous aydera a bien entendre le mot que je vous ay dit si souvent, qu'il ne faut point trop pointiller en l'exercice des vertus, mais qu'il y faut aller rondement, franchement, naïfvement, a la vielle françoise, avec liberté, a la bonne foy, grosso modo.

  A013003330 

 Non, ma chere Fille; je desire que vous ayes un cœur large et grand au chemin.

  A013003331 

 Je vous donne, et vostre cœur de vefve et vos enfans, tous les jours a nostre Seigneur, en luy offrant son Filz.

  A013003331 

 Mon desir de vous aymer et d'estre aymé de vous n'a point de moindre mesure que l'eternité.

  A013003375 

 Les grandes et rares qualitéz que la bonté et liberalité de Dieu vous a desparties, qui forcent les estrangiers mesmes de les recognoistre et d'en rechercher la jouissance, nous obligent encoures d'en faire l'estat que nous devons et de nous en prevalloir, tant pour nostre particulier que pour le general de ceste province, et principalement de cette ville, laquelle, comme estant le chef de l'Estat, semble avoir quelque droict de rechercher avec nous cet honneur de vous avoir pour predicateur a ce Caresme prochain, si la disposition de voz affaires vous en donnent aultant de commodité comme nous en avons tous de volonté et de desir..

  A013003376 

 Mais nous estimerons d'avoir tant plus d'obligation a la faveur que nous recevrons de vostre charité et bienveuillance quand il vous plairra nous accorder cette requeste, laquelle nous vous presentons, sachantz bien que le dessein lequel vous aves de rendre ce devoir de bon Evesque a voz brebis vous pourroit destourner de nous l'accorder, si la consideration d'un plus grand bien que vous pouves faire en nous gratiffiant de cette priere ne vous emouvoit de quicter quelque chose de cette bonne et sainte resolution.

  A013003377 

 Dequoy nous avons encores particulierement chargé le sieur Senateur Favre de vous prier de nostre part et vous asseurer tant plus que nous vous en aurons obligation perpetuelle, et laquelle nous tascherons tous, et en general et en particulier, de recognoistre en vostre endroict par toutte sorte de tesmoignage d'affection a vostre service, d'aussy bon cœur qu'appres vous avoir bien humblement baisé les mains, nous prions Dieu quil luy plaise, Monsieur, vous conserver et accroistre de jour en jour ses sainctes graces, et a nous les vostres..

  A013003393 

 J'use de cette maxime, et ne vous rends aucune grace de l'amitié que me portez, parce que je ne le puis assez meritoirement..

  A013003394 

 Le progrez que vous faictes en vostre diocese, y gaignant touts les jours quelques ames desvoyeez, resjouit touts les gens de bien.

  A013003394 

 Que vous estes heureux, mon cher Seigneur, d'estre si util a l'Eglise de Dieu et receuillir une si ample moisson de voz peines en vostre printemps! Que sera donc vostre automne? O trois fois heureux! Dieu vous conserve longuement en santé, afin que de vostre Babylone voisine, vous faciez une saincte et triumphante Hierusalem..

  A013003395 

 En cette occasion et toute autre qui regarderont vostre service, vous mi treuverez porté avec toute sorte de passion..

  A013003395 

 Je ne bougeray encor de dix jours d'ici; si pendant ce temps vostre commodité le permet de l'envoyer, je l'emporteray et la feray apointer a vostre contantement; que si vous jugez que ce temps soit trop bref, ne laissez pourtant de l'envoyer ici a mon oncle, le President des Comptes, lequel me fera tenir vostre pacquet a Paris.

  A013003395 

 Pour ce que vous desirez, que ce qui est de vostre diocese estant soubs l'obeissance du Roy soit uni au corps du clergé de ce royaume, je le treuve fort juste et mi empleiray de tout mon credit; mais je croy quil seroit a propos que vous m'en envoyassiez une requeste addressante auxdit (sic) sieurs du clergé.

  A013003396 

 Messieurs nos Presidents, pere et oncle, vous baisent tres humblement les mains et vous remercient le resouvenir qu'avez d'eux, et moy je vous conjure de continuer a m'aymer autant que je vous honore..

  A013003397 

 Je prie Nostre Seigneur, Monsieur, quil vous donne en santé, longue et heureuse vie..

  A013003412 

 Et le dessein que je vous avois proposé se treuve trop long et trop ennuyeux; car aussy bien fay je conscience de pipper tant de gens qui me prendront pour quelque grand theologien, et me doit bien suffire que j'en trompe des-ja tant d'autres qui me tiennent pour plus grand jurisconsulte que je ne suis.

  A013003412 

 Je n'estime pas que j'en aye grand besoin devant un mois, parce que le huictiesme et le neufviesme Livres restent encores a imprimer; et quoy quil en soit, vous le pouvez finir par la ou il vous plaira.

  A013003412 

 Je treuveray tous-jours belle la forme que vous luy donnerez et ne veux poinct luy en souhaiter de plus belle; j'attendray donc sur ce poinct et vostre volonté et vostre commodité..

  A013003412 

 Je vous baise les mains mille et mille fois de la souvenance que vous avez de moy et de mon chapitre, estant neanmoins bien desplaisant, non tant de la peine que de l'incommodité que ce chapitre vous donne parmy tant d'autres affaires plus importants et plus pressants.

  A013003413 

 J'ay tardé de vous escrire ceste jusques a l'heure du despart de monsieur Rogex, pour sçavoir si l'arrivee de Monseigneur de Nemours, que nous attendons despuis quattre jours d'heure a autre, m'apporteroit le sujet de quelque nouvelle digne de vous estre escritte; mais jusques icy nous n'en avons autres nouvelles sinon quil arriva le mercredy au soir a Lion et que ses gens cherchoyent des chevaux de louage vendredy pour partir.

  A013003414 

 Comme j'estois en cest endroit, monsieur Rogex m'est venu advertir de la venue de Monsieur et quil est sur le poinct de partir pour [398] passer outre; qui sera la cause que je ne vous feray ceste plus longue, sinon pour vous dire que l'on n'a poinct de nouvelles de la santé de Son Altesse despuis mercredy dernier, qu'on fut adverty que son acces dernier avoit esté moindre que les autres..

  A013003415 

 Il ne tiendra pas ni a elle ni a moy qu'elle ne vous face un François, pour bon savoyard que je suis; si moins, il faudra se resoudre, comme vous voulez, de vivre pour le moins jusques en l'an climaterie (sic) pour danser aux noces de la fille.

  A013003415 

 Monsieur d'Albigny est tousjours a Lansbourg; ma maistresse, tousjours travaillee de son enflure, neanmoins bien resjouie de vous voir resolu a la favoriser, soit qu'elle face filz ou fille.

  A013003416 

 La vie me sera tousjours aggreable, quand elle sera accompagnee de la grace de Dieu et de la vostre, et quand elle me donnera plus de moyens de vous tesmoigner par effect que je suis et seray eternellement,.

  A013003429 

 Aussi je vous en supplie tres instamment, au nom de Jesus..

  A013003429 

 Si est il que apres ce remerciement, je me ressent (sic) bien obligé à vous, Monseigneur, mesmes qu'avec ceste singuliere affection qu'il vous ha pleu me conserver, j'espere par voz saints Sacrifices estre offert à Dieu, au quel mon aage me talonne à chaque heure d'aspirer et me presenter.

  A013003431 

 Que si le seigneur Gaillon aurà moyen de vous apporter quelcune de mes petites ou grandes pieces qui, possible, ne vous sont pas parvenues es mains, vous plairrà, Monseigneur, les accepter et prendre en gré, comme provenantes d'iceluy qui vous ayme par dessus tous ces (sic) enfans spirituels, et vous revere et honnore à l'egal de quelconque autre Prelat..

  A013003432 

 Je le vous envoye donq, comme tribut deu à celuy qui ha la charge dans Geneve, car ainsi je cuyde, et je sçay que vous l'avez de Dieu pour la convertir.

  A013003432 

 Vous en fairez, apres l'avoir leu, ce que vous en jugerez mieux pour le salut des ames, soit que l'on le traduise en françois, soit que ce qui est traduit desja en françois touchant la dicte responce se mette en lumiere, ou à part, ou l'adjoustant au reste, car je vous envoye le tout..

  A013003433 

 Si vous envoye je un autre petit mien livre tiré de la Biblioteque Choisie, mais abbregé, le quel ha esté imprimé icy et reimprimé à Paris, vous priant, Monseigneur, de le lire; car, possible, vous jugerez qu'il puisse proffitter à vostre troppeau et, par une nouvelle maniere, clorre la bouche aux heretiques et rembarrer ceux qui mesdisent de nostre Compagnie et des autres Ordres religieux..

  A013003434 

 Au reste, je suis bien aise que le R. P. Recteur de Chambery vous assiste de son fidel conseil et service, tout ainsi que nous le vous debvons trestous.

  A013003434 

 Et s'il vous plairrà, Monseigneur, me faire donner par fois quelque nouvelle de la conversion des ames et de ce que l'on pourroit faire d'avantage pardela par le moyen de Romme et d'ailleurs, peut estre que m'essayeray d'y songer et de vous y tenir la main, si tant est que l'aage et les indispositions du corps me donnent quelques treves pour m'employer au service de Dieu et de [401] vous, Monseigneur, au quel je prie la continuelle assistence divine, et plenissimam benedictionem de cœlo desuper et de terra deorsum..

  A013003450 

 Cependant Nous desirons que rien ne soit innové au prejudice de la Religion, vous en ayant a ces fins voullu donner advis, a celle fin que sursoyes a toutes deliberations qu'en ce faict vous pourriez avoir projectees..

  A013003451 

 A tant, prions Dieu quil vous aye en sa saincte et digne garde..

  A013003468 

 Puis qu'il vous plaist de sçavoir l'histoire de la bonne Marraine, je tascheray de la raconter le mieux qu'il me sera possible.

  A013003474 

 Alors elle luy dit: « Mon enfant (car c'est ainsi qu'elle l'appelloit), je ne vous ay jamais esté desobeyssante, je ne le veux pas estre sur la fin de ma vie; mais je vous prie bien fort de faire faire ma biere quand vous en avez le loisir, car si vous attendez à demain vous vous plaindrez du temps.

  A013003476 

 Et apres disner, son mary devant aller à La Roche pour des affaires, elle luy monstra tout ce qu'elle avoit preparé et disposé, luy persuada de dotter la chappelle d'Amancy selon qu'il vous promist, Monseigneur, et de faire faire des habits d'eglise, disant qu'il falloit assembler des thresors au Ciel, et n'avoir plus de goust aux choses qui sont sur la terre, mais à celles qui sont au dessus de nous.

  A013003477 

 Elle fust encore visitée par sa sœur Nicole, qui vouloit demeurer aupres d'elle; mais elle luy dit: « Ma sœur, allez vous-en; vous avez des affaires à La Roche et [405] estes plus malade que moy; nous nous verrons bien-tost en Paradis, avec l'aide de Dieu.

  A013003539 

 Vos vertus et vos mérites m'obligeoient assez à vous honorer et à vous consacrer mes très-humbles services, mais l'affection qu'il vous plaît porter à toute notre petite famille et l'estime que vous faites de ma fille de Chantal m'accable d'obligations; de sorte que, ne pouvant assez m'acquiter, je serai contraint de faire cession non seulement de ce peu de bien que Dieu m'a donné, mais aussi de moi-même, qui suis et veux demeurer à jamais vostre très-humble serviteur..

  A013003540 

 Je puis bien, Monsieur, vous promettre la même chose pour Monsieur de Bourges, mon fils; car, outre l'inclination naturelle qu'il en a, je vous assure, Monsieur, que son plus grand desir et contentement seroit de pouvoir mériter l'honneur de vos bonnes graces, comme le mien seroit quelquefois d'avoir le bonheur de recueillir les doux et agréables fruits de votre sainte et douce conversation.

  A013003540 

 Mais puisque votre charge et de meilleures et plus importantes raisons vous retiennent par-delà, je vous supplie, Monsieur, de faire souvent part à lui et à moi du doux miel de vos saints et divins discours, pour nous réveiller du sommeil dans lequel nous nous trouvons presque toujours engagés par les affaires du monde, et rappeller notre esprit à la contemplation de la Divinité et de la béatitude éternelle..

  A013003542 

 Si les affaires de ceux de votre Chapitre eussent été en état, je leur aurois volontiers témoigné l'estime que je fais de votre recommandation; mais quand le procès se jugera, je me souviendrai bien des bons et honorables témoignages que vous avez rendus de leur vertu et de leur sainte manière de vivre.

  A013003543 

 Je prie Dieu, Monsieur, qu'il veuille les benir tous et multiplier sur vous toutes ses saintes graces.

  A013003543 

 Je salue humblement tout ce qui vous appartient..

  A013003554 

 Ce pendant, Monseigneur, ce porteur vous remettra un rôle tres exact, dans lequel vous verrez de quelle maniere on a emploié l'argent que vôtre charité a envoié pour les eglises.

  A013003554 

 Nous pourrons dire de vous, Monseigneur, ce que saint Paul disoit de lui même: qu'afin que rien ne manque à vôtre apostolat, vous prenéz un soin continuel de toutes les eglises de Dieu sapées par les heretiques et relevées par vôtre travail..

  A013003555 

 Je renvoie les deux autels portatifs que Votre Seigneurie Illustrissime m'avoit confié, afin que celui que vous commettréz en ma place puisse s'en servir, n'étant pas a propos de laisser les choses saintes au gré des profanateurs....

  A013003562 

 Oultre les obligations passees que je vous ay, en voici une nouvelle et bien grande, puisque me voici hors de maladie par voz merites et par l'entremise de voz oraisons plus ferventes et saincts Sacrifices qu'il vous a pleu offrir a Dieu pour ma santé.

  A013003562 

 Quant a moy, je ne sçay autre motif de vostre charité ardente, sy ce n'est que vous ayez jugé expedient que je demeurasse encor en cette terre des mourants pour faire penitence de mes offenses et me faciliter le chemin qui conduit a la terre des vivants.

  A013003563 

 Bien souvent un mal est accompagné d'un autre, comme de fait, pour mon affliction corporelle j'ay esté frustré de la consolation spirituelle que Dieu m'envoyoit par vostre ministere; car celle qu'a voulu se charger de la presente pour la vous rendre en main, vous dira que je n'ay rien fait pour le bien spirituel de son ame.

  A013003563 

 Et pour vous rendre comte en peu de mots de mon mal, la verité est que j'ay experimenté au plus fort de la maladie, qu'il y a difference [412] entre la meditation qui se fait de la mort en santé et celle qu'engendre la vraie apprehension d'une maladie jugee mortelle.

  A013003564 

 Et s'il est vray qu'au besoin on fait preuve asseuree de l'amitié, je puis dire qu'a cette occasion je suis grandement obligé a la ville de Chambery, mais en premiere instance a vous, Monseigneur, qui, de grace speciale, m'avez offert ce que la raison ne me permettoit esperer ou desirer: vostre presence et vous mesme.


14-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIV-Vol.4-Lettres.html
  A014000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A014000021 

 — Le rendez-vous de l'âme du Saint. 24.

  A014000148 

 — Rendez-vous pendant le Carême: l'aimable et saint domicile du Cœur de Jésus Notre-Seigneur.

  A014000179 

 — «Le jeune et nouveau Roy.» — Le vrai rendez-vous de nos «cogitations.» — Une charge obtenue «sans brigue, sans cour et sans argent.».

  A014000214 

 — Rendez-vous pour les âmes chrétiennes unies d'affection.

  A014000245 

 Contentés-vous de gaigner de tems en tems quelque petit advantage sur vostre passion ennemie.

  A014000245 

 Il n'est pas possible que vous soyes si tost maistresse de vostre ame et que vous la tenies en vostre main si absolument de premier abord.

  A014000246 

 Et toutes fois et quantes que vous retomberes, faites-en de mesme..

  A014000246 

 Observés bien ces pointz que je vous ay dit.

  A014000246 

 S'il vous arrive quelque acte de chagrin, ne vous en espouvantés point, ne vous en mettes nullement en peyne; mais, l'ayant reconneu, humiliés-vous doucement devant Dieu et taschés de remettre vostre esprit en posture de suavité.

  A014000247 

 Je ne doute point que Dieu ne vous tienne de sa main, et bien qu'il vous laissera broncher, ce ne sera que pour vous faire connoistre que s'il ne vous tenoit vous tomberies du tout, et affin que vous luy serries la main de plus fort.

  A014000247 

 Quand vous aures le repos, employés-le vivement, faysant le plus d'actes de douceur que vous pourres et es occasions les plus frequentes que vous en ayes, pour petites qu'elles soyent; car, comme dit Nostre Seigneur, qui est fidele es petites choses, on luy confiera les grandes.

  A014000247 

 Sur tout, ma Fille, ne perdés point courage, avés patience, attendes, exerces-vous fort a l'esprit de compassion.

  A014000248 

 A Dieu, Madame, a Dieu soyés vous entièrement, absolument, irrevocablement.

  A014000259 

 Il faut donques que vous vous en resjouissies, en remerciant Dieu et le loüant.

  A014000259 

 Je le supplie qu'il vous accompaigne tous-jours de ses saintes consolations et, qu'en icelles, il vous rende de plus en plus sa devote..

  A014000259 

 Je sçai que vous aves eu des lettres de monsieur mon cousin vostre mari, mais je ne puis me contenir de vous dire que monsieur de la Fleschere, qui fut hier icy, m'asseure que jamais il ne se porta mieux, ni monsieur de Charmoysi.

  A014000270 

 Il n'estoit pas besoin que vous prissies la peyne de me faire sçavoir comme j'avois perdu le bien de recevoir de vos lettres ces deux ou trois moys passés, car jamais je ne me fusse voulu donner cette affliction de croire que c'eust esté pour estre esloigné de vostre bonne grace, et toutes les autres causes ne me sont pas ennuyeuses.

  A014000270 

 Je vous rens mille graces de la belle orayson funebre que vous m'aves envoyee.

  A014000271 

 Dieu me veuille exaucer, Monsieur, et vous seres beni des plus durables benedictions du ciel, et moy je deviendray autant utilement comme je suis affectionnement,.

  A014000276 

 Monsieur, j'escris a nostre grand amy, mais je vous requiers vostre intercession encor affin qu'il continue de m'aymer.

  A014000294 

 J'ay esté bien consolé par les lettres que vous m'aves escrit, voyant que Nostre Seigneur vous a fait gouster les commencemens de la tranquillité avec laquelle, moyennant sa grace, il nous faut desormais continuer de le servir parmi la presse et multiplicité des affaires ausquelles nostre vocation nous oblige.

  A014000294 

 J'ay une extremement bonne esperance pour vous, parce que j'ay veu, ce me semble, en vostre cœur une profonde resolution de vouloir servir sa divine Majesté, qui me fait asseurer que vous userés de fidelité es exercices de la sainte devotion.

  A014000295 

 Je vous diray briefvement les exercices que je vous conseillerois; vous les verres plus clairement en cet escrit que je fay.

  A014000295 

 La preparation de toute la journee, qui se fait briefvement le matin; l'orayson mentale avant disner, selon vostre loysir, pour une heure ou environ; le soir, avant souper, une petite retraitte, en laquelle, comme [7] en maniere de repetition, vous facies une douzaine de vives aspirations en Dieu selon la meditation du matin, ou sur quelque autre sujet..

  A014000296 

 Imaginés vous comme Nostre Dame employoit doucement l'une de ses mains tandis qu'elle tenoit Nostre Seigneur de l'autre, ou sur son autre bras, en son enfance; car c'estoit avec un grand esgard..

  A014000296 

 Parmi le jour et entre les affaires, le plus souvent que vous pourres, examinés si vostre amour est point engagé trop avant, s'il n'est point detraqué et si vous ne vous tenes pas tous-jours par l'une des mains a Nostre Seigneur.

  A014000296 

 Si vous vous treuves embarrassee outre mesure, accoisés vostre ame et remettes-la en repos.

  A014000297 

 Au tems de paix et de tranquillité, multipliés les actes de douceur; car, par ce moyen, vous apprivoyseres vostre cœur a la mansuetude.

  A014000297 

 Ne vous amuses pas a combattre les menuës tentations qui vous arrivent, par des contestes ou disputes avec elles, mais par des simples retours de vostre cœur a Jesus Christ crucifié, comme si vous allies bayser son costé ou ses pieds par amour..

  A014000298 

 Ne vous mettes point en peyne de faire beaucoup d'oraysons vocales, et tous-jours, quand vous prieres et que vous sentires vostre cœur porté a l'orayson mentale, laissés-l'y aller hardiment; et quand vous ne feries que l'orayson mentale avec l'Orayson Dominicale et la Salutation Angelique et la Creance, vous pouves vous contenter..

  A014000309 

 Vous pouves penser, Monsieur, si j'ay esté touché de gloyre pour cela.

  A014000310 

 Et pour cela, Monsieur, je vous supplie d'apprendre de Sa Majesté que c'est qu'elle penseroit faire de moy et en quoy elle desireroit m'employer, car sans doute je ne suis pas bon a beaucoup de choses; et j'ay neanmoins cette generosité de ne vouloir pas estre appliqué que pour ce que je suis et en ce que je puis, d'autant plus quand ce seroit par la gratification et grace d'un si grand Roy, lequel ne pense pas a me faire transplanter de ce pais en son royaume, abondant en toutes sortes de personnes de merite, quil ne m'estime fructueux et propre a son contentement..

  A014000312 

 Si donques Sa Majesté vous dit son intention particuliere, j'examineray avec Dieu et en sa presence mes forces; et si je les sens aucunement assortissantes au service qu'elle desirera, et que Sa Sainteté me le commande (car vous sçaves bien que sans cela je n'oserois me remuer de la sentinelle en laquelle je suis posé), je me rendray tout prest, tout prompt, tout affectionné a suivre la vocation divine, ne doutant nullement qu'elle ne soit telle, quand je verray se joindre les volontés du Pape et du Roy..

  A014000313 

 C'est trop dit, ce me semble, a vous, Monsieur, qui m'aymes tant et me connoisses tant, et qui sçaves entr'autres choses que je suis de tout mon cœur, Monsieur,.

  A014000328 

 Je jette cette feuill' a part affin de vous y parler avec plus de liberté et vous en laisser aussi pour monstrer ma lettre, sil y escheoit.

  A014000328 

 Vous verres donq, sil vous plait, la lettre que j'escris au Roy, et, sil vous semble a propos, vous la luy donneres, ou si vous juges autrement, vous pourres en parler a Sa Majesté vous mesme a vostre gré, car en ceci j'ay grandement besoin de vostre conduite..

  A014000329 

 Si le sujet n'en est grand et digne, on est blasmé de legereté, et l'attirail en est tous-jours de grands frais; car il faut un peu tout dire avec vous qui aves mon cœur en main..

  A014000330 

 Apres tout cela, vous sçaves que sans l'authorité du Pape, je ne puis nullement me remuer; et si, il m'importe que cest' authorité previenne toutes les nouvelles qu'on en pourroit avoir de deça.

  A014000330 

 Vous jugeres bien pourquoy.

  A014000331 

 Et ce pendant, je demanderay incessamment la clarté du Ciel et diray a Nostre Seigneur: Seigneur, que voules vous que je face? car je proteste devant sa souveraine Majesté, que je ne veux vouloir que sa volonté tressainte, soit a demeurer, soit a changer de place.

  A014000331 

 Je sçai que, la chose n'estant pas preste, il y a asses de tems pour penser a toutes ces choses; mais encor m'a-il semblé que je vous devois ainsy tout dire naivement, affin que, selon les occurrences, vous m'aydies a prendre les resolutions convenables.

  A014000332 

 Nostre Seigneur vous conserve et aggrandisse en ses saintes benedictions, et me face la grace de ne point paroistr'ingrat de tant de faveurs que je reçois de vous, ains de tesmoigner par effect que je suis de coeur tout entier,.

  A014000347 

 J'ay fait responce (car, comme je vous dis, c'est tout de bon) que j'estois tout a Dieu et que je luy dirois: Seigneur, que voules vous que je face? Entre ci et deux mois, je seray hors de cette peyne par une resolution absoluë.

  A014000357 

 Or, plustost que de tarder davantage, je vous veux escrire tout a la haste..

  A014000358 

 Helas, ma chere Fille, ilz vous resveillent souvent l'esprit, a ce que je voy; mais croyés bien que celuy que j'ay de conduire le tout a chef et a la gloire de Dieu m'excite aussi tres souvent (or sus, je veux dire ce mot de vanterie), plus souvent que vous, que je croy; mais ne faut il pas tout faire avec une diligence soigneuse, mais douce, mais tranquille, mais resignee? Eh bien, j'espere que Dieu sera nostre guide..

  A014000358 

 Je voy ce que vous me dites de ces bonnes ames, [14] compagnes de vos desirs; de vos desirs, dis je, qui se fortifient et se rendent actifs dedans vostre cœur.

  A014000359 

 Et ne vous troubles point, ma Fille, je vous prie, de ce que je vous escrivis l'autre jour touchant la proposition qui se fait de me tirer moy mesme de ma terre et de mon parentage; car rien ne se fera que de par Dieu, et de quel costé que j'aille sous sa conduite, tout ira fort bien et pour vous et pour moy.

  A014000359 

 Mais Dieu tiendra tout de sa main; car voyes vous, ma chere Fille, mon ame n'a point de rendes vous qu'en cette providence de Dieu: Mon Dieu, vous me l'aves enseigné des ma jeunesse, et jusques a present j'en annonceray vos merveilles..

  A014000359 

 Non, croyés-le bien, ma chere Fille (mais voyes vous, n'en parles a personne, je vous dis tout), ce ne seroit pas sans repugnance s'il me failloit changer de logis, bien que je ne me sente nullement attaché qu'a quelques ames, d'un lien tput purement spirituel, Dieu mercy.

  A014000368 

 Mais cet advis ne sera pas pour cela inutile, puis qu'il me donnera sujet de me ramentevoir en vostre bonne grace, en vous tesmoignant que si mes prieres sont favorisees au Ciel, vous vivrés tous-jours toute consolee des consolations du Saint Esprit..

  A014000368 

 Par ce que monsieur de Fontaine, partant lundi de Turin, laissa monsieur de Vallon mon cousin en bonne santé et monsieur de Charmoysi aussi, j'ay voulu, par cette commodité, vous en donner l'asseurance, bien que peut estre aures vous des lettres aussi recentes que cela.

  A014000386 

 Je croy que le desir que vous aves de vouer vostre chasteté a Dieu n'a pas esté conceu en vostre ame que premierement vous n'ayes longuement consideré son importance: c'est pourquoy j'appreuve que vous le facies, et le jour de Pentecoste mesme.

  A014000386 

 Or, pour le bien faire, prenés le loysir les trois jours precedens, de bien preparer vostre vœu par l'orayson, laquelle vous pourres tirer de ces considerations:.

  A014000387 

 Ne seres-vous pas bien heureuse de commencer en ce monde la vie que [18] vous continueres eternellement en l'autre? Benisses donq Dieu qui vous a donné cette sainte inspiration..

  A014000389 

 Humiliés vous fort devant la trouppe celeste des vierges et, par l'humble priere, suppliés-les qu'elles vous reçoivent avec elles, non pas pour pretendre a les esgaler en pureté, mais au moins affin que vous soyes advoùee leur servante indigne, en les imitant au plus pres que vous pourres.

  A014000389 

 Suppliés-les qu'elles offrent avec vous vostre vœu a Jesus Christ, Roy des vierges, et qu'elles rendent aggreable vostre chasteté par le merite de la leur.

  A014000390 

 Puis, le jour de Pentecoste, lhors que le prestre eslevera la sainte Hostie, offrés avec luy a Dieu, le Pere eternel, le cors pretieux de son cher Enfant, Jesus, et tout ensemble vostre cors, lequel vous feres vœu de conserver en chasteté tous les jours de vostre vie.

  A014000391 

 O Dieu eternel, Pere, Filz et Saint Esprit, je N., vostre indigne creature, constituee en vostre divine presence et [19] de toute vostre Cour celeste, prometz a vostre divine Majesté, et fay vœu de garder et observer tout le tems de la vie mortelle qu'il vous plaira me donner, une entiere chasteté et continence, moyennant la faveur et grace de vostre Saint Esprit.

  A014000391 

 Playse vous accepter ce mien vœu irrevocable en holocauste de suavité, et puisqu'il vous a pleu m'inspirer de le faire, donnes moy la force de le parfaire a vostre honneur, par tous les siecles des siecles..

  A014000392 

 Vous communieres sur cela, et pourres dire a Nostre Seigneur que vrayement il est vostre Espoux..

  A014000393 

 Mais parles-en a vostre confesseur; car s'il vous ordonnoit de ne le faire pas, il le faudroit croire, puisque, voyant l'estat present de vostre ame, il pourra mieux juger ce qui est expedient que moy..

  A014000394 

 Et comme on n'ose plus toucher ni profaner un calice apres que l'Evesque l'a consacré, ainsy, le Saint Esprit ayant consacré vostre cœur et vostre cors par ce vœu, il faut que vous luy porties une grande reverence..

  A014000394 

 Mais, ma bonne Fille, ce vœu estant fait, il faut que vous ne permetties jamais a personne de chatouiller vostre cœur d'aucun propos d'amour ni de mariage; mais que vous ayés un grand respect a vostre cors, non plus comme a vostre cors, mais comme a un cors sacré et a une tres sainte relique.

  A014000395 

 Au demeurant, je recommanderay le tout a Dieu, lequel sçait que je vous cheris fort affectionnement en luy; et le mesme jour de Pentecoste, je luy offriray vostre cœur et ce qui en sortira pour sa gloire.

  A014000405 

 Je me resouviens que vous me distes combien la multiplicité de vos affaires vous chargeoit; et je vous dis que c'estoit une bonne commodité pour acquerir les vrayes et solides vertus.

  A014000406 

 Vous aves besoin de la patience, et j'espere que Dieu la vous donnera, si vous la luy demandes soigneusement et que vous vous efforcies de la prattiquer fidellement, vous y preparant tous les matins par une application speciale de quelque point de vostre meditation, et vous opiniastrant de vous mettre en patience le long de la journee tout autant de fois que vous vous en sentires distraite..

  A014000407 

 Ne vous confiés pas de pouvoir reuscir en vos affaires par vostre industrie, ains seulement par l'assistance de Dieu; et partant, reposés vous en son soin, croyant qu'il fera ce qui sera le mieux pour vous, pourveu que, de vostre costé, [21] vous usies d'une douce diligence.

  A014000409 

 Soignés fidellement a vos affaires, mais sachés que vous n'avés point de plus dignes affaires que celuy de vostre salut et l'acheminement du salut de vostre ame a la vraye devotion..

  A014000410 

 Ayés patience avec tous, mais principalement avec vous mesme; je veux dire, que vous ne vous troublies point de vos imperfections et que vous ayes tous-jours courage de vous en relever.

  A014000410 

 Je suis bien ayse dequoy vous recommences tous les jours: il n'y a point de meilleur moyen pour bien achever la vie spirituelle que de tous-jours recommencer et ne penser jamais avoir asses fait.

  A014000411 

 Recommandés moy a la misericorde de Dieu, laquelle je supplie de vous faire abonder en son saint amour.

  A014000420 

 J'escrivis il y a quinze jours a nostre grand amy, et luy addressay une lettre pour Sa Majesté, que je remerciois, suivant le conseil que vous me donnes avant que je l'eusse receu; tant mon affection, qui est vostre, a de pouvoir de tirer mon esprit a quelque conformité du vostre, duquel, en toutes parties, il est au demeurant inferieur..

  A014000420 

 Je cours apres vous par ces deux motz pour vous rendre graces de la faveur que vous me faites, si abondamment tesmoignee par vostre lettre.

  A014000423 

 Nostre Seigneur vous prospere, Monsieur, et je suis extremement,.

  A014000434 

 Et ne doutant point que messieurs vos Religieux n'affectionnent ce parti paysible et plus sortable a nos vocations, je tiens des-ja l'appointement pour fait, bien que, puisque vous le desirés, le proces ne se retarde point encor, lequel neanmoins il sera bien raysonnable de sursoyer quand le jour sera marqué entre nous; ce qui sera bien tost, si vous nous envoyés vostre intention pour ce regard..

  A014000434 

 Il ne reste sinon de convenir du tems, du lieu et des personnes convenables a cett'intention; sur quoy je vous prie m'envoyer quelque proposition et projet, affin que, de nostre costé, nous taschions de concourir a vostre commodité.

  A014000434 

 Les sieurs chanoynes de mon Eglise s'accommodent fort volontier au desir que j'ay de vous voir bien ensemblement [24] avec eux, par un appointement amiable de tous les differens qui sont entre vous.

  A014000435 

 Que si c'est a rayson de la cure, je puis y donner de l'ordre moy mesme, et le feray tous-jours convenablement quand il vous plaira..

  A014000436 

 Et pour le regard des paroles desreglees desquelles vous vous plaignés, nos chanoynes nient qu'elles soyent sorties de leur Chapitre, et disent qu'au contraire on leur [25] a donné advertissement que vos Religieux en avoyent asses proferé contr'eux.

  A014000437 

 Je me res-jouis que vos Religieux ayent pris en bonne part l'advis que je vous donnay; aussi le devoyent-ilz faire, puisqu'il sortoit d'une poitrine sincerement affectionnee a leur bien et honneur, comme je seray tous-jours plein de ce desir.

  A014000455 

 Il est vray, je desire fort que quand vous penseres tirer de la consolation en m'escrivant, vous le facies avec confiance.

  A014000458 

 Voyes vous, en cet exercice, nous pratiquons la sainte humilité..

  A014000469 

 Mais voyés-vous, ma Seur, il ne faut pas seulement penser si cette resolution sera perdurable; il faut tenir cela pour si certain et resolu, que jamais plus il n'en soit doute..

  A014000470 

 Vous m'obliges bien fort de me dire les deux motz que vous m'escrives de vos inclinations; sur lesquelz je vous dis que nos affections, pour petites qu'elles soyent, deschirent nostre ame quand elles sortent mal a propos.

  A014000471 

 Le desir de vous esloigner des causes n'est pas a propos au train auquel nous sommes, car il fait abandonner [28] le vray soin de combattre.

  A014000472 

 Ouy vrayement, ma chere Fille, attendés de moy tout ce que vous pouves attendre d'un vray pere, car j'ay certes bien cette affection la pour vous; vous le connoistres au progres, si Dieu m'assiste..

  A014000473 

 Or sus donq, ma bonne Fille, vous voyla affligee comme il faut pour bien servir Dieu, car les afflictions sans abjection enflent bien souvent le cœur en lieu de l'humilier; mais quand on a du mal sans honneur, ou que le deshonneur mesme, l'avilissement et l'abjection sont nostre mal, que d'occasions d'exercer la patience, l'humilité, la modestie et la douceur de cœur! Le glorieux saint Paul s'esjouyt, et d'une humilité saintement glorieuse, dequoy il est, avec ses compaignons, estimé comme les ballieures et racleures du monde..

  A014000474 

 Mais, ma Chere Fille, cet encor a quoy se rapporte-il? En aves vous des-ja beaucoup gasté de ces ennemis-la? Je veux dire qu'il faut avoir courage et bonne opinion de faire mieux dores-en-avant, puisque nous ne faysons que commencer et que neanmoins nous avons desir de bien faire..

  A014000474 

 Vous aves, ce me dites vous, encor le sentiment fort vif aux injures.

  A014000475 

 Pour vous rendre fervente en l'orayson, desirés-la bien fort, lisés volontier les louanges de l'orayson qui sont semees en beaucoup de livres: en Grenade, au commencement de Bellintani et ailleurs; car l'appetit d'une viande fait qu'on s'entend fort a la manger..

  A014000476 

 Souvenes vous de ce que fit saint François quand son pere le mit a nud devant l'Evesque d'Assise: «Maintenant donques, dit il, je pourray bien dire: Nostre Pere qui estes es cieux.» Mon pere et ma mere, dit David, m'ont abandonné, et le Seigneur m'a pris a soy..

  A014000476 

 Vous estes bien heureuse, ma Fille, de vous estre vouee a Dieu.

  A014000500 

 Je vous le demande au nom de l' Evêque souverain et Rédempteur des âmes, et du Siège Apostolique qu'il a établi sur la terre..

  A014000508 

 C'est encor vitement que je vous escris a cett'heure, ma chere Fille, que j'aime tendrement et incomparablement en Nostre Seigneur.

  A014000509 

 Hier nous en parlions, mon frere de Groysi et moy; car, comme vous desires, il sera de la partie.

  A014000509 

 J'attens que l'on m'assigne le tems auquel je devray aller au conté de Bourgoigne pour consacrer Monsieur l'Evesque de Lausanne, car un gentilhomme qui manie cet affaire m'a asseuré que j'y seray appellé; et cela estant, de la j'iray infalliblement vers vous, et verray le reste des alliés de dela, chacun chez soy, sinon peut estre ceux de Dijon ou je ne pourray peut estre pas aller, de peur de m'engager en un lieu d'ou je ne pourroys pas [33] sortir si tost qu'il seroit requis, sans laisser beaucoup de mes [fonctions] a faire.

  A014000510 

 Il m'est venu de vous dire cela et je vous l'ay dit.

  A014000510 

 Je ne sçaurois pas dire ce que mon cœur disoit, car, comme vous sçaves, les cœurs ont un langage secret que nul n'entend qu'eux.

  A014000510 

 O Dieu j'avois une certaine chaude suavité a vous colloquer dans ce giron sacré et dire a Nostre Dame: Voyla vostre fille, de laquelle le cœur vous est entierement voué.

  A014000510 

 Penses, ma chere Fille, si vous estes du nombre et en quel rang je vous y mettois.

  A014000510 

 Quant a vous, je sçai bien que vous aves nom Jane, et que toute cet'octave vous penses que je vous recommande a ce glorieux Praecurseur.

  A014000511 

 Je demanday voirement a Jan si nostre chere Marie bienaymee portoit le moule, mais je n'y entendois nul mal; car vous sçaves bien que j'ayme les testes bien moulées, et si cette petite teste est moulée par la vostre, je l'en cheriray davantage.

  A014000511 

 Que voules vous? il faut bien que les filles soyent un petit jolies..

  A014000512 

 Il est admirable en ces affections auxquelles, comme vous voyes, il s'abbandonne totalement, et n'est importun qu'a force d'affectionner.

  A014000512 

 Je veux dire que vous ne permetties point que monsieur vostre beaupere en soit importuné, sil n'est pas a propos pour ce service la.

  A014000512 

 Le Pere de Monchi vous fut envoyé, tout ainsy que je vous escrivis: c'est a dire, Thibaut luy parla d'aller servir vostre chapelle, et puis ilz m'en parlerent; et me resouvenant que vous aviés peyne d'en treuver, je consentis qu'il allast et vous escrivis.

  A014000513 

 Il est fort entendu aux cas de conscience, pour le peu de doctrine qu'il a; mais par ce qu'il n'a pas le discernement si delicat quil seroit requis, ne vous amusés point a ses advis.

  A014000513 

 Je ne me resouvins pas de vous escrire que ce bon Pere a une certaine inclination aux exorcismes, laquelle ne me plait point, car il est trop simple et credule pour cela.

  A014000513 

 Quant aux cantiques, je vous asseure que je n'ay pas tant de loysir que d'en faire il m'en a veu peut estre de ceux de M. de Lacurne, et il a pensé que ce fussent des miens..

  A014000513 

 Si par fortune il s'en vouloit mesler, ou mesme qu'il parlast beaucoup de ce sujet-la, dites luy que je vous ay defendu de vous entretenir de ces choses-la et de vous en mesler, ni personne qui soit avec vous; car ce sont des discours auxquelz il s'engage plus avant quil ne faut.

  A014000513 

 Vous pourres donq vous confesser a luy, et les autres, et tout.

  A014000513 

 Vous voyes bien sil est simple; je luy escris quil face la vie douce et devote.

  A014000514 

 Je vous avois des-ja bien escrit ceci, je ne sçai comme vous n'aves pas receu les lettres..

  A014000514 

 Je vous ay des-ja escrit que vous pouvies accommoder les corporaux apres que le prestre les auroit lavé en deux eaux, et qu'il n'est pas besoin de les rebenir pour s'en servir apres.

  A014000516 

 A mon retour, je vis ma mere et fus deux jours avec elle, et, de trois motz, les deux furent de vous et de nostre chere Aymee.

  A014000516 

 Elle chemine fort bien et advance de bien én mieux; je la voy souvent, au pris de vous, mais non pas si souvent que je voudrois, par ce que je n'en ay pas la commodité pour le faire a propos.

  A014000516 

 Je vous ay escrit par M me de Traves, mais tous-jours en presse..

  A014000516 

 Le bon curé de Bon, duquel vous me parles, me demanda de vostre santé et vous honnore d'un honneur particulier.

  A014000516 

 Ma seur de Mayrens me fit promettre de vous saluer de sa part, et hier nos dames, mais specialement la bonne M me de Lalee.

  A014000516 

 Quant a M me de Charmoysi, il ne faut pas dire combien elle vous ayme affectionnement.

  A014000517 

 Je vous ay appliqué plusieurs Messes ces jours passés.

  A014000531 

 Est ce bien une vraye impatience, ou sont ce point seulement des repugnances naturelles? Mais puisque vous la nommés impatience je la tiendray pour telle, et en attendant de vous en parler plus amplement a bouche devant que l'automne se passe, je vous diray, ma chere Seur, en esprit de liberté, qu'a ce que j'ay reconneu de vous par vos lettres, plus que par le peu de conversation que j'ay eu avec vous, vous aves un cœur qui s'attache puissamment aux moyens de vostre praetention.

  A014000531 

 Or, je dis que vous vous attachés puissamment aux moyens que vous goustés et voudriés tout reduire la; c'est pourquoy vous aves de l'inquietude quand on vous empesche ou qu'on vous distrait..

  A014000531 

 Vous me parles de vostre impatience.

  A014000531 

 Vous ne praetendes, je le sçai bien, [39] que l'amour de nostre Dieu; pour y parvenir, il faut employer des moyens, des exercices, des prattiques.

  A014000532 

 Le remede seroit de prendre la peyne de vous bien persuader et bien detremper vostre esprit en ce sentiment: c'est que Dieu veut que vous le servies ainsy comme vous estes, et par les exercices convenables a cet estat et par les actions qui en dependent; et en suite de cette persuasion, il faut que vous vous rendies tendrement amoureuse de vostre estat et des exercices d'iceluy pour l'amour de Celuy qui le veut ainsy.

  A014000532 

 Mays voyes vous, ma chere Seur, il ne faut pas penser a ceci simplement en passant; il faut mettre cette cogitation bien avant dans vostre cœur et, par des recollections et attentions particulieres, vous rendre cette verité savoureuse et bien venue dans vostre esprit.

  A014000533 

 Quand a la sainte Communion, j'appreuve que vous continuies a la desirer fort frequente, pourveu que ce soit avec la sousmission que vous deves avoir a vostre confesseur, qui void l'estat present de vostre ame et est si digne personnage..

  A014000534 

 Cette varieté en laquelle vostre esprit se void en l'orayson et hors de l'orayson, tantost fort, tantost foible, tantost regardant le monde avec playsir, tantost avec degoust, ce n'est autre chose qu'un sujet que Dieu vous laysse de vivre bien humblement et doucement, car vous voyes, par ce moyen, quelle vous estes de vous mesme et quelle avec Dieu; de sorte que vous ne deves nullement vous en descourager pour cela..

  A014000535 

 Il n'est ja besoin que madame nostre chere seur l'Abbesse m'envoye un homme pour me fair'avoir de ses nouvelles ni pour sçavoir comm'elle me pourra voir; car si je fay mon voyage, comme j'espere, je vous advertiray [40] asses tost devant mon despart pour tout cela.

  A014000535 

 Je vous recommande a Nostre Seigneur continuellement et ay vostre dilection fort avant dans mon cœur.

  A014000558 

 Je vous en supplie donc, Illustrissime Seigneur, daignez me conserver la consolation joyeuse dont j'ai tant besoin dans cette province si éprouvée; cette joie dépend de la certitude que le Saint-Siège n'est pas affligé de ma conduite et que je ne suis pas exclu de la bienveillance ordinaire accordée à ses inférieurs.....................................[43].

  A014000567 

 Alhors nous parlerons, si nous pouvons, de vostre misere et de l'envie que vous me dites avoir de vous plonger pour la derniere fois au saint lavoir de Poenitence..

  A014000568 

 J'ay respondu a toutes vos lettres jusques a huy; et si, je n'ay pas beaucoup de loysir maintenant, car voyes vous, en ces grans jours on ne me laisse point en repos, et je fay escrire a nostre Thibaut les advis spirituelz desquelz je vous ay parlé.

  A014000568 

 Je vous recommande, ce me semble, de si bon cœur a Dieu, ma chere Fille; croyés que je le fay avec un'affection du tout incomparable.

  A014000568 

 Mais si faut il que je vous die que la sorte de vie que nous avons choysie me semble tous les jours plus desirable et que Nostre Seigneur en sera fort servi.

  A014000569 

 resolution quil viendroit avec moy vers vous, ou soit que Monsieur de Nemours fut icy ou quil n'y fut pas..

  A014000570 

 M me de Charmoysi se porte bien et ne me parle jamais que de vous, et me presse de vous aller voir tant qu'elle peut.

  A014000570 

 Vostre fileul se porte bien, et sa bonne mere l'ayme spécialement pour l'amour de vous.

  A014000571 

 Or sus, je verray encor nos vefves avec vous, ou a Dijon: comment? O ma Fille, ne sommes nous pas bienheureux de ne praetendre rien moins qu'a Dieu? Mais monsieur le Conte est il tout a fait mort, que je ne sçai ou il est, ni ce quil fait?.

  A014000572 

 Vous ny seres pas oubliee, car vous tenes un rang en mon cœur qui ne le peut permettre.

  A014000586 

 Je me retiens de vous escrire souvent pour le respect que je doy a vos dignes et religieuses occupations, quoy que je desire tous-jours bien fort d'avoir quelque place en vostre memoire et dilection, particulierement pour le tems de vos oraysons et Sacrifices.

  A014000586 

 Mais maintenant vous aures aggreable, je m'asseure, que je vous divertisse un peu pour vous dire que le 15 du moys passé, je receuz l'abjuration de M. Claude Boucard, de Verdun, et le remis dans le sein de la sainte Eglise publiquement, en l'eglise de Nostre Dame de Thonon.

  A014000586 

 Vous devés vous en resjouir par ce que la piece que nous avons gaignee est importante, mais specialement par ce que, comme vous avies receu de luy l'instruction de la philosophie, ainsy quil m'a dit, aussi vous avés beaucoup cooperé par vos lettres a sa reduction en l'Eglise; et si, vous m'aves beaucoup obligé, l'asseurant que je le servirois en ce dessein-la..

  A014000593 

 Monsieur, je salue bien humblement mesdames vos mere et tante, et madamoyselle de Montberaut; sil vous plait de le leur faire sçavoir, je vous en auray de l'obligation..

  A014000606 

 Ce m'est tous-jours beaucoup d'honneur et de consolation de recevoir par vos lettres les tesmoignages que vous me donnes de la continuation de vostre bienveuillance en mon endroit.

  A014000606 

 Je voudrois bien, en eschange, vous pouvoir aussi rendre des preuves de mon affection a vostre service, et avoir quelques bonnes nouvelles pour vous envoyer, en lieu de celles dont il vous a pleu me gratifier.

  A014000606 

 Je vous diray seulement que nostr' Academie [48] a receu pour faveur la demande que monsieur Nouvelet luy a faitte d'une place pour vous, entre les academiciens.

  A014000606 

 Mais outre que je croy que vous les aves de dela les mons, j'en suis bien le plus mauvais pescheur de cette ville.

  A014000606 

 Pour moy, vous pouves penser si je la pris a gloire, m'acquerant un si digne sujet..

  A014000607 

 Nostre Seigneur vous prosperera tous-jours en l'abondance de ses benedictions, si luy plait d'exaucer les souhaitz que fait continuellement, Monsieur,.

  A014000622 

 Ayant sceu que les bons Peres Religieux de cette ville vous avoyent esleu pour leur Prieur, je m'en suis extremement res-jouy; et ne pouvant aller moy mesme vous faire la priere quilz vous veulent presenter de vouloir accepter cett'election et charge, je vous envoye cet [50] escrit, qui vous tesmoignera que jamais vous n'aves esté ni desiré ni demandé avec plus d'affection et de sincerité que vous l'estes d'eux et de moy, qui, en particulier, m'essayeray de vous servir si promptement en toutes occurrences, que vous n'aures pas, Dieu aydant, occasion [de vous repentir] d'avoir gratifié mon desir.

  A014000622 

 Les Religieux aussi se disposent a vous obeir et soulager si entierement que vous ne perdres nullement le repos requis a vostr'aage et a vostre contemplation.

  A014000623 

 Je me prometz bien que l'amitié que vous me portés intercedera encor pour moy en cett'occasion; c'est pourquoy, finissant, je prieray Nostre Seigneur quil vous prospere et inspire a nostre consolation, demeurant,.

  A014000638 

 J'ay voulu neanmoins vous escrire pour simplement vous tesmoigner que je prie tous les jours Nostre Seigneur pour vous; mais je dis d'un'affection toute speciale, le requerant quil vous assiste de ses saintes consolations parmi les travaux que vostre grossesse vous donnera..

  A014000638 

 Je n'ay pas respondu ci devant a vostre derniere lettre par ce que je n'ay point rencontré de porteur asseuré, et maintenant je n'ay pas le loysir requis pour vous bien [51] satisfaire.

  A014000639 

 Mais ne le faites pas, je vous prie.

  A014000639 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que vous seres heureuse si vous estes fidele en vos resolutions, parmi les croix qui se presentent, a Celuy qui vous ayma si fidelement jusques a la mort, et la mort de la croix..

  A014000639 

 Si vous vous treuves pesante, triste et sombre, ne laisses pas pour cela de demeurer en paix; et bien quil vous semblera que tout ce que vous ferés se face sans goust, sans sentiment et sans force, ne laisses pour tant pas d'embrasser Nostre Seigneur crucifié, de luy donner vostre cœur et consacrer vostre esprit avec vos affections telles quelles et toutes languissantes qu'elles sont.

  A014000639 

 Voyes vous, Madame, je m'imagine que l'humeur melancolique se prævaudra de vostre grossesse pour vous attrister beaucoup, et que, vous voyant triste, vous vous inquieteres.

  A014000650 

 Contregardés-vous fort soigneusement en cette grossesse; ne vous mettés nullement en peyne de vous contraindre a aucune sorte d'exercice que tout bellement.

  A014000650 

 Si vous vous lasses a genoux, assiés-vous; si vous n'aves pas d'attention pour prier demi heure, priés un quart d'heure ou demi quart d'heure seulement..

  A014000651 

 Je vous prie de vous mettre en la presence de Dieu et de souffrir vos douleurs devant luy.

  A014000651 

 Ne vous retenes pas [53] de plaindre, mais je voudrois que ce fust a luy, avec un esprit filial, comme feroit un tendre enfant a sa mere; car, pourveu que ce soit amoureusement, il n'y a point de danger de se plaindre, ni de demander la guerison, ni de changer de place, ni de se faire soulager.

  A014000652 

 Maintenant, ma chere Fille, vostre Bienaymé vous est un bouquet de myrrhe; ne laissés pas de le bien serrer sur vostre poitrine.

  A014000652 

 Ne vous mettes point en peyne de ne faire pas bien les actes des vertus; car, comme je vous ay dit, ilz ne laissent pas d'estre tres bons, encor qu'ilz soyent faitz langoureusement, pesamment et quasi forcement.

  A014000652 

 Ne vous tourmentes pas a beaucoup faire, mais disposes vous a souffrir ce que vous souffrires, avec amour..

  A014000652 

 Vous ne sçauries donner a Dieu que ce que vous aves, et en cette sayson d'affliction vous n'aves pas d'autres actions.

  A014000653 

 Dieu vous sera propice, Madame, et vous fera la grace de traitter de cette vie plus retiree de laquelle vous me parles.

  A014000674 

 Je loüe Dieu de l'heureuse arrivee de cette belle fille [55] que vous m'aves accordee pour filleule; madame sa mere sera un jour recompensee, je dis mesme en ce monde, des travaux qu'elle a souffertz pour la produire, quand elle la verra, pleine de vrayes vertus, luy donner mille sortes de contentemens.

  A014000674 

 Mes foibles prieres ne luy manqueront point a cette intention, ni a vous aussi et a madame sa mere, pour vostre longue prosperité que je souhaitteray tous-jours avec grande affection..

  A014000688 

 Madame ma tres chere Fille (car je croy que vous voules bien que je vous nomme ainsy), nourrissés vostre chere une en l'esprit de cordiale confiance en Dieu, et a mesme que vous vous treuveres environnee d'imperfections et miseres, relevés vostre courage a bien esperer.

  A014000689 

 Conservés un esprit d'une sainte joye qui, modestement respandue sur vos actions et paroles, donne de la consolation aux gens de bien qui vous verront, affin qu'ilz en glorifient Dieu qui est nostre unique pretention.

  A014000689 

 Et puisque vous ne sçauries plus exercer vostre cors en aucune mortification et aspreté de penitence et qu'il n'est nullemenc expedient que vous y pensies, ainsy que nous demeurasmes d'accord, tenes vostre cœur bien rangé devant son Sauveur et faites, le plus que vous pourres, ce que vous feres pour plaire a Dieu, et ce que vous aures a souffrir selon la condition de cette vie, souffres le a mesme intention; car ainsy Dieu vous possedera toute et vous fera la grace que vous le possederes un jour eternellement, dont je le supplieray toute ma vie, ma tres chere Fille, et seray de tout mon cœur,.

  A014000712 

 A mesure que je m'esloigne de vous selon l'exterieur, mon esprit retourne plus frequemment ses yeux du costé [58] du vostre, d'avec lequel il est inseparable, et je ne manque point d'invoquer tous les jours la bonté de nostre Sauveur sur vous et la soigneuse assistance de vostre bon Ange pour la conservation de vostre cœur, auquel d'une ardeur nompareille, je souhaitte toutes les plus desirables faveurs du Ciel, et sur tout cette inviolable fidelité au saint amour que vous aves voué par tant de resolutions au cœur debonnaire de ce doux et cher Jesus.

  A014000712 

 Vivés tous-jours, ma chere Cousine, ma Fille, avec ce courage d'aggrandir perpetuellement en la dilection de Dieu; tenés bien estroittement sur vostre poitrine et entre les bras de vos saintes resolutions Celuy qui, par tant de signes visibles, vous a tesmoigné d'avoir eu eternellement vostre nom et vostre cœur gravé en sa volonté pleine de bienveuillance en vostre endroit..

  A014000713 

 Je pars pour aller voir cette chere seur que vous aymes tant, avec laquelle vous pouves penser si je m'entretiendray de vostre ame, laquelle je porte tous-jours presente a la mienne par affection.

  A014000713 

 Je vous supplie de visiter par lettre la bonne Madame l'Ancienne, a laquelle vos encouragemens seront profitables; car pour le present, je n'ay nul loysir que pour vous escrire ces quatre motz que je fay, vous donnant la sainte benediction de Dieu, qui tous les jours me rend plus vivement et singulierement,.

  A014000725 

 Nous voyci a vos portes, ma tres chere Fille; mais par ce que Thibaut m'a dit qu'avec beaucoup d'affection vous voulies estre advertie un peu devant nostre arrivee, j'ay voulu vous aggreer, et pour cela je l'ay fait partir trois heures avant nous..

  A014000726 

 Environ les trois heures, je vous verray, Dieu aydant; car, en passant, je veux bayser les mains de Monsieur vostre bon Evesque, et voir nos Capucins, l'eglise cathedrale et ce quil faut que je voye en vostre Autun, affin que je ne sois pas contraint d'y retourner..

  A014000726 

 Or sus, ma chere Fille, vous l'avois-je pas escrit que ce seroit environ la feste du grand saint Louys? Je vous porte mon esprit plein de desir de servir le vostre et faire tout le bien que nous pourrons faire.

  A014000739 

 Helas! je regrette sans doute tant d'incommodités qui s'opposent a nos desirs; mais faysant ce qui est en nous, doucement et constamment, ce bon Dieu suppleera au reste et vous consolera de son assistence speciale..

  A014000739 

 Je vous avois promis, ma chere Seur, ma Fille, de vous escrire par le retour de vostre laquay; mais l'ayant rencontré en lieu ou je ne pouvois le faire, je repare ce defaut, vous escrivant ce soir de nostre arrivee en cette ville.

  A014000739 

 Mais que vous escriray-je donques, ma chere Fille? Rien, sinon que, a mesure que je me suis esloigné de vous corporellement, mon esprit s'est retourné plus ardemment de vostre costé pour vous souhaitter mille benedictions.

  A014000739 

 Sa divine Majesté vous les donne tres abondantes, et vous veuille fortifier de plus en plus es saintes resolutions quil vous a inspirees.

  A014000740 

 Je vous escriray, Dieu aydant, avant mon depart d'icy, et a mon premier loysir, je vous mettray par ordre tout ce qui me semble propre a la reprise de nos bons propos.

  A014000754 

 C'est pourquoy je vous veux dire que vous n'espargnies nullement ni le repos, ni les medecines, ni les viandes, ni les recreations qui vous seront ordonnees.

  A014000754 

 Je m'advise, ma chere Fille, que vous estes malade d'une maladie plus fascheuse que dangereuse, et je sçay que telles maladies sont propres a gaster l'obeissance que l'on doit aux medecins.

  A014000754 

 Vous feres une sorte d'obeissance et de resignation en cela, qui vous rendra extremement aggreable a Nostre Seigneur; car en fin, voyla une quantité de croix et mortifications que vous n'aves pas choisies ni voulues, Dieu vous les a donnees de sa sainte main: receves les, baysés les, aymés les.

  A014000755 

 Bon jour, ma chere Fille; je vous escris avec empressement.

  A014000755 

 Que si j'avois le loysir, j'en dirois davantage, car j'affectionne infiniment que vous soyes fidele en ces petites et fascheuses occurrences, et que, tant au peu qu'au prou, vous disies tous-jours: Vive Jesus!.

  A014000765 

 Au reste, ma Fille, il faut que je vous dise que Dimanche dernier je fus tres consolé.

  A014000765 

 «De personne,» me dit elle, «mais je vous dis ce que je pense.» O Dieu, dis-je en moy mesme, aves vous donques revelé vostre secret a cette pauvre servante? Son discours me consola beaucoup, et j'iray, tant qu'il me sera possible, encourageant et soustenant cette fille, la croyant autant pieuse et studieuse qu'il est requis pour servir en nostre petit commencement.....

  A014000771 

 C'est pourquoy j'ay donné la presente a monsieur Rosetan, curé de Chavornay, affin qu'avec cette mienne [64] lettre en main, il procure et face faire ledit deputé, comme je vous en prie, jugeant que ce soit vostre mieux.

  A014000771 

 Dieu vous conserve, Messieurs, et je suis.

  A014000771 

 Par ce que, pour eviter l'imposition de decimes perpetuelles, les deputés de Bresse ont obtenu un arrest qui me semble asses favorable tant au clergé de Bresse qu'a vous, et qui est sorti au prouffit commun de tous les ecclesiastiques des pais eschangés, il me semble que pour concourir avec eux a l'execution dudit arrest, vous deves faire un deputé d'entre vous qui aille a Lion, pour traitter du payement des sommes convenues pour obtenir l'exemption.

  A014000786 

 Mais je fus si occupé a mon despart, que [65] je n'eus nulle sorte de loysir pour vous rendre ce devoir; et, avec cela, je me promis bien de vostre dilection que vous interpreteries le retardement en bonne part..

  A014000786 

 Pardonnés moy, je vous prie, si j'ay tant tardé a respondre sur la premiere lettre que vous m'aves jamais escritte: il n'en sera pas ainsy des autres, si j'ay la consolation d'en recevoir.

  A014000787 

 Je persiste tous-jours a vous dire que vous deves servir Dieu ou vous estes, et facere quod facis.

  A014000788 

 Ne vous estonnés point si les fruitz ne paroissent pas encor, quia si patienter opus Domini feceris, labor tuus non erit inanis in Domino..

  A014000789 

 Croyés-moy, demeurés la; faites fidellement tout a la bonne foy ce que moralement vous pourres [66] faire, et vous verres que si credideris, videbis gloriam Dei.

  A014000789 

 Et si vous voules bien faire, tenés pour tentation tout ce qui vous sera suggeré pour changer de place; car, tandis que vostre esprit regardera ailleurs que la ou vous estes, jamais il ne s'appliquera bien a proffiter ou vous estes..

  A014000790 

 Je le supplie qu'il affermisse de plus en plus le zele de son honneur en vous, et suis d'un cœur tout entier,.

  A014000790 

 Or sus, tout ceci soit dit en la confiance que vous me donnes par vostre lettre, et en la sincere amitié que je vous porte in visceribus ejus cujus viscera pro amore nostro transfixa sunt.

  A014000802 

 J'ay [67] plusieurs choses sur le cœur pour vous dire, je ne sçai si je les pourray mettre sur le papier; car j'ay grandement pensé en vous tout le long de mon retour, je dis grandement..

  A014000803 

 Ah! je vous prie, tenes bien vostre cœur en haut, attachés le indissolublement a la souveraine volonté de ce tres bon cœur paternel de nostre Dieu; qu'a jamais il soit obei, et souaivement obei par nos ames.

  A014000803 

 C'est bien fait, sans doute, de desirer la vie a celuy que Dieu vous a donné pour conduire la vostre; mais, ma Fille, ma bienaymee, Dieu a cent moyens, je veux dire infinis moyens, pour vous guider sans cela: c'est luy qui vous conduit comme une brebis.

  A014000803 

 J'auray pourtant soin de moy selon que je vous l'ay promis, et plus pour cela, sans doute, que pour inclination que j'aye a cette sorte d'attention; car je croy bien que Dieu veut que je veuille quelque chose pour l'amour de vous.

  A014000804 

 Demeures en paix, ma Fille; faites bien ce pourquoy vous restes au monde, faites le de bon cœur, et croyes que Dieu vous en sçaura meilleur gré que de cent sorties faites par vostre propre volonté et amour..

  A014000804 

 Ma Fille, tandis que Dieu voudra que vous soyes au monde pour l'amour de luy mesme, demeures-y volontier et gayement.

  A014000805 

 Mais faut-il pas que je vous die ceci, puisque j'en ay [68] esté consolé? Je rencontray a Chalons monsieur André Valladier (c'est ce grand praedicateur qui prescha apres moy, estant Jesuite): or, il me fit mille sortes d'honneurs et de caresses et me dit mille choses diverses.

  A014000805 

 Vive Dieu, ma Fille, et qu'a jamais il regne en nos cœurs! Je n'avois rien sceu de tout cela quand je vous parlois a Dijon, et a nos bonnes vefves: c'est le Saint Esprit, sans doute, qui donne ces mouvemens conformes en divers endroitz de son Eglise.

  A014000805 

 Vous ouïtes ce que M. Blondeau dit de Paris.

  A014000806 

 Ce bon personnage me dit bien d'autres choses qui ne me furent pas si aggreables, car il parloit avec grande vehemence de sa sortie, et comme vous sçaves, j'ay grand'aversion des espritz troubles.

  A014000806 

 Il me dit que le Pere duquel vous me monstrastes la lettre a Beaune, faysoit presqu'aussi mal.

  A014000806 

 Il me dit que les [69] impertinentes procedures de ce Religieux duquel nous parlasmes en carrosse et duquel vous aviés parlé a M. de la Curne, estoyent venues aux oreilles du Cardinal de Givry et de l'Inquisition de Romme.

  A014000807 

 Serves vous des advis de tous quand il en sera besoin, mais [70] ayes peu de confiance es hommes, quoy qu'ilz semblent des anges; je veux dire pour des confiances grandes et entieres.

  A014000808 

 Je m'essayeray de tenir l'affaire liee en sorte que nous le ( sic ) puissions voir achevee, car vous ne le desires pas plus que moy; mais sil ne plait pas a Dieu, il ne me plait pas non plus, ni a vous, car je parle de vous comme de moy..

  A014000812 

 Il faut tous-jours que je vous die mes petites cogitations..

  A014000813 

 J'escris aussi a nostre M. de la Curne et luy envoyé les escritz ci joins que je vous prie luy faire tenir.

  A014000816 

 J'ay [72] ouvert les lettres de mon frere de Groysi, par curiosité de savoir ce quil vous disoit et a nostr'Aymee; mais celle de M lle de Brechart ça esté par mesgarde, la prenant pour la vostre.

  A014000816 

 Je vous escriray le plus souvent que je pourray.

  A014000816 

 M me de Charmoysi vous salue et ne sçait pas que j'escrive..

  A014000828 

 Vostre charité vous trompe saintement en moy, qu'elle vous represente pour digne de vostre affection et de tous vos Peres et Freres, bien qu'en verité je manque de toutes les conditions requises pour recevoir ce bonheur; excepté de lhonneur et respect que je vous dois a tous, et particulierement a vous, car en cela je ne veux ceder a personne.

  A014000829 

 Dieu la consolera, puisqu'en luy elle a mis sa confiance; et si elle vient icy ce Caresme prochain, j'auray plus de loysir de voir en quoy je la pourray ayder et servir en cela, car quant a mon affection, elle y est toute entiere, comme aussi a vous honnorer toute ma vie, mon Reverend Pere, et demeurer.

  A014000834 

 Je vous supplie de m'assister aupres de Nostre Seigneur par vos prieres, et d'impetrer la mesme grace de vos Peres et Freres..

  A014000847 

 Bref, vous deves avoir courage a bien procurer que vous soyes Religieuse, puisque Dieu vous en donne tant de desir..

  A014000847 

 Vous deves vous resigner entierement entre les mains de nostre bon Dieu, lequel, quand vous aures fait vostre petit devoir a la sollicitation de ce dessein que vous aves, aura tres aggreable tout ce que vous feres, encor que ce sera beaucoup moins.

  A014000848 

 Mais si, apres tous vos effortz, vous ne pouves pas reuscir, vous ne sçauries plaire davantage a Nostre Seigneur que de luy sacrifier vostre volonté, et demeurer en tranquillité, humilité et devotion, entierement remise et sousmise a son divin vouloir et bon playsir, lequel vous reconnoistres asses quand, ayant fait vostre possible, vous ne pourres pas jouir de vos souhaitz.

  A014000857 

 Nous celebrons aujourd'huy, ma chere Fille, la Dedicace de nostre Eglise; mais, entre les Offices, je vous viens escrire cette lettre pour retourner bien tost a l'autel ou je veux, avec des particulieres affections, faire action de graces a nostre doux Sauveur de la dedicace de nos cœurs et de nos cors que par sa misericorde nous luy avons faitte par nos vœux.

  A014000858 

 Et puisque sa volonté est que vous soyés encor au service, et a la conduitte de vostre famille, demeurés-y en paix, avec la fidelité que vous devés a ce saint vouloir..

  A014000858 

 Mon Dieu, ma chere et tres singulierement chere Fille, comme cela, vous estes et ma joye et ma couronne.

  A014000858 

 O ma Fille tres chere et tres desiree, je vous laissay en l'hospital de Beaune, [76] pleine de desir d'aymer, d'honnorer, de servir, d'adorer la volonté de Dieu, resignant en toutes choses, grandes et petites, la vostre a la misericorde de la sienne; je vous laissay avec Nostre Seigneur reellement receu en vous mesme, et cela, entre les pauvres de Nostre Seigneur.

  A014000858 

 O ma Fille, que mon cœur est plein de bons souhaitz pour le vostre! Vous diray je bien ce sentiment? Dimanche je fis un sermon du Rosaire, parce que je suis de cette Confrerie la il y a long tems, et presque toute cette vilette en est; et d'autant que je voulois faire entendre a mon cher peuple pourquoy on appelloit le Chapelet Couronne, je fus contraint d'apporter le passage de saint Paul, auquel il appelle ses disciples, sa couronne: Demeurés ainsy, mes tres chers.

  A014000869 

 Il faut que mon cœur vous die ce mot que je dis l'autre jour a une autre vendangeuse, qui est bien de vos plus cheres cousines.

  A014000869 

 On m'a dit que vous esties bien avant en vos vendanges: Dieu soit loué.

  A014000871 

 J'ay esté malade, et vous m'aves visité, dira-il.

  A014000873 

 Faites belles et bonnes vendanges, ma chere Fille, et que les unes vous servent d'eschellon et de passage aux autres.

  A014000875 

 A Dieu, Madame; vivés joyeuse, puisque vous vous estes toute dediee a la joye immortelle, qui est Dieu mesme, qui veuille a jamais vivre et regner au milieu de nos cœurs Je suis en luy et par luy,.

  A014000885 

 Je vous conjure, ma chere Fille, [79] d'aymer bien ce bon Dieu qui vous a tous-jours esté si doux, et de n'aymer rien qu'en luy, par luy et pour luy..

  A014000885 

 N'advoués vous pas le don que je fay tous les jours a Dieu de vostre cœur? Je le luy donne comme tout mien et je le tiens pour tout mien, par ce quil me l'a donné.

  A014000886 

 C'est ainsy que je vous cheris de toute mon ame, et suis.

  A014000890 

 Elle m'escrit deux motz d'un saint amour pour vous..

  A014000890 

 Je sçai bien que vous aures des lettres sur le sujet duquel vous me parlastes.

  A014000902 

 Je voudrois bien que vous me conneussies bien; vous ne lairries pas d'avoir une absolue confiance en moy, mais vous ne m'estimeries guere.

  A014000902 

 Ma Fille, je ne suis que vanité, et neanmoins je ne m'estime pas tant que vous m'estimes.

  A014000902 

 Vous diries: Voyla un jonc sur lequel Dieu veut que je m'appuye; je suis bien asseuree, puisque Dièu le veut, mais le jonc ne vaut pourtant rien.

  A014000903 

 Je voy donques ce que vous m'estimes, et m'est advis que cette estime vous contente beaucoup: cela, ma Fille, c'est un idole.

  A014000903 

 Or bien, ne vous fasches point pour cela; car Dieu n'est pas offencé des pechés de l'entendement, bien qu'il s'en faille garder, s'il est possible.

  A014000903 

 Revoyés une lettre que je vous escrivis au commencement, de la liberté de l'esprit..

  A014000914 

 Il me reste a vous dire, selon le peu de loysir que j'ay, que j'appreuve infiniment l'indifference que vous avés, tant en l'affaire de Bons qu'en toutes autres, puisque c'est en contemplation [81] de la volonté de Dieu.

  A014000914 

 Je vous dïrois mieux ceci de bouche; mais vous l'entendres, je pense, asses ainsy que je le dis..

  A014000914 

 Vous verres la lettre que j'escris a monsieur de Cisteaux et a madame vostre bonne seur.

  A014000915 

 C'est une tentation, de vray, de vous amuser en l'orayson a penser ce que vous aves a me descouvrir de vostre ame, car ce n'en est pas le tems.

  A014000916 

 Je vous escriray avec plus de loysir a la premiere rencontre de commodité, car maintenant il faut que je parte pour aller faire la visite d'une parroisse, et j'ay beaucoup de gens autour.

  A014000933 

 Je sçay que le desir de la restauration de vostre eglise parrochiale ne vous a jamais manqué.

  A014000933 

 Mais il a neanmoins esté infructueux jusques a present, ou soit que la generale condition de ce païs despuis plusieurs annees vous ayt osté les moyens d'en chevir, ou que l'union et liaison des espritz, si necessaire a toute bonne entreprise, vous ayt defailly..

  A014000934 

 L'annee passee, quand j'estois avec vous, il me sembla que ce dernier empeschement fust fort debilité, puisque je vous vis presque tous consentans pour ce regard.

  A014000934 

 Mais nous demeurasmes court au second, parce qu'encor que plusieurs d'entre vous, animés d'une sainte devotion, donnassent leur parole devant Dieu de contribuer, si est ce que plusieurs aussi n'entrerent pas en cette si digne deliberation selon leur devoir; et pour tous il se treuva la difficulté de l'exaction, qui est neanmoins la piece la plus requise a l'execution, et a faute de laquelle tout a cessé, comme il appert..

  A014000935 

 Et pour cela je vous escris, vous conjurant, par vostre propre bonheur et honneur, que vous consideriés beaucoup avant de refuser un si bon moyen de faire une chose si utile, si necessaire et si desirable pour vostre ville, et sans laquelle, ou je me trompe en l'estime que je fay de vos ames, ou vous ne pouves pas vivre contens ni consolés en vos consciences.

  A014000935 

 Je me prometz que cette declaration de mon affection aura quelque poids pour vous esmouvoir, comme considerans que je n'ay nul motif que celuy de la gloire de Dieu et de vostre bien spirituel, auquel, selon mon devoir et inclination, je suis extremement dedié, et je puis mesme dire que j'y suis tout sacrifié et immolé..

  A014000935 

 Maintenant, il se presente un parti fort asseuré pour vous faire voir en un an ou deux au plus ce que vous aves si longuement desiré, et oster de devant les yeux des estrangers une mauvaise marque de vostre ville, laquelle, [83] au demeurant, n'en a que des bonnes.

  A014000936 

 Ainsy, puissies vous longuement tous jouir de la devotion que cette restauration rendra a vos exercices spirituelz et des biens temporelz que Dieu vous en donnera en recompense..

  A014000936 

 Donnés donq, je vous prie, cette satisfaction a mon ame qui est vostre, ce bon exemple aux autres, cette douceur a vostre vie et cette consolation a vostre posterité, que par des dissensions et varietés de conceptions, une si bonne œuvre ne soit point remise ni divertie.

  A014000941 

 Je m'essayeray de vous procurer un meilleur predicateur que celuy qui vous prescha l'annee passee, et cela ne me sera pas difficile, bien qu'il est impossible que jamais vous en ayes un plus affectionné.

  A014000947 

 Escrives moy tous-jours quand il vous plaira, avec entiere confiance et sans ceremonie; car en cette sorte d'amitié, il faut cheminer comme cela..

  A014000947 

 Hasté du soudain despart de... vostre porteur, je vous respondray briefvement.

  A014000948 

 Mocques vous, je vous prie, de toutes ces menues pensees de vaine gloire qui se viennent presenter a vostrè ame parmi vos bonnes actions; car ce ne sont proprement que des mouches, lesquelles ne vous peuvent faire nul autre mal que de vous importuner.

  A014000948 

 Ne vous amuses donq point a examiner si vous y aves consenti ou non; mais, tout simplement, continues vos œuvres comme si cela ne vous regardoit nullement..

  A014000950 

 Ne respondes non plus aucun mot a la pensee deshonneste [85] qui vous arrive; seulement, dites en vostre cœur, a Nostre Seigneur: O Seigneur, vous sçaves que je vous honnore; ah! je suis toute vostre; et passes outre, sans disputer avec cette tentation..

  A014000951 

 Ne vous troubles point du défaut de vostre examen de conscience, car il ne peut pas estre grand, puisque vous aves désir de vous bien purifier.

  A014000951 

 Quand vous n'aures pas vostre confesseur ordinaire, il ne faut pas laisser d'aller a un autre, regardant a Dieu et non pas a l'homme qui confesse ou absout; mesmement, vous confessant souvent comme vous faites..

  A014000960 

 Le seul desir que j'ay que vous sachies que mon cœur cherit le vostre me fait escrire ces trois motz.

  A014000966 

 Je vous escrivis l'autre jour par l'homme de M me du Puy d'Orbe, et au bon M. de Lacurne que je vous prie saluer de ma part..

  A014000987 

 Mais quant a remettre vos Vespres jusques a ce que vous vous retiries le soir apres souper, oh! ma chere Niece, je ne vous le conseille pas.

  A014000987 

 Non point que ce soit grand peché, car tout au plus il n'est que veniel; mais par ce que ce sera plus d'edification pour toute vostre compaignie et plus de satisfaction pour vostre ame, si vous vous retires demi heure devant souper pour dire vos Vespres, faysant paroistre que cela est vostre cher ouvrage et vostre besoigne bienaymee.

  A014000987 

 Pour les autres suffrages des trespassés, [89] vous pouves bien ne les point dire du tout, car vous n'y estes nullement obligee; si que vous pouves, sans scrupule, les laisser..

  A014000987 

 Vous faites dignement de donner a monsieur vostre frere toute la satisfaction que vous pouves, puisqu'il vous tesmoigne tant de son amitié, et, puisqu'il le desire, c'est bien fait de vous tenir tout le jour occupee aux ouvrages.

  A014000987 

 Vous ne sçauries m'obliger davantage que de prendre la confiance que vous aves en moy, qui aussi vous cheris et honnore avec toute la fidelité que vous pouves desirer.

  A014000988 

 Je vous supplie de resaluer madame vostre belleseur de ma part et de l'asseurer de mon service..

  A014000989 

 Si j'avois autant de liberté que je souhaiterois, vous ne tarderies guere a me voir; mais, ne pouvant mieux, je vous visite souvent en esprit, desirant en vostre cœur, abondance de l'amour divin.

  A014000989 

 Vives joyeuse, Madame ma chere Niece, puisque vous aves bonne volonté d'estre toute a sa divine Majesté, pour laquelle je suis tres affectionnement,.

  A014001006 

 Vous sçaves que c'est le jour de ma consecration episcopale.

  A014001016 

 Mon frere, qui va la, vous dira peut estre que je vous [91] cheris et honnore bien fort; mais vous croiries peut estre bien aussi qu'il me feroit ce bon office par charité, et je desire que vous sçachies que c'est mon cœur qui a vrayement ce sentiment-la: c'est pourquoy je l'escris ainsy de ma main et de mon cœur..

  A014001017 

 Ayés donques aggreableque, sans desfiance de vostre vertu et constance, je vous demande par amour: Aymes-vous bien Dieu, Madamoyselle? Si vous l'aymes bien, vous vous plaires a le considerer souvent, a parler souvent a luy et de luy, a vous reunir souvent a luy au tres Saint Sacrement.

  A014001017 

 Mais dites-moy donq, Madamoyselle, je vous supplie l'amour de Dieu regne-il pas tous-jours en vostre ame? N'est-ce pas luy qui tient les resnes de toutes vos affections et qui dompte toutes les passions de vostre cœur? Oh je n'en doute nullement; mais, Madamoyselle, il faut que vous permetties a un esprit qui vous ayme cherement, de vous demander ce qu'il sçait, pour le playsir qu'il prend d'ouyr dire et redire vostre bonheur.

  A014001017 

 On demande si souvent: Vous portes-vous bien? encor que Ton voye ceux qu'on interroge en fort bonne santé.

  A014001026 

 Mais dites donq la verité, ma tres chere Fille, ne voyci [pas] une extravagance, que mon frere partant pour aller aupres de vous, je n'aye pas loysir de vous escrire qu'a demy? Or sus, voyla quil s'en va avec un cœur tout vostre et desireux de vous obeir en tout; car, comme je luy ay recommandé, il traittera de toutes choses avec vous, en l'entiere confiance et obeissance qu'un humble et doux enfant doit rendre a sa bonne et chere mere, et en tout suivra vos advis.

  A014001029 

 Il n'y eut pas grand mal, non, en ces desdains que vous tesmoignastes parlant avec elle.

  A014001029 

 Les epistres de saint Hierosme luy seront encores bonnes, car voyes vous, outre les tesmoignages qui sont espars ça et la es escritz des saintz Peres en faveur de l'Eglise (car en fin ilz parlent tous comme nous), l'esprit mesme de ces grans personnages respire par tout contre l'heresie..

  A014001030 

 Mon Dieu, ma Fille, que dis-je? J'escris a course de plume et ne pense qu'a vous parler comme entre nous deux.

  A014001031 

 Voyes vous, ce sermon la, qui ne fut point fait contre l'heresie, respiroit neanmoins contre l'heresie, car Dieu me donna lhors cet esprit en faveur de ces ames.

  A014001032 

 O mon Dieu, ma chere Fille, que je vous souhaitte de perfections! Une pour toutes: cette unité, cette simplicité.

  A014001046 

 C'est grand cas, ma chere Fille, que nul ne m'escrit de vous, ni de Dijon, ni de Bourbilly, sinon l'autre jour madame de Chantal qui me dit qu'elle vous iroit voir.

  A014001046 

 Mais que faites vous donq, chere Fille? Voyci la cinquiesme lettre que je vous envoye despuis mon retour: penses vous pas que ce soit a bon escient que je suis vostre pere? Voyes vous, escrives moy un peu souvent, et envoyes a commodité vos lettres a Dijon et a Montelon, car je les recevray tous-jours asses; et si vous ne pouves pas m'escrire (car je m'imagine que cette mauvaise jambe [97] vous tient souvent au lit), faites que cette bonne seur m'escrive pour vous..

  A014001047 

 Mon Dieu, que de biens mon ame souhaite a la vostre! Faites bien vostre prouffit de vos travaux, rendes-les fructueux par une volontaire acceptation des croix que la necessité vous impose.

  A014001047 

 Prattiques fidellement les oraysons jaculatoires, faites vous lire des bons livres et ordonnes a vos plus confidentes filles quelles vous entretiennent de Dieu..

  A014001047 

 Resouvenes vous de vos premiers mouvemens de devotion; car a vostre retour de Dijon, on me dit qu'entre les rasoirs et lancettes, vous chanties des cantiques a Dieu.

  A014001048 

 Dites vous pas tous-jours: VIVE JESUS? Ouy, ma Fille tres chere, qu'a jamais ce grand Jesus vive et regne en nos ames! Amen..

  A014001048 

 J'attens que ce primtems nous donne la commodité de nous revoir, et tandis, tous les jours je prie pour vous; et certes, mon cœur vous cherit tres parfaittement en Celuy qui, pour nous, eut le sien transpercé sur la croix.

  A014001049 

 Mon frere le chanoyne n'est pas icy; je m'asseure quil vous escriroit; car et luy et toute nostre mayson est dedié a vostre service..

  A014001062 

 Sans doute que Dieu vous consolera tous-jours plus en cette heureuse entreprise que vous aves faitte de ne vivre que pour luy.

  A014001062 

 Vous faites bien, ma chere Fille, de m'escrire quelquefois sans sujet particulier, mais avec le seul general que Jesus Christ et sa dilection, unique lien de nos cœurs, vous fournira tous-jours.

  A014001063 

 Il y en avoit peu parce que les copies des autres se sont esgarees; mais je les feray rechercher, affin qu'a cela ne tienne que vous aspiries amoureusement et souëfvement en Dieu, pour lequel nous devons souspirer toute nostre [99] vie et auquel nous souhaitons d'expirer a la fin de nos jours.

  A014001063 

 Je vous envoyay des chansons spirituelles par cette porteuse, et ne sçay comme elle ne les vous a donnees.

  A014001068 

 Si vostre bonne Mad e ( sic ) me fait la consolation de venir me voir, faites-le moy sçavoir, je vous prie, affin que je la reçoive plus a propos, et vous aussi..

  A014001080 

 Avant donq qu'elle finisse, je me veux ramentevoir en vostre souvenance, et vous supplier de me conserver en cette nouvelle annee venante le mesme bonheur que vous m'aves donné en celle cy.

  A014001093 

 Madamoyselle de Blonay, de laquelle autrefois je vous ay parlé, m'a declairé son desir d'estre Religieuse; Dieu l'a [101] marquee pour estre de la Congregation.

  A014001101 

 Le tems que nous determinons de donner a Dieu en l'orayson, donnons le luy avec nostre pensee libre et desoccupee de toutes autres choses, avec resolution de ne jamais le reprendre, quelz que travaux qui nous en arrivent, et tenons un tel tems pour chose qui n'est plus a nous; et encor que vous y senties vostre misere, ne vous troubles point, ains soyes en joyeuse, pensant que vous estes une vrayement bonne besoigne pour la misericorde de Dieu.

  A014001104 

 Quand on fait les Religieuses professes, on leur met un crucifix materiel entre les bras; mais moy, ma Fille, je vous donne le vray Crucifix.

  A014001107 

 Je vous recommande de vous accuser en confession clairement, franchement et simplement, et ne vous empresses point pour vos confessions, pourveu que vous gardies cette fidelité a Dieu, de ne point retenir ni excuser vos pechés: Non, non, mon Sauveur, deves vous dire, jamais je n'oublieray vos volontés, car en icelles, vous m'aves justifiee..

  A014001108 

 Faites vous fort petite a vos yeux: c'est la vraye grandeur des vefves..

  A014001108 

 Vuides vostre cœur de toute image des choses corporelles, et simplifies vos actions et vos paroles, tant que vous pourres.

  A014001109 

 Quand il vous arrivera des pensees mauvaises et que vous vous en appercevres, faites un acte positif par une aspiration contraire, et ne perdes pas le tems a vouloir rien rechercher, mais passes outre..

  A014001110 

 Penses que le doux Sauveur est assis dans vostre cœur comme en son throsne, et le regardés souvent, vous humiliant fort devant luy..

  A014001111 

 Je desire que vous soyes extremement humble; que vostre cœur soit fort clair et ouvert, et sans resérve en mon endroit.

  A014001116 

 Je vous dis de mesme: Cette miserable vie n'est qu'un acheminement a la bienheureuse; ah! ne nous courrouçons peint en chemin, allons avec nos compaignes, doucement et paisiblement.

  A014001116 

 Quand le saint patriarche Joseph renvoya ses freres d'Egypte pour amener Jacob leur pere, il leur donna cet advis: Ne vous courrouces point en chemin.

  A014001118 

 Bref, resouvenes vous que l'espouse de Nostre Seigneur est appellee Sulamite, c'est a dire paisible, et que dessous sa langue est le lait et le miel; en ses levres, le rayon distillant, comme il est dit au Cantique Saint Paul nous apprend de vaincre le mal, et non [105] seulement de le combattre.

  A014001123 

 Examines souvent si vous aves vostre ame en vos mains; si quelque passion, trouble ou inquietude vous l'a point ravie; si vous l'aves en vostre commandement, ou bien si elle est point engagee en quelque affection; et si vous voyes qu'elle vous soit eschappee, avant toutes choses, cherches la et la reprenes.

  A014001123 

 Mais resouvevenes vous qu'il la faut reprendre fort bellement et doucement, car si vous la voules saysir a force de bras, vous l'effaroucheres..

  A014001127 

 Considerés souvent si vous pouves dire avec verité: Mon Bienaymé est a moy, et moy a luy.

  A014001127 

 Voyés s'il y a quelques pieces et facultés de vostre ame ou quelque sens de vostre cors qui ne soit pas a Dieu, et l'ayant descouvert, reprenes le ou qu'il soit, et le luy rendes, car vous estes a luy, toute, toute..

  A014001128 

 Nostre Seigneur desire que vous ne pensies ni a vostre advancement ni a vostre amendement, point du tout; [106] mais a recevoir et employer fidellement les occasions de le servir et prattiquer les vertus dans chaque moment, sans aucune reflexion sur le passé ni l'avenir.

  A014001131 

 Gardes vous de recevoir ou nourrir aucune amitié mondaine, sous quel pretexte que ce soit; ceci est un point d'importance..

  A014001132 

 Oh! Dieu vous defende de ces accidens..

  A014001132 

 Ostés-vous de la, ma Fille, car l'ombre de ces feuilles est veneneuse.

  A014001132 

 Vous descouvrires cette amitié par ses feuilles, par ses fleurs [et par ses fruits].

  A014001135 

 Coupés, tranchés ces amitiés, et ne vous amuses pas a les desnouer: il faut les ciseaux et le couteau.

  A014001135 

 Non, les nœudz sont minces, entrefichés, entortillés; vous les penseres desfaire, et les entreficheres plus fort; vos ongles [sont] trop courtes pour passer toutes ces boucles.

  A014001142 

 Je ne forclos pas l'eslevation de l'ame, l'orayson mentale, la conversation interieure avec Dieu, l'eslancement perpetuel du cœur en Nostre Seigneur; mais sçaves vous ce que je veux dire, ma Fille? Je veux dire qu'il vous faut estre comme cette femme forte, de laquelle le Sage dit: Elle a mis la main a choses fortes et ses doigtz ont manié le fuseau.

  A014001142 

 Mais avec tout cela, n'oublies pas vostre quenouille et vostre fuseau: filés le fil des petites vertus, abaisses vous aux exercices de charité.

  A014001143 

 Laisses moy le soin de vos autres desirs, je les vous garderay fort soigneusement; n'en ayes nul souci, car [110] peut estre aussi ne vous les rendray je jamais et ne sera pas expedient; mais asseures vous que je ne les employeray pas mal.

  A014001144 

 Chemines tous-jours devant Dieu et devant vous.

  A014001144 

 Dequoy vous soucies vous? d'aller ou d'un costé ou d'autre, d'aller vistement ou bellement? Pourveu qu'il soit avec vous, et vous avec luy.....

  A014001144 

 Dieu prend playsir a vous voir faire vos petitz pas, et, comme un bon pere qui tient son enfant par la main, il accommodera ses pas aux vostres et se contentera de n'aller pas plus viste que vous.

  A014001146 

 Marches joyeusement, ma Fille, avec une extreme confiance en la misericorde de vostre Espoux, et croyes qu'il vous conduira bien; mais laissés-le faire..

  A014001149 

 Resouvenes vous que nostre esprit connoissant et agissant, s'appelle ame agissante et connoissante; [connaissant] par le discours et raysonnement naturel, il s'appelle entendement, intelligence ou esprit humain; [112] mais connoissant et agissant par l'esprit de la foy, il s'appelle esprit de la foy ou esprit chrestien.

  A014001150 

 Quand donq il vous arrivera de voir vostre ame sensuelle et vostre esprit humain se bander contre vostre esprit chrestien, le troubler, inquieter et faire sous-lever contre luy les facultés de vostre cœur, courage, ma Fille, un peu de patience, car nostre David, en fin, demeurera vainqueur.

  A014001152 

 Aux tentations de la foy, humilies vous profondement devant Dieu, puis devant son Eglise, par une sainte inclination cordiale, et faites un acte positif de foy, protestant de vouloir a jamais croire tout ce que Dieu a revelé a son Eglise; et, sans plus disputer ni examiner [112] aucunes choses, divertisses vostre cœur a des autres occupations, et principalement exterieures.

  A014001152 

 Et bien que la tentation vienne autour de vous, ne faites aucun semblant de la voir; mais dissimulant cette attaque, appliques vous aux autres exercices..

  A014001154 

 Ne vous rendes pas si pointilleuse et tendre aux sentimens des tentations, que pour cela vous soyes troublee et inquietee.

  A014001154 

 Quand donq vous les sentires, penches doucement, vostre cœur de l'autre costé et ne vous inquietes point; et bien que vos sens et vostre esprit humain semblent tenir le parti de la tentation, ne vous estonnes nullement, pourveu que l'esprit de la foy et le mouvement intime de vostre cœur se tournent tous-jours a vostre belle estoile..

  A014001155 

 Estonnes vous encores moins des assoupissemens et distractions qui surviennent, car ce sont accidens naturelz.

  A014001156 

 Quand il vous arrive des maux, ou interieurs ou exterieurs, employés contre iceux les remedes que je vous ay marqués, puisque Dieu vous les a donnés, mais laissés a Nostre Seigneur le choix de donner la victoire ou aux tourmens ou aux remedes, selon son bon playsir.

  A014001163 

 J'ay fort prié Nostre Seigneur qu'il vous fist bien sentir comme il faut resigner tout vostre soin, toutes vos agilités et souplesse d'esprit, toutes ces petites pointes de vostre entendement qui veulent tout mesnager, voir et prevoir, entre les mains de sa Bonté souveraine et tres paternelle, ne permettant point que vostre cœur s'inquiete, ains le faysant reposer doucement sur les bras du Sauveur..

  A014001166 

 La presence de Dieu que la Mere Therese enseigne au 29 et 30 chapitres du Chemin de perfection est excellente, et pense que c'est la mesme que je vous marquois, quand j'escrivois que Dieu estoit dans nostr'esprit comme le cœur d'iceluy, et en nostre cœur comme l'esprit qui le vivifie, et que David appelloit Dieu: Dieu de son cœur.

  A014001167 

 Dieu soit a jamais l'ame et l'esprit de nos cœurs, ma tres chere Fille! Courage, je vous prie..

  A014001170 

 Je vous conjure de ne dire jamais mal du prochain [114] ni rien qui tant soit peu le puisse offencer.

  A014001180 

 Je cours donq d'esprit et d'affection apres vous, Monsieur, et vous supplie tres humblement de me vouloir.

  A014001180 

 Je desirois infiniment d'avoir lhonneur de vous bayser [115] les mains et vous vouer, en presence, l'obeissance que je vous veux rendre toute ma vie, et avois marqué la ville d'Àix pour le lieu auquel, avec moins de vostre incommodité, je pourrois jouir de ce bonheur lhors que vous y viendries faire vostre visite.

  A014001189 

 Je vous asseure que ma mere est dans une telle impatience [116] d'estre mere d'une fille que vous luy aves donnee, que les continuelles presses qu'elle m'en fait me bailleroyent avec elle de l'inquietude, si je ne me souvenois de l'edifice auquel je travaille, qui est de bien establir mon ame dans une constante paix.

  A014001197 

 Celuy qui les a portees m'en rapportera bien tost la response, de laquelle je vous feray part comme desireux de vostre consolation spirituelle, estant,.

  A014001215 

 Il faut neanmoins s'exciter et provoquer au courage et activité d'esprit, tant quil vous sera possible..

  A014001215 

 Il n'y a point a douter que vous vous expliqueries bien mieux et plus librement a vive voix que par escrit; mais en attendant que Dieu le veuille, il faut employer les moyens qui se presentent.

  A014001215 

 Voyes vous, les assoupissemens, alanguissemens et engourdissemens des sens ne peuvent estre sans quelque sorte de tristesse sensuelle; mais tandis que vostre volonté et le fond de vostr'esprit est bien resolu d'estre tout a Dieu, il ny a rien a craindre, car ce sont des imperfections naturelles, et plus tost maladies que pechés ou defautz spirituelz.

  A014001217 

 A faute de cela, ma Fille, vos imperfections, que vous voyes subtilement, vous troublent encor plus subtilement, et par ce moyen se maintiennent, ny ayant rien qui conserve plus nos tares que l'inquietude et empressement de les oster..

  A014001217 

 Mon Dieu, ma chere Fille, n'examines point si ce que vous faites est peu ou prou, si c'est bien ou mal, pourveu que ce ne soit pas peché et que, tout a la bonne foy, vous ayes volonté de le faire pour Dieu.

  A014001217 

 Tant que vous pourres, faites parfaitement ce que vous feres, mais quand il sera fait, ni penses plus, ains penses a ce qui est a faire.

  A014001220 

 Sa Bonté vous conserve, ma Fille; mais soyes constante, courageuse, et vous res-jouisses dequoy elle vous donne la volonté d'estre toute sienne.

  A014001231 

 Je vous renvoye vostre livre corrigé, ma tres chere Fille: vous puisse-il estre aussi utile que je souhaitte! Sans doute, il faut tant faire et refaire les resolutions de s'unir a Dieu, que nous y demeurions engagés.

  A014001231 

 Mais je desire qu'en vos ferveurs vous ne facies pas des desirs de tentations ni occasions de mortifications; car puisque, [121] par la grace de Dieu, elles ne vous manquent pas, il n'est pas besoin d'occuper vostre cœur a les desirer.

  A014001231 

 Occupés le plustost a le preparer et mettre en la posture requise pour les recevoir, non pas quand vous voudrés, mais quand Dieu voudra les vous permettre..

  A014001232 

 De remedier aux occurrences qui ne vous regardent pas en particulier, mais vostre mayson, il le faut faire, avec cette remise neanmoins, de vouloir avec un cœur esgal attendre l'evenement que Dieu disposera pour le mieux.

  A014001232 

 Mais quant a cette sorte de plainte, que vous estes miserable et infortunee, mon Dieu, ma chere Fille, il s'en faut garder en toute façon; car, outre que telles paroles sont deshonnestes a une servante de Dieu, elles sortent d'un cœur trop abbatu et ne sont pas tant des impatiences que des courroux..

  A014001233 

 Mais faites cela avec un esprit tranquille et joyeux, je veux dire ces exercices; et s'il vous arrive des manquemens, humilies vous et recommencés..

  A014001233 

 Prepares vous y le matin, l'apres disnee, en disant Graces, devant le souper, apres souper et le soir, et faites en vostre prix fait pour un tems.

  A014001233 

 Voyés vous, ma chere Fille, faites un particulier exercice de douceur et d'acquiescement a la volonté de Dieu, non point pour les choses extraordinaires seulement, mais principalement pour ces petites tricheries quotidiennes.

  A014001235 

 Ne faites point pour le present d'autre penitence, et vangés-vous de vous mesme en esprit de douceur a supporter charitablement le prochain, visiter les malades, et ayés bon courage..

  A014001235 

 Puisque la Communion vous est si prouffitable, frequentés la avec ferveur d'esprit et netteté de conscience.

  A014001247 

 Je receus le huitiesme de ce mois la lettre qu'il vous pleut m'escrire le 25 de l'autre prochainement passé, et proteste que rien ne m'est arrivé, il y a long tems, qui m'ayt rempli de tant de joye et d'honneur; car mon ame, qui reveroit la vostre d'un grand respect, desiroit par quelque heureuse rencontre avoir quelque digne acces a vostre bienveuillance.

  A014001248 

 Mais puisque, tel qu'il est, vous le favorisés de vostre approbation, si jamais il retourne sous la presse, je me delibere de l'ageancer et accroistre de certaines pieces qui, a mon advis, le rendront plus utile au publiq et moins indigne de la faveur que vous luy faites..

  A014001248 

 Vous aures bien remarqué, Monseigneur, que cette besoigne ne fut jamais faitte a dessein projetté.

  A014001249 

 Et puisque vous m'exhortes, Monseigneur, de continuer a mettre par escrit ce que Dieu me donnera pour l'edification de son Eglise, je vous diray librement et avec confiance mes intentions pour ce regard.

  A014001249 

 Je vous en representeray briefvement les argumens..

  A014001252 

 Voyla, Monseigneur, ce que mon petit zele me suggere, lequel, n'estant pas, a l'adventure, secundum scientiam, le tems, le peu de loysir que j'ay, la connoissance de mon imbecillité moderera; bien que, sans mentir, vostre authorité l'ayt bien fort enflammé par le favorable jugement que vous faites de ce premier livret, duquel encor faut-il que je vous die ce que Monsieur nostre Evesque de Montpellier m'a escrit..

  A014001254 

 Or, a l'un et a l'autre de ces defautz, je remedieray aysement si jamais cette Introduction se reimprime; car, pour finir par ou j'ay commencé, l'honneur qu'elle me donne m'ayant ouvert le chemin a vostre amitié, et l'opinion que vous aves qu'elle sera proffitable aux ames, sera cause que je l'aymeray et luy feray tous les biens qu'il me sera possible..

  A014001255 

 Mais, mon Dieu, que dires vous de moy, Monseigneur, me voyant espancher mon ame devant vous avec autant de naïfveté et d'asseurance, comme si j'avois bien merité l'accueil que vous me faites et l'acces que vous me donnes? [127] Je suis tel, Monseigneur, et vostre sainte charité me donne cette libre confiance; et, outre cela, me fait vous conjurer, par les entrailles de nostre commun et souverain object et Sauveur, de me continuer ce bien que vous aves commencé a me departir, non seulement me communiquant la suavité de vostre esprit, mais me censurant et advertissant en tout ce que vostre dilection et zele vous dicteront; vous promettant que vous rencontrerés un cœur capable, quoy que indigne, de recevoir de telles faveurs..

  A014001256 

 Dieu vous conserve longuement, Monseigneur, et vous prospere en ses graces, selon le souhait de.

  A014001263 

 Je vous souhaitte [128] bon et heureux voyage et que ma petite fille ne soit pas mallement du travail du chemin; mais arrivant de bonne heure le soir et la faisant bien dormir, j'espere qu'elle fera prou..

  A014001263 

 Mon Dieu, que vous seres la bien venue, ma chere Fille, et comme il m'est advis que mon ame embrasse la vostre cherement! Partes donq au premier beau jour que vous verrés, apres que vostre cheval se sera delassé, lequel, sans doute, on ne pourroit pas bien vous renvoyer sinon despuis troys jours en ça, pour les dernieres pluyes qui sont tombees en ce païs.

  A014001264 

 M. de Ballon desire tant que vous facies vostre giste chez luy, que je suis contraint aussi de le desirer pour la bonne amitié qu'il nous porte..

  A014001265 

 J'en voudrois envoyer a plusieurs personnes, mais je vous asseure que, pour tout, il n'en est venu que trente en ce païs, et je n'ay peu fournir a la dixiesme partie de ceux a qui j'en devois donner.

  A014001265 

 Le Pere de Monchi m'en demandoit un: si vous luy donnés celuy que vous avés, je vous en rendray un plus brave icy; car encor le faut-il consoler.

  A014001265 

 Madame du Puys d'Orbe m'avoit escrit qu'elle desiroit de venir avec vous; mais ni la sayson n'est pas propre pour elle, ni je ne voudrois pas l'avoir en tems si incommode comme est le Caresme.

  A014001266 

 Je vous dis la verité, il ne me sçauroit plus donner de playsir que par la; et vrayement j'espere que tout ira fort bien et qu'il ne demeurera nul sujet de mescontentement a personne.

  A014001266 

 Ne vous repentes point de m'avoir escrit des douze cens livres, car vous ne vous deves nullement repentir de rien qui se passe avec moy..

  A014001266 

 Qu'ay-je a vous dire de plus, ma chere Fille? Mille choses, mais que je n'ay nul loysir d'escrire, car je veux que Claude parte sans plus tarder.

  A014001266 

 Sachés seulement, ma vraye Fille, que je suis tout plein de joye et de contentement dequoy vostre Groysi parle non seulement avec respect, mais avec un amour tout affectionné de vous et de messieurs vos peres, et ce qui me plaist le plus, de ma chere petite Aymee.

  A014001268 

 Ma mere desire que vous facies vostre petit delassement a Sales, ou elle vous attendra pour vous accompaigner icy; mais ne croyes pas que je vous y laisse sans moy.

  A014001268 

 Non pas, certes, car ou je vous y attendray, ou j'y seray aussi tost que je vous y sçauray..

  A014001269 

 Et si, je confesse que vous m'aves fait bien playsir de la mettre sur vostre train, bien que pour elle il faudra peut-estre que je me mette en despense, affin qu'a son retour, elle face bon recit de ma magnificence.

  A014001269 

 Voyes vous, je ris des-ja dans le cœur sur l'attente de vostre arrivee..

  A014001270 

 Apportes moy toutes les lettres et memoyres que je vous ay jamais envoyé, si vous les aves encor (ce que je dis a cause du naufrage que vous fistes a vandanges), par ce que sil faut reimprimer l' Introduction, cela me deschargera beaucoup, y treuvant plusieurs choses pour ce sujet; puisque l'on ne m'a encor corrigé pour la substance de ce livre-la que de m'estre trop peu estendu.

  A014001271 

 La bonne M me de Charmoysi fait prou; vous la treuverés bien avancee aux affections et aux effectz de la vraye devotion.

  A014001272 

 Je vous prie de bien faire tenir a la bonne M me du Puys d'Orbe le pacquet ci joint, car il faut luy donner satisfaction a la pauvrette.

  A014001273 

 J'ay ouvert la lettre que mon frere vous escrivoit, pour curiosité que j'avois de voir le poulet qui estoit dedans.

  A014001283 

 Ce m'est beaucoup de contentement que vous [132] viviés sans scrupule et que la sainte Communion vous soit prouffitable; sur quoy je vous dis qu'il faut donq continuer.

  A014001283 

 Et pour cela, ma chere Fille, puisque monsieur vostre mary s'inquiete dequoy vous alles a N., ne vous y opiniastres nullement; car, puisque aussi bien vous n'aves pas beaucoup de grans conseilz a prendre, tous confesseurs vous seront presque bons, mesme celuy de vostre parroisse, c'est a dire monsieur N., et, quand il s'offrira encor des occasions, celuy des bonnes Meres Carmelites.

  A014001283 

 Vous sçaves tout ce qu'il faut pour se bien conc uire avec toute sorte de confesseurs; c'est pourquoy vous pouves aller en liberté pour ce regard.

  A014001284 

 Ouy, ma Fille, faites bien comme je vous ay dit, car quoy que mille petites tricheries de raysons apparentes s'eslevent au contraire, si est-ce que mes resolutions sont fondees sur des raysons fondamentales et conformes aux Docteurs et a l'Eglise; mais je vous dis qu'elles sont tellement veritables, que le contraire est une grande faute.

  A014001284 

 Servés donq Dieu selon cela, et il vous en benira; mais n'escoutés jamais rien au contraire, et croyés qu'il faut que je sois bien asseuré quand je parle si hardiment..

  A014001284 

 Vous aves rayson de ne vous point inquieter pour les mauvaises pensees, tandis que vous aves de bonnes intentions et volontés, car ce sont celles-cy que Dieu regarde.

  A014001285 

 Je ne traitterois pas comme cela avec toutes sortes de filles, mais avec vous je fay selon mon cœur..

  A014001285 

 Mais, ma Fille, il y a bien d'autres choses a vous demander pour cette mesme devotion de la bienheureuse Mere Therese: c'est que je voudrois que vous me fissiés extraire son image au vif jusques a la ceinture seulement, sur celle qu'on dit que ces bonnes Seurs ont, et allant par dela, un de nos curés qui doit y aller [133] dans sept ou huit jours, la prendroit a son retour pour me l'apporter.

  A014001291 

 Faites avec un soin particulier tout ce que vous pourres [134] pour acquerir la douceur entre les vostres, je veux dire en vostre mesnage.

  A014001296 

 Et en l'un et en l'autre vous aves eu de l'empressement qui vous a troublee et inquietee, et puis embarrassee.

  A014001296 

 J'ay receu vos deux lettres, ma chere Fille, et voy bien clairement que tout, le mal que vous aves eu n'a esté qu'un vray embarràssement d'esprit provenu de deux desirs qui n'ont pas esté satisfaitz en vous: l'un estoit le desir de servir a Dieu en l'occasion qui se presentoit; l'autre, le desir de connoistre si vous avies fidellement fait vostre devoir.

  A014001296 

 Or, sans doute vous aves bien fait vostre devoir.

  A014001296 

 Vostre esprit, panchant tous-jours un peu a l'indignation, vous a fait treuver peu ce que vous aves fait, et le mesme esprit, desirant grandement de satisfaire a son obligation et ne se pouvant certainement persuader de l'avoir fait, est tombé en tristesse et descouragement ou desgoust.

  A014001297 

 Or sus, ma chere Fille, il se faut donq bien res-jouir en oubliant tout cela et s'humiliant bien fort devant Nostre Seigneur, et vous resouvenant que vostre sexe et vostre vocation ne vous permet d'empescher le mal hors de chez vous que par l'inspiration et proposition du bien, et des remonstrances simples, humbles et charitables a l'endroit des defaillans, et par advertissement aux Superieurs quand cela se peut; ce que je dis pour une autre fois.

  A014001298 

 Et en cette sorte, vous pourres retrancher une heure sur vostre sommeil du costé du matin, et non pas le soir, et je m'asseure que vous vous en porteres mieux.

  A014001298 

 Pour le reste des austerités, ne vous en donnes point d'extraordinaire, car vostre complexion et vocation requiert que vous ne le facies pas; ni je n'appreuve pas une grande retraitte pour le present, car il est mieux, pour l'acquisition des vertus, de les exercer emmi les contradictions; et ne faut [136] point en cela se descourager, ains user de preparation frequente pour s'y bien comporter..

  A014001305 

 Ce sera tous-jours quand je pourray que vous aures de mes lettres; mais maintenant c'est de meilleur cœur que je vous escris, parce que M. [de] Moyron, present porteur, est mon plus proche voysin de cette ville, mon grand amy et mon allié, par le retour duquel vous me pourres escrire en toute asseurance; et si l'image de la Mere Therese estoit faite, il la prendroit, payeroit et apporteroit, ainsy que je l'en ay prié..

  A014001306 

 Je vous dis donq qu'il faut que vous ayes une speciale attention a vous y tenir douce, et qu'estant levee le matin, sortant de l'orayson, revenant de la Messe ou Communion, et tous-jours quand vous rentres en ces affaires domestiques, il vous faut estre attentive a commencer doucement, et coup sur coup regarder vostre cœur, voir s'il est doux, et s'il ne l'est pas, l'addoucir avant toutes choses; que s'il l'est, il en faut loüer [137] Dieu, et l'employer aux affaires qui se presentent, avec un soin special de ne point le laisser dissiper..

  A014001306 

 Mais, ma Fille, il m'est advis que je ne vous dis pas bien par ma derniere lettre ce que je desirois touchant vos menuës, mais frequentes impatiences es occurrences de vostre mesnage.

  A014001307 

 C'est pourquoy, ma chere Fille, il faut qu'en ces exercices vous consideries la volonté de Dieu, qui y est, et non pas la chose mesme qui se fait.

  A014001307 

 Invoqués souvent l' unique et belle colombe de l'Espoux celeste, affin qu'elle impetre pour vous un vray cœur de colombe, et que vous soyes colombe non seulement volant par l'orayson, mais encor dedans vostre nid et avec tous ceux qui sont autour de vous..

  A014001307 

 Voyés-vous, ma Fille, ceux qui mangent souvent du miel treuvent les choses aigres plus aigres et les ameres plus ameres, et se degoustent aysement des viandes aspres.

  A014001315 

 Je prens avidement cette commodité de vous escrire, quoy qu'elle soit un peu pressante, pour respondre a vostre derniere lettre, toute marquee de suavité, du jour [139] du grand Pere saint Joseph, grand Amy du Bienaymé, grand Espoux de la Bienaymee du Pere celeste, qui a voulu que son Filz celeste fust repeu entre les lys de cette Espouse et de cet Espoux.

  A014001316 

 Dieu sçait que j'irois au bout du monde pour vous mettre la mitre en teste, et serois jaloux si un autre me ravissoit cet honneur..

  A014001316 

 Or sus, venés donq, mon tres cher Frere, et que ce soit par mon ministere que vous soyes orné de ce grand caractere du sacerdoce evangelique, affin qu'en certaine façon [140] tres veritable, mais que le sang et la chair n'entend pas, nous contractions par ce moyen un parentage spirituel que la mort mesme, ni les cendres de nos cors ne pourront desfaire et qui durera eternellement, et pour lequel mon esprit aura une reelle relation de paternité, filiation et fraternité avec le vostre.

  A014001324 

 N'attendes pas de moy maintenant que je vous escrive a souhait, car bien que ce soit par mon frere, si n'ay-je pas beaucoup de loysir et si je ne sçai s'il passera a Dijon; mais je sçai bien pourtant qu'il fera rendre seurement ma lettre..

  A014001326 

 J'ay receu l'image de la bienheureuse Mere Therese, dont je suis consolé et vous en remercie..

  A014001328 

 Rendés-le bien utile a vostre advancemerit spirituel par vostre abnegation reelle des goustz, des suavités qu'il vous oste, non seulement quant au cors, mais encor quant a l'esprit.

  A014001328 

 Vous faites bien de prattiquer mes advis, car ilz sont selon la volonté de Dieu; et si cette maladie vous y donne plus de repugnance, tant plus gaigneres vous en leur exercice..

  A014001329 

 Je pensois vous envoyer plusieurs livres, mais l'imprimeur m'a manqué de parole de les m'envoyer; je crains que vous en aurés la plus tost que moy icy.

  A014001329 

 Je vous envoye neanmoins celuy-ci, que j'ay emprunté d'une dame qui l'avoit, affin que, s'il est possible, vous ayes le [142] premier de ma part.

  A014001333 

 Ne dites pas que je vous ay envoyé ce livre, jusques a ce que je puisse en envoyer davantage..

  A014001341 

 Ce n'est pourtant pas que mon entendement ne veuille ceder a vostre jugement, duquel il revere extremement l'authorité et la reconnoist pour souveraine en son endroit; mais c'est qu'il luy est advis que vous n'aves pas bien conceu la bonté et sincerité de ses intentions pour ce regard.

  A014001341 

 Oseray-je bien disputer avec vous, Monseigneur? Vostre [143] douceur, je pense, m'excusera; c'est simplement pour m'expliquer..

  A014001341 

 Permettés moy, je vous supplie tres humblement, cette petite opiniastreté; car vrayement, tout aussi tost que vous aves voulu que je bannisse des lettres que je vous envoye le tiltre de Monseigneur, mon opinion s'est soudainement deslogee de ma volonté, laquelle est irrevocablement sousmise a la vostre; mais elle s'est sauvee dans mon entendement, ou elle s'est tellement retranchee que je suis en peyne d'entreprendre sa sortie.

  A014001342 

 Je dis donq, avec vostre congé: premierement, que je vous puis appeller Monseigneur, et que ce tiltre n'est pas trop grand pour vous, ni de moy ni d'aucun autre Evesque.

  A014001343 

 Je dis secondement, que non seulement je puis vous appeller Monseigneur, mais il est expedient que je le fasse, et seroit bon que cela se fist par tous les Evesques.

  A014001343 

 Je vous supplie, pesés bien, Monseigneur, cette rayson d'estat.

  A014001344 

 C'est pourquoy, puisque le Pape mesme vous appelleroit Monseigneur, il est seant que j'en face de mesme..

  A014001345 

 J'y respons néanmoins, et dis que j'appelle ainsy tous les Evesques a qui j'escris en esprit de liberté, et les rends esgaux quant a cet honneur exterieur, laissant a mon interieur de donner diverses mesures de respect, sous un mesme mot, selon la diversité de mes devoirs; comme a vous, Monseigneur, c'est, je vous asseure, avec une reverence toute cordiale, toute particuliere..

  A014001346 

 J'attendray vos commàndemens pour y obeir, car en somme, je suis prest a deposer toute sorte d'opinions que vous n'appreuveres pas, et suivre en tout et par tout vos volontés; mais je vous demande pardon pour ce coup.

  A014001346 

 Vostre dilection, qui souffre tout et qui est non seulement patiente, mais debonnaire, me rendra excusable, vous asseurant que je suis.

  A014001346 

 Voyla ce que je vous puis dire, allant, comme je vay dans une heure, monter en chaire.

  A014001353 

 Et quand je dis en bien faysant, je ne veux pas dire que s'il vous arrive quelque defaut, vous vous addonnies a la tristesse pour cela.

  A014001353 

 Non, de par Dieu, car ce seroit joindre defaut a defaut; mais je veux dire que vous perseveries a vouloir bien faire, et que vous retournies tous-jours au bien, soudain que vous connoistres de vous en estre esloignee, et moyennant cette fidelité, que vous viviés tous-jours bien joyeuse..

  A014001353 

 Ouy, ma Fille, je vous dis par escrit aussi bien que de bouche: res-jouisses vous tant que vous pourres en bien faysant, car c'est une double grace au bon œuvre, d'estre bien fait et d'estre fait joyeusement.

  A014001354 

 Pour le general, j'ay a vous dire, outre l'ancien escrit que je vous renvoye, que vous deves tenir le cloistre et le dortoir fermé aux hommes: ainsy la closture s'en fera doucement..

  A014001355 

 C'est pourquoy vous l'observeres, faysant venir ou quelque bon Pere Minime, ou quelque bien devot prestre, auquel toutes ayent a se confesser cette fois-la.

  A014001355 

 Je vous ay dit la rayson pourquoy toutes s'y doivent confesser, ce qui ne sera point grief a aucune; car celles qui voudront ne se confesseront que d'un jour ou de deux, s'estans prealablement confessees, et celles qui voudront pourront en user autrement..

  A014001356 

 Il faut que ce soit vous, ma Fille bienaymee, qui ayés l'administration des pensions; mais deputés une des Dames, qui, sous vostre authorité, ayt soin de tenir le conte de ce qui s'en employe..

  A014001357 

 Il sera a propos, en ces petitz Chapitres, de recommander souvent la mutuelle et tendre dilection des unes aux autres, et de tesmoigner que vous l'aves en leur endroit, mais particulierement envers celle de laquelle vous m'escrives, laquelle il faut, par charité, revoquer a une bonne et douce intelligence et confiance avec les autres.

  A014001358 

 Vous treuveres bien, ce croy-je, les premiers advis que je vous escrivis il y a cinq ans, de la façon avec laquelle vous devies doucement reduire tous ces espritz a vostre bon dessein.

  A014001358 

 Vous y verres beaucoup de choses que, pour briefveté, je ne diray pas maintenant..

  A014001359 

 Mais je croy que ses parens la feront revenir; et, estant revenue, vous la traitteres doucement et avec grande patience..

  A014001359 

 Quant a celle qui est absente, il faut escrire et a elle et a son frere, que, pour la plus grande gloire de Dieu, salut de vos ames, edification du prochain et honneur de vostre Monastere, vous aves pris resolution avec toutes vos Seurs Religieuses de vivre plus retirees dans vostre Mayson qu'on n'a pas fait ci devant; et que la chose estant si raysonnable et honneste, vous ne doutes point qu'elle ne s'y veuille ranger: dont vous la conjurés et sommés, par l'obeyssance qu'elle vous a vouee et hors laquelle elle ne peut faire son salut, luy promettant qu'elle ne treuvera, ni en vous ni es autres, sinon une douce et tres amiable conversation, laquelle seule, outre [147] son devoir, peut la semondre a une sainte retraitte; et choses semblables.

  A014001359 

 Que si en fin elle ne revient, vous luy envoyeres qu'elle se determine donques de n'estre plus receuë, et d'estre forclose de sa place.

  A014001360 

 Lisés tous les jours un quart d'heure dans les livres spirituelz, et ce, devant qu'aller a Vespres ou que les dire, quand vous n'y pourres pas aller..

  A014001360 

 Ne vous tourmentes point encor que vous ne puissies pas avoir vos sentimens si fortz que vous desireries, car c'est la bonne volonté que Dieu requiert.

  A014001360 

 Pour vostre particulier, ne faites point faute de faire l'orayson mentale tous les jours, a la mesme heure qu'elle se fait au choeur, si vous ne pouves pas y aller; et ce pour demie heure.

  A014001360 

 Si j'oublie quelque chose, je le diray a nostre seur, qui vous ira voir infalliblement, et elle vous chérit bien fort.

  A014001361 

 Baysés souvent vostre croix que vous portes; renouvellés les bons propos que vous aves faitz d'estre toute a Dieu, immediatement devant le coucher, ou y allant, ou en vostre oratoire, ou ailleurs; et faites un plus grand renouvellement par demie douzaine d'aspirations et d'humiliations devant Dieu..

  A014001361 

 Quand vous seres contrainte d'estre au lit, faites lire quelqu'une de tems en tems, selon vostre commodité.

  A014001361 

 Vous vous coucheres tous les jours a dix heures, et vous leveres a six.

  A014001362 

 Je vous ordonne pour vostre special Patron de cette annee le tres glorieux saint Joseph, et pour vostre Patronne, sainte Scholastique, seur de saint Benoist, de laquelle vous treuveres beaucoup d'actions en sa Vie et en celle de saint Benoist, dignes d'estre imitees..

  A014001363 

 Mais resouvenés-vous donq bien de ce que je vous ay commandé de la part de Nostre Seigneur, auquel je vous recommande, le suppliant, par sa Mort et Passion, qu'il vous comble de son saint amour et vous rende de plus en plus toute sienne..

  A014001363 

 Vous ne sçauries tenir un chemin plus asseuré que celuy de la sainte obeyssance: c'est pourquoy je me resjouis grandement que vous y soyés affectionnee, pour l'intention que me marqués.

  A014001363 

 Voyés-vous, ma tres chere et bonne Fille, entreprenés de vous acquerir un grand courage au service de Nostre Seigneur; car, pour asseuré, sa Bonté vous a choisie pour se servir de vous, pourveu que vous le veuillies, pour [148] le restablissement de sa gloire et salut des ames en vostre Mayson.

  A014001364 

 Pour moy, ma tres chere Seur, ma Fille bienaymee, j'ay une volonté fort entiere a vous cherir, honnorer et servir; et jamais rien ne m'ostera cette affection, puisque c'est en ce mesme Sauveur et pour luy que je l'ay prise, estant a jamais,.

  A014001373 

 C'est de tout mon cœur que je vous escris esgalement avec respect et confiance.

  A014001373 

 Celle ci procede de la connoissance que j'ay de la sincerité de vostre bienveuillance en mon endroit, et celuy la de la multitude des riches qualités qui decorent le rang que vous tenes en l'Eglise de Dieu; auquel, bien que je vous aye devancé quant au [149] tems, je vous voy neanmoins si loin devant moy en toute autre façon, que c'est le moins que je veuille et doive faire que d'user exactement d'une reciproque reverence en vostre endroit.

  A014001373 

 Et si vous ne vous esties pas mis a l'extremité du plus haut point d'honneur envers moy, je me fusse essayé de vous en rendre plus que vous ne m'en donnes; mais il faut que je demeure vaincu, tant parce que vous sçaves tout mieux faire que moy, que d'autant que le lieu d'ou sort l'honneur que vous me faites luy donne un poidz si excessif que je n'ay rien qui le puisse esgaler.

  A014001374 

 Continués, je vous supplie, Monseigneur, d'aymer celuy qui vous souhaitte toute sorte de bonheur en la graCe de Dieu, et qui est, d'une affection inviolable,.

  A014001386 

 Que vous seres heureuse, ma chere Fille, si vous perseveres a mespriser les promesses que le monde vous voudra faire, car en vray ( sic ) verité ce n'est qu'un vray trompeur.

  A014001386 

 Vous voulant honnorer, cherir et servir toute ma vie, je me suis enquis de madame vostre chere cousine, ma seur, de l'estat de vostre cœur, duquel elle m'a dit [150] chose qui m'a consolé.

  A014001387 

 Demeures ainsy, je vous prie, et croyes-moy, faites en une resolution si forte et si sensible que nul n'en doute plus..

  A014001387 

 Vous aves un grand soin pour la famille qui est sur vos bras, mais il n'amoindriroit pas quand vous entreprendries la charge d'un'autre peut estre aussi grande.

  A014001388 

 L'exercice auquel vous estes maintenant vous servira d'un petit martire, si vous continues a joindre les travaux que vous y aurés avec ceux du Sauveur, de Nostre Dame et des Saintz et Saintes qui, emmi la variété et multiplicité des importunités que leur soin leur donnoit, ont conservé inviolablement l'amour et la vraye devotion a la tressainte unité de Dieu, en qui, pour qui et par qui ilz ont conduit leurs vies a une fin tres heureuse.

  A014001388 

 Que puissies vous donq comm'eux conserver et sacrer a Dieu vostre cœur, vostre cors, vostr'amour et toute vostre vie..

  A014001405 

 Ces quattre lignes vous asseureront que je continue de toute mon affection au desir de vous rendre toute ma vie tres humble service, car, quant au reste des nouvelles, le porteur vous les dira suffisamment, sinon que monsieur Valladier m'a escrit n'a guere une lettre toute pleyne de lhonneur et respect quil vous porte, ne m'obligeant pas peu de m'en parler comm'a un homme tout uny et conjoint a vous..

  A014001407 

 Faites moy cette faveur que de me conserver en la vostre, a laquelle je correspondray fidellement par autant de tres humble affection [152] que vous en pouves desirer de celuy qui vous souhaite toute prosperité et benediction, demeurant,.

  A014001407 

 Il faut que je m'en glorifie au pres de vous qui, avec moy, estimés si praetieusement son amitié.

  A014001424 

 Il vint donques, et ayant encor ouy M me de Chantal, il respondit que non obstant toutes les difficultés quil y avoit a la cure de ce mal, il espereroit de vous guerir, mais que pour cela il faudroit du loysir..

  A014001425 

 Je vous prie donq, ma chere Fille, de vouloir le faire bien instruire et de luy faire donner par escrit tout le fait; car sur cela, si son pere espere de pouvoir faire cette cure, nous vous l'envoyerions sur le lieu, affin qu'avec toute commodité et loysir il fit ses operations..

  A014001426 

 Il est vray quil seroit tous-jours a mon grand contentement en ce que j'aurois le bien de vous voir et entretenir; mais si aussi vostre santé corporelle en soufFroit, ce me seroit bien du desplaysir.

  A014001426 

 J'ay creu que je ferois bien d'user de cette methode, affin de ne point vous engager au voyage de deça mal a propos; duquel, si le succes n'estoit pas selon mon desir, je serois extremement marri.

  A014001426 

 Or, le tracas d'un si long chemin pourroit sans doute vous beaucoup apporter de peril, et, comme que ce soit, j'ay esperance de vous revoir dans quelque tems, sans tant d'incommodité pour vous.

  A014001426 

 Que si Dieu nous estoit [154] si misericordieux que vous puissies guerir par l'operation de ce viel homme, alhors non seulement je ne craindrois pas de vous donner la peyne le faire le voyage, mais je vous y provoquerois pour vous gouverner un peu a souhait en vostre esprit..

  A014001427 

 Cette lettre n'a point d'autre sujet que celuy ci, esperant de vous escrire de rechef par a itre voye dans peu de jours.

  A014001427 

 Et tandis, resouvenes vous, ma chere Fille, que Dieu vous invitant au chemin des peynes et travaux, vous tesmoigne un doux amour paternel et quil veut rendre vostre ame purement sienne, comm'il fera si vous vous encouragés souvent a souffrir pour l'amour de luy, auquel soit a jamais gloire et louange..

  A014001427 

 J'attendray donq la response par le mesme porteur, qui, partant ce jourdhuy, ne me donne pas le loysir d'escrire a vos cheres Seurs et filles, vers lesquelles je desire estre excusé sil vous plait.

  A014001442 

 C'est mon deir tres ardent, principalement lhors que je repasse en ma memoyre l'affection, la confiance et le zele avec lequel vous reposastes un jour vostr'ame (d'autant mienne) et vostre volonté sur ma direction..

  A014001442 

 Je vous escrivis avant hier sur le sujet de vostre jambe; maintenant je vous escris sur celuy de mon cœur qui vous cherit d'un amour extreme, et pour cela, pense [155] continuellement comment, en quoy et quand il pourra tellement servir le vostre, que celuy de vostre Espoux, nostre tres doux Sauveur, en soit satisfait et content.

  A014001443 

 Continués ce pendant vos exercices, excités en vous vostre courage, et sur tout parforces vous de faire beaucoup d'eslancemens de cœur sur Jesus Christ crucifié..

  A014001443 

 Or sus, Dieu me fera la grace qu'il ne se passera pas beaucoup de tems que je ne vous revoye; et lhors, certes, il faudra voir une conclusion de tous nos bons desseins, affin que si nous ne faysons pas tant de chemin que la chaleur de nostre premiere devotion nous faysoit entreprendre, nous en fassions pour le moins autant que, tout boiteux que nous sommes, nous en pourrons faire.

  A014001450 

 Et bien, ma chere Fille, vous verres que le plus grand mal que vous ayes fait c'est de vous estre troublee de vostre imbecillité; car si vous ne vous fussies point inquietee apres le premier choppement, mais que tout bellement vous eussies repris vostre cœur en vos mains, vous ne fussies pas tumbee au second.

  A014001450 

 J'ay veu, ma tres chere Fille, cette petite infirmité qui vous estarrivee ces jours passés sur les divers mouvemens de vostre cœur, entre l'affection de renoncer a vostre [156] propre inclination, et l'inclination de suivre vostre goust particulier.

  A014001450 

 Or, au bout de tout cela, il faut reprendre courage et vous affermir de plus fort en nos saintes resolutions, sur tout en celle de nous point inquieter, ou au moins de nous appayser a la premiere veiie et reflexion que nous ferons sur nostr'inquietude..

  A014001451 

 Ah! Seigneur, vous estes mon miel et mon sucre; addoucises ce cœur par la douceur du vostre.

  A014001451 

 Divertisses vous pour un peu, et alles vous praeparer au combat; puis representes vous y l'autrefois, et sentant la seconde emotion, faites tout de mesme: Dieu vous assistera..

  A014001451 

 Ne vous estonnes point, mais quand ces mauvaises inclinations vous voudront inquieter, jettes l'œil interieur sur le Sauveur crucifié.

  A014001452 

 La bonne madame la Baronne de Chantal vous saluoit l'autre jour par une lettre..

  A014001474 

 Je suis tout plein d'esperance que Nostre Seigneur sera de plus en plus fidellement servi, obei et honnoré de vous, qui est le plus grand bien que je vous puisse souhaitter..

  A014001474 

 Que vous seres heureuse si vous embrasses [158] constamment ce dessein! La pauvre petite seur [de la Thuille], qui s'en est allee si chrestiennement et si soudainement, a bien resveillé mon esprit a l'amour de ce souverain Bien auquel toute cette courte vie doit estre rapportee.

  A014001475 

 Benisses ceux qui vous affligent, et Dieu, ma chere Fille, vous benira..

  A014001475 

 Faites donq bien joliment la prattique de son amour en ces occasions, et s'il vous arrive quelquefois de vous impatienter, ne vous troubles point pour cela, mais vous remettes soudainement en douceur.

  A014001475 

 La multitude des ennuis que vous aves es affaires de vostre mayson (desquelz mon bon frere me parla l'autre jour) vous serviront infiniment pour rendre vostre ame vertueuse, si vous vous exerces a supporter le tout en esprit de douceur, de patience et de debonnaireté.

  A014001475 

 Tenes tous-jours bien vostre cœur bandé a cela, et considerés souvent que Dieu vous regarde de son œil d'amour parmi toutes ces petites incommodités et brouilleries, pour voir comme vous vous y comportes selon son gré.

  A014001485 

 Or sus, ma chere Niece, ma Fille, vous voyla donq aupres de monsieur vostre pere que vous regardes comme une image vivante du Pere eternel; car c'est en cette qualité que nous devons honneur et service a ceux desquelz il s'est servi pour nous produiré.

  A014001485 

 Tenés bien vostre ame en vos mains affin qu'elle ne vous eschappe ni a gauche ni a droitte; je veux dire, ni qu'elle s'amollisse entre les affections des parens, ni qu'elle s'attriste parmi leurs passions et les diversités des humeurs avec lesquelles il vous faut vivre..

  A014001486 

 Vrayement, je croy fort bien que vous fustes vivement touchee en vous separant de vostre chere mere, car elle m'escrit que, de son costé, elle fut extremement pressee; mais un jour cette societé durera eternellement [160] s'il plaist a l'Eternel, et en attendant, demeurons tous bien unis en son saint amour..

  A014001487 

 Dieu vous veut aussi sevrer, ma chere Niece, et vous faire manger des viandes solides, c'est a dire des viandes dures, car de plus solides il n'y en a point au Ciel ni en la terre que la sainte Communion; mais son refus, qui est plus dur a vostre ame qui aspire a son saint amour, requiert aussi des desirs plus fortz..

  A014001487 

 Puisque toutefois il faut que vous passies par la, multiplies tant plus les communions spirituelles, que nul ne vous peut refuser.

  A014001488 

 Je vous escris sans loysir, ma chere Niece, ma Fille, et prie Nostre Seigneur qu'il soit tous-jours vostre cœur.

  A014001498 

 Je croy bien que vous aves le cœur sujet aux secousses, ainsy que vous m'escrives; mais vous verres que, moyennant la grace de Dieu, il s'affermira petit a petit..

  A014001499 

 Ma bonne cousine et la vostre seroit, ce me semble, bien accompaignee de cette vertueuse damoyselle que je luy ay souhaittee, apres qu'elle mesme m'eut dit que vous luy en avies parlé; car, connoissant cette ame-la, j'ay esperé que la réncontre seroit bonne.

  A014001500 

 Madame de Chantal se recommande bien fort a vous, ainsy qu'elle l'escrit par celle qui l'avoit accompagnee..

  A014001514 

 Voyci la troisiesme fois que je vous escris depuis vostre despart, ma chere Seur, ma Fille.

  A014001516 

 Il ne faut pas que je vous die, ma chere Fille, combien affectionnement je vous recommande a Nostre Seigneur, car c'est avec un cœur tout nouveau et qui va tous-jours s'aggrandissant de ce costé-la.

  A014001516 

 Je suys un peu plus a l'orayson qu'a l'ordinaire; car ne vous faut-il pas un peu parler de mon ame qui est tant vostre? Graces a Dieu, j'ay un extreme desir d'estre tout a luy et de bien servir son peuple..

  A014001525 

 Et comme ceux qui cheminent sur la corde tiennent tous-jours en leurs mains le baston de contrepoidz, pour balancer leurs cors justement en la varieté des mouvemens qu'ilz ont a faire sur un si dangereux plancher, vous deves aussi fermement tenir la sainte Croix de Nostre Seigneur, affin de marcher asseurement parmi les perilz que la varieté des rencontres et conversations pourront apporter a vos affections; en sorte que tous vos mouvemens soyent balancés au contrepoidz de l'unique et tres aymable volonté de Celuy auquel vous aves voué tout vostre cors et tout vostre cœur.....

  A014001525 

 Je vous escrivis l'autre jour, mais mon cœur qui vous cherit tendrement, ne se peut assouvir de vous en rendre [164] au moins ce foible tesmoignage de vous escrire le plus souvent que je puis.

  A014001526 

 Et allés, chere Niece, je veux dire, chemines tous-jours courageusement de vertu en vertu, jusqu'à ce que vous ayes atteint le souverain degré de l'amour divin.

  A014001526 

 Mais jamais vous ne l'atteindres, puisque cet amour sacré n'est nomplus fini que son object, qui est la souveraine Bonté..

  A014001527 

 A Dieu, tres chere Niece, aymés-moy tous-jours constamment, en qualité de l'homme du monde qui vous desire le plus de vrayes et solides consolations.

  A014001527 

 Ouy, ma Fille, je vous souhaite l'abondance de l'amour divin, qui est et sera eternellement l'unique bien de nos cœurs, qui ne nous ont esté donnés que pour Celuy qui nous a donné tout le sien..

  A014001534 

 Il se peut neanmoins faire qu'ilz l'auront aggreable; et si vous connoisses que ce soit tout a la bonne foy et simplement qu'ilz l'auront aggreable, vous pourres fort librement luy donner courage de venir, et venir vous mesme, dans les mesmes conditions.

  A014001535 

 Or, quand elle se resoudra de venir, il faut que ce soit sans bruit et tout simplement, comme pour venir a Saint Trivier et a Saint Claude, et vous aussi, et la bonne madamoyselle de Puligni aussi, si ell'est de la trouppe, [166] affin d'eviter les curiosités de ceux qui voudront tout enquerir.

  A014001535 

 Si que, si vous prenes resolution, il faudra prendre le tems un peu bien avant, vers le moys d'aoust, sur la fin, ou sur le commencement de septembre; car quant au moys de julliet, je seray hors d'ici, et si, il me faudra aller consacrer un digne Evesque que nous avons a Beley, action laquelle, bien qu'elle soit courte, si est ce qu'elle me tient en suspens par ce que je ne sçai pas le tems precisement..

  A014001536 

 Au demeurant, croyes que j'auray bien de la consolation si je vous puis voir entre nos montaignes, qui sont toutes en fort bon air, et nous vous gouvernerons toutes avec du loysir, Dieu aydant.

  A014001536 

 En un mot, prenes garde que vos congés soyent donnés franchement, et cela estant, ce me sera un grand contentement de vous voir un peu parmi nous, quoy que vous n'y seres nullement bien traittees... encor que nous voulussions; mais vous seres receues par certaine sorte de cœur ( sic ) qui ne sont pas vulgaires..

  A014001537 

 Et pour reparer ce manquement, il faut que vous facies au double des oraysons jaculatoires, et que vous appliquies le tout a Dieu par un acquiescement entier a son bon playsir qui [167] vous separe aucunement de luy, vous donnant cet empeschement la a la meditation; mais cet ( sic ) pour, vous unir plus solidement a luy par l'exercice, de la sainte et tranquille resignation.

  A014001537 

 Faites vous lire quelque bon livre parfois, car encor cela supplee..

  A014001537 

 Quant a la meditation, les medecins ont rayson: tandis que vous estes infirme, il s'en faut sevrer.

  A014001538 

 Quant a la Communion, continues tous-jours, et il est vray que je vous ay dit quil n'estoit nul besoin d'ouir la Messe pour se communier les jours ouvriers, ni mesme les jours de feste, quand on en a ouy une devant ou qu'on en peut ouir un'apres, quoy qu'entre deux on face beaucoup d'autres choses: cela est vray..

  A014001539 

 Je vous dis comme saint Paul: Faysons bien tandis que nous en avons le tems, mais tous-jours avec moderation.

  A014001539 

 Ne vous inquietes point de ne pouvoir pas servir Dieu selon vostre goust, car en bien vous accommodant a vos incommodités vous le servires selon le sien, qui est bien meilleur que le vostre.

  A014001539 

 Pour le legat, sur l'apprehension de vostre mort, vous le pourres bien faire, mais il faut que ce soit avec moderation, en telle sorte que cela ne soit pas a trop grande charge aux vostres, car vous leur donneries sujet de refuser, ou de murmurer et se troubler.

  A014001552 

 Mais je treuvois mon pectoral bien plus riche, encor quil ne fut composé que d'une seule pierre, qui est la perle orientale que la Mere perle conceut en ses entrailles chastes, de la benite rosee du ciel; car voyes vous, je tenois ce divin Sacrement bien serré sur ma poitrine, et m'estoit advis que les noms des enfans d'Israel estoit ( sic ) tous marqués en iceluy.

  A014001552 

 Mon Dieu, que mon cœur est plein de choses pour vous dire, ma Fille tres uniquement chere, car c'est aujourdhuy le jour de la grande feste de l'Eglise, en laquelle portant le Sauveur a la procession, il m'a, de sa grace, donné mille douces pensees emmi lesquelles j'ay eu peyne de reprimer les larmes.

  A014001553 

 Ah! que j'eusse bien voulu que mon cœur se fut ouvert pour recevoir ce pretieux Sauveur, comme fit celuy du gentilhomme duquel je vous fis le conte; mais helas! je n'avois pas le couteau quil failloit pour le fendre, car il ne se fendit que par [169] l'amour.

  A014001554 

 Voyla ce que je vous puis dire maintenant, a ce retour de vostre cher et brave neveu, qui a esté si courtoys que d'arrester volontier ces quattr'ou cinq jours avec nous.

  A014001556 

 J'escris sans loysir et tout empressement, car en ces grans jours vous sçaves comme je suis.

  A014001565 

 Je suis marry que je n'ay plus tost receu la salutation que maistre Constantin m'avoit apporté de vostre part; car j'eusse eu plus de loysir de vous escrire selon mon cœur, qui est si plein d'affection pour vous et vous cherit si fort qu'il ne peut se contenter de vous entretenir pour un peu..

  A014001566 

 Je vis avec beaucoup de contentement de sçavoir que vostre ame est toute dediee a l'amour de Dieu, auquel vous pretendes de vous avancer petit a petit, par toutes sortes de saintz exercices.

  A014001566 

 Mais je vous recommande tous-jours plus que tout, celuy de la sainte douceur et suavité [171] es rencontres que cette vie vous presente sans doute souventesfois.

  A014001566 

 Que vous seres heureuse, tres chere Seur, ma Fille, si vous continues a vous tenir a la main de sa divine Majesté, entre le soin et le train de vos affaires, lesquelles reussiront bien plus a souhait quand Dieu vous y assistera; et la moindre consolation que vous en aures sera meilleure que les plus grandes de celles que vous pourries avoir de la terre..

  A014001567 

 Ouy, ma chere Fille, ma Seur, que je vous ayme, et plus que vous ne sçauries croire; mais principalement des que j'ay veu en vostre ame ce digne et honnorable desir de vouloir aymer Nostre Seigneur avec toute fidelité et sincerité; a quoy je vous conjure de perseverer constamment, et de m'aymer tous-jours bien entierement, puisque je suis, d'un cœur tout entier et fidelle,.

  A014001584 

 La fin pretenduë sera bien autre chose, Dieu aydant: car, comme vous sçaves, primum in intentione est ultimum in executione.

  A014001585 

 Plantés bien avant, Monsieur, cette affection dans vostre cœur, de restablir muros Hierusalem: Dieu vous assistera de sa main.

  A014001596 

 Pressé par le sieur Pergod de vous representer la priere qu'il vous a ci devant faitte, je n'ay sceu refuser, bien que, de vostre grace, monsieur de Vallon m'aye communiqué vos affaires, lesquelles, comme je croy, ne vous permettront pas d'embrasser pour le present celleci..

  A014001597 

 Pour moy, qui suis ennemi juré des cours, j'appreuve tout ce que Dieu dispose, comme le meilleur, et me res-jouis de l'honneur que nous aurons de vous posseder avec plus de loysir, et tirer les fruitz aggreables de vostre conversation et [176] de l'amitié sincere que vous portes a celuy qui vous cherit, respecte et honnore d'un cœur tres fidelle, et qui est,.

  A014001611 

 Et puisque je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner cette bonne nouvelle: c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé pour elle, n'en doutes point; et vous remercie du zele que vous aves pour son bien, qui est indivis avec celuy de la vostre, si vostre et mien se peut dire entre nous pour ce regard.

  A014001611 

 Je vous diray plus: c'est que je la treuve un peu plus a mon gré que l'ordinaire, pour n'y voir plus rien qui la tienne attachee a ce monde et plus sensible aux biens eternelz.

  A014001611 

 O Dieu, pourquoy vous dis-je tout ceci, sinon parce que mon cœur se met tous-jours au large et s'espanche sans borne quand il est avec le vostre?.

  A014001611 

 Que si j'estois aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis absolument disjoint et aliené du monde, mon cher Sauveur, que je serois heureux, et vous, ma Fille, que vous series contente! Mais je parle pour l'interieur et pour mon sentiment; car mon exterieur, et, ce qui est le pis, mes deportemens sont pleins d'une grande varieté d'imperfections contraires, et le bien que je veux, je ne le fay pas; mais je sçay pourtant bien qu'en verité et sans feintise je le veux, et d'une volonté inviolable.

  A014001612 

 Et moy, cependant, je prieray Nostre Seigneur pour elle, car sur les bonnes nouvelles que vous m'en donnes, je commence a l'aymer tendrement, la pauvre femme.

  A014001612 

 Si vous demeuries de dela, je serois bien ayse d'entreprendre le service que le Reverend Pere N. desire de moy pour cette dame; mais cela n'estant point, il me semble qu'un autre qu'elle aura moyen de voir plus souvent, se rendra plus utile a ce bon œuvre.

  A014001613 

 Je vous suis ce que Dieu sçait.

  A014001622 

 Mais puisque, comme vous m'advertisses, ces Messieurs de l'autre costé ont fait choix de celuy qui parlera pour leur pretendue religion, nommé le lieu et marqué la Version qu'eux desirent employer a cet effect, il m'est advis que c'est a bon escient qu'ilz traittent; et en cette persuasion, je vous diray que j'accepte tres volontiers que ladite conference se fasse dedans la ville de Geneve et que ce soit a la Version de la Bible imprimee a Anvers, a laquelle nous nous arrestions..

  A014001622 

 N'ayant eu nul advis de vous sur le sujet de la conference de laquelle vous m'escrives, despuis la premiere [179] fois que vous pristes la peyne de m'en venir parler, j'en avois laissé le soin, bien que non pas la memoire.

  A014001624 

 Et a cette intention, je desire que nous ne [nous] employons qu'a l'examen du fond des difficultés, et qu'on choisisse entre icelles les plus importantes pour les esplucher par les moyens desquelz auparavant il sera requis que nous convenions ensemble; a quoy, de mon costé, j'apporteray toute la franchise et facilité que je pourray, apres que vous m'aures adverti de la reciproque volonté de ces Messieurs pour ce particulier..

  A014001641 

 Laissant donq en arriere toute sorte de praefaces, je vous remercie humblement du soin que vous avés d'acheminer le dessein de me faire jouir encor une bonne fois de vostre presence en vostre Paris.

  A014001641 

 Puisque je sçai que vous croyés la verité que je vous ay si souvent juree d'estre tres absolument et invariablement vostre par inclination, par election et par un extreme amour, je ne vous feray point d'excuse du long tems que j'ay mis a vous escrire, car je suis asseuré que vous ne l'interpreterés nullement en mauvaise part.

  A014001642 

 Mais, Monsieur, dites donq la verité, je vous supplie: ces obediences et mortifications de n'oser pas estre libre quand on n'est pas serf, ne sont elles pas comparables a celles de ceux qui ne sont pas libres par ce qu'ilz sont serfz? Il faut neanmoins s'y accommoder, et tout doucement, qui est l'importance.

  A014001642 

 Que j'estois ayse en cette petite ombre d'esperance que j'avois conceue de me treuver a Paris aupres de vous, comme je faysois souvent par l'imagination, avec laquelle je prenois le tems de cette jouissance desiree!.

  A014001643 

 Voyes vous, Monsieur, ce mot d'arch'intime ne m'avoit encor point esté devant les yeux; mais, sur une si grande verité, il a esté receu de mon cœur tres intimement, et le bon monsieur de Santeul ne me dit jamais un mot plus a mon gré..

  A014001644 

 Monsieur de Santeul dit que, si je veux, le Roy en escrira a Son Altesse; mais, comme vous sçavés, cest honneur seroit un petit trop chaud et pesant pour moy.

  A014001645 

 Au demeurant, voyant que Dieu le veut, je m'arreste de tres bon cœur icy, et prens, en eschange de la satisfaction que j'aurois de vous voir, l'ayse que j'ay a penser en vous, a parler de vous avec ceux qui vous honnorent, et sur tout a vous cherir d'un amour tendre et respectueux, autant qu'homme du monde..

  A014001646 

 Encor faut il que je vous die que nous avons despuis peu nostre monsieur de Charmoysi, avec lequel je me suis entretenu ce matin trois grosses heures sur son depart de la mayson de Monsieur, et ay treuvé que certes il a [183] eu plusieurs bonnes raysons de le faire, qui seroyent trop longues a deduire; neanmoins il m'a dit que tous-jours il s'accommoderoit a ce que ses amis, et sur tout vous et moy luy conseillerions.

  A014001646 

 Et apres une separation si entiere, il sera malaysé d'oster un peu d'aversion des cœurs de l'un a l'autre; et celuy de Monsieur, comme vous sçaves, ayme d'avoir ses coudees franches, et celuy de monsieur de Charmoysi est courageux, qui ne peut souffrir le desdain.

  A014001647 

 Mais si vous continues de vouloir faire le voyage a la Sainte Baume, ne doutes pas que vous ne m'ayes pour [184] associé a vostre pelerinage, car ce n'est pas sortir de Savoye d'aller a Marseille, pourveu que ce soit sur le Rosne, auquel nous contribuons tant d'eaux et tant de sable; et nostre cher petit Evesque, mais grand Praelat, sera bien ayse de nous faire l'hospitalité en passant, moyennant un sermon que je feray a son peuple, qui, oyant parler de Geneve, y viendra tout entier, huguenotz et Catholiques pesle mesle.

  A014001648 

 Et puis qu'elles favorisent ce chetif livret de l'Introduction a la Vie devote, je vous supplieray, dans trois semaynes, de leur en faire a chacune un present de ceux que je vous envoyeray de la seconde edition, et autant que la commodité le permettra; a laquelle j'ay adjousté beaucoup de petites chosettes, selon les desirs que plusieurs dignes juges m'ont tesmoigné d'en avoir, et tous-jours regardant les gens qui vivent en la presse du monde..

  A014001649 

 J'escris cette lettre sans loysir et sans esprit, mais non pas sans cœur, car mon cœur est tous-jours ou il vous peut regarder.

  A014001649 

 Nostre Seigneur vous conserve, prospéré et benisse, Monsieur; c'est le souhait de.

  A014001681 

 Une lettre a celuy que vous escrives, sera fort a propos; mais il faut qu'elle soit presentee par quelqu'un qui aye asses d'asseurance pour le presser de faire responce, en cas qu'il voulust la supprimer et faire le fin; a quoy quelque notable personne de la Franche Comté, qui fust des villes avec lesquelles ceux de Geneve ont commerce, seroit fort sortable.

  A014001682 

 Et puisque vous me sommés de vous dire franchement mon advis sur la lettre que vous luy escrives, je vous diray que je n'appreuve pas que vous luy proposies si distinctement le dessein de la façon de proceder que vous voules tenir, car il suffira bien de le faire quand ce viendra au joindre et au faire; et il n'est pas expedient que maintenant vous vous engagies en aucune sorte de controverse, d'autant qu'en traittant plus avant de la conference, vous treuveres peut estre qu'il sera mieux de prendre un autre biais.

  A014001682 

 Et si, je ne laisseray pas encor de dire mon opinion sur lès moyens que vous proposes, puisque je suis obligé a la naïfveté et franchise en l'amitié que nous avons ensemble et que je sçay que vostre esprit correspond au mien en cela..

  A014001682 

 Il seroit donq mieux pour ce coup de demeurer en cette generale proposition, que vous monstreres que leur religion est manifestement contraire aux Saintes Escritures, sans venir a la particuliere declaration des [190] moyens que vous voules tenir pour ce faire; car ainsy vous ne vous obliges a rien qu'a la fin de vostre intention, et laisses les moyens en liberté, pour les choisir par apre a vostre gré.

  A014001683 

 Cette generale controverse des Versions est grandement utile entre les gens doctes, et quand vous ne regarderies que les ministres, elle seroit sans doute extremement a propos.

  A014001684 

 Comme par exemple: sur ce que vous m'escrives, de convaincre l'insuffisance de l'Escriture seule pour le parfait gouvernement de l'Eglise, sur ce mot d'«insuffisance de l'Escriture,» ilz crieroyent tous blasphemant.

  A014001685 

 Si je croyois que vous ne conneussies pas mon cœur, je ne traitterois pas si librement; mais je me confie en Nostre Seigneur que vous sçaves que je ne fay rien ni dis rien avec vous que sur les gages de vostre sincere amitié, et qu'en vous proposant mes petites pensees, vous les adjusteres a la rayson avec autant de franchise que je les vous presente..

  A014001686 

 Continués encor, je vous supplie, a m'aymer cordialement comme vous faites, et tandis, je prieray Nostre Seigneur qu'il vous fortifie et benisse de plus en plus en sa grace..

  A014001686 

 Je veux finir, en vous suppliant de continuer en ce bon dessein, lequel, de quel costé qu'on le tourne, ne peut que reuscir a la grande gloire de Dieu.

  A014001693 

 En ceci, la dilation ne peut nuire, mon Reverend Pere; et je sçai tout maintenant par un advis, que si la conference se fait, il sera voirement bien requis que nous nous voyons, non pour autre chose, que parce que l'humeur de ce peuple la m'estant familiere, je vous pourray dire plusieurs [192] choses qui vous serviront en cette sainte et tres prouffitable entreprise..

  A014001693 

 Hier je vous escrivis le billet ci-joint; et despuis, ayant derechef consideré l'advis du Pere Provincial, je le treuve entierement bon, car le retardement ne peut estre que prouffitable; car tandis, l'ouverture se fera, a mon advis, plus grande et raysonnable par divers moyens que j'y employeray soigneusement, Dieu aydant.

  A014001694 

 Ne doutés point que [je] ne veille a cela, et vous en reposes sur moy..

  A014001704 

 Que puissies-vous bien tost guerir, si c'est la plus grande gloire de Dieu, ma tres chere Fille; si moins, que puissies-vous amoureusement souffrir, tandis qu'ainsy le requerra la Providence celeste, affin que, guerissant ou souffrant, le bon playsir divin soit exercé.

  A014001704 

 Selon la sainte et parfaitte amitié que Dieu m'a donnee pour vous, ma tres chere Fille, j'ay de la peyne de vostre maladie.

  A014001705 

 J'espere en Nostre Seigneur que vous vous tiendres tous-jours en sa main, et que, par consequent, jamais vous ne trebuscheres du tout.

  A014001705 

 Que si, a la rencontre de quelque pierre, vous choppes, ce ne sera que pour vous faire tant mieux tenir sur vos gardes, et pour vous faire de plus en plus reclamer l'ayde et le secours de ce doux Pere celeste, que je supplie vous avoir a jamais en sa sainte protection.

  A014001705 

 Que vous puis-je plus dire, ma chere Fille, sinon ce que je vous ay si souvent dit, que vous allies tous-jours vostre train ordinaire le plus que vous pourres, pour l'amour de Dieu, faysant plus d'actions interieures de cet amour, et encor des exterieures, et sur tout contournant tant que vous pourres vostre cœur a la sainte douceur et tranquillité: a la douceur envers le prochain, quoy que fascheux et ennuyeux; a la tranquillité envers vous mesme, quoy que tentee ou affligee, quoy que miserable.

  A014001714 

 [Ayant appris par] les remonstrances que me fait le sieur [194] curé de Beaumont, que plusieurs des sujetz de vostre Mayson refusent de luy payer les premices, lesquelles neanmoins ilz luy doivent comme estant ses parroissiens, avant que de prendre aucun autre expedient pour l'ayder en sa juste intention selon mon devoir, j'ay voulu vous supplier d'user de l'authorité que vous aves sur ces refusans, pour les reduire a la rayson, esperant que vostre sage entremise aura tout le pouvoir requis pour l'effect de mon equitable desir, comme la mienne aura le credit envers vostre bienveuillance d'en obtenir le secours que je souhaitte a cet honneste et bon curé, lequel, je m'asseure, vous est des-ja asses recommandable, comme aussi il m'a tesmoigné qu'il vous honnore et revere de tout son cœur..

  A014001715 

 Je n'employeray pas davantage de paroles pour vous exprimer mon affection en ce point, non plus [que] pour vous offrir derechef mon humble service, que je vous supplie accepter et tenir tous-jours pour tout asseuré.

  A014001715 

 Nostre Seigneur vous conserve, mon Reverend Pere, et je suis.

  A014001727 

 Il me tarde extremement de vous revoir avec madame nostre Presidente, ma seur.

  A014001728 

 Je ne m'en vante pas, non, car il [196] y eut peu de prudence en cette resolution-lâ; mais, comme vous sçaves, ce n'est pas ma vertu que celle la..

  A014001728 

 Vous aures sceu comme je traversay Geneve sous la conduite de mon bon Ange, et cela seulement per non parer poltrone et pour verifier que qui ambulat simpliciter, ambulat confidenter, et avec la profession de ma qualité.

  A014001765 

 Et puis que je dois ce tesmoignage a la verité, je vous diray, Sire, que celuy que jusques a present Vostre Majesté a employé comme son instrument pour l'execution de ses volontés en cet endroit, a un zele qui ne peut rien oublier et une prudence qui ne sçauroit jamais rien gaster, qui est tout ce qui se peut desirer en une si digne et importante affaire..

  A014001766 

 Je supplie incessamment Dieu quil vous face la grace, Sire, d'exalter de plus en plus sa divine Majesté, affin que, reciproquement, il benisse et prospere de plus en plus la vostre royale, a laquelle faysant tres h[umble]................................................................................

  A014001778 

 Non, il ne faut point avoir ces craintes; mais, en vous humiliant et reconnoissant que vous estes toute inutile, esperes en la grandeur de la misericorde divine qu'elle vous sera propice de plus en plus.

  A014001778 

 Pour vous, ma chere Fille, je loüe Dieu des sentimens de l'amour que vous aves envers luy, sur lesquelz il ne faut point faire ces curiosités, de penser que sa divine Majesté vous l'ostera pour vostre inutilité.

  A014001779 

 L'exercice que vous m'aves envoyé est bon, mais prenes garde qu'en l'execution vous n'abbandonnies point la resolution de vous mortifier es rencontres que vostre vocation vous fera faire..

  A014001779 

 Ne vous amuses point a cela; mais, d'un cœur eslevé, travailles devant Dieu avec vostre volonté superieure, vous animant au saint amour.

  A014001779 

 Vous faites bien pour ce qui regarde l'orayson et ces distractions et petites envies spirituelles.

  A014001780 

 J'envoye le livre ci joint a nostre seur, et me reserve [203] a vous en envoyer un a mon retour, n'en ayant pas, pour le present, que ce quil me faut pour porter ou je vay.

  A014001780 

 Je vous recommande M me de Charmoysi qui est toute malade, a ce que me dit M. de Charmoysi, et un ( sic ) bonn' œuvre que nous allons entreprendre pour le bien de plusieurs ames..

  A014001792 

 Vous aves bien fait, tres chere Fille, de m'advertir des mauvayses paroles de cette pauvrette, car cela m'est utile [204] et ne luy sera pas inutile a elle mesme pour l'advenir.

  A014001794 

 Mais vous, ma tres chere Fille, continues a tenir vostre cœur pur devant Dieu et compatissant envers le prochain.

  A014001794 

 Que si neanmoins on voyoit que la chose retumbast souvent a mesme rencontre, je vous aymerois mieux en vostre chambre.

  A014001794 

 Vrayement je ne voudrois nullement que si les promenades tendent a la rencontre de ces galantz hommes, vous vous y treuvassies; mais si cette fois-la ce fut par hazart, il n'en faut pas pour cela se scabrer.

  A014001795 

 Je vous envoye un livre de la nouvelle edition, et en envoyeray un autre a M me vostre jeun' Abbesse quand j'auray le loysir de luy escrire a propos, sans faire semblant de rien, sinon de quelques bonnes paroles qu'elle me dit..

  A014001811 

 Mais il faut que je prie ma bonne niece, si elle [est] aupres de vous, de me faire la charité d'un petit bain de sauge pour mon pied, que je vous porte un peu boiteux..

  A014001811 

 Mais qu'il me tarde que je sois vers vous! Je n'y seray neanmoins qu'un peu tard, car nos chevaux sont recreuz [206] des grandes journees que nous avons faites.

  A014001812 

 Bon soir, ma chere Seur, ma Fille; vostre filz, vostre neveu et la Thuille vous baysentles mains.

  A014001813 

 Nostre Seigneur soit avec vous..

  A014001820 

 Ce sera a vous qui touchés la chose, d'en faire comme vous jugeres plus a propos.............................................................................................................

  A014001820 

 Je vous escrivis n'a gueres en response de la lettre que vous m'avies envoyee sur le sujet de la Congregation des prestres reformés, vous tesmoignant le desir que [207] j'avois de contribuer a une si utile entreprise tout ce qui depend de moy; et ne pouvant disposer de l'absence de mon diocese requise pour cette œuvre, je vous asseurois que, si tost que je serois arrivé a Neci, j'escrirois au Saint Pere pour avoir son commandement sur cela.

  A014001820 

 Or, despuis j'ay pensé que si on pouvoit faire [que,] de dela, le Nonce du Saint Siege qui reside a Paris escrivist en faveur [208] de ce dessein la, il le rendroit fort aysé; qui m'a fait vous escrire encor des icy, pour ne rien oublier de mon costé, de tout ce que je croyois pouvoir estre utile a faire reuscir une chose de si grand poix pour le bien de l'Eglise.

  A014001828 

 Que s'il exauce mes prieres, vous vivres tous longuement, heureusement et saintement en ce monde, et eternellement, glorieusement et tres [heureusement] en l'autre; car ce sont les souhaitz continuelz que je feray meshuy devant sa divine Majesté, pour vous et pour vostre ville, estant,.

  A014001828 

 Vous m'obligés extremement par le desir que vous aves de mes preications, lesquelles seront utiles a vostre peuple, si Dieu me donne autant de force comm' il m'a donné [209] de courage et d'affection de vous rendre du service.

  A014001841 

 Je reçois une particuliere consolation a vous parler en ce langage muet, apres que tout le jour j'ay tant parlé a tant d'autres en langage parlant.

  A014001841 

 Or sus, si faut-il vous [210] dire ce que je fay, car je ne sçai presque rien autre, et encor ne sçai je gueres bien ce que je fay..

  A014001843 

 J'y ay encor appris une prattique de la presence de Dieu, laquelle, en passant, j'ay resserree en un coin de ma memoire pour vous la communiquer, si tost que j'auray leu le traitté qu'en a fait le Pere Arias..

  A014001844 

 Courage, ma Fille, tenés vous bien serree aupres de vostre sainte Abbesse, et la suppliés sans fin que nous puissions vivre, mourir et revivre en l'amour de son cher Enfant..

  A014001844 

 Sçaves vous que je dis estendant vostre corporal pour la consecration? Ainsy, dis je, puisse bien estre estendu le cœur de celle qui me l'a envoyé, sous les sacrees influences de la volonté du Sauveur.

  A014001852 

 La nouvelle que mon jeune frere m'a donnee de vostre meilleure santé m'a fort consolé, et neanmoins je ne laisse pas d'appreuver l'advis de mon cosin Chaudens, que le sieur Marcofredo soit consulté sur vostre santé, ou le faysant venir a Sales, ou, si vous le pouvés, allant vous mesme a Geneve pour trois ou quattre jours; mais en ce dernier cas, il faudroit faire le voyage bien tost pour praevenir les grandes froideures..

  A014001853 

 Il faut un petit plus mettre vostre esprit au large et a l'ayse avec Nostre Seigneur, et ne le point charger de ces menues affections ou pensees, et vivre librement, laissant a la providence de Nostre Seigneur ce quil luy plaira faire de vous..

  A014001853 

 Or, en tout cela, il ny a pas grand mal; mais je desire pourtant bien que, petit a petit, vous vous desfacies et desengagies de ces petites pensees, lesquelles sont entierement inutiles et infructueuses, et outre cela, elles tiennent la place d'autres cogitations meilleures et aggreables a Nostre Seigneur.

  A014001853 

 Si mon frere m'eut aussi bien sceu dire en quel estat estoit vostre esprit, ma consolation eut esté plus grande; mais il ne m'a sceu dire, sinon que par fois vous esties asses joyeuse et par fois triste, et que vous n'avies pas [212] voulu que l'on vous fit des souliers, estimant que vous ne vivrés pas asses pour les user.

  A014001854 

 Il faut, ma chere Mere, ne plus vous amuser a certaines considerations qui ne servent a rien et sont de trop peu de valeur pour occuper l'esprit; et, ayant mis doucement l'ordre qui se peut mettre aux affaires, sil ( sic ) vont bien, en louer Dieu, sil ( sic ) ne vont pas si bien que vous desireriés, puisque vous ne pouves pas mieux faire de vostre costé, remettre le tout entre les bras de Dieu qui, en fin, conduit toutes choses selon quil voit expedient a nostre bien..

  A014001854 

 Mais, avec vostre permission, je vous parleray clairement.

  A014001855 

 Pour l'amour de Dieu, soyes un peu fort courageuse; dites cent fois le jour, mais dites le de cœur: Dieu nous aydera, et vous verres qu'il le fera.

  A014001856 

 Je vous envoye deux lettres de Dijon, et vous souhaittant toutes les graces que Nostre Seigneur donne a ses loyales serventes, je demeure,.

  A014001872 

 Et bien, vous voyla donq toute resignee entre les mains de nostre Sauveur, par un abandonnement de tout vostre estre a son bon playsir et sainte providence.

  A014001872 

 Vous croires bien mieux que nous sommes venus a bon port, ma chere Fille, quand vous en verres ce petit tesmoignage de ma main.

  A014001877 

 Ayant esté pres de deux mois entiers en Bourgoigne, partie au duché, pour assister aux noces de mon frere de Groysi, qui doit tant estre vostre serviteur, partie au comté, pour l'execution d'un commandement que le Pape avoit confié a Monsieur l'Evesque de Basle et a moy conjointement, j'ay treuvé a mon retour la lettre [215] que vous avies pris la peyne de m'escrire par le bon monsieur de Soulfour, qui passa a Chamberi tandis que j'estois sur mon voyage; lettre, comme toutes les autres, pleyne des marques de ce grand et fort amour que vous me portés, et duquel je suis reciproquement amoureux de toute l'estendue de mon cœur, et autant glorieux qu'homme du monde a qui vous le sceussies departir..

  A014001878 

 Et tandis, je m'esclarciray aussi de mon costé d'un autre que j'ay treuvé a mon retour, fort inopinement, lequel (affin que je vous le die, Monsieur, a qui je voudrois estre tous-jours tout ouvert) consiste en un esclarcissement d'un ombrage que quelqu'insolent a fait par l'interposition de sa calomnie, entre l'esprit de Son Altesse et moy, comme si j'avois certaine intelligence sur ma miserable Geneve, pour y entrer et regner par autre moyen que celuy de sa grace.

  A014001878 

 Si vos affaires retardent nostre pelerinage a la Sainte Magdeleyne, il n'en sera que tant plus delicieux un'autre fois, quand vous les aures heureusement achevees comme je souhaite.

  A014001880 

 Je desirerois bien y pouvoir beaucoup, comm'aussi de sçavoir, le tems estant venu, que Paris ayt un chef auquel mon cœur ayt tant d'alliance et de correspondance d'amitié comm'il a avec vous..

  A014001881 

 J'auroys honte de tout cela, si vostre faveur ne devoit couvrir la nudité qui y est, comm' encor ce que j'ose vous addresser tant de lettres qui sont en ce pacquet..

  A014001881 

 Je les [217] offre a madame vostre chere moytié et un, par son entremise, a madamoyselle de Touteville, sinon que vous en voulussies prendre la peyne vous mesme, et un autre a madame la Marquise de Menelay.

  A014001882 

 Nostre Seigneur vous conserve, Monsieur, et vous comble de tout bonheur; c'est le continuel souhait de.

  A014001886 

 Monsieur, c'est a vous a qui j'escris ainsy librement de mes nouvelles..

  A014001914 

 En retour, je continue à vous honorer dans mon âme avec un respect et un amour tout particulier; c'est pourquoi je vous dirai brièvement quelques nouvelles de mon diocèse et ce que je fais moi-même, car je me sens obligé de vous en rendre compte..

  A014001914 

 Je vous en remercie, mon Révérend Père, et de tout mon cœur je me réjouis d'apprendre ainsi que non seulement la divine Providence vous a conservé en santé-jusqu'à ce jour, mais que, pareillement, elle m'a conservé en votre bienveillance, faveur que je tiens pour bien chère et précieuse.

  A014001914 

 Le P. Joseph Alamanni, recteur du collège de Turin, m'a envoyé une relation des fruits qui se sont faits à Salamanque au moyen des Exercices spirituels; or, c'est vous qui l'avez chargé de me faire [219] cette communication.

  A014001919 

 J'ai voulu vous raconter cette aventure parce qu'on m'a écrit d'Italie qu'à Turin le fait de mon passage par Genève a été présenté autrement; je serai donc bien aise que vous sachiez comment la chose s'est réellement passée..

  A014001921 

 J'ai cru que si je vous en envoyais un exemplaire, à titre de [225] publication nouvelle, vous l'auriez pour agréable; voilà pourquoi je vous l'adresse par cette occasion.

  A014001921 

 Je vous supplie de le recevoir comme venant de quelqu'un qui vous honore, vous révère et vous aime de tout son cœur, et qui prie Dieu de vous combler de toute sainte prospérité..

  A014001931 

 Et en fin je viens a vous, ma chere Seur, ma Fille, des-ja tout recreu d'avoir tant escrit, mais resolu neanmoins de vous escrire tant que je pourray, tout a l'abandon, selon quil me viendra..

  A014001932 

 J'en vis un'autre a Dole, damoyselle de fort bon lieu et qui a extremement bonne mine, un peu ma parente (car ell'est de ce pais), et qui vous vit a Dijon ou ell' estoit allé conduire une Religieuse Carmeline.

  A014001933 

 Helas! ceux qui me connoissent sçavent que je ne pensay jamais a intelligence et que je fay mille traitz de courage par une vraye simplicité; non pas certes simplicité d'esprit (car je ne veux pas parler doublement avec vous), mais simplicité de confiance.

  A014001933 

 Mais, ma chere Fille, c'est la Providence de nostre cher Seigneur qui vous retient un peu la, car voyci qu'a mon arrivee, j'ay treuvé des nouvelles qu'on m'avoit fait une grande calomnie en nostre court, propre a me mettre en la disgrace de ce Prince qui, des quelque tems en ça, tesmoignoit tant de m'aymer.

  A014001933 

 Or tout cela n'est rien, et je ne le dis aussi [227] qu'a vous, a laquelle je ne puis rien celer de ce qui me regarde..

  A014001933 

 Or, j'en attens l'evenement, et ne voudrois pas que vous fussies icy qu'apres que cette bourrasque sera passee, qui sera bien tost, Dieu aydant.

  A014001934 

 Je vous escriray dores en avant le succes de tout, affin que, selon cela, par apres nous traittions de vostre venue a Salins ou non..

  A014001935 

 J'escris a nostre M. de Vaucroissant, qui'a tort, certes, sil croit que je ne l'ayme pas parfaittement, car certes, je le cheris tout entierement; mais voyes vous, quelques fois l'ardeur de l'amitié s'evapore en jalousie.

  A014001935 

 Je vous envoye les lettres que j'oubliay a vous porter de M me Vignod, qui est tres bonne fille.

  A014001936 

 Nous avons fait un fort heureux voyage au comté, et que j'y ay prié Dieu de bon cœur pour vous au saint Suaire, que l'on monstra publiquement, a ma contemplation; a la sainte Hostie et a nostre cher Saint Claude, ou je fus logé en vostre logis, et pris playsir a [229] voir le lieu ou je receu vostre confession, et fus consolé a representer ce cœur qu'en qualité de pere je presentay la premiere fois a l'autel de Saint Claude.

  A014001937 

 Ouy, ma Fille tres chere, je dis tout incomparablement, je vous donneray un beau livre ou j'escriray, mais je veux attendre la troysiesme edition, a laquelle j'apporteray un soin tout particulier; mays ce pendant, je ne laisseray pas de vous en donner de cette seconde par la premiere commodité.

  A014001938 

 Ce n'est pas icy la grande lettre que je vous veux escrire, car vous voyes bien que je Cours a toutes brides.

  A014001938 

 Vous ne sçauries croire combien je sens mon cœur plein de grans desirs de servir Nostre Seigneur.

  A014001939 

 Encor vous veux je dire que vostre filz a bien porté une si douce et aggreable humeur tout au long du voyage, que je l'ayme beaucoup plus que fraternellement, et sur tout quand il parle avec suavité de sa petite famme.

  A014001955 

 O ma Fille, il vous faut dire ce que je luy respondis, car je l'estime aussi bon pour la maistresse que pour la servante: que je desirois que les filles de nostre Congregation eussent les pieds bien chaussés, mais le cœur bien deschaussé et bien nud des affections terrestres; qu'elles eussent la teste bien couverte et l'esprit bien descouvert, par une parfaitte simplicité et despouillement de la propre volonté..

  A014001963 

 Vous deves donques tous les jours, non pas en l'orayson, mais a part, en vous proumenant, faire une reveuë de Nostre Seigneur entre les peynes de nostre Redemption, et considerer quel bonheur vous sera d'y participer; voir en quelle occasion ce bien la vous peut arriver, c'est a dire les contradictions que vous pourres avoir en tous vos desirs, mais sur tout es desirs qui vous sembleront plus justes et legitimes, et puis, avec un grand amour de la Croix et Passion de Nostre Seigneur, vous vous deves escrier avec saint André: «O bonne croix,» tant aymee de mon Sauveur, quand me recevres-vous entre vos bras?.

  A014001964 

 Quand nous nous reverrons, resouvenes moy que je vous parle un peu de cette tendresse et delicatesse de vostre cher cœur, car vous aves sur tout besoin, pour vostre paix et repos, d'estre guerie de cela avant toutes choses, et de bien former en vous l'apprehension de l'eternité, en laquelle quicomque pense souvent, il se soucie fort peu de ce qui arrive en ces trois ou quatre momens de vie mortelle..

  A014001964 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, nous sommes trop delicatz d'appeller pauvreté un estat auquel nous n'avons ni faim, ni froid, ni ignominies, mais seulement quelques petites incommodités en nos desseins.

  A014001965 

 Je veux bien que vous communiies, voire deux jours suivans, quand il y aura des festes.

  A014001965 

 Puisque vous estes apres a jeusner la moitié des Advens, vous pouves continuer jusques a la fin.

  A014001966 

 Dieu vous benisse.

  A014001975 

 C'est la derniere fois de cette annee que je vous escris, ma chere Fille.

  A014001975 

 Hé, que je vous souhaitte de benedictions, et avec quelle ardeur, cela ne se peut dire.

  A014001976 

 Au moins, parmi ces jours sacrés, mille desirs m'ont saysi de vous donner le digne contentement que tant vous souhaittes de mon ame comme de la vostre mesme, en m'avançant soigneusement a cette sainte perfection a laquelle vous aspires et pour laquelle vous respires en la faveur de ce cœur, qui, reciproquement, vous souhaitte sans fin toute la plus haute union avec Dieu qui se peut treuver icy bas..

  A014001976 

 C'est luy que je vous desire uniquement.

  A014001976 

 Il y a trois mois que je suis sans vos lettres, mais je croy que Dieu est avec vous, ce m'est asses.

  A014001976 

 Je vous escris sans loysir, [234] car ma chambre est pleine de gens qui me tirent; mais mon cœur est solitaire toutefois, et plein de desir de vivre a jamais tout pour ce saint amour, qui est l'unique pretention de ce mesme cœur.

  A014001977 

 C'est l'unique souhait de celuy que Dieu vous a donné..

  A014001983 

 Certes, ma chere Fille, ce n'est pas que je n'aye un cœur tout tendre pour vous, mais je suis tellement tracassé d'encombriers, que je ne puis pas escrire quand je veux.

  A014001984 

 Nostre Seigneur vous traitte des-ja en brave fille; vivés aussi un peu comme cela.

  A014001985 

 L'inquietude et chagrin qui vous arrive de la connoissance de vostre neantise n'est pas aymable; car encor que la cause en est bonne, l'effect neanmoins ne l'est pas Non, ma Fille, car cette connoissance de nostre neantise ne nous doit pas troubler, ains adoucir, humilier et abbaisser; c'est l'amour propre qui fait que nous nous impatientons de nous voir vilz et abjectz.

  A014001985 

 Or sus, je vous conjure par nostre commun amour, qui est Jesus Christ, que vous vivies toute consolee et toute tranquille en vos infirmités.

  A014001986 

 Je vous souhaitte mille benedictions.

  A014001987 

 Je suis en luy, plus vostre que vous ne sçauriés croire, ma chere Fille..

  A014001997 

 Continues donq courageusement a bien ravaler vostre courage par humilité et a l'exalter par charité; car ainsy vous monteres et descendres, comme les Anges sur la sainte eschelle de Jacob.

  A014001997 

 Plus la sainte humilité vous coustera de travaux, plus elle vous donnera de grace.

  A014001997 

 Vous me dites trois bons motz, ma tres chere Fille, en la lettre que j'ay receue de vous: que vous faites une grande violence pour empescher l'eslevement de vostre courage et prattiquer l'amour de l'abjection (c'est a quoy vous vous estudies maintenant), et que vous [trouvez] vos desirs plus disposés au vouloir divin qu'auparavant.

  A014001998 

 Que vous seres heureuse, ma chere Fille, si vous vous resignes pleynement au vouloir de Nostre Seigneur.

  A014001999 

 Mais sçaves vous ce qui me plait? C'est que vous me dites que vous me parles a cœur ouvert; car, ma chere Fille, c'est une bonne condition pour avancer selon l'esprit que d'avoir le cœur ouvert pour la fidele et naifve communication que nous devons faire entre nous, d'autant que Nostre Seigneur, qui se plait tant a communiquer son esprit aux siens, se plait aussi beaucoup a voir que nous nous entrecommuniquions les nostres, pour nous entresoulager et ayder..

  A014002000 

 La seconde chose c'est d'eslancer souvent des paroles exterieures, de bouche, semees parmi vostr'orayson plus ou moins dru, selon que plus ou moins vous vous verres attaquee des assoupissemens..

  A014002000 

 Marches donq comme cela, ma chere Fille, et ne vous troubles point pour vos assoupissemens, contre lesquelz il faut faire deux choses: l'un' est de changer souvent de contenance en l'orayson, comme de tenir tantost les mains croisees sur l'estomach, tantost jointes, tantost bandees, tantost estre debout, tantost a genoux sur un genoux, tantost sur l'autre, a mesure que les assoupissemens vous arriveront.

  A014002001 

 Dieu vous siot a jamais favorable, ma chere Fille, affin que vous cheminies bien avant en son saint amour, pour lequel je vous cheriray toute ma vie; et me recommandant de plus en plus a vos prieres, je suis.

  A014002013 

 Voyes vous, ma Fille, vostre venue luy est bien a cœur, parce qu'elle espere de servir bien Dieu en vostre personne et en celle des filles et femmes qui seront si heureuses que de vous suivre en la petite, mais sainte et aymable retraitte que nous meditons..

  A014002023 

 Or, les miracles que Dieu a faitz en faveur de ce grand Prince, la grande estime de la sainteté d'iceluy que sa divine Providence a nourrie dans le cœur des peuples qui ont le bonheur d'estre sous sa couronne et de plusieurs autres circonvoysins, les histoires qui celebrent si hautement la pieté de sa vie, ce sont, Monseigneur, tout autant de sommations que ce saint Prince vous fait de luy faire les honneurs qui sont dus a son [240] excellente sainteté.

  A014002036 

 Et vous, Monsieur, me refuseres-vous la grace que je vous ay requise, de voir et recevoir monsieur vostre filz, qui recourt a vostre sein paternel [241] pour y vivre meshuy avec toute humilité et obeissance qu'il vous doit rendre? Donnes-moy, je vous conjure, Monsieur, ce contentement, que ce soit par mon entremise que ce bonheur arrive a ce filz, affin qu'il sache que je tiens un rang en vostre bienveuillance aussi grand que celuy que vous tenes en mon honneur et respect..

  A014002037 

 Cet enfant se jette a vos pieds, et je vous supplie de le recevoir paternellement, ce pendant que je m'essayeray de vaincre aussi de l'autre costé monsieur d'Avully.

  A014002048 

 Je vous escrivis n'a gueres, ma chere Fille, et tous-jours hastivement, comme je fay encor maintenant, et vous envoyay l'advis que j'avois eu du cyrurgien [242] espaignol.

  A014002048 

 Le gentilhomme a qui j'avois confié le soin de luy parler arrivera bientost icy, et j'apprendray plus particulierement ce quil aura dit touchant l'esperance de vous guerir, et tout au plus tard, je vous escriray des Salins..

  A014002049 

 Au demeurant, ma chere Fille, tenes vous fort aupres de Nostre Seigneur, aggrandisses tous-jours vostre courage en son amour.

  A014002049 

 Tenes vous ferme en l'enclos de vos resolutions, et vous souvienne que vous n'aures jamais bien que par lâ..

  A014002050 

 Que dires vous dequoy je vous escris si peu? Mais je ne puis mieux faire, et puisque je ne puis vous parler davantage de Dieu, je m'en vay parler a Dieu de vous.

  A014002059 

 Il ne faut pas que le premier mois de l'annee passe que je ne vous salue, ma tres chere Fille, ma Seur, en vous [243] asseurant tous-jours du parfait amour que mon cœur porte au vostre, auquel je ne cesse point de desirer toutes sortes de benedictions.

  A014002059 

 Mais aussi, ma chere Seur, je le vous recommande, vostre pauvre cœur: ayés bien soin de le rendre de plus en plus aggreable a son Sauveur, et de faire que cette annee soit plus fertile que l'autre en toute sorte de saintes actions; car a mesure que les annees s'en vont et que l'eternité s'approche, il nous faut aussi redoubler le courage et relever nostre esprit en Dieu, le servant plus attentivement en tout ce que nos vocations et professions nous obligent..

  A014002060 

 Je voudrois bien pouvoir vous envoyer les livres que je vous ay promis et a madame de Cornillon ma commere; mais je ne m'en suis pas treuvé un seul.

  A014002061 

 Ce pendant, chere Seur, prenés bien courage a faire vostre enfant; je dis celuy du cors et celuy du cœur, mais sur tout celuy du cœur, qui est Nostre Seigneur, lequel vous voules, je m'asseure, produire en vostre vie et en vous mesme beaucoup mieux d'ores en avant.

  A014002061 

 Mais c'est un enfant lequel, au rebours des autres, soulage, nourrit et maintient sa mere; aussi faut il bien, ma Fille, que vous metties toute vostre esperance, vostre amour et vostre confiance en luy, car en cette sorte vous vivres toute joyeuse, contente. ...................................................... [244].

  A014002069 

 Ayant appris par messieurs les coeschevins de vostre ville qui ont pris la peyne de venir icy, ce que vous leur aves confié pour me dire, il ne me reste que de vous prier de croire que je conserveray cherement en mon ame l'affection avec laquelle je vous avoys dedié les predications que vous aviés desirees de moy pour ce Caresme, lesquelles je veux contreschanger en autant d'oraysons que je feray pour le bonheur de vostre ville.

  A014002086 

 Elle vous dira donq seulement qu'avanthier j'ay sceu que je n'irois pas a Salins ce Caresme, parce que Monsieur l'Archevesque de Besançon a resolu a [246] ceux de cette ville-la, qu'il ne vouloit pas que j'y allasse; et il est leur Prelat.

  A014002087 

 Mon frere vous envoyera son laquay dans peu de jours, en attendant d'y aller luy mesme, apres qu'il aura demeslé quelques affaires de deça.

  A014002088 

 Je ne manque point a la promesse faite de l'orayson; car il faut que de tems en tems je vous en rende conte..

  A014002099 

 Il m'est tombé ce matin dans l'esprit, pensant a elle, que c'est singulierement a son ame que s'addressent les paroles de l'Espoux sacré: Debout, hastés-vous, mon amie; car en fin, Amie c'est son nom, et l'Espoux l'appelle par son nom propre..

  A014002099 

 Je vous donne advis que, par la divine misericorde, le tems de la Visitation s'approche; je veux dire qu'en fin nos conclusions sont prises et que nous attendons a ce primtems madame de Chantal pour commencer nostre petite Congregation, a laquelle vous sçaves que le Saint Esprit a destiné vostre fille, que je tiens pour mienne.

  A014002100 

 Mais, mon cher Frere, soyés genereux; dites luy vous mesme qu'il faut qu'elle oublie [248] son peuple et la mayson de son pere; mais non pas son pere, car elle s'en souviendra tous-jours devant Dieu, qui est nostre Pere commun.

  A014002120 

 Et puis, c'était une occasion de raviver auprès de vous mon souvenir.

  A014002120 

 J'en profite aussi pour vous [249] conjurer, après m'avoir jusqu'ici non seulement affectionné mais honoré d'un gage éternel d'amitié, de continuer à m'aimer bien fort..

  A014002120 

 Le sieur Louis Bonier, personnage de grande distinction, m'a prié de vous recommander, connaissant votre bienveillance à mon égard, son fils Laurent, jeune homme d'un naturel parfait.

  A014002132 

 Or, il m'a rendu pour cela intercesseur vers Son Altesse; et sachant bien que sans vostr' intercession, Monseigneur, la mienne sera vayne, il desire que, comme je demande le bienfait a Son Altesse, je supplie aussi Vostre Excellence de le luy impetrer par une favorable recommandation; et pour marque de sa perseverance au zele quil a a Vostre Grandeur, il vous offre une devise academique..

  A014002133 

 Je vous supplie donq, Monseigneur, de luy departir [251] vostre faveur, et a moy lhonneur d'estre par tout et tous-jours advoué par.

  A014002146 

 Non, ma chere Fille, je n'ay nulles nouvelles de vous il y a trois moys bien entiers; et si, je ne puis croire que vous ne m'en ayes envoyé.

  A014002147 

 Croires-vous bien ce que je vous vay dire? J'ay, il y a quelque tems, le petit livre de la Presence de Dieu; c'est un petit ouvrage, mais je n'ay encor sceu le lire [252] entierement, pour vous en dire ce que je pense pour vostre service.

  A014002147 

 Il n'est pas croyable comme je suis tracassé deça et dela par les affaires; mais, ma chere Fille, vous vous troubleres si je n'adjouste que neanmoins, graces a mon Dieu, mon pauvre et chetif cœur n'eut jamais plus de repos ni de volonté d'aymer sa divine Majesté, de laquelle je sens une speciale assistance pour ce regard..

  A014002148 

 O ma chere Fille, que vous me fistes un jour grand playsir de me recommander la sainte humilité! car sçavés-vous, quand le vent s'enferme dedans nos vallees, entre nos montaignes, il ternit les petites fleurs et desracine les arbres; et moy, qui suis logé un peu bien haut en cette charge d'Evesque, j'en reçois plus d'incommodités.

  A014002148 

 Tenés-vous bien ferme, et serrés bien estroittement ce pied de la sacree Croix de Nostre Seigneur; la pluye qui y tombe de toutes pars abat bien le vent, pour grand qu'il soit.

  A014002149 

 Hier je vous vis, ce me semble, que, voyant le costé de Nostre Seigneur ouvert, vous voulies prendre son cœur pour le mettre dans le vostre, comme un roy dans un petit royaume; et, bien que le sien soit plus grand que le vostre, si est-ce qu'il le raccourciroit pour s'y accommoder.

  A014002149 

 Je ne sçay ou vous seres ce Caresme selon le cors; selon l'esprit, j'espere que vous seres dans la caverne de la tourterelle et au costé percé de nostre cher Sauveur.

  A014002149 

 Je veux bien m'essayer d'y estre souvent avec vous; Dieu, par sa souveraine bonté, nous en face la grace.

  A014002152 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que je sens tendrement et ardemment le bien et le lien sacré de nostre sainte unité! J'ay fait un sermon ce matin tout de flammes, car je l'ay bien conneu; il le vous faut dire a vous.

  A014002152 

 Mon Dieu, que je vous souhaitte de benedictions! Mais vous ne sçauries pas croire comme je suis pressé a l'autel de vous recommander plus que jamais a Nostre Seigneur..

  A014002153 

 Qu'ay je a vous dire davantage, sinon que nous vivions d'une vie toute morte, et que nous mourions d'une mort toute vive et vivifiante en la vie et en la mort de nostre Roy, de nostre Seigneur et de nostre Sauveur, en qui je suis.

  A014002165 

 Encor faut-il que je vous die ce mot pour vostre contentement: c'est que cette pauvre bonne mere, avant que de partir de Neci, revit tout l'estat de sa conscience, renouvella toutes les bonnes resolutions qu'elle avoit faites de servir Dieu et vint si contente de moy que rien plus; car Dieu ne voulut pas qu'elle fust en estât de melancholie quand il la prendroit a soy..

  A014002166 

 Et pleust a Dieu que vous peussies venir faire la sainte Semaine avec nous! je m'en sentirois fort consolé.

  A014002197 

 Voyes vous, Monsieur, je m'allege a vous dire cecy, car c'est grand cas comme c'est un' heureuse et souefve rencontre a un cœur aucunement blessé, de pouvoir se communiquer, quoy que par lettres seulement, a un cœur si doux, si gratieux, si cher, si pretieux et tant amy comme le vostre m'est par vostre bonté, en laquelle je vous conjure tous-jours de me continuer fermement, avec asseurance que je suis sans fin ni reserve,.

  A014002202 

 Il est vray que je ne les sçaurois apprendre de mon breviaire duquel seul je me mesle, et de prier Nostre Seigneur pour vous.

  A014002216 

 Ce n'est justement que pour vous bayser humblement les mains et vous supplier de me conserver lhonneur de vostre bienveuillance, que cette lettre se presente a vous en mon nom..

  A014002216 

 Je n'ay garde de vous vouloir beaucoup entretenir maintenant, qu'au milieu de cette grande et noble ville, chacun est autour de vous pour puyser les eaux des consolations spirituelles de la vive source que Dieu a mise en vous.

  A014002217 

 Que si vous luy permettes de vous dire quelque chose de plus, ce sera que je viens d'apprendre pourquoy Nostre Seigneur n'a pas voulu permettre que j'allasse a Salins; car ça esté, comme je pense, affin que j'assistasse a la mort de ma tres bonne mere, qu'il appella a soy le premier de ce moys, l'ayant, par sa misericorde, premierement disposee a bien et heureusement faire ce passage..

  A014002218 

 Voyes vous, Monseigneur, j'allege, ce me semble, de beaucoup mon coeur, en le vous communiquant comm' a un ami auquel je porte tant d'amour, d'honneur, de respect, de reverence, et en la bienveuillance duquel j'ay [259] tant de confiance; bref, auquel je suis d'un'affection absolue,.

  A014002234 

 Et pour moy, je confesse, ma Fille, que j'ay eu un grand ressentiment de cette separation (car c'est la confession que je doy faire de ma foiblesse, apres que j'ay fait celle de la bonté divine); mais neanmoins, ma Fille, ça esté un ressentiment tranquille, quoy que vif, car j'ay dit comme David: Je me tais, o Seigneur, et n'ouvre point ma bouche, parce que c'est vous [ qui ] l'aves fait.

  A014002235 

 En voyci une petite histoire, car c'est a vous a qui je parle; a vous, dis-je, a qui j'ay donné la place de cette mere en mon memorial de la Messe, sans vous oster celle que vous avies, car je n'ay sceu le faire, tant vous tenes ferme ce que vous tenes en mon cœur; et par ainsy, vous y estes la premiere et la derniere.

  A014002235 

 Mais vous voudries peut estre sçavoir comme cette bonne femme a fini ses jours.

  A014002237 

 Au demeurant, encor vous faut-il dire que j'eu le courage de luy donner la derniere benediction, luy fermer les yeux et la bouche et luy donner le dernier bayser de paix a l'instant de son trespas.

  A014002239 

 Je dis icy, car il ni auroit point de proportion que vous fissies les bons jours aux chams.

  A014002239 

 Les festes passees, vous ordonneries ainsy quil vous plairoit, pour conduire nostre petite chez elle..

  A014002239 

 Si donq vous le treuves a propos, vous pourrés venir pour estr'icy le jour des Rameaux.

  A014002239 

 Vostre petite chambre vous attendroit, nostre petite table, et nostre simple et petit traittement vous sera fait et offert de bon cœur, je veux dire de mon cœur qui est grandement vostre.

  A014002240 

 J'attendray ce que vous me marquerés..

  A014002240 

 Je le desire, mais je dis, sil se peut aysement; dequoy vous m'advertirés par le retour de ce garçon, et encor de ceux que vous amenerés, si vous amenes quelque compaignie extraordinaire, car quant a nostre bon Baron, je croy quil ne viendra pas nous voir sur ce nouveau dueil, parmi lequel nous ne pourrons nous res-jouir que devotement, et totalement en Nostre Seigneur.

  A014002240 

 Je pense quil ne seroit pas a propos quil vinst maintenant: il faut que je die ainsy avec vous.

  A014002241 

 Mon frere vous escrit pour le sujet du reste de la dote de ma seur.

  A014002241 

 Si cela se peut, je ny voy nul inconvenient, car enfin vous auries vostre argent icy, outre [263] tout celuy qui depend de moy, qui est autant vostre que nul autre, et cette dote seroit payee, quil faut aussi bien payer une foys.

  A014002242 

 J'ay voulu sçavoir sil seroit a propos que vous prissies la une femme pour estr'aupres de ma seur; mais mon frere m'a dit que vous ne vous missies nullement en peyne, quil accommodera si bien tout ce quil faudra pour ma seur, que vous aurés tout sujet de contentement de luy, de maniere quil n'est point besoin de cela.

  A014002244 

 Ce n'estoit pas sortir d'aller avec vous a Bourbilly; non, ma Fille, ce n'est pas sortir quand on sort pour mieux s'arrester et rentrer.

  A014002244 

 Mais bien, quand vous seres icy, nous aviserons..

  A014002244 

 Vous voyes: je luy avoys tant tesmoigné la necessité de s'assujettir elle mesme a la stabilité en son Monastere, et neanmoins, contre le souhait des siens, elle medite tous les [264] jours des sorties pour ceci et pour cela.

  A014002246 

 Quand vous seres icy, nous prendrons les resolutions convenables pour commencer nostre dessein, et verrons ce que diront nos filles de deça.

  A014002248 

 Apprenes donq bien tout son sentiment en cela et tous ses fondemens, mais tout bellement pourtant et sans empressement, et en sorte qu'elle ne cuyde pas que vous la veuillies examiner.

  A014002248 

 Neanmoins (je parle simplement devant Nostre Seigneur, et a vous a qui je ne puis parler que purement et candidement) je ne pense pas tant sçavoir que je ne sois tres ayse, je dis extremement tres ayse, de me demettre de mon sentiment et suivre celuy de ceux qui en doivent par toute rayson plus sçavoir que moy; je ne dis pas seulement de cette bonne Mere, mais je dis d'une beaucoup moindre.

  A014002248 

 Quant a ces preceptes de l'orayson que vous aves receuz de la bonne Mere Prieure, je ne vous en diray rien pour le present; seulement je vous prie d'apprendre le plus que vous pourres les fondemens de tout cela, car, a parler clair avec vous, quoyque deux ou trois fois l'esté passé m'estant mis en la presence de Dieu sans praeparation et sans dessein, je me treuvasse extremement bien aupres de sa Majesté, avec une seule tres simple et continuelle affection d'un amour presque imperceptible mais tres doux, si est ce que je n'osay jamais demarcher du grand chemin pour reduire cela en un ordinaire.

  A014002258 

 J'aurois tort d'avoir tant attendu a vous rendre les actions de graces que je vous dois, pour la souvenance que vous aves a moy tesmoignee par le petit poulet que mon frere m'apporta, si je n'avois esté distrait par le trespas de ma pauvre bonne mere, qui m'obligea d'estre a Sales quelque tems, pour rendre cette derniere assistance a cette chere personne.

  A014002258 

 Mais, ma chere Cousine, vous seres toute consolee quand vous sçaures qu'elle nous a laissé toutes sortes d'argumens d'esperer que son ame est receue en la main dextre de son Dieu, qui est en fin l'unique bonheur auquel nous aspirions en toute [occurrence] de cette basse et miserable vie mortelle.

  A014002258 

 Mon excuse est fascheuse, je m'asseure, a vostre cœur qui, de sa grace, aymoit fort cette amie defuncte, laquelle, de son costé, vous honnoroit d'une affection toute dediee a vostre service.

  A014002259 

 Faites-le, je vous supplie, chere Cousine, et soyés bien devote, tandis que je m'attens de vous revoir bien tost icy, selon l'asseurance que vous en donnastes a mon frere, et tous-jours et par tout je seray,.

  A014002259 

 Or, il faut bien, ma chere Cousine, que vous m'aymies un peu plus maintenant, pour reparer le manquement que j'auray en terre de l'amour que cette mere me portoit.

  A014002273 

 Si ces bonnes dames vefves vous parlent, dites leur qu'ayant esté icy, vous les advertires de tout, bien particulierement; car il ne les faut esmouvoir qu'extremement bien a propos, et apres un peu d'ageancement de nostre dessein, pour lequel je viens de bien prier nostre chere Dame et son saint Joseph..

  A014002275 

 Or bien, venés, chere Fille, venés es montaignes; Dieu vous y face voir l'Espoux sacré qui tressaille es mons et outrepasse les collines, qui regarde par les fenestres et a travers la treille, les ames qu'il ayme.

  A014002283 

 Et mesme, quand quelque violent presage nous arrive, tel qu'estoit celuy duquel vous m'escrives, il faut renoncer aux apprehensions qui nous en reviennent, tant qu'il nous est possible, de peur que nostre ennemy, nous treuvant faciles a croire telz ressentimens, n'abuse de nostre facilité.

  A014002283 

 Maïs la verité est que jamais il n'abusera de chose quelconque en vostre endroit, tandis que, comme vous faites, vous tiendres vostre cœur naifvement et humblement ouvert a vostre guide..

  A014002284 

 Il faut bien tous-jours faire pour toutes occurrences comme vous faites pour le proces perdu; c'est a dire, il faut tous-jours bien s'accommoder a doucement supporter ces rencontres..

  A014002285 

 Faites comme le Pere François vous a dit touchant le jeusne, et faites hardiment un peu bonne collation.

  A014002285 

 Pour l'orayson, vous faites bien de vous laisser aller a la mentale, quand Nostre Seigneur vous y semond Ihors que vous dites les vocales..

  A014002286 

 Dites donq ce reste de Caresme, cinq Pater noster et cinq Ave les genoux nudz et les mains nuës, par obeissance et pour vous conformer a Celuy qui va nud sur la croix pour nous, c'est a dire duquel nous allons rememorer la mort..

  A014002287 

 Il est mieux de choisir quelque pauvre prestre et luy faire dire une Messe le samedy, que de donner tous les jours un liard: ainsy vous soulageres le prochain et louëres la Vierge Marie par une plus excellente action.

  A014002298 

 Je suis extremement desplaysant du retardement que je voy pour l'arrivee du depesche que ce porteur et vous attendes, et s'il estoit en mon pouvoir, vous auries une prompte satisfaction pour ce regard.

  A014002298 

 Or, esperant que la chose, ne peut pas aller beaucoup plus au long, je vous exhorte de vous consoler et conserver la sainte patience, en vivant tous-jours en la crainte de Nostre Seigneur, que je prie vous donner les graces de son Saint Esprit, et suis.

  A014002322 

 Je vous baise très humblement les mains, en vous souhaitant du Seigneur toute vraie prospérité.

  A014002350 

 Je supplie donc Votre Paternité de lui faire cette charité; il n'en saurait être une plus grande aux yeux de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que je prie de vous accorder toute sainte consolation et prospérité..

  A014002362 

 Ce m'a esté un extreme contentement d'apprendre un peu plus amplement que de coustume de vos nouvelles, ma tres chere Seur, ma Fille, bien que je n'aye pas encor tant eu de loysir pour parler avec madame de Chantal que j'aye peu m'enquerir si particulierement, comme je desirois, de toutes vos affaires, desquelles je pense que vous aures communiqué avec elle comme avec une parfaitte amie.

  A014002362 

 Or, pour le moins m'a-elle dit que vous chemines fidellement en la crainte de Nostre Seigneur, qui est le grand mot de ma consolation, puisque mon ame desire tant de bien a la vostre tres chere..

  A014002364 

 Mais quant a vous, ma chere Fille, dequoy vous mettes vous en peyne pour ce regard? Vous aves fait charité de procurer une si sainte retraitte a cette pauvre fille; s'il ne plait pas a Dieu qu'elle y persevere, vous n'en pouves mais.

  A014002365 

 Ma chere Fille, ce petit esbranslement de cœur que vous aves en cette occasion, vous doit servir d'advertissement que l'amour propre est grand et gros dedans vostre cœur, et qu'il faut faire bon guet, de peur qu'il ne s'en rende le maistre.

  A014002366 

 Car, ce que monsieur vostre mary dit est veritable, qu'il pourroit, a l'adventure, changer toutes ces mauvaises humeurs que vous me marqués; mais acela [278] s'entend s'il est de bon naturel et que ce ne soit que la jeunesse ou la mauvaise compaignie qui le gaste.

  A014002366 

 Mais, si c'est un esprit de nature mal qualifié, comme il ne s'en void que trop, certes, c'est tenter Dieu de hazarder une fille en ses mains, sous l'incertaine et douteuse presomption d'amendement, et sur tout si la fille est jeune et qui ayt besoin de conduitte elle mesme; auquel cas, ne pouvant rien contribuer a l'amendement du jeune homme, ains estant plust.ost a craindre que l'un ne serve de sujet de perte a l'autre, qu'y a-il en tout cela qu'un evident danger? Or, monsieur vostre mary est grandement sage, et m'asseure qu'il fera toute bonne consideration, a quoy vous le servirés; et moy je prieray, selon vostre desir, qu'il playse a Dieu de bien addresser cette chere fille, affin qu'elle vive et viellisse en sa crainte..

  A014002366 

 Touchant le mariage de cette chere fille que j'ayme bien fort, je ne puis bonnement vous donner conseil, ne sachant de quelle nature est ce chevalier qui la recherche.

  A014002367 

 De mener au bal cette fille fort souvent ou rarement, puisque c'est avec vous qu'elle ira, il importe peu; vostre prudence doit juger de cela a l'œil et selon les occurrences.

  A014002368 

 Madame de [Chantal] m'a dit que, pour vostre exterieur et la bienseance de vostre mayson, vous marchies fort sagement; et tant elle que mon frere de Thorens m'ont dit une chose qui m'a rempli d'ayse: c'est que monsieur vostre mary acqueroit de plus en plus grande bonne reputation d'estre bon justicier, ferme, equitable, laborieux au devoir de sa charge, et qui en tout vivoit et se comportoit en grand homme de bien et bon Chrestien.

  A014002368 

 Vous estes donq bien heureuse, ma chere Fille, d'avoir chez vous les benedictions temporelles et spirituelles..

  A014002368 

 [279] Je vous prometz, ma chere Fille, que j'ay tressailli de joye a ce recit, car voyla une grande et belle benediction.

  A014002369 

 Le voyage de Lorette est un grand voyage pour des femmes: je vous conseille de le faire souvent en esprit, joignant par intention vos prieres a cette grande multitude de personnes devotes qui y vont honnorer la Mere de Dieu, comme au lieu ou premierement l'honneur incomparable de cette maternité luy arriva.

  A014002369 

 Mais puisque vous n'aves point de vceu qui vous oblige d'y aller en presence corporelle, je ne vous conseille pas de l'entreprendre; ouy bien d'estre de plus en plus zelee a la devotion de cette sainte Dame, de laquelle l'intercession est si forte et favorable aux ames, que pour moy, je l'estime le plus grand appuy que nous puissions avoir envers Dieu pour nostre advancement en la vraye pieté; et puis parler de cela, pour en sçavoir plusieurs particularités remarquables.

  A014002370 

 Pour vos aumosnes, ma chere Fille, faites-les tous-jours un peu bien largement et a bonne mesure, neanmoins avec la discretion qu'autrefois je vous ay dit ou escrit; car si ce que vous jettes dans le sein de la terre vous est rendu avec usure par sa fertilité, sçachés que ce que vous jetteres dans le sein de Dieu vous sera infiniment plus fructueux, ou d'une façon ou d'une autre; c'est a dire, Dieu vous en recompensera en ce monde, ou en vous donnant plus de richesses, ou plus de santé, ou plus de contentement.

  A014002377 

 Or sus, ma chere Seur, ma Fille, je m'en vay vous escrire tant que je pourray sur le sujet de vostre lettre, qui m'a esté rendue par la seur que vous aymés tant et qui vous cherit reciproquement de tout son cœur..

  A014002378 

 Il est vray, nous l'avons en fin cette chere seur, mais ce n'est pas moy pourtant qui vous l'ay ostee; c'est Dieu qui nous l'a donnee, ainsy que, Dieu aydant, la suite le tesmoignera.

  A014002378 

 Je ne doute nullement que cette petite conversation que vous eustes ensemble a Bourbilly ne vous fust bien douce, car c'est une heureuse rencontre que de deux espritz qui ne s'ayment que pour mieux aymer Dieu; mais il ne se pouvoit pas faire que cette sensible presence durast long tems, puisque nostre commun Maistre vous demandoit l'une la, l'autre icy, pour son service.

  A014002379 

 Je suis bien ayse dequoy vous manques peu aux exercices que je vous ay marqués, car cela monstre que les fautes que vous y faites ne proviennent pas d'infidelité, mais de foiblesse; et la foiblesse n'est pas un grand mal, [281] pourveu qu'un fidele courage la redresse petit a petit, ainsy que je vous conjure de faire, ma chere Fille, pour la vostre, sans vous affliger nullement de ce que vous n'aves ni sentiment ni goust ordinairement en tous vos exercices, car Nostre Seigneur ne requiert pas cela de nous: aussi ne depend-il pas de nous de l'avoir ou de ne l'avoir pas.

  A014002379 

 Or, voyci une bonne preuve de la fortification de ces cheres resolutions, que par la grace de Dieu vous aves perseveré a conserver ce que je vous dis en confession, ainsy que vous m'asseures; car cela vaut mieux que cent mille goustz spirituelz.

  A014002380 

 Je diray la Messe que vous me demandes, bien que jamais je n'en die point qui ne soit tres expressement vostre; mais je n'ay peu me remettre en memoire le sujet que vous dites que je sçai; aussi n'en est-il pas besoin..

  A014002381 

 Si madame Thenissey persevere a ne vouloir pas se ranger, vous n'aures point de part a sa coulpe; cependant je me res-jouis dequoy le reste de nos articles s'observent.

  A014002382 

 Hé bien, ma chere Fille, la multitude des difficultés vous fit peur et vous eustes des pensees de tout quitter; [282] cependant vous aves veu que tout est fait.

  A014002383 

 Da, ma chere Fille, quand m'aves vous veu fascher a vous? Je suis pourtant bien ayse que l'on craigne un peu de desplaire au pauvre chetif pere; car vrayement vous ne me desplaires jamais, ma chere Fille, que quand vous desplaires a Nostre Seigneur et que vous vous esloigneres de son pur et saint amour..

  A014002383 

 Pour les pensions, elles sont bien entre vos mains, puis que nul autre ne s'en veut charger; mais vous pourres bien faire tenir conte d'icelles a une des filles.

  A014002383 

 Vous m'aves bien fait rire quand vous m'aves escrit que vous eussies remis lesdites pensions a chacune desdites Religieuses la sienne, si vous n'eussies eu peur que je ne me faschasse a vous.

  A014002384 

 Il faut vrayement aller au Chapitre, malgré toute la repugnance que vous y aves; et, apres la lecture de la Regle, il faut dire quelque chose, quand ce ne seroit que: «Dieu nous face la grace de bien observer ce qui a esté leu.».

  A014002386 

 Combien y a-il de bons medecins qui ne sont gueres sains? et combien se fait-il de belles peintures par des peintres bien laidz? Quand donq vos filles viennent a vous, dites leur tout bellement en charité ce que Dieu vous inspirera, et ne les renvoyés point vuides d'aupres de vous..

  A014002386 

 Helas! ma Fille, si personne ne servoit aux ames que ceux qui n'ont point de difficultés es exercices et qui sont parfaitz, vous n'auriés point de pere en moy; et il ne faut pas laisser de soulager les autres, encor que l'on soit soy mesme en perplexités.

  A014002387 

 Je suis marry avec vous [283] du desgoust qu'elles ont de vostre chapelain ordinaire; mais l'entremise des Minimes peut suppleer a tout cela, puisque, comme vous dites, il est certes malaysé de treuver des prestres bien conditionnés et que celuy-ci est asses capable.

  A014002387 

 Vous faites bien de faire venir ainsy des Peres Minimes de tems en tems, car cela eslargira le cœur aux filles et soulagera leurs ames.

  A014002388 

 Que vous seres heureuse si vous aymes bien vostre petit troupeau! car apres l'amour de Dieu, celuy-la tient le premier rang..

  A014002388 

 Tenés-vous le plus que vous pourrés aupres de vos filles, car vos absences ne leur peuvent donner que des sujetz de murmurer; et rien ne leur peut tant adoucir leur sujettion que la vostre, rien ne les peut tant retenir dans l'enclos de l'observance que de vous y voir avec elles: et c'est en cela qu'il faut se crucifier pour Celuy qui a esté crucifié pour nous.

  A014002389 

 Je vous escriray tous-jours quand je pourray et tant que je pourray, et, sans varier, je persevereray a jamais en l'affection que je vous ay une fois de si bon coeur dediee.

  A014002389 

 Non, ni la mort, ni les choses presentes, ni celles qui sont a venir, ne me separeront jamais de cette dilection que je vous porte en Jesus Nostre Seigneur, auquel soit honneur et gloire..

  A014002395 

 Mais voyés-vous, ma tres chere Fille, ce que je vous dis, je vous le recommande bien estroittement, car la seur m'a dit que vous voulés que je parle ainsy..

  A014002396 

 Et pour vous humilier encor un peu, salués de ma part monsieur Lafon et ces bonnes filles qui servent Dieu en la personne de ses servantes; car tout cela m'est cher..

  A014002403 

 Celle qui vous l'envoye me la donna avec des grans signes de sincere affection en vostre endroit.

  A014002403 

 Il y a long tems, ma tres chere Fille, que j'ay la lettre ci jointe pour vous, mays je n'ay treuvé les commodités de l'envoyer.

  A014002403 

 Je ne desirerois pas que vous fissies aucun vœu, ains seulement quelques devotions particulieres destinees a cette particuliere intention..

  A014002404 

 Tenes vous bien debout et gardés de broncher, car il est dangereux de marcher au chemin des proces.

  A014002404 

 [285] Renouvellés tous les matins la bonn'intention que vous aves en cette poursuite et pries specialement pour cela..

  A014002405 

 Je salue la chere seur, la conversation de laquelle vous recreera..

  A014002406 

 Tenes bien vostre ame en vos mains; voyla que vous alles en une bonn'occasion de tesmoigner de la fidelité a Nostre Seigneur en la vraye prattique de la douceur, debonnaireté, humilité, resignation et charité..

  A014002407 

 Je suis plus vostre que vous ne sçaures croire.

  A014002421 

 Je vous remercie de la commodité que vous m'aves donnee de vous escrire par ce porteur sur le sujet que [286] vous desires.

  A014002422 

 Je suis donq d'advis que vous vous disposies a venir pour ce tems-lâ, et cependant nous irons, de deça, ordonnant les choses en sorte que vous treuvies en ce nouveau genre de vie la douceur et consolation que vous sçauries desirer..

  A014002422 

 Vous treuverés des-ja.

  A014002423 

 Mais pour ce particulier, il suffira d'y prouvoir quand vous seres arrivee, affin que tout soit conforme.

  A014002423 

 Pour cette premiere annee, nous vous laisserons en habit noir, avec le voyle de toyles noyres deliees et avec le plus de simplicité quil se pourra.

  A014002424 

 Ne vous mettes nullement en peyne de tout ce que le monde dit, car il est ennemi de la gloire de Dieu et du bien des ames; et le Pape ne veut voyrement pas qu'on fonde des nouvelles Religions sans congé, et a rayson, mais il n'empesche pas, ains a aggreable que l'on face ce que nous ferons, Dieu aydant..

  A014002425 

 Je me res-jouis avec vous de la constance avec laquelle vous aves consacré et sacrifié vostre petit Isaac, et prie Nostre Seigneur quil vous comble des benedictions quil donna au bon Abraham pour un semblable sacrifice.

  A014002442 

 J'ay bien pensé je ne sçai quoy de bon ce matin sur l'Evangile courant, en ces paroles: Qui demeure en moy et moy en luy, il porte beaucoup de fruit; car sans moy, vous ne pouvés rien faire.

  A014002453 

 J'ay receu a beaucoup d'honneur la salutation que le sieur Ramus m'a faitte de vostre part, m'estimant fort heureux de vivre en vostre amitié, comm'en eschange je vous supplie de croire que je vous respecte et revere de tout mon cœur, me sentant extremement redevable a la constante inclination que vous avés au bien de cette mienne evesché, pour laquelle vous vous estes tous-jours affectionné a eslever les jeunes gens qui vous sont envoyés d'icy a toutes sortes de solide vertu, et sur tout au zele de la sainte foy catholique..

  A014002454 

 Et si mesme, pour quelque sienne necessité, es occasions qui se peuvent presenter, il avoit besoin de secours pecuniaire et a ma consideration il vous playsoit l'assister, je ne manquerois nullement au remboursement, bien que sa mere et ses freres ayent une fort bonn'intention de ne point luy defaillir en ce qui sera requis..

  A014002454 

 Mais il y en a deux pourtant que je doys preferer en ce mien desir, dont le premier est Jean Anthoyne Rolland, [290] duquel la mere est de la mesme mayson de feu monsieur le fondateur du College et ma proche parente, laquelle ayant plusieurs enfans, a destiné celluy ci a l'estude, comme celuy qui a plus d'apparence de bon esprit; qui me fait vous supplier de le prendre particulierement en protection.

  A014002454 

 Or, en voyla encor quelques uns qui se vont rendre sous vos aisles pour ce mesme sujet, lesquelz je suis obligé de vous recommander tous generalement, puis que tous ilz sont mes tres chers enfans en Nostre Seigneur.

  A014002455 

 J'intercede donq pour ces deux la plus particulierement et implore pour eux vostre bonté et charité, laquelle je me prometz me devoir estre autant favorable comme je suis plein de desir de vous honnorer et servir..

  A014002456 

 Au demeurant, Monsieur, je vous envoye et presente deux petites pieces de mes besoignes, de different stile et de divers sujet.

  A014002457 

 Et ce pendant, je me confie en vostre douceur que vous aggreeres l'offrande que je vous en fay, en contemplation de la sincerité du cœur qui vous l'offre.

  A014002476 

 A ce passage de M. le Baron vostre mari, j'ay sceu avec combien d'artifices le monde s'estoit essayé d'esbransler vostre resolution touchant vostre retraitte, et ay loué Nostre Seigneur dequoy vous aves conservé vostre fermeté jusques a present.

  A014002476 

 Car voyes vous, Madame, il est requis que vous ayes une ame vaillante et genereuse pour entrer en ce dessein, affin que vous resisties aux suggestions que la folle sagesse du monde vous fera..

  A014002476 

 Neanmoins, maintenant que nous sommes, ce me semble, a la veille de l'execution d'une si sainte entreprise, il faut que je vous parle un peu ouvertement, et que je vous conjure [293] de bien espreuver vostre cœur pour reconnoistre si vous aures asses d'affection, de force et de courage pour embrasser ainsy absolument Jesus Christ crucifié et donner les derniers adieux a ce miserable monde.

  A014002477 

 Il est vray que si vous entreprenés cette œuvre simplement pour Dieu et vostre salut, vous y aures tant de consolations que rien ne vous sçauroit destourner, et la bonne compaignie en laquelle vous seres ne vous servira pas de peu a vous bien establir; mais il ne faut pour cela que vous laissies de bien examiner vostre courage avant que de venir.

  A014002477 

 Que si vous le treuvés bon et ferme, venés donq hardiment au nom de Dieu, lequel, s'estant rendu autheur et protecteur de ce projet, le favorisera de plus en plus de ses benedictions et vous y donnera mille consolations que le monde ne peut sçavoir..

  A014002478 

 Si, au contraire (ce que Dieu ne veuille), vous ne vous senties pas asses forte pour entrer en ce chemin, il seroit bien bon de nous en advertir, affin que les autres commençassent selon leur inviolable desir, et vous, Madame, pensassies a prendre quelque autre sorte de vie plus a vostre gré..

  A014002480 

 J'espere en luy que vostre esprit accroistra de bien en mieux, et le suppliant qu'il vous console et prepare, je demeureray,.

  A014002494 

 Praesupposant que cela ne vous incommode pas, je seray bien ayse que vous logies en vostre logis de la ville M lle d'Escrilles; et pour les meubles, ce qui sera [295] requis je le feray prendre ceans, ou mesme je la logerois, si cela vous estoit beaucoup incommode, parce qu'ell' est icy comm' estrangere..

  A014002495 

 Je vous donneray simplement le bon jour ce matin..

  A014002508 

 Dieu soit vostre Dieu, ma chere Fille, Dieu soit vostre Dieu; et vostre cœur, que vous luy aves dressé, soit sa mayson et son autel, sur lequel nuit et jour il fasse ardre et luire le feu de son saint amour.

  A014002541 

 Si, ensuite, elle daigne m'informer des intentions de Son Altesse, je ne manquerai pas de faire, de [300] mon côté, tout ce qui sera convenable; mais je vous prie que ce soit au plus tôt, pour ma consolation..

  A014002559 

 La lettre donq ci jointe est pour ce sujet, et celle qui est addressee a monsieur Desfrenes aussi, qui me fait vous supplier de la rendre le plus tost quil vous sera possible, et comme pour l'amy; car encor que nous ne vous ayons jamais rendu aucun service qui nous puisse acquerir cette qualité, si avons nous bien eu ce desir, et moy particulierement, qui, priant Nostre Seigneur quil vous conserve et accompaigne, suis,.

  A014002580 

 J'espere que Dieu sera glorifié en ce petit dessein, et, comme vous a dit le Pere Recteur, la pierre [306] fondamentale que Dieu nous donne pour iceluy est une ame d'excellente vertu et pieté, ce qui me fait tant plus croire que la chose reuscira heureusement..

  A014002581 

 Mon cher Pere, vous estes capable des humeurs, facultés et moyens de ce païs, et jugeres bien, comme je pense, que ne pouvant pas mieux faire, il est bon de faire cela.

  A014002582 

 Vostre candeur et sainte bonne foy m'oblige a vous dire naïfvement tout cecy, et encor adjouster que je suis filz et serviteur bien humble du Pere Recteur, qui sçait bien que nostre Congregation, qui se commencera dans peu de jours, est le fruit du voyage de Dijon, pour [307] lequel je ne peus jamais regarder les choses en leur face naturelle; et mon ame estoit secrettement forcee a penetrer un autre succes qui tumboit si directement sur le service des ames, que j'aymois mieux m'exposer a l'opinion et a la mercy des bons qu'a la cruauté de la.

  A014002591 

 Ah! Monsieur mon amy, il est vray, l'Europe ne pouvoit voir aucune mort plus lamentable que celle du grand Henri IV. Mais qui n'admireroit avec vous l'inconstance, la vanité et la perfidie des grandeurs de ce monde? Ce Prince, ayant esté si grand en son extraction, si grand en la valeur guerriere, si grand en victoires, si grand en triomphes, si grand en bonheur, si grand en paix, si grand en reputation, si grand en toutes sortes de grandeurs: hé, qui n'eust dit, a proprement parler, que la grandeur estoit inseparablement liee et collee a sa vie, et que, luy ayant juré une inviolable fidelité, elle esclatteroit un feu d'applaudissement a tout le monde par son dernier moment, qui la termineroit en une glorieuse mort? Non certes, Monsieur, il sembloit bien qu'une si grande vie ne devoit finir que sur les despouilles du Levant, apres une finale ruine et de l'heresie et du Turcisme.

  A014002592 

 Enfans des hommes, jusques a quand seres-vous si pesans de cœur? Pourquoy cherissés-vous la vanité et pourquoy pourchassés-vous le mensonge? Tout ce que ce monde nous fait voir de grand, ce n'est que fantosme, illusion et mensonge.

  A014002592 

 Qui eust dit, je vous supplie, Monsieur mon cher amy, qu'un fleuve d'une vie royale, grossi de l'affluence de tant de rivieres d'honneurs, de victoires, de triomphes, et sur les eaux duquel tant de gens estoyent embarqués, eust deu perir et s'esvanouir de la sorte, laissant sur la greve et a sec tant de navigans? N'eust-on pas plustost jugé qu'il devoit aller fondre dans la mort, comme dans une mer et un ocean, par plus de triomphes que le Nil n'a d'emboucheures? Et neanmoins, les enfans des hommes ont esté trompés et deceuz en leurs balances et leurs presages ont esté vains..

  A014002593 

 Mon Dieu, Monsieur, que ne sommes-nous sages par tant d'experiences! Que ne mesprisons-nous ce monde, lequel en tout est si fresle et si imbecille! Que ne nous tenons-nous aux pieds de ce Roy immortel qui a triomphé de la mort par sa mort, et duquel la mort est plus aymable que la vie de tous les rois de la terre? Vous estes bien heureux, Monsieur, de faire ces considerations; mais vous seres tres heureux, si, a la suite d'icelles, vous entres es resolutions convenables, exhalant le reste de vos vieux jours comme un encens, par le feu de l'amour unique du Roy de l'eternité.

  A014002606 

 Ce sera donq demain que vous aures des pensees et des soucis; car je commence d'en avoir de bien particulieres sur nostre future Mayson, pour les choses temporelles.

  A014002607 

 Ma Fille, il faut que je vous die que je ne vis jamais si clairement combien vous estes ma fille que je le voy maintenant, mais je dis que je le voy dans le cœur de Nostre Seigneur; c'est pourquoy n'interpretés pas a [312] desfiance ces petitz motz que je vous escrivis l'autre jour: mais nous en parlerons une autre fois..

  A014002627 

 Nous nous sentons extremement obligés, mon frere et moy, a vostre courtoysie, du soin que vous aves eu de faire reussir le desir que nous avions quil fut mis au service de Son Excellence.

  A014002627 

 Si jamais nous sommes capables de vous tesmoigner nostre gratitude par nos services, vous pourres, Monsieur, les exiger comme chose que nous vous devons et que, de bon cœur, nous reconnoissons vous devoir rendre..

  A014002628 

 Et ce pendant, en vous en rendant graces, je prie Nostre Seigneur quil vous conserve et prospere, et suis,.

  A014002633 

 Monsieur, je vous supplie d'impetrer, sil se peut, une copie de la façon de recevoir ceux qui se presentent a la Confrairie de Nostre Dame des Carmes, car j'ay [315] esgaré celle que j'avois, et neanmoins je suis requis de recevoir quelques dames..

  A014002662 

 Bien que jusques a present je ne vous aye peu accommoder, monsieur vostre frere et vous, au different [318] que vous aves ensemble, si veux-je esperer qu'un jour je le pourray faire.

  A014002662 

 Je vous en prie donq de tout mon cœur, en quoy vous tesmoigneres combien vous m'aymes; car desirant cela avec affection comme je le desire, si vous m'aymes, vous le feres sans difficulté et sans replique..

  A014002662 

 Mais ayant entendu que monsieur vostre dit frere a consigné es mains de M. Bonod certaine quantité qu'il praetend seulement vous estre deue, j'ay pensé que, en attendant une plus entiere resolution, vous deviés pour cette fois et sans consequence, vous contenter de prendre cela.

  A014002663 

 Atant, je prie Nostre Seigneur quil vous accroisse en ses graces et benedictions, et suis,.

  A014002680 

 Ne faut il pas, ma chere Seur, que ne pouvant vous voir, je vous aille au moins donner la bonne feste en esprit? O Dieu, que voyci un grand Saint qui se presente aux yeux de nostre ame! Quand je le considere dans ces desertz, je ne sçai si c'est un Ange qui fait semblant d'estre homme, ou un homme qui pretend de devenir Ange.

  A014002683 

 Hé, voyés, je vous prie, ce saint jeune homme enfoncé dans la solitude: il y est par obeissance, attendant qu'on l'appelle pour venir au peuple.

  A014002686 

 Je le prie qu'il vous donne de son miel, de ses locustes et qu'il vous communique son manteau..

  A014002695 

 Entre plusieurs considerations qui m'ont rendu de l'ennuy sur le trespas du grand Roy que la France, avec le monde, vient de perdre, j'ay receu celle de la perte que vous y aves faite; car il vous aymoit et avoit une grande connoissance des raysons pour lesquelles il vous pouvoit encor aymer davantage.

  A014002696 

 Je me prometz de vos nouvelles de rechef, au passage que vous feres a Lion, allant a la cour.

  A014002696 

 Mays revenons tous-jours a cette Providence, car c'est le vray rendes vous de nos cogitations..

  A014002698 

 Dieu vous prospere de plus en plus, Monseigneur, et je suis sans fin,.

  A014002709 

 Cela s'entend, ma chere Fille (car vous ne l'entendres pas, si je ne le vous dis), cela s'entend l'annee qui vient, sil y escheoit; car pour [323] celleci, vrayement, il faut estre Juifve aux Juifz et Grentile aux Gentilz, manger avec les mangeans et rire avec les rians, dit le grand Apostre de ce jourdhuy.

  A014002709 

 Mais vous, qui estes robuste, jeusneres donq en pain et eau.

  A014002710 

 Mais demain, vous verres la pauvre petite jeune Dame, enceinte du Filz de Dieu, qui vient doucement occuper l'esprit de son cher et saint mari pour avoir le congé de faire la sainte visite de sa vielle cousine Elizabeth; vous verres comme elle dit a Dieu a ses cheres voysines pour trois moys qu'elle pense estre aux chams et es montaignes; car ce mot est bon.

  A014002711 

 Je voudrois bien sçavoir quelque chose des entretiens de ces deux grandes ames, car vous prendries bien playsir que je vous le dise.

  A014002720 

 Mais si ce sont ceux que Nostre Seigneur vous a donnés pour directeurs es choses domestiques et temporelles, vous vous decevres vous mesme de les croire es choses esquelles ilz n'ont point d'authorité sur vous.

  A014002720 

 Si c'est de ceux a qui Dieu a donné le pouvoir et imposé le devoir de conduire vostre ame et vous commander es choses spirituelles, certes vous aves rayson; car en obeissant a ceux-la, vous ne pouves pas faillir, bien qu'eux se peuvent tromper et vous mal conseiller, s'ilz le font, principalement, regardant ailleurs qu'a vostre seul salut et advancement spirituel.

  A014002720 

 Vous aves opinion que vostre desir de vous retirer du monde ne soit pas selon la volonté de Dieu, puisqu'il [325] ne se treuve pas conforme a celuy de ceux qui, de sa part, ont le pouvoir de vous commander et le devoir de vous conduire.

  A014002721 

 Car en fin, vostre cœur, que diroit-il s'il n'estoit empesché? Vous diroit-il pas: Retirons-nous d'entre les mondains? Il a donq encor cette inspiration; mais parce qu'il est empesché, il ne la peut ou ne l'ose pas dire.

  A014002721 

 En quoy vous aves tort (et pardonnés a ma naïfve liberté de langage), vous aves tort, dis-je, d'appeller les [326] empeschemens qui vous sont donnés a l'execution de cette inspiration, volonté de Dieu, et le pouvoir de ceux qui vous empeschent, pouvoir de Dieu..

  A014002721 

 Le second est que, puisque non seulement vous aves desiré de vous retirer, mais vous le desireries encor s'il vous estoit permis de ceux qui vous ont retenue, c'est un signe manifeste que Dieu veut vostre retraitte, puisqu'il continue son inspiration parmi tant de contradictions, et vostre cœur, touché de l'aymant, a tous-jours son mouvement du costé de la belle estoille, quoy que rapidement destpurné par les empeschemens terrestres.

  A014002721 

 Rendés-luy sa liberté affin qu'il la die, car il ne vous sçauroit mieux dire; et cette parole secrette qu'il dit tout bellement en soy mesme: Je voudrois bien, je desirerois bien sortir d'entre les mondains, c'est la vraye volonté de Dieu.

  A014002722 

 Le troisiesme point de mon advis est que vous n'estes nullement en indifference devant Dieu, puisque le desir de la retraitte qu'il vous a donné, est tous-jours dedans vostre cœur, quoy qu'il soit empesché de faire son effect; car la balance de vostre esprit tend de ce costé la, bien qu'on donne du doigt de l'autre costé pour empescher le juste poids..

  A014002723 

 En cette sorte, vous corrigeres l'exces et conserveres vostre dessein, et n'y aura rien en cela qui n'aille gayement, doucement et saintement..

  A014002723 

 Je me fais entendre, que vous avies offert la moitié de vos biens, ou bien le payement de cette mayson, qui est maintenant dediee a Dieu.

  A014002723 

 Or sus, il faut corriger cet exces, et venir en cette mayson avec une portion de vostre revenu, autant qu'il est requis pour vivre sobrement, en laissant tout le reste a qui vous voudres, et mesme reservant la portion susdite, apres vostre mort, pour ceux a qui vous en voudres faire du bien.

  A014002723 

 Peut estre fut-ce trop, eu esgard que vous avies une seur chargee de grosse famille, a laquelle, selon l'ordre de charité, vous eussies plustost deu appliquer vos biens.

  A014002725 

 Dieu vous donne les saintes benedictions que je vous souhaitte et la douce correspondance [327] qu'il desire de vostre cœur; et je suis en luy, avec toute sincerité,.

  A014002725 

 Je vous ay voulu familierement esclarcir de mon opinion, estimant que vous me feres le bien de ne point le treuver mauvais.

  A014002735 

 J'ay conferé sur vostre lettre avec les Dames qui sont desja congregees et avec ceux qui les conseillent, et ont esté d'advis de mettre en condition aux filles et femmes qui entreront en leur Congregation, que, passé la premiere annee, elles apporteront un fons d'argent ou de terre, sur lequel elles puissent estre entretenues; et cela pour autant que, comme vous sçaves, en ce païs on ne fait jamais bien les payemens des pensions, ains tout se revoque en proces..

  A014002737 

 Or, il faut parler avec vous a cœur clair.

  A014002738 

 Quant aux Regles, voyci le sommaire, en attendant de vous faire avoir un double de toutes.

  A014002742 

 La reformation de vostre Talloyres, que j'ay sur les bras, m'empeschera [331] d'aller si tost vers [vous], et quand j'y iray, nous prendrons le logis ou de M me du Foug, ma tante, mon ancienne hostesse, ou de M me d'Allemand, ma comere..

  A014002759 

 Je vous escrivis avant hier seulement pour accompaigner une lettre que la bonne madamoyselle d'Escrilles [332] envoyoit a monsieur vostre mari, son frere; mays j'ayme bien mieux vous escrire maintenant sur le sujet de vostre lettre..

  A014002760 

 Mays nous, qui sommes encor tous tendres, nous avons des ames qui se divertissent aysement au sentiment des travaux et douleurs du cors; c'est pourquoy, ce n'est pas merveille si durant vos maladies vous aves intermis l'usage de l'orayson interieure.

  A014002761 

 Il faut donq bien prendre courage, et ne point permettre que les conversations et cette vayne sujettion que nous rendons a ceux que nous hantons, vous prive d'un si rare bien comm'est celuy de parler cœur a cœur avec son Dieu..

  A014002761 

 Mais maintenant que Dieu vous a rendu vostre santé, il faut bien, ma chere Fille, reprendre vostre orayson, au moins pour demi heure le matin et un quart d'heure le soir avant souper; car despuis qu'une fois Nostre Seigneur vous a donné le goust de ce miel celeste, ce vous Sera un grand reproche si vous vous en degoustés, et mesmement puisque il vous l'a fait gouster avec beaucoup de facilité et de consolation, ainsy que je me resouviens fort bien que vous me l'aves advoué.

  A014002762 

 Faites moy donq ce bien, je vous supplie, de m'escrire quelquefois, avec asseurance que je vous donne de tous-jours vous respondre, comm'aussi de correspondre fidelement a lhonneur que vous me faites de me vouloir du bien, par une tres sincere affection a vostre service..

  A014002762 

 Vous m'obliges certes beaucoup de me donner un peu des nouvelles de vostre ame, car la mienne l'ayme cherement et ne se peut empescher de desirer de sçavoir en quel estat elle se treuve; mais la varieté des desseins que monsieur vostre mari a eu de vous faire revenir icy [333] et de vous faire demeurer aux chams m'a retenu de vous en demander.

  A014002774 

 Je vous remercie, ma chere Seur, ma Fille, de vos deux billetz.

  A014002775 

 Dormés jusques a six, voire jusques a sept, si vous en aves besoin..

  A014002776 

 Aujourdhuy je n'ay encor fait qu'un peu d'orayson, mais j'en feray, Dieu aydant; car je vous veux bien rendre rayson de ce que si justement et charitablement vous desires pour nostr'ame.

  A014002777 

 Je salue ces cheres filles qui sont autour de vous: ce sont mes douces amours en Jesus Christ, et vous, ma chere Fille, vous estes mon propre cœur en Celuy qui, pour avoir le nostre, nous presente le sien tout a descouvert.

  A014002786 

 Je suis marri que l'on ayt poussé aux oreilles de Madame de Bons la calomnie delaquelle vous m'advertisses.

  A014002802 

 Ce n'est que justement pour vous donner le bon soir que je vous escris, et vous tenir asseuree que je ne cesse point de vous souhaiter mille et mille benedictions du Ciel, et a monsieur mon frere, mais particulierement celle d'estre tous-jours transfiguree en Nostre Seigneur.

  A014002804 

 Je vous conjure, ma chere Fille, de bien prier Nostre Seigneur pour moy et qu'il me tienne dores en avant dans les sentiers de sa volonté, affin que je le serve en sincerité et fidelité.

  A014002804 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, je desire ou de mourir ou d'aymer Dieu; ou la mort ou l'amour, car la vie qui est sans cet amour est tout a fait pire que la mort.

  A014002805 

 Non, ma chere Fille, car cela vous sert d'exercice a prattiquer les plus cheres et aymables vertus que Nostre Seigneur nous ayt recommandé.

  A014002805 

 Vous marches tous-jours entre nos saintes resolutions, je m'en asseure; ne vous fasches donques point de ces petitz assautz d'inquietudes et chagrins que la multiplicité des affaires domestiques vous donne.

  A014002811 

 Je prie Nostre Seigneur quil vous prospere, Monseigneur, et comble Vostre Grandeur de ses benedictions.

  A014002825 

 Ce papier vous portera simplement des paroles qui sortent du fond de mon cœur sur la derniere lettre que j'ay receüe de vostre part, il y a pres de six semaines..

  A014002826 

 Mais faites, mon cher Monsieur, que je cheris a l'esgal de mon cœur, faites tous-jours vivre courageusement vos vertus qui, aussi bien, sont immortelles, et je me prometz ce contentement de voir qu'un peu d'interruption que la perte de ce grand Roy fait a vostre bonheur, ne servira que de reprise d'haleine a vostre fortune; car en fin, c'est Dieu qui manie les resnes du cours de nostre vie, et nous n'avons point d'autre fortune que sa providence, laquelle sera tous-jours specialement sur vous quand vostre amour sera special en son endroit.

  A014002826 

 Mais vostre consideration a tenu l'un des premiers rangs a m'assaillir de desplaysir; car, mon Dieu, cet excellent esprit de Prince avoit seulement commencé a vous çonnoistre, et voyla qu'il est ravi a vostre fortune affin qu'elle ne vive plus si heureuse.

  A014002827 

 Je vous avois escrit sur ce sujet bien tost apres le coup; mais, a ce que je voy, mes lettres ne vous sont point venues en main.

  A014002827 

 Oh bien, vous aves la Monsieur [341] de Montpellier, et m'asseure que vostre mutuelle prudence aura apporté tout le soulagement a vos espritz qui se peut recevoir.

  A014002827 

 Pour moy, Monsieur, je; vous conjure de croire que vous n'aves point de cœur au monde qui soit plus absolument en la pensee du bien qu'il a d'estre si parfaittement aymé de vous..

  A014002828 

 Dieu vous benisse et prospere de plus en plus en ses graces et consolations, et suis irrevocablement,.

  A014002850 

 Je treuve certes encor meilleur ( sic ) la methode que vous dites, d'escrire au P. de Monchi tout nuement vostre pensee, ma tres chere Fille, car apres cela il ny aura rien a dire.

  A014002851 

 Ne jeusnes pas, ma tres chere Fille, ni nostre fille de Brechard; car, quant a vous, je me souviendray bien, apres que vous seres bravement guerie, de vous faire jeusner un samedi en eschange..

  A014002854 

 J'ay envie de vous parler un peu bien a loysir de cela..

  A014002868 

 Mais moy, j'ay bien de la consolation de vous voir recevoir si doucement les essais que je fay au service de vostre chere ame, laquelle voyant marquee de plusieurs graces celestes, je ne puis que je n'ayme tendrement et puissamment.

  A014002869 

 Or, vous sçavés, ma tres chere Fille, que le feu que Moyse vit sur la montaigne representoit ce saint amour, et que, comme ces flammes se nourrissoyent entre les espines, aussi l'exercice de l'amour sacré se maintient bien plus heureusement parmi les tribulations qu'emmi les contentemens.

  A014002869 

 Vous aves donq bien occasion de connoistre que Nostre Seigneur desire que vous proffities en sa dilection, puisqu'il vous donne une santé presque tous-jours incertaine et plusieurs autres exercices..

  A014002870 

 Tenés vous tous-jours bien serree et jointe a [345] Nostre Seigneur, et vous ne sçauries avoir aucun mal qui ne se convertisse en bien..

  A014002883 

 Souvenés-vous que jamais Nostre Seigneur ne dit un seul mot contre ceux qui le condamnerent, il ne les jugea point; il fut jugé et condamne a tort, et il demeura en paix et mourut en paix, et ne se revengea qu'a prier pour eux.

  A014002884 

 Vous aures Dieu tous-jours quand il vous plaira: et n'est-ce pas asses estre riche? Je le supplie que sa volonté soit vostre repos, et sa Croix vostre gloire, et je suis sans fin,.

  A014002929 

 Je regrette avec vous la perte que nous avons faite de la presence de monsieur vostre pere, et loüe neanmoins [351] Nostre Seigneur avec vous du gain qu'il a fait, en eschange de cette miserable vie mortelle, avec la tres heureuse vie celeste a laquelle il a esté appellé.

  A014002942 

 Je desire fort de vous entretenir tout un' apres disner, mais tenes un peu bien prest ce que vous aves a me dire, et vos petites lanterneries, dans lesquelles, si je puis, je mettray aussi des petites clartés, affin que vos lanternes ne soyent pas du tout inutiles..

  A014002943 

 J'avois dit a M. Michel que vous communieries; et ce grand Saint merite bien qu'on face soigneusement sa feste, quand ce ne seroit que pour apprendre a porter nos testes et que nos testes ne nous portent pas, qui est la perfaite resignation..

  A014002944 

 Je vis des hyer la lettre du bon Pere, et pour ce qui me regarde, je vous en entretiendray la centiesme partie d'un quart d'heure, car il ny a pas pour davantage.

  A014002944 

 Mais quant a vostre Celse Benigne, gardes bien que vous savouriés delicieusement tout ce qui est dit si joliment de luy, car c'est vostr'enfant.

  A014002944 

 Voyla donq la chere lettre que je vous renvoye, car je ne voudrois estre plus longuement depositaire d'un escrit qui parle de Celse Benine si mignardement..

  A014002945 

 Je le supplie quil vous face abonder en son tressaint amour et toutes nos cheres filles.

  A014002952 

 Et ce pendant, nourrisses cherement la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, par tous les bons exercices qui peuvent establir vostre cœur en l'humilité, douceur et pureté; car si vous jettes ainsy vostre fiance en cette souveraine Bonté, ell'abbregera les jours pour vous faire plus tost jouir de la retraitte a laquelle elle vous appelle..

  A014002952 

 Madamoyselle, Vostre desir de vivre toute a Nostre Seigneur m'est extremement aggreable, et vous tesmoigneray combien [354] j'en [ai de mon] costé pour vous en faire reuscir heureusement, quand monsieur vostre pere apportera ce qui est requis de sa part.

  A014002968 

 A ce renouvellement des entrees de la cour, me voyci a vostre porte, requerant quil vous playse avoir le soin et de l'affaire de ce porteur et de celle que j'ay pour la cure des Abergemens contre le Chapitre de Belley, qui a le tort principalement en ce quil me veut priver de la garde des cures et eglises parrochiales vacantes, contre toute rayson, contre toute coustume et contre les [356] articles que nous avions signés et arrestés par composition amiable, mais articles lesquelz ayans esté rompuz de leur part, je ne restabliray pas si aysement; puysque mesme je reconnois tous les jours plus clairement que leurs provisions du doyenné de Seyserieu sont foibles et imbecilles, au pris de celles de monsieur de Vitré, et que d'ailleurs ces messieurs ne songent qu'a s'avancer sur l'authorité de l'Evesque, qu'a pervertir la discipline ecclesiastique et qu'a nous introduire des methodes contraires aux Conciles.

  A014002968 

 Je vous supplie donq de me bien favoriser pour ce regard..

  A014002970 

 Ce pendant je prieray Nostre Seigneur pour vous, Monsieur, et pour [357] elle, comm'estant inviolablement de tous deux, avec un cœur tout filial,.

  A014002985 

 Certes, j'ay bien eu du contentement de sçavoir de vos nouvelles apres tant de tems que j'avois demeuré sans en recevoir, ma tres chere Fille, par vous mesme; car, que me peuvent dire de certain, de vous ni de vos affaires, tous les autres?.

  A014002986 

 A la verité, j'ay tous-jours eu cette cogitation, que toutes ces applications reusciroyent tres mal, et que c'estoit un coup que la Providence celeste vous avoit donné, affin de vous donner sujet de patience et mortification.

  A014002986 

 Mays, ma tres chere Fille, en fin tous les remedes humains se sont treuvés inutiles pour la guerison de cette pauvre jambe, qui vous donne une peine qu'il faut sagement convertir en pœnitence perpetuelle.

  A014002986 

 O quelz tresors pouvies vous assembler par ce moyen! Il le faut faire dores en avant, et vivre comm'une veritable rose entre les espines..

  A014002987 

 Mais ça esté pour peu, ce me dites-vous,] et pour un bon et legitime sujet.

  A014002987 

 Mays on m'a escrit que vous esties au Puy d'Orbe avec de vos Filles, et le reste estoit demeuré a Chatillon.

  A014002987 

 Pour cela, si vous escoutes mes advis, vous sortires le moins quil vous sera possible, et mesme pour ouyr les sermons, puisque vous aures bien le credit d'avoir quelquefois le praedicateur en vostre oratoire, qui dira des choses toutes propres pour vostre assemblee..

  A014002988 

 Contentes en cela messieurs vos parens, et je croy qu'apres vous pourres confidemment leur demander du secours pour vous bien loger, car il me semble que je les [voy qui disent: Pourquoy loger a] commodité des filles.....qui sortent [359] et vont parmi le monde? Et le desplaysir qu'ilz ont de ces sorties fait qu'ilz en exagerent la quantité et qualité.

  A014002989 

 Il se peut faire qu'ell'ayt le tort, mais du moins aures vous celuy la, de ne la pas ramener a vostre amour par le tesmoignage continuel et incessable de celuy que vous luy deves selon Dieu et le monde..

  A014002989 

 Or sus, ni auroit pas moyen que vous sçeussies treuver le biays par lequel il faut prendre et garder le cœur et l'affection de madame la Prieure nostre seur? car encor que selon le monde c'est aux inferieurs a rechercher la bienveuillance des superieurs, si est ce que selon Dieu et les Apostres c'est aux superieurs a rechercher les inferieurs et les gaigner; car ainsy fait nostre Redempteur, ainsy ont fait les Apostres, ainsy ont fait, font et feront a jamais tous les Praelatz zelés en l'amour de leur Maistre.

  A014002990 

 Si je vous parlois autrement, je vous trahirois; et je ne puis ni ne veux vous aymer que tout a fait paternellement, ma tres chere Fille, que je prie Nostre Seigneur vouloir combler de graces [360] et [de] ses consolations, saluant tres humblement toute vostre chere compaignie..

  A014002990 

 Vous voyes de quelle liberté j'use a vous [dire mes sentimens, ma chere Fille, car vous estes] une fille que je desire estre tous-jours victorieuse de la victoire que l'Apostre annonce: Ne soyes point vancu ( sic ) par le mal, mais vainques le mal par le bien.

  A014003007 

 Et puysque le sieur de Blonnay vous en escrit encor, je n'employeray rien de plus pour ce sujet, qui suis tous-jours de tout mon cœur,.

  A014003007 

 Je vous prie de prendre la peyne de retirer le legz fait a la Sainte Mayson, duquel ou vous ou l'hoir aves adverti M. de Blonnay, affin qu'il soit employé, selon l'intention du legataire, en une œuvre grandement pieuse [361] qui se praesente maintenant.

  A014003020 

 C'est pourquoy ce porteur [362] recourt a vous affin quil vous playse favoriser la supplication quil presentera, pour obtenir une declaration propre pour fayre foy au Parlement de Digeon de ce que nous avons allegué, ainsy que je viens de dire..

  A014003021 

 Je vous supplie donq, Monsieur mon Frere, de nous gratifier en cett'occasion, laquelle nous est importante et qui regarde une grande suite..

  A014003022 

 Je prieray ce pendant Nostre Seigneur quil vous conserve et prospere de plus en plus, demeurant,.

  A014003037 

 J'ay appris que mon frere et vous, estes tous-jours, et de plus en plus, exercés par les volontés de monsieur vostre pere.

  A014003037 

 Ma Fille, si vous sçaves bien prendre cette croix, vous seres bien heureuse, car Dieu vous donnera en eschange mille benedictions, non seulement en l'autre vie, mais mesme en celle cy; mais il faut estre courageuse et perseverante en douceur et patience..

  A014003038 

 Madame de Chantal se recommande mille fois tres affectionnement a vous et vous souhaitte continuellement accroissement de l'amour de Dieu..

  A014003049 

 Or sus, il faut donq bien tous-jours perseverer, ma tres chere Fille, a colloquer vivement toute vostre confiance en Nostre Seigneur parmi ce grand embarras d'affaires qui sont dessus vos bras, qui vous servira de juste sujet pour vous bien fonder en la resignation et tranquillité; car la tranquillité qui n'est pas exercee par la tempeste est une tranquillité faineante et trompeuse..

  A014003050 

 Mais pourquoy dites-vous, ma chere Fille, que s'il vous faut aller a Chambery vous craignes d'interrompre vos exercices, et particulierement celuy de la Communion? O Dieu, ma Fille, un peu de diligence de plus vous conservera vos exercices sains et sauves entre tous ces tracas.

  A014003051 

 Vrayement je desire fort de vous aller voir, mais je voudrois, s'il se pouvoit, que ce fust sans avoir occasion de m'engager en ceremonies, complimens et perte de tems ailleurs, comme je crois la chere seur vous devoir avoir dit; car si ce n'eust esté cette consideration, puisque j'avois le pied a l'estrier, je fusse retourné de Chambery par devers vous.

  A014003052 

 Je vous escris sans loysir.

  A014003063 

 Que vous diray je, ma Fille, sinon que la sainte Eglise Romaine, nostre mere, conduit aujourd'huy ses enfans a Sainte Marie la Majeure pour y faire la station et y commencer les Advens.

  A014003063 

 Vous voules, ma tres chere Fille, quelques bonnes pensees qui aydent a nos Seurs a passer les Advens avec autant de devotion qu'elles en ont le desir.

  A014003065 

 Voyla asses dequoy mediter, ma Fille, jusques a ce que je vous voye avec la chere petite trouppe, que Dieu veuille benir..

  A014003076 

 Mays celle du violement du cimetiere me regardant, affin d'y donner le plus digne et [367] prompt remede que je puis, je vous supplie tres humblement, Monseigneur de vouloir, en quelque journee aggreable, prendre la peyne de faire la reconciliation requise; en quoy vous favoriseres infiniment ce pauvre peuple qui, ne pouvant mais du crime, ne laysse pas de souffrir la privation de cette commodité spirituelle, et m'obligeres de rechef a vostr'obeissance, a laquelle pour tant d'autres raysons je suis tout voué et dedié..

  A014003077 

 Cependant je prieray Nostre Seigneur quil vous prospere et multiplie vos ans en sa benediction, qui est le souhait ordinaire de celuy qui, vous baysant tres humblement les mains, se tient glorieux d'estre,.

  A014003095 

 Affin donques qu'elle prene en sa speciale protection nostr'ame et nostre Congregation, nous commencerons ce jour la a communier quotidiennement; et je vous en advertis a l'avantage, affin que ces jours d'entredeux soyent employés a la preparation de la reception d'un si excellent benefice.

  A014003096 

 C'est le bon jour que je vous donne, ma tres chere Fille, sans pour cela vouloir dire que je ne vous aille voir quand je pourray..

  A014003107 

 Avec mille actions de graces des deux dernieres lettres [que] vous aves pris l'incommodité de m'escrire emmi ce grand tracas qui vous accable, je vous supplie de ne jamais faire aucune sorte d'effort pour me donner ce contentement; car encor que je confesse quil soit grand, si est ce que celuy de vostre conservation et repos m'est incomparablement plus grand..

  A014003109 

 Ces Peres sont revenuz tous pleins de respect et d'amour cordial pour vous et toute vostre mayson..

  A014003109 

 Je vous supplie de commander a du Pont de les remettre au premier qui passe en Piemont.

  A014003110 

 Madame du Foug, ma tante, et, comme je crois, vostre hostesse de Thonon, me prie par une lettre, que je vous recommande l'affaire qu'ell'a au Senat.

  A014003111 

 Je prie Nostre Seigneur quil vous renforce de plus en plus pour porter le [faix] quil a imposé sur vos espaules, et que ce soit par apres [tres] longuement, car ce sera tres heureusement.

  A014003123 

 Certes, je voudrois bien tous les jours vous envoyer quelque petite marque de la souvenance que j'ay de vostre dilection; mais je suis quelquefois sans loysir et d'autres fois sans commodité.

  A014003123 

 Ne penses pas, ma Seur tres chere, que je n'aye de la peyne a demeurer tant sans vous escrire, et principalement [372] maintenant qu'au rapport des bons Peres Feuillans vous estes encor un peu tendre en santé.

  A014003123 

 Or bien, encor vous escris-je maintenant apres dix heures du soir, pour accompaigner le livre ci joint qui me semble un peu plus correct que ceux des autres editions, bien que je ne l'aye pas veu que par ci par la; et, outre ce, il y a trois chapitres: Des habitz, Des desirs et Quil faut avoir l'esprit juste.

  A014003123 

 Tel quil est, il part de l'homme du monde qui vous souhaite plus de benedictions cælestes..

  A014003124 

 Je n'eu pas le loysir de me resouvenir, quand je fus a Chamberi, de vous dire que je vous avois envoyé une copie des principaux statutz de la Visitation; et si, je ne me souviens pas par qui je les envoyay.

  A014003124 

 Oseray-je bien vous prier de faire tenir la lettre ci jointe a la petite Chatel? C'est sa bonne seur qui la m'a envoyee; et je puis bien dire sa bonne seur, car vrayement elle l'est.

  A014003124 

 Toute leur Mayson vous salue, notamment M me de Chantal qui vous honnore et cherit ardemment..

  A014003125 

 Et puis consoles vous, que quand nous serons au port, les douceurs que nous y [373] aurons, effaceront les travaux pris pour y aller.

  A014003125 

 Gardes bien de laysser convertir vostre soin en troublement et inquietude, et toute embarquee que vous estes sur les vagues et parmi les vens de plusieurs tracas, regardes tous-jours au Ciel et dites a Nostre Seigneur: O Dieu, c'est pour vous que je vogue et navige, soyes ma guide et mon nocher.

  A014003138 

 Ah! Ce [374] dis-je, o Sauveur de nostre cœur, puisque meshuy nous serons tous les jours a vostre table pour manger non seulement vostre pain, mays vous mesme, qui estes nostre pain vivant et sur essentiel, faites que tous les jours nous facions une bonne et parfaite digestion de cette viande tres parfaitte, et que nous vivions perpetuellement embausmés de vostre sacree douceur, bonté et amour..

  A014003138 

 Mon Dieu, ma chere Fille, certes il me tarde que je vous voye.

  A014003139 

 Mais l'autre soir, ce sera vers demain, il faut escrire a Dijon, car mardy nous envoyerons; mais si je puis, je vous verray..

  A014003140 

 Je ne veux pas que vous jeusnies cette annee.

  A014003146 

 Dieu vous veuille estre propice, et que sa sainte main soit tous-jours avec vous..

  A014003146 

 En fin donq vous alles faire voyle et prendre la haute mer du monde en la cour.

  A014003148 

 Confesses-vous tous-jours humblement, et avec un vray et expres propos de vous amender.

  A014003148 

 N'oubliés jamais (mais de cela je vous en conjure) de demander a genoux le secours de Nostre Seigneur avant que de sortir de vostre logis, et de demander le pardon de vos fautes avant que d'aller coucher..

  A014003148 

 Or, Monsieur, contre tout cela, puisqu'il vous plaist que je vous parle ainsy, continués a nourrir vostre esprit des viandes spirituelles et divines, car elles le rendront lort contre la vanité et juste contre l'ambition.

  A014003148 

 Tenes bon a la frequente Communion, et croyés-moy, vous ne sçauries faire chose qui vous affermisse tant en la vertu, lit pour bien vous asseurer en cet exercice, ranges-vous sous le conseil de quelque bon confesseur, et le priés qu'il prenne authorité de vous demander conte en confession des retardemens que vous feres en cet exercice, si par fortune vous en faisies.

  A014003149 

 Au contraire, ayés des livres de solide doctrine, et sur tout des chrestiens et spirituelz, pour vous y recreer de tems en tems..

  A014003149 

 Sur tout, gardés vous des mauvais livres, et pour rien du monde ne laissés point emporter vostre esprit apres certains escritz que les cervelles foibles admirent, a cause de certaines vaines subtilités qu'ilz y hument, comme cet infame Rabelais et certains autres de nostre aage, qui font profession de revoquer tout en doute, de mespriser tout et se mocquer de toutes les maximes de l'antiquité.

  A014003150 

 Je vous recommande la douce et sincere courtoysie qui n'offense personne et oblige tout le monde, qui cherche plus l'amour que l'honneur, qui ne raille jamais aux [377] despens de personne, ni piquamment, qui ne recule personne et aussi n'est jamais reculee, et si elle l'est, ce n'est que rarement; en eschange dequoy, elle est tres souvent honnorablement avancee..

  A014003151 

 Prenés garde, je vous supplie, a ne vous point embarrasser parmi les amourettes, et a ne point permettre a vos affections de prevenir vostre jugement et rayson au choix des sujetz aymables; car, quand une fois l'affection a pris sa course, elle traisne le jugement comme un esclave, a des choix fort impertinens et dignes du repentir qui les suit par apres bien tost..

  A014003152 

 Constamment, parce que, si vous ne tesmoignes pas avec perseverance une volonté esgale et inviolable, vous exposeres vos resolutions aux desseins et attaques de plusieurs miserables ames qui attaquent les autres pour les reduire a leur train.

  A014003152 

 Je dis vertueusement, affin qu'aucun ne pretende de vous engager aux desbauches.

  A014003152 

 Je voudrois que d'abord, en devis et maintien et en conversation, vous fissies profession ouverte et expresse de vouloir vivre vertueusement, judicieusement, constamment et chrestiennement.

  A014003152 

 Judicieusement, affin que vous ne fassies pas des signes extremes, en l'exterieur, de vostre intention, mais telz seulement que, selon vostre condition, ilz ne puissent estre censurés des sages.

  A014003153 

 Il vous importera aussi infiniment de faire quelques [378] amis de mesme intention, avec lesquelz vous puissies vous entreporter et fortifier; car c'est chose toute vraye que le commerce de ceux qui ont l'ame bien dressee, nous sert infiniment a bien dresser ou a bien tenir dressee la nostre.

  A014003153 

 Je pense que vous treuveres bien aux Jesuites, ou aux Capucins, ou aux Feuillans, ou mesme hors des monasteres, quelque esprit courtois qui se res-jouira si quelquefois vous l'alles voir pour vous recreer et prendre haleyne spirituelle..

  A014003154 

 Mais il faut que vous me permetties de vous dire quelque chose en particulier.

  A014003154 

 Voyés-vous, Monsieur, je crains que vous ne retournies au jeu, et je le crains parce que ce vous sera un tres grand mal: cela, en peu de jours, dissiperoit vostre cœur et feroit flestrir toutes les fleurs de vos bons desirs.

  A014003155 

 Je vous souhaitte encor un cœur vigoureux pour ne point trop flatter vostre cors en delicatesse au manger, au dormir et telles autres mollesses; car en fin, un cœur genereux a tous-jours un peu de mespris des mignardises et delices corporelles.

  A014003155 

 Neanmoins Nostre Seigneur dit que ceux qui s'habillent mollement sont es maysons des rois; c'est pourquoy je vous en parle.

  A014003155 

 Or, je ne parle pas de l'exterieur de l'habit, mais de l'interieur; car pour l'exterieur, vous sçavés trop mieux la bienseance, il ne m'appartient pas d'en parler.

  A014003156 

 Je veux donq dire que je voudrois que parfois vous gourmandassies vostre cors a luy faire sentir quelques aspretés et duretés, par le mespris des delicatesses et le renoncement frequent des choses aggreables aux sens; car encor faut-il quelquefois que la rayson fasse l'exercice de sa superiorité et de l'authorité qu'elle a de ranger les appetitz sensuelz..

  A014003157 

 Vous connoisses mon cœur et treuveres tout bon..

  A014003158 

 Encor faut-il pourtant que je vous die ceci.

  A014003158 

 Et si vous eussies esté aupres de luy, vous l'eussies veu rire amiablement aux occasions, parler hardiment quand il en estoit tems, avoir soin que tout fust en lustre autour de luy, comme un autre Salomon, pour maintenir la dignité royale; et un moment apres, servir les pauvres aux hospitaux, et en fin marier la vertu civile avec la chrestienne, et la majesté avec l'humilité.

  A014003158 

 Imaginés-vous que vous fussies courtisan de saint Louys: il aymoit, ce Roy saint (et le Roy est maintenant saint par innocence), qu'on fust brave, courageux, genereux, de bonne humeur, courtois, civil, franc, poly; et neanmoins, il aymoit sur tout qu'on fust bon Chrestien.

  A014003159 

 O sainte et interminable eternité, bienheureux qui vous considere! Ouy, car qu'est-ce que [ce] [380] desduit de petitz enfans que nous faysons en ce monde pour je ne sçai combien de jours? Rien du tout, si ce n'estoit que c'est le passage a l'eternité.

  A014003160 

 Aymés-moy tous-jours comme chose vostre, car je le suis en Nostre Seigneur, vous souhaittant tout bonheur pour ce monde et sur tout pour l'autre.

  A014003160 

 Ayés tous-jours Jesus Christ pour patron, sa Croix pour arbre, sur lequel vous estendies vos resolutions en guise de voyle; vostre ancre soit une profonde confiance en luy, et allés a la bonne heure.

  A014003160 

 Dieu vous benisse et vous tienne de sa sainte main.

  A014003160 

 Et pour finir par ou j'ay commencé: vous alles prendre la haute mer du monde, ne changés pas pour cela de patron, ni de mat, ni de voyle, ni d'ancre, ni de vent.

  A014003160 

 Veuille a jamais le vent propice des inspirations celestes enfler de plus en plus les voyles de vostre vaysseau et vous faire heureusement surgir au port de la sainte eternité, que de si bon cœur vous souhaite sans cesse,.

  A014003168 

 En fin ce beau jour, si propre pour aller vers vous, ma tres chere Fille, s'escoule ainsy sans que j'aye ce [381] contentement; au moins faut que je supplee en quelque sorte par ce petit mot, que je sauve d'entre les affaires que certains Religieux m'apportent..

  A014003169 

 Ayés bien soin de soulager doucement vostre pauvre cœur; gardés-vous bien de luy sçavoir mauvais gré de ces fascheuses pensees qui luy sont autour.

  A014003171 

 Bon soir de rechef, ma tres chere Fille; ne vous inquietés point, mocqués-vous de l'ennemy, car vous estes entre les bras du Tout Puissant.

  A014003171 

 Dieu soit a jamais nostre force et nostre amour! Demain, moyennant sa grace, nous vous irons voir, ma tres cherement unique Fille de mon cœur.

  A014003177 

 Je suis marri que vous ayes eu l'incommodité d'envoyer expres ce porteur qui m'a rendu les livres que vous luy avies confiés.

  A014003177 

 Mais quand il sera en estat d'estre envoyé, je vous avertiray quelques semaines devant, affin que vous ayes ce qui sera [383] convenable pour l'edition, en suite de ce que ci devant je vous en ay dit et escrit a monsieur le Suffragant..

  A014003178 

 Je vous prie de m'envoyer par la premiere commodité le livre de La Venerie, de Jaques du Fouilloux, et celuy d'Esperron, et un petit livret du Combat spirituel, de ceux qui sont nagueres traduitz..

  A014003179 

 Dieu vous conserve et prospere, et je suis,.

  A014003181 

 Vostre bien humble et affectionné a vous.

  A014003196 

 Et outre le contentement que vous aures d'avoir exercé une telle charité a l'endroit de toute un' honnorable famille, faysant revivre l'enfant qui sembloit perdu, vous me rendres de plus en plus obligé de [385] vous honnorer avec le respect que, pour plusieurs autres raysons, je veux et dois rendre a vos merites..

  A014003196 

 Je vous supplie donq de tout mon cœur, Monsieur, qu'il vous playse le restablir en ce bonheur, sans lequel il est a craindre qu'il ne perde tout celuy du reste de sa vie.

  A014003197 

 Et me promettant cette gratification de vostre bienveuillance, je demeureray a vous souhaitter toute sainte consolation caeleste, et seray tous-jours,.

  A014003217 

 Je serviray madame d'Avully en tout ce qu'il [386] me sera possible, notamment en l'un et en l'autre des articles que vous me marques..

  A014003217 

 Voyla vostre porteur que nous vous renvoyons despéché.

  A014003228 

 Ce n'est que simplement pour contenter mon cœur que je vous escris maintenant, car il faut, quand je puis, suppleer au bonheur que j'avois d'estre aupres de vous par ce petit allegement.

  A014003228 

 Et puis, encor faut-il garder les bonnes coustumes a vous souhaiter les bonnes festes; car, de m'attendre au bien que nous avions presque esperé, de vous voir a nos beaux Offices en ces si dignes solemnités, c'est chose que le tems et les affaires ne me peuvent permettre, si ce n'est en cette façon ordinaire par laquelle vous estes tous-jours present a mon ame, et principalement a l'autel et le jour de Nouel, environ lequel j'eu cette si chere grace de vous voir.

  A014003229 

 Dieu vous donn'a tous deux les bonnes et belles festes, et vous conserve longuement et heureusement..

  A014003234 

 Monsieur mon Frere, ce porteur m'a dit comm'il a sceu, ou plus tost comm'il n'a pas sceu, la supplication que mon frere de Thorens vous fait; et ça bien esté asses pour y faire adjouster la mienne, que je sousmetz neanmoins a vostre jugement..

  A014003244 

 Or, quand je l'iray voir, je veux gaigner une bonne heure pour me promener avec vous en la galerie, car on y parle plus a commodité..

  A014003256 

 Ce n'est pas pour faire les remercimens que je doy a vostre perseverance au desir du bien des nostres, que je vous escris maintenant; ce n'est que pour vous supplier humblement de favoriser de vostre juste protection cette [390] pauvre vefve, que monsieur de Conflens, a mon advis tant de vos serviteurs et de mes amis, m'a instamment recommandee.

  A014003256 

 Je vous en fay donq supplication, et vous souhaite et a madame vostre chere Praesidente, ma tres chere seur, Monsieur mon Frere, ce que vous pouves imaginer du cœur de.

  A014003259 

 Nous attendons mon frere de Thorens pour vous faire la response que vostre lettre pleyne de faveur requiert..

  A014003273 

 Mais je vous prie, ma chere Fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons Anges de vous et de moy se treuverent en la chere trouppe des musiciens celestes qui chanterent en cette nuit? O Dieu, s'il leur playsoit d'entonner de rechef aux oreilles de nostre cœur cette mesme celeste chanson, quelle joye, quelle jubilation! Je les en supplie, affin que gloire soit au ciel, et en terre paix aux cœurs de bonne volonté..

  A014003282 

 Ah! ma Fille, c'est cett'eternité que sur tout je vous souhaitte tres heureuse, et a cause d'elle vous vivés tous-jours presente a mon cœur, qui se res-jouit de voir que vous perseveres a vouloir de tout le vostre servir sa divine Majesté en sainteté et pureté.

  A014003282 

 Faites bien cela, ma chere Fille, et parmi les orages des affaires importuns de ce miserable siecle, affermisses-vous souvent aupres de ce Sauveur qui est venu apporter la paix, la douceur, la tranquillité aux gens de bonne volonté..

  A014003284 

 Bon jour et tres bon an, ma tres chere Fille; je Vous escris sans haleyne et loysir, et suis entierement tout vostre...........

  A014003291 

 Je finis cette annee avec le contentement de vous pouvoir presenter le souhait que je fay sur vous pour la suivante.

  A014003301 

 Voyla cette petite trouppe de Sainte Catherine qui vous va voir, m. Vous ne connoisses que ma cousine de Ballon, mais les autres ne laissent pas d'estre bonnes filles; je les vous recommande, m. La chere fille de la haut m'a escrit avec beaucoup de salutation pour vous..

  A014003302 

 Sil se peut, pour chose du monde je vous iray donner le bon soir, ou ce sera lundi matin pour le bon jour..

  A014003312 

 Ce gentilhomme, qui est fort de mes amis, partant d'aupres de monsieur le baron de Lux pour aller droit a la court, je luy donne ces quatre ou cinq motz qui vous asseureront de la continuelle passion avec laquelle mon cœur vous honnore, respecte et cherit..

  A014003313 

 Dieu en face selon sa plus grande gloire et vous veuille de plus en plus prosperer, avec madame vostre chere partie et toute vostre famille, jusques a vostre petit nouveau né Anthoyne, au nom duquel je porte des-ja bien de l'affection pour estre le nom du pere, auquel je suis si absolument,.

  A014003313 

 Et pour dire quelque chose sur le sujet de la derniere lettre que vous me fistes lhonneur de m'escrire, je croy bien que meshuy cett' heureuse alliance delaquelle nous nous res-jouissons tant, me mettra en autant de liberté quil m'en faut pour pouvoir jouir un bon jour de la douceur de vostre conversation, si toutefois la guerre a laquelle il semble que tant d'inclinations conspirent, ne [398] me sert de nouvel empeschement.

  A014003330 

 Ce soir, Dieu aydant, j'iray voir comme vous vous seres portee, et ce pendant, bon jour, ma tres chere Fille..

  A014003330 

 Je vous souhaite une bonne, douce et salutaire purgation, ma tres chere Fille, et prie Nostre Seigneur quil vous comble de benedictions.

  A014003339 

 Je vous souhaite infiniment le bon soir, ma tres chere Fille toute mienne, et sur tout craignant que l'evacuation ne vous laisse quelqu'incommodité de lassitude, alteration et chaleur.

  A014003339 

 Mais je sçai bien pourtant que vous souffriries tout cela bien doucement, car vous estes bien sage, ma chere Fille, et ne treuveres jamais rien de trop dur de ce que Nostre Seigneur vous envoyera.

  A014003341 

 Demeures en paix, et vive Jesus! La chere niece me dira comme vous aves fait..

  A014003348 

 Ma chere Fille, je vous sçay bon gré de cette remarque; mais voyes vous, tout le monde n'a pas receu de Dieu la grace d'evangeliser comme son Filz, le doux [401] Jesus, avec le miel et le lait sous la langue.

  A014003405 

 Le livre spirituel que vous venez de mettre sur la presse de l'imprimeur, me ravit, m'eschauffe, m'extase tellement, que je n'ay ny langue, ny plume dont je puisse vous exprimer l'affection qui me transporte en vostre endroict, pour l'amour de ce grand et signalé service que vous en rendez à la divine bonté et l'inestimable fruict qui en reviendra à tous ceux qui seront si heureux que de le lire ainsi qu'il faut..

  A014003406 

 Mais, que falloit-il attendre d'un Evesque de Geneve tel que vous, sinon quelqu'œuvre entre autres, qui mist fin à l'infamie de Geneve, dont toute l'Europe a esté infectée d'heresie? Je ne nie pas que les livres si doctement escrits par tant de Docteurs excellans, dont le Cardinal Bellarmin est le souverain, n'ayent grandement servy contre les heresies de ce siecle; mais je veux bien aussi dire et sous-tenir que ceux qui ont escrit sur la morale et de la devotion n'y ont pas apporté moins de remede.

  A014003408 

 Excusez, s'il vous plaist, ma prolixité; il a fallu que j'aye contenté mon ame, de vous signifier son aise et contentement sur vostre beau et bon livre que je ne puis assez loüer..

  A014003417 

 Par les deux derniers projects que vous destinez, ce sera pepiner le monde de predicateurs qui fassent de mesme que vous; et je m'oseray promettre (s'il plaist à Dieu que vous puissiez esclorre ces [411] belles conceptions) une si acile et nombreuse reduction des desvoyez, soit en la doctrine, soit aux mœurs, que l'on sera contrainct d'advouër que l'on n'avoit encore point treuvé de semblable methode..

  A014003418 

 Et puis, vous appeliez tout cela de petites entreprises de courte haleine, de basse estoffe! Et je persiste en tout ce que ma precedente vous representoit de la valeur de vostre livre, au dessus des grands et immenses volumes de plusieurs qui s'essayent de combattre l'heresie, dont l'obstination ne peut estre vaincue que par la melioration des volontez, s'il faut user de ce terme: à quoy la reformation des mœurs sert directement..

  A014003419 

 Faictes donc, Monsieur, que ce vostre zele, qui est vrayement selon la science des Saincts, execute ce que vous me daignez communiquer.

  A014003419 

 Pour mon symbole, je n'y peux contribuer que ceste tres-instante requisition que je vous en fais, pour la gloire de Dieu et service de son Eglise..

  A014003433 

 Nostre R. P. Provincial s'en retournant en France, layssa charge a nostre R. P. Recteur que l'on ne passast plus avant en l'affaire duquel je vous avois escrit, sans son expresse communication; ce qui tirera l'execution en longueur, et non sans ma langueur.

  A014003435 

 Et pour l'heureuse conduitte d'un si salutaire ouvrage, je suplieray Dieu, le Createur et Gouverneur de l'univers, Monseigneur, vous conserver en toutes prosperités et vous combler de ses dons celestes, pour les despartir heureusement a tout vostre troupeau, vous remettant les clefs de tout le bercail pour le rameiner au vray pasturage de vie..

  A014003455 

 Je vous supplie tres-humblement, Monseigneur, de me continuer tousjours vos bonnes volontez, et croire que je ne desire rien plus, apres les graces et benedictions de ce bon Dieu que j'implore, et dont j'ay bien besoing, que d'estre conservé en vostre souvenance, et demeurer toute ma vie,.

  A014003476 

 Vous avez laissé cette petite ville toute parfumée de la suavité de votre douce, dévote et débonnaire conversation, particulièrement Messeigneurs nos bons prélats, qui en parlent avec grand sentiment.

  A014003477 

 Il est vrai, mon très-cher Seigneur, à vous parler dans la pure vérité, que j'étais intérieurement sollicitée du désir de vous parler d'un sujet que ces bonnes âmes ne savent pas; et bien que ma bassesse et la révérence que je porte à votre mérite et que je dois à votre dignité combattissent cette pensée, néanmoins c'était elle qui m'excitait à vous prier souvent de nous venir voir, et à me plaindre à votre bonté de ce que vous ne le faisiez pas.

  A014003477 

 Or je croyais que par votre absence je serais défaite de cette secrète excitation, et néanmoins je m'en trouve plus pressée et si fort que je ne puis l'anéantir sans scrupule; c'est pourquoi, mon très-cher Seigneur, me confiant en votre débonnaireté et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds, je vous supplie et conjure, avec toute la révérence qui m'est possible, par la pure dilection que vous avez à notre divin Sauveur, et par l'amour que vous portait et que vous portez à notre Bienheureux Père, de vous déporter d'écrire contre les Religieux, et de prendre garde aussi de ne heurter personne, ni en général ni en [417] particulier, pour chétive qu'elle soit, dans vos livres, ni d'y rien dire qui puisse émouvoir des contentions ou réfutations, car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses contre notre bon Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de mortification pour le faire avec l'humilité et le respect qu'ils doivent à votre digne personne et à votre qualité..

  A014003478 

 Il vous a donné une âme et un esprit propres pour écrire de son divin amour, et enrichir l'Eglise d'infinité de traités de dévotion, pour le bien et avancement des âmes: c'est la sainte occupation que ceux qui vous honorent désirent maintenant à votre aimable loisir, afin que, par le moyen de cette pure dilection de notre divin Sauveur, dont votre chère âme est si parfaitement amoureuse, vous preniez garde dorénavant d'épargner dans vos écrits les Religieux.

  A014003478 

 Vous voyez qu'ils ne reçoivent pas avec profit vos avertissements, et qu'il y a grand risque, si cela n'est bientôt étouffé par votre bonté et charitable support, qu'il ne s'allume un feu qui éteigne celui de la sainte charité en plusieurs âmes, et ne cause de très-grands scandales en l'Eglise de Dieu, ainsi que plusieurs bien sensés appréhendent et prévoient qu'il arrivera infailliblement, si votre débonnaireté et votre zèle à la plus grande gloire de Dieu ne vous fait supporter sans revanche l'insolence d'une réponse que l'on dit avoir été faite à un de vos livres, laquelle, étant si extravagante et éloignée de la vérité et du respect qui vous est dû, ne peut porter coup contre l'estime que l'on a de v.otre véritable vertu..

  A014003479 

 Oubliez donc, mon très-cher Seigneur, cette offense, à l'imitation du divin Sauveur, qui en avait reçu de bien plus grandes de ceux pour qui il demanda pardon en les excusant, et vous souvenez aussi, mon bon Seigneur, de la modestie et douceur avec laquelle notre Bienheureux Père parle en la préface de l'Amour divin, de celui qui l'avait si insolemment bafoué en pleine chaire: il attribue cette faute à son zèle.

  A014003479 

 Vous chérissez si tendrement l'esprit de ce Bienheureux, [418] imitez-le, mon très-cher Seigneur, en sa patience à tout supporter, et en cette prudence charitable qui le tenait attentif à ne dire ni écrire jamais aucune chose qui pût tant soit peu blesser le général, ni les particuliers d'aucun Ordre, ni décrier personne du monde, pour vile et chétive qu'elle fût.

  A014003480 

 Monseigneur mon très-cher frère, votre bonté me pardonnera-t-elle la confiance que je prends de lui dire ainsi simplement tout mon sentiment? Certes, après la gloire de Dieu, j'ai été excitée par le véritable amour que je vous dois et veux vous rendre toute ma vie, et prie Dieu de vous donner la sainte inspiration d'employer dorénavant ce talent qu'il vous a donné pour écrire de sa pure dilection, et par ce moyen enrichir la sainte Eglise de plusieurs traités utiles à ses enfants.

  A014003480 

 Permettez-moi, Monseigneur, de vous supplier de me donner quelques petits témoignages que vous n'aurez point désagréé ma simplicité et confiance en votre bonté, car mon cœur aurait une bonne touche s'il pensait avoir fait quelque chose qui vous déplût, ayant tant de désirs de se voir continuer l'honneur de votre précieuse amitié...............................................................


15-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XV-Vol.5-Lettres.html
  A015000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A015000269 

 Au demeurant, Madame, je ne puis non plus penser pourquoy vous tenes pour rigoureuse la poursuite faite contre cet homme lâ, puisqu'il y a plusieurs moys qu'il va mesprisant toutes citations impunément.

  A015000269 

 Aussi, Madame, vous ne me marques que cette languissante, mais que neanmoins il vous plait d'appeller rigoureuse procedure; et moy, pourveu que vous me permettiés de me defendre un peu librement contre vous, je vous diray que si le nœud du devoir que j'ay a monsieur vostre mari et a vous se pouvoit desfaire, vous m'auries tous deux grandement des-obligé en deux occasions..

  A015000269 

 Et encor suis-je plus estonné dequoy vous me tenes pour ombragé contre monsieur vostre mari, et me dites que beaucoup d'indices ne luy en ont donné que trop de connoissance; car, en vray (sic) verité, je me suis tous-jours tenu pour fort honnoré de la bienveuillance que, de sa grace, il m'a portee.

  A015000270 

 L'un'est quand, sciemment, vous fistes prendre la licence de faire le mariage de monsieur et madame de Monthouz vos enfans, laquelle, pour un si grand empeschement, nous ne pouvions donner qu'abusivement.

  A015000270 

 Mais, comme pouvoit-on ne faire pas ce qui estoit desiré d'un si bon lieu? Or, Madame, je serois extremement [2] desplaysant si, sur la bienveuillance delaquelle vous me gratifiés, j'avois pensé seulement a tirer de vous chose qui vous deut donner le moindre repentir du monde, et jugerois de vous avoir grandement offencé si je l'avois fait esciemment..

  A015000271 

 L'autre fois, Madame, ça esté quand vous aves entrepris de soustenir la des-obeissance de cet homme d'Eglise pour lequel vous m'escrivés; car de maintenir sa cause, au fond de l'affaire, vostre charité seule, sans autre consideration, vous en pouvoit donner une juste volonté.

  A015000272 

 Ce pendant, Madame, je veux bien attendre encor quelque tems avant que de faire aucunes poursuites, pour apprendre de vous mesme, puisque vous me faites esperer le bien de vous voir si tost, les raysons de ce venerable personnage.

  A015000272 

 Que si elles sont telles que je me doive humilier, je le feray de bon cœur; mais si aussi il se treuve raysonnable qu'il s'humilie sous la justice que je fay exercer, je vous supplieray de ne point employer l'authorité de vostre bienveuillance pour l'en exempter, contre la necessité de ma charge..

  A015000273 

 Je me res-jouys que Sa Sainteté ayt ouctroyé le [remède] requis au mal de l'action que fit messire Nacot, et seray encor plus ayse quand je sçauray quil aura esté legitimement appliqué; car, honnorant tres cherement monsieur vostre mari et vous, Madame, comme je fay et feray toute ma vie, je desire que tout ce qui vous est praetieux vive entre les benedictions caelestes et que rien ne demeure jamais en vostre mayson qui les en puisse divertir.

  A015000273 

 Madame, j'ay de l'affection et de lhonneur pour monsieur vostre mari, pour vous et pour les vostres autant que vous sçauries souhaiter d'homme qui vive; [3] mais le plus grand desir que je face, c'est que jamais Dieu ne soit abandonné, non pas mesme pour un moment..

  A015000274 

 Je le supplie donq quil vous conserve tous, quil vous prospere et benisse de ses plus grandes faveurs; et vous, je vous conjure, Madame, faites moy le bien de me croire fermement,.

  A015000291 

 L'honneur que j'ay d'estr'aymé de vous, servira de [simple] praeface a ma supplication, laquelle je vous [5] fay [d'estre] favorable protecteur de ce porteur, frere de monsieur le premier President de Savoye et mon Vicayre general, pour les affaires qui le tirent vers vous, qui sont parties siennes et parties miennes; mais, a mieux dire, siennes et miennes tout ensemble, puisque luy mesme est mien par une longue et bonn'amitié..

  A015000292 

 Dieu luy donne la sainte perseverance et vous conserve longuement, Monsieur, selon le souhait de.

  A015000307 

 Il faut, ma chere Seur, l'attribuer aux occasions qui ne s'en sont pas presentees, et non jamais a nulle sorte de mesconnoissance des obligations que je vous ay, qui sont indicibles, puis qu'elles ne sont pas comprehensibles..

  A015000307 

 Je la sens si grande, si forte et si fidelle qu'il ne me semble pas qu'aucun autre me puisse devancer de ce costé; mais je ne sçai comme mon malheur a voulu que je vous en aye rendu si peu de preuves cette annee passee.

  A015000307 

 Mais que puis-je faire ni dire, ma tres chere Seur, qui puisse dignement vous satisfaire sur ce sujet? Je confesse ingenuement que je suis vaincu, et que, comme vous me devances infiniment de toutes partz, vous le faites tres particulierement en celle-ci, de me rendre les devoirs et les tesmoignages d'amitié pour celle-la avec laquelle je vous ayme.

  A015000307 

 Si vostre lettre m'a comblé de joye, je le demande a mon cœur, qui a esté tout absorbé de consolation voyant et la souvenance que vous aves de moy et l'honneur que vous continues de me faire en m'aymant, mais tendrement et cherement, comme vous me le tesmoignes.

  A015000308 

 Croyés, ma tres chere Seur, que mon cœur est fraternellement amoureux du vostre, et que si j'avois la commodité d'assouvir ses desirs, je serois bien tost en vostre solitude, laquelle, vous dites, je redoute pour son aspreté, mais laquelle j'ayme precisement pour mille sujetz, mais principalement pour l'amour de vous, qui, par vostre presence, me l'avés rendue ci devant plus douce et plus aggreable que ne furent jamais les plus delicieuses conversations des villes.

  A015000310 

 Je n'ay pas tous les jours le bien de vous pouvoir entretenir; quand j'en ay la commodité, il s'en faut prevaloir.

  A015000310 

 Je ne vous parle point de [mon frere] ni de madame de Chantal; ilz vous escrivent tretous..

  A015000310 

 Vous connoistres bien, ma tres chere Seur, par la longueur de cette lettre, le playsir que j'ay de le faire et de m'entretenir avec vous; mais il n'y a remede, vostre charité me pardonnera.

  A015000311 

 Mais, ma chere Dame, vous estes, avec la petite seur, la souveraine friandise pour m'attirer par devers vous, tout le reste n'est qu'accessoire; ces deux personnes que je viens de nommer sont le principal..

  A015000311 

 Vous me dites sur la fin de vostre lettre je ne sçai quoy de vos belles et bonnes confitures, et desquelles, estant avec vous, j'ay si abondamment usé.

  A015000312 

 Faites-le, ma chere Seur, sinon pour vous, pour le moins en consideration de ceux qui la souhaitent entiere et parfaite.

  A015000312 

 Il faut finir en vous recommandant le soin de vostre santé, avec la joye interieure et la recreation exterieure, qui vous serviront pour un entier restablissement.

  A015000312 

 Je suis de ceux-la, et vous le croyés, n'est-ce pas? [8] Ma chere Seur, il faut bien le faire, et m'aymer absolument, presque sans reserve..

  A015000313 

 Je suis en Nostre Seigneur, que je vous desire propice eternellement, ma tres chere Seur,.

  A015000323 

 J'ay de la consolation de voir en vostre lettre, ma chere Fille, que non obstant tous vos desgoutz et toute vostre tristesse, vous aves perseveré a faire vos exercices sans vous en estre oubliee que fort peu; car, pourveu qu'on fasse en consideration de l'amour de Dieu ce qu'on fait, bien que ce soit sans sentiment et sans goust, l'ame ne laisse pas de prendre force et vigueur en l'interieur et en la portion superieure et spirituelle..

  A015000324 

 Cheminés donq avec courage et parfaite confiance en [9] Nostre Seigneur, car il vous tiendra de sa main; et par la varieté des sentimens a laquelle nous sommes sujetz en ce miserable monde, il vous conduira au Ciel, ou nous n'aurons qu'un seul et invariable sentiment de la joye amoureuse de sa divine bonté, a laquelle je vous conjure de me recommander perpetuellement..

  A015000325 

 Je vous prie d'avoir souvenance de tout cela en vos oraysons..

  A015000325 

 La bonne seur que vous aves ici est vrayement une bonne Fille; et pourveu qu'il playse a la sainte providence de Nostre Seigneur de nous laisser quelque tems madame de Chantal, ainsy que nous l'esperons, j'ay confiance en ce mesme Sauveur que cette chere seur sera bien consolee en ce genre de vie qu'ell'a embrassé.

  A015000337 

 J'ay bien treuvé le livret duquel je vous parlay; mais j'y ay rencontré des choses si dures, que je ne vous le veux bailler qu'apres vous avoir fait une præface qui vous le rende plus intelligible et moins scabreux.

  A015000338 

 J'ay un petit projet a vous communiquer, qui tend a la gloire de Dieu et reduction d'une grande ame.

  A015000350 

 Seulement vous diray-je que la faute commise avec madame la [11] Comtesse et M. du Coudrey m'a donné mille consolations en sa reparation, car vous la fistes extremement bien a mon gré; et ne failloit pas pour cela quitter la tressainte Communion, laquelle, au contraire, il faut employer pour remede a telz petitz defautz, qui ne viennent pas tant de mauvayse volonté, comme de surprise et foiblesse..

  A015000352 

 Nostre M me de Chantal a esté rudement malade, mais maintenant se porte beaucoup mieux et va tous les jours en amendant de santé, avec une continuelle memoyre de vous, qu'elle cherit et honnore de tout son cœur.

  A015000353 

 Dieu vous benisse, ma chere Fille.

  A015000364 

 Dieu vous face voir longuement cet enfant prouffiter es benedictions que luy souhaite,.

  A015000364 

 Ça esté de tout mon cœur que je me suis res-joüy du contentement que Nostre Seigneur vous a donné et a monsieur de Monfort mon cousin, puisque l'affection avec laquelle je vous honnore me fait participer a tous vos ressentimens.

  A015000379 

 Et vous, loüés-le aussi de tout vostre cœur, et nous le louerons tous deux de tous nos cœurs.

  A015000379 

 Or sus, ma tres chere Fille, la plus grande gloire de Dieu, qui est la souveraine maistresse de nos affections, m'a retenu aupres de cette bonne dame de Saint Cergue, pour la reduction de laquelle vous aves prié; car l'ayant veuë disposee a prendre les finales resolutions de son bonheur, je ne l'ay point voulu abandonner qu'elle ne les eust faites, dont je loüe Nostre Seigneur de tout [15] mon cœur.

  A015000380 

 Je suis bien ayse qu'elle se soit un peu recreée aupres de vous, car voyes-vous, elle sentira tous-jours quelque petite tranchee de l'enfantement qu'elle va faire.

  A015000381 

 Consolés-le donq, ma chere Fille, ce pauvre cœur, et luy donnés le plus de joye et de paix que vous pourres.

  A015000381 

 Je prie nostre doux Sauveur qu'il respande sa douce et aggreable suavité sur vous, affin que vous reposies saintement, sainement, tranquillement en luy, et qu'il veille paternellement sur vous, puisqu'il est le tres souverain amour de nostre inseparable cœur.

  A015000381 

 O Dieu, ma chere Fille, je le vous recommande, nostre pauvre cœur; soulagés-le, confortés-le, recreés-le le mieux et le plus que vous pourres, affin qu'il serve Dieu; car c'est pour cette consideration [16] qu'il nous le faut traitter.

  A015000383 

 Je vous envoye ce Miroir d'amour, et apres vous je le verray, car j'en ay envie, estimant que cette traduction faite par les Chartreux sera parfaite.

  A015000392 

 C'est tout couramment que je vous escris.

  A015000392 

 J'iray ce soir voir M me de Chantal (qui guerit fort lentement, sur tout des jambes et des bras, et qui vous bayse tres affectionnement les mains) pour conferer avec elle sur la reception de la fille dont vous m'escrives, delaquelle les bonnes qualités ne sont pas de peu de consideration.

  A015000394 

 Ma tres chere Fille, je vous voy, ce me semble, bien enfoncee dans une multitude d'embarassemens, que la grandeur du mesnage ou vous estes vous met sur les [18] bras.

  A015000394 

 Mais, ma tres chere Fille, il faut tant plus appeller Nostre Seigneur a nostr'ayde et reclamer sa sainte assistence, affin que ce travail que vous deves supporter luy soit aggreable, et que vous l'embrassies pour son honneur et gloire.

  A015000398 

 Je vous remercie bien humblement de la marmotte..

  A015000419 

 Nostre maistresse, la gloire de Dieu, l'a ainsy disposé, et vous sçaves, ma tres chere Fille, quelle fidelité nostre cœur tres uniquement un luy a voùee; c'est pourquoy, sans reserve, je la laisse regenter au dessus de mes affections, es occasions ou je voy ce qu'elle requiert de moy.

  A015000419 

 O demain, Dieu aydant, je vous iray entretenir une bonne heure avant le sermon, et nous parlerons de nostre desfy, lequel vous treuveres bien aggreable, ma chere Fille, et bien digne de nostre si inseparable cœur..

  A015000420 

 Je voudrois vous pouvoir dire le sentiment que ce jourdhuy j'ay eu, en communiant, de nostre chere unité, car il a esté grand, parfait, doux, puissant, et quasi par maniere de vœu et de dedicace..

  A015000433 

 C'est la verité, [22] Monsieur, j'honnorois cet honnorable et grand personnage avec un amour tout particulier, lequel ne perira jamais en mon ame, non plus que celuy que, de tout mon cœur, je vous ay dedié et que de rechef je vous consacre..

  A015000434 

 Dieu en soit loué et vous face abonder en ses graces et consolations..

  A015000434 

 Non, Monsieur, il n'y a point eu d'apparence en tous les discours qu'on en a fait; de sorte que je persevereray au saint service que je suis obligé de rendre a la chere trouppe en laquelle vous aves un si bon gage.

  A015000453 

 Vous deves croire le confesseur de N. en ce qui regarde son entree en Religion, car vous ne sçauriés mieux apprendre l'intention de Nostre Seigneur que par l'advis de celuy qu'il a donné pour directeur a la fille dont il s'agit.

  A015000454 

 Puis que donq maintenant elle est preste, au jugement de son Pere spirituel et des bonnes Meres Carmelines, et que monsieur son pere contribue son consentement, il semble qu'en toute asseurance vous en pouves faire l'offrande, et que Nostre Seigneur l'aura fort aggreable, sauf neanmoins a son bon playsir de disposer de sa perseverance en cet estat particulier, ou de sa sortie, selon que sa providence treuvera meilleur; a quoy nous nous conformerons tous-jours et sans replique, car il n'est pas raysonnable de prescrire a cette infinie Sapience la façon de laquelle il nous veut rendre siens.

  A015000456 

 Ne laissés pas de faire la Communion le jeudi et les festes sur semaine, et le mardi du Caresme; mais cela n'en doutés plus, ains employés vostre cœur a estre bien fidele en l'exercice de la pauvreté emmi les richesses, de la douceur et tranquillité emmi le tracas, et de la resignation du cœur et de tout ce qui vous doit arriver en la providence de Dieu.

  A015000456 

 Pour le troysiesme, croyés fermement que vous n'avés ni retenés a vostre escient aucune affection contre la volonté de Dieu, c'est a dire pour le peché veniel, encor que plusieurs imperfections et mauvaises inclinations de tems en tems vous surprennent.

  A015000457 

 Arrestés-vous donq a ceci, ma tres chere Fille..

  A015000457 

 Et ce desir la tient lieu de conseil, auquel c'est espece d'obeissance de s'accommoder, quand on le peut bonnement, et par ce que vostre exemple est utile au simple peuple en la qualité que vous estes: or, il n'aura [25] point d'exemple de ce que vous feres en vostre oratoire.

  A015000457 

 Pour le quatriesme, il est mieux en toute façon que vous oyies la sainte Messe tous les jours et y faire l'exercice de la Messe, que de ne l'ouïr pas, sous pretexte de continuer l'orayson chez vous.

  A015000470 

 Demeurés donq une demi heure au matin et un quart d'heure au soir, et ne vous opiniastrés pas a vous tenir a genoux, car il suffira bien d'estre assise..

  A015000470 

 Je suis bien content, ma tres chere Fille, que vous retourniés doucement a la sainte orayson, pour un peu [26] recreer nostre pauvre cœur aupres de son Sauveur qui, comme l'arbre de bausme, distillera tous-jours quelque goute de sa sainte liqueur sur nous, qui demeurerons paysiblement en attention.

  A015000471 

 Vous pouves tres bien recevoir M. de la Tour; Dieu luy face la grace de bien profiter en vostre conversation, et a monsieur le Baron d'Effrans, lequel il faut un peu que vous entreteniés sur ses exercices et sur....

  A015000482 

 Je me res-jouis avec vostre peuple qui a le bien de recevoir de vostre bouche les eaux salutaires de l'Evangile, et m'en res-jouirois bien davantage, s'il les recevoit avec l'affection et reconnoissance qui est deuë a la peyne que vous prenes de les respandre si abondamment.

  A015000483 

 J'attendray cependant les livres quii vous plaist me promettre, qui tiendront en mon estude le rang convenable a l'estime que je fais de leur autheur, et a l'amour parfait avec lequel je luy porte et porteray toute ma vie honneur, respect et reverence..

  A015000495 

 Elle aymoit bien autant son petit Batiste que vous aymés vostre Celse Benine; mais [30] elle laissa a Dieu l'entiere disposition d'en faire a sa volonté, et il en fit un enfant de salut.

  A015000506 

 Je vous ay escrit par celuy qui m'a apporté ce matin vostre lettre; mais ces pauvres gens d'Estrembieres me forcent, par leurs remonstrances, d'interceder pour eux, puisqu'ilz recourent a moy pour cela, en qualité, disent-ilz, de mes enfans les plus exposés a la persecution de leurs freres rebelles.

  A015000506 

 Je vous supplie donq tres humblement, en ce qui pourra bonnement et saintement se faire, de les avoir en recommandation..

  A015000507 

 Je vous donne de rechef le bon jour tres affectionné, et suis....

  A015000515 

 Je vous donne le bon jour, ma tres chere Fille, avec cette mortification de ne vous pouvoir voir d'aujourdhuy, parce que je vay a deux lieuës d'icy pour accommoder certaine grande querelle qu'il y a entre nos François.

  A015000516 

 Bon jour donq, ma tres chere Fille, et dites moy comme vous vous portes.

  A015000526 

 Ma chere Fille, tenons nous, je vous supplie, tout au bas bout de la Croix, trop heureux si quelque goutte de ce bausme qui distille de toutes pars tombe dedans nostre cœur, et si nous pouvons recueillir de ces basses herbettes qui naissent la autour..

  A015000527 

 O je voudrois bien, ma tres chere Fille, vous entretenir un peu sur la grandeur de ce beni Saint que nostre cœur ayme, parce qu'il a nourri l'Amour de nostre cœur et le cœur de nostre amour.

  A015000528 

 Je supplie ce grand Saint, qui a si souvent dorloté nostre Sauveur et qui l'a si souvent bercé, qu'il vous face les caresses interieures qui sont requises a l'avancement de vostre amour envers ce Redempteur, et qu'il vous impetre abondance de paix interieure, vous donnant mille benedictions.

  A015000529 

 Ce n'est pas que, sur ce sujet, je ne pense a ce que vous m'escrives du vostre.

  A015000542 

 Je vous escrivis l'autre jour des miseres de ce païs, non point contre la verité, qui est plus grande en cela qu'on ne sçauroit dire, mais bien contre mon gré, puisque le mal est irremediable.

  A015000569 

 Vous pouves penser qu'en ce tems je suis attaché icy, sans que je puisse executer le desir et dessein que j'avois de vous aller voir, sinon que quelque cas de necessité m'appellast a vostre service; car alhors, rien ne me sçauroit retenir, estant si tres entierement et parfaitement vostre comme je suis.

  A015000570 

 J'ay veu par vos lettres vos petites cheutes et imperfections, pour lesquelles ni vous ni moy ne devons aucunement nous estonner, car ce ne sont que des petiz advertissemens de nous tenir bas et humbles devant nos yeux, et pour nous esveiller en cette sentinelle en laquelle nous sommes.

  A015000571 

 Je vous escris sans loysir, mays non pas sans un tres grand desir continuel de vostre grandeur spirituelle, estant, comme je suis, tres entierement et parfaitement vostre..

  A015000598 

 L'incroyable parfum d'une amoureuse suavité dont vostre lettre nompareille en douceur pour moy est pleine, [38] me force doucement a condescendre a vos fraternelz desirs de sçavoir ce que je fay en ce recoin de nos montagnes, dont vous dites que l'odeur est montee jusqu'a vous.

  A015000599 

 Mon frere de Thorens alla querir en Bourgoigne sa petite femme et amena avec elle une bellemere qu'il ne merita jamais, d'avoir, ni moy de servir; vous sçaves des-ja quelque chose comme Dieu l'a renduë ma fille.

  A015000599 

 Or, sachés donq que cette fille est venue a son chetif pere affin qu'il la fist mourir au monde, selon le dessein que je vous ay communiqué a nostre derniere entreveuë.

  A015000600 

 Nous l'enfermasmes le jour de la tres sainte Trinité, avec deux compaignes et la servante que je vous fis voir, qui est une ame si bonne dans la rusticité de sa naissance, que, dans sa condition, je n'en ay point veu de telle.

  A015000602 

 J'ay sacrifié ma vie et mon ame a Dieu et a son Eglise: qu'importe-il que je m'incommode, pourveu que j'accommode quelque chose au salut des ames? Traittés-moy donq fraternellement, puisque vous sçaves qu'entre nous tout se fait en charité et pour la charité.

  A015000602 

 Quant a la reforme que vous projettés, je la passionne, et, faut advoüer la verité, vostre inclination m'incline et me tire tout a soy; vos raysons sont preignantes et vostre authorité toute puissante pour moy.

  A015000603 

 O mon Dieu, mon tres cher Frere, si Dieu, qui incline tant de personnes a me remettre la clef de leurs cœurs, voire a en lever la serreure devant moy affin que je voye mieux tout ce qui est dedans, pouvoit si bien fermer le mien que rien n'y entrast jamais que son divin amour et que rien ne l'ouvrist que la charité, hé, que vous m'aymeries suavement! Priés fortement pour cela, et croyés fermement que je suis.

  A015000614 

 Or sus, j'attens donq un mot de vos nouvelles, que vous m'escrires comm'amoy, c'est a dire vous mesme..

  A015000614 

 pas de vous faire bien ayder, tant quil se pourra, affin que ce mal vous soit utile; car voyes vous, ma chere Fille, il faut bien estre soigneuse de faire ce qui est requis pour nous tenir un peu forte et vaillante, puisque, comme vous le desires, il nous faut faire des effortz pour devenir saints et rendre des grans services a Dieu et au prochain.

  A015000615 

 Ce pendant, mon cher enfant, ma mie, Dieu vous benisse, Dieu vous prospere, Dieu soit le tres uniqu'amour de nostre tres unique cœur.

  A015000615 

 Il faut bien que je vous die que ce matin a la Messe, j'ay prié pour nostre avancement en la pureté, perfection et unité d'esprit avec, certes, un'ardeur extraordinaire; mais en cela, les extraordinaires me sont presqu'ordinaires.

  A015000616 

 Oüy, ma Fille, vous estes le courage de mon cœur et le cœur de mon courage en ce doux et triomphant Sauveur qui l'a ainsy voulu, et que je supplie employer le tout a sa gloire, unique praetention de mon cœur et de mon courage uniquement unique en luy..

  A015000628 

 Cet honnest'homme parisien a servi longuement, fidelement et aggreablement monsieur le premier Praesident de Savoye, et pour quelque sujet hors de luy, il quitte maintenant ce service, et a desiré de moy cette lettre pour vous faire la reverence en vous la presentant, estimant que, si d'adventure vous avies besoin de quelque serviteur de sa sorte, par cett'occasion il pourroit entrer au bien de l'estre.

  A015000628 

 Or, Monseigneur, cet (sic) ainsy sans artifice que je vous dis l'artifice louable de ce bon personnage, auquel je sçai bon gré dequoy, par ce moyen, je puis me ramentevoir en vostre sainte, sacree et inviolable bienveuillance, a laquelle je me recommande [42] tres humblement, luy dediant mon obeissance et service perpetuel..

  A015000629 

 Dieu vous conserve et comble de ses graces, Monseigneur, et je suis.

  A015000645 

 Outre que je ne sçaurois pouvoir me ramentevoir en vostre bienveuillance et ne le faire pas, je suis bien ayse de vous donner advis comme, sur ce que M. de Charmoysi, mon cousin, m'avoit dit touchant vostre desir de me voir le Caresme prochain a Paris, j'ay escrit a son Altesse; en sorte que j'espere en peu de jours avoir une response absolue, laquelle, si elle est selon nostre gré, je pourray justement croire que Dieu l'aura voulu d'une volonté speciale, puisque la concurrence des affaires du monde me sera peu favorable, comme je pense.

  A015000646 

 Au demeurant, j'ay avec moy un jeune homme d'Eglise, neveu de feu Monsieur le Reverendissime mon predecesseur, qui s'est immaginé qu'a l'adventure il pourroit entrer par delà au service de quelques jeunes seigneurs pour leur instruction, et par ce moyen estudier aussi; et m'a tant pressé, sachant en quelle confiance je suis avec vous, que j'ay esté contraint de luy promettre de vous supplier de me donner quelque advertissement si cela pourroit estre.

  A015000647 

 Or, Monsieur, il me suffira, s'il vous plaist, de m'escrire un mot qui le puisse aucunement desabuser, car il est force de traitter avec luy; affin que, sans [se tourmenter] de vous prier, il attende que Dieu luy pourvoye des moyens de nager a ses despens; ce qui sera bien tost, puisque j'en voy des-ja la semence paroistre sur le champ, qu'il seroit prest a recueillir des maintenant, si la jeunesse luy eust permis d'estre aussi arresté ci devant comme il est resolu de l'estre dores-en-avant..

  A015000648 

 Monsieur, je m'interesse avec vous et use librement de ce petit artifice en faveur dé ce jeune homme, que je dois affectionner pour l'esperance qu'il donne de devoir reüscir, et sur tout a la memoire que je dois a Monsieur [44] son oncle.

  A015000648 

 Vous interpreteres le tout en bonne part, comme d'un cœur qui prend toute confiance au vostre..

  A015000649 

 Dieu nous veuille donner « la paix que le monde ne peut donner, » et vous conserve, Monsieur, longuement et heureusement, selon le souhait de.

  A015000662 

 Ce que je fays, vous priant, autant quil se peut, de recevoir ce filz-lâ a ma contemplation et comme filz d'un pere plein d'honneur et de merite; en quoy vous accroistres le nombre des obligations que je vous ay, pour lesquelles je prie Nostre Seigneur vous combler de ses graces, et suis en luy,.

  A015000662 

 Or, estimant que, comme je vous honnore et cheris devant un chacun, aussi soys-je aymé et cheri de vous, il a desiré que j'intercedasse pour cet effect aupres de vous.

  A015000689 

 Ce porteur vous dira que j'ay un peu d'apprehension de faire le voyage de Gex, auquel neanmoins mon devoir m'oblige, puisque c'est pour le restablissement de l'eglise a Divonne, lieu fort important en ce païs-la.

  A015000689 

 J'en escris un mot a monsieur le Marquis de Lans, ad cautelam, si vous le treuves bon..

  A015000690 

 J'oubliay de dire a mon frere de la Thuille que monsieur [48] d'Abondance vouloit faire que le Pape prieroit Son Altesse de vouloir quil vous employast a la response du livret, et cela a mon advis, ira mieux.

  A015000725 

 Nostre Sauveur vous arrache le cœur, comme il fit a la devote sainte Catherine de Sienne de laquelle nous [50] faysons ce jourdhuy la feste, pour vous donner le sien tres divin, par lequel vous viviés toute de son saint amour.

  A015000726 

 Vous seres bienheureuse, ma tres chere Seur, ma Fille, si parmi toutes ces fadaises de partialités, vous vives toute en vous mesme pour Dieu (Dieu, qui seul aussi merite d'estre servi et suivi avec passion); car ainsy faysant, ma chere Seur, vous donneres bon exemple a toutes et gaignerés la sainte paix et tranquillité pour vous mesme..

  A015000727 

 Cependant continués, ma tres chere Seur, a bien serrer ce cher Sauveur sur vostre poitrine; faites qu'il soit le [51] beau et le suave bouquet dessus vostre cœur, en sorte que quicomque vous approche sente que vous en estes parfumee et connoisse que vostre odeur est l'odeur de la myrrhe..

  A015000727 

 Et si vous en voules rendre conte a quelqu'une, vous luy pourres bien dire que vous aves besoin de manger si souvent cette divine viande parce que vous estes fort foible et que, sans ce renforcement, vostre esprit se dissiperoit aysement.

  A015000727 

 Laissés, je vous supplie, philosopher les autres sur le sujet que vous aves de communier; car il suffit pour vostre conscience, que vous et moy sçachions que cette diligence de revoir et de reparer souvent vostre ame est grandement requise pour la conservation d'icelle.

  A015000728 

 Remettés a la plus secrette providence de Dieu ce que vous treuveres de malaysé, et croyés fermement qu'il fera une douce conduite de vous, de vostre vie et de toutes vos affaires..

  A015000728 

 Tenés vostre esprit en paix, non obstant cet embarrassement qui est autour de vous.

  A015000729 

 Sçavés-vous ce que font les bergers en Arabie quand ilz voyent esclairer, tonner et l'air chargé de foudres? Ilz se retirent sous les lauriers, et eux et leurs troupeaux.

  A015000730 

 Jettés souvent vostre confiance en la providence de Nostre Seigneur; soyés toute asseuree que plustost le ciel et la terre passeront, que Nostre Seigneur manque a vostre protection, tandis que vous serés sa fille obeissante, ou au moins desireuse d'obeir.

  A015000730 

 Or sus, ma chere Fille, ma Seur, tenés bien vostre cœur ramassé, gardés-vous fort des empressemens.

  A015000741 

 Escrivant a monsieur vostre mary en recommandation d'un mien amy, chanoine de Lyon, je vous fay ce petit billet pour tout simplement vous saluer de tout mon cœur, non seulement en mon nom, mais de la part encor de la chere et bonne seur madame de Chantal, laquelle va de bien en mieux pour sa santé et, pour le dire encor entre nous deux, pour sa sainteté, a laquelle les tribulations et maladies sont fort propres pour donner de l'avancement, a cause de tant de solides resignations qu'il faut faire es mains de Nostre Seigneur..

  A015000742 

 Et ne pensés pas que Nostre Seigneur soit plus esloigné de vous tandis que vous estes emmi le tracas auquel vostre vocation vous porte, qu'il ne seroit si vous estiés dans les delices de la vie tranquille.

  A015000742 

 Vivés toute pour Dieu, ma chere Fille, et puisqu'il faut que vous vous exposies a la conversation, rendés-vous y utile au prochain par les moyens que souvent je vous ay escritz.

  A015000753 

 Ce seroit une faute inexcusable, ma tres chere Seur, ma Fille, de laisser partir un porteur si fidelle sans luy donner une lettre pour vous.

  A015000753 

 Mais, ma chere Seur, voules vous bien que je vous die ma pensee? Je crains infiniment de rencontrer trop de sagesse.

  A015000753 

 Vrayement je m'en res-jouis aussi dequoy bien tost nous aurons le bien de vous voir icy, en attendant le Caresme prochain, auquel sans doute je porteray une extreme affection de gaigner beaucoup d'ames a Celuy qui, pour les gaigner toutes, voulut bien perdre sa tres digne vie sur la croix.

  A015000754 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Seur, ma Fille.

  A015000768 

 Mays vous en feres a vostre gré, car a cett'intention je vous confie le tout, vous estant des-ja tout confié moymesme, comme Dieu et les hommes sçavent..

  A015000769 

 Sil vous plait d'enrichir mon offrande de complimens, vous le pourres faire en asseurance, car vous ne devanceres point mon affection par tous les ornemens avec lesquelz vous l'exprimeres.

  A015000789 

 Hé, Seigneur Jesus, vivés et regnés eternellement dans ce cœur que vous nous aves donné..

  A015000789 

 Mille et mille fois le jour mon cœur se treuve chez vous, avec mille et mille souhaitz qu'il respand devant Dieu pour vostre consolation.

  A015000799 

 Je vous prie d'avoir en recommandation ce porteur pour tout ce que justement il pourra desirer de vostre faveur.

  A015000816 

 J'ay pris ma bonne part du contentement que messieurs vos confreres ont eu au restablissement du saint exercice en l'eglise d'Ivonne, ou je ne doute point que vous ne facies de plus en plus paroistre le zele que vous aves au service de Nostre Seigneur, comme je vous supplie faire au soin du redressement et ameublement [59] de l'autel; et de mesme en la diligence de prouvoir le curé de l'entretenement qui luy est requis, lequel, affin quil ne demandast que raysonnable, je luy ay taxé conformement a celuy que vous donnés au curé de Sessi..

  A015000817 

 Au demeurant, je prie sa divine Majesté qu'elle vous comble de ses plus desirables faveurs, et ay un tres grand desir de pouvoir un jour, ains toute ma vie, tesmoigner combien je vous honnore, et suis,.

  A015000833 

 Or sus, en attendant, bon soir, ma tres unique Fille; Nostre Seigneur vous comble de son amour..

  A015000834 

 Mais vray, ma tres chere Fille, vous estes voyrement tout uniquement et veritablement moy mesme..

  A015000845 

 Ah! que je voudrois bien vous faire quelque don, ma chere Fille; mays, outre que je suis si pauvre, il n'est pas convenable qu'au jour auquel le Saint Esprit fait ses presens, nous nous amusions a vouloir faire les nostres; il ne faut entendre qu'a recevoir au jour de cette grande largesse.

  A015000855 

 J'ay donq pensé, ma chere Mere, si vous en estes d'accord, qu'il nous faut prendre pour armes un unique cœur percé de deux flesches, enfermé dans une couronne d'espines, ce pauvre cœur servant d'enclaveure a une croix qui le surmontera, et sera gravé des sacrés noms de JESUS et MARIE..

  A015000855 

 Toutefois, il n'est [pas] asses bon messager pour vous porter la pensee que Dieu m'a donné cette nuit: que nostre maison de la Visitation est, par sa grace, asses noble et asses considerable pour avoir ses armes, son blason, sa devise et son cri d'armes.

  A015000856 

 Ma Fille, je vous diray a nostre premiere veuë mille [63] petites pensees qui me sont venues sur ce sujet; car vrayement, nostre petite Congregation est un ouvrage du cœur de Jesus et de Marie.

  A015000900 

 Mays d'autant qu'a l'adventure, les cours laïques, en cas quil y eut quelque controverse ci apres, requerront que les proviseurs ayent le placet ou brevet du Roy, et que la valeur du benefice n'est pas si grande qu'on puisse envoyer expres pour en faire la supplication a Sa Majesté (a laquelle mesme, en tous evenemens, nous n'aurions aussi pas moyen d'avoir bon acces que par vostre entremise), partant nous vous supplions tres humblement tous, que si ce n'est point vostre incommodité, il vous playse [70] impetrer ledit placet.

  A015000901 

 Voyla, Monseigneur, ma requeste envers vous, et voyci mes petites nouvelles.

  A015000902 

 A cette consolation, messieurs le Grand et de Lux en adjoustoyent presque ordinairement une autre, qui estoit de me parler de vous et de vos merites comme l'honneur amoureux que je vous porte me pouvoit faire desirer.

  A015000903 

 Continués, je vous supplie, Monseigneur, et croyés que je suis invariablement,.

  A015000903 

 Il failloit dire ce mot de confiance avec vous, qui me donnés si abondamment le bonheur de vostre amitié, que tout le monde s'en res-jouit avec moy, et particulierement ces seigneurs dont je viens de dire les noms.

  A015000914 

 Or sus, ma chere Fille, si vous ne pouves bonnement communier souvent reellement, vous vous communieres tant que vous voudres spirituellement..

  A015000915 

 Fut-il jamais une mortification esgale, d'estre si proche de son unique et souverain Amour, et, pour l'amour de luy, demeurer sans le voir, sans l'ouyr, sans l'escouter? Et bien, ma chere Fille, vous en feres de mesme, proche du Sacrement ou Jesus est; car vous ne le gousteres qu'en esprit, comme saint Jean..

  A015000915 

 Helas! vous me demandes une bonne pensee sur saint Jean, et celle-cy m'est extremement douce en plusieurs occurrences.

  A015000927 

 Helas, ma tres chere Fille, que n'ay-je quelque digne sentiment de joye pour cet homme angelique ou cet ange humain duquel nous celebrons la naissance! Mon Dieu, que j'aurois de suavité de m'en entretenir moy mesme! Mais j'e vous asseure que la grandeur de mon interieure pensee m'empesche de me donner cette satisfaction a moy mesme..

  A015000940 

 Je vous laisse a penser, ma Fille, quelle bonne odeur respandit en la maison de Zacharie cette belle fleur de lis, trois mois qu'elle y fut; comme chacun en estoit embesoigné et comme avec peu, mais de tres excellentes paroles, elle versoit de ses sacrees levres le miel et le bausme pretieux; car, que pouvoit-elle espancher que ce dequoy elle estoit pleine? Or, elle estoit pleine de Jesus..

  A015000941 

 Helas! vous estes si souvent en moy, pourquoy suis-je si peu souvent en vous? Vous entres en moy, pourquoy suis-je tant hors de vous? Vous estes dans mes entrailles, pourquoy ne suis-je dans les vostres pour y fouiller et recueillir ce grand amour qui enivre les cœurs?.

  A015000941 

 Mon Dieu, ma Fille, je m'admire tant que je suis encor si plein de moy mesme apres avoir si souvent communié! Hé, cher Jesus, soyes l'Enfant de nos entrailles, affin que nous ne respirions ni ressentions par tout que vous.

  A015000952 

 Hier seulement que ce digne porteur, le P. Prieur des Feuillans, m'arriva, je receu la lettre que vous m'escrivites par luy mesme le VI avril.

  A015000953 

 Je ne refuse pourtant pas l'amiable offre que vous me faites de ne changer jamais ni varier en l'amitié que vous me portés, soit que je vous escrive ou que je ne vous escrive point.

  A015000953 

 Mays je voy en celle-ci, que vous aves longuement [77] esté sans en avoir des miennes J'avoue sincerement mes fautes, mais celle ci, elle n'est pas mienne, ains des porteurs; car je sçai bien que tous-jours, quand je puis, je vous escris de mes nouvelles, non seulement par ce que vostre desir a tout pouvoir sur ma volonté, mais aussi par ce que ma volonté a perpetuellement ce desir de vous parler, comm'il m'est possible de parler de vous et de vous oüir ou voir parler a moy.

  A015000953 

 Non, Monsieur, je vous en supplie, ne varies jamais en cette affection que vous aves pour moy; car croyes qu'aussi, soit que j'escrive, comme je feray Dieu aydant, ou que je n'escrive pas, je ne varieray jamais en la resolution que j'ay faite d'estre a jamais homme tres veritablement vostre et tout vostre, sans reserve ni exception.

  A015000954 

 Ce Pere, que j'honnorois des-ja bien fort pour les fruitz que j'avois veu de son esprit, m'a lié a son amour et respect d'un lien indissoluble quand j'ay conneu en luy un si grand assemblage d'erudition, d'entendement, de [78] vertu, de pieté, et, entre ses vertus, l'estime quil fait de la vostre et du bien de vostre conversation; car c'est une des maximes plus entieres de mon ame, que j'honnoreray quicomque vous honnorera et cheriray quicomque vous cherira..

  A015000957 

 Mays nul ne me sçauroit empescher que d'esprit et de cœur je n'y sois journellement aupres de vous, a vous honnorer, cherir et embrasser de toutes mes forces.

  A015000959 

 Monsieur Nouvelet, qui va petit a petit achevant le petit reste de sa vie, a desiré que je vous asseurasse de son humble affection.

  A015000959 

 Sur tout, je vous asseure de la mienne, et vous souhaitant toute prosperité, je suis,.

  A015000963 

 Dieu vous conserve, et je m'en res-jouis avec madame vostre femme, delaquelle je suis de mesme humble serviteur..

  A015000963 

 Monsieur, j'ay loüé Dieu quand on m'a fait sçavoir de Lion que vous esties gueri d'une grande maladie, avant que j'aye sceu que vous en ayes esté atteint.

  A015000975 

 C'est pourquoy je ne vous prie sinon de luy donner les advis convenables a sa conduite pour ce regard, et a moy ceux [de] ce quil pourra esperer, affin que la poursuite ou la retraitte se face a cette mesure-lâ..

  A015000975 

 On est bien empesché avec ces amoureux, ma chere Fille! Voyci ce jeune gentilhomme qui me demande une lettr'a vous pour vous rendre plus recommandables ses prætensions, et moy je me resouviens bien de ce que vous m'escrivistes lautrefois, quil failloit conduire l'affaire tout bellement et le presser a loysir.

  A015000976 

 Mays cependant, ma tres chere Fille, je suis bien ayse de vous escrire ainsy de tems en tems, et vous resouvenir [81] de mon ame, qui ne cesse point de souhaitter mille perfections a la vostre, pour la gloire de Nostre Seigneur qui m'a rendu,.

  A015000987 

 Nous avons donq pris cette matinee pour vous faire avoir l'exhortation de Monseigneur de Belley, qui tesmoigna hier de desirer de vous voir.

  A015000998 

 Je vous addresse ce paquet pour le peu d'asseurance que j'ay eu en ce porteur.

  A015000998 

 Que si de fortune il estoit parti pour Thurin, ou il me dit quil devoit aller, je vous supplie le luy faire aussi tenir; car je suis certain quil n'ira ni ne demeurera sinon avec vostre congé, tant il fait profession d'estre vostre serviteur..

  A015001010 

 Cela a esté cause, ma tres chere Fille, que je n'ay peu luy donner cette lettre, par laquelle je veux respondre, quoy que couramment a mon accoustumee, aux dernieres lettres que j'ay receu de vous..

  A015001011 

 Mais aussi, le peché que vous fistes n'est pas si grand qu'il s'en faille affliger apres la repentance, car il ne fut pas commis en une matiere de commandement special, ni ne contient pas aucun desaveu de la verité, mais seulement un indiscret respect; et, pour le dire clairement, il n'y eut en cela aucun peché mortel, ni, comme je pense, veniel, ains une simple froideur procedante de troublement et irresolution.

  A015001015 

 Ma tres chere Fille, vous faites tous-jours trop de consideration et d'examen pour connoistre d'où les secheresses vous arrivent.

  A015001015 

 Si elles arrivoyent de vos fautes, encor ne faudroit-il pas pour cela s'en inquieter, mais avec une tres simple et douce humilité les rejetter, et puis vous remettre entre les mains de Nostre Seigneur affin qu'il vous en fist porter la peyne, ou qu'il vous les pardonnast, selon [85] qu'il luy plairoit.

  A015001017 

 Vives doucement, humblement et tranquillement, ma tres chere Fille, et soyes tous-jours toute a Nostre Seineur, duquel de tout mon cœur je vous souhaitte la tres sainte benediction, et a vos petitz, mais particulierement a ma chere bonne petite filleule, qu'on me dit estre toute de succre.

  A015001029 

 A ce que vous me dites, je vois qu'il sera mieux de remettre jusques a lundi; vous series trop precipitees toutes, et eux aussi, comme je pense; et je seray bien ayse de ne point rompre l'assignation aux bonnes Seurs de Sainte Claire, qui ont demain leur grande feste, ni au catechisme de Nostre Dame, ou il faut que je sois catechiste, estant invité il y a dix ou douze jours, a mon gré, la veille de Nostre Dame.

  A015001037 

 Aussi n'en sçauries-vous conserver pour personne qui ayt plus de sincere affection pour vous, a qui je souhaitte continuellement devant Nostre Seigneur mille benedictions, et celle-la sur toutes et pour toutes, que vous soyés toute parfaitement sienne.

  A015001037 

 Le souvenir de vos vertus m'est si aggreable qu'il n'a pas besoin d'estre nourri par la faveur de vos lettres; elles vous acquierent neanmoins une nouvelle obligation sur moy, puisque je reçois par icelles et beaucoup d'honneur et beaucoup de contentement, de voir que non seulement vous aves reciproquement memoire de moy, mais que vous l'aves aggreablement.

  A015001037 

 Soyés-le, Madame, de tout vostre cœur, car c'est le grand, ains l'unique bonheur qui vous puisse arriver; et si, monsieur le Senateur n'en aura point de jalousie, puisque vous n'en seres pas moins sienne, et en recevra de l'utilité, puisque vous ne sçauries donner vostre cœur a Dieu que le sien n'y soit engagé..

  A015001048 

 Mais, mon Dieu! gardes-vous bien d'entrer en aucune sorte de desfiance, car cette celeste Bonté ne vous laisse pas tomber de ces cheutes pour vous abandonner, ains pour vous humilier et faire que vous vous tenies plus serree et ferme a la main de sa misericorde..

  A015001048 

 Or sus, que voules vous que je vous die, ma tres chere Fille, sur le retour de vos miseres, sinon qu'au retour de l'ennemy, il faut reprendre et les armes et le courage pour combattre plus fort que jamais.

  A015001049 

 Vous faites extremement a mon gré de continuer vos exercices emmi les secheresses et langueurs interieures qui vous sont revenues, car puisque nous ne voulons servir Dieu que pour l'amour de luy, et que le service que nous luy rendons parmi le travail des secheresses luy est plus aggreable que celuy que nous faysons parmi les douceurs, nous devons aussi, de nostre costé, l'aggreer davantage, au moins de nostre volonté superieure.

  A015001050 

 Pour vostre temporel, puisque vous vous estes essayee d'y mettre de l'ordre et que vous n'aves peu, il faut donq maintenant user de patience et de resignation, embrassant volontier la croix qui vous est arrivee en partage, et selon que les occasions se presentent, vous prattiqueres l'advis que je vous avois donné pour ce regard..

  A015001051 

 Combattes fidellement vos impatiences en exerçant non seulement a tous propos, mais encor sans propos, la sainte debonnaireté et douceur a l'endroit de ceux qui vous sont plus ennuyeux, et Dieu benira vostre dessein..

  A015001051 

 Demeurés en paix, ma chere Fille; dites souvent a Nostre Seigneur que vous voules estre ce qu'il veut que vous soyes et souffrir ce qu'il veut que vous souffries.

  A015001061 

 Je pense que ce tems vous sera fort propice, a cause de son rafraichissement..

  A015001061 

 Je vous donne le bonjour, ma tres chere Seur, ma Fille, attendant a demain d'aller estre vostre aumosnier sur la feste du grand saint Bernard.

  A015001062 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que de graces et benedictions je vous souhaite! La pureté d'esprit est la vertu particuliere et la louange speciale de saint Bernard.

  A015001070 

 Je vous remercie de vostre beau grand present, ma tres chere Mere, ma Fille, et encor plus de vostre billet.

  A015001070 

 Soyés asseuree que je me gouverneray bien et que je tiendray ce que je vous ay promis..

  A015001079 

 Je vous dis en deux motz, ma tres chere Fille, que lundi, Dieu aydant, je pars tout a pied pour aller au Jubilé de Thonon, ou si je vous voy, ma consolation [92] sera extremement plus grande.

  A015001079 

 Pour le reste, c'est un'œuvre de charité que l'accompaignement que vous alles faire, et bien que ce soit avec un peu de detraquement des sains exercices de devotion, si est ce que ce n'est pas avec aucune perte du service de Dieu..

  A015001080 

 Et puisque l'homme veut si soudainement partir, je vous donne mille benedictions, ma tres chere Fille, vous escrivant au parloir de la Visitation, ou M me de Chantal vous salue tres cordialement comme moy, qui suis.

  A015001095 

 J'ay bien aussi prié cette mesme bonne dame de vous porter de ma part l'asseurance de ce qu'avec une faveur trop excessive vous m'aves par deux fois demandé; mais il faut pourtant que je l'escrive icy de ma main, comme je le sens de tout mon cœur..

  A015001095 

 Quant au premier, la bonne madame de [Chantal] vous [93] dira tout ensemble son advis et le mien, de ce qui est requis pour l'entier establissement de vostre fille en cette Congregation.

  A015001097 

 Et donq, puisqu'il vous plaist, puisque vous le voules, je vous dis de toute mon affection: prenés la place, Monsieur, en cette communication, et mon cœur vous y regardera, vous y cherira, vous y envoyera ses pensees avec un amour qui ne violera point les loix de respect et un respect qui ne se separera jamais du devoir de l'amour.

  A015001098 

 Mais commençons donq par icy a parler comme il faut entre les amis parfaitz, et venons au troisiesme point, a ce que je vous dois respondre.

  A015001101 

 Ah! je sçai, je croy, je jure par tout que vous aymés l'Eglise, que vous estes constamment son enfant asseuré; mays le zele de l'authorité que vous aves si longuement et heureusement possedee vous a poussé un peu trop avant.

  A015001101 

 Je n'ay pas voulu remarquer tout plein de choses qui me semblent devoir estre extremement addoucies, et me suis contenté de vous dire ainsy en gros et grossierement mon petit sentiment, ains, pour parler naïfvement, mon grand sentiment pour ce regard.

  A015001101 

 Mais dites [96] moy maintenant, Monsieur, si je m'excuse envers vous de vous parler ainsy franchement, repliqueres vous point que c'est aussi trop franchement? Voyla pourtant comme je traitte avec ceux qui veulent que je contracte une entiere amitié avec eux.

  A015001101 

 Vive Dieu! Monsieur, je vous cheris avec tout cela de tout mon cœur:.

  A015001104 

 Que s'il vous semble que d'abord je devois user de plus de moderation, je vous supplieray de croire que je n'en sçai point en l'amitié, ni presque en rien qui en depende.

  A015001105 

 Aussi, comme j'ay tous-jours fait avec feu monsieur, je desire que par tout vous m'advoüiés,.

  A015001114 

 Je prie Dieu qu'il vous conserve cherement et saintement comme ma propre ame..

  A015001114 

 Je suis tous-jours attendant des nouvelles du succes de vostre voyage, que je me prometz avoir esté bon, mais non pas sans crainte pourtant, a cause de la foiblesse de vostre santé et l'excessive chaleur qui a regné quelques heures de ces jours passés; mais je veux croire qu'en ces heures-la vous aures sejourné, et aures employé les matinees et les soirs qu'il a tous-jours fait un peu de vent.

  A015001115 

 Dieu benira vostre bonne intention en ce voyage et en l'entreprise que vous aves faite de mettre en ordre les affaires de cette mayson-la pour vostre filz, et vous recompensera ou par une bonne issue, ou par une sainte humiliation et resignation.

  A015001115 

 Et il vous suffira que, tout a la bonne foy, vous vous soyés essayee de reüscir, puisque Nostre Seigneur et la rayson ne requierent pas de nous les effectz et evenemens, mais nostre fidelle et franche application, employte et diligence; car ceci depend de nous, mays non pas les succes.

  A015001115 

 Faites l'un apres l'autre au mieux que vous pourres, et employés pour cela fidelement vostre esprit, mais doucement et suavement.

  A015001115 

 Hé, je vous supplie, ma tres chere Fille, tenés-vous [98] bien a Jesus Christ et a Nostre Dame et a vostre bon Ange en toutes vos affaires, affin que la multiplicité d'icelles ne vous trouble point et que leur difficulté ne vous estonne point.

  A015001115 

 Si Dieu vous en donne l'issue, nous l'en benirons; s'il ne luy plaist pas, nous l'en benirons aussi.

  A015001116 

 De jour a autre, je vous tiendray advertie de ce que je feray..

  A015001119 

 Vous sçaves, ma Fille, que nostre cœur ayme d'amour celuy de cette grande fille.

  A015001122 

 Vive Jesus et Marie! Dieu vous benisse, ma tres chere Fille.

  A015001129 

 Je seray tous-jours present a vostre chere ame comme vous mesme, et respandray soigneusement la benediction des Sacrifices divins sur vostre peyne, affin qu'elle vous soit douce et utile au saint amour, pour lequel mieux prattiquer vous estes allee terminer les occasions de vos distractions.

  A015001129 

 Ma tres chere Fille, appliqués le travail et tracas que vous y souffrires, a la gloire de la divine Majesté, pour l'amour de laquelle vous les subisses; traittés des affaires de la terre avec les yeux fichés au Ciel.

  A015001129 

 O Dieu, ma tres chere Fille, si est-ce que je vous escris soigneusement a toutes les occasions.

  A015001129 

 Or sus, beni soit Dieu qui vous a fait arriver au lieu ou les affaires qu'il vous avoit laissees sur les bras vous ont appellee.

  A015001130 

 Ah! Sauveur de nostre ame, quand serons-nous autant ardans a vous aymer que nous le sommes a le desirer?.

  A015001130 

 Mays, pour ma sainteté, qui est ce que vous affectionnés le plus, je ne fay gueres de choses, sinon mille continuelz desirs et quelques prieres particulieres, affin qu'il plaise a Nostre Seigneur les rendre utiles [101] et fructueuses pour tout nostre cœur, et, presque ordinairement, je me treuve plein d'une douce confiance que sa divine Bonté nous exaucera.

  A015001131 

 Et remarquons que Nostre Seigneur ne vous donne jamais de violentes inspirations de la pureté et perfection de vostre cœur, qu'il ne me donne la mesme volonté, pour nous faire connoistre qu'il ne faut qu'une inspiration d'une mesme chose a un mesme cœur, et que, par l'unité de l'inspiration, nous sçachions que cette souveraine Providence veut que nous soyons une mesme ame, pour la poursuite d'une mesme œuvre et pour la pureté de nostre perfection..

  A015001133 

 Dieu vous benisse en l'amour de la sainte Croix.

  A015001160 

 Je vous supplie donq, Monsieur, tres humblement, de m'en excuser vers eux pour cett'annee; et si, pour la suivante, les difficultés que vous sçaves se pouvoyent vaincre, je serois bien ayse de leur tesmoigner combien j'estime lhonneur de la semonce quilz me font faire par la personne du monde que j'honnore, respecte et cheris de toute l'estendue de mes forces, et a laquelle je suis sans reserve et sans fin, Monsieur,.

  A015001174 

 Ce n'est que pour simplement vous saluer et asseurer que je me presseray le plus que je pourray pour bien tost vous revoir, et espere que ce sera avec nostre mutuelle consolation et de toutes nos Seurs mes cheres filles.

  A015001174 

 Ce pendant, perseverés courageusement a porter et supporter celles qui se treuveront foibles; et croyés moy, ma chere Fille, ma Niece, que Nostre Seigneur, a qui vous estes toute, vous en sçaura un grand gré.

  A015001174 

 Je le supplie qu'il vous comble de force, de douceur et de benediction, et toute cette chere trouppe de filles qui me sont pretieuses comme la prunelle de mes yeux..

  A015001186 

 Or, je sçay bien que vous estes fort fidelle pour ce regard, et que si vous faites quelques petitz mauvais pas, soudain vous vous releves humblement, doucement et sans vous estonner; car il faut faire ainsy, ma chere Fille, pour devenir parfaitement sainte, qui est vostre pretention.

  A015001186 

 Vous m'aves fait un grand playsir de m'escrire, ma chere Filleule, ma Fille.

  A015001196 

 Le pied a l'estrier, je vous escris ces quatre motz, ma tres chere Fille mienne, seulement pour vous tenir asseuree de nostre santé.

  A015001196 

 Or, j'espere en cette souveraine Providence, qu'elle vous conservera saintement et cherement pour nostre mutuelle consolation et reciproque avancement en son amour cæleste, pour lequel [107] je fay sans fin des aggreables et desirables projetz, que je supplie le Saint Esprit nous faire suavement prattiquer..

  A015001198 

 Je salue du cœur que vous connoisses, nostre grande fille et luy recommande nostre chere et bonne Mere, comm'aussi monsieur de Thorens, que je cheris en qualité de mon frere et de vostre filz, qui veut dire excessivement.

  A015001199 

 Je salue humblement monsieur de Chantal et monsieur de Vauxcroissant, et vous penseres bien que si je sçavois que vous fussies ou a Dijon ou aupres de Monsieur l'Archevesque, je vous supplierois de faire mes honneurs convenablement..

  A015001200 

 Le doux Jesus, auquel et par lequel je suis autant vostre que vous mesme, vous veuille benir et conserver a jamais, ma tres chere Fille mienne..

  A015001215 

 Quel desplaysir viens-je de recevoir en la triste nouvelle du trespas de madame ma tante, qui m'aymoit si tendrement et cherement, et a laquelle j'avois si justement voué tant d'affection! J'irois moy mesme vous tesmoigner ce ressentiment, si je croyois, par ce moyen, de pouvoir alleger le vostre, ou que cet engagement auquel je suis parmi les assignations de ma visite le me permist; mais au moins, voyla mon frere qui va recevoir vos commandemens pour luy et pour moy, et vous asseurer que, comme j'ay honnoré de tout mon cœur la vie de cette chere defuncte, aussi cheriray-je a jamais son honnorable memoire autant qu'aucun de ses parens et serviteurs qu'elle ayt laissés en ce monde..

  A015001216 

 Prenons, je vous supplie, en gré cette petite attente qu'il nous faut faire ici bas, et au lieu de multiplier nos souspirs et nos larmes sur elle, faysons-les pour elle devant Nostre Seigneur, affin qu'il luy [109] plaise haster sa reception entre les bras de sa divine Bonté, si des-ja il ne luy a fait cette grace..

  A015001218 

 Je m'en vay a l'eglise, ou, par le saint Sacrifice, je commenceray les recommandations de cette chere et pretieuse ame, et celle que je dois a jamais continuer pour vous et tout ce qu'elle aymoit le plus.

  A015001230 

 A mesme que monsieur Jacquier m'a rendu vostre [110] lettre, monsieur Brunet m'est venu dire adieu; [si] que j'ay retardé ce moment pour vous resaluer humblement et vous dire que, quant a la cure de Saint Sigismond, elle ne vaut sinon douze vingt florins, en un lieu tres aspre et hors de chemin.

  A015001231 

 J'attendray le retour du sieur Jacquier, pour les chappelles, et vous saluant mille et mille fois de tout mon cœur, je suis sans fin,.

  A015001249 

 L'on m'a adverti que vous vous accables de peyne, que vous ne vous devestes point plusieurs nuitz de suite, que vous ne manges comme point, que vous faites les services plus penibles de l'infirmerie et puis retournes promptement soustenir le chant du chœur.

  A015001249 

 O ma Fille, ma Fille, je ne veux point que vous soyes si brave; car voyes vous, que me diroit nostre Mere si en son absence il arrivoit quelque mal a cette tres aymee Jeanne Charlotte? Certes, a son arrivee, je courrois fortune d'estre blasmé comme un pere peu vigilant sur sa tres chere fille..

  A015001250 

 L'ardeur du saint amour qui vous pousse a vouloir tout faire, vous doit aussi retenir et laisser faire aux autres quelque chose pour leur consolation..

  A015001260 

 Vous m'aves grandement obligé recevant en bonne part ma franchise, bien qu'a vray dire vous ne pouvies bonnement luy refuser ce gracieux accueil, puisqu'elle alloit vers vous avec le sauf conduit de vostre semonce et sous la faveur d'une vraye amitié; aussi n'avois-je garde de luy donner le vol autrement..

  A015001261 

 Je ne veux nullement repliquer sur la declaration qu'il vous plaist de me faire de vostre intention en l'edition [113] du petit livre, car je serois marri si j'avois jamais eu un seul petit soupçon au contraire; mays je diray seulement ce mot qui part de la condition de mon esprit.

  A015001262 

 Et sur cela, je prie Nostre Seigneur qu'il vous remplisse de la grace, paix et suavité de son Saint Esprit et donne sa sacree benediction a toute vostre famille, laissant au surplus pour ce porteur a vous dire comme nostre fille se porte bien..

  A015001262 

 Je vous escris sans loysir.

  A015001262 

 Vous me supporteres, s'il vous plaist, selon vostre bonté et ayant esgard a mon affection, qui est toute inclinee a vous honnorer et cherir tres specialement.

  A015001284 

 Et vous, mon cher Pere, en contreschange, implorés pour moy et sur moy le secours duquel, entre les vens et les orages, j'ay tant besoin sur ces eaux: Aquæ multæ, populi multi.

  A015001284 

 Je voy bien en vostre lettre que vous languissés, puisque vous me dites: Ecce quem amas infirmatur; mais je n'en ay pourtant point de compassion qu'avec une extreme suavité, d'autant que infirmitas hæc non est ad mortem, sed ut manifestentur opera Dei; ecce enim qui amat infirmatur, puisque amore languet.

  A015001285 

 Et pour vous en donner quelque asseurance des maintenant, je vous dis que mon opinion seroit que vous retranchassies tant, qu'il vous seroit possible toutes les paroles methodiques, lesquelles, bien qu'il faille employer en enseignant, sont neanmoins superflues et, si je ne me trompe, importunes en escrivant..

  A015001285 

 Si vous me favorises de m'envoyer un cahier, je le liray amoureusement, et vous diray franchement et naïfvement mon advis, a quel prix que ce soit.

  A015001286 

 Qu'est-il besoin, par exemple: « In hac difficultate tres nobis occurrunt quæstiones: prima nempe quæstio erit, quid sit prædestinatio; secunda, quorum sit prædestinatio; tertia, » etc.? Car, puisque vous estes extremement methodique, on verra bien que vous faites ces choses l'une apres l'autre, sans que vous en advertissies auparavant..

  A015001291 

 Item: je sçay que quand il vous plaist, vous aves un stile affectif; car je me resouviens fort bien de vostre Benjamin de Sorbonne.

  A015001291 

 J'appreuverois qu'es endroitz ou commodement il se peut, vous fissies les argumens pour vos opinions en ce stile; comme en la question: « Utrum Mot carnem sumpsisset, Adamo non peccante? » Et en l'une et en l'autre opinion, on peut [119] reduire les opinions en stile affectif.

  A015001293 

 Or sus, mon cher Pere, que vous semble de mon cœur? va-il pas bien a la bonne foy envers le vostre? Mais croyés-moy, encores ne suis-je pas si simple, qu'avec un autre j'en usasse comme cela.

  A015001294 

 Dieu vous fasse prosperer en son saint amour.

  A015001307 

 Car sans doute, si vous vous fussies remariee a quelque chevalier du fond de Gascoigne ou de Bretaigne, vous eussies tout abandonné et on n'en eust rien dit.

  A015001307 

 Je vous diray franchement que, quant a l'obligation de vostre conscience, je ne varie nullement et persevere a ce que je vous en ay dit il y a long tems, qui est en un mot, que si la necessité de la personne de ce bon seigneur est telle que vous soyés requise en presence pour la secourir, vous deves arrester.

  A015001307 

 Maintenant que vous n'aves pas fait a beaucoup pres un si grand abandonnement et que vous aves reservé asses de liberté pour avoir [121] un soin moderé de vostre mayson et de vos enfans, parce que ce peu de retraitte que vous aves fait est pour Dieu, il se treuve des gens qui taschent de le faire estimer mauvais et contre le devoir..

  A015001307 

 Si ce n'est que la necessité du meilleur estat des biens, vous n'y estes pas voirement obligee; mais pourtant, si cette necessité estoit extreme et grande et qu'elle ne peust estre remediee que par vous, c'est a dire que vous ne puissies suppleer par autruy aux affaires, vous pourries librement arrester le tems requis a cela, que je remetz a vostre discretion et prudence, ne pouvant dissimuler avec vous qu'en cette occasion je ne voye quelque sorte de tentation.

  A015001308 

 Ce que je ne dis pas pour ce bon chevalier qui vous souhaitte aupres de soy, car vrayement il a rayson de desirer le bien de vostre conversation, qui ne peut que luy estre fort aggreable; mays pour ceux qui en parlent par maniere de conscience et de scrupule, qui, a mon advis, ne sont pas bien fondés en cela, bien qu'en la lettre de monsieur N. je les voye fort doctes et de grand esprit.

  A015001308 

 Mais je reviens a vous dire que vostre discretion vous doit regler, selon ce que je vous en ay dit autrefois et que maintenant je repete..

  A015001309 

 Au demeurant, pendant vostre sejour, ces bonnes filles font au mieux qu'elles peuvent, affin qu'a vostre retour vous ne treuviés point de decadence en cette heureuse vie en laquelle Dieu les a mises sous vostre conduitte..

  A015001310 

 Je suis, comme vous sçaves, de toute mon ame, ma tres chere Fille, tout parfaitement vostre en Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est fait tout nostre, Jesus Christ, qui vit et regne es siecles des siecles.

  A015001310 

 Je vous souhaitte mille et mille benedictions celestes pour l'avancement de vostre cœur au tres saint amour du Crucifix, auquel il est voùé et consacré eternellement.

  A015001318 

 Je vous prie de faire tenir les presentes a M. de Blonay, et luy escrire que s'il luy plaist que sa fille vienne sans attendre le retour de madame de Chantal, elle sera la bienvenue.

  A015001319 

 Je vous prie de faire la commission que je vous laissay, et de dire a M. de Chastillon qu'il face, pour les reconnoissances, selon qu'il m'escrivoit.

  A015001320 

 Je prie Dieu qu'il vous benisse, et me recommande a vos prieres..

  A015001332 

 Mays, avant que de partir, je vous en donne advis, remettant, apres mon retour, de fayre part a Vostre Excellence de ce qui se sera passé..

  A015001348 

 Il sera force que vous souffries ma briefveté, car me voyci encor a Gex emmi tant d'affaires, que je ne sçay de quel costé me tourner, sur tout maintenant au despart.

  A015001351 

 Dieu vous benisse de sa grande benediction; c'est le continuel et invariable souhait de ce cœur qui est vostre en Jesus Christ..

  A015001365 

 Au demeurant, si ledit seigneur et senateur desire ouïr en tesmoignage aucuns ecclesiastiques, je vous prie de dire ausdits ecclesiastiques de ma part, qu'ilz ayent a tesmoigner, deposer et dire la verité, vous donnant, pour ce regard, tout pouvoir de le leur ordonner.

  A015001365 

 Et pour le mari de la Torta, vous vous addresseres a monsieur le senateur de la Valbonne, qui va lâ, affin qu'il luy parle authoritative; et, en passant icy, je luy recommanderay l'affaire.

  A015001365 

 Faites hardiment comme vous m'escrivistes l'autre jour, touchant les reconnoissances.

  A015001401 

 Ma tres chere Fille, vous ne pouvés guere plus dormir couchee; il faut que vous reposies assisse, a cause du defaut d'aleyne.

  A015001401 

 Mays voyla pas un bon exercice de mortification que Dieu vous donne, et lequel tant de Sains ont prattiqué par election? Or il n'en vaudra pas moins, ains davantage, quand il sera prattiqué par acceptation.

  A015001402 

 Sil vous plait, ma chere Fille, vous feres donner cette nouvelle a nostre petite seur Claudine, affin qu'ell'en loue Dieu et qu'elle ne se mette point en peyne, car cette malade est servie et assistee amoureusement, fervemment et fidelement, selon l'ordre de la compaignie ou ell'est..

  A015001403 

 Et si, il faut que je vous die qu'elle m'escrit par sa derniere lettre que l'on desseigne a Dijon, ou ell'est, une mayson de la Visitation pareille a celle d'icy; et faudra peut estre, dans quelque tems, y envoyer un couple ou troys des filles que nous [132] aurons, pour y donner commencement.

  A015001403 

 Mays il n'est pas requis que ceci se sache encor; c'est pourquoy je le dis a vous..

  A015001418 

 Tenes vous doucement en repos en Dieu, pour reprendre vos forces de sa main, affin que quand nostre chere Mere reviendra, elle nous treuve tous braves.

  A015001425 

 O Dieu, que j'ay pensé en vous devant la creche de Bethleem, et que j'ay prié pour nostre cœur le divin Enfant! Il me semble que ses bontés s'aggrandissent pour nous de moment en moment.

  A015001434 

 Gardés bien, dit l'Apostre, de perdre la confiance, par laquelle estans revigorés, vous souffrires et supporteres vaillamment le combat des afflictions, pour grand qu'il soit..

  A015001434 

 Je ne doute point, ma tres chere Fille, que vous ne soyes grandement exercee de diverses rencontres desplaysantes, sçachant une partie des sujetz qui vous en peuvent donner; mays en quoy, et quand, et comment pouvons nous tesmoigner la vraye fidelité que nous devons a Nostre Seigneur, qu'entre les tribulations, es contradictions et au tems des repugnances? Cette vie est telle qu'il nous faut plus manger d'absynthe que de miel; mais Celuy pour lequel nous avons resolu de nourrir la sainte patience au travers de toutes oppositions, nous donnera la consolation de son Saint Esprit en saison.

  A015001447 

 Fille, dites moy, je vous prie, sera-il mieux que je vous aille revoir demain matin pour assister au disner de cette grande fille, et encor de la Jaquemaz, sil y escheoit, ou que j'y aille [137] seulement apres Vespres pour la voir souper? Mon opinion est que ce soit apres Vespres, par ce que j'auray plus de tems, comme j'espere, d'estre avec moy (je veux dire avec vous) et avec elle; et lhors j'adjousteray aux tablettes le mot qui manque, car j'ay grand'envie d'estr'un jour homme de parole..

  A015001447 

 Mays vous, ma tres chere mt.

  A015001456 

 Saches, ma tres chere mienne Fille (mais vous le saves bien), que ça esté outre mon gré que j'ay passé cette journee sans vous voir.

  A015001458 

 Conservés vous doucement et prenes le repos requis a nostre cors.

  A015001470 

 Mais ne laisses pas, ma chere Fille toute mienne, de me faire sçavoir comme vous vous portes cett'apres disner et apres souper, en peu de lignes, de peur de vous travailler.

  A015001470 

 O, Dieu me donnera demain quelqu'heure pour vous voir.

  A015001470 

 Tirannisé de visites et entretiens importuns, me voyci a la fin du jour sans vous avoir veu, ma tres chere Fille.

  A015001484 

 Or sus, ma Fille, voyés-vous, je vous recommande a Dieu pour obtenir pour vous cette sacree patience, et n'est pas en mon pouvoir de luy proposer rien pour vous, sinon que tout a son gré, il façonne vostre cœur pour s'y loger et y regner eternellement; qu'il le façonne, dis-je, ou avec le marteau, ou avec le ciseau, ou avec le pinceau: c'est a luy d'en faire a son playsir, non pas, ma chere Fille? faut-il pas faire ainsy?.

  A015001485 

 Je sçai que vos douleurs se sont augmentees despuis [140] peu, et a mesme mesure le desplaysir que j'en ay; bien qu'avec vous, je louë et benis Nostre Seigneur de son bon playsir qu'il exerce en vous, vous faysant participer a sa sainte Croix et vous couronnant de sa couronne d'espines..

  A015001486 

 Et bien, ma chere Fille, il n'est pas aussi requis que vous le fassies, ains que tout simplement vous esleviés, le plus frequemment que vous pourrés, vostre cœur a ce Sauveur et que vous fassies ces actions: premierement, d'accepter le travail de sa main, comme si vous le voyies luy mesme vous l'imposant et fourrant en vostre teste; secondement, vous offrant d'en souffrir encores davantage; troisiesmement, l'adjurant par le merite de ses tourmens, d'accepter ces petites incommodités en l'union des peynes qu'il souffrit sur la croix; quatriesmement, protestant que vous voules non seulement souffrir, mais aymer et caresser ces maux comme envoyés d'une si bonne et douce main; cinquiesmement, invoquant les Martyrs et tant de serviteurs et servantes de Dieu qui jouissent du Ciel pour avoir esté fort affligés en ce monde..

  A015001486 

 Mais, ce me dites vous, vous ne pouves gueres arrester vostre pensee sur les travaux que Nostre Seigneur a souffertz pour vous, tandis que les douleurs vous pressent.

  A015001487 

 Il faut donq les appliquer, avec telle resignation neanmoins, que si sa divine Majesté veut que le mal surmonte, vous y acquiescerés; s'il veut que le remede vainque, vous l'en benirés..

  A015001487 

 Il n'y a nul danger a desirer du remede, ains il le faut soigneusement procurer; car Dieu, qui vous a donné le mal, est aussi l'autheur des remedes.

  A015001488 

 Nullement, ma Fille; mais je dis pour beaucoup moins d'incommodités que celles que vous souffrés..

  A015001489 

 Mon Dieu, ma Fille, que vous estes heureuse si vous continues a vous tenir sous la main de Dieu, humblement, doucement et souplement! Ah! j'espere que ce mal de teste profitera beaucoup a vostre cœur; vostre cœur, dis-je, que le mien cherit d'un amour tout particulier.

  A015001489 

 [141] C'est maintenant, ma Fille, que, plus que jamais et a tres bonnes enseignes, vous pouves tesmoigner a nostre doux Sauveur que c'est de toute vostre affection que vous aves dit et dires: VIVE JESUS!.

  A015001498 

 O nom glorieux, que la bouche du Pere celeste a nommé eternellement, soyés a jamais la superscription de nostre ame, affin que, comme vous estes Sauveur, elle soit eternellement sauvee.

  A015001499 

 Ma tres chere Fille, il failloit escrire la premiere lettre de cette annee a Nostre Seigneur et a Nostre Dame; et voyci la seconde par laquelle, o ma Fille, je vous donne le bon an et dedie nostre cœur a la divine Bonté.

  A015001510 

 A ce commencement de nouvelle annee, je vous supplie de recevoir aggreablement le renouvellement des offres de mon bien humble service, qu'avec beaucoup d'affection, de sincerité et de reconnoissance je vous ay ci devant fait.

  A015001510 

 Que si Nostre Seigneur exauce mes vœux, cet an vous sera l'an de prosperité, de contentement et de benediction sur vous, Monsieur, en vous et tout autour de vous, qui, par apres, en verres une grande suite de pareilz, lesquelz en fin aboutiront a l'annee eternelle, en laquelle vous jouires immortellement de l'Autheur de toute vraye prosperité et benediction..

  A015001523 

 Il est bien tems que je vous rende le livret de la sainte Vie de nostre bienheureux Pierre Faber.

  A015001523 

 J'ay esté si consciencieux que je n'ay pas osé le faire transcrire, parce que, quand vous me l'envoyastes, vous m'en parlastes comme chose qui estoit reservee pour encor a vostre Compaignie.

  A015001524 

 Mais en fin, je vous remercie de la charitable communication qu'il vous a pleu me faire, et vous supplie me continuer tous-jours celle de vos prieres, puisque de tout mon cœur je suis,.

  A015001536 

 Je loüe Dieu de cette nouvelle santé, le retour de laquelle vous m'annoncés par vostre lettre du 6 decembre, avant que j'aye eu aucune sorte d'advertissement de vostre maladie.

  A015001536 

 Que si je sçavois que mes lettres eussent quelques secrettes vertus pour vous donner un bon portement, ainsy que vostre affection vous le fait estimer, croyés, Monsieur, que j'en escrirois jour et nuit, et ne vous escrirois point d'autre encre que celuy de mon sang, pour marquer des caracteres si aymables et pretieux [desquels] les effectz me seroyent si chers et desirables..

  A015001536 

 Veuille cette bonté du Seigneur, qui vous a esté propice et a moy en vostre guerison, nous favoriser longuement de sa duree et d'une constante consolation en cette sainte et douce amitié qu'elle a establie entre nous.

  A015001537 

 Si cela, comme je n'en doute point, a la force d'attirer les benedictions divines de son sein paternel, je veux esperer qu'il vous en comblera..

  A015001539 

 Ce que j'avois preveu de la volonté de Monseigneur de Nemours touchant son hostel, s'est treuvé plus que veritable; car, outre ce que j'avois consideré, il y a de plus qu'il n'est nullement hors d'occasion d'aller peut estre plus tost que je ne pense a Paris: vous pouvés bien penser pourquoy, mays je dis cecy entre nous deux.

  A015001546 

 Voyla M. Michel qui va un peu plus tost que l'ordinaire, affin que vous puissies prendre vostre tablette au moins une heure avant disner..

  A015001547 

 Mais, ma tres chere Fille, toutes deux, ces prises que [149] vous feres, sont tablettes cordiales; sur tout la premiere, composee de la plus excellente poudre qui fut jamais au monde.

  A015001548 

 C'est une grande joye au cœur que vous aves icy, de s'imaginer ce grand Saint entre ses hermites, tirer du fond de son esprit des sentences graves et sacrees, et les prononcer avec une veneration incomparable comme des oracles du Ciel; mais entr'autres, il me semble qu'il die a nostre ame ce qu'il disoit parmi ses disciples, pris de l'Evangile: Ne soyés en souci de vostre ame, ou pour vostre ame.

  A015001548 

 Le grand saint Anthoine, duquel les intercessions ont une extraordinaire influence [sur] cette journee, vous fera, par la bonté de Dieu, lever demain toute brave.

  A015001548 

 Ma tres chere Fille, tenés vostre esprit en paix; ne regardés d'ou sa petite maladie luy vient, ni ne vous mettés nullement en peyne de le guerir, mays divertissés le tant qu'il vous sera possible de retourner sur soy mesme.

  A015001550 

 Croyés, ma Fille, que je prie Nostre Seigneur pour vous avec tout nostre cœur; car mon ame est collee a la vostre et je vous cheris comme mon ame, ainsy qu'il est dit de Jonathas et de David.

  A015001557 

 Je vois par vostre lettre, que [151] vous ne vous appuyés pas asses en la sainte providence divine.

  A015001557 

 Ma chere Fille, si elle retiroit vostre bonne seur, ce que nous devons esperer n'arriver pas si tost, vous ne laisseries pas pour cela d'estre sous la protection de ce tres bon Pere eternel qui vous couvriroit de ses aisles.

  A015001558 

 Au contraire, je voudrois, et Dieu voudroit, que vous l'exerçassies gayement et amoureusement, et par ce moyen il auroit soin du desir que vous aves d'estre deschargee et le feroit reüscir en son tems; car notés une fois pour toutes, qu'il ne faut jamais s'aheurter avec une de nos volontés, ains quand il nous arrive quelque chose contre nostre gré, il le faut accepter de bon cœur, quoy que de bon cœur on desirast que cela ne fust point; et quand Nostre Seigneur voit que nous sommes ainsy souples, il condescend a nos intentions..

  A015001558 

 Pour la charge que vous aves, c'est une tentation de n'y avoir pas l'amour requis pour le tems auquel vous y seres.

  A015001559 

 J'escriray a vostre seur qu'elle vous face faire les services comme les autres, car cela est bon..

  A015001561 

 Tandis que vostre seur n'a pas voulu recevoir vostre pension, il n'y a eu nulle faute pour vous; mais ce sera chose bonne qu'elle la manie..

  A015001562 

 Continués donq, tres chere Seur, ma Fille, et ne cessés point d'invoquer Dieu et d'esperer en luy, et il vous fera abonder en ses benedictions.

  A015001562 

 Ma tres chere Seur, il ne faut point perdre courage; encor que vous ne prattiquiés pas si fidellement les resolutions que vous faites, vous deves fortifier vostre cœur pour en venir a l'execution.

  A015001563 

 Nostre doux Sauveur soit donq avec vous, ma chere Seur, ma Fille, et je suis tout en luy,.

  A015001566 

 La bonne Mere de Chantal, qui est malade sans danger, comme j'espere, vous saluë de tout son cœur.

  A015001576 

 En toutes, je m'essayois de vous tesmoigner l'ardent desir que j'aurois de rendre quelque sorte de service pour l'erection, institution et avancement de vostre Congregation, laquelle j'estime devoir estre un (sic) des plus fructueuses et apostoliques œuvres qui ayt esté faite en France, il y a long tems.

  A015001576 

 J'ay receu toutes les lettres que vous me marques par celle quil vous pleut m'addresser par les mains de monsieur de Marillac, et m'estonne comm'il est arrivé que vous n'ayes pas eu mes responses que j'ay quelquefois dupliquees, de peur de manquer au devoir que je vous ay et pour l'extreme contentement que je prens en la prattique de vostre sainte amitié.

  A015001578 

 Si donques il se presentoit jamais occasion de vous rendre service, ne laisses pas, je vous supplie, de m'employer en qualité, Monsieur, de.

  A015001578 

 Voyla comment je vous ay en tout et par tout esté inutile, mays certes je n'ay esté ni seray jamais sinon tres affectionné, mesm'en ce dessein qui est tant a la gloire de Nostre Seigneur et avancement de la pieté.

  A015001596 

 Croyes, je vous supplie, que je ressens tous-jours une tres particuliere consolation quand vous me faites le bien de m'envoyer de vos nouvelles et de m'asseurer de vostre sainte bienveuillance.

  A015001596 

 Si vous m'aves souhaité par dela, j'ay bien correspondu de mon costé, estimant que un voyage seroit grandement utile, non aux autres, mays a moy qui, par la conference que j'aurois avec tant de gens de bien, rafraichirois les resolutions et l'esprit qui m'est necessaire en ma vocation..

  A015001598 

 Ainsy l'en supplie-je, et quil vous face de plus en plus abonder en son saint amour, [156] auquel je vous supplie de me recommander continuellement, comme une personne qui est a [jamais],.

  A015001612 

 Ce matin, m'estant esveillé un peu a bonn'heure, j'ay pensé que peut estre il seroit a propos demain, qu'avant que de venir a la sainte Messe, vous fissies appeller toutes nos filles vers vous, et puis que vous fissies venir les deux qui doivent estre receües, et qu'en presence des autres, vous leur dissies trois ou quatre paroles en ce sens:.

  A015001612 

 Je vous seconderay le plus doucement quil me sera possible, ma tres chere Fille, en vostre juste intention, bien qu'entre nous il ny a ni second ni premier, ains un (sic) simple unité.

  A015001613 

 Mays, avant que de passer plus outre, [158] penses bien derechef en vous mesme a l'importance de ce que vous entreprenes; car il seroit bien mieux de n'entrer pas parmi nous, qu'apres y estr'entrees donner quelqu'occasion de n'estre point receues aux oblations.

  A015001613 

 Que si vous aves bonne volonté, vous deves esperer que Dieu vous favorisera..

  A015001613 

 « Vous nous aves demandé d'estre receues entre nous pour y servir Dieu en unité de mesm'esprit et de mesme volonté; et, esperans en la Bonté divine que vous vous rendres bien affectionnees a ce dessein, nous sommes pour vous recevoir ce matin au nombre de nos Seurs novices, pour, selon l'avancement que vous feres en la vertu, vous recevoir par apres aux oblations, dans le tems que nous aviserons.

  A015001614 

 Et a cet effect, nous avons commis la peyne et le soin particulier de vous exercer et instruire a ma Seur de Brechard ci presente, a laquelle partant vous seres obeissantes, et l'escouteres avec respect et tel honneur, qu'on connoisse que ce n'est pas pour la creature que vous vous sous-mettes a la creature, mays pour l'amour du Createur que vous reconnoisses en la creature.

  A015001614 

 Et quand nous commettrions un'autre pour estre vostre Maistresse, quelle qu'elle fut, vous devries luy obeir avec toute humilité pour la mesme rayson, sans regarder en la face de celle qui vous gouvernera, mais en la face de Dieu qui l'a ainsy ordonné..

  A015001614 

 « Or, entrant ceans, saches que nous ne vous y recevons que pour vous enseigner, tant que nous pourrons, par exemple et advertissemens, a crucifier vostre cors par la mortification de vos sens et appetitz de vos passions, humeurs, inclinations et propres volontés, en sorte que tout cela soit desormais sujet a la loy de Dieu et aux Regles de cette Congregation.

  A015001615 

 Et moy je vous cheriray cordialement comme vostre seur, mere et servante; toutes nos Seurs vous tiendront pour leurs seurs tres aymees, et ce pendant vous aures ma Seur de Brechar (sic) pour Maistresse, a laquelle vous obeires, et suivres ses advertissemens avec l'humilité, sincerité et simplicité que Nostre Seigneur requiert en toutes celles qui se rangent en cette Congregation.

  A015001615 

 Vous vous tromperies bien si vous pensies estre venues pour avoir plus grand repos qu'au monde, car au contraire, nous ne [159] sommes icy assemblees que pour travailler diligemment a desraciner nos mauvaises inclinations, corriger nos defautz, acquerir les vertus; mays bienheureux est le travail qui nous donnera le repos eternel.

  A015001615 

 « Vous entreres donques en cett'escole de nostre Congregation, pour apprendre a bien porter la croix de Nostre Seigneur, par abnegation, renoncement de vous mesme, resignation de vos volontés, mortification de vos sens.

  A015001617 

 Je treuverois encor bon qu'apres que vous aures tiré quelque promesse d'elles, qu'elles se comporteront bien, vous adjoustassies:.

  A015001617 

 Or, je ne dis pas, ma chere Fille, que vous disies ni ces paroles, ni tout ceci, mays ce que vous verres a propos, plus pour l'edification et reveil des autres, que pour celle (sic) ci.

  A015001618 

 « Benites seront celles qui vous donneront bon exemple et qui vous consoleront en vostre entreprise.

  A015001619 

 Voyla ce que j'ay pensé, si vous estimes a propos.

  A015001628 

 Le tres grand et miraculeux saint Paul nous a resveillés de grand matin, ma tres chere Fille, si fort il s'est escrié aux oreilles de mon cœur et du vostre: Seigneur, que voules vous que je fasse? Ma tres [160] chere Mere et toute chere Fille, quand sera-ce que, tous mortz devant Dieu, nous revivrons a cette nouvelle vie en laquelle nous ne voudrons plus rien faire, ains laisserons vouloir a Dieu tout ce qu'il nous faudra faire, et laisserons agir sa volonté vivante sur la nostre toute morte?.

  A015001629 

 Or sus, ma chere Fille, tenés vous bien a Dieu; consacrés luy vos travaux, attendés en patience le retour de vostre beau soleil.

  A015001631 

 Je pense qu'il vous faut caresser la seur de nostre Seur N., car en fin la douce charité est la vertu qui respand le bon odeur edificatif, et les personnes moins eslevees la reçoivent avec plus de prouffit.

  A015001631 

 Je vous envoye cet eslan de nostre cœur, ma tres chere Fille, que le grand saint Paul benisse.

  A015001638 

 Il gouste aucunement qu'on face l'oratoire en la grande tour, ainsy quil vous dira plus amplement; et moy, je ne vous diray plus sinon bon soir, pour ce coup..

  A015001638 

 Le Pere Jaques vous ira revoir demain, ma tres chere Mere, justement a sept heures de matin, pour prendre resolution finale.

  A015001639 

 Dieu vous conserve et rende toute sainte..

  A015001659 

 Vous aves maintenant, ma tres chere Fille, ma response a la lettre que [M me de Chantal] m'apporta; et voyei celle que je fay a la vostre du quatorziesme janvier..

  A015001660 

 Et moy, je croy qu'il l'a fait pour l'un et l'autre, et que vous devés perseverer en cette penitence tant qu'il vous l'ordonnera, puisque vous aves tout sujet de croire qu'il ne fait rien qu'avec une juste consideration.

  A015001660 

 Et si vous obeisses humblement, une Communion vous sera plus utile en effect que deux et troys faites autrement; car il n'y a rien qui nous rende la viande si prouffitable, que de la prendre avec appetit et apres l'exercice.

  A015001660 

 Or, la retardation vous donnera l'appetit plus grand, et l'exercice que vous feres a mortifier vostre impatience revigorera vostre estomach spirituel..

  A015001660 

 Vous aves bien fait d'obeir a vostre confesseur, soit qu'il vous ayt retranché la consolation de communier souvent pour vous espreuver, soit qu'il l'ayt fait parce que vous n'avies pas asses de soin de vous corriger de vostre impatience.

  A015001661 

 Ainsy, o mon doux Maistre, je vous demande, sinon vostre digne Cors, au moins les benedictions qu'il respand sur ceux qui en approchent par amour.

  A015001661 

 C'est le sentiment que vous pourrés faire, ma tres chere Fille, es jours que vous soulies communier et que vous ne communieres pas..

  A015001661 

 Humiliés-vous cependant doucement, et faites souvent [164] l'acte de l'amour de vostre propre abjection.

  A015001662 

 Le sentiment que vous aves d'estre toute a Dieu n'est point trompeur; mais il requiert que vous vous amusiés un peu plus a l'exercice des vertus et que vous ayés un soin special d'acquerir celles esquelles vous vous treuves plus defaillante.

  A015001662 

 Relisés le Combat spirituel et faites une speciale attention aux documens qui y sont: il vous sera fort a propos.

  A015001663 

 De vray, puisque vous estes en train de l'orayson et que la bonne Carmeline vous assiste, il suffit.

  A015001688 

 Sa qualité et extreme necessité la me rend recommandable, c'est pourquoy, autant que je puis, je [167] la vous recommande aussi, et priant Dieu quil vous benisse, je suis,.

  A015001707 

 C'est par le retour de ce pauvre medecin, qui n'a sceu guerir nostre Mere et que je n'ay sceu guerir, que [168] je vous fay ce mot.

  A015001708 

 Pourquoy vous dis-je cecy, mon cher Amy, sinon pour vous encourager a bien prendre garde que les loups voysins ne se jettent parmi vos brebis, ou, pour dire plus paternellement selon les sentimens de mon ame, sur ces pauvres Genevois.

  A015001722 

 Je vous demande une neuvaine pour la santé de nostre madame de Chantal.

  A015001723 

 Il faut que je vous advoue, mon cher Pere, selon les loix de nostre inviolable, paternelle, fraternelle et filiale dilection, que la conduitte de Dieu sur tous ses desseins me tient en admiration, mays avec certaine esperance intime qu'il mene sur le bord de la mort pour vivifier; je dis plus, qu'il tue pour resusciter.

  A015001733 

 Mais quand sera-ce donq que j'auray ce contentement de vous revoir, ma tres chere Seur? car je me voy presqu'a la veille de mon despart pour Chamberi; et [171] apres Pasques, on ne quitte pas volontier les chaires.

  A015001733 

 Or sus, je voy bien que nous ne serons jamais guere ensemble, si ce n'est en esprit; aussi est-ce l'Esprit de Dieu qui est l'autheur de la sainte amitié dont vous m'affectionnés, qui, par la distance des lieux, ne peut estre empesché qu'il ne face sa sacree operation dans nos cœurs..

  A015001734 

 Que vous veut cependant dire ce petit mot de nos nouvelles? La Reyne de France m'escrit qu'elle nous rendra toutes nos eglises et tous nos benefices de Gex occupés par les ministres; dont je prevoy que cet esté je seray grandement occupé a servir a cette besoigne, mays occupation aggreable et pretieuse.

  A015001767 

 Cette demande instante, la majesté du Dieu tout-puissant vous la fait, non par une prière, mais de plein droit, car elle apparaîtra plus manifestement admirable dans ce bienheureux Prince.

  A015001767 

 Cette requête vous est adressée par la famille des sérénissimes ducs de Savoie, dont la constance dans la foi et les glorieux exploits de [176] vaillance ont jadis et jusqu'à ce jour apporté à l'Eglise une grande consolation.

  A015001767 

 Voici la province entière de Savoie qui vous fait la même supplication, mais surtout ce diocèse de Genève qui, se sentant ennobli par la naissance d'un si grand prince, aura à juste titre, une grande confiance en son intercession.

  A015001779 

 Mays ce n'est pas cela que je vous veux dire, car j'ay d'autres choses a vous demander..

  A015001779 

 Nous parlons icy de vous si souvent et avec tant de playsir, ma chere Fille, que vous ne deves pas avoir soin [178] de nous en rafraichir la memoyre.

  A015001780 

 Car il est bon; certes, ce chetif petit cœur de ma grande fille; et pourveu [179] qu'elle le traitte bien, qu'elle demeure un peu soigneusement en attention sur luy, que souvent elle le r'encourage par des petites oraysons jaculatoires, par des petites conferences de ses bons souhaitz avec nostre Mere et avec moy, par des petites bonnes cogitations faites sur ce sujet en diverses occasions, vous verres, ma chere Fille, que ce cœur deviendra un vray cœur selon le cœur de Dieu.

  A015001780 

 Dites moy donq vous mesme, ma chere Fille, le pauvre cœur bienaymé comme se porte-il? Est-il pas tous-jours vaillant et vigilant pour s'empescher des surprises de la tristesse? Je le vous recommande au nom de Nostre Seigneur, ne le tormentés point, je dis mesme quand bien il auroit fait quelque petit detour; mays reprenés le doucement et le ramenes en son chemin.

  A015001780 

 Seigneur Jesus, c'est pour cela que deux foys le jour je vous fay priere particuliere..

  A015001781 

 Vives joyeuse, ma tres chere Fille; Dieu vous ayme et vous fera la grace que vous l'aymeres: c'est le souverain bonheur de l'ame pour cette vie et pour l'eternelle..

  A015001798 

 Car voyes-vous, Madame ma Mere, ne dois-je pas estre fort glorieux de me treuver maintenant receu en la bienveüillance de monsieur et de madame de Cerviere, [181] vos chers enfans, comme presque cet autre frere qui, impatient d'estre privé de la douceur de vostre presence, s'en reva si vitement aupres de vous, a laquelle il donnera, Dieu merci, des bonnes nouvelles de la santé de cette bonne seur, que je veux servir et honnorer de tout mon cœur en l'absence des autres meilleurs freres..

  A015001798 

 Elle vous tesmoignera seulement que j'ay un extreme sentiment du bonheur que vous m'aves departi, m'advoüant pour vostre filz, me voyant tous les jours arriver des nouveaux ruysseaux de faveur qui descoulent de cette vive fontaine.

  A015001799 

 En un mot, Madame ma Mere, je n'oublie jamais a l'autel les recommandations que vous me commandastes d'y fere, car je suis fidellement et sans reserve,.

  A015001854 

 Elle l'avoit prié d'obtenir de Dieu la connoissance de ce qu'elle devoit devenir, et il luy dit: « Quant a ce que vostre douceur me demande et qu'elle dit ne vouloir point cesser de m'importuner jusques a tant que je le luy aye octroyé, vous requeres de moy une chose esgalement difficile et inutile.

  A015001854 

 Je veux bien, ma tres chere Fille, respondre a la demande que vous me faites sur la fin de vostre lettre; mais ayés aggreable que je vous parle comme le grand saint Gregoire fit a une vertueuse dame nommee, comme luy, Gregoire, et laquelle estoit dame de chambre de l'Imperatrice.

  A015001855 

 Je vous en dis de mesme, ma chere Fille.

  A015001855 

 Quant a ce que vous me demandes, quelle authorité le Pape a sur le temporel des royaumes et principautés, vous desires de moy une resolution « esgalement difficile et inutile.

  A015001859 

 Je vous le dis sincerement, ma tres chere Fille: j'ay une douleur extreme au cœur de sçavoir que cette dispute de l'authorité du Pape soit le jouet et sujet de la parlerie parmi tant de gens qui, peu capables de la resolution qu'on y doit prendre, en lieu de l'esclarcir la troublent, [192] et en lieu de la decider la deschirent, et, ce qui est le pis, en la troublant, troublent la paix de plusieurs ames, et en la deschirant, deschirent la tres sainte unanimité des Catholiques, les divertissans d'autant de penser a la conversion des heretiques..

  A015001860 

 Et pour vostre repos, voyci des petitz retranchemens dans lesquelz vous retirerés vostre esprit a l'abri et a couvert..

  A015001860 

 Or, je vous ay dit tout cecy pour conclure que, quant a vous, vous ne deves en façon quelconque laisser courir vostre esprit apres tous ces vains discours qui se font indifferemment sur cette authorité, ains laisser toute cette impertinente curiosité aux espritz qui s'en veulent repaistre, comme les cameleons du vent.

  A015001863 

 Priés pour l'un et pour l'autre, et croyés fermement qu'ainsy faysant, vous aures Dieu pour Pere et pour Roy..

  A015001872 

 Mais Dieu vous benie, vous remplisse de graces; Dieu soit avec nous, ma tres chere Fille, car je n'ay pas davantage de loysir, grace a Nostre Seigneur, lequel nous fait la faveur de nous employer icy et la, a son tres saint service; car c'est a cela que je suis occupé en diverses sortes, de maniere que le cœur de ma tres chere Fille, comme le mien, en sera bien ayse..

  A015001901 

 Helas! ouy, ma tres chere, toute vrayement tres chere Fille; mays si faut-il que ce soit en courant, car j'ay fort peu de loysir, et n'estoit que mon sermon, que je vay tantost faire, est des-ja tout formé dans ma teste, je ne vous escrirois autre chose que le billet ci-joint..

  A015001902 

 Ce n'est autre chose qu'une vraye insensibilité qui vous prive de la jouissance, non seulement des consolations et inspirations, mais aussi de la foy, esperance et charité.

  A015001902 

 Mais venons a l'exercice interieur duquel vous m'escrives.

  A015001902 

 Vous les aves pourtant et en fort bon estat, mais vous n'en jouisses pas, ains estes comme un enfant qui a un tuteur qui le prive du maniement de tous ses biens, en sorte que, tout estant vrayement a luy, neanmoins il ne manie et ne semble posseder ni avoir rien [197] que sa vie, et, comme dit saint Paul, estant maistre de tout, il n'est point different du serviteur en cela; car ainsy, ma tres chere Fille, Dieu ne veut pas que vous ayés le maniement de vostre foy, de vostre esperance et de vostre charité, ni que vous en jouissiés, sinon justement pour vivre et pour vous en servir es occasions de la pure necessité..

  A015001905 

 Vous m'aves fort bien exprimé vostre souffrance, et n'aves rien a faire pour remede que ce que vous faites, protestant a Nostre Seigneur, en paroles mesme vocales, et quelquefois encor en chantant, que vous voules mesme vivre de la mort et manger comme si vous esties morte, sans goust, sans sentiment et connoissance.

  A015001906 

 Je dis bien parmi ces tenebres, car je vous laisse a penser: Nostre Dame et saint Jean [198] estans au pied de la Croix, emmi les admirables et espouvantables tenebres qui se firent, ilz n'oyoyent plus Nostre Seigneur, ilz ne le voyoyent plus et n'avoyent nul sentiment que d'amertume et de detresse, et bien qu'ilz eussent la foy, elle estoit aussi en tenebres, car il failloit qu'ilz participassent a la dereliction du Sauveur.

  A015001918 

 C'est, Monseigneur, qu'il vous playse luy continuer lhonneur de vostre bienveuillance encor apres son trespas, comm'a un serviteur fidele et ancien de Vostre Altesse, qui, en la vie et en la mort, n'avoit rien eü de plus entier en son ame que la tres humble obeissance qu'il devoit a vostre couronne; et que, ne pouvant plus exercer cette sienn'affection en ce monde, il avoit fait choix du filz aysné du sieur de Chenex pour le nommer son heritier, affin qu'avec ce peu de biens qu'il luy laisse, il puisse estre eslevé et nourri en la vertu et en la puissante inclination du service de Vostre Altesse, a laquelle, outre son originaire devoir, le nom et les armes de Lambert, qu'il luy ordonne de porter, le rendront absolument hipothequé et consacré.

  A015001932 

 Ce porteur, qui est filz d'un tres bon pere et lequel est de mes meilleurs amis, n'a pas voulu retourner a Paris sans vous rapporter de mes lettres comm'il m'en avoit apporté des vostres, estimant que, comm'il desire, il vous en seroit plus aggreable.

  A015001932 

 Il vous dira toutes nos nouvelles, qui, a mon advis, consiste (sic) en ce que nous n'en avons point.

  A015001932 

 Je luy suis fort obligé de cette bonne pensee, fondee sur la creance qu'il a de la parfaitte bienveuillance dont vous me favorisés, qui est une persuasion laquelle, comm'elle m'est fort honnorable, elle m'est aussi fort douce et aymable.

  A015001933 

 Quant aux mariages, vous sçaves qu'en tems de Caresme ce n'en est pas la sayson; aussi n'en dit-on plus mot..

  A015001934 

 Nous attendons le passage du sieur de Granier, qui nous dira ce quil aura pris d'argent sur vostre faveur, et soudain, Dieu aydant, je l'envoyeray, voulant meshuy donner commencement a la satisfaction de tant de devoirs pecuniaires que je vous ay; car quant aux autres, je ne pourray ni ne voudray jamais en estre quitte, ayant un extreme playsir d'estre par obligation ce que je suis si absolument par inclination: c'est,.

  A015001940 

 Monsieur le premier president Favre me tient icy en consolation, en parlant souvent de vous selon mon desir..

  A015001952 

 Les deux freres que vous aymes vous honnorent et cherissent affectionnement, et parlent fort souvent de vous en ce sens et avec ce goust, mays celuy ci particulierement qui, vous saluant de tout son cœur, et madame ma chere bonne seur, est invariablement,.

  A015001966 

 Seroit-il bien possible que mon esprit oubliast jamais les chers enfans de ses entrailles? Non, mes tres cheres Filles, ma chere joye et ma couronne, vous le sçavés bien, je m'en asseure; et vos cœurs vous auront bien respondu pouf moy que si je ne vous ay pas escrit jusques a present, ce n'est sinon parce que, escrivant a nostre tres unique et bonne Mere, je sçavois bien que je ne vous escrivois pas moins qu'a elle, par cette douce et salutaire union que vos ames ont avec la sienne; et encor, parce que le saint amour que nous nous portons reciproquement, est escrit, ce me semble, en si grosses lettres dans nos cœurs, qu'on y peut bien lire presque nos pensees de Neci jusques icy..

  A015001967 

 Je suis avec un peu plus de monde que quand je suis en nostre sejour ordinaire aupres de vous; et plus j'en voy de ce miserable monde, plus il m'est a contrecœur, et ne croy pas que j'y peusse vivre, si le service de quelques bonnes ames en l'advancement de leur salut ne me donnoit de l'allegement..

  A015001970 

 Quand l'air vous sera nubileux, entre les secheresses et aridités, travaillés au dedans de vostre cœur par la prattique de la sainte humilité et abjection; quand il sera beau, clair et serein, allés, faites vos spirituelles saillies sur les collines de Calvaire, d'Olivet, de Sion et de Thabor, et, de la montaigne deserte ou Nostre Seigneur repaist sa chere trouppe aujourd'huy, volés jusques au sommet de la montaigne eternelle du Ciel et voyés les immortelles delices qui y sont preparees pour vos cœurs..

  A015001972 

 Dieu vous benisse, mes tres cheres Filles, et vous face de plus en plus avancer en l'amour de sa divine eternité, en laquelle nous esperons de jouir de l'infinité de ses faveurs pour cette petite, mais vraye fidelité, qu'en si peu de chose, comme est cette vie presente, nous voulons observer moyennant sa grace.

  A015001986 

 Cependant je demeureray, de vous et de madame ma cousine,.

  A015001986 

 Voyla une lettre de monsieur de Bonvilars nostre [207] oncle, a laquelle je ne puis faire autre response que celle que vous m'ordonneres.

  A015002004 

 Le P. Recteur de Chambery me dit que l'expedition [208] de son proces vous estant recommandee, il l'aura ou demain ou, au plus long aller, passé demain.

  A015002004 

 Monsieur, je luy ay promis que j'y employerois ma priere, et je le fay avec confiance par ces deux motz, au bout desquelz j'adjouste un tres affectionné bon soir pour vous, Monsieur, et pour madame ma seur, estant et de vous et d'elle,.

  A015002013 

 Dieu vous donne cent mille bonjours et la santé tres heureuse, ma tres chere Fille, que je recommanderay de tout mon cœur a sainte Catherine de Siene, puisque c'est aujourdhuy sa feste..

  A015002025 

 Je vous donne le bonjour, et peut estre iray-je vous donner le bon soir en personne, cependant, si je puis; et mesme par ce que M me l'Ancienne est venue, laquelle, [210] on m'asseure, ira vers vous avec intention d'avoir plus de commodité de me parler; bien que je voye qu'ell'en aura peu ou que ce soit, a rayson de nostre Sinode, duquel les abors commencent demain..

  A015002038 

 Dieu vous comble de ses benedictions, ma tres [chere] Cousine, ma Fille, et je salue nostre Seur de [Vignod] et toutes nos autres Seurs..

  A015002049 

 Je suis bien ayse que cette bonne damoyselle soit si brave; je l'ayme bien, je vous asseure.

  A015002050 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Mere, et vous comble de son tressaint et pur amour.

  A015002079 

 Or, je vous escris sans loysir, pour un depesche qu'il me faut faire pour Bourgoigne..

  A015002079 

 Vostre derniere lettre m'a donné mille consolations, [214] et a madame [de Chantal] a qui je l'ay communiquee, n'y ayant rien veu qui ne peust estre monstré a une ame de cette qualité la et qui vous cherit si saintement.

  A015002080 

 Mays mon Dieu, ma tres chere Fille, que dirons-nous de ces hommes qui apprehendent tant l'honneur de ce miserable monde et si peu la beatitude de l'autre? Je vous asseure que j'ay eu des estranges afflictions de cœur, me representant combien pres de la damnation eternelle ce cher cousin s'estoit mis, et que vostre cher mary l'y eust conduit.

  A015002082 

 Or sus, demeurés en paix; jettés vostre cœur et vos souhaitz entre les bras de la Providence celeste, et que la benediction divine soit a jamais entre vous.

  A015002090 

 Or je ne doute point de cela, ma tres chere Fille, ma Niece, que ce mesme Sauveur qui vous a prise par la main ne vous conduise jusques a la perfection de son saint amour; car j'espere que vous ne vous secoueres point d'une si douce et suave conduite et n'abandonneres jamais Celuy qui, par son infinie bonté, n'abandonne jamais ceux qui ne veulent pas l'abandonner.

  A015002091 

 M me de Limogeon me pria il y a bien sept mois, de luy tenir ce dernier enfant qu'elle a fait, et je le pris [216] en fort grand honneur; mais je le treuve encor plus grand et plus aggreable, puisque c'est avec cette heureuse rencontre que vous le deves tenir avec moy; ce que je prens a presage qu'un jour je pourray bien avoir la consolation d'en tenir un des vostres.

  A015002120 

 Comme vous portes vous, je vous prie, a ce matin? car hier vous fustes toute lasse et attachee de nostre fievre; [218] et je puis bien mieux dire de nostre fievre que ma Seur Milletot de nostre teste.

  A015002120 

 Helas! mon cœur vous donne mille fois le bonjour, aymant uniquement le vostre comme soy mesme..

  A015002121 

 Je vous diray la resolution demain, Dieu aydant; et cependant, conserves vous bien fort, ma tres chere Mere, je vous en conjure, et mille mille fois bon jour..

  A015002131 

 Il me sembla que vous m'eussies marqué le jour de saint Claude.

  A015002141 

 Je vous donne, la joye dequoy nostre Sauveur est monté au Ciel, ou il vit et regne, et veut qu'un jour nous vivions et regnions avec luy.

  A015002177 

 Ce que j'ay de plus prest, qui regarde la conduite des ecclesiastiques de ce diocæse, je le remettray, Dieu aydant, a ce porteur, non seulement par ce qu'il est mon diocæsain et quil a des-ja esté employé en semblable occasion, mays par ce aussi que vous le voules, puis que je suis de tout mon cœur,.

  A015002181 

 Mon Reverend Pere, je vous escris tout a fait sans loysir et presque sans haleine, ce matin de la Pentecoste.

  A015002181 

 Presque toutes nos chaires sont occupees par les RR. Peres Capucins, qui ont huit Maysons, la plus part nouvellement fondees; et si, je vous puys dire que, excepté celle de cette ville, je n'oserois en presenter une [228] a quelque predicateur qui, pour y venir, eut besoin de faire une journee..

  A015002231 

 Nos messieurs les examinateurs ont estimé que nous devions donner courage a M. de Marteret, puisqu'il a rendu un grand tesmoignage de vouloir dores-en-avant faire merveilles et quil est parti avec vostre licence, ainsy que vous tesmoignes par vostre lettre, me le renvoyant quant au dimissoire..

  A015002259 

 Helas, ma chere Seur, que j'aurois bien besoin d'un peu plus de loysir pour laysser reprendre mon cœur, tout fasché de cette nouvelle que je viens de recevoir du trespas de madame nostre chere mere! Mays puisque je ne puis, que vous diray-je, ma tres chere Seur, sinon que voyla comme cette miserable vie mortelle est incertaine parmi nous, et que nous sommes encor plus miserables qu'elle, si nous l'estimons pour autre sujet que pour ce qu'elle nous sert de passage [234] a l'eternelle; eternelle, ma tres chere Fille, a laquelle nous devons sans cesse aspirer, en laquelle nos proches et nos amis se treuveront reunis avec nous d'une societé indissoluble..

  A015002260 

 Mon Dieu, je voy, ce me semble, vostre pauvre cœur fort affligé, car je sçai que vous l'aves fort sensible en telles occasions.

  A015002262 

 Et sur le sujet de vostre voyage par deça, je ne sçaurois vous le conseiller, pour l'apprehension que j'ay quil ne vous incommode en vostre foible santé, ni ne sçaurois vous le dissuader, pour le tres singulier contentement que j'aurois a vous tenir un peu parmi nous, en ces desertz.

  A015002262 

 Je ne voy point de tems qui ne soit propre, pourveu que le voyage que M. le Grand doit faire a Gex ne me contraigne d'absenter de cette ville quand vous series de deça; et c'est chose delaquelle je ne me puis rien promettre.

  A015002262 

 Mays pour vostre santé, je vous en laisse la consideration, et a vos medecins de dela..

  A015002262 

 Vous verres donq le tems que vous aggreeres, et m'en advertires, affin qu'autant quil [235] me sera possible je m'essaye de disposer mes affaires pour me treuver icy.

  A015002263 

 En vraye verité, vous n'aves point de cœur qui soit plus vostre que le mien.

  A015002263 

 Je pensois, mais je ne puis escrire a madame la Prieure nostre chere seur; vous l'asseureres bien de ma fidelité.

  A015002267 

 M me de Chantal n'ayant nul loysir, vous bayse les mains de tout son cœur et n'oubliera pas de rendre le devoir a M me la chere defuncte..

  A015002268 

 Que j'escrirois volontier a monsieur d'Origni! mays je suis si pressé du depart de cette bonne dame, que je suis forcé de vous conjurer que ce soit par vostre entremise que je luy offre mon humble tres affectionné service..

  A015002298 

 Je vous en fay donq tres humblement action de graces, et des bons souhaitz que vous faites pour mon restablissement dedans ma miserable ville de Geneve, pour laquelle je fay cette courte orayson: Domine, aut convertatur, aut evertatur; sed, pro tua pietate, potius convertatur quam evertatur, et « quod nostra peccata præpediunt, indulgentia tuæ propitiationis acceleret.

  A015002299 

 Je garderay pretieusement les traductions qu'il vous a pleu m'envoyer, non seulement par ce que ce genre d'escritz m'est fort aggreable, mais par ce que ce me sera un tiltre du bien que j'ay de participer a vos bonnes graces, lesquelles je vous supplie, Monseigneur, me conserver comm'a un homme qui les estime et revere autant que nul autre, et lequel, confessant quil ne les a jamais meritees, espere neanmoins quil ne meritera jamais de les perdre, puisque liberalement elles luy ont esté concedees..

  A015002300 

 Dieu multipliera vos ans si mes vœux sont exaucés, et en vos ans, ses celestes benedictions, et tous-jours vous [238] m'aymeres affectionnement, comme celuy qui est et sera invariablement,.

  A015002319 

 Vous feres reposer ledit metail dans l'eglise jusques a ce qu'il le faille jetter, ce que vous feres avec la chappe, [ou] au moins avec le surplis et l'estole.

  A015002332 

 Voyés vous une rose, ma tres chere Fille? Elle represente le glorieux saint Jean, duquel la vermeille charité est plus esclattante que la rose, a laquelle encor il ressemble parce que, comme elle, il a vescu emmi les espines de beaucoup de mortifications..

  A015002334 

 Et voyla donq, ma tres chere Fille, un bouquet spirituel ou vous voyes deux lys dans une rose, l'un qui est né dans l'autre, et qui tous deux benissent, de l'odeur de leur suavité et de la perfection de leur beauté, la [240] rose des cœurs qui, par une parfaitte mortification poignante, vivent nuds, despouillés et quittes de toute autre chose pour eux.

  A015002344 

 Je prens a tant d'honneur la recherche quil vous a pleu de faire de mes predications pour l'Advent et Caresme prochain, que si vostre rang en l'Eglise et le merite de tant de personnages signalés desquelz vostre compaignie est composee ne m'avoit des-ja obligé a vous honnorer et respecter, je ne laisserois pas de l'estre extremement par cette favorable semonce que, de vostre grace, vous m'aves faitte, a laquelle je vous supplie de croire que j'ay fidellement correspondu par un sincere'desir d'y satisfaire.

  A015002345 

 Mais quant a l'affection de vous rendre du service et du contentement, je pense que malaysement eviteries vous de la perte, puisqu'en verité j'ay le cœur tout plein d'amour et de reverence pour vous, et d'ardeur et de zele pour l'avancement de la vraye pieté en vostre ville..

  A015002345 

 Or, voyant que jusques a present je n'ay aucune response et que si, par adventure, je la recevois negative dans quelque tems, la faveur que vous m'aves faitte de me souhaitter seroit suivie du desplaysir de n'avoir ni mes sermons, ni peut estre ceux des autres predicateurs sur lesquelz, a mon defaut, vous pourries avoir jetté les yeux, d'autant que ce pendant ilz se pourroyent engager ailleurs: cela, Messieurs, fait que je vous supplie de ne plus continuer envers moy l'honneur de vostre attente et de colloquer ce vostre choix en quelqu'autre qui ayt plus de liberté que moy pour l'accepter.

  A015002345 

 Vous ne pourres que beaucoup gaigner au change, si l'on a esgard a la suffisance, puisqu'en cette partie-la je suis inferieur a tous les predicateurs qui hantent les bonnes villes et montent es grandes chaires, comme la vostre.

  A015002346 

 Que si, apres ces longueurs qui sont ordinaires es cours, la response de Son Altesse m'arrivoit selon vostre desir et le mien, et qu'il vous pleust me conserver l'eslection que vous avies faite de moy pour une autre annee, je vous asseure, Messieurs, que je conserveray de mon costé la volonté que j'avois prise de suivre la vostre; volonté que je vous offre des maintenant avec un bien humble remerciement, pour demeurer toute ma vie,.

  A015002375 

 Ces quattre motz vous feront grand bien, ma tres chere Fille, pour vous dire que j'ay receu vostre lettre derniere et que je pars demain de grand matin pour, si je puis, me rendre au giste a Gex.

  A015002375 

 Je ne puis monter a Sainte Catherine; j'escriray un mot a propos, et vous verres Madame l'Ancienne a Rumilly, ainsy qu'on m'a dit..

  A015002375 

 Je suis marri que la copie que je vous envoyay des Constitutions de la Visitation est si incorrecte; mais je pense que vous entendres bien le sens.

  A015002376 

 Demeures en paix aupres de Nostre Seigneur, que je supplie vous benir et rendre toute sienne.

  A015002377 

 Ce porteur estant tout mien et l'un des plus vertueux et devotz prestres, je luy ay dit quil vous donnast en main ce billet..

  A015002379 

 Je m'en vay tantost luy dire a Dieu, et je vous le dis aussi, suppliant sa divine Bonté que de plus en plus elle vous face abonder en ses graces.

  A015002379 

 Madame de Chantal vous salue tres cordialement, estant un peu enbesoignee pour faire accommoder la [244] nouvelle mayson.

  A015002395 

 J'affectionne extremement de donner satisfaction a la bonne fille pour laquelle vous m'escrives; son oncle, et [245] sur tout vostre tesmoignage m'y oblige.

  A015002396 

 Je travaille apres le livret que vous souhaites, et seres des premiers a qui j'en dedieray une copie, si jamais Dieu me le fait voir au jour..

  A015002397 

 Je suis, plus que vous ne sçauries croire,.

  A015002412 

 Je pense en vous quand moins vous le pensés, et vous voy avec un cœur de compassion, sçachant bien combien vous aves de rencontres en ce tracas parmi lequel vous vivés, qui vous peuvent divertir de la sainte attention que vous desires avoir a Dieu.

  A015002412 

 Pour cela, je ne veux point cesser de recommander a sa divine Bonté vostre necessité; mays je ne veux pas aussi laisser de vous conjurer de la rendre utile a vostre avancement spirituel..

  A015002412 

 Sçachés que j'ay un particulier contentement, quand je reçois de vos lettres, de voir que, parmi beaucoup [246] d'empeschemens et de contradictions, vous conserves la volonté de servir Nostre Seigneur; car c'est la verité que si vous estes bien fidele entre ces traverses, vous en aures d'autant plus de consolations que les difficultés que vous aves auront esté grandes.

  A015002413 

 Vous deves, a cette consideration, prendre patiemment et doucement les ennuis qui vous arrivent, pour l'amour de Celuy qui ne permet cet exercice vous arriver que pour vostre bien..

  A015002413 

 Voyés souvent Nostre Seigneur qui vous regarde, pauvre petite creature que vous estes, et vous voit emmi vos travaux et vos distractions; il vous envoye du secours et benit vos afflictions.

  A015002414 

 Eslevés donq souvent vostre cœur a Dieu, requerés son ayde, et faites vostre principal fondement de consolation au bonheur que vous aves d'estre sienne.

  A015002414 

 Tous les objetz de desplaysir vous seront peu de chose, quand vous sçaurés d'avoir un tel Amy, un si grand support et un si excellent refuge..

  A015002446 

 Nostre grand saint Pierre, resveillé de son sommeil par l'Ange, vous donne le bon jour, ma tres chere Mere.

  A015002449 

 Mais sçaves vous une jolie pensee? Nostre Seigneur va dire a son cher saint Pierre: Quand tu estois jeune, tu mettois ta ceinture et allois ou tu voulois; mais quand tu seras viel, tu estendras ta main, et un autre te ceindra et te menera ou tu ne veux pas.

  A015002451 

 C'est luy qui m'a rendu tout vostre, et vous toute mienne, affin que nous fussions plus purement, parfaitement et uniquement siens.

  A015002460 

 Ayant esté remis en la possession de toutes les eglises de Gex qui estoyent occupees par les ministres, hormis de celles que ceux de Geneve detiennent, pour le regard desquelles j'ay esté renvoyé au Conseil du Roy de France, je suis revenu a mon ordinaire residence, en laquelle je vous salue tres humblement et vous supplie me conserver lhonneur de vostre bienveuillance..

  A015002462 

 Rien autre ne s'est passé qui soit digne de vous estre representé; c'est pourquoy, priant Nostre Seigneur quil [254] vous face de plus en plus abonder en sa grace, je me nommeray en toute verité,.

  A015002479 

 Dieu eternel veuill'a jamais establir la royauté du Roy vostre filz, puysque vous aves si grand soin du restablissement de celle de son Filz, Roy des roys; Dieu remplisse vostre royale personne de ses benedictions, puisque, par l'authorité quil vous a donnee, vous faites benir son saint nom en tant d'endroitz esquelz il estoit prophané..

  A015002493 

 Et cependant, en cette occasion, employés la grandeur de vostre courage pour moderer la grandeur du desplaysir que la grandeur de vostre perte vous aura donné.

  A015002493 

 Mays, Monsieur, n'auray je pas une immortelle obligation a la faveur qu'elle me faysoit, puisqu'en cette extremité de sa vie mortelle, elle a si souvent tesmoigné qu'elle avoit memoire de moy, comme de celuy qu'elle sçavoit luy estre tout dedié en Nostre Seigneur? Jamais cette souvenance ne sortira de mon ame, et ne pouvant luy offrir le service tres fidele que j'avois juré a sa vertu et devotion, je vous conjure, Monsieur, de l'accepter et recevoir avec celuy que l'honneur de vostre bienveuillance avoit des-ja acquis sur mes affections.

  A015002505 

 O mon Dieu! ma tres chere Mere, j'ay eü une speciale consolation de voir comme elle donna une belle robe d'une blancheur nompareille a son serviteur saint Hildephonse, Evesque de Tolede; car, pourquoy n'en donnera-elle pas une a nostre cher cœur? Voyes-vous, je retourne tous-jours a mes brebis..

  A015002517 

 Il faut que l'asseurance que j'ay de vostre bienveuillance soit infiniment asseuree, puisque a tous propos et avec tant de liberté, je prens la confiance de vous supplier pour les affaires ecclesiastiques que maintenant il me faut avoir de dela; car, certes, de mon humeur, j'ayme la modestie..

  A015002518 

 Aussi puis-je [259] jurer que mon affection pour vous est si absolue, generale et invariable, que vous n'en aures jamais de plus entiere de personne du monde..

  A015002518 

 C'est un' affaire, comme je pense, ordinaire et que je ne vous devrois pas donner la peyne de faire; mays vostre amitié en mon endroit est si universelle, que volontier elle me favorise en toutes occurrences, grandes et petites.

  A015002519 

 Aussi n'ay-je rien de nouveau des la derniere lettre que je vous escrivis, sinon que nous avons veu en cette ville plusieurs colomnes enflammees sur Geneve, et la veille de l'Assomption, entre midi et un'heure, en un jour fort clair, un'estoile asses proche du soleil, aussi brillante et resplendissante qu'est la bell'estoile en une nuit bien seraine..

  A015002519 

 Je vous escris sans loysir, a cause du soudain despart de ceux qui portent ce pacquet a Lion.

  A015002538 

 Je vous advertis que madamoyselle d'Escrilles est de la mesme parentee que M. de Corselles, affin que vous ne luy disies pas ce que nous dismes de la bisayeule.

  A015002538 

 Mais Dieu la benie, la bonne madamoyselle d'Escrilles, et je prie sa Majesté qu'elle vous benisse aussi infiniment..

  A015002549 

 Je fus certes en peyne de vostre chemin d'icy a La Roche, voyant que [le] tems s'aigrissoit un peu; et Dieu soit loué dequoy vous l'aves passé asses heureusement.

  A015002550 

 J'ay veu despuis vostre depart M me de Chantal, qui vous honnore d'un honneur fort particulier et desire que tous-jours je vous supplie de la tenir en vostre bonne grace; ce que je fay de tout mon cœur..

  A015002551 

 Au demeurant, soudain apres vostre despart, mes freres entrerent en un'ambition d'obtenir une place de Religieuse en vostre Monastere pour un'unique niece, fille de nostr'aysné, que nous avons; et m'a fallu leur promettre que je vous en supplierois, de cette grace.

  A015002552 

 J'eusse bien voulu que je vous eusse fait la supplication [263] a bouche et en presence, car je vous eusse encor mieux tesmoigné combien je desire qu'elle ne soit respondüe sinon avec toute consideration de la commodité ou incommodité qu'il y peut avoir, vous asseurant que je n'ay null'affection a cela sinon entant que vous le jugeres a propos et le treuveres bon, et que vous pouves user de ma volonté en ceci et en tout'autre occurrence a vostre gré, librement et franchement, comme doit et peut faire une mere envers.

  A015002568 

 Je vous remercie tres humblement, quoy que plus tard que je ne devois, de la faveur de vostre lettre, que monsieur de Gie, mon cousin, m'apporta entre cette [264] infinie multitude d'occupations que nos grans Pardons me donnerent..

  A015002569 

 Dieu veuille que ses mains vous soyent aussi liberales que ses yeux! Il seroit bien raysonnable que, comme les Princes s'estiment les soleilz de ce bas monde, ilz rendissent les rayons de leurs regars effectifz, ainsy que ceux du soleil le sont sur la terre..

  A015002569 

 Je ne doutois point que Son Altesse ne vous regardast comme les grans Princes ont accoustumé de voir leurs grans fideles serviteurs.

  A015002570 

 Nous avons eu la bonne Madame de Baume, que mon cousin saluâ, et luy fit une petite harengue sur le sujet de sa maistresse, qu'elle aggrea extremement; et me dit que si elle luy pouvoit rendre quelque sorte de bon office en ses amours, elle le feroit de tout son cœur, m'asseurant que cette damoyselle dont il est question estoit une perle en bon naturel, en bonn'humeur et en vertu: qui me fait d'autant plus louer le choix que vous en aves fait pour la consolation de vostre viellesse future, et voudrois bien pouvoir contribuer quelque service a ce dessein, comm'aussi a tous les autres qui regarderont vostre contentement..

  A015002571 

 Certes, je la treuve si bonne fille, que je ne puis m'empescher d'esperer que, de quel costé que se tourne, elle ne vous donne de la satisfaction..

  A015002571 

 Mays par ce qu'elle me dit qu'elle vous en avoit escrit fort amplement, je ne vous diray point le reste de nos discours, desquelz la conclusion fut qu'elle me prioit de vous faire aggreer de la supporter en son imperfection.

  A015002572 

 Pour moy, priant Nostre Seigneur qu'il vous conserve a longues annees pour les vostres et pour moy, qui suis le plus humble, je demeure,.

  A015002592 

 Et advertisses moy, je vous prie, au plus tost, car sil faut aller, nous irons; que sil est jugé plus a propos, nous retarderons jusques au primtems..

  A015002592 

 Je vous supplie de l'apprendre de luy, car sil treuve quil soit a propos, nous arriverions pour la feste du Saint et serons de retour pour les Advens.

  A015002593 

 Voyla le sujet que j'ay de vous escrire sans loysir, vous asseurant que si monsieur Carrel n'est parti, il [267] recevra la commission desiree, car monsieur de la Roche m'en fit donner advis des avanthier au soir..

  A015002610 

 Vous sçaures par cette si digne porteuse parmi quelle multitude de tracas je vous escris; qui me servira d'excuse si je ne vous parle pas si amplement comme je desirois..

  A015002611 

 Vous deves mesurer la longueur de vos prieres a la quantité de vos affaires; et puis qu'il a pleu a Nostre Seigneur de vous mettre en une sorte de vie en laquelle vous aves perpetuellement des distractions, il faut que [268] vous vous accoustumies a faire vos oraysons courtes, mays qu'aussi vous les vous rendies si ordinaires, que jamais vous ne les layssies sans grande necessité..

  A015002612 

 Je voudrois que le matin, au lever, vous pliassiés les genoux devant Dieu pour l'adorer, faire le signe de la Croix et luy demander sa benediction pour toute la journee; ce qui se peut faire au tems que l'on diroit un ou deux Pater noster.

  A015002612 

 Le soir, avant qu'aller coucher, vous pourrés, faysant autres choses, en quel lieu que ce soit, faire la reveuë de ce que vous aurés fait parmi la journee, de gros en gros, et, allant au lict, vous jetter briefvement a genoux, demander pardon a Dieu des fautes que vous aures commises, et le prier de veiller sur vous et vous donner sa benediction: ce que vous pourrés faire courtement, comme pour un Ave Maria.

  A015002612 

 Le soir, avant souper ou environ, vous pourries aysement faire un peu de prieres ferventes, vous jettant devant Nostre Seigneur autant comme on diroit un Pater; car il n'y a point d'occasion qui vous tienne si sujette, que vous ne puissiés desrober ce petit bout de loysir.

  A015002612 

 Mais sur tout je desire qu'a tous propos, parmi la journee, vous retiriés vostre cœur en Dieu, luy disant quelques courtes paroles de fidelité et d'amour..

  A015002612 

 Si vous aves la Messe, il suffira qu'avec attention et reverence vous l'escouties, ainsy qu'il est marqué dans l' Introduction, en disant vostre Chappelet.

  A015002613 

 Ou il y a du remede, il faut tascher de l'apporter doucement et paysiblement; celles ou il n'y en a point, il faut que vous les supportiés comme une mortification que Nostre Seigneur vous envoye pour vous exercer et rendre toute sienne..

  A015002613 

 Quant aux afflictions de vostre cœur, ma chere Fille, vous discerneres aysement celles auxquelles il y a du remede et celles esquelles il n'y en a point.

  A015002614 

 Prenés garde a ne vous relascher gueres aux plaintes, ains contraignés vostre cœur de souffrir tranquillement.

  A015002614 

 Que s'il vous arrive quelque sorte de saillie d'impatience, soudain que vous vous en appercevres, remettés vostre cœur en la paix et douceur.

  A015002614 

 Si je puis, je diray quelque chose sur ce sujet a cette chere seur tant aymable, affin qu'elle vous le redie; et je m'en vay pour l'accommodement d'une querelle chaude, qu'il faut empescher..

  A015002625 

 Cette bonne femme desire un peu de consolation; vous la pourres faire monter a vous, ma tres chere Mere, que je verray aujourdhuy, si je puis..

  A015002636 

 Je pense que vous ne douterés jamais de mon affection a l'accomplissement de vos volontés et desirs, car l'excellente amitié delaquelle vous m'honnorés est arrivee jusques a ce point de perfection, qu'ell'est exempte de toute desfiance et de tout doute.

  A015002636 

 Mays en l'occasion d'aller en nostre chaire de Saint Benoist, ce n'est pas vous, Monsieur, seulement qui n'en deves pas douter, c'est tous ceux qui s'entendent tant soit peu en mes inclinations..

  A015002637 

 Et si, je me promettois, par un certain exces d'amour a ce dessein, que preschant maintenant un peu plus meurement, solidement et, pour le dire tout en un mot entre nous, un peu plus apostoliquement que je ne faysois il y a dix ans, vous eussies aymé mes prædications, non seulement pour ma consideration, mais pour elles mesmes..

  A015002638 

 Mays voyci que de toutes pars on m'asseure qu'elle vient dans peu de jours avec Monseigneur le Prince a Chamberi, et nostre monsieur le premier President Favre estime que sadite Altesse me retient de deça pour m'y treuver a sa venue: de sorte que me voyla en perplexité, car si le Pape mesme me commandoit d'aller, et Son Altesse, estant de deça, me retenoit avec promesses que le Pape n'auroit pas des-agreable, je serois bien en peyne, comme vous pouves penser.

  A015002638 

 Or, voyci a quoy je me treuve a present: Son Altesse a esconduyt la Reyne, ainsy que monsieur de Roascieu vous aura dit, et un ami que j'ay en court m'advertit que rien ne proffitera en ce sujet, auquel Son Altesse est resoluë de ne se laisser point plier.

  A015002640 

 Il faut confesser la verité, j'ay un'extreme passion en cet'occurrence, et ne sçais bonnement me resoudre sinon a ce point, que tout ce que vous me dires je le feray de tres bon cœur, quoy qu'il en doive arriver; et de plus, que si jamais je vay a Paris faire le Caresme, ce ne sera que pour vostre seule consideration, soit que vous ayes la charge de l'eglise ou que vous ne l'ayes pas..

  A015002641 

 Je vous asseure, Monsieur, que je vous escris sans sçavoir presque que je fay, tant il me fasche de ne pouvoir pas, avec entiere liberté, vous dire: Je vay.

  A015002641 

 Vous m'excuseres donques, sil vous plait, en mon stile, et croyres qu'avec un cœur invariable et immortel, je suis et seray Monsieur,.

  A015002659 

 C'est pourquoy, vous suppliant de tout mon cœur de les recevoir tous entre les bras de vostre charité, je vous supplie plus particulierement pour celuy lâ..

  A015002659 

 Outre le desir que j'ay de me ramentevoir en vostre bienveuillance par un'occasion si asseuree comm'est celleci, je suis aussi obligé de gratifier les parens de ces jeunes gens par la tres affectionnee recommandation que je vous fay en la faveur d'iceux.

  A015002660 

 Les parens aussi de M. Jean de Rua m'ont prié de le vous recommander; ce que je fay bien affectionnement, quoy que je ne doute pas que sil se comporte aussi modestement au college comm'il a fait tandis quil a esté icy, il ne vous soit asses recommandable de luy mesme, sans que j'y employe mon intercession..

  A015002661 

 Ce sont les seules nouvelles dont je vous puis servir et, comme je pense, les plus agreables et qui vous donneront tant plus de courage de favoriser ce diocaese, eslevant aux lettres et a la pieté ceux qui vous sont envoyés, et priant Nostre Seigneur pour moy qui, reciproquement, vous souhaite toute sainte prosperité et demeure,.

  A015002681 

 C'est par ce quil me dit hier quil vous iroit voir, que je vous donne cet advis, et par ce que je suis bien ayse de saluer un peu ce matin le cœur de ma tres chere Mere, qui est le mien propre, bien que j'espere de le saluer ce soir, Dieu aydant..

  A015002681 

 Hier M. de Vilette me parla, et luy dis la difficulté de [275] la maladie dont je vous avois parlé.

  A015002681 

 Il ne treuva point mauvais cela; de sorte que sil vous plait, en luy tesmoignant de la charité, luy dire que les Seurs seroyent trop troublees si telz accidens arrivoyent, et quil seroit requis qu'on luy fit les remedes necessaires tandis qu'ell'est chez luy, je ne doute point quil ne le treuve bien doux, ouy mesme toute sorte de dilation a luy bailler l'habit apres qu'elle sera receüe, et que cela demeure en nostre discretion.

  A015002681 

 Nostre Seigneur vous donne l'abondance de ses graces.

  A015002692 

 Sachant bien que vostre si soudain despart ne peut estre que pour quelqu'affaire de grand'importance, [276] je prieray tant plus soigneusement Nostre Seigneur quil vous assiste de son saint esprit de conseil et de force, pour persuader les choses justes et convenables a ceux qui, peut estre, n'y sont pas beaucoup disposés..

  A015002693 

 Monsieur le maistre Carrel, revenant de Chablaix, m'a dit que la contagion s'estoit respandue en cinq ou six endroitz du païs de Vaux; cela pourroit rendre vostre passage difficile, mais vostre prudence remediera a cet empeschement, prenant les destours propres a vostre conservation que, sur toute chose, je vous supplie avoir en recommandation..

  A015002694 

 Quant a ma petite cousine, elle vous donnera en tous evenemens sujet de contentement; car, bien qu'elle n'ayt point son esprit incliné a la vie retiree et religieuse, si a elle une ferme resolution de se rendre de plus en plus vertueuse et devote, et avec cela, vous ne sçauries recevoir d'elle que beaucoup de satisfaction.

  A015002710 

 Il me tardoit, certes, d'avoir quelqu'asseuree commodité de vous escrire, ma tres chere Fille, ne doutant point que mes lettres ne vous soyent a consolation, selon la sainte dilection que Dieu a creëe entre nous..

  A015002711 

 Je m'asseure qu'elle vous respondra selon vostre desir, et la pensee qui vous est venue au contraire est une vayne pensee; car vrayement ces bonnes filles ont des cœurs tout plains de tres [278] saint et ferme amour pour vous, de qui elles receurent une grande consolation en la sorte avec laquelle vous listes vostre demande..

  A015002712 

 Au reste, demeurés en cette paix et tranquillité que Nostre Seigneur vous a donnee.

  A015002712 

 Marchés fermement en ce chemin auquel la providence de Dieu vous a mise, sans regarder ni a droite ni a gauche: c'est le chemin de la perfection pour vous.

  A015002712 

 Voyes vous pas, ma chere Fille, quil dit que l a paix de Dieu surpasse tout sentiment? C'est pour vous apprendre que vous ne deves nullement vous troubler de n'avoir point d'autre sentiment que celuy de la paix de Dieu.

  A015002713 

 J'appreuve que vous retourniés avant le Caresme, affin que vous puissies au plus tost vous desprendre de tout embarassement, et rencontrer le beni jour auquel [279] vous luy tesmoigneres que ce n'est que luy que vous cherches..

  A015002713 

 Nous verrons de conduire tout bellement l'esprit des freres, et attendray que vous me facies sçavoir ce que vous aures fait avec la bonne mere.

  A015002713 

 Que si Dieu vouloit que vous eussies un peu de difficulté au demeslement de vos affaires, il faudroit recevoir cela de sa main, laquelle vous ayant saysye, ne vous abandonnera point qu'elle ne vous ayt reduite au point de vostre perfection.

  A015002713 

 Vous verres bien, ma tres chere Fille, que la providence de Dieu fera par tout faire place a vostre intention, puis qu'ell'est toute conforme a la sienne; il faut seulement avoir un courage un peu vigoureux et resolu.

  A015002714 

 Et quant a moy, ma chere Fille, je ne pourray jamais vous oublier ni en mes Sacrifices ni en mes prieres, ni en aucun'occasion de l'avancement de vostre ame, puis que son Createur a gravé si profondement en la mienne une parfaite affection pour vous.

  A015002714 

 J'ay escrit au P. Recteur de Chamberi sur le sujet du logement de vostre cher enfant, et ne doute point que vous ne treuvies tout'assistence.

  A015002719 

 Vous m'escrires bien encor apres vostre retour de Chamberi: et si vous passies a la Bastie, je vous prie de saluer madamoyselle de Saint Pierre, a laquelle j'ay escrit et que j'ayme cordialement..

  A015002728 

 Je vous fis response l'autre jour, ma chere Fille, sitost que j'eu leu vostre lettre; mais le garçon qui l'avoit apportee ne revint pas prendre la mienne, laquelle je vous envoye encores toute telle que je la fis..

  A015002730 

 Dieu vous benisse de sa grande benediction, ma tres chere Fille, et tout ce qui vous est plus cher..

  A015002730 

 J'envoyay a M. des Crilles ce qu'elle desiroit de moy, et croy que vous aures fait tenir a nostre seur de Bons la lettreque je vous addressay.

  A015002731 

 M me de Chantal vous salue mille foys, des l'autre jour que je la vis.

  A015002731 

 Voyla le P. Gardien qui m'appelle, et je m'y en vay, vous laissant avec la paix et grace du Saint Esprit..

  A015002748 

 Dieu vous le fera sçavoir, au plus tard, apres cette vie mortelle; car ce sera devant luy et ses Sains que je feray les principaux exercices de la sainte amitié qu'il m'a donné pour vous, jettant souvent mes tres humbles souhaitz devant son eternelle Bonté, affin qu'elle remplisse vostre cœur de son amour plus parfait.

  A015002748 

 Je n'ay pas de quoy respondre aux paroles d'honneur extraordinaire que vous employés en ma faveur es deux lettres que, de vostre grace, j'ay receues de vostre part des que vous nous laissastes icy le desir de vostre presence.

  A015002748 

 Mays j'ay bien pourtant une si forte et sincere affection pour vostr'ame, que si vous me le permetties, je revoquerois en doute, par maniere de desfy, que vous eussies asses de bienveuillance pour y correspondre.

  A015002749 

 La distance de nos sejours limite presqu'a ce seul effect la volonté que j'ay sans limite de vous rendre fidele et humble service, et ne me reste, ce semble, aucun autre moyen de la tesmoigner, si ce n'est par le commerce des lettres que je vous envoyeray souvent, pour vous rafraichir la memoire de mon ame qui a tous-jours tant de besoin d'estre secourue de vos oraysons, et qui recevra tous-jours beaucoup de consolation de sçavoir de tems en tems des bonnes nouvelles de la vostre.

  A015002750 

 Ainsy soit-il et ainsy soyes-vous benite a jamais..

  A015002750 

 Alles donq maintenant, ma tres chere Seur, en vostre mayson et au pres de ce cher mari qui vous attend; je vous suivray en esprit, et respandray sur vous et sur luy les vœux de beaucoup de benedictions.

  A015002750 

 Et puis qu'il faut que bien tost apres vostre arrivee vous souffries de rechef son absence pour le voyage quil doit faire a la court, continués bien en vos exercices spirituelz, tenes vous bien serree a Nostre Seigneur, et il suppleera, sans doute, le manquement de la desirable presence du mari, par celle qui est incomparable de son Saint Esprit, lequel, habitant au milieu de vostr'ame, la comblera de sa suavité nompareille.

  A015002751 

 Je suis, Madame ma tres chere Seur, et, si vous le treuves bon, ma tres chere Fille, je suis de tout mon cœur,.

  A015002755 

 J'escris un billet a M. de Medio, chanoyne de Saint Nizier, qui est celuy qui me fera recevoir de vos lettres quand il vous playra de m'en gratifier, et en son absence, monsieur Vulliat, contrerolleur de la mayson de Monseigneur le Duc de Nemours.

  A015002756 

 J'envoyeray les lettres desquelles vous gratifiés ma seur de Mayrens et madame de Charmoysi, laquelle est aux chams, aussi bien que mon frere de Boysi, qui sera bien marri de ne s'estre pas treuvé icy pour vous remercier luy mesme.

  A015002756 

 La seule M me de Chantal vous escrit, encor bien courtement..

  A015002757 

 Dieu vous soit guide et conducteur, ma tres chere Seur, et a vostre cher pouppon, que pour maintenant je nommeray encor Pierre, qui est si joly, a ce qu'on me dit..

  A015002757 

 Si vous le treuves a propos, je salueray bien humblement par vostre entremise madame de Tremon, que [285] vous m'aves obligé d'honnorer beaucoup par le recit que vous m'aves fait de ses merites.

  A015002767 

 Mais, ma tres chere Mere, vous m'espargnes un peu trop le nom de filz, qui est le [286] nom du cœur, pour me donner un nom respectueux, qui est bien aussi nom du cœur, mais non pas du maternel, qui est celuy de mes delices..

  A015002767 

 Vostre lettre pleyne de termes d'honneur, d'amour et de confiance, me raviroit du tout a vous, si des long tems je n'y estois tout dedié.

  A015002768 

 Mais puis quil ne se peut d'autre façon, je vous approcheray souvent en esprit pour, avec vous conjointement, demander a Nostre Seigneur quil luy playse consoler vostre ame de sa benediction, la faisant abonder en son saint amour et en la sacree humilité et douceur de cœur, qui ne sont jamais sans ce saint amour, non plus que le saint amour sans elles..

  A015002768 

 Que si nous eussions eu le contentement et l'honneur de vous avoir vous mesme, certes, c'eust esté un comble de bonheur, Madame ma tres chere Mere, et vous eussies receu l'hommage que sept ou huit de mes freres et seurs ne vous ont encor point fait, en qualité de vos humbles enfans et serviteurs.

  A015002769 

 Et pour vous parler selon nostre confiance, ma tres chere Mere, ne vous faschés point, ni ne vous estonnés point de voir encor vivre en vostre ame toutes les imperfections que vous m'aves confiees.

  A015002769 

 Non, je vous supplie, ma chere Mere, car bien quil les faille rejetter et detester pour s'en amender, si ne faut-il pas s'en affliger d'une affliction fascheuse, mais d'une affliction courageuse et tranquille, qui engendre un propos bien rassis et solide [287] de correction; et ce propos, ainsy pris en repos et avec meureté de consideration, nous fera prendre les vrays moyens pour l'executer, entre lesquelz je confesse que la moderation des affections mesnageres est grandement utile.

  A015002774 

 J'ay eu peur de faire trop retarder ce porteur; c'est pourquoy je vous ay escrit sans autres considerations que celles que la sincerité de mon affection filiale m'a fourni..

  A015002787 

 C'est pourquoy il m'a conjuré de vous supplier, Monsieur, en sa faveur pour ce regard; ce que je fay tres humblement, et d'autant plus volontier que la bonne feste nous invite au secours des affligés..

  A015002798 

 Il n'y a point de danger en ce qui vous est arrivé, puisque vous le communiques; mays notés, ma tres chere Fille, que Dieu a commencé ses visitations en [290] vostre ame sur le sentiment et l'exercice de la petitesse, bassesse et humilité, pour appreuver l'advis qui vous est donné de bien vous reduire a ce point et d'estre vrayement une petite fille: je dis toute petite, en vos yeux, en vos exercices, en obeissance, naïfveté et abjection de vous mesme; petite, et un vray enfant, qui ne cache ni son bien ni son mal a son pere, a sa mere, a sa nourrice..

  A015002807 

 Cette bonne dame est ma chere tante et digne de caresses; sil vous plaist, elle pourra bien entrer et ses filles.

  A015002807 

 Mais ne vous lasses pas..

  A015002808 

 Les deux Religieuses de Bon et de Bonlieu ont [292] envie d'arrester ce soir avec vous; vous leur pourres faire cette charité..

  A015002819 

 Je laisse a monsieur Milletot le contentement de vous representer l'heureux succes de la commission que le Roy luy avoit donné pour l'execution de l'edit de Nantes a Gex, et me reserve seulement de vous faire [293] un tres humble remerciment pour le soin continuel que vostre zele a du restablissement de la gloire de Dieu en ce miserable balliage, ou l'heresie, qui a si longuement foulé aux piedz la pieté, nous menace ericor maintenant, aussi effrontement que jamais, de rendre vaine l'esperance que nous avons en vostre protection; comme si le credit des pretendues eglises de France estoit plus puissant pour nous empescher le renversement de l'effectuelle jouissance de nostre juste pretention, que la justice de la Reyne et vostre intercession pour faire maintenir un arrest si equitable et si saint, comm'est celuy en vertu duquel l'edit a esté executé..

  A015002821 

 Mais, Monsieur, vostre sagesse vous suggerera ce qui sera plus a propos sur ce point, et moy, ce pendant, je continueray mes souhaitz devant Nostre Seigneur pour vostre prosperité, affin qu'il luy plaise vous en combler a jamais.

  A015002833 

 Juges je vous supplie, Monsieur, si cela est en la puissance ni des curés ni de moy; car, ou ces benefices estans enclavés au royaume sont par la en cette condition, et lhors, qu'est il besoin d'obtenir le [296] brevet mentionné? ou ilz ne le sont pas, et lhors, quelle temerité a des pauvres ecclesiastiques decousuz, de demander au Pape une chose de telle consequence? car vous sçaves, Monsieur, que les grans estiment leurs droitz cherement, et que ce n'est pas a des chetifs curés d'impetrer telles choses.

  A015002835 

 Or, je vous represente l'un et l'autre, affin quil vous playse, Monsieur, si vous le juges raysonnable et que je ne me soys pas trompé en mon discours, d'oster l'un et l'autre, en sorte que les lettres puissent estr'utiles a ceux pour lesquelz vostre faveur les a obtenues; car il ne manquera pas d'entrepreneurs qui, par le manquement de l'execution de telles charges, attaqueront ces pauvres curés pour avoir leurs benefices, viande si friande en ce tems, que les plus incapables en veulent plus avoir..

  A015002836 

 Et a ce propos, je vous remercie humblement de la bonne pensee que vous avies faite pour moy avec monsieur des Hayes, si je fusse allé a Paris.

  A015002837 

 Et tandis, remettant cela au bon playsir de Nostre Seigneur, je le supplie quil vous comble de ses benedictions et madame vostre bonne mere, delaquelle j'honnore de tout mon cœur la pieté, et me sens honnoré de sa bienveuillance que le P. François m'a attestee.

  A015002837 

 Je ne laisse pas pourtant, Monsieur, de vous estre extremement obligé, et ne me puis empesché (sic) de desirer que je puisse un jour vous l'aller tesmoigner a Paris.

  A015002842 

 Monsieur, je vous supplie humblement d'avoir soin, puisquil vous plait le me promettre, de ma requeste contre ceux de Geneve.

  A015002843 

 O combien cette divine Majesté a peu de francs [298] serviteurs! Vous estes bienheureux, Monsieur, d'estre de ce petit nombre..

  A015002860 

 Je ne puis pas perdre cett'occasion de vous ramentevoir mon affection qui vous honnore au dessus de toutes les pensees que vous en sçauries jamais avoir.

  A015002862 

 Voyla nos nouvelles, et n'est pas besoin que je vous die que je ne desire pas que l'on sache que je les escrive, car aussi ne les escrirois-je pas a un autre qu'a vous, a qui je suis tout extraordinairement,.

  A015002867 

 Monsieur, je ne parle plus du deplaysir que j'ay eu de n'aller pas vers vous, mays je ne le puis oublier..

  A015002882 

 Et parce que l'amour ne loge qu'en la paix, soyes tous-jours soigneuse de bien conserver la sainte tranquillité de cœur que je vous recommande si souvent.

  A015002883 

 Je vous renvoye les papiers de devotion, que je treuve bien utiles; mays si on les imprimoit, je ne voudrois pas que vostre nom y fust descouvert, pour ne point donner lieu aux babillardz d'en parler, et sur tout l'œuvre estant si courte..

  A015002884 

 Vous pouves bien, ce me semble, choisir ce bon Pere la pour vostre confesseur, puisqu'aussi bien le Pere Recteur est souvent empesché..

  A015002891 

 Il vous faut tous-jours dire des nouvelles de cette petite assemblee, laquelle, comme je croy, vous est chere..

  A015002902 

 Il sera bon de faire comme vous dites, et [304] envoyer le quart ou le tier de la pension, selon qu'elle se donne aux autres lieux..

  A015002903 

 Nostre bonne M me de Chantal se porte beaucoup mieux, avec un (sic) tres chere souvenance de vous et de vostre dilection.

  A015002904 

 Quand vous seres a Saint Joyre je treuveray bien commodité de vous escrire, et, ou que vous soyes, je vous auray tous-jours fort present'en ce peu de prieres que je presente a Nostre Seigneur, que je supplie tenir vostre cœur de sa main et vous combler de son saint amour.

  A015002917 

 A peu que je ne fus scandalisé, ou au moins fasché; car, quell'apparence, au sortir de tant de foiblesses, s'aller travailler et rompre parmi cette fabrique? Neanmoins, j'attens de sçavoir comme cett'exercice vous sera reusci, car selon cela, ou je me courrouceray en qualité de pere, ou je dissimuleray la faute en qualité de filz.

  A015002917 

 Dites moy donq, mais dites en conscience, ma tres chere, comme vous vous portes du tracas que vous fistes hier parmi cette nouvelle mayson.

  A015002917 

 Et ce pendant, vous sçaves bien que vous ne deves pas jeuner aujourdhuy, car nostre glorieuse Reyne et Maistresse a besoin de ce peu de forces qui vous restent pour d'autres services qu'elle veut des-ormais tirer de vous..

  A015002927 

 Prenés donq discrettement la place, pour vos prieres, qui vous sera plus propre, pourveu que ce soit sans banc; car je ne voudrois pas que vostre banc fust aupres de l'autel, a cause [de] la messeance.

  A015002927 

 Vous sçaves bien qu'en cette ville et en nostre Office le plus solemnel, les femmes se mettent bien dans le chœur et aux treilles..

  A015002928 

 Ell'a un cœur admirable envers Dieu et vous [307] cherit parfaitement.

  A015002930 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Fille, et je suis en luy,.

  A015002941 

 Faites moy le bien de m'advertir, je vous supplie, quand M me d'Alufen sera arrivee a Chamberi, [308] et encor si l'envie que le bon Pere Thimothee a d'introduire a Chamberi l'Institut des Urselines pourra reuscir.

  A015002941 

 Je vous salue mille fois de tout mon cœur, et prie Dieu que le vostre soit a jamais rempli de paix, douceur et devotion.

  A015002943 

 Dieu vous benisse de sa grande benediction, ma tres chere Seur, ma Fille, et je suis a jamais.

  A015002961 

 Ayes aggreable sur cela, je vous prie, Monsieur, que je vous en donne souvenance, et vous die que Dieu vous recompensera de tout ce que vous feres pour cette sienne pauvre creature, bien que ce soit par rayson d'equité et de vray devoir.

  A015002961 

 Je m'asseure que vostre charité et bon naturel vous solliciteront assés, sans que personne s'y employe davantage..

  A015002961 

 La pauvre fille pour laquelle je vous parlay et vous me promistes quelque secours, se plaint a moy dequoy elle ne reçoit aucun fruit de mon intercession, ni de la bonne volonté qu'alors il vous pleut me tesmoigner.

  A015002962 

 C'est pourquoy je me contenteray de vous l'aves (sic) rememoré, en vous conjurant de m'aymer tous-jours, puis que vous souhaitant toute sorte de bonheur, et mesme en vostre digne mariage dont on m'a donné la nouvelle ces jours passés, je demeureray,.

  A015002977 

 Je vous asseure, ma tres chere Mere, ma Fille, que je voudrois bien porter en mon cors et en mon cœur toutes les peynes que vous aures parmi vos remedes; mais ne pouvant ainsy vous en descharger, embrassés saintement ces petites mortifications, recevés ces abjections en esprit de resignation, et, s'il se peut, d'indifference.

  A015002977 

 Vous ne recevés pas vos remedes par vostre eslection ni par sensualité; c'est donq par obeissance et par rayson: y a-il rien de si aggreable au Sauveur?.

  A015002979 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Mere; qu'a jamais nostre cœur soit en luy et a luy.

  A015002988 

 J'ay bien veu au sermon nostre bienaymee fille Françoise, mais je n'ay pas osé luy demander comme ma tres chere Mere se portoit; car il y avoit trop de gens qui m'eussent oüy, et eussent esté en peyne de curiosité pour sçavoir quell'estoit cette tres chere Mere, autre que Dieu et ses Anges et ses Saintz, et nostre cœur, ne sachant combien l'affection qui me rend pere, filz et une mesm'ame avec vous, est suffisante et plus que suffisante pour faire cela..

  A015002989 

 Je donne donq la charge a ce petit billet de vous demander de vostre santé, et a nostre chere petite fille de vous redire quelque chose du sermon, lequel j'ay fait hardiment et passionnement.

  A015002989 

 Mays pour ce qui nous regarde, vous sçaves que Dieu m'a osté a moy mesme, non pas pour me donner a vous, mais pour me rendre vous mesme.

  A015003000 

 [313] Monsieur [de Sauzea] m'escrit que vostre Mayson s'avance fort a la pieté, dont je me res-jouis selon la mesure avec laquelle je vous souhaitte toute sainteté..

  A015003001 

 Et vous sçavés, ma tres chere Fille, que je vous ay tous-jours dit que vous m'escrivissies plus amplement par l'entremise de madame la Presidente, qui aura bien le soin de m'envoyer vos lettres, comme aussi de vous faire tenir les miennes..

  A015003001 

 Mais je ne sçai nulles nouvelles de vostre santé, c'est a dire de l'estat de vostre pauvre jambe, de laquelle vous ne me faites nulle mention, non plus que si vous n'esties pas ma chere Fille, et que cette jambe ne fust pas la meilleure des deux pour vous avancer en la perfection de l'amour divin.

  A015003036 

 Je ne sçai comme j'ay laissé aller M. Colom sans vous prevenir, affin que vous ne receussies point d'alarme.

  A015003036 

 Mays, ma tres chere Mere, je pensois que le desir de sçavoir vostre Celse Benine Feüillens, vous osteroit toute autr'apprehension, mesmement si vous voyies M. Colom arriver avec un visage joyeux, comme je l'en avois averti..

  A015003037 

 Il vous faut laisser entretenir pour le present avec vos lettres, avec vos nouvelles et avec la santé si bien revenue au filz..

  A015003047 

 Helas! donq, il n'est pas vray que vostre devotion soit malade quand vous l'estes.

  A015003047 

 Non certes, ma tres chere Fille, mais vous n'en sentes pas la consolation si souvent, et ne pouves pas faire les actions exterieures; en quoy ne consiste pas l'amour divin, mais en la resolution du cœur, qui veut a jamais et inseparablement demeurer uni de toutes partz a la volonté divine..

  A015003059 

 Corrigés-vous tous-jours de quelque chose; mais ne faites pas ce bon office par force, ains taschés d'y prendre playsir, comme font les amateurs des exercices champestres a esmonder les arbres de leurs vergers..

  A015003060 

 Aussi faites vous, je le sçai, ma Fille; mais faites le donq bien tous-jours, et me recommandés a sa misericorde, puisque de tout mon cœur je suis.

  A015003060 

 Nostre Seigneur sans doute suppleera a tout ce qui [319] vous defaudra d'ailleurs, affin que vous puissiés faire une plus parfaite retraitte aupres de luy, pourveu que ce soit luy que vous aymiés, que vous cherchiés, que vous suiviés.

  A015003071 

 Gardés vous des fortes applications de l'entendement, puis qu'elles vous nuisent, non seulement au reste, mais a l'orayson mesme, et travaillés autour de vostre cher objet avec les affections tout simplement, et le plus doucement que vous pourres.

  A015003071 

 Il ne se peut faire que l'entendement ne face quelquefois des eslancemens pour s'appliquer, et il ne faut pas s'amuser a s'en tenir dessus sa garde, car cela serviroit de distraction; mais il faut se contenter que, vous en appercevant, vous retournies simplement aux actions de la volonté..

  A015003075 

 Mon Dieu, ma Fille, que je suis ayse de parler un peu de ces choses avec vous! Que nous sommes heureux, quand nous voulons aymer Nostre Seigneur! Aymons le bien donq, ma Fille; ne nous mettons point a considerer trop par le menu ce que nous faysons pour son amour, pourveu que nous sachions que nous ne voulons jamais rien faire que pour son amour.

  A015003076 

 Bon soir, ma chere [322] Seur, ma Fille, vous aures de mes nouvelles le plus souvent que je pourray.

  A015003076 

 Croyés que la premiere parole que je vous escrivis fut bien veritable, que Dieu m'avoit donné a vous; les sentimens en sont tous les jours plus grans en mon ame.

  A015003078 

 Et loué soit le bon Pere saint Joseph! Dieu vous benisse de mille benedictions..

  A015003086 

 Cette bonne Religieuse desire vous communiquer un peu au large son cœur, mais elle dit qu'elle ne sçait comme faire; il faudra donq l'ayder, et luy pourres dire que je vous l'ay dit..

  A015003095 

 J'oubliay hier de vous reprendre dequoy vous ne recevies pas en simplicité la parole de Dieu, ains avies des aversions qui vous la rendoyent moins suave des uns que des autres.

  A015003103 

 Non, car il est bien juste et raysonnable que vous pleuries un peu; mais un peu, ma chere Fille, en tesmoignage de la sincere affection que vous luy porties, a l'imitation de nostre cher Maistre qui pleura bien un peu sur son amy le Lazare, et non pas toutefois beaucoup, comme font ceux qui, colloquans toutes leurs pensees aux momens de cette miserable vie, ne se resouviennent pas que nous allons aussi a l'eternité, ou, si nous vivons bien en ce monde, nous nous reunirons a nos chers trespassés pour ne jamais les quitter.

  A015003103 

 O Dieu! je n'ay garde, ma tres chere Fille, de vous dire: Ne pleurés pas.

  A015003104 

 Adorons cette Providence divine et disons: Ouy, vous estes benite, car tout ce qui vous plaist est bon.

  A015003105 

 Ne vous mettes pas en peyne de vostre orayson ni de cette varieté de desirs qui vous viennent, car la varieté des affections n'est pas mauvaise, ni le desir de plusieurs vertus distinctes.

  A015003105 

 Pour vos resolutions, vous les pouves bien particulariser en cette sorte: Je veux donq plus fidellement prattiquer les vertus qui me sont necessaires; comme, en telle occasion qui se presente, je me prepare a prattiquer telle vertu; et ainsy des autres.

  A015003106 

 Je vous escris sans loysir et en la presence du laquay.

  A015003115 

 Dieu vous comble de son saint amour, ma tres chere Fille, ma Mere.

  A015003115 

 Hier M me la Presidente me dit que M. Berthelot vous vouloit aller voir avec elle, et croy que ce sera aujourdhuy.

  A015003115 

 Or, ainsy qu'elle me parla, il a [327] tout plein de bonne volonté pour nostre Congregation; c'est pourquoy il le faut recevoir avec un accueil saintement et devotement aggreable et aggreablement devot et saint, et luy tesmoigner que des-ja la Congregation a beaucoup d'obligation a Monseigneur de* Nemours (quil faut nommer Monsieur tout court), a cause de la bonne volonté quil a eu, tant pour les laouds de ce que vous acheteries de son fief, que pour le four; et que puis quil a pleu a Dieu de donner commencement a cette petite Congregation dans sa ville principale, vous voules avoir une speciale devotion pour son salut et prosperité, et le tenir comme special protecteur.

  A015003115 

 Qu'il ne se pourra qu'en plusieurs occasions vous n'ayes besoin de ses graces et faveurs, et que vous pries ledit sieur Berthelot de vous y vouloir assister de sa charité et intercession.

  A015003116 

 Ledit sieur Berthelot est un jeun'homme fort eveillé; mais il ne faut pas laisser de le traitter devotement et de l'entretenir selon le loysir que vous en aures.

  A015003117 

 Bonjour, ma tres chere Fille; pour ce jourdhuy je n'iray pas vers vous, voulant laisser le loysir a cet (sic) autre visite.

  A015003117 

 Dites moy si vous vistes hier M me de Mirebel; je pense l'aller voir aujourdhui..

  A015003127 

 Je l'appellerois excessif, si je considerois seulement l'indignité de celuy qui le reçoit; mais je voy bien que la source d'ou il procede, Monsieur, ne permet pas que l'on puisse nommer ainsy cette faveur, quoy qu'elle excelle au dessus de toutes autres, puis que vous me favorisés selon ce que vous estes, Monsieur, et non selon ce que je suis, qui certes ne suis rien, sinon en l'affection avec laquelle je revere Vostre Grandeur, pour la prosperité de laquelle je respans plusieurs bons souhaitz devant ce grand Dieu du Ciel, qui gratifie volontier les grans de la terre qui gratifient les petitz [329] et qui leur sont doux, gracieux et favorables ainsy que vous m'estes, Monsieur, et que je vous supplie de m'estre tous-jours, me regardant comme.

  A015003127 

 Lhonneur qu'il vous a pleu de me faire en m'escrivant, m'estonne egalement par sa grandeur et me ravit par sa douceur.

  A015003151 

 Je vous asseure, ma tres chere Fille, que vostre affliction m'a touché vivement, ne doutant point qu'elle ne vous ayt esté fort rude, d'autant que vostr'esprit, comme celuy du reste des hommes, ne voyant pas la fin et intention pour laquelle les choses arrivent, il ne les reçoit pas en la façon qu'elles sont, mais en la façon quil les sent..

  A015003152 

 A vostr'advis, ma chere Fille, vos vœuz et vos devotions ne sont ilz pas bien recompensés? Vous les faysies pour luy, mais affin quil demeurast icy [331] avec vous, en cette vallee de miseres; Nostre Seigneur, qui entend mieux ce qui est [bon] pour nous que nous mesme, a exaucé vos prieres en faveur de l'enfant pour lequel vous les faysies, mais au despens des contentemens temporelz que vous en prætendiés..

  A015003152 

 Dites moy, je vous supplie, ne pouvoit-il pas devenir avec l'aage fort desbauché? Ne pouvies vous pas recevoir beaucoup de desplaysir de luy a l'advenir, comme tant d'autres meres en reçoivent des leurs? car, ma chere Fille, on en reçoit souvent de ceux desquelz on en attend le moins.

  A015003153 

 En verité, j'appreuve bien la confession que vous faites, que c'est pour vos pechés que cest enfant s'en est allé, par ce qu'elle procede d'humilité; mais je ne croy pas pourtant qu'elle soit fondee en verité.

  A015003153 

 Non, ma chere Fille, ce n'est pas pour vous chatier, c'est pour favoriser cet enfant que Dieu l'a sauvé de bonn'heure.

  A015003153 

 Vous aves de la douleur de cette mort, mais l'enfant en a un grand prouffit; vous en aves receu du desplaysir temporel, et l'enfant un playsir eternel.

  A015003154 

 Demeures en paix, ma chere Fille, et tenes bien vostre cœur au Ciel, ou vous aves ce brave petit saint; perseveres a vouloir tous-jours plus fidelement aymer la bonté souveraine du Sauveur, et je le prie quil soit a jâmais vostre consolation..

  A015003154 

 En contrechange, il prie Dieu pour vous et respand mille souhaitz sur vostre vie, affin qu'elle soit de plus en plus conforme a la volonté celeste, et que par icelle vous puissies gaigner celle dont il jouit.

  A015003154 

 Or sus, voyla donq vostre petit enfant au Ciel, avec les Anges et les saintz Innocens; il vous sçait gré du soin que vous avés eu de luy ce peu de tems quil a esté en vostre charge, et sur tout des devotions faites pour luy.

  A015003155 

 [332] M me de Chantal se porte mieux, et ne doute point qu'elle ne vous escrivit si ell'estoit avertie.

  A015003172 

 Je vous veux un peu donner le bon jour pour contenter mon cœur partout; car encor le faut-il aymer, ce pauvre cœur, puisque, tout infirme quil est, il veut aymer son Dieu de toute l'estendue de ses forces, en sincerité et pureté..

  A015003173 

 Je croy quil vous ira voir aussi, et je desire que ce soit a sa consolation et edification, mesme quil a quelque sorte d'inclination a vouloir estre de nostre future Congregation, si Dieu nous fait la grace que nous l'erigions.

  A015003173 

 Or je desire, mais je n'ose me promettre que je vous aille voir aujourdhuy.

  A015003174 

 Mays faut il pas que je vous die le desplaysir que j'eu hier de la nouvelle de la mort de nostre monsieur le baron de Lux, tué, comme l'on dit, d'un coup de pistolet [335] par le chevalier de Guyse.

  A015003175 

 Ma tres chere Fille, ma tres bonne Mere, Dieu vous comble de ses plus sacrees benedictions en tout vostre cœur, en toute vostre vie.

  A015003175 

 Ne me respondes que ce soir, mais dites a M. Michel comme vous vous portes..

  A015003187 

 Vous pourres donques celebrer le mariage entre ce Claude Pietrequin et la fille de la Croix blanche, puis que monsieur de Siccard, qui vaut cent tesmoins, asseure quiilny a rien du costé dudit Pietrequin qui empesche, et que d'ailleurs la chose presse du costé de la fille..

  A015003188 

 Je ne suis pas d'advis que vous advertissies si tost le commis a Thueri, jusques a ce quil ayt rendu du [337] service a peu pres de l'argent quil a receu, car il n'a point quitté ces (sic) partis praecedens et tumbera tous-jours sur ses pieds; de sorte quil suffira de l'advertir quand on sera prest d'en colloquer un autre.

  A015003189 

 Qui a tems, a vie; mais il faudroit que monsieur de Livron voulut donner ce loysir a l'affaire: a quoy le P. Michel Ange et vous, pourres le disposer.

  A015003195 

 Je vous prie, par la premiere commodité, de m'advertir [339] quand nous pourrons loger un curé a Sacconex, c'est a dire quand nous aurons les moyens..

  A015003209 

 Dieu vous conserve, Monsieur, et respande beaucoup de benedictions sur vous, sur madame vostre femme, sur mesdames vos filles, mais en ce tems icy [340] particuliement sur madamoyselle la future et sur le seigneur dom Sanche..

  A015003209 

 Je feray tout ainsy que vous le desires et ne treuverés non plus en autre occasion, quelle qu'elle soit, aucune replique en ce quil vous plaira me marquer pour vostre service et contentement, selon l'estendue de mon pouvoir.

  A015003226 

 A quoy j'adjouste ma priere en sa faveur, et vous souhaitant tout bonheur, je demeure,.

  A015003226 

 Or, il m'a prié d'attester envers vous et, par vostre entremise, envers Monseigneur l'Archevesque et le Conseil de la Sainte Mayson qu'il merite ayde et secours; ce que je fay en saine conscience, pour l'avoir ainsy reconneu jusques a present.

  A015003244 

 Mays vous vous representeres que la mayson en laquelle vous venes est une petite Congregation encor mal logee, et en laquelle toutes choses sont basses, humbles et abjectes, hormis la pretention de celles qui y sont, qui n'est rien moins que de parvenir a la perfection de l'amour divin..

  A015003244 

 Puisque vous ne respires que l'imitation de la croix, de l'obeissance et humilité de nostre Sauveur, venes a la [343] bonne heure chez nos Seurs de la Visitation.

  A015003255 

 Et pour en retirer plus de gloire, je n'ay pas oublié d'en faire part a tous ceux de cette ville que j'estime capables de peser le bonheur que ce m'est destre aymé de vous, auquel ne pouvant donner avec contreschange, je fay pour le moins humble reconnoissance que mon devoir surpasse mes forces, les-quelles neanmoins vous les dedie toutes a l'honneur de vostre service..

  A015003255 

 Je ne puis dignement vous remercier des beaux presens qu'il vous a pleu m'addresser, que j'ay receus avec [344] une extreme joye, non certes pour leur valeur, qui est grande, mais parce que ce sont de grans tesmoignages du cœur que vous aves envers moy, m'estant envoyés avec bien du soin et incommodité.

  A015003256 

 Mais quel contretems! Si, j'eusse esté si heureux d'aller a Paris cette annee, selon le desir de monsieur nostre grand [ami,] pour recueillir autour de vous et de luy les fruitz de la plus excellente consolation que je pouvois avoir! J'acquiesce neanmoins a l'ordonnance de la Providence celeste, laquelle au moins a permis que, pour mes pechés, ce playsir me soit interdit.

  A015003257 

 Ce pendant, allés, Monseigneur, dessus ce grand theatre et, suyvant Dieu comme vous faites, esperés toutes [345] sortes de bons effectz, et vous employés pour le bien de l'Eglise et de la province pour laquelle vous vous achemines..

  A015003258 

 Mais usons doucement et toutesfois, si vous me croyés, un peu avidement de la presence du grand amy, que j'estime si grand pour moy, que je ne voy rien de si grand parmi toutes les grandeurs de Paris qui ne me semble petit en comparayson de sa bienveuillance.

  A015003258 

 Que si quelquefois, comme je n'en doute pas, vous me favorises de quelque mention de nous ensemblement, je vous conjure, Monseigneur, que ce soit comme de.

  A015003266 

 A la verité, je ne sçavois pas, ma tres chere Fille, que vostre affliction eust si violemment opprimé vostre cœur; mais quand je l'ay sceu, j'eusse volontier pris resolution d'aller vous porter le mien et, avec iceluy, toutes les consolations qu'il eust pleu a Dieu me fournir.

  A015003266 

 Or, Dieu soit loué, dequoy vous vous accoises tout bellement a la suite de sa divine Providence..

  A015003268 

 Je feray ce que vous me dites.

  A015003277 

 Vous m'excuseres, s'il vous plait, ma tres chere Fille, si celle de monsieur de Genesia est ouverte: ça esté sans malice quelconque que je l'ay fait..

  A015003278 

 Au demeurant, je parlay a monsieur de Treverney asses longuement et doucement de vos affaires; il me dit [347] qu'a son advis, vous vous trompies grandement en l'estime des biens de feu monsieur vostre pere, et quil se treuveroit que vous avies esté portionnee tres suffisamment.

  A015003278 

 Or, la conclusion neanmoins fut quil se sousmettroit a ce qui en seroit advisé par telz arbitres et amis que l'on jugeroit convenable de choysir pour vuider les pretentions d'eux et de vous a l'amiable, qui est en somme le bon mot; outre que vrayement il ne tesmoigna nullement de treuver mauvaise vostre recherche.

  A015003279 

 Cependant, ayes tous-jours souvenance de la sainte tranquillité et douceur du cœur, et de la parfaite remise de nos affections en la sainte providence de Dieu, a laquelle je vous supplie me recommander, ma tres chere Fille, comme.

  A015003294 

 Voyla vostre contract que je vous renvoye, ma tres chere Fille; je croy quil va bien, ce que vous aves remarqué estant corrigé.

  A015003295 

 Ce soir je vous iray voir, car j'ay des-ja demandé mon congé pour deux heures..

  A015003296 

 M me de la Flechere viendra ce soir ou ce matin, et ira descendre droit chez vous, venant toute seule, sans fille de chambre, selon que vous verres par sa lettre..

  A015003299 

 Je pense ce soir vous aller voir a trois heures.

  A015003310 

 Soudain que vous aures nouvelles que le testament sera ouvert, envoyes appeller et prier mon cousin, et luy en conferes, disant que vous aures besoin de son ayde, affin que si le testament a lieu, le peu de bien qui en arrivera a la Congregation arrive en paix et tranquillement..

  A015003311 

 Je pense que je vous verrey avant mon départ; au [350] moins je vous escriray.

  A015003312 

 Je croy que vous sachies (sic) que cette bonne damoyselle est trespassee a l'aube du jour..

  A015003322 

 Vous m'obligés trop de rendre tant de tesmoignages de vostre affection envers moy qui ay si peu de force pour correspondre a mon gré, par quelque bon effect de gratitude, a lhonneur que vous me faites, quoy qu'en verité j'en aye un desir extreme.

  A015003324 

 Cependant, mon Reverend Pere, je vous remercie tres humblement, et ne cesseray point de respandre sur vostre [351] personne mille et mille bons souhaitz a vase plein, ni d'estre toute ma vie,.

  A015003342 

 Je suis certes bien marri, ma tres chere Seur, ma Fille, que vous n'ayés receu mes lettres que souvent je vous ay escrites et addressees a Dijon, non point tant pour autre sujet que pour la consolation que vostre bon naturel vous fait recevoir quand vous voyés de mes escritz.

  A015003343 

 Mais dites moy, je vous prie, ma chere Fille, eussies [352] vous bien peu croire qu'une affection plantee de la main de Dieu, arrousee par tant d'obligations que je vous ay et a vostre Mayson, fut sujette a diminution ou esbranslement? Non certes, ma tres chere Seur, ma Fille, il n'est pas possible qu'une amitié vraye et solide puisse jamais cesser..

  A015003345 

 Dieu, par sa bonté, vous tienne tous les jours de sa tres sainte main; c'est une priere quotidienne que je luy fay..

  A015003345 

 J'ay bien entendu tout ce que vous m'escrivés et me suffit.

  A015003346 

 Ce pendant, il faudra donq escrire dans le livre quelque chose, a mesure que, parmi les frequentes pensees que j'ay sur vous, il plaira a Nostre Seigneur jetter dans mon cœur des advis propres pour le vostre..

  A015003346 

 Dieu vous inspirera ce qui sera pour sa gloire et la vostre.

  A015003346 

 Je dis, si vous venés, parce que, encor que ce me seroit un contentement extreme de vous voir a souhait en nos pauvres petites contrees, si est-ce que je ne voudrois pas tirer sur moy le contregré de messieurs vos proches, s'ilz en avoyent, en vous le conseillant, ni aussi prejudicier a ma consolation en ne vous le conseillant pas.

  A015003346 

 Je vous remercie de la toile; si vous venés l'esté prochain, vous nous communiquerés bien de la recette, et ce pendant on employera ce que j'en ay.

  A015003348 

 Dieu vous benisse.

  A015003359 

 Je participe plus que nul autre a vostre desplaysir, lequel, a mon advis, ne durera plus guere quant a l'occasion pour laquelle vous l'aves maintenant; car des-ja l'autre jour, que monsieur le Prieur vint a Sales, je luy fis la moytié de la resolution que je luy envoye du tout maintenant.

  A015003360 

 Quant a la predication, il me dit que cela n'incommoderoit rien et que vous en series content, et en fin quil vouloit faire quelque chose.

  A015003360 

 Si vous juges que je doive faire quelque sorte d'autre remede, je le feray..

  A015003361 

 Il s'en reva dans dix ou douze jours et ira conferer avec vous..

  A015003361 

 Monsieur Soudan me demande tous-jours de pouvoir playder pour retirer les biens ecclesiastiques de sa parroisse, et dit que tout depend de vous, a rayson des patentes.

  A015003393 

 C'estoit ce qu'il failloit a vostre esprit, puisque vous aves rencontré ce gentilhomme si plein de bonne inclination..

  A015003393 

 Dieu soit beni et glorifié de ce changement de condition que vous avés fait pour son nom, ma tres chere Fille; et je dis tous-jours ma tres chere Fille, car ce changement ne changera rien en cette affection vrayement paternelle que je vous ay dediee.

  A015003393 

 Vous verrés bien que si vous avés une parfaite resignation de vostre ame en la providence et volonté de Nostre Seigneur, vous marcheres en cette [357] vocation, vous y aures bien de la consolation et deviendres fort sainte a la fin.

  A015003394 

 Vous aves tort de faire scrupule de rompre le jeusne, puisque l'advis du medecin le porte..

  A015003395 

 Conduisés-vous en la Communion au gré de vostre confesseur, car il luy faut donner cette satisfaction, et vous ne perdrés rien pour cela; car ce que vous n'aurés pas par la reception du Sacrement, vous le rencontreres en la sousmission et obeissance..

  A015003396 

 De regie pour vostre viè, je ne vous en donneray que celle qui est dans le livre; mais si Dieu dispose que je vous puisse voir et il y a quelque sorte de difficulté, je vous respondray.

  A015003396 

 Il n'est nul besoin que vous m'escrivies vostre confession: que si vous aves quelque point particulier duquel vous desiries conferer avec mon cœur, qui est tout vostre, vous le pourrés..

  A015003397 

 Aymés vostre mari tendrement, comme vous ayant esté donné de la propre main de Nostre Seigneur.

  A015003398 

 Et marqués ces quatre paroles que je vous vay dire: vostre mal vient dequoy vous craignés plus les vices que vous n'aymés les vertus.

  A015003398 

 Faites la preparation du matin, et en somme prenés a prix fait cette besoigne que Dieu vous payera de mille consolations; et pour cela, n'oubliés de souvent eslever vostre cœur en [358] Dieu et vos pensees a l'eternité.

  A015003398 

 Lises, au nom de Dieu, tous les jours un peu, je vous en prie..

  A015003398 

 Si vous pouvies provoquer un peu profondement vostre ame a l'amour de la prattique de la douceur et de la vraye humilité, ma chere Fille, vous series brave; mais il faut y penser souvent.

  A015003398 

 Vous deves avoir un grand soin de ranger vostre esprit a la paix et tranquillité, et estouffer ces mauvaises inclinations que vous aves, par une attention a la prattique des vertus contraires, en vous resolvant d'estre plus diligente, attentive et active a la prattique des vertus.

  A015003399 

 Faites cela pour moy, qui tous les jours vous recommande a Dieu, et je prie son infinie Bonté qu'a jamais elle vous benisse..

  A015003410 

 Obliges moy donq, je vous supplie, de le conjurer, par toute la bienveuillance quil me porte, de ne point se mettre au hazard, ni en la despence, ni en la peyne et travail de ce chemin, puisque il n'y regarde que ma seule consolation, laquelle, je confesse, seroit grandement languissante si je la recevois avec tant d'incommodité d'une personne que je cheris et respecte tant..

  A015003413 

 J'apprens que vous aussi et monsieur le Curé de Bons ne feres pas qu'avec incommodité ce voyage, et je vous prie, mais de tout mon cœur, de ne vous en incommoder nullement et de dissuader aussi ledit Curé de Bons; car plustost que d'incommoder mes amis en chose non necessaire, je romprois le voyage tout a fait.

  A015003413 

 Mays voyes vous, je vous recommande tres estroittement ce mien desir, et suis sans fin,.

  A015003413 

 Response, je vous prie, et ne vous mettes en peyne que de me venir voir icy apres Pasques, pour conferer de ce que je pourrois [360] utilement entreprendre aupres de Son Altesse pour nos affaires ecclesiastiques; puis, laisses moy faire mon petit fait, et vous verres que tout ira bien et sans bruit.

  A015003431 

 Vous verrés, je m'asseure, par la lettre que monsieur de Charmoysi vous escrit, comme des le despart de [361] madame de Charmoysi il a receu le desplaysir de se voir comme banni de cette ville, par un expres commandement que Son Altesse luy a fait de s'en retirer et ne plus y revenir, sur l'impression la plus fause du monde que Monseigneur de Nemours a receu de la part de quelques calomniateurs, que les bastonnades donnees au sieur Berthelot avoyent esté conseillees par monsieur de Charmoysi; dont mondit Seigneur de Nemours a entrepris le ressentiment si chaudement, que nous en sommes tous estonnés.

  A015003432 

 Ce que je vous dis, Monsieur, par ce que vous pourres mieux dire a cette bonne dame comm'elle se devra comporter que je ne sçaurois le luy escrire, bien que je luy en touche un mot..

  A015003433 

 La volonté neanmoins de Dieu en soit faite, et luy playse vous combler de toute santé et vraye felicité, avec madame vostre chere digne compaigne et toute vostre mayson..

  A015003438 

 Monsieur, j'escris en sursaut, c'est pourquoy je ne vous envoye pas les papiers du conte fait entre mes freres et les agens de madame la Duchesse de Mercœur, comme je feray bien tost, puisque vostre bonté s'estend a vouloir en recevoir la peyne..

  A015003453 

 C'est maintenant que vous estes en affliction, que vous deves tesmoigner a Nostre Seigneur l'amour que vous luy aves si souvent promis et protesté entre mes mains.

  A015003454 

 Recommandés-vous aux prieres de saint Louys, lequel apres avoir longuement assisté et servi les malades de contagion en son armee, s'estima bienheureux d'en mourir, prononçant cette orayson pour ses dernieres paroles: J'entreray en ta mayson, o mon Dieu, j'adoreray en ton temple et confesseray ton nom.

  A015003454 

 Remettés-vous en la volonté divine, qui vous conduira selon vostre mieux pour l'emprisonnement de vostre mary..

  A015003455 

 Je prie donq Nostre Seigneur qu'il soit vostre consolation et qu'il vous face bien entendre que par plusieurs travaux et tribulations il vous faut entrer au Royaume des cieux, et que les croix et afflictions sont plus aymables que les contentemens et delectations, puisque Nostre Seigneur les a choisies pour soy et pour tous ses vrays serviteurs.

  A015003455 

 Je voudrois bien en cette occasion vous donner quelque sorte de bonne consolation, mays je n'ay pas dequoy.

  A015003456 

 Ayés bon courage, ma chere Fille, tenés ferme vostre confiance en Celuy au service duquel vous vous estes dediee et abandonnee, car il ne vous abandonnera point.

  A015003456 

 Et ce pendant, je m'employeray de tout mon cœur, affin d'ayder vostre mary, envers tous ceux que je croy avoir du credit pour le faire delivrer et que je sçauray vouloir faire quelque chose a ma contemplation; et des-ja j'ay commencé ce bon office des avant hier, vous cherissant comme ma vraye fille, et tout ce qui vous appartient, pour l'amour de Nostre Seigneur a qui vous appartenes, la volonté duquel soit faite es siecles des siecles.

  A015003466 

 Dieu vous comble de paix, benediction et amour.

  A015003466 

 Or sus, portes vous bien, ma tres chere Mere.

  A015003478 

 Dieu nostre Seigneur vous habille et de sa Passion et de sa gloire..

  A015003485 

 Vous pourres bien travailler dedans la mayson, aujourdhuy et demain, pourveu que personne ny entre d'estranger, sinon M. Grandis, M. Roget et la petite seur; et bien que quelqu'autre entrast, vous pourries neanmoins bien travailler en ces besoignes qui sont pour l'eglise..

  A015003486 

 Je ne pensois nullement escrire a Paris, mais puis que vous l'aves desiré, j'escris a Monseigneur de Bourges..

  A015003487 

 Si pour chose du monde je le puis, je vous iray voir demain; si moins, tout au pis, j'iray dire vostre Messe [369] samedi.

  A015003488 

 Mon Dieu, ma chere Fille, que je vous souhaite de perfections! et que de courage et d'esperance j'ay maintenant en cette souveraine Bonté et en sa sainte Mere, que nostre vie sera toute resserree en Dieu avec Jesus Christ, pour parler avec nostre saint Paul..

  A015003500 

 Certes, Bertelot n'avoit que faire de s'opposer a luy en la conduite des dames; car, comme vous sçaves, c'est un gentilhomme de si bon lieu, que, comme que ce soit, encor le faut-il respecter..

  A015003502 

 Si madame la Comtesse nous envoye des bouteilles, on les emplira tant quil y aura du piqu'ardent, et si nous [371] eussions eü des ampolons a suffisance, nous n'eussions pas oublié de vous envoyer vostre part.

  A015003503 

 J'espere avoir le bien de vous saluer et redire que je suis,.

  A015003521 

 Outre le desir que j'ay de vous saluer, je me suis souvenu que j'avois oublié de vous supplier d'envoyer a Romme pour monsieur de Monthouz Guillet et sa femme; ce que neanmoins j'avoys promis de faire audit sieur de Monthouz, lequel reciproquement m'a promis de vous donner argent pour cet effect.

  A015003542 

 Je vous supplie de dire a M. Michel qu'il face l'aumosne aux Peres Capucins tout ainsy que si nous y [374] estions, et que si les Dames de Sainte Claire ont besoin de vin, mesme pour les malades, il leur en donne..

  A015003543 

 O ma tres chere et vraye Mere, Dieu vous benisse de ses plus profondes benedictions, avec toute la chere trouppe, specialement la malade.

  A015003543 

 Qu'a jamais soyons nous a Dieu, vous comme moymesme, moy comme vous mesme, puisqu'il a ainsy pleu a sa divine Bonté, a laquelle soit gloire es siecles des siecles.

  A015003543 

 Vostre filz, vostre neveu, tout cela vous donne le bon jour.

  A015003559 

 O si une fois nous avons nostre cœur bien engagé a cette sainte et bienheureuse eternité: Allés, ce dirons-nous a tous nos amis, allés, chers amis, allés en cet Estre eternel a l'heure que le Roy de l'eternité vous a marquee; nous y irons aussi apres vous.

  A015003561 

 Dieu vous benisse, et marque vostre cœur du signe eternel de son pur amour.

  A015003571 

 Au demeurant, Disdiere n'est pas assez clairvoyante pour juger dignement de mes actions et beaucoup moins [377] de mes intentions, et partant vous aves bien fait, et tous mes amis aussi, de ne point la croire quand elle vous a dit que je m'estois destournee de la vraye foy en un seul Christ, pour adhserer aux fables, traditions et inventions des hommes.

  A015003572 

 Et en toutes choses, j'ay treuvé que la souveraine gloire deüe a ce souverain Sauveur estoit exactement preschée, inculquée, reconneue et conservée avec une tressainte et religieuse jalousie; chose, certes, comme vous sçaves, bien esloignee du tesmoignage que messieurs les ministres rendent contre les Catholiques..

  A015003574 

 Comm'en effect, je ne m'espancherois pas mesme si avant a parler [380] de cette grace que j'ay receüe avec un'autre qu'avec vous qui m'aymes, et que je prie ne point communiquer la presente, pour ne me point rendre plus odieuse a ceux qui croyront que ce mien despart d'avec eux m'en rende digne, et lesquelz, non obstant cela, je ne laisseray neanmoins de cherir d'une vraye et sincere dilection, priant, etc..

  A015003574 

 Et si je pouvois aussi bien exprimer les raysons qui m'ont induite a ce desirable retour comme je les ay veüe (sic) clairement pour m'y resoudre, je croy que vous en series fort satisfaite.

  A015003574 

 Voyla ce que je vous puis dire de l'estat de mon ame qui sent une grande consolation en la misericorde de Dieu, si doucement exercee envers moy; et vous prie de croire qu'en cet heureux changement je n'ay jetté mes yeux que sur Jesuschrist crucifié et sur l'eternité glorieuse quil m'a acquise par son sang, au prix delaquelle j'estime toutes choses un vray rien.

  A015003585 

 Je ne respons encor pas aux articles quil vous a pleu me faire envoyer, par ce que je n'ay encor sceu retirer le double de la fondation de la Mayson de Thonon, qui estoit la principale piece que vous me commandiés de vous faire tenir.

  A015003588 

 Je vous bayse les mains en toute reverence, et suis, Monseigneur,.

  A015003618 

 Je n'ay pu vous faire responce plutost a celle qu'il vous a pleu de m'escrire; j'attendoys d'y sçavoir les volontés du Roy qui a eu fort aggreable que vous mettiez au bailliage de Gex les Religieux Carmes reformez que Sa Sainteté vous doit envoyer.

  A015003618 

 Sa Majesté s'asseure que vous les choisirez tels, qu'elle en aura du contentement et les jugerés d'edification.

  A015003619 

 Il ne m'arrive contentement qui soit egal a celuy que je reçois de vous faire service qui vous soit aggreable: cela estant, je suis asseuré que cette action est receue avec plaisir devant Dieu.

  A015003619 

 Ne me soyez, Monsieur, s'il vous plaist, siche de vos commandementz; me les [385] departant, vous faictes chose charitable, puisque sans iceux je ne fais chose aucune qui soit digne d'aggreer a la divine Majesté..

  A015003620 

 Je la supplie tres humblement qu'elle me conserve vos bonnes graces, et vous donne, Monsieur, [heureuse] et longue vie..

  A015003632 

 Nous avons reçu la vostre par les mains du sieur present porteur, et pour response à icelle nous vous assurerons que nous monstrerons tousjours par effects l'affection et volonté que nous avons au service de Dieu pour son honneur et gloire, et mesmement au faict du restablissement de la sainte Messe audit lieu de Dyvonne.

  A015003633 

 Vous assurons que la reunion du dit prieuré nous revient à plus de quatre mille ecus en frais, pour l'avoir retiré de la main des heretiques; à quoy l'on doit avoir consideration, mesme les reparations qu'il convient y faire presentement, tellement que nous ne tirerons rien du revenu dudit prieuré durant cinq ou six ans, joint que l'on nous menace des decimes pour ceste annee.

  A015003634 

 Et d'autant que le droit de presentation de ladite cure nous appartient, desirant neantmoins nous conformer à vostre volonté, nous vous supplierons accepter la presentation que nous vous ferons du mesme qu'il vous a plu choisir; ou, en tant que l'authorité vous ait esté donnee du Saint Siege pour la premiere fois, de choisir tel que bon vous semblera, et que cela soit, comme nous ont donné a entendre de vostre part nos confreres, nous vous supplions nous donner acte, tant pour celle de Dyvonne que pour celle de Cessy, que ce soit sans prejudice pour l'advenir.

  A015003634 

 Si non, nous vous supplions ne pas trouver mauvais si nous maintenons nos privileges, que nous croyons que vous nous conserverez; qui nous fera sur ce vous baiser tres humblement les mains, et prier Dieu de vous conserver et vous donner santé longue et heureuse vie, nous qui sommes,.

  A015003653 

 Vostre humilité, ma condition et mon humeur me defendent la flatterie et commandent la congratulation pour les biens que ma Mere, qui, de ses eaux salutaires, m'a engendré en vie eternelle, reçoit par vous.

  A015003655 

 Certainement, [388] Nostre Seigneur a visité son peuple, et faut croire que la benediction de commencement s'estendra avec une amplification nombreuse: car, que manquoit il aux foibles, que cette mediocrité? que falloit il aux vefves, que cette douceur? que pouvoyent desirer les robustes et ferventes, que cette mortification? Vous avez, mon tres cher et digne Seigneur, dressé un temple de Salomon en ce siecle, voyla les trois estages: que reste il a ces ames bienheureuses destinees a l'habitation d'iceluy.

  A015003655 

 N'ay-je pas donc sujet de dire: Benite soit la pierre, beni soit l'ouvrier, et beni soit eternellement l'Architecte celeste qui, dans son idee eternelle, avoit fait le projet de cet edifice? Il me semble, Monseigneur, que cette Congregation manquoit encor a l'Eglise, et que Dieu vous ait suscité en nos jours pour l'eriger.

  A015003656 

 Il me reste de recourir a vous pour cet effect, car je crois que madame de Chantal ne me refusera pas cette grace, puisqu'elle sçait mes besoins, et de plus, que je suis.

  A015003669 

 Je m'en rejouis infiniment, me promettant que ce ne sera sans avoir l'honneur de vous voir en passant, ou bien à vostre maison de Vieu..

  A015003669 

 Je me condamnois neantmoins en ce que vostre bonté et courtoisie, joiend au soien quil vous plaist avoir de mon bien et salut, m'avoit prevenue, encore que la faute ne provenoit pas d'obliance ni moins de reconnoissance de mon devoir; car il y a plus de huict jours que j'avois dressé une lettre pour vous l'envoyer à la premiere comodité.

  A015003669 

 La reception de celle dont il vous a pleu m'honorer a apporté une telle joye et consolation en mon ame, qui me sembloit, la lisant, que je vous voioyt present.

  A015003669 

 Mais d'autant qu'elle contenoit quelque avis plains (sic) de difficulté et facherie ou je me suis trouvé reduicte, il m'a semblé qui me seroist plus seant de m'en taire pour le present, remettant à nostre premiere veüe à le vous dire de bouche; qui sera, comme j'oze esperer, bien tost, puis que nous approchons [389] de la feste qui vous donne subject de venir à Thonon.

  A015003670 

 Cependant, je vous diray (Monseigneur) comme par la grace et support de mon Dieu je persevere en l'exercise ou il vous a pleu m'acheminer, qui apporte un grand repos à mon ame et contentement à mon esprit parmi les traverses et facheries qui faut supporter en ce monde.

  A015003670 

 Je me raffreschis aussi la memoire tous les jours des bonnes et salutaires instructions qui vous a pleu me despartir, en la lecture des beaux livres que je tiens cherement de vous, Monseigneur, ou je trouve le remede à tous mes maux.

  A015003685 

 Ainsi, Monseigneur, je vay, avec les griffes de ma plume, vous carresser comme mon cher maistre, et vous demander quelques unes des miettes qui tombent sous vostre table, lorsque vous rompé le pain de salut a vos cheres Filles..

  A015003686 

 L'on dit que c'est la perfection de ce siecle; et, vous laissant a part pour pardonner a vostre modestie et contenter vostre humilité, le bon Pere de Saint Malachie me disoit l'autre jour, qu'il consideroit devant madame de Chantal et la voioit en esprit comme un soleil, et chacune de ses filles estait un rayon pour esclairer ce siecle..

  A015003686 

 Mais, Monseigneur, vous ne [me] pardonnerié jamais si je vous racontois les louanges que l'on donne a ce Pere et a ses Filles.

  A015003687 

 Et moy, mon unique Seigneur, quand je considere vostre Congrégation devant Dieu, je la vois aussi haute en amour comme vous l'avez faite profonde en humilité, et j'espere que bientost la France, jalouse du bien de nos montagnes, voudra partager ce bonheur avec elles; j'espere, dis je, que comme les plaines sont plus propres a s'estendre que les monts et vallees, que dés que vous auré fait quelques Maisons en nos quartiers, ce sera jetter madame de Chantal comme un grain dans ces plaines, qui raportera au centuple.

  A015003688 

 Et apres vous avoir supplié en toute humilité, Monseigneur, de luy demander un Avé pour moy [et] a toutes ses Filles, je demeure.

  A015003701 

 Je vous prierey m'excuser si je vous importune de ces deux moctz pour vous prier representer, si vous voz (sic) treuvé en commodité, a messieurs de Chivron mes nepveuz, aux fins que, avec vostre assistance et du sieur de Villette nostre cousin, puissions faire noz partaiges sans aulcunes formallités de justice, ains par voye d'amytié, comme le debvoir nous oblige.

  A015003702 

 Et sur ce, j'attendrey d'avoir de vous, nouvelles, en priant Dieu [392] qu'il vous aye en sa protection, et suis, appres vous avoir baisé tres humblement les mains, Monsieur,.

  A015003716 

 Ha! que ce vous est un heureux travail que de combatre et debatre contre les huguenots! (travail qui infalliblement vous acquerrera une couronne de gloire et ça bas et au Ciel.).

  A015003716 

 Le P. Irenée a eu raison de vous parler de l'affection que je vous porte, car dez la premiere veuë que j'eu de vostre Introduction, elle s'empara de mon ame et y va prennant racine si avant, que la seule mort la poura arracher.

  A015003717 

 Combien de fois ay je regretté la faulte de Geneve! Pleust a mon Dieu que je fusse condamné a vous restablir en vostre siege! Tout viel que je suis (aagé de 71 ans), je m'y achemineroy tres volontiers, deuse-je mourir (comme l'on dit) en la peine.

  A015003718 

 J'envoye a Vostre Seigneurie Reverendissime une de mes petites traductions, que je vous prie recevoir de pareille affection que je [393] la vous presente, priant Nostre Seigneur seconder voz bons desseings, vous asseurant que je demeureray toute ma vie,.

  A015003737 

 De quoy, du despuis, je n'ay heu de vous aucune resolution, quoique mon fermier aye sollicité lesditz curez, nottamment ceux (sic) de Gex qui l'a entretenu a parolles jusques a Noel dernier, et remettant l'affaire sur vous, puis que vous avon envoyé lesdittes coppies et memoires.

  A015003737 

 Il y a quelque temps que nous avez asseuré, monsieur de Gerlande et moy, par vostre reponce à celles que luy et moy vous avions escriptes, que me donneriez tout contentement pour le faict de mes biens de Crozet, pays de Gex, dans les limites de vostre evesché, desquels vous avez prins la possession sans qu'il vous appartienne; car de tout temps, ça esté un membre despandant de ma commanderie, fors des la prinse dudit pays par les seigneurs de Berne, qu'il a esté occuppé par ceux de la religion, ainsi que je [394] vous ay fait entendre par mes lettres et comme le sieur Girod, mon fermier, l'a fait voir sur lieux aux curez de Gex et Farges, qu'aviez a ces fins deputez, tant par mes derniers terriers, que ceux qui sont faiz des cent et quattre vingts ans en ça, desquels il leur a baillé les coppies pour les vous fere tenir des le moys d'octobre dernier; par ou il appert clairement, avec d'autres enseignements, que la chappelle de Crozet ne fust jamais cure ny parroisse, moings que lesdits biens en feussent depandants.

  A015003738 

 C'est pourquoy je vous ay encor fait ceste, par laquelle je vous prie [395] mettre le tout en consideration; apres quoy je m'asseure qu'aurez pour agreable a me relascher amiablement lesditz biens, ensemble les fruicts tant de la presente que derniere annee.

  A015003738 

 Lhonneur et le respect que je vous porte me fait souhaiter de n'en venir par la voye que chacung recherche pour conserver le sien, que je seray contraint de suivre si, de vostre propre motif, vous ne vous rendez a la raison..

  A015003739 

 L'asseurance donques que je prends que ne voudriez vous prevalloir de ce qui depand de nostre Ordre, ny le constituer en frais pour chose si juste, mais plustot qu'en desiriez l'accroissement, me fait croire que me donnerez tout contentement et que l'equité de vos proceddures ne refusera ce qu'avec justice nous pourroit avec toute raison facilement rendre..

  A015003770 

 Appres en avoir dict ung mot a Sa Majesté, comme l'on doibt, et dont je me prometz telle responce que vous sçauriez desirer, je menageray vers l'un des trois vostre contentement, et sy je ne suys assez fort, je manderay de vos amys..

  A015003770 

 J'en ay parlé a Madame la Princesse, quy est toute disposee de vous obliger en cela, mais je ne l'ay supplyee de rien, luy ayant seullement dict que je vous l'avoys conseillé et que vous y estiez resolu: sur quoy elle m'a dict qu'elle s'offroyt.

  A015003770 

 Je suis tres aise du desseing que vous avez pris de faire nourrir vostre filz en ceste court, a quoy je vous pourray servir, puis que Dieu a voullu que nous feussions esloignez l'un de l'autre.

  A015003770 

 Vous sçavez quil y a maintenant trois premiers gentilzhommes de la Chambre: monsieur le Grand, monsieur le Marquis d'Ancre, au lieu de monsieur de Bouillon, et monsieur de Souvray.

  A015003771 

 Madame de Guyse est allee en son Conté d'Eux, d'ou elle espere retourner dans ung mois et rapporter de quoy vous contenter.

  A015003771 

 Sy vous n'aviez esté nourry chez les Princes, je seroys bien enpesché a vous faire conprendre comme l'on sy gouverne et les incomoditez quilz reçoivent, faulte d'avoir pris garde a leurs affaires..

  A015003772 

 Je verray a son retour ce quil fera, m'ayant asseuré que ce sera sans plus de remise; mais je vous conseille d'agreer que monsieur Rousselet et moy luy promettions ce que nous adviserons: c'est le plus court chemin..

  A015003772 

 Monsieur Rousselet vous escripra comme j'ay representé audit sieur du Demare que vous estiez pressé d'une petite partye deue a monsieur de Mezieres, affin que sil estoyt possible, elle feut acquitee contant au retour de ma dite dame.

  A015003774 

 C'est pourquoy je vous supplye vous employer a ce bon œuvre et m'en fere mander promptement responce, attandant laquelle je prye Dieu, Monsieur, quil vous conserve et garde..

  A015003774 

 Je luy en escriptz amplement, et luy envoye une lettre que Monsseigneur le Nunce residant en ceste ville, logé, comme vous sçavez, a l'hostel de Clugny, escript a Monsseigneur le Nunce de Thurin, auquel il mande que messieurs les parroissiens de S t Benoist, bien memoratifz du fruict des predications que Monsseigneur de Genevefve (sic) a faict aultrefoys en leur parroisse, d'ou il est maintenant, l'ont pryé luy escripre pour supplier Son Altesse d'avoir agreable que l'on prye Monsseigneur, pour le bien de la relligion, de prendre ceste peinne, et luy donner congé d'accepter la supplication que l'on luy en fera.

  A015003774 

 Vous pourrez fere donner la lettre par M. du Fresne, ou par quelqu'un quy en retirera responce.

  A015003919 

 A la verité, s'il m'est permis de parler avec vous sans offenser personne, je ne sçay qui peut avoir conseillé S. A. S. de mander deux Ambassadeurs extraordinaires avec moy, pour demander une simple responce sur les poursuittes et propositions que j'ay desja faict cy devant a sept ou huict assemblees et dietes, suivant les commandements de S. A. S. Pour moy, j'estime sçavoir cette negociation mieux que mon Pater; s'il eut pleu a S. A. Sme de me laisser suivre mes dessins, possible luy aurois-je apporté quelque contentement.

  A015003919 

 Je suis bien asseuré qu'il y a deux personnages parmi le monde qui voudroient bien que je fusse ailleurs qu'en ce pais: je m'expliqueray un jour avec vous plus amplement..

  A015003919 

 Vous priant d'asseurer S. A. S. sur ma parolle, que je suis autant praticque des affaires de Suisse, autant aymé et cognu, que tel qui a demeuré en ce pais les cinq et six ans, au rapport que le seigneur Auditteur Valdengue en fera, s'il veut dire la verité.

  A015003919 

 Vous sçavez, quand l'on est tant de gens ensemble, chacun veut croire son opinion.

  A015003922 

 Je suis a jamais, appres vous avoir baisé humblement les mains,.


16-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVI-Vol.6-Lettres.html
  A016000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A016000152 

 Une sénatrice à confesser; le Saint lui donne rendez-vous à la Visitation. 140.

  A016000267 

 Hier tout tard je receu vostre lettre, ma tres chere Fille, et tout a la haste, je vous annonce nostre retour de Milan, ou, et tout le long du chemin, nous avons [1] esté extremement caressés.

  A016000268 

 Je vous escriray dans deux ou troys jours par M. de Vallon, et a tous mes amis, sinon que je fusse si heureux de pouvoir estre despeché pour aller moy mesme; mays ce tems de guerre ne me fait pas faveur pour cela.

  A016000269 

 Je suis en luy pour vous ce quil sçait, et vrayement vous mesme..

  A016000269 

 Me voyci visité; partant, Dieu soit avec vous.

  A016000291 

 Aussi, à l'avenir, Sérénissime César, je ne cesserai pas d'offrir [4] mes Sacrifices et mes prières, afin d'apaiser le Dieu tout bon et tout-puissant, pour qu'il vous envoie son secours d'en-baut et qu'il confirme entièremement votre pieux projet..

  A016000302 

 Et moy, ma chere Fille, je vous escris encor plus courtement pour responce a vostre lettre du 5 de ce mois, tant pour mille petites affaires et visites que je reçoy, que pour la ferme esperance que j'ay de vous voir bien tost, resolu, Dieu aydant, de partir d'icy samedi ou Dimanche prochain, pour estre a Neci au jour de la sainte Pentecoste, puisque je n'arreste plus que pour l'affaire de ces pauvres bannis; car, quant [5] aux despeches, je laisseray le bon M. de Blonay qui, de bon cœur, demeurera pour les solliciter.

  A016000303 

 Je vous ay des-ja fait sçavoir que nous aurons madame la Duchesse de Mantoue, qui est la vertu mesme, pour nostre protectrice; mays il ne faut pas encor en faire du bruit, pour une rayson que je vous diray.

  A016000305 

 Je salue fort ma chere fille madame de Thorens, et M lle de Rabutin, qui est aussi ma fille; comme encor toutes celles qui sont autour de vous, que vous sçavés m'estre pretieuses plus qu'il ne se peut dire.

  A016000319 

 De sorte, Monsieur, que je vous supplie de ne plus vous amuser a moy en façon quelcomque, puisque je suis si impuissant a vous rendre le service que je vous dois.

  A016000319 

 Je receu a Thurin vostre lettre du 30 mars, avec une extreme confusion d'y voir le remerciment que vous me faites de ma perseverance au desir de servir vostre parroisse le Caresme prochain; puisque ma volonté, [7] ma perseverance, mon esperance demeurent frustrees et inutiles, Son Altesse ne m'ayant pas voulu accorder que je sorte d'icy pour les praedications, avec des paroles tant honnorables que rien plus, mais nullement favorables a mon intention.

  A016000319 

 Si vous sçavies, Monsieur, d'ou vient l'empeschement, vous admireries l'industrie du dœmon qui s'oppose a nos desirs..

  A016000320 

 Je vous diray ce mot en la confiance que j'ay de vostre prudence: M. Troüillouz, qui sert Son Altesse es affaires de France, dit a Thurin, sur le propos de la recherche qui a esté faite ci devant de me faire aller a Paris: C'est Charmoysi et le sieur des Hayes qui ont ce dessein, nul autre n'y eut pensé qu'eux.

  A016000320 

 Pour Dieu, Monsieur, croyes bien, je vous supplie, que mon cœur est totalement dedié au vostre, et mes desirs a vos affections, et que si je sçavois faire mieux pour faire reuscir vos intentions, je le ferois.

  A016000321 

 Je me contenteray bien qu'il vous playse luy faire dire quil me donne cette satisfaction de remettre le tiltre.

  A016000321 

 Mays, pour tout cela, je ne vous supplieray point de prendre la peyne de faire faire les deffences qui seroyent requises pour en empescher la debite, car ce vous seroit une trop grande importunité.

  A016000325 

 J'escris a madame de Charmoysi, qui vous fera sçavoir ce qui en est et l'advis que je luy donne, puisque je suis pressé de finir..

  A016000329 

 qui vous souhaite, et a madame vostre chere moytié, tout le bonheur du Ciel et de la terre..

  A016000344 

 Ce n'est, Madame ma Mere, que pour vous ramentevoir l'humble et veritable affection filiale que j'ay dediee et que vous aves acquise en moy pour vostre service.

  A016000344 

 Faites moy lhonneur, je vous supplie, de me continuer aussi au rang que vous m'aves donné en vostre bienveuillance, delaquelle je suis extremement jaloux et ambitieux, comme d'un bien que je ne merite pas et que neanmoins m'est assigné..

  A016000344 

 Les mains d'un si digne porteur vous rendront, je m'asseure, ce papier aggreable, outre la faveur maternelle delaquelle vous recevés tout ce qui vous est presenté de ma part.

  A016000345 

 Au demeurant, Madame ma chere Mere, il faut bien que je me res-jouisse avec vous de la consolation que vous aves de vous voir assistee et accompaignee d'une nouvelle bonne et bellefille, et que je vous conjure de luy [11] ordonner qu'elle me reçoive en sa bonne grace, comme un de vos enfans plus humbles qui est, outre cela,.

  A016000360 

 Dieu vous donne le bonsoir, ma tres chere Mere, a qui je suis de tout mon cœur en Nostre Seigneur.

  A016000378 

 Il est mieux, ma tres chere Fille, que vous luy escrivies, puisque le reste s'est passé avec vous.

  A016000378 

 Je vous donneray Pierre, si vous en aves besoin..

  A016000379 

 J'ay bien esté content de voir ces bonnes damoyselles ce matin, et particulierement M me de Gouffier, que je voy toute telle que vous m'aves dit..

  A016000379 

 Vous sçaves bien que je suis vostre.

  A016000389 

 Croyes, je vous supplie, que je ne suis pas si ingrat et nonchalant que d'avoir oublié ce devoir-la.

  A016000389 

 J'ay esté estonné quand j'ay sceu que vous n'avies pas receu le remerciment que je vous avois fait, pour l'honneur qu'il vous pleut me departir en m'escrivant.

  A016000389 

 Mays puisque cette action de grace ne vous est pas arrivee, je la refay maintenant de tout mon cœur, vous asseurant que c'est avec un grand surcroist de l'estime que j'avois de vostre bienveüillance, par la description plus particuliere que Madame de Baume m'a fait des qualités et conditions de vostre esprit, que j'ay treuvé extremement aymable, priant Dieu qu'il luy playse les affermir et accroistre de plus en plus.

  A016000390 

 C'est un benefice extraordinaire, qu'entre les aggreemens du monde, emmi le printems d'une jeunesse et entre les louanges de plusieurs, vous aymies et estimies les saintes vertus.

  A016000390 

 Que reste-il, ma chere Dame, sinon qu'il playse a cette souveraine Bonté de vous tenir de sa main, affin que vous puissies dire avec le mesme Roy: Jusqu'à ma viellesse et decrepitude, Seigneur Dieu, ne me delayssés point.

  A016000390 

 Seigneur, disoit le Roy David, vous m'aves enseigné des ma jeunesse, et jusqu'à present j'annonceray vos merveilles.

  A016000391 

 Pour moy, je me res-jouy infiniment avec vous de quoy l'Espoux sacré a touché les entrailles de vostre ame et vous a fait odorer le parfum de ses attraitz, et ne puys m'empescher de vous dire que vous couries apres luy, et que vous couries de sorte que vous le puyssies attaindre.

  A016000391 

 Vous estes bien heureuse d'avoir un mary si chrestien comme est celuy que Dieu vous a donné en sa debonnaireté, car le joug du Sauveur, qui est en soy si doux et suave, le devient encor davantage quand deux le portent ensemblement..

  A016000392 

 Je ne cesseray jamais de vous honnorer d'un respect et amour fort particulier, et vous souhaiteray tous-jours la perfection du divin amour.

  A016000403 

 Ce me sera tous-jours une grande consolation de sçavoir que vous et vostre Congregation profites au service de nostre commun Maistre, et si j'estois digne de contribuer a vostre advancement, personne du monde ne s'y employeroit plus volontier que moy..

  A016000404 

 Or, pour le regard de l'advis que vous me demandes, je vous diray sans hesiter, que vous ne deves [18] nullement vous obliger a la closture; vostre Institut ne tend pas a cela.

  A016000405 

 Voyla mon advis, que je vous escris sans loysir, vous suppliant de m'aymer tous-jours en Nostre Seigneur et me recommander perpetuellement a sa misericorde..

  A016000411 

 Mais ce pendant, nostre cher cœur comme se porte-il en vous? Helas, ma tres chere Mere, que je luy desire de benedictions! Quand sera-ce que l'amour, triomphant entre toutes nos affections et pensees, nous rendra tous unis au cœur souverain de nostre Sauveur, auquel le nostre aspire incessamment? Ouy, ma tres chere Mere, il y aspire incessamment, quoy que insensiblement pour la pluspart du tems.

  A016000413 

 Helas! ma tres chere Mere, que la vanité fait de tort a ces chetifz petitz espritz, qui ne se connoissent pas et se mettent entre les hazars! Mais pourtant, comme vous sçavés, en bien remonstrant, il faut user d'amour et de douceur; car les advertissemens font meilleure operation comme cela, et autrement on pourroit detraquer ces cœurs un peu foibles.

  A016000413 

 Seulement, je ne sçai comme vous pourres dire que vous sçaves la dissension.

  A016000413 

 Voyés ce billet qu'on m'a envoyé [20] ce matin; et parce que je n'ay point veu cette pauvre creature, et que peut estre vous la verrés devant moy, j'ay pensé que je ferois bien de vous l'envoyer.

  A016000423 

 La femme delaquelle vous m'escrives, m'a donné [21] un desplaysir extremement sensible, ma tres chere Fille, d'estre allee en un lieu ou elle ne pouvoit estre sans donner un tres grand scandale.

  A016000424 

 cecy affin que vous sçachies respondre doucement a ceux qui murmurent..

  A016000425 

 Je n'escris pas a M me la Generale, mais puis [22] qu'elle se confie en vous, vous luy dires que cette creature s'en est allee a Belley, et espere qu'elle ne reviendra plus que pour amasser ses hardes et se retirer du tout..

  A016000426 

 Mais vous, ma tres chere Fille, vives tous-jours toute a Dieu, qui vous y a tant obligee par les graces et instructions quil vous a departies; et je suis, d'un cœur parfait,.

  A016000439 

 Puysqu'il vous pleut m'accorder la liberté de monsieur de Charmoysi, mon parent, je l'attens infalliblement de vostre bonté, laquelle j'ay des-ja supplié tres humblement par quattre diverses lettres, d'en avoir la memoire qu'ell'a accoustumé de tenir en faveur de ses tres obeissans serviteurs, entre lesquelz je suis des plus certains.

  A016000456 

 Faites voir, je vous prie, ces lettres a nostre madame des Gouffier, et les voyes vous mesme; c'est affin qu'elle considere si je dis bien au P. Grangier selon ce qui s'est passé..

  A016000457 

 J'irois tres volontier la, pour luy gaigner la peyne de venir et pour me gaigner le contentement de vous voir; mais j'attens M. Berthelot, et ne sçai l'heure quil viendra.

  A016000468 

 Vous estes absolument dame de tout ce qui est en mon pouvoir; tout ce que vous m'envoyerés sera retiré et gardé soigneusement.

  A016000469 

 Nous nous attendons au bien de vous voir, en ces noces, desquelles la presence de monsieur vostre mari [27] et celle de nostre seur et la vostre seront la meilleure consolation que je puiss' avoir..

  A016000470 

 Je suis grandement desplaysant de n'avoir encor point l'ordre de la liberté du cher cousin, car vous pouves penser comme ce retardement luy est ennuyeux et combien d'imaginations il luy peut causer.

  A016000498 

 La nouvelle peyne en laquelle le sieur de Charmoysi se treuve a cause du danger de peste qui l'environne, [29] ains le presse dedans sa mayson mesme me fait encor une fois supplier tres humblement Vostre Grandeur de m'envoyer l'ordre quil vous a pleu, Monseigneur, de m'accorder pour sa liberté, affin qu'il puisse au plus tost s'oster de cette mayson suspecte et, apres sa quaranteyne, s'esloigner de ces perils..

  A016000499 

 Le bonhomme monsieur du Noyeret a quelque opinion, et moy aussi, que Vostre Grandeur n'ayt pas receu la lettre de sousmission moyennant laquelle elle m'avoit gratifié de le vouloir eslargir, et ses enfans, puisqu'il n'a point encor la jouissance de cette faveur; c'est pourquoy il a derechef escrit la ci jointe, laquelle, en son nom, je presente a Vostre Grandeur, avec tres humble supplication que je vous fay, Monseigneur, de l'exaucer et moy aussi..

  A016000519 

 Je vous remercie de la part qu'il vous plait me faire de vos nouvelles, que je mesnageray tous-jours le plus [31] discrettement que je pourray.

  A016000519 

 Vous aures les primices du vin grec de Monpelier, lesquelles, puysque j'avois destinees a monsieur le Marquis de Lans, nostre gouverneur general, se rencontreront a propos entre vos mains pour luy estre donnees, bien que je ne me veuille pas pour cela exempter de luy envoyer les secondes traittes, desquelles aussi, peut estre, reciproquement vous fera-il part..

  A016000520 

 Mes freres sont tous vos serviteurs et se rendront tous-jours pour vous suivre par tout; mais voyla Bernardet qui me dit qu'il n'est plus tems pour ce coup, puysque Son Excellence part soudain apres disné, estant arrivee des ce soir passé..

  A016000522 

 Je prie Dieu quil vous comble de benedictions, et suis sans fin,.

  A016000538 

 Ce n'est que pour vous remercier bien simplement que je vous escris ce billet, me sentant extremement obligé dequoy vous aggrees si fort mes lettres et l'affection que je porte a vostre ame, a laquelle en verité je souhaite toute sainte consolation et perfection..

  A016000539 

 Je fay un mot de response a la bonne madamoyselle des Crilles, puisqu'il vous plaist de l'envoyer..

  A016000540 

 Dieu la rende si brave et si bonne que vous en ayes le contentement que vous en deves esperer..

  A016000552 

 Je vous prie de prier pour elle, encor que je croy qu'elle prie pour nous.

  A016000560 

 Je prie Nostre Seigneur, qui est l'Aigneau que nostre grand saint Jean nous monstra, qu'il vous reveste toute de la tres sainte laine de ses merites, ma tres chere [35] Mere, ma Fille.

  A016000561 

 Dieu et le grand saint Jean vous veuillent visiter en la douceur de leurs consolations, avec toutes nos filles..

  A016000570 

 Ce m'a esté une lettre bien douce que celle que vous m'aves envoyee pour tesmoignage du contentement que vous avés de mon retour; car bien que je ne puisse jamais douter de vostre sainte amitié, si est ce que ces petites marques me sont aggreables.

  A016000570 

 Maintenant que vous estes, comme vous [36] dites, en solitude, je vous prie, ayes bien reciproquement souvenance de moy, affin quil plaise a Nostre Seigneur me donner les effectz des vertus desquelles il m'a donné le desir..

  A016000570 

 Vous aves tous-jours esté en ma memoire, mais sur tout es lieux pieux que j'ay visité.

  A016000571 

 Elle me prie fort particulierement de vous saluer de sa part, et je le fay en vous saluant moy mesme de la part de mon cœur qui vous souhaite mille et mille benedictions, comme fait M me de Chantal..

  A016000586 

 Ce sera moy, si je puis, qui le premier vous annonceray, ma tres chere Fille, l'arrivee du bienaymé Celse [37] Benine.

  A016000586 

 Il vint hier au soir tout tard, et nous eusmes de la peyne a le retenir de vous aller voir dans le lit, ou vous esties toutes indubitablement..

  A016000588 

 Or sus, je vous iray voir, si je puis, mays sobrement; car aupres d'un objet si aymable, nous ne sçaurions pas bonnement estre visibles..

  A016000589 

 Je me contenteray de ne cesser point de vous cherir autant comme ma fille, que vous le cherires comme vostre filz; et si, je vous desfie de faire mieux que moy ce mestier..

  A016000597 

 Je ne pouvois pas, ce me semble, vous offrir chose plus aggreable, Madame, ni qui tesmoignast mieux a Vostre Grandeur qu'en mon voyage j'ay eu memoire de recommander a la divine Majesté vos vœux et souhaitz par l'intercession de ce grand Serviteur de sa gloire..

  A016000597 

 La commodité d'une si digne porteuse m'a donné le courage de vous presenter des reliques que j'ay aportees de Milan, du grand saint Charles Borrhomee, saint qui a vescu en ce mesm'aage auquel nous sommes, mais a la façon de ces anciens Evesques sous lesquels l'Eglise a tant fleuri.

  A016000598 

 Ainsy, pour mille grandes obligations que j'ay, je veux continuer toute ma vie a reclamer la grace et Bonté caeleste sur vous, Madame, et demeurer invariablement,.

  A016000611 

 Autant que je puis connoistre, il m'est advis que vous pouves et deves venir, puysque monsieur d'Avise continue en sa parole et la damoyselle en la correspondance de son amour.

  A016000613 

 Vous sçaures toutes autres nouvelles par monsieur l'Abbé et par la lettre de Jaques, lequel est esperdument amoureux, et qui le voudroit ouïr, il seroit occupé jour et nuit au discours de sa passion.

  A016000629 

 J'ay receu le livret ainsy que vous l'avés donné a cette bonne fille; je vous le rendray fort fidelement de la mesme sorte, car, nous en sommes fort resoulus, il ny a rien de reservé en nous que nous ne voulions estre pour sa divine Majesté..

  A016000631 

 Je n'ay pas eu loysir de voir nostre Visitation despuis vous, parce que M. d'Abondance ne fait que de partir tout maintenant, lequel a logé ceans..

  A016000632 

 Je vous envoye encor des devotions de saint Charles; [42] les reliques sont de l'epoque que je vous dis.

  A016000643 

 Je l'accompaigne de ma supplication envers vous, affin qu'il [43] vous playse le recevoir avec cette charité qui vous a consacré au service de Dieu des vostre jeunesse et que je prie Dieu ne vous abandonner jamais..

  A016000644 

 Ou je suis extremement trompé, ou vous treuveres un esprit aggreable en ce bon personnage, lequel vous recommandant derechef, et moy en vos saintz Sacrifices, je demeure sans fin..................................................................................................................

  A016000655 

 Je l'ay recommandé a monsieur de Berulle, mais je le vous confie et a vostre Chapitre.........................................................................

  A016000655 

 Vous m'eussies consolé, en passant a Chamberi, de me dire des nouvelles et particularités de la Congregation que j'affectionne et de laquelle la naissance me donne mille contentemens.

  A016000667 

 Ce billet n'est que pour vous advertir que nostre bonne seur de Chantal est la meilleure et plus grande lettre que je vous puisse envoyer, car elle vous peut dire toutes choses et parler de mon cœur envers vous comme du sien mesme.

  A016000667 

 Elle me rapportera dedans le sien tout ce [45] que vous luy confierés.

  A016000667 

 Je vous prie aussi de luy bien confier, car il y a si long tems que je ne voy rien de vostre cœur, que le mien en est mortifié..

  A016000668 

 Croyés bien cette chere seur, sur tout quand elle vous asseurera que je suis plus parfaitement vostre que chose du monde, car je le suis en verité.

  A016000668 

 Je ne prie point sans vous, je ne celebre point sans vous; et si, je ne le dis pas par vantance, car je m'y sens infiniment obligé..

  A016000680 

 J'attens de mesme, Monseigneur, la faveur quil vous pleut m'accorder pour les sieurs de Charmoysi et du Noyeret.

  A016000694 

 Comme je vous donnay connoissance de ce petit voyage de Gex, aussi veux-je donner advis a Vostre [47] Excellence de mon retour, et qu'hier, environ les trois heures que j'en partis, je laissay le baillif de Nion et quelques autres Bernois qui vindrent prier monsieur le Grand de France de faire revenir ses trouppes, attendu qu'ilz estoyent asseurés que vous, Monsieur, ne desarmies point et que les trouppes piemontoises et espagnoles passoyent les mons. A quoy monsieur le Grand respondit quil les remercioit de l'advertissement, mays qu'avant que rien remuer, il attendroit M. d'Amanzé, quil avoit envoyé par deça aupres de Vostre Excellence, pour apprendre ce qui est du desarmement.

  A016000711 

 Vous verres bien que, parmi tant de destours, nous ferons prou et que Nostre Seigneur nous conduira par les desertz a sa sainte terre de promission, et que de tems en tems il nous donnera dequoy priser les desertz plus que les fertiles campaignes, dans lesquelles les blés croissent en leurs saisons, mais la manne pourtant n'y tombe pas..

  A016000712 

 Mon Dieu, ma tres chere Mere, quand vous m'escrivistes que vous esties une pauvre abeille, je pensay que je ne le voudrois pas tandis que vos secheresses et afflictions interieures durent; car ce petit animal, qui en santé est si diligent et pressant, perd le cœur et demeure sans rien faire tout aussi tost qu'il est malade.

  A016000712 

 O Dieu, ma Fille, mettons nous ainsy devant nostre Soleil crucifié, et puis disons luy: O beau Soleil des cœurs, vous vivifiés tout par les rayons de vostre bonté; nous voyci mi mortz devant vous, d'ou nous ne bougerons point que vostre chaleur ne nous avive, Seigneur Jesus..

  A016000713 

 Nostre cœur, et le cœur de nostre cœur veillera amoureusement sur vous.

  A016000721 

 Il y a environ un moys seulement que je receu la lettre qu'il vous pleust de m'escrire le second du moys de julliet; despuis, j'ay tous-jours esté ou en voyage ou malade, et n'ay sceu vous rendre la response que vous desiriés, ou, pour mieux dire, la response que vous ne desiriés pas, si j'ay bien sceu connoistre l'inclination en laquelle vous esties lhors que vous me fistes la faveur de m'escrire..

  A016000722 

 Maintenant, vous pouves penser si je puis bien satisfaire a vostre demande, puysqu'a la foiblesse ordinaire de mon esprit, l'extraordinaire de mon cors, accablé des lassitudes que la fievre m'a laissees, apporte un nouveau [51] surcroist d'imbecillite.

  A016000722 

 Mays un si bon entendeur comme vous estes, verra asses mon intention, quoy que mal estallee..

  A016000732 

 Donc, s'exciter à mieux remplir sa tâche, puisqu'il vous semble ne l'avoir pas fait exactement jusqu'à ce jour, c'est bien mieux que de l'abandonner tout à fait.

  A016000733 

 Il me semble entendre le Christ dire: Simon, fils de Jean, ou Pierre-Jean, m'aimes-tu? et Pierre-Jean répondre: Vous savez que je vous aime.

  A016000733 

 Il n'y a point de meilleure preuve d'amour que de vous acquitter de ce ministère..

  A016000735 

 Au demeurant, une jeune fille de Chamberi s'estant laissee porter trop avant en l'amour d'un jeun' homme de vostre ville, et se desfiant que les pere et mere d'iceluy n'apportent quelque difficulte au mariage necessaire pour couvrir son honneur et pour accomplir les mutuelles promesses sous lesquelles elle proteste d'avoir encouru le hazard de sa reputation, elle m'a fait prier d'interceder vers vous, Monseigneur, affin qu'il vous playse d'employer vostre charite vers lesditz pere et mere du jeune homme, pour les disposer a consentir a un' honnorable conclusion de l'amour d'iceluy et d'elle; attendu mesmes qu'ell' est d'une parentee fort recommandable, fille de la seur de monsieur Boursier, ancien secretaire d'Estat de Son Altesse.

  A016000735 

 Ce gentilhomme, son cousin germain, vous desduira mieux que je ne vous sçaurois escrire ses intentions, lesquelles estant bonnes et raysonnables a [54] mon advis, je ne fay nulle difficulte de vous supplier de rechef de les avoir en recommandation, et moy sur tout en vos saintz Sacrifices, puysque je suis plus que nul homme du monde,.

  A016000741 

 Je me res-joüis de la reciproque consolation que vous et monsieur le Grand aures euë en vostre entreveuë..

  A016000749 

 Parmi les lassitudes et autres ressentimens que la maladie m'a laysse, j'ay dresse le Memorial qu'il vous [55] avoit pleu desirer de moy, et ay voulu y adjouster un abbrege, affin qu'il vous fust plus commode en vos confessions de le porter et voir, le grand vous demeurant comme en reserve pour y avoir recours en vos difficultes et en tirer l'esclarcissement de ce qui se treuveroit obscur en l'abbrege.

  A016000749 

 Vous y treuveres, Monsieur, des marques de ma maladie; car si j'eusse fait ce petit ouvrage en pleine sante, j'eusse sans doute employe un soin plus exacte de le rendre moins indigne de vostre reception.

  A016000750 

 Mais, Monsieur, si Dieu vous a si amiablement inspire d'aspirer a l'eternite de la gloire, il vous a quant et quant oblige a recueillir humblement et prattiquer soigneusement son inspiration, sous peyne d'estre prive de cette grace et gloire; privation laquelle, a l'ouyr nommer seulement, remplit le coeur d'effroy, pour peu qu'il ayt de courage..

  A016000751 

 C'est pourquoy, en la simplicite de mon ame, je vous conjure, Monsieur, d'estre fort attentif pour bien conserver ce que vous aves, affin que vous ne perdies point vostre couronne.

  A016000751 

 Vous estes indubitablement appelle a une devotion masle, courageuse, vaillante, invariable, [56] pour servir de miroüer a plusieurs en faveur de la verité de l'amour celeste; digne reparation des fautes passees, si jamais vous l'avies esté de la vanité des amours terrestres..

  A016000752 

 En suite duquel il faut que je vous supplie de rechef, Monsieur, de prattiquer diligemment les exercices que je marque es chapitres X, XI, XII et XIII de la seconde Partie de l' Introduction, pour le mattin et le soir, pour la retraitte spirituelle et pour les aspirations en Dieu.

  A016000752 

 La bonté de vostre esprit, le courage noble que Dieu vous a donné, vous serviront grandement a cette prattique-la, laquelle vous sera d'autant plus aysee qu'il n'est besoin d'y employer que des momens desrobbés, ains retirés justement, en diverses occasions, ça et la, sur les autres affaires.

  A016000752 

 Voyés, je vous supplie, Monsieur, comme je laysse aller mon esprit en liberté autour du vostre, et comme ce nom de pere dont il vous a pleu m'honnorer, m'emporte.

  A016000753 

 Oh! si vous pouviés doucement decevoir vostre chere ame, Monsieur, et en lieu que vous aves entrepris de communier tous les moys un an durant (mais un an de douze moys), quand vous auries achevé le douziesme vous y adjoustassiés le treiziesme, puis le quatorziesme, puis le quinziesme, et que vous allassiés ainsy poursuivant de moys en moys, quel bonheur a vostre cœur, qui, a mesure qu'il recevroit plus souvent son Sauveur, se convertiroit aussi plus parfaitement en luy.

  A016000754 

 Ainsy prie je Nostre Seigneur qu'il vous face de plus en plus abonder en ses faveurs, et suis sans fin,.

  A016000754 

 Mais c'est asses dit, Monsieur; l'influence celeste, vostre bon Ange et vostre generosité suppleeront a ce que mon insuffisance ne me permet pas de vous proposer.

  A016000765 

 Non, ma tres chere Fille, je ne suis plus en peyne de l'accident d'avant hier, car j'espere que vous en voyla [58] quitte pour ce coup, moyennant la grace de Nostre Seigneur, a la sainte providence duquel je remetz ma tres unique fille comme moymesme.

  A016000766 

 Je prie la Vierge Marie qu'elle vous tienne en la protection de sa pitoyable maternite, et vostre bon Ange et le mien, quil ( sic ) soyent vos conducteurs, affin que vous arrivies en prosperite entre les accueilz de ce pauvre tres unique pere et de vos cheres filles, qui tous vous attendrons ( sic ) avec mille souhaitz, et particulierement moy qui vous suis en Nostre Seigneur ne plus ne moins que vous mesme..

  A016000766 

 Je veux bien que vous venies demain, si vous vous treuves asses forte, et croyes que si vous aves envie de me voir, je n'en ay pas moins de vous regarder.

  A016000766 

 Mays donques, disnes de bonn'heure, plustost a neuf qu'a dix, affin que vous puissies vous reposer quattr'heures avant que.monter a cheval.

  A016000777 

 J'escriray un memoyre court, mais qui vous sera, comme je pense, utile; bien qu'hier je dis a monsieur Ouvrier mon advis clairement, par le moyen duquel il aura changé d'opinion, mesme quil emporta un des livres qui faysoyent a ce propos.

  A016000777 

 Vous aures, Dieu aydant, tout ce que je pourray, pour le tems que vous me marqués, [60] et demeureray plein [du] desir de vous tesmoigner que c'est de tout mon cœur que je suis,.

  A016000800 

 Or c'est la verité, que je n'entens pas si asseurement ce que vous me dites, que je n'aye quelque sorte de doute de me tromper; neanmoins il m'est advis que je vous entens suffisamment pour vous respondre..

  A016000800 

 Sur tout, il y en a une qui m'a esté d'extreme consolation, y voyant les marques de la parfaite confiance que vous aves en moy, par la communication des accidens et troubles de vostre chere ame.

  A016000801 

 Voyés-vous, ma tres chere Seur, il arrive maintes fois que pensans estre entierement desfaitz des ennemis anciens sur lesquelz nous avons jadis remporté la victoire, nous les voyons venir d'un autre costé dont nous les attendions le moins.

  A016000802 

 Mais avec cela, ma tres chere Seur, il ne faut nullement que vous vous descouragies, ains qu'avec une paisible vaillance vous prenies le loysir et le soin de guerir vostre chere ame du mal qu'elle pourroit avoir receu par ces [63] attaques, vous humiliant profondement devant Nostre Seigneur et ne vous estonnant nullement de vostre misere.

  A016000804 

 En somme, ne vous faschés point, ou au moins ne vous troublés point dequoy vous aves esté troublee, ne vous esbranlés point dequoy vous aves esté esbranlee, ne vous inquietés point dequoy vous aves esté inquietee par ces passions fascheuses; mais reprenés vostre cœur et le remettés doucement entre les mains de Nostre Seigneur, le suppliant qu'il le guerisse.

  A016000804 

 Et de vostre costé, faites aussi tout ce que vous pourres, par renouvellement de resolutions, par la lecture des livres propres a cette guerison et autres moyens convenables; et ainsy faysant, vous gaigneres beaucoup en vostre perte et demeureres plus saine par vostre maladie..

  A016000805 

 Ma tres chere Fille, puisque vostre grossesse vous incommode beaucoup a faire l'orayson mentale longue et ordinaire, faites-la courte et vive.

  A016000805 

 Que si quelquefois le livre vous manque, faites vostre orayson dessus quelque mystere fertile, comme sont ceux de la Mort et Passion, le premier qui se presentera a vostre esprit..

  A016000805 

 Reparés ce defaut par les frequens eslancemens de vostre cœur en Dieu, lisés souvent et peu a la fois quelque livre bien spirituel, faites des bonnes pensees en vous promenant, priés peu et souvent, offrés vos langueurs et lassitudes a Nostre Seigneur crucifié; et quand vous seres delivree, reprenés tout bellement vostre train et assujettissés-vous a suivre les matieres de quelque livre propre a cela, affin que [64] venant l'heure de l'orayson, vous ne demeuries pas esperduë comme celuy qui a l'heure du disner n'a rien de prest.

  A016000813 

 Ce porteur est trop fidele pour le laisser partir sans que je luy donne ces quatre motz qui vous asseureront, sil vous plait, de la continuelle souvenance que j'ay de mon devoir filial envers une si bonne mere comme vous m'estes.

  A016000813 

 Que fusse je autant utile a vostre service comme je suis dedié a vostr' honneur! Au moins n'oublie-je pas de vous souhaiter souvent la paix et consolation celeste pour le bonheur de vostre vie, que Dieu face longue, au milieu de ces chers enfans et des enfans de vos enfans quil vous fait voir..

  A016000814 

 Qu'il est heureux, ce cher frere, d'avoir [65] quitté ce monde de deça, dans lequel il estoit né, pour en conquerir un nouveau et y faire naistre plusieurs ames a Dieu! Madame ma tres chere Mere, je m'en res-jouis avec vous, et suis sans fin.

  A016000829 

 Qu'eussies-vous fait de plus, sçachant le mal que j'avois? car, comme je voy, vous pries tous-jours Nostre Seigneur-pour moy, qui reciproquement ne manque jamais a vous faire part des chetifves oraysons et de la tressainte Messe que je celebre.

  A016000830 

 Je ne vous dis pas que vous aymies ce que vous deves aymer, car je sçai que vous le faites; mais je vous dis que vous soyes esgale, patiente et douce.

  A016000830 

 Tenés ferme, ma chere Fille, entreprenés d'estre parfaitement, le plus que vous pourres, servante de Dieu, selon les advis du livre; car ce sera bien suffisamment pour attirer plus de perfection encor que je n'en ay pas sceu enseigner.

  A016000831 

 Je ne sçai quel mescontentement vous pouves avoir de vos confessions, car vous les faites tres bien.

  A016000831 

 Or sus, demeurés en paix devant Nostre Seigneur, qui vous ayme il y a si long tems, vous donnant sa tres sainte crainte et le desir de son amour.

  A016000831 

 Que si vous n'aves pas bien correspondu jusques a present, il y a bon remede, car il faut bien correspondre d'ores-en-avant.

  A016000831 

 Vos miseres et infirmités ne vous doivent pas estonner: Dieu en a bien veu d'autres, et sa misericorde ne rejette pas les miserables, ains s'exerce a leur faire du bien, faysant le siege de sa gloire sur leur abjection..

  A016000832 

 Je sçai bien que de faire mal de guet a pens vous ne le voules pas; les autres maux ne servent qu'a nous humilier.

  A016000832 

 Je vous ay dit si souvent qu'il faut aller a la bonne foy en la devotion, et, comme l'on dit, a la grosse mode.

  A016000832 

 Ne craignés donq plus, et ne soyés plus a picoter sur vostre chere conscience; car vous sçaves trop bien qu'apres vos diligences, il ne vous reste plus rien a faire autour de luy, qu'a reclamer son amour, qui ne desire de vous que le vostre..

  A016000832 

 Si vous faites bien, loués en Dieu; si vous faites mal, humiliés-vous.

  A016000833 

 Je fay incessamment mille souhaitz de benediction sur vous; et sur tout, que vous soyes humble, douce et toute succree, et que vous facies proffit de vos peynes, les acceptant amoureusement pour l'amour de Celuy qui, pour l'amour de vous, en a tant souffert..

  A016000843 

 Je regrette que vous et monsieur de N. soyes a Paris pour un si fascheux exercice; mais puisqu'il n'y a remede, il faut en adoucir la peyne par la patience.

  A016000845 

 C'est bien asses, Monsieur, vous avoir entretenu pour ce renouvellement de nostre commerce, que je veux, Dieu [70] aydant, continuer, et ne point cesser de vous ramentevoir souvent que je suis invariablement,.

  A016000857 

 A quoy m'assurant vous appourteres tout' aide et faveur, je me remetz pour le reste a ce qui vous sera representé par le sieur Surveillant, auquel j'ay envoyé l'ordre que je desire estre tenu..

  A016000880 

 C'est pourquoy je ne fais point de difficulté de vous supplier de rendre messieurs vos freres favorables a ce gentilhomme que j'affectionne beaucoup [74] et pour ses qualités et pour le proche parentage que j'ay avec luy..

  A016000880 

 Mays monsieur de Monfort Mionnaz, mon proche parent, me vient conjurer d'interceder vers vous, sachant lhonneur que j'ay en vostre bienveuillance, affin quil vous playse le favoriser de vostre recommandation en un mauvais proces quil a a Vienne, ou il sçait que monsieur vostre frere a du pouvoir.

  A016000880 

 Vous ayant envoyé mon frere pour vous ramentevoir mon obeissance et service, je ne pensoys pas vous faire presenter si tost de mes lettres.

  A016000881 

 J'escris ainsy vistement, et vous asseure que je ne veux ceder a personne en la fidelité que je vous ay dediee, en qualité,.

  A016000899 

 Or sus, ma tres chere Fille, ne faites pas tant la discrette, sous pretexte du respect que vous me voules porter, que vous ne m'escrivies tous-jours quand vostre cœur le treuvera bon; car je vous asseure que le mien le treuvera tous-jours encor meilleur.

  A016000909 

 Certes, j'aymerois bien ce mal qui, estant si petit, m'apporteroit tant de consolation; je n'en voudrois vrayement jamais guerir a ce conte, non pas mesme quand ma Mere seroit venue et qu'elle vous auroit amenee avec elle..

  A016000909 

 Vous me rendries certes trop aymable le mal de cette jambe, ma tres chere Fille bienaymee, si a l'occasion d'iceluy vous me venies voir et que vous me traittassies.

  A016000910 

 Mais cependant, puisque vous ne pouves panser cette jambe, pensés un peu a ce cœur de vostre pauvre et chetif pere; priés bien pour luy qui, reciproquement, vous souhaite mille et mille benedictions..

  A016000910 

 Mays, ma tres chere Fille, comme vous sçaves, cela [76] ne doit pas estre ainsy, car encor que l'innocence de ces cœurs de pere et de fille n'ayent pas besoin en leur candeur de tant de retenue, si est ce qu'il faut souffrir celle que l'aigreur des autres cœurs requiert, et que le pauvre pere, tout pauvre pere qu'il est, demeure sans estre visité par ses filles, voire par sa tres chere Mere, sinon qu'il ayt quelque mal qui puisse, par sa grandeur, meriter ce grand bien.

  A016000921 

 Ma tres chere Cousine, sachés que je vous escris le cœur plein de desplaysir pour la perte que j'ay faite, mais plus encor pour l'imagination vive que j'ay du coup [78] que le vostre recevra, quand il entendra les tristes nouvelles de vostre viduité si prompte, si inopinee, si lamentable! Que si la multitude de ceux qui auront part a vostre regret vous en pouvoit diminuer l'amertume, vous en auries tantost bien peu de reste; car nul n'a conneu ce brave chevalier decedé, qui ne contribue une particuliere douleur a la reconnoissance de ses merites..

  A016000922 

 Ce fut Dieu, ma tres chere Cousine, qui vous donna ce mari, c'est luy qui l'a repris et retiré a soy; il est obligé de vous estre propice es afflictions que les justes affections, lesquelles il vous avoit eslargies pour vostre mariage, vous causeront meshui en cette privation..

  A016000922 

 Mais, ma tres chere Cousine, tout cela ne vous peut point soulager qu'apres le passage de vostre plus fort sentiment, pendant lequel il faut que ce soit Dieu qui soustienne vostre esprit et qui luy soit refuge et support.

  A016000922 

 Or cette souveraine Bonté, sans doute, ma tres chere Cousine, s'inclinera vers vous et viendra dedans vostre cœur pour l'ayder et le secourir en cette tribulation, si vous vous jettés entre ses bras et vous resignés en ses mains paternelles.

  A016000923 

 C'est en somme tout ce que je vous puis dire.

  A016000924 

 Dieu et vostre bon Ange vous veiiillent inspirer toute [79] sainte consolation, ma tres chere Cousine.

  A016000924 

 J'en supplieray sa divine Majesté, et contribueray au repos de l'ame du cher trespassé plusieurs saintz Sacrifices; et a vostre service, ma tres chere Cousine, je vous fay tres sincerement offre de tout ce qui est a mon pouvoir, sans aucune reserve, car je suis et veux encor plus puissamment que jamais, faire profession d'estre,.

  A016000936 

 C'est la verité que je suis consolé de sçavoir comme cette pauvre nouvelle vefve se comporte vertueusement; car voyes vous, par ce que je fus l'officier en leur mariage, il m'est advis que sa viduité m'est plus a cœur et que je suis plus obligé de la servir et luy souhaiter du bien.

  A016000937 

 Or sus, vous alles donq aux chams et a vandanges; [80] Dieu soit tous-jours avec vous et vous comble du moust de son amour plus fervent.

  A016000939 

 Ma tres chere Fille, je suis plus incomparablement que vous ne sçauries croire, parfaitement tout vostre..

  A016000952 

 Ayant sceu que vous prenes quelque sorte de scandale dequoy l'on vous donne l'ablution dans un verre apres [81] que vous aves communié, et parce que l'on conduit les espoux et espouses devant l'autel pour celebrer le Mariage, je vous ay voulu faire ces deux motz pour vous exhorter de ne point vous faire ce tort a vous mesmes que de croire que ce que l'Eglise nostre mere ordonne puisse estre mauvais ou inutile..

  A016000955 

 Laissés vous donq conduire, mes Amis et Freres, comme bonnes brebis, a ceux qui, sous mon authorité et celle du Saint Siege Apostolique, vous ont esté donnés pour [82] pasteurs; et Dieu vous benira, ainsy que je l'en prie, estant de tout mon cœur,.

  A016000965 

 Je ne sçai, ma tres chere Mere, si monsieur le premier President a traitté avec vous pour toute la somme que monsieur de Duzonche devoit, car je ne m'en resouviens pas; et neanmoins on me le demande de Foucigni, certains qui doivent traitter avec ledit sieur de Duzonche et a qui il importe..

  A016001020 

 J'estois a Belley quand M. de Blonnay passa en cette ville, et a mon retour je treuvay la lettre quil vous [88] pleut m'escrire le 18 du moys passé, par laquelle vous me renvoyes au recit quil me fera pour certaines particularités, en l'ignorance desquelles je demeureray jusques a son retour de Chablaix, mais avec bonne patience, puisque ce que je dois desirer le plus de sçavoir m'est si amplement tesmoigné par vostre escrit: c'est que vous vives en santé, et moy en vostre bienveuillance, laquelle mesme s'estend a faire des pensees si honnorables pour mes freres, comme est celle que vous me signifies, quoy que couvertement, et que ledit sieur de Blonnay a plus ouvertement fait entendre a mon frere de Thorens, quil gratifia de sa visite en son passage..

  A016001021 

 Et bien que l'insuffisance et la petite mediocrité des moyens de mes freres leur empesche la reception du bien et de lhonneur que vous leur desires, si est ce que la proposition seule né leur peut estre que fort desirable, car elle donnera, pour le moins, quelque commencement de bonn'impression d'eux au Prince; et eux, donques, et moy vous sommes extremement obligés, Monsieur, par cette nouvelle obligation qui nous rend tous-jours plus vos serviteurs..

  A016001021 

 Monsieur, que vous puis-je dire sur cela? sinon que, puisque le bon genie de vostre naturel vous pousse a nous aymer tant sans merite, je le prie de continuer.

  A016001022 

 Au demeurant, quoy que cette nouvelle legation que Son Altesse vous impose ayt beaucoup de charges, ell'a aussi beaucoup d'honneurs; entre lesquelz celuy la, d'estre envoyé comme reparateur des desordres et manquemens qui sont survenus en son service, me semble fort grand et digne qu'il vous soit deferé.

  A016001026 

 Et en attendant des vostres par madame ma cousine, comme vous me faites esperer, je prie Dieu quil vous accompaigne tous deux et comble de benedictions, et suis,.

  A016001042 

 Je ne treuveray neanmoins pas mauvays, ains bon, que vous luy parlies selon que Dieu vous le suggerera..

  A016001042 

 Nous sommes un peu embarassé maintenant; c'est pourquoy je vous diray courtement que si le bon M. le Prieur de Blonnay se pouvoit laisser conduire, il seroit a propos d'entreprendre ce que vous m'escrivés.

  A016001043 

 La bonne M me de Chantal ne sçait pas que je vous escrive, car elle vous escriroit sans doute, ayant un'ame toute particuliere en vostre endroit.

  A016001043 

 On a envoyé prendre les Constitutions de Lion, ou on projette d'en eriger une, et de Paris, pour voir si on en pourra desseigner un'autre; car il vous faut dire telles nouvelles, comm'aussi que j'ay esté deux fois a Bons, ou il s'est fait un peu de bien, mais je ne sçai ce quil aura produit du despuis.

  A016001057 

 Cependant, ces freres vous porteront ces quatre motz, par lesquelz je vous salue avec tout l'amour et lhonneur qu'un frere le plus aymant peut rendre a une seur la plus aymee, et vous envoye un chapelet de ceux qui ont touché les reliques de saint Charles, n'ayant rien apporté de plus praecieux de ce pais-lâ.

  A016001057 

 L'esperance que j'avois d'aller a Sales me faisoit concevoir celle de vous voir.

  A016001057 

 Que si j'eusse creu ne le vous donner moy mesme en main, il y a long tems que je vous l'eusse addressé..

  A016001058 

 Je n'oublie pas de parler a mes freres de vostre desir, mais mon frere de Villaroget, qui doit adjuster l'affaire, est tous-jours long en toutes choses; je presseray neanmoins, affin que vous ayes le cœur content.

  A016001058 

 Vous l'aves, ma tres chere Seur, ma Fille, des maintenant, puisque vous craignes et aymes Nostre Seigneur.

  A016001071 

 Cette seur ne s'en ira pas sans vous porter ce petit bon soir que je vous donne, ma tres chere Fille, avec tout mon cœur qui est tout vostre.

  A016001071 

 Comme que ce soit, ma vrayement tres chere Fille, je vous souhaite mille et mille consolations celestes, et suis infiniment vostre, et.

  A016001071 

 J'espere bien pourtant de vous escrire encor avant vostre passage pour Chablaix, et si vous revenes par ou mes freres ont discouru ce matin, je pense que nous vous reverrons ou peu ou prou.

  A016001073 

 Vous me demandiés l'autre jour des nouvelles de la chere cousine, mais je n'en ay nulle, sinon par une lettre de Monsieur l'Evesque de Montpellier, du 22 octobre, qui me dit simplement qu'elle estoit encor en Normandie; mais maintenant qu'elle a receu des lettres de [94] monsieur son mary qui la rappellent de deça, je croy qu'elle est a son despart, ou par chemin..

  A016001083 

 Et moy je voudrois bien porter tous-jours vos peynes et travaux, ou au moins vous ayder a les supporter; mais puisque la distance de nos sejours ne permet pas que je vous secoure d'autre sorte, je prie Nostre Seigneur quil soit le protecteur de vostre cœur et quil en bannisse toute tristesse des-ordonnee..

  A016001083 

 Je n'ay pas eü le bien de voir monsieur de Rogemont, mais je ne laisse pas de sçavoir que vous aves esté affligee [95] a rayson de certain pasquin qui a couru par dela.

  A016001084 

 Penses vous que le monde croÿe ces pasquins? Il se peut faire que quelques uns s'y amusent et que les autres entrent en quelque soupçon; mays sachés que nostr'ame estant bonne et bien resignee es mains de Nostre Seigneur, toutes sortes de telles attaques s'esvanoüissent au vent comme la fumee, et plus le vent est gros, plus tost elles disparoissent.

  A016001085 

 Jettes vous au ( sic ) pieds du Crucifix, et voyes combien d'injures il reçoit; supplies-le, par la douceur avec laquelle il les a receües, quil vous donne la force de supporter ces petitz brins qui, comm'a sa servente juree, vous sont tumbés en partage.

  A016001085 

 Or sus, ma tres chere Seur, je vous veux dire un mot que saint Gregoire disoit a un Evesque affligé: Helas! dit-il, si vostre cœur estoit au Ciel, les vens de la terre ne l'esmouvroyent aucunement.

  A016001086 

 Au reste, la reveüe annuelle de nos ames se fait, ainsy que vous l'entendes, pour les defautz des confessions ordinaires qu'on supplee par celle ci, pour se provoquer et exercer a une plus profonde humilité, mays sur tout pour renouveller non les bons propos, mais les bonnes resolutions que nous devons appliquer pour remedes aux inclinations, habitudes et autres sources de nos offences auxquelles nous nous treuverons plus sujetz.

  A016001086 

 Mays les ames qui, comme vous, n'ont pas cette commodité, peuvent prendre celle de quelqu'autre confesseur, le plus discret et sage qu'elles treuveront..

  A016001087 

 Et ainsy, en peu de tems, vous aures achevé vostre petite reveüe, sans beaucoup tourmenter ni vostre memoire, ni vostre loysir.

  A016001087 

 Par exemple: vous ne deves pas enquerir combien de fois vous seres tumbee en cholere, car peut estre y auroit il trop a faire; mais simplement vous dires si vous estes sujette a ce desreglement, si lhors quil vous arrive vous y demeurés engagee longuement, si c'est avec beaucoup d'amertume et de violence, et en fin quelles sont les occasions qui vous y provoquent le plus souvent: si c'est le jeu, la hautaineté ou orgueil, si c'est la melancolie ou opiniastreté.

  A016001087 

 Pour vostre seconde difficulté, je vous dis, ma tres chere Seur, quil n'est nullement besoin en vostre reveiie de marquer particulierement le nombre ni les menues circonstances de vos fautes, ains suffit de dire en gros quelles sont vos principales cheutes, quels vos particuliers detraquemens d'esprit, et non pas combien de fois vous y estes tumbee, mais si vous estes fort sujette et addonnee au mal.

  A016001096 

 Mays je viens d'apprendre de plus, que si vous n'acquiesces a cette volonté tant pressante de Monsieur, Son Altesse vous mandera et fera aller recevoir ses commandemens en Piemont, ou si je sçavois que vous peussies effacer les faux entendre sur lesquelz cette persecution vous est faitte, je serois bien ayse que vous allasies; mais je crains, qu'outre la despense, vous ne recevies des nouveaux desplaysirs, car homme d'honneur m'a dit, il ny a pas 24 heures, qu'il sçavoit fort bien qu'en cas que vous vous opposies davantage, on vous fera une nouvelle attaque sur le nom de Gex, lequel ilz presupposent avoir esté pris par vous, quoy que ce soit un nom de prince et d'une terre qui estoit dependante de la couronne de Savoÿe..

  A016001096 

 On vous va signifier la recharge que Monseigneur de [98] Nemours fait pour le razement de vos armoyries et, comme je pense, on vous exhibera la lettre mesme quil en escrit, par laquelle vous verres ce que Sa Grandeur se promet de l'authorité de Son Altesse.

  A016001097 

 Ce sont, a la verité, des estranges et tres malignes passions qui enfantent ces recherches; mays, puis qu'il n'y a remede, je persevere a croire que le meilleur sera [99] de se mocquer de tout ceci, tesmoigner que ni vostre honneur, ni l'estime que les gens de bien font de vous ne depend ni du gravement, ni du razement de ces armoyries.

  A016001097 

 Et vous auries, a mon advis, sujet de dire que, tandis que vous aves veu la volonté de Monseigneur de Nemours representee sous le contreseing de ceux que vous croyies estre les autheurs de cette belle poursuite et que vous vous douties user de surprise, vous aves opposé; mays maintenant que vous voyes la main du sieur Defresne, vous voules obeir sans repugnance..

  A016001097 

 Mays il faudroit faire cela sans monstrer ni contre cœur ni desplaysir, car faysant cela, vous feries deux choses: l'une, que Monsieur connoistroit tant plus tost le tort qu'il permet vous estre fait par la trop grande creance quil a en vos hayneux; l'autre, que ceux qui vous pensent fascher n'en auroyent pas le goust qu'ilz s'en promettent, quand ilz verroyent que vous vous mocques et mesprises leurs attaques et les effets de leurs efforts.

  A016001098 

 Voyla mon advis, et vous asseure que si l'on faysoit le mesme tort qui vous est fait, a mes freres, je m'en rirois et voudrois [avoir] tant de courage que de mespriser le mespris et me moquer d'une si maigre vengeance; car en fin, tous les gens d'honneur voyent bien qu'on vous recherche par pure passion, et que le tems ne porte pas qu'on puisse treuver du remede a ce mal, et qu'en somme, il faut ceder aux volontés des puissances superieures, et qu'en somme, il ni va ni peu ni prou de vostre honneur.

  A016001099 

 Croyes moy, Dieu vous aydera, et fera que cette mauvayse sayson estant passee, il en viendra un'autre ou les vrays serviteurs du Prince auront leur tour.

  A016001099 

 Je vous escris sans loysir, mais non pas sans une tres grande affection de vous rendre du service, et vous supplie de prendre en bonne part mon advis.

  A016001112 

 Ce n'est pourtant que pour vous saluer et tesmoigner que je vous souhaite bon voyage, avec toute sainte consolation, et encor a toute vostre barque, ce pendant que nous [101] irons attendant les saintz jours de l'Advent de Nostre Seigneur, qui nous preparera beaucoup de benedictions, si nous luy preparons bien nos cœurs..

  A016001112 

 Il vaut bien mieux, ma tres chere Fille, vous escrire dans ce mauvais morceau de papier que je treuve sur ma table, que de ne vous escrire point du tout.

  A016001125 

 Vous n'aures pas peu gaigné, ma tres chere Fille, si vous aves reduit M. le Prieur de Blonnay a une vraye indifference, car jusques a present il a esté merveilleusement attaché a son projet.

  A016001126 

 J'escris au cousin, et par ce que je ne sçai ou il est, je vous envoye ma lettre.

  A016001127 

 Et vous, si vous le faites, conserves vous bien et laissés a l'espousee toutes les bonnes consolations que vous pourres, affin que le grand esloignement des siens ne la tourmente.

  A016001127 

 Mon frere de la Thuille nous dira de vos nouvelles, puisque, comme vous m'escrives, il ne fera pas le voyage de M me l'espousee.

  A016001156 

 Aussi vous supplie-t-on en dernier lieu, Sérénissime Princesse, de vouloir bien prier une dame de la cour de se rendre ici de votre part, pour assister à la pose de cette pierre et placer la médaille accoutumée, suivant qu'il vous plaira l'indiquer.

  A016001165 

 Que vous m'obliges grandement a me donner part a ces bonnes et aymables nouvelles du frere Indien, lequel, a mesure que je le sens esloigné de nous selon la distance des lieux, je le sens aussi plus avancé en mon estime, et mon contentement, en la gloire que j'ay d'estre advoué son humble fidelle frere d'acquisition; mot d'acquisition que j'adjouste pour l'ayse que je reçois d'estre sien, vostre et de toute vostre dependence, car autrement, certes, mon affection me semble toute naturelle en force, vigueur et perpetuité..

  A016001167 

 Je luy escris un mot, et vous souhaitant mille et mille vrays contentemens, et a madame ma seur, vostre chere moytié, je suis a jamais sans varier,.

  A016001180 

 Je feray pour vostre fille de Sainte Catherine tout ce qu'il me sera possible; et croyés-moy, je le feray encor plus doucement parce que vous le desires, car j'ay une extreme suavité a faire vostre volonté.

  A016001191 

 Je ne sçai comme il vous peut entrer au cœur que je puisse avoir aucune desfiance de vostre amitié pour tout le secours que vous feres a monsieur le Prieur et a sa trouppe reformee; car je leur souhaite toute sorte de sainte prosperité, et n'ay nulle sorte d'interest en l'evenement de vostre entreprise, sinon celui-la mesme que vous me marqués en vostre lettre estre le vostre: la plus grande gloire de Dieu et le plus grand service de son Eglise; et que Dieu soit servi ou par des Religieux vestus de noir ou vestus de blanc, cela est indifferent.

  A016001193 

 Je vous ay dit candidement mon sentiment sur le sujet de la reformation que vous affectionnés: il y a du respect pour l'une, que j'estime bonne, et pour l'autre, que j'estime meilleure, marry que je serois de perdre la douceur et paisible affection que je dois a toutes deux.

  A016001193 

 Mais ne vous parlay-je pas clair a vostre despart? Ce fut de bon [114] cœur que je dis alhors (je le repete maintenant et le diray encor ci apres): Unusquisque abundet in suo sensu, dummodo glorificetur Christus..

  A016001194 

 Tout le desplaysir que j'ay en ceci, c'est de ne vous pouvoir pas asses plaire et m'accommoder a vostre desir, mesmement en ce qui est d'escrire a Monseigneur le Cardinal Bellarmin.

  A016001196 

 Je sçay qu'un autre moins discret et charitable que vous pourroit beaucoup dire de choses de moy entre les poursuittes, comme il a esté fait a Chamberi; dont je loue Dieu que ce soit vous plustost qu'un autre, bien que, pour parler franchement entre nous, je me sente fort asseuré de n'estre point blasmé de quicomque, sans passion, voudra conferer les tems et les occasions de ce qui s'est passé par mes mains, et de ce qui s'est passé par celles de ceux qui se deulent.

  A016001196 

 Nostre amitié n'est pas fondee sur la reformation ni des unes ni des autres: c'est pourquoy je vous supplie de me bien conserver la vostre au travers de toute cette negociation, comme, de mon costé, je suis invariable en celle que par tant de respectz je vous dois.

  A016001197 

 Je finis donq par ou j'ay commencé, vous remerciant de rechef de la peyne que vous prenes pour ces bonnes ames, [116] qui prient et prieront Dieu pour vous, et vous demeureront extremement obligees avec moy qui, de tout mon cœur, suis sans fin,.

  A016001207 

 Mais je dis de rechef, ma chere Fille, que cette lettre m'a donné des eslans d'amour envers Dieu, qui est si bon, et envers vous, qu'il veut rendre si bonne, que certes, je suis obligé d'en rendre action de graces a sa divine Providence.

  A016001207 

 Si fay, si fay de par Dieu, ma tres chere grande Fille, je sçay bien quel cœur vous aves en mon endroit; mais [117] ne voules vous pas que je prenne le tems et la saison pour y planter les plantes des vertus plus excellentes, desquelles le fruit est eternel? Or sus, je n'ay nul loysir, mais je vous dis en verité, que vostre lettre a embaumé mon ame d'un si delicieux parfum, que de long tems je n'avois rien leu qui m'eust donné une si parfaite consolation.

  A016001208 

 Helas! ma Fille, c'est une grande partie de nostre perfection que de nous supporter les uns les autres en nos imperfections; car, en quoy pouvons nous exercer l'amour du prochain, sinon en ce support? Ma Fille, elle vous aymera et vous l'aymeres, et Dieu vous aymera toutes..

  A016001208 

 Ne vous estonnés point de ce qui s'est passé, mais simplement, humblement, amoureusement, confidemment, reunisses vostre esprit a celuy de cette bien aymable ame, qui, je m'asseure, en recevra mille et mille consolations.

  A016001209 

 Et moy, ma chere Fille, vous m'aymeres aussi, puisque Dieu le veut et, en suite de cela, me donne un parfait [118] amour de vostre ame, que je conjure d'aller de bien en mieux et de mieux en mieux au pourchas des vertus.

  A016001216 

 Mais je vous diray qu'elle est bonne, graces a Nostre Seigneur, et que j'espere qu'elle me servira ces bonnes festes, pour prescher, comme elle a fait le reste de l'Advent. et qu'ainsy nous acheverons cette annee pour en recommencer une nouvelle..

  A016001217 

 O que l'eternité est incomparablement plus aymable, puisque sa duree est sans fin, et que ses jours sont sans [119] nuit, et ses contentemens invariables! Que puissies-vous, ma tres chere Fille, posseder cet admirable bien de la sainte eternité en un si haut degré que je le vous souhaitte.

  A016001228 

 Je vous prie, reposés le plus doucement que vous pourres aupres du petit celeste Enfant; il ne laissera pas d'aymer nostre cœur bienaymé tel que vous l'aves, sans tendreté et sans sentiment.

  A016001228 

 Voyes-vous pas qu'il reçoit la haleine de ce gros bœuf et de cet asne, qui n'ont sentiment ni mouvement quelconque? Comme ne recevra-il pas les aspirations de nostre pauvre cœur, lequel, quoy que non tendrement pour le present, solidement neanmoins et fermement, se sacrifie a ses pieds, pour estre a jamais serviteur inviolable du sien et de celuy de sa sainte Mere et du grand gouverneur du petit Roy?.

  A016001239 

 Celle qui m'empesche d'aller vous dire la Messe aujourd'huy est petite et grande; je vous la diray a nostre premiere veuë..

  A016001240 

 Ce pendant, faites vos petitz et grans changemens avec le plus de perfection qu'il vous sera possible.

  A016001248 

 Que vous diray je? La grace et paix du Saint Esprit soit tous-jours au milieu de vostre cœur.

  A016001257 

 Il m'a parlé du mescontentement de Monseigneur de Maurienne a rayson du proces du curé de Lullin, et parce que, passant en Maurienne, il pourra faire tous bons offices, [124] prenes la peyne, je vous prie, de conduyre un jour M. l'advocat Gros au logis de [monsieur 1'] Abbé, affin qu'il luy face bien entendre l'estat du droit de son frere, curé de Lullin.

  A016001257 

 Je vous en supplie, comme aussi de remettre le paquet ci joint a madame d'Aiguebelette..

  A016001257 

 Voyla nostre monsieur l'abbé qui s'en va fort content en l'esperance de vous treuver a Chamberi.

  A016001258 

 Mais il faut que je vous laisse, car vous voyla glorieux avec ce bon seigneur qui vous cherit bien fort; mais moy, je suis incomparablement.

  A016001265 

 Voyla la lettre, ma tres chere Fille; faites la fermer, et soyés bien ferme en la confiance que nous devons avoir en la providence de Dieu, laquelle, si elle vous prepare des croix, vous donnera des espaules pour les porter..

  A016001266 

 Vous sçaves d'ou me vient une si grande presse, et, Dieu aydant, en seres bien ayse.

  A016001273 

 Nul ne sçait que je vous escrive, mays je [m'assure que] si nostre Mere et nos Seurs le sçavoyent, [elles vous écrirai]ent avec moy, ou elles me prieroyent de vous saluer, [vous aimant] toutes tres cordialement, sur tout nostre Mere..

  A016001273 

 ...............Ma tres chere Fille, releves le plus [que vous pourrez votre] cœur en Nostre Seigneur et le pousses tous-jours plus avant [en son très saint] amour.

  A016001287 

 C'est, a la verité, une honte bien grande pour vous si les laïcs prennent la connoissance de la correction sur ceux du cors auquel on vous a donné pour chef; mais ce sera encor quelque sorte de reproche pour moy qui vous y ay porté, si je ne surveille pas a vous assister, et sembleray estre coulpable de tout ce qui s'y fera, avec vous, bien qu'en verité, ni vous ni moy ne puissions pas tout empescher..

  A016001288 

 Tout cela mis ensemble, me fait vous prier et exhorter [127] de vouloir apporter tout le soin et l'ordre que vous pourres pour reduire ces jeunes gens sur le train de leur devoir, et de me donner advis de leur estat, affin que je puisse rendre tesmoignage de vostre diligence comme de la mienne, et contenter ma conscience, laquelle me pressera par apres a prendre d'autres expediens, si vostre prudence, vigilance et justice ne suffit a la recipiscence de ces discoles, desquelz j'admire d'autant plus la dissolution, que leur naissance les devroit porter a la poursuitte des vertus et de la pieté conforme a leur vocation.

  A016001289 

 Vous sçaves comme et combien tendrement je vous ayme, et particulierement; qui me fait croire que vous prendres cet advertissement aussi doucement qu'avec tres grande affection je vous fay la remonstrance, pour le bien de la Mayson ou Nostre Seigneur vous conserve, et laquelle il veuille rendre si pleine de sainteté que je sçay que vous le souhaittés avec moy, qui suis.

  A016001296 

 Ce pauvre chantre devint, comme vous, sourd, et n'oyoit plus sa melodie; son maistre s'absentoit souvent, et il ne laissoit pas de chanter, parce qu'il sçavoit que son maistre l'avoit pris pour chanter..

  A016001310 

 Au bout de tout cela, sçaches, ma vrayement tres chere Fille, que ce que vous aves ne sont que des sentimens de la portion inferieure de vostre ame; car je m'asseure que vostre superieure portion desadvoue tout cela.

  A016001313 

 Dieu vous benisse, ma chere Fille..

  A016001324 

 Je viens tout maintenant de recevoir les deux lettres que vous avies confiees a M me de Trevernay, et une autre par laquelle elle me specifie la qualité de vostre desplaysir, que je vois estre grandement fascheux pour la multitude des accidens qui semblent attachés aux sujetz dont il vous est arrivé..

  A016001325 

 En fin, Dieu qui vous a conduite jusques a present, vous tiendra de sa tres sainte main; mais il faut que vous vous jetties, avec un total abandonnement de vous mesme, entre les bras de sa providence, car c'est le tems desirable pour cela.

  A016001325 

 Sa divine Majesté attend cela de vous, puisqu'elle vous a tiree a soy pour vous rendre extraordinairement sienne..

  A016001325 

 Si vous le faites, croyes moy, ma chere Seur, vous seres toute estonnee de merveille, qu'un jour vous verres esvanouis devant vos yeux tous ces espouvantailz qui maintenant vous troublent.

  A016001326 

 De cet homme sur lequel vous penses devoir estre jettee une partie de la faute, parlés en peu et consciencieusement; c'est a dire, ne vous estendes gueres en vos plaintes et n'en faites pas souvent; et quand vous en feres, n'asseures rien qu'a mesure que vous aures de la connoissance ou conjectures de la faute, parlant douteusement des choses douteuses, plus ou moins, selon qu'elles le seront..

  A016001327 

 Apaises tant que vous pourres, doucement et sagement, les espritz de messieurs vos parens.

  A016001327 

 Je vous escris du tout sans loysir, en un jour le plus embarrassé que j'aye eü il y a long tems.

  A016001337 

 C'est a vous aussi a qui j'addresse mes responses a Monseigneur de Bazas et a monsieur de Fontayne Duboys, et ce sera a vous, sil vous plait, de leur faire [135] aggreer mes intentions, puisque vous leur aves donnees celles quilz ont de m'aymer.

  A016001337 

 Cependant, selon vostre conseil, je touche un mot, au dernier, d'encouragement a l'erection d'une mayson de la Congregation a Tours; Congregation que j'ay dedans le cœur, devant, je pense, que ni monsieur de Berule ni vous, mays Congregation dedans le cœur delaquelle je ne suis pas digne d'estre, et desirerois neanmoins bien d'avoir quelque place.

  A016001337 

 Dites moy cependant, avant que je sorte de ce propos: seroit ce une grande et blasmable curiosité de desirer de sçavoir un peu plus de particularités de l'establissement et maniere de vivre d'icelle? car voyes vous, je crains de vous le demander et j'ay peyne de m'en empescher.

  A016001338 

 Faites luy donq, je vous supplie, treuver bon l'advis que je luy presente, mais dont je ne l'ose presser, que quelqu'autre face cett'autre [136] besoigne.

  A016001338 

 Helas! je vous asseure, mon bon Monsieur, que je suis tellement accablé d'affaires, ou plustost d'empeschemens, qu'a peyne puis-je derober ça et la des quartz d'heure pour employer a ces escrittures spirituelles..

  A016001339 

 Or sus, salutem a tous ceux qui m'ayment, de vostre connoissance, et mille benedictions a Dieu du repos quil vous a donné en cette sainte Societé.

  A016001343 

 Vous sçaures que le bonhomme M. Nouvelet s'en est allé lethargique; ce sera charité de le recommander a Nostre Seigneur..

  A016001345 

 Faites-moy sçavoir, je vous prie, le tiltre de la Congregation, affin que je sache mettre la superscription convenable; et bien humble salutation a M lle Acarie..

  A016001357 

 Je vous vay rencontrer en esprit au passage que vous deves faire a Lion; et ces quatre paroles vous asseureront, sil vous plait, que sil m'estoit aussi aysé de me porter moy mesme sur le lieu en effect, comm'il l'est a ce porteur, vous me verries, plein de joye et d'amour, le plus empressé de tous autour de vous.

  A016001358 

 Et pensés, Monseigneur, de quel cœur je voudrois les servir; mays vous sçaves mes liens, que rien jusques a present n'a peu rompre.

  A016001358 

 Sil vous plait donques respondre a la demande que vous ont faite de moy ces seigneurs de cette ville la, je vous supplie tres humblement de leur faire sçavoir que ce n'est ni faute d'estime que je face de leurs merites, ausquelz je ne sçaurois jamais correspondre, ni faute de pouvoir que vous ayes sur moy, qui suis tres entierement vostre, mays faute de pouvoir que j'aye moy mesme sur moy mesme, que je ne seconde pas leurs desirs, plus honnorables cent fois pour moy que je ne devrois praetendre..

  A016001359 

 Au demeurant, Monseigneur, quand vous seres avec le grand et parfait ami, resouvenes vous parfois de moy, car ce m'est un playsir incomparable de m'imaginer que ne pouvant jouir du bonheur de vostre presence, je ne laisse pas de vivre en vostre bienveuillance de tous deux..

  A016001385 

 Il les faut faire escrire [140] aujourdhuy, et outre cela, escrire a madame la Comtesse de Tournon, et luy faire un article par lequel vous luy dires qu'elle face prier Monseigneur de Nemours, au nom de Madame la Serenissimo infante Duchesse de Mantoüe, d'escrire a messieurs du Conseil de cette ville qu'en toutes occurrences, ilz ayent vostre Congregation en speciale recommandation.

  A016001386 

 Si vous n'aves pas du beau papier pour escrire, envoyes en prendre vers M. Rolland, mais a vostre nom, car si c'estoit au mien il se courrouceroit, parce que j'en ay trop despensé la semaine passee..

  A016001387 

 Ma tres chere Mere, que Dieu face toute sainte, je vous donne mille fois le bonjour.

  A016001392 

 Voyla donq, ma tres chere Mere, ma Fille, les Pseaumes: vous en pourres prendre, ou les troys derniers pour tous les trois jours, ou varier de trois en trois pour chasque jour..

  A016001393 

 Cependant, quel contentement a ma pauvre ame de vous saluer encor un peu par cett'occasion! vous, dis-je, ma tres chere Mere, que mon ame cherit comm'elle mesme.

  A016001428 

 Mais je vous remercie infiniment de la douceur avec laquelle vous recevés mes intentions qui, en verité, ne sont que sinceres et de servir nostre commun Maistre.

  A016001430 

 Celle du grand Cardinal Bellarmin est fort ample, et peut estre trop; vous pouves, sil vous plait, en extraire un memorial pour presenter au Cardinal Lante et a la Congregation.

  A016001431 

 Nous avons receu les Indulgences cum summo applausu, et ces bonnes Dames vous en sont infiniment obligees, ainsy que nous vous dirons a vostre retour..

  A016001431 

 Par le premier, Dieu aydant, je vous escriray pour la Visitation des eglises des Apostres et vous envoyeray l'Estat de cette Eglise.

  A016001432 

 Puisque vous me parles du P. Monet, je vous prie [149] de le saluer de ma part et, par son entremise, le P. Richeome; et vous suppliant de ne point perdre courage en l'affaire de M me de Gouffier, je demeure de tout mon cœur, Monsieur,.

  A016001437 

 Il y a une lettre de monsieur l'Abbé d'Abondance au P. Benedetto Justiniano, en faveur de l'affaire de M me de [150] Gouffier; mais il faudra, sil vous plait, l'instruire et l'employer es occurrences.

  A016001442 

 Le reste se verra dans les lettres qu'a cett'intention je vous envoye ouvertes.

  A016001442 

 Vous consideres ( sic ) le tout avec la grace de Dieu, que je vous souhaite de tout mon cœur.

  A016001442 

 Vous mesnageres le tout, car j'ay escrit a la haste et a cause du passage du courrier, et en un langage que je ne possede pas trop bien.

  A016001458 

 Je vous escris subitement, ma tres chere Niece, sur le sujet que vous me touchastes dernierement, parce que n'ayant pas eu de porteur d'asseurance, je n'avois pas voulu vous faire responce a ce point la..

  A016001460 

 Mais il faut tesmoigner que vous estes portee d'amour envers elle, et que vous n'aves point eu horreur de son malheur.

  A016001460 

 Mais je croy bien que vous aures de la peyne a treuver la commodité de faire a propos cet office qui requiert beaucoup de loysir; car on nous dit qu'elle est gardee fort soigneusement.

  A016001460 

 Or, quand vous ne feries que luy faire faire un bon souspir, Dieu en sera glorifié.

  A016001460 

 Si donques vous pouvies parler a cette chetifve creature, la prenant un peu doucement et amoureusement, luy remonstrant combien elle seroit heureuse de vivre en la grace de Dieu, l'enquerant si, quand elle [y] a vescu lhors qu'elle vint en cette ville, elle n'estoit pas plus ayse que maintenant, et passant ainsy [155] tout bellement a luy representer son malheur, je pense que cela la pourroit toucher.

  A016001470 

 Or, je vous supplie de prendre la peyne de le conter et donner, et de retirer nostre obligation pour la nous renvoyer a la premiere bonne commodité, avec le solvit..

  A016001472 

 Nous en ferons une a part, monsieur l'Abbé et moy, et puis nous conclurons, et je pense que vous aures du contentement.

  A016001472 

 On m'a dit que la bonne M me du Foug estoit malade; a vostre premiere commodité, je vous prie de m'en faire [157] sçavoir quelque chose, car j'en suis en peyne, et prie Dieu quil la benisse et nous aussi.

  A016001507 

 Aussi, par nos amis (entre lesquels le noble seigneur de Quartery tient un des premiers rangs depuis longtemps), j'ai adressé mes félicitations à Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, et vous, Monseigneur, à votre tour, vous m'avez envoyé vos très cordiales salutations par l'illustre et Révérendissime Abbé de Saint-Maurice.

  A016001508 

 Pour moi, je puis vous promettre un dévouement très fidèle à votre personne et à vos intérêts.

  A016001508 

 Vous pouvez compter sur moi, non seulement pour tous les services fraternels qui dépendent de notre commune vocation, mais encore pour le concours empressé que vous attendriez d'un très dévoué et très humble serviteur.

  A016001509 

 Cependant, je ne cesserai de demander avec instance à notre Seigneur et Sauveur qu'il vous envoie le secours d'en-haut, pour conduire heureusement votre vaisseau parmi les furieuses tempêtes déchainées contre lui, jusqu'au port désiré de la paix et de la bienheureuse piété..

  A016001529 

 Mais en apprenant la promotion de Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime par un révérend chanoine de votre Eglise, qui nous a dit aussi de quels dons le Dieu tout-puissant a comblé abondamment votre Révérendissime personne, notre tristesse s'est changée en joie ou, afin de parler comme la Sainte Ecriture, en cythare, rendant à Dieu de grandes actions de grâces de ce qu'il n'avait pas éteint sa lampe en Jérusalem, mais de ce qu'il avait fait naître à la place des pères un fils, pour l'établir chef sur tout ce pays; en même temps, nous avons songé à vous adresser tous nos vœux de bonheur et de salut..

  A016001531 

 Pour moi, me voici désormais tout dévoué à votre personne et à vos intérêts, je vous en fais la promesse.

  A016001531 

 Qu'il s'agisse de la cérémonie du sacre de Votre Illustrissime Seigneurie, ou de donner secours à votre peuple, suivant l'occasion, par le ministère de nos prêtres, autant que cela dépendra de nous, je vous l'assure, vous me trouverez toujours prêt et tout empressé..

  A016001531 

 Vous pouvez attendre de moi, non seulement les services fraternels qui dépendent de notre commune vocation, mais encore l'assistance la plus humble et la plus dévouée que vous désireriez du plus fidèle et du plus attaché des serviteurs.

  A016001532 

 En attendant, je continuerai avec plus d'instance ce que j'ai fait [164] jusqu'a present, en vous souhaitant, de Dieu notre Sauveur, le secours d'en-haut, afin que, confirme par l' esprit de force, vous conduisiez heureusement votre vaisseau parmi les redoutables tempetes qui 1'assaillent, au port désiré de la paix et de la bienheureuse piété..

  A016001540 

 Je loüe Dieu dequoy vous viendres, car cela sera a propos pour arrester toutes choses avec le bon M. le Prieur, lequel ne desire pas retourner en Chablaix.

  A016001540 

 Mays je vous en ay escrit plus au long par le sieur Jaquart.

  A016001560 

 C'est a tous propos, et pour cela presque hors de propos, que je vous importune des occurrences qui me viennent; mays la faveur de vostre bienveuillance m'asseure.

  A016001560 

 Je vous supplie de prendre la peyne de voir le memorial ci joint, et de considerer si on pourroit en quelque sorte faire ressentir a madame d'Angoulesme l'obligation qu'ell'auroit de tenir compte a la seconde seur de la damoyselle de Charansonay, de la moytié de la [166] legitime de sa mere; car, selon l'advis que vous prendres la peyne, sil vous plait, de m'en donner, je verray si ce sera chose qui se puisse entreprendre.

  A016001560 

 Je vous supplie donq, Monsieur, de me faire la grace que de me faire sçavoir si, toutes choses considerees, c'est une praetention digne d'estre relevee..

  A016001561 

 Je vous escrivis il ny a que trois jours, et a M me de Charmoysi, qui me retiendra de vous entretenir davantage, estant mesmement presse du depart de ce jeune gentilhomme qui, par sa courtoysie, m'offre bien de retarder, mais il n'est pas raysonnable.

  A016001576 

 Je croyois de vous les envoyer escrittes de ma main; mais, comme vous sçavés, je ne suis pas a moy.

  A016001577 

 Mais vous, ma Fille, qui ne pourrés pas chanter les louanges de ce Saint de nostre cœur, vous les ruminerés, comme l'Espouse, entre vos déns; c'est a dire, que vostre bouche estant close, vostre cœur sera ouvert a la meditation des grandeurs de cet Espoux de la Reyne de tout le monde, nommé Pere de Jesus, et son premier adorateur apres sa divine Espouse..

  A016001595 

 Je vous remercie humblement de vostre souvenance et de la venayson, louant Dieu de vostre guerison, que je vous souhaiteray tous-jours longue et heureuse, puisque de tout mon cœur je suis,.

  A016001607 

 Cette lettre, ma tres chere Fille, vous est recommandee, ne sçachant a qui mieux en faire l'addresse a cause [171] du passage du cousin.

  A016001608 

 Dieu vous comble de son tres saint amour, et je suis,.

  A016001631 

 Conferant avec M. vostre Doÿen sur le reglement du service et affaires de vostre eglise, j'ay jugé quil falloit que vous eussies une copie des statutz de nostre cathedrale pour, sur iceux, former les vostres entre vous, et par apres en venir icy traitter avec moy.

  A016001631 

 Il vous expliquera plus amplement mon intention, qui me fera finir la presente me recommandant a vos prieres et disant,.

  A016001646 

 L'autre jour que la bonne madame de Treverney fut icy, je sceu plus amplement la varieté des travaux parmi lesquelz vous vives, ma tres chere Seur, ma Fille, et certes, j'en eu de la compassion, mais plus de consolation encores, sur l'esperance que j'ay que Dieu vous tiendra de sa main et vous conduira, par ce chemin qu'il a frayé, a beaucoup de perfection; car je veux croire, ma chere Seur, que vous voulés demeurer eternellement liee a la tressainte volonté de cette divine Majesté et que vous luy aves consacree toute vostre vie.

  A016001671 

 J'estois il y a un an, et environ ces heures, a Turin, et monstrant le saint Suaire parmi un si grand peuple, plusieurs gouttes de la sueur qui tomboit de mon visage [177] rencontrerent dedans le saint Suaire mesme; et nostre cœur, sur cela, fit ce souhait: Hé, playse vous, Sauveur de ma vie, mesler mes indignes sueurs avec les vostres, et destremper mon sang, ma vie, mes affections dedans les merites de vostre sacree moiteur!.

  A016001682 

 C'est seulement aussi pour vous saluer cherement, ma tres chere Fille, que mon cœur souhaite toute sainte, et par consequent toute tranquille, toute juste, toute douce en la poursuite que vous aves a faire maintenant, sachant bien qu'une once de douceur et de charité emmi le soin d'un proces en vaut dix mille parmi les ordinaires occupations.

  A016001682 

 Je vous escris un billet par ce que c'est sans loysir, a cause quil me faut escrire en beaucoup de lieux.

  A016001695 

 Je vous remercie tous-jours parce que tous-jours vous me favorisés, et je vous remercieray encor tous-jours [180] parce que je ne veux estre tout a fait ingrat, ni je ne puis autrement tesmoigner que je ne [le] veux pas estre..

  A016001696 

 Je loüe Dieu de l'heureux retour de Leurs Altesses et du contentement que vous receves de leurs faveurs, qui sont donnees a vostre zele pour vostre service et dont vous aves rendu de si bonnes preuves ci devant..

  A016001697 

 Vous me rendes trop glorieux, Monsieur, de me promettre l'honneur de la bienveuillance de ce rare ambassadeur de Dieu, qui a si bien traitté des affaires celestes a Saint Jean le Caresme passé, et de me faire esperer la veuë de son Ajo del Christiano, livre qui, par le nom de son autheur et par son tiltre, ne promet rien moins que la perfection de son espece..

  A016001698 

 Cependant vous nous laissés entre l'attente et la crainte [181] de vostre retour soudain et de vostre plus long sejour.

  A016001698 

 Comme que ce soit, Dieu vous comble de prosperité, avec madame ma cousine et tout ce qui vous est plus cher, et j'ay l'ordinaire honneur,.

  A016001722 

 Ce billet escrit a l'impourveu vous saluera, ma tres chere Fille, de la part de mon ame qui ayme parfaitement la vostre en Nostre Seigneur.

  A016001725 

 Salués, je vous prie, de tout mon cœur nostre seur madame de Brescieu, et madame de la Valbonne et madame d'Aiguebelette..

  A016001738 

 Or, je ne dis pas cecy pour vous inquieter.

  A016001739 

 Je pense que j'auray bien tost le brasselet de la presence de Dieu, que je supplie vous benir de toutes [186] les desirables benedictions que vous puissiés desirer, ma tres chere Fille..

  A016001749 

 Je vous supplie de voir la lettre de nostre monsieur de Sainte Catherine et me faire sçavoir, si pourtant vous en aves connoissance, quell' est la sentence dont il fait mention en la 2 me ligne, comm'aussi sil seroit asses tost pour escrire que l'on pourroit bien accepter Monseigneur de Lion pour commissaire; car, a ce que je voy, cela faciliteroit beaucoup l'affaire, et M me de Goffier a receu une lettre de M me l'Abbesse du Paraclit [187] qui oste tout le scrupule qu'elle pouvoit avoir sur la personne de mondit seigneur l'Archevesque..

  A016001750 

 Cependant, engagé dans cet appointement, je vous donne mille fois le bonjour, et suis sans fin,.

  A016001789 

 Ma tres chere Fille, pries tous-jours bien Dieu pour mon cœur, qui vous ayme d'un amour plus que paternel, affin quil se purifie et que l'amour divin y regne sans exception, reserve, ni fin quelcomque; car ainsy ne cesse-je de vous souhaiter une parfaite sainteté..

  A016001790 

 Je m'en vay voir nostre pauvre Mere et la bonne M me d'Escrilles qui m'attendent; je les salueray de vostre part, comme je vous prie de saluer la chere seur..

  A016001819 

 Et ma petitesse s'esleve bien aussi jusques la que de le vouloir faire et penser que je le puis, sans faire tort a ce que vous estes, bien qu'a la verité ce sera chose rare de voir la disproportion d'un si chetif pere avec un enfant si relevé.

  A016001819 

 Et puis, [193] vous ne regardés pas, comme je pense, ma personne, mais cet Ordre sacré duquel elle est doüee, qui est le premier de tous les Ordres en l'Eglise, de laquelle vous aves cet incomparable honneur et bonheur d'estre un membre vivant, et non seulement vivant, mais animé de l'amour sacré, qui seul est la vie de nostre vie, comme vos bons desirs tesmoignent..

  A016001820 

 Car voyés-vous, Monsieur, il appella son cher Benjamin, son filz, avec un cœur si plein d'amour, que pour cela on a despuis appellé ainsy tous les enfans bienaymés de leurs peres.

  A016001820 

 Monsieur, je vous appelleray des-ormais mon Filz: mais parce que vous seriés ennuyé de voir tous-jours les protestations du respect avec lequel j'useray de ce terme d'amour, je vous veux dire une fois pour toutes que je vous nommeray mon Filz avec deux differentes mais accordantes affections, dont Jacob appella deux de ses enfans, enfans et filz.

  A016001821 

 Voyla donq comme je proteste de vous appeller mon Filz: et comme mon Benjamin d'amour, et comme mon Joseph d'honneur.

  A016001822 

 Il se faut bien garder qu'il ne vous regaigne, car ce seroit vous perdre du tout que de vous laisser gaigner a cet infortuné que Dieu a perdu et perdra eternellement.

  A016001822 

 Le monde croit de vous avoir des-ja perdu, il ne vous tient plus des siens.

  A016001822 

 Le monde vous admirera et, malgré sa mauvaise humeur, il vous regardera par honneur quand il vous verra emmi ses palais, ses galeries, ses cabinetz, conserver soigneusement les regles de la devotion, mais devotion sage, serieuse, forte, invariable, noble et toute suave..

  A016001822 

 Que d'ayse, mon cher Filz, quand on me dit que vous estes le seigneur au grand cœur, qui, emmi ces vaines vanités de la cour, demeurés ferme en la resolution que [194] ce cœur a prise de contenter celuy de Dieu! Hé, si faites, mon cher Filz; perseverés a communier souvent et a faire les autres exercices que Dieu vous a si souvent inspirés.

  A016001823 

 Qu'a jamais Dieu soit vostre grandeur et le monde vostre mespris. et je suis ce pere qui vous ayme comme son Benjamin et vous honnore comme son Joseph..

  A016001833 

 J'ay sceu tout ce qui s'est passé pour l'assemblee des trois Estatz de vostre balliage au prejudice de celuy [195] des trois qui a tous-jours esté le premier et le plus favorisé en France, et lequel estant sous ma charge pour ce quartier la, permettes moy, Monsieur, que je me plaigne a vous premierement, et que je vous supplie de voir si ce tort se pourra reparer entre vous et ces bons ecclesiastiques, avant que le devoir de ma charge m'oblige de m'en douloir ailleurs.

  A016001833 

 Je vous honnore de tout mon cœur, et tous nos gens d'Eglise vous tiennent pour leur bon pere; mays en cette cause qui regarde la gloire de Dieu et le respect de l'estat ecclesiastique, nous ne pouvons rien dissimuler..

  A016001835 

 Monsieur, je me prometz qu'y ayant bien pensé, vous nous osteres ce juste sujet de plainte, et nous conserverés, comme je desire a jamais continuer, en l'affection qui m'a fait par tout nommer,.

  A016001846 

 II faut tous-jours, ma chere Fille, que je vous die quelque chose de nos affaires domestiques et de l'estat de la famille a laquelle vous prenes tant de part.

  A016001854 

 J'ay donné en main propre de Monseigneur le Duc de Nemours les deux lettres que vous m'avies addressee ( sic ), comme je feray tous-jours fort exactement tout ce qui sera de vos volontés et en mon pouvoir..

  A016001855 

 Si vous venes asses tost [197] pour le treuver icy, vous verres que je ne brusle point mes ayslerons a ce flambeau..

  A016001856 

 Je ne nie pas, certes, que le favorable tesmoignage que vous rendes a ce pauvre petit livret de l' Introduction ne m'ayt grandement encouragé, et plus en verité que celuy de plusieurs grans personnages qui, sans me connoistre, me l'ont beaucoup recommandé par lettres.

  A016001857 

 Monsieur du Noyeret a esté grandement consolé d'avoir sceu, selon vostre desir, la souvenance que vous aves eue de luy en m'escrivant.

  A016001858 

 Pour moy, quant a present, je n'en ay point de plus grande que d'estre fortement avoué de vous,.

  A016001875 

 Outre l'humble remerciment que je dois et fay a V. R. pour le bon accueil qu'il vous pleut de faire a la supplication que je vous presentay, il y a quelque tems, en [200] recommandation de la fille de monsieur de Lornay des Costes, j'adjouste encor mon intercession a mesme intention, affin quil vous playse faire le billet requis au P. dom Vicayre de Melan, qui a dit audit sieur de Lornay que, moyennant cela, sa fille seroit asseuree de sa place..

  A016001876 

 par ce qu'aussi bien vous doys-je des-ja tout ce que je suis et puis estre, a rayson de tant de faveurs que vous m'aves departies ci devant, et sur tout pour cette rare bienveuillance delaquelle vous rendes tant de tesmoignages a mes amis, qu'ilz m'en glorifient tous extremement, que je vous conjure de me continuer, puis que, vous souhaitant sans fin toute sorte de sainte fœlicité, je suis d'un'affection tres parfaite,.

  A016001890 

 Quant a pourvoir d'un vicayre, [202] je luy en ay nommé un lequel, s'il veut prendre le parti, vous donnera, je m'asseure.

  A016001890 

 de la satisfaction; et en cas qu'il ne veuille, je penseray, entre ci et mardy, ce que je pourray faire pour vous en prouvoir d'un bon..

  A016001891 

 Au reste, je prie Dieu qu'il benisse le voyage de nostre monsieur le baron de Bonvillaret et le vous face revoir, et a madame sa mere, plein de joye et de l'honneur que l'on va chercher a la guerre..

  A016001907 

 Madame vostre seur vous escrit de son voyage, duquel ell'a conferé avec monsieur des Portes.

  A016001908 

 Je prevoy que vous ne viendres pas si tost a cause de la longueur des demain de ce païs-lâ; neanmoins je [204] feray l'advertissement que vous me dites a madame de la Croix, ma cousine, que je treuve fort a propos, bien qu'il ny ait rien a craindre en effect.

  A016001909 

 Vous aures receu une lettre par laquelle ces bonnes Dames de la Visitation demandent une nouvelle faveur a madame ma cousine, que je salue tres humblement, et suis, Monsieur,.

  A016001922 

 J'avois proposé avec un extreme desir de vous aller un peu voir et saluer a cette veille de la grande feste de nostre Maistresse, mais je n'ay sceu..

  A016001929 

 Ma tres chere Seur, A cette premiere fois que je vous escris, je vous veux dire deux ou trois motz de preface, qui puissent servir pour toutes les lettres que je vous envoyeray des-ormais selon les occurrences..

  A016001930 

 En vertu de ce mesme amour, ou possedé ou desiré, asseurés vous, ma chere Seur, que vous et toutes vos filles treuveres tous-jours mon ame ouverte et dediee au service des vostres.

  A016001930 

 Que ni vous ni moy n'y fassions plus aucune preface; car l'amour de Dieu que vous aves sera ma preface envers vous, et le desir que j'ay de l'avoir sera vostre preface envers moy.

  A016001931 

 Certes, ma tres chere Seur, et vous et vos filles estes [206] tres heureuses d'avoir en fin rencontré la veine de cette eau vivante qui rejaillit a la vie eternelle, et de vouloir en boire de la main de Nostre Seigneur, auquel, avec sainte Catherine de tiennes et la bienheureuse Mere Therese, il me semble que vous faites celte sainte priere: Seigneur, donnès-moy de cette eau.

  A016001932 

 Vous n'estes donq point trompees de l'avoir embrassee, mais trompees sont les ames qui, s'y pouvant appliquer, ne le font pas..

  A016001933 

 Et neanmoins, en certaine façon, a ce que je voy, le doux Sauveur de vos ames vous a trompees d'une tromperie amoureuse pour vous tirer a sa communication plus particuliere, vous ayant liees par des moyens que luy seul a sceu treuver et conduittes par des voyes que luy seul avoit conneuës.

  A016001933 

 Relevés donq bien haut vostre courage pour suivre soigneusement et saintement ses attraitz, et tandis que la vraye douceur et humilité de cœur regnera parmi vous, ne doutés point d'estre trompees..

  A016001934 

 Je m'asseure que son Superieur ne [207] vous la refusera pas tandis que vous en useres avec discretion et sans luy donner trop de distraction..

  A016001934 

 Le frere N. est un vray ignorant, mais ignorant qui sçait plus que beaucoup de sçavans; il a les vrays fondemens de la vie spirituelle, et sa communication ne vous peut qu'estre utile.

  A016001935 

 Je n'ay peu encor lire les livres que vous m'aves envoyé, ce sera a mon premier loysir.

  A016001935 

 Vous aves bien fait de vous apprivoyser avec la bienheureuse Mere Therese, car en verité, ses livres sont un thresor d'enseignemens spirituelz..

  A016001936 

 Sur tout, faites regner entre vous la dilection mutuelle, franche, spirituelle; la communauté parfaite, tant aymable et si peu aymee en ce siecle, mesme es monasteres que le monde admire; la sainte simplicité, la douceur de cœur et l'amour de la propre abjection.

  A016001937 

 Je seray bien ayse de sçavoir souvent de vos nouvelles, et ne doutés point que je ne vous responde.

  A016001938 

 En particulier, ce m'a esté de la consolation de sçavoir la bonté et vertu de vostre Pere confesseur, qui, avec un esprit vrayement de pere envers vous, cooperée a vos bons desirs et est encor bien ayse que les autres y contribuent.

  A016001940 

 Ma tres chere Seur, je vous escris sans loysir, mais non pas sars une infinie affection envers vous et toutes vos filles, que je supplie toutes de recommander mon ame a la misericorde de Dieu, comme de ma part je ne cesseray point de vous souhaitter benediction sur benediction, et que la source de toute benediction vive et regne a jamais au milieu de vos cœurs.

  A016001950 

 Et bien que quelquefois vous receves des secousses de l'amour propre et de vostre imbecillité, ne vous en troublés point, car Dieu le permet ainsy affin que vous luy serries la main, que vous vous humiliies et reclamies son secours paternel..

  A016001950 

 J'ayme mieux vous escrire sans loysir ni commodité, que de l'attendre plus longuement, ma tres chere Niece, ma Fille.

  A016001950 

 Vostre lettre m'a fort pleu, par ce que j'y voy [209] ces marques de vostre resolution de perseverance au dessein de servir a jamais Nostre Seigneur avec toute la pureté et fidelité que vous poures.

  A016001951 

 L'esperance de vous voir avec madame la Premiere m'excuse de vous parler plus au long par escrit, principalement pressé comme je suis.

  A016001951 

 Salues, je vous prie, de ma part, M me de la Flechere, et toutes deux ensemble M me d'Aiguebelette, si ell'est la..

  A016001965 

 Helas, ma tres chere Fille, que dires vous de ce pere qui tarde tant a respondre? Certes, ce n'est pas faute de memoyre, et moins de volonté, mays j'ay un peu douté ou vous esties jusques des il y a trois jours, que je sçai que vous estes la..

  A016001966 

 J'escris donq a M. le Premier selon vostre desir, bien que je sache combien peu vous aves besoin d'intercession aupres de luy qui vous honnore tant..

  A016001967 

 Vous treuveres la lettre ci jointe d'un peu longue datte, mays il ny a remede; nostre bonne Mere qui l'escrit, ne me voit point sans que nous parlions de vous comme de celle qui nous ayme tant..

  A016001969 

 Ma tres chere Fille, en fin, de quel costé que nous nous retournions, nous ne treuverons rien digne d'estre estimé que la grace de Nostre Seigneur, a laquelle je [211] ne cesse point de vous recommander, comme estant tres parfaitement vostre et.

  A016001982 

 Les meilleurs moyens pour exprimer cette passion sont ceux dont vous me gratifies, pourveu que l'on y entende une merveille que j'appellerois miracle, si je n'en estois l'ouvrier, apres Dieu et vostre commandement: car ordinairement, l'amour paternel est puissant parce qu'il descend comme un fleuve qui prend sa source de la pente; mais en nostre sujet, le mien, qui sort de ma petitesse, en remontant a vostre grandeur, il prend vigueur a la montee et accroist sa vistesse en s'eslevant: c'est parce que, si les autres se [212] contentent de ressembler a l'eau, celuy-ci est comparable au feu.

  A016001983 

 Dieu vous tienne de sa sainte main et establisse de plus en plus ce genereux et celeste dessein qu'il vous a donné de luy consacrer toute vostre vie.

  A016001984 

 Et vous purgeant souvent par le doux et gratieux syrop magistral de la confession, Monsieur, j'espererois que vous demeureries comme un celebre pyrauste entre les flammes, sans endommager vos aisles.

  A016001984 

 Monsieur, a mesure que vous connoissés que l'air de la cour est pestilent, usés soigneusement de preservatifz.

  A016001984 

 Ne sortés pas le matin que vous ne porties sur le cœur un epitheme du renouvellement de vos resolutions fait en la presence de Dieu.

  A016001984 

 Oh si le soir vous lisies douze lignes dans quelque livret de devotion, apres avoir fait vostre petite orayson! car cela dissiperoit les qualités contagieuses que les rencontres du jour pourroyent avoir jetté autour de vostre cœur.

  A016001992 

 Je me res-jouis de vostre heureux retour, lequel eut esté comblé de consolation pour vous et pour tous les bons et pour moy, si vostre saint zele eut eu le succes que vos remonstrances requeroyent.

  A016001993 

 J'espere que l'esté ne se passera point sans que j'aye le bien d'estre quelque tems aupres de vous, ou nous nous entretiendrons plus au long sur ce digne sujet.

  A016001993 

 Mays, ou que je sois, vous m'aves,.

  A016001993 

 Que vous seres heureux, Monsieur, si ce reste de vos jours, que je souhaite grans et bons, vous appliques de plus prez vostre ame a son Principe, dans le repos d'une vie a moytié solitaire, telle qu'est celle que vous faites de deça en comparayson de Paris et de la cour.

  A016002006 

 Tout mon plus grand desplaysir, c'est de voir qu'en fin en fin cette amertume de cœur, que vous me depeignés, vous ravira d'aupres de nous et me ravira une des plus pretieuses consolations que j'eusse, et a ce peuple un bien inestimable; car, des Prelatz affectionnés, il en est si peu!.

  A016002010 

 Mais cependant, Monseigneur, puisque ce pauvre petit clergé de vostre evesché et du mien a le bonheur que vous parleres en son nom aux Estatz, nous serons delivrés de tout scrupule, si apres vos remonstrances nous sommes reduitz en la servitude; car, que pourroit-on faire davantage, sinon s'escrier au nom de l'Eglise: Vide, Domine, et considera, quia facta sum vilis? Quelle abjection, que nous ayons le glaive spirituel en main et que, comme simples executeurs des volontés du magistrat temporel, il nous faille frapper quand il l'ordonne et cesser quand il le commande, et que nous soyons privés de la principale clef de celles que Nostre Seigneur nous a donnees, qui est celle du jugement, du discernement et de la science en l'usage de nostre glaive! Manum suam misit hostis ad omnia desiderabilia ejus; quia viditgentes ingressas sanctuarium suum, de quitus prœceperas ne intrarent in ecclesiam [217] tuam.

  A016002011 

 Et tandis que nostre Josué sera la, nous tiendrons les mains haussees et prierons qu'il ayt une speciale assistance du Saint Esprit; nous invoquerons les Anges protecteurs et les saintz Evesques qui nous ont precedé, qu'ilz soyent autour de vous et qu'ilz animent vos remonstrances..

  A016002011 

 Or sus pourtant, Monseigneur, vous verres nos articles et feres, je m'asseure, tout ce qui se pourra pour la conservation des droitz de Dieu et de son Eglise.

  A016002012 

 De vous envoyer quelqu'un de la part de mon diocese, il n'en fut jamais question.

  A016002013 

 Vous verres la, le Pere Dom Jean de Saint Malachie, a Saint Bernard; si vous le hantes, vous [218] treuveres en luy une veine feconde de pieté, de sagesse et d'amitié pour moy qui l'honnore reciproquement bien fort.

  A016002027 

 Ce qui a esté promis a M. le curé de Sessi, je vous [219] prie qu'on le luy face bon sil se peut, car en verité, la qualité du lieu requiert qu'on le gratifie.

  A016002028 

 Je vous addresse une comission que je ne puis ni eviter ni donner ailleurs; il vous plaira d'en aviser les parties.

  A016002042 

 J'ay veu, ma tres chere Fille, vostre esmotion de colere et de repugnance a l'endroit de ceux qui traittent avec vous asprement.

  A016002043 

 Demeures donq ainsy en une sainte paix, et si M. vostre mary le treuve bon, ne laisses pas d'aller voir ces gens-la pour tesmoigner la charité; mais vous pourres bien estre courte en vostre visite.

  A016002043 

 Mon Dieu, je pense que si vous venies icy l'hiver vous auries bien plus de repos que lâ; mais je n'ay garde d'en plus parler, puisque tant d'autres considerations que je ne sçai pas, peuvent avoir rafroydy le dessein que vous en aviés.

  A016002044 

 Bonsoir, ma tres chere Fille, je vous eseris tous-jours sans loysir, et suis tous-jours pour jamais tres....

  A016002056 

 Je n'ay point de plus grande gloire en ce monde, Monsieur mon Filz, que celle d'estre nommé pere d'un tel filz, ni point de plus douce consolation que de voir la complaysance que vous en aves.

  A016002056 

 Mais je ne veux plus rien dire sur ce sujet, qui aussi m'est indicible; il me suffit que Dieu m'a fait cette grace, laquelle m'est tous les jours plus delicieuse, quand 0n me dit de toutes parts que vous vives a Dieu, quoy qu'emmi ce monde..

  A016002057 

 Ainsy la varieté des visages de la cour et du monde ne donnera point de changement au vostre, duquel les yeux regarderont tous-jours le Ciel auquel vous aspirés, et la bouche reclamera tous-jours le souverain Bien que vous y esperés..

  A016002057 

 Non certes, mon tres cher Filz, quoy que vous changies de lieu, d'affaires et de conversations, vous ne changeres jamais, comme j'espere, de cœur, ni vostre cœur d'amour, ni vostre amour d'object, puisque vous ne sçauries choisir ni un plus digne amour pour [223] vostre cœur, ni un plus digne object de vostre amour que Celuy qui vous doit rendre eternellement bienheureux.

  A016002058 

 Dieu neanmoins ne le voulant pas, puisqu'il permet que je sois attaché icy, ni vous, ni moy non plus ne le devons pas vouloir.

  A016002058 

 Mais pensés, je vous supplie, mon cher Filz, si ce ne m'eust pas esté un ayse incomparable de pouvoir aller moy mesme aupres de vous en l'occasion de ces Estatz, pour vous parler avec cette nouvelle confiance que ces noms de pere et de filz m'eussent donné.

  A016002058 

 Vous seres donq la mon Josué qui combattrés pour la cause de Dieu en presence; et moy je seray icy comme un Moyse qui tendray mes mains au Ciel, implorant sur vous la misericorde divine affin que vous surmonties les difficultés que vostre bonne intention rencontrera..

  A016002059 

 De vous supplier meshuy de m'aymer, je ne le veux plus faire, puisque je puis plus courtement et expressement vous dire: soyés donq mon vray filz de tout vostre cœur, Monsieur, puisque je suis de tout le mien, non seulement.

  A016002068 

 Puisque le brevet requis pour la declaration de la nullité des vœux de madame de Gouffier vostre seur, est expedié en la sorte qu'elle a peu desirer, elle ne peut, ce me semble, mieux tesmoigner qu'elle n'a pas pourchassé sa liberté que pour la reengager plus heureusement a Dieu, qu'en s'approchant de vous pour prendre les resolutions convenables a son entiere retraitte, laquelle ayant choysie en ce lieu et en la compaignie qu'ell'a veüe et consideree plus d'un an, il m'est advis que je dois vous protester, Monsieur, que sa naissance, ses vertus [225] et ses saintes intentions luy ont acquis tout le service que je luy pourray rendre; et que si bien elle sera icy esloignee de la plus part de ses parens, elle sera neanmoins proche de plusieurs personnes qui les honnorent infiniment, et qui l'auront en une consideration si sainte et honnorable, que pour ce regard, Monsieur, vous n'aures nul sujet de blasmer son choix, auquel, puis qu'ell'a eu plus d'attention a contenter Dieu que de servir aux respectz humains, sa divine Majesté sans doute luy donnera toutes les benedictions qu'ell'en doit esperer, et en fera deriver sut vous quelque bonne part, si mes souhaitz sont exaucés: car je le ( sic ) feray toute ma vie pour vostre bonheur, et demeureray de tout mon cœur,.

  A016002084 

 Il reste que je vous supplie d'en parler a Monsieur, ce que je feray presentement, sans attendre davantage que les Peres Barnabites montent si haut pour parler a Sa Grandeur; et il sera a propos qu'elle fasse ce bon office en cette occasion.

  A016002097 

 Nous vous attendions icy, des avanthier, pour achever le projet que vous avies fait de venir estre l'un de nos [229] assistans en l'eglise cathedrale, puisqu'en ( sic ) nous avons treuvé une consideration de juste poids pour dispenser, pour vostre particulier, sur la regle du concours, pour la conservation de laquelle j'ay, jusques a present, fait de la difficulté en cett'affaire.

  A016002097 

 Venes donq, attendu que vous estes de.

  A016002108 

 Ilz entreront donq, et je suis d'advis que vous les facies monter vers vous, affin de leur parler, et puis vous les feres accompagner.

  A016002108 

 Le Pere Superieur et le P. Don Chrisostome vont pour voir la situation de vostre mayson et en prendre [231] les mesures, affin de bien instruire le P. General de la necessité que vous avés du jardin des Peres de Saint Dominique.

  A016002115 

 Que dites vous, ma tres chere Mere, la Messe du P. Don Simplician vous sera-elle suffisante? Si cela n'est, je m'y en vay..

  A016002123 

 En quoy, toutefois, ni eux, ni moy, qui ay eu la charge d'en faire les propositions, n'avons rien eu en plus grande consideration que de faire les traittés de sorte que l'alliance et correspondance qui est et doit estre entre le college de Savoye Chappuysien de dela et celuy de deça, fut saintement et religieusement conservee en tout ce qui en depend; qui nous fait croire que non seulement vous aggreeres, mais que vous loüeres ce qui a esté fait et en favoriseres davantage ce college, puisque Dieu y sera mieux servi et la jeunesse mieux instruite..

  A016002124 

 Et neanmoins, affin que vous nous facies ce bien que de nous conserver vostre douce et desirable bienveuillance, je vous supplie de la nous despartir en cett'occasion, appreuvant nos bonnes intentions, lesquelles sans doute nous vous eussions communiquees avant que d'en venir aux effectz, si le desir pressant de ces Princes nous en eust donné le loysir.

  A016002124 

 Vostre prudence et charité vous [234] conduiront a ce bien, et le respect que nous vous devons nous rendront ( sic ) de plus en plus desireux de nous maintenir en la societé et bonn'intelligence que la bonne memoyre de feu monsieur Chapuis a voulu estre entre nous..

  A016002125 

 Et pour mon particulier, je prieray Nostre Seigneur quil vous comble de ses plus cheres benedictions, demeurant de tout mon cœur,.

  A016002139 

 Non certes, ma chere Fille, je ne seray point en peyne de vostre conduitte si vous marches sur ce chemin la, car Dieu sera vostre guide, et puis vous ne manqueres pas de personnes qui vous donneront conseil pour cela..

  A016002139 

 Si la Providence divine vous employe, ma tres chere Fille, vous deves vous humilier grandement et vous [235] res-jouir, mais en cette Bonté souveraine, laquelle, comme vous sçaves, vous a asses fait connoistre qu'il vous vouloit vile et abjecte a vos propres yeux, par les consolations qu'il vous a donné es essays que vous aves faitz de vous avilir et abbaisser.

  A016002140 

 Selon vostre desir, j'escris au P. Grangier, que je vous prie encor de saluer fort affectionnement de ma part et l'asseurer de mon humble service pour luy.

  A016002140 

 Vous faites extremement bien de tesmoigner une tres absolue indifference, car aussi est ce le vray esprit de nostre pauvre Visitation, de se tenir fort abjecte et petite, et de ne rien s'estimer sinon entant qu'il plaira a Dieu de voir son abjection; et partant, que toutes les autres formes de vivre en Dieu luy soyent en estime et en honneur, et, comme je vous ay dit, qu'elle se tienne entre les Congregations comme les violettes entre les fleurs, basse, petite, de couleur moins esclattante, et luy suffise que Dieu l'a creee pour son service et affin qu'elle donnast un peu de bonne odeur en l'Eglise.

  A016002141 

 J'attendray donques de vos nouvelles plus particulieres sur le service que vous pourres rendre a cette nouvelle plante, laquelle, si Dieu veut estre une plante de la Visitation et une seconde Visitation, sa Bonté en soit a jamais glorifiee..

  A016002142 

 Je suis bien ayse que vous logies aux Urselines: c'est une des Congregations que mon esprit ayme.

  A016002153 

 Et maintenant, c'est par M. de Foras, qui me promet de faire seurement tenir la lettre, que j'employe pour vous annoncer la venue de vostre despeche de Romme, mais despeche si bien faite, que si nous l'avions faite nous mesme nous ne l'aurions pas faite autrement.

  A016002153 

 Je vous en envoyeray une copie, avec une lettre de Monseigneur le Cardinal Bandini, qui vous escrit si courtoysement que l'on ne pourroit rien desirer de plus.

  A016002154 

 Le bon M. de Sainte Catherine m'escrit quil a un peu despensé gros, mais je ne sçai pas que c'est: si je puis, je l'apprendray pour vous en tenir avertie.

  A016002154 

 Monseigneur le Nonce de France est deputé, et le lieu pour estre ouïe sera nostre pauvre chere Visitation; si que il y a toute sorte d'apparence que Monseigneur le Nonce me commettra, et que vous aures le commissaire le plus vostre et qui vous souhaite le plus de sainte consolation qui soit et puisse estre au monde.

  A016002156 

 Dieu vous tiendra tous-jours de sa main droite, ma tres chere Fille, et vous marcheres saintement et asseurement.

  A016002156 

 Fille, de vous tenir dans l'enclos des advis que je vous donnay; ilz sont salutaires en tous tems, mays en l'occurrence en laquelle vous estes, ilz sont necessaires.

  A016002157 

 Salues, je vous supplie, cherement de ma part le P. Grangier et le P. de Vilars, que j'honnore tous deux de toutes mes affections, comm'aussi le bon P. Philippe, en la bienveuillance duquel vous estes obligee de me conserver, puisque c'est par vostre entremise que j'y suis entré.

  A016002172 

 Certes, ma tres chere Fille, vous me faites bien playsir de me nommer vostre Pere, car j'ay en verité bien un cœur amoureusement paternel pour le vostre, lequel je [241] voy bien tous-jours un petit foible en ces ordinaires legeres contradictions qui luy arrivent.

  A016002173 

 Mais, non certes, ma pauvre chere Peronne Marie, cette mauvaise la n'est pas plus brave que vous, mais ell'est plus afficheuse, perverse, surprenante et opiniastre; et quand vous alles pleurer, ell'est bien ayse, par ce que c'est tous-jours autant de tems perdu, et elle se contente de vous faire perdre le tems quand elle ne vous peut pas faire perdre l'eternité.

  A016002173 

 Vous dites bien, en verité, ma pauvre chere Fille Peronne Marie: ce sont deux hommes, ou deux femmes, que vous aves en vous.

  A016002174 

 Ma chere Fille, releves fort vostre courage, armes vous de la patience que nous devons avoir avec nous mesme.

  A016002174 

 Mays quand il arrivera que de sursaut elle vous attaque, encor qu'elle vous face un peu chanceler et prendre quelque petite entorse, ne vous fasches point, mais reclames Nostre Seigneur et Nostre Dame: ilz vous tendront la sainte main de leur secours, et silz vous laissent quelque tems en peine, ce sera pour vous faire de rechef reclamer et crier de plus fort a l'ayde..

  A016002174 

 Reveilles souvent vostre cœur affin quil soit un peu sur ses gardes a ne se laisser pas surprendre; soyes un peu attentive a cet ennemi; ou que vous mettres le pied, penses a luy, si vous voules, car cette mauvaise fille est par tout avec vous, et si vous ne penses a elle, elle pensera quelque chose contre vous.

  A016002175 

 Mays, ma Fille, n'ayes donq point honte d'estre un peu barboullié ( sic ) et poudreuse; il vaut mieux estre poudreuse que tigneuse, et pourveu que vous vous humiliies, tout se tournera en bien..

  A016002175 

 Sachés que Nostre Seigneur et Nostre Dame vous ayant mis au tracas du mesnage, savent bien et voyent que vous y estes tracassee; mais ilz ne laissent pas de vous cherir, pourveu que vous soyes humble et confiante.

  A016002175 

 Soyes bien simple, ne vous fasches point; humilies vous sans descoragement, encourages vous sans presomption.

  A016002191 

 Et sur ce point, ma tres chere Fille, prenes bien garde a parler des Carmelines avec reverence, car leur vertu et perfection vous y oblige; et puisque ce desordre survenu a la Presentation a eveillé le dessein de les faire venir a Lion, il faut esperer que Dieu en tirera plusieurs autres biens..

  A016002192 

 En somme, je treuve que vous vous estes bien conduite, ou plus tost que Nostre Seigneur vous a fort bien guidé en tout cet affaire, et ne pouvois rien desirer de mieux: ce que je dis apres avoir releu vostre lettre.

  A016002201 

 Il ni a moyen quelcomque de faire autrement, et l'importance est, que je ne vous sçauray pas seulement dire un mot de tout ce que j'ay fait aujourdhuy, sinon que j'ay pourtant un peu escrit dans le livre, que j'acheve..

  A016002201 

 Je ne sçai certes plus que faire avec ces gens, ma tres [248] chere et tres honnoree Mere, car ilz me tirannisent et, comme si c'estoit par conjuration, m'empeschent a vive force le bien que j'estime plus que tout, de vous aller au moins un peu voir de mes yeux.

  A016002213 

 Cependant, sil venoit quelque prestre, ne laisses pas de communier, car j'entens qu'hier vous fustes toute alangourie..

  A016002214 

 Je suis vostre comme vous sçaves vous mesme..

  A016002222 

 La bonne M me des Crilles avoit une grande consolation en la creance que vous luy avies donnee de recevoir avec vous son filz, estimant que, sur toutes autres, [251] vostre presence luy seroit salutaire.

  A016002222 

 Mays puisque vous n'en aves pas le desir maintenant, elle vous voudroit prier de le loger au moins en quelqu'autre lieu ou il soit en bonne et vertueuse compaignie, au mieux quil vous sera possible; et croyant que j'aurois bien du credit envers vous, elle m'a conjuré de joindre ma priere a la sienne.

  A016002223 

 Et avec cela, je vous demande encor la continuation en vostre amitié et en vos saints Sacrifices, puisque je suis,.

  A016002241 

 En verité, Monseigneur, vous ne recevrés jamais des affections si fideles en lieu du monde comme vous feres icy, ou elles naissent avec les hommes, vivent avec eux, croissent sans bornes ni limites quand et eux envers la Mayson serenissime de Savoye, delaquelle les Princes se peuvent vanter d'estre les plus respectueusement aymés et amoureusement respectés de tout le monde par leurs peuples: benediction en laquelle Vostre Grandeur a la part qu'ell'a peu voir et remarquer en toutes occurrences.

  A016002244 

 Que si Vostre Grandeur se retire plus loin en un tems d'orage, certes, cela ressentira un abandonnement absolu du pilote et de la barque a la conservation delaquelle toute rayson humaine et divine oblige Vostre Grandeur, et laissera un certain sujet de plainte a tout cet arbre, dont vous, Monseigneur, estes une branche, a laquelle je ne sçai ce que l'on pourra respondre..

  A016002263 

 J'ay une copie de la lettre que j'ay escritte, que je vous feray voir, Dieu aydant..

  A016002263 

 Je vous remercie tres humblement de la part qu'il vous plait de me faire de vos nouvelles, toutes pareilles aux nostres de deça, car j'ay esté aussi prié d'escrire une lettre a Monseigneur le Duc de Nemours pour luy persuader de revenir; le tout, sur les remonstrances de monsieur son procureur fiscal, qui s'eschauffe infiniment a ce dessein.

  A016002266 

 Le grand honneur quil vous portoit requeroit que vous, Monsieur, fussies le seul qui luy fissies cette demonstration de la memoire que vous aves de luy; aussi, nul n'en pouvoit faire egalement.

  A016002267 

 Dieu vous comble de benedictions, Monsieur, selon le continuel souhait de.

  A016002281 

 Dieu soit de plus en plus loué, ma tres chere Fille, dequoy mesme vous aves plus de santé que mon amour cordial envers vous ne me faysoit imaginer sur ce que vous m'aviés escrit.

  A016002281 

 Je vous escris sans loysir..

  A016002300 

 Quel remede, ma tres chere Mere, a cette invincible sujettion de recevoir des gens lhors que plus j'ay le desir de me revoir moy mesme aupres de vous! Il n'y a eu moyen quelconque de m'en eschapper.

  A016002301 

 M. le senateur de Monthouz est ici, qui demain vous ira voir, ainsy qu'il m'a dit, et la cousine..

  A016002310 

 Je vous supplie tres humblement d'interceder en ma faveur; mais ce que je ne desire pas que Monseigneur le Cardinal sçache, je vous-le diray confidemment.

  A016002310 

 Pour cela, le Pere Provincial m'a conjuré de faire ce bon office, et m'a marqué specialement que j'employasse vostre intercession, comme je fay, vous la demandant, Monseigneur, tres humblement et tres affectionnement..

  A016002311 

 C'est pourquoy, Monseigneur, je vous supplie tres humblement d'employer vostre authorité et dexterité pour empescher ce coup, le dessein duquel ne peut proceder que d'envie ou de telle tentation; car c'est honneur a l'estude de Paris d'estendre ses rameaux hors du royaume.

  A016002312 

 Il y a encor l'affaire de nostre Chapitre pour ce petit benefice de Gex, dont j'escris a nostre grand et parfait [265] amy; s'il vous plaist, Monseigneur, vous y contribueres vostre faveur..

  A016002313 

 Et pour le regard du livre de l' Amour de Dieu, je le revoy et fay transcrire, pour l'envoyer, Dieu aydant, ce Caresme a l'imprimeur, qui aura charge de vous faire presenter des premieres copies.

  A016002313 

 J'attendray l'oracle de vostre jugement pour le corriger avant quil viellisse, si vous me faites lhonneur de le voir et de me faire sçavoir les defautz que j'y auray commis, avec autant de liberté comme avec une veritable sousmission je souhaite vostre censure..

  A016002313 

 Je vous confesse a vous, Monseigneur, que cette petite besoigne ne me desplait pas beaucoup; mays j'ay grand peur qu'elle ne reuscisse pas si heureusement que l'autre precedente, pour estre, a mon advis, un peu plus nerveuse et forte, quoy que j'aye tasché de l'adoucir et fuir les traitz difficiles.

  A016002314 

 C'est par nostre M. de Medio que je vous escris, Monseigneur; il prendra, je m'asseure, playsir a vous dire nos petites miserables nouvelles.

  A016002314 

 C'est pourquoy, puisqu'aussi bien vous ay-je des-ja asses entretenu de nos menues affaires, je m'en remetz a luy, me contentant de me souscrire,.

  A016002337 

 Ce bon office, je vous le dois encore, Monseigneur, à cause de la bienveillance que vous me témoignez depuis si longtemps et pour les égards que mérite votre souveraine et inviolable affection envers l'Eglise catholique..

  A016002339 

 En attendant, salut dans le Christ, Illustrissime et Révérendissime Prélat, et que ce même Sauveur vous soit propice..

  A016002351 

 Cependant les nouvelles de la paix se fortifieront, Dieu aydant, et madame ma cousine arrivera pres de vous, qui me gardera de luy faire presentement response..

  A016002352 

 J'ay apris par monsieur du Noyeret une partie de la negociation de Saint Rembert, car il a juge que vous [269] desiries que je la sceusse, puisque monsieur de Corbonnex avoit charge de me la communiquer.

  A016002353 

 Je prie Dieu quil vous comble de contentemens, Monsieur, et suis sans fin,.

  A016002370 

 Je ne veux pas vous beaucoup entretenir maintenant par lettre, car en voyla une vivante qui vous va voir, [270] en laquelle vous lires plus de bien que je ne sçaurois vous en escrire..

  A016002371 

 J'espere de vous voir dans cet hiver, car vous ne le passeres pas sans rendre la pareille de cette visite que vous fait la chere cousine, principalement si monsieur vostre mari fait sejour dela les mons..

  A016002372 

 Helas! je n'ay pas seulement pensé a ce que vous m'escrives de Tharentayse; je fais trop d'estat dé la viduité pour me remarier jamais.

  A016002380 

 Je m'asseure que vous la recevres de bon cœur a cause de son merite, et qu'elle est fille de monsieur et madame de la Ruaz, a qui j'ay lhonneur d'appartenir..

  A016002380 

 Voyci, ma chere Mere, ma niece de la Croix, qui vient des Dames de Bonlieu, a dessein de se faire Religieuse [271] aupres de vous.

  A016002390 

 Je commence des icy, ma tres chere Mere, a vous [272] rendre conte de nostre voyage, duquel cette premiere journee nous donne bon augure.

  A016002390 

 Voyla pourquoy je vay encor plus joyeusement voir si Dieu se servira de moy en quelque chose pour sa gloire; car saches, ma tres chere Mere, que j'ay eu en chemin, et ce matin encor plus, des grans sentimens de la grace que Dieu fait a ceux qu'il employe a son service et ausquelz il donne le vray goust des vertus, ayant eu cette pensee sur les paroles que l'Eglise inculque et qui donnerent le dernier coup a la conversion de saint Augustin: Non point es banquetz et ivroigneries, non point es couches et impudicitès, mais revestes vous de Nostre Seigneur Jesus Christ.

  A016002393 

 Je suis vous mesme, ma tres chere Mere, vous le sçaves bien, tres parfaitement vostre.

  A016002393 

 Le cher filz vous bayse tres humblement les mains; il arriva hier, ainsy que nous entrions a table, c'est a dire a 5 heures..

  A016002419 

 Je vous donnay advis, a mon départ d'Annessi, comme je venois en Valley pour la consecration de Monseigneur l'Evesque de Sion qui, des il y a longtems, m'y avoit convié, et a la celebration delaquelle j'estois necessaire en quelque sorte, puisqu'il n'avoit point d'Evesque plus proche qui luy peut rendre cet office avec moins d'incommodité que moy.

  A016002422 

 Il falloit bien, Monsieur, vous dire tout, en gardant pour la bonne bouche que ce nouveau Prince et Evesque (car ilz l'appellent ainsy) est tout brave, devot, sçavant, gentil et courageux, fort serviteur de Son Altesse et ami de la Savoye..

  A016002423 

 Je prie Dieu quil vous comble, Monsieur, de ses plus desirables benedictions, et suis sans fin,.

  A016002438 

 Mays vous, ma tre chere Mere, escrives-luy fort doucement que vous n'aves rien contribué a la vocation et que vous craindries trop d'offencer Dieu en la dissuadant; qu'ell'est en sa liberté, delaquelle elle peut user a son gré, et que si Dieu la veut en nostre Congreation, ce vous seroit une grande charge de conscience a l'heure de vostre mort de la repousser; que vous la supplies de s'en accommoder a ce que Dieu en disposera.

  A016002449 

 Je vous puis asseurer que nostre chere Seur Françoise Gabrielle Bailly, vostre seur, m'est aussi chere que si c'estoit la mienne propre, sa pieté m'y ayant convié, et loue Dieu de ce qu'elle reçoit et donne beaucoup de consolation en la Congregation de nos cheres Seurs.

  A016002450 

 Je sçai que vostre ame est de celles desquelles les yeux vont defaillans a force de regarder le sacré object de leur amour, disant: Quand me consolerés-vous?.

  A016002451 

 Ah! vray Dieu, mon cher Pere, moy qui ne fus jamais seulement bon clerc, m'appartient-il d'instruire les saintz Religieux? Portés doucement et amoureusement vostre croix, laquelle, a ce que j'entens, est asses grande pour vous combler de benedictions, si vous l'aymés..

  A016002451 

 Vous me demandes quelque instruction pour commencer une bonne vie religieuse.

  A016002452 

 Quelque petite occupation m'empesche de respondre a souhait a la douce lettre que vous m'aves escrit.

  A016002452 

 Seulement je vous dis que c'est aujourd'huy le jour que je fus consacré a Dieu pour le service des ames; je solemnise tous les ans ce jour avec le plus d'affection que je peux, me consacrant de nouveau a mon Dieu.

  A016002463 

 Cependant vous y penseres un peu, et moy auray eu ce petit sujet de donner le bon jour au tres aymé cœur de ma Mere..

  A016002463 

 J'ay repensé, ma tres chere Mere, au desir que M me de Gouffier a de vous venir prendre, et l'ay conferé avec ses lettres; et m'est venu en l'esprit que peut estre il ne seroyt pas si hors de rayson quil me sembloit d'abord, puisqu'elle son esprit si embarrassé et plein de choses qui l'affligent.

  A016002471 

 Mays de tout cela, ma chere Mere, je ne m'en metz nullement en peyne; au contraire, je benis Dieu dans la nuit de vostre souffrance, et rens grace a Celuy qui vous monstre combien il faut souffrir pour son nom..

  A016002471 

 Ne craignés point, la foy reside tous-jours en la cime [282] et pointe de vostre esprit, et cela vous asseure que ces troubles finiront et que vous jouires du repos desiré au sein de Dieu; mais la grandeur du bruit et des cris que l'ennemy fait dans le reste de l'ame et rayson inferieure, empesche que les advis et remonstrances de la foy ne sont presque point entendus.

  A016002480 

 Dites moy comme vous vous portes, pour Dieu et pour moy, qui suis, comme vous sçaves vous mesme, plus vostre que vous mesme..

  A016002480 

 Je vous surprens, ma chere Mere, en manquement de fidelité, sans aucun pretexte de prudence et de sagesse.

  A016002481 

 Dieu vous benisse, et moy.

  A016002487 

 Mais dites donq un peu bien, ma tres chere Mere, comme vous vous estes portee, car le cœur de vostre filz, qui est le filz de vostre cœur, desire un peu de certitude de cela.

  A016002487 

 Pour moy, je me porte fort bien, graces a Dieu, et suis autant vostre que vous mesme, tout en verité..

  A016002496 

 Maintenant que vous diray-je? Bien des choses sans doute, si je voulois suivre mes affections, lesquelles seront [284] tous-jours pleynes pour vous, comme je desire que les vostres soyent bien pleynes pour moy, quand sur tout vous seres dans le petit oratoire, ou je vous supplie d'en respandre beaucoup devant Dieu a l'intention de mon amendement; ainsy que de mon costé je respans, non les miennes, qui sont indignes a rayson du cœur ou elles sont, mays le sang de l'Aigneau immaculé, devant le Pere eternel, en faveur de la bonne intention que vous aves d'estre toute sienne..

  A016002499 

 Je prie Nostre Seigneur qu'il accroisse en vous son saint amour.

  A016002506 

 Ce m'a esté un honneur extremement sensible d'avoir receu de vostre part ces riches et devotz Theoremes que le Reverend Pere Ange Le Blanc m'a remis; et si j'avois le riche parfumier ou cabinet des unguens que cet ancien prince Alexandre le Grand destina pour la garde des livres et escritz d'Homere, je le destinerois aussi a la conservation de ce beau present, lequel m'est d'autant plus pretieux que je n'avois garde de l'oser [286] esperer, puisque je n'ay pas mesme pensé que vous eussies sceu que je fusse au monde, ou estant, de vray, si peu de chose, confiné en ce recoin de nos montagnes, je me tiens pour invisible.

  A016002506 

 Mais toutefois, comme ce sont les grandes lumieres qui descouvrent les atomes, ainsy m'aves vous peu voir..

  A016002507 

 A quoy je suis encor attiré par cette sçavante pieté qui vous fait si heureusement transformer les muses payennes en chrestiennes, pour les oster de ce viel prophane Parnasse et les loger sur le nouveau sacré Calvaire.

  A016002507 

 Et pleust a Dieu que tant de poetes chrestiens qui ont en nostre aage si dignement tesmoigné comme vous, Monsieur, la beauté de leur esprit, eussent aussi, comme vous, fait paroistre la bonté de leur jugement au choix des sujetz de leurs poëmes! La corruption des mœurs ne seroit pas si grande; car c'est merveille combien les discours resserrés dans les lois des vers ont de pouvoir pour penetrer les cœurs et assujettir la memoire.

  A016002507 

 Or, puisque non seulement il vous a pleu, Monsieur, de jetter vostre pensee et, ce qui est encor le plus, vostre bienveuillance sur moy, je vous supplie tres humblement de me continuer cette grace par la mesme courtoisie et bonté qui l'a fait naistre en vostre ame sans aucun merite de ma part; et si je ne puis par les effectz, au moins par affection je m'essayeray de correspondre a cette faveur, vous portant a jamais un honneur, ouy mesme (si vous me permettes ce mot) un amour tres particulier.

  A016002508 

 Et vous, Monsieur, usés, ains jouisses tous-jours ainsy saintement de ce beau, riche et bon esprit que la divine Majesté vous a conferé en cette vie temporelle, affin que vous vous res-jouissies a jamais, contemplant et chantant glorieusement les mesmes mysteres, en la vie eternelle.

  A016002519 

 Avec une aggreable occasion, je prens le contentement de vous donner le bon soir..

  A016002520 

 Et n'estoit que je sçai que vous aves peur que l'amour naturel ne soit trop rafroidy et presque tout esteint, je n'oserois pas vous donner cette atteinte pour le resveiller.

  A016002520 

 Or sus, si vous escrivés, il faut avoir la lettre encor ce soir..

  A016002520 

 Un fort honneste gentilhomme me vient demander une lettre vers M. le Grand pour la recommandation de quelque affaire qu'il a; j'ay pensé que peut estre auries vous playsir d'escrire a vostre cher enfant.

  A016002521 

 Et Dieu vous benisse, ma tres vraye, tres aymee et tres aymable Mere.

  A016002521 

 Je salue nos filles, notamment la malade, et suis, comme vous sçaves vous mesme, tout vostre par Nostre Seigneur.

  A016002530 

 Et encor (pour parler un peu humainement a un pere qui ayme bien son enfant), cette mission est glorieuse a nostre fille, a laquelle je ne me baste point de demander si elle voudra aller, me tenant asseuré de son obeissance, comme je [289] suis asseuré de vostre resignation, et que vous le deves estre de l'affection fraternelle de.

  A016002530 

 J'espere que vostre pieté, mon cher Frere, vous fera volontier acquiescer a l'esloignement de cette chere fille, puisqu'il est requis a la gloire de Dieu.

  A016002537 

 Nostre Seigneur vous ayme, ma chere Fille, et vous ayme tendrement.

  A016002537 

 Que s'il ne vous fait pas sentir la [290] douceur de son saint amour, c'est pour vous rendre plus humble et plus abjecte a vos yeux.

  A016002538 

 Si vous aymes les richesses, vous y treuveres l'or que les Rois y ont laissé; si vous aymés la fumee des honneurs, vous y treuveres celle de l'encens, et si vous aymes les delicatesses des sens, sentes-y la mirrhe odorante qui parfume tout l'estable.

  A016002538 

 Soyes riche en amour pour ce cher Sauveur; honnorable en la privauté que vous prendres avec luy par l'orayson, et toute delicieuse en la joye de sentir en vous les saintes inspirations et affections d'estre tres uniquement sienne..

  A016002539 

 En fin, ma chere Cousine, puisque, sans reserve, vous voules estre toute pour Dieu, ne tenes point vostre cœur en peyne, et, entre toutes les secheresses qui vous peuvent arriver, soyes ferme a demeurer entre les bras de la misericorde divine..

  A016002540 

 Et pour ces apprehensions qui vous arrivent, c'est l'ennemy qui, vous voyant a cette heure toute resolue de vivre en Nostre Seigneur sans reserve et sans exception, il fera toute sorte d'effort pour vous incommoder et rendre dure la voye de la sainte devotion.

  A016002540 

 Or, il faut que vous, au contraire, estendies vostre cœur par une frequente repetition de vostre protestation, que vous ne relascheres jamais, que vous persevereres en vostre fidelité, que vous [291] aymes mieux les rigueurs du service de Dieu, que les douceurs du service du monde, que jamais vous n'abandonneres vostre Espoux..

  A016002541 

 Gardés bien, ma chere Fille, de quitter la sainte orayson, car vous feries le jeu de vostre adversaire; mais continues constamment en ce saint exercice et attendes que Nostre Seigneur vous parle, car il vous dira un jour des paroles de paix et de consolation; et lhors vous connoistres que vostre peyne aura esté bien employee, et vostre patience, utile..

  A016002542 

 Glorifiés vous d'estre toute pour Dieu, et protestés tous-jours d'estre toute sienne.

  A016002551 

 Pour le premier chef, vous pourres, en justification de M. de Blonnay, declairer tout ce que vous aves appris du tappis.

  A016002553 

 J'ay remis la lettre a M me de Chantal sans la voir, par ce que je n'avois pas encor leu celle que vous m'escrivies.

  A016002554 

 Dieu vous comble a jamais de ses tressaintes graces, et suis sans fin, ma tres chere Fille,.

  A016002569 

 Je vous salue infiniment, ma tres chere Fille, a qui je suis tres parfaitement en Nostre Seigneur, qui vous sauve et benisse a jamais.

  A016002579 

 Ce sont les benedictions que Jacob se souhaitoit quand il partit de Bethel, et ce sont celles la que je me souhaite a moy mesme, ma tres chere et tres unique Fille, a [295] vostre despart de ce lieu, ou vous demeures en partant et d'ou vous partes en demeurant..

  A016002579 

 Voyci le souhait de vostre Pere, ma tres chere Fille: Dieu soit avec vous au chemin par lequel vous ires; Dieu vous tienne tous-jours vestue de la robbe de sa charité; Dieu vous nourrisse du pain celeste de ses consolations; Dieu vous ramene saine et sauve en la mayson de vostre pere; Dieu soit a jamais vostre Dieu, ma chere Mere.

  A016002580 

 Allés en paix, ma tres chere Fille, allés en paix ou Dieu vous appelle; demeurés en paix, mais demeurés en la sainte paix de Dieu, ou il vous tient et arreste icy.

  A016002591 

 A mesure que vous allés outre, ma tres chere Mere, ma Fille, vous deves prendre courage et vous res-jouir dequoy vous [296] contentes Nostre Seigneur, le contentement seul duquel contente tout le Paradis..

  A016002591 

 Ma tres chere Fille, la Providence celeste vous assistera: invoqués-la avec confiance en toutes les difficultés desquelles vous vous treuveres environnee.

  A016002592 

 Pour moy, je suis la ou vous estes vous mesme, puisque la divine Majesté l'a ainsy voulu eternellement.

  A016002597 

 Hé! ma tres chere Mere, ma Fille, il me vient en memoire que le grand saint Ignace, qui portoit Jesus Christ en son cœur, alloit joyeusement servir de pasture aux lions et souffrir le martyre de leurs dens: et voyla que vous allés, et nous allons, s'il plaist a ce grand Sauveur, a Lion, pour y faire plusieurs services a Nostre Seigneur, et luy preparer plusieurs ames desquelles il se rendra l'Espoux.

  A016002603 

 Les Anges de dela, qui vous attendent, envoyeront a vostre rencontre leurs [297] benedictions, et vous regardent allant vers leurs lieux, avec amour, puisque c'est pour cooperer a leur saint ministere..

  A016002603 

 Nos Anges de deça tiennent les yeux sur vous et sur vostre petite trouppe et ne vous peuvent abandonner, puisque vous n'abandonnes pas le lieu de leur protection, ni les personnes de leur garde, que pour n'abandonner pas la volonté de Celuy pour la volonté duquel ilz s'estiment heureux d'abandonner maintes fois le Ciel.

  A016002604 

 Allés donq, ma Fille, allés avec mille et mille benedictions que vostre Pere vous donne, et sçachés que jamais il ne manquera de respandre, par toutes les aspirations que son ame fera, des combles de souhaitz sacrés sur la vostre.

  A016002608 

 Allés, ma fille, allés; mon esprit vous va suivant et respandant sur vous mille benedictions.

  A016002615 

 O Seigneur Jesus, sauvés, benissés, confirmés et conservés ce cœur qu'il vous a pleu de rendre unique en vostre divin amour; et puisque vous luy aves donné l'inspiration de se dedier et consacrer a vostre saint Nom, que vostre saint Nom le remplisse comme un bausme de divine charité, qui, en une parfaite unité, respande les varietés des parfums et odeurs de suavité requises a l'edification du prochain.

  A016002621 

 Helas, mon Dieu, ma tres chere Mere, que j'ay esté estonné quand par vostre lettre j'ay sceu, comme tout a coup, la longueur et le danger de vostre maladie! car, croyés moy, je vous supplie, mon cœur vous cherit finalement.

  A016002621 

 Mays, Dieu soit loué dequoy vous voyla presque toute eschappee..

  A016002622 

 Certes, des-ormais je voy bien qu'il faudra vous apprivoyser aux maladies et infirmités en cette decadence d'aage en laquelle vous estes.

  A016002623 

 Helas! ce Sauveur a conté toutes vos douleurs, toutes vos souffrances, et a payé au prix de son sang toute la patience et tout l'amour qui vous est necessaire pour saintement appliquer tous vos travaux a sa gloire et a vostre salut.

  A016002623 

 Soyés contente a vouloir doucement tout ce que Dieu [300] veut que vous soyés.

  A016002632 

 Ce billet vous asseurera de ma part que je n'ay receu aucune lettre de Son Altesse despuis une qu'elle m'escrivit, pour tesmoigner le gré qu'elle me sçavoit d'un asses important advis que je luy avois donné en l'occasion de mon voyage en Valley..

  A016002633 

 Cependant je vous suis trop obligé de la part que vous aves en tout ce qui me regarde, qui suis aussi de tout mon cœur, Monsieur,.

  A016002646 

 Voyci la seconde commodité de vous escrire, ma tres chere Mere, et voyci aussi ma seconde lettre, qui vous porteroit mille nouvelles du cœur que vous aves icy, si j'avois autant de loysir quil en faudroit; mais je vous en diray asses, ma tres chere Mere..

  A016002648 

 Je pense que cette fille croit que ce soit grand contentement d'avoir ces dentailles et ces colletz montans (vous voyes bien que j'en sçai quelque chose), et il la faut charger de cela; quand elle verra que cela n'est pas si grand feste, elle reviendra a soy.

  A016002648 

 Mays nostre fille de Thorens se confessa et s'en alla bien brave; elle m'a prié de luy [303] faire un'orayson qu'elle die tous les jours tandis qu'elle sera grosse; ce que je feray, et vous en envoyeray une copie affin que vous sachies tout..

  A016002649 

 Je l'en supplie continuellement, estant perpetuellement a Lion, non seulement en vous comme vous mesme, mais aussi en vostre petite mayson, ou je suis present, ce me semble, en esprit a tout ce petit mesnage spirituel que Dieu y fait naistre..

  A016002649 

 Que j'ay d'envie, ma tres chere Mere, de sçavoir vostre abord et quel commencement Dieu aura donné au service pour lequel il vous a appellee.

  A016002649 

 Tout ira bien, je m'en asseure, et la tressainte Vierge Nostre Dame tiendra vos cierges allumés, affin que vous esclairies a ces bonnes ames qu'ell'a marquees de sa bonté pour estre ses servantes.

  A016002650 

 Benisses [304] ma premiere chere fille Marie Jaqueline, affin qu'elle soit le commencement permanent de la joye du Pere et de la Mere que vous luy aves donné.

  A016002650 

 Hé Seigneur, benisses de vostre sainte main le cœur de ma tres aymable Mere, affin quil soit beni en la plenitude de vostre suavité, et quil soit comme une source feconde qui vous produise plusieurs cœurs qui soyent de vostre famille et generation sacree.

  A016002650 

 Je vous salue mille et mille fois, la plus aymee et la plus aymante Mere qui soit au monde, et ne cesse point de respandre des souhaitz sacrés sur vostre personne et sur vostre trouppe.

  A016002650 

 La chere fille Peronne Marie soit un accroissement continuel de consolation en la Congregation en laquelle vous l'aves plantee, pour y fleurir et fructifier longuement.

  A016002651 

 Que vous puissiés voir vostre fille aysnee tous-jours recommençante par des nouvelles ardeurs, la seconde tous-jours croissante en vertu, la troisiesme tous-jours aymante, la derniere tous-jours benite; affin que la benediction du saint amour croisse et recommence a jamais en vostre petite assemblee.

  A016002665 

 Je vous ay envoyé le brevet pour le petit benefice de Gex, et ay eu nouvelles que Monseigneur l'Archevesque de Bourges n'estoit pas mort, ains guerissoit..

  A016002666 

 Monsieur Masuyer m'escrit une grande lettre pour [306] me persuader d'aller prescher a Paris le Caresme suyvant, ou a Saint Germain ou a Saint Mederic; mais si je pouvois avoir assés de liberté pour prendre ce contentement de revoir cette chere ville, ce seroit a vostre choix et privativement a tous autres que je me logerois en chaire, comme ce seroit de vous voir et estre pres de vous que je recevrois le plus de consolation.

  A016002667 

 Je ne veux point perdre de tems apres Pasque pour tirer au jour ce petit ouvrage de l' Amour de Dieu, que vous aymés et desirés; et voyrement je donneray ordre que vous en aurés les fins premiers exemplaires qui s'en porteront a Paris, comme vous estes aussi le fin premier amy que j'y aye et ailleurs, et que je suis,.

  A016002672 

 J'attens de sçavoir que M. de Grenyer deviendra, car je ne sçai plus ou il est, sinon qu'il soit encor a Monpelier, attendant les nouvelles de son logement que vous luy avés impetré chez Monseigneur de Joyeuse..

  A016002698 

 Au moins, ne pouvant rien davantage, je vous donne tous les meilleurs souhaitz que mon ame me peut fournir, et les presente a la majesté de Nostre Seigneur, affin quil luy playse vous donner, avec la patience quil vous a departie il y a long tems, le doux et tres humble aggreement de vos travaux que les plus grans Saints ont eu des leurs, affin que, moissonnant beaucoup de merites en cette arriere sayson de vostre aage, vous vous treuvies riche devant sa divine face, quand vous la verrés..

  A016002698 

 Mon cœur va visiter le vostre en l'infirmité de son pauvre cors, et voudrois bien vous offrir quelques services dignes de l'humble et forte affection filiale que j'ay envers vous.

  A016002699 

 Cependant, aymes moy bien aussi, et pendant vos maladies, tenes vous a l'ombre de la sainte Croix et voyes y souvent le pauvre Sauveur languissant.

  A016002699 

 Ma tres chere Mere, croyes, je vous supplie, que mon ame vous ayme et honnore filialement, et que les foibles prieres que je pourray contribuer a vostre consolation ne vous seront point espargnees.

  A016002704 

 Si vous escrivies ou faysies sçavoir de vos nouvelles a ma chere seur madame de Grandmayson, pour Dieu, ma chere Mere, faites luy aussi sçavoir que je luy souhaite mille faveurs du Ciel et la cheris comme ma seur et fille tres aymee..

  A016002719 

 Croyés moy, ma tres chere Mere, comme vous mesme: Dieu veut je ne sçai quoy de grand de nous.

  A016002721 

 Certes, ma tres chere Mere, vous voyes que mon cœur et le vostre propre est plein de ce sentiment, puisqu'il verse ces paroles, quoy qu'il soit sans loysir et qu'il n'y eust pas pensé..

  A016002722 

 Ne pensés pas que pour estre a Lion vous soyes dispensee du pacte que nous avons fait, que vous series sobre a parler de moy, comme de vous mesme.

  A016002723 

 Je suis bien ayse qu'en vostre ruche et au milieu de cet essaim nouveau, vous ayes vostre Roy, vostre miel et vostre Tout.

  A016002731 

 J'y ay eu trois consolations, et vous seres bien ayse de les sçavoir, car ce qui me console vous console aussi comme moy mesme..

  A016002731 

 Je vous escrivis allant a Sales, ma tres chere Mere; [313] et maintenant je vous escris a mon retour.

  A016002734 

 Vous ne sçauries croire la grande edification que ces petitz animaux me donnerent, car ilz ne dirent jamais un seul petit mot, et ceux qui eurent plus tost fait leur refection, s'envolerent la aupres pour attendre les autres.

  A016002736 

 Mon cœur vous entretient de ses pensees et mes pensees s'entretiennent le plus souvent de vostre cœur, qui est, certes, un mesme cœur avec le mien..

  A016002740 

 Vous estes, ma tres chere Mere, toute pretieuse a mon cœur.

  A016002750 

 Et tandis, vous pourres, Monsieur, et elle aussi, user des viandes convenables a vostre santé, selon que monsieur Burin vous aura dit, puisque son filz est venu sans l'attestation mentionnee, laquelle aussi n'estoit pas necessaire..

  A016002753 

 Je la supplie de vous combler de prosperité, et suis,.

  A016002773 

 Quicomque vous parle autrement, Monseigneur, trahit vostre ame..

  A016002783 

 Quel mal leur fait-on, ni a vous, disent les meschans? On nous ravit le bien le plus pretieux que nous ayons, qui est la bonne grace de nos Princes, et puis on dit: Quel [320] mal vous fait-on? Mon tres cher Frere, est il possible que Sa Grandeur m'ayme, qui, ce semble, prend playsir aux rapportz qu'on luy fait de mes freres, puisqu'il a des-ja treuvé que c'estoit ordinairement des impostures, et neanmoins il les reçoit, il les croit, il fait des demonstrations de tres particuliere indignation?.

  A016002784 

 Certes, mon cher Frere, j'ay de la gloire d'estre aymé par vous et d'estre passionné pour vous; mais puisque mon malheur est si grand, pour Dieu, ne disons plus mot des-ormais.

  A016002785 

 Je vous envoye un double de la lettre que j'escris a Monseigneur.

  A016002785 

 Voyés si elle devra ou pourra estre donnee; car, tout extremement passionné que je suis en cette occasion, je ne voudroispas que Monseigneur se faschast, car en somme, je ne veux plus que vous couries fortune d'estre disgracié.

  A016002794 

 Ce porteur est une lettre vivante qui vous exprimera mieux que je ne puis faire sur ce papier, de quel cœur je vous honnore et cheris.

  A016002809 

 Je vous prie de sçavoir que c'est, et apres avoir parlé audit Pelliex, sil vous est advis quil soit a propos, je vous prie d'informer.

  A016002838 

 Ces deux vefves Beart, reduites a l'extremité d'une lamentable misere, avec dix ou douze enfans qu'elles ont, ont jetté leur esperance en vostre secours pour estre soulagees des tailles; et, quoy que de ma vie je ne [325] l'eusse veu ( sic ), ni eu aucune connoissance avec elles ni leurs familles, elles ont desiré mon intercession aupres de vous, pour obtenir plus aysement vostre entremise en cette occasion.

  A016002838 

 Et par ce que leur intention, comme je pense, est fort juste et honneste, je n'ay sceu les esconduire; qui me fait vous supplier de les avoir en protection autant comme vous jugerés que vous puissies, sans vostre incommodité, les ayder et favoriser..

  A016002839 

 Je pensois vous faire cette supplication en presence, selon l'esperance que monsieur vostre mari nous en avoit fait concevoir; mais puisque ce bien ne nous est pas arrivé, estant pressé par ces pauvres desolees, je fay cet office en cette sorte, et vous conjurant de me conserver vostre bienveuillance et celle de monsieur vostre mari, je me nomme, comme je suis et seray pour jamais: c'est, Madame,.

  A016002857 

 Hé! Dieu, qui se plaist a tesmoigner sa vertu et sa force en nos infirmités, soit a jamais au milieu de vostre ame pour la tenir enflammee de ce saint amour celeste; qu'il arde emmi les espines et les brusle sans les consumer, affin que l'ardeur de cette fievre amoureuse du Sauveur vous rende douce la fievre ou les restes de la fievre douloureuse que vous aves tant souffert.

  A016002857 

 Je n'oublie jamais de faire des souhaitz pour cela quand je suis a l'autel; aussi, suis je tant obligé a la sainte amitié qu'il vous plaist me porter, que je ne sçaurois jamais perdre la souvenance de ce devoir..

  A016002858 

 La grace, paix et consolation du Saint Esprit soit tous-jours avec vous, ma tres chere Mere, et au milieu de vostre famille.

  A016002867 

 Quoy que ce soit par nostre M. de Medio que je vous escris, ma tres chere Mere, si est ce que je vous escris [329] sans loysir et avec empressement, car sçachés que je ne pensois pas qu'il partist si tost; et outre cela, je suis tellement embesoigné du livre, que tout le tems que je puis gaigner bonnement, je l'employe la.

  A016002867 

 Si qu'ayant attendu jusques a cette heure, je me treuve bien en peyne; car je voudrois vous escrire une grande lettre, et je ne sçai si je pourray.

  A016002868 

 M. Grandis consent que vous laissies fermer vostre caustique de la teste, pourveu qu'une semaine devant vous prenies une dose ordinaire de vos syrops..

  A016002869 

 Il est requis que vous mangies des œufz, et n'y a personne, ce croy-je, qui s'en puisse maledifier..

  A016002870 

 C'est pourquoy, je vous demande ainsy des feuilles que je leur [330] puisse monstrer, et a M. de Thorens et au neveu.

  A016002870 

 Or, quant a ma niece de Brechard, elle sçait bien que je suis vous mesme, car elle a veu des billetz qui contiennent cette verité la; mays pourtant, je ne luy ay pas voulu monstrer ces trois dernieres lettres, ni en tout, ni en partie.

  A016002870 

 Voyés-vous, ma tres chere Mere, quand je vay voir nos filles, il leur vient de petites envies de sçavoir de vos nouvelles par moy, et si je leur pouvois monstrer de vos lettres, cela les contenteroit grandement.

  A016002871 

 Dedans les billetz de salutations, quand vous m'en escrires, il ne faut pas me dire: «mon Pere, mon amy,» car je les veux pouvoir monstrer pour la consolation de ceux que vous salueres..

  A016002872 

 Je louë Dieu de vostre accoisement et dequoy vous estes hors de doute que l'orayson de simple remise en Dieu ne soit extremement sainte et salutaire.

  A016002872 

 O ma chere Mere, ma Fille, il n'en faut jamais douter; il y a si long tems que nous l'avons examinee, et tous-jours nous avons treuvé que Dieu vous vouloit en cette maniere de prier.

  A016002875 

 Je n'entens pas ce que vous me demandes quand vous me dites que je vous envoye une copie de l'establissement, auquel il faudra specifier les sorties.

  A016002884 

 Il faut que je vous parle a cœur ouvert, car a qui donq? Despuis que je suis en cette charge d'Evesque, rien ne [333] m'est arrivé qui m'ayt tant affligé que ce mouvement fait ces jours passés par les scindiques et plusieurs des habitans de Sessel, contre la pieté et la justice.

  A016002887 

 Me remettant neanmoins entierement a vostre prudence, je vous supplie seulement qu'il vous plaise, Monsieur mon Frere, me favoriser, a ce que mon Eglise subsiste en ses droitz et que des-ormais ces gens la demeurent en devoir..

  A016002894 

 Ma tres chere Seur, En attendant de jouir du contentement de vostre veüe, [335] je vous escris ce petit mot, pour vous saluer de tout ce cœur que vous sçaves bien estre tout vostre, et pour dire a mon frere, que monsieur le premier President m'a escrit quil fera l'office et espere qu'il reuscira ainsy que je le luy avois proposé, selon que mon frere m'avoit dit..

  A016002895 

 Je vous donne donq le bonsoir a tous deux, et suis,.

  A016002900 

 Mays voyes vous, je vous attens fort affectionnement, comme ma chere unique seur, ma fille..

  A016002912 

 Ma tres chere Mere, quel moyen de vous escrire a souhait? Mays c'est bien asses que je salue vostre cœur maternel comme le mien propre, avec le plus grand et le plus solide amour qui puisse estre..

  A016002913 

 Ma tres chere Mere, aymes tous-jours bien vostre pauvre chere ame que j'ay, car j'ayme sans mesure, sans fin, hors de toute comparayson et au dessus de tout ce qui s'en peut dire, ma tres chere ame que vous aves: c'est a dire, aymons bien cette tres unique ame et vie quil a pleu a Dieu dé nous donner pour son service..

  A016002913 

 Vous ne me dites tous-jours rien de vostre santé.

  A016002914 

 La pauvre fille Vignoz vous salue tant et si cordialement, et la petite Ballon.

  A016002915 

 Je vous escrivis samedi par Chambery et ce dimanche par Sessel.

  A016002916 

 Mille salutations a nos cheres Seurs qui sont la et, ma tres chere Mere, un peu bien cherement et tendrement a ma chere fille de Chatel, qui sçait bien que je l'ayme, et ma chere Seur de Blonnay, qui est ma fille, et a la pauvre grande fille Jeanne Marie Elizabeth, qui est bien avant dans mon cœur, qui est le vostre propre, ma tres chere Mere.......[Dieu] vous benisse.

  A016002933 

 Je sçai combien est juste le ressentiment d'indignation que vous aves eu contre le sieur de Barraux, et le cœur m'en a fait grand mal, ne m'estant peu tenir de luy en faire la correction et tesmoigner que j'avois part au desplaysir quil vous avoit donné, dautant plus que je m'estois res-joui dequoy il avoit espousé une damoyselle qui est ma parente, sur lhonneur quil a d'estre le vostre si proche.

  A016002933 

 Or, le voyci maintenant, Monseigneur, quil prend cette sayson de repentance et d'absolution a son advantage, et me demande mon entremise pour vous annoncer son regret de vous avoir tant ennuyé, et [339] vous supplier de le recevoir en grace.

  A016002933 

 Que si j'osois, j'adjousterois encor mon intercession, que vostre extreme bienveuillance envers rnoy rend hardie et forte, et en fin, la sousmission quil fait, ne desirant sa reconciliation aupres de vous que pour accoyser les remors quil a de vous avoir desagreé, et recouvrer lhonneur le plus pretieux quil ayt en ce monde, qui est d'estre advoüé de vous vostre tres humble serviteur..

  A016002934 

 Vous feres donq, je m'asseure, encor ce coup selon vostre bonté, laquelle je remercie tres humblement de la faveur quil vous pleut me faire, passant a Lion, m'ayant fait part de la belle Remonstrance contre les duelz, que je prie Dieu vous rendre autant efficace comme les merites de la cause et de celuy qui l'a playdee le requierent..

  A016002936 

 Vous sçaures toutes nouvelles a l'abord de monsieur Portier, et vous sçaves que nous sommes icy hors de commerce.

  A016002952 

 Pensés comme je vous escris, ma tres chere Mere.

  A016002955 

 Mays, pour me charger de soin quelcomque d'affaires, helas! vous sçaves comme moy mesme quel homme je suis pour cela: c'est a dire, que je ne suis pas homme pour cela.

  A016002955 

 Vous estes, et d'esprit, et de volonté, et de tout, une mesme chose avec moy; vous sçaves ce que je puis, que je veux et que je souhaitte.

  A016002955 

 Vous pouves tous-jours respondre pour moy sans scrupule, car il se treuvera tous-jours que ce sera moy qui auray respondu.

  A016002957 

 Monseigneur l'Archevesque venant, humiliés vous fort cordialement pour moy comme moy mesme, et l'asseurés fort de l'estime, amour et reverence que j'ay a sa personne..

  A016002961 

 Ma tres chere Mere, j'ay tant prié Dieu pour vous, et le feray encor; tout m'annonce le bien de nostre indivisible unité.

  A016002982 

 Je vous escris tout vistement parmi les aymables empeschemens de ces saintes festes.

  A016002999 

 Si Dieu a exaucé mes vœux, vous releveres avec un grand accroissement de santé, et sur tout de sainteté; car souvent on sort de telz accidens avec ce double advantage, la fievre dissipant les mauvaises humeurs du cors, et espurant celles du cœur, en qualité de tribulation provenante de la main de Dieu..

  A016003000 

 Ce n'est pas que je vous appelle sainte quand je vous parle d'accroissement de sainteté en vous; non certes, ma tres chere Fille, car il n'appartient pas a mon cœur de flatter le vostre.

  A016003000 

 Mays, encor que vous ne soyes pas sainte, vos bons desirs sont saintz, je le sçay bien, et je [349] souhaite qu'ilz deviennent si grans, qu'en fin ilz se convertissent en parfaitte devotion, en douceur, patience et humilité.

  A016003000 

 Remplisses tout vostre cœur de courage, et vostre courage de confiance en Dieu; car Celuy qui vous a donné les premiers attraitz de son amour sacré ne vous abandonnera jamais, si vous ne l'abandonnes jamais.

  A016003009 

 Cette bonne dame m'a dit de vostre part ce que vous luy aves confié, et je loue Dieu qu'il vous ayt donné des nouvelles affections avec cette nouvelle santé.

  A016003010 

 Ce sera le plus excellent sacrifice que vous puissies faire.

  A016003010 

 Or, quant a vous, je m'imagine que des-ormais l'aage et la petitesse de vostre complexion vous tiendront souvent alangourie et foible; c'est pourquoy je vous conseille de vous fort exercer en l'amour de la tres aymable volonté de Dieu et en l'abnegation des contentemens exterieurs et en la douceur parmi les amertumes.

  A016003010 

 Tenés bon, et prattiques non seulement l'amour solide, mays l'amour tendre, doux et suave envers ceux qui sont autour de vous.

  A016003011 

 Ma tres chere Mere, je vous souhaite le comble de la sainte perfection es entrailles de Jesus Christ.

  A016003018 

 Vous sçaves bien, Monsieur, qu'il faut plus de sujet pour faire remuer les vielles gens que les jeunes, et que les vieux chiens ne prennent jamais le change qu'avec advantage..

  A016003019 

 Au bout de la, je suis en verité si peu de chose, que je ne suis pas mesme sans honte de voir l'honneur auquel, vous, Monsieur, et celuy qui vous a fait la proposition, aves pensé pour moy.

  A016003019 

 Je croy que vous jugeres bien que je ne puis point faire d'autre responce a une proposition si generale..

  A016003020 

 Je vous remercie donq tres humblement de l'expedition de madame de Gouffier, et de celle du petit benefice uni a mon Chapitre, vous conjurant, Monsieur, de me faire sçavoir la despense que vous aures fournie pour l'un et l'autre, affin que j'aye tous-jours la confiance de me prevaloir de vostre courtoyse entremise es occurrences, laquelle, certes, je n'oserois plus employer si elle vous devoit estre onereuse en autre chose qu'en vostre peyne et vostre soin..

  A016003020 

 Maintenant, je respons a deux autres lettres que je receus le mois passé, et tous-jours obligé de vous remercier, puisque tous-jours vous ne cesses de m'obliger.

  A016003021 

 Je vous remercie encor, Monsieur, de la peyne qu'il vous a pleu de prendre pour sçavoir si je pourrois obtenir un Privilege pour l'impression de ces petites besoignes [352] que je pourrois faire dores-en-avant; et puisque M. le Chancelier ne treuve pas a propos de me l'accorder sinon pour le libraire que je luy nommeray, il me semble que je dois laisser ce soin la au libraire mesme, qui obtiendra le Privilege pour soy a l'accoustumee.

  A016003022 

 Reste nostre filz qui, en verité, a un cœur fort bon et l'esprit encor meilleur; mais, comme vous le dites, Monsieur, il est un peu friand et brillant, et pour cela nous tascherons de l'occuper fort.

  A016003023 

 Et sans doute, ça esté une vraye inspiration celeste qui vous donna la resolution de le remettre un peu aux Lettres, car la vivacité de son esprit l'eust mis en grand danger en cette autre profession pendant ces deux ou troys ans..

  A016003023 

 Mays puisque nous aurons l'honneur de vous [354] voir dans quelque tems, nous parlerons un peu ensemble de tout ce qui est requis pour la bonne conduitte de ce cher enfant, qui est fort aymable et qui reuscira, comme j'espere, extremement bien.

  A016003025 

 Je prie Dieu qu'il vous comble de prosperités, et suis,.

  A016003025 

 Je suis trop long, mays pardonnés au playsir que j'ay de vous parler en la façon que je puis.

  A016003040 

 J'ay mille remerciemens a vous faire des deux lettres que j'ay receuës de vous et que j'ay leuës avec un'incroyable consolation, selon l'inclination que Dieu m'a donnee a l'honneur du glorieux Saint duquel vous habites le lieu natal et l'affection que j'ay a vos merites..

  A016003042 

 J'ay eu desplaysir de ne luy avoir peu rendre l'office d'hospitalité, comme [vous] sçaves que je fay volontier a ceux de vostre compagnie..

  A016003043 

 C'est, a la verité, une fille que je cheris fort, et qui m'a bien donné de la consolation des il y a dix ans que Dieu voulut qu'elle prist confiance en mon ame; quand vous la verres, je vous prie de la saluer.

  A016003043 

 Mais sur tout, salués quelquefois le filz de la mayson en laquelle vous estes, et luy demandés son intercession pour la pureté de mon miserable esprit, le suppliant qu'il implore la misericorde de sa chere Maistresse et Mere de Dieu sur ma vie et sur ma mort..

  A016003059 

 Je vous salue mille fois.

  A016003059 

 Ma Mere, helas! c'est sans loysir quelcomque; imagines vous que c'est un billet pour une dame qui veut entrer.

  A016003059 

 Mon ame s'eslance dans vostre esprit, si toutefois il faut user du mon et du vostre entre vous et moy, qui ne sommes rien du tout de separé, mays une seule mesme chose..

  A016003068 

 Combien de fois vous ay je dit, ma tres chere Mere, que le ciel et la terre ne sont point en asses grande distance pour esloigner les cœurs que Nostre Seigneur a jointz! Demeurons en paix sous cette asseurance..

  A016003068 

 Que vous soyes la ou icy, helas! qui nous peut separer de l'unité qui est en Nostre Seigneur Jesus Christ? En fin, c'est chose desormais, ce me semble, qui n'adjouste plus rien pour nostre esprit, que nous soyons en un ou deux lieux, puisque nostre tres amiable unité subsiste par tout, graces a Celuy qui l'a faite.

  A016003069 

 Il faut donq en cet article, parler souëfvement et justement, et arrester que vous aures un soin tres suffisant de cette Mayson la..

  A016003069 

 J'ayme bien mieux que l'on se fie tout en vous de la Mayson, car cela se fera fort doucement et suavement, pourveu que l'on vous laisse vostre liberté et qu'on se repose sur vostre foy.

  A016003069 

 Mays je crains qu'on ne veuille vous arrester la, ce qui seroit une cogitation injuste [359] et que je ne pourrois ouÿr; je dis la cogitation, car de l'effect, il n'en faut pas parler.

  A016003083 

 J'espere que celles de dela vous donnent aussi des pareilz sentimens, et que cette douceur celeste verse ainsy son Esprit sur toute cette petite assemblee de creatures unies pour sa gloire..

  A016003085 

 Je vous donne mille fois le bon soir, et prie Dieu qu'il soit tous-jours au milieu de tout vostre cœur, le benissant de ses tressaintes et plus desirables faveurs.

  A016003093 

 Helas! vous pouves penser ce que mon ame est a ma Mere et ce que l'ame de ma Mere est a la mienne.

  A016003095 

 L'homme qui accompagne M. Grandis reviendra soudain avec advis nouveau; je vous en prie, et que ce soit bien distinctement.

  A016003096 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Fille, ma Niece.

  A016003105 

 Nous attendons certes avec une devote impatience M. du Crest, qui n'est encor point arrivé, pour [363] sçavoir un peu de vos nouvelles, car je m'imagine que nous en aurons a force, et par le sire Pierre aussi, par lequel je vous avois envoyé des lettres pour M. des Hayes, ouvertes, affin que vous les vissies.

  A016003106 

 Ce matin, estant un peu en solitude, il a fait un exercice de resignation nonpareil, mays que je ne puis escrire, et que je reserve pour vous dire a bouche, quand Dieu me fera la grace de vous voir.

  A016003106 

 Cependant, que vous diray-je de vostre cœur de deça, sinon que Dieu luy donne tous les jours des nouvelles affections pour son service.

  A016003107 

 Or sus, c'est bien asses, car je vous ay escrit ce jourdhuy mesme au matin par M. Grandis, par lequel nous attendons force lettres, et grandes; car, puisqu'il vous ira voir en arrivant et que ses affaires le retiendront un peu la, vous aures bon loysir d'escrire..

  A016003108 

 Je suis en luy vostre, selon quil luy a pieu et comme vous sçaves vous mesme..

  A016003121 

 Je confesse devant le Ciel et les Anges que vous m'estes pretieuse comme moy mesme; mays cela ne m'oste point la tres resolue resolution d'acquiescer pleinement en la volonté divine.

  A016003121 

 Je ne veux pas nier que je ne sois marri de vostre fievre; mays ne vous mettes nullement en peyne de ma peyne, car vous me connoisses: je suis homme pour souffrir, sans souffrir, tout ce qu'il plaira a Dieu faire de vous comme de moy.

  A016003123 

 Je ne vous diray rien davantage, sinon que je me porte [365] mieux, et que mon cœur va mieux qu'il n'est pas allé il y a long tems; mais je ne sçai pas si sa consolation vient des causes naturelles ou de la grace..

  A016003124 

 VIVE JESUS! Ma tres chere Mere, je suys, comme vous sçaves vous mesme, tous-jours plus tout a fait vostre..

  A016003130 

 J'attens, non sans tentation d'inquietude, l'homme qui doit venir de [366] Lion; soudain quil sera arrivé, vous aures part a nos nouvelles.

  A016003130 

 J'avoys un grand desir de vous aller voir en presence, ma tres chere Fille, mais je n'ay pas ceans un prestre a mon commandement, et puis, j'ay un peu d'affaires, comme seroit de me praeparer au sermon que nous faysons demain pour recommencer les prieres et faire un'assemblee tantost pour l'ordre d'icelles.

  A016003132 

 Dieu vous benisse des benedictions que ce cœur vous souhaite, ce cœur, dis-je, qui vous cherit vrayement d'un'affection toute paternelle et plus que paternelle..

  A016003140 

 Je prie Dieu quil vous conseille, monsieur mon tres cher Frere, en cett'occasion; et ce pendant, je ne laisse pas d'escrire a nostre tres chere mere sur ce sujet, affin que si vous juges a propos qu'elle le sache, elle voye quant et quand la contribution de mon desplaysir au sien.

  A016003140 

 Mays, de sçavoir comme on pourrait dextrement donner le coup de cette si estrange et fascheuse nouvelle au cœur de nostre pauvre chere mere sans esbranler extremement sa vie propre, je vous asseure, mon cher Frere, que je ne le sçai pas.

  A016003140 

 Mays, que ne voudrois-je pas faire pour secourir ce pauvre cœur maternel, quand il sera blessé de ce coup si rude! Releves ce pendant le vostre, mon tres cher Frere, vous qui estes masle, et vous disposes a l'ennuy de voir encor, pour surcroist de vostre perte et de la nostre, les desplaysirs d'une si bonne mere.

  A016003141 

 Monsieur mon tres cher Frere, je vous conjure de recueillir l'affection que ce cher defunct me portoit et a mes freres, et de la nous conserver, comme de tout mon [369] cœur je me dedie de nouveau a toute vostre mayson pour estre sans fin,.

  A016003160 

 Et voyla, ma tres chere Mere, que, sous le bon playsir de la Providence divine, il est parti de cet autre monde pour aller en celuy qui est le plus ancien et le plus desirable de tous, et auquel il nous faut tous aller, chacun en sa sayson, et ou vous le verres plus tost que vous n'eussies fait s'il fust demeuré en ce monde nouveau, parmi les travaux des conquestes qu'il pretendoit faire a son Roy et a l'Eglise.

  A016003160 

 Sa generosité l'avoit animé a cela, et la vostre vous avoit fait condescendre a une si honnorable resolution, pour laquelle vous avies renoncé au contentement de le revoir jamais en cette vie, et ne vous restoit que l'esperance d'avoir de tems en tems de ses lettres.

  A016003161 

 Consolés vous donq, ma tres chere Mere, et soulagés vostre esprit, adorant la divine Providence qui fait toutes choses tres suavement; et, bien que les motifz de ses decretz nous soyent cachés, si est-ce que la verité de sa debonnaireté nous est manifeste et nous oblige a croire qu'elle fait toutes choses en parfaite bonté..

  A016003162 

 Et en lieu que vous luy escriviés quelquefois, parlés a Dieu pour luy, et il sçaura promptement tout ce que vous voudres qu'il sache, et recevra toute l'assistence que vous luy ferés par vos vœux et prieres, soudain que vous l'aures faite et delivree entre les mains de sa divine Majesté..

  A016003162 

 Mays en attendant l'heure [371] de faire voyle, apaysés vostre cœur maternel par la consideration de la tressainte eternité en laquelle il est et de laquelle vous estes toute proche.

  A016003162 

 Vous estes quasi sur le despart pour aller ou est cet aymable enfant; quand vous y seres, vous ne voudries pas qu'il fust aux Indes, car vous verres qu'il sera bien mieux avec les Anges et les Saintz, qu'il ne seroit pas avec les tigres et barbares.

  A016003164 

 J'ay prié pour luy et le feray tous-jours, et pour vous, ma tres chere Mere, a qui je veux rendre toute ma vie un particulier honneur et amour, de la part encor de ce frere trespassé, duquel l'amitié immortelle me vient solliciter d'estre de plus en plus,.

  A016003164 

 Vous ne sçauriés croire combien ce coup a touché mon cœur; car en fin, c'estoit mon cher frere et qui m'avoit aymé extremement.

  A016003177 

 Je ne sçauroys vous dire combien mon ame se sent obligee a la vostre pour le soin que vous aves eu de me tenir adverti de l'estat de la santé de nostre Mere.

  A016003178 

 J'eusse bien desiré de vous donner quelque bonne nouvelle en contrechange, mays je n'ay sceu; car encor que monsieur le President et messieurs les freres et seurs se portent fort bien, si est ce que Nostre Seigneur a retiré a soy le bon oncle, monsieur l'advocat, le jour mesme de l'Ascension, pour bon presage quil luy feroit part du Ciel auquel il estoit monté, menant la captivité captive.

  A016003179 

 Ma tres chere Fille, ma Niece, releves tous-jours bien vostre cœur en Nostre Seigneur, esvertues-vous de surmonter toutes les humeurs melancoliques et chagrines, demeures en paix.

  A016003202 

 Nous croyons tres [375] assurement que Nostre Seigneur a heu fort agreable de voir la grandeur de Vostre Altesse r'abaissee jusques la, et esperons que se ( sic ) rabaissement vous eslevera tousjours d'avantage devant les yeux de la divine Majesté..

  A016003210 

 Des il y a long tems, vostre charité et pieté m'estant conneue par la reputation qu'elle s'est acquise en nostre [376] France, elle l'est maintenant beaucoup plus par lhonneur que Vostre Illustrissime Grandeur me fait en une affaire que la divine Majesté a permis, ou plustost ordonné, vous estre tumbee entre les mains, pour mon bonheur et advantage; puisque je ne pouvois rencontrer ni une plus grande, ni une plus utile et necessaire faveur que celle quil plaira a vostre bonté, Monseigneur, me departir, et laquelle me licentiant, ce me semble, de representer encor de rechef sur ce papier ma necessité, je ramenteveray en toute humilité a Vostre Illustrissime Grandeur, comm'il y a des-ja quelques annees, pendant son sejour en France, je m'essayay me rendre sous vostre authorité pour le sujet dont il est maintenant question; et sachant bien que de moy je ne meritois pas cet honneur, je fus favorisee de Monseigneur le Duc de Nevers, lequel vous fit offrir quelques supplications [377] pour moy.

  A016003236 

 Ayant conferé avec mes Freres de ce que vous m'aves communiqué pour le regard [des] habitz qui furent jadis a Ripaille, nous n'avons jamais sceu treuver qu'ilz ayent esté remis en depost ceans; et si, ne pouvons croire que s'ilz nous avoyent esté confiés, Son Altesse voulut, apres tant de tems, les nous oster, puisque l'eglise a laquelle ilz appartenoyent n'est point en estre pour les repeter, et que nous ne sommes pas moins ses tres humbles et tres obeissans orateurs qu'aucuns autres ecclesiastiques de ses Estatz.

  A016003236 

 Mais, comme je vous dis, nous n'avons nulle sorte de tesmoignage pertinent d'avoir jamais esté depositaires d'aucuns meubles de Ripaille.

  A016003239 

 Faites nous ce bien d'en asseurer Son Altesse, a laquelle nous souhaittons incessamment devant Dieu toute prosperité et santé, et a vous, Monsieur, l'assistence de son Saint Esprit, demeurans.

  A016003268 

 Au sortir de vostre cher Nicy, je ne puis qu'a ma premiere journee je ne retourne par le moyen de ma plume bayser vos sacrees mains et vous dire, comme au depositaire de mon cœur, que tirant contre Geneve et faisant mon oraison sur ce passage: Et instaura numerum militum qui ceciderunt de tuis, hé, Seigneur, ce disois je, restaurez ceux ci, reparez ce nombre infini de Genevois qui sont cheus en l'eternelle perdition.

  A016003268 

 Voyla, mon cher Pasteur, comme je vous descouvre mon ame..

  A016003269 

 Mais vous diray je pas encore que, quand vos cheres Filles m'eurent descouvert les leurs en confession, je m'escriay: Mon Dieu, si vos Anges avoyent des corps et des confessions a faire, ilz se confesseroyent de ce de quoy les Filles de ce grand Pasteur s'accusent! Continuez, mon unique Pere et Reverendissime Seigneur, a les faire croistre en la profondeur de leur humilité; car, ou mon genie me trompe, ou tout le monde sera trompé en l'admirable progrez que l'on verra faire a vostre Congregation..

  A016003270 

 Et n'estoit que je voy nostre bon Frere compagnon qui a un peu envie de s'aller delasser, je ne me souviendrois point de finir de vous entretenir de ce que le bon Dieu m'a dit, de sa grace.

  A016003270 

 Je suis insatiable a y penser et a vous en parler, et vous faut advoüer que ce matin, m'estant mis en chemin et ayant commencé mon oraison a quatre heures, je ne me suis jamais souvenu de la finir qu'à la disné, environ les onze heures.

  A016003270 

 Mais aussi ne le faut il pas dire la nuit, puisque sa Bonté le mettra bien tost au jour, et fera dire a plusieurs, voire a tous, ce que maintenant je dis avec le Prophete que vous aymez tant, Monseigneur: Tu m'as donné a conoistre les choses non sceuës et secrettes de ta sapience; voicy que la joye de mon salutaire m'est renduë, puis que tant d'ames seront confirmees de l'esprit principal dans la Visitation, que mon ame visite si souvent par ses souhaits a Dieu; car, Monseigneur, j'estime que si je pouvois servir ceste sainte Congregation, ce seroit vous tesmoigner que je suis.

  A016003292 

 En fin, quand je voy que la charité, dont l'ordre est le desordre, vous a fait postposer l'indisposition de vostre corps à celle de mon cœur pour me tracer des douceurs dans le plus espais de vos douleurs, meslant la myrrhe avec les aromates, comme l'Espouse sacrée et sucrée, je ne peux dire autre chose, sinon que: Si je ne vous puis respondre par paroles, face le Ciel que je vous puisse au moins correspondre d'affection!.

  A016003292 

 Or, toutes les circonstances de celle que je viens de recevoir de vous, m'obligent: la matiere, la forme, le temps et, plus que tout, cest extreme amour qui, ne la pouvant escrire, l'a dictée, et au milieu de ses douleurs; ainsi, fortior morte dilectio.

  A016003293 

 Je croy qu'il y a des esprits secrets dans les caracteres qui partent de vous, tant ils sont flexanimes, et que d'en haut decoulent des influences particulieres sur vos persuasions, comme si la Deesse Python avoit estably son throsne sur vos levres jamais livre ne me toucha le cœur comme le vostre, jamais lettres ne me contournarent ( sic ) [389] à leur gré comme celles qui me viennent de vous.

  A016003293 

 Ne dittes point que je vous en conte, je dis la verité de mon sentiment: Oratio mea tantum abest à mendacio quantum à necessitate..

  A016003293 

 Ne vous ennuiez pas de m'escrire, car je ne pense pas, emmy toutes les bonnes œuvres dont vous embaumez et le ciel et la terre, que vous en puissiez faire aucune plus signalée que celle de me conseiller, consoler et consolider.

  A016003293 

 Vous pouvez sur moy tout ce que vous voulez; vostre jugement a un tel ascendant sur le mien et vostre volonté regente si absolument la mienne, que je rumine vos paroles comme des oracles; je remasche vos escrits comme des fueilles Sibyllines, sur quoy je ne peux faire de gloses qui ne me satisfacent, pourveu qu'elles soient conformes à ces textes.

  A016003294 

 Ce seroit vous assommer, apres ceste maladie, de vous sommer de vostre promesse; mais quoy? le changement d'air pourroit-il point ravigorer? Le pelerinage, comme le jeusne, confere souvent à la santé comme a la saincteté.

  A016003294 

 Et pourquoy n'attendray-je de vous en esté ce que je vous ay rendu emmy les rigueurs de l'hyver? Il est vray que j'allois apprendre de vous et vous rendre quelque eschantillon de mon devoir..

  A016003294 

 Quid non speremus amantes? Soyez mon bon Seigneur et mon Apollon tant que vous voudrez, si me debvez-vous une veüe; l'amour se paye par l'amour, la visite par une autre.

  A016003295 

 Venez seulement quand et comment il vous plaira; mon cœur est de si longue main preparé à cherir le vostre, que si le premier mouvement que les Stoïques pardonnent à leur inflexible sagesse donne quelque esmotion au sens par la surabondance de la joye, la partie superieure, partie de l'ame, n'en sentira aucune nouvelle impression.

  A016003295 

 Vous ne prendrez jamais au despourveu un cœur si gros d'amitié pour vous, quil fera tousjours à vos pieds litiere de soy mesme..

  A016003296 

 Cependant, si vous estiez en peine de la constitution de mon esprit apres ce deluge d'eaux angoisseuses qui l'ont comme vous sçavez, traversé et presque ensevely dans leur bourbe, je ne vous diray sinon: Hyems abiit, imber transiit et recessit, flores apparuerunt in terra nostra, tempus putationis advenit.

  A016003309 

 Sur ce, Nous prions Dieu vous avoir en sa saincte garde et benir toutes vos sainctes entreprises pour le service de sa Majesté..

  A016003332 

 De quoy Nous vous avons donné advis, comme aussy a tous les Princes Electeurs et Estatz de l'Empire, avec desir de vous convier de Nostre Imperiale autorité, de vous treuver audict jour, 1.

  A016003332 

 Sur ce, de Nostre Imperiale autorité et bienveuillance, et expressement, vous avons voulu de rechef exhorter a vous treuver a ladicte assemblee, avec les Princes Electeurs, aultres Princes et Estatz dudict Empire, audict jour, premier de febvrier de ladicte annee 1615..

  A016003333 

 Et ne doubtons aucunement que vostre volunté, et de tous lesdictz Princes et Estatz, ne soit tousjours telle, que vous vous porterez tousjours avec une vraie affection pour le contenu ausdictes propositions, et serez tousjours zelé a l'avancement du bien de l'Empire, non seulement en ladicte assemblee, mais encor ou vostre assistance sera necessaire; protestantz, au deffault de ce que la ou lesdictz Estatz et assemblee ne se resouldront a quelque chose de bien, pour la tuition, deffense et soulas de la Christienneté, que ce ne sera a nostre coulpe, ains, comme Nous avons tousjours tesmoigné par tout, nostre syncerité et affection se rendra de plus en plus prompte, comme desja des nostre election Nous vous avons faict paroir en ce que Nous nous sommes portés en ce qui a esté du bien et repos de tout nostre dict Empire, et n'y avons espargné aucun hazard, mesme de nostre vie, comme Nous ne ferons encor par cy appres..

  A016003333 

 Or, puis que pour la conservation de la religion et paix de l'Empire, il est necessaire qu'ilz soient faictz des edictz, loix et ordonnances qui seront inviolablement gardees et observees sellon leur portee, affin que par ce moyen touttes les menees, factions, forces [394] et inquietudes qui se font en icelluy puissent estre empechees et aneanties, et a ces fins vous avons, il y a desja quelque temps, mis le tout en avant; comme aussy plusieurs aultres incommodités, qui desja vous furent proposees a la derniere diette et qui se vont tout le ( sic ) jours de plus accroissantz et augmentantz, Nous offrantz Nous mesme pour touttes les dictes necessités Nous emploier en tout et par tout sellon ce qui sera trouvé expedient et resoulu par tous lesdictz Princes et Estatz en ladicte assemblee.

  A016003342 

 Et d'aultant que la perfection de ce bon œuvre Nous est fort à cœur, Nous avons estimé de l'appuyer à vostre pieté et zele que vous avez toujours monstré à l'avancement de la vertu, ennemye de l'oysiveté, en laquelle bien souvent la jeunesse se pert.

  A016003342 

 Et pour ce, vous Nous ferez plaisir bien agreable d'embrasser à Nostre nom l'execution de cette Nostre voulonté et l'establissement desdictz Peres dans ledict College, facilitant touttes les difficultez que l'on y pourroit trouver, afin que Nous puissions recevoir ce contentement sans contredit ne replique..

  A016003343 

 Et Nous promettant que vous l'aurez en recommandation, prions Dieu vous avoir en sa saincte garde..

  A016003384 

 Apres avoir baisé les sacrees mains de Vostre sainte et Illustrissime Seigneurie, je ne puis m'empecher de vous dire que, passant par Lion, tout foible que je suis, j'ay, comme un autre Samson, gousté, odoré et loué la suavité, douceur et pieté du mesnage et du miel de vos cheres abeilles, qui ont jetté leur premier essaim dans cette fameuse ville, ou elles sont en tres grande et rare estime.

  A016003384 

 J'en loüe Dieu, Monseigneur, et le benis de ce quil a fait, par vous et la tres digne Baronne de Chantal, une œuvre si sainte et digne de la main, de la peine, du travail des Saints; car tels ouvrages ne se peuvent jetter au moule que par des ames singulierement esleües.

  A016003398 

 Il n'y a remede, si faut il que je fasse un peché veniel, vous allant distraire de vos grandes occupations pour lire mes esgratigneures, vous, dis-je, que je vois occupé, et non empressé, a cultiver vostre petit paradis terrestre..

  A016003399 

 Je loüe Dieu d'un cœur joyeux que vous ayes transplanté la racine et des branches en nostre France, ou elles rendent desja une odeur de pieté et de devotion qui restaurera la devotion et ralumera le feu du saint amour en plusieurs cœurs de glace.

  A016003399 

 Le Reverend Pere Maillan qui, comme vous savez, est a Lion, m'escrit qu'il trouve en madame de Chantal tout ce que l'on loüe es saintes vefves qui l'on devancee, et quil luy semble, quand il luy va parler, qu'il va dans l'oratoire de la devote et genereuse Judith, tellement tout y respire le Ciel et l'esprit d'oraison.

  A016003413 

 Aussy vous avons Nous voulu asseurer par ceste, de vous vouloir avoir en particuliere protection, et vous ayder, favoriser et assister en tout ce quil sera necessaire pour l'effect d'un si bon œuvre, comme Nous escrivons aussi de le fere au Marquis de Lans, mon neveu, et a nostre Senat de Savoie, auquel vous pourres recourir pour touttes sortes d'occasions.

  A016003413 

 La Contesse de Tournon a charge de l'Infante d'assister a son nom a la solennité que vous feras, et de l'advertir de ce qu'elle pourra fere pour vous..

  A016003413 

 Nous avons heu fort agreable l'election que vous aves faicte de l'Infante Duchesse de Mantoue, ma fillie, pour vostre mere et protectrice; et louantz vostre pieté, charité et devotion, Nous avons esté tres ayse qu'ayes erigee vostre Congregation a l'imitation de celles que sainct Charles a institué a Milan.

  A016003414 

 Priantz, sur ce, Dieu vous avoir en sa sàincte garde..

  A016003428 

 Aussy avons Nous faict que Son Altesse, mon Seigneur et pere, vous aye bien particulierement recommandee au Marquis de Lans et au Senat, auquel vous pourés recourir pour toute sorte d'occasion, comme aussy a Nous, qui ne manquerons de vous favoriser et assister de tout nostre pouvoir, comme la Contesse de Tornon vous dira a bouche, a laquelle Nous avons donné charge d'estre presante en nostre nom a la solannité que vous feres..

  A016003428 

 La resolution que vous aves prise de servir avec tant de zelle a Dieu et au prochain Nous a esté tres aggreable, et Nous ne pouvions recevoir davantage de contentement que de l'election que vous aves faicte en Nous, pour estre mere et protectrice de vostre devote compagnie; ce que Nous avons accepté tres volontier, pour avoir part a une sy bonne œuvre.

  A016003429 

 Il me reste donq a vous dire que, comme tous les fleaux que nous souffrons viennent du courroux que, justement, Nostre Seigneur conçoit contre nos pechés, ce quil ne se peut mieux apaiser que par les devotes oraisons des ames religieuses, Nous avons jugé que les vostres seraient tres a propos pour faire souvenir la divine Majesté de sa misericorde et regarder de son œil de pitié nos aflictions publiques.

  A016003429 

 Voila pourquoy je vous conjure de prier sans intermission, afin que bientost nous puissions voir quelque bout de tant de calamités; ce que Nous asseurant que vous ferés volontier, je vous recommande de prier en particulier pour moy, qui vous cheris bien fort..

  A016003442 

 Je vous ay tous-jours accusé touttes celles que j'ay receu..

  A016003442 

 Vray est que le pacquet que ne luy voulutes addresser, M. Trabichet le luy addressa, auquel estoient touttes ces lettres du bon Pere Diego; j'ay donc receu trois des vostres tout a coup, du 21, 22 et 29 decembre, ensemble la procure et lettres pour l'Ambassadeur et M. d'Albon, auxquelles je vous respondray tant amplement que le loisir le me permettra.

  A016003443 

 Il y a aujourd'huy trois sepmaines que j'obtin la supersessoire, et vous donnay advis par diverses voyes comme je l'avois envoyé à Monseigneur par voye du Nonce; j'ay grandissime envie d'entendre la reception.

  A016003443 

 Quand a ce que vous me dites que je debvois faire que les Cardinaux escrivissent que le Nonce commit des non suspectz pro informatione, cela ne se pou voit, puisqu'alhors il ne [403] se parloit que de la volonté de Son Altesse, pour laquelle sçavoir et procurer nous estre favorable, j'obtins lesdites lettres au Sieur Nonce..

  A016003444 

 Je loüe infiniment Nostre Seigneur de vostre bonne et tous-jours meilleure convalescence, vous asseurant que quotidie in sanctissimo Missae Sacrificio je la recommande, ensemble tout ce qui depend de vous, a la misericorde et bonté divine..

  A016003445 

 Et maintenant, pour commencer, je suis fort en peine, car il est du tout impossible de ce faire sans une grande despense, car il faut faire escrire in jure et facto, et païer, etc., comme vous sçavez; car ce sieur d'Albon est fort prattique, et peut, mais il est si attaché au gain, qu'il ne veut travailler sans estre paié.

  A016003445 

 Quand aux lettres que le bon Pere Diego escrit au Pere Ignace, elles ne me peuvent a present guieres servir, ny autres, puisque, comme je vous ay desja escrit, que le Dataire m'a faict dire ch'io faccia citare la parte, etc.; mais je n'y ay encour rien faict, car j'estoys conseillé de ne rien bouger sans les lettres de Savigny.

  A016003446 

 Il est marry de ce que M. de Savigny ne faict point d'estat de luy si non quand il en a besoin; et quand a ces memoires que je vous manday de sa part, avec le reste de ses louanges, rogatus rogabam.

  A016003446 

 L'apprehension que j'ay que, puis appres, on ne pourra paier et rembourser, me faict aller si retenu a despendre; car si vous m'asseuriés qu'ilz auront de quoy a la fin du jeu, je ne serois si ciche a despendre..

  A016003446 

 Si vous estes content, et ces Messieurs, qu'on despende, et qu'on ne laisse, a faute d'argent, de solliciter et plaider, escrivé le moy, et ordre a M. Gojon de fournir; car il a receu ordre de me bailler jusques a la somme de 60 florins, et il ne faudra pas [404] beaucoup que la somme sera des-ja achevee, car il ne touche pas terre, comme vous sçaves.

  A016003447 

 Escrives moy donc tout court que je despende ce qui sera necessaire au proces et sollicitations, ou vraiement que il ne se peut; car vous sçaves que je vins avec ferme croiance de tous nous autres de faire merveilles avec mes attestations, et non poinct pour plaider.

  A016003447 

 Item, si vous estes d'advis que mettions la cause en Rote, car le Procureur de Sainct Paul dict que l'y ayant mise, que j'obtiendroys sans delay mandatum de manutenendo, et qu'avec cela je m'en pourrois aller, et que luy auroit le soing de defendre la cause et que, possible, les Peres Feullantz ce voiant, quitteroient..

  A016003447 

 J'ay empronté de Nombride dix ducattons en piece, desquelz je me suis cedulé; je vous prie que, s'il mande la cedule, qu'on les paie a qui la portera.

  A016003449 

 Vous ferés fort bien, si quelqu'un va a Lyon (car il ne faut mander expres), d'escrire a M. l'Abbé qu'il fit un' autre procure, seulement au Procureur general de la Congregation Montis, etc., [405] sans y mettre son nom, quoy que je l'aye envoyé; car, comme cestuy en sera Abbé, la procure servira pour son successeur et au Pere Dom Constantino Gaietano, decano di essa Congregatione et continuo commensale di Sua Santità; et ce attendant, je ne lairray, avec celle que nous avons, de travailler tout ce qui se pourra.

  A016003450 

 Aujourd'huy, M. d'Albon et moy sommes allé parler au sieur Ambassadeur et presenter la lettre du sieur de Savigny; il l'a leu fort attentivement, et puis a dict qu'il ne se voudroit point embarquer en cet affaire sans estre asseuré d'en pouvoir rapporter l'honneur et la victoire, car, dit il, «Si ces Feulliantz sont portés du Duc, il y aura bien que faire; que si Leurs Majestés m'en escrivoient un mot, alhors nous ferions prou.» Ce nonobstant: «Allés vous en (a il commandé audict sieur d'Albon, me presente ) aux Feulliantz et parlés au Procureur general, luy disant que je vous envoye expres vers luy pour [voir], par ce que Leurs Majestés et l'Abbé de Savigny m'ont escrit touchant un certain Prieuré, et qu'il nous dit ses raisons pourquoy; et outre ce, qu'il me vienne parler.» Ledict sieur d'Albon y vouloit aller sur le champ, a condition que je l'accompagnerais; je me suis excusé, et dict que pour avoir donné la lettre et informé une fois ledict sieur Ambassadeur, que je me contentois; mais que pour y retourner a solliciter et courtiser, ce sera tant furtive et rarement que je pourray, par raisons, etc.; tellement, qu'il a remis a demain mattin d'aller faire son ambassade.

  A016003451 

 Quant a la surprinse de laquelle vous me donnés advis, il ne faut doubter qu'il ( sic ) procureront de se justifier, voyant que par tant de memoriaux je les [406] ay accusé d'avoir mal supplié; mais je ne pense pas pour cela que l'on n'entende et voye mes attestations quand serons en lice.

  A016003452 

 Si vous jugés que je perde courage, par la presente, vous le jugerés mieux par un'autre ou je vous parle plus sec, quand j'ay veu ne sçavoir ou donner de la teste au commandement du Dataire.

  A016003453 

 Il faut vous repeter le mot principal, affin que, tant vous qu'autres a qui il appartient, vous prepariés comme moy: si Son Altesse faict sçavoir a Sa Saincteté sa volonté en faveur des Feulliantz, il ny aura autre remede que celuy que je vous ay desja allegué..

  A016003456 

 J'ay prié M. Gojon de promptement faire la supplique de Cornier et la solliciter, mais, comme vous sçaves: qui n'aura de quoy expedier les Bulles, je ne le conseille d'envoyer a Rome, car touttes les supplications de nostre pays sont accrochees pour les Bulles..

  A016003456 

 Ne procurés pas, s'il vous plaict, qu'il me donne des commissions qui me puissent empescher en l'affaire principal, qui requiert totum bominem.

  A016003456 

 [Je] luy escrit; vous la verrés et [baillerés].

  A016003457 

 M. Gojon m'a faict voir la vostre cum rubore, car il semble que vous luy parlés un peu hault; mais vous avés bien faict, affin que, maintenant qu'il a ordre, qu'il ne fasse tant me promener.

  A016003459 

 Pour moy, je voudrois que ce fut desja demain, tant je m'ennuy, non pour autre que pour voir si grandz frais et si peu de moiens de les paier; sçaches moy donc, je vous prie tres-humblement, a dire et commander quand il faudra caparrare cavallo..

  A016003460 

 De François Pessard(?), j'attendz [408] responce en finissant ceste, laquelle servira pour tous messieurs mes freres, seurs, parentz et amys, auxquelz, appres vous, je baise tres-humblement les mains, et demeure a [jamais] de tout mon cœur,.

  A016003460 

 J'ay aujourd'huy salué Monsignor Hortentio de Rossi, jadis nostre Procureur, et adesso Commissario della Cancelleria; il m'a demandé fort courtoisement de vostre estre, etc. Je vous ay escrit amplement de vostre faict.

  A016003472 

 Et partant, vous avons voulu dire par ceste, qu'ayez a les aider, favoriser et assister en tout ce que vous sera possible pour l'effaict que dessus..

  A016003473 

 Et sur ce, prions Dieu vous avoir en sa saincte garde..

  A016003483 

 Et non seulement vous Nous donnerés en cela ung grand contentement, mais aussy tesmoignerés par la vostre affection au bien de la ville et de nos subjectz d'icelle, qui en doibvent ressentir le fruict..

  A016003483 

 Et pour ce, Nous vous disons de faire promptement ladicte remission, par contract autentique, sans y aporter difficulté ny longueur, moins en attendre de Nous plus particulier commandement, puis que telle est Nostre [410] volonté.

  A016003484 

 Et Nous asseurantz que vous y ferés tout incontinant, prions Dieu vous avoir en sa saincte garde..

  A016003496 

 C'est pourquoy Nous escripvons aux Scindics de le remettre entre leurs mains, avec tous les biens, revenus, apertenances et aultres droictz d'iceluy, et vous exhortons d'y aporter toute la facilité qui dependra de l'aucthorité que vous y avés, a celle fin de ne retarder ung si grand bien que non seulement la ville, mais toute la province en doibt ressentir.

  A016003496 

 En quoy vous Nous ferés plaisir tres agreable, ne desirant rien tant que la bonne institution de la jeunesse et le bien [411] de Nos subjectz.

  A016003496 

 Nous voulons tant croire de vostre zele au mesme bien, que vous franchirés toutes difficultés qui s'y pourraient presenter, afin de rendre cest œuvre a sa perfection..

  A016003497 

 Atant, prions Dieu vous avoir en sa saincte garde..

  A016003513 

 Je ne vous saurois dire l'extreme contentement que Monseigneur de Nemours a receu a mon arrivee, lors que je luy ay representé le soin que vous avez de luy.

  A016003514 

 Quil remet le tout a vostre prudent avis, et quil veut croire et se conduire en cecy et toute autre chose par vostre conseil, sous le bon plaisir de Leur ( sic ) Magestez; quil a tousjours eu une grande volonté d'entrer en conference avec vous des le tems du feu Roy, et en a esté souvent solicité par le sieur de la Bretonniere, son intendant..

  A016003516 

 Il m'a librement dit deux choses touchant le voiage de monsieur de Rambolliet, dont je desire vous avertir: l'une est, qu'ayant [413] connoissance de long temps dudit sieur de Rambolliet, il c'est resollu de ne luy communicquer son dessein, parce quil s'assure quil le descouvriroit a S. A., afin de pouvoir avec plus de facilité negotier ce quil aura a faire avec elle; et si c'estoit si bien au retour, il n'en feroit aucune difficulté.

  A016003516 

 L'autre est que, quand ledit sieur de Rambolliet luy conseillera d'aller trouver Leurs Magestez en poste soudain quil l'aura veu, il ne se peut faire sans savoir l'effet de son voiage, et sil sera utile en se ( sic ) pais au service de Leurs Magestez, et dissimulera en attendant, sans rien rompre avec sadite Altesse, suyvant ce que je luy ay dit de vostre part; si bien que, de cela et de toute autre chose, il attendra ce quil vous plaira luy conseiller..

  A016003519 

 Voila, Monseigneur, l'estat de ses affaires, et ce que je vous puis mander de son intention, don je vous supplie tres humblement prendre creance, et que je suis,.

  A016003524 

 Monseigneur de Nemours m'a commandé, de puis ma lettre [414] escrite, de vous faire sçavoir quil se conduira selon que M. de Ramboulliet luy parlera de la part de Leurs Magestez et la vostre..

  A016003549 

 Nous avons receu par le porteur present diverses lettres touchant l'incorporation faicte du College de feu Mons r Chappuis, en vostre ville d'Annessy, par Mess rs les Barnabites, par l'authorité, comme vous escrivez, de Son Altesse le Duc de Savoye.

  A016003550 

 Touchant le jeune homme qu'il vous a pleu reccomander par vos lettres a feu Monsr Bayeus, sa mort cause que vous ne pourrez venir a l'effect d'icelle reccomandation, laquelle mort cause aussy que nous devons advertir de n'envoyer aulcuns nouveaux boursiers pour les Pasques prochaines, pour se trouver le College arriere de quelques cents escus, lesquels devront estre ramborsés a la maison mortuaire dudict Bayus, lequel, par sa bienveulliance envers ceux de vostre nation, a receu et porté plus de charge que le revenu du College ne portoit..

  A016003582 

 Leur première entrevue avec le Saint eut lieu dans la matinée du 27; il fut «bien content,» écrivait-il l'après-midi à la Mère de Chantal, «de voir ces bonnes damoyselles..., et particulierement M me de Gouffier, que je voy toute telle que vous m'aves dit.» Dès l'abord, les deux Fondateurs avaient donc distingué la noble étrangère qui tranchait sur les autres par son esprit de décision et sa vive personnalité..


17-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVII-Vol.7-Lettres.html
  A017000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A017000268 

 De sorte que, quand cet honneste homme que vous m'envoyastes me vint parler de cela et que je vis la lettre de monsieur de Charmoysi, je fus tout surpris et dis que je n'avoys point de charge de cela, et que mesme, m'estant enquis des Peres Barnabites et de plusieurs autres sil y avoit du mal en M. Rosset, pour lequel on le deust renvoyer, je n'avois rien peu treuver qui meritast cela.

  A017000268 

 Les porteurs de vos precedentes lettres m'ont pris en un tems auquel j'estois si fort embarassé de gens et d'affaires que je ne sçavois ou j'en estois, et ne pouvois me desrobber pour vous faire response, laquelle d'ailleurs je ne sçavois comme vous faire, par ce que vous presupposies que monsieur de Charmoysi mon cousin m'eust donné charge de pourvoir au changement de maistre de vos enfans, et jamais il ne m'en avoit fait un seul [1] mot, bien quil m'eust escrit seulement le jour precedent.

  A017000269 

 En somme, je conclus a M. de Vallon qui m'apporta la lettre, qu'en leur absence et la vostre je prouvoirois aux enfans, quand je m'appercevrois quil y eust chose qui meritast que j'y misse la main, pour le devoir que [2] je leur avois a tous trois; mais que les peres et meres estans presens, c'estoit a eux de s'en accorder et de le faire; et que je m'en remettois a eux, puisque principalement monsieur de Charmoysi requeroit en la lettre que vous m'envoyastes, des conditions en un maistre qu'on ne treuve pas mesme es maistres ou precepteurs des Roys: un maistre qui n'eust rien a faire qu'apres les enfans, ni pour dire la Messe, ni pour estudier d'estude particulier.

  A017000269 

 Sur quoy, je ne sceu que dire non plus, car vous ne m'avies rien marqué de particulier des defautz de M. Rosset.

  A017000270 

 Je voy vos enfans qui se font gentilz, et ne me semble pas que vous en deves estre en peyne; outre que M. Rosset, qui s'est veu a la veille d'estre hors de sa condition avec quelque deshonneur, s'evertuera de faire tous-jours mieux.

  A017000270 

 Voyla tout, ma tres chere Fille, sinon quil faut que je vous die que des-ja le changement de M. Romain a M. Rosset fut treuvé mauvais, par ce que ceux la mesme qui parloyent en mal de M. Rosset ont dit despuis quilz avoyent eu tort, et M. de Charmoysi le fit seulement pour ne vous point desagreer, par condescendence.

  A017000271 

 Elle vous escrivit, et je vous envoyay sa lettre, ce me semble, dans le pacquet auquel je mis la clausule du testament de feu M. Gavent.

  A017000271 

 Je desire bien de sçavoir si vous l'aves receue..

  A017000273 

 J'ay bien aussi envie de vous voir, mays quand vous seres remise.

  A017000273 

 Je suis cependant, ma tres chere Fille, tres parfaitement tout vostre, comme vous sçaves..

  A017000288 

 En cette espece de manquemens, je prendray, sil vous plait, l'absolution de vous, que vous ne me refuseres point, en vertu de vostre courtoysie, que j'implore des maintenant, en attendant lhonneur de vostre praesence quand il vous plaira le nous donner.

  A017000288 

 Et lhors, je vous protesteray de vive voix ce que la haste de ce porteur ne permet d'escrire qu'en ce peu de motz, que je suis, Monsieur,.

  A017000288 

 Il est vray, j'ay sursis de vous escrire si souvent, pour le respect que je doy a vos affaires, sans que pour cela j'aye laissé de desirer et demander souvent des asseurances de vostre santé.

  A017000292 

 Monsieur, je vous remercie tres humblement de la communication de ces belles escritures, desquelles je feray selon vostre desir..

  A017000317 

 Ayant receu vostre lettre et le message que l'on m'a fait de vostre part, je vous diray que je connois fort distinctement les qualités de vostre cœur, et entre toutes, son ardeur et force a aymer et cherir ce qu'il ayme: c'est cela qui vous fait tant parler a Nostre Seigneur de ce cher trespassé, et qui vous porte a ces desirs de sçavoir ou il est..

  A017000318 

 Or, ma chere Mere, il faut reprimer ces eslancemens, qui procedent de l'exces de cette passion amoureuse; et quand vous surprendres vostre esprit en cet amusement, il faut soudain, et mesme avec des paroles vocales, retourner du costé de Nostre'Seigneur et luy dire, ou cecy mesme ou chose semblable: O Seigneur, que vostre providence est douce! que vostre misericorde est bonne! Hé, que cet enfant est heureux d'estre tombé entre vos bras paternelz, entre lesquelz il ne peut avoir que bien, ou qu'il soit..

  A017000320 

 Et passés outre; car si vous permettes a vostre ame de s'amuser a cet object proportionné et aggreable a ses sens et a ses passions inferieures et naturelles, jamais elle ne s'en voudra oster, et, sous pretexte de prieres, de pieté, elle s'estendra a certaines complaysances et satisfactions naturelles, qui vous osteront le loysir de vous employer autour de l'object surnaturel et souverain de vostre amour.

  A017000320 

 Quand vous recommanderes cet enfant a la divine Majesté, dites-luy simplement: Seigneur, je vous recommande l'enfant de mes entrailles, mays bien plus l'enfant des entrailles de vostre misericorde, engendré de mon sang, mays reengendré du vostre.

  A017000331 

 Vous l'aves bien conseillee qu'elle s'assise, et il faut qu'elle le face avant que les maux de cœur la prennent; c'est a dire qu'elle face toute l'orayson assise, ayant au paravant fait une adoration a genoux.

  A017000334 

 Nous benirons aussi l'eau; mais vous ne me dites point a qui nous la donnerons..

  A017000335 

 Vous faites bien de ne point pousser la fille, c'est au Saint Esprit de luy donner les inspirations selon son bon playsir; mais pour moy, j'ay quelque esperance quil la rendra toute sienne tres parfaitement, et ne doute point qu'au moins elle ne le soit suffisamment pour obtenir la verité, car cett' ame la est bien marquee..

  A017000348 

 Je vous escris sans aucun loysir, mais non pas sans beaucoup de desir de vous servir..

  A017000348 

 Je vous remercie de la confiance que vous aves en moy, qui reciproquement vous cheris d'une affection toute particuliere, et ne cesse point de vous souhaiter les vrayes consolations du Saint Esprit entre les tribulations desquelles sa Bonté vous visite, pour vous exercer en l'humilité et patience.

  A017000349 

 Quand le livre dont vous me parles sera imprimé, qui ne peut estre de deux mois, vous en aures, Dieu aydant, que je prie cependant de vouloir estre luy mesme le livre de vostre cœur, dans lequel vous lisies et apprenies a bien aymer sa tressainte Croix, delaquelle il vous fait participante..

  A017000365 

 Je respons a vos deux lettres, ma tres chere Fille, vous conjurant avant toutes choses de ne plus appeller importunité pour moy la reception de vos lettres, laquelle, en vraye verité, m'est tous-jours extremement aggreable..

  A017000366 

 De la fidelité, pour renouer vos resolutions de servir la divine Bonté aussi souvent que vous les rompres, et vous tenant sur vos gardes pour ne point les rompre; de l'humilité, quand il vous arriveroit de les violer, pour reconnoistre vostre chetifveté et abjection.

  A017000366 

 Je voy bien en la premiere, vostre cœur tous-jours plein de bons et vertueux desirs, car il est de naturel fort bon; mais, ce me dites vous, vous ne vous corriges pas asses puissamment de vos imperfections.

  A017000366 

 Mays certes, il faut tout de bon avoir soin de vostre cœur, pour le purifier et fortifier selon la multitude et grandeur des inspirations que vous en aves.

  A017000366 

 Vous sçaves que je vous ay souvent dit que vous devies estre affectionnee esgalement a la prattique de la fidelité envers Dieu et a celle de l'humilité.

  A017000367 

 Et je ne treuve pas mauvais que vous soyes un peu privee de la tressainte Communion, puisque c'est l'advis de vostre confesseur, pour voir si le desir de retourner a la frequentation d'icelle vous fera point un peu prendre plus garde a vostre amendement.

  A017000367 

 Et tous-jours feres vous bien de vous humilier fort aux advis de vostre confesseur, qui void l'estat present de vostre ame, lequel, quoy que je m'imagine asses sur ce que vous m'en dittes par vos lettres, si est-ce qu'il ne me peut pas estre conneu si particulierement comme a celuy a qui vous en rendes conte.

  A017000367 

 Or j'entens, qu'encor que vous esloigneres un peu vos Communions, vous ne laisseres pas pour cela de bien suivre la frequence des confessions, car de celles ci, il n'y peut avoir aucune rayson de les esloigner; au contraire, elles vous seront utiles pour assujettir vostre esprit qui, de soy mesme, n'ayme pas la sujettion, et pour l'humilier et luy faire mieux discerner ses fautes..

  A017000368 

 Ce sera un voyage de 15 jours ou environ, apres lequel j'en veux faire un autre en Chablaix, pour estre de retour de tous deux en septembre; mais je repasseray par icy, et seray tous-jours bien ayse de vous escrire, si je puis..

  A017000369 

 Retenes bien vostre esprit en Dieu; lises le plus souvent que vous pourres, mais peu a la fois et avec devotion.

  A017000370 

 Je vous respons a part, en la feuille ci-jointe, a la demande que vous m'aves faite pour la dame vefve, affin que, si vous voules, vous puissies monstrer ma response; et suis invariablement, ma tres chere Fille, tout vostre et.

  A017000408 

 Ce soir je seray aupres de vous et de nos Seurs, marri plus quil ne se peut dire que mon loysir s'en aille ainsy..

  A017000409 

 O Seigneur, a qui tout est present, donnes a nostre esprit une telle presence de soy mesme comme vous luy aves donné un'unité, affin quil vive autant consolé quil est requis pour vous bien servir en vostre presence, Seigneur, et en la sienne de soy mesme.

  A017000430 

 Avec mille bonsoir (sic), je vous avertis du depart du [19] P. Cordelier, qui sera demain un'heure devant jour; si vous aves escrit, je feray le memorial.

  A017000430 

 Mays en attendant, conserves vous, je vous en supplie, ma tres chere et tres bonne Mere, que je verray, Dieu aydant, demain..

  A017000443 

 Je croy qu'elle ne desireroit pas mieux, et sur tout, s'il vous plaisoit de l'asseurer que vous favoriseries sa bonne intention de quelque doux accueil et de quelque moderation en la penitence que.

  A017000443 

 Mays, mon Reverend Pere, vous me proposes le retour de cette brebis en vostre parc.

  A017000444 

 Que si vous prenes le soin de me tenir adverti de vostre volonté pour ce regard, je coopereray a ce bon œuvre de tout mon cœur; duquel vous saluant bien humblement et vous souhaittant toute sainte benediction, je demeure,.

  A017000454 

 Par cette premiere commodité, je vous rens conte de nostre voyage, ma tres chere Mere.

  A017000455 

 Elle demanda congé a Monseigneur l'Archevesque d'entrer vers vous, lequel le luy accorda, et luy donna mesme esperance de luy permettre d'y coucher.

  A017000455 

 Je vous escriray un petit billet a part affin qu'elle le voye, ayant bien du desir qu'elle sache que je la cheris et estime, pour la plus grande gloire de Dieu..

  A017000457 

 Ces petites histoires villageoises me playsent et m'edifient, et c'est pourquoy je vous les raconte..

  A017000459 

 Ma tres chere Mere, je suis, comme vous sçaves vous mesme, tout vostre, sans reserve ni difference quelcomque.

  A017000471 

 Convié par Monseigneur l'Archevesque de Lion, j'ay esté aupres de luy ces jours passés, et pensois bien de la vous bayser les mains, comme je fay maintenant tres humblement par lettre; mais je n'en eus jamais le loysir, a cause de l'empressement des visitari et visitare.

  A017000471 

 Mais, si je n'ay peu vous escrire, je n'ay pas laissé de parler souvent de vous avec ce digne Prelat, qui certes tesmoigne de vous honnorer et estimer grandement; en quoy je prenois grand playsir, comme vous pouves penser..

  A017000473 

 Je prie la divine Bonté qu'elle vous comble de ses plus cheres faveurs, et suis immortellement,.

  A017000488 

 Convié par Monseigneur l'Archevesque de Lion, j'ay esté ces jours passés aupres de luy, ou je pensois treuver le loysir de demy heure pour vous escrire; mays je ne sceu onques gaigner cela sur la multitude des visites et de quelques autres occupations qui me furent donnees, outre quelques predications.

  A017000488 

 Maintenant je repare la faute, et vous diray hardiment le mal apres la guerison..

  A017000491 

 Je vous supplie de luy escrire que je vous ay tesmoigné du contentement de luy, affin de luy donner courage de continuer..

  A017000492 

 En somme, sachés, je vous supplie, Monsieur, que cet enfant m'est cher comme mes yeux, et que, de son costé, il paternise excellemment a m'aymer; et si, j'espere que, passé ces annees perilleuses, on le verra encor paterniser en plusieurs autres conditions, Dieu aydant.

  A017000494 

 J'escris sans aucun loysir; c'est pourquoy je prendray la confiance de ne point escrire a madame ma tres chere fille, a laquelle indivisement avec vous, Monsieur, je souhaitte mille et mille benedictions, demeurant pour jamais.

  A017000506 

 J'ay de rechef beaucoup de consolation, ma tres chere Fille, de vous voir si contente aupres de ce cher mari, [29] qui me fait beaucoup d'honneur de m'aymer, quoy que je ne le merite nullement, si ce n'est par la fidele affection que je vous ay a tous deux..

  A017000524 

 Car, dequoy vous pourrois je entretenir maintenant? Chacun, en ce païs, se repose pour un peu, comme gens qui ne font que de sortir d'un grand travail, et tous-jours quelques uns prennent le repos final dans la sepulture, pour les extremes incommodités quilz ont souffertes en la guerre, en laquelle il semble quilz n'ont pas eu le loysir de mourir, et qu'au premier tems qu'ilz ont de relasche, ilz font ce devoir.

  A017000524 

 Ce n'est que pour me tenir en mon devoir et pour mieux m'asseurer du desir que j'ay que ce porteur vous bayse les mains de ma part, que je luy donne ces quatre lignes affin quil les vous presente.

  A017000539 

 Je desirerois neanmoins quil en eut sans prejudice de ma parole, et ne doutant point que les sieurs Gay et Choudens ne s'accommodent volontier a mon intention, je vous prie de faire avec eux quilz associent ce personnage [32] qui, pour l'appuy quil aura de monsieur de Siccard et de monsieur de la Faye, pourra beaucoup pour rendre la ferme plus utile.

  A017000539 

 Que si ilz ne s'accommodent pas a mon desir, je vous prie de surseoir et me venir voir..

  A017000541 

 Atant, vous priant d'avoir tous-jours bon courage parmi ces petitz tracas, je supplie Nostre Seigneur quil vous comble de ses graces, et suis,.

  A017000556 

 Il faut, ma chere Mere, en telles occurrences me dire vostre advis; car, moy qui ne voy que par vos yeux comme par les miens, en ceci, comme puis-je bien juger sans vous?.

  A017000556 

 Or sus, comme je pourray, je vay dire premierement, que ces bonnes dames seront les bienvenues apres [34] la [Toussaint,] que vous seres icy, si vous treuves bon qu'on les reçoive dans la Visitation pour le tems qu'elles demandent, et que vous pensies qu'elles doivent estre edifiees de la conversation de nos cheres Seurs et de ma veüe; car, ma chere Mere, vous qui les aves veües, pourres mieux discerner cela que moy.

  A017000556 

 Voyes un peu, ma chere Mere, et penses; et sil vous semble que c'est la gloire de Dieu, dites-leur qu'oüy, pour moy comme pour vous mesme.

  A017000569 

 Ce ne sera pas sans parler de nostre bastiment d'Annessi avec ce bon Abbé, si toutefois l'arrivee du Pere General des [38] Feüillans qui, comme moy, y doit estre pour le jour de saint Bernard, ne nous occupe en d'autres affaires que vous sçavés.

  A017000569 

 Je ne l'ay encor veu qu'une seule petite fois en commun, car, comme vous sçaves, je ne fay pas ce que je veux a voir mes filles, ni mesme, ce qui importe le plus, a voir ma Mere..

  A017000569 

 Le bon Frere Adrien part d'icy avec moy; mais luy, ma tres chere Mere, pour aller ou vous estes, et moy pour aller en Abondance, ou vous n'estes pas encor, mais ou vous seres quand j'y seray, puisque Dieu a voulu que nous ne fussions qu'une mesme chose en luy.

  A017000570 

 A mon retour, je vous escriray de rechef, si j'en treuve la commodité; or, mon retour sera d'icy a quatre jours.

  A017000570 

 Je m'asseure que vous aures meshuy receu la response [39] que je vous fis sur la venue de cette bonne Mere Isabelle, et sur l'envoye des filles, et j'attendray de sçavoir vostre sentiment..

  A017000572 

 En somme, je suis tres parfaitement et inviolablement, comme vous sçaves vous mesme, tout vostre.

  A017000584 

 Le P. D. Juste viendra, je m'asseure, soudain icy, pour achever un affaire que Dieu a tres heureusement acheminé par mon service, et j'espere que luy mesme fera encor l'accommodement des jardins, que vous aves tant de justes sujetz de desirer et que nostre chere Mere affectionne tant; je dis nostre Mere en tout ce qu'ell'est.

  A017000586 

 ... et envoyer par la premiere commodité [le paquet] ci joint, et aymes [toujours bien mon] ame, la recommandant a la [miséricorde] de Dieu, qui vous comble toute de ses benedictions.

  A017000596 

 Vous pourres donq appeller quelque Pere Barnabite..

  A017000609 

 Je suis en peyne de vous, a cause de ces maladies qui courent, qui sont populaires..

  A017000609 

 Si faut il que je vous salüe le plus souvent que je pourray.

  A017000634 

 Le P. D. Juste partit hier et vous porta de mes [48] lettres; mais despuis, je receu celle que vous m'escrivies pour la difficulté qui doit arriver au concours.

  A017000638 

 Si la dame dont vous m'escrives chancele, elle sera bien tost resolue au parti du monde, car tout le monde mesme l'y portera.

  A017000640 

 Je vous prie, a la premiere commodité, d'escrire fermement a madame de Chantal qu'elle ne se mette nullement en peine pour tous ces bruitz, beaucoup plus grans que le mal, ni pour moy, qui suis bien sage et me garderay fort bien de peril, Dieu aydant..

  A017000660 

 C'est en cett'occasion de la vacance de Gruffy [que] je vous prie faire cette reserve jusques a la somme de 200 florins; et pour eviter les disputes que l'interest propre fait naistre en pareilles occurrences, je desirerois qu'en la mise en possession de celuy qui sera curé, on assignast une corne de dixme, telle quil seroit advisé, audit seigneur pœnitentier, laquelle il prendroit par ses mains..

  A017000660 

 Vous aures souvenance, je m'asseure, de la resolution que nous prismes, estant presque tous ensemble, de reserver une portion pour le pœnitentier de nostre cathedrale a la premiere vacance de quelque cure qui la pourroit porter; resolution juste, equitable et conforme au Concile.

  A017000661 

 Dequoy j'ay pensé de vous devoir donner cet advis, m'asseurant que vous le suivres, bien ayse aussi par cett'occasion, de me ramentevoir en vos prieres, comme....

  A017000674 

 Et ayant pensé, despuys que j'ay sceu plus particulierement quil estoit en estat de nous quitter bien tost, qui je pourrois rendre successeur en sa charge, en fin, apres plusieurs considerations, j'ay resolu de vous y appeller.

  A017000674 

 Et ce seul motif vous suffira pour l'accepter, et a tout le monde pour l'appreuver: que de cette charge depend une grande partie du bien de ce diocsese et de mon honneur, dont nostre proximité vous pressera d'avoir plus de soin et de jalousie que nul autre n'en sçauroit prendre.

  A017000674 

 Ni vous ne deves pas alleguer au contraire que vous n'aves pas la connoissance des choses des proces, car c'est la moindre des functions du grand vicaire, et pour le bon succes delaquelle il suffit quil ayt de la vigilance et du zele pour faire que les autres officiers facent bien leur devoir, et qu'il establisse un bon substitut et des bons assesseurs.

  A017000675 

 Cependant, faites pour moy comme si des-ja vous esties establi, et sera bon de mettre la cure de Boussi au concours au plus tost.

  A017000676 

 Dieu vous benisse, et je suis tout en luy,.

  A017000689 

 Au reste, mon cœur amoureux de la sainteté de vostre assemblee, quoy que je ne l'aye veuë qu'en passant, et plustost entreveuë que veuë, ne me permet pas de partir sans vous exhorter en Nostre Seigneur de poursuivre constamment l'execution de la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, de perfectionner de plus en plus cette vertueuse compaignie par une pure et simple privation de toute proprieté, par les exercices de la sainte orayson mentale et par une fervente frequentation des divins Sacremens..

  A017000690 

 Et ne doutés point, ma chere Seur, que le Pere Garinus ne vous soit favorable, si vous luy representes naifvement et humblement vos dignes pretentions; car c'est un docteur de grand jugement et de longue experience, grandement zelé aux Constitutions ecclesiastiques et a l'establissement du Concile de Trente, comme sont tous les gens de bien.

  A017000690 

 Vous luy pourres donq confidemment dire que vous m'aves touché un mot de vos affaires; car je [57] sçay bien qu'il ne le treuvera pas mauvais, estant, comme il est, de mes meilleurs amis, et qui sçait bien que je n'ay pas accoustumé de rien gaster et que je ne suis point un entrepreneur d'authorité, ains homme qui ne trouble rien; et pourres encor luy dire tout ce que je vous ay dit, dequoy, pour vous rafraischir la memoyre, je vous feray une repetition..

  A017000695 

 Mays il y a un point d'importance, duquel je vous touchay un mot, que pour le bien de vostre famille vous deves demander a vos Superieurs et qu'ilz ne peuvent en bonne conscience vous refuser: c'est que, deux ou trois fois chaque annee, ilz vous ayent a offrir des autres confesseurs extraordinaires (suivant le commandement du sacré Concile de Trente ), qui oyent les confessions de toutes les Seurs.

  A017000697 

 Il vous faut donq tenir bon a ce point et ne se laisser point emporter aux considerations de l'esprit humain..

  A017000698 

 Et je vous diray comme on les fait entre les filles de la Mere Therese, qui sont, a mon advis, les plus retirees de toutes.

  A017000698 

 Et premierement, nul, comme je pense, ne les [60] vous peut defendre; car, tant que j'ay sceu voir en la Regie de saint François et de sainte Claire, il n'y a rien qui les empesche, ains seulement ce qui y est dit empesche toute sorte d'abus.

  A017000698 

 Reste les communications spirituelles, lesquelles aussi je vous dis estre fort utiles, pourveu qu'elles soyent faites a propos.

  A017000699 

 Vous aures veu, je m'asseure, ce que la bienheureuse Mere Therese en dit, et cela suffira pour respondre a tous les inconveniens qu'on en pourroit alleguer.

  A017000702 

 J'ay esté bien long, ma tres chere Seur, mais j'ay voulu en ceci vous bien declarer mon sentiment, affin que vous le sceussiés plus distinctement.

  A017000702 

 Nostre Maistre Garinus et tous vos Superieurs majeurs, gens discretz et raysonnables, vous ayderont, je n'en doute point; et mesme vostre bon Pere confesseur, qui est bien vertueux et sage Religieux, ainsy que je puis connoistre, et qui entendra bien la rayson quand elle luy sera bien remonstree..

  A017000702 

 Ramenés ces benites ames aux observances des saintz Conciles, et vous seres bien heureuse.

  A017000703 

 Je vous salue mille et mille fois es entrailles de la misericorde de Nostre Seigneur, auquel je vous supplie de me recommander continuellement, avec toute vostre chere et vertueuse compaignie..

  A017000733 

 Elle s'est confessee avec un'extreme devotion [64] et est toute ma fille; ce que je vous dis affin que doucement et dextrement vous l'aydies..

  A017000750 

 Pour ces raysons, Monseigneur, je conjure et supplie tres humblement vostre bonté et pieté de favoriser puissamment ce bon œuvre, si heureusement acheminé, pour la gloire de ce Sauveur qui vous est si propice et qui maintient en tant d'honneur vostre couronne, vous en preparant une eternelle en la vie future..

  A017000765 

 Je penserois faillir si a toutes occasions je ne vous representois mon tres humble service.

  A017000766 

 Dieu vous comble de bonheur, Monseigneur, selon les vœux de.

  A017000783 

 Ma tres chere Fille, moyennant l'ayde de Dieu, nous ferons prou; mais il faut, avec une courageuse humilité, rejetter toutes les tentations de desfiance en la tres sainte confiance que nous avons en Dieu, Certes, vous deves croire que cette charge vous ayant esté imposee par le choix de ceux a qui vous deves obeir, Dieu se mettra a vostre dextre et la portera avec vous, ains la portera, et vous aussi..

  A017000783 

 Or sus, ma tres chere Fille, puisque vous voyla sous la charge avec un peu d'apprehension, oyés ce que [67] Nostre Seigneur dit en l'Evangile du jourd'huy: Apprends de moy que je suis doux et humble de cœur, et vous treuveres du repos en vos ames; car mon joug est suave et mon fardeau leger.

  A017000784 

 Mais ne vous estonnés point, faites cet office pour l'amour de ce Sauveur qui vous y a appellee; vous en serés deschargee quand il luy plaira, vous nous reviendres voir quand il en sera tems..

  A017000785 

 Pour moy, il y a long tems que je prie Dieu pour vous fort particulierement, estimant que sa divine providence se serviroit de vous pour l'acheminement de l'edifice spirituel de cette petite Congregation.

  A017000793 

 Je m'imagine que vous estes a Rumilly maintenant, ma tres chere Fille, et je vous escris ce billet sans loysir, pour vous accuser la reception de la lettre que vous m'escrivistes l'autre jour de la Flechere, louant Dieu de la guerison de vostre Charles, que vous aves maintenant, Dieu aydant, sain pour long tems..

  A017000794 

 Madame de Chantal sera icy dans trois semaines pour le plus tard, et, comme je pense, la chere niece, ma fille, aussi; car M me de Charmoysi, qui vous la doit ramener, fait estat de venir pour la Toussaintz.

  A017000794 

 [69] La question de M me de Mieudry et de vous est aysee a resoudre, mais il n'est pas si aysé d'appayser toutes les allegations et repliques qu'on a accoustumé de faire: c'est pourquoy je remettray cela pour quand nous aurons du loysir.

  A017000806 

 Je vous diray seulement, qu'a mon advis, nostre Seur Jeanne Charlotte est maintenant toute hors de danger, bien qu'ell'ayt encor son flux, car c'est avec tant de diminution de fievre, quil ny paroist presque plus, et si, elle commence fort a manger.

  A017000806 

 Vous estes raysonnable et n'attendres pas de moy, ma tres chere Mere, des grandes lettres en ce tems auquel j'ay tant d'affaires sur les bras, que je n'en puis pas porter davantage.

  A017000807 

 Au demeurant, nous avons eu icy le P. General des Feüillans, homme de grande vertu et sainteté, lequel, sur certain propos, me parlant de la Mere Isabeau, delaquelle vous m'escrivites il y a troys moys, m'a dit qu'on luy en avoit mandé des merveilles de Paris a Romme, d'ou il vient.

  A017000807 

 C'est pourquoy, si vous sçaves que cela soit vray, vous pourres la destourner, luy escrivant que je vous ay escrit que vous luy fissies sçavoir que, ne sachant si je seray icy cet hiver, je desire qu'elle ne s'incommode point, ni monsieur le president Resiguier; mais si elle veut envoyer deux ou trois filles, vous les recevres et les garderes volontier jusques apres Pasques.

  A017000807 

 Que si il ny a pas tant de danger, vous la laisseres venir..

  A017000828 

 Ma tres chere Fille, jettes profondement vostre pensee sur les divines espaules du Seigneur et Sauveur, et il vous portera et vous fortifiera.

  A017000828 

 Sil vous appelle (et il est vray quil vous appelle) a une sorte de service qui soit selon son gré, quoy que non selon vostre goust, vous ne deves pas moins avoir de courage, ains davantage que si vostre goust concouroit a son gré; car, quand il y a moins du nostre en quelqu'affaire, ell'en va mieux.

  A017000841 

 M'asseurant que vous viendres donq bien tost pour [73] amener madamoyselle d'Avise, je seray court, et vous diray seulement que les bons Peres Barnabites desireroit (sic) bien d'aller la; mais ilz n'oseroyent sans nouvelle licence du General, puys que le traitté fait re peut subsister.

  A017000842 

 Je ferois les lettres que vous desires si j'en avois le loysir.

  A017000842 

 Vous aures fort a faire a vous defendre pour Contamine, et a la fin vous verres quil faudra donner une grosse pension; ce que je ne dis pas le sachant, mais le presageant..

  A017000843 

 J'ay dit aux Dames de la Visitation que, a la venue de madame de Charmoysi, vous leur envoyeries de l'argeant, et elles s'y attendent.

  A017000859 

 Vous aves rayson, ma tres chere Fille, d'estre bien franche au payement des dixmes, car c'est la volonté de Dieu.

  A017000859 

 Vous deves demeurer en paix sur ce que vous m'escrives, car il n'y a point de hazart..

  A017000860 

 Mays je ne pense pas que pour cela vous deussies attendre, si vous aves des affaires ailleurs, car peut estre ne repassera il pas vers vous, encor que vous demeureres..

  A017000861 

 Et moy je pense que parmi tout cela on vous pourroit peut estre aussi bien [avoir], principalement si Charles est en estat de pouvoir estre amené icy..

  A017000862 

 Dieu vous benisse de ses plus cheres graces, ma tres chere Fille, et je suis en luy, tout parfaitement vostre.

  A017000864 

 Je vous supplie d'envoyer les deux lettres ci jointes, toutes deux a monsieur le capitaine Juge..

  A017000875 

 L'honnorable reputation que j'ay d'estre tres particulierement vostre serviteur, a fait passer ce jeune homme [76] de Moustier icy, pour avoir de mes lettres a vous porter, affin quil puisse plus favorablement vous faire la reverence et vivre en vostre Université, ou il espere faire emplette de la science de medecine sous le bonheur de vostre protection.

  A017000875 

 Monseigneur l'Evesque de Saint Paul me conjure fort de vous supplier d'aggreer quil s'advoüe des vostres; dequoy je ne fay pas difficulté, puisqu'estant enfant d'une bonne famille, il ne luy arrivera point de necessité qui le puisse porter a vous donner aucune autre sorte d'importunité..

  A017000893 

 Croyes que si j'eusse eu ma liberté, je vous eusse envoyé vostre soupper plus tost; mais en somme, il ny a moyen [78] d'estre maistre de soymesme en ce monde.

  A017000893 

 Mays sil arrive asses tost, ne laisses pas d'en manger; et je ne veux point que vous me respondies, ains seulement que je sache si vous vous portes bien..

  A017000903 

 Je le voy certes de mes propres yeux, ce me semble, et le sens de mon propre cœur, ma tres chere Fille, que vous aves fait une prattique de tres grand despouillement.

  A017000905 

 Certes, pour moy, je suis en verité si parfaitement vostre, qu'a mesure que ces deux ou troys journees de distance semblent nous separer corporellement, de plus fort et avec plus d'affection je me joins spirituellement a vous, comme a ma Fille tres chere.

  A017000905 

 Vous seres la premiere aupres de nostre Mere en mes prieres et en mes soucis: soucis pourtant bien doux, pour l'extreme confiance que j'ay en ce soin celeste de la divine Providence sur vostre ame, laquelle sera bien heureuse si elle jette aussi dans ce sein d'amour infiny toutes ses apprehensions..

  A017000906 

 Or sus, ma chere Fille, tenés vos yeux haut eslevés en Dieu; aggrandissés vostre courage en la tressainte humilité, fortifiés-le en la douceur, confirmés-le en l'esgalité; rendés vostre esprit perpetuellement maistre de vos inclinations et humeurs, ne permettés point aux apprehensions d'apprehender vostre cœur: un jour vous donnera la science de ce que vous aures a faire le jour suivant.

  A017000906 

 Vous aves ci devant franchi plusieurs passages, et ç'a esté par la grace de Dieu; la mesme grace vous sera presente en toutes les occasions suivantes, et vous delivrera des difficultés et mauvais chemins l'un apres l'autre, quand il devroit envoyer un Ange pour vous porter es pas plus dangereux..

  A017000907 

 Dites-leur souvent, a ces saintz Anges: Seigneurs, comme ferons nous? Suppliés-les qu'ilz vous fournissent ordinairement les connoissances du vouloir divin qu'ilz contemplent, et les inspirations que Nostre Dame veut que vous recevies de ses propres mammelles d'amour.

  A017000907 

 Ne regardés point cette varieté d'imperfections qui vivent en vous et en toutes les filles que Nostre Seigneur et Nostre Dame vous ont confiées, sinon pour vous tenir en la sainte crainte d'offencer Dieu, mays non jamais pour vous estonner; car il ne se faut esbahir si chaque herbe et chaque fleur requiert son particulier soin en un jardin..

  A017000907 

 Ne retournés point vos yeux devers vos infirmités et insuffisances sinon pour vous humilier, et non jamais pour vous descourager.

  A017000907 

 Voyés souvent Dieu a vostre dextre et les deux Anges qu'il vous a destinés, l'un pour vostre [80] personne, l'autre pour la direction de vostre petite famille.

  A017000908 

 La voyla maintenant a prier pour nous et pour vous specialement, puis qu'elle est trespassee vostre fille et sous vostre assistance..

  A017000909 

 Faites-moy la consolation, ma chere Fille, de m'escrire souvent, et me dire tous-jours en confiance les choses que vous croires que je puisse utilement sçavoir de l'estat [81] de vostre cœur, que je benis au nom de Nostre Seigneur de tout le mien, et suis en Dieu tout vostre..

  A017000917 

 Je vous escris a la course, envoyant expres ce porteur pour apprendre des nouvelles de la santé de M me la Comtesse, au service de laquelle je contribuerois volontier ma visite personnelle si la maladie estoit de qualité que cela fut requis et quil luy tournast a consolation.

  A017000920 

 Dieu vous benisse en toute vostre ame, ma tres chere Fille, et je suis en luy parfaitement tout vostre..

  A017000951 

 C'est pourquoy, le voyant remis au bon chemin, et d'ailleurs fort en peine pour le sujet quil vous dira, tres volontier je vous supplie, Monseigneur, de le recevoir, esperant que des-ormais vous n'en aures que du contentement, ainsy quil m'a solemnellement promis et protesté.

  A017000951 

 J'ay les papiers de l'evesché quil avoit tres mal a propos apportés, et les garderay pour en faire ainsy que vous me commanderés..

  A017000951 

 Or il a desiré un passeport et sauf-conduit de moy aupres de vous, [85] par ce que le bonhomme son beaupere luy a dit que vous m'avies confié l'asseurance que vous pouves prendre de son amendement: qui m'a aussi fait entendre que je pouvois seul donner ouverture a son restablissement en vostre service.

  A017000953 

 Nostre paix est fort entiere maintenant, graces a Dieu, que je supplie la nous vouloir conserver, et vous combler de toutes les faveurs celestes quil depart a ses plus grans serviteurs, tandis que sans fin je suis et seray inviolablement,.

  A017000971 

 Ce m'a esté un grand contentement d'apprendre avec tant d'asseurance le bon estat de vostre santé, et je vous escris ce billet seulement pour me ramentevoir en vostre bienveuillance, et supplier vostre chere ame de me tenir tous-jours au rang quil vous a pleu me donner entre ceux qui ont le bonheur d'estre aymés de vous.

  A017000971 

 Certes, ma tres chere Mere, mon cœur est tout filial pour vous, et ne cesse point de faire tous les bons souhaitz quil doit pour vostre consolation..

  A017000972 

 En somme, puis que je n'ay pas le loysir de m'estendre davantage, je veux dire en un mot, que je vous cheris avec un honneur et respect tout parfait, et avec vous, tous messieurs mes freres et mesdames mes seurs, entre lesquelz je salue humblement ceux qui sont pres de vous.

  A017000991 

 Je respons a la lettre qu'il vous pleut de m'escrire hier, quatorziesme de ce mois, que je reçoy tout presentement, et supplie Vostre Excellence de croire qu'en cette occurrence je regarde Dieu et ses Anges, pour ne rien dire qu'avec l'honneur que je doy a la verité..

  A017000995 

 Estant icy, je vous asseure que nous n'avons ni fait ni dit, non pas mesme pensé, aucun traitté, ni pour les choses du monde, qui, si je ne me trompe, nous sont a tous deux fort a degoust, ni pour les choses ecclesiastiques, n'ayans rien eu ni a demesler ni a mesler; mays seulement, purement et simplement, nous avons parlé des devoirs que nous avons au service de nos charges, de la façon des Offices ecclesiastiques et de telles choses entierement spirituelles..

  A017001008 

 Bon soir donq mille et mille fois, ma tres chere, tres bonne et tres honnoree Mere, vrayement mienne, c'est a dire tous les jours plus, graces au Sauveur qui vous benisse icy et la.

  A017001008 

 Je m'essayeray de gaigner demain le tems de vous voir avec le plus de loysir quil me sera possible, pour la confession annuelle.

  A017001017 

 Tandis que j'estois avec vous moymesme au parloir, [92] M. de Monthouz me vint chercher, ce que je ne seu qu'en soupant; et lhors je luy envoyay un billet par lequel je le priois ne point partir quil ne vous parlast, affin d'arrester des affaires de sa cousine.

  A017001018 

 Au reste, quand il ira vers vous, ne luy dites point de paroles qui le puisse (sic) estonner, comme seroit celle que vous aves esté estonnee de quoy il s'en alloit; mais simplement, que vous estant apperceue quil s'en alloit, vous aves desiré d'arrester l'affaire, affin qu'a la profession il ny ait rien a traitter, ains seulement a executer le traitté.

  A017001019 

 Cependant, je vay pensant ce que je vous diray tantost.

  A017001028 

 Dites [93] moy, ma chere Fille, mais dites le a mon cœur, c'est a dire bien naifvement: quelle tristesse et quel regret monstrastes vous a madame la Comtesse de la N., laquelle la depeint avec des couleurs si noires, que je croy qu'elle vous a pris pour une autre.

  A017001028 

 Mays je serois bien ayse de le sçavoir de vous mesme, pour, par apres, en oster plus hardiment la compassion de ceux qui vous plaignent extremement sur ce sujet et en tirent des consequences a leur gré.

  A017001029 

 Au reste, il me faut appeller vostre Pere, et sans ceremonie; je le suis de tout mon cœur, et vous cheris plus, comme je croy, que les peres naturelz n'ont accoustumé de cherir leurs filles.

  A017001029 

 Nostre Mere et moy, qui ne sommes pas deux, vous cherissons comme nostre grande premiere fille, laquelle maintenant, moyennant la grace divine, en va faire d'autres pour l'eternité..

  A017001038 

 Je desirerois pouvoir escrire comme vous mesme, ma tres chere Mere, mais je ne sçauray pas le faire si le laquay part demain si matin, car je suis embarqué en un appointement et donn'a souper a monsieur de Talloyre.

  A017001048 

 Et moy, monsieur mon tres cher Frere, je vay en esprit vous embrasser a ce retour, et vous offrir ce cœur que [95] j'ay pour vous, tous-jours plus plein de toutes les affections plus sinceres qu'un frere peut avoir pour un frere extremement aymé et presqu'autant aymé comm'aymable.

  A017001048 

 Mays non, mon tres cher Frere, je ne dis pas sinon presqu'autant, car je confesse qu'apres que je vous ayme extremement, encor ne vous ayme-je pas asses selon vos merites..

  A017001049 

 Venes heureux, avec la benediction du Filz et de la Mere, dont vous venes de venerer la sainte Mayson.

  A017001060 

 Si vous n'esties ma tres chere Fille, je m'excuserois d'avoir tant tardé a vous respondre a plusieurs de vos lettres; mais vostre cœur sçait bien que le mien prend playsir a vous escrire quand il en a la commodité.

  A017001062 

 Mays je ne veux pas laisser de vous dire que nostre pauvre Visitation va bien avoir du bruit pour ces deux [98] braves filles qui desirent, demandent et pressent d'y estre receües, et auxquelles sans doute on ne refusera pas la porte quand elles viendront, ainsy que l'on leur [a] promis fort saintement.

  A017001063 

 L'odeur de la Mayson de Lion a operé cela, ainsy que vous sçaures plus amplement a nostre premiere veue..

  A017001074 

 Il est vray, ma tres chere Fille, nous avons bien tardé a vous escrire.

  A017001075 

 Mays vous, ma tres chere Fille, n'escrives pas tant de lettres a chasque fois; il suffira, quand vous aures bien tout escrit a la chere Mere, de faire un seul petit billet au pauvre Pere, qui ne die rien sinon quil est tout vostre..

  A017001076 

 Je pense bien que de ces filles qui veulent venir prendre la forme et la prattique des Regles, il en faudra faire venir une partie icy, affin que vous ne soyes surchargee d'un soin excessif, avec nostre chere Seur Marie Aymee, que je voy des-ja, ce me semble, un peu tremblante sous le faix.

  A017001076 

 Je suis consolé plus quil ne se peut dire de voir que vous cherisses ardemment vostre vocation; cela seul vous peut sanctifier, et rien sans cela.

  A017001077 

 Humilies vous grandement et ne vous estonnes point.

  A017001078 

 Je veux bien que vous porties une fois la semaine la haire, sinon que vous connoissies que cela vous rendit trop paresseuse es autres exercices plus importans, comm'il arrive quelquefois..

  A017001078 

 Mays j'espere en Dieu que, avec un esprit noble, vous vous tiendres exempte de tout ce qui peut donner scrupule.

  A017001078 

 Si elle vous tient en l'imagination, chanter, se tenir avec les autres, changer d'exercices spirituelz, c'est a dire passer de l'un a l'autre, et les changemens de place encor vous ayderont.

  A017001078 

 Si la peine vous tient au sentiment, comme il me semble que vous le signifies, changes d'exercice corporel quand vous en seres pressee; si vous ne pouves bonnement changer d'exercice, changes de place et de posture: cela se dissipe par ces diversités.

  A017001078 

 Si quelque chose vous tient en scrupule, dites-le hardiment et courageusement, sans faire aucune reflexion, lhors que vous alles a la Penitence.

  A017001078 

 Sur tout, ne vous estonnes point, mais renouvelles souvent vos vœux, et, vous humiliant devant Dieu, promettes a vostre cœur la victoire de la part de la Sainte Vierge.

  A017001079 

 Le soin que vous aures en tout cela sera grandement aggreable a Nostre Seigneur, sur tout si vous le prenes avec humilité, douceur et tranquillité..

  A017001080 

 Nos Seurs vous diront toutes nouvelles de deça, et de la reception de la baronne du Chatelart et de M lle d'Avise.

  A017001081 

 Or je ne doute point que Dieu ne vous donne les mesmes sentimens, puisque vous estes un seul esprit avec tous nous..

  A017001082 

 J'appreuve que vous continuies d'appeller nostre Mere, Mere, puisque c'est vostre consolation, et que vous m'appellies Pere, puisque j'ay pour vous un cœur extraordinairement plus que paternel.

  A017001082 

 Saches, ma chere Fille, que despuis que vous estes en charge, vous m'estes tous-jours si presente, que je suis, ce me semble, perpetuellement avec vous, non sans faire mille et mille souhaitz sur vostre chere ame..

  A017001083 

 Item, je salue M me la Presidente Le Blanc, quand vous la verres, et M me Colin et M me Vulliat, laissant a part ma chere Seur Marie Peronne, a qui je suis tout, et a toutes nos bonnes Seurs.

  A017001083 

 Je salue monsieur de Saint Nizier, du soin duquel vous vous loues tant.

  A017001083 

 Pour Dieu, salues un peu Monseigneur l'Archevesque quelquefois de ma part; vous ne sçauries croire ce que je luy suis, et comme Dieu benit sa petite visite quil fit icy.

  A017001085 

 Vostre renouvellement n'ayant pas esté fait le jour de la Presentation, vous le pourres faire le jour de l'an ou des Roys, ou comme Monseigneur l'Archevesque voudra; car je croy bien que vous voudres que ce soit luy qui le reçoive.

  A017001101 

 Dieu vous suggerera, ma tres chere Fille, tout ce qu'il veut de vous, si en l'innocence et simplicité de vostre cœur, avec une entiere resignation de vos inclinations, [105] vous luy demandes souvent en vostre interieur: Seigneur, que voules vous que je face? Et je suis consolé que vous ayes des-ja ouy sa voix et que vous le servies en la nourriture de ces filles..

  A017001102 

 Tenes donq ainsy vostre cœur ouvert et grand pour bien faire tout le service qu'on vous imposera..

  A017001103 

 A mesure que vous entreprendres, sous la force de la sainte obeissance, beaucoup de choses pour Dieu, il vous secondera de son secours et fera vostre besoigne avec vous, si vous voules faire la sienne avec luy.

  A017001103 

 Travaillés humblement, simplement et confidemment a cela; vous n'en recevres jamais aucune distraction qui vous soit nuysible.

  A017001104 

 Vivés toute a ce divin amour, ma tres chere Fille, et sachés que c'est de tout mon cœur que je cheris vostre ame bienaymee, et ne cesse jamais de la recommander a la misericorde eternelle de nostre Sauveur, a laquelle je vous conjure de me recommander reciproquement fort souvent..

  A017001114 

 Je vous asseure que ceux qui fantasient et philosophent de si pres de mes actions et sur mes actions se font plus de tort qu'a moy, car ilz ne peuvent blesser mon innocence et ilz se chargent d'une noire malice.

  A017001114 

 Sur les plaintes que l'on a fait de moy, je croy d'estre obligé a vous respondre non seulement par la voix de ces messieurs, qui m'ont parlé de la part de Vostre Excellence, mais encor par ma plume.

  A017001115 

 Quant a moy, je vous proteste que j'ignore les affaires d'Estat, et les veux ignorer a tel point, qu'elles ne soyent ni en ma pensee, ni a mon soin, ni en ma bouche, sinon quil se presentast quelque occasion de tesmoigner a Son Altesse que je suis son passionné et fidele sujet, et a Vostre Excellence,.

  A017001143 

 J'escris a Son Altesse la lettre ci jointe, et pour luy donner une plus seure addresse, je vous supplie tres humblement de la luy remettre, bien que je n'aye pas lhonneur d'estre conneu de vous, a qui neanmoins je suis de tout mon cœur,.

  A017001159 

 Je vous prie de regarder un peu entre vous ce qui se pourra bonnement faire, affin que, sil est possible, on prenne le bon biays pour accommoder honnorablement les affaires.

  A017001161 

 Cependant je salue vostre cœur, ma tres chere Fille, et celuy de cette chere niece, vous souhaitant de tout le mien mille et mille benedictions.

  A017001161 

 Nostre Mere, je pense, vous escrit.

  A017001184 

 Je croy que Dieu vous tient de sa main, ma tres chere [113] Fille, car le Reverend Pere General des Feuillans me l'escrit.

  A017001184 

 Tenes vous donq bien a luy, et regardes deux ou trois fois le jour si vostre main n'est pas tous-jours fermement attachee a la sienne..

  A017001185 

 Voyes vous, cette petite trouppe de filles, c'est une couronne que Dieu vous prepare et dont vous jouires en la felicité eternelle; mais il veut que vous la porties toute dans vostre cœur en cette vie, et puis il la mettra sur vostre teste en l'autre..

  A017001186 

 Je veux dire, ma chere Fille, ne plaignés point la perte de vos commodités spirituelles et des contentemens particuliers de vos inclinations, pour bien cultiver ces cheres ames; car Dieu vous en recompensera au jour de vos noces eternelles..

  A017001187 

 Ne voyes vous pas, ma chere ame (car mon cœur me fait dire ainsy), que vostre petite Congregation est comme une fontaine sacree en laquelle plusieurs ames puiseront les eaux de leur salut, et que des-ja plusieurs, a l'imitation de la vostre, veulent eriger d'autres pareilles Congregations a la grande gloire de Dieu et a la grande facilité du salut pour plusieurs? Ne vous lassés donq nullement d'estre mere, quoy que les travaux et soucis de maternité soyent grans..

  A017001198 

 Vous pouves penser, ma tres chere Fille, comme mon ame, qui ayme extremement la vostre, s'imagine tous-jours de vous pouvoir escrire; car en verité j'ay un playsir fort grand quand je puis entretenir mon esprit avec le vostre.

  A017001200 

 Helas! ma chere Fille, vous la verres, cette belle Dame, cette heureuse fille de Sion, que, telle qu'elle est, Mere du Roy de gloire, elle va mendiant l'hospitalité en Bethlehem; elle n'en a nulle sorte de honte, ains elle s'honnore de cette sacree et bienheureuse necessité..

  A017001200 

 Tenés vous aupres de cette Mere, ce pendant, et ne l'abandonnes pas d'un seul moment tandis qu'elle part de Nazareth et qu'elle va en Bethlehem; tandis que, sans empressement, mays non pas sans des ardens mouvemens, elle attend d'heure a autre de voir esclos de son sacré ventre le bel oyseau du Paradis.

  A017001201 

 Je vous prometz qu'en cette Messe de la minuit, en laquelle il me semblera voir une cresche sur l'autel et le divin Poupon faysant ses doux yeux pleins de larmes plus pretieuses que des perles, je l'offriray a Dieu son Pere avec le congé de sa Mere, et le demanderay pour vous, affin qu'il soit a jamais le cœur de vostre cœur et l'unique Espoux de vostre ame.

  A017001202 

 Salués la petite cousine de ma part et, a la pareille l'une de l'autre, si tost que vous verres le grand petit Enfant né en vostre ame, dites luy fervemment que je luy sacrifie la mienne avec les vostres eternellement.

  A017001211 

 Mais voyes vous, chere Fille de mon cœur, n'espouvantes pas ces bonnes filles; car d'une extremité, elles pourroyent passer a l'autre, ce qu'il ne faut pas..

  A017001212 

 Je ne vous dis pas encor mes pensees sur le sujet dont vous m'aves escrit, parce que c'est aujourd'huy Noël, jour auquel les Anges viennent chercher le Paradis en terre, ou certes aussi il est descendu en la petite spelonque de Bethlehem, dans laquelle, ma tres chere Fille, je vous treuveray tous ces jours suivans avec toutes nos cheres Seurs, qui sans doute feront leur residence, comme des sages abeilles, autour de leur petit Roy.

  A017001223 

 Je croy que vous ne tarderes pas a les rendre satisfaitz, et je passeray plus outre et vous contenteray..

  A017001223 

 Je fay en partie ce que M. le Superieur et vous aves desiré, et ne me fusse pas arresté la, n'eust esté qu'hier, ceux qui ont esté employés pour vostre affaire m'y vinrent obliger par leurs remonstrances.

  A017001225 

 Je croy bien, comme vous m'escrives, que la bonne madame de la Flechere vous ayde.

  A017001226 

 Il se faut bien garder de redonner la benediction matrimoniale a la sainte Messe, ni de reprononcer ces paroles: Ego vos conjungo; mais apres que ces gens la seront communiés, vous pourres bien, apres la Messe et secretement, leur faire confirmer le consentement de leur mariage, et dire sur eux les oraysons, qui sont dans le Missel, de la benediction..

  A017001237 

 En ce billet, je confirme le don que je vous ay fait, Monsieur mon Frere, de mes plus sinceres affections [120] dediees a vostre honneur et service.

  A017001265 

 Toutefois, je verrai si je rencontre quelqu'un que je puisse vous adresser, et je n'épargnerai rien pour satisfaire Votre Seigneurie Illustrissime..

  A017001265 

 Vous m'avez exprimé dans votre dernière lettre le désir que je vous envoie un prédicateur; je souhaiterais de toute mon âme le satisfaire.

  A017001268 

 Enfin, vous trouverez ci-joint les lettres testimoniales de la consécration conférée à Votre Seigneurie, avec mon concours comme prélat assistant..

  A017001268 

 Je vous envoie un aspersoir pour donner l'eau bénite, votre bienveillance à mon égard l'aura pour agréable; j'eusse cependant souhaité vous offrir un objet plus digne de vos mérites, et qui témoignât mieux de ma vénération profonde et cordiale pour Votre Paternité Illustrissime.

  A017001269 

 Il me reste de prier ardemment le Dieu très grand et très bon de vous conserver en santé, sainteté et piété à l'affection de votre troupeau et à la mienne..

  A017001282 

 C'est pourquoy il faut que je vous avertisse que je luy dis, sur divers discours, que pour vous, je vous y treuvois asses disposee et que vous en avies escrit a M. de Bourges.

  A017001282 

 En vous donnant le bonjour de tout mon cœur, je vous diray que M. de Montrotier me vint entretenir hier au soir de son mariage et me dit quil vous iroit voir aujourdhuy.

  A017001282 

 Et par ce quil me dit que vous luy avies dit que la petite n'en sçavoit encor rien, ni personne, sinon mon frere de Thorens et moy, je le laissay en cette opinion.

  A017001282 

 Je luy dis que vous avies mesuré les affaires de vos enfans il y a long tems, et que de plus en plus vous treuvies quil ny avoit pas moyen de faire autrement.

  A017001283 

 J'ay pensé, ma tres chere Mere, quil failloit vous avertir de tout ceci.

  A017001283 

 Je luy dis un'autre chose d'une response que la petite avoit faite a sa seur sur une proposition generale de mariage; mais il ny a rien en cela qui porte coup, et je le vous diray peut estre ce soir..

  A017001295 

 Ah, quel bonheur est celuy que, changeant de place, vous ne changes point de cœur! Mon Dieu, ma Fille, puisque nostre cœur ne change point de Dieu, pourquoy changeroit-il d'amour? Aussi bien n'y a-il rien au monde pour nostre cœur que Dieu, ni pour Dieu que nostre cœur.

  A017001295 

 Taschés de rendre le bon odeur parmi le prochain la ou vous estes, affin qu'on loüe le Parfumier celeste en la boutique duquel vous vives.

  A017001295 

 Tenes vous donques tous-jours bien ferme aux pieds du Crucifix..

  A017001303 

 Vous sçaves bien que vous estes la grande fille bien-aymee, et que nul ne vous ostera le rang que vous tenes en mon cœur, apres et tout aupres de nostre tres chere Mere; aussi estes vous nostre seconde mere..

  A017001314 

 Vous seres la premiere, ma tres chere et tres bonne Mere, qui recevres de mes escritz en cette annee nouvelle.

  A017001316 

 Je ne me puis promettre de vous voir avant mercredy, sinon de cette veuë perpetuelle de laquelle mon ame [127] regarde et garde la vostre cherement dans le fond de nostre cœur..

  A017001317 

 Ah, mon Dieu, ma chere Mere, que je desire d'amour divin a ce cœur, que je luy souhaitte de benedictions! Baysons mille fois les pieds de ce Sauveur et disons-luy: Mon cœur, o mon Dieu, vous proteste, ma face vous desire; ah! Seigneur, ma face recherche vostre face.

  A017001330 

 A ce commencement de nouvelle annee, je vous represente mes vœux et mon obeissance, dissemblables certes aux ans, en ce quilz perissent tous dans leurs vicissitudes et revolutions; mais l'infinie affection que j'ay a vostre gloire est ferme, permanente et exempte de tout autre changement que de celuy de sa continuelle croissance.

  A017001330 

 Aussi fut elle formee de la main eternelle de Dieu, a mesme que la bienveuillance que vous aves pour moy fut creee en vostre esprit; et si, elle ne regarde aussi que l'eternité.

  A017001330 

 Passion toute miraculeuse, qui, au dessus des loix de la nature, m'a donné le bien de vous avoir pour filz, et a vous, Monsieur, le courage et l'humilité de m'advouer pour pere..

  A017001331 

 O combien de foys, Monsieur mon cher Filz, ce nom et ce cœur de pere que je porte envers vous me presse-il d'amour et de zele pour supplier la divine Bonté qui l'a volu comme cela, de combler vostre ame de sa sainte dilection, establissant son royaume celeste en vous! Je le sçai bien que les bons enfans pensent souvent en leurs peres; mays ce n'est pas souvent, c'est tous-jours que les peres ont leurs espritz en leurs enfans..

  A017001332 

 Perseveres, Monsieur mon tres cher Filz, en cette grandeur de courage qui vous tient relevé au dessus des choses temporelles, entre lesquelles vous passes comme un heureux alcyon surnageant aux ondes qui inondent ce siecle.

  A017001333 

 Il ne se peut dire, Monsieur mon Filz, combien j'ay de consolation de sçavoir que monsieur vostre frere, ce digne et brave seigneur qui vous tient lieu de cher enfant, est enfin marié; car je ne doute point que cela ne luy soit un grand moyen pour bien servir Dieu, a quoy il est asses porté par la generosité de son courage, outre que je m'imagine que vostre contentement, Monsieur, en est grand.

  A017001354 

 J'ay commencé a luy parler, et puis a M. Garin), du sentiment quilz ont l'un contre l'autre, selon le mot quil vous pleust m'en toucher.

  A017001354 

 J'ay veu tout ce quil vous plaist de m'escrire touchant M. de Barraux, que je treuve tres bon, comme venant de vostr'esprit qui sçait mieux discerner que nul autre [131] ce qui est convenable.

  A017001356 

 Ce porteur a desiré ma recommandation aupres de vous, et puisquil est des vostres, je ne luy sçaurois rien refuser de ce qui est en mon pouvoir.

  A017001356 

 Je vous supplie de m'aymer tous-jours constamment, puisque de tout mon cœur je suis,.

  A017001369 

 Et en fin, la cousine est hors de tout danger; qui m'a fait revenir icy, ou je vous donne mille et mille benedictions, ma tres chere Fille, comm'estant tres parfaitement tout vostre, et salue humblement monsieur le cher mari..

  A017001383 

 Je ne vous puis dire autre chose sur ce que vous m'escrives, sinon que Dieu fera plus que les hommes ne peuvent penser pour cette Congregation, et spirituellement et temporellement; et n'en avons nous pas d'asses bons gages jusqu'a present?.

  A017001384 

 Hé, mon Dieu, puisque vous aves tiré ce cœur de ma grande fille a vous, perfectionnes le en vostre saint amour.

  A017001385 

 Ne vous troublés aucunement de vos infirmités, qui ne vous sont donnees que pour vous affermir.

  A017001385 

 Souffrés toute vostre fievre en Dieu, et la souffrance vous sera heureuse, ma tres chere grande Fille..

  A017001386 

 Croyes moy, ma tres chere Fille, je vous cheris tres pretieusement, et ne manque deux fois le jour de faire orayson speciale a vostre intention.

  A017001387 

 Dieu vous benisse a jamais, ma chere Fille..

  A017001396 

 Je me res-jouis aussi beaucoup de ce que vous me dites de la chere niece, car tout en est bon, et croy bien que M me du Chastelard aura plus de peyne de s'eschapper.

  A017001396 

 Nous nous verrons quand il plaira a Nostre Seigneur vous [135] en donner la commodité, et a moy cette particuliere consolation..

  A017001398 

 Vives tout a Dieu, ma tres chere Fille, et cherisses tous-jours fortement mon ame qui vous est toute dediee, comme je suis sans fin,.

  A017001410 

 C'est le seul sujet de ces quatre lignes; car, quant au reste, ce porteur fidele vous dira toutes nos nouvelles, qui sont petites comme en tems de paix..

  A017001410 

 Je ne puis m'empescher de vous resaluer tous-jours [136] quand les commodités s'en presentent, desireux de vivre continuellement en vos souvenirs et en la sainte bien-veüillance dont vous m'honnores.

  A017001422 

 Que dires vous, ma tres chere Fille, voyant si peu de lignes de ma part, apres en avoir si souvent receu de la [137] vostre beaucoup plus? Or, dites, et ce sera la verité, dites quil faut bien que le pauvre Pere ne puisse pas mieux faire; car il ayme si fort sa toute chere fille, que sil pouvoit, il ne se contenteroit pas de l'entretenir si peu..

  A017001425 

 L'importance est, ma tres chere Fille (et je vous le dis de tout mon cœur qui vous parle en simplicité et totale confiance, car en somme vous estes certes ma fille de mon cœur plus que vous ne sçauries penser, ni moy dire), l'importance est que j'ay fait cet acquiescement avec une douceur et tranquillité, ains avec une suavité nompareille.

  A017001425 

 Mays, de bon cœur (voyes vous, ma Fille, je dis tres suavement), j'acquiesce que ce soit une Religion, pourveu que, par la douceur des Constitutions, les filles infirmes y soyent receues, les femmes vefves y aient retraitte, et les femmes du monde quelque refuge pour leur avancement au service de Dieu.

  A017001426 

 Je voudrois bien vous dire beaucoup de choses sur ce sujet, affin que, quand Monseigneur l'Archevesque vous parlera, vous sceussies un peu mieux l'entendre; mays pour tout, il suffira que vous l'asseuries quil ne treuvera point en moy un esprit contrariant ni qui veuille surnager.

  A017001448 

 Nous prierons a cett'intention; et je m'en vay aujourd'huy a Mionnaz, d'ou je repasseray vers vous tout en passant, au retour, affin de visiter vostre malade, et rendray par mesme moyen le compliment avec M. le Comte qui est gueri.

  A017001463 

 Je ne doute nullement, Monsieur mon cher Confrere, [143] que passant si proche d'elle, vous ne l'allies visiter.

  A017001473 

 C'est pourquoy je vous conseille de croire le neveu, qui, estant de la profession et ayant l'affection quil a pour vous, ne peut en cela que vous bien conduire.

  A017001473 

 Il m'est advis que ces formalités de tuteur a vos enfans sont superflues, puisque tout est vostre et qu'aussi bien vostre Espoux nouveau ne vous demandera point de dote.

  A017001473 

 Neanmoins, vous sçaves quel homme je suis pour les affaires du monde; certes, je n'y entens rien du tout.

  A017001474 

 En verité, il faut ayder M. Guydeboys affin quil ayt sa pension tant que nous pourrons, car le pauvre homme seroit miserable sans cela et auroit grand sujet de se plaindre; et vous pouves penser de quel air il le feroit, puisque il le fait des a present avec un'extreme doleance.

  A017001474 

 Et M. le Comte n'en sçaura rien, ou sil le sçait, il n'aura point d'occasion de vous en sçavoir mauvais gré..

  A017001474 

 Vous m'envoyeres donq les papiers et je vous renvoyeray ce que vous me marqueres, et l'assisteray en ce que je pourray, affin quil ne soit pas frustré de sa juste pretention.

  A017001477 

 Vous l'ouires un peu sur la fin, et madame la Comtesse, a laquelle j'ay bien envie de donner de la moderation en ses affections, selon le besoin que j'en voy par la demesuree ardeur qu'ell'a en la sollicitation de faire M. Nacot, vicaire.

  A017001478 

 Je salue la [146] chere compaigne et la tres chere niece, quand vous luy escrires..

  A017001491 

 Et moy certes, ma tres chere Fille, j'oubliay a vous dire que, sans nulle difficulté, vous mangeassies, avec M. vostre pere et vos enfans, de la chair; vostre complexion est asses lasse sans autre abstinence.

  A017001491 

 Pour M. vostre mari et le reste, vous en feres ce que [147] vous estimerés a propos; je croy bien que ce ne sera pas trop de luy donner des conseilz, attendu quil craint Dieu, et quil faut avoir soin de bien nourrir ceux qui nourrissent bien cette sainte crainte, encor que ce soit avec imperfection..

  A017001492 

 Et pour vous, il vous suffit que je vous assisteray bien et ne vous tromperay point, ains vous conduiray le droit chemin de la pieté, avec un' affection et un zele tres invariable..

  A017001492 

 Ne vous mettes nullement en peine de respondre a ceux qui m'en blasmeront; car encor que je ne le pense pas, peut estre ont ilz rayson.

  A017001508 

 La grandeur de vostre maladie ne permet aucune reserve de viandes pour vous, a qui je ne cesseray jamais de souhaiter toute sainte prosperité, et a madame ma cousine, ni d'estre de tout mon cœur,.

  A017001527 

 Si Monseigneur l'Archevesque vous dit ce qu'il m'a escrit, vous luy respondres que vous aves esté laissee la pour servir a l'establissement de vostre Congregation de tout vostre petit pouvoir; que vous tascheres de bien conduire les Seurs selon les Regles de la Congregation; que s'il plaist a Dieu, apres cela, que cette Congregation change de nom, d'estat et de condition, vous vous en rapportes a son bon playsir, auquel toute la Congregation est entierement voûee; et, qu'en quelle façon que Dieu soit servi en l'assemblee ou vous le serves maintenant, vous seres satisfaite..

  A017001530 

 Croyesmoy, ma chere Fille, j'ayme parfaitement nostre pauvre petite Congregation, mays sans anxieté, sans [150] laquelle l'amour n'a pas accoustumé de vivre, pour l'ordinaire; mays le mien, qui n'est pas ordinaire, vit, je vous asseure, tout a fait sans cela, et avec une tres particuliere confiance que j'ay en la grace de Nostre Seigneur, que sa main souveraine fera plus pour ce petit et humble Institut que les hommes ne peuvent penser.

  A017001530 

 Et je suis, plus que vous ne sçauries croire, vostre..

  A017001538 

 Je vous voy, ma tres chere Fille, selon ce que vous m'escrives, toute jettee sur les espines.

  A017001538 

 O prenes courage, je vous en conjure; c'est la ou les lis aggreables a vostre Espoux croissent et se nourrissent mieux, et le mouton que Dieu volut luy estre immolé au lieu d'Isaac estoit arresté entre les espines.

  A017001539 

 J'appreuve bien que vous envoyes vostre filz faire la reverence a Son Excellence, puisque elle ne vous fait nulle response, ni a moy, a qui neanmoins ell'a respondu sur un'autre point dont je luy escrivois; et selon que vous la verres inclinee, vous pourres par apres recourir a Son Altesse, tandis que la memoire est fraische du defunct..

  A017001539 

 Je communiqueray de vostre affaire avec une bonne [151] cervelle et tres bonne conscience, et vous escriray son advis, combien que tous-jours il faille croire monsieur vostre neveu.

  A017001554 

 Au reste, il vous rendra tesmoignage de la santé de madame ma cousine et de tout ce que vous aves de plus cher de deça..

  A017001555 

 Ainsy puissies vous jouir heureusement d'une bonne et longue prosperité, selon le souhait,.

  A017001603 

 Je vous donnerai néanmoins une agréable nouvelle, Monseigneur: dans ces pays et par toute la France, la [157] gloire et le culte de ce bienheureux Saint s'accroissent et s'étendent merveilleusement, et sa parfaite sainteté est toujours plus admirée et estimée..

  A017001605 

 Aussi, baisant très humblement vos mains sacrées [158] et vous souhaitant toute vraie prospérité, je termine par la protestation de vouloir demeurer à jamais,.

  A017001615 

 Je me represente vostre lettre, ma tres chere Fille, en laquelle avec tant de sincerité vous me descrives vos [159] imperfections et vos peines, et voudrois bien pouvoir correspondre au desir que vous aves d'apprendre quelque remede de moy.

  A017001615 

 Mays, ni le loysir ne le permet, ni, comme je pense, vostre necessité ne le requiert pas; car certes, ma tres chere Fille, la pluspart de ce que vous me marques n'a point d'autre remede ordinaire que la suite du tems et des exercices de la Regie en laquelle vous vives.

  A017001617 

 Ne vous lasses donq point de travailler continuellement pour vostre amendement et perfection.

  A017001617 

 Vostre Regie vous achemine a bien prattiquer tout cela..

  A017001619 

 En l'affection que vous deves avoir pour vous mesme, tenés vos yeux bien ouvertz sur vos inclinations desreglees pour les desraciner.

  A017001619 

 Ne vous amuses point beaucoup a penser quelle sorte d'orayson Dieu vous donne, ains suives simplement et humblement sa grace.

  A017001619 

 Ne vous estonnes jamais de vous voir miserable et comblee de mauvaises humeurs.

  A017001619 

 Sur tout, travaillés tant que vous pourrés pour fortifier la superieure partie de vostre esprit, ne vous amusant point aux sentimens et consolations, mays aux resolutions, propos et eslans que la foy, la Regie, la Superieure et la rayson vous inspireront..

  A017001620 

 Ne soyes point pleureuse ni plaignante; ne vous estonnes point de ces importunités et violences que vous sentés, que vous aves tant de peine a declairer.

  A017001620 

 Ne soyes point tendre sur vous mesme: les meres tendres gastent les enfans.

  A017001620 

 Non, ma Fille, ne vous en estonnes point; Dieu les permet pour vous rendre humble de la vraye [161] humilité, abjecte et vile en vos yeux.

  A017001621 

 Soyes bonne au prochain, et nonobstant les soulevemens et saillies de la colere, prononcés es occurrences fort souvent ces divines paroles du Sauveur: Je les ayme, Seigneur, Pere eternel, ces prochains, parce que vous les aymes, et vous me les aves donnés pour freres et seurs, et vous voules que, comme vous les aymes, je les ayme aussi.

  A017001621 

 Sur tout, aymés ces cheres Seurs avec lesquelles la propre main de la Providence divine vous a associee et liee d'un lien celeste; supportes les, caresses les et les mettes dans vostre propre cœur..

  A017001641 

 Ainsy que je pensois vous renvoyer vos papiers [163] par mon laquay, ma tres chere Fille, ces deux cousins arriverent, qui en seront les porteurs.

  A017001641 

 J'ay consulté vostre affaire, et ay treuvé que le conseil de monsieur vostre neveu est extremement bon et quil le faut suivre, sinon que vous fussies fort asseuree quil n'y eut es biens de feu monsieur vostre mari que ce quil faut pour vos droitz, auquel cas il seroit plus court de les retenir pour iceux droitz et ne point faire heriter les enfans.

  A017001641 

 Mays puisque vous penses d'aller a Chamberi, vous resoudres tout cela bravement..

  A017001642 

 Vous y treuveres madame de Chasteaufort et M me du Chatelard; je vous prie de les bien saluer.

  A017001643 

 Ne faites pas semblant que je vous en aye adverti, mays je seray bien ayse que vous justifiies vostre bonne intention pour luy, attendu quil est si proche de vostre feu mari..

  A017001644 

 Au reste, ma pauvre tres chere Fille, entre les ennuys que vostre imagination vous fournit, jettes souvent vostre cœur entre les bras du cher Espoux nouveau; attachés vous comme un'esclave d'amour au pied de sa sainte Croix, et souvienne vous que bienheureux sont ceux qui n'ont rien, pourveu qu'ilz ayent ce grand Tout hors lequel tout n'est rien pour nous..

  A017001645 

 Si vous voules aller a Chamberi et y conduire le petit pour faire la reverence a M. le Marquis, peut [être] l'un de ces deux cousins fera bien l'office, ou avec vous ou sans vous, selon que vous aviseres..

  A017001646 

 Nous parlons souvent, nostre Mere et moy, de vous; ell'a un amour nompareil.

  A017001647 

 De rechef, je vous salue de tout mon cœur, ma tres chere Fille, que je souhaite toute sainte en Nostre Seigneur..

  A017001659 

 Ne pensés pas, je vous prie, ma tres chere Niece, ma Fille, que ç'ayt esté faute de souvenance ou d'affection si j'ay tant tardé a vous escrire; car, a la verité, le bon desir que j'ay veu en vostre ame de vouloir servir fort fidellement Dieu, en a fait naistre un extreme dans la mienne de vous assister et ayder de tout mon pouvoir, laissant a part le devoir que je vous ay d'ailleurs et l'inclination que j'ay tous-jours eu pour vostre cœur, a cause de la bonne opinion que j'en ay des vostre plus tendre jeunesse..

  A017001660 

 Or sus donq, ma chere Niece, il faut donq bien soigneusement cultiver ce cœur bienaymé et ne rien espargner de ce qui peut estre utile a son bonheur; et quoy que en toute sayson cela se puisse faire, si est-ce que celle ci en laquelle vous estes est la plus propre.

  A017001661 

 Et pour non seulement les conserver, mays les faire heureusement croistre, vous n'aves pas besoin d'autres advis que ceux que j'ay donné a Philothee dans le livre de l' Introduction, que vous aves; mais toutesfois, pour vous aggreer, je vous veux bien specifier en peu de paroles ce que je desire principalement de vous..

  A017001661 

 Tenés tous-jours ferme au milieu de vostre cœur les [166] resolutions que Dieu vous donna quand vous esties devant luy aupres de moy; car si vous les conservés en toute cette vie mortelle, elles vous conserveront en l'eternelle.

  A017001662 

 Confessés vous de quinze en quinze jours pour recevoir le divin Sacrement de la Communion, et n'alles jamais ni a l'un ni a l'autre de ces celestes misteres qu'avec une nouvelle et tres profonde resolution de vous amender de plus en plus de vos imperfections, et de vivre avec une pureté et perfection de cœur tous-jours plus grande.

  A017001662 

 Or, je ne dis pas que si vous vous treuves en devotion pour communier tous les huit jours, vous ne le puissies faire, et sur tout, si vous remarques que par ce sacré mistere vos inclinations fascheuses et les imperfections de vostre vie s'aillent diminuant; mais je vous ay marqué de quinze en quinze jours affin que vous ne differies pas davantage..

  A017001663 

 Faites vos exercices spirituelz courtement et fervemment, affin que vostre naturel ne soit point difficile a vous y rendre par l'apprehension de la longueur, et que, petit a petit, il s'apprivoyse avec ces actes de pieté.

  A017001663 

 Or, pour le faire courtement, vous pourres en vous habillant remercier Dieu, par maniere d'oraysons jaculatoires, dequoy il vous a conservee cette nuict la, et faire encor le deuxiesme et le troysiesme point, non seulement en vous habillant, mays au lit ou ailleurs, sans difference de lieu ou d'actions quelcomques; puis, tout aussi tost que vous pourres, vous vous mettres a genoux et feres le quatriesme point, commençant a faire cet eslan de cœur qui est marqué: « O Seigneur, voyla ce pauvre et miserable [167] cœur.

  A017001663 

 Par exemple, vous deves inviolablement faire tous les matins l'exercice du matin qui est marqué en l' Introduction.

  A017001663 

 » J'en dis de mesme de l'examen de conscience, que vous pouves faire le soir en vous retirant, par tout ou vous vous treuveres, pourveu qu'on face le troysiesme et quatriesme point a genoux, tandis qu'aucune maladie ne vous empesche..

  A017001664 

 Ainsy, en l'eglise, oyés la Messe avec une contenance d'une vraye fille de Dieu, et plustost que de vous relascher de cette reverence, sortés de l'eglise et vous en retirés..

  A017001667 

 Les aumosnes qui se font chez vous, soyent aussi faites par vous tous-jours, quand vous le pourres; car c'est un grand accroissement de vertu que de faire l'aumosne de sa main propre, quand il se peut bonnement faire..

  A017001669 

 Tous les jours lises une page ou deux de quelque livre spirituel pour vous tenir en goust et devotion, et les festes un peu davantage, qui vous tiendra lieu de sermon..

  A017001670 

 Continués a beaucoup honnorer vostre beaupere, parce que Dieu le veut, le vous ayant donné pour second pere en ce monde; et aymés cordialement le mary, luy rendant, avec une douce et simple bienveuillance, tout le contentement que vous pourres; et soyés sage a supporter les imperfections de qui que ce soit, mais sur tout de ceux du logis..

  A017001671 

 Je ne voy pas pour le present que j'aye a vous dire autre chose, sinon que lhors que nous nous reverrons, vous me dires comme vous vous seres conduitte en ce chemin de devotion; et s'il y a quelque chose a adjouster, [168] je le feray.

  A017001671 

 Vivés donq toute joyeuse en Dieu et pour Dieu, ma tres chere Fille, ma Niece, et croyes que je vous cheris tres parfaitement, et suis infiniment, Madame,.

  A017001681 

 Je pensois vous envoyer mon laquay demain, ma tres chere Fille, pour vous respondre a souhait sur vos trois dernieres lettres; mays puisque ce garçon s'est presente, je m'en vay vous escrire sur tous les pointz que vous m'aves touchés..

  A017001682 

 Quant a la façon avec laquelle vous vous deves comporter en l'administration des biens delaissés par feu monsieur vostre mari (que Dieu absolve), monsieur de Charmoysi m'a dit que vous en avies pris toutes les resolutions convenables, et que vous feries un inventaire non solemnel pour plus grand esclarcissement de vos droitz, affin qu'a l'advenir rien ne vous fut imputé.

  A017001683 

 Pour les deux cens pistoles que monsieur le Marquis [169] avoit promis de faire payer, M. de Vallon m'a dit quil vous instruiroit de ce que Son Excellence a respondu; c'est a sçavoir, que maintenant il n'y a moyen, faute de finances.

  A017001684 

 Le seigneur Roc ne pense pas de vous y pouvoir servir, Monseigneur de Nemours son maistre ne prenant des chevaux que grandement praetieux; toutefois, il fait estat de vous aller voir au premier jour..

  A017001684 

 Quant a M. de Saint Jeoire, sil vous asseure bien l'argent, je pense quil seroit bon de luy donner l'autre, car il sera difficile de treuver qui achette tout ensemble; joint que ce sont chevaux vieux, ainsy qu'on m'a dit, et desquelz l'entretien coustera beaucoup: de sorte qu'a la premiere rencontre d'un prix raysonnable que vous en feres, il sera bon de les vandre.

  A017001684 

 Sur ce point, il m'est venu en l'esprit d'ouvrir la lettre de M. de Vallon, et j'ay treuvé quil vous disoit du seigneur Roc ce que je vous allois escrire; de sorte quil ne sera pas besoin que vous envoyies encor a Grenoble pour cela.

  A017001685 

 Il n'y a eu nul poison en vostre cher mari, car [170] M. Faber, qui entend extremement bien et est homme de grande experience, m'en a fort asseuré; de sorte quil vous faut oster toute sorte de soupçon et d'imagination pour ce regard, ma tres chere Fille.

  A017001696 

 Que si vous mesme donnes les lettres, vous pourres adjouster que l'an passé, sur l'eminent danger auquel Thonon fut de la contagion, quand je dis a ce peuple la confiance qu'il devoit avoir aux prieres du bienheureux Prince, de la naissance duquel leur ville avoit esté honnoree, ilz en tesmoignerent tous un ressentiment et esperance extreme..

  A017001760 

 Vous pouves jurer, ma tres chere Fille, en saine conscience, puisque ce que vous dites est vrayement vostre et que les juges ne vous peuvent demander le serment que pour les choses laissees par le mary, qui sont a luy; et vous n'estes aussi obligee de respondre que sur cela.

  A017001761 

 Dieu vous benisse a jamais, ma tres chere Fille, et nostre Mere vous salue cherement.

  A017001775 

 La sainteté de ces jours prochains m'excite a renouveler les vœux de mon obeissance envers Vostre Grandeur, et ceux de mes foibles prieres a Dieu pour la conservation et prosperité de vostre personne, Monseigneur, vous suppliant tres humblement d'accepter l'une et l'autre offrande et le tesmoignage que j'en fay sur ce papier, comme venant d'un cœur qui est invariable en la fidelité avec laquelle il veut et doit vivre a jamais,.

  A017001790 

 Je vous escris par le sieur Gilette, et ay mis avec cela trois lettres pour les Princes, en leur recommandant les affaires de Thonon et Contamine.

  A017001791 

 Cependant, estant merveilleusement hasté, je me recommande a vos saintes prieres et vous supplie, sil se [181] peut, de me faire recouvrer les livretz dont je vous ay ci devant escrit.

  A017001809 

 Le desir ardent de la ville de La Roche, tesmoigné par les lettres ci jointes, a esté longuement desiré par moy qui ay tous-jours creu que si vous avies un convent en ce lieu la, vous en auries autant de contentement que de nul autre que vous puissies avoir de deça, puisque l'air y est extremement bon, le voysinage fertile et abondant en force bons villages, au passage de Thonon en [182] cette ville, esloigné de quatre lieües de tout autre convent de mendians, et ou, en verité, j'ay reconneu le peuple extremement enclin a la devotion.

  A017001810 

 A quoy la promptitude de la resolution sera fort utile, que, vous recommandant de rechef, je prie Dieu de favoriser, et de vous combler de bonheur selon les souhaitz, mon Reverend Pere, de.

  A017001810 

 C'est pourquoy, contribuant mes vœux a ceux de ce bon peuple, je vous supplie, et les Peres de la Province, de vouloir accepter les bonnes volontés presentes et d'en moyenner les effectz par les voyes convenables, affin qu'au plus tost on voye reuscir ce projet, plus desiré qu'il ne se peut dire et, comme je pense, grandement desirable.

  A017001827 

 Dites ce que vous aves veu, enseignés ce que vous aves ouÿ a Annessi.

  A017001827 

 Ma Fille, faites que cette lumiere vous serve pour toute vostre vie.

  A017001853 

 J'ay receu la lettre de Son Altesse, par laquelle elle tesmoigne d'aggreer que je face les sermons du Caresme venant a Grenoble, et ay veu par celle qu'il vous a pleu m'escrire, le soin que vous aves eü de lire ce que j'escrivois a sadite Altesse sur le sujet de la venue de Monseigneur l'Archevesque de Lyon en cette ville; dont je vous rens graces, Monsieur, d'autant plus affectionnement et humblement, que ces bons offices n'ont origine que de vostre bonté et courtoysie, laquelle je vous supplie de vouloir exercer en toutes telles occasions qui m'arrivent plus souvent que je ne desirerois pas, plusieurs Praelatz de France me faysant l'honneur de m'aymer et de me vouloir visiter, encor qu'ilz ne me connoissent pas, ains peut estre par ce qu'ilz ne me connoissent pas..

  A017001855 

 Or, Monsieur, je vous donne la peine de lire tout ceci, affin que sil vous plait de me favoriser en ces occurrences, vous sachiés ces generalités de mes conditions, qui sont fondaments, comme je croy, bien solides pour bastir sur iceux les defenses dont j'auray besoin si ce malheur continue, qui m'a des-ja si souvent fasché, tous-jours sans ma coulpe, graces a Dieu, ainsy que le tems a fait voir, qui, de plus en plus, descouvrira l'invariable ingenuité et franchise que j'ay en mon devoir de sujettion naturelle envers la coronne sous laquelle je suis nay et nourri..

  A017001856 

 Vostre charité, Monsieur, me protegera, sil luy plait, et je l'en conjure par celle de Nostre Seigneur, que je supplie vous estre propice et vous combler de ses benedictions, demeurant pour tous-jours,.

  A017001871 

 Je joins ma tres humble supplication a celle que monsieur le baron de Vilette vous va faire, puisque celuy le bien duquel elle regarde est egalement mon parent comme a luy.

  A017001885 

 Je receu l'autre jour une lettre de monsieur le Marquis d'Aix, par laquelle il me dit que le sieur Charriere se resoult a vous rendre toutes les satisfactions possibles, telles qu'elles seront advisees par ceux qui prendront la peine de vouloir terminer l'affaire; et que sur cela, il vous avoit fait prier de vouloir ouïr les propositions, selon que je luy avois fait entendre que vous les ouïries, et feries ce que vos principaux parens et amis vous conseilleroyent; qui est, a mon advis, ce que nous resolusmes lhors que nous eusmes le bien de vous voir.

  A017001885 

 Je vous supplie donq qu'il vous playse faire ainsy, puisque vous ne pouves jamais faillir de vous rapporter a vos amis, et que cela obligera quantité de personnes a croire de vostre cœur beaucoup de bien et les contentera.

  A017001886 

 Je pars, et vous escris ces quatre motz le pied a l'estrier, mais vous jugeres bien que c'est avec l'affection,.

  A017001899 

 Ainsy, Dieu vous benisse a jamais de son saint amour.

  A017001899 

 Vous mesme, ma tres chere Mere, sçavés bien que la sainte unité que Dieu a faite est forte plus que toute separation, et que les distances des lieux n'ont point de pouvoir sur elle.

  A017001900 

 Bon jour, ma tres chere Mere; conserves moy, je vous supplie, et je vous conserveray bien, Dieu aydant.

  A017001907 

 C'est pour vous dire, ma tres chere Fille, que je vous escris sans loysir, et neanmoins je vous veux respondre aux deux questions que vous m'aves faites ci devant, car je voy bien que pour neant j'attens les commodités de mieux faire, puisque je suis destiné au continuel accablement du tracas..

  A017001910 

 Il est vray que pour l'entiere resolution de vostre difficulté il faut que vous remarquies quil y a des desirs qui semblent estre de la seconde sorte, qui sont toutefois de la premiere, comme au contraire il y en a qui semblent estre de la premiere et sont de la seconde.

  A017001912 

 Or, maintenant il vous sera aysé de vous resoudre, comme je croy; que sil vous reste quelque difficulté, escrives-la moy, et tost ou tard je vous respondray de tout mon cœur, qui est certes tout vostre, ma tres chere Fille.

  A017001913 

 O Jesus crucifié, je vous adore, j'adore vos tormens, vos peines, vostre travail! Vous estes mon salut.

  A017001914 

 En verité, j'escris sans haleine, mais vous suppleeres par vostre douceur.

  A017001918 

 Je salue humblement M. de Saint Nizier, et le R. P. Philippe; et vous prie, quand vous verres le [193] R. P. Recteur, de l'asseurer de ma tres humble et sincere affection.

  A017001934 

 J'escriray ce soir a M. Bonfilz, par le seigneur [194] Roc, du sujet que vous desires, et parleray a M. de Monregard si tost que je pourray le voir.

  A017001934 

 Je fus lundi voir M me la Comtesse, marri de n'y treuver que ma chere filleule de chez vous.

  A017001934 

 Je vous escris emmi les affaires du Sinode, c'est a dire precipitamment.

  A017001934 

 M. de Galles, medecin de Sessel, m'a envoyé la lettre ci jointe que vous verres, comme aussi M. Guydeboys cett'autre..

  A017001935 

 En somme, ma Fille, croyes que je compatis avec vous, et me semble que quand vous aves du mal je l'ay avec vous.

  A017001935 

 Ma tres chere Fille, il n'y a remede, il faut a ce commencement estre accablee de demandes et souffrir qu'on se plaigne rudement de vous.

  A017001935 

 Mays il se faut garder, tant que vous pourrés, de contrister personne par vos responses, ains il faut tascher de rendre rayson a un chacun des refus ou retardemens que vous estes contrainte de faire.

  A017001936 

 M. de Charmoysi est d'advis que vous venies faire vostre sejour en cette ville, et dit quil vous le signifia lhors quil vous vit, tant pour estre plus pres du filz, que pour avoir meilleur et plus promt advis es occurrences de vos affaires.

  A017001936 

 Vous pouves penser si ce seroit mon inclination; mays a loysir nous en resoudrons.

  A017001937 

 Pour maintenant, Dieu vous benisse, ma tres chere Fille.

  A017001951 

 Il faut tenir bon en la douceur et cordiale civilité envers ceux qui demandent, et Dieu vous assistera et fera que vos affaires se demesleront honnestement et plus tost que vous ne sçaures esperer.

  A017001951 

 Je pense que vous aves bien fait de vandre le cheval, car c'est une dangereuse garde.

  A017001951 

 Quand le sieur Guydeboix aura ses Bulles, vous accommoderes le reste, non pas aysement, mais tout bellement, selon vostre promesse, et on le rendra capable.

  A017001952 

 Vivés tous-jours toute a Nostre Seigneur, ma tres chere Fille, et me tenes pour tout vostre en luy, car je le suis plus que vous ne sçauries dire.

  A017002003 

 J'envoie à Votre Seigneurie le Mémoire touchant le mode qui me semble plus convenable pour obtenir la conversion des hérétiques; toutefois, comme il présuppose de toute façon que les princes jouissent [198] de la paix, ce n'est pas le moment de le proposer: aussi, je vous demande que jamais personne ne sache que ce Mémoire est venu de moi.

  A017002003 

 Mais avec Votre Seigneurie je traite en toute confiance, je ne voudrais rien vous céler; car, bien que je ne vous connaisse pas personnellement, votre zèle pour la religion catholique est si pur que je ne puis douter de votre charité.

  A017002006 

 Dans ce but, je vous envoie une copie des Indulgences que je n'ai pas voulu faire publier et une copie de celles qu'on souhaite, avec un Mémoire de la fondation de cette pieuse Maison, afin que vous sachiez tout ce qui sera requis en cette affaire.

  A017002007 

 Mais, que direz-vous, Monsieur, de ce que j'emploie votre charité avec tant de confiance? Dites hardiment, s'il vous plaît, que la charité supporte tout, fait tout et espère tout..

  A017002022 

 Qu'il est bien raysonnable, ma tres chere Fille, que je vous escrive un peu; et que je le fay de bon cœur! Pleust a Dieu que j'eusse l'esprit necessaire a vostre consolation..

  A017002025 

 Voyes vous, ma Fille, le sens humain appuyé sur la chair fait que maintes fois nous ne nous abandonnons pas asses entre les mains de Dieu, nous estant advis que, puisque nous ne valons rien, Dieu ne doit tenir conte [205] de nous, parce que les hommes qui vivent selon la sagesse humaine mesprisent ceux qui ne sont point utiles; au contraire, l'esprit appuyé sur la foy s'encourage emmi les difficultés, parce qu'il sçait bien que Dieu ayme, supporte et secourt les miserables, pourveu qu'ilz esperent en luy.

  A017002029 

 Dieu soit a jamais vostre tout, et moy je suis en luy tout vostre, vous le sçaves bien..

  A017002029 

 Soyes toute asseuree que Dieu vous aydera, reposes vous en toute occurrence entre les bras de sa misericorde et bonté paternelle.

  A017002030 

 Monsieur vostre pere se porte bien et tout ce qui vous appartient selon le sang; ainsy en soit il de ce qui vous appartient selon l'esprit.

  A017002039 

 Et par son advis, vous presenteres ces cahiers a monsieur Meschatin la Faye, vicaire general en l'archevesché de Lion, et a d'autres Docteurs; car, comme je me connois et suis tres fautif, et que j'ay peu [209] de loysir pour revoir mes petitz ouvrages, certainement je desire et supplie tres instamment qu'ilz soyent veus a loysir et charitablement examinés par les doctes serviteurs de Dieu..

  A017002039 

 Vous remettres nos pauvres cahiers aux pieds de [208] Monseigneur l'Archevesque, s'il est au lieu et en loysir, et s'il veut s'appliquer a cette lecture; sinon, vous les remettres entre les mains de monsieur de Ville, docteur en sainte theologie, deputé pour l'approbation des livres.

  A017002049 

 Tenes, voyla des lettres venantes de Lion; sil y a chose qui merite, vous m'en feres part..

  A017002060 

 Je vous escris sans loysir, seulement pour vous dire, ma tres chere Fille, que j'ay receu vos lettres.

  A017002060 

 Si vous venés pour toute cette semaine, ou du moins parmy les festes, je pense que vous treuveres M. Bonfilz; si moins, il me faudroit envoyer la cedule, et je verrois si je pourrois tirer le payement que vous desirés..

  A017002061 

 Nous parlerons, si vous venes, de la chere fille.

  A017002079 

 Vous series bien brave si vous esties un peu bien paysible et bien douce sur cette petite incommodité.

  A017002099 

 Je sçai bien qu'il me faudra demeurer encor aujourd'huy en solitude et silence, et peut estre demain: si cela est, je prepareray mon ame, comme la vostre, ainsy que je vous dis..

  A017002100 

 Je veux bien que vous continuies l'exercice du despouillement de vous mesme, vous laissant a Nostre Seigneur et a moy.

  A017002100 

 Mais, ma tres chere Mere, entrejettés, [214] je vous prie, quelques actions de vostre part, par maniere d'oraysons jaculatoires, en approbation du despouillement, comme par exemple: Je le veux bien, Seigneur, tirés, tirés hardiment tout ce qui revest mon cœur.

  A017002101 

 Encor ne faut il pas, s'il vous plaist, ma tres chere Mere, prendre aucune nourrice; ains, comme vous voyes, il faut quitter celle que neanmoins vous aures, et demeurer comme une pauvre petite chetifve creature devant le throsne de la misericorde de Dieu; et demeurer toute nue, sans demander jamais ni action ni affection quelcomque pour la creature, et neanmoins vous rendre indifferente a toutes celles qu'il luy plaira vous ordonner, sans vous amuser a considerer que ce sera moy qui vous serviray de nourrice; car, comme vous voyes, si vous prenies une nourrice a vostre gré, vous ne sortiries pas de vous mesme, ains auries tous-jours vostre conte, qui est neanmoins ce qu'il faut fuir sur toutes choses..

  A017002102 

 Escrivés moy comme vous treuveres bonne cette leçon..

  A017002103 

 Car je suis sien ici et la, ou je suis en vous, comme vous sçaves, tres parfaitement; car vous m'estes indivisible, hormis en l'exercice et prattique du renoncement de tout nous mesmes pour Dieu.

  A017002112 

 Je vous dis donq, ma chere Mere: que beni soit le Seigneur qui vous a despouillee! O que mon cœur est content de vous sçavoir en cet estat si desirable! et je vous dis comme il fut dit a Isaïe: Marchés et prophetisés toute nue ces troys jours.

  A017002112 

 Perseverés, en cette nudité, de demeurer aupres de Nostre Seigneur; il n'est plus besoin que vous facies des actes, s'il ne vous vient au cœur, ains que seulement vous chanties, si vous pouves, doucement le cantique de vostre nudité: Nue je suis nee du ventre de ma mere, et ce qui s'ensuit.

  A017002122 

 C'est la verité, il faut demeurer en cette sainte nudité jusques a ce que Dieu vous reveste.

  A017002122 

 Demeures la, dit Nostre Seigneur a ses Apostres, jusques a ce que d'en haut vous soyes revestus de vertu.

  A017002123 

 Ma tres chere Mere, il est vray, vostre imagination a tort de vous representer que vous n'aves pas osté et quitté le soin de vous mesme et l'affection aux choses spirituelles; car n'aves vous pas tout quitté et tout oublié? Dites ce soir que vous renonces a toutes les vertus, n'en voulant qu'a mesure que Dieu vous les donnera, ni ne voulant avoir aucun soin de les acquerir qu'a mesure que sa Bonté vous employera a cela pour son bon playsir..

  A017002124 

 Ce qu'il faut que vous facies, ne le faites plus parce que c'est vostre inclination, mais purement parce que c'est la volonté de Dieu..

  A017002124 

 N'ayes plus d'autres bras pour vous porter que les siens, ni d'autre sein pour vous reposer que le sien et sa providence; n'estendes vostre veuë ailleurs et n'arrestes vostre esprit qu'en luy seul; tenes vostre volonté si simplement unie a la sienne en tout ce qu'il luy plaira faire de vous, en vous, par vous et pour vous, et en toutes choses qui sont hors de vous, que rien ne soit entre deux.

  A017002124 

 Ne penses plus ni a l'amitié ni a l'unité que Dieu a faite entre nous, ni a vos enfans, ni a vostre cors, ni a vostre ame, en fin a chose quelcomque; car [218] vous aves tout remis a Dieu.

  A017002124 

 Nostre Seigneur vous ayme, ma Mere; il vous veut toute sienne.

  A017002124 

 Revestes vous de Nostre Seigneur crucifié, aymes le en ses souffrances, faites des oraysons jaculatoires la dessus.

  A017002132 

 Et prenés courage, car s'il vous a [219] desnuee des consolations et sentimens de sa presence, c'est affin que sa presence mesme ne tienne plus vostre cœur, mays luy et son playsir; comme il fit a celle qui, le voulant embrasser et se tenir a ses pieds, fut renvoyee ailleurs: Ne me touche point, luy dit il, mais va, dis le a Simon et a mes freres.

  A017002132 

 Je n'escris pas, non, car apres le repas cela ne se doit pas, ma tres chere Mere; mais je vous donne tres affectionnement le bon soir, priant Dieu que, vous ayant reduit a l'amiable tressainte pureté et nudité des enfans, il vous prenne meshuy entre ses bras comme saint Martial, pour vous porter a son gré a l'extreme perfection de son amour.

  A017002140 

 Que s'il ne vous delivre pas si tost de vos imperfections, c'est pour vous en delivrer plus utilement et vous exercer plus longuement en l'humilité, affin que vous soyes bien enracinee en cette chere vertu..

  A017002140 

 Vostre cœur sera pur, ma chere petite Fille, puisque vostre intention est pure, et les pensees vaines qui vous [220] surprennent ne le sçauroyent souiller en sorte quelcomque.

  A017002140 

 Vous estes a Dieu sans reserve, il vous conduira bien.

  A017002142 

 Ma chere Fille, ces divins Espritz vous apprendront comme vous feres pour bien celebrer ces jours solemnelz, et sur tout l'amour interieur qui vous fera connoistre combien est grand l'amour de nostre Dieu qui, pour se rendre plus nostre, a voulu se donner en viande pour la santé spirituelle de nos cœurs, affin que, les nourrissant, ilz fussent plus parfaitz..

  A017002162 

 Je m'asseure que M. Flocard vous fera response.

  A017002163 

 Voyla le monitoire que vous desiries.

  A017002166 

 Je m'asseure que nostre Mere vous escrira qu'il faut faire traitter Charles par les medecins, affin que l'enfleure de son ventre ne prenne pas suite; pour le reste, il se porte bien..

  A017002176 

 Mays, comme je vous dis, si les plus fortz espritz, lhors qu'ilz different beaucoup l'execution de leurs bonnes resolutions, sont tentés de les quiter, il ne faut pas s'estonner que cette chere fille ayt esté touchee de cette attaque, a laquelle j'ay neanmoins bonne esperance qu'elle ne cedera pas enfin; ains, ayant un peu repris haleyne, elle viendra plus forte, plus resolue et plus ardente que jamais.

  A017002176 

 Salues-la, si vous le treuves bon, de ma part, quand vous la verres ou luy escrires.

  A017002188 

 Je vous remercie bien humblement de la souvenance que vous aves de moy, tesmoignee par vostre lettre et vostre beau present, lequel certes, estant de prix, j'ay disputé en mon esprit si je devois l'accepter; et ne l'eusse nullement fait, si ce n'eut esté de peur de contrister vostre charité, laquelle neanmoins en cela je treuve excessive et vous supplie de la moderer, au moins envers moy, qui, au demeurant, vous porteray a jamais dedans mon esprit pour vous souhaiter le comble de toutes benedictions, et a tout ce que vous cherisses le plus..

  A017002207 

 Je ne pense pas quil fust a propos de faire cette premiere veuë ainsy courtement, outre que ces filles ne font quasi que de partir d'icy, ou elles ont demeuré 15 jours, et chacun voudroit sçavoir le pourquoy de leur retour; et puisque vous reviendres icy bien tost, nous en parlerons avec la Mere, et on verra ce qui sera plus expedient..

  A017002208 

 Je seray bien ayse d'accommoder ces deux parties dont vous m'escrives, mais je ne puis les faire venir s'il n'y a requeste de l'une des parties, ou de toutes deux, pour cela..

  A017002225 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Mere.

  A017002234 

 Du moins, bonjour pour ce matin, ma tres chere Mere, et je vous demande si vous pourres avoir un P. Barnabite, car M. Roland est a conter de l'argent.

  A017002234 

 Penses, ma bien chere Mere, si je fus hier bien mortifié que n'eu pas seulement le loysir de vous envoyer un petit bon soir.

  A017002234 

 Que sil ne se peut bonnement, renvoyes moy, et je vous prouvoyeray bravement, et, tout au fin pis, ce sera d'un pauvre Evesque que vous aymes comme vous mesme; aussi est il en tout, vostre..

  A017002242 

 Or, Dieu vous aydera en tout, sans doute, puisque vous aves toute vostre confiance en luy..

  A017002242 

 Vous n'aures pas si tost monsieur de Charmoysi, ma tres chere Fille, car il est si galleux et plein de foroncles [229] quil ne peut bouger.

  A017002243 

 Le P. Commissaire vous escrit la ci jointe par laquelle vous verres ce quil desire..

  A017002244 

 Je croy bien quil se pourra faire que M lle de Chantal vienne quand on vestira M lle d'Avise, et seroit a propos de faire la veue; mays je n'ay point veue (sic) nostre Mere despuis vostre depart qu'une seule fois a la Messe, et je luy parleray et vous advertiray asses a tems.

  A017002245 

 Je ne receu qu'hier bien tard vostre lettre et celle de monsieur de Mont Saint Jean, et des-ja l'autre jour que nostre Mere me le fit sçavoir, je luy escrivis en un billet ce quil me sembloit estre a propos de respondre, et je croy qu'elle vous l'aura communiqué..

  A017002246 

 Je vous escris par cette mauvaise commodité qui me presse sans merci.

  A017002259 

 Je vous expliqueray sa premiere lettre demain a quelqu'heure, Dieu aydant.

  A017002259 

 Mays il faut treuver bon tout cela, et qu'elle s'addresse plus tost a moy qu'a vous, car aussi faut-il.

  A017002259 

 Toutefois je ne sçai que luy dire sur sa proposition, si vous ne le me dites.

  A017002259 

 Vous verres par ces deux lettres le petit empressement que M me de la Flechere a pour marier son neveu a nostre fille; il luy est advis qu'il ne faut qu'estre filz de nostre Mere pour estre bien heureux.

  A017002260 

 Je ne sçai si M me de la Forest vous aura point parlé de ces amours que la bonne seur affectionne si fort..

  A017002260 

 Si la bonne M me de Rochefort vous va voir, faites-la entrer et caresses-la bien, car cet (sic) une bonne fille; ma Seur Claude Simplicienne est sa voysine, et [231] M me de la Forest, de sa connoissance.

  A017002261 

 Or, bon soir, ma tres chere Mere; Dieu vous comble de benedictions comme moymesme.

  A017002271 

 Je fus certainement consolé, ma tres chere Seur, de la lettre que vous m'escrivistes l'autre jour, y voyant de [232] bonnes marques du desir que vous aves d'aymer Dieu de toute vostre ame.

  A017002271 

 Que vous puis-je dire, sinon que vous perseveries a desirer l'amour qui ne peut jamais estre asses desiré, estant infiniment desirable?.

  A017002272 

 Neanmoins, ma chere Seur, vous pourres utilement repeter souvent la priere de ce Penitent qui disoit: Seigneur, laves moy davantage de mon iniquité et me nettoyes de mon peché; pourveu que ce soit avec une vraye et simple confiance en cette souveraine Bonté, vous asseurant que sa misericorde ne vous manquera pas..

  A017002272 

 Pour l'absolution de vos pechés de tant d'annees que vous me demandies, ma tres chere Fille, vous deves sçavoir que Dieu, par sa bonté, les aura effacés au mesme instant que vous luy voulustes donner vostre cœur, par la resolution que son inspiration vous fit prendre de ne vivre plus que pour luy.

  A017002273 

 Soyes donq bien toute a Dieu, marches en simplicité dans le chemin ou la Providence vous a mise; elle vous tiendra de sa main et vous conduira au port que vous desires de l'aymable eternité, pour laquelle vous aves esté creee.

  A017002283 

 Et vous treuveres les lettres et la Præface mesme de longue datte, par ce que tout estoit prest des la veille de saint Pierre, que le mesme voiturin devoit partir, mais alla despuis retardant jusques a mardi passé; et si j'eusse treuvé commodité plus tost, la chose eut encor esté plus avancée.

  A017002283 

 Je suis marri de la peine en laquelle monsieur Rigaud s'est mis pour la Præface, que je m'asseure vous aurés recëue des maintenant par un voiturin qui porte une charge de soye a M. Magnin, qui m'a promis de faire rendre le paquet soudain quil seroit arrivé.

  A017002284 

 Et a propos de faute, il y en a deux notables au livre, dont l'une est de l'imprimeur, qui a obmis une ligne entiere; l'autre est de moy, qui ne sçai ou j'avois l'esprit quand j'escrivis les [quatre] vers [qui sont] en la page 725, ligne 8, desquelz je vous envoye la correction, et vous prie qu'en toute façon on les oste pour y mettre [234] ceux que je vous envoye; car ces vers ainsy quilz sont, sont capables de fascher plusieurs lecteurs et les degouster..

  A017002291 

 Nous vous attendrons donq dans dix ou douze jours, et nos cheres Seurs, que je salue de tout mon coeur..

  A017002294 

 Si je ne vous escris plus avant vostre depart, je vous prie de saluer le R. P. Recteur et le P. Grangier, et les PP. Monet et Fichet; item, le P. Philippe, monsieur de Saint Nizier et tous ceux qui me font la faveur de m'aymer..

  A017002295 

 Je vous escrivis pour avoir un petit Combat spirituel [236] de ceux qui sont imprimés a Paris, par ce que tout y est, car si ilz estoit (sic) imprimés a Lyon avec tout le mesme, ce me seroit tout un..

  A017002297 

 A cett' intention, je vous envoye une lettre pour luy, que monsieur de Medio prendra la peine de luy faire tenir.

  A017002298 

 Dieu soit avec vous.

  A017002342 

 Vous êtes, en effet, le seul membre de cet auguste Collège apostolique que j'aie l'honneur de connaître; et étant à même d'apprécier parfaitement nos affaires de ce côté des Alpes, vous pouvez faire entendre aux autres que le progrès des choses divines doit être procuré, ici d'une manière, là d'une autre, selon les différences de mœurs et de pays.

  A017002344 

 Adieu, très célèbre, très grand et très illustre Prélat; veuillez, pour l'amour du Christ, m'excuser et m'aimer: je vous en prie et supplie humblement..

  A017002393 

 La longueur du tems que monsieur vostre pere a vescu et les dernieres langueurs qui vous ont, il y a quelque tems, annoncé son trespas et menacé de son absence future, vous auront donné sujet de vous resoudre en la perte du bonheur que vous avies de le sentir encor [254] en ce monde; car en somme, puisque nul n'est exempt de la mort, la plus favorable condition que nous puissions avoir d'elle, c'est quand elle nous laisse longuement jouïr de ceux a qui nous appartenons..

  A017002394 

 Il faut donq loüer Dieu et le benir de la faveur qu'il vous a faite de vous avoir longuement maintenu ce pere, et acquiescer a la volonté par laquelle il vous l'a osté maintenant.

  A017002394 

 Pour moy, je ne veux point icy user des termes ordinaires avec vous; le lien qui me tient attaché a vostre amitié et service vous servira de gage et d'asseurance que je rendray bien mon devoir a prier pour le defunct et honnorer sa memoire, et, quant au reste, je suis,.

  A017002406 

 Ces bonnes Seurs de la Visitation qui iront la commencer une nouvelle Congregation, ne pourront qu'estre [255] grandement consolees, puisque vous les protegeéres au nom de Monseigneur l'Archevesque de Lyon, par l'authorité episcopale; et loue Dieu de l'affection que vous tesmoignes a ce bon œuvre, duquel j'espere que vous aures contentement.

  A017002407 

 Cependant je vous rens graces des belles oraysons que vous m'aves communiquees, et du tiltre des beaux livres que vous aves ornés de vostre labeur, lesquelz je m'essayeray de voir, et, en correspondant a vostre dilection, tesmoigner, si jamais j'en ay le pouvoir, que je suis,.

  A017002421 

 Puisque Monseigneur de Lyon vous a establi son vicaire pour l'establissement et le progres de la Congregation de la Visitation de Moulins, c'est donq a vous, Monsieur, que j'addresse ces quatre lignes, affin que sous vostre authorité spirituelle, elles servent a ce dessein Dieu, qui, comme je l'espere, benira leur bonne volonté et leur desir....

  A017002430 

 Le service que vous alles rendre a Nostre Seigneur et a sa tres glorieuse Mere, est apostolique; car vous alles [258] assembler, ma tres chere Fille, plusieurs ames en une Congregation, pour les conduire, comme une nouvelle bande, a la guerre spirituelle contre le monde, le diable et la chair, en faveur de la gloire de Dieu; ou plustost, vous alles former un nouvel essaim d'abeilles qui, en une nouvelle ruche, fera le mesnage du divin amour, plus delicieux que le miel..

  A017002431 

 Or, alles donq toute courageuse, en une parfaite confiance en la bonté de Celuy qui vous appelle a cette sainte besoigne.

  A017002431 

 Quand est ce qu' aucun espera en Dieu et qu'il fut confus? La desfiance que vous aves de vous mesme est bonne tandis qu'elle servira de fondement a la confiance que vous deves avoir en Dieu; mais si jamais elle vous portoit a quelque descouragement, inquietude, chagrin et melancholie, je vous conjure de la rejetter comme la tentation des tentations; et ne permettes jamais a vostre esprit de disputer et repliquer en faveur de l'inquietude ou de l'abbattement de cœur auquel vous vous sentires penchee, car cette simple verité est toute certaine: que Dieu permet arriver beaucoup de difficultés a ceux qui entreprennent son service, mays jamais pourtant il ne les laisse tomber sous le faix tandis qu'ilz se confient en luy.

  A017002434 

 Je la vous recommande, ma tres chere Fille, parce qu'a icelle, comme a l'huyle de la lampe, tient la flamme du bon exemple, n'y ayant rien qui edifie tant que la charitable debonnaireté..

  A017002435 

 Tenes bien la balance droitte entre vos filles, a ce que les dons naturelz ne vous facent point distribuer iniquement vos affections et bons offices.

  A017002436 

 Alles donq, ma chere Fille, a l'œuvre pour laquelle Dieu vous a esleuë.

  A017002436 

 Ayés donq un grand courage, non seulement grand, mais de grande haleine et de grande duree, et pour l'avoir, demandés-le souvent a Celuy qui seul le peut donner; et il le vous donnera, si en simplicité de cœur vous correspondes a sa grace.

  A017002436 

 Il sera a vostre dextre, affin que nulle difficulté ne vous esbranle; il vous tiendra de sa main, affin que vous suivies sa voye.

  A017002437 

 De Dieu benite soyes vous en allant, en demeurant, en servant Dieu, en servant le prochain, en vous humiliant jusques dans vostre neant, en vous relevant jusques dedans vostre Tout; et Dieu soit uniquement vostre tout, ma tres chere Fille.

  A017002437 

 Vous estes ma fille, et d'une dilection paternelle je vous donne la sainte benediction.

  A017002444 

 Alles joyeusement donq, et, telle que vous estes, offres-vous humblement a ce saint service de Nostre Seigneur..

  A017002444 

 Contribues y donq de bon cœur vostre personne et tout ce qui en depend; joignés l'humilité a la sainte confiance et allegresse d'esprit, vous resouvenant qu'en l'ancienne Loy on recevoit au Tabernacle l'offrande de ceux qui, n'ayans autre chose, presentoyent de bon cœur des poilz de chevre pour faire le cilice duquel le Tabernacle estoit couvert.

  A017002444 

 Vous estes bien heureuse, certes, d'aller servir a la fondation d'une nouvelle Congregation de servantes de [261] Dieu, car c'est un office angelique.

  A017002445 

 Aymés perseveramment vostre propre abjection; cherisses le mespris et caresses les croix que Dieu peut estre permettra vous arriver.

  A017002445 

 Tenes vous ferme en la sainte douceur, et Dieu vous benisse a jamais, ma tres chere Fille, comme en son nom je vous benis.

  A017002456 

 Et ne vous fasches point, ne vous tormentes point, puisque tout cela non seulement ne vous separe point de Nostre Seigneur, mais vous donne sujet de vous unir de plus en plus a sa misericorde..

  A017002456 

 Et pour vous affermir en cette creance, a la fin de vostre exercice du matin, desadvoués par une courte et simple aversion toutes sortes de pensees qui sont contraires a l'amour celeste, comme disant: Je renonce a toutes cogitations qui ne sont pas pour vous, o mon Dieu; je les desadvoue et rejette a jamais.

  A017002456 

 Ne vous troubles nullement pour ces imaginations et pensees estranges ou terribles qui vous arrivent, car, selon la veritable connoissance que j'ay de vostre cœur, je vous asseure devant Nostre Seigneur que vous n'en pouves encourir aucun peché.

  A017002456 

 Puys, lhors qu'elles vous attaquerons (sic), vous n'aures rien a dire, sinon par fois: O Seigneur, je les ay rejettees, vous le sçaves.

  A017002456 

 Quelquefois, vous bayseres vostre croix, ou feres quelqu'autre signe que vous confirmes vostre desaveu.

  A017002457 

 Alles donq doucement et suavement en paix, servir Dieu et Nostre Dame ou vous estes appellee par leur volonté, et la grace et consolation de son Saint Esprit soit a jamais avec vous.

  A017002458 

 Ma très chere Fille, vives en Dieu doucement et simplement, avec un continuel amour de vostre propre abjection, et un grand courage a servir Celuy qui, pour vous sauver, est mort en la †..

  A017002468 

 Vous estes employee bien jeune a de grandes œuvres: cela vous doit faire humilier profondement, et vous faire resoudre a fidellement obeir aux Regles et a vostre Superieure; car c'est pour [ce] service qu'on vous a choisie, affin que, comme d'autres serviront de bon exemple aux filles plus avancees en aage qui se rangeront a la Congregation, vous servies aussi de patron aux plus jeunes; ce qui est extremement important, car Dieu ayme tres particulierement les premices des annees et desire qu'elles luy soyent consacrees.

  A017002469 

 Dieu soit a jamais avec vous et vous veuille benir de sa dextre.

  A017002482 

 A quoy servira beaucoup le desir extreme que j'ay de vous honnorer et conserver vostre amitié, laquelle je vous supplie me departir continuellement, puisque, vous souhaitant toute sainte benediction, je veux estre toute ma vie,.

  A017002482 

 Encor qu'en l'assemblee que nous avons tenue maintenant, le different que nous avons n'ayt pas esté du tout terminé, si est ce toutefois que l'accommodement en a esté tellement acheminé, qu'il sera aysé, au premier rencontre, de le parachever, ainsy que monsieur Pergod et le sieur Enpio vous en feront plus amplement le [265] recit.

  A017002500 

 Je vous escris hors d'haleyne, allant dire la Messe solemnelle et prescher..

  A017002518 

 Despuis, comme vous aves sceu, Monseigneur le Prince vint icy, a la bonté duquel je suis infiniment obligé, et avec tout le reste du païs je dois mille et mill'actions de graces a la divine Providence qui nous a donné un homme tant plein de vertu et de benedictions pour dominer un jour entre nous.

  A017002518 

 Je vous escrivis des-ja l'autre jour la lettre ci jointe, mais l'homme qui accompaigna monsieur de Monthouz, qui m'avoit rendu la vostre, ne vint point prendre ma lettre, que je sache.

  A017002519 

 Mays voÿés vous, ma tres chere Fille, [268] vous sçaves bien cela, que la Visitation est toute vostre, et nostre Mere et toutes les Seurs, et a madamoyselle de Beaufort, ainsy que vous le jugeres a propos..

  A017002519 

 Vous pourres venir icy a vostre gré, car nostre Mere n'aura point de plus grand playsir que de vous voir, et ne croy pas quil y ayt aucun danger en chemin; et ne faut non plus faire difficulté pour madamoyselle de Beaufort.

  A017002521 

 Mays a vous, ma tres chere Fille, cela ne se peut dire [269] combien mon ame en souhaite, et a nostre chere seur de Mieudri..

  A017002546 

 Faites donq, Monsieur mon Filz, faites souvent, je vous supplie, cette grace a mon esprit, mais seulement pourtant, quand vous pourrés bonnement sans vous incommoder; car, quoy que vos lettres me soyent plus delicieuses que je ne puis dire, si elles vous coustoyent de l'incommodité elles me seroyent douloureuses, aymant plus vostre playsir que le mien, selon la coustume des peres..

  A017002546 

 Il ne faut jamais, certes, Monsieur, puisque j'ay lhonneur que vous soyes mon tres cher filz, il ne faut point faire d'excuses quand vous ne m'escrives pas; car je ne puis non plus douter de vostre amour filial envers moy, que je ne puis vivre sans sentir continuellement dedans mon cœur les eslans de l'amour paternel envers vous.

  A017002546 

 [271] Mays il est vray toutefois, Monsieur mon Filz, que vos lettres m'apportent tous-jours une delectation extreme, y voyant, ou du moins entrevoyant, les traitz de vostre bonté naturelle et de la sainte charité de vostre ame, qui produit et nourrit la douceur de vostre dilection filiale que vous respandes sur moy et qui me remplit de suavité.

  A017002547 

 Et moy ce pendant, Monsieur mon tres cher Filz, affin de suppleer en quelque sorte les defautz que le manquement de commodités me pourroyent (sic) faire faire de vous escrire souvent, je vous envoye le livre de l' Amour de Dieu que j'ay n'a guere exposé aux yeux du monde; et vous supplie que si quelquefois l'affection que vous aves pour moy, vous donnoyt quelque desir d'avoir de mes lettres, vous prenies ce Traitté et en lisies un chapitre, vous imaginant que s'il y a point de Theotime au monde auquel s'addresse (sic) mes paroles, vous estes celuy entre tous les hommes, qui estes mon plus cher Theotime..

  A017002548 

 Si vous lises celle ci de suite, elle vous sera plus aggreable a la fin..

  A017002549 

 Vous sçaures, je m'asseure, avant la reception de la presente, les causes de sa venue..

  A017002550 

 Reste, Monsieur mon tres cher Filz tres honnoré, que je vous souhaite toutes les benedictions celestes; et c'est la respiration ordinaire de mon cœur, puisque j'ay la faveur et le bonheur d'estre advoüé vostre Pere, et que je dois estre et suis a jamais,.

  A017002554 

 Monsieur, c'est tout a la haste que j'escris, et je m'asseure que de Lyon vous recevres un autre livre, selon l'ordre que j'en avois donné.

  A017002607 

 Je vis en esperance, ma tres chere Fille, que si mon ingratitude ne me forclost point du Paradis, je jouiray un [276] jour par complaysance de la gloire eternelle en laquelle vous vous plaires par jouissance, apres avoir saintement porté la croix en cette vie, que le Sauveur vous a imposee, du soin de le servir fidellement en vostre personne et en la personne de tant de cheres Seurs, qu'il veut estre vos filles en ses entrailles..

  A017002618 

 Je n'ay receu aucune de vos lettres, ma tres chere Fille, despuis vostre depart; cela, je vous prie, que veut il dire? Or, je sçai bien neanmoins que vostre charité est invariable..

  A017002619 

 Mays j'apprens par lettres venues de Lyon, que vous estes malade, et un peu mesme estonnee de n'avoir pas [277] treuvé les choses en si bons termes comme nostre desir nous le faysoit imaginer.

  A017002619 

 Ne perdes point courage, car Dieu ne perdra jamais le soin de vostre cœur et de vostre trouppe, tandis que vous vous confieres en luy.

  A017002619 

 Ne vous degoustes point, ma chere Fille, et ne laisses point affoiblir vostre esprit entre les contradictions.

  A017002620 

 Mais il faut que je vous die naïfvement ce que je crains plus que tout en cette occurrence: c'est la tentation des aversions et repugnances entre vous et nostre [Sœur des Gouffiers], car c'est la tentation qui arrive ordinairement es affaires qui dependent de la correspondance de deux personnes; c'est la tentation des anges terrestres, puisqu'elle est arrivee entre les plus grans Saintz, et c'est nostre imbecillité, de tous tant que nous sommes enfans d'Adam, qui nous ruine, si la charité ne nous en [278] delivre.

  A017002620 

 Si quelque chose de tel arrivoit entre vous deux, qui estes filles, cela ne seroit pas estrange, pourveu qu'il ne durast pas.

  A017002620 

 Souffrés, ne despités point, adoucisses tout, regardes que c'est la besoigne de Dieu a laquelle cette dame s'employe selon son sentiment, et vous selon le vostre, et que toutes deux vous deves entreporter et entresupporter pour l'amour du Sauveur.

  A017002621 

 En somme, gardes vous bien des descouragemens.

  A017002621 

 Vostre maladie corporelle sert de surcharge, mais l'assistance promise aux affligés vous doit grandement fortifier.

  A017002622 

 Je suis tout vostre, certes, ma tres chere Fille, et je ne cesse point de prier Dieu qu'il vous face sainte, forte, constante et parfaite en son service.

  A017002629 

 Et que vous diray-je donq, ma tres chere Fille? Je vous recommande la confiance en Dieu, la parfaite simplicité, la sincere dilection..

  A017002630 

 Vous aves la ces pauvres cheres Seurs, lesquelles sont sous vostre credit, et dependent de vostre assistance au progres du service pour lequel elles sont allees: unissés vos cœurs et foibles forces, car par l'union vous prendres des forces invincibles..

  A017002631 

 Estouffés les en leur naissance; tenes vostre charité bandee et tenes pour suspect tout ce qui sera contraire a l'union, au mutuel support, a la reciproque estime que vous deves avoir les unes envers les autres.

  A017002631 

 Gardes vous de la prudence humaine, que Nostre Seigneur estime folie, et travaillés en paix, en douceur, en confiance, en simplicité..

  A017002631 

 Nostre Mere vous dira peut estre, si elle en a le lovsir, la crainte que j'ay que les renardeaux n'entrent dans cette petite nouvelle vigne pour la demolir; je veux dire les aversions et repugnances, qui sont les tentations des Saintz.

  A017002632 

 Si tost que vous aures fait ce que vous aves a faire, vous feres bien d'achever vostre affaire particuliere.

  A017002643 

 Pour moy, je treuve bon que vous voyies une fin de cette poursuite, et il ne tiendra pas aux prieres que j'en feray au P. Provincial et au P. Gardien..

  A017002669 

 Ce jeune homme de cette ville allant a Tolose pour y estudier en droit, je ne puis que je ne vous salue tres [283] humblement par la commodité quil me donne de vous faire presenter ces quatre lignes, auxquelles je joins une lettre de nostre grand amy, que j'aurois bien apprehension d'envoyer avec les marques d'avoir esté declose (comme en effect elle me fut rendue telle), si je n'estois asseuré de la confiance que vous aves en ma fidelité.

  A017002671 

 Dieu, par sa bonté, nous veuille donner sa tressainte paix, et vous conserver a longues annees, Monseigneur, a qui je suis,.

  A017002685 

 Au retour, je tireray quelque resolution du tems auquel on pourra terminer l'affaire que vous aves avec M. de Monregard.

  A017002685 

 Cependant, ces bons Peres vous consoleront, et j'escris [285] a M. Rivolat quil s'exerce a faire la Doctrine chrestienne; cela le disposera a pouvoir obtenir quelque benefice et a le servir..

  A017002686 

 Je vous salue de tout mon cœur, lequel, comme vous sçaves, souhaite mille et mille benedictions au vostre, auquel je diray a nostre premiere veue deux nouvelles pour Rumilly qui luy seront des plus aggreables.

  A017002698 

 Et puis que le P. Recteur propose un expedient, il le faut prendre tel quil le dit, hormis qu'apres avoir envoyé a vostre choix ce qui sera plus propre pour cette Mayson-la et pour Rion, vouloir encor faire faire des absences a nostre Mere, c'est dire quil faut demanteler cette Mayson et la laisser a la merci des vens; car, comme vous sçaves, il y a peu de Meres et beaucoup de filles, [287] dont les unes sont des-ja venues, les autres viendront au premier jour, et il faut une Mere icy qui suffise a tout; laissant a part les grandes bonnes affaires qui sont par deça pour cette Congregation, ausquelles nostre seule Mere peut respondre..

  A017002699 

 Ce pendant donq, supportes, ma tres chere Fille, le fardeau que vostre bonne volonté au service de Dieu vous a fait desirer et prendre sur vos espaules, lesquelles seront asses fortes pour cela si vous vous appuyes un peu sur la Croix de Nostre Seigneur, en laquelle il a porté sur les siennes le faix de tant d'iniquités et miseres.

  A017002699 

 Si vous juges avec le P. Recteur quil soit expedient que vous venies vous mesme, nous vous verrons, et parlerons plus clairement des raysons que nous avons de ne vouloir pas meshuy multiplier les familles de cette Congregation, jusques a ce que nous ayons des meres de famille convenables.

  A017002718 

 Dieu vous face sainte, ma tres chere Fille, et toute vostre chere troupe.

  A017002718 

 Dieu vous face tout faire pour sa gloire, affin qu'un jour vous en soyes couronnee..

  A017002719 

 Ma tres chere Fille, vous estes la fille de mon cœur, et je ne laisseray jamais de souhaiter que vous soyes la fille du cœur de Dieu, qui nous a donné des cœurs affin que nous fussions ses enfans, en l'aymant, benissant et servant es siecles des siecles..

  A017002730 

 Et pourres, sur cette lettre que je vous fay, en parler audit Conseil de la part de Son Altesse, puisqu'elle m'a commandé d'y tenir main, et que je le prie tenir..., suppliant Monseigneur lArchevesque de le faire, comme je fay par la lettre ci jointe, en vous tesmoignant que je desire que vous y ayes l'œil entant quil vous compete, vous parlant de la part de Son Altesse, et au Conseil par vostre entremise, et n'adjoustant plus rien, sinon que je suis,.

  A017002730 

 Je le dis au P. D. Fulgence avant son depart; mais sachant quil y a une place vacante maintenant, je vous prie de la [290] retenir vacante, c'est a dire, de faire que le Conseil, auquel il appartient de prouvoir, sursoye.

  A017002765 

 C'est pourquoi, vous n'aviez nul besoin d'user d'excuses avec moi pour votre départ inopiné..

  A017002766 

 Veuillez donc vous prévaloir, pour les confessions et absolutions de ces âmes, de l'autorité que Dieu m'a donnée, et que très volontiers [292] je vous communique et dépars dans la mesure où votre prudence le jugera nécessaire à la gloire de Dieu et au salut du prochain, afin qu'avec plus d'ardeur vous employiez le talent sacré que le Seigneur vous a confié..

  A017002767 

 Sur ce, vous souhaitant tout vrai bonheur, je demeure.

  A017002784 

 Je vous supplie de me faire la charité que je puisse avoir la lettre que Son Altesse a accordee au Vice Legat d'Avignon, en recommandation de l'affaire que la Sainte Mayson de Thonon, mon Chapitre et moy y avons, sur le sujet des places du college d'Annessi, ou de Savoye, fondé audit Avignon, qui appartient a la nation de Savoye, affin que nous soyons remis en possession de les avoir.

  A017002785 

 Je vous envoyeray le Memorial, et M. Boschiz me fit la faveur de me promettre l'expedition de ladite lettre, laquelle nous desirons avoir, affin de faire partir au plus tost le personnage que nous envoyons pour faire la sollicitation..

  A017002786 

 Ce pendant, je vous conjure de m'aymer tous-jours, de me tenir en la bonne grace dudit seigneur Boschiz, que je salue humblement, et de me croire,.

  A017002843 

 Vous sçaures par ce porteur que toute l'affaire icy avance; il nous faut changer de methode et recourir a Romme, ou il va luy mesme en qualité de deputé du college.

  A017002844 

 Mays je vous supplie de continuer envers moy vostre bienveuillance, qui suis.

  A017002844 

 Reste que monsieur Boschiz nous gratifie aussi de son assistance, laquelle je requiers par vostre entremise, le saluant humblement de tout mon cœur; car, quant a vous, Monsieur, je ne veux pas, en cett' occasion, employer mes prieres pour impetrer vostre courtoysie, sçachant que l'amour du bien de la patrie vous donnera asses d'affection.

  A017002872 

 Je me suis advisé des hier qu'il sera bon que, venant a Sainte Claire, devant et apres vous venies vous chauffer avec nous, et disner, et tout; car cela nous fera grand bien a tous, et de mesme quand vous viendres voir la mayson.

  A017002872 

 Mais je vous advertiray du jour quant a ce second point, et vous m'advertires quant au premier..

  A017002881 

 Je vous remercie tres humblement de la peine que vous aves prise de m'escrire pour un si bon sujet.

  A017002882 

 J'espere d'aller bien tost faire la reverence a Son Altesse, car voyci le tems de l'Advent qui m'appelle a Grenoble, ou je ne dois m'acheminer qu'apres avoir demandé les commandemens d'icelle; et j'auray alhors le contentement de vous voir et d'apprendre plus particulierement les circonstances de ce traitté, la nouvelle duquel me fait escrire un mot a monsieur de Monthouz, affin quil face expedier l'affaire des Dames de la Visitation tandis que le beau tems dure et qu'on peut prendre la mesure des bastimens..

  A017002883 

 Dieu vous benisse, Monsieur, et je suis de tout mon cœur et sans fin,.

  A017002887 

 Si monsieur le collateral de Quoex est encor la, je vous supplie quil sache par vostre courtoysie que je le salue humblement et tres affectionnement..

  A017002900 

 Encor ne vous escris je pas a loysir, ma tres chere Fille, bien que je responde tard a vostre lettre.

  A017002900 

 Il faut que vous soyes ce que vous estes: mere de famille, puisque vous aves un mary et des enfans, et il le faut estre de bon cœur et avec l'amour de Dieu, ains pour l'amour de Dieu, ainsy que je le dis asses clairement a Philothee, sans s'inquieter ni empresser que le moins qu'il sera possible..

  A017002900 

 Or sus, vous voyla donq dans le mesnage, et il n'y a remede.

  A017002901 

 Ce que vous verres pouvoir estre fait avec amour, il le faut procurer; ce qui ne se peut faire que par desbat doit estre laissé, quand on a affaire avec des personnes de si grand respect..

  A017002901 

 Pour moy, je vous conseille de faire le plus doucement et sagement que vous pourres ce qui vous est recommandé, sans [305] jamais rompre la paix avec le pere et cette mere; car il vaut mieux que les affaires n'aillent pas si bien, et que ceux a qui l'on a tant de devoir soyent contens.

  A017002903 

 Voyla, ma tres chere Fille, ce que je vous puis dire pour le present, adjoustant seulement que je vous conjure de croire fermement que je vous cheris d'une dilection parfaite et vrayement paternelle, puisqu'il a pleu a Dieu de vous donner envers moy une confiance si entiere et filiale; mais continues donq bien, ma tres chere Fille, a m'aymer cordialement..

  A017002904 

 Faites bien ce que vous pourres, et le reste laisses le a Dieu, qui le fera ou tost ou tard selon la disposition de sa providence..

  A017002916 

 Cette digne porteuse vous dira comme je vous escris a l'improuveüe, ma tres chere Fille, et si soudainement que je ne sçai que dire, sinon que vous seres la tres bien venue, que c'est un grand bien a nostre Charles d'avoir un bon maistre, que je suis plus vostre que mien et ne cesse jamais de vous souhaiter mille et mille faveurs du [307] Ciel, sur tout le saint, puissant, doux et tranquille amour de nostre Dieu..

  A017002917 

 La derniere fois qu'elle me parla, vous voulant nommer et vostre nom ne luy venant pas en bouche: « La chere seur, » dit elle, « qui vous ayme si parfaitement.

  A017002917 

 Nostre madame de Chantal vous desire.

  A017002917 

 » Je vous demande qui eüt entendu ce langage sinon moy, qui vous nommay d'abord.

  A017002948 

 C'est pourquoy, ce bon Pere confesseur des Dames de Sainte Claire va pour voir s'il pourra tirer l'asseurance de ladite somme; en quoy je vous supplie tres humblement de l'assister, comme aussi de luy faire delivrer le mandat des trente vaisseaux que saditte Altesse a ouctroyé pour le couvent de Saint François..

  A017002949 

 Je sçai que vostre pieté vous portera asses a tous ces bons offices, sans que j'y employe mon intercession; mais puisque elle m'est demandee, je ne la puis refuser, mesme sachant que vous me faites lhonneur de m'aymer, [310] lequel je vous conjure de me continuer, ainsy que je veux estre a jamais, Monsieur,.

  A017002983 

 Vous sçaures tous-jours de nos nouvelles et par mes lettres et par celles de nostre Mere..

  A017002985 

 Dieu vous veuille a jamais benir, ma tres chere Fille, des benedictions de son tressaint amour.

  A017003002 

 Et par ce que vostre zele vous donnera asses de mouvement a ce bon œuvre, sans que j'y employe davantage de prieres, je ne m'estendray pas plus avant, ains vous asseurant de mon humble affection a vous honnorer, et [313] vous desirant mille et mille benedictions, je demeureray,.

  A017003021 

 Celuy cy que je vous [314] renvoye, tesmoigne combien vous estes riche d'inventions et d'affections pour bien cultiver la pieté.

  A017003021 

 Seulement y voy-je une tare: que vostre desir d'animer un chacun au saint amour, vous a rendu trop favorable a la bonne volonté que j'ay eue d'y exciter les nations de la langue françoise, par le Traitté que j'ay nagueres mis en lumiere, lequel je suis pourtant bien ayse qu'il vous aggree, estimant que vostre jugement luy pourra donner acces et rendre ses documens plus utiles a plusieurs ames..

  A017003021 

 Vous me favorises trop de me communiquer si liberalement vos beaux ouvrages.

  A017003032 

 Voyla les lettres; mais j'ay oublié de vous dire, ma tres chere Mere, que quand monsieur le President vous parlera des maysons et que vous viendres a traitter de l'estimation des maysons, il seroit bon d'obtenir de luy qu'assemblant les expertz, il leur face prester serment, et leur fasse prendre les resolutions, parties absentes..

  A017003033 

 Bon soir, ma tres chere Mere, Dieu vous benisse.

  A017003033 

 Si je puis, demain je vous iray dire une Messe..

  A017003042 

 Dans quelque tems il vous escrira, sil y a chose qui vous puisse consoler, car je vous asseure, ma tres chere Mere, que ce pauvre Pere la vous porte dans son cœur comme son esprit propre..

  A017003043 

 Voyla des lettres pour vous.

  A017003056 

 C'est tous-jours quand je puis, ma tres chere Mere, que je vous escris, et voyci la quatriesme, aussi courte que les autres, comm'estant escritte entre deux sermons: l'un que je viens de faire en l'eglise cathedrale, delaquelle Nostre [Dame] est le Patron, et l'autre que je vay faire dans trois heures, en un'eglise, hors ville, ou le tiltre est avec Indulgence pleniere.

  A017003057 

 Je salue vos hostesses du tems de vostre lettre, si vous [318] les revoyes, madame de Monthouz et les autres.

  A017003058 

 Dieu soit a jamais nostre amour, ma tres chere Mere, et vous comble de sa tressainte consolation.

  A017003058 

 Je suis en luy vostre, tout entierement et absolument, et, puis quil luy a pleu, comme vostre ame, vous mesme..

  A017003076 

 Je n'ay garde que je n'employe cette si bonne commodité de vous bayser les mains, quand ce ne seroit que [319] pour vous remercier tres humblement de l'honneur que je receus de monsieur de Montmorency en son passage par cette ville, puisquil me declara que vous luy avies donné l'affection de me le faire, par l'honnorable mention que vous luy avies quelquefois fait de moy.

  A017003076 

 Mais je croy que M. le President [du Faure] [320] luy aura fait sçavoir ma diligence, et neanmoins je vous supplie, Monseigneur, de luy faire sçavoir le desplaysir que j'ay pour ce sujet, et que j'ay bien conscience du respect que je doy a sa grandeur et a ses merites, et de l'extreme obligation que j'ay a son excessive bonté.

  A017003076 

 Vous aves de l'interest en ce point, Monseigneur, puisque c'est sur l'estime que vous luy avies donnee de moy, quil m'a favorisé.

  A017003076 

 » Vous luy en avies trop dit et il en a trop fait, et moy je suis demeuré court et n'en ay pas asses fait, faute certes d'avoir bien peu le faire..

  A017003077 

 Vous sçaures toutes nos nouvelles et que M. le Mareschal part demain et que la paix est desesperee en Piemont.

  A017003089 

 Ayés seulement celuy de luy plaire, par cette entiere dependance et confiance en son amour, et par la suave vigilance que vous deves avoir d'avancer ses cheres espouses a la pureté de son divin service, par une exacte observance, vous rendant extremement attentive a la douceur et support, sans crainte d'exceder en ces saintes vertus.

  A017003089 

 Que peut on dire a l'ame que Dieu a tiree il y a si long tems et attire continuellement a se reposer dans le sein de sa providence, sinon: Demeurés la, ma Fille, et vous tenes a recoy au plus secret lieu de ce saint tabernacle, vous laissant absolument manier au gré de Celuy qui daigne prendre soin de vous.

  A017003089 

 Soyes genereuse, allegre et suave en cet exercice, et vous y treuveres abondamment les graces de nostre bon Dieu, ainsy que je l'en prie de toute mon ame qui cherit la vostre tres parfaitement..

  A017003091 

 Soyes tous-jours joyeuse de cette joye paisible et devote qui a pour fondement l'amour de sa propre abjection, et nourrisses une douce et paisible humilité de cœur, qui vous face aggreer toutes sortes de souffrances et d'abjections, comme n'estant digne d'autre chose..

  A017003110 

 Graces soyent a Dieu, ma tres chere Mere! sinon des que je commence a vous escrire ce billet, je n'ay rien fait de toute la journee selon mon inclination.

  A017003123 

 Et pour cela, ilz se sont addressés a moy, affin que, tant au nom dudit Chapitre qu'au mien, je vous priasse de la remettre a ce digne ecclesiastique, qui estant de bonne vie, docteur es droitz et en theologie, sera grandement utile a cett'Eglise..

  A017003123 

 Sur quoy, quelques-uns se sont advisés que vous avies une place, laquelle vous estes resolu de ne vouloir point remplir de vostre personne, ainsy que vous l'aves declaré, et que le tems escoulé des l'impetration d'icelle fait asses connoistre.

  A017003124 

 Je sçai que vous avies eü intention d'en gratifier le frere de monsieur Greffiez, auquel je ne voudrois en rien præjudicier, ains l'ayder et servir de mon pouvoir.

  A017003124 

 Mays n'y ayant nulle apparence de faire reuscir sa praetention de ce costé la, je ne pense pas que cela vous doive plus arrester de nous donner, au lieu de vous que nous desirions (sic) plus que tous, quelqu'un qui, en quelque sorte, vous puisse dignement representer: dequoy donq je vous prie avec tout ce venerable Chapitre, ne doutant point que, selon vostre prudence, zele et pieté, vous ne vous disposies a suivre nos desirs..

  A017003124 

 Or, je croy que vous ne douteres pas que sil vous [326] playsoit de la garder et nous faire jouir du fruit de vostre residence, nous ne le souhaitassions plus que toute autre chose; mays puisque elle vous est tout a fait inutile, et a l'Eglise, presupposé la resolution que vous aves faite, je pense que vous treuveres bon nostre desir et le seconderes, comme juste quil est, selon Dieu et les loix.

  A017003125 

 Atant, je me recommande a vos prieres, vous asseurant que de tout mon cœur je seray tous-jours,.

  A017003129 

 Monsieur, en cas que vous facies ce que nous demandons, il ne sera besoin sinon de faire la resignation en mes mains, c'est a dire une procure ad resignandum pure et simpliciter entre mes mains, ou de mon Vicaire [327] general; car par apres, le moys qui vient, auquel je suis en mon alternative je prouvoirois celuy dont il est question, qui s'appelle monsieur Questan, bourgeois de cette ville..

  A017003145 

 En voyci un'autre: M. de la Roche desireroit mettre sa seconde fille en la Congregation et constituer sa dote des a present, avec celle de ma Seur Claude Agnes, sur les biens quil vous vend a la charge qu'en cas qu'elle ne perseverast, on rendroit tant.

  A017003145 

 Je n'ay sceu prendre le contentement que je desirois de vous voir moy mesme, occupé par les visites.

  A017003145 

 Vous y penseres un peu, et nous en parlerons passé demain; et ce soir, si je puis en passant, je vous salueray, puisque demain je vay a Sainte Catherine..

  A017003146 

 Dieu vous benisse, et tout ce que vous estes icy et la..

  A017003156 

 Et maintenant, deceu en mon attente, je ne puis me contenir que je ne me pleigne de mon malheur et que, pour me soulager au mieux que je puis, je ne vous supplie tres humblement, Monseigneur, que si les occurrences m'esloignent de vostre œïl, il vous playse me tenir præsent en vostre grace, que j'estime l'un des meilleurs et plus desirables honneurs que je puisse posseder en ce monde..

  A017003157 

 Mays en particulier, Monseigneur, je vous en fay tres humble remerciment au nom de tous ceux qui, estans vos tres humbles et tres obeissans sujetz et serviteurs, sont mes diocæsains, ausquelz je ne manqueray pas de representer la singuliere redevance qu'ilz en auront a vostre pieté; non plus que ces bons Peres ne manqueront pas de rendre memorable a toute leur illustre et devote Congregation la grandeur des bienfaitz dont vous les aves favorisés, Monseigneur, qui n'aves pas seulement voulu les recevoir en vostre ville, qui est leur premier logement deça les mons, mais de plus, leur aures basti le lieu sacré qui sera le plus grand moyen de bien rendre le service auquel leur vie est destinee..

  A017003157 

 Tout ce pais, Monseigneur, et les circonvoysins vous en auront un'obligation immortelle; et par ce moyen, Vostre Grandeur adorera et priera Dieu continuellement a jamais, en la personne de ces bons et devotz Religieux et de tous ceux qui, par leur zele, s'assembleront en ce saint lieu pour y sanctifier le nom divin.

  A017003209 

 Je vous voy, certes, asses occupee parmi tant d'occurrences; Dieu soit a jamais vostre force..

  A017003210 

 M. l'Aumosnier m'escrit que Monseigneur l'Archevesque le vous oste; je croy que ce ne sera pas sans vous bien pourvoir.

  A017003231 

 Vous m'aves fait playsir en me faysant sçavoir que c'est aujourd'huy le jour de vostre naissance, car je n'y pensois pas.

  A017003240 

 Vous aves rayson, ma tres chere Seur, d'avoir une parfaitte confiance en moy, qui aussi, de mon costé, vous honnore et cheris de tout mon cœur avec toute vostre benite compaignie; mays j'ay bien tort, certes, [337] d'avoir tant tardé a vous respondre sur la demande que vous me faysies.

  A017003240 

 Vous estes bonne, et vous m'excuseres bien, je m'en asseure, puisque ma faute ne procede pas de mon affection, [mais] de ma memoire, laquelle s'estant reservé ce devoir pour m'en faire souvenir a mon retour en cette ville, s'en oublia par la multitude du tracas qui m'accabla a mon arrivee..

  A017003241 

 Le bon Dieu, auquel vous serves, disposera par sa providence de tout ce qui sera requis pour vous loger un peu mieux en terre et tres heureusement au Ciel..

  A017003241 

 Si, en la place du chasteau, il y a de l'eau et dequoy vous bien accommoder, je pense qu'il ne seroit pas difficile d'obtenir de Son Altesse ce que vous aves projetté; et pour moy, je vous serviray tres affectueusement en cela, comme en toutes autres occasions, esperant que si nous avons la paix, vous seres grandement soulagees du Prince, qui me le dit, estant icy.

  A017003242 

 Si j'eusse sceu ce qui arriva despuis, j'eusse fait du Jubilé selon vos souhaitz; toutefois, Dieu n'a pas laissé de vous bien consoler par autre voye.

  A017003256 

 Mon Dieu, ma Fille, que je vous souhaitte sainte, et que vous soyes toute odorante des senteurs de ce cher Sauveur! C'est pour vous remercier de vostre bouquet, et vous asseurer que les petites choses me sont grandes quand elles sortent de vostre cœur, auquel le mien est tout dedié, je vous en asseure, ma tres chere Fille..

  A017003257 

 Le Pater que vous dites pour le mal de teste n'est pas defendu; mays mon Dieu, ma Fille, non, je n'aurois pas le courage de prier Nostre Seigneur, par le mal qu'il a en la teste, de n'avoir point de douleurs en la mienne.

  A017003259 

 Chemines tous-jours en cette confiance; et, en observant une amoureuse fidelité et loyauté envers ce cher Sauveur, ne vous mettes point en crainte de ne pas asses bien faire: non, ma Fille; mays advoüant vostre bassesse et abjection, rejettes vostre soin spirituel en la bonté divine qui aggree nos petitz et chetifz effortz, pourveu qu'ilz soyent faitz avec humilité, confiance et fidelité amoureuse.

  A017003259 

 J'ay suivy vostre desir, mais vous verres que ce papier du livre a beu tout ce que j'y ay escrit; et je croy, certes, que vostre cœur en fera de mesme, car c'est le vin delicieux de l'ame, qui l'enivre et ravit saintement, que ce divin et celeste amour.

  A017003260 

 Cette chair est admirable a ne vouloir rien de piquant; mais la repugnance que vous aves ne tesmoigne pourtant point aucun manquement d'amour; car, comme je pense, si nous » croyions qu'estant escorchés il nous aymeroit plus, nous nous escorcherions, non pas sans repugnance, mays malgré la repugnance.

  A017003261 

 C'est une bonne fille, et bien resignee, et vous cherit grandement.

  A017003271 

 Je vous envoye une lettre d'advis sur un fait [342] auquel je desire que vous metties ordre, puisque c'est de vostre charge, et m'asseurant qu'aussi feres-vous et que vous me feres part a vos prieres, je demeureray,.

  A017003288 

 Que vous puis-je dire davantage, ma tres chere Mere, sinon que vous demeuries toute joyeuse en ce celeste exercice auquel Dieu nous a si souvent et puissamment invités..

  A017003289 

 Vous aures la bonne M me du Chatelard, que je cheris fort dequoy elle a si bien conservé son affection; ell'aura sans doute besoin de soin et de support.

  A017003291 

 Vous sçaves aussi de quelle affection je salue ma fille de la Flechere.

  A017003292 

 Je suis, vous le sçaves vous mesme certes, tout vostre..

  A017003304 

 En ce peu de paroles que je puis vistement vous escrire, je voudrois bien vous faire entendre beaucoup de bonnes pensees que j'ay sur vostre sujet.

  A017003304 

 Je voy les petitz ennuys que l'ennemi de ce bon œuvre a suscités; et que vous puis-je dire, sinon qu'avec le zele, la patience, douceur, support vous est necessaire, et que, comme j'ay souvent dit, il est requis a qui entreprend quelqu'action [345] relevee pour le Sauveur, d'avoir provision de toutes sortes de vertus selon les occasions qui s'en presentent..

  A017003304 

 Je voy que Dieu se sert de vostre courage pour l'establissement de cette Mayson de Moulins; faites cela fidelement, avec le plus de repos d'esprit que vous pourres.

  A017003305 

 Mays j'impose silence a vostre esprit, ma tres chere Fille, et ne veux pas quil die, non pas mesme, s'il se peut, qu'il pense que ces advis luy soyent donnés avec aucun degoust, comme si je craignois que vous oubliassies ces choses.

  A017003305 

 Non, ma Fille, je dis ainsy ce que je croys estre a propos, sans autre prætention que de vous conforter au bien et vous tesmoigner que je suis tout vostre..

  A017003306 

 La dame de Paris dont vous aves escrit sera bien employee avec ses moyens a Moulins; quand Dieu voudra avoir une de ces Maysons a Paris, il fera naistre les commodités.

  A017003306 

 Pour le present, vous pouves juger sil est expedient de les multiplier, ayans si peu de filles pour exercer la superiorité.

  A017003307 

 Dieu vous veuille combler de son saint amour, ma tres chere Fille; je suis en [lui] parfaitement vostre..

  A017003322 

 Dieu vous console et benisse mille fois.

  A017003347 

 Et faut il ainsy au moins en courant vous escrire, ma tres chere Fille.

  A017003347 

 Il y a icy quatre ou cinq filles qui me parlent fort asseurement d'estre de la Visitation, et me semblent propres et dignes d'y estre receues; mais je [348] ne sçai presque comme vous les envoyer, tandis que l'on est la en doute si elles pourront estre establies.

  A017003348 

 Ce pendant, ma tres chere Fille, tenes bien vostre cœur debout et courageux, et Dieu vous comblera de benedictions, et vous consolera du bonheur qu'il donne aux ames desquelles il veut se servir pour l'avancement des autres..

  A017003358 

 Je m'estonne que vous n'ayes receu que le billet que j'escrivis par M. Charbonnet, car je vous ay certes escrit a toutes occasions, mon tres cher Frere, et fait response a tout ce que vous m'aves proposé..

  A017003359 

 De la cure de Sernex, je vous laissoys faire comme vous jugeries plus a propos.

  A017003362 

 Voyla tout; et estant pressé, dautant que je n'ay que ce loysir d'entre le chapelet et l'Office, je vous salue mille et mille fois, mon tres cher Frere, et prie Dieu quil vous comble de bonheur, avec tous nos freres et confreres, demeurant tout vostre sans fin..

  A017003428 

 Ce ne sera qu'un billet, ma tres chere Mere, que vous recevres aujourd'huy de moy; Dieu me partage a mille choses et ne laisse pas de me tenir dans la sainte unité que sa main a faite en nous..

  A017003429 

 Monseigneur l'Evesque et MM. du Parlement n'y tesmoignent aucune repugnance, ni moy aucun empressement, quoy que, a vous dire le vray, je desire cette Mayson, parce que j'espere que Dieu en sera glorifié.

  A017003440 

 Croyes, je vous supplie, que jamais vostre tres chere ame ne sera plus aymee qu'elle l'est de la mienne..

  A017003440 

 Je suis sur mon despart, ma tres chere Fille, et pressé pour cela; vous mettres, s'il vous plaist, en consideration ces quatre lignes comme s'il y en avoit beaucoup.

  A017003441 

 Mais, que me dit on? On me dit qu'estant grosse vous jeusnes, et frustres vostre fruit de l'aliment qui est requis a sa mere pour luy donner celuy qui luy est deu.

  A017003441 

 Ne le faites plus, je vous supplie, et vous humiliant sous l'advis des docteurs, nourrisses sans scrupule vostre cors en consideration de celuy que vous portes.

  A017003441 

 Vous ne manqueres pas de mortification pour le cœur, qui est le seul holocauste que Dieu desire de vous..

  A017003442 

 Et vous estes unie avec elles, puisque vous aves les mesmes desirs..

  A017003453 

 Je vous diray, sur la difficulté qu'a cette bonne fille, qu'elle se trompe grandement si elle croit que l'orayson la perfectionne sans l'obeissance, laquelle est la chere vertu de l'Espoux, en laquelle, par laquelle et pour laquelle il a voulu mourir.

  A017003455 

 Si donq cette fille (que j'ayme neanmoins bien fort pour le bien que vous m'en dites) se veut perfectionner a sa guise, il la faut remettre a elle mesme; mais je ne croy pas, si elle est bien devote et qu'elle ayt le vray esprit d'orayson, qu'elle ne se sousmette a la pure obeissance..

  A017003456 

 Cherches seulement le regne de Dieu, et toutes choses vous seront donnees.

  A017003456 

 Ne soyes point soigneux du lendemain, et ne dites point: Que mangerons nous, ni dequoy nous vestirons nous, ni dequoy vivrons nous? Vostre Pere celeste sçait que vous aves besoin de tout cela.

  A017003457 

 Vivés doucement et saintement entre les peynes que vous aves sous vostre charge, ma tres chere Fille toute bienaymee, et je prie Dieu qu'il soit la vie de vostre ame.

  A017003466 

 Passant par cette ville avec beaucoup de presse, j'ay receu vostre lettre et les memoires de vos prætentions; dont je suis bien ayse, puisque monsieur le Marquis d'Aix m'a escrit que je luy fisse sçavoir ce que vous prœtendies, et que, revenant en ce païs, il seroit tous-jours bien content de voir tous les differens quil pourroit avoir avec vous, avec le plus de douceur et d'amitié que vous pourries desirer.

  A017003467 

 Je luy feray donq part du memoire qui m'est laissé et, sur ses responses, je vous tiendray avertie, desireux que je seray toute ma vie de vous tesmoigner par effet que je suis,.

  A017003485 

 Vous aures, je m'asseure, receu ce que vous desiries de monsieur le premier Præsident de Savoye, car il [362] le despescha soudain; et maintenant, ma tres chere Fille, vous recevrés, sil vous plait, en ce billet, un' asseurance nouvelle que je ne cesseray jamais de vous souhaiter mille et mille benedictions..

  A017003486 

 Tenes bon, ma chere Fille, et soyes immobile es resolutions que vous aves prises pour le salut de vostre ame, affin que vous puissies rendre bon compte de vous mesme a Nostre Seigneur au jour de vostre trespas, lequel, a mesure quil s'approche, nous invite a nous præparer soigneusement..

  A017003487 

 Soyes bien douce et gracieuse parmi les affaires que vous avés, car tout le monde attend ce bon exemple de vous.

  A017003538 

 Je [le] desrobe encor parmi mille sortes d'affaires, [366] pour vous escrire un peu amplement sur le sujet duquel vous me parles pour vostre chere ame, a laquelle je vous conjure de dire cordialement ce que mon cœur desire estre dit au sien..

  A017003539 

 O que vous estes heureuse, ma chere Fille, de vous estre desprise du monde et de ses vanités aussi! Certes, a ce que j'ay peu reconnoistre en ce peu de tems que je vous ay consideree, vostre ame estoit faite tres particulierement pour le divin amour et non pour le terrestre..

  A017003540 

 [1.] Immolés donq souvent toutes vos affections a Dieu par le renouvellement de la resolution que vous aves faite, de ne vouloir pas employer un seul moment de vostre vie que pour le service de la sacree dilection de l'Espoux celeste..

  A017003541 

 Faites soigneusement l'exercice du matin qui est marqué au livre de l' Introduction; et bien que la vistesse de vostre esprit comprenne en un seul regard tous les pointz de cet exercice, ne laissés pas de vous y entretenir autant de tems comme il en faut pour dire deux fois le Pater, et apres cela, prononcés de bouche [367] cinq ou six paroles d'adoration, et ensuite vous dirés le Pater avec le Credo..

  A017003542 

 Mays si, estant en l'orayson, vostre cœur se sent attaché a la simple presence du Bienaymé, vous ne passeres point plus outre, ains vous vous arresteres a cette presence; que si, au contraire, vous ne vous sentes pas attachee a cette presence, bien que toutefois vous y soyes, vous mediteres doucement le point que vous aures disposé..

  A017003542 

 Vous prepareres apres vostre orayson: un mistere de la Vie ou Passion de Nostre Seigneur, que vous vous proposeres de mediter, si tel est le bon playsir de Dieu.

  A017003543 

 Or, vous feres tous les jours l'orayson, sinon que quelque violente occupation vous en empesche; puisque, comme vous m'aves dit, lhors que vous continues en ce saint exercice, vous ressentes un grand avancement de recueillement, duquel vous estes privee quand vous l'abandonnes..

  A017003544 

 Mays affin d'accommoder cet exercice si utile a la vistesse et incomparable promptitude de vostre esprit, il suffira que vous y employes une petite demi heure chaque jour, ou un quart d'heure; car cela, avec les eslans d'esprit, retraittes du cœur en la presence de Dieu et oraysons jaculatoires qui se feront parmi les heures du jour, suffira tres abondamment pour tenir vostre cœur serré et joint a vostre divin Object; et mesme, cette orayson se pourra faire pendant la Messe pour gaigner tems..

  A017003545 

 Et c'est pour respondre a ce que vous me dites, qu'au commencement, le sentiment de la presence de Dieu se faysoit en la teste, qui parfois vous travailloit fort..

  A017003545 

 Or si, en faysant l'orayson, ou vous arrestant a la sainte presence, le sentiment se faysoit en la teste et qu'il en arrivast du travail et de la douleur en cette partie-la, il faudroit relascher l'exercice et n'appliquer pas l'entendement, ains, par des paroles interieures et affectionnees, appliquer le seul cœur et la volonté.

  A017003546 

 S'il vient des larmes, vous les respandres; mais si elles viennent souvent et avec trop de tendreté, vous releveres vostre esprit, si vous pouves, a gouster plus [368] paysiblement et tranquillement les misteres en la partie superieure de l'ame; non pas contraignant et serrant les souspirs ou sanglotz, ou les larmes, mays divertissant d'une heureuse diversion vostre cœur, en le relevant petit a petit a l'amour pur du Bienaymé par des doux eslans: O que vous estes aymable, mon Bienaymé! O que vous estes relevé en bonté et que mon cœur vous ayme! ou autrement, selon que Dieu vous tirera..

  A017003547 

 Et ne vous imagines pas que la douceur et tranquillité empesche la promptitude et l'œuvre, car au contraire, elle la fait plus heureusement reuscir..

  A017003547 

 Et parce que vous me dites que vous n'aves fait que fort peu d'orayson pendant que vous aves esté chez vous, vostre esprit estant si actif et mouvant qu'il ne se peut arrester, je vous dis qu'il faut pourtant l'arrester, et allentir petit a petit ses mouvemens, affin qu'il face ses œuvres doucement et tranquillement, selon les occurrences.

  A017003548 

 Et qu'en cela vous allies trompant vostre naturel et le reduisant petit a petit a la sainte mediocrité et moderation; car a celles qui ont le naturel mol et paresseux, nous dirions: Hastes vous, d'autant que le tems est cher; mays a vous, nous vous disons: Ne vous hastes pas tant, d'autant que la paix, la tranquillité, la douceur d'esprit est pretieuse, et que le tems s'employe plus utilement quand on l'employe paysiblement..

  A017003548 

 Par exemple: vous aves besoin de manger, selon la misere de cette vie; il faut que vous vous assoyes tout bellement, et que vous demeuries assise jusques a ce que vous ayes honnestement refectionné vostre cors.

  A017003548 

 Vous vous deves lever; faites le paysiblement, sans mouvement desreglé, sans crier et presser celles qui vous servent.

  A017003548 

 Vous vous voules coucher; despouilles vous tranquillement.

  A017003549 

 Je vous dis, mays, ma chere Fille, je vous le dis fermement, que vous servies fidelement la volonté de Dieu et sa providence sur le sujet de vostre ancienne tentation, acquiesçant en toute humilité et sincerité au bon playsir celeste, par lequel vous vous treuves en l'estat auquel vous estes.

  A017003550 

 Et la dessus, ma tres chere Fille, je vous conjure d'estre bien fidele a la prattique de cet acquiescement et dependance de l'estat auquel vous estes; et partant, ma chere Fille, il faut que vous nommies quelquefois, es occurrences, les personnes que vous sçaves, du nom auquel vous aves aversion; et quand vous parleres a la principale d'icelles, que quelquefois vous employies parmi vos remonstrances des paroles de respect.

  A017003550 

 Que ma chere fille donq, acquiesçant a la volonté divine, die souvent de tout son cœur: Ouy, Pere eternel, je veux estre ainsy, parce qu'ainsy il vous a esté aggreable que je fusse.

  A017003551 

 En somme, ma chere Fille, puisqu'autrefois vous aves nourri et favorisé de tout vostre cœur la tentation, maintenant, de tout vostre cœur, vous deves nourrir et favoriser cet acquiescement.

  A017003551 

 Que s'il vous arrivoit quelque [370] notable difficulté sur ce sujet par le defaut de cette personne, ne remues rien neanmoins qu'apres avoir regardé l'eternité, vous estre mise en l'indifference et avoir pris l'advis de quelque digne serviteur de Dieu, si la chose presse, ou mesme de moy, puisque je suis vostre Pere, si le tems le permet; car l'ennemi, nous voyant vainqueur de cette tentation par nostre acquiescement au bon playsir divin, remuera, je pense, toutes sortes d'inventions pour nous troubler..

  A017003561 

 A cette premiere commodité que j'ay de vous escrire, je tiens ma promesse, et vous presente quelques moyens [371] par lesquelz vous pourres addoucir la crainte de la mort, qui vous donne de si grans effroys en vos maladies et enfantemens: en quoy, bien qu'il n'y ayt aucun peché, si est ce qu'il y a du dommage pour vostre cœur, lequel, troublé de cette passion, ne peut pas si bien se joindre par amour avec son Dieu, comme il feroit s'il n'estoit pas si fort tourmenté..

  A017003562 

 Continués donq en la vie devote selon que vous aves commencé, et alles tous-jours de bien en mieux au chemin dans lequel vous estes; et vous verres que, dans quelque tems, ces terreurs s'affoibliront et ne vous inquieteront plus si fort.

  A017003562 

 Premierement donq, je vous asseure que si vous perseverés a l'exercice de devotion, comme je voy que vous faites, vous vous treuveres petit a petit grandement allegee de ce tourment; d'autant que vostre ame, se tenant ainsy exempte des mauvaises affections et s'unissant de plus en plus a Dieu, elle se treuvera moins attachee a cette vie mortelle et aux vaines complaysances que l'on y prend.

  A017003563 

 O que vous estes bon, Seigneur, a ceux qui ont le cœur droit!.

  A017003563 

 Secondement, exerces vous souvent es pensees de la grande douceur et misericorde avec laquelle Dieu nostre Sauveur reçoit les ames en leur trespas, quand elles se sont confiees en luy pendant leur vie et qu'elles se sont essayees de le servir et aymer, chacune en sa vocation.

  A017003564 

 Je suis chetifve, et vile, et abjecte; mays vous m'aymeres en ce jour, parce que j'ay esperé en vous et ay desiré d'estre vostre..

  A017003564 

 Tiercement, relevés souvent vostre cœur par une sainte confiance meslee d'une profonde humilité envers nostre Redempteur; comme disant: Je suis miserable, Seigneur, et vous recevres ma misere dans le sein de vostre misericorde, et vous me tireres de vostre main paternelle a la jouissance de vostre heritage.

  A017003565 

 Quatriesmement, excités en vous, le plus que vous pourres, l'amour du Paradis et de la vie celeste, et faites plusieurs considerations sur ce sujet, lesquelles vous treuveres suffisamment marquees au livre de l' Introduction a la Vie devote, en la Meditation de la gloire du Ciel, et au choix du Paradis; car, a mesure que vous estimeres et aymeres la felicité eternelle, vous aures moins d'apprehension de quitter la vie mortelle et perissable..

  A017003566 

 Cinquiesmement, ne lises point les livres ou les endroitz des livres esquelz il est parlé de la mort, du jugement et de l'enfer; car, graces a Dieu, vous aves bien resolu de vivre chrestiennement et n'aves point besoin d'y estre poussee par les motifs de la frayeur et de l'espouvantement..

  A017003567 

 Sixiesmement, faites souvent des actes d'amour envers Nostre Dame, les Saintz et Anges celestes; apprivoysés vous avec eux, leur addressant souvent des paroles de louange et de dilection; car ayant beaucoup d'acces avec les citoyens de la divine Hierusalem celeste, il vous faschera moins de quitter ceux de la terrestre ou basse cité du monde..

  A017003568 

 Septiesmement, adorés souvent, loués et benissés la tres sainte Mort de Nostre Seigneur crucifié, et mettés toute vostre confiance en son merite, par lequel vostre mort [373] sera rendue heureuse; et dites souvent: O divine mort de mon doux Jesus, vous benires la mienne, et elle sera benite; je vous benis, et vous me benires, o mort plus aymable que la vie! Ainsy saint Charles, en la maladie de laquelle il mourut, fit mettre a sa veuë l'image de la sepulture de Nostre Seigneur et celle de l'orayson qu'il fit au mont des Olives, pour se consoler en cet article, sur la Mort et Passion de son Redempteur..

  A017003569 

 Huitiesmement, faites quelquefois reflexion sur ce que vous estes fille de l'Eglise catholique, et vous res-jouisses de cela; car les enfans de cette Mere qui desirent de vivre selon ses loix, meurent tous-jours bienheureux, et, comme dit la bienheureuse Mere Therese, c'est une grande consolation a l'heure de la mort d'estre « fille de la sainte Eglise.

  A017003570 

 En vos oraysons jaculatoires parmi la journee, et en la reception du tressaint Sacrement, usés tous-jours de paroles d'amour et d'esperance envers Nostre Seigneur, comme: Vous estes mon Pere, o Seigneur! O Dieu, vous estes l'Espoux de mon ame; vous estes le Roy de mon amour et le Bienaymé de mon ame! O doux Jesus, vous estes mon cher Maistre, mon secours, mon refuge!.

  A017003570 

 Neufviesmement, finisses toutes vos oraysons en confiance, comme disant: Seigneur, vous estes mon esperance; en vous j'ay jetté ma fiance.

  A017003570 

 O Dieu, qui espera jamais en vous, lequel ayt esté confondu? J'espere en vous, o Seigneur, et je ne seray point confondu eternellement.

  A017003571 

 Ainsy du mary, ainsy du pere et des autres: en quoy vous aures d'autant plus de facilité, que tous vos plus chers servent Dieu et le craignent.

  A017003571 

 Dixiesmement, consideres souvent les personnes que vous aymes le plus et desquelles il vous fascheroit d'estre separee, comme des personnes avec lesquelles vous seres eternellement au Ciel: par exemple, vostre mary, vostre [374] petit Jean, monsieur vostre pere.

  A017003571 

 Et parce que vous estes un peu melancholique, voyes au livre de l' Introduction a la Vie devote ce que je dis de la tristesse et des remedes contre icelle..

  A017003572 

 Voyla, ma chere Dame, ce que pour le present je vous puis dire sur ce sujet, que je vous dis avec un cœur grandement affectionné au vostre, lequel je conjure de m'aymer et recommander souvent a la misericorde divine, comme reciproquement je ne cesseray jamais de la supplier qu'elle vous benisse..

  A017003583 

 Par ces quatre lignes je vous asseure, ma chere Fille, que je vous cheris tous-jours sans varier et vous souhaite toute benediction, et a monsieur le Maistre et a toute [376] vostre famille.

  A017003583 

 Tenes vostre cœur doux et bon envers le prochain, et ainsy Dieu vous benira de ses grandes benedictions, comme de tout mon cœur je l'en supplie, et suis sans fin,.

  A017003584 

 Vostre plus humble, tres affectionné, et a M. le Maistre que je salue icy avec vous de tout mon cœur..

  A017003587 

 Pour plusieurs bonnes raysons, je desire que vous ne venies point cett'annee, ou du moins pas si tost, puisqu'aussi bien, quant a Marie, elle ne peut en façon quelcomque estre receue avant l'aage.

  A017003602 

 Avec mille remercimens de la faveur de vos lettres, je vous donne le bonjour, et vous asseure que j'ay escrit pour la niece de monsieur Chanal, non seulement a nostre fille, dont il n'estoit pas besoin, mays aussi a Monseigneur l'Archevesque duquel tout depend..

  A017003604 

 Je prie Dieu quil vous conserve, avec madame ma chere seur, et suis sans fin, Monsieur mon Frere,.

  A017003622 

 C'est maintenant pour mon Eglise (et que puis-je dire de plus affectionné?) que j'implore vostre fraternelle faveur, et croy qu'elle me sera facilement accordee, sur tout quand vous aures ouy la remonstrance que ce porteur vous fera, par laquelle vous verres que le brevet dont il s'agit est non seulement fondé sur la pieté, mais encor, si je ne me trompe, sur la justice.

  A017003622 

 Je vous supplie donq tres humblement, Monsieur mon Frere, de nous estre ardemment propice..

  A017003623 

 Vous me demandies l'autre jour, par la derniere lettre que j'ay eu le bien de recevoir de vous, des nouvelles de [379] monsieur de Charmoysi, mon parent; en quoy vous tesmoignes vostre bon et beau naturel, et cet honneste chevalier vous en sera grandement obligé quand il le sçaura; ce qui sera dans peu de jours, que luy et sa femme viendront en cette ville, puisque Monseigneur le Prince de Piemont ayant reconneu en cette derniere occasion sa valeur et suffisance es choses de la guerre, l'a creé grand maistre de l'artillerie de cet Estat, et despuis a esté embrassé et caressé sans mesure par Monsieur le Duc de Nemours, qui l'invitâ de venir en cette ville et le traitta tres honnorablement.

  A017003659 

 Puisque le P. D. Fulgence se rend auprès de vous pour les affaires que je recommandai à Votre Paternité Révérendissime par la mienne dernière, il n'est pas besoin que j'ajoute autre chose.

  A017003677 

 Bien que je n'aye pas le bonheur d'estre conneu de vous, si est ce que je ne laisse pas de reconnoistre en vous les qualités par lesquelles vous merites d'estre honnoree de tous ceux qui font profession de l'honneur; dequoy madame la Baronne de Giez, ma cousine, se rendra, je m'asseure bien, ma caution.

  A017003678 

 Le sujet de vostre lettre, qu'il vous a pleu de m'escrire, me tesmoigne asses que vous aves dedié vostre amour a Dieu; et que faut-il davantage pour m'obliger a vous dedier mon service? Je le fay donq certes de tout mon cœur, et a madame la signora Donna Genevra, benissant la bonté souveraine de Nostre Seigneur qui, par ses celestes attraitz, vous a donné de si desirables affections..

  A017003679 

 Mays si vous les desirés encores, je vous les envoyeray au premier advis que vous m'en feres donner, comm'encor les prattiques des Regles, qui est une besoigne a part; bien qu'apres tout cela, il faut que vous sachies que les Regles sont a Rome, ou l'on sollicite pour reduire cette Congregation en Religion.

  A017003680 

 Que si vous me faites la faveur de demander a sa divine Majesté une pareille grace pour [384] moy, ce sera m'obliger de plus en plus a vouloir estre pour jamais, Madame,.

  A017003686 

 Madame de Bressieu, qui est la, m'a fait grandement presser d'envoyer ces Regles; c'est pourquoy je n'ay pas pris le loysir de les faire mieux escrire, dont je vous supplie de m'excuser..

  A017003700 

 Or, puisque vous lises nos livres, je n'adjousteray rien, sinon que vous aillies simplement, rondement, franchement, et avec la naifveté des enfans, tantost entre les bras du Pere celeste, tantost tenue par sa main..

  A017003701 

 Mais au premier cas, je vous laisseray mesnager l'affaire pour Lyon, non pas envers ma Seur Favre, qui sera tous-jours contente de ce que nous [388] ferons, estant si grandement nostre fille et seur comme ell'est; mais ailleurs, a Lion, ou vous sçaves.

  A017003701 

 Or, de ceci faites en la responce a M me de Boqueron, sil vous plait, en cas que je ne puisse pas luy escrire, car je suis fort pressé, certes, et par consequent ne sçaurois escrire a M me de Saint André pour ce coup.

  A017003701 

 Si vous luy faites voir la copie de ce que j'escrivoys a M me de Vicillieu, cela suffiroit pour un tems..

  A017003702 

 Je suis bien ayse que mes livres ont treuvé de l'acces en vostre esprit, qui estoit si brave que de croire quil se suffisoit a soymesme; mays ce sont les livres du Pere, et du cœur duquel vous estes la chere fille, puisque ainsy a-il pleu a Dieu, auquel soit a jamais honneur et gloire..

  A017003703 

 Je n'escris donq a personne qu'a vous, mais je desire bien pourtant que, par vostre entremise, je puisse saluer madame de Saint André et madame de Virieu, que vous cherisses si ardemment.

  A017003748 

 Il faut bien pourtant, ma tres chere Fille, vous respondre un mot.

  A017003749 

 Pour moy, vous le sçavés; mays il faut avoir un peu de patience.

  A017003749 

 Si vous le pouvés sçavoir, vous le me pourres escrire, et je le mesnageray..

  A017003749 

 Vous aves fort bien traitté avec madame la Comtesse pour le cousin et pour moy.

  A017003751 

 Le P. Commissaire vous dira que je n'ay eu nul loysir de luy parler, sinon presque de M. le Prieur, pour un affaire quil a avec les exacteurs de la decime.

  A017003755 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Fille.

  A017003768 

 Tenes bien, je vous supplie, vostre cœur haut eslevé comme cela, ma tres chere Fille; qu'il ayt tout a fait son soin attaché a la belle eternité qui vous attend.

  A017003769 

 Vivés comme cela parmi toute cette multitude de fascheuses occupations que vostre condition vous oblige de voir et d'avoir; et comme ceux qui s'acheminent a leurs patries n'esperent le repos qu'apres y estre arrivés, ainsy pretendés tous-jours a cette paix perdurable a laquelle vous alles et ardes, travailles et marches..

  A017003770 

 Je suis consolé dequoy petit a petit vous faites vostre chemin tres aysé.

  A017003792 

 Ce zèle qui reluit en vos écrits, lesquels nous sont d'un si grand secours contre les hérétiques, vous pressera [398] aussi, je n'en doute point, de nous favoriser en cette occasion, qui contribuera beaucoup à la destruction de l'hérésie de Calvin dans son siège même, la ville de Genève..

  A017003792 

 Je vous supplie donc très humblement d'employer votre charité et votre zèle auprès du Saint-Père et de nous aider en cette affaire.

  A017003800 

 Ma tres chere Mere, ... quel moyen de vous escrire...?.

  A017003802 

 J'ay receu vos [lettres]: et je dis quil sera bon... vous deves venir, qui... la mi octobre, et je tascheray [400] ... a l'avantage.

  A017003802 

 J'escris apres [souper, et ne puis] escrire a Monseigneur l'Archevesque, ni a vous, ma tres chere Mere, plus longuement..

  A017003802 

 Si vous... en litiere: c'est une... façon de faire chemin... celle [de] monsieur... et de sa... ... possible a... Recteur.

  A017003803 

 Je vous tiendray advertie du succes de la maladie de la pauvre Seur Jeanne Charlotte, bien digne de compassion.

  A017003803 

 Ne vous faschés point, car nous avons encor de l'esperance; et M. Grandis, avec lequel... m'a dit... occurren[ces] ... Seur M. ... Amen.

  A017003803 

 Vive Jesus... tout vostre, vous mesme.

  A017003834 

 Cependant, avec ce peu de motz, fideles interpretes de mon allegresse, je commence a vous rendre graces tres humbles du bonheur et des benedictions qu'attirera sur ce pais vostre arrivee, et vous supplie tres humblement d'honorer de vostre sejour cete maison, qui desireroit, an cete heureuse conjoncture, avoir encor les plus grands et plus illustres Prelatz qui l'ont autresfois regie, afin que plus dignement elle peust recevoir vous, Monseigneur, qui estes l'honneur et la coronne des Prelatz.

  A017003834 

 Elle retiendra, s'il vous plaist, ses anciens merites, bien que possedee par un successeur indigne qui vous en supplie, avec toutes les affections de son ame, et est,.

  A017003834 

 Je viens d'apprendre que nous aurons aujourd'huy l'honneur de vous veoir en cete ville, et ne fauldray point de monter an carosse pour vous aller rendre mes premiers devoirs si tost que nos Vespres seront dittes.

  A017003865 

 C'est pourquoy, cognoissant quil me seroit malaysé de faire mieulx, et gehenné d'autre part de tout plein de considerations qui me pressent de me resouldre, j'ay employé deux soirées, hier et avant hier, a brouillasser ce que je vous envoye presentement.

  A017003865 

 Je creins bien fort que vous ayes grand' peine a le lire, tant il est mal escript, et encor plus a l'entendre, tant il est mal digeré.

  A017003865 

 Puisque jamais plus il n'y doibt avoir entre nous de ceremonies, je vous direy tout naifvement que j'ay diferé si longtemps de vous escrire, pour ce que j'avois honte que vous vissies mes lettres sans veoir par mesme moyen l'advis que je vous avois promis sur les Regles de la Visitation.

  A017003866 

 Si vous trouves bon que madame de Chantal le voye, je m'an [405] remetz a vostre jugement; mais bien vous supplie je que personne autre ne le voye et quil vous plaise, dans quelques jours, me le renvoyer, pour ce que je fais dessein de m'an servir comme d'un Memoire qui, sur le sujet de cet Institut, me fournira diverses choses qui ont passé par mon esprit, mais ne s'arrestent point fidelement en ma memoire; et j'an ay besoing pourtant, tant que cet affaire soit terminé entierement..

  A017003866 

 Vous devineres un peu et les motz et le sens, mais aussy seres vous asseuré que cet escript n'ha point passé par les mains des copistes et que personne ne l'ha veu sinon celuy qui l'ha escript.

  A017003867 

 Il est necessaire quil vous plaise faire deux reflexions: l'une, aulx incommodités communes a vostre diocese et au mien; l'autre, a celles qui sont particulieres au mien.

  A017003867 

 J'ay touché les unes et les autres, mais a la haste, et pourtant confusement; qui m'oblige de vous supplier, comme je fais tres humblement, d'y prendre garde..

  A017003868 

 Enquoy, si vous approuves l'ouverture que je fais d'allunger le noviciat des veufves et de deffendre les sorties aulx professes, on peult reserver celles qui ont desja fait profession, lesquelles ayantz encor des affaires, pourront sortir, et le reglement aura lieu seulement pour celles qui entreront desormais; et cete reserve pourra estre expresse, ou mentale, comme vous le jugeres a propos.

  A017003869 

 Mais ce dont je vous supplie plus cordialement que de tout le reste, est quil vous plaise, apres avoir pezé meurement toutes choses, me mander ce que vous juges selon Dieu que je doibs faire; car, si apres avoir recommendé l'affaire a Nostre Seigneur, vous voules que je laisse les sorties et que je me conforme a vous entierement, et quil vous plaise an respondre a Dieu pour moy, je vous declare qu'avec cete condition, et soubs la confiance que j'ay en vostre vertu, je mettrey soubs les pieds mon sentiment et tout ce que le monde pourra dire ou faire, et establirey la Congregation, et an ferey publier et imprimer les Constitutions de mot a mot, telles que vous ordonneres, sans y changer rien du tout..

  A017003869 

 Que sil m'arrivoyt ce malheur que nous ne peussions convenir de cet article, je vous supplie de tout mon cœur quil vous plaise en ce cas me donner vos bons et charitables advis, si je debvrey ou continuer ma Congregation sur le modelle et les Constitutions de la vostre, y changeant ce que je jugerey necessaire en mon diocese, [406] comme nous voyons qu'ont fait diversement les Evesques de la province de Milan, ou bien si je changerey tout a fait ma Congregation en une Religion formelle, en la maniere portée par mon escript.

  A017003870 

 Et au bon augure de ces motz je ferey fin, vous baisant en toute humilité les mains et recommendant a vos prieres et Sacrifices mes infinies miseres.

  A017003875 

 Monseigneur, je ne vous renvoye point encor les Constitutions, pour ce quil ne semble pas que vous an ayes besoing pour vous resouldre sur l'Institut, lequel estant arresté, je vous renvoirey les dittes Constitutions afin que vous y metties la derniere main pour les faire imprimer..

  A017003893 

 Comme vous portez-vous, mon pauvre très unique Père? Tou jours mieux, moyennant la grâce de Dieu, non pas? Hé Dieu! oui, s'il vous plaît, mon bon Sauveur, et pour longtemps, je vous prie, que cette chère santé de mon Père soit bien établie.

  A017003894 

 Mais cependant, me pourrez-vous dire oui ou non, simplement et courtement, de ce que je vous vais demander? Mes quatre jours sont passés, auxquels vous m'aviez marqué ce que je ferais; et je vous rends compte en ces deux derniers petits feuillets de ce qui s'est passé, car les deux premiers, c'est ma confession en laquelle vous n'entendrez rien.

  A017003905 

 Hélas! mon unique Père, que cette chère lettre me fait de bien! Béni soit Celui qui vous l'inspira, et que béni soit aussi le cœur de mon Père au siècle des siècles!.

  A017003906 

 Il est vrai que tout le reste demeure fort étonné; mais faisant bien ce que vous me dites, mon unique Père, comme je ferai sans doute, Dieu m'aidant, tout ira toujours mieux..

  A017003907 

 Il faut que je vous die ceci: mon cœur chercherait, si je le voulais laisser faire, de se revêtir des affections et prétentions qu'il lui semble que Notre-Seigneur lui donnera; mais je ne le lui permets nullement, de sorte que ces propositions ne se voient que de loin; car enfin, il me semble que je ne dois plus rien penser, désirer ni prétendre que ce que Notre-Seigneur me fera penser, aimer et vouloir, ainsi que la nourrice qu'il me donnera me l'ordonnera; car je suis exacte à ne la point regarder..

  A017003908 

 Que Jésus vous fasse un grand saint; et je le crois ainsi.

  A017003909 

 Ce soir je vous manderai de mes nouvelles..

  A017003919 

 Je suis bien aise de toutes ces ordonnances, et que vous gardiez votre solitude, puisqu'elle sera encore employée au service de votre cher esprit.

  A017003919 

 M. Grandis m'a dit aujourd'hui que nous eussions encore bien soin de vous, que vous ne deviez plus faire une si grande diète, qu'il fallait vous bien tenir et contregarder, à cause de la fluxion qu'il faut craindre.

  A017003920 

 Hé! que vos paroles ont donné une grande force à mon âme! que celles-ci m'ont touchée et consolée quand vous me dites: « Que de bénédictions et de consolations » votre âme a reçues, de me « savoir toute dénuée devant Dieu! » Oh! Jésus vous veuille continuer cette consolation, et à moi ce bonheur..

  A017003921 

 Quand Notre-Seigneur me donna cette douce pensée que je vous mandai mardi, de me laisser à lui, hélas! je ne pensais point qu'il commencerait à me dépouiller par moi-même, me faisant ainsi mettre la main à l'œuvre.

  A017003922 

 Je ne vous disais pas que je suis avec peu de lumière et de consolation intérieure; je suis seulement paisible partout, et semble même que Notre-Seigneur, tous ces jours passés, avait un peu retiré cette petite douceur et suavité que donne le sentiment de sa chère présence.

  A017003923 

 Hélas! mon unique Père, il m'est venu aujourd'hui en la mémoire qu'un jour vous me commandiez de me dépouiller; je dis: « Je ne sais plus de quoi.

  A017003923 

 » Et vous me dites: « Ne vous l'avais-je pas bien dit, ma Fille, que je vous dépouillerais de tout? » O Dieu! qu'il est aisé de quitter ce qui est autour de nous! mais quitter sa peau, sa chair, ses os, et pénétrer dans l'intime de la moëlle, qui est, ce me semble, ce que nous avons fait, c'est chose grande, difficile et impossible, sinon à la grâce de Dieu.

  A017003924 

 Je finis donc en vous donnant [410] mille bonsoirs, et vous disant ce qui me vient en vue: il me semble que je vois les deux portions de notre esprit n'être qu'une, uniquement abandonnée et remise à Dieu.

  A017003924 

 Mon vrai Père, ne me revêts-je point sans votre congé de cette consolation que je prends à vous entretenir? Il me semble que je ne dois plus rien faire, ni avoir pensée, ni affection, ni volonté qu'ainsi qu'elles me seront commandées.

  A017003925 

 Dieu vous conduise en tout..

  A017003925 

 Ne vous avancez point de vous lever trop tôt; je crains que cette sainte fête, ne vous fasse faire un excès.

  A017003933 

 Ayant esté adverty que pour la perfection du bon œuvre que nous avons commancé en ceste ville, capitale de mon gouvernement, qui est le nouvel establissement d'une Maison de Sainte Marie, il failloit recourir a vous pour avoir vostre permission, afin de faire venir les Dames qui doivent perfectionner ceste entreprise, j'ay creu que vous m'accorderiez la tres humble requeste que je vous en fais, comme Monseigneur de Lion m'a liberalement octroyé sa permission pour l'establissement..

  A017003934 

 Et outre l'asseurance que madame des Goufier vous pourra donner qu'elles seront bien et honorablement receues, je vous jure que je veux employer a leur service toute l'authorité que le Roy m'a donnee en cette province, estant a vous, et a elles a vostre consideration,.

  A017003934 

 Il ne reste donc plus que vostre permission, afin que ces devotes Dames viennent; dont je vous supplie derechef tres humblement, vous asseurant que je fais gloire que, du temps de mon gouvernement, le Bourbonnois soit des premieres provinces a recepvoir les Religieuses de vostre Ordre, n'ignorant pas quelle est [411] vostre reputation et le renom de vostre sainte vie et merite parmi la France; ce qui me faict desirer de donner une de mes filles a vos Religieuses, quand elles seront icy.

  A017003944 

 Toutesfois, sçachant que vous recepvez les grands et les petitz, j'envoye ces lignes vous pourter ma suplication, vous asseurant que je reçois une joye singuliere en l'espoir de son interinement, car l'odeur de voz fleurs naissantes commence a donner jusques a nous; de noz plaines, dis je, nous.commençons a descouvrir l'excellence de vostre ouvrage..

  A017003945 

 Or, Monseigneur, tirez le rideau, sil vous plaist, et nous communiqués ce que vous aves faict pour la gloire de nostre commun Maistre.

  A017003945 

 Pour mon particulier, j'ambitionerois puissamment le bonheur qu'elle y vint au moins pour quelques mois; mais d'autant que c'est au maistre de famille de sçavoir sy la mere de la famille peut quicter la principale Maison pour aller travailler ailleurs, je me remetz et soubmetz a vostre jugement et disposition, vous asseurant que, quelles que ce soient de voz Filles qui viennent, nous les recevrons, cherirons et servirons avec la mesme sincerité, respect et dilection non feinte que je suis, du Pere de ces vertueuses Filles,.

  A017003971 

 Les commencemens que je veoy icy sont si heureux, qu'il fault, Monseigneur, que je vous die ce que j'ay apris d'un bon medecin: qu'encor que l'on veuille faire nourrir les enfans par d'autres que par leur mere, il seroit a souheter, pour le proffit de l'enfant, que la vraye mere luy donnast le premier laict, par un secret de nature qui, donnant et faisant produire l'enfant, ne manque pas a fournir ce qui est pour son mieulx.

  A017003971 

 Vous entendes ce que je veulx dire: si madame de Chantal, vraye Mere de vostre Congregation, pouvoit venir icy donner le premier laict aulx filles commençantes, je prevoyrey autant de bonheur a cete institution et fondation que de celle de nostre Lyon, qui donne tousjours plus de contentement et d'esperance que Dieu y sera glorifié (fidelis sermo est); car c'est ce que nous [414] pretandons.

  A017003972 

 Envoyes en donc au plus tost, Monseigneur, je vous supplie, et me donnes la benediction de vos sainctes prieres, que je vous demande du bon de mon cœur, qui se proteste.

  A017003985 

 Ce sera donc au plus tost, Monseigneur, que j'iray vers vous pour recevoir voz commandements et faire tout ce que vous jugerez expedient pour la gloire de Dieu, à quoy je me dispose de bon cœur..

  A017003985 

 Et afin, Monseigneur, quil soit evident que ce ne sont pas parolles seulement et que vous en aiez pleine asseurance, outre l'obligation que j'y ay desja, j'ay faict vœu a Dieu, et le faicts encor maintenant en vostre presence, de quitter et abandonner tout pour me rendre à la sainte Eglise Catholicque; et ce, dedans brief temps et sans beaucoup temporiser par negligence.

  A017003988 

 Je vous prie d'avoir assiduellement memoire de moy en voz saincts Sacrifices et oraisons; je suis,.

  A017004005 

 En response de la vostre tres-aggreable du 28 septembre, que j'ay receüe le 10 du present, je vous diray non seulement que je voy vos Œuvres de l'oeil favorable que je dois, et fais en icelles le profit que je peux; mais de plus, je vous confesseray de bouche que,.

  A017004008 

 La Mire de vie a l'amour parfaict, que j'ay faicte au nom et sur le nom de madame Marie de Levi, tres-digne Abbesse du monastere Royal de S. Pierre de Lyon, vous en fera foy, et à tout le monde, si elle s'imprime.

  A017004009 

 J'attends avec avidité d'estudier en ces beaux traictez que vous me faites esperer par la vostre susdicte, afin, nous les donnant, qu'à moy et à ceux qui mieux que moy y feront leur profit, vous nous disiez le dire du Poëte:.

  A017004010 

 Vous estes mes ruisseaux, je suis vostre fonteine,.

  A017004011 

 Et plus vous m'espuisez, plus ma fertile veine.

  A017004013 

 D'un surgeon eternel pour vous autres ruisseaux..

  A017004043 

 Ce qu'attendant, je vous prie de vous asseurer tousjours de mon affection et du desir que j'ay de la vous faire congnoistre aus occasions, lesquelles ne s'offriront jamais aussy souvent que je les souhaite, pour l'envie que j'ay que vous croies quil ny a personne qui vous soit plus aquis que moy..

  A017004043 

 Le desplaisir que je reseus de ne vous avoir encores trouvé a Nissy quant j'y arrivé, ne fut pas moindre que seluy que vous tesmoignes en avoir eu, car j'avois une estreme envie de vous voir et entretenir; mais je me consolle avec l'esperanse que j'ay d'avoir bien tost se contantement, que je desire passionnement, pour estre un des plus grans que je puisse recevoir.

  A017004044 

 Neantmoins, je satisferay au desir de ses Peres le plus tost que je [419] pourray, voulant en toute occasion leur tesmoigner l'affection que j'ay a tout se qui leur touche, et a vous combien je suis, Monsieur,.

  A017004044 

 Quant a se que vous m'escrivés pour le regard du bastiment de l'eglise des Peres Bernabites, je contriburay tousjours tout se qui me sera possible pour ung si bon œuvre, estant bien marry que je ne puis des a present leur faire congnoistre la volonté que j'en ay; mais parse que les occasions passees m'ont un peu mis en arriere, cela ne me peult permettre de faire tout se que je voudrois bien.

  A017004045 

 Vostre plus affectionné a vous faire servisse,.

  A017004064 

 Nous avons reçu aujourd'hui votre dernière lettre, où vous nous parlez de M. l'Aumônier.

  A017004066 

 Monseigneur, notre chère Mère s'est trouvée mal; nous vous supplions très humblement de mettre bon ordre, avant que partir de [420] Nicy, que l'on la fasse conserver ce Carême; autrement elle se gâtera et se ruinera de santé tout à fait.

  A017004067 

 Monseigneur, nous vous envoyons des lettres de nos chères Sœurs de Moulins; nous n'écrivons point séparément à notre chère Mère, faute de temps..

  A017004069 

 Après vous avoir salué en toute révérence, je me dis, Monseigneur,.

  A017004069 

 Nous vous supplions d'agréer que nous saluions mille fois en toute humilité notre chère Mère.

  A017004069 

 Toutes nos Sœurs vous saluent très humblement, Monseigneur; nous supplions Notre-Seigneur vous continuer ses plus chères grâces.

  A017004075 

 Ma sœur Le Blanc vous salue très humblement; elle est auprès de nous, elle vous prie de ne la point nommer dame, mais Sœur Barbe Marie..

  A017004090 

 Nous supplions Notre-Seigneur vous continuer abondamment l'assistance de son Saint-Esprit et faire réussir votre travail à sa plus grande gloire..

  A017004091 

 Nous avons reçu les lettres que vous écrivîtes la veille de Noël, environ cinq semaines après.

  A017004092 

 Nous louons Notre-Seigneur, mon très honoré Père, de ce que vous trouvez des âmes si fort disposées au bien, et de quoi vous trouvez la nièce de M. de Bouqueron propre.

  A017004095 

 Monseigneur, nous vous envoyons une Valentine.

  A017004095 

 Toutes nos chères Sœurs vous saluent très humblement: elles sont bonnes filles, Dieu merci.

  A017004116 

 Nous supplions Notre-Seigneur vous donner et continuer de plus en plus son saint amour..

  A017004118 

 Mon Dieu, mon très honoré Père, nous sommes un peu en peine de notre digne Mère qui reprend si fréquemment ces accidents si fâcheux et dangereux; elle en a eu un depuis que vous êtes à Grenoble, à ce que nous écrit monsieur de Boisy, force d'avoir trop parlé à nos Sœurs au Chapitre.

  A017004118 

 Nous vous demandons très humblement pardon si nous parlons de la sorte; nous savons bien le soin que votre bonté en a, mais mon affection s'échappe toujours un peu, et nous espérons que vous ne le trouverez pas mauvais..

  A017004118 

 Si vous ne lui faites des commandements bien exprès, Monseigneur, de se conserver, elle demeurera un jour en ces convulsions.

  A017004120 

 Nous vous envoyons les Règles des Ursulines de Paris, avec les Bulles qu'elles ont obtenues de Sa Sainteté; Monsieur de Chenevoux nous les a envoyées, nous avons pensé que vous seriez peut-être bien aise de les voir..

  A017004121 

 Nous sommes toujours la moindre de vos filles, mon très honoré Père, mais de celles qui ont plus de désir de vous obéir et de plaire à Dieu..

  A017004122 

 Nous ne vous disons rien de ma Sœur Barbe-Marie; nous croyons qu'elle vous écrira et qu'elle aura l'honneur de vous voir bientôt.

  A017004123 

 Toutes nos chères Sœurs vous saluent très humblement en toute révérence, mais plus que toutes, celle qui a l'honneur de se dire,.

  A017004140 

 Nous supplions notre Sauveur vous continuer l'abondance de ses grâces..

  A017004141 

 Nous vous remercions très humblement du soin que vous avez de nous faire savoir de vos nouvelles, bien qu'à même temps nous vous supplions de n'en point prendre la peine, vous avez assez d'autres occupations; il suffira que M. Michel nous fasse savoir quelquefois comme vous vous portez..

  A017004142 

 Nous venons de recevoir à l'essai cette damoiselle pour laquelle vous prîtes la peine de nous écrire.

  A017004143 

 Monseigneur et mon très digne Père, nous louons notre bon Dieu et vous remercions très humblement de la bonne nouvelle que vous nous dites de nos affaires de Rome; nous espérons qu'à (sic) la seule difficulté qui reste sera bientôt éclaircie, s'il plaît à Notre-Seigneur..

  A017004144 

 J'ai toujours des grands désirs d'être telle que vous nous désirez et que Dieu nous veut; mais il faut que tout vienne de lui, par l'intercession de vos saintes prières..

  A017004144 

 Nous aurons bon courage, s'il plaît à Dieu, Monseigneur, puisque vous nous le commandez.

  A017004145 

 Nous espérons que, avant que vous sortiez de Grenoble, que nous vous écrirons que nous sommes logées; au moins, l'on est fort après.

  A017004146 

 Vous avez ma Sœur Le Blanc à Grenoble, nous en sommes extrêmement aise; cela la rendra toute brave, d'avoir le bonheur de vous communiquer de son âme..

  A017004147 

 Nous supplions Notre-Seigneur qu'il vous conserve longuement et heureusement pour la gloire de son saint Nom.

  A017004153 

 Ma Sœur Marie-Aimée a bien reçu la lettre que vous dites avoir pris la peine de lui écrire..

  A017004153 

 Toutes nos chères Sœurs vous saluent très humblement et en toute révérence, et tout à part, nos Sœurs professes, mais plus que toutes, votre chétive grande fille.

  A017004177 

 Au reste, je ne vous ferois pas cette demande, si je n'estois tres-assurée que Dieu vous a ouvert le livre des consciences, et qu'en vous declarant mon nom je vous découvre qui je suis et tout ce qui se passe dedans mon interieur.

  A017004177 

 De plus, je trouve vos pratiques et vostre devotion si ajustée à mon humeur et à la foiblesse de mon sexe, que je ne croy pas que vous me puissiés rien commander que je ne puisse tres-facilement accomplir.

  A017004177 

 Je connois aussi plusieurs dames qui ont le bien de vivre dessous vostre saincte conduite, et qui m'ont assuré que Dieu vous avoit fait naistre en ce siecle pour nous apprendre la vertu, et qu'il ne tiendra qu'à nous d'estre sainctes, si nous voulons suivre les douces loix de vostre saincteté.

  A017004177 

 Je vous prie donc, Monsieur, de m'assister de vos prieres et de me donner quelques conseils particuliers.

  A017004177 

 Pour moy, je vous choisis pour mon bon Pere et mon bon Directeur, et je vous jure que, voulant estre toute à Dieu, je me resous d'estre vostre tres-chere fille selon Dieu..

  A017004178 

 Adieu, Monsieur et tres-cher Pere, et continués de faire, comme vous commencés, autant de sainctes comme il y a de femmes dans le monde.


18-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XVIII-Vol.8-Lettres.html
  A018000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A018000274 

 Mays en attendant, je vous prie d'advertir tous nos ecclesiastiques de dela de faire retirer promptement les femmes quilz ont peut estre en leurs maysons.

  A018000275 

 Mays, de tout ceci, communiques en avec le P. Commissaire qui est, je m'asseure, maintenant vers vous, affin quil fortifie mon intention de ses remonstrances, sil y escheoit.

  A018000275 

 Toutefois, si ledit M. Jaquin n'avoit pas obtemperé et quil demandast quelques quinze jours de delay, vous le luy pourres donner..

  A018000276 

 Il n'est pas expedient pour encor que M. Jaquin aille faire residence; car, comme pourroit il faire [2] commodement la charge de l'œconome que vous luy aves remise? Il a promis de faire reparer la mayson presbiterale de sa cure et accommoder les choses requises a l'exercice, ce qu'attendant il pourra bien suppleer.

  A018000294 

 En cela, chacun a son goust particulier; mais pour vous, je vous asseure bien que vous ne perdres rien, car ce que vous ne gaigneres pas en la suavité de la Communion, vous le treuveres en l'humilité de vostre sousmission, si vous acquiesces simplement a leurs volontés..

  A018000294 

 Pensés si nostre Mere eust fait une grande feste de vous voir a la Visitation, et si vostre consolation m'en eust donné une excellente.

  A018000295 

 Mays de cette crainte qu'on vous donne que vos frequentes Communions vous pourroyent tourner a mal, je pense que vous ne vous en deves point mettre en peine, et qu'on ne vous a pas dit cela par discernement de l'estat de vostre cœur, mays pour vous mortifier, ou peut estre simplement par maniere de desfaite, comme quelquefois il arrive aux personnes mesme fort sages de ne peser pas bien toutes choses..

  A018000307 

 Je dis ceci et pour vous et pour moy; car il faut tous-jours faire ce que nous devons, pour le service de nostre doux et bon Maistre, envers ceux qui sont veritablement en luy nos enfans, et leur ouvrir en tout lieu, ou leur necessite le requiert, le sein maternel de nostre affection a leur salut et leur donner le lait de la doctrine.

  A018000308 

 Au reste, je vous asseure que j'ay ri, mais sçaves vous, de bien bon cœur, quand j'ay veu, sur la fin de vostre lettre, que l'on vous avoit dit que je m'estois mis en grande cholere, et avois dit tout ce que vous me marques.

  A018000308 

 Et de plus, vous me dites: Mon Pere, ne caches point la verité a vostre filz, qui est perplexe sur ce sujet..

  A018000309 

 Et je vous dis donq que veritablement, mon Filz, mon cœur va rendre a vostre cœur l'hommage de la verité.

  A018000309 

 Je fus esmeu a la verité, mais je retins toute mon esmotion, et confessay ma foiblesse a nostre Mere, qui, en cette occasion, n'eut, non plus que moy, aucune [6] parole de passion; et je vous diray bien de plus: il semble que ces bonnes gens la se plaisent a luy donner des frequens sujetz de mortification, qu'elle boit insatiablement..

  A018000309 

 Mays je vous supplie, quand il retournera a vous, embrassés-le de ma part, et luy donnes double charité, car je vous confesse qu'il n'a pas tout a fait tort.

  A018000309 

 Si celuy qui vous a fait un narré de ma cholere, n'en eust pas eu davantage que moy, vous ne series pas en peine de ce chetif Pere.

  A018000310 

 C'est asses dire la dessus pour vous oster de peine, mon tres cher Frere, mon ami; priés seulement pour nous, et tout va bien..

  A018000311 

 Pour le regard de ces bons gentilzhommes, pour Dieu, Monsieur mon tres cher Confrere, absolves de tout ce que je puis absoudre, sans reserve; car, pourquoy vous reserverois-je aucune authorité que je puisse communiquer, puisque vous ne reserves aucune peine que vous puissiés prendre pour le bien de mes cheres brebis? [7].

  A018000313 

 Et vous, mon parfait ami et tres cher Confrere, vous feres bien, si vous me croyes incomparablement.

  A018000326 

 Vous aures sceu comme nous avons gouverné [9] l'Anthoine qui, avec un peu de soin, deviendra brave fille, ayant l'esprit bon comme ell'a, et vous pouves penser si je luy souhaite du bien..

  A018000327 

 Je vous salue mille et mille fois de tout mon cœur, du quel je suis tres parfaitement tout vostre..

  A018000330 

 Je vous supplie de saluer M lle de Beaufort, que je cheris et honnore infiniment, et M me de Mirebel, et madame de Monthouz un peu a part..

  A018000331 

 Nostre Mere est en affaire pour la reception d'une vertueuse damoyselle de Grenoble qui est venue ce matin, avec une carrossee d'autres dames qui l'ameynent; car il vous faut tenir advertie des particularités de la Mayson, et que M me de la Thuille partit hier, ayant fait sa revëue a la Visitation, ou ell'a esté cachee environ sept ou huit jours, avec beaucoup de consolation pour son cœur..

  A018000375 

 O Dieu, mon tres cher monsieur de Blonnay, mon ami, que je retarderay volontier mon voyage, puisque monsieur le Marquis le desire; car aussi bien estois-je prest de vous escrire, ou a monsieur l'Abbé: Dimitte me, ut plangam paululum dolorem meum.

  A018000376 

 Or sus, je dis neanmoins de tout mon cœur a Dieu: Je me tais, et n'ouvre point ma bouche, car vous l'aves fait.

  A018000376 

 Oüy, Pere æternel, car il a semblé ainsy bon devant vous.

  A018000395 

 [14] Ne doutés point que je ne prie pour luy, car c'estoit le pere de ma tres chere Fille, qui m'est, je vous asseure, infiniment chere, et aux desplaysirs et playsirs de laquelle mon cœur participe affectionnement.

  A018000396 

 Or, penses, ma tres chere Fille, ou cette affliction me touche, et voyes si la mienne n'est pas surchargee de celle de sa pauvre petite et de nostre Mere, a qui il faut que ce matin j'aille oster le peu d'esperance qui leur estoit restee apres les premieres nouvelles de cet accident, sur lesquelles nous avons mille et mille fois adoré le decret de la Providence divine, et avons jetté nos cœurs entre les mains de Dieu avec esprit de sousmission, repetant: Ouy, Seigneur, car ainsy il a esté aggreable devant vous.

  A018000397 

 Vous ne sçauries croire combien il estoit accomply, combien il s'estoit rendu aymable a chacun, combien il s'estoit signalé aux yeux du Prince en l'occasion de [15] l'annee passee; et sur cela, le voyla emporté.

  A018000415 

 Je rens cette lettre commune a mon tres cher frere et a vous, avec esperance de vous voir bien tost.

  A018000426 

 Helas! il n'est que trop vray que vous aves perdu un tres humble neveu et fidele serviteur, et moy mon tres cher frere que j'aymois incroyablement pour plusieurs bonnes raysons, outre celle du sang.

  A018000430 

 Que vous diray-je plus, Monsieur mon cher Oncle? Ce pauvre garçon decedé s'estoit destiné a la vie militaire, et pouvoit mourir de cent façons plus lamentables que celle de laquelle il est mort.

  A018000431 

 J'acquiesce et dis Amen, non seulement sur les paroles, mais aussi sur les œuvres de Dieu, le suppliant qu'il vous conserve, et demeurant pour jamais,.

  A018000444 

 Je vous remercie tres humblement du soin que vous aves pris de nous tesmoigner le ressentiment que vous aves de nostre mal..

  A018000444 

 Vous pouves aysement vous imaginer quelle est nostre affliction pour la perte que nous venons de faire, ayant connoissance comme vous de l'amitié qui a tous-jours esté, graces a Dieu, entre ceux de cette mayson.

  A018000445 

 Je fay la mesme [20] requeste a monsieur de Montfort, auquel, comme a vous, je suis tres certainement, Madame ma Cousine,.

  A018000445 

 Je vous supplie de recommander a la misericorde de Nostre Seigneur le repos de l'ame de nostre pauvre defunt et de nous tous-jours aymer.

  A018000457 

 Je regrette extremement la perte que nous avons faite par le trespas du bon monsieur le President de Sautereau, qui vous honnoroit certes plus quil ne se peut dire, et me favorisoit d'un' amitié extraordinaire, a vostre consideration.

  A018000462 

 Je supplie de tout mon cœur sa divine Bonté qu'il vous conserve, avec madame ma tres chere seur et toute vostre compaignie, et vous saluant tous tres humblement, je demeure a jamais,.

  A018000467 

 Ma seur vous bayse tres humblement les mains, et a madame vostre chere Presidente, et est vostre tres humble servante..

  A018000484 

 Vous ne sçauries croire combien m'est sensible l'affliction que vous aves.

  A018000487 

 Sans doute, ma chere Dame, le plus grand desir que monsieur vostre trespassé eut a son depart fut que vous ne trempassies pas longuement dans le regret que son absence vous causeroit, mais que vous taschassies de moderer, pour l'amour de luy, la passion que son amour vous donnoit; et maintenant, en son bonheur dont il jouit, ou qu'il attend en asseurance, il vous souhaite une sainte consolation et que, moderant vostre tribulation, vous conservies vos yeux pour un meilleur sujet que les larmes, et vostre esprit pour des plus desirables occupations que celles de la tristesse..

  A018000488 

 Faites cela, Madame, pour l'amour de ce cher mari, et vous imagines qu'il vous en a prié a son depart et qu'il vous demande encor cet office; car en verité, il l'eust fait s'il eust peu, et il desire cela de vous a present: tout le reste de vos passions peut estre selon vostre cœur, qui est encor en ce monde, mais non pas selon le sien, qui est en l'autre..

  A018000488 

 Il vous a laissé des gages pretieux de vostre mariage: conservés vos yeux pour regarder a leur nourriture, conservés vostre esprit pour relever le leur.

  A018000489 

 Et puisque la vraye amitié se plaist a complaire aux justes aggreemens de l'amy, pour complaire a monsieur vostre mari, consoles-vous vous mesme, soulages vostre [26] esprit et relevés vostre courage.

  A018000489 

 Que si ce conseil, que je vous donne avec une sincerité nompareille, vous est aggreable, prattiqués le, vous prosternant devant Nostre Seigneur, acquiesçant a son ordonnance, et considerant l'ame de ce cher defunt qui desire a la vostre une vraye et chrestienne resolution, et vous abandonnant du tout a la celeste providence du Sauveur de vostre ame, vostre protecteur, qui vous aydera et vous secourra, et en fin vous reunira avec vostre trespassé, non point en qualité de femme avec son mari, mais d'heritiere du Ciel avec son coheritier et de fidele amante avec son fidele amant..

  A018000490 

 J'escris ceci, Madame, sans loysir et presque sans haleyne, vous offrant mon tres affectionné service qui vous est de long tems acquis, et celuy encor que les merites et la bienveuillance de monsieur vostre mari envers moy pouvoyent exiger de mon ame.

  A018000499 

 Pour le reste, vous vous conseillieries.

  A018000499 

 Vous pourries donner audit vicaire un ducaton, et aux autres prestres a chacun 8 solz d'aumosne affin quilz dissent Messe pour elle.

  A018000500 

 Mays sur tout, en pleurant descharges bien vostre cerveau, reposes vous convenablement, et vous divertisses le plus doucement que vous pourres; prenes bien souvent des raysins un peu amollis au vin et eau chaude, et en somme ayes soin de vous conserver la, car icy, ne doutes point; je suis un certain homme quil ny a rien a craindre, sinon quand je le diray moymesme..

  A018000516 

 J'ay receu a beaucoup d'honneur la lettre que M lle Favreau [30] et M lle d'Albamé m'escrivirent de vostre part; car, outre la douceur que je prens a me ramentevoir le tems auquel nous estions compaignons d'escole, vos merites me font grandement estimer tous les tesmoignages quil vous plait me donner de vostre bienveuillance, laquelle je vous conjure de me vouloir continuer par vostre courtoysie, bien ayse de sçavoir que vous soyes arresté en nostre voysinage, sous l'esperance que, par ce moyen, il se pourra bien faire que j'aye encor un jour lhonneur de vous revoir..

  A018000517 

 Et cependant, je cheriray de tout mon cœur tout ce quil vous plaira de me recommander, comme je fay le sujet d'avoir soin plus particulier de ces deux damoyselles, desquelles l'une, madamoyselle Favreau, est des-ja voylee, et l'autre le sera soudain que je seray de retour d'un voyage que je vay faire a Thonon; et espere que l'un'et l'autre donneront [et recevront] reciproquement de l'edification et consolation en la Congregation en laquelle elles ont esté appellees, puisque a ce commencement Dieu leur en donne de si bonnes arres.

  A018000518 

 Playse a la divine Bonté de vous conserver et prosperer de plus en plus en son saint service, et je suis de tout mon cœur,.

  A018000532 

 Mais, comme me pourrois-je empescher d'estre en peine de ce que je suis la, quant a la santé? Pour Dieu, ne parles pas beaucoup, soulages vous, et vous tenés un peu tranquille tant d'esprit que de cors; car le premier accident vous arriva apres le traitté avec M. de la Roche, ou vous ne fustes pas sans parler avec affection, et puis le tracas des malades fit venir le second.

  A018000533 

 Je suis consolé que nos pauvres filles soyent un peu allegees, car je les cheris d'un cœur plus que paternel toutes, et vous sçaves que j'ayme particulierement cette pauvre Marie Gasparde de tous tems, et, maintenant qu'elle est malade, encor plus tendrement.

  A018000534 

 J'ay pensé sur cette chetifve fille dont je vous escrivis; et en fin, si elle veut faire une retraitte pour se resoudre, il faut non seulement la recevoir, mais, sil se pouvoit, luy aller au devant.

  A018000536 

 Or bien, je vous escriray a toutes occurrences, ma tres chere Mere, mon cœur et ma vie ne pouvant subsister avec consolation que par l'unité quil a pleu de faire a Dieu de nous, affin qu'aeternellement nous fussions siens..

  A018000537 

 C'est une sainte; elle a grand desir de vous aller voir et de vous mener une sienne brave fille a mon gré, laquelle est aagé (sic) de 19 ans, et, par ouï dire, est un peu touchee d'estre de la Visitation; et cette bonne mere, qui en brusle, estime que la veüe la fera resoudre..

  A018000537 

 Madame de la Flechere de ce pais, qui vint hier faire sa reveüe,vous bayse millefois les mains.

  A018000538 

 Dieu vous conserve, ma tres chere Mere, et remplisse a jamais nostre unique ame de son tres pur amour.

  A018000550 

 Vous pouves penser, ma tres chere Fille, ma Seur, et je croy que vostre cœur vous le dit asses, que j'ay une extreme consolation dans le mien quand vous m'escrives de vos nouvelles; car, puisqu'il a pleu a Dieu, je suis le cher frere et le Pere tout ensemble, mais le plus affectionné et sincere que vous sceussies imaginer..

  A018000551 

 Or, faites donq bien, ma chere ame, vos petitz effortz, doux, paysibles et amiables pour servir cette souveraine Bonté qui vous y a tant obligee par les attraitz et bien-faitz dont elle vous a favorisee jusques a present, et ne vous estonnes point des difficultés; car, ma chere Fille, que peut on avoir de pretieux sans un peu de soin et de peine? Il faut seulement tenir ferme a pretendre la perfection du saint amour, affin que l'amour soit parfait, l'amour qui cherche moins que la perfection ne pouvant estre qu'imparfait..

  A018000552 

 Je vous escriray souvent, car vous sçaves le rang que vous tenes dans mon esprit, le tout joignant nostre Mere, a laquelle je vous prie de me recommander; car, bien que je luy escrive, si est ce qu'il faut un peu employer vostre entremise pour la recreer et res-jouir, d'autant qu'elle prend playsir a sçavoir que vous estes tres parfaitement ma tres chere fille et que vous me cherisses en cette qualité la.

  A018000563 

 Helas! ma pauvre Fille, vous aves rayson de vous estonner qu'une creature veuille offenser Dieu, car cela surpasse tout estonnement; mais pourtant cela se fait, comme par malheur on voit tous les jours.

  A018000564 

 Et pour vostre regard, ma chere Cousine, ma Fille, il ne faut perdre courage; car vous deves estre si amoureuse de Dieu, qu'encor que vous ne puissies rien faire aupres de luy et en sa presence, vous ne laissies pas d'estre bien ayse de vous y mettre pour seulement le voir et regarder quelquefois.

  A018000564 

 Et quelque peu avant que d'aller en l'orayson, mettes vostre cœur en paix et en repos, et prenes esperance de bien faire; car si vous y alles sans esperance et des-ja toute degoustee, vous aures peine de vous remettre en appetit..

  A018000565 

 Courage donq, ma petite Cousine, dites a Nostre Seigneur que vous ne le laisseres jamais, encor qu'il ne vous communiqueroit jamais aucune douceur; dites luy que vous demeureres devant luy jusques a ce qu'il vous aye beny.

  A018000565 

 Quand vostre cœur s'esgarera ou se distraira, ramenes-le tout doucement a son point, remettes-le tendrement aupres de son Maistre; et quand vous ne feries autre chose tout au long de vostre heure que de reprendre tout bellement vostre cœur et le remettre aupres de Nostre Seigneur, et qu'autant de fois que vous l'y remettries il s'en destourneroit, vostre heure seroit tres bien employee, et feres un exercice fort aggreable a vostre cher Espoux, auquel je vous recommande du mesme cœur que je suis tout vostre.

  A018000573 

 Je ne doute point que dans fort peu de tems vous n'en soyes entierement victorieuse, puisque je vous voy si courageuse au combat et si pleyne d'esperance et de confiance de vaincre par la grace de nostre bon Dieu.

  A018000573 

 La consolation que vous aves en cette entreprise est sans doute un vray presage qu'elle vous reuscira tres heureusement.

  A018000573 

 La lettre que vous m'aves escrite le 16 may et laquelle je n'ay receuë que le 27 juin, me donne grand sujet de benir Dieu de la fermeté en laquelle il conserve vostre cœur pour le desir de la perfection de la vie chrestienne, lequel je descouvre bien clairement par la naïfveté sainte avec laquelle vous representes vos tentations et le combat que vous faites; et je voy bien que Nostre Seigneur vous assiste, puisque pied a pied et jour a jour vous conqueres vostre liberté et affranchissement des imperfections et infirmités principales qui vous ont ci devant affligee.

  A018000574 

 Faites l'examen de conscience au soir; accoustumes-vous aux prieres briefves et oraysons qu'on appelle jaculatoires, et le matin, en sortant du lict, mettes-vous tous-jours a genoux pour saluer et faire la reverence a vostre Pere celeste, a Nostre Dame et a vostre bon Ange; et quand ce ne seroit que pour trois minutes, il n'y faut jamais faillir.

  A018000574 

 Fortifies-vous donq, Madame, en ce bon dessein, duquel la fin est la gloire eternelle; n'oublies rien au logis de ce qui est requis pour en chevir.

  A018000575 

 Je m'asseure que cette gayeté et consolation d'esprit s'estend et rend son odeur pretieuse sur toutes vos conversations et particulierement sur la domestique, laquelle, comme elle vous est la plus ordinaire et selon vostre principal devoir, aussi s'en doit elle ressentir plus que nulle autre.

  A018000575 

 Je suis consolé dequoy vous aves l'esprit plus gay que ci devant.

  A018000575 

 Si vous aymes la devotion, faites que tous luy portent honneur et reverence; ce qu'ilz feront s'ilz en voyent des bons et aggreables effectz en vous..

  A018000576 

 Hé, que vous seres heureuse si vous observes bien la moderation que je vous ay dite en vos exercices, les accommodant le plus que vous pourres a vos affaires domestiques et a la volonté de vostre mari, puisqu'elle n'est point desreglee ni farouche.

  A018000576 

 Je n'ay guere veu de femmes mariees qui puissent estre devotes a meilleur marché que vous, Madame, qui partant estes fort obligee a vous y avancer..

  A018000576 

 Mon Dieu, que vous aves de grans moyens de meriter en toute vostre mayson! Indubitablement vous la pouves rendre un vray paradis de pieté, ayant monsieur vostre mari si propice a vos bons desirs.

  A018000577 

 Je voudrois bien que vous fissies l'exercice de la sainte [39] meditation, car il me semble que vous en estes fort capable.

  A018000577 

 Je vous en dis quelque chose pendant ce Caresme, je ne sçai si vous y aures mis la main; mays je desirerois que vous n'y employassies pas sinon demi heure chasque jour et non plus, au moins de quelques annees; je pense que cela serviroit bien fort a la victoire de vos ennemis..

  A018000578 

 Au moins ne manque-je point de vous offrir et representer a la misericorde de Dieu en mes foibles et languissantes prieres, et sur tout au saint Sacrifice de la Messe; j'y adjouste tous-jours toute vostre mayson, que je cheris uniquement en vous, et vous en Dieu..

  A018000578 

 Et crovés, Madame, je vous supplie, que le desir que j'ay une fois receu de vous servir et honnorer en Nostre Seigneur, croist et s'augmente tous les jours en mon ame, marri que je suis d'en pouvoir si peu rendre d'effectz.

  A018000578 

 Je suis pressé d'escrire, et neanmoins je ne sçai finir, tant je suis consolé de vous parler sur ce papier.

  A018000579 

 Faites vostre prouffit de cette grossesse en deux façons: offrant vostre fruit a Dieu cent fois le jour, comme saint Augustin tesmoigne que sa mere, estant enceinte de luy, avoit accoustumé de faire; puis, es ennuis et afflictions qui vous en arriveront et qui ont accoustumé de suyvre la grossesse, benissés Nostre Seigneur de ce que vous souffres pour luy faire un serviteur ou servante, qui, moyennant sa grace, le louera eternellement avec vous..

  A018000579 

 J'ay appris que vous esties grosse; j'en ay beni Dieu qui veut accroistre le nombre des siens par l'augmentation des vostres.

  A018000598 

 C'est tout ce que je vous puis dire cette matinee de la tressainte Visitation, vous donnant le bon jour et demeurant.

  A018000598 

 Salues, je vous prie, mon frere de ma part, et faites moy sçavoir a tous propos de ses nouvelles, comm'aussi [41] de ma Mere.

  A018000643 

 Vous verres, sil vous plait, la lettre que j'escris et celles que j'ay receues, [46] par lesquelles, je pense, vous connoistrés que nous ne pouvons pas gauchir..

  A018000645 

 Et encor, si un jour suffisoit a voir cette fille, je m'efforcerois de courir jusque la et revenir; mays, comme vous sçaves, cet esprit est malaysé a s'ouvrir, il y va des jours et des jours.

  A018000645 

 Ma pauvre tres chere Mere, ma vie (je vous asseure que je pensois escrire ma mie, mais il ne va pas mal ainsy); je dis donq, ma tres chere Mere, escrives moy ce que je pourray et devray faire, a vostre advis..

  A018000647 

 Au reste, serves vous absolument de nostre logis pour la recevoir et de tout ce qui y est, sil vous semble bon de la faire loger la.

  A018000647 

 En somme, je ne sçai que vous dire; vous sçaves mon cœur comme le vostre propre, faites ce que vous verres.

  A018000662 

 Et bien que je sois attaché icy encor pour quelque jours, si n'avois-je pas laissé de donner ordre que vous fussies receu (sic) Annessi, comme vous seres, Dieu aydant, a vostre arrivee, laquelle je suis infiniment marri avoir esté retardee par cette ...ntion.

  A018000662 

 O Dieu, que... vous a causé de desplaysirs! Venes, ma tres chere Seur, et venes bien disposee a suivre mes conseilz, qui partiront d'un esprit qui cherit vostre ame nompareillement.

  A018000663 

 La bonne madame de Chantal vous attend impatiemment; vous seres, ce me semble, toute alegee du fardeau [50] de vos afflictions quand vous aures esté un jour avec elle et avec ses filles, qui sont, a la vérité, toutes pleines du divin amour et de douceur..

  A018000664 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Seur, ma Fille, et je suis en luy,.

  A018000678 

 Ces deux motz sont escritz sur le plus empressé depart [51] que je fis onques; M. le Collateral vous le dira, et tout le reste.

  A018000695 

 Ces trois motz vous annonceront ma santé et l'esperance de vous revoir bien tost.

  A018000695 

 J'escris sur le depart pour Evian, ou je vay le plus empressement que jamais j'allay en lieu du monde; M. le Collateral vous le dira..

  A018000696 

 Je suis, ma tres chere Mere, comme vous sçaves vous mesme, tout vostre..

  A018000708 

 Vous pouves penser si nous avons souvent parlé de vous, mays non pas toutefois si souvent comme j'y ay pensé..

  A018000722 

 Ce billet donq n'est que pour vous saluer en attendant, et vous dire que les fermiers de Monseigneur vostre frere ne me veulent point donner d'argent, par ce, disent ilz, qu'ilz ne peuvent faire vostre somme que d'icy a 15 jours.

  A018000722 

 J'envoye prendre des chevaux pour vous aller revoir, ma tres chere Mere.

  A018000722 

 Vous aymeres mieux que je vous voye lundi, si ce n'est dimanche..

  A018000722 

 Voyes si vous voules que, pour attendre cela, je retarde icy.

  A018000734 

 Je dormiray bien cette nuit, sil luy plait, et vous obeiray fort soigneusement.

  A018000734 

 Mais je ne pense pas que demain je puisse ne me lever pas matin, car il y a trop de playsir a jouir de cette douce partie du jour; et puis, ne faut il pas aller dire vostre Messe, puisque le reste du jour sera pour l'Office de nostre grande feste? Aussi ay-je un desir extreme de vous revoir, et ma tres chere petite seur, avec nos Filles..

  A018000744 

 J'estois en Chablaix quand je receu la premiere lettre quil vous pleut de m'escrire, et j'attendois response de la supplication que j'avois faite a Son Altesse, pour pouvoir m'asseurer de celle que j'avois a vous faire....

  A018000753 

 Nul ne vous est icy ce que je vous suis, et nul, ni icy ni ailleurs, ne vous veut honnorer et cherir plus que je [57] souhaite de le faire.

  A018000753 

 Pensés donq, s'il vous plait, quel est mon contentement sur vostre venue en cette ville, pour y posseder la qualité que si souvent je vous avois desiree et laquelle vous est arrivee avec tant d'honneur.

  A018000753 

 Venes donq, Monsieur mon cher Neveu, venes vers nous et vivés avec nous joyeusement et suavement, jusques a ce qu'apres longues annees vous suivies monsieur vostre pere au siege souverain, avec autant de consolation publique comme vous venes luy succeder en ce siege subalterne..

  A018000754 

 Je salue tres humblement ma tres chere niece, et me res-jouis avec elle, si elle se res-jouit de venir; et si elle ne se res-jouit pas, je m'en res-jouis neanmoins, augurant que tout son cœur, que vous aves et qu'elle a, s'en res-jouira quand elle y verra chacun en feste autour de vous et d'elle, pour le contentement general de vostre venue et de la sienne..

  A018000755 

 Dieu soit a jamais au milieu de vostre esprit pour faire justice et jugement, et pour vous combler de douceur et consolation celeste.

  A018000760 

 Je suis seulement en peine de la separation de monsieur vostre pere et de son petit Anthoyne François, si vous l'apportes, ou de celle de ma niece et de luy si vous ne l'apportes pas; mays vous l'apporteres, je m'asseure, car, comme separeroit-on ma niece de ses entrailles? et moy j'auray charge de le caresser souvent de la part de ce grand grand pere..

  A018000770 

 Il a voulu, ce grand Dieu, que vous fussies sienne, et vous l'a fait vouloir, et vous l'aves voulu, et il vous a fait prendre tous les vrays moyens pour le devenir.

  A018000770 

 Vous [59] l'estes donq sans doute, ma tres chere Fille, dont je me res-jouis infiniment et en benis sa misericorde, comme estant en elle sans fin,.

  A018000782 

 J'ay bien sujet de vous remercier tres humblement pour l'offre qu'il vous a pleu de me faire par l'entremise de monsieur de Forax; mays j'attens de vous rendre ce devoir jusques a ce que je sache si j'auray occasion de me prævaloir de la grace quil vous plait me faire..

  A018000783 

 Cependant vous sçaves, comme je pense, quelle estime j'ay tous-jours faite de vostre Congregation, et pour cela, des qu'il a pleu a Dieu par sa bonté de la faire esclorre, j'ay tous-jours desiré d'en avoir une Mayson en ce diocaese; ce que je n'ay sceu faire jusques a present, qu'a mon advis je puis reuscir de ce dessein.

  A018000783 

 Reste qu'il vous playse de me faire [60] sçavoir si vous voudries accepter le parti, et si nous pourrions y avoir d'abord huit prestres, puisque la fondation requiert cela, et si il se pourroit pas faire que l'un des huit exerçast la charge des ames, aydé par les autres; car cela estant, je n'auray plus a faire que d'obtenir le consentement de Son Altesse qui, je m'asseure, l'accordera volontier..

  A018000784 

 J'attendray donq de vos nouvelles pour ce regard, et vous conjurant de me recommander souvent a la misericorde de Dieu, je demeureray a jamais, de toute vostre Congregation en general, et de vous en particulier,.

  A018000802 

 Cependant il faut renvoyer le tout a ce que messieurs les deputés feront; ce que je vous dis par ce que je crain (sic) que ladite madame la fiscale n'aille encor vous parler et crier alarme..

  A018000802 

 Et quant au reste, la vefve ne sçauroit garder ce qu'elle prætend; car, quand pour avoir ce qui vous est necessaire de sa mayson on la luy aura payee, il se treuvera asses de gens qui feront tenir sequestré l'argent.

  A018000802 

 Il [62] m'est advis que vous n'aves rien a faire en ceci, sinon de prendre ce que selon justice et rayson messieurs les deputés vous bailleront, en le bien payant.

  A018000814 

 Au reste, M lle de Chantal ne peut ne vous honnorer et cherir cordialement, puisqu'ell'est la fille de sa mere, et la mienne certes, car je l'ayme bien.

  A018000828 

 Je vous rens graces tres humbles de lhonneur que vous me faites, qui m'est certes infiniment prætieux; et pleut a Dieu que je peusse correspondre par autant de services comme j'ay de desirs!.

  A018000830 

 Monsieur Garin vous dira toutes nos nouvelles et que nous renvoyons le jeune M. des Hayes doux, amiable, courtois, a M. son pere, mais non pas fort sçavant, ains seulement instruit d'un peu de latin et de quelques parties des mathematiques.

  A018000831 

 Pour cela, suis je obligé de vous asseurer que tous les jours il va de bien en mieux, s'estant rangé a la compaignie de M. le Marquis d'Aix, duquel il eut congé, apres la miserable prise de Verceil, devenir icy, pour toutefois retourner dans peu de jours en Piemont, ou je ne vous diray point quelle perte vous et moy avons faite: vous, d'un serviteur fort asseuré, moy, d'un frere tres aymable et qui entroit fort honnorablement en la connoissance et bienveuillance de son Prince.

  A018000831 

 Vous m'aves renvoyé M. de Barraux, affin quil eut quelque sorte de refuge vers moy en ce qui regarde son bonheur, c'est a dire vostre grace.

  A018000832 

 La femme du sieur Gautier m'a forcé par ses larmes de vous supplier, Monseigneur, de recommander sa misere a son mari, ou plus tost la misere de ses filles, car quant a la sienne, elle ne nie pas de l'avoir meritee.

  A018000834 

 Je prie Dieu quil vous conserve et comble de toute sainte prosperité, demeurant a jamais, Monseigneur,.

  A018000852 

 Hier, parmi un tracas importun, escrivant a monsieur de Charmoysi mon cousin, et ayant volonté de vous escrire, je fermay sa lettre comme si c'eust esté a vous, sur le sujet de la maladie de madame la Presidente de Genevois ma niece.

  A018000852 

 Je croy que vous m'excuseres aysement, et mon cousin aussi, qui connoisses asses mon esprit sujet aux evagations..

  A018000853 

 Maintenant, c'est au nom de ma seur de Thorens que je vous escris, et vous presentant son tres humble baysemain, je vous supplie de la favoriser en ce qui se pourra bonnement faire pour le recouvrement de certaines armes de feu mon frere son mari, dont ce porteur vous declarera les particularités; vous remerciant tres humblement encor de la part de cette seur du soin quil vous plaist d'avoir es occurrences des affaires de feu mon frere, que nous allons demeslant le mieux que nous pouvons, pour payer cinq ou six cens escus de debtes quil a laissés, en attendant de voir ce que la providence de Dieu fera naistre de sa vefve enceinte..

  A018000854 

 Au reste, je vous supplie tres humblement de commander que nous soyons advertis de l'estat de la maladie de nostre Presidente, car en verité nous en sommes en [68] peine jusques a l'inquietude inclusivement, et les Dames de la Visitation n'oublient pas a prier Dieu, comme aussi que sa bonté vous veuille conserver.

  A018000865 

 Je le croy, certes, ma tres chere Fille, et je vous en conjure.

  A018000865 

 Mon cœur pense souvent au vostre et, si vous entendies son langage, il vous demande si vous estes tous-jours au pied de la Croix, ou je vous laissay, c'est a dire tous-jours attachee a la tressainte volonté de Dieu, pour ne fourvoyer ni a droitte ni a gauche (ni aux contentemens ni aux afflictions, ni entre les amis ni entre les ennemis) du chemin de ses ordonnances.

  A018000865 

 Que faites-vous, ma tres chere Fille? car voyla le mot que vous voules.

  A018000866 

 Ce sont les souhaitz que je fay sur vous, ma tres chere Fille, a qui je suis fort affectionnement.

  A018000886 

 J'ay esté sur le point de vous aller [voir] et dire la [70] Messe en vostre eglise; mais ce qu'on m'a dit [du] mauvais chemin m'a arresté, outre que j'ay quelque [opinion] que je ny doive pas aller encor maintenant.

  A018000912 

 C'est pourquoi vous ferez très bien de profiter du temps et de tâcher d'en obtenir la nomination par ceux qui ont le droit de patronage, car les [71] médecins assurent que M. Nicolas mourra bientôt.

  A018000927 

 Nous n'avions encor achevé nos plaintes pour la perte que nous avions faite en Piemont, que voyci la seconde arrivee, laquelle, je vous asseure, nous est infiniment [72] sensible, cette chere ame ayant tellement vescu parmi nous, qu'elle nous avoit rendus tous parfaitement siens, mais moy plus particulierement, qu'elle regardoit avec un amour et honneur filial; et puis, le contrecoup receu par l'affliction de sa digne mere donne surcroist a nostre desplaysir..

  A018000928 

 Mais pourtant, a l'imitation de cette defunte, nous embrassons, aymons et adorons la volonté de Dieu, avec toute sousmission de tout nostre cœur, car c'estoyent presque ses dernieres paroles; vous asseurant que jamais je n'ay veu un trespas si saint que celuy de cette fille, quoy qu'elle n'eust que cinq heures pour le faire..

  A018000929 

 Je vous remercie cependant humblement, et M. de Montfort, mon cousin, de l'honneur de vostre souvenance, et suis a jamais,.

  A018000942 

 Monsieur, il me fait grand bien de vous dire mes douleurs, puisque vous me faites l'honneur de me vouloir du bien....

  A018000951 

 Au reste, que dires vous de nos afflictions domestiques? Ce n'est pas l'aymable belleseur de Thorens que vous avies veuë, c'est une seur toute autre que nous avons veu trespasser ces derniers jours; car, des un an en ça, elle estoit tellement perfectionnee qu'elle n'estoit plus connoissable, mais sur tout despuis sa viduité, qu'elle s'estoit voüee a la Visitation.

  A018000959 

 Ce n'est pas la madame de Thorens que vous aves veuë, quoy que celle-la fust fort aymable: c'est une madame de Thorens toute dediee a Dieu, toute relevee au desir de ne vivre qu'a Dieu, toute pleine de clarté es choses spirituelles et de la connoissance de Dieu et de soy mesme, et telle que l'on pouvoit esperer que dans peu de tems elle seroit une autre nostre Mere..

  A018000959 

 Vous vous imagineres bien de quelle sorte nous avons esté touchés ces jours passés, ma tres chere Fille.

  A018000960 

 Entre ceux qui la virent en cette derniere maladie, il y en eut qui, le jour suivant, me vindrent demander congé de l'invoquer, et d'autres qui vindrent renouveller leurs bons propos, esmeus du spectacle de cette mort toute pleine de douleurs extremes, et douleurs toutes parsemees de: « VIVE JESUS! Seigneur Jesus, tirés moy a vous.

  A018000960 

 Je ne vous diray rien de sa fin tressainte; on vous l'escrira de chez nos Seurs.

  A018000960 

 O Passion et Mort de mon Jesus, je vous embrasse, je vous ayme, je vous adore, vous estes mon esperance.

  A018000961 

 Or sus, ma tres chere Fille, il m'a fait grand bien de [76] vous dire ces quatre motz qui sont un eschantillon de la pieté de cette mort.

  A018000992 

 Je saisis cette occasion pour vous féliciter vivement de vos deux derniers livres, pleins de piété, par lesquels vous avez ranimé le cœur [78] des fidèles et les avez excités à poursuivre une perfection plus haute.

  A018000992 

 N'est-il pas permis de craindre, à un âge si avancé, après tant de labeurs supportés dès la jeunesse pour les intérêts de la chrétienté, qu'une pareille œuvre ne soit au-dessus, non de la vigueur de votre esprit, grâce à Dieu, mais de vos forces corporelles? Frayer cette voie nouvelle dans le champ des Ecritures, à la tête de jeunes recrues à peine en état de vous suivre, serait assurément une œuvre très utile..

  A018001007 

 Ayant sceu par monsieur le Prieur, monsieur Jean Moccand, la bonne disposition en laquelle vous [vous] treuves pour remettre vostre Monastere et Congregation au train de l'ancienne pieté de vostre Ordre, j'en ay loué Dieu de tout mon cœur et m'en suis grandement res-jouy, [81] comme de chose qui importe extremement au service de Dieu, et a vostre salut et consolation, et a l'edification des fideles..

  A018001008 

 C'est pourquoy je vous exhorte de toutes mes forces de prendre au plus tost entre vous la resolution de commencer; pour a quoy vous servir et assister, je vous envoyeray homme bien instruit et de bonne qualité, quand vous me feres sçavoir qu'il en sera tems, et moy mesme, s'il est requis, je m'y achemineray tres volontier, et m'estimeray bien heureux si je puis estre utile a faire reuscir un dessein si honnorable et pieux.

  A018001008 

 Prenes courage, Dieu sera parmi vous, qui fera l'œuvre, si vous l'en supplies; il ne vous a pas donné cette bonne disposition, qu'il ne veuille vous acheminer a la perfection de l'œuvre..

  A018001009 

 J'attendray cependant de vos nouvelles, et vous desirant toute sainte consolation, je demeureray, mes Reverens Freres,.

  A018001027 

 Je prens la confiance en vostre charité de vous prier que les pointz suivans soyent bien remonstrés, en sorte que, s'il est possible, l'audiencier les escrive..

  A018001041 

 Mays avant son retour nous aurons bien le contentement de le revoir, et vous aussi, ma tres chere Fille, a qui je souhaite mille et mille benedictions, qui suis infiniment vostre et.

  A018001145 

 C'est sans loysir que je vous escris, car le P. Redento part a l'improviste aujourd'huy, duquel j'attendois le despart seulement a lundi.

  A018001145 

 Madame la Marquise d'Urfé a receu le paquet des mains de monsieur le premier President, et s'est chargee, de sa grace, de le vous rendre..

  A018001145 

 Vous recevres un paquet ou sont les livres de l' Introduction et les nouvelles desplaysantes de nostre perte recente de nostre pauvre et tres aymable vefve.

  A018001146 

 Je [97] vous supplie, mon Reverend Pere, de me faire cette faveur que ce soit au plus tost..

  A018001146 

 Je vous supplie de me faire office vers Monseigneur le Reverendissime Cardinal, affin que je puisse sçavoir si ce sera a Grenoble ou a Paris que j'iray cet Advent et ce Caresme; car Son Altesse a promis a monsieur le Mareschal que j'iray a Grenoble, et a d'autres que j'iray a Paris, et je ne sçai auquel des deux son intention est que je m'attache.

  A018001147 

 Nous tascherons d'eschapper en toute façon d'avoir besoin du jardin des Peres, puisque je voy que cela en offence grandement quelques uns, qui m'ont dit que vous avies escrit que vous avies fait toutes les sollicitations.

  A018001148 

 J'ay receu une lettre de la premiere qui estoit addressee a Vostre Reverence, et en vostre absence, a moy, en laquelle j'ay plus de part que je ne merite; c'est pourquoy je ne vous la renvoye pas..

  A018001161 

 Mais me doutant que ces Peres de Saint Dominique ne voudront pas lascher ce dont nous avons besoin si on ne leur donne tout le susdit pré, je vous supplie de faire ce qui sera bonnement a faire, affin que Monsieur se contente que nous leur puissions donner le tout.

  A018001161 

 Vous recevres par M. Rousselet une de mes lettres, par laquelle je vous supplie de nous assister vers Monsieur pour obtenir le Pré Lombard en faveur des Seurs de la Visitation, et nous vous ouvrons un expedient: qu'au moins il luy playse de permettre que les susdites Dames en eussent la moytié pour donner en eschange aux Peres de Saint Dominique, gardant l'autre moytié pour en faire ce que Sa Grandeur voudroit.

  A018001162 

 Vous voyes, Monsieur mon Frere, comme je traitte avec vous, car j'escris ceci furtivement sans que personne le sçache, parce que le porteur ne me donne nul loysir.

  A018001176 

 Je croy fermement, ma tres chere Fille, que vostre cœur reçoit de la consolation de mes lettres, qui vous sont aussi escrites d'une affection nompareille, puisqu'il a [100] pleu a Dieu que ma dilection envers vous fust toute paternelle, selon laquelle je ne cesse point de vous souhaiter le comble de toutes benedictions..

  A018001177 

 Je ne sçai, certes, comme les ames qui se sont donnees a la divine Bonté ne sont tous-jours joyeuses, car y a-il bonheur esgal a celuy la? Ni les imperfections qui vous arrivent ne vous doivent point troubler, car nous ne les voulons pas entretenir et ne voulons jamais y arrester nos affections.

  A018001177 

 Tenes bien vostre courage relevé, je vous supplie, ma tres chere Fille, en la confiance que vous deves avoir en Nostre Seigneur, qui vous a cherie, vous donnant tant d'humbles attraitz a son service, et vous cherit en vous les continuant, et vous cherira en vous donnant la sainte perseverance.

  A018001178 

 Vous aves bien sceu, ma tres chere Fille, toutes nos petites afflictions, lesquelles j'aurois bien sujet de nommer grandes, si je n'eusse veu un amour special de Dieu envers les ames qu'il a retirees d'entre nous; car mon frere mourut comme un Religieux entre les soldatz, ma seur, comme sainte entre les Religieuses.

  A018001179 

 Monsieur vostre mary a bien rayson s'il m'ayme, car je le veux a jamais honnorer; et vous, ma tres chere Fille, je m'imagine que vous m'affectionnes tous-jours cordialement, et vostre ame vous respondra pour moy que je suis vostre, puisque Nostre Seigneur et Createur de nos espritz a mis cette liaison spirituelle entre nous.

  A018001179 

 Qu'a jamais son saint nom soit beni et vous rende eternellement sienne, qui est le souhait continuel,.

  A018001190 

 Il me semble, certes, que je le voy, ce Sauveur crucifié, au milieu de vostre ame comme un bel arbre de vie, qui, par les fleurs des bons desirs qu'il vous donne, vous promet les fruitz du divin amour qu'il produit ordinairement es lieux ou sont la rosee d'humilité, douceur et simplicité de cœur.

  A018001190 

 Vives donq bien ainsy, ma tres chere Fille: ce sont mes vœux et mes souhaitz continuelz, comme vous cherissant d'une affection singuliere, et me confiant que reciproquement vous souspireres souvent devant sa divine misericorde pour l'amendement de mon cœur, dont je vous conjure ardemment, ma tres chere Fille..

  A018001191 

 Que si je ne puis, [102] vous aures plus que vostre desir, puisque le bon Pere que j'ayme et honnore si cordialement, y fera cent fois mieux le service de nostre commun Maistre que moy..

  A018001191 

 Si je puis retourner a Saint André, ce sera de toute mon affection: vous aures vostre desir.

  A018001198 

 Je vous puis dire, Madame ma tres chere Seur, que toute cett'annee j'ay vescu parmi les mortz; car, outre une quantité d'amis et parens que j'ay perdus pour ce monde, j'ay veu ecclipser en trois moys mon frere, son filz unique et sa femme, que je cherissois incomparablement.

  A018001200 

 C'est pourquoy je n'ay plus rien a vous dire, sinon que je ne cesse jamais de souhaiter mille et mille benedictions a vostre chere ame que j'ayme de tout mon cœur, estant a jamais,.

  A018001200 

 Je sçai que vous irés digerer ce desplaysir au pied de la Croix de Nostre Seigneur ou toutes nos amertumes deviennent douces.

  A018001212 

 Mais ce souhait, entre vous et moy, qui serois estimé homme d'ambition excessive si quelqu'un l'entendoit; et neanmoins, j'y ay certes aussi peu d'ambition que d'esperance, a cause de l'exclamation du Sauveur: O quam difficile est hominem divitias habentem, etc..

  A018001214 

 Je fus l'autre jour dire a Dieu a mon tres cher, tres aymable et tres digne voysin Monseigneur de Belley, qui s'en reva en son Paris et païs prescher a Saint Severin; et outre mille qualités qui m'obligent a l'honnorer, je le vis si plein d'amour, de respect et d'estime pour vos merites quil ne se peut rien adjouster, et partant vous fustes une grande part de nos plus doux entretiens..

  A018001217 

 Vous commanderes, et vous seres obei de tous eux, et de moy en verité plus affectionnement que de tout le reste, puisque, vous baysant tres humblement les mains et vous souhaitant toute sainte fœlicité, je suis,.

  A018001261 

 Que s'il faut defendre au notaire de n'en rien monstrer, je vous prie d'en prendre la peyne, car je m'en vay dans demi heure au college..

  A018001262 

 Il me parla du mariage de M. de Foras en termes extremement extravagans, et me dit qu'il avoit charge de vous en parler et a ma fille; mais ces paroles procedent d'un mauvais fondement, car ilz croyent que l'on vous ayt fait la demande, et a M lle de Chantal, pour qu'on veuille mespriser le consentement du frere et de [110] l'oncle.

  A018001263 

 Je vous iray voir sans faillir.

  A018001263 

 Soulagés-vous, ma tres chere Mere, au mieux qu'il se pourra.

  A018001282 

 Et je vous prie de croire que je vous ay neanmoins escrit plus d'une fois despuis, et que je suis bien marri quand je sçay que vos addresses me manquent, car je fay beaucoup d'estat de vos escris, esquelz j'apprens ordinairement et treuve une particuliere consolation..

  A018001282 

 Je n'ay point receu de vos lettres des quil vous pleut de me faire sçavoir que vous desiries des miennes pour ces messieurs de la cour, en recommandation de vos droitz.

  A018001283 

 Voyla ce que je vous puis dire, et ce qui me feroit desirer leur introduction es lieux ou les Peres Jesuites ne sont pas.

  A018001284 

 Je voy, ce pendant, madamoyselle vostre femme, que je cheris a la verité tres cordialement, sur la croix, entre les clouz et les espines de plusieurs tribulations qu'elle sent et que vous ressentés.

  A018001284 

 Que vous dirois je sur cela, Monsieur mon tres cher Frere? Interroges souvent le cœur de Nostre Seigneur, d'ou cett'affliction procede, et il vous fera sçavoir qu'elle a son origine dans le divin amour.

  A018001285 

 Et a la verité, pour parler cœur a cœur avec vous, je n'ay presque jamais osé adjouster ce qui s'ensuit: Amove a me plagas tuas..

  A018001285 

 Toute cett'annee nous avons vescu parmi les adversités, et je croy que vous aures sceu le trespas inopiné de mon frere et de, ma seur, que j'appelle inopiné, car, qui l'eut pensé? mais trespas tres heureux pour le genre et la sainteté du passage; car, particulierement ma chere petite seur, fit sa (sic) depart avec tant de pieté et de suavité, qu'un docte medecin qui le vit me dit que si les Anges estoyent mortelz ils desireroyent cette sorte de mort.

  A018001286 

 Quil soit vostre consolation, et de madamoyselle que je vous prie treuver bon que je nomme [114] ma chere fille.

  A018001305 

 Commandes donq, je vous prie, que [115] de la main de madamoyselle de Chantal, ma fille bien-aymee, ou de ma chere Seur de Chastel, me soit envoyé quelque petit billet qui m'en apporte, ou du moins quelque message d'honneur..

  A018001335 

 Et puisque j'ai parlé des Sœurs de la Visitation, je dirai encore quatre mots sur le dernier point de la lettre que vous m'avez envoyée par le P. D. Redento.

  A018001337 

 Et puisque je n'ai pas le temps d'écrire plus longuement, ou plutôt, ayant sujet de vous faire agréer mes excuses pour m'être trop étendu, je souhaite à Votre Paternité Révérendissime tout saint bonheur dans le service du Seigneur, et je demeure.

  A018001362 

 Dieu, par sa bonté, vous conserve, ma tres chere Mere.

  A018001362 

 Mon cœur vous salue infiniment et a tous-jours le vostre [123] au dessus de toutes ses affections.

  A018001362 

 Qu'a jamais soyes vous benie ma tres chere Mere..

  A018001373 

 Que vous diray je, ma tres chere Fille? Certes, je me porte bien, mais tous-jours en peyne de nostre Mere, que je laissay un peu mieux qu'elle n'estoit il y a dix ou douze jours, mais tous-jours en danger.

  A018001374 

 Je suis icy receu avec joye, et ne nous manque que [124] nostre seur Barbe Marie, laquelle sachant vers vous je ne requiers point.

  A018001374 

 Ma tres chere Fille, je vous salue de tout mon cœur et suis tres parfaitement vostre..

  A018001387 

 O Dieu, Sauveur de nostre ame, qui estes le jour de la clarté eternelle, donnés ce jour temporel et dix mille apres, bons et utiles, saintz et aggreables, a la Fille bienaymee qu'il vous a pleu rendre mienne et pretieuse a mon cœur comme moy mesme..

  A018001397 

 Je ne pouvois mieux faire recevoir mon remerciement au celeste Medecin qui vous a guerie, que par les mains de ma Dame sa Mere, Marie conceuë sans peché, nostre chere et souveraine Maistresse.

  A018001409 

 C'est pourquoy, bien que par les projetz de l'annee passee je devois m'imaginer que vous n'esties plus icy, si est ce que je n'ay peu m'empescher que d'abord mon cœur ne vous cherchast autour de [128] madame vostre mere.

  A018001409 

 Et je ne vous ay [cherchée que] pour premierement me res-jouir avec vous de vostre heureux mariage, car on m'en dit beaucoup de bien; que vous aves tant de contentement et que vous en rendes tant, que monsieur vostre mari est si vertueux, et que le lien d'une sainte et forte amitié vous tient unis ensemble; en somme, que vous aves toute occasion de louer Dieu, qui vous a fait rencontrer si favorablement le soin de monsieur vostre pere et de madame vostre mere..

  A018001409 

 Les marques d'une vraye vertu et pieté que j'ay veuës en vostre ame et l'estime que je fay de vostre merite ne permettront jamais que je cesse de vous honnorer et cherir parfaitement.

  A018001410 

 Et puis, me resouvenant que vous aves esté un peu ma fille spirituelle, je vous supplie de vivre bien conformement a la grace que Nostre Seigneur vous a faite, et de correspondre fidelement a la lumiere qu'il vous a envoyee par tant d'instructions qu'il vous a fait donner..

  A018001411 

 Elle vous acquerra....

  A018001411 

 Rien ne vous honnorera tant que cette humilité, car Dieu exalte les humbles.

  A018001411 

 Souvenés vous, Madamoyselle, de vivre tous les jours en humilité, affin que Dieu vous benisse en toute vostre mayson, puisqu'il est certain que Dieu resiste aux superbes et vains, et donne aux humbles sa grace.

  A018001413 

 Je ne vous dis rien de la sainte devotion, qui est desirable en tous tems et tous lieux; car, comme vous sçaves, parmi les joyes et contentemens, elle modere nos espritz; [129] entre les adversités, elle nous sert de refuge et nous delasse; et, quoy qu'il nous arrive, elle nous fait benir Dieu, qui est meilleur que tout.

  A018001414 

 Et quand vous seres quelquefois en priere, priés, je vous supplie, un peu pour moy, qui de tout mon cœur vous souhaitte, et a monsieur vostre mari que je veux honnorer de toute ma force, mille et mille benedictions, demeurant,.

  A018001414 

 Voyés, je vous supplie, ce que j'ay marqué au livre de l' Introduction a la Vie devote, de la douceur et suavité que l'on doit soigneusement nourrir au mariage; et pour bien apprendre a prattiquer les enseignemens que vous y treuveres, il faut commencer des maintenant d'en essayer, en faysant faire l'exercice du matin et du soir.

  A018001429 

 J'ay veu les suggestions que l'ennemy de vostre avancement fait a vostre cœur, ma tres chere Fille, et voy [130] d'ailleurs la grace que le tressaint Esprit de Dieu vous donne pour vous maintenir forte et ferme en la poursuite du chemin auquel il vous a mis.

  A018001430 

 Il est vray que vous y aves des grandes mortifications de cœur, vous y voyant si imparfaite et digne d'estre souvent corrigee et reprise; mais n'est-ce pas ce que vous deves chercher, que la mortification du cœur et la connoissance continuelle de vostre propre abjection?.

  A018001430 

 Ne vous laisses donq point esbransler, mais demeures ou Nostre Seigneur vous a mis.

  A018001430 

 Ouand vous pristes l'habit, apres plusieurs prieres et beaucoup de considerations, il fut treuvé bon que vous entrassies en l'escole de l'obeyssance et de l'abnegation de vostre propre volonté, plustost que de demeurer abandonnee a vostre propre jugement et a vous mesme.

  A018001430 

 Vous estes amatrice de ces volontaires penitences, si toutefois penitences se doivent nommer les œuvres de l'amour propre.

  A018001431 

 Mais, ce dites vous, vous ne pouves pas faire telle penitence que vous voudries.

  A018001432 

 Mais je dis trop: Dieu luy mesme vous tiendra de la mesme main de sa misericorde avec laquelle il vous a mis en cette vocation, et l'ennemy n'aura point de victoire sur vous, qui, comme la premiere fille de ce païs-la, deves estre bien espreuvee par la tentation, et bien couronnée par la perseverance..

  A018001446 

 Ma tres chere Fille, pour Dieu, ayes bon courage; c'est aussi pour luy que vous vives et travailles.

  A018001454 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Niece, ma Fille, dequoy vous perseveres tous-jours au soin de luy garder les plus pretieuses affections de vostre cœur.

  A018001454 

 Que vous seres heureuse, si cette perseverance dure jusques a la fin de cette miserable vie! car ainsy cette fin sera le sacré commencement d'une belle et tressainte eternité..

  A018001455 

 Il faut bien tous-jours tenir ferme en nos deux cheres vertus, la douceur envers le prochain et la tres aymable humilité envers Dieu; et j'espere qu'il sera ainsy, car ce grand Dieu qui vous a pris par la main pour vous tirer a soy, ne vous abandonnera point qu'il ne vous ayt logee en son tabernacle eternel.

  A018001456 

 Ne vous estonnes nullement de vos distractions, froideurs et secheresses, car tout cela se passe en vous du costé des sens et en la partie de vostre cœur qui n'est pas entierement en vostre disposition; mays, a ce que je voy, vostre courage est immobile et invariable es resolutions que Dieu nous a donné.

  A018001457 

 Aussi n'est-il pas dit au passage que vous m'aves allegué, que le juste se voit ou sent tomber sept fois le jour, mais qu'il tombe sept fois; aussi il se releve sans attention a ses relevees.

  A018001457 

 Et ne vous troubles point dequoy vous ne remarques pas toutes vos menues cheutes pour vous en confesser; non, ma Fille, car, comme vous tombes souvent sans vous en appercevoir, aussi vous vous releves sans vous en appercevoir.

  A018001457 

 Ne vous mettés donq pas en peyne pour cela, mais allés humblement et franchement dire ce que vous aures remarqué; et pour ce que vous n'aures pas remarqué, remettes le a la douce misericorde de Celuy la qui met la main au dessous de ceux qui tombent sans malice, affin qu'ilz ne se froissent point, et les releve si vistement et doucement qu'ilz ne s'apperçoivent pas, ni d'estre tombés, parce que la main de Dieu les a recueillis en leurs cheutes, ni d'estre relevés, parce qu'elle les a retirés si soudain qu'ilz n'y ont point pensé..

  A018001466 

 Mon Dieu, ma tres chere Fille, que vous autres qui estes les premieres Meres et comme les colomnes de cette petite Congregation, deves estre grandement humbles, vertueuses et unies a l'esprit de Dieu, puisque vous voyes que de toutes partz l'on vous desire, par tout l'on cherche des greffes et plantes de vos pepinieres; car voyla Grenoble, Turin, Montpellier, Valence, Clermont, Le Mans, en somme par tout il semble que l'on vous veuille a l'envi, sans que par nul artifice on recherche ces recherches....

  A018001516 

 Il faut que je vous die que les Regles dont on demande l'approbation sont toutes conformes a la Regie de Saint Augustin, hormis en la clausure absolue, que saint Augustin n'avoit pas establie, a laquelle neanmoins les Seurs se veulent astreindre, selon le sacré Concile de Trente.

  A018001516 

 Je pensois vous marquer les autres pointz; mais je me resouviens que le P. Procureur general les a bien au long.

  A018001517 

 Je ne voy pas qu'il soit besoin de vous advertir d'autre [141] chose sur ce sujet, sinon que, quant au Monastere de cette ville, attendu que l'eglise d'iceluy est consacree sous le tiltre de la Visitation de Nostre Dame et du glorieux saint Joseph, il seroit desirable que l'on obtinst Indulgence pleniere pour ces jours la, et pour les jours des tiltres des autres Maysons et Monasteres de cette Congregation, outre l'Indulgence du jour de la Visitation, qui est le tiltre general de la Congregation..

  A018001534 

 Et comme m'eussies vous peu tant aymer si vous n'eussies eu le sentiment de l'invariable nature de mon ame en cette passion d'amitié?.

  A018001534 

 Je receu a Grenoble la lettre quil vous pleut m'escrire le 6 decembre 1617; mays que vous diray-je? Ni moy et tout je ne le croy pas que jamais vous puyssies entrer en opinion que je varie et chancele en la sincere et solide affection que j'ay de vous honnorer et cherir a jamais, sans reserve ni exception quelcomque.

  A018001534 

 Non, Monsieur montres cher Frere, vous n'aures jamais cette cogitation, et ce n'est pas cela qui vous fait demander une cedule de [143] moy pour vostre asseurance; car je suis certain que l'amitié dont vous me favorises est si parfaite qu'elle est au dessus de toute desfiance.

  A018001535 

 Or sus, c'est asses dit pour cette verité que jamais vous ne revoqueres en doute..

  A018001535 

 Que si vous voulies neanmoins une cedule de mon cœur, comme vous me le signifiés, envoyes moy donq le vostre sur lequel je l'escriray, car nul autre papier n'est capable de cette sorte d'escriture.

  A018001535 

 Vous le sçaves donq bien, je m'en asseure, je suis exempt de ses vicissitudes, et mesme mon affection ayant rencontré un object si invariablement aymable comme vous estes, mon tres cher Frere; mays il ny a remede, il faut que vostre amour s'esgaye a me demander des certitudes du mien, dont toutefois il ne peut douter.

  A018001537 

 Mays quant a ma chere niece vostre fille, j'en demeuray fort satisfait; je vous supplie de vous en asseurer.

  A018001537 

 Pleut a Dieu seulement qu'elles eussent poursuivi leur voyage jusques icy, ou madame de Chantal leur avoit præparé une douce retraitte pour tant qu'elles eussent volu; je m'asseure qu'elles s'en fussent retournees fort consolees de voir la devotion qui se prattique en la Mayson de la Visitation, ou maintenant nostre fille est portiere pour la seconde fois, tant on estime sa vertu que de luy donner cette charge, l'une des plus importantes, affin que je vous die encor ce mot de consolation..

  A018001539 

 Le bon Pere Dom Pierre a rayson de m'aymer, puisqu'il vous honnore si fort et que je suis vostre cher frere.

  A018001539 

 Vous l'aves conduit a præsjuger pour moy: et comme pourroit il autrement juger? Je n'ay pas le bonheur de le connoistre, mais ouy bien de connoistre sa Congregation que j'ay au milieu de mon cœur, et de laquelle je respecte et le General et plusieurs autres grans personnages qu'elle reunit, auxquelz donq je joindray celuy ci et le luy tesmoigneray a la premiere commodité qui s'en presentera.

  A018001540 

 Mais, oserois-je vous dire un surcroist de desplaysir qui m'est arrivé en cett' occasion? Je le feray, Monsieur mon tres cher Frere, mais c'est en confiance, vous suppliant que si il ne vous en est parlé, il vous playse n'en rien tesmoigner a personne..

  A018001540 

 Vous aures sceu combien l'annee passee nous a esté dure par le trespas de mon frere, de son filz et de sa femme qui en moins de quatre moys ont esté emportés.

  A018001541 

 Et neanmoins, Monsieur mon tres cher Frere, je vous dis le cœur ouvert et devant le Scrutateur des cœurs, que ni directement ni indirectement, ni par moy ni par entremise d'aucun, onques je ne parlois a cette chere seur ni de tester, ni de rien faire de tout ce qu'elle fit pour mes freres.

  A018001542 

 Je n'ay sceu me retenir, Monsieur mon Frere, de vous dire ce petit mal de cœur, sachant a qui je le dis; car d'en escrire a M. de Bourges, qui ne m'en a point escrit, je ne le juge pas a propos, et me contente de sçavoir en mon ame que suis exempt de ces viles prattiques, ne sçachant mesme pas ce que les testemens de mes pere et mere contiennent, sinon pour rayson des legatz pieux.

  A018001543 

 Dieu, par son infinie bonté, vous conserve et comble de bonheur, Monsieur mon Frere, avec madame ma chere seur, et suis.

  A018001556 

 Je les recevray avec playsir, a condition que vous vous chargeres des femmes, car en fin, qu'en ferois-je? [148].

  A018001565 

 Or, il a un'affaire devant la cour et, de bonne fortune, en la Chambre de la Tournelle en laquelle vous estes; et je vous supplie donq tres humblement, Monsieur mon Frere, de la (sic) gratifier de vostre appuy au soustenement de son bon droit, puisque mesme il implore mon [149] intercession aupres de vous, sachant le bien que j'ay d'estre advoüé vostre frere..

  A018001565 

 Vay-je point trop souvent a vostre porte? Vous importune-je point par mes si frequentes supplications? Certes, je ne dois, ni ne puis, ni ne veux manquer au devoir que j'ay a monsieur le Marquis d'Aix, qui me fait la faveur de m'aymer tres particulierement et que pour ses rares qualités j'honnore parfaitement.

  A018001566 

 Le voyage du Prince Cardinal de Savoye estant differé pour quelque tems et, comme je croy, jusques a carneval, je suis par consequent d'autant esloigné de l'esperance que j'ay que par quelque rencontre ce voyage me pourra donner le bonheur de vous voir.

  A018001566 

 Mays ce pendant je ne laisseray pas de vous avoir present a mon ame, ni de prier Nostre Seigneur qu'il vous comble, et madame ma seur, de toute sainte prosperité, qui suis,.

  A018001584 

 Conservés-le donq bien, ce cœur, en ce juste contentement qu'il a de se sentir en paix avec son Dieu; paix de laquelle le prix n'est point au monde, non plus que la recompense, puisqu'elle vous est acquise par le merite [150] du sang de nostre Sauveur, et qu'elle vous acquerra le Paradis eternel, si vous la gardes bien.

  A018001584 

 Et vous le feres, je le sçai bien; car vous invoqueres Dieu, affin qu'il vous en continue la grace, et prendres soin de bien prattiquer ce que je vous ay conseillé, que j'espere de confirmer par mon retour, puisque, comme j'ay opinion, le voyage de ce Prince que je devois accompaigner est retardé..

  A018001584 

 Faites-le donq, ma tres chere Fille, et ne fuyes rien tant que ce qui la vous peut oster.

  A018001585 

 Ce pendant, faites-moy part a vos prieres, puisque je ne cesseray jamais de vous souhaiter toute sorte de bonheur, et seray toute ma vie,.

  A018001597 

 Certes, puisque vous le voules, je ne sçaurois aussi plus me priver de ce contentement..

  A018001597 

 Si jamais ma bouche a refusé de vous nommer ma fille, ç'a esté sans le consentement de mon cœur, qui des le premier abord du vostre sentit bien que Dieu luy donnoit [151] une forte et invariable affection, toute vrayement paternelle pour vous; mais on n'ose pas tous-jours parler comme on desireroit, sur tout quand on doit du respect a ceux qui portent les mesmes tiltres que nous voudrions avoir.

  A018001598 

 Cependant il est fort certain, comme vous dites, que ce bon œuvre ne se fera pas sans quelques contradictions; car, comme seroit-il bon autrement? Mais pour cette dame, je ne croy pas qu'elle la face longue, puisqu'elle est vertueuse et de bon esprit; et puis, Dieu dissipe les cogitations humaines par sa science celeste..

  A018001598 

 Et vous diray donq, ma tres chere Fille, que je suis bien ayse que ces filles soyent venues icy faire l'apprentissage du sacré mestier que par apres elles iront exercer, comme j'espere, dedans le païs de leur naissance et de mon affection: pour moy, je n'en puis plus douter, voyant cette generale concurrence des souhaitz qu'en font tant de gens de bien.

  A018001600 

 Je ne suis pas hors d'esperance de vous revoir ce Caresme, et de vous dire de vive voix, comme je le dis de tout mon cœur, que je suis,.

  A018001631 

 Quand on m'a osté d'aupres de vous, ça esté pour monsieur de Sainte Catherine, mais je pensois que ce fust un accident comme l'autre fois; et voyla que ça esté pour luy faire saintement dire dix ou douze fois: VIVE JESUS! et protester qu'il avoit toute son esperance en la mort de Nostre Seigneur: qu'il a prononcé avec beaucoup de force et de vivacité, et puis s'en est allé ou nous avons nos pretentions, sous les auspices du grand saint Paul.

  A018001652 

 En la vacance de la chapelle de Sainte Catherine par le trespas du bon et devot M. de Quoëx, j'ay rencontré par mon desir le choix que monsieur vostre mari et vous aves fait; et je n'avois garde de faillir, puisque monsieur le Doyen vous est si proche en toutes façons, que vostre bon naturel ne vous eut pas permis de faire autrement.

  A018001652 

 Il m'a dit tout ensemble, et l'obligation [158] qu'il vous en avoit, et la difficulté, ou plustost la consideration pour laquelle il n'avoit pas l'acte de la nomination: qui estoit que monsieur vostre mari auroit quelque sorte d'opinion de pouvoir un jour luy mesme la deservir..

  A018001653 

 Mays, Madame, il faut que je vous die trois choses en confiance.

  A018001653 

 Sur cela, Madame, il me semble que vous deves des maintenant gratifier ce neveu qui vous appartient en tant de façons, et luy donner la nomination, affin de conserver vos droitz et l'intention des prasdecesseurs..

  A018001654 

 Pour [ce], je vous escris ainsy librement et sans art, sachant que vous m'aymes franchement, et croires aysement que je parle selon le devoir et l'affection que je vous ay et qui me rend, Madame,.

  A018001669 

 Je vous escris sans loysir, comme je fay presque tous-jours en cette multiplicité d'affaires qui m'accablent.

  A018001670 

 Et ne faut point craindre que vos parens vous y faschassent, car y vivant en une bonne et sainte reformation, chacun vous y reverra avec un amour nompareil; et puis, il ne faut pas tant regarder a vostre personne particuliere qu'au public et a la posterité.

  A018001670 

 Je vous ay des-ja escrit qu'il ne failloit nullement penser a transplanter vostre Monastere a Lion; car, a quel propos oster une si notable fondation d'une province et d'un diocese pour la porter en un autre? Ni le Pape, ni l'Evesque, ni le païs, ni le Parlement ne le permettront jamais.

  A018001670 

 Mais si vous ne pouves ranger vostre esprit a cet advis, du moins que ce soit a Chastillon..

  A018001671 

 Il faut que vostre courage surnage a tout cela; et croyes que si vous estes bien resolue de vivre en charité avec elles, leur monstrant un cœur de douce mere, qui a oublié tout ce qui s'est passé jusqu'a present, vous les verres toutes revenir a vous dans bien peu de moys..

  A018001671 

 Je n'appreuve nullement que vous separies vos filles, tenant les unes comme vos affectionnees et partisanes, et les autres comme distraittes de l'affection qu'elles vous doivent, ni qu'on leur reinette leurs pensions ou autres particularités.

  A018001672 

 De renvoyer ce point a eux, il n'est pas raysonnable; il faut que ce soit vous qui commencies.

  A018001672 

 Et non seulement a elle, mais escrivés aussi a M. le President et a monsieur [161] d'Origny, leur disant qu'apres tant de tourmens que vou saves souffertz, en fin Nostre Seigneur et vostre vocation vous convient de les prier de vous assister au dessein qui a tous-jours esté en vostre ame, de reduire vostre Monastere a quelque perfection de la vie religieuse, et qu'es occasions vous les advertires des moyens requis a cet effect, a ce qu'ilz vous aydent; car en fin, ma tres chere Fille, il faut avoir la paix, et la paix naist de l'humilité.

  A018001672 

 Je vous prie, escrivés luy en esprit de douceur et d'humilité, et, sans faire conte des choses passees, tesmoignés que vous estes fille de Nostre Seigneur crucifié.

  A018001672 

 Madame la Premiere vous escrira.

  A018001673 

 Dieu, par sa bonté, vous comble de son Saint Esprit, affin que vous vivies en luy et a luy..

  A018001683 

 Vostre Baron ne me parla point de son cousin M. de Rabutin, ni moy a luy; mais je croy qu'il ne [162] desire pas que vous luy parlies, comme en effect, aussi bien sera-ce chose inutile, sinon en general, et dissimulant la particularité..

  A018001684 

 Ce pendant, je vous donne le bon jour de tout mon cœur..

  A018001691 

 Il ne faut nullement que cela soit, car, ou vous pleures sur luy, ou pour vous.

  A018001691 

 Mon cher Frere (car je suis en la place de celuy que nostre bon Dieu a retiré pres de luy), on me vient de [163] dire que vous pleures continuellement pour cette veritablement bien sensible separation.

  A018001691 

 Si c'est sur luy, pourquoy pleurer, que nostre Frere est en Paradis ou les pleurs n'ont plus de lieu? Que si pour vous, n'y a-il point trop d'amour propre (je parle avec vous ainsy franchement), d'autant qu'on jugera que vous vous aymes plus que son bonheur, qui est incomparable? Et voudries vous que, pour vous, il ne fust pas avec Celuy in quo movemur et sumus, tous tant que nous sommes qui acquiesçons a son saint playsir et divine volonté?.

  A018001692 

 Et en somme, pensés souvent en elle et en luy, et vous vivres joyeux, comme je le souhaite de tout mon cœur, avec lequel je me recommande a vos prieres et vous asseure que je suis vostre..

  A018001718 

 M. Roch votre frère se rendant vers vous, je vais aussi en esprit avec lui saluer Votre Révérence et la prier de demeurer joyeuse, autant qu'elle le pourra, en cette tribulation.

  A018001719 

 Ainsi, vous souhaitant toute vraie consolation après cette épreuve, je me recommande de tout cœur à vos prières..

  A018001734 

 Re non integra, je pense que cette attestation soit suffisante, laquelle pour cela je vous renvoye, affin qu'elle serve au suppliant..

  A018001736 

 Je vous prie de voir que c'est et m'en tenir adverti, bien que je ne laisseray pas d'en parler avec monsieur de Blonnay, puisque il vient de deça, a ce quil m'escrit..

  A018001761 

 Ce m'eust esté une consolation sans pair de vous voir toutes en passant, mais Dieu ne l'ayant pas voulu, je m'arreste a cela; et ce pendant, ma tres chere Fille, tres volontier je lis vos lettres et y respons..

  A018001762 

 Mays je sçai bien aussi que vous n'en doutes pas, ains seulement vous exprimes ainsy l'aridité, secheresse et insensibilité en laquelle la portion inferieure de vostre ame se treuve maintenant.

  A018001762 

 O Nostre Dame! ma trrs chere Fille, si Nostre Seigneur pense en vous et s'il vous regarde avec amour? Ouy, ma trrs chere Fille, il pense en vous, et non seulement [170] en vous, mais au moindre cheveu de vostre teste: c'est un article de foy, et n'en faut nullement douter.

  A018001763 

 Et dites-moy, ma tres chere Fille, n'aves vous pas intention d'estre a Dieu? ne voudries vous pas le servir fidelement? Et qui vous donne ce desir et cette intention, sinon luy mesme en son regard amoureux? D'examiner si vostre cœur luy plaist, il ne le faut pas faire, mais ouy bien si son cœur vous plaist; et si vous regardes son cœur, il sera impossible qu'il ne vous plaise, car c'est un cœur si doux, si suave, si condescendant, si amoureux des chetifves creatures, pourveu qu'elles reconnoissent leur misere, si gracieux envers les miserables, si bon envers les penitens! Et qui n'aymeroit ce cœur royal, paternellement maternel envers nous?.

  A018001763 

 Et que Dieu vous regarde avec amour, vous n'aves nul sujet d'en douter; car il voit amoureusement les plus horribles pecheurs du monde, pour peu de vray desir qu'ilz ayent de se convertir.

  A018001764 

 Vous dites bien, ma tres chere Fille, que ces tentations vous arrivent parce que vostre cœur est sans tendreté envers Dieu; car c'est la verité que si vous avies de la tendreté vous auries de la consolation, et si vous avies de la consolation vous ne series plus en peyne.

  A018001766 

 Ne permettes jamais a vostre esprit de nourrir volontairement des pensees contraires; et quand elles vous arriveront, ne les regardés point elles mesmes, destournés vos yeux de leur iniquité, et retournés devers Dieu avec une courageuse humilité, pour luy parler de sa bonté ineffable par laquelle il ayme nostre chetifve, pauvre et abjecte nature humaine, nonobstant ses infirmités..

  A018001766 

 Vivés joyeuse: Nostre Seigneur vous regarde, et vous regarde avec amour, et avec d'autant plus de tendreté que vous aves d'imbecillité.

  A018001774 

 Et vous donq, ma Fille, soyes bien forte parmi les afflictions de vostre Mayson.

  A018001774 

 Je vous voy, ma tres chere Fille, toute malade et [173] dolente sur les maladies et douleurs de vos filles.

  A018001775 

 Quant a la Seur de laquelle vous m'escrives, Dieu vous fera prendre le conseil convenable.

  A018001775 

 Salués, je vous supplie, ces deux filles tendrement de ma part, car je les ayme ainsy..

  A018001777 

 Dilatés cependant vostre cœur, ma chere Fille, mon ame, parmi les tribulations; aggrandisses vostre courage, et voyes le grand Sauveur penché du haut du Ciel vers vous, qui regarde comme vous marches en ces tourmentes, et, par un filet de sa providence imperceptible, tient vostre cœur et le balance en sorte qu'a jamais il le veut retenir a soy..

  A018001778 

 Je ne dis pas ceci, non, ma chere grande Fille, vous tenant pour descouragee, mais vous tenant pour adoloree, et m'estant advis que je dois mesler mes souspirs avec les vostres, comme je sens mon ame meslee avec la vostre..

  A018001778 

 O ma tres chere Fille, vous estes espouse non pas encor de Jesus Christ glorifié, mais de Jesus Christ crucifié: c'est pourquoy les bagues, les carquans et enseignes qu'il vous donne et dont il vous veut parer sont des croix, des clouz, des espines, et le festin de ses noces est de fiel, d'hyssope, de vinaigre.

  A018001779 

 Voyes vous, ne me dites point que vous abuses de ma bonté a m'escrire des grandes lettres; car en verité, je les ayme tous-jours suavement..

  A018001781 

 Je suis vostre, ma tres chere Fille, vous le sçaves bien, mais je dis vostre d'une façon incomparable..

  A018001832 

 Il y a peu de jours, je reçus de la part du bon Père D. Juste un chapelet avec la croix du bois de saint François, qui, à ce qu'il m'écrivit, m'est aussi offert par [178] vous.

  A018001834 

 A lui soit honneur, gloire et bénédiction éternelle, et à vous, Madame, toutes les grâces que vous souhaite,.

  A018001834 

 Pour vous y encourager, je vous assure que cette Congrégation croît toujours plus dans la perfection religieuse et répand une telle odeur [de vertu], que de plusieurs côtés on demande des Sœurs pour fonder des Monastères.

  A018001860 

 Vous le pourres encor prier, ce brave Valentin, qu'il prenne aussi ce bouquet, et que de sa main il le vous face odorer, et mesme qu'il vous en rende quelqu'autre en eschange; qu'il vous donne des gans parfumés, couvrant vos mains d'oeuvres de charité et d'humilité, et vous donne des brasseletz de corail, des chaisnes de perles; et ainsy faut [183] il exercer des tendresses d'amour avec ces heureux gentilzhommes de ce Roy de gloire..

  A018001860 

 Vous me demandes, ma tres chere Fille, quel bouquet vous pourres donner a vostre Valentin? Il doit estre fait de quelques petites actions de vertu, que vous prattiqueres expres en faveur de ce Valentin celeste, et au bout de la meditation du matin, vous le luy presenteres, affin qu'il le consacre a vostre cher Espoux.

  A018001860 

 Vous pouves aussi en cueillir quelquefois au jardin des Olives, sur le mont de Calvaire (je veux dire ces bouquetz de myrrhe de vostre saint Bernard), et supplier le celeste Valentin de les recevoir de vostre cœur et d'en louer Dieu, qui est comme s'il en respandoit l'odeur, puisque vous ne pouves ni asses dignement flairer ces divines fleurs, ni asses hautement en louer la suavité.

  A018001861 

 Il me semble que ce fut saint Thomas d'Aquin que vous tirastes pour le mois: le plus grand Docteur qui aye jamais esté.

  A018001862 

 Or, parlons un peu de ce cœur de ma tres chere Fille: s'il estoit a la veuë d'une armee d'ennemis, ne feroit-il pas des merveilles, puisque la veuë et le rencontre d'une petite fille maussade et escervelee le trouble si fort? Mais ne vous troubles pas, ma tres chere Fille, il n'est point d'ennuy si importun que l'ennuy qui est composé de plusieurs petites, mais pressantes et continuelles importunités.

  A018001863 

 Ne la corriges pas, si vous pouves, en cholere; prenes la peine qu'elle vous donne a gré, et me croyes tout vostre..

  A018001863 

 Recourés bien a l'humilité, et pour ce peu de tems que cet exercice durera, essayés-vous de la supporter en la presence de Dieu, et d'aymer cette pauvre chetifve pour l'amour de Celuy qui l'a tant aymee qu'il est mort pour elle.

  A018001887 

 Or, Dieu soit loué de vostre arrivee en bonne santé et des peines que vous aves souffertes en chemin, comme encor du mauvais estat auquel vous aves treuvé l'affaire de la Visitation, contre l'esperance en laquelle on nous avoit nourri.

  A018001888 

 Mays pourtant, affin que de nostre costé nous attirons le bon succes par toute la sousmission quil nous sera possible, je vous diray, mon tres cher Pere: premierement, que si vous voyes du jour qu'avec un peu d'importunité nous puissions obtenir les trois articles que nous [186] demandons, je vous supplie de faire tout effort opportune, importune..

  A018001889 

 Mais toutefois, si vous voyes qu'on ne les puisse pas obtenir tous trois, qu'au moins on tienne bon en la poursuite de celuy du petit Office; car le grand Office dissiperoit et le lustre et la fin de cette Congregation, puisqu'on ne pourroit pas le dire avec la gravité requise, ni avec la bonne prononciation, et que plusieurs femmes et filles foibles de veüe ou d'estomac, quoy que grandement devotes d'ailleurs, ne pourroyent estre receües.

  A018001892 

 Et quant a vous, mon Reverend Pere, vous sçaves ce que je vous suis, c'est a dire que je suis vostre, sans reserve ni condition, et.

  A018001892 

 Je sçai que si Monseigneur de Lyon affectionne le bon evenement de cette negociation, il le fera reuscir heureusement; et bien que je ne luy escrive pas, respectant ses occupations, si ne laisse je pas de luy faire la reverence et vous supplier de l'asseurer de ma fidelité tres humble a son service.

  A018001909 

 Faites moy cependant lhonneur, je vous supplie, de perseverer a m'aymer, puisque je seray toute ma vie, et [189] de vous et de celle qui est toute vous mesme, Monsieur,.

  A018001926 

 Mays, Madame, ne laisses pas, je vous supplie, pour cela de croire qu'en toutes occurrences je ne le serve de tout mon pouvoir avec particuliere affection, comme estant de tout mon cœur,.

  A018001943 

 Je vous prie, ma tres chere Mere, de preparer doucement nos petites avettes pour faire une sortie au premier beau tems, et venir travailler dans la nouvelle ruche pour laquelle le ciel prepare bien de la rosee..

  A018001960 

 Accablé des sermons et de mill'autres surcharges, je vous diray que vous pouves, a mon advis, recevoir ces filles pour soulager vostre Mayson et gratifier ceste damoyselle d'honneur qui le desire, puisqu'il ny a nul inconvenient, les personnes estant si discrettes que la discipline n'en sera point incommodee..

  A018001961 

 Encor me confirme-on que cett'esté se fera le voyage de Monseigneur le Cardinal; qui me donne esperance de vous voir.

  A018001962 

 Et de toutes les assistences quil vous fait, sa divine Majesté luy en tiendra bon comte; comm'il fera aussi de la patience et du courage que vous prattiqueres a maintenir et avancer cette Mayson lâ, laquelle reuscira un jour dautant plus grande qu'elle semble croistre plus lentement..

  A018001981 

 Quant a la demande que fait le bon seigneur duquel vous m'escrives, sur l'occupation des Seurs de la Visitation en cas qu'elles ne disent le grand Office, il y a deux raysons..

  A018001999 

 Mais pourtant, dites-le luy si doucement, amiablement et saintement, qu'elle treuve bonne cette reprimande, laquelle part du cœur plus que paternel que vous connoisses, comme fille certes tres chere de mon cœur, mais fille en laquelle j'ay mis toute confiance..

  A018001999 

 Que dites vous, ma tres chere Fille? Vous semble-il qu'elle n'ayt pas tort de parler ainsy? Ne sont ce pas des paroles excessives? Rien ne les peut excuser que l'amour qu'elle me porte, lequel est certes tout saint, mais exprimé par des termes mondains.

  A018002010 

 Monsieur, c'est pour cela que je vous ay supplié de nous faire avoir des magistratz catholiques en ce balliage de Gex, qui, par l'authorité qu'ilz possederont, pourront donner le contrepoids a la multitude et malice des ennemis de la religion du Roy et du royaume, qui sont si hardis au mal et si pleins d'artifices pour l'executer que, s'ilz ne sont retenus de main forte, ilz ne cesseront d'empescher par toutes sortes de moyens violens le progres de la conversion des ames.

  A018002011 

 Au reste, Monsieur, c'est meshuy chose superflue de repeter les vœux de mon service, que j'ay fait a Vostre Grandeur, puisque lhonneur que j'ay de vous oser regarder et considerer comm'un pere tres affectionné fait son tres aymable filz, met hors de doute le parfait respect et infini amour que mon ame a pour la vostre, que je supplie incessamment Nostre Seigneur de vouloir combler de sa grace, et demeure invariablement,.

  A018002039 

 Il me tardoit bien fort, ma tres chere et plus que tres chere Mere, de vous escrire des icy, ou je suis arrivé, grace Dieu, en bonne santé.

  A018002039 

 Ma Seur Anne Marie est fort devotement sage, comme vous n'en doutes pas; ma Seur [201] Paul Hieronime, a ce qu'on me dit, fait merveille, et vostre Econome fait des miracles, hormis que ma Seur Anne Jacqueline luy parle tous-jours savoyard et de la monnoye de Savoye, et elle ne l'entend pas; il faut des truchemens..

  A018002039 

 Mais quel moyen, je vous prie, a cet abord, parmy ce flux et reflux de visites, et quelque affaire que j'ay treuvé pour Piedmont et Italie? Certes, je n'ay esté que deux fois voir nos cheres Seurs, qui font fort bien.

  A018002045 

 M. de la Roche m'en dit autant de la sienne, et par consequent vous voyes, ma chere Fille, quil y a un peu de consideration humaine en ces bons peres; neanmoins je vous dis tout, affin que vous le consideries et ruminies pour vostre retour, et peut estre que l'on ne demandera des Seurs de deça que pour un court emprunt.

  A018002048 

 Je consens tres librement que nostre tres chere Seur Peronne Marie communie trois, voire quatre et plus encor de fois la semaine jusques a l'edition des Regles, et que tous-jours une des Seurs communie avec elle; et quand elle ne communiera pas, qu'une Seur communie, [205] en sorte que tous-jours quelque Communion se face tous les jours; car je me confirme tous-jours plus au desir que je vous ay communiqué, qu'en cette Congregation la Communion y soit quotidienne de quelques unes des Seurs a tour, pour le souhait que le sacré Concile de Trente fait de voir que quelqu'un communie a chaque Messe, ainsy que je le declareray plus a plein aux Regles..

  A018002050 

 On me tourmente fort icy a l'occasion de vostre passage a Lion, d'autant, dit on, qu'il vous pourroit causer du mal: a quoy je vous supplie de prendre soigneusement garde, car penses si rien m'est si cher, apres la sainteté de nostre ame, que la sante de ma Mere.

  A018002051 

 Faites vous hardiment communiquer les lettres que j'ay escrit a ma Seur Barbe Marie, car il y en a, a mon advis, qui sont bien bonnes.

  A018002051 

 Puisque vous voules tout avoir, j'en ay escrit une bonne une fois a madame de Vissilieu, et si j'ay du loysir, j'en escriray une autre a madame de la Baume et vous l'envoyeray a cachet volant; mais il la faudra bien cacheter, car je ne sçay pourquoy, mais il est vray que les advis secretz frappent mieux le cœur jusques a ce que l'on soit fort avancé au renoncement de son propre amour..

  A018002052 

 En somme, je me repose en vous comme a moy mesme pour bien faire mes honneurs et mes amours envers ces benites ames qui m'ayment pour l'amour de Nostre Seigneur..

  A018002053 

 Madame la conseillere Le Maistre me pria de la vous recommander, et sans doute elle a besoin qu'on asseure son ame, pleine de bonne volonté, mais un peu sujette aux abattemens de courage et melancholie: ce pourquoy il la faut encourager et un peu prendre par la main..

  A018002055 

 Cachetes bien ces lettres apres que vous les aures veuës, et les remettes au bon M. d'Urme auquel j'escris quil les donne.

  A018002055 

 J'abonde un peu en dilection et es paroles d'icelle en ce commencement; vous sçaves que c'est selon la verité et la varieté de ce vray amour que j'ay aux ames.

  A018002055 

 Je ne vous dis rien de madame de Bouqueron et de ses filles, car vous sçaves asses de quel cœur je suis pour elles et pour mesdames de Saint André.

  A018002057 

 Je ne vous envoye pas le contract, d'autant que je n'ay peu le faire copier, et si il me semble quil ne soit pas trop bien fait; mais je vous en escriray plus amplement.

  A018002058 

 J'ay receu la lettre que vous m'escrives, du 22 de ce mois, allant donner la derniere benediction a madame la procureuse fiscale qui a perdu tout sentiment..

  A018002070 

 Playse au Saint Esprit de m'inspirer ce que j'ay a vous escrire, Madame, et s'il vous plaist, ma tres chere Fille.

  A018002072 

 Dites moy donq, je vous prie, que ne fera-il pas de nos afflictions, de nos travaux, des persecutions qu'on nous fait? Si donq il arrive jamais que quelque desplaysir vous touche, de quel costé que ce soit, asseures vostre ame que, si elle ayme bien Dieu, tout se convertira en bien.

  A018002072 

 Et quoy que vous ne voyes pas les ressortz par lesquelz ce bien vous doit arriver, demeures tant plus asseuree qu'il arrivera.

  A018002072 

 Si Dieu vous fait prendre une cheute, comme a saint Paul qu'il jetta en terre, c'est pour vous relever a gloire..

  A018002072 

 Si Dieu vous jette la boue de l'ignominie sur les yeux, c'est pour vous donner la belle veuë et vous rendre un spectacle d'honneur.

  A018002073 

 Ayes le soin qu'il veut que vous ayes en vostre personne et en vostre famille, et non plus, car ainsy vous verres qu'il aura soin de vous.

  A018002073 

 Et qu'aves vous a craindre, qui estes fille d'un tel Pere, sans la providence duquel pas un seul, cheveu de vostre teste ne tombera jamais? C'est merveille qu'estant filz d'un tel Pere, nous ayons ou puissions avoir autre soucy que de le bien aymer et servir.

  A018002073 

 La seconde maxime, c'est qu'il est vostre Pere; car autrement il ne vous commanderoit pas de dire: Nostre Pere qui estes au ciel.

  A018002074 

 La troysiesme maxime que vous deves avoir, c'est celle que Nostre Seigneur enseigna a ses Apostres: Qu'est ce qui vous a manqué? Voyes vous, ma chere Fille, Nostre Seigneur avoit envoyé les Apostres ça et la, sans argent, sans baston, sans souliers, sans besace, revestus d'une seule soutane, et il leur dit par apres: Quand je vous ay ainsy envoyés, quelque chose vous a-elle manqué? Et ilz luy dirent: Non.

  A018002074 

 Or sus donq, ma Fille, quand vous aves eu des afflictions, mesme du tems que vous n'avies pas tant de confiance en Dieu, estes vous perie dans l'affliction? Vous me dires: Non.

  A018002074 

 [210] Et pourquoy donq n'aures vous pas courage de reüscir de toutes les autres adversités? Dieu ne vous a pas abandonnee jusques a present; comme vous abandonnera-il des a present, que, plus qu'auparavant, vous voules estre sienne?.

  A018002075 

 Dieu est avec vous; ayes bon courage, et vous seres delivree..

  A018002075 

 N'apprehendes point le mal a venir de ce monde, car peut estre ne vous arrivera-il jamais, et en tout evenement, s'il vous arrive, Dieu vous fortifiera.

  A018002075 

 Si Dieu vous fait marcher sur les flotz de l'adversité, ne doutés point, ma Fille, n'apprehendes point.

  A018002081 

 Plantés en vostre cœur Jesus Christ crucifié, et toutes les croix de ce monde vous sembleront des roses.

  A018002082 

 Vous treuveres beaucoup de choses a ce propos en la grande Guide des pecheurs, de Grenade..

  A018002082 

 Vous treuveres tout ce que je vous ay dit, es troysiesme, quatriesme ou cinquiesme et dernier Livres de l' Amour [211] de Dieu.

  A018002083 

 Escrives moy confidemment, et me marques ce que vous jugeres que je puisse pour vostre cœur, et le mien le contribuera tres affectionnement; car je suis en toute verité,.

  A018002087 

 Quand madame de Vicillieu sera de retour, je luy escriray; cependant, s'il vous vient en commodité, dites luy que je suis sien..

  A018002097 

 Comme vous sçaves, mon cher Pere, la Mere qui gouverne cette nouvelle trouppe a si bien appris a loger au mont de Calvaire, que tout autre logis terrestre luy semble encor trop beau.

  A018002109 

 Enfin, le bon mary m'a prié de vous recommander ce que vous sçaves vous avoir esté non seulement recommandé, mais commandé au nom de Dieu, a la volonté duquel il faut joindre et lier inseparablement la vostre.

  A018002124 

 Me voicy de retour, ma tres chere Fille, et, parmi l'esperance de la paix, je nourris celle de vous voir en l'occasion du voyage de M. le Prince Cardinal, s'il est vray qu'il se face, comme nos courtisans m'asseurent.

  A018002125 

 Ce pendant, le bon pere viendra icy faire les Rogations avec nous, et madame la Presidente et les freres, [215] ou nous ne serons pas sans parler de vous.

  A018002125 

 De celles d'icy, que vous diray je, sinon que tout y va tres bien..

  A018002125 

 De vous dire des nouvelles de Grenoble, ce seroit chose superflue, car nostre Mere vous en fera part suffisante.

  A018002126 

 Reste que vous continuies aussi comme vous faites, que vous m'aymies tous-jours cordialement, et que vous priies Dieu pour mon cœur, affin qu'il vive tout a luy.

  A018002135 

 Revenes donq, ma chere Mere, pour tirer d'icy de ces petites plantes de benediction et les transplanter ailleurs, a la gloire de nostre doux Jesus, que je supplie de vous benir.

  A018002144 

 Je croy que nostre Mere vous donnera le contentement que vous desires, car je la layssay resolue a cela, comm'une Mere tres amoureuse de sa tres chere fille; et si ses forces et les necessités de cette Mayson d'icy le permettoyent, je croy mesme qu'ell'iroit volontiers a Moulin..

  A018002144 

 Je vous respons a petitz pointz, estant extremement pressé.

  A018002145 

 J'espere que, quant a moy, j'iray et vers vous et a Moulin, passant a Paris, puisque on tient asseuré le voyage du Prince Cardinal pour cet esté, lequel ne reuscissant pas, au moins iray je vers vous, prendre la consolation de vous voir, et vostre chere trouppe, exceller en la sainte devotion, comme l'on me dit que vous faites.

  A018002146 

 Il est certain que je vous escrivis des Grenoble une fois par monsieur de Bauvillars, gentilhomme de Cremieu, et l'autre, ce me semble, par monsieur Orlandini, ecclesiastique, frere de l'une de nos Seurs.

  A018002147 

 Je salue nos Seurs pour vous, et donneray vostre lettre a monsieur de Boysi quand il sera de retour des chams ou il est.

  A018002161 

 Ma tres chere Mere, Je vous ay escrit ce matin avant que de prendre le [218] gelap du bon monsieur de Granieu, et ay respondu a vos deux lettres du 1 er et 7 e de ce moys.

  A018002163 

 Vous vous resouviendres bien de ce que vous me dites de M. de Grenier et de ses lettres; j'ay sceu que c'est, et m'est advis que c'est si peu de chose, que si vous n'en pouves parler fort doucement et imperceptiblement, il ne seroit presque pas bon d'en rien dire, de peur d'effaroucher cette pauvre fille qui se promet tant de consolation de vostre veue; et peut estre les termes generaux suffiront, sil ne se presente d'autre biais bien propre pour venir aux particuliers..

  A018002164 

 Si vous voyes quil y ayt quelque messeance de manger en mesme table avec vostre conducteur, vous pourres bien manger dessus vostre lit, comme lasse, et y faire manger aupres de vous vostre conducteur..

  A018002165 

 Nous avertirons affin qu'on face la profession au tems que vous desirés..

  A018002166 

 Et puis, cette methode de se desfaire du gentilhomme que vous sçaves, engendrera elle pas indubitablement [220] des querelles, puisque il s'est declairé de sa pretention a M. de Chantal et a moy, a qui mesme il a monstré l'escrit? En somme, il arrive souvent en ce monde que les roses se convertissent en espines..

  A018002166 

 Que je suis en peine, ma tres chere Mere, de crainte que nostre mariage, dont nous nous promettions tant de consolation, ne se rompe; car de ne pas communiquer tres clairement et sans replys toutes les difficultés quil y a, a M. de Chantal et a Monseigneur de Bourges, il ny a point d'apparence; et de les leur communiquer, il y a toute apparence que Monseigneur de Bourges se rebutera de voir que cette terre dont on avoit parlé ne soit pas terre, ains une mayson seulement; que mesme on ne la veuille donner que pour apres le trespas, et non aux noces; que l'argent n'est pas exigeable pour estre colloqué a propos des affaires que l'on a, et que l'on veuille tant de pompe, que deux ou trois mille escus ne suffiront pas: de sorte que rien ne demeure qui puisse bien contenter son esprit que vous connoisses, sinon la fille, que tout le monde avoüe estre digne d'amour.

  A018002167 

 J'ay pensé que je devois escrire un mot a M me Lyotart, laquelle je ne nie pas qu'elle ne me dit qu'elle ne vouloit pas donner cette piece, qu'ell'appelloit terre, qu'hors du contract de mariage: dequoy je me remis, comme des autres particularités, a ce qui seroit avisé entre vous, comme peu expert en telles affaires.

  A018002181 

 En suite de quoy, comme je conseille a madame de Chantal de ne point s'arrester a la diminution des esperances que nous avions des biens, aussi vous conjure-je, Madame, d'apporter de vostre costé tout ce qui peut faciliter et rendre douce et aggreable l'execution d'une si bonne [222] œuvre, et de prendre la methode la plus claire et franche.

  A018002210 

 Dieu soit loüé! Du reste, nous en parlerons avec un peu plus de loysir quand vous viendres icy; et cependant, voyla un billet de nostre Mere, que j'ay ouvert comm'addressé a [ma] fille et tres chere fille.

  A018002225 

 Quelle apparence y auroit il de laisser partir ce porteur, de mes amis et confreres, sans luy donner ces quatre motz? car ne faut il pas, le plus souvent que l'on peut, ramentevoir cette juste et inviolable affection plus que fraternelle que mon cœur a envers vous? Il est vray, Monsieur mon tres cher Frere, plus l'honneur et le bien de vous revoir m'est differé, plus ce sentiment va croissant en moy..

  A018002226 

 Au reste, on nous a annoncé de toutes partz le mariage de Sa Grandeur; mais j'attens que vous me le facies sçavoir, avant que j'en tesmoigne ma joye, comme je dois, a sadite Grandeur, avec laquelle je me res-jouirois bien davantage si on ne nous asseuroit pas, par la mesme [225] nouvelle, qu'elle se resoult de ne venir plus icy.

  A018002245 

 La Visitation vous attend, et M me de Chantal me conjura a son depart, ou par une lettre, de vous conjurer de [226] les assister a present.

  A018002246 

 Monsieur nostre Prieur vous dira les nouvelles tous-jours plus asseurees de la paix.

  A018002261 

 Pour moy, ma chere Fille, je n'escris a ce coup qu'a vous, car je m'imagine que la bonne Mere sera partie, [227] et ce porteur est un personnage qui fait profession d'estre des grandes connoissances de monsieur vostre mary et ne me donne que ce moment pour vous escrire..

  A018002262 

 C'est pourquoy, ma tres chere Fille, prenes la peyne, je vous prie, de dire cela de ma part a ma Seur Peronne Marie, laquelle, au depart de cette chere Mere, sera, je pense, un peu attendrie.

  A018002262 

 Mais que vous diray-je? Ceux qui n'ont qu'une volonté et qu'un cœur, c'est a dire, ceux qui pour tout ne cherchent que le divin amour celeste et que la volonté et le cœur du Sauveur regnent, ilz sont inseparables.

  A018002275 

 Oh! ce grand Dieu qui est propice aux cœurs de bonne [228] volonté, soit a jamais la vie du vostre, ma tres chere Fille, et du mien, qui est vostre et ne cesse jamais de vous souhaiter cette sainte vie de l'amour celeste..

  A018002275 

 Que faites vous, ma tres chere Fille? car je suis en peine de ce violet que vous avies l'autre jour, bien que ce porteur m'a dit que vous vous porties bien, graces a Dieu.

  A018002289 

 Ce n'est pas escrire, ceci, ma tres chere Fille; c'est seulement, comme par un petit signe, vous faire sçavoir que ce cœur duquel vous estes la fille a receu vostre lettre avec beaucoup de joye et ne cesse point de vous desirer la perfection de l'amour caeleste.

  A018002290 

 Dieu vous sauve toutes.

  A018002290 

 Mays vous sçaves que la [229] nouvelle Mere est ma fille; si est bien madame de Granieu; salues les donq comme il faut.

  A018002304 

 J'ay regardé avec compassion l'estat de vostre cœur, des que j'ay sceu le desplaysir qu'il a receu ces jours passés; car encor que je sache bien que, graces a Dieu, l'experience et accoustumance que vous aves faite des quelques annees en ça a souffrir les mescontentemens, aura affermi vostre ame et animé vostre courage pour n'estre plus si extraordinairement sensible a ces coups inevitables de nostre condition mortelle, si est ce que d'ailleurs je crains que ces recharges si frequentes n'estonnent vostre resolution.

  A018002305 

 Mais toutefois, Madame, je ne laisse pas d'esperer qu'apres tant de remises de vostre volonté a celle de Dieu, apres tant de considerations que vous aves faites sur la vanité de cette vie et sur la verité de la future, apres tant de protestations de vouloir estre irrevocablement attachee a la suite de la Providence celeste, vous ne treuvies une solide consolation au pied de la croix de Nostre Seigneur, ou la mort nous a esté rendue meilleure que la vie; et cette illusion de la vie de ce monde n'aura pas eu le credit, je m'asseure, de vous faire desmarcher des resolutions que Dieu vous fit prendre sur les evenemens d'autrefois..

  A018002307 

 Pour Dieu, ma tres chere Tante, et certes, pour parler selon mon cœur, ma tres chere Fille, ne vous laisses pas emporter au torrent des adversités, ains attachés vous aux pieds de Nostre Seigneur et dites luy que vous estes sienne; qu'il dispose de vous et de ce qu'il a voulu estre vostre, a son gré, en vous asseurant, et a vous et aux vostres, la tressainte eternité de son amour.

  A018002317 

 Je vous diray, Madame, mais aussi, s'il vous plait, ma tres chere Fille, qu'il est impossible de n'avoir pas des ressentimens de douleur en ces separations; car, encor qu'il semble que les unions qui ne tiennent qu'au cœur et a l'esprit ne soyent point sujettes a ces separations exterieures, ni aux desplaysirs qui en procedent, si est ce que, tandis que nous sommes en cette vie mortelle, nous les sentons, d'autant que la distance des lieux empesche la libre communication des ames, qui ne peuvent plus s'entrevoir ni s'entretenir que par cet office des lettres.

  A018002318 

 Et vous voyes, ce me semble, des-ja en ces paroles le desir que j'ay que vous vous servies de mon ame avec toute confiance et sans reserve.

  A018002318 

 Que si de m'escrire souvent de ce qui regarde la vostre vous sert de consolation, comme vous me le signifies, faites le eonfidemment, car je vous asseure que la consolation sera bien reciproque.

  A018002319 

 Bienheureuse que vous seres, si, comme vous estes resolue de faire, vous les receves humblement et les prattiques fidellement, ainsy que de toute mon affection je le souhaite, demeurant a jamais, ma tres chere Fille, et d'un cœur vrayement paternel,.

  A018002319 

 Certes, je le dis en verité, je vous cheris tres particulierement des que je vis en vostre cœur les arrhes du saint amour de Dieu envers vous, tesmoignees par les [232] attraitz qu'il vous fait a son service.

  A018002329 

 Vrayement le serein d'hier ni le vent ne m'ont fait aucun ennuy, ma tres chere Mere; mais ouy bien l'accablement d'aujourd'huy qui m'a empesché d'aller saluer vostre cher cœur en presence, nonobstant le juste empressement du mien; je veux dire de vous aller voir moy mesme, qui en avois tant de desir.

  A018002330 

 Conservés-vous bien parmi cette fievre salutaire.

  A018002330 

 Oh! Dieu vous conserve, ma tres chere Mere, et vous comble de benedictions par tout ou vous estes, et moy aussi.

  A018002338 

 En somme il est donq vray, Monsieur mon Frere, que les estoilles ne sont plus en veuë quand le soleil l'est sur nostre horizon, et qu'ainsy ce grand contentement que vous contemples au mariage de Monsieur vous vaut tellement que nous ne sommes plus en memoire.

  A018002338 

 Or sus, nous nous res-jouissons, certes, avec vous, et de tout nostre cœur, de ce mesme bonheur que nous estimons grand; mais nous avons sceu cette heureuse nouvelle a tastons, ramassant ça et la les asseurances que nous en avions parmi le bruit qui s'en faysoit; car ni Monsieur, ni aucun de sa part, ni nul homme du monde ne nous en a donné aucun advis.

  A018002339 

 Et vous, Monsieur mon Frere, passé ces premiers ravissemens que la grandeur de vostre joye vous donne, vous vous demettres, je m'asseure, a nous vouloir encor un peu gratifier de vostre bienveuillance.

  A018002361 

 Ce digne porteur vous dira ce que nous sommes et ce que nous faysons.

  A018002362 

 Mais ne pouvant pas encor, je demeure, et suis de plus en plus desireux d'estre reconneu et advoué de vous,.

  A018002362 

 Ouy mesme, je le puis dire, sur le sujet de l'image qu'on vous porte, laquelle, vuide d'ame et de cœur, [236] et n'estant que vaine representation d'un homme qui n'est que vanité, prevaut sur moy, qui desirerois bien d'aller en presence aupres de vous pour vous offrir de vive voix mon tres humble service et jouir de l'honneur de vostre veùe.

  A018002376 

 Neantmoins je ne voudrois certes pas, ma chere Fille, que pour cela vous laissassies de m'escrire quand il vous plaira; car la reception de vos lettres me delasse et me recree beaucoup.

  A018002376 

 Par cette si asseuree commodité, je vous diray, ma tres chere Fille, que nostre Mere dit la verité: je suis extremement accablé, non tant d'affaires comme d'empeschemens, mais d'empeschemens dont je ne puis me [237] desprendre.

  A018002376 

 Seulement faut-il que vous me soyes un peu bonne, en m'excusant quand je seray un peu tardif a respondre, puisque je vous puis asseurer que ce ne sera jamais que par necessité que je differeray, mon esprit prenant bien playsir a visiter le vostre..

  A018002377 

 Je ne vous sçaurois rien refuser, ma tres chere Fille, et partant, les deux portraitz que vous desires se feront.

  A018002377 

 Que n'ay-je desiré de conserver l'image de nostre Pere celeste en mon ame, avec l'integrité de sa ressemblance! Ma tres chere Fille, vous m'ayderes bien a demander la grace qu'elle soit reparee en moy..

  A018002378 

 Prenes la peine ou de lire, ou de vous faire lire si vos yeux ne peuvent fournir a cela, le septiesme Livre du Traité de l'Amour de Dieu, et vous y treuveres tout ce qui vous sera necessaire de connoistre de l'orayson..

  A018002378 

 Vostre sorte d'orayson est tres bonne, ains beaucoup meilleure que si vous y faysies des considerations et discours, puisque les considerations et les discours ne servent que pour exciter les affections; de sorte que s'il plait a Dieu de nous donner les affections sans discours ni consideration, ce nous est une grande grace.

  A018002379 

 Je me resouviens fort bien qu'un jour en la confession vous me dites comme vous faysies, et je vous dis que cela alloit fort bien, et qu'encor qu'il falut porter un point, si toutefois Dieu vous tiroit a quelque affection soudain que vous series en sa presence, il ne falloit point s'attacher au point, ains suivre l'affection; et quand elle sera plus simple et plus tranquille, elle sera meilleure, car elle attache plus fortement l'esprit a son object.

  A018002379 

 Mays, ma tres chere Fille, estant une fois resolue de cela, ne vous amuses point, au tems de l'orayson, a vouloir sçavoir ce [238] que vous faites et comme vous pries; car la meilleure priere ou orayson, c'est celle qui nous tient si bien employés en Dieu que nous ne pensons point en nous mesmes, ni en ce que nous faysons.

  A018002380 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, marches fidelement au chemin auquel Dieu vous a mis; ayes bien soin de contenter saintement celuy quil vous a associé et, comme une petite mouche a miel, en faysant soigneusement le miel de la sacree devotion, faites encor bien la cire de vos affaires domestiques; car si l'un est doux au goust de Nostre Seigneur, qui estant en ce monde mangea le beurre et le miel, l'autre aussi est a son honneur, puisque il sert a faire les cierges allumés de l'ædification du prochain..

  A018002381 

 Dieu, qui vous a pris par la main pour vous mettre au chemin de sa gloire, vous conduira, ma tres chere Fille.

  A018002383 

 Je vous supplie, ma chere Fille, de saluer la bonne Mere et nos Seurs de la Visitation, puisque je n'ay nul moyen d'escrire davantage: ce sera au premier loysir, Dieu aydant.

  A018002384 

 Je doy [239] une response a M. d'Aouste, vostre bienaymé et bien aymable cousin, mais je payeray la debte, quoy qu un peu plus tard, Dieu aydant; dites le luy, je vous supplie, ma tres chere Fille..

  A018002399 

 Je vous respons bien courtement, mais c'est par force, n'ayant autre loysir que pour cela.

  A018002399 

 Mays croyes bien reciproquement, mon tres cher Pere, que mon esprit correspond tres exactement au vostre pour ce regard, et que je suis tres indissolublement et invariablement vostre, sans reserve ni exception quelcomque; mais voyes vous, je dis vostre, en sorte que mon cœur en cela n'a point de sentiment qui n'y consente..

  A018002409 

 Je voy bien es lettres que vous m'aves envoyees, le cœur de cette chere seur tout gros d'ennuy et de mescontentement; il faut avoir patience avec son naturel et ne point s'estonner.

  A018002410 

 Il me semble que vous pourres luy respondre en peu de paroles quant a ce qui regarde la grace, en luy disant que en la grande presse qu'on vous a donnee, pour laquelle vous n'avies nul loysir d'attendre sa response, vous aves pris advis de ceux que vous aves jugé vous le pouvoir donner; et que, en fin, selon leur conseil, vous aves fait ce que vous aves fait, marrie que vous seres si elle l'a a contrecœur; et qu'elle excuse vostre simplicité, et n'impute toute cette procedure qu'au manquement d'experience es telles occurrences (car en somme, ma tres chere Fille, il faut affoiblir la passion de cette seur ainsy par humilité et douceur); qu'il ny a d'empesché que ceux qui se treuvent en la meslee, et les filles n'auront ni honneur [242] ni deshonneur en tout ceci, car on sçaura tous-jours que ce sont des filles.

  A018002414 

 Vous treuveres Monseigneur de Belley revenu..

  A018002425 

 Allant a Vespres et faire la benediction et procession, je vous escris ces deux motz.

  A018002425 

 Vous verres ce que j'escris a nostre chere seur de Bons.

  A018002434 

 Je vous dis, ma chere Fille, que non seulement vous pouves, ains que vous feres parfaitement bien d'ouvrir vostre cœur tout candidement au Pere Isnard; il est non seulement docte et religieux, mais il est tout spirituel et tout de Dieu; vostre cœur bienaymé aura de la consolation et du proffit a recevoir ses advis..

  A018002435 

 Il faut que je vous die, ma chere Fille, que, gardant nostre liberté, je treuve qu'en plusieurs rencontres il y peut avoir un incomparable advantage (sans s'attacher toutefois a des directions particulieres) de faire passer le [244] jugement de quelqu'un par dessus le nostre pour nostre conduite interieure: ainsy le divin Espoux renvoyoit son amante aux tabernacles des pasteurs..

  A018002447 

 Je ne vous sçaurois dire de combien d'afflictions mon cœur a esté tourmenté parmi les incertitudes de vostre santé.

  A018002447 

 Que de divers advis j'ay receus il y a environ deux mois! Mais Dieu soit loüé, qu'apres avoir pleuré et amerement regretté sur vostre trespas, qu'on m'avoit annoncé, je benis sa divine Majesté et la supplie avec une incomparable consolation pour vostre vie que, certes, vous deves meshuy cherir, Monsieur mon tres cher Filz, puisque vous voyes combien elle est desiree, comme tres utile, par tant de gens de bien; car on m'escrit de Gex que parmi tout vostre gouvernement on a fait des actions de graces publiques a la divine Bonté pour vostre guerison.

  A018002449 

 L'autre, et la premiere, sera que, si jusques a present vous aves eu intention de dedier tous les momens de vostre vie presente a l'immortalité et eternité de la future, vous en redoublies la resolution et les vœux, contant les jours et les heures, et les employant affectionnement a vostre advancement en l'amour divin, a l'amplification de la pieté parmi les mondains, et en somme, a l'execution des saintes vertus que la grace de Dieu et vostre bon naturel vous ont fait aymer et desirer il y a long tems.

  A018002450 

 Ce qui me fait vous supplier tres humblement, Monsieur mon Filz, d'avoir quelque soin de luy, affin que l'on voye que ceux qui abandonnent cette fause religion pour embrasser celle du Roy et du royaume, qui est la seule vraye religion, ne sont pas abandonnés de ceux qui tiennent les meilleurs rangs au service du Roy et de la coronne..

  A018002462 

 Je vous supplie de faire donq seurement tenir cette response que je fay a madame de Gouffiez, puisqu'elle desire tant de l'avoir.

  A018002462 

 Le parti qu'elle propose pour vous est incomparable, sil reuscit, et pourra mesme fort facilement obtenir de Rome le petit Office a perpetuité..

  A018002463 

 Je veux dire, ma tres chere Fille, que vostre cœur ayant toute sa confiance en la bonté de celuy de Nostre Seigneur, vous deves vivre joyeusement, paysiblement et genereusement en vostre charge, que sa divine providence fera et portera avec vous.

  A018002482 

 O quelle suavité a mon chetif cœur paternel, de sçavoir que mon frere tres aymable est tout charitablement cordial a mes Filles bienaymees! Je vous en fay mille tres humbles actions de graces, Monsieur mon tres cher Frere, et vous proteste que, recevant vostre lettre, il me sembloit cueillir des fleurs de suavité incomparable sur le coupeau d'une de nos montaignes, ou j'estois alhors.

  A018002493 

 Je vous escris, ma tres chere Fille, a mesme que je vay monter sur le bateau pour aller visiter un monastere de Religieux reformés desquelz pour le present j'ay charge; mais ce gentilhomme, qui est et mon parent et mon grand amy, allant vers M. le Mareschal, il faut a quel prix que ce soit qu'il vous porte de mes nouvelles, puisque mesme il reviendra et m'en pourra rapporter des vostres.

  A018002493 

 Or, je respons a vos deux derniers billetz, lesquelz, comme tout ce qui vient de vous, m'ont donné une consolation nompareille.

  A018002494 

 Or bien, c'est a vos seules aureilles, qui escoutent si delicatement, que sans dire mot il parle, vous remettant en imagination ce que je disois lorsqu'en chaire je vous representois la volonté de Dieu, qui est vostre sanctification.

  A018002494 

 Vray Dieu, ma tres chere Fille, que sera ce quand nous verrons aeternellement la face du Pere eternel en elle mesme, puisque le portrait mort et muët d'un chetif homme res-jouit le cœur d'une fille qui l'ayme? Mays, ce me dites vous, ce portrait n'est pas muët, car il parle a vostre esprit et luy dit des bonnes paroles.

  A018002495 

 Communies tous-jours comme vous faites; confesses vous hardiment a monsieur d'Aouste: en ce parquet la, il ni a point recusation a craindre.

  A018002495 

 Il ny a donq point de danger en ce que vous faites devant un tel cousin.

  A018002495 

 Vous pourres neanmoins rendre conte a vostre ancien confesseur de tems en tems, pour luy tesmoigner que vous le respectes tous-jours..

  A018002495 

 Vrayment, il faut que je die a ma tres chere fille, que ma mere, avant que mourir, fit sa confession generale a moy, et me rendoit despuis tous les ans conte de sa vie avec une grande humilité; et ma pauvre belleseur, de la sainte mort de laquelle ma Seur Peronne Marie vous tesmoignera, en fit de mesme.

  A018002496 

 Ne vous mettes nullement en peine de n'avoir pas la memoire si tenante en la recherche de vos fautes, car ce n'est pas le manquement de memoire qui desplait a Dieu, c'est le manquement de volonté; et, graces a sa Bonté celeste, vous ne manques pas en ceci..

  A018002498 

 Vives tous-jours toute en Dieu, ma tres chere Fille, et je vous asseure que puisqu'il luy plait, et je sens bien qu'il luy plait et luy plaira tous-jours, je suis tres parfaitement vostre, et de tout mon cœur..

  A018002499 

 Mays, ma tres chere Fille, recommandes tous-jours mon cœur a la misericorde de Nostre Seigneur, que je supplie vous combler de sa benediction, avec monsieur vostre cher mari et toute vostre famille..

  A018002515 

 Pour cela, j'ay prié ce Pere de procurer de dela une assemblee preparatoire, en laquelle vous deputeres ceux qu'il vous semblera plus propres a laditte resolution; et pourveu que le jour de Saint Pierre aux liens et celuy de Nostre Dame ad Nives soyent exceptés, tout autre tems [253] m'est indifferent, vous priant seulement, sil se presentoyt commodité, de m'en advertir..

  A018002532 

 Cette lettre vous est estroittement recommandee, ma tres chere Fille, par celuy qui l'a escritte en chemin, allant d'icy en Bornand; car quant a moy, je ne vous dis rien pour le present, sinon que je feray response a ces bons Peres desquelz vous m'envoyastes les lettres.

  A018002532 

 Et ne laisse pas d'admirer comm'ilz desirent que j'escrive au Roy de leurs affaires, moy que le Roy ne sçait pas estre au monde; car, quel credit puis je avoir en chose de cette consequence? Neanmoins, puis que le P. de Lesseau [254] le veut, je le feray et vous envoyeray la lettre par ma Seur Barbe Marie, nostre tres chere fille..

  A018002546 

 Playse a la souveraine misericorde de Dieu de vous benir, Sire, d'une tres longue et tres heureuse et tres-sainte royauté, souhait continuel que je fay pour.

  A018002564 

 Bon jour, ma tres chere Mere; apres disné j'auray le bien de vous voir, car j'ay donné parole a nostre seur d'Aiguebelette..

  A018002575 

 Pour moy, je vous asseure que ce [258] me sera tous-jours de la consolation quand je sçauray que vous aures du contentement en ce sujet, auquel, et en tout autre, je vous offre de rechef tout ce que je puis et que je suis, vous souhaitant, et a vostre ville, toute sainte benediction, et demeurant de tout mon cœur,.

  A018002596 

 Ce porteur m'a fort obligé par la peine qu'il a prise de me venir voir, mais encor plus par le soin qu'il a eu de me dire de vos nouvelles, puisqu'elles sont toutes bonnes, et qu'avec cela, pour me donner plus de gloire et de contentement, il m'a dit que vous avies souvent memoire de moy; car je confesse franchement que ce bonheur m'est grandement praetieux, selon l'extreme affection que je sens en mon ame a cherir et honnorer singulierement la vostre qui m'est tous-jours presente, je vous asseure, au moins en mes principales prieres, qui sont celles de la sainte Messe.

  A018002597 

 Dieu, par sa bonté, vous veuille combler de ses plus desirables benedictions, ma tres chere Fille, et vous rendre de plus en plus toute parfaitement sienne.

  A018002612 

 Or ainsy soit il et a la tres bonne heure, que tous-jours, quand vous obeires, vous vous treuvies de plus en plus unie a nostre Sauveur..

  A018002612 

 Vous le voyés bien, ma tres chere Fille, si l'obeissance est aymable: vous allies avec un peu de repugnance, et vous y aves treuvé la permission de recueillir force manne celeste.

  A018002613 

 Je ne seray jamais celuy qui vous ostera vostre pain quotidien tandis que vous seres bien obeissante.

  A018002613 

 Je veux dire, ma tres chere Fille, que vous communiies hardiment tous-jours, quand ceux a qui vous vous confesses diront oüy, outre les Communions ordinaires que je vous ay marquees..

  A018002613 

 Vous aves donq extremement bien fait d'obeir a vostre confesseur, et vostre confesseur a bien fait de vous imposer l'obeissance en un sujet si agreable.

  A018002614 

 Quand je vous escrivis que vous rendissies comte de tems en tems a vostre ancien confesseur, je ne voulois [261] pas dire que vous fissies des revëues, car il suffit que ce soit d'annee en annee a celuy que vous voudres; mais je voulois dire que vous allassies vous representer a luy pour luy faire connoistre la continuation de vostre sousmission, partie pour vous humilier, partie pour le consoler..

  A018002615 

 Je suis bien ayse que vous ayes une parfaite confiance a la Mere de dela, car je croy qu'elle vous sera utile, et c'est une Mere qui est toute ma tres chere fille et en laquelle j'ay toute confiance aussi; et sans cette confiance je luy escrirois plus souvent, mais je m'en dispense, comme je feray de vous a qui j'escris maintenant par rencontre, et j'en suis bien ayse.

  A018002616 

 Et je cesse de vous escrire davantage, malgré mon inclination, pour aller penser comment elle mourut d'amour et comme ell'est coronnee de son amour au Ciel, pour en parler demain a mon cher peuple de cette ville qui s'y attend..

  A018002617 

 Je ne pense pas que nostre Mere d'icy vous escrive, mais elle vous a bien escritte au milieu de son cœur.

  A018002696 

 Je ne vous rendis onques aucun tesmoignage de l'honneur que je vous porte, ni de l'estime que je fay de vostre amitié; mais la faveur que vous m'aves faite de m'asseurer de vostre assistance es occasions, me promet que vous me la departires au sujet qui s'en presente..

  A018002697 

 [268] Despuis, sadite Altesse l'a de rechef commandé par lettres fort expresses, que vous, Monsieur, escrivites environ les festes de Pasques a monsieur le Marquis de Lans, auquel je les rendis moy mesme; et ne se peut dire de quelle asseurance il me promit que j'en verrois les effectz.

  A018002699 

 Mais encor, s'il n'y a de bonnes clausules derogatoires, courrions nous fortune de n'avoir rien, tant sommes nous favorisés en nos poursuites, pour justes qu'elles soyent! Ce que je dis, non pour me plaindre de la Chambre, qui est certes marrie de nous voir maltraitter non obstant les arrestz qu'elle a rendus pour nous contre les gabelliers, mais pour vous supplier, Monsieur, de ne rien oublier es depesches, affin que nous vous soyons, et ces curés et moy, de plus en plus obligés.

  A018002735 

 En effet, j'ai lu, il y a quelques années, ce traité si utile De la Justice et du Droit, dans lequel, avec autant de concision que de clarté, vous résolvez excellemment, et mieux qu'aucun des auteurs que je connaissais, les difficultés de cette partie de la théologie..

  A018002737 

 Ayant de tels sentiments pour vos mérites dont vos œuvres ont fait depuis longtemps l'éloge auprès de moi, mon Père, est-ce merveille si je me suis réjoui en voyant à mon tour l'amitié dont vous voulez bien m'honorer? Pour que vous me la continuiez toujours, je tiendrai maître Gabriel pour très recommandé, et je n'épargnerai rien, à l'occasion, de ce que je saurai vous être agréable..

  A018002738 

 Que Dieu, jusqu'à la vieillesse et au dernier déclin de l'âge, ne [273] retire jamais de vous sa main protectrice, et que les bénédictions du Ciel, dont je le prie de vous combler, soient l'ornement de vos cheveux blancs..

  A018002750 

 Je chantay, l'autre jour, la victoire avant le triomphe, quand je vous escrivis que nous estions d'accord avec les Peres de Saint Dominique; car, comme le contract a esté dressé, il (sic) n'ont pas volu tenir parole, de sorte quil faudra marcher dans les termes de la justice, laquelle si ell'est un peu bien administree, ilz [274] se repentiront d'avoir refusé dix mille florins de ce qui n'en vaut pas cinq cens.

  A018002750 

 Je ne vous escris jamais qu'avec precipitation, mon Reverend Pere, mays il faut (sic) mieux pourtant quelque chose que rien.

  A018002750 

 La rupture du contract se fit hier seulement, et je n'ay encor pas eu loysir de penser a ce qu'il faut faire sur cela; mays, y ayant pensé, je le vous escriray..

  A018002781 

 Faites le dores-en-avant, mon tres cher Pere; mais je vous le dis tout de bon, et avec tout le cœur que j'ay pour vous et de tout le credit que j'ay envers vous.... [277].

  A018002781 

 O mon cher Pere, vous aves donq esté malade deux fois en si peu de tems? C'est signe que vous n'aves pas asses soin de conserver vostre santé, et neanmoins vous estes obligé d'avoir ce soin la, pour servir tant mieux nostre grand Maistre et ses enfans, puisque vostre vocation vous y astreint.

  A018002789 

 Elle est dans le noviciat, et je vous asseure que si elle persevere a courir, comme elle commence, dans les voyes de Dieu, elle se treuvera bien tost au sommet de la montagne du Seigneur.

  A018002796 

 Oh! si j'estois veritablement Theophile, comme vostre grand Prelat m'appelle (plus selon la grandeur de sa charité que selon la connoissance qu'il a de mes infirmités), que je vous serois aggreable, mon tres cher Frere! Mays si vous ne me pouves aymer parce que je ne le suis, aymes moy affin que je le sois, priant nostre grand Androphile qu'il me rende par ses prieres son Theophile.

  A018002797 

 Mays, qui vous a peu dire que nos bonnes Seurs de la Visitation ont esté traversees pour leurs places et bastimens? O mon cher Frere, Dominus refugium factus est nobis; Nostre Seigneur est le refuge de leurs espritz, ne sont elles pas trop heureuses? Et comme nostre bonne Mere, toute vigoureusement languissante, me dit hier, si les Seurs de nostre Congregation sont bien humbles et fideles a Dieu, elles auront le cœur de Jesus, leur Espoux crucifié, pour demeure et sejour en ce monde, et son palais celeste pour habitation eternelle..

  A018002799 

 Toutefois c'est a vous, a qui toutes choses sont disables, puisque vous aves un cœur incomparable en dilection pour celuy qui, avec un amoureux respect, vous proteste qu'il est incomparablement,.

  A018002812 

 Mays de cela, Monsieur, vous en discerneres et jugeres, tandis que priant Dieu qu'il vous face de plus en plus abonder en sa grace, je veux estre a jamais de tout mon cœur,.

  A018002831 

 Ni je ne vous remercieray pas du bon accueil que vous aves fait a monsieur le President Crespin, soit que vous l'ayes fait selon la generosité de vostre esprit, qui vous est naturelle, soit que vous l'ayes fait selon la bienveuillance que vous me portes, de laquelle l'habitude est passee meshuy en nature par la multitude de l'exercice que vous en faites continuellement.

  A018002831 

 Seulement vous diray je que je prie Dieu d'en estre le remunerateur, luy qui en est l'autheur en vous..

  A018002846 

 Vous ne sçauries, je vous asseure, Madame, m'escrire trop souvent, ni donner du divertissement a mes occupations par vos lettres, qui plus tost me soulagent par la consolation que j'ay de sçavoir des nouvelles de vostre cœur qui m'est extremement cher, et que je prie de tout le mien de vouloir continuer sa charité envers mon ame, la recommandant souvent a Nostre Seigneur; comme de mon costé je ne cesseray jamais de vous souhaiter la tressainte perseverance, avec un continuel accroissement en l'amour celeste de sa divine Majesté, qui est le comble de tout bonheur, Demeurés en paix, ma tres chere Fille, et benisses de plus en plus la Bonté divine qui vous veut toute pour elle..

  A018002861 

 Faites donq tous-jours bien ainsy, escrives moy tous-jours quelques motz, et moy, quand je pourray, je vous rendray soigneusement la pareille..

  A018002861 

 Vous faites certes tres charitablement, ma tres chere Fille, de m'escrire souvent, car en verité, vos lettres me consolent et recreent extremement, puis que Dieu a voulu que mon cœur soit si paternel qu'il ne se peut dire plus, pour vous, qui estes reciproquement ma fille tres desirable es entrailles de nostre Sauveur.

  A018002862 

 Dieu est bon, ma tres chere Fille, et puis qu'il luy a pleu de vous donner le desir de son pur amour, il le rendra un jour parfait.

  A018002863 

 Je vous escris sans loysir et seulement pour respondre a vostre petit billet; un'autre fois que j'auray plus de commodité, je respondray a vos deux precedentes, et qui sçait si dans le moys prochain je passeray a Grenoble? J'en ay certes quelqu'esperance: soit fait selon le bon playsir de Dieu.

  A018002876 

 Outre le desir que j'ay de me ramentevoir souvent en vostre bonne grace, ce bon Pere Capucin, qui est grandement de mes amis, m'en a reveillé la volonté quand il m'a dit qu'il alloit expres voir cette saintete (sic) solitude en laquelle beneplacitum est Deo habitare in ea; et que particulierement il desiroit de vous bayser les mains, poussé de la renommee qu'il a pleu a Dieu que vous ayes, qu'il honnore avec inclination comm'estant du voysinage du lieu de vostre naissance..

  A018002877 

 Ainsy donq, mon tres Reverend Pere, je vous salue tres humblement par cette entremise, et vous souhaitant toute sainte prosperité, je demeure a jamais.

  A018002892 

 Jamais il ne se presentera occasion de vous rendre service, que je ne l'employe avec toute l'affection et sincerité que Vos Excellences pourroyent desirer; et non seulement par le devoir d'amitié et voysinage, mais par une speciale inclination que j'ay envers vostre tres catholique, tres pieuse et tres illustre Republique et Seigneurie, je m'estimeray tous-jours fort heureux quand je pourray executer vos desirs.

  A018002928 

 Il faut que je vous die que j'ayme bien cette pauvre Seur Estiennette, et pensant en elle il me (sic) venu [290] en l'imagination que peut estre a elle quelque scrupule sur ses confessions, puisque hier elle me dit qu'ell'avoit un grand desir de faire une confession generale.

  A018002928 

 Je voudrois donq que vous sceussies cela d'elle, mais il faudroit que ce fut dextrement, affin que, s'il n'estoit pas besoin, elle ne s'embarassast pas en cet article, et si elle en avoit besoin, qu'elle le dit, et vous me le feries sçavoir.

  A018002928 

 Vous sçaves, ma tres chere Mere, ce que je suis a ceux que j'affectionne, et sur tout a nos Filles; mais vous ne sçaures jamais peut estre ce que je vous suis, tant Dieu m'a rendu vostre..

  A018002938 

 L'essay que je fis de vostre courtoysie il y a 20 ans que je fus a Rome, le recit que m'en fait monsieur le chanoyne Desplans, la consideration de lhonneur ou vos merites vous portent, m'obligent a vous offrir mon service, quoy qu'inutilement, puisque, estant si peu de chose comme je suis, je ne me puis pas promettre le pouvoir de vous en rendre..

  A018002939 

 Et bien que cette mesme consideration me deut retenir de vous importuner, si est ce qu'en l'occasion que ledit sieur Desplans vous represente pour le secours des Chanoynes de mon Eglise, je ne laisseray pas de vous supplier de nous estre favorable a tous, affin que les uns soyent aydés, et moy consolé de les voir un peu assistés et delivrés de pauvreté, vous asseurant, Monsieur, que vous obligeres force gens d'honneur et qui ont affection [292] de marcher de bien en mieux au service de Dieu; et en mon particulier, j'en demeureray a jamais,.

  A018002966 

 Ces honorés Pères Visiteurs des Barnabites ont trouvé chez moi un très particulier souvenir des faveurs reçues de Votre Seigneurie Illustrissime; et comme ils m'ont dit que vous aviez quelque [293] connaissance de notre langue française, je vous adresse en toute humilité ce discours ou harangue faite par le cardinal du Perron, œuvre très belle, si je ne me trompe, pour la vivacité du génie qui la caractérise.

  A018002996 

 Si la nouvelle que l'on vient de m'annoncer est vraie, que M. le Marquis votre frère est du voyage, ce me sera une particulière consolation, surtout si j'ai le bonheur de pouvoir lui donner quelque marque de mon profond attachement pour M. le Comte et pour vous, Madame.

  A018002997 

 Vous recommander notre bon P. D. Juste serait une chose injurieuse à la bienveillance que vous lui portez; elle ne m'est permise qu'en témoignage de l'affection que j'ai pour lui..

  A018002999 

 La Mère suivra, pour aller à Bourges, une route différente de la nôtre et demeurera dans cette ville tandis que je serai à Paris; mais je ne laisserai pas de vous faire part des progrès de notre Congrégation que Votre Seigneurie aime tant..

  A018003000 

 Veuillez aussi, Madame, me conserver dans vos bonnes graces, et à mon tour, vous souhaitant le parfait et pur amour de Dieu, je suis,.

  A018003025 

 Toutefois je ne manquerai pas de vous envoyer en leur temps quelques remarques touchant cette histoire; peut-être pourront-elles être utiles à l'auteur..

  A018003038 

 Je vous prie que de l'argent qui viendra entre vos mains, qui m'appartiendra, vous delivries a madame la collaterale Flocard, six florins pour la Jeanne Peloux de Geneve; autres trois florins pour la Gautier, et trois pour la Jaquemine de Bœuf; et a la Janine, trois pour la Marguerite de Grenoble, et quatre pour la femme de Maleteste..

  A018003049 

 Faites luy bien excuses, et commences a vous excuser vous mesme de l'exces dont vous aures usé a dire du bien de moy affin quil m'aymast, car me voyla a la veille d'estre conneu de luy, puisque le Prince Cardinal fait indubitablement son voyage..

  A018003064 

 Je vous envoyeray la copie du Bref par lequel nostre Congregation est establie en tiltre de Religion..

  A018003065 

 Oh! Dieu soit beni, qu'estant filles toutes et servantes de la mesme Mere de Dieu, quoy qu'elles grandes et vous petites, vos cœurs soyent unis par sa sainte dilection que cette sacree Mere verse dedans le cœur de toutes les Seurs.

  A018003066 

 Soyés tous-jours toute courageuse, ma tres chere Fille, et vives toute en Celuy pour lequel et par lequel vous estes creee, baptizee et eslevee a cette sublime dignité d'espouse de Jesus Christ..

  A018003075 

 C'est moy qui veux respondre, Monsieur mon tres cher Frere, puisque c'est a moy a qui lhonneur dont vous parles a nostre frere s'addresse.

  A018003075 

 Or, vous juges donq bien qu'estant aupres de ce Prince pour ce voyage, je ne suis plus a moy, ni n'ay point de liberté que celle qu'il me donnera.

  A018003076 

 Mays j'ay tort [de] dire tant de choses sur ce papier, puisque me voyci a la veille de vous voir en presence, et de prendre avec monsieur de Montelon tous les moyens de suivre au plus pres qu'il se pourra toutes ses volontés..

  A018003120 

 Mais j'ai tort [de vous en écrire si long], sachant qu'on doit envoyer des relations détaillées du voyage et de tout ce qui s'est passé.

  A018003136 

 Mon esprit ne peut cesser de penser en vous, ma tres chere Cousine, ma Fille, et ne voudroit faire autre chose [311] que de vous parler en la façon qu'il peut, et ne sçait neanmoins que vous dire, estant, comme le vostre, encor tout estonné; sinon, ma tres chere Fille, que le divin Espoux de nos ames veut que nous regardions tous nos evenemens dans le sein de sa celeste Providence et que nous jettions nos affections en l'eternité, ou nous nous reunirons tous pour ne jamais plus estre separés.

  A018003137 

 En somme, vous voyla, ma tres chere Fille, au vray essay de la fidelité que vous deves a Dieu, auquel vous aves si souvent resigné toutes vos adventures.

  A018003148 

 Pour Dieu, je vous en conjure, taschés de bien establir cet esprit la en tout, avec celuy de la douceur et humilité reelle.

  A018003148 

 Vous me distes, ma tres chere Fille, qu'en vostre Mayson on faisoit particuliere profession de l'egalité d'esprit.

  A018003149 

 Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, donnes tous les momens de vostre vie avec un grand soin a Celuy qui vous prepare son amiable eternité..

  A018003157 

 Je salue vostre cœur de tout le mien et vous prie d'aymer tous-jours bien ce vieux pere qui vous cherit, certes, de tout son cœur de plus en plus, ma tres chere Fille, et se res-jouit d'apprendre que, graces a Dieu, cette Mayson la s'advance en humilité, douceur, paix et amour divin.

  A018003159 

 Je vous escris selon mon sentiment present, car il faut que j'escrive ainsy a l'ame de ma tres chere Fille, priant Dieu qu'il la face sainte, et moy aussi, qui suis tant esloigné de ce bonheur..

  A018003160 

 Encor vous faut-il dire ce mot, ma tres chere Fille: si vous n'estes pas favorisee, aymés bien cette abjection.

  A018003161 

 Ma tres chere Fille, je vous salue d'un esprit qui est inseparablement vostre..

  A018003161 

 Vives joyeuse tant que vous pourres, de cette joye paisible et devote de laquelle l'amour de nostre abjection est la racine.

  A018003186 

 Vous en sçaures le detail par mon frere de Thorens, car je m'imagine qu'on luy en escrit par le menu.

  A018003189 

 Salues, je vous prie, nos cheres Seurs, car il n'y a moyen d'escrire; et nostre seur de Bons et M me la Comtesse et ses filles..

  A018003189 

 Si pour vostre consolation vous desires aller a la Visitation passer quelques jours, pourveu que ce soit sans en [317] sortir pendant ledit tems, vous le pouves.

  A018003214 

 Je vous ay des-ja escrit que vous pourries entrer avec nos Seurs, puisque vous en estes de cœur, d'affection et de pretention, pourveu que vous n'en sorties point pour aller parmi la ville, ailleurs..

  A018003215 

 Je voy les douleurs et estonnemens de vostre cœur, parmi lesquelz Dieu ne laisse pas de regner; c'est pourquoy vous ne deves pas vous en tourmenter..

  A018003226 

 La veille de Noël je preschay devant la Reyne, aux Capucines, ou elle fit sa Communion; mais je vous asseure que je ne preschay ni mieux ni de meilleur cœur devant tous ces princes et princesses que je fay en nostre pauvre petite Visitation de Nessi..

  A018003229 

 Ouy, Seigneur Jesus, faites tout a vostre gré de nostre cœur; car nous n'y voulons ni part ni portion, ains le vous donnons, consacrons et sacrifions pour jamais..

  A018003243 

 Certes, je ne sçaurois refuser mon consentement a vos desirs; mais usons un peu de temperament, je vous supplie, qui m'oste le blasme d'estre un peu trop facile en un sujet ou il y a danger d'outrecuydance..

  A018003243 

 Je vous ay tesmoigné par mes lettres que je prendrois a faveur de me nommer vostre frere, qui est le mot du plus franc et desirable amour de tous ceux que la nature nous a donné et que la grace nous ordonne.

  A018003243 

 Mays quand je parle avec vous sous ce tiltre de frere, c'est avec un tres singulier sentiment de fraternité; et toutefois, vous me demandes encor que je sois vostre pere et que vous soyes mon filz.

  A018003244 

 Il est vray, l'affection que j'auray pour vous tiendra rang, puisqu'il vous plait, de paternelle, a cause de sa force et constance, et de fraternelle, pour sa confiance et privauté; et, comme que ce soit, « la charité esgale ceux qui l'ont » avec tant d'art, qu'ilz sont entre eux freres, peres, meres, enfans.

  A018003244 

 Or, c'est celle la dont vous me parles, mon tres [322] cher Frere; c'est pourquoy je vous diray encor, mon tres cher Filz, et mon tres cher Pere encor..

  A018003253 

 Puisque je n'ay sceu plus tost, ma tres chere Fille, je respondray maintenant aux deux pointz principaux pour lesquelz vous m'aves cy devant escrit..

  A018003257 

 Neanmoins, comme je vous ay dit, il ne faut pas pour cela mal traitter cette pauvre Seur, laquelle, comme je croy, n'a point d'autre coulpe en son affaire que celle du vain amusement qu'elle prend en ces vaines imaginations.

  A018003257 

 Seulement, ma tres chere Seur, il luy faut tesmoigner une totale negligence et un parfait mespris de toutes ses revelations et visions, tout ainsy que si elle racontoit des songes ou des resveries d'une fievre chaude, sans s'amuser a les refuter ni combattre; ains au contraire, quand elle en veut parler, il faut luy donner le change, c'est a dire, changer de propos et luy parler des solides vertus et perfections de la vie religieuse, et particulierement de la simplicité de la foy, par laquelle les Saintz ont marché, sans visions ni revelations particulieres quelcomques, se contentans de croire fermement en la revelation de l'Escriture Sainte et de la doctrine apostolique et ecclesiastique, inculquant bien souvent la sentence de Nostre Seigneur: Il y aura plusieurs faiseurs de miracles et plusieurs prophetes ausquelz il dira a la fin du monde: Retires vous de moy, ouvriers d'iniquité; je ne vous connois point.

  A018003257 

 Voyes, je vous prie, ma chere Fille, l'astuce et finesse de l'ennemy, et combien ces choses extraordinaires sont dignes de soupçon.

  A018003259 

 J'avois oublié de vous dire que les visions et revelations de cette fille ne doivent pas estre treuvees estranges, parce que la facilité et tendreté de l'imagination des filles les rend beaucoup plus susceptibles de ces illusions que les hommes: c'est pourquoy leur sexe est plus addonné a la creance des songes, a la crainte des espritz et a la credulité des superstitions.

  A018003276 

 Reste, mon Reverend Pere, qu'il vous playse de vous treuver avec les trois ou quatre ecclesiastiques que je marque en la lettre que j'escris a M. le Curé, pour faire un advis de ce qui sera necessaire estre fait pour Sessi, Grilly, Chevry, Versoex, Thuery; et j'escris un billet a monsieur Rogex affin qu'il face des provisions selon cela, ayant creance que je ne sçaurois mieux faire que de suivre si bon conseil..

  A018003278 

 Je suis en butte a tous les complaignans, et puis en certaine façon dire: Quis infirmatur, et ego [329] non infirmor? Vous participés avec compassion, je m'asseure, a toutes nos imbecillités et miseres, et aves bon besoin d'exercer la patience parmi la multitude de nos impatiences, devant estre arbitre parmi nous, affin de nous tenir en paix et tranquillité d'esprit.

  A018003278 

 Volontier je remetz M. Dagan en l'exercice de ses Ordres, et suis bien ayse que vous en rendiés bon tesmoignage.

  A018003300 

 De tout mon cœur, Madame, je me treuveray ou vous me marques et quand vous me marques, et ne refuse pas la commodité de vostre carosse, puisque je n'en ay point que de ceux qui me favorisent; parmi lesquelz vous estes, je vous asseure, l'une des ames a laquelle je souhaite plus cherement, tendrement et fortement toute sorte de sainte consolation, estant sans fin et sans reserve,.

  A018003313 

 Vous aures, je m'asseure, receu deux de mes lettres, ma tres chere Mere, quand celle ci arrivera, et croyes que je ne perdray desormais null'occasion..

  A018003314 

 En quelles occurrences pouvons nous faire les grans actes de l'invariable union de nostre cœur a la volonté de Dieu, de la mortification de nostre propre amour et de l'amour de nostre propre abjection, et en somme, de nostre crucifixion, sinon en ces si aspres assautz? Ma tres chere Mere, vous ay-je pas souvent intimé la nudité de toutes les creatures, pour se revestir de Nostre Seigneur crucifié? Or sus, Dieu sera au milieu de vostre cœur, qui vous affermira, et j'espere [332] qu'il conduira ce filz a bon port et que vous aurés encor la consolation interieure de le sçavoir..

  A018003314 

 Je suis grandement en peine de vostre affliction, bien que je n'en sache pas les particularités; mais je voy bien, par ce peu de paroles que vous m'escrivés, que vous la sentés vivement.

  A018003317 

 J'avois grand desir de voir Monseigneur nostre Archevesque, mais puis qu'il ne vient pas, je me res-jouis en la consolation que vous aves de sa presence et luy bayse tres humblement les mains, et salue de tout mon cœur nos tres cheres Seurs; qui suis infiniment, ainsy que vous sçaves, ma tres chere Mere, vous mesme, en une façon incomparable tout vostre..

  A018003327 

 Et croyes moy bien aussi, ma chere Fille, que ce m'est une fort particuliere consolation de recevoir de vos lettres et de vous envoyer des miennes..

  A018003328 

 Mais voyes combien amoureusement il a escrit vostre nom dans le fond de son divin cœur, qui palpite la sur la paille pour la passion affectueuse qu'il a de vostre avancement, et ne jette pas un seul souspir devant son Pere auquel vous n'ayes part, ni un seul trait d'esprit que pour vostre bonheur.

  A018003328 

 Vous estes bien aupres de cette cresche sacree en laquelle le Sauveur de nos ames nous enseigne tant de vertus par son silence.

  A018003330 

 Aspirés donq souvent pour moy, ma Fille, et vous prescheres avec moy; et moy, croyes moy, je joins mon ame a la vostre tous les jours par le lien du tressaint Sacrement, que je ne reçoy point qu'avec vous et pour vous.

  A018003330 

 Faites donq, ma Fille, faites mille fois le jour ces saintes aspirations a Dieu, protestant que vous estes toute, totalement, a jamais et eternellement sienne..

  A018003330 

 Helas! ma chere Fille, l'envie que vous me portes procede elle de ce que je presche au monde les louanges de Dieu? O que c'est quelquefois un grand contentement au cœur de publier la bonté de ce qu'on ayme! Mays si vous desires de prescher avec moy, je vous en prie, faites le, ma Fille, tous-jours, priant Dieu qu'il me donne des paroles selon son cœur et selon vos souhaitz.

  A018003360 

 De grâce, que votre chère âme ne se laisse pas troubler par des scrupules touchant le vœu que vous avez fait d'être Religieuse; car, qui ne diffère le paiement que pour payer en meilleure monnaie ne doit pas être appelé mauvais payeur, surtout lorsque le jour ni le temps n'ont pas été fixés.

  A018003377 

 Si vous n'aves gueres ni d'or, ni d'encens pour offrir a Nostre Seigneur, vous aures au moins de la mirrhe, et je voy qu'il l'accepte tres aggreablement, comme si ce fruit de vie vouloit estre confit en la mirrhe d'amertume, tant en sa naissance qu'en sa mort.

  A018003380 

 Voyla que je vous dis, ma tres chere Mere; et tout de mesme pour les nouvelles des desplaysirs de M. [de Chantal.] En fin, Nostre Seigneur, peut estre, nous veut ainsy conduire entre les espines desormais; et je confesse, pour le regard de moy mesme en moy, qu'il en est bien tems: en vous, je le supplie de toutes mes forces qu'il attrempe tous-jours doucement son calice; mais que nostre volonté ne soit pas faite, ains la sienne toute sainte.

  A018003389 

 Soit que nous allions, soit que nous revenions, soit que nous soyons en un lieu, soit que nous soyons en divers lieux, pourveu que nous soyons avec Dieu nous ne pouvons jamais estre separés; et mesme, si nous avons memoire de la parole de Nostre Seigneur quand il dit a sa tres chere Mere: Ne sçavies vous pas qu'il failloit que je fusse es affaires de mon Pere? car il veut dire que il importe peu ou que nous soyons, pourveu que nous vivions au service du Pere celeste.

  A018003390 

 Et bien, ma tres chere Fille, [votre lettre] m'a representé l'histoire du debat que vous eustes....

  A018003390 

 Ne vous [mettez] nullement en consideration d'ou cela procede, car il n'importe [guère.].

  A018003390 

 quand vous desirastes d'estre ma fille; et il n'y a nul [mal] que vous ne sachies pas si bien exprimer en presence vos petites conceptions comme vous faites en absence.

  A018003391 

 Je participe par ressentiment au mal que monsieur vostre mari souffre et a la peine que vous en aves, parmi laquelle nostre tres sacree Maistresse et Abbesse vous peut bien donner de la consolation, vous menant sur la montaigne de Calvaire ou elle tient le noviciat de son monastere, monstrant la leçon non seulement de bien souffrir, mais de souffrir amoureusement tout ce qui nous arrive, et a nos plus chers.

  A018003397 

 Je m'en vay prier pour elle, et vous prie de la saluer [humble]ment, ma tres chere Fille..

  A018003410 

 Que si j'ay retardé a vous escrire, attribués-le, je vous prie, a ce tracas insupportable parmi lequel il faut faire plus qu'on ne peut et qu'on ne veut, et ne faire pas ce que l'on veut, encor que l'on le peut..

  A018003411 

 J'ay bien apprehendé ci devant que la maladie du bon monsieur vostre pere ne vous tinst en peine; mais maintenant que, graces a Dieu, il reprend forces et santé, je suis bien fort soulagé de ce costé la..

  A018003414 

 Il vous a gardee jusques a present; tenes vous seulement bien a la main de sa Providence, et il vous assistera en toutes occasions, et ou vous ne pourres pas marcher, il vous portera.

  A018003414 

 Ne prevenes point les accidens de cette vie par apprehension, ains prevenes les par une parfaite esperance qu'a mesure qu'ilz arriveront, Dieu, a qui vous estes, vous en delivrera.

  A018003414 

 Que deves vous craindre, ma tres chere Fille, estant a Dieu, qui nous a si fortement asseurés qu' a ceux qui l'ayment tout revient a bonheur? Ne pensés point a ce qui arrivera demain, car le mesme Pere eternel qui a soin aujourd'huy de vous, en aura soin et demain et tous-jours: ou il ne vous donnera point de mal, ou s'il vous en donne, il vous donnera un courage invincible pour le supporter..

  A018003415 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille; ostés de vostre imagination ce qui vous peut troubler, et dites souvent a Nostre Seigneur: O Dieu, vous estes mon Dieu, et je me confieray en vous; vous m'assisteres et seres mon refuge, et je ne craindray rien, car non seulement vous estes avec moy, mais vous estes en moy, et moy en vous.

  A018003415 

 Faites donq bien ainsy, ma tres chere Fille, et vous seres en paix.

  A018003415 

 Que peut craindre l'enfant entre les bras d'un tel pere? Soyés bien un enfant, ma tres chere Fille; et, comme vous sçaves, les enfans ne pensent pas a tant d'affaires; ilz ont qui y pense pour eux; ilz sont seulement trop fortz s'ilz demeurent avec leur pere.

  A018003426 

 Je reviens asses tard des Benedictins ou, graces a Dieu, j'ay receu au giron de l'Eglise un fort honneste gentilhomme, de bon esprit et de bonnes lettres, et si, je doy prescher demain; c'est pourquoy je vous respondray courtement a vos lettres precedentes..

  A018003427 

 Nous ne vous envoyerons pas encor ni l'une ni l'autre de ces dames: l'une, qui est la mariee, par ce qu'elle ne [345] veut donner que cinq cens francz de pension, se sous-mettant, quant au reste, que sa fille de chambre estant espreuvee, si elle n'est propre a demeurer on la puisse chasser; et pour ses moyens, bien qu'elle ne se determine a rien, si me semble-il qu'elle se laissera conduire.

  A018003430 

 Vous ne doutes plus de nostre mariage, je m'asseure; car vous aures sceu meshuy que le contract fut solemnisé il y a 9 jours, que tout s'est passé avec un bonheur nompareil.

  A018003431 

 Monsieur le Baron de Chantal me fit presque mentir quand je vous escrivis, car il arriva ceans comme j'avois envoyé la lettre, et commença fort a s'apprivoyser avec moy, mays il ne me parla point de ses affaires.

  A018003431 

 Vous sçaves, ma tres chere Mere, que la mayson du Prince est un monastere, et que pour chose du monde il ne veut souffrir les desordres; et bien que venant icy il veuille s'accommoder a la liberté du paÏs, si est ce quil la veut vertueuse.

  A018003432 

 Ce qui tient en peine M. de Forax, c'est premierement qu'il ne sçait ou aller prendre la finale conclusion de son mariage, ou de sa prćtention, puisque madamoyselle de Chantal n'est pas aupres de vous, et que, ni elle sans vous, ni vous sans elle ne feres rien.

  A018003432 

 Et je vous asseure que le pauvre garçon n'en est guere plus grand docteur que moy, ouy bien en toute sorte de vertu, pieté et courtoysie; et luy est advis qu'encor qu'il n'espouseroit pas M lle de Chantal, laquelle pourtant il a bien envie d'espouser, il ne laisserait pas d'estre vostre filz..

  A018003433 

 Je pense que c'est que je suis vieux; en somme, ce n'est rien, je vous asseure.

  A018003433 

 M. Flocard est tous-jours icy nostre camarade, et tous-jours plein de vertu et de respect pour vous..

  A018003434 

 Dieu vous benisse et toutes nos Seurs; mays Dieu vous benisse, ma tres chere Mere, que je cheris plus que moymesme, ou comme moymesme..

  A018003451 

 Je vous escrivis avanthier, non sans un grand empeschement, car j'estois grandement chargé, et croyois que le messager deut partir hier de grand matin; despuis, j'ay receu la lettre ci jointe de la pauvre petite seur, et un'autre par laquelle elle me dit que je face entrer sa fille aupres de nostre Princesse, ce que je m'essayeray de faire, Dieu aydant.

  A018003451 

 Voyla une lettre de ma Seur Claude Agnes, que vous verres; puisque elle dit que elles n'ont point de vos nouvelles, je luy vay [écrire que vous êtes] asses bien, Dieu aydant..

  A018003455 

 Vous ne sçauries croire, ma tres chere Mere, combien tout est recherché en ce tems icy; je croy que le monde va finir, car tous ont peur qu'il ne leur manque..

  A018003457 

 Je salue tres cherement ma Seur Anne Marie, ma Seur Marie Marthe, ma Seur Anne Catherine, ma Seur Helene, ma Seur... Je vous asseure que je ne treuve pas [352] maintenant les autres qui sont avec vous, car je les vis si vistement a Lyon que je ne l'observay pas.

  A018003467 

 Non, je vous prie, ne vous retenes point de m'escrire quand il vous plaira, car pourveu que vous ayes patience de ne recevoir des responses que quand j'auray la [353] commodité de les faire, je n'auray jamais que beaucoup de contentement d'avoir souvent de vos lettres; car si vous ne le sçaves pas, je vous annonce que vous estes bien ma tres chere fille..

  A018003468 

 Mais il faut que si les Seurs n'ont pas la confiance de demander a parler a luy, luy mesme l'ayt de demander de parler a elles quelquefois, et sil ne l'avoit pas, il faut que vous la luy donnies, si c'est un Pere qui la puisse recevoir; car, comme il faut pourvoir d'une juste liberté aux Seurs pour la communication, aussi les faut-il retenir dans la regie de la simplicité et humilité; et n'est pas raysonnable que la foiblesse de quelques unes face multiplier les confessions extraordinaires a toute la Congregation, et mette en tristesse et ennuy le pauvre confesseur ordinaire.

  A018003468 

 Pour le point que vous me marques, il ne faut nullement alterer la regie du confesseur extraordinaire; ni aussi estonner ce (sic) Seurs infirmes qui ont appetit d'avoir communication avec le confesseur extraordinaire plus souvent que quatre fois l'annee.

  A018003469 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Fille, et je suis en luy tres parfaitement vostre.

  A018003487 

 Laisserois-je bien aller aupres de vous ce digne frere, sans luy donner ces quatre motz par lesquelz il vous puisse tesmoigner la protestation que je luy ay faite de lhonneur et, si vous me le permettes, de l'amour que je vous veux porter toute ma vie? Faites moy, je vous prie, la faveur, ma tres chere Fille, de l'avoir aggreable, et de me departir reciproquement le bonheur que je desire tant, d'estre conservé en vostre bonne grace..

  A018003488 

 Au demeurant, perseveres bien, ma tres chere Fille, a reluire en vertu et pieté devant Dieu et les hommes, puisque sa divine Majesté vous a donné et l'inclination, et l'inspiration, et la resolution pour cela.

  A018003508 

 Ayant bien veu la lettre que vous me donnastes aux [357] Benedictins, j'ay certes ressenti grandement la peine de celle qui me l'a escritte, non que pour cela je la voye en aucun danger, mais par ce qu'ell'est affligee; et j'ay tant de part en elle qu'il est impossible que son affliction ne m'afflige.

  A018003509 

 Quand vous me verres apres le sermon, ou aujourdhuy ou demain, nous prendrons jour et heure pour parler avec elle.

  A018003520 

 O ma chere Mere, que la prudence humaine est admirable! Croiries vous que des grans serviteurs et servantes de Dieu m'ont encor dit aujourd'huy que la douceur et la pieté de nostre Institut estoyent tellement au goust des espritz françois, que vous osteries toute la vogue aux autres Maysons religieuses; que quand on auroit veu cette madame de Chantal, il n'y auroit plus que pour elle.

  A018003548 

 Aussi, est-ce au nom de ce Père céleste que j'ai commencé à vous appeler: Ma Fille bien aimée.

  A018003548 

 Et pour Votre Seigneurie, j'ajoute la consolation de saint François; maintenant, n'ayant plus de père temporel, vous pourrez dire avec plus de vérité: Notre Père, qui êtes aux cieux.

  A018003548 

 J'ai voulu écrire tout cela à Votre Seigneurie Illustrissime parce que, me semble-t-il, la conclusion de saint Paul est bonne: Consolez-vous donc en ces paroles; car cette consolation suffit aux enfants de [361] Dieu, que leurs défunts aient reçu avant leur départ les secours efficaces de la sainte Eglise.

  A018003549 

 Il me reste à vous dire que le Sérénissime Prince a toujours sa volonté bien arrêtée pour la fondation du Monastère.

  A018003549 

 Mais moi je dis qu'il vaut mieux que vous attendiez un peu, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes; car il ne se passera guère que quelques mois tout au plus, avant de voir la fin [362] de cette affaire.

  A018003562 

 En somme donq, vous aures, le Samedi saint, un carrosse a Orleans, qui y arrestera le jour de Pasques, passé lequel vous pourres partir et venir.

  A018003562 

 Je vous escris peu, selon mon desir; beaucoup selon mon loysir, dont je n'eus jamais moins, ce me semble, ni jamais plus de force et de santé.

  A018003562 

 Je voy la mortification qu'il y a de voyager parmi ces bons jours et, pour toute bonne chose, je voudrois vous delivrer de cette peine; mays nous sommes pressés de mon retour, pour l'incertitude du tems auquel il me le faudra faire, et chacun crie que vous venies avant mon depart..

  A018003563 

 En quel estat sont les affaires, vous l'apprendres de la bonne madame de Royssieux, une toute bonne, toute vertueuse... [364].

  A018003575 

 Ces quattre lignes partent de mon [365] cœur pour faire sçavoir au vostre que si je ne l'ay visité de presence en son affliction, ç'a esté, je vous asseure, d'une affection grande et avec beaucoup de sentimens..

  A018003575 

 Si j'estois aupres de vous, je vous dirois bien plus de choses que je n'en sçaurois escrire, et si j'estois en un autre lieu je vous escrirois plus amplement que je ne puis faire en celuy ci.

  A018003588 

 Parce que l'autre jour je vous vis en peine pour Dorothee, j'ay creu que je devois vous donner advis [366] qu'hier, revenant du Louvre tout de nuit, je treuvay ceans des Peres Benedictins qui me dirent qu'une jeune fille s'estoit peu auparavant addressee a eux pour me faire sçavoir que Dorothee estoit detenue par force chez madame de la Trimouille, qui l'avoit mise entre les mains de deux ministres, et que ce matin ilz la vouloyent emmener, et non obstant toutes les resistances qu'elle faysoit.

  A018003589 

 Demain j'auray le bien de vous voir, sil plait a Dieu, et ce pendant, je prie sa divine Majesté qu'elle vous comble de ses plus favorables benedictions, qui suis,.

  A018003603 

 Ce me sera tous-jours une fort particuliere consolation quand j'auray le bonheur de recevoir de vos lettres; car en verité, je vous cheris et honnore parfaitement, puis [368] qu'il a pleu a Nostre Seigneur de me faire voir vostre cœur, et au milieu d'iceluy, le sacré desir d'aymer invariablement cette divine Bonté, en comparayson de laquelle comme il n'y a rien de bon, aussi n'y a-il rien d'aymable.

  A018003603 

 Mays croyes bien, ma tres chere Fille (car je ne puis empescher mon cœur de pousser ce mot cordial), croyes, je vous supplie, que si mes souhaitz sont exaucés, vous feres un continuel progres en cette sainte dilection; car je n'oublieray jamais d'en supplier Dieu et de luy offrir plusieurs Sacrifices a cette intention.

  A018003604 

 Vous voyes comment la Providence celeste est douce envers vous, et qu'elle ne differe son secours que pour provoquer nostre confiance.

  A018003605 

 Je loüe Dieu que vous soyes plus constante, nonobstant vos perpetuelz tracas domestiques, parmi lesquelz il faut faire valoir vostre dilection, comme le courage es batailles.

  A018003607 

 Je ne manqueray pas d'imprimer un singulier amour pour vostre personne en cette Congregation, specialement au cœur de madame de Chantal, vous asseurant que je desire grandement que vous soyes toute comblee de cette pure charité qui vous rende a jamais aymable a Dieu et a toutes les creatures qui le servent.

  A018003619 

 Ayant passé toute la matinee a Saint Germain et deux heures qu'au chemin qu'en chaire, et un'heure et demi avec des dames qui me sont venu voir apres le sermon, j'ay treuvé le bon M. Berger qui ira voir M. le grand Vicaire, pour luy annoncer et faire treuver bon le jour auquel vous commenceres a paroistre, estimant que ce compliment estoit necessaire.

  A018003619 

 Or, elle m'a dit enfin quil failloit prendre la mayson qui est pres de l'hostel de Guise et qui est, ce dit elle, a madamoyselle de Creil; et qu'elle la nantira d'une rente qu'elle respondra de valoir 24 mille escus, dont par apres vous luy tiendres conte a commodité, ce qu'elle veut donner detrait.

  A018003630 

 Je m'en vay a vous tout presentement, mays M. Berger y arrivera peut estre encor plus tost que moy.

  A018003630 

 Tesmoignes luy beaucoup d'obligation, et si d'aventure il parloit de la charge des Pœnitentes, ne le rebuttes pas, ains dites simplement que pour maintenant vous [373] n'aves point de personnes capables de cela, et que si Dieu en envoye a l'advenir, ce sera aux Superieurs d'en disposer selon que Dieu les inspirera; car en ce pais il faut grandement estre en respect..

  A018003639 

 Vous n'aves donq plus parmi vous, ma tres chere Fille, M me la Presidente Le Blanc; or, je croy qu'elle est parmi les Anges.

  A018003649 

 J'envoyeray prier M. des Hayes de prester son carrosse et de vous aller prendre; s'il se treuve prest, je m'asseure qu'il le fera.

  A018003649 

 Je pense toutefois que si on prioit M me de Royssieux, peut estre vous envoyeroit elle bien le sien, ou madame la Contesse de Joigni; et je m'advise que celuy de M me de Royssieux n'est pas a elle, mais a son beaufrere..

  A018003661 

 Respondant a la derniere lettre que vous aves pris la peine de m'escrire, je vous diray que je n'ay rien oublié de tout ce que j'ay peu pour servir le pauvre M. le Collateral de Quoex en son affliction.

  A018003662 

 Je vous prie de prendre la peine de les instruire de mon droit, comme encor de ne vous lasser pas a bien conduire par vos advis l'affaire que j'ay avec M. de Marcossey..

  A018003678 

 Non, je vous supplie, ne soyes jamais en crainte de m'importuner par vos lettres; car je vous dis en vraye verité qu'elles me donneront tous-jours une tres grande consolation, tandis que Dieu me fera la grace d'avoir le cœur en sa dilection, ou du moins desireux de la posseder.

  A018003679 

 Et ne croyés nullement que j'aye cette cogitation que vous recherchies l'excellence du personnage, car, bien que cette sorte de pensee est grandement convenable a ma misere, si est ce qu'en telles rencontres elle ne me vient pas; ains au contraire, il n'y a peut estre rien qui soit plus capable de m'acheminer a l'humilité, admirant que tant de serviteurs et servantes de Nostre Seigneur ayent une si grande confiance en un esprit si imparfait comme est le mien.

  A018003679 

 Il est vray, sans doute, ma tres chere Seur, que si je ne fusse pas venu en cette ville, malaysement eussies-vous peu communiquer vos affaires spirituelles avec moy; mais puisqu'il a pleu a la Providence celeste que j'y sois, il n'y a nul inconvenient que vous employes cette occasion, si vous penses qu'il soit a propos.

  A018003679 

 Mais j'ay quasi tort de vous dire tout ceci..

  A018003681 

 Ma chere Seur, je ne voy pas qu'il y ayt grand danger en cela, puisque vous ne voules pas suivre vos inclinations qu'elles ne soyent appreuvees; et quoy que vous cherchies des juges favorables, si est ce toutefois que, les prenant bons, sages et doctes, vous ne sçauries mal faire de suivre leurs opinions, bien que desirees par vous, pourveu qu'au reste vous proposies naifvement vos affaires et les difficultés que vous aves.

  A018003681 

 Ouy; mais, ce me dites vous, ce pendant je vay dextrement favorisant mes inclinations et humeurs.

  A018003682 

 Mays, ma tres chere Seur, je ne voudrois pas que vous manquassiés a l'orayson, au moins de demi heure, sinon que ce fust pour des occasions violentes, ou quand l'infirmité corporelle vous tient.

  A018003683 

 Alhors donq nous parlerons a souhait de vostre conduitte et de tout ce qu'il vous plaira me proposer, sans que je m'excuse de rien, sinon quand je n'auray pas la lumiere requise pour vous respondre.

  A018003683 

 Au reste, je feray l'une des deux choses; car, ou je vous escriray avant mon depart plus au long, ou je vous iray voir au jour que j'ay marqué a ce bon et aymable porteur.

  A018003683 

 Et croyes, je vous supplie, que rien ne m'empeschera d'avoir ce dernier [contentement] que l'impossibilité, et prendray tout le loysir que vous desires; tant il est vray que je desire infiniment le vostre, et que Dieu m'a donné une tres singuliere affection pour vostre cœur, que sa divine Majesté veuille combler de benedictions.

  A018003697 

 J'ay esté grandement ayse d'avoir appris de vos nouvelles et que vous soyes en cet honneste exercice que vous faites.

  A018003697 

 Je ne vous sçaurois asseurer de mon sejour en cette ville, par ce que devant faire mon retour a la suite de Madame sœur du Roy, nostre Princesse, je seray obligé de partir quant et elle, qui partira sur la fin de ce moys, comme l'on dit.

  A018003697 

 Mays je vous diray bien que vostre pere se portoit fort bien quand je vins, et vos freres aussi.

  A018003697 

 Vous pourres tous-jours, quand vous voudres, nous faire sçavoir de vos nouvelles, addressant vos lettres icy, a Maurice des Melliers, valet de chambre de monsieur [le] Comte de Moret, qui est de nos voysins de Thorens; ou bien mesme a Rouen, a monsieur l'advocat Monet, qui est de la Bonneville.

  A018003698 

 Cependant, je prie Dieu qu'il vous benisse, mon Filieul, et suis de tout mon cœur,.

  A018003700 

 et voysin a vous faire service,.

  A018003715 

 Et si vous voyies ce que je voy, vous ne douteries point de cette verité, ni monsieur Meynier non plus; et icy comme ailleurs, mais plus icy qu'ailleurs, il faut aller tendrement aux demandes..

  A018003715 

 Mays croyes moy, je vous supplie, que quand il y seroit, nous n'en aurions rien davantage, ni par la voye de Madame, qui ne demande rien en matiere d'affaires que ce que Monseigneur son mari luy suggere de demander; et il ne veut rien toucher, ni d'une sorte ni d'autre, a ce qui doit estre pris des mains de Son Altesse.

  A018003716 

 Mays vous sçaures mieux tout ceci bien tost, que j'auray lhonneur de vous voir, sil est vray que Monseigneur le Prince s'en aille dans 15 jours, et Madame dans 15 apres, comm'on nous dit.

  A018003717 

 Je prie Dieu qu'il vous comble de benedictions, ma tres chere Cousine, ma Fille, et suis de tout mon cœur,.

  A018003733 

 Ne vous amuses point a disputer [384] avec eux, ne tesmoignes nulle sorte de tristesse de leurs attaques; mais, avec joye, riés de leurs risees, mesprises leur mespris, joues vous de leurs remonstrances, moques vous modestement de leurs moqueries et, sans faire attention a tout cela, marches tous-jours gayement au service de Dieu, et, au tems de l'oraison, recommandes ces pauvres espritz a la divine misericorde.

  A018003733 

 Vous seres souvent parmi les enfans de ce monde qui, selon leur coustume, se moqueront de tout ce qu'ilz verront ou penseront estre en vous contre leurs miserables inclinations.

  A018003734 

 Je voy que vous abondes en commodités de la vie presente; prenes garde que vostre cœur n'y demeure point engagé.

  A018003735 

 C'est peu de chose de plaire a Dieu en ce qui nous plaist: la fidelité filiale requiert que nous luy voulions plaire en ce qui nous desplaist, nous remettans devant les yeux ce que le grand Filz bienaymé disoit de soy mesme: Je ne suis pas venu pour faire ma volonté, mays pour faire la volonté de Celuy qui m'a envoyé; car aussi n'estes vous pas chrestienne pour faire vostre volonté, mais pour faire la volonté de Celuy qui vous a adoptee pour estre et sa fille et son heritiere eternelle..

  A018003735 

 Souvenes vous, ma tres chere Fille, de bien faire la volonté de Dieu es rencontres ou vous aures le plus de difficulté.

  A018003736 

 Au reste, vous vous en alles, et moy je m'en vay aussi, sans aucune esperance de vous revoir en ce monde.

  A018003737 

 Ainsy soit il, ma tres chere Fille, et je vous prometz que tous les jours je renouvelleray ces sacrés souhaitz sur vostre ame, que la mienne cherira a jamais inviolablement.

  A018003737 

 Qu'a jamais il vous tienne de sa main et vous conduise au chemin de sa sainte volonté.

  A018003745 

 Il me dit toutefois que [386] Monseigneur de la Rochefoucault vouloit assembler un conseil de conscience pour se determiner, et peut estre est ce pour cela que le P. Superieur de Saint Louys vous veut parler..

  A018003746 

 Moy je me porte bien, et hier je n'eu nulle peine, sinon en la si longue attente qu'on fit faire aux auditeurs, qui me donna certes de l'inquietude, et m'osta un peu l'asseurance; mays, comme vous sçavés, ces choses-la sont de peu de consideration en moy qui suis certes tous-jours de plus en plus vostre en Nostre Seigneur..

  A018003757 

 De vous dire que vous en facies de [388] mesme, je ne le feray pas; car s'il plait a Dieu, il vous l'inspirera, et je ne puis douter qu'il ne le face..

  A018003757 

 Il n'y aura donq plus en moy de Monsieur pour vous, ni en vous de Madame pour moy; les anciens, cordiaux et charitables noms de Pere et de Fille sont plus chrestiens, plus doux, et de plus grande force pour tesmoigner la dilection sacree que Nostre Seigneur a voulu estre entre nous.

  A018003758 

 Or sus donq, ma tres chere Fille, c'est la verité que je suis meshuy en si grande incertitude du tems de mon depart que je n'ose plus me promettre la consolation de vous revoir de mes yeux mortelz; mays si j'en ay le loysir, je le feray tres affectionnement, et si je croy que vostre cœur bienaymé en doive recevoir quelque notable utilité, je feray tout ce que je pourray pour cela..

  A018003759 

 Cependant, ma tres chere Fille, souvenes vous souvent de ce que je vous ay dit: Dieu a jetté les yeux sur vous pour se servir de vous en choses de consequence et vous tirer a une excellente sorte de vie.

  A018003760 

 Parsemes toutes les pieces de vostre conversation, tant interieure qu'exterieure, de sincerité, douceur et allegresse, suivant l'advis de l'Apostre: Res-jouisses vous tous-jours en Nostre Seigneur; je vous dis de rechef, res-jouisses vous.

  A018003760 

 Que vostre modestie soit conneuë de tous les hommes. Et s'il est possible, soyes esgale en humeur, et que toutes vos actions se ressentent de la resolution que vous aves faite d'aymer constamment l'amour de Dieu..

  A018003761 

 Ce bon porteur, que j'ayme cordialement parce qu'il est tout vostre, vous porte le livre du P. Dom Sens, General des Feüillans, ou il y a une grande et profonde doctrine spirituelle, pleine de maximes tres importantes.

  A018003761 

 S'il vous sembloit qu'il vous portast hors de la [389] sainte allegresse que je vous conseille si fort, croyes que ce n'est pas sa pretention, ains seulement de rendre serieuse et grave cette joye, comme aussi faut il qu'elle soit.

  A018003763 

 Vous ne dires point ceci a personne, s'il vous plait, ma tres chere Fille; car je revere si hautement ce bon Pere et tout ce qu'il dit, que je ne voudrois pas qu'il sceust qu'en ceci mesme je me retirasse de luy.

  A018003764 

 Ne vous charges pas de trop de veilles ni d'austerités (et croyés moy, ma tres chere Fille, car j'entens bien ce que je dis en ceci), mais alles au Port Royal de la vie religieuse par le chemin royal de la dilection de Dieu et du prochain, de l'humilité et de la debonnaireté..

  A018003765 

 Je ne sçay pourquoy je vous escris si largement; c'est mon cœur qui ne se lasse pas de parler au vostre, mais il faut [390] que je finisse pour entrer au bain, puisque je suis entre les mains du medecin..

  A018003765 

 Si jamais vous m'escrives des nouvelles de'vostre cœur, vous n'aves point besoin de vous signer, ni de marquer le lieu d'où vous m'escrives, ni de parler de vous, ains seulement de la fille que je vous ay recommandee.

  A018003787 

 La seule necessité de mon Eglise me dispense de ce respect, pour vous supplier, comme je fay tres humblement, de vouloir retirer la connoissance du different qui est entre maditte Eglise et les sieurs habitans de Sessel par devant vous, au tems et au lieu qu'il vous plaira de marquer.

  A018003787 

 Non que nous voulions vous donner l'importunité d'assister a la meslee des allegations qui se feront de part et d'autre, mais seulement nous souhaiterions que l'affaire se passast en lieu ou vous puissies, en un mot de vostre authorité, determiner ce qui sera jugé convenable par ceux a qui il vous plaira de donner le soin de voir le droit et le juste; autrement, Monsieur mon Filz, il ny a nul moyen de finir cette conteste, laquelle toutefois est de consequence pour le repos des ames des uns et des autres..

  A018003788 

 Playse vous donq, je vous en supplie de rechef tres humblement, de nous faire a tous cette grace, et d'advertir les uns et les autres de vostre volonté, affin que, ce pendant, le proces cesse, et qu'ilz se præparent a venir, icy [393] ou a Digeon, au tems de vostre commodité.

  A018003789 

 Et tandis, je prie Dieu, Monsieur mon tres cher Filz, qu'il vous comble de toute parfaite prosperité avec tout ce qui vous est plus cher, et suis invariablement, d'un cœur paternellement passionné,.

  A018003789 

 Je suis encor icy pour quelques jours, attendant ce qu'il plaira a Monseigneur le Prince de Piemont de m'ordonner sur mon retour, lequel, si je fay selon mon souhait, se fera du costé ou vous serés, pour avoir encor le bien et le contentement de vous revoir et recevoir lhonneur de vos commandemens.

  A018003806 

 O que bienheureux est l'esprit de celuy qui ne void que ces deux objetz, dont l'un le ravit a la dilection souveraine, et l'autre le ravale a l'abjection extreme! car, que pouvoit dire ce grand hermite, en un lieu ou il n'avoit que Dieu et luy, sinon: « Qui estes vous, Seigneur, et qui suis-je? ».

  A018003807 

 Quant a vostre treille, je pense qu'il la faut, pour le present, faire de boys, tandis que vous estes a louage, et qu'il y faut faire une porte, sans que toute la treille s'ouvre; car, quant a la Profession, le Pontifical reveu [395] et imprimé par ordre du Pape, fait sortir les filles pour venir faire le vœu; et quant a parer l'autel, on verra si on pourra continuer a faire... Je n'y voy nul inconvenient; mais il faut subir l'esprit des autres..

  A018003818 

 J'ay promis a madame Goulay de vous tenir advertie de ce que j'aurois fait en son affaire, et je tiens parole.

  A018003819 

 Mays pourtant, les Seurs de la Visitation disent qu'elles se sont apperceuës que ledit Conseil ne treuve nullement convenable qu'elles reçoivent cette bonne dame, parce que leur Monastere est tout composé de Novices, et si recent en cette ville que la reputation en est delicate, comme regardé curieusement en ce commencement, et [397] regardé de beaucoup d'espritz fort tendres; que, de plus, ledit Conseil a mis en consideration que mondit seigneur le Cardinal avoit tous-jours declairé qu'il ne souffriroit jamais qu'on y entrast, sinon pour y vouloir demeurer tout a fait: qu'en suite de cela il fut conclu qu'on ne la recevroit point pour quelque tems; mais que si elle estoit bien tendre et qu'elle voulust estre Religieuse a bon escient, on la pourroit recevoir, comme vous me dites vous [mesme, quand on] auroit bien espreuvé sa vocation, et qu'une des bonnes marques seroit qu'elle se contentast d'aller pour quelque tems en quelqu'un des monasteres de France, pour ensuite revenir icy.

  A018003820 

 Cependant, Madame, vous jugeres que si la chose est telle, je ne dois rien dire sur ces Messieurs, estans les interpretes du Prelat; et n'estant icy qu'en attente de mon depart, je dois en tout et par tout suivre leurs sentimens, outre que ce seul bruit donne tant d'apprehension a ces Seurs, que s'il est vray, je n'oserois leur persuader une reception de laquelle elles auroyent tant de degoust..

  A018003821 

 Vous mesnageres, s'il vous plait, cet advis, en attendant celuy que je vous donneray soudain que j'auray receu response de monsieur le grand Vicaire; et tenes moy, je vous en supplie,.

  A018003830 

 Je ne vous escris pas, ma tres chere Fille, car je n'en ay pas le loysir ce matin, un'ame pressee de retourner aux chams et venant faire sa confession generale a la desrobee m'ostant cette commodité.

  A018003831 

 Dites cependant a cette fille bienaymee que je vous ay tant recommandee et que j'ay tant a cœur, que je persevere a luy dire que Dieu la veut tirer a une excellente sorte de vie; dont elle doit benir cett'infinie Bonté qui l'a regardee de son œil amiable.

  A018003833 

 Dites luy qu'elle communie hardiment en paix, avec toute humilité, pour correspondre a cett' Espoux (sic), qui, pour s'unir a nous, s'est aneanti et suavement abaissé, jusques a se rendre nostre viande et pasture, de nous qui sommes la pasture et viande des vers. O ma Fille, qui se communie selon l'esprit de l'Espoux s'aneantit soymesme et dit a Nostre Seigneur: Masches moy, digeres moy, aneantisses moy et convertisses moy en vous.

  A018003834 

 Du reste, je vous en parleray en presence..

  A018003838 

 Je pensois ne vous escrire que pour vous saluer, mais insensiblement je vous ay escrit..

  A018003840 

 Mon frere vous salue tres humblement, et moy, nos tres cheres Seurs..

  A018003872 

 C'est donq cela que je vous dis en substance, Monsieur, qui n'est ni de loin ni de pres contraire a la doctrine des saintz Peres allegués par monsieur de Mornay au livre qu'il vous pleut m'envoyer hier au soir, et que je vous renvoye ce matin, avec remerciement et protestation que je desireray continuellement de pouvoir, par quelqu'heureuse occasion, tesmoigner,.

  A018003901 

 Il est meshuy tems que je vous rende comte de ces deux ou troys jours..

  A018003902 

 Hier vous sceustes que M me la Marquise de Verneüil estoit allee aux chams.

  A018003903 

 Et ayant pensé a ce que vous me dites des habitz et de la demande qui s'en fait, j'incline qu'on la retranche; mays nous verrons.

  A018003903 

 Il faut præparer tout ce qui sera requis pour la profession, et pour cela j'iray demain a quelque heure concerter avec vous.

  A018003903 

 Je meurs d'envie de vous aller voir et entretenir, et nos cheres Seurs.

  A018003904 

 J'ay veu vostre papier, ma tres chere Mere, et j'en parleray quand vous voudres a vostre cœur, que Dieu par sa bonté veuille combler de felicité comme le mien propre..

  A018003932 

 Si je puis, je vous iray voir cet apres disner, non toutefois pour vous entretenir, mays c'est apres avoir confessé des dames qui n'attendent que cela pour s'en aller aux chams; et je ne voy pas que passé cela je me treuve fort occupé que pour aller dire mes adieux tout bellement..

  A018003957 

 Vous recevres cette lettre, Dieu aydant, par les mains [411] de madamoyselle du [Tertre], grandement bien apparentee en cette ville, laquelle estant demeuree vefve despuis peu et s'estant resolue a ne plus rentrer dans les liens du mariage, a creu de ne pouvoir mieux conserver sa resolution que dans l'estat religieux, auquel neanmoins ne sentant pas pour encor une si forte affection qu'elle souhaiteroit pour pouvoir d'abord s'y engager, elle a nonobstant un desir si grand de s'y voir arrestee, qu'elle veut rechercher cette grace de Dieu es lieux ou elle espere qu'elle luy sera plus facilement accordee.

  A018003958 

 A cette occasion donq, ma tres chere Fille, nostre bonne Mere et moy vous l'envoyons, et avons fait cette eslection pour elle comme la plus convenable, dont elle mesme vous dira franchement toutes les autres raysons.

  A018003958 

 Et parce que jusques a present elle a esté maistresse de soy mesme, et que, pour la bien et utilement mettre au vray chemin de la vie spirituelle, il faut doucement et amoureusement et prudemment la delivrer de cette ancienne et tyrannique sujettion, pour luy imposer le gratieux joug et la douce maistrise que le Saint Esprit veut avoir sur son ame, nous avons pris cette confiance en vostre charité, que vous prendries volontier ce soin et sçauries employer les moyens convenables.

  A018003958 

 Mais je vous diray celle ci, que vous ne croiries pas si aysement de sa bouche: c'est que nous desirons grandement qu'elle soit conduitte a la vraye connoissance et prattique de la vie devote.

  A018003959 

 En fin, je vous dis trop de choses, a vous qui m'entendes si bien, ma tres chere Fille.

  A018003960 

 Je vous escris a moytié malade, avec tant de distractions que je ne sçai si vous m'entendres bien; nostre Mere suppleera par la sienne..

  A018003965 

 Encor faut il que je vous die, que la retraitte de cette damoyselle en la Congregation a esté appreuvee par tout le Conseil de Monseigneur le Cardinal, luy absent, et notamment par le R. P. B[inet], bien qu'elle ayt declairé qu'elle n'avoit que le desir d'estre inspiree a demeurer en l'estat religieux; et si la Mayson d'icy n'eust esté toute en noviciat, incommodee de logis et embarrassee de tant de visites, nous l'eussions retenue tres volontier.

  A018003974 

 Cependant il faut avoir patience de demeurer sans vous voir pour ce jourd'huy, et de demeurer sans rien faire; car j'ay contremandé par tout ou j'avois promis de prescher, et, ce qui m'a bien fasché, j'ay contremandé le Pere Recteur du Noviciat des Jesuites, qui a les Quarante Heures et les octaves du bienheureux Ignace, duquel j'avois desir de parler.

  A018003975 

 J'ay grand desir de vous entretenir et apprendre de vous les pensees de vostre bon Seigneur de Lion.

  A018003985 

 Sur cela, il faut soulager nos espritz en la necessité qui vous tient hors de cette ville; ce qui m'en fera aussi bien tost partir pour retourner en ma charge.

  A018003986 

 Cependant, ma tres chere Fille, je commenceray a vous dire que vous deves fortifier par tous les moyens possibles vostre esprit contre ces vaines apprehensions qui ont accoustumé de l'agiter et tourmenter.

  A018003986 

 En un mot, je voudrois que vous fussies toute Philothee, et que vous ne fussies rien plus que cela: c'est a dire, que vous fussies comme je marque au livre de l' Introduction, qui est fait pour vous et vos semblables..

  A018003986 

 Et pour cela, reglés premierement vos exercices en telle sorte, que la longueur ne lasse point vostre ame et ne fasche point celles de ceux avec lesquelz Dieu vous fait vivre.

  A018003987 

 Es conversations, ma tres chere Fille, soyes en paix de tout ce qu'on y dit et qu'on y fait; car s'il est bon, vous aves dequoy louer Dieu; et s'il est mauvais, vous aves dequoy servir Dieu en destournant vostre cœur de cela, sans faire ni l'estonnee ni la fascheuse, puisque vous n'en pouves mais et n'aves pas asses de credit pour divertir les mauvaises paroles de ceux qui les veulent dire, et qui en diront encor de pires si on fait semblant de les vouloir [416] empescher; car ainsy faysant, vous demeureres toute innocente parmi les sifflemens des serpens, et, comme une aymable fraise, vous ne contracteres aucun venin par le commerce des langues veneneuses..

  A018003988 

 Je ne puis penser comme vous pouves admettre ces desmesurees tristesses dans vostre cœur, estant fille de Dieu, remise il y a long tems dans le sein de sa misericorde et consacree a son amour.

  A018003988 

 Vous vous deves soulager vous mesme, mesprisant toutes ces suggestions tristes et melancholiques que l'ennemi nous fait avec le seul dessein de nous lasser et tracasser..

  A018003989 

 Prenes bien garde a bien prattiquer l'humble douceur que vous deves au cher mari et a tout le monde, car c'est la vertu des vertus que Nostre Seigneur nous a tant recommandee; et s'il vous arrive d'y contrevenir, ne vous troubles point, ains, avec toute confiance, remettes vous sur pied pour marcher de rechef en paix et douceur comme auparavant..

  A018003990 

 Je vous envoye une petite methode de vous unir a Nostre Seigneur le matin et toute la journee..

  A018003991 

 Escrives moy quand il vous plaira en toute liberté, car je recevray tous-jours a contentement de sçavoir des nouvelles de vostre ame, que la mienne cherit parfaitement, comme en verité, ma tres chere Fille, je suis.

  A018003991 

 Reste que je vous prie de ne point vous mettre a faire des ceremonies avec moy, qui n'ay ni le loysir ni la volonté d'en faire avec vous.

  A018003991 

 Voyla, ma chere Fille, ce que, pour le present, j'ay pensé vous devoir estre dit pour vostre consolation.

  A018004051 

 Ce mot est pour vous saluer en toute humilité et nous plaindre de ce que nous n'aurons point l'honneur de vous voir selon que nous le croyions, ma sœur Barbe Marie nous assurant que vous n'allez pas à Paris, ains à Grenoble.

  A018004052 

 Il faut avouer, mon très honoré Père, que nous sommes mortifiée tout à fait, bien que de l'autre côté nous soyons consolée d'avoir de quoi offrir à Notre-Seigneur la privation du bonheur de vous entretenir, selon que nous nous étions promis de le faire amplement, et en ayant nécessité.

  A018004072 

 Monseigneur le Mareschal des Diguieres nous a faict instance de vous permettre d'aller prescher le Caresme prochain a Grenoble.

  A018004072 

 Vous vous y disposerez donc de bonne heure, sans attendre plus expresse licence de nostre part..

  A018004073 

 Et Dieu vous ayt en sa saincte garde..

  A018004123 

 Pour obeir a vos commandemens de respondre aux vostres sur l'avis que vouléz avoir touchant l'establissement que vous vouléz faire de la pension du sr Curé quil vous plaira institüér de la cure de [426] Sacconex, il est certain que pour ce effect il est necessaire de chercher aillieurs des moyens pour luy donnér quelque honneste commodité pour s'entretenir; car ladicte cure d'a present ne sçauroit avoir guiere davantage de 300 a 400 florins, monoye de Geneve.

  A018004124 

 Et partant, puisqu'il vous plaict de faire un establissement general et parfaict de toutes les cures, si vous estiés de retour moyennant la grace de Dieu, vous pourriéz remettre ce qui est de Sacconex avec les autres; et ainsi, pour une bonne foys, vous vous delivreriéz de plusieurs ennuÿs que vous en recevés a l'ordinaire.

  A018004125 

 Ce pendant hier, a ma presence, il promit a monsieur Poncet de luy remettre et quittér ledit benefice d'icy a Noel, n'attendant autre que de recouvrer tout ce que luy est deub de sa pension, et vous en donner avis.

  A018004125 

 Si vous trouvés bon que cela soit, lors monsieur Gobet, au lieu de Versoix (qui est un lieu plus important et qui requier un homme bien capable), pourroit estre institué de Sessy.

  A018004127 

 A faute que ledit sr Cottalliod ne peut obtenir de monsieur Jaquin ce qu'il vous a pleu ordonnér pour son filz, j'ay esté contrain moy-mesme de prendre ce jeune homme avec moy, pour consoler le pere et la mere qui sont fort pauvres.

  A018004127 

 Le petit filz de Montanier, l'ayant aussy gardé deux moys, est maintenant a Tonon, et son pere vous en rend un monde d'actions de graces, encores quil ne ce soit prevalu de ce que luy avéz ottroyé.

  A018004127 

 Pour toute recompence, il m'a refusé les clefz, comme aussy les robbes que vous aviéz commandé de faire pour les enfantz qui respondroient les Messes.

  A018004128 

 Ce pendant, je ne cesseray jamais, apres un tres humble baisemains, suppliér la divine clemence vous preservér longuement sur [428] terre pour son service et consolations de vos peuples et diocœsains, et rendre vostre voyage heureux pour le bien et respiration de la patrie..

  A018004134 

 Monseigneur, permettéz moy que je vous donne avis des empeschementz que ceux de la r. p. r. apportent aux catholiques en plusieurs lieux du Balliage: comme a Divonne, les habitans du lieu n'ont jamais permis qu'aucun catholique si soit retiré; des particuliers y ont battus et blessés monsieur le Curé, l'ayant aggressé sur le chemin pour le vouloir tüer.

  A018004146 

 Je ne pouvoy entendre une nouvelle plus aggreable que celle que monsieur de Medio a donné à Monseigneur le R me de vostre voiage de Paris, avec Monseigneur le Prince Cardinal, vous voiant regardé sur le theatre de ce grand monde de deçà comme l'instrument plus considerable pour conduire à heureuse fin l'alliance d'un si illustre et si vertueux Prince, avec une si grande Princesse que Madame de France; y aiant pour associé monsieur le premier President, à qui l'envie eust volontiers ravy cet honneur, si son merite ne le luy eust conservé..

  A018004147 

 Et comme, Monseigneur, vous m'avez tousjours favorisé de lhonneur de vostre amitié, c'est en l'occasion de ceste commune resjouissance que je desire d'en ressentir principalement les effects, sur l'asseurance que j'ay que le tort que monsieur de la Mente m'a fait luy estant representé par vous, Monseigneur, vostre respect adoucira sa passion et le fera rougir en son ame de la perfidie premierement, et despuis de l'impie cruauté avec laquelle il s'emporte en mon endroict, en recompense de mon affection, delaquelle monsieur le Presidant peut estre tesmoing.

  A018004147 

 Je croy que Monseigneur le R me, qui va recherchant fort curieusement touttes les occasions de m'obliger, ne perdra aussi ceste cy de se joindre a vous, Monseigneur, pour un œuvre si charitable, et quil y contribuera fort volontiers tout son credit, quoyque touttesfois le vostre seul peut suffire pour le faire reussir.

  A018004147 

 Que si peut estre il desiroit que je luy fisse une declaration semblable a celle quil m'a fait presenter autresfois, je vous supplie, Monseigneur, de luy enlever toutte esperance, puisque aussi il se doibt resouvenir que j'ay mieux aimé m'exposer a l'hazard d'un rigoureux arrest, que de me faire ce prejudice de me charger contre la verité du faict..

  A018004148 

 Je confesse, Monseigneur, que je ne merite une faveur si signalée, n'aiant jamais eu lhonneur de vous servir.

  A018004148 

 Mais aussi, ce sera un œuvre digne d'un grand Prelat comme vous estez, de prendre en main la cause d'un vostre tres humble serviteur que l'impieté a opprimé, et duquel vous ne recevrez pas moins de gloire devant les hommes que devant Dieu, que je prie de tout mon cœur de me faire la grace que je puisse un jour vous randre preuve certeine de l'affection avec laquelle je me recognoy,.

  A018004163 

 Si le Ciel, pour un comble de faveurs, nous faisait la grâce de vous ouïr encore un Carême, je pense que Grenoble serait du tout inondé de bénédictions célestes.

  A018004163 

 Véritablement, Monseigneur, vos saints discours ont vêtu nos ennemis de confusion; car, combien d'âmes avez-vous tirées d'entre les dents cruelles de ce lion rugissant! Vous l'avez spolié de sa conquête, nous en sentons tous les jours les effets; et, si j'ose ajouter ma pensée, je dirai que la sanctification de Dieu fleurit sur Grenoble, par le moyen de vos très chères Filles, nos Sœurs de la Visitation.

  A018004164 

 Pour moi, je vous confesse, mon très honoré Père et Seigneur, que j'estime pour l'une des rares faveurs du Ciel que j'aie jamais reçues, celle d'estre vostre fils et le petit frère de la Visitation, où votre esprit règne, ce me semble, en sa plénitude; et je demande continuellement à Dieu la grâce de pouvoir bien concevoir cet esprit et le réduire à mon usage..

  A018004165 

 Et moi aussi sans doute, mon très honoré Seigneur, en la longueur de ce discours: mais l'amour de fils me fait oublier le respect de disciple, et mon bonheur me fait croire que vous ne me denierez jamais la qualité de.

  A018004226 

 Exposent en toute humilité les Reverendes Dames Religieuses de la Congregation par elles erigée dans Vostre Ville et cité d'Annessy, soubs le tiltre de la Visitation de Nostre Dame, Vous (sic) tres humbles Oratrices: comme pour vivre plus commodement dans leur dicte Congregation du peu de revenu que chescune d'elles y raporte, et mieux vacquer au service pour lequel elles se sont sequestrées tout a faict du monde, elles auroient besoing de quelque fond proche de la dicte ville, que leur raportast du bled pour leur provision.


19-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIX-Vol.9-Lettres.html
  A019000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A019000243 

 Mays Dieu l'assistera et la tiendra de sa main, ainsy que j'en supplie sa souveraine Bonté, que je ne cesseray jamais non plus de vous souhaiter propice et secourable, ma tres chere Fille, demeurant a jamais.

  A019000254 

 Au premier point, je dis que vous fassies donq cette confession; au second, que vous vous y preparies par maniere d'une amoureuse humilité; au troysiesme, si vous voules faire quelques marques sur le papier, que je l'appreuverois, mais sans anxieté; au quatriesme, que cela se face en un jour, c'est a dire en troys ou quatre heures d'un jour, car cela suffit; au cinquiesme, que vous changees de motif, car je vous connois, a mon advis, fort entierement.

  A019000256 

 J'attens response de Monseigneur le [Prince de Piémont], et j'espere que ce sera pour mon retour, auquel mon ame me presse grandement a cause de mon devoir; et ne puis m'imaginer que ni retour, ni chose quelcomque me puisse jamais separer de vous: non, ni mesme la mort, puisque nostre union est en Celuy qui ne meurt plus.

  A019000256 

 Mais tous-jours je vous iray voir, ou avec N. ou seul; car il faut que je le face..

  A019000267 

 Je me blasmerois moy mesme, ma tres chere Fille, si je laissois partir cette chere seur sans luy donner, en ces trois lignes, ce foible mais asseuré tesmoignage de la souvenance que j'ay de vous et de vostre cœur que je cheris parfaitement, avec mille desirs qu'il se perfectionne de plus en plus en douceur et humilité, affin quil vive tout selon le cœur de Nostre Seigneur, auquel je le recommande incessamment, et tout ce qui vous est plus aymable, demeurant a jamais et invariablement,.

  A019000281 

 Non, ne dites pas encor l'Office, mais si vous pouves bien descendre pour la Messe, je le veux bien; et tenes vous assise le plus que vous pourres, et en lieu ou ce grand vent qui tire dans le chœur ne vous frappe point..

  A019000289 

 Ayant sceu vostre affliction, ma tres chere Fille, mon ame en a esté touchee de la mesure de l'amour cordial que Dieu m'a donné pour vous; car je vous voy, ce me semble, grandement assaillie de desplaysir, comme une mere qui est separee de son filz unique, et certes bien aymable.

  A019000289 

 C'est pourquoy vous deves mitiger et adoucir tant qu'il vous sera [6] possible, par la rayson, la douleur que la nature vous donne..

  A019000289 

 Je ne doute pas pourtant que vous ne pensies bien et soyes tres asseuree que cette separation ne soit pas de longue duree, puisque tous nous allons a grans pas ou ce filz se retreuve: entre les bras, comme nous devons esperer, de la misericorde de Dieu.

  A019000290 

 Il y a si long tems que vous aves desiré de servir Dieu et que vous estes apprise a l'eschole de la croix, que non seulement vous acceptes celle ci patiemment, mais, je m'asseure, doucement et amoureusement, en consideration de Celuy qui porta la sienne et fut porté sur la sienne jusques a la mort, et de Celle qui n'ayant qu'un filz, mais filz d'amour incomparable, le vit mourir sur la croix, avec des yeux pleins de larmes et un cœur plein de douleur, mais de douleur douce et suave, en faveur de vostre salut et de celuy de tout le monde..

  A019000290 

 Mays je vous parle trop reservement, ma tres chere Fille.

  A019000291 

 Benisses le nom de Dieu qui vous l'avoit donné, et l'a repris, et sa divine Majesté vous tiendra lieu d'enfant.

  A019000291 

 En fin, ma tres chere Fille, vous voyla despouillee et desnuee du vestement le plus pretieux que vous eussies.

  A019000301 

 Je vous escriray sur ce sujet mes pensees avant que je parte..

  A019000301 

 Si faut il, ma tres chere Fille, que je vous die que nous sommes arrivés icy joyeusement.

  A019000302 

 Ce pendant, ce billet vous porte une tres intime et tres chere salutation de la part de mon ame, qui vous voit incessamment et ayme tout uniquement la vostre.

  A019000302 

 O Dieu eternel, benisses l'ame de cette fille qu'il vous a pleu lier a la mienne, et respandes sur elle vostre grace en affluence, affin qu'elle vous serve en l'esprit de la dilection des espouses eternellement..

  A019000312 

 L' Introduction a la Vie devote ayant esté faite pour des ames de vostre condition, je vous supplie de la lire [9] et observer au plus pres que vous pourres; car elle vous fournira presque tous les advis qui vous sont necessaires.

  A019000312 

 Seulement j'adjouste en particulier, que vous deves apprendre a faire vos exercices courtz, d'autant que vous n'aves pas tous-jours le loysir requis pour vous dilater en iceux..

  A019000313 

 Ayes un grand soin d'estre attentive en toutes vos prieres et de tenir vostre cors en reverence devant Dieu, en sorte que le prochain voye que c'est a la divine Majesté que vous parles..

  A019000313 

 Quand vous pourres ouÿr la sainte Messe, faites le; quand vous ne pourres pas l'ouÿr, faites une demi heure de priere, unissant vostre esprit a la tressainte Eglise en l'adoration de ce saint Sacrifice et du Redempteur de nos ames qui y est contenu.

  A019000314 

 Pries souvent pour les ames desvoyees de la vraye foy, et benisses souvent Dieu de la grace avec laquelle il vous a maintenue en icelle..

  A019000314 

 Soyes humble et douce envers tous; car ainsy Dieu vous exaltera au jour de sa visitation.

  A019000316 

 Au reste, bien que je m'en aille sans esperance apparente de jamais vous revoir en terre, la dilection que Dieu m'a donné pour vostre ame ne recevra aucune diminution, ains demeurera ferme, stable et invariable; et ne cesseray jamais de souhaiter que vous vivies saintement en ce monde et tres heureusement en l'autre.

  A019000329 

 A Dieu soyes vous a jamais en cette vie mortelle, le servant fidellement entre les peines que l'on y a de porter la croix en sa suite, et en la vie eternelle, le benissant eternellement avec toute la Cour celeste..

  A019000329 

 Je vous dis de tout mon cœur adieu.

  A019000331 

 Quelle benediction plus grande vous puis-je souhaiter? Ainsy donq, par ce souhait que je feray incessamment sur vostre ame, ma tres chere Fille, je vous dis a Dieu; et vous priant de me recommander souvent a sa misericorde, je demeure.

  A019000342 

 Despuis que j'ay veu vostre cœur je l'ay aymé et le recommande a Dieu de tout le mien, et vous conjure d'en avoir soin.

  A019000342 

 Je ne dis pas: Tenes le en paix; mais je dis: Tasches de le faire; que ce soit vostre principal souci, et gardes bien de prendre occasion de vous troubler dequoy vous ne pouves si soudainement accoyser la varieté des sentimens de vos humeurs.

  A019000343 

 Sçaves vous que c'est que le Monastere? C'est l'academie de la correction exacte, ou chaque ame doit apprendre a se laisser traitter, raboter et polir, affin qu'estant bien lissee et explanee, elle puisse estre jointe, unie et collee plus justement a la volonté de Dieu.

  A019000344 

 O ma Fille, soyes bien cela, et ne tenes conte de tout ce que l'amour propre vous dira au contraire; mays prenes doucement, amiablement et amoureusement cette resolution: Ou mourir, ou guerir; et puisque je ne veux pas mourir spirituellement, je veux guerir; et pour guerir, je veux souffrir la cure et la correction, et supplier les medecins de ne point espargner ce que je dois souffrir pour guerir..

  A019000345 

 Au reste, ma chere Fille, on me dit que vous craignes les espritz.

  A019000345 

 Cette asseurance s'acquerra petit a petit, a mesure que la grace [13] de Dieu croistra en vous; car la grace engendre la confiance, et la confiance n'est point confondue..

  A019000345 

 La verité de Dieu, dit le Psalme, vous environne et couvre de son bouclier: vous ne deves point craindre les craintes nocturnes.

  A019000345 

 Les bons Anges sont autour de vous comme une compaignie de soldatz de garde.

  A019000345 

 Vous estes dessous ses aisles comme un petit poussin, que craignes vous? J'ay, estant jeune, esté touché de cette fantasie, et pour m'en desfaire, je me forçois petit a petit d'aller seul, le cœur armé de la confiance en Dieu, es lieux ou mon imagination me menaçoit de la crainte; et en fin je me suis tellement affermi que les tenebres et la solitude de la nuit me sont a delices, a cause de cette toute presence de Dieu de laquelle on jouit plus a souhait en cette solitude.

  A019000357 

 Ceci estoit escrit quand j'ay receu vostre seconde lettre; mays je poursuis a vous respondre a la premiere.

  A019000358 

 J'espere que Dieu vous fortifiera de plus en plus; et a la pensee, ou plustost tentation, de tristesse sur la crainte que vostre ferveur et attention presente ne durera pas, respondes une fois pour toutes, que ceux qui se confient en Dieu ne seront jamais confondus, et que, tant selon l'esprit que selon le cors et le temporel, vous aves jetté vostre soin sur le Seigneur, et il vous nourrira.

  A019000358 

 Si sa Bonté eust pensé, ou pour mieux dire conneu que vous eussies besoin d'une assistance plus presente que celle que je vous puis rendre de si loin, il vous en eust donné, et vous en donnera tous-jours, quand il sera requis de suppleer au manquement de la mienne.

  A019000359 

 J'espere que j'entendray bien ce que vous me dires de vostre orayson, en laquelle pourtant je ne desire pas que vous soyes curieuse de regarder vostre procedé et façon de faire; car il suffit que tout bonnement vous m'en fassies sçavoir les mutations plus remarquables, selon que vous en aves souvenance apres l'avoir faite.

  A019000359 

 Je treuve bon que vous escrivies, selon les occurrences, pour m'envoyer par apres selon que vous estimeres estre convenable, sans crainte de m'ennuyer; car vous ne m'ennuyeres jamais..

  A019000360 

 Ne vous glorifies point en [15] l'affection des Peres qui sont en terre et de terre, mays en celle du Pere celeste qui vous a aymee et donné sa vie pour vous..

  A019000360 

 Prenés garde, ma tres chere Fille, a ces motz de sot et de sotte, et souvenes vous de la parole de Nostre Seigneur: Qui dira a son frere: Raca (qui est une parole qui ne veut rien dire, ains tesmoigne seulement quelque indignation), il sera coulpable de conseil; c'est a dire, on deliberera comme il le faudra chastier.

  A019000361 

 Dormes bien; petit a petit vous reviendres aux six heures, puisque vous le desires.

  A019000362 

 J'eusse voulu que vous ne vous fussies pas raillee et mocquee de ces gens la, mais qu'avec une modeste simplicité vous les eussies edifiés par la compassion dont ilz sont dignes, selon que Nostre Seigneur nous a enseigné en sa Passion.

  A019000362 

 Pour la seconde lettre: Ne falloit il pas que vous fussies espreuvee en ce commencement de plus grande pretention? Or sus, il n'y a rien en cela que des traitz de la providence de Dieu, qui a abandonné cette pauvre creature affin de faire que ses pechés soyent plus fortement chastiés, et que par ce moyen elle revienne a soy et a Dieu, duquel il y a si long tems qu'elle s'est departie.

  A019000363 

 Ma chere Fille, je vous dis adieu, et conjure vostre cœur de croire que jamais le mien ne se separera de luy: il est impossible; ce que Dieu unit est inseparable.

  A019000363 

 Tenes vostre courage haut eslevé en cette eternelle Providence, qui vous a nommee par vostre nom et vous porte gravee en sa poitrine maternellement paternelle; et en cette grandeur de confiance et de courage, prattiqués soigneusement l'humilité et debonnaireté.

  A019000374 

 Que cela vous est salutaire de vous tenir ainsy l'une a l'autre! Cett'union des ames est comme l'unguent praetieux qu'on respandit sur le grand Aaron, ainsy que dit le Roy Psalmiste, auquel on mesloit tellement plusieurs liqueurs odorantes, que toutes ne faysoyent qu'une senteur et une suavité.

  A019000375 

 Que vos maysons soyent toutes remplies de douceur, de paix, de concorde, d'humilité, de pieté par vostre conversation; et croyes, je vous supplie, que la distance des lieux ni du tems ne m'osteront jamais cette tendre et forte affection que Nostre Seigneur m'a donné pour vos ames, que la mienne cherit tres parfaitement et invariablement..

  A019000375 

 Quel meilleur souhait puis-je faire pour vous? Soyes comme des avettes spirituelles qui ne portent que miel et cire dans leurs ruches.

  A019000376 

 Et par ce que la diversité de vos conditions peut requerir que quelquefois je vous escrive differemment, non [18] obstant l'unité de vostre dessein, je le feray un'autre fois; mais pour le present je me contenteray de vous dire et conjurer de le bien croire sans haesiter, mes tres cheres Filles, que je suis.

  A019000391 

 Voyla nostre bon M. le Collateral qui vous va revoir, pour soudain nous venir rencontrer en chemin.

  A019000392 

 Je ne vous escriray guere, car je n'en puis plus du grand tracas que nous avons fait.

  A019000392 

 Seulement je vous supplie de faire tenir les lettres ci jointes ou elles s'addressent, et de joindre a celle de madame Godeau une copie [19] de l'Exercice; car je n'en ay sceu faire aucune pendant le chemin, que j'ay eu asses a faire a escrire toutes ces lettres que pour bonne consideration j'ay voulu faire..

  A019000395 

 Or sus, je vous escriray de Bourges, et de Moulins, et de Rouanne, et de Lyon, et tous-jours, Dieu aydant, que je me porte bien.

  A019000405 

 Je sceu a mon depart de Paris que vous esties rentree dans Maubuisson avec vostre petite chere troupe, mays je n'ay peu sçavoir si vous avies treuvé vos papiers, vos meubles de devotion et vostre argenterie sacree; car celle qui s'est elle mesme desrobee a Dieu, pourquoy ne desroberoit-elle pas toute autre chose?.

  A019000406 

 Or sus ma tres chere Fille, parmi toutes ces grandeurs [21] de la cour (ou il faut que je vous die que je suis fort caressé), je n'estime rien tant que nostre condition ecclesiastique.

  A019000407 

 Je vous escriray avant mon départ de ce lieu, apres que j'auray veu ce cher frere; et croyes moy, ma tres chere Fille, mon ame se console a vous escrire, tant il est vray que Dieu veut que mon ame regarde la vostre, la cherisse et soit parfaitement vostre.

  A019000419 

 Je ne desirois pas moins de vous voir que je faysois de voir les deux cheres Seurs que j'ay maintenant veües, [23] l'une a Paris au petit Couvent, l'autre icy.

  A019000419 

 Mays il n'a pas pleu a Nostre Seigneur qu'aucune occasion se soit presentee d'aller du costé d'Amiens pendant mon sejour en ces quartiers, d'où partant tout presentement pour me retirer en mon diocsese, duquel je n'ay esté que trop absent, je vay en esprit aupres de vous, et vous envoye ce billet qui vous dira de ma part que toute ma vie j'ay cheri vostre ame de tout mon cœur, et me suis consolé de sçavoir que la divine Majesté vous avoit retiree a son service en une si [sainte] vocation comm'est celle [24] en laquelle vous vivés, et que j'honnore parfaitement, et en laquelle je prie Dieu, et ne cesseray point, que vous perseveries heureusement, faysant des continuelz progres en.......................................

  A019000420 

 Et par ce que je n'[ai point oublié que] vous l'estes aussi fort particulierement, je ne vous appelleray plus ma Seur, [ains ma Fille,] en toutes les occasions qui se presenteront desormais..

  A019000434 

 A mesure que je m'esloigne de vous, ma tres chere Fille, selon les lieux, je me sens interieurement de plus [25] en plus joint et uni a vostre cœur selon l'esprit; et connois bien par la que c'est le bon playsir de Dieu que nous ayons ce sentiment de veritable et sincere dilection..

  A019000436 

 A peu que je ne luy aye dit les paroles de cet ancien Prophete: Et comment, Seigneur, vous affliges donq encor ces filles, qui pour l'amour de vous m'ont repeu et nourri? Mays non, ma Fille toute tres chere, j'ayme mieux, avec l'autre Prophete, dire: ]e suis muet sous vos verges, et n'ouvre nullement ma bouche, car c'est vous qui faites cela.

  A019000438 

 Je suis ce que ce mesme Dieu veut et sçait que je suis pour vous, et je ne le sçaurois mieux dire qu'ainsy.

  A019000438 

 Je vous escriray a toutes rencontres, estimant qu'en contentant mon ame en cela, je feray selon le gré de la [26] vostre, que je prie Nostre Seigneur de rendre toute sainte.

  A019000448 

 Que vous diray-je, ma Fille, vous voyant parmi ces amertumes? Oh! courage, je vous prie; l'Espoux que vous aves choisi des que vous estes separee de celuy qu'on vous avoit choysi, est un faisceau de myrrhe: quicomque l'ayme ne peut n'aymer pas l'amertume; et ceux [27] qu'il favorise de son plus estroit amour sont tous-jours piqués de tribulations.

  A019000449 

 O le brave et bon frere que vous aves icy! Helas! le depart de son pauvre petit François ne l'a touché que comme un pere qui voit partir son filz de sa mayson et s'esloigner de luy pour approcher un grand Roy et aller recevoir ses faveurs.

  A019000450 

 Et moy, ma tres chere Fille, j'espere que Dieu ayant receu en sacrifice de suavité l'acquiescement de ce pere et le vostre, et celuy du grand pere et de la grand mere, et des tantes, il ne permettra pas que la tribulation face plus de progres: ainsy je l'en supplie, et qu'il vous face sainte..

  A019000451 

 Or sus, que puis je dire davantage? Celle qui vit mourir le plus aymable filz de tous les filz sur la croix, veuille impetrer de ce mesme Filz les consolations qui vous seront convenables, et a monsieur vostre pere et a madamoyselle vostre mere..

  A019000452 

 Je porte au milieu de mon cœur la memoire de madamoyselle N., vostre chere cousine et ma chere fille, et voudrois bien luy escrire; mays je ne puis parmi ces tintamarres de cette presse qui a peine m'a peu permettre de vous escrire ces lignes.

  A019000452 

 Salues la cherement de ma part, je vous supplie, et l'asseures que je ne passeray pas Bourges, ou nous nous acheminons demain matin, sans que je luy envoye une de mes lettres.

  A019000453 

 Je n'escris point non plus a madamoyselle vostre mere, car je sçai bien qu'elle se contente que ce soit a vous a qui je dis que je suis finalement son serviteur tres humble.

  A019000461 

 Je vous regarde de bien loin selon le cors, mays de bien pres selon l'esprit, et voy vostre cœur paternel affligé de plusieurs accidens survenus despuis mon depart.

  A019000461 

 Mais je voy encor, ce me semble, que Dieu, vostre bon Ange, vostre prudence et vostre courage vous soulagent et fortifient parmi toutes ces secousses.

  A019000461 

 Que vous puis je donq dire en cette occasion? Laissons prendre a Dieu ce qu'il luy plait, et le remercions de ce qu'il nous laisse, et encor plus de ce qu'il nous rendra le tout avec une usure nom-pareille au jour auquel nous verrons sa face..

  A019000461 

 Vous sçaves trop bien la condition de cette miserable vie que nous menons en ce monde, pour estre estonné des evenemens qui y arrivent de diverses sortes.

  A019000462 

 J'ay et auray a jamais part a vos contentemens et a vos desplaysirs, puisque je suis inseparable d'affection d'avec vous et vostre famille benite de Dieu, laquelle, en la personne de M. d'Andilly et de moy, vous conjure [30] d'avoir bien soin de vostre personne pour ne point tant travailler des-ormais, qu'a mesure que l'aage decline vous deves vous soulager par un juste repos.

  A019000462 

 Vous feres incomparablement plus en dix ans de labeur moderé qu'en un ou deux de peyne excessive.

  A019000463 

 Me promettant que vous prendres en bonne part cette cordiale remonstrance, je vous supplie, Monsieur, de bien perseverer a m'aymer, comme sans fin je seray.

  A019000472 

 Au moins suis-je asseuré que M. Flocard vous aura veu, et fidelement mis en main ma lettre a l'heure que j'escris celleci, si quelque disgrace ne luy est survenue..

  A019000472 

 Mais j'admire bien plus que vous ayant escrit de Chatres ( sic ), d'Orleans, de Tours, [31] d'Amboyse, vous n'en ayes encor receu pas un seul mot.

  A019000474 

 De leurs nouvelles, je vous en escriray par chemin entre ci et Moulins, comme des nouvelles de celles [32] de Moulins entre Moulins et Lyon; car en ces villes ou on fait les complimens a Madame, il ny a nul moyen d'escrire qu'aux heures esquelles vous ne voules pas que j'escrive..

  A019000477 

 Ma tres chere Mere, je partz ainsy, sans loysir d'escrire davantage; mais salues, je vous supplie, nos bonnes dames.

  A019000489 

 Je retourne en arriere vous revoir en esprit et saluer vostre chere ame par ce billet, ne me pouvant contenter [33] de cet a Dieu si court que je fus forcé de vous dire, m'estant demeuré sur le cœur que je ne vous parlay pas asses clairement sur le sujet de vostre conduitte en l'administration de vostre charge, selon que je m'estois proposé de vous en entretenir un peu plus amplement, si j'en eusse eu le loysir.

  A019000489 

 Or, je repare cette faute au mieux que je puis, vous disant: 1.

  A019000489 

 que vous ne monstries point cette lettre que je ne fay que pour vous..

  A019000490 

 Gardes-vous bien de tomber en aucun descouragement pourvoir quelque petite murmuration, ou quelque sorte [34] de reprehension qui vous soit faite.

  A019000490 

 Non, ma tres chere Fille, car je vous asseure que le mestier de reprendre est fort aysé, celuy de faire mieux, difficile; il ne faut guere de capacité pour treuver les defautz et ce qu'il y a a redire en ceux qui gouvernent et en leur gouvernement.

  A019000491 

 Ne soyes pas prompte a promettre, mays demandes du loysir pour vous resoudre es choses de quelque consequence; cela est propre pour bien asseurer nos affaires et pour nourrir l'humilité.

  A019000492 

 Faites si suavement cela, que vos inferieures ne prennent point occasion de perdre le respect qui est deu a vostre charge, ni de penser que vous aves besoin d'elles pour gouverner; ains faites leur connoistre doucement, sans le dire, que vous faites ainsy pour suivre la regle de la modestie et humilité, et ce qui est porté par les Constitutions; car voyes vous, ma chere Fille, il faut tant qu'il est possible, faire que le respect de nos inferieurs envers nous ne diminue point l'amour, et que l'amour ne diminue point le respect..

  A019000493 

 Ne vous troubles point d'estre un peu rudement contrerollee par cette bonne ame de dehors, mays passes outre en paix, ou a faire selon son advis es choses esquelles il n'y a point de danger de la contenter, ou a faire autrement quand la plus grande gloire de Dieu le requerra; et alhors il faut, le plus dextrement qu'on pourra, la gaigner, affin qu'elle le treuve bon..

  A019000494 

 Et affin qu'en toutes façons vostre douceur ne ressemble point a la timidité et ne soit point traittee comme cela, quand vous verries une Seur qui feroit profession de n'observer pas le respect, il faudroit, doucement et a part, vous mesme luy remonstrer qu'elle doit honnorer vostre office et cooperer avec les autres a conserver en dignité la charge qui lie toute la Congregation en un cors et en un esprit..

  A019000494 

 Sil y a quelque Seur qui ne vous traitte pas avec asses de respect, faites le luy sçavoir par celle des autres [35] que vous jugeres la plus propre a cela, non comme de vostre part, mais de la sienne.

  A019000495 

 Or sus, ma tres chere Fille, tenes vous bien toute en Dieu, et soyes humblement courageuse pour son service; et recommandes luy souvent mon ame qui, de toutes ses affections, cherit tres parfaitement la vostre et luy souhaite mille et mille benedictions..

  A019000496 

 Quand je vous dis: ne monstres pas cette lettre, je veux dire: ne la monstres pas indifferemment; car si c'est vostre consolation de la monstrer a quelqu'une, je le veux bien..

  A019000509 

 Il est bien teins, ma tres chere Mere, que je vous rende comte de mon voyage despuis Tours jusques icy.

  A019000510 

 Or, je vous dis tout ceci affin que si la Reine mere va demeurer a Paris, vous puissies aux occurrences employer la faveur de M. de Lusson, puysquil m'ayme, et que vous esperies aussi en celle de M. le Cardinal..

  A019000511 

 J'en conferay avec M. de Berule et avec mon parfait ami M. des Hayes, duquel, quand il viendra a Paris, vous pourres sçavoir plus entierement la chose; car je luy escriray quil vous en parle, bien que nous fussions demeurés d'accord que nul n'en sceut chose du monde, d'autant que je pensois vous le pouvoir escrire au long; ce que je voy maintenant n'estre pas possible ni asseuré.

  A019000514 

 M. de Neucheze, qui fait une particuliere profession de vous aymer, me dit quil vous avoit escrit pour se plaindre de la defiance que son cousin avoit de luy; et que quand il vint a Bourges, il ne vint nullement a l'archevesché et ne vid point M. l'Archevesque, qui est fort bien avec M. le Mareschal.

  A019000515 

 M. de Saint Aignan n'est encor point venu; mais il faut que je vous die que nous avons veu en sa mayson tant de marques de la pieté de M me de Saint Aignan que j'en suis devenu tout amoureux, m'estant advis qu'elle sera un jour sainte si elle persevere avec humilité.

  A019000516 

 Penses vous, ma tres chere Mere, que des Roane j'aye eu le loysir de continuer cette lettre jusques icy a Vareppe, deux liëues pres de Grenoble? C'est une grande perte de tems que d'estre a la cour, et plusieurs y perdent encor l'eternité.

  A019000519 

 Monseigneur l'Archevesque et M. de Neuchaize ne peuvent souffrir qu'on parle d'une Mayson a Orleans, et, comme je vous escrivis estant audit Orleans, ou je laissay ma lettre au P. Lalemand, il faudra conduire prudemment la reception ou acceptation d'une Mayson, et estre bien asseuré de ce qui se promettra; car on me dit que le peuple y estoit un peu dur, et les espritz malaysés a conduire.

  A019000520 

 Je treuvay la pauvre Seur Jeanne Françoise toute attendrie dequoy, a son advis, vous ne pouves avoir de l'inclination pour elle; elle s'est grandement changee, et marche de bon pied en la douceur et humilité, a ce que j'appris.

  A019000532 

 Et cependant je me dispose de vous voir dans 4 ou cinq jours, comme je desire.

  A019000532 

 On peut, pour le sujet dont vous m'escrives, retarder la profession de nostre Seur; ce que je vous escrirois plus amplement, n'estoit que je suis si pressé que je n'ay loysir de rien adjouster.

  A019000532 

 Vous pourres donq recevoir ce que ce sieur porteur donnera, et puis, en son tems, la profession et le reste se feront..

  A019000547 

 A Chaires ( sic ) on me dit que vous esties a Estampes; a Estampes on me dit que vous esties a Chatres, et je croy que vous n'esties ni en l'un ni en l'autre des lieux, mays ou a Maubuisson ou par les chemins.

  A019000547 

 En somme, me voyci en mon nid; quelle qu'en soit la vallee, il me sera tous-jours avis que vous en soyes a une journee prés, et en vain, car vous seres dans vostre aymable Paris, parmi cette multitude d'ames que Dieu veut benir par vostre entremise..

  A019000547 

 L'affection que vous aves pour moy vous fera, comme je croy, asses imaginer quel a esté mon desplaysir de partir de Paris sans avoir eu lhonneur de prendre congé de vous, que peut estre ne reverray-je jamais.

  A019000548 

 C'est pourquoy, vostre Belley attendant sur ce vos commandemens, je vous supplie de contribuer vostre authorité a ce parti, duquel je sçai que vostre bercail sera grandement consolé, et vous extremement satisfait..

  A019000548 

 Et a la verité, ilz sont praeferables pour mille raysons, puisque maintenant ilz ont faculté de confesser en cette Province; car ilz ont des gens de capacité, une renommee et approbation incomparable des peuples, une pauvreté qui incommode le moins ceux qui les entretiennent, une correspondance entr'eux qui peut tenir en observance les Religieux, et une tres particuliere inclination a vous honnorer.

  A019000548 

 Or, passant icy et entre les a Dieu que je dis a nostre court, les RR. PP. Capucins m'ont fait entendre [46] comme ilz sont desirés a Belley, ou d'autres Religieux se desirent en leur place; et je sçai, Monseigneur, que vostre intention premiere fut d'avoir des Religieux qui administrassent le saint Sacrement de l'absolution, mays que si les Capucins le pouvoyent administrer, vous les praefereries a tous autres.

  A019000549 

 Ce pendant, Monseigneur, faites moy la grace de ne point permettre que mon esloignement de vostre presence diminue vostre sacree bienveuillance envers moy qui vous honnoreray a jamays tres cordialement, et seray invariablement.

  A019000554 

 Si je n'esperois d'escrire a la Visitation de Paris et a Maubuisson bien tost, je vous supplierois de commander a M. Jantet qu'il fit mes honneurs en ces deux [47] Maysons; mays puisque dans deux ou trois jours je les feray moymesme par lettres, je me contenteray, sil vous plait, quil asseure monsieur et madame de Saint Bonet de mon humble obeissance; et quand j'escriray par dela, je n'oublieray pas de rendre mon devoir a madame de Herce..

  A019000566 

 Madame, Son Altesse et M. le Prince ont voulu que je fusse le grand Aumosnier de madite Dame; et vous me croires, je pense, aysement, quand je vous diray que je n'ay directement ni indirectement ambitionné cette charge.

  A019000574 

 Je voy clairement cette formiliere d'inclinations que l'amour propre nourrit et jette sur vostre cœur, ma tres chere Fille, et sçai fort bien que la condition de vostre esprit subtil, delicat et fertile contribue quelque chose a cela; mays pourtant, ma tres chere Fille, en fin ce ne sont pour tout que des inclinations, desquelles puisque vous sentes l'importunité et que vostre cœur s'en plaint, il n'y a pas de l'apparence qu'elles soyent acceptees par aucun consentement, ou du moins par consentement deliberé.

  A019000574 

 Non, ma tres chere Fille; vostre chere ame ayant conceu le grand desir que Dieu luy a inspiré de n'estre qu'a luy, ne vous rendes pas aysee a croire qu'elle preste son consentement a ces mouvemens contraires.

  A019000576 

 C'est pour respondre a ce que vous dites de la legereté et inconstance de vostre ame, car je le croy fermement qu'elle est continuellement agitee des vens de ses passions, et que par consequent elle est tous-jours en bransle; mais je croy aussi fermement que la grace de Dieu et la resolution qu'elle vous a donnee, demeure continuellement en la pointe de vostre esprit, ou l'estendart de la Croix est tous-jours arboré, et ou la foy, l'esperance et la charité prononcent tous-jours hautement: VIVE JESUS!.

  A019000577 

 Voyes vous, ma Fille, ces inclinations d'orgueil, de vanité et de l'amour propre se meslent par tout, et fourrent insensiblement et sensiblement leurs sentimens presque en toutes nos actions; mays pour cela ce ne sont pas les motifs de nos actions.

  A019000578 

 Une seule chose ay je a vous dire, ma tres chere Fille, sur ce que vous m'escrives que vous fomentes vostre orgueil par des affectations en discours, en lettres.

  A019000580 

 Marches simplement, et vous marcheres confidemment..

  A019000580 

 Or sus, soyes juste: n'excuses, ni n'accuses aussi qu'avec meure consideration vostre pauvre ame, de peur que si vous l'excuses sans fondement vous ne la rendies insolente, et si vous l'accuses legerement vous ne luy abbatties le courage et la rendies pusillanime.

  A019000581 

 Encor faut-il que j'adjouste en ce bout de papier ce mot important: ne charges point vostre foible cors d'aucune autre austerité que de celles que la Regle vous impose; gardes vos forces corporelles pour en servir Dieu es prattiques spirituelles, que souvent nous sommes contraintz de laisser quand nous avons indiscrettement surchargé celuy qui, avec l'ame, les doit exercer..

  A019000582 

 Escrives moy quand il vous plaira, sans ceremonie ni crainte; n'employes point le respect contre l'amour que [52] Dieu veut estre entre nous, selon lequel je suis a jamais invariablement.

  A019000591 

 Mays, a vous dire vray, j'ay treuvé la pauvre petite Mere Rosset si affoiblie de cors et si descheüe, que je croy qu'il la faudra retirer de dessous le fardeau.

  A019000602 

 Je vous priay de dire a M. Combaz quil vint retirer sa fille; mays despuis, sachant l'extremité de la passion en laquelle il est sur ce sujet, j'ay pensé que je pourrois encor voir plus particulierement sil y aura moyen de la [54] retenir; et Dieu sçait si j'en seroys joyeux, n'y ayant que la necessité et force de la conscience qui puisse la faire renvoyer.

  A019000632 

 Et comme je prendray tous-jours a gré de vous servir tandis que vous vivres de l'observance des resolutions prinses, aussi me despartiray je aysement de cette affection, si par vostre desunion vous m'ostés le moyen de vous assister..

  A019000632 

 Je vous salue et vous embrasse tres affectionnement en esprit a cette mienne arrivee apres une si longue absence; et m'estant apperceu que l'ennemy de paix et d'union tasche a semer petit a petit des pensees de separation parmi vous autres, je vous prie et exhorte de tout mon cœur de ne point permettre qu'il prevaille contre les saintes et honnorables resolutions que vous aves prinses avec moy, de vivre jointz et liés ensemble en l'observance de vos Regles, entre lesquelles la communauté et union des cœurs et de biens est la principale.

  A019000632 

 Vous seres fortz estant unis, foibles et aysés a succomber estant desunis.

  A019000633 

 Je prie Dieu qu'il vous benisse, et suis.

  A019000648 

 Et neanmoins, puisque vous le treuves a propos, j'escriray au premier jour a M. Berger, affin qu'il ayt dequoy rejetter la calomnie, asseuré de sa parfaitte charité pour moy qui l'estime et honnore plus qu'il ne se peut dire..

  A019000648 

 Pour moy, je dis qu'il faut que je prattique l'enseignement de saint Paul: Ne vous defendes point, mes bienaymés, mais laisses le passage a la passion.

  A019000660 

 Madame, ne vous estonnes point de voir nos Filles de Sainte Marie si rejettees et abandonnees.

  A019000669 

 Mon Dieu, il faut dire la verité: c'est pitié de voir une aymable avette embarrassee parmi les viles toiles des araignees; mays si un vent secourable rompt cette chetifve trame et ces fascheux fïletz, pourquoy est ce que cette chere avette ne prend cette occasion pour se demesler et desprendre de ces pieges et pour aller faire son doux miel? Vous voyes, ma tres chere Fille, mes pensees; faites voir les vostres a ce Sauveur qui vous semond.

  A019000669 

 Vous me le fistes promettre, et je le fay soigneusement: je prie Dieu qu'il vous donne sa sainte force, affin que vous rompies genereusement tous les liens qui empeschent vostre cœur de suivre ses celestes attraitz.

  A019000670 

 Je ne puis n'aymer pas vostre ame que je connois estre bonne, et ne puis ne luy souhaiter le tres desirable amour de la genereuse perfection, me resouvenant des larmes que vos yeux respandirent lhors que, vous disant adieu, je vous desirois a Dieu, et que, pour estre plus a Dieu, vous dissies adieu a tout ce qui n'est pas pour Dieu..

  A019000671 

 Je vous asseure cependant, ma tres chere Fille, que je suis grandement.

  A019000679 

 Le Pere confesseur de Sainte Claire de Grenoble me vient de dire que vous aves esté extremement malade, ma tres chere Fille, apres que vous aves veu passer le cher N., et guerie d'une grande infirmité.

  A019000680 

 O que cet enfant est heureux d'estre volé au Ciel comme un petit ange, avant que d'avoir presque touché la terre! Quel gage aves vous la haut, ma chere Fille! [61] Mays vous aures, je m'asseure, traitté cœur a cœur avec nostre Sauveur de cet affaire, et il aura des-ja saintement accoysé la tendreté naturelle de vostre maternité, et vous aures des-ja plusieurs fois prononcé de tout vostre cœur la protestation filiale que Nostre Seigneur nous a enseignee: Ouy, Pere eternel; car ainsy vous a-il pleu de faire, et il est bon qu'il soit ainsy..

  A019000681 

 O ma Fille, si vous aves fait comme cela, vous estes heureusement morte en ce divin Sauveur avec cet enfant, et vostre vie est cachee avec luy en Dieu; et quand le Sauveur paroistra, qui est nostre vie, alhors vous paroistres avec luy en gloire.

  A019000682 

 Cependant, ma tres chere Fille, puisque vous aves esté volontier malade tandis que Dieu a voulu que vous le fussies, guerisses aussi maintenant de bon cœur, puisqu'il veut que vous guerissies.

  A019000693 

 C'est pourquoy j'ay creu que je vous devois donner cet advis, affin que, s'il vous plaist, vous contribuies vostre authorité et dexterité pour haster [63] l'accommodement, et par consequent les noces; puisque je me souviens que vous me tesmoignastes de les desirer voir faites avant vostre despart pour Bourgoigne, affin de contenter monsieur du Boys, et que d'ailleurs, pour briefve que soit la voye de la justice, elle ne peut qu'estre longue et sujette a beaucoup d'accidens..

  A019000694 

 Dieu vous veuille a jamais prosperer en sa benediction, Monsieur, et je suis,.

  A019000710 

 Je vous rens graces du livre, que je liray par ci par la, selon le tems que je pouray gaigner, en attendant que vous revenies icy faire les festes, ainsy que la chere cousine m'a dit avoir esté resolu entre vous deux.

  A019000716 

 Conserves vous bien chaudement, affin quil ne se face point de fluxion sur vostre apostume..

  A019000726 

 Permettes moy, je vous supplie, Monsieur, de soulager mon ame en me plaignant a vous mesme de vos plaintes, [65] lesquelles a la verité m'affligent et m'estonnent, ne croyant pas d'en avoir donné aucune occasion; puisque, hors le veritable tesmoignage que j'ay rendu une seule fois des merites et bonnes qualités du gentilhomme, et une autre fois de sa religion, je n'ay nullement cooperé a cette alliance que peut estre par la recommandation que j'en ay faite a Dieu, si elle devoit estre a sa gloire; et tout ce qui se dit de plus n'est qu'exageration..

  A019000727 

 Pouvois je refuser de telz offices a de telles personnes? Non plus que celuy que je fis envers vous, Monsieur, qui, ce me semble, ne me fistes pas sçavoir que vous eussies une si puissante aversion pour ce mariage, que de la j'eusse peu inferer cet ardent mescontentement que vous aves, ce me dit on....................................................................................

  A019000734 

 Or, Monsieur, je me suis un peu dilaté avec vous pour me soulager; non que je sois grandement touché ni des censures ni des blasmes qu'on jette contre moy pour ce sujet, car je sçay que devant Dieu je suis sans coulpe; mais je suis pourtant marri du souslevement de tant de passions autour d'un affaire ou j'en ay eu si peu.

  A019000744 

 Oh! si les afflictions devenoyent moindres a mesure qu'elles sont respandues dans le cœur de plusieurs, que vous en auries bon marché, ayant tant de personnes, et autour de vous et bien loin de vous, qui vous honnorent et ayment sincerement, se communiquant les uns aux autres vos sentimens pour les ressentir avec vous..

  A019000745 

 Ainsy vous eusse-je dit, et a vous et a madame vostre mere, a messieurs et mesdamoyselles vos freres et seurs, vous envoyant tous a vous mesmes pour vous consoler..

  A019000745 

 Et de plus, quand j'eusse esté aupres de vous, que vous eusse-je peu dire sinon: Bibe aquam de cisterna tua? Quelz parfums peut on donner aux habitans de l'Arabie Heureuse? On ne peut leur porter de la suavité qui soit comparable a celle de leur païs, et ne peut on leur dire autre chose sinon: Sentes, odores, receves les exhalaisons de vos cinnamomes, de vos bausmes, de vos myrtes.

  A019000745 

 Je n'ay rien a vous dire de plus sur ce sujet, sinon que toute ma vie j'honnoreray la riche memoire de ce bon seigneur trespassé, et seray invariablement tres humble [68] serviteur de sa tant honnorable posterité et de madame sa vefve, qui a si heureusement cooperé au bonheur de sa vie et a le faire vivre encor apres la mort en la personne de tant de si dignes enfans; car au reste, de vous vouloir dire des paroles de consolation, je suis trop loin, et ne puis estre ouy qu'apres tant d'autres, que ce seroit une impertinence trop excessive.

  A019000746 

 Et quant a vous, Monseigneur, ce ne fut nullement faute d'attention, mais par la fause asseurance que mon hoste de Chartres me donna que vous esties a Estampes, ou apres je me reconneus trompé, mais trop tard.

  A019000746 

 Et vous me pardonnes aysement celle ci, par vostre douceur et bonté envers moy.

  A019000747 

 Mais, a ce propos de conserver les bienveuillances, on m'escrit que je suis presque privé de celle de M. de Montholon pour le sujet du mariage de M. de [Foras.] Et encor faut il que je vous rende conte de ceci, puisque vous estes celuy qui me l'avies procuree; et en un mot, je puis dire avec verité que, hors les veritables tesmoignages que j'ay rendus une seule fois a madame de [Vaulgrenant] de la vertu et bonnes qualités de son mari, je n'ay rien cooperé a ce mariage, sinon qu'apres avoir veu et sceu les fortes et vehementes liaisons d'affections, avec des grandes promesses reciproques d'un futur mariage entre ces deux parties, faites pendant que j'estois a Maubuisson, et de plus, la damoyselle se promettre fort asseurement que madamoyselle de [Sanzelles] appreuveroit tout, je dis alhors, qu'encor que je ne doutasse point de leur discretion a la suite de leurs affections, neanmoins je leur conseillois de ne pas beaucoup tarder leur mariage; conseil conforme aux decretz de l'Eglise, et que je donnay ne regardant qu'au plus grand bien et a la plus entiere asseurance de ces ames, et a l'observance des commandemens de Dieu..

  A019000760 

 Je viens d'escrire troys grandes lettres, que je vous envoye ouvertes, affin que vous les voyes, et en icelles plusieurs choses qu'il faudroit que je vous escrivisse; et je n'en ay pas le loysir, estant bien tard..

  A019000761 

 Bienheureux seres vous quand les hommes diront tout mal contre vous pour l'amour de moy, en mentant.

  A019000761 

 En fin donq j'escris a M. de Montholon; mays avant que de luy envoyer la lettre, faites la voir, s'il vous plaist, a M. des Hayes, et consideres s'il sera a propos qu'elle luy soit rendue; car quant a moy, ma tres chere Mere, j'ay remis tous ces mauvais vens a la providence de Dieu: qu'ilz soufflent ou qu'ilz s'accoisent selon qu'il [71] luy plaira; la tempeste et la bonace me sont indifferentes.

  A019000763 

 Demeures en paix, et le Dieu de paix sera avec vous, et il foulera les aspics et les basilics; et rien ne troublera nostre paix si nous sommes ses serviteurs.

  A019000763 

 Ma Mere, vous estes trop sensible pour ce qui me regarde; et donq, faut il que moy seul au monde je sois exempt d'opprobres? Je vous asseure que rien ne m'a tant touché en cette occasion que de vous voir touchee.

  A019000764 

 Je presche icy, ces Advens, les commandemens de Dieu, qu'ilz ont desiré ouÿr de moy, et je suis merveilleusement escouté, mais aussi je presche de tout mon cœur; [72] duquel cœur je vous diray, ma tres chere Mere, que Dieu, par sa bonté infinie, le favorise fort, luy donnant beaucoup d'amour des maximes du christianisme; et cela en suite des clartés qu'il me donne de leur beauté et de l'amour que tous les Saintz leur portent au Ciel, m'estant advis que la haut on chante avec une joye incomparable: Bienheureux les pauvres d'esprit, car a eux appartient le Royaume des cieux..

  A019000776 

 Je commence par ou vous finisses, ma tres chere et tres veritablement bienaymee Fille; car vostre derniere lettre, entre celles que j'ay receuës, finit ainsy: «Je croy que vous me connoisses bien.» Or il est vray, certes, je vous connois bien, et que vous aves tous-jours dedans le cœur une invariable resolution de vivre toute a Dieu; mais aussi, que cette grande activité naturelle vous fait [74] sentir une grande vicissitude de saillies.

  A019000776 

 O ma Fille, non, je vous prie, ne croyes pas que l'œuvre que nous avons entrepris de faire en vous puisse estre si tost faite.

  A019000777 

 Dites bien encor ceci a cette fille que je vous ay tant recommandee, qu'en verité je ne la puis oublier ni jour ni nuit, mon ame reclamant incessamment la grace de Dieu sur elle; et dites luy hardiment que non, je ne m'estonneray jamais de ses foiblesses et imperfections.

  A019000779 

 Vous sçaures tous-jours tout, mais mesnages-le.

  A019000781 

 Sa pauvre seur est en grand danger, a ce qu'on m'escrit; et je vous asseure que mon ame en est toute affligee, et voudrois, si je pouvois, beaucoup faire pour retenir ces deux seurs pour Dieu qui les veut, pourveu qu'elles ne resistent..

  A019000782 

 Je croy que l'assemblee de L. n'aura rien peu contre elle, puisque vous ne m'en dites rien.

  A019000791 

 C'est pourquoy je vous envoye tout a coup mes vielles lettres, et celle ci par laquelle je respons a celles que j'ay receües despuis par le sieur [Truytat] et par autre voye..

  A019000793 

 Je pense aussi que la division de l'aumosne sera a propos ainsy que vous l'aves projetté..

  A019000797 

 Je vous envoye le projet que Monseigneur le Prince me commande de faire pour la reformation des Monasteres de deça, m'ayant semblé a propos qu'il luy fust remis parmi les festes, en tems auquel telles pensees sont de sayson.

  A019000797 

 Vous luy pourres dire que j'ay [écrit] apres avoir conferé avec M. de Monthoux et M. l'Abbé d'Abondance, et qu'il sera expedient que les Memoires soyent dressés en italien ou en latin, mais plustost en italien, de quelque bonne main..

  A019000798 

 Neanmoins, parce que le Chapitre a cela en desir, vous pourres avec dexterité sçavoir ce qui se pourra faire par dela avec Monseigneur du Montdevis..

  A019000798 

 Vous verres que nous n'avons pas oublié nostre Eglise, pour laquelle il se presente encor une occasion dont le Chapitre m'a prié de vous donner advis, affin que dextrement vous sachies si on en pourroit reuscir.

  A019000799 

 M. le Prevost gousta merveilleusement la bonne pensee que vous aves faite, de voir si on pourroit loger mon neveu de la Feuge chez Monseigneur le Prince Cardinal; et s'il se peut, ce sera une tres grande charité..

  A019000800 

 Il y a apparence qu'ilz feront ce qu'ilz pourront pour [81] ravaler le peu de faveur qu'ilz voyent naistre pour nous; mais il ne faut pas que vous vous en remuies, ains que vous respondies seulement par bienfaitz a leur mesdire.

  A019000800 

 Mon frere [de Thorens] vous escrit de la lettre que les gens de bien font voir par ci par la a la desrobee.

  A019000802 

 M. de Leaval s'estoit chargé de retirer le depesche du sieur Menyer; s'il ne va pas bien tost en Piemont, madame de Charmoysi vous prie de procurer qu'on le face, et de donner advis de l'argent qu'il faut pour le retirer, affin qu'on l'envoye soudain.

  A019000803 

 Les Seurs de Sainte Claire [d'Evian] me conjurent fort de vous recommander leur affaire, en laquelle M. le [82] Marquis de [Lullin] les aydera fort.

  A019000804 

 Salues la cherement de ma part et l'asseures de mon service tres humble, et de mesme toutes les dames qui me font l'honneur de m'aymer; mais, comme vous sçaures bien faire, mettes a part la signora Donna Genevra, ma tres chere fille.

  A019000805 

 Les deux dames qui vous ont escrit de France sont mesdamoyselles de Crevant, qui s'appelle Anne de Bragelonne, et de Verton, qui s'appelle Marie de Bragelonne..

  A019000806 

 Nous avons achevé l'annuel de M. de Charmoysi ce matin; et la bonne madame de Charmoysi se sent grandement obligee a vostre amitié, et pour le soin que vous aves de son Henri.

  A019000807 

 Vous le feres, s'il vous plaist, envers Monseigneur le Prince Cardinal, et puis en rendres conte a Monseigneur l'Archevesque..

  A019000808 

 Las et recreu de tant escrire, je prie Dieu qu'il vous comble de contentement, et suis.

  A019000840 

 Et quand vous luy recommanderes vostre ame, recommandes luy quant et quant la mienne, qui est certes toute vostre..

  A019000849 

 Que de joye, ma chere Fille, que mon cœur reçoit de voir la franchise et rondeur du vostre a ce commencement! Non, ne vous estonnes point de ces larmes; car, bien qu'elles ne soyent pas bonnes, elles viennent neanmoins de bon lieu.

  A019000850 

 Et moy, ne croyes vous pas que mon cœur s'attendrisse sur le vostre? Si fait, je vous asseure, mais attendrissement doux et suave, pour voir que vos douleurs sont des presages de plusieurs faveurs que Dieu vous fera, si constamment et fidellement vous perseveres en cette entreprise, la plus digne, la plus genereuse, la plus utile que vous pouvies jamais faire..

  A019000850 

 Mays, ma Fille, vous verres qu'apres ces tranchees de cœur vous aures mille sortes de consolations.

  A019000850 

 O ma Fille, ma bonne Fille, que je suis ayse de vous voir un peu travaillee de ce mal d'enfant! Non, jamais nulle ame n'enfanta Jesus Christ sans douleurs, sinon la Sainte Vierge, a laquelle en contrechange il en donna des grandes en mourant.

  A019000851 

 Pour moy, ne doutes nullement de ma fidelité; confies vous en moy sans crainte, sans reserve et sans exception, car Dieu qui l'a voulu me tiendra de sa sainte main affin que je vous serve bien.

  A019000852 

 Car vrayement mon esprit est extremement amy de la simplicité, mays la serpe avec laquelle on tranche ces inutiles rejettons, je la laisse ordinairement es mains de Dieu: et voyla, ma tres chere Fille, qu'il vous en va donner un coup pour ces poudres, pour ces papiers dorés.

  A019000852 

 Ce mesme Dieu sçait que sur vostre despart, il me [vint] en la pensee de vous dire qu'il failloit retrancher le musc et les senteurs; mais je me retins, sur ma methode, qui est suave, de laisser lieu au mouvement que petit a petit les exercices spirituelz ont accoustumé de faire dans les ames qui se consacrent entierement a sa divine Bonté.

  A019000852 

 Qu'a jamais sa misericorde soit benite, car elle vous est fort misericordieuse, je le voy bien..

  A019000853 

 Ouy, donnes ces poudres et ces papiers dorés a quelque dame du monde, qui soit neanmoins de telle confiance que vous luy puissies marquer le sujet de ce petit renoncement, et ne doutes point que cela scandalise; au contraire, cela edifiera son ame, puisque je presuppose que ce soit une dame qui en ayt une bonne.

  A019000853 

 Vous aves rayson, ma tres chere Filie, de renoncer a tout cela; croyes moy, ces petites abnegations seront fort aggreables a Dieu..

  A019000854 

 O Dieu, quel cœur vous me donnes en vostre endroit, marchant de si bon pied!.

  A019000854 

 Vrayement il faut que je vous die ceci, puisque j'ay commencé a vous communiquer mon ame avec naïfveté.

  A019000857 

 Mais affin que vous vous entretenies de nouvelles reciproquement, entretenes les comme venant de l'autre monde, et elles vous entretiendront comme venans du monde; car si vous leur parles le langage de leurs lieux, ce ne leur sera pas grande nouvelle.

  A019000857 

 O Dieu, ma Fille, a toutes ces compaignies mondaines qui vous arriveront, il faut rendre une contenance doucement joyeuse.

  A019000857 

 Soyes courte la ou vous ne profiteres pas..

  A019000859 

 Si j'avois davantage de loysir, je vous escrirois encor, car je ne me lasse point en ce doux entretien de Dieu, de son amour, de nos ames.

  A019000866 

 O ma Fille, Dieu vous a fait une grande misericorde d'avoir rappellé vostre cœur au gratieux support du prochain, et d'avoir saintement jetté le bausme de la suavité de cœur envers autruy dans le vin de vostre zele..

  A019000867 

 Il ne vous failloit que cela, ma tres chere Fille; vostre zele estoit tout bon, mais il avoit ce defaut d'estre un peu amer, un peu pressant, un peu inquiet, un peu pointilleux.

  A019000867 

 Voyesvous, en fin je respons, quoy que tard, a la lettre que vous m'escrivies apres mon passage, et respons courtement, simplement, amoureusement, comme a ma tres chere Fille que j'ay aymee presque des le berceau, parce que Dieu l'avoit ainsy disposé.

  A019000879 

 Je tiens parole, et vous diray, qu'ayant tiré de la courtoysie de monsieur de Dalma tout ce que je desirois pour le dessein d'un accommodement amiable, et pris le mesme jour que j'avois des-ja marqué a monsieur de [92] Paschal qui, de sa grace aussi, m'avoit donné sa parole a mesme fin, voyci que ce billet m'a esté envoyé tout maintenant, par lequel vous connoistres que j'ay besoin en cet endroit d'estre aydé du credit que vous y aves..

  A019000895 

 Je salue ma filleule, priant Dieu qu'il la benisse; et vous, ma chere Fille, je vous prie de l'eslever fort humble, douce, devote et modeste, car il faut estre ainsy, ou devenir ainsy, pour estre vraye fille de nostre petite Visitation.........................................................................

  A019000904 

 Que diray je a cette chere Fille qui m'est si fort a cœur? Vives toute en Nostre Seigneur, ma tres chere Fille, et croyes que, pour luy, la sainte amitié que je vous porte vit fort entierement et immortellement en mon esprit.

  A019000906 

 Ne permettes plus tant a vostre esprit de faire des reflexions sur vostre misere et sur vostre incapacité; car, a quoy est bon tout cela? Dépendes vous pas de la Providence de Dieu en tout et par tout? Or, celuy qui habite dans le sejour du Seigneur demeurera en sa protection..

  A019000912 

 Je me resjouis grandement, ma tres chere Fille, du bonheur dont vous jouisses en cette sacree compaignie en laquelle vous estes, ainsy que monsieur vostre bon pere m'a fait sçavoir; car ce vous est un bien inestimable de vivre au service de Dieu en un lieu ou toutes les ames le servent, et ou leur conversation environne vostre jeunesse pour la conserver et affermir en ses bons propos..

  A019000913 

 C'est pourquoy vous estes un peu ma fille, comme je croy, et je suis beaucoup vostre Pere asseurément, ayant et sentant un'affection grandement paternelle pour vous.

  A019000913 

 Et en cette consideration, je vous prie de tout mon cœur de vous exercer fidelement en la sainte humilité et obeissance [95] envers ces ames sacrees a qui Dieu a confié la vostre, affin qu'un jour elle soit toute sienne et son espouse bien-aymee.

  A019000913 

 Et tenes vous joyeuse, ma tres chere Fille, puisque il n'y a point de veritable joye en cette vie mortelle que celle de se treuver en la voÿe la plus asseuree pour parvenir a l'immortelle..

  A019000930 

 Vrayement, ma bonne Fille, vous m'aves bien consolé de m'envoyer des nouvelles de vostre ame a ce commencement d'annee.

  A019000931 

 Et vous sçaves qui sont nos enfans, car je parle de ceux du cœur: nos bons propos, nos bons desirs, nos amours divins..

  A019000931 

 Je disois hier, ma chere Fille (car je vous veux faire part de nos predications), que quand Dieu voulut prendre en sa sauvegarde les enfans des Israelites, affin que l'Ange exterminateur ne les tuast comme il faisoit ceux des Egyptiens, il ordonna que leurs portes fussent enduites et [97] marquees du sang de l'Aigneau paschal; et qu'ainsy sa divine Majesté marquoit du sang de sa Circoncision la porte et l'entree de cette annee sur nous, affin qu'en icelle l'exterminateur de nos enfans n'eust aucun pouvoir sur eux.

  A019000933 

 Ayés courage, ma Fille, car ce petit Jesus vous ayme bien.

  A019000944 

 Il y a si long tems que Son Altesse tesmoigne d'affectionner le secours de monsieur de Corsier, et que je vous prie de l'avoir en recommandation comme l'un de ceux pour qui premierement fut erigee la Sainte Mayson, que je pense estre superflu d'y rien adjouster; et sur tout puisqu'il est tant appuyé de parens et amis en ces quartiers la.

  A019000972 

 Je vous voy, ce me semble, autour de l'Enfant de Bethleem, que, luy baysant ses petitz pieds, vous le supplies quil soit vostre Roy.

  A019000986 

 Je vous asseure, [104] ma Fille, qu'une fille de consideration se faysant Carmelite, je fis l'exhortation, et M. du Val, docteur en theologie, fit l'Office, qui eust mieux presché que moy, et moy mieux fait l'Office que luy.

  A019000991 

 Est ce tout de bon, ma tres chere Fille, quand vous dites: Nous sommes prou pauvres, Dieu mercy? O que, s'il estoit vray, je dirois volontier: Que vous estes donq trop heureuses, Dieu mercy! Mays je n'ose gueres parler d'une vertu que je ne connois que par le recit infallible du Roy des pauvres, Nostre Seigneur; car, quant a moy, je n'ay jamais veu la pauvreté de pres..

  A019000992 

 Puys, ne vous amuses pas a penser quelles sont les pensees de vostre esprit pour cela, puisque de toutes ces pensees il n'y en a point qui soit vostre pensee que celle que, deliberement et volontairement, vous aures acceptee, qui est de faire la Communion pour l'union et comme une union de vostre cœur a celuy de l'Espoux..

  A019000992 

 Tenes vous dans le train de la Communion que nous vous dismes, et dressés vostre intention a l'union de vostre cœur a Celuy duquel vous receves le cors et le cœur tout ensemble.

  A019001001 

 La necessité des moliniers de cette ville et l'utilité de la continuation de leurs ouvrages, me donnent la confiance de vous supplier de donner permission au Frere Adrien pour un voyage jusques a Lyon, auquel il se comportera selon les loix et conditions qu'il vous plaira de luy prescrire, ainsy qu'il m'asseure de vouloir faire en toutes autres occurrences; autrement, certes, je ne serois pas de ses confederés, ne pouvant jamais estimer les vocations extraordinaires, sinon quand elles sont sousmises et correspondantes aux ordinaires..

  A019001015 

 Je vous escrivis avant hier, ma tres chere Fille, et respondis a vos deux lettres praecedentes.

  A019001016 

 Vous aves rayson: une fille qui est a Dieu ne doit penser a la reputation, cela est impertinent.

  A019001031 

 Il n'y a point d'entredeux entre vostre sortie et vostre perte; [110] car ne voyes vous pas que vous ne sortiries jamais que pour vivre a vous mesme, de vous mesme, par vous mesme et en vous mesme? et ce d'autant plus dangereusement, que ce seroit sous pretexte d'union avec Dieu, qui toutefois n'en veut point avoir ni n'en aura jamais point avec les solitaires retirés, particuliers et singuliers, qui quittent leurs vocations, leurs vœux, leurs Congregations par amertume de cœur, par chagrin, avec depit et par degoust de la societé, de l'obeyssance des Regles et sainte observance..

  A019001031 

 O Dieu! ma tres chere Fille, gardes vous en bien de vouloir sortir.

  A019001032 

 Oh! ne voyes vous pas saint Simeon Stilite, si prompt a quitter sa colomne sur l'advis des anciens? Et vous, ma tres chere Fille, vous ne quitteres pas vos abstinences sur l'advis de tant de gens de bien, qui n'ont nul interest de vous les faire quitter que pour vous faire rendre quitte et exempte de vostre propre amour? Or sus, ma tres chere Fille, chantes meshuy le cantique de l'amour: O que c'est une chose douce et bonne de voir les Seurs habiter ensemble! Traittés rudement vostre tentation; dites luy: Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu; Va en arriere, Satan; tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et a iceluy seul tu serviras..

  A019001033 

 Je vous laisse a penser, ma tres chere Fille: faire les genuflexions au Saint Sacrement comme par despit, en suitte de la tentation, quelle plus grande marque de tentation peut on avoir? La force des inspirations est humble, douce, tranquille et sainte; et comme donq peut estre inspiration vostre inclination, qui est si depiteuse, dure, chagrine et tempestueuse? Retires vous de la, ma tres chere Fille; traittés cette tentation comme on traitte celles du blaspheme, de trahison, d'heresie, de desespoir.

  A019001033 

 Ne devises point avec elle, ne capitules point, ne l'escoutes point; traverses-la le plus que vous pourres par des frequens renouvellemens de vos vœux, par des frequentes sousmissions a la Superieure; invoques souvent vostre bon Ange, et j'espere, ma tres chere Seur, que vous treuveres la paix et la suavité de l'amour du prochain.

  A019001034 

 Chantes au chœur tous-jours plus constamment a [111] mesure que la tentation dira: Taises vous! a la façon de ce saint aveugle.

  A019001034 

 Je vous escris sans loysir; mais faites ce que je vous dis.

  A019001034 

 La paix du Saint Esprit soit avec vous..

  A019001043 

 Or, qu'elle soit trespassee, c'est un accident si commun, si general et si inevitable, que ce seroit ne connoistre pas ce que vous estes et la fermeté de vostre esprit, que de vous vouloir donner du secours pour vostre consolation en cela.

  A019001044 

 Dieu, vostre bon Ange et la sagesse que vostre longue experience vous a acquise, vous suggereront mieux tout ceci que je ne sçaurois faire; mais je le dis pour vous tesmoigner qu'apres avoir contribué mes prieres a vostre consolation et conservation, je voudrois bien y dedier tout ce qui seroit en mon pouvoir, puisqu'ayant le bien et l'honneur de vous estre si proche, j'ay encor le devoir, avec une tres sincere volonté,.

  A019001054 

 A quoy je contribueray tout ce qui sera en mon pouvoir, sous la conduite des loix et constitutions ecclesiastiques, pourveu qu'il vous playse, et aux parties, prendre creance que je ne rechercheray en cela nulle condition que celle qui sera entierement necessaire et inevitable, puisque en verité je suis,.

  A019001054 

 Je croy fort asseurement que nul homme du monde ne vous honnorera jamais plus franchement que je fay; et d'autant plus suis-je marri de ce qui s'est passé ces derniers jours en vostre mayson, puis que Dieu y a esté [113] offensé et le publiq scandalisé, et que le mariage est tout a fait nul et invalide, la commission de dispenser obtenue a Rome n'ayant point esté executee; de sorte qu'il sera requis de celebrer derechef le contract du consentement nuptial, affin de rendre cette conjunction et la posterité legitime.

  A019001068 

 Et j'espere que celle ci aura ce bonheur, comme escritte seulement pour contribuer, en la façon que je puis, mon sentiment a la joye publique et generale que toutes les provinces de la sujettion de Vostre Altesse recevront en ce jour anniversaire qui nous represente celuy auquel, par vostre naissance, Dieu vous donna a la France, et treize ans apres, par vostre mariage, il vous donna a cet Estat, dans lequel sans doute chacun benira a l'envi cet aggreable jour..

  A019001068 

 Puisque, graces a Dieu, vous voyla en fin arrivee au lieu auquel vous devies achever le voyage de vostre bien heureuse venue en ces Estatz, il m'a semblé que je puis oser meshuy presenter de mes lettres a Vostre Altesse, [115] tandis qu'elles ne luy seront point desaggreables.

  A019001069 

 Que ce jour soit a jamais conté entre les jours que Dieu a creés pour sa gloire; que ce soit un jour d'eslite entre les jours qui sont destinés aux humains pour les acheminer a l'eternité; que ce jour auquel, Madame, vous fustes faite chrestienne, face jour a la consolation de toute la Chrestienneté; et face ce mesme jour, auquel vous aves esté faite nostre tres honnoree Dame et Princesse, reluire la serenissime Mayson de Savoye en une heureuse et tous-jours auguste posterité de Vostre Altesse..

  A019001070 

 Ce sont les vœux, Madame, que je fay, prosterné en esprit devant la divine Bonté, a laquelle, selon le rang qu'il vous a pleu me donner au service de Vostre Altesse, j'offre et consacre tous les jours vostre chere et pretieuse vie, affin que par sa souveraine Providence il luy playse de la multiplier par une longue suite d'annees, la sanctifier par une sainte fertilité d'actions chrestiennement royales, et qu'a la fin elle la glorifie par la couronne de l'immortalité..

  A019001084 

 Quand les Peres Barnabites allerent a Paris pour obtenir du Roy leur entree au college de Beaune, je les recommanday a Vostre Grandeur comme Religieux grandement estimables, fructueux et sinceres; mays je ne laisse pas, en confirmant cette creance, de repeter maintenant ma supplication pour leur rendre tesmoignage de l'affection que je leur dois, et non par aucune defiance que j'aye que vous ne leur facies ressentir vostre bonté et pieté en ce qui sera de vostre pouvoir.

  A019001085 

 Et ce pendant, ce m'est tous-jours de lhonneur et de la consolation de vous ramentevoir et raffraichir la tres humble et inviolable passion paternelle que j'ay pour vous, Monsieur mon Filz, selon laquelle je vous souhaite incessamment les plus favorables benedictions de Nostre Seigneur, et suis.

  A019001103 

 C'est le fin moindre de mes soucis que c'est que deviendra l'heritage de feu M. Gras, et apres un peu [118] de consideration du droit de l'Evesché, vous seres le maistre de tout ce qui en dependra, comme de tout le reste qui appartient a ma personne.

  A019001106 

 Tout mon desplaysir seroit si en cela je vous desplaysois aucunement; mays je ne le croyray pas ni ne le sçaurois croire, puisque mon intention est bonne et sans fiel, et vous m'aymes constamment, qui suis aussi invariablement,.

  A019001127 

 Je desire que vous disposies ma filleule a faire sa premiere Communion que je desire luy donner de ma [121] main pour ces Pasques prochaines.

  A019001138 

 O ma tres chere Fille, que vous puis je dire sur ce trespas? Nostre bonne Mere de la Visitation m'en a donné l'advis; mais a mesme tems elle m'escrit qu'elle avoit veu madame vostre mere et ma tres chere fille vostre seur Catherine de Gennes, braves, resolues et [122] vaillantes, et de plus, que M. de Belley avoit receu de vos lettres, par lesquelles vous luy tesmoignies vostre asseurance en cette occasion.

  A019001139 

 Mais c'est donq asses, ma tres chere Fille: Dieu et vostre bon Ange vous ayant consolee, je n'y metz plus la main; vostre amertume tres amere est en paix, qu'est il besoin d'en plus parler? A mesure que Dieu tire a soy, piece apres piece, les thresors que nostre cœur avoit icy bas, c'est a dire ce que nous y affectionnions, il y tire nostre cœur mesme; et puisque je n'ay plus de pere en terre, dit saint François, je diray plus librement: Nostre Pere qui es es cieux.

  A019001142 

 C'est beaucoup qu'exterieurement vous soyes plus observatrice de la Regle.

  A019001143 

 O Dieu, ma Fille, je voy vos entortillemens dans ces pensees de vanité; la fertilité, jointe a la subtilité de vostre esprit, preste la main a ces suggestions; mais dequoy vous mettes vous en peyne? Les oyseaux venoyent becqueter sur le sacrifice d'Abraham: que faysoit-il? avec un rameau qu'il passoit souvent sur l'holocauste, il les chassoit.

  A019001144 

 Accoustumes vous a parler un peu tout bellement, et a aller, je veux dire marcher, tout bellement, a faire tout ce que vous feres, doucement et tout bellement; et vous verres que dans trois ou quatre ans vous aures rangé tout a fait cette si subite soudaineté.

  A019001144 

 Mais souvenes vous bien de faire ainsy tout bellement, et parles tout bellement es occasions ou la soudaineté ne vous pressera point et ou il n'y aura nulle apparence de la craindre: comme, par exemple, a vous mettre au lit, a vous lever, a vous asseoir, a manger, quand vous parleres avec nostre Seur Marie ou Anne, ou avec nostre Seur Isabelle; en somme, en tout et par tout, ne vous en dispenses point.

  A019001144 

 Or, je sçai bien que parmi tout cela vous feres mille eschappees le jour, et que tous-jours ce naturel si actif fera des saillies; mais il ne m'en chaut pas, pourveu que ce ne soit pas vostre volonté, vostre deliberation, et que tous-jours vous appercevant de ces mouvemens, vous taschies de les appayser..

  A019001145 

 Ces menues envies ne sont rien, ains elles sont utiles, puis qu'elles vous font voir clairement vostre amour propre, et que vous faites l'acte contraire..

  A019001145 

 Prenes bien garde a ce qui peut offencer le prochain et a ne rien descouvrir de secret qui luy puisse nuire; et s'il vous arrive, taschés a reparer le tort, tant que vous pourres, sur le champ.

  A019001146 

 Mais, ma Fille, cet amour de la propre excellence n'est [125] il pas gratieux en cette fille que je vous ay tant recommandee et qui en verité m'est chere comme mon ame? Car, qu'y a il de plus gentil que cette petite aversion, laquelle [provient] d'estre appellee fille de cette pauvre Mere? Mays demandes luy, je vous prie, si elle a encor point de sentiment dequoy je l'appelle ma Fille, et si elle voudroit point que je l'appellasse ma Mere? O vray Dieu, qu'il luy a cousté d'effortz pour me dire cette petite niaiserie! Certes, ma Fille, je ne sçai pas combien il luy couste, mais je ne voudrois pour rien du monde qu'elle ne me l'eust dit, puisqu'en cela elle a prattiqué une si profonde resignation et confiance envers moy..

  A019001148 

 Mays voyes vous, ne vous estonnes pas de ces distractions: Si j'estois sainte, si je parlois au Pape, et semblablables; car, pour estre fort vaines, elles n'en sont que plus parfaitement distractions, et n'y faut nul autre remede que de ramener doucement le cœur a son object..

  A019001148 

 Pour l'orayson, ma tres chere Fille, je treuve bon que vous lisies un peu dans vostre Theotime, affin d'arrester vostre esprit, et que de tems en tems, a mesure que vous appercevres que vous estes en distraction, vous disies tout bellement des paroles contraires a Nostre Seigneur.

  A019001149 

 Je vous ay respondu a tout, ma tres chere Fille.

  A019001150 

 Je suis en luy tout vostre, d'une façon que la seule Providence vous peut faire concevoir.

  A019001150 

 La grace, paix, et consolation du Saint Esprit soit avec vous.

  A019001152 

 Oserois je saluer le petit frere Simon et la chere petite seur? Mais ma fille Marie Angelique, certes, je la salue de tout mon cœur, et le bon M. Manceau, et, quand vous la verres, vostre grande amie et ma chere seur de la Croix..

  A019001161 

 Ce n'est pas pour vous separer de monsieur vostre cher mari, que je vous escris separement et a l'un et a l'autre, Madamoyselle ma tres chere Fille, mais c'est par ce que l'inscription seroit trop grande si je la faysois a tous deux ensemble..

  A019001162 

 J'ay une continuelle memoire de vostre sainte dilection, et ne cesse point de vous souhaiter mille et mille benedictions, ne doutant point que reciproquement vous ne me recommandies souvent a la misericorde de Nostre Seigneur quand, en l'orayson, vous vous presentes devant sa face..

  A019001169 

 Je vous supplie de saluer de ma part monsieur vostre tres digne Curé et l'asseurer de mon service plus humble.

  A019001180 

 Mon Dieu, ma Fille, ne vous tenes nullement chargee de souffrir ce qu'il faut que vous souffries: c'est pour la tressainte volonté de Dieu, qui a donné ce poids et cette mesure a vostre estat, corporel; mais l'amour sçait tout et fait tout; il me rend ce me semble, medecin..

  A019001180 

 Oh! ce pauvre cœur, je le voy tout alangouri en la lettre que vous m'escrivistes le 12 decembre, que je receus fort tard.

  A019001182 

 O ma tres chere Fille, demeures en paix, ne vous amuses point a vos imperfections, mais tenes les yeux haut eslevés en l'infinie bonté de Celuy qui, pour vous contenir dans l'humilité, vous laisse vivre dans vos imperfections et infirmités.

  A019001185 

 Vous estes ma tres chere Fille, et Dieu veut que j'aye de la consolation a le dire..

  A019001193 

 Je le voy, certes, et je sens que vous m'aymes cordialement et que vous y aves bien du playsir; et croyes aussi, je vous prie, que de mon costé j'ay un contentement nompareil en l'extreme affection que Nostre Seigneur m'a donnee pour vous..

  A019001194 

 Et si, il faut que je vous le die, mon tres cher Frere, (et ne voules vous pas ce tiltre cordial?) que cette pauvre me fait un peu de pitié, comme la voyant la es chams, un peu trop tristement solitaire.

  A019001194 

 Mais, c'est son calice; ne faut il pas qu' elle le boive? Et puis, je m'imagine que vous luy escrives souvent, et alleges son tendre cœur par la communication des sentimens du vostre..

  A019001195 

 Mais n'attendes pas, mon cher Frere, que je vous face le remerciement que je devrois de vostre boëte toute pleine de parfums sacrés: seulement je vous asseure que j'estime plus ce present que l'or et le topaze, car il vient de vostre dilection et ne rend que devotion..

  A019001198 

 Vives tous-jours uniquement en Dieu, mon tres cher et tres veritablement tous-jours plus cher Frere, et aymes continuellement mon ame, laquelle souhaite mille et mille consolations et prosperités saintes a la vostre, vous cherit et vous honnore invariablement..

  A019001211 

 Je me resjouis grandement avec vous et toute vostre mayson de la naissance de ce beau filz, auquel je souhaite toute sorte de benedictions et celle-la particulierement, de participer beaucoup aux vertus du glorieux saint Bernard, comm'il a le bonheur de participer a son sang.

  A019001211 

 Tous vos justes contentemens, Monsieur, m'en donneront tous-jours, mon ame estant tellement affectionnee a la vostre qu'elle a tous-jours des ressentimens de vos sentimens, et des complaysans en vos playsirs, et des condoleances a vos douleurs; comme, quand a celles ci, j'espere d'avoir un jours ( sic ) part en la gloire qu'elles vous apporteront, si vous les souffres avec l'humilité et charité que vostre bon Ange et vostre propre esprit vous suggerent, en l'union des travaux de Nostre Seigneur..

  A019001212 

 On a treuvé un logis et un' honneste compaignie pour cette pauvre femme, dont il vous plaira faire donner advis a M. Rosetain, affin que, s'il est tous-jours estimé expedient, on la dispose a se praevaloir de cett'occasion.

  A019001213 

 Cependant, madame de Chevron, ma bonne tante, a pensé jusques a present que j'avois esté l'autheur de cette retraitte; qui a esté la cause que je ne suis point allé voir madame de Boege, en attendant que, par mesme voye, allant visiter l'une de ses ( sic ) dames, je puisse aussi visiter l'autre, estant si voysines comme elles sont; et lhors je n'oublieray pas ce quil vous a pleu de me recommander, Dieu aydant, ayant tous-jours un desir invariable de vous pouvoir, par quelque preuve, asseurer,.

  A019001213 

 Mays vous sçaves bien que le bon M. le Doyen de Chevron, mon cousin et vostre parent, que j'avois retenu des il y a trois ans en nostre profession ecclesiastique, estimant qu'il y pouvoit rendre plus de service a Nostre Seigneur, enfin s'est retiré a Talloyres, dans la vocation monastique.

  A019001230 

 Voyla ma procuration, mon tres cher Frere, et le Memoire des choses qui me semblent a propos d'estre remonstrees a Rome; mais puisque vous aves le vent en pouppe et que tout le monde sçait cette affaire par dela, je pense que les faveurs de Son Altesse et de Messeigneurs les Princes osteront toute difficulté.

  A019001232 

 Je voudrois bien sçavoir, s'il se peut, en quoy Son Altesse me veut employer, selon que monsieur Cavoret vous a dit; mais si vous le pouves tirer, quand vous m'escrires il ne sera pas besoin de me marquer sinon en tierce personne, comme par exemple: L'amy sera employé en telle et telle chose..

  A019001233 

 Je vous envoyeray au premier jour les lettres de remerciement, ne le pouvant maintenant..

  A019001235 

 Je vous envoyeray mes Bulles par mon neveu, ou par autre premiere commodité, affin que s'il y avoit quelque chose qui servit, on le prit; mais on sçait tout cela en chantant.

  A019001260 

 Je vous prie donc instamment de vouloir bien vous en occuper avec affection et toute diligence; car Son Altesse et Monseigneur le Prince désirent beaucoup que l'affaire réussisse promptement pour de dignes considérations qui regardent leur satisfaction et service.

  A019001260 

 Son Altesse ayant fait à mon frère la faveur de le nommer à la coadjutorerie de cet Evêché avec future succession, j'ai pensé que Votre Seigneurie me rendrait volontiers le service d'en entreprendre la sollicitation, d'autant plus que votre naissance en ce diocèse et l'amitié que votre père et vos frères m'ont toujours témoignée [139] vous inviteront à le faire.

  A019001261 

 Que Votre [140] Seigneurie veuille donc nous obliger en se chargeant de la conduite de cette affaire, selon la confiance que je prends de vous en prier, et tenez-moi,.

  A019001272 

 A vous, ma tres chere Fille, il ne faut point de ceremonie, car Dieu ayant rendu mon cœur si fortement serré au vostre, il n'y a plus d'entredeux, ce me semble.

  A019001272 

 C'est pour vous dire que je ne vous escris que ces deux motz, reservant le loysir pour escrire a d'autres a qui il faut faire responce.

  A019001273 

 Vous estes environnee de croix tandis que le cher mary a du mal: or, l'amour sacré vous apprendra qu'a l'imitation du grand Amant, il faut estre en la croix avec humilité, comme indigne d'endurer quelque chose pour Celuy qui a tant enduré pour nous, et avec patience, pour ne point vouloir descendre de la croix qu'apres la mort, si ainsy il plait au Pere eternel.

  A019001285 

 Je n'ay encor point parlé a monsieur N.; mais, a veuë de païs, je ne laisse pas de vous dire, ma tres chere Fille, que vous tenies la teste hautement relevee en Dieu et les yeux dans l'eternité bienheureuse qui vous attend.

  A019001296 

 Alles donq ainsy, ma tres chere Fille, et parmi ce tracas du monde tenes vostre cœur ou vous aspires, dans le sein de la debonaireté de ce grand Dieu, en sa sainte gloire seternelle..

  A019001296 

 Il est vray, vous l'aves desiré et je l'ay accepté: vous estes ma tres chere Fille, et j'en ay de la consolation, estimant que vos bons souhaitz devant Dieu ne serviront pas peu pour impetrer sa misericorde sur mon ame, laquelle aussi reclame souvent cette mesme Bonté sur la vostre, affin qu'elle soit toute sainte, et qu'en verité elle marche en douceur, humilité et simplicité interieure, qui sont les trois vertus colombines que le divin Espoux Jesus Christ recherche en ses amantes.

  A019001297 

 Je vous escris ces motz sans loysir ni haleine, pour la multitude des responses quil faut que je face; mais je ne [144] les envoye pas sans un'extreme affection que j'ay pour vous, puisqu'il plait a Celuy, ma tres chere Fille, qui m'a rendu, en son divin bon playsir,.

  A019001311 

 Vous me seres bonne, s'il vous plait, de m'excuser si je vous escris peu; mais vous estes trop ma chere fille pour user d'excuses envers vous..

  A019001313 

 Je treuve bien en luy le bon cœur que vous me dites, et pour cela il faut grandement l'honnorer et cherir.

  A019001313 

 Nous avons parlé, le bon M. d'Ulme et moy, et nous [145] n'avons rien conclu, sinon qu'il attendra jusques a ce que vous soyes en Chalamont, coulant ainsy le tems doucement; et entre ci et la, Dieu luy mesme accommodera toutes choses, ainsy que nous devons esperer.

  A019001319 

 Or sus, je vous dis, ma tres chere Fille, que si j'ay dit en quelque Entretien: douze heures dans la mayson [146] pour une au parloir, j'ay dit ce qui seroit desirable, s'il estoit prattiquable.

  A019001330 

 Et ne puis que recevoir a beaucoup de faveur la memoire qu'il vous plait d'avoir de la ferme et reciproque amitié de nos peres, laquelle, de ma part, je cultiveray fort affectionnement en toutes les occasions esquelles mon pouvoir s'estendra, de vous rendre service..

  A019001330 

 Je loue Dieu et vous remercie humblement de la paix et douceur que vous aves donnee a vostre curé qui, je m'asseure, l'employera a rendre meilleur service a l'Eglise.

  A019001331 

 Et mesme que monsieur de Menthon, de la nomination duquel est ladite chapelle, praeferera aussi celluy-la a quicomque pourroit venir, puisqu'il luy est aussi proche qu'a vous, Monsieur, qui sous la faveur de Son Altesse ne tarderes pas, comme j'espere, beaucoup sans avoir des autres bonnes commodités pour monsieur vostre filz; et moy, je desireray tous-jours le bonheur de m'y pouvoir employer..

  A019001331 

 Mays monsieur le Doyen la possedera encor toute l'annee de son noviciat, apres laquelle il en veut disposer en faveur d'un parent qui luy est si proche, [148] et a vous, Monsieur, que quand il me l'a eu nommé et dit ses raysons, il m'a osté tout a fait le courage d'interceder pour tout autre.

  A019001331 

 Que si la chapelle dont vous m'escrives estoit en ma main, tres volontier je la contribuerois a vostre contentement, pour la retraitte de monsieur vostre filz, Religieux en Soüisse.

  A019001332 

 Ce pendant, Monsieur, cette mesme amitié ancienne qu'il vous a pleu de me marquer, m'oblige a vous communiquer lhonneur que Son Altesse a fait ces jours passés a mon frere qui est aupres de Madame, l'ayant nommé mon coadjuteur et successeur en cett'Evesché, avec une gratification d'autant plus honnorable que ça esté sans que je l'aye jamais ni demandee ni fait demander.

  A019001332 

 De sorte, Monsieur, qu'a mon manquement, vous aures un autre Evesque qui, estant mon frere, sera ensuite comme moy,.

  A019001348 

 Je ne suis marry sinon de la peyne que vous en aves, et du trouble qu'elle excite dans la mayson.

  A019001349 

 Je pars, et vous vay faire l'exhortation promise.

  A019001357 

 Or, je vous dis ceci: premierement, affin que vous le sachies; secondement, pour m'excuser si je ne vous escris pas, ni a monsieur des Hayes, si amplement que je desirerois, ni a personn'autre qu'a vous deux, car il me faut tant escrire a la cour, a tous ces Princes et Princesses, des lettres de remerciement, et a Rome des lettres de supplications, que j'en suis tout es [soufflé]; tiercement, affin que vous demeuries en paix, avec asseurance que je ne feray point de changement en mes adventures que quand je verray une signalee occasion du service de Dieu et digne d'estre suivie, toutes choses laissees.

  A019001358 

 Mays je luy dis asses intelligiblement a Tours, que je ne voudrois estre demarié que pour n'estre plus marié, et notamment de la sorte que vous m'escrives.

  A019001359 

 Si vous nous donnes advis que ma chere fille madamoyselle de Chantal ne soit point mariee, ni pour l'estre de dela, je m'essayeray de renouer le mariage, ou avec le neveu de M. d'Andelot, sil revient asses tost d'Italie ou il est (j'entens l'oncle), ou avec monsieur de Ballon, s'il n'espouse madamoyselle de Charmoysi qu'il recherche avec force grans corrivaux..

  A019001361 

 Je vous dis courtement qu'ouy: cet abandonnement en Dieu parmi les douleurs interieures et exterieures est tres [153] bon, et bon aussi de dire vocalement les paroles que vous me marques, de tems en tems, pour faire sçavoir au cœur qu'il est en Dieu, par le tesmoignage que ces paroles luy rendent.

  A019001362 

 Ne vous fasches point de ce que je vous ay dit de cette Seur Jeanne Françoise, car j'en suis plus en peine que fasché; c'est a dire, je suis plus en perplexité comme je dois faire, qu'affligé de ce qu'il y faut faire.

  A019001364 

 Si l'affaire de Valence est si bien disposé comme vous l'escrivés, car voyla la premiere nouvelle, je pense qu'il ne seroit pas mal a propos qu'il y eut une Mayson, car ce quartier la est peuplé en noblesse; mais il faudroit bien adjuster l'affaire.

  A019001365 

 Je voy a la desrobee les Directoires, et n'ay sceu achever, non plus que faire les entretiens que vous desiries..

  A019001366 

 M. Vincent vous conseille fort bien.

  A019001368 

 Ces filles sont en verité au milieu de mon ame, et je suis, comme vous sçaves vous mesme, tout vostre..

  A019001368 

 Mille salutations, je vous supplie, a toutes nos cheres dames.

  A019001379 

 Je me sens si extremement obligé a la faveur que vous exerces envers mon frere et moy, que je ne sçai comme commencer ni par ou finir a vous en faire action de [156] graces.

  A019001379 

 Seulement vous supplie-je tres humblement d'accepter la veritable protestation que je fay d'en avoir un aussi grand sentiment qu'on sçauroit desirer d'un'ame toute pleine de connoissance de son devoir, avec un'infinie affection de correspondre par toute sorte de fidele service..

  A019001389 

 C'est elle qui, emmi la meslee des passions, crie tous-jours intelligiblement: VIVE JESUS! Vous aves donq bien rayson de demeurer en paix.

  A019001390 

 Il faut que je me res-jouisse avec vous de vostre petite confiance avec la chere petite cousine, que vrayement mon cœur ayme tendrement, comme vous.

  A019001391 

 Il faut que je vous die ce mot, sur l'opinion qu'on a prise que je procurois de renfermer vostre Monastere.

  A019001391 

 Je vous veux un jour tout dire ce que Son Altesse m'a communiqué de son dessein pour cela, et ce que je luy ay repliqué.

  A019001391 

 Si j'avois cette pensee, de procurer vostre enfermement, je l'aurois dit; je m'en serois declairé, je ne dis pas a vous, qu'en vraye verité j'estime correspondre a mon affection, mais a madame l'Abbesse et autres qui m'ont parlé confidemment, tant je vay loyalement en semblables occasions.

  A019001391 

 Vous verres si je suis doux en cela, et si c'est vous loger au sepulchre! Non, je n'ay pas voulu, en un Monastere ou j'avois toute authorité, les enfermer, parce que les filles n'y avoyent pas inclination; et ay tous-jours dit que ces grans traitz dependoyent de l'inspiration et non de l'authorité exterieure, laquelle peut bien faire des enfermees, mais non pas des Religieuses..

  A019001392 

 Soyes bien ferme a ne point mescroire de moy, ma bonne Fille, et soyes toute certaine que je suis tout ouvert de cœur avec vous.

  A019001399 

 Je fay la response que vous me demandes sur le sujet de monsieur de Saunas.

  A019001401 

 Je vous salue tres humblement, mon Reverend Pere, et suis a jamais.

  A019001442 

 Si vous mesures vos faveurs a ce que Dieu a voulu que vous fussies, il n'y en aura jamais de trop grandes; mays [163] si elles sont balancees avec le merite de ceux qui les reçoivent, celle dont il vous a pleu de gratifier mon frere et moy, en la nomination faite par Son Altesse, sera sans doute des plus excessives, et faudra advoüer, Madame, qu'elle n'a nul fondement qu'en la grandeur de vostre bonté; sinon que, parmi plusieurs graces de Dieu, vous aves encor celle la de connoistre les cœurs, et que dedans les nostres Vostre Altesse ayt regardé l'incomparable passion que Dieu mesme y a mise, pour nous rendre infiniment dediés a vostre service et nous faire resigner a jamais a l'obeissance de vos commandemens: car en ce cas, Madame, s'il vous a semblé bon de mettre en consideration nostre tres humble sousmission, Vostre Altesse aura bien eu quelque sujet de nous departir ce bienfait, duquel je luy rens tres humbles graces..

  A019001455 

 Demeurés en paix, ma tres chere Seur, et ne croyes point que j'aille ni en Espagne ni ailleurs, au moins ny [164] a-il nulle apparence de cela; et j'espere que j'auray le contentement de vous rendre quelque service pour vostre logement avant mesme que j'aille en l'autre monde, qui est le plus long et le plus esloigné, comm'aussi le plus asseuré de tous les voyages que j'aye a faire, et lequel je vous supplie tous-jours de recommander et faire recommander a Dieu par vos cheres Filles, affin quil me soit heureux.

  A019001455 

 Et croyes, je vous supplie, que si vous m'aymés toutes, je vous cheris aussi d'une dilection tres entiere, et ne cesse point de souhaiter que vous abondies en toute sainteté..

  A019001456 

 Je suis donq, ma tres chere Seur, et de vous et de toutes vos Filles bienaymees,.

  A019001471 

 Outre que les venerables Religieux de Six, pour leur bonne vie et affection a la reformation, meritent d'estre [165] protegés, l'affaire qu'ilz ont maintenant prenant son origine en partie de la visite que j'y ay faite, et en laquelle je puis bien prendre Dieu mesme a tesmoin d'avoir eu seulement son service en veüe, et en laquelle, de plus, je n'ay presque rien ordonné qu'apres avoir, par raysons, tiré le consentement amiable des parties, je me sens obligé de faire avec lesdits Religieux une mesme supplication aupres de vous, affin qu'il vous playse de les favoriser en la conservation de leur bon droit; en quoy vous feres chose grandement aggreable a Nostre Seigneur et qui m'obligera extremement, qui suis a jamais,.

  A019001476 

 Monsieur, les habitans de Six, pour leur grande misere, sont dignes de compassion, et, pour leur pieté, sont dignes d'estre affectionnés; c'est pourquoy je ne fay point de difficulté de vous supplier tres humblement de leur departir vostre justice et faveur en la conservation de leurs bons droitz..

  A019001489 

 Cette bonne Seur Jeanne m'a souvent dit que vous conservies tous-jours quelque souvenance de moy, continuant a m'aymer, ainsy que vous me promistes la derniere fois que j'eu le bien de vous voir.

  A019001489 

 Et j'ay un si grand playsir de sçavoir cela, que je n'ay pas voulu laisser partir cette Seur Jeanne sans luy donner ce billet, par lequel je vous remercie de tout mon cœur et vous asseure que reciproquement je vous honnore passionnement, et voudrois bien estre si heureux que de vous rendre quelque service.

  A019001489 

 Mays cependant, je vous souhaite toute sainte benediction, et a madamoyselle Montenet vostre femme, que je salue cordialement, et suis, Monsieur,.

  A019001501 

 J'attens tous les jours un Brief du Pape, que mon frere m'escrit avoir veu entre les mains de Monseigneur le Nonce, par lequel je suis commis pour ranger au meilleur ordre qu'il se pourra toutes affaires de la Sainte Mayson; et je vous prie que l'on attende jusques a ce tems la de remplir la place que monsieur Thomas laisse, lequel il me fait mal de voir partir de ce diocese, pour la vertu qu'il a tous-jours tesmoignee, bien que d'ailleurs [168] je suis grandement consolé qu'il aille en la vigne de Lyon, qu'on me dit avoir tant besoin de cultivateurs..

  A019001515 

 Ce billet que j'arrache de force d'entre un accablement extreme, n'est que pour vous dire que cette bonne fille de laquelle vous m'escrives, ayant esté des premieres de cette Mayson la, et estant de si importante consideration, comme vous me dites, pour tenir en paix cette bonne dame et plusieurs personnes apparentes, je croy qu'il la faut recevoir a la Profession, puisque mesme il n'y a point d'obstacles de consequence; et j'espere que cette feminine tendreté sur elle mesme se passera petit a petit.

  A019001517 

 O ma tres chere Fille, je vous escriray de rechef bien tost, mais j'ay creu que je ne devois pas tarder davantage de faire ce billet.

  A019001528 

 Ce garçon est venu en un tems auquel je n'ay, pour tout, sceu le depeseher que ce matin, 27 du moys, accablé, je vous asseure, d'affaires si pressantes que je n'ay peu m'en eschapper.

  A019001528 

 Je vous supplie de donner seure addresse aux lettres de Paris, et de recommander a nostre Seur de Moulins celle de Bourges qui importe a la Superieure de ce lieu la..

  A019001529 

 Quant a Clermont, je treuve vostre response toute bonne, puisque vous aves des filles pour fournir cette Mayson la.

  A019001530 

 J'ay grand desir de sçavoir ce que Monseigneur l'Archevesque fera pour l'execution du Bref Apostolique, et espere [171] que l'humilité et douceur ne vous manqueront pas en toutes occurrences..

  A019001542 

 Vous me croires bien, ma tres chere [Mère], quand je vous diray simplement que la nomination de mon frere a la coadjutorie est si clairement une œuvre de Dieu, que je n'en ay jamais dit ni escrit une seule parole, ni mendié ni procuré aucune recommandation.

  A019001558 

 C'est la verité, ma tres chere Fille, que mon ame vous cherit tres parfaitement; et m'est impossible, quand je pense en vous, qui n'est pas peu souvent, que je ne ressente un eslan d'affection fort particuliere..

  A019001559 

 Dieu soit loué, ma tres chere Fille, que vous aves souffert les tranchees d'un accouchement quand vous vous estes enfantee vous mesme a Jesus Christ! Marches maintenant saintement et soigneusement en cette nouveauté d'esprit, et gardes bien de regarder en arriere, car il y auroit un extreme danger; et benisses la divine Providence qui vous avoit preparé une nourrice si aymable.

  A019001559 

 O que Dieu est souverainement bon et gratieux, ma tres chere Fille! Certes, j'ay eu un contentement incroyable a voir comme il vous a conduitte en l'abondance de son amour.

  A019001560 

 Que cette chere Mere soit Superieure, j'y consens sans difficulté; mays que cela se puisse faire si absolument [174] comme vous m'en parles, je n'en sçay pas les moyens, ni il ne dependra pas de moy, qui suis fort peu de chose icy et rien du tout ailleurs: seulement je repete que pour mon consentement je le donne, et contribueray, de plus, ce que je pourray bonnement faire a vostre intention..

  A019001561 

 Mais, ma tres chere Fille, ne sommes nous pas enfans, adorateurs et serviteurs de la celeste Providence et du cœur amoureux et paternel de nostre Sauveur? n'est ce pas sur ce fonds sur lequel nous avons basti nos esperances? Faites ce qu'il vous a inspiré pour sa gloire, et ne doutés nullement qu'il ne face pour vostre bien ce qui sera le meilleur.

  A019001562 

 Donq, ma Fille, pour conclure, je feray pour vostre petit contentement tout ce que je pourray, qui est peu; de dela, je m'asseure qu'on fera de mesme; mais au Ciel on fera tout, on vous comblera de consolations par les moyens que la Sagesse supreme connoist et void, et que nous ne sçavons pas..

  A019001563 

 Que vous puis je desirer de plus, ma tres chere Fille?.

  A019001564 

 Je suis tout a fait, je vous asseure,.

  A019001593 

 Ne prenes pas garde, je vous supplie, a ce que j'ay tant tardé de vous escrire, car vous auries grand tort si vous [177] pensies que pour cela j'aye jamais cessé de vous cherir et honnorer tendrement et tres partialement, et d'autant plus, certes, que je vous sçavois estre en peine sous la persecution que l'on faysoit a vostre personne et a mon nom; mais j'avois quelque desfiance que mes lettres n'eussent pas esté ni utiles ni a propos, si l'on eust sceu que vous les eussies receuës.

  A019001595 

 Je finis donq, vous asseurant que je suis sans fin,.

  A019001607 

 Ces quattre lignes suffiront, ma tres chere Fille, pour servir de preface a une plus grande lettre que je me sens obligé de vous escrire, pour reparer le manquement que j'ay fait de vous rendre ce devoir des mon arrivee en ce pais, ou je vous supplie de croire que vous estes toute presente a mon esprit, qui ne finira jamais de cherir infiniment le vostre et luy souhaiter toutes les plus favorables benedictions de Nostre Seigneur, et particulierement un continuel progres en l'amour celeste qui seul peut assoüir vos affections..

  A019001608 

 J'ay loué sa divine Majesté quand j'ay sceu que vous esties acouchee heureusement apres tant de maux et de peines, par lesquelles la divine Providence vous veut associer a sa croix, qui est la plus estimable marque de sa dilection parmi ses enfans.

  A019001609 

 Je vous demande permission de saluer en ce petit bout de lettre ma tres chere petite fille madamoyselle Anne, qui, je m'asseure, est encor plus devote que belle.

  A019001637 

 Voyla les saintes Huiles que vous desires, tres ayse que je seray toute ma vie de pouvoir rendre quelque digne service a Monseigneur vostre oncle, a son Evesché et a vous, a qui je suis de toutes mes forces, et vous saluant humblement,.

  A019001650 

 Et a monsieur Deage, que vous surpasseres de beaucoup, et a moy, il ne cousta pour tout que a chacun 40 escus.

  A019001651 

 Je vous escriray plus amplement dans trois ou 4 jours que M. du Chastelard partira, car j'ay tant escrit que je n'en puis plus.

  A019001675 

 J'ai attendu jusqu'à présent de vous offrir l'humble remerciement qui vous est dû, car nos bons Pères Barnabites [184] se rendant à Milan, le P. D. Candide, porteur, m'a promis de suppléer à mon défaut en accomplissant ce devoir pour moi.

  A019001703 

 Je vous supplie en même temps, si toutefois cela se peut et s'il est expédient, de vouloir bien les renvoyer ici; car, ayant appris la langue et les usages du pays, ils pourront y travailler plus utilement que d'autres qui viendraient sans ces éléments nécessaires de succès..

  A019001717 

 Je vous escriray une autre fois d'autres choses..

  A019001717 

 Que vous diray je? Rien autre, ma tres chere Mere, sinon qu'il me semble que mon ame est un peu plus solidement establie en l'esperance qu'elle a eu, de pouvoir un jour jouir des fruitz de la mort et resurrection de Nostre Seigneur; lequel, comme il m'est advis, parmi les jours de la Semaine Sainte et jusques a present, non seulement m'a fait voir plus clairement, mays avec une certitude et consolation intellectuelle et toute en la pointe de l'esprit, les sacrés axiomes et les maximes evangeliques, plus clairement et suavement, dis je, que jamais; et je ne puis asses admirer comme, ayant tous-jours eu une si grande estime de ces maximes et de la doctrine de la Croix, j'ay si peu pris de soin pour les prattiquer.

  A019001719 

 Ce bon Pere vous dira tout le reste..

  A019001740 

 Non veritablement, ma tres chere Fille, il n'est pas vray que je vous puisse dire de quel cœur je vous cheris et honnore, ni par consequent que jamais je vous puisse obliger en vous escrivant le plus souvent que je puis; quoy que je le fay avec bien plus de douceur, sachant que vous aymes a recevoir ce petit tesmoignage de mon infinie affection, que vous ne pouves guere connoistre humainement d'autre sorte, et de laquelle en suite vous auries bien sujet de douter si Dieu, qui en est l'autheur, ne vous en donnoit la certitude dans le fond de vostre ame, comm'au milieu de la mienne il a planté un invariable sentiment de ce que vous m'estes et de ce que vostre cœur est au mien.

  A019001742 

 ... [ma] tres chere Fille, attaches vous au col de sa Providence comme un petit enfant a celuy de sa mere; il vous portera, il vous allegera, il vous allaitra parmi les chemins pierreux de cette mortalité.

  A019001742 

 Et quand vous verres a Besangon le Saint Suaire, et en iceluy la marque de la playe de l'amoureuse poitrine du Sauveur, faites moy bien part des desirs que vous aures de vivre, comm'un heureux hermite, dans la caverne sainte de la dilection infinie que vous descouvrires-la.

  A019001756 

 Or sus, ma Mere, je suis dans vostre parloir, ou il m'a fallu venir pour escrire ces quatre ou cinq lettres que je vous envoye..

  A019001757 

 Il faut donq que je vous die que je ne puis avoir opinion que rien se face de ce costé-la, que vous sçaves, si Dieu ne le veut de sa volonté absolue; car premierement, ce fut ce que d'abord je dis a Monsieur le Cardinal, que [193] si je quittois ma femme, ce seroit pour n'en avoir plus.

  A019001761 

 Je suis a jamais, sans reserve et sans comparayson, c'est a dire au dessus de toute comparayson, vostre, et certes, comme vous sçaves tres bien vous mesme, je suis vostre tres parfaitement..

  A019001770 

 Pour tout ce que vous m'escrives en trois de vos lettres, ma tres chere Fille, je ne laisse pas d'avoir une tres parfaite confiance que la fille que je vous ay tant recommandee, et qu'en verité j'ayme comme mon ame propre, reuscisse une grande servante de Dieu; car elle ne fait point de faute a dessein, ni pour aucune volonté qu'elle ayt de nourrir ces inclinations revesches, vaines et un peu mutines.

  A019001771 

 Partant, vous luy dires de ma part, que son soin principal soit a tenir son esprit dans la modestie, douceur et tranquillité, et pour cela, que mesme elle allentisse toutes ses actions exterieures: son port, son pas, sa contenance, ses mains, et s'il luy plait, encor un peu sa langue et son langage; et qu'elle ne treuve point estrange [195] si cela ne se fait point en un instant.

  A019001772 

 Mais voyes vous, ma tres chere Fille, vous luy estes un peu trop severe a la pauvre fille; il ne luy faut point tant faire de reproches, puis qu'elle est fille de bons desirs.

  A019001773 

 Et si quelquefois elle vous donne de la peine, supportes la suavement a ma consideration, mays sur tout a la consideration de Celuy qui l'a tant aymee, que, pour l'aller prendre dans son neant ou elle estoit, il s'est abbaissè jusques a la mort, et la mort de la croix.

  A019001773 

 O Dieu, ma tres chere Fille, si vous sçavies combien mon cœur ayme cette fille et de quelz yeux je la regarde des icy a tous momens, vous auries un grand soin d'elle, encor pour l'amour de moy, outre ce que vous luy estes; car vous m'aymes d'un amour qui est asses fort pour vous faire aymer tout ce que j'ayme.

  A019001773 

 O ma chere Philemone, ma Fille, veux je dire, si vous m'aymes, si vous m'aves receu dedans vostre cœur, receves y aussi ma chere fille Onesime, et la supportes; c'est a dire, receves mes entrailles, car cette fille est en verité cela pour Nostre Seigneur.

  A019001774 

 Et quant a vous, ma tres chere Fille, comme n'aymeres vous pas Dieu qui vous ayme tant? Quel tesmoignage de son amour, ma Fille, en cet heureux trespas de ce bon pere auquel vous aves tant souhaité une telle fin! Certes, j'en suis ravi..

  A019001775 

 Mille benedictions sur vostre cœur, ma chere Fille, et sur toutes nos cheres Seurs, et sur tout ce qui est a vous, en vous et pour vous; et j'y auray donq ma bonne part, puisque je suis infiniment a vous en Jesus Christ et pour Jesus Christ..

  A019001784 

 Croyes moy, ma tres chere Fille, ne faites point la discrette avec moy pour ne m'oser pas escrire tous les jours quand vous voudres; car jamais je ne verrav de vos let tres qu'avec tres grande consolation pour moy.

  A019001785 

 Je treuveray fort bon que vous venies un peu a l'advantage icy, pour plusieurs raysons, et que vous passies a Grenoble, puisque mesme, ainsy faysant, vous gaigneres le passage de Chamberi quand vous ires a Turin; d'autant qu'y ayant esté en venant, et veu monsieur vostre pere, vous n'aures pas sujet de vous destourner pour y repasser, ains ires le droit chemin et avanceres d'une [197] journee.

  A019001785 

 Mais de vous dire bien precisement quand vous ires a Turin, je ne le puis encor; mon frere m'escrivoit dernierement que ce seroit environ la fin de juin ou le commencement de julliet..

  A019001787 

 Si d'Auvergne on poursuivoit pour vous avoir un moys au commencement de la fondation, je pense que cela seroit bon et a propos pour la consolation des Seurs qui iront.

  A019001788 

 Cependant, ma tres chere Fille, [vous] me voyes bien marri d'estre reduit a l'impossible pour aller prescher a Lyon, Son Altesse voulant tres absolument que j'accompaigne Monseigneur le prince Cardinal a Rome, qui fera le voyage cet automne.

  A019001788 

 En ce regret neanmoins, j'ay ce contentement de devoir servir un si bon Prince, de pouvoir servir vostre petite Congregation, et de vous voir allant et revenant..

  A019001799 

 La fille de laquelle vous m'escrives estant de telle consequence, pourveu qu'elle ayt environ douze ans, pourra estre fort bien receuë.

  A019001801 

 Or, si vous receves celle que vous dites, il est vray qu'il ne la faut pas lier aux exercices, car cela la pourroit rebuter en cette si tendre jeunesse, qui ne peut encor savourer ce que c'est de l'esprit, pour l'ordinaire.

  A019001803 

 Un petit habit tanné, ou blanc, ou de la couleur que vous jugeres plus propre, avec un peu de forme approchant de celle de la Religion, qui monstreroit qu'elles sont en pretention et attendant l'aage, les pourroit contenter..

  A019001804 

 Laisses donq doucement et paysiblement aller a Lyon qui voudra; Dieu vous garde mieux que tout cela.

  A019001804 

 Quand vous seres en vostre monastere, ses commodités feront leur attraction comme les autres, et les filles y viendront comme les colombes aux colombiers qui sont blancz.

  A019001804 

 Que les filles aillent a Lyon ou ailleurs, il n'importe nullement, et ne vous en mettes point en peine.

  A019001805 

 Vous m'excuseres, ma tres chere Fille, j'espere que Dieu nous assistera affin que le grand Office ne soit jamais introduit en cette Congregation, et le Pape mesme en donna quelque instruction.

  A019001807 

 Et ne vous mettes nullement en peine de cette petite touche que vostre cœur en ressent, car cela n'est rien, et sert beaucoup pour nous faire humilier doucement, pour nous faire voir la misere de nostre nature, et pour nous faire desirer parfaitement de vivre selon la grace, selon l'Evangile, selon l'esprit de Nostre Seigneur..

  A019001807 

 Il sera bon que nostre Mere de Lyon passe a Grenoble pour vous voir; vous en recevres de la consolation toutes deux.

  A019001823 

 Mays ce point icy je le confie a vous, qui m'aymes, et a M. D.....

  A019001824 

 Or ay je sceu que monsieur Drujon, vostre frere, a en son pouvoir plusieurs tiltres et papiers appartenans audit prieuré; qui me fait vous prier, par nostre commune vocation et l'amitié que vous me portes, de faire que je les puisse avoir, et qu'en attendant que je voye ce que je devray faire pour cela, je vous prie qu'ilz soyent soigneusement conservés..

  A019001825 

 Je prieray cependant monsieur.....de conferer de ce sujet avec vous, de qui ayant des-ja receu beaucoup de courtoysie, je me prometz encor celle ci tout a fait, et suis,.

  A019001841 

 Dieu, qui est la charité mesme, vous veuille tous conserver en son saint service, parmi lequel je vous prie me faire part en vos oraysons..

  A019001849 

 Que vous voyla bien ayse, ma tres chere Fille, en l'aggreable conversation de cette chere cousine! De me souhaiter aupres de vous, je n'ay garde de le faire, car je traine tellement tous-jours mon tracas avec moy, que je ne puis presque ni recevoir les consolations que je pourrois prendre de vous voir, ni encor moins en rendre..

  A019001851 

 Si madame la Comtesse n'est pas partie, je vous supplie de luy donner asseurance de mon humble service, et a madame de la Croix, laquelle, a mon advis, ne sera pas sans souci de demeurer ainsy seule en l'incertitude de ses pretentions.

  A019001852 

 J'auroys grand'envie de sçavoir un peu clairement le [207] fond de vostre proces, pour voir sil y auroit moyen de le terminer, affin que de ce costé la vous eussies plus de repos.

  A019001883 

 N'en doutes point, je vous ayme plus que jamais, parce que je vous voy en estat d'entrer dans cette voye d'une [210] veritable devotion qui commence a destacher son cœur de toutes les choses du monde, affin d'estre toute a Dieu et qu'il puisse absolument disposer de vous, pour n'aymer que ce que Dieu ayme, pour faire sa volonté et suivre ses conseilz, pour fuir avec un soin extreme tout ce qui le peut offencer, mortifier ses passions et regler sa vie sur les maximes de Jesus Christ, estre humble et patiente; car le grand secret pour entretenir une bonne devotion, c'est d'avoir beaucoup d'humilité.

  A019001883 

 Soyes humble, et Dieu sera pour vous et appuyera vostre bonne volonté, vous donnant a luy sans deguisement et sans reserve, luy disant du fond de vostre cœur que si jusques a present vous ne l'aves pas asses bien servi, qu'il ayt la bonté de vous pardonner et fortifier dans la resolution que vous aves prise de vous destacher de toutes les affections du monde, et de ne vous attacher a rien sinon a l'amour de Dieu et, de tout vostre cœur, a le servir fidelement..

  A019001884 

 Je veux bien encor, ma chere Fille, vous faire quelque part de ce que je viens d'escrire a la grande Mere Agnes, aux Carmelites, sur les dispositions pour bien recevoir le Saint Esprit a cette grande feste de la Pentecoste.

  A019001885 

 Et si vous me demandes pourquoy cela, il faut avant sçavoir que le Saint Esprit est le vin du Ciel, chez saint Bernard, qui disoit qu'au Ciel il y avoit surabondance de ce vin, je veux dire l'allegresse du Saint Esprit et la joye beatifique; mais il n'y avoit ce pain sacré de l'humanité de Jesus Christ.

  A019001886 

 Il faut donq, leur dit Jesus Christ, qu'il y ait un saint commerce entre vous et les Anges: vous aures infalliblement du Ciel ce vin si puissant du Saint Esprit, en luy faysant part de vostre pain sacré qui est encor sur la terre et comme entre vos mains, c'est a dire l'humanité de Jesus Christ..

  A019001893 

 Or sus, au nom de Dieu, ma tres chere Fille, il est vray, Dieu veut que vous vous servies de mon ame avec une confiance toute entiere pour tout ce qui regarde le [213] bien de la vostre, laquelle pour cela il m'a rendue toute chere et pretieuse en son celeste amour..

  A019001894 

 Et puisque vous le connoisses ainsy, benisses du plus profond de vostre esprit cette divine douceur; et moy je l'en beniray avec vous, destinant a cela les Sacrifices tressaintz que j'offriray sur ses autelz sacrés, car plus grande action de graces ne puis je faire a la divine Majesté, que de luy presenter Celuy pour lequel et par lequel tout luy est aggreable au Ciel et en la terre..

  A019001894 

 Vous voyla donq hors de cette fascheuse affaire, ma tres chere Fille, avec une entiere liberté que la Providence eternelle vous a donnee.

  A019001896 

 Ce monde de Paris, et mesme de toute la France, ne sçauroit vous laisser vivre en paix dans ce milieu; ilz ne cesseroyent de vous pousser violemment hors des limites de la resolution que vous en auries prise.

  A019001896 

 Et de se promettre une resolution si constante qu'on ne peust l'esbransler et mesme renverser, ce seroit se promettre [214] un vray miracle, en cet aage, en cette forme de visage, entre tant de subtilz advocatz et intercesseurs que le monde et sa prudence auroit aupres de vous, qui, sans merci ni relasche quelcomque, assailliroyent, qui d'un costé, qui d'autre, vostre repos; et a force d'importunités, ou de deceptions et surprises, a la fin cheviroyent de leurs entreprises et de vostre force.

  A019001896 

 Et je voy bien que je ne dois rien dire de plus pour ce point, puisque vous mesme en confesses la verité et connoissesqu'ily a de l'impossibilité.

  A019001896 

 Mays comment? en quel estat? en quelle condition de vie? De demeurer en l'estat auquel vous estes, ce seroit bien le plus aysé en apparence, mais en verité le plus difficile.

  A019001897 

 Et comment feries vous y entrant tout a fait a contrecœur? Es autres conditions, j'ay veu cent fois de l'allegement au progres; en celle ci, jamais..

  A019001897 

 Mais, ma tres chere Fille, il ne m'a pas esté besoin d'une clarté extraordinaire pour discerner auquel des deux je vous dois conseiller de vous ranger; car, ainsy que vous me le descrives clairement et que vous me l'aves des-ja fait connoistre tandis que j'avois le bien de vous ouyr parler confidemment de vostre ame a la mienne, le sentiment que vous aves contre le mariage provient de deux causes, dont l'une presque suffiroit pour se resoudre a ne s'y point engager: une puissante aversion, un degoust tout entier, une repugnance tres forte.

  A019001898 

 Ma chere Fille, et moy, apres vous avoir ouy parler et veu vostre lettre sur ce sujet, je vous parle hardiment et vous dis: Certes, ma Fille, puisqu'il est ainsy, il n'est pas expedient de vous marier; et bien que tous [215] ne comprennent pas, c'est a dire n'embrassent pas, n'empoignent pas cette parole, n'en entendent pas le bonheur, ne s'en prevalent pas, si est ce que, quant a vous, ma chere Fille, vous vous en pouves aysement prevaloir, vous pouves facilement atteindre a ce bien la, et comprendre et savourer ce conseil: et faites le donq.

  A019001898 

 Or, je dis encor d'autant plus asseurement ceci, que je voy en vous le mariage plus perilleux qu'a une autre, a cause de ce courage pretendant que vous me marques, qui vous feroit incessamment souspirer apres les aggrandissemens et vous feroit nager continuellement dans la vanité..

  A019001899 

 Et Nostre Seigneur commande en sa parabole a son serviteur: Contrains les d'entrer; et pas un de ceux qui furent contraintz ne dit: Laisses moy, vous me blesses.

  A019001899 

 Et neanmoins, il faut par force vous le dire, puisque ni les mœurs ni les humeurs de la France, ni les inclinations de vos parens, ni vostre aage, ni vostre mine ne vous sçauroyent permettre de demeurer comme vous estes.

  A019001899 

 Je vous dis donq ainsy, par force: Ma Fille, entres en Religion; mais en vous le disant, je sens une secrette suavité dans cette force, qui fait que cette force n'est point forcee, ains douce et aggreable.

  A019001899 

 Mais cette resolution estant ainsy prise sans qu'il y ait sujet d'en avoir aucun scrupule, il est bien plus difficile de vous dire ensuite: Entres donq en Religion.

  A019001900 

 Penses vous que Dieu donne tous-jours la vocation de la Religion, ou bien de la parfaite devotion, selon les conditions naturelles et les inclinations des espritz qu'il appelle? Non certes, ma Fille, ne croyes pas cela: la vie religieuse n'est pas une vie naturelle, elle est au dessus de la nature, et faut que la grace la donne et soit l'ame de cette vie.

  A019001902 

 Ma Fille, ces craintes de treuver des Superieures indiscrettes et ces autres apprehensions que vous m'expliques si fidelement, tout cela s'esvanouira devant la face de Nostre Seigneur crucifié, que vous embrasseres cordialement.

  A019001902 

 Vous aymeres la parole de la Croix, que les payens ont tenue pour folie, et les Juifs pour scandale; et laquelle a nous, c'est a dire a ceux qui sont sauvés, est la sagesse supreme, la force et vertu de Dieu..

  A019001902 

 Vous verres la niayserie de l'entendement humain en ses discours, et vous vous en mocqueres.

  A019001903 

 Ainsy vous tromperies finement vostre nature et attraperies vostre cœur subtilement.

  A019001903 

 Vous estes riche; la vingtiesme, ou peut estre centiesme partie de vos moyens suffiroit pour vous rendre fondatrice d'un [217] Monastere, et en cette qualité la vous auries un gratieux moyen de vivre religieusement hors la presse du monde, en attendant que l'usage, la consideration et l'inspiration donnast le dernier courage a vostre cœur et le dernier comble a vostre resolution, pour estre tout a fait Religieuse.

  A019001904 

 En somme, vostre esprit, et ce que Dieu a fait pour vous avoir a luy, et mille considerations, vous appellent a une non vulgaire generosité chrestienne.

  A019001904 

 Et ce pendant pries Dieu, ma tres chere Fille; humilies vous, destines vostre vie a l'eternité, releves vos intentions, purifiés vos pretentions, penses souvent qu'un seul petit profit en l'amour de Dieu est digne de grande consideration, puisqu'il aggrandira nostre gloire a toute eternité.

  A019001904 

 Je vous conseille d'avoir confiance en la bonne Mere de la Visitation comme a moy mesme, car elle vous servira fidelement..

  A019001914 

 Et parce que elles m'ont allegué.............estant ainsy................ce qui est requis de vostre part pour sa Profession, j'ay pensé, Monsieur, que vous me sçauriés [219] gré si je vous priois de vouloir contribuer a cette bonne œuvre le soin qu'une bonne seur doit attendre d'un bon frere, et contribuer a l'indemnité de ce Monastere qui, ce pendant, entretient tous-jours cette fille et la fait traitter en ses maladies si frequentes, sans en avoir rien..

  A019001915 

 C'est pourquoy, Monsieur, je vous escris ces quatre lignes, que je finis en me disant,.

  A019001927 

 Je ravis ce moment pour vous saluer tres humblement, et madame ma tres chere Seur, ma fille, et vous affirmer que tout ce qui vous appartient icy se porte bien, et, comme je pense, encor a Turin, ou, ainsy que je voy, nostre commun frere arrestera encor un moys ou six semaines, affin de rendre quelque bon service a Madame apres son sacre, et que, revenu icy, je puisse aller la en sa place..

  A019001929 

 Que si vous aves aggreable de [le] luy faire sçavoir, elle en sera consolee..

  A019001930 

 Aymes moy tous-jours, s'il vous plait, et vous en supplie tres humblement, Monsieur mon Frere, et croyes qu'a jamais je seray.

  A019001934 

 Je vous supplie de treuver bon que je salue en ce petit bout de lettre monsieur et madamoyselle Rousselet..

  A019001943 

 Il vous dira comme M. Fornand s'en [va] aujourdhuy, ou demain au plus tard, pour suivre la voye de toute chair.

  A019001947 

 Quand vous desireres M. Rollant et maistre Nöé, vous les aurés..

  A019001951 

 J'ay un desir extreme de servir monsieur Pernet, mesme en la mauvaise affaire que son cousin a avec [226] ce soldat; et y ay des-ja mis la main par l'entremise de monsieur de Mesme, qui a fort heureusement gaigné sur ledit soldat quil se contentera de ses despens, la difficulté n'estant plus que sur la quantité, laquelle je voy estre fort grande par la liste que j'en ay tiree, et delaquelle, si je ne puis maintenant, au premier jour je vous envoyeray copie.

  A019001952 

 Mays je vous suplie, faites quil me pardonne si je ne luy escris pas pour ce coup, car je n'en puis plus..

  A019001952 

 Vous pouves penser de quell'affection j'honnore monsieur de Pezieu, et comme je regarde en verité toute [227] cette mayson la tout ainsy que si j'avois le bien d'estre l'un des freres.

  A019001953 

 Hier la tres bonne M me de Granieu arriva, et sera icy ces deux jours suivans; ce n'est pas sans parler de vous avec affection..

  A019001954 

 Dieu, par sa bonté, vous conserve, mon tres cher Frere, mon ami..

  A019002003 

 Vous aures sceu la blesseure du sieur Bonfilz, qui est grande a ce qu'on dit, mais je ne croy pas quil en ayt autre chose que le mal..

  A019002004 

 Or, il escrit donq sur ce sujet, dont vous n'aures a faire autre semblant..

  A019002020 

 L'obedience de Monseigneur de Lyon suffira pour toutes, puisque vous estes sous sa direction et authorité maintenant; car, quant a mon consentement, vous l'aves des-ja.

  A019002020 

 Mays vous seres si proches, que quand vous series contrainte de partir avant l'arrivee de celle qu'on y envoyera pour Moulins, vous la pourres [236] bien instruire, outre que ma Seur de Chatelut soustiendra bien pour un peu..

  A019002020 

 Nous ferons partir nos Seurs au plus tost, mais non pas, a l'aventure, si tost que vous desireries; car nous n'en voudrions pas faire deux trouppes, et il en faut pour Paris, et Orleans encores.

  A019002023 

 Je ne croy pas qu'on vous [237] y veuille faire des ceremonies; mays si on le veut, vous feres la guerre a l'œil, et l'esprit de conseil vous enseignera ce qui sera requis..

  A019002023 

 Sil est possible, faites vous porter en carosse jusques a la porte de vostre monastere a Nevers; et quoy qu'on vous aille au rencontre, ne descendes pas, et vous excuses sur ce que la barque sur l'eau, ou le carrosse sur terre sont vos monasteres portatifz.

  A019002024 

 Je vous envoyeray le Formulaire de la reception au Noviciat par la premiere commodité..

  A019002039 

 Car, je vous prie, ma tres chere Fille, comme vous pourrois je conseiller de demeurer au monde? Avec ce tres bon naturel que veritablement je connois en vous dans le fond de vostre cœur, mays accompaigné d'une si forte inclination a la hauteur et dignité de vie, et a la prudence et sagesse naturelle et humaine, et de plus, d'une si grande activité, subtilité et delicatesse d'entendement, que je craindrois infiniment de vous voir dans le monde! n'y ayant point de condition plus dangereuse en cet estat-la que le bon naturel environné de telles qualités; auxquelles si nous adjoustons cette incomparable aversion a la sousmission, il n'y a plus rien a dire, sinon que, pour aucune consideration, quelle qu'elle soit, il ne faut pas que vous demeuries au monde..

  A019002039 

 Cet aymable esprit que j'ay veu en vous quelques moys durant, tandis que vous esties en cette ville, ma tres chere Fille, ne reviendra il jamais dans vostre cœur? [238] Certes, quand je voy comme il en est sorti, je suis en grandeperplexité, non devostre salut, car j'esperequevous le feres tous-jours, mays de vostre perfection, a laquelle Dieu vous appelle et n'a jamais cessé de vous appeller des vostre jeunesse.

  A019002040 

 Mais d'ailleurs, comme pourrois je vous conseiller d'entrer en Religion, tandis que non seulement vous ne le desires pas, mais aves un cœur tout a fait contrariant a ce genre de vie?.

  A019002041 

 On pourra bien, ce me semble, obtenir que vous puissies avoir l'entree en quelque Mayson de la Visitation, pour vous recueillir souvent en cette façon de vie, et que neanmoins vous n'y demeuries pas attachee, ains ayes un logis proche pour vostre retraitte, avec la seule sujetion de quelques exercices de devotion propres a vostre bonne conduitte; car ainsy vous aures la commodité de contenter vostre esprit, qui hait si estrangement la sousmission et liayson a l'obeissance, qui a tant de peine a rencontrer des ames faites a son gré, et qui est si clairvoyant a treuver les a dire et si douillet a les ressentir..

  A019002042 

 Oh! quand je me remetz en memoire le tems heureux auquel je vous voyois, a mon gré, si entierement despouillee de vous mesme, si desireuse des mortifications, [239] si fort affinee a l'abnegation de vous mesme, je ne puis que je n'espere de le revoir encor..

  A019002043 

 Mais pourtant, faites un bon choix de lieu ou vous puissies estre bien assistee..

  A019002043 

 Quant a vostre sejour, je vous en laisse le choix; pour le mien, je croy qu'il ne sera qu'en ce païs-la, apres le voyage de Rome dont je seray de retour a Pasques ou environ, si je le fay.

  A019002044 

 Ne veuilles pas estre riche, ma tres chere Fille; ou du moins, si vous ne le pouves estre que par ces miserables voyes de proces, soyes pauvre plustost, ma tres chere Fille, que d'estre riche aux despens de vostre repos..

  A019002044 

 Puisque vous le voules, je traitteray avec monsieur N. O Dieu, que je desire ardemment et invariablement que vos affaires se passent sans proces! car en somme, l'argent que vos poursuites mangeront vous suffira pour vivre et, en fin de cause, qu'y aura il de certain? Que sçaves vous que les juges diront et determineront de vostre affaire? Et puis, vous passeres vos meilleurs jours en cette tres mauvaise occupation, et vous en restera peu pour estre employés utilement a vostre principal objet; et Dieu sçait si, aprrs un long tracas, vous pourres ramasser vostre esprit dissipé, pour l'unir a sa divine Bonté.

  A019002045 

 Vous devies faire hardiment vostre confession generale, puisque vous ne pouvies accoyser vostre conscience autrement, et qu'un docte et vertueux ecclesiastique vous le conseilloit.

  A019002052 

 Vous verres, par la lettre et le memoire de nostre frere, la proposition qu'il desire estre faite a Son Altesse ou a Monseigneur le Prince.

  A019002053 

 Or, pour parvenir a cela, il seroit requis d'user de praeparatifz, en quoy vous pouvés obliger l'un et l'autre es occasions; comme seroit de faire naistre des propos parmy lesquelz vous puissies, par ci parla, jetter dans l'esprit de Leurs Altesses et de Madame les conceptions suivantes:.

  A019002055 

 Or, tout cela doit estre discretement, sagement et dextrement semé, comme pour praeparatoire et disposition, es occurences; et M. le Premier espere que monsieur le Marquis de Valromey contribuera bien a cet effect de son costé, et partant vous pourres bien en conferer avec luy, mays il faut tenir le tout fort secret.

  A019002055 

 Puis, M. le President estant icy, ou il espere tous-jours de venir bien tost, il prendra resolution de ce quil aura a faire, et sur tout si vous me faites sçavoir sil y pourroit avoir de l'apparence..

  A019002056 

 Monsieur l'Abbé, que j'ay treuvé fort refait et façonné, m'a grandement prié de vous recommander M. le Prieur Curtet, que son pere et ses parens desireroit ( sic ) grandement voir aumosnier de Madame; si donq vous le jugés a propos, ce seroit bien fait de leur procurer ce contentement..

  A019002057 

 Ces messieurs de Nostre Dame ont, par commune conspiration, un grand desir que vous accepties le doyenné, estimans quilz ne sçauroyent mieux relever leur eglise.

  A019002057 

 Leur desir ne peut nuire, et qui pourroit transporter nostre eglise en la leur, par les moyens et avec les articles convenables, selon qu'on en a parlé ci devant, non seulement je ne verrois point d'inconvenient en cela, mais j'y treuverois beaucoup de bien; car, comme Doyen, vous gouverneries l'un des Chapitres; comme Chantre, le chœur de l'un et de l'autre uni, et comm'Evesque, tous deux et tout le clergé de la ville, parmi lequel on pourroit faire renaistre toute sorte de bonne discipline; et vostre canonicat pourroit estre donné a mon neveu.

  A019002057 

 Mays ce [244] que je vous dis n'est que pour sçavoir vostre pensee sur cette proposition, car ce pendant M. le Doyen achevera son noviciat..

  A019002058 

 Si vous voyes lieu d'en parler a propos j'en seray bien ayse, car Monseigneur le Prince m'a tous-jours asseuré quil vouloit que nous fussions payés; et c'est merveille que cinq cens escus coustent tant a retirer en un sujet si plein de justice et de pieté..

  A019002062 

 J'attens de sçavoir des nouvelles de nostre P. General des Feuillens, comm'aussi de nostre monsieur l'Abbé d'Abondance, selon l'advis que vous m'aves donné de son affaire, que je luy ay fidelement envoyé.

  A019002074 

 Avec un extreme sentiment d'obligation, je vous rens graces du soin que vous aves eü des affaires dont j'avois supplié Monseigneur de Nemours, et en espere bonne issue, si Sa Grandeur en croid son Conseil de deça, car [247] elles sont toutes tres justes et selon Dieu; ains, quant a celle de monsieur de Vallon, il ny a point de difficulté que il ny ayt obligation de conscience a faire reparer le tort qu'on luy a fait tres manifestement.

  A019002077 

 Mays vous croires tous deux, je vous en supplie, que vous ne sçauries jamais rencontrer un'ame qui vous honnore plus passionnement et constamment que moy, qui suis,.

  A019002083 

 Je vous supplie, Monsieur, d'asseurer monsieur Lefevre que je l'honnore de tout mon cœur et suis son serviteur; comm'aussi de prier monsieur et madame de Forax qu'ilz me favorisent tous-jours de leur bienveuillance, car d'escrire il ny a plus de moyen..

  A019002096 

 Ce ne fut pas sans vous que nous celebrasmes cette sainte feste de la Pentecoste; car je me souviens fort de la sainte devotion que vous aves a cette solemnité..

  A019002102 

 Et nostre Mere m'escrit que vous luy en donneres une, et la Mayson de Lyon une autre, qui, avec les huit que nous en fournirons, feront le nombre qu'elle desire.

  A019002102 

 Or, on y pensera; et ce pendant, [251] parmi ce tracas, je vous respons, ma tres chere Fille, le plus courtement que je pourray..

  A019002114 

 Vostre chemin est tres bon, ma tres chere Fille, et ny a rien a dire, sinon que vous alles trop considerant vos pas, crainte de choir.

  A019002114 

 Vous faites trop [de] reflexions sur les saillies de vostre amour propre, qui sont sans doute frequentes, mais qui ne seront jamais dangereuses tandis que, tranquillement, sans vous ennuyer de leur importunité ni vous estonner de leur multitude, vous dires non.

  A019002114 

 [254] Marches simplement, ne desires pas tant le repos d'esprit, et vous en aures davantage..

  A019002115 

 Dequoy vous mettes vous tant en peine? Dieu est bon, il void bien qui vous estes.

  A019002115 

 Vos inclinations ne vous sçauroyent nuire, pour mauvaises qu'elles soyent, puisque elles ne vous sont laissees que pour exercer vostre volonté superieure a faire un'union a celle de Dieu plus avantageuse..

  A019002116 

 Ne vous empresses point pour luy, car il a dit a Marthe quil ne le vouloit pas, ou du moins quil treuvoyt meilleur qu'on n'eut point d'empressement, non pas mesme a bien faire.

  A019002116 

 Quant a vostre chemin, Dieu qui vous a conduit jusques a present vous conduira jusques a la fin..

  A019002120 

 Demeures tout a fait en paix, sur la sainte et amoureuse [255] confiance que vous deves avoir en la douceur de la Providence celeste.

  A019002131 

 Je ne vous ay point escrit despuis vostre depart parce que je n'ay peu bonnement le faire, et je ne vous en fay point d'excuses parce que vous estes veritablement et de plus en plus ma plus que tres chere fille..

  A019002131 

 Vous voyes, ma chere Fille, de quelle confiance j'use avec vous.

  A019002132 

 Dieu soit loué dequoy vostre retour s'est fait bien doucement et que vous aves treuvé monsieur vostre cher mary tout allegé.

  A019002134 

 Nous envoyerons sur le commencement du mois prochain, 7 ou huit Seurs en France, lesquelles, comme je pense, passeront a Grenoble; et voyla une mortification pour elles dequoy elles ne vous y treuveront pas, et particulierement pour la Seur Claude Agnes, qui en vain s'en res-jouissoit grandement..

  A019002135 

 Or sus, ma tres chere Fille, saches, je vous supplie, que ce m'est une grande consolation de recevoir souvent de vos lettres, et que mon ame cherit grandement ces tesmoignages de la dilection que la vostre a pour elle..

  A019002137 

 Ainsy a il, je vous asseure, mis en mon esprit une tres amiable et tout a fait entiere affection pour le vostre que je cheris incessamment, priant Dieu quil le comble de benedictions.

  A019002139 

 Ce soir madame de la Flechere est arrivee, qui m'a dit l'ayse qu'elle eut de vous voir.

  A019002167 

 Cependant, vous voyes comme je respans devant vostre cœur maternel mes pensees fort naïfvement.

  A019002176 

 C'est la verité que non seulement vous estes ma tres chere fille, mais c'est la verité aussi que tous les jours [261] vous l'estes davantage en mon ressentiment; et Dieu soit loué dequoy non seulement il a creé en mon ame un'affection veritablement plus que paternelle pour vous, mais dequoy il a mis l'asseurance que vous en deves avoir dedans vostre cœur.

  A019002176 

 Croyes-le bien et dites-le bien, je vous supplie, que vous estes tres asseurement ma tres chere fille, et n'en doutes jamais..

  A019002176 

 Et certes, ma tres chere Fille, quand en m'escrivant vous me dites par fois: Vostre tres chere fille vous cherit, et que vous me parles en cette qualité, je confesse que j'en reçois un contentement admirable.

  A019002177 

 Ce que vous dites pour sauver un peu de bien temporel ne fut pas un mensonge, ains seulement un'inadvertence, de sorte que tout au plus ce ne peut estre qu'un leger peché veniel; et, comme vous m'escrives, encor y a-il de l'apparence qu'il ny en eut point du tout, puisque il ne s'en ensuivit aucune injustice contre le prochain..

  A019002178 

 Ne faites nul scrupule, ni petit ni grand, de communier avant que d'avoir ouy la Messe, et sur tout quand il y aura une si bonne cause que celle que vous m'escrives; et quand il ny en auroit point, encor ni auroit pas seulement une veritable ombre de peché.

  A019002194 

 Cette commodité d'escrire vous semblera grande, ma veritablement et uniquement tres chere Mere, et neanmoins elle ne l'est pas; car il m'a fallu faire tant de despeches et escrire a tant de Praelatz pour Lyon, Nevers, Orleans, Clermont, quil me faut bien haster pour vous rendre mon devoir, ma tres chere Mere; je dis, selon que je le puis rendre..

  A019002195 

 Nous avons pensé de vous envoyer ma Seur Marie Gasparde d'Avise pourvous accompaigner a vostre retour, qui sera quand vous le jugeres a propos, si rien ne presse du costé de Thurin.

  A019002197 

 Mays il faut que je vous die que nostre Seur Peronne Marie est une fille tout a fait admirable, en parole, en maintien, en effectz, car tout cela respire la vertu et pieté..

  A019002199 

 Il ny a remede: et ma lettre et la sienne sont escrittes; si jamais nous nous revoyons, vous les confronteras et verres qui a le tort.

  A019002200 

 Vous recevres les Formulaires de la reception des Novices a la Profession et des praetendentes a l'habit; je croy qu'il ny a rien a dire par rayson.

  A019002201 

 Je vous supplie de l'aymer cherement, encor pour l'amour de moy, qui voudroys que tous les gens de bien l'affectionnassent parfaitement..

  A019002203 

 Qu'est il besoin de vous dire ni de lhonneur que je porte a nostre chere M me de Villesavin, ni de l'affection que j'ay pour sa pieté? car vous le sçaves bien; et si je puis gaigner un moment, je luy escriray, et a M. son mari qui m'a fait lhonneur de m'escrire.

  A019002204 

 Et donnes encor, je vous supplie, la bonne et sainte joye a madame Amelot, de son heureux accouchement; ses consolations seront tous-jours les miennes, puisqu'en toute verité mon ame la cherit tres singulierement.

  A019002204 

 Je vous supplie de saluer cherement M lle de Puipeyroux, et de la prier qu'elle asseure M lle de Crevant et M me de Verton et la bonne M me Amori qu'en verité je conserve soigneusement une memoire continuelle du devoir que mon cœur a a leurs ames que je cheris parfaitement..

  A019002209 

 Je vous envoye nostre chere Seur Marie Gasparde d'Avise, avec nos Seurs de la fondation d'Orleans, affin qu'a vostre retour elle vous serve de compagne; car c'est vrayement une fille vertueuse, sincere, modeste et d'un bon secours aupres de vostre chere personne..

  A019002233 

 Et imagines vous que M. [de Belley] ayant demeuré icy huit jours, ce n'a pas esté sans faire mention de vous, mais non pas certes asses selon mon gré..

  A019002233 

 J'ay dit a M. Michel Favre, mon assistant continuel, que s'il se pouvoit, il vous allast voir de ma part; car si je pouvois, j'irois moy mesme et m'en estimerois plus heureux, ayant tous-jours une tres singuliere complaysance et consolation a seulement penser que vous estes ma tres plus chere fille.

  A019002234 

 Envoyes moy bien de vos nouvelles, ma tres chere Fille, et ne vous mettes point en des pensees pour me faire des exhortations a ne point m'incommoder pour vous respondre; car je vous asseure que je ne m'incommode point, ains je m'accommode grandement quand le loysir me le permet..

  A019002234 

 Or, je ne crains point toutes ces miseres dont vous m'escrives que vous estes accablee, tandis que, comme vous faites et feres tous-jours, vous ne les aymeres pas et ne les nourrires pas; car petit a petit vostre esprit se fortifiera contre vostre sens, la grace contre la nature et vos resolutions sacrees contre vos indignations.

  A019002235 

 A la premiere occasion, j'escriray a la chere seur [270] Catherine de Gennes, qui m'est, je vous asseure, toute cherement chere.

  A019002243 

 Dieu nostre Sauveur sçait bien qu'entre les affections qu'il a mises en mon ame, celle de vous cherir infiniment et vous honnorer tres parfaitement est l'une des plus fortes et tout a fait invariable, exempte de vicissitude et d'oubli.

  A019002243 

 Or sus, cette protestation estant faite tres religieusement, je vous diray ce petit mot de liberté et de franchise, et recommenceray a vous nommer du nom cordial de ma tres chere Fille, puisqu'en verité je sens bien que je suis cordialement vostre Pere d'affection.

  A019002244 

 J'attendois que vous m'escrivissies, non point pour penser que vous le deussies, mais ne doutant point que vous ne le feries et que, par ce moyen, je vous escrirois un peu plus amplement.

  A019002244 

 Ma tres chere Fille donq, je ne vous ay point escrit; mais dites moy, je vous prie, et vous, m'aves vous escrit despuis mon retour en ce païs? Mais pour cela vous ne m'aves pas oublié.

  A019002244 

 Mais si vous eussies tardé davantage, croyes moy, ma tres chere Fille, je ne pouvois plus attendre; non plus que jamais je ne pourray omettre vostre chere personne et toute vostre aymable mayson en l'offrande que je fay journellement a Dieu le Pere, sur l'autel, ou vous tenes, en la commemoration que j'y fay des vivans, un rang tout particulier: aussi m'estes vous toute particulierement chere..

  A019002244 

 Oh! certes, ni moy non plus, car je vous dis en toute fidelité et certitude, que ce que Dieu a voulu que je vous fusse, je le suis, et sens bien que je le seray a jamais tres constamment et tres fortement, et ay en cela une tres singuliere complaysance, accompaignee de beaucoup de consolation et d'utilité pour mon esprit.

  A019002245 

 Ce n'est rien, ma tres chere Fille, que tout ce que vous me dites de vos petites saillies.

  A019002248 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, et escrives moy confidemment quand vous estimeres que ce soit vostre consolation.

  A019002249 

 Mais que de joye quand M. Jantet me disoit que mon tres cher petit filleul estoit si gentil, si doux, si beau et quasi des-ja si devot! Je vous asseure en verité, ma tres chere Fille, que je ressens cela avec un amour nompareil, et me resouviens de la grace et douce petite mine avec laquelle il receut, comme avec un respect enfantin, la filiation de Nostre Seigneur entre mes mains.

  A019002249 

 Or, pensés si nous avons souvent parlé de vous et de vostre mayson.

  A019002255 

 Quand vous craindries la perte de vos lettres en chemin, bien que presque jamais il ne s'en perd, vous pouves bien ne point vous signer, car je connoistray bien tous-jours vostre main..

  A019002256 

 Oseray-je bien vous supplier de presenter mes tres humbles affections et mon service a madame la Marquise de Menelay? Elle est asses humble pour le treuver bon, et le petit François asses sage pour le luy persuader, et madame de Chenoyse.

  A019002286 

 Ma tres chere Fille, la condition de vostre esprit requiert que vous en ayes un grand soin, a cause de cette liberté et promptitude qu'il a, non seulement a penser et vouloir, mais a declarer ses mouvemens.

  A019002286 

 Or sus, vous l'aures, je m'asseure, ce soin-la, car vous aspires de plus en plus a la parfaite union avec Dieu, et ce desir vous pressera d'estre de plus en plus exacte en l'observance [278] des vertus qui sont requises pour le contenter: entre lesquelles, la paix, la douceur, l'humilité, l'attention a soy mesme tiennent les premiers rangs..

  A019002287 

 Et je prie sa divine Majesté, ma tres chere Fille, qu'elle vous comble de sa dilection, et suis parfaitement vostre..

  A019002296 

 Et si j'eusse eu dequoy luy parler en cela, je l'eusse fait, non seulement pour vous contenter, mais satisfaire a la fidelité que je vous dois; vous asseurant en toute verité, ma tres chere Fille, qu'encor que j'ayme vostre ame d'un amour extraordinaire et lequel est si fort quil ne peut estre dissimulé, si est ce qu'a mon advis, il ne m'aveugle pas pour m'empescher de voir vos tares, si j'avois la commodité de les observer..

  A019002297 

 Or sus, ma tres chere Fille, vous estes aux chams, et j'ay quelque esperance de vous y voir, et monsieur vostre cher [279] mary, si vous y estes encor quand j'iray voir le digne M. de Belley..

  A019002310 

 Voyla une lettre pour Monseigneur de Clermont, puis que vous l'aves voulu.

  A019002311 

 Je croy que vous pourres rester encor la quelques moys, ne voyant encor rien de prest a Turin, quoy que Monseigneur le Prince persevere a dire que tout se fera.

  A019002312 

 Vous scaves la bonne trouppe qui est [partie] d'icy, ou nous avons encor la Seur Peronne Marie, qui est en verité une tres excellente fille.

  A019002314 

 Vous aves en ce païs-la le bon Pere Theodose, Capucin, mon grand amy, a qui j'escriray au premier jour, et le bon Pere Anselme de [Riom], qui m'ayme incomparablement et qui demeure a Riom, et je m'asseure qu'il vous ira voir..

  A019002316 

 J'attens la consecration de mon frere pour me preparer au voyage; mais avant mon depart vous aures une fois de mes nouvelles..

  A019002317 

 Tout a vous,.

  A019002328 

 Armes vous d'humilité, patience et douceur, et puis chantes joyeusement: Si exsurgat adversum me prœlium, in hoc ego sperabo; Dominus protector vitœ meœ, a quo trepidabo? Demeures sous les aysles de Nostre Dame, et ne craignes rien; ne prenes nul soupçon.

  A019002328 

 Demeurés en paix, et reposes [282] vous sur cette mienne declaration.

  A019002328 

 J'auray tout le soin de vous que vous sçauries desirer d'un amy et frere fidele.

  A019002337 

 Je vous parle clairement, puisque le tems en est venu.

  A019002338 

 Mays puisque je doy dans quelques semaines me treuver avec vous, je pense que nous aurons plus de bonne commodité d'en conferer ensemblement, et ny aura point de hazard de surseoir jusques a ce tems-la toute sorte de resolution.

  A019002351 

 Et quand je dis que vous y allassies, j'entens aussi parler de madamoyselle du Tertre, ma fille, laquelle je sçai estre inseparable [286] d'avec vous.

  A019002351 

 Je le fay neanmoins, et dis qu'il seroit a propos que vous, qui aves traitté et qui estes conneuë, menassies ma Seur Paule Hieronime a Nevers, et l'y establissies le mieux que vous pourries, pour le sejour d'un mois ou deux.

  A019002351 

 Or, je presuppose que ces Messieurs prennent confiance a la parole que vous leur donneres de revenir infalliblement et de ramener madamoyselle du Tertre.

  A019002351 

 Reste la difficulté de vostre personne et de celle de cette chere fille, car je voy aussi la grande affection que monsieur le Mareschal et madame la Mareschale ont que vous vous arresties, et elle aussi, a Moulins; et faut que je confesse que je voy que cette affaire se prend d'un biays que j'apprehende de dire mon sentiment.

  A019002352 

 Je vous asseure, ma tres chere Fille, que cette difficulté ne m'a point tant fasché que pour le desplaysir que je sçai que vous en aves eu; sur le sujet duquel il faut que je vous die que vous lisies un peu le chapitre De la Patience, de Philothèe, ou vous verres que la piqueure des mouches a miel est plus douloureuse que celle des autres mouches.

  A019002353 

 Vous souvenes vous de la fondation de cette Mayson d'icy? Elle fut faite comme celle du monde, de rien du tout, et maintenant on a despensé pres de seize mille ducatons es bastimens, et jamais fille n'en bailla mille que ma Seur Favre.

  A019002356 

 Je suis infiniment vostre, ma tres chere Fille, et vous souhaite mille benedictions.

  A019002356 

 Salués, je vous supplie, le R. P. Recteur..

  A019002364 

 Ce chevalier part avec tant de presse que je ne puis quasi pas vous escrire, ayant esté forcé d'escrire a Moulins des grandes lettres sur le sujet de la difficulté qu'on y a fait naistre pour la fondation de Nevers.

  A019002366 

 Quand je seray plus asseuré de retourner a Paris, je vous en advertiray.

  A019002379 

 Je croy fort seurement, ma tres chere Fille, que vous tesmoignerés par tout en faveur de la verité, que parmi les desirs que j'ay eu de rendre du service et de la consolation a vostre ame, je ne me suis jamais meslé de sçavoir quelz estoyent vos moyens temporelz, ni ne vous ay jamais incité de les employer pour les Maysons de Sainte Marie.

  A019002379 

 Je ne sçai donq comment on a peu penser que je vous aye addressee a Moulins en consideration des commodités que vous aves, et que ce soit injustice de les divertir ailleurs.

  A019002379 

 Mais il me suffit de vous avoir dit] ces quatre paroles, pour justifier le consentement que j'avois donné a vostre dessein pour Nevers; en quoy il ne me semble pas que j'aye rien commis digne de censure..

  A019002379 

 Que si vous aves engagé vostre ame envers Dieu pour la fondation d'un Monastere a Nevers, ça esté tout a fait sans m'en communiquer, sinon apres que vous en eutes contractee la sainte obligation.

  A019002380 

 En quoy vostre conscience demeurera du tout accoysee sur la plus grande gloire de Dieu qui] reuscira de ce partage, par le moyen duquel vous servires Dieu au monastere dans lequel vous demeureres, en vostre propre personne et par vos propres actions, et en celuy auquel vous ne seres pas, en la personne des Seurs qui, par vostre moyen, y seront assemblees..

  A019002380 

 Mays la consideration de vostre vœu me fait adhaerer au conseil du R. P. Recteur, qui porte, comme vous m'escrivés, que vous [fassies l'un et ne laissies pas l'autre; puisque, comme il est presupposé, il y a suffisamment pour ayder puissamment la fondation de la Mayson de Nevers et pour appuyer et secourir celle de Moulins.

  A019002380 

 Si vous n'esties point obligee par vœu, j'aurois [290] bien tost donné mon advis.

  A019002381 

 Continues, ma tres chere Fille; croisses tous les jours en humilité, douceur, pureté, et recommandes souvent a cette celeste Bonté celuy qui vous recommande incessamment a elle, et qui est a jamais, ma tres chere Fille,.

  A019002381 

 Voyla tout ce que je vous puis dire, ma tres chere Fille, demeurant au reste plein d'une sainte satisfaction et, sil est permis de le dire, tout glorieux dequoy on m'asseure si fort que vous faites des merveilles en pieté, et dautant plus que c'est madame la Mareschale de Saint Geran, laquelle est, graces a Dieu, sçavante en ce saint mestier; car je croy que vous ne doutes pas que la tres sincere et invariable dilection que Nostre Seigneur m'a donnee pour vostre ame, me face aymer, cherir et sentir tres passionnement vostre establissement et progres au saint service de sa divine Majesté.

  A019002396 

 Je respons a celuy qu'il vous a pleu de me faire par vostre lettre du 16 de ce moys, et, sans artifice ni deguisement, je vous feray celuy de ma conduite a ce propos..

  A019002400 

 Et pour finir et vous dire, Monsieur, ce que j'escris a l'une et a l'autre de ces filles: j'escris a M lle du Tertre, qu'elle face ce que le P. Recteur luy dira pour sa conscience; et a ma Seur de Brechard, qu'ell'endure tout ce qui reuscira de ce conseil, qu'elle reçoive en patience cett'abjection, et qu'elle se resouvienne que les piqueures des avettes sont plus sensibles que celles des mouches, et qu'a cause de leur miel on ne laisse pas de les aymer, encor qu'elles piquent.

  A019002401 

 Je vous honnore de tout mon cœur, Monsieur, et vous supplie de continuer vostre dilection envers ces filles et envers moy, qui seray a jamais.

  A019002417 

 Or, monsieur de Cheinex, qui succede au fondateur, s'est chargé de faire que Son Altesse commandera qu'en payant a ceux qui praetendent avoir droit en ladite establerie ce qui sera jugé equitable, on la face oster de la, comm'il est bien convenable; et les Peres Cordeliers ont desiré que je vous priasse, si l'occasion s'en presente, de faire encor office pour cela.

  A019002417 

 Vous sçaves l'incommodité que l'establerie de M. de Moyron, attachee a l'eglise de Saint François, apporte, et combien elle est messeante.

  A019002418 

 Dieu vous face croistre de plus en plus en sa tressainte grace, mon tres cher Frere, a qui je suis.

  A019002430 

 Or sus, vous aves veu que la divine Providence a bien disposé, et tres favorablement pour vous et vostre Mayson, sur la reception de M lle Mistral.

  A019002430 

 Si cette mesme Providence establit une Mayson a Valence, elle vous fera voir de mesme que nous ne sçavons gueres, et que nostre prudence doit demeurer doucement en paix et faire hommage a la divine disposition qui fait tout reüscir au bien des siens.

  A019002431 

 Non, ne craignes pas que vos sentimens me facent rien faire; car encor que je vous cheris tres parfaitement toutes, si est ce que je sçai bien que vos sentimens ne sont pas vous mesmes, encor qu'ilz soyent en vous..

  A019002432 

 Je vous ay asses bien entendue sur vostre orayson: ne vous mettes point sur l'examen pointilleux de ce que vous y faites; ce que je vous en dis suffira pour le present..

  A019002433 

 Si vous aves un nouvel Evesque, vous n'aves pourtant rien de nouveau a faire avec luy, sinon de luy offrir vostre [296] obeissance et de luy demander sa protection; et selon que vous le verres aysé et doux, ou par vous mesme ou par une discrette entremise, vous pourres luy demander un Pere spirituel a qui vous vous puissies addresser es occurrences, et par le soin duquel vous puissies traitter avec luy quand l'affaire le requerra.

  A019002434 

 Murmurés tant que vous voudres contre moy, car je ne m'en soucie point, et sçay bien que vous sçaves que je vous cheris et ay une tres entiere confiance en vous.

  A019002434 

 Que si je ne vous ay pas fait voir ces lettres, c'est que je n'y ay pas seulement pensé; comme a la verité, cette multitude et varieté d'affaires m'oste la memoire de la pluspart des choses..

  A019002436 

 Demeurés en paix, ma tres chere Fille, et n'espies pas si particulierement les sentimens de vostre ame; mesprises les, ne les craignes point, et releves souvent vostre [297] cœur en une absolue confiance en Celuy qui vous a appellee dans le sein de sa dilection..

  A019002447 

 Certes, s'il se pouvoit, je voudrois tous les jours recevoir des nouvelles de vostre ame et tous les jours vous en donner de la mienne, car je m'imagine que vous ne vives gueres sans afflictions; si est-ce que par le sentiment de mon coeur je connois que le vostre seroit aucunement soulagé par le commerce spirituel qu'il pourroit avoir avec le mien, selon qu'il a pleu a Dieu de me donner une affection toute singuliere pour vous cherir de toutes mes forces..

  A019002448 

 Je voy vostre cœur assis et affermi sur cette verité; c'est pourquoy, bien que d'un costé je ne puisse [298] pas m'empescher de compatir avec vous, puisque veritablement vous estes ma Fille, d'autre part je me glorifie avec vous en la Croix de Nostre Seigneur, puisque vous estes si heureuse que d'y participer; et ne cesseray jamais de prier le Saint Esprit qu'il establisse de plus en plus le vostre en son obeissance [et en son] tres pur et tressaint amour..

  A019002448 

 Ma chere Fille, vous sçaves tres bien que Dieu reserve le partage de ses enfans pour la vie future, et que pour celle ci, il ne donne ordinairement a ses mieux aymés que l'honneur de souffrir beaucoup et de porter leur croix apres luy.

  A019002449 

 Faites moy ce bien, ma tres chere Fille, que par la premiere bonne commodité qui se presentera, je puisse sçavoir quelque chose de l'estat de vostre cœur et de toute vostre chere petite trouppe de petitz enfans, que Dieu vous a donnés affin que vous fussies leur mere selon l'esprit encor plus que vous ne l'estes selon le cors; et de nostre frere N. et de nostre seur N., et Sur tout de la bonne madamoyselle vostre mere.

  A019002460 

 C'est pourquoy sa Providence est obligee, a sa disposition, de vous tenir de sa main affin que vous fassies bien ce a quoy il vous appelle.

  A019002460 

 Quelle consolation pour vous que c'est Dieu mesme qui vous a faite Superieure, puisque vous l'estes par les voyes ordinaires.

  A019002461 

 Et je vous dis que vous seres fidele si vous estes humble.

  A019002461 

 Mays seray je humble? Ouy, si vous voules.

  A019002461 

 Vous Testes donq.

  A019002462 

 En un mot, ma chere Fille, il faut que vostre humilité soit courageuse et vaillante, en la confiance que vous deves avoir en la bonté de Celuy qui vous a mise en charge..

  A019002462 

 Il ne faut pas tant subtiliser, il faut marcher rondement; et comme il vous a chargee de ses ames, charges le de la vostre, affin qu'il porte tout luy mesme, et vous et vostre [300] charge sur vous.

  A019002462 

 Reposes vous ainsy sur luy, et quand vous feres des fautes ou des defautz, ne vous estonnes point; ains, apres vous estre humiliee devant Dieu, souvenes vous que la vertu de Dieu se manifeste plus glorieusement dans nostre infirmité.

  A019002463 

 Et pour bien couper chemin a tant de repliques que la prudence humaine, sous le nom d'humilité, a accoustumé de faire en telles occasions, souvenes vous que Nostre Seigneur ne veut pas que nous demandions nostre pain annuel, ni mensuel, ni hebdomadal, mais quotidien.

  A019002463 

 Tasches de faire bien aujourd'huy, sans penser au jour suivant; puis, le jour suivant, tasches de faire de mesme; et ne penses pas a ce que vous feres pendant tout le tems de vostre charge, ains alles de jour en jour passant vostre office, sans estendre vostre souci, puisque vostre Pere celeste qui a soin aujourd'huy, aura soin demain et passé demain de vostre conduitte, a mesure que, connoissant vostre infirmité, vous n'espereres qu'en sa providence..

  A019002464 

 Il m'est advis, ma tres chere Fille, que je vay bien a la bonne foy avec vous de vous parler ainsy, comme si je ne sçavois pas que vous sçaves mieux que moy tout ceci; mays il n'importe, car cela fait plus de coup quand un cœur ami le nous dit..

  A019002475 

 Et de plus, si j'eusse sceu plus tost le depart du sire Pierre, j'eusse escrit a cette fille bienaymee que vous aves aupres de vous, fille du jour et de l'oratoire de la Visitation, qui fut si efficacement visitee au jour qu'on celebroit la feste des visites celestes.

  A019002475 

 Je n'escriray donq qu'a vous, et encor bien peu, a la charge neantmoins que vous n'en tireres pas consequence que je veuille vous retrancher vos longueurs es lettres, car elles me sont tres agreables, pourveu qu'elles ne vous nuisent pas.

  A019002476 

 O ma Mere, je vous escriray, et a toutes nos Filles, si tost que nostre bon P. D. Juste sera parti, qui est le plus admirable amateur et admirateur de la Visitation, de nous et de tout ce qui est de nous, quil est possible d'imaginer.

  A019002482 

 Vive Jesus! O ma Mere, quand vous verres ma tres chere commere M me la Presidente de Herce.........................

  A019002494 

 Je ne sçai pas encor quand Monsieur le R me de Belley voudra que je luy aille rendre mon devoir, et croy qu'il vous estime si entierement que mon entremise sera superflue.

  A019002494 

 Mais puis qu'il vous plait, je l'y contribueray, grandement obligé a vostre bienveuillance de la veritable asseurance que vous prenes de mon affection, qui est toute invariable a vous honnorer fidelement, et a me faire vivre a jamais,.

  A019002500 

 Monsieur, je suis fort asseurement tres humble serviteur de monsieur d'Escrivieu, vostre cher et digne filz, et luy souhaite toute sorte de bonheur en sa sollicitation, avec l'incomparable contentement de vous voir [heureux] longuement en cette vie..

  A019002508 

 Comme M. Crosson vint l'autre jour a moy pour se plaindre de son Prieur, aujourdhuy son Prieur vient a moy pour se plaindre de luy, et m'a monstré son visage tout gasté des coups quil dit avoir receu dudit M. Crosson, me priant de vous prier de vouloir aller sur le lieu de l'exces pour informer: ce que je croy estre fort a propos.

  A019002508 

 Et sil vous plait faire l'information en sorte que je m'en puisse servir, il y aura moyen de rendre justice, a l'un par vous, et a l'autre par moy..

  A019002509 

 Atant, vous saluant bien humblement, je demeure, Monsieur mon Cousin,.

  A019002526 

 J'ay receu vostre grande lettre, a laquelle je ne me suis pas hasté de respondre par ce que des-ja j'avois respondu a tout ce qu'elle contient par la lettre que j'escrivis et a vous et a M lle du Tertre, que je mis dans un paquet que j'addressay a monsieur le Mareschal par monsieur des Hayes qui, revenant de Constantinople, alloit en poste au Roy; et je m'asseure que vous l'aures receue..

  A019002527 

 Il me dit que, dans l'interest de Dieu et le mien, je devois me tenir en cette ville, mais neantmoins ayder l'establissement de la Mayson de Nevers, et quil me feroit voir par ses livres que c'estoit avec des tres bonnes raysons quil me disoit que je pouvois transmuer mon dessein.» Sur cela, je luy escrivis, et a vous, qu'elle [307] devroit suivre l'advis de ce Pere, qui ne peut estre que grave personnage, et donner une partie de ses moyens pour Nevers, gardant l'autre pour Moulins, en sorte qu'en faisant l'un elle n'abandonnast pas l'autre..

  A019002527 

 Voyci les propres paroles de la lettre que M lle du Tartre ( sic ) m'avoit escritte: «Je ne fus pas asses satisfaite d'avoir consulté les Capucins; je desiray voir le bon P. Recteur, auquel je vous puis asseurer, Monsieur, que je dy tout l'engagement, et de la mesme sorte que je vous l'ay escrit.

  A019002529 

 Et quant aux exceptions qu'elle desireroit pour moins incommodement vivre dans le monastere: pourveu qu'elle se sousmette aux Regles et aux Constitutions essentielles (en quoy, comme en toutes autres choses, le Pere Recteur et les autres theologiens vous pourront bien conseiller); il ny a Regle au monde, ni Constitutions qui s'accommode ( sic ) tant aux infirmes que celles de cet Institut.

  A019002531 

 Si la fille dont vous m'escrives, du marchand qui a mené les affaires, a sa vocation aux Carmelites, qui oseroit avoir pensé de la desirer ailleurs? Elle sera bienheureuse d'estre en une si sainte assemblee.

  A019002532 

 Seulement je vous prie de reprendre patience, oublier les orages et les flotz, et mesnager le reste de vostre navigation tranquillement.

  A019002532 

 Si celle qui luy succede aupres de vous ne fait pas tant de besoigne, il faut avoir patience; on ne peut pas avoir toutes choses a souhait.

  A019002532 

 Vous aves grandement bien accompaignee ma Seur Paule Hieronime de luy avoir donné ma Seur de Chatelu.

  A019002532 

 Vous n'eutes jamais tant de peine ni de mal de cœur que parmi ceste bourrasque; benisses Dieu, demeures humble et courageuse, et ne vous lasses point de souffrir beaucoup..

  A019002550 

 O que le monde est inique, a mon gré, et que sa prudence est haïssable, parce qu'ell'est serpentine et nullement associé ( sic ) a la simplicité colombine! O il ny a nul danger que vous traitties toutes ces filles maternellement; elles le reçoivent, je m'asseure, filialement..

  A019002551 

 Ne vous empresses nullement pour vostre retour; ces fondations de dela sont de si grande importance quil ny faut pas espargner le tems.

  A019002555 

 Je vous vay escrire un article pour ma fille M lle de Frouville et M me de Villeneuve, que vous pourres monstrer a celle ci, car c'est pour le service de la seur que j'ayme tout a fait..

  A019002566 

 Ce m'est une douceur nompareille, ma tres chere Fille, de voir l'operation celeste que le Saint Esprit a faite en vostre cœur, en vostre si forte et genereuse resolution de vous retirer du monde.

  A019002566 

 Cette promptitude de faire la volonté de Dieu est un grand moyen d'attirer de grandes et puissantes graces pour la suite et accomplissement de toute bonne œuvre; et vous voyes, ma tres chere Fille, qu'apres la rude secousse que vostre cœur sentit quand, de vive force, il se desprit de ses sentimens, humeurs et inclinations pour suivre l'attrait superieur, en fin vous voyla toute consolee et accoysee dans le bienheureux buisson que vous aves choysi pour chanter a jamais la gloire du Sauveur et Createur de vostre ame..

  A019002566 

 O que vous fistes sagement, suivant la sagesse surnaturelle, ma tres chere Fille! car ainsy estoit il en l'Evangile de la feste qu'on celebroit, que Nostre Dame s'en alla tout hastivement droit dans les montz de Juda.

  A019002567 

 Ce n'est rien, certes (et je voy bien que vous le croyes ainsy), ce n'est tout a fait rien en comparayson de vostre devoir et de ces immortelles recompenses que Dieu vous a preparees; car, que sont toutes ces choses que nous mesprisons et quittons pour Dieu? En somme, ce ne sont que des chetifz petitz momens de libertés, mille fois plus sujettes que l'esclavage [313] mesme; des inquietudes perpetuelles, et des pretentions vaines, inconstantes et incapables d'estre jamais assouvies, qui eussent agité nos espritz de mille sollicitudes et empressemens inutiles: et ce, pour des miserables jours, si incertains, et courtz, et mauvais.

  A019002567 

 Or, releves, ma chere Fille, releves souvent vos pensees a cette eternelle consolation que vous aures au Ciel, d'avoir fait ce que vous aves fait.

  A019002568 

 En verité, ma tres chere Fille, je n'avois garde de vous dire: Foules aux pieds vos sentimens, vos desfiances, vos craintes, vos aversions, si je n'eusse eu la confiance en la bonté de l'Espoux celeste, qu'il vous donneroit la force et le courage de soustenir le parti de l'inspiration et de la rayson contre celuy de la nature et de l'aversion..

  A019002569 

 C'est pourquoy vous ne deves point apprehender: Qui vous a donné la volonté, il vous donnera l'accomplissement.

  A019002569 

 Il en reste encor deux: l'une est d'escorcher la victime, despouillant vostre cœur de soy mesme, coupant et tranchant toutes ces menues impressions que la nature et le monde vous donnent; et l'autre, de brusler et reduire en cendres vostre amour propre, et convertir tout en flammes d'amour celeste vostre chere ame.

  A019002569 

 Mays, ma tres chere Fille, il faut que je vous die que vous voyla doucement toute morte au monde, et le monde tout mort en vous: c'est une partie de l'holocauste.

  A019002569 

 Or, ma Fille certes toute tres chere, cela ne se fait pas en un jour, et Celuy qui vous a fait la grace de faire le premier coup, fera luy mesme avec vous les autres deux; et parce que sa main est toute paternelle, ou il le fera insensiblement, ou, s'il vous le fait sentir, il vous donnera la constance, ains la joye qu'il donna au Saint duquel nous faysons la feste, sur la grille.

  A019002569 

 Soyes seulement fidele en peu de choses, et il vous establira sur beaucoup de choses..

  A019002570 

 Vous me promettés, ma tres chere Fille, que si on vous [314] le permet, vous m'escrires toutes les rencontres de vostre heureuse retraitte; et je vous prometz qu'on vous le permettra, et que je recevray ce recit avec un extreme amour..

  A019002575 

 Le bon oncle Chartreux sera bien consolé quand il sçaura que vous estes [Religieuse],.

  A019002585 

 Je me res-jouys avec vous, ma tres chere Fille, de la retraitte de la chere seur, tant par ce qu'en verité ell'a esté faite genereusement, saintement et, pour le dire comme je l'entens, heroiquement et a la façon de ces anciennes ames du christianisme de l'aage plus saint, qu'aussi dautant que, comme m'a escrit la bonne Mere Superieure, vous aves autant de part en cette retraitte, et plus encor, que si vous vous fussies retiree vous mesme, en cas quil vous eut esté loysible.

  A019002586 

 Je sçai le fort, vif et tendre amour de vostre cœur envers cette seur, et que cette petite separation luy aura costé des grans effortz, et c'est cela qui me donne mille playsirs en la partie superieure; car en l'inferieure, croyes moy, ma Fille, j'ay treuvé mon sentiment engagé dans le vostre, tant il est vray en un sens tres sincere, que «l'amour egale les amans.» Vous aves donq si bonne part en ce sacrifice aggreable, que je m'en res-jouis tres affectionnement avec vous, et croy que la divine Bonté aura une douce souvenance de vostre holocauste et confirmera vostre conseil, et vous rendra, selon l'intention de vostre cœur, une consolation qui vous fera tousjours croistre en cet amour, ou une force qui, sans consolation, vous fera tous-jours de plus en plus parfaitement servir ce celeste amour..

  A019002587 

 Je ne sçai que vous dire, ma tres chere Fille, sinon que je suis indiciblement et incroyablement vostre..

  A019002601 

 Ayant sceu avec combien de resolution vous aves consenti a la soudaine et inopinee retraitte de madamoyselle [316] de Frouville, vostre fille bienaymee, je ne me puis retenir de m'en res-jouyr de tout mon cœur avec vous, comme d'une action en laquelle Dieu aura pris son bon playsir, et dont les Anges et les Saintz auront glorifié extraordinairement la divine Providence.

  A019002601 

 Car je sçai bien, Monsieur, que cette fille vous estoit parfaitement pretieuse, et que vous n'auries peu la donner a la divine volonté que premierement vous ne vous fussies abandonné tout a fait vous mesme a son obeissance, qui est le plus excellent bonheur qu'on puisse souhaitter..

  A019002602 

 Et ce sont les desirs que je fay sur vous et sur toute vostre mayson, qu'en vous benissant elle vous benisse, establissant vostre posterité en sa grace, contre toutes sortes de contradictions..

  A019002602 

 Or, j'augure de plus que, pour ce saint sacrifice spirituel que vous aves si franchement fait a Dieu, sa souveraine et [infinie] Bonté vous donnera les mesmes benedictions qu'elle donna en pareille occasion au grand Abraham.

  A019002603 

 Et vous saluant tres humblement, avec madamoyselle d'Interville, vostre compaigne, je demeure,.

  A019002628 

 Elle me paraît très belle et bien [318] faite; aussi je vous remercie très humblement d'avoir daigné l'entreprendre..

  A019002632 

 Je vous adresse aussi mon Traitté de l'Amour de Dieu, qu'un [320] gentilhomme traduit assez heureusement, à ce que j'entends dire.

  A019002632 

 Si j'avais pu trouver un exemplaire de la première édition, assurément je vous l'aurais envoyé..

  A019002669 

 M lle l'Ancienne de Sainte Catherine vous escrit, et m'a prié de la vous recommander aupres de monsieur son neveu..

  A019002670 

 Quand vous marqueres le tems, M. Rolant ira vous servir..

  A019002671 

 Vives heureux et joyeux en la grace de Nostre Seigneur, mon tres cher Frere, et notamment puisque vous aves maintenant le P. D. Juste qui vous ayme tant.

  A019002675 

 Je remercieray monsieur l'Ambassadeur soudain que vous aures les Bulles, et le Cardinal Aldobrandin, qui m'a escrit une lettre bien honnorable, et le Cardinal Melin et le [329] Cardinal Sauli qui m'escrit combien d'obligation nous avons en cett'occasion a Monseigneur nostre Prince Cardinal..

  A019002679 

 Vous estes le premier auquel j'escris en cette mienne 54 e annee que je commence aujourdhuy..

  A019002689 

 O combien de benedictions Dieu espandra-il sur vostre cœur, et que de consolations sur le mien, si vous alles croissant en la prattique parfaite du divin amour, ma tres chere Fille! Le Saint Esprit tient quelquefois la methode d'inspirer par parties ce qu'il veut faire du tout, et ces vocations ont accoustumé d'estre grandement solides.

  A019002690 

 Le don sacré de l'orayson est tout prest en la main droitte du Sauveur, soudain que vous seres vuide de vous mesme, c'est a dire de cet amour de vostre cors et de vostre volonté propre; c'est a dire, quand vous seres bien humble, il le versera dedans vostre cœur..

  A019002690 

 Marchés donq bien ainsy, ma tres chere Fille, l'esprit relevé en Dieu et qui ne regarde que le visage et les yeux de l'Espoux celeste [331] pour faire toutes choses a son gré; et ne doutes point qu'il ne respande sur vous sa tressainte grace pour vous donner des forces esgales au courage qu'il vous a inspiré.

  A019002690 

 Vous aves le courage trop bon pour ne faire pas parfaitement ce qu'il faut faire pour l'amour de Celuy qui ne veut estre aymé que totalement.

  A019002691 

 Ayes patience d'aller le petit pas, jusques a ce que vous ayes des jambes a courir, ou plustost des aisles a voler.

  A019002691 

 Soyes volontier pour encor une petite nymphe, bien tost vous deviendres une brave avette..

  A019002692 

 Dieu remplira vostre vaysseau de son baume quand il le verra vuide des parfums de ce monde, et quand vous seres humble, il vous exaltera.

  A019002692 

 Humilies vous amoureusement devant Dieu et les hommes, car Dieu parle aux aureilles abbaissees.

  A019002693 

 Mais que je me sois plaint de vous, certes, je ne l'ay jamais fait, ni n'ay nullement inculqué mon advis, qui est l'advis de tous les theologiens..

  A019002694 

 Aussi vous est il egal de donner ou icy ou la, puisque le Dieu du Monastere de [Nevers] est le Dieu du Monastere de [Moulins], et que toutes les deux Maysons sont egalement a la tressainte Vierge, et a vous, ma tres chere Fille, que je conjure de perseverer a m'aymer constamment en Nostre Seigneur, comme tres invariablement je suis a jamais et sans reserve vostre; et ne cesse point de supplier la tressainte Vierge, la plus aymee Dame du Ciel et de la terre, qu'elle vous ayme et vous rende toute bien-aymee de son Filz, par les continuelles inspirations qu'elle impetrera de sa Majesté divine..

  A019002694 

 Voyla cependant qui va le mieux du monde, que vous [332] le veuillies suivre, nonobstant ce que le monde voudroit dire.

  A019002705 

 Vous verres, ma chere grande Fille, que Dieu vous fera recueillir de bons et beaux fruitz de vostre travail.

  A019002713 

 Hier bien tard je receu vos lettres, ma tres chere Mere, de la veille de Nostre Dame, et ce matin je vous escris hastivement par le sire Pierre qui va partir; et c'est le 22 de septembre, jour de saint Maurice..

  A019002714 

 Or, tandis que je m'en resouviens, il faut que je vous die que nos Peres Barnabites m'ont fait escrire la lettre ci jointe a Monseigneur l'Archevesque de Bourges, de laquelle il leur importe grandement que j'aye response.

  A019002714 

 Vous la verres, ma tres chere Mere, et si vous sçaves quelque chose sur ce sujet avant que Monseigneur de Bourges m'escrive, vous ne laisseres pas de me l'envoyer..

  A019002715 

 Apres cela, ma tres chere Mere, il faut que je vous die que le voyage de M. le Prince Cardinal en France se remet en train, et mon frere m'escrit qu'on le tient pour asseuré et, quant et quand, que je le feray, ce Prince voulant que je l'accompagne par tout ou il ira; de sorte que me revoila a la veille de vous aller voir, si le Roy va faire l'hiver a Paris.

  A019002716 

 J'espere avec vous, ma tres chere Mere, que nostre Seur Claude Agnes fera bien, et sur tout estant si proche de vous en ce commencement, car il me semble qu'Orleans est un fauxbourg de Paris.

  A019002717 

 Et tandis que je m'en resouviens, je vous prie de dire a monsieur de Saint Jaques que j'attens de luy respondre par les effectz de ce quil m'a demandé, mon frere m'ayant escrit quil n'oubliera rien pour satisfaire a son desir..

  A019002717 

 Je seray grandement ayse quand je sçauray que vous seres logees, et dedans la ville, puisque mesme c'est le sentiment de nostre bon P. Binet qui a tant de charité pour vous et tant de bonne conduite.

  A019002718 

 Demain je vay voir M. de Belley son frere, que je treuve tous-jours plus aymable; mais je ne voy pas comme on puisse luy persuader de quitter ces gestes immoderés de la praedication, ni arrester le cours de sa plume, comme vous m'avies escrit que c'estoit le desir de plusieurs gens de bien.

  A019002718 

 Je vous escriray de rechef par luy, qui part au commencement du moys prochain..

  A019002719 

 O que mon cœur a esté touché d'une douceur extreme dequoy ma tres chere fille M me de Port Royal a esté avec vous! car il est vray, je luy dis que devant estre a jamais tout a elle, je vous donnois egalement et uniquement aussi avec moy, et j'eusse deu dire en moy.

  A019002719 

 Or sus, je suis infiniment ayse encor que vous la treuvies si aymable.

  A019002719 

 Penses, ma tres chere Mere, si [je] voudrois pouvoir seconder son désir et contenter son cœur bienaymé; car je suis bien avec vous, que si ell'avoit le loysir d'estre un peu retiree avec nous, elle gaigneroit beaucoup.

  A019002748 

 Et parce qu'il aura peut-être besoin de l'autorité de Votre Seigneurie Illustrissime pour réussir, je vous prie de la lui accorder là où elle sera nécessaire, pour l'amour de M. l'Abbé d'Abondance qui me chérit si fort, et pour l'amour de Dieu, dont l'honneur est en partie engagé dans cette affaire..

  A019002748 

 J'ai prié M. l'avocat Bouvard, porteur de cette lettre, de se [338] rendre à Montmélian pour une affaire qui m'intéresse aussi bien que Monseigneur de Chalcédoine, mon frère, comme vous l'apprendrez par le susdit porteur.

  A019002761 

 Je ne suis nullement estonné si vostre courage vous semble un peu plus pesant et engourdi, car vous estes grosse; et c'est une verité manifeste que nos ames contractent ordinairement les qualités et conditions de nos cors, en la portion inferieure.

  A019002762 

 Ayes donques patience avec vous mesme; que vostre portion superieure supporte le detraquement de l'inferieure; et offres souvent a la gloire eternelle de nostre Createur la petite creature a la formation de laquelle il vous a voulu prendre pour cooperatrice..

  A019002762 

 Et pour relever ces langueurs et pesanteurs et engourdissemens de cœur, et les faire servir a l'amour divin, il faut en advoüer, accepter et aymer la sainte abjection: ainsy vous changeres le plomb de vostre pesanteur en or, et en un or plus fin que ne seroit celuy de vos plus vives gayetés de cœur.

  A019002763 

 Et ce pendant, prenes patience de [341] sentir vostre cœur un peu engourdi et assoupi, et, avec la partie superieure, attaches vous a la sainte volonté de Nostre Seigneur qui en a ainsy disposé selon sa sagesse eternelle..

  A019002763 

 Ma tres chere Fille, nous avons a Nessi un peintre Capucin, qui, comme vous pouves penser, ne fait point d'images que pour Dieu et son temple; et bien que travaillant il ayt une si grande attention qu'il ne peut faire l'orayson a la mesme heure, et que mesme cela occupe et lasse son esprit, si est ce qu'il fait ces ouvrages de bon cœur, pour la gloire qui en doit reuscir a Nostre Seigneur et l'esperance qu'il a que ces tableaux exciteront plusieurs fideles a louer Dieu et benir sa bonté.

  A019002763 

 Mais souffres amoureusement ces lassitudes et pesanteurs, en consideration de l'honneur que Dieu recevra de vostre production; car c'est vostre image, qui sera colloquee au temple eternel de la celeste Hierusalem et sera regardee eternellement avec playsir de Dieu, des Anges et des hommes; et les Saintz en loueront Dieu, et vous aussi quand vous l'y verres.

  A019002763 

 Or, ma chere Fille, vostre enfant qui se forme au milieu de vos entrailles sera une image vivante de la divine Majesté; mais ce pendant que vostre ame, vos forces, vostre vigueur naturelle est occupee a cet œuvre, elle ne peut qu'elle ne se lasse et fatigue, et vous ne pouves pas en mesme tems faire vos exercices ordinaires si activement et gayement.

  A019002764 

 Playse a sa divine Bonté que et la vostre et la mienne soyent toutes deux selon son tressaint et bon playsir, et qu'il remplisse toute vostre chere famille de ses sacrees benedictions, et specialement monsieur vostre tres cher mari, de qui, ainsy que de vous, je suis invariablement,.

  A019002775 

 J'ay receu vos deux lettres avec un contentement, a la verité, tout particulier, d'avoir veu en icelles des marques evidentes que l'affection que Dieu avoit mise en [342] vostre cœur pour moy, il y a dix huit ans, estoit non seulement toute vive, mais avoit pris de saintz accroissemens avec celle que vous aves pour la divine Bonté, que l'excellente profession que vous faites a rendue, je m'asseure, tres grande..

  A019002776 

 C'est une qualité des amitiés que le Ciel fait en nous de ne perir jamais, non plus que la source dont elles sont issues ne tarit jamais, et que la presence ne les nourrit non plus que l'absence ne les fait languir ni finir, parce que leur fondement est par tout: puisque c'est Dieu, auquel j'ay rendu graces tres humbles de vostre vocation et de celle des deux cheres Seurs a un si saint Institut; et sur tout dequoy il vous y maintient avec tant de faveur, que toutes trois vous y rendes du fruit et devenes toutes, les unes apres les autres, Meres en une si honnorable famille, pour l'establissement de laquelle, en France, vostre veritablement sainte mere avoit tant prié et travaillé, comme pour sa finale retraitte et vostre habitation en cette vie.

  A019002776 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, ma Mere, que de benedictions sur vous! que de fideles correspondances vostre ame doit rendre a la douceur que la divine Providence a exercee en vostre endroit!.

  A019002778 

 Mais prepares vous aussi de m'envoyer alhors une image d'un portrait que vous aves, que j'eusse sans doute fait copier tandis que j'estois a Paris, si j'eusse sceu qu'il y en eust eu au monde..

  A019002778 

 Vous me demandes par vostre premiere lettre, ma Reverende Mere, certaines reliques que je m'essayeray de treuver, et si ma queste en cela se rencontre heureuse, je vous les envoyeray.

  A019002779 

 A la verité, estant ce qu'elles me sont, elles ne pourront que d'avoir en vous une tres cordiale et tres asseuree confiance en vostre dilection, en vous rendant tous-jours, et a tout vostre Monastere, un veritable honneur et respect, selon la grande estime et amour que toute la Mayson de cette ville, dont elles sont, a conceu de toutes les vostres, et (puisque je parle avec vous, ce me semble, cœur a cœur) je puis adjouster, et selon la veritable regle que je leur ay souvent inculquee, qu'il failloit que chacun cultivast la vigne en laquelle il estoit, fidelement et tres amoureusement pour l'amour de Celuy qui nous y a [344] envoyés; mais qu'il ne falloit pour cela laisser de connoistre et reconnoistre franchement la plus grande excellence des autres, et a mesme mesure leur porter toute reverence et veneration..

  A019002779 

 Et pour finir, ma tres chere Fille, ce m'est une satisfaction nompareille que la Superieure et les Seurs de Sainte Marie de la Visitation vous ayent veuë; parce que je sçai que cela les aura toutes encouragees a servir bien le Filz et la Mere de Dieu, a qui elles sont consacrees.

  A019002780 

 C'est asses pour cette fois, car je me prometz de vous escrire souvent, et, si vous me le permettes, de joindre tous-jours le mot de nostre ancienne alliance, vous appellant ma Fille, a celuy que le rang que vous tenes en vostre Ordre vous a acquis; et suis de tout mon cœur a jamais,.

  A019002799 

 Nous avons reçu de la part de Votre Seigneurie la lettre où vous demandez qu'il soit permis à votre procureur de recueillir des [345] aumônes dans notre diocèse, de publier des Indulgences et d'enrôler des catholiques de l'un et de l'autre sexe dans la confrérie de votre Maison.

  A019002811 

 Pour moy, ma tres chere Mere, je vous confesse franchement que je ne puis me ranger pour le present a l'opinion de ceux qui veulent que les Monasteres des filles soyent sousmis aux Religieux, et sur tout de mesme Ordre, suivant en cela l'instinct du Saint Siege, qui, ou il peut bonnement le faire, empesche cette sousmission.

  A019002822 

 Je me resouviens, ma tres chere Fille, que vous m'escrivistes une fois que messieurs les confesseurs de ce païs-la vous renvoyoyent les femmes, affin de les faire esclaircir, par vostre entremise, des difficultés et scrupules qu'elles avoyent es choses secrettes de leur vocation.

  A019002822 

 Ma tres chere Fille, vous faites bien de les renvoyer a l' Introduction, ou je declare suffisamment tout cela en une sorte que si elles le veulent considerer, pour peu qu'on les ayde (si elles sont si rudes ou simples qu'elles ne l'entendent pas), elles le pourront entendre utilement; car vostre vocation et la qualité de fille ne vous permet pas de leur rendre ce service en autre façon..

  A019002845 

 Que de desirs de vous pouvoir bien et longuement escrire, ma tres chere Mere, sur le sujet que vos deux dernieres lettres m'en fournissent! mays certes, il ny a pas moyen, car, sil plait a Dieu, il faut que j'escrive encor a Moulins..

  A019002846 

 Je croy bien que M me de Soyssons ne vous [a] ni favorisees ni defavorisees, sur tout si vous ne l'aves priee de rien; mays a quelque chose malheur est bon.

  A019002849 

 Helas, je n'ay encor veu que la fine moindre partie des lettres que [353] M. Michel m'a apportees; j'escriray par tout ou vous voudres..

  A019002865 

 Je luy escris, et je vous salue de tout mon cœur, ma tres chere Fille en Jesuschrist, par qui et pour qui et en qui je suis tres absolument vostre, et le seray eternellement..

  A019002875 

 Helas! ma Fille, penses vous que Nostre Dame fust moins Mere de Nostre Seigneur quand, outree de douleur, accablee d'ennuy et toute submergee d'affliction, elle respiroit cette parole: Ouy, mon Filz, parce qu'ainsy il vous plait, que quand, [355] d'un accent tres humblement joyeux, elle chanta le celeste cantique de son Magnificat?.

  A019002875 

 Je le croy bien, ma tres chere Fille, que ce seroit vostre advis que nous vous ostassions la charge de Mere, mais il n'est nullement le nostre.

  A019002877 

 La douleur que vous aves sous le sein gauche a quelque autre cause que la blesseure du cœur par les vers. Je croy bien toutefois que vous en aves: vostre teint, vostre couleur, vostre action le font connoistre, et deves prendre quelque remede contre iceux..

  A019002877 

 O ma pauvre fille Peronne, si les vers avoyent blessé vostre cœur, vous series morte, car cette partie, qui est la premiere a recevoir la vie et la derniere a la perdre, n'est jamais piquee pour peu que ce soit qu'elle n'en meure, et par consequent celuy en qui elle est.

  A019002878 

 Ne vous estonnes nullement de ce que vous n'aves pas les sentimens de devotion pendant vos langueurs, puisque les consentemens et au bien et au mal peuvent estre sans sentiment, et le sentiment sans le consentement.

  A019002886 

 Certes, ma tres chere Fille, j'aymerois volontier les maladies de monsieur vostre cher mari, si la charité me le permettoit, parce qu'a mon advis elles vous sont utiles pour la mortification de vos affections et sentimens.

  A019002896 

 Je voy dans vostre lettre le desir que vous aves de sortir promptement du monde, auquel je ne veux nullement contredire, puisque mesme vostre retraitte n'empeschera pas l'execution de vostre dessein.

  A019002896 

 Mays en tout ce qui se pourra bonnement, il faut donner satisfaction au bon oncle, qui vous a tous-jours aymé, et je voy que vous ne laisseres pas, estant dans l'Oratoire, de bien le contenter.

  A019002897 

 Il faut tous-jours avoir un peu de patience avec les Princes, mais j'espere que le tout reuscira a vostre gré, et supplie Nostre Seigneur qu'il respande de plus en plus abondamment ses saintes graces sur vous,.

  A019002905 

 Soyes donq, ma chere Cousine, ma Fille, en la solitude mentale, puisque vous ne pouves estre en la solitude reelle.

  A019002906 

 Benisses Dieu, ma chere Fille, de ces petitz essays qui vous arrivent pour tesmoigner vostre fidelité.

  A019002906 

 Oyes la Messe dans vostre cœur, quand vous ne pourres l'ouÿr ailleurs, et adores le Saint Sacrement..

  A019002906 

 Vous sçaves de quelle sorte il faut resister a toutes ces petites attaques d'impatience, chagrin et autres.

  A019002907 

 Quant aux bonnes festes qui approchent, vous n'aves rien a faire de plus, apres vos Offices, qu'a tenir vostre esprit en la celeste Hierusalem, parmi ses ruës glorieuses ou vous verres de toutes partz retentir les loüanges de Dieu.

  A019002907 

 Vous ires aussi le jour des Mortz en Purgatoire, et verres ces ames pleines d'esperance qui vous exhorteront de profiter le plus que vous pourres en la pieté, affin qu'a vostre depart vous soyes moins retardee d'aller au Ciel..

  A019002907 

 Voyes cette varieté de Saintz, et vous enqueres d'eux comme ilz sont parvenus la; et vous apprendres que les Apostres y sont allés principalement par l'amour; les Martyrs, par la constance; les Docteurs, par la meditation; [360] les Confesseurs, par la mortification; les Vierges, par la pureté de cœur, et tous generalement, par l'humilité.

  A019002915 

 Dites le donq naïfvement et veritablement, sans nul [361] scrupule; mais que ce soit en sorte que vous ne tesmoignies point de ne vouloir pas y acquiescer doucement, car aussi faut-il y acquiescer de tres bon cœur..

  A019002915 

 Il est vray, sans doute, l'humilité, la patience, l'amour de Celuy qui nous donne la croix, requierent que nous la recevions sans en faire des plaintes; mais voyes vous, ma tres chere Fille, il y a difference entre dire son mal et s'en plaindre.

  A019002915 

 O ma chere Fille, puisque la cessation de vostr'exercice ne vous donne aucun allegement, vous pourries le reprendre, mais tout bellement, n'y employant que demy heure a la fois.

  A019002926 

 Ma Fille, ne doutés point de vostre salut; vous esties encor bien petite, que vostre foy me parut grande.

  A019002926 

 Souvenes vous aussi que vous demandant si vous n'avies point la curiosité de les lire, vous me respondistes hardiment que si l'envie vous prenoit d'apprendre quelque chose contre la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, vous voudries vous mesme de bon cœur estre bruslee..

  A019002926 

 Souvenes vous quand vous m'apportastes les livres heretiques que vous avies pris chez N. N., et que vous me disies avec tant d'ardeur qu'il les failloit brusler et tous ceux qui les lisoyent.

  A019002926 

 Vivés [362] conformement aux verités qu'elle nous enseigne et en cultives le don pretieux que vous aves si advantageusement receu.

  A019002927 

 Consoles en maintenant vostre cœur dans ce petit ombrage de trouble, et au lieu de disputer sur les choses que l'ennemy vous suggere, rendes graces a Dieu de ce que, des l'aage de neuf a dix ans, il vous a donné le desir de mourir pour la foy de la sainte Eglise.

  A019002927 

 Maintenant, ma Fille, moures a vous mesme pour la pureté de cette foy, aneantissant vostre esprit dans ces bienheureuses tenebres..

  A019002957 

 Ce n'est icy qu'une lettre d'attente, ma tres chere Fille, pour seulement vous dire qu'au premier jour je respondray par le menu a toutes celles que vous m'aves fait la consolation de m'escrire jusques alhors.

  A019002958 

 Vous pourres ce pendant respondre a Monseigneur l'Evesque, que ces bonnes filles de Moulins, comme vous aussi, n'estes la que pour faire le service de la fondation, et que quand le Monastere sera establi, vous pourres [retourner] en vos Maysons de profession, ou [l'on vous recevra]; et que partant, il ne faut rien demander pour ces [filles] la a la Mayson de Moulins, qui demeure oblig[ee de les] recevoir quand elles retourneront.....Il semble qu'il n'est pas [a propos de presser] nostre Seur Marie Aymee de Morville; ains qu'elle mesme laisse librement les dix mille francz..

  A019002960 

 Certes, ces filles si ineptes ne doivent point estre receües a profession, et quand on les connoist telles avant la reception a l'habit, elles ne doivent point y estre admises; mais je vous diray cela en detail..

  A019002961 

 Vous pouves employer les Seurs qui doivent estre Domestiques, et qui ne sont point vestues, au service du dehors, par lequel elles meritent tous-jours davantage leur reception future a l'habit..

  A019002962 

 Je vous remercie de vos beaux breviaires, et envoyeray les miens vieux a la premiere commodité.

  A019002973 

 Ce m'a esté une grande satisfaction de vous sçavoir aupres de ma Seur Paule Hieronime, ou vous estes cooperatrice en l'establissement de cette nouvelle Mayson [368] de Nevers; car, des que j'eu le contentement de vous voir a Moulins, j'ay tous-jours pensé que Dieu vous employeroit a son service fort utilement..

  A019002974 

 Donnes le plus que vous pourres l'esprit d'un ( sic ) tres humble mais courageuse simplicité, et de l'amour de la croix a ces ames que vous nourrissés, affin qu'elles soyent aggreables a Celuy qui desire les rendre ses espouses..

  A019002974 

 Tenes vostre courage humblement eslevé en Dieu, ma tres chere Fille; serves-le fidelement et faites toutes vos œuvres pour son bon playsir, car a cela estes vous appellee.

  A019002989 

 Ayant sceu que M. le Prieur de Rumilly inquietoit le sieur Curé dudit lieu pour certaine reconnoissance qu'il prœtend de luy, j'ay creu que je vous devois rendre ce veritable tesmoignage, que la cure de Rumilly n'est plus au Curé (bien que, comme il est raysonnable, les fruitz luy soyent reservés), puisque il l'a resignee par supplication qu'il m'a faite de l'unir au Chapitre ou cors des Altariens de cette eglise-la, et que j'ay fait toutes les formalités praeparatoires a laditte union, delaquelle les finales expeditions seroyent signees et mises en execution, si Monseigneur le Serenissime Prince ne m'eust fait sçavoir que, voulant faire unir quelques autres pieces [370] pour le plus grand bien de cette eglise, il desiroit que j'attendisse pour un peu, affin de faire tout ensemble ce qui sera requis..

  A019002990 

 De sorte, Messieurs, que la cure estant hors des mains du sieur Curé et se treuvant es miennes pour laditte union, a laquelle le sieur Prieur a consenti par authorité mesme de ses Superieurs, je vous supplie tres humblement de tenir ledit sieur Curé exempt de faire cette reconnoissance que le cors des Altariens fera, en la façon convenue, soudain que l'union sera achevee..

  A019002991 

 Et priant Dieu qu'il vous comble de ses celestes benedictions, je demeure de tout mon cœur en luy,.

  A019003008 

 Ilz ne doutent nullement que vous ne leur rendies bonne, briefve et fidele justice; mais je doy vous recommander leurs affaires comme les miennes propres, puisque Dieu m'a joint plus particulierement a eux et m'a enjoint la conservation de leurs droitz.

  A019003009 

 Et sur l'advis que vous me donnastes l'autre jour, j'envoyeray lundi M. Rollant a monsieur de Mont Saint Jean, puisque je suisforcé de passerjusques en Foucigni pour affaire qui presse, et retourneray icy pour quelques [372] jours, passé lesquelles ( sic ), je m'en iray a Gex; mais vous en seres adverti.

  A019003027 

 En somme, c'est avoir certains papiers, inutiles a vous, Monsieur, ou je suis le plus trompé homme du monde, et utiles a moy qui, apres mon retour d'un voyage forcé que je vay faire, auray bien peut estre lhonneur de vous offrir mon service en presence, comme, absent et present,.

  A019003027 

 Je vous supplie seulement de luy donner le loysir de vous faire ma supplication et, si vous la juges [373] juste et equitable comme je croy qu'elle le soit, vous me favoriseres en l'enterinant.

  A019003027 

 Lhonneur que j'ay d'estre aymé de vous me servira de preface, et la confiance que j'ay en ce porteur me servira de narration.

  A019003042 

 Vous pouvés, avec la permission de Monseigneur [374] l'Evesque, recevoir la petite fille qui est d'un naturel si bien conditionné, selon que vous me dites, que l'on doit esperer qu'il n'en arrivera point d'inquietude a la Religion; mais, ma tres chere Fille, il faut tout a fait eviter de recevoir des autres filles avant l'aage, car Dieu n'a pas esleu vostre Institut pour l'education des petites filles, ains pour la perfection des femmes et filles qui, en aage de pouvoir discerner ce qu'elles font, y sont appellees.

  A019003046 

 Il seroit a propos de dire ou faire dire doucement a Monseigneur l'Evesque que vous prendres le P. Lallemant pour faire vos confessions extraordinaires a ce commencement, bien qu'il suffise pour cela d'en conferer avec vostre Pere spirituel..

  A019003047 

 Je ne pense pas qu'on puisse rien demander pour les Seurs qui vous ont accompagné de Moulins, pour la rayson que je vous ay escritte, l'autre jour que je respondis a cet article..

  A019003048 

 Il ny a nul mal de demander aux Novices comm'elles se portent; mais quand elles marquent des maux de nulle consequence, il ne faut pas les attendrir, ains simplement leur dire: Vous seres bien tost guerie, Dieu aydant; puisque, a la verité, le sexe est merveilleusement enclin a se plaindre ou a desirer d'estre plaint, et c'est la verité que ces tendretés prennent leur source de paresse et amour propre.

  A019003048 

 O mon Dieu, que saint Bernard dit une chose estrange et remarquable des Religieux malades; mais je la vous-diray un jour.

  A019003048 

 Vous aves donq fait grandement [376] bien pour la fille de Moulins trop amie de soy mesme, de l'exercer et occuper exterieurement..

  A019003049 

 Ma chere Fille, il ne faut pas que vous autres qui fondes des Maysons, facies ces pensees, si vous reviendres ou non, avant quil en soit tems.

  A019003050 

 Serves vous a ce commencement des Seurs domestiques de dehors, et ce pendant, elles demeureront en leur habit modestement seculier.

  A019003051 

 Vous aves bien fait touchant ce sentiment, puisque il ny avoit nul consentement ni arrest volontaire; cela doit estre negligé et mesprisé, sinon quil y eut quelque violence tout a fait extraordinaire..

  A019003054 

 Il ne faut pas donner promesse a point de fille de la recevoir, sinon en cette façon: Nous vous recevons en ce qui nous regarde, mais il faut que Monseigneur l'Evesque le treuve bon; et faire tous-jours conferer avec le Pere spirituel, car il sçaura tous-jours bien les defautz, sil y en a..

  A019003055 

 Il faut eviter de prester vos Constitutions, en disant qu'en la premiere impresse beaucoup de fautes se sont glissees, pour la haste de ceux qui les ont transcrittes, que l'on corrige; et que bientost l'on fera les ( sic ) reimprimer, et que alors vous les communiqueres volontier.

  A019003055 

 Mays les personnes estant discrettes et de condition, en les advertissant de ce defaut, qui a la verité y est grand, vous pourres selon vostre prudence les prester..

  A019003056 

 Il ne se faut pas laisser peindre, si Monseigneur l'Evesque ne le commande ou vostre Pere spirituel, auquel vous pouves obeir en cela comm'es autres choses indifferentes, c'est a dire qui ne sont pas contre l'Institut.

  A019003060 

 En somme, ce sont des choses que le Saint Esprit, le conseil et l'œil vous feront discerner..

  A019003063 

 En vostre chapelle, vos fenestres doivent estre voylees [379] affin qu'on ne vous puisse pas voir distinctement; mays avec cela, il faut ouir le sermon le voyle de vos faces levé..

  A019003065 

 Vous aures les Indulgences de tout l'Ordre de Saint Augustin, car le Brief de vostre institution les vous donne; nous prouvoirons de les avoir imprimees..

  A019003066 

 Ne receves pas legerement les filles: mais selon que la prudence vous enseignera, ou de differer ou de se haster, faites le; si elles s'en vont ailleurs, Dieu les veuille conduire et en soit loué..

  A019003067 

 N'entreprenes que doucement, selon la petitesse des moyens que vous verres vous pouvoir arriver; et pour les choses necessaires Dieu ne vous abandonnera point..

  A019003094 

 Helas! mon cher Frere, vous vous appercevres bien du trouble que j'ay en mon esprit, quand vous verres que je vous dis tout ceci.

  A019003094 

 La modestie avec laquelle il traitte [382] en vous escrivant, l'amitié laquelle il vous demande avec tant d'affection, et mesme avec sousmission, m'a fait une grande playe de condoleance en mon ame, qui ne peut s'accoiser de voir perir celle de cest ami.

  A019003095 

 Je vous asseure que mon cœur a une continuelle palpitation extraordinaire pour cette cheute, et un nouveau courage de servir mieux l'Eglise du Dieu vivant et le Dieu vivant de l'Eglise..

  A019003096 

 Que si vous luy escrives, selon qu'il me semble vous y inviter, par la voye de monsieur Gabaleon, asseures le que toutes les eaux de la mer d'Angleterre n'esteindront jamais les flammes de ma dilection, tandis qu'il me pourra rester quelque esperance de son retour a l'Eglise et a la voye de son salut eternel..

  A019003097 

 Mon Frere, quand vous seres consacré, faites le moy sçavoir, et me recommandes a la misericorde de Nostre Seigneur, qui soit a jamais l'unique esperance et amour de nos ames.

  A019003110 

 Toutes les nouvelles que vous me donnes sont bonnes; Dieu nous face jouir des effectz entiers de tant de bonnes volontés qu'il inspire a nostre bon Prince..

  A019003114 

 Le bon M. Buccio m'a prié de le vous recommander en son affaire, que son frere vous dira, et qui est, ce me semble, grandement favorable.

  A019003114 

 Madame de la Flechere de Fossigni m'a aussi prié de vous recommander son filz, auquel elle dit que vous aves des-ja fait bien des [385] faveurs.

  A019003115 

 Mon frere et ma seur de Cornillon vous saluent cherement, et vous prient de les excuser silz ne vous escrivent si souvent.

  A019003116 

 Je ne sçai plus que vous dire, mon tres cher Frere, pour cette fois, ayant le cœur si oppressé de douleur de la perte de ce miserable qui vous escrit, que je confesse de n'avoir jamais eu tant de sensible desplaysir que j'en ay eu; mays par ce que je sens encor un peu d'esperance en Dieu pour son retour, je vous escris la lettre ci jointe, affin que vous la luy envoyïes.

  A019003116 

 Qui sçait si, conservant un peu de credit sur son esprit par cette voye, Dieu s'en servira pour le retirer? Mays je ne sçai pourtant que vous dire la dessus, sinon que bienheureux sont les humbles, car a eux appartient le Royaume des cieux.

  A019003119 

 Mon tres cher Frere, je vous prie de ne point encor dire la fascheuse nouvelle de la lettre ci jointe, laquelle [386] vous garderes, car il me semble a propos de ne la pas perdre.

  A019003129 

 Or sus, peut estre n'en sçaves vous rien encor: s'il est ainsy, n'en sçaches donq rien, ma tres chere Mere, et demeures en paix..

  A019003132 

 Il faut finir] en vous asseurant, ma tres chere Mere, que par la cheute de ce jeune homme, Dieu m'a gratifié de nouvelles douceurs, suavités et lumieres spirituelles, pour me faire tant plus admirer l'excellence de la foy catholique..

  A019003159 

 Or sus, ma tres chere Fille, vous voyla tous-jours aupres de la Croix, parmi les tribulations, en la maladie de monsieur vostre cher mary.

  A019003160 

 Ma chere Fille, si vous ne faites pas des grandes oraysons parmi vos infirmités et celles de monsieur vostre mary, faites que vostre infirmité soit une orayson elle mesme, en l'offrant a Celuy qui a tant aymé nos infirmités, qu' au jour de ses noces et de la res-jouissance de son cœur, comme dit l'Amante sacree, il s'en couronna et glorifia: faites ainsy..

  A019003161 

 Ne vous assujettissés pas a un mesme confesseur, tandis que, pour gaigner tems, il sera requis d'aller au premier rencontre..

  A019003172 

 Ayant sceu que la Pernon Bottollier a donné l'enfant qu'ell'a fait a François de Levaut, je vous commetz par ce billet pour oüir ladite Pernon et ledit François sur ce cas; et leurs responses ouÿes, vous m'en envoyeres l'information et l'acte du baptesme de l'enfant..

  A019003173 

 Et m'asseurant de vostre fidellité et diligence a cela, je prie Dieu qu'il vous donne ses plus desirables benedictions, et suis.

  A019003184 

 L'aspreté du tems et la grandeur des neiges ont retenu comme par vive force le bon M. l'Abbé [jusques] a present, mon tres cher Frere; et ce qui me desplait en ceci, c'est qu'il n'arrivera pas asses tost pour vous donner la commodité de nous faire jouir de vostre chere presence pour ces premieres festes.

  A019003185 

 Il en escrit a M. le Collateral, affin qu'il en confere avec vous..

  A019003185 

 M. de la Pierre n'a sceu comprendre que Son Altesse eust quelque degoust de luy; il dit qu'il sçait bien qu'elle l'ayme et sçaura bon gré a qui luy presentera sa lettre, qu'il vous prie de luy faire tenir seurement; et se promet que, si vous en parles a M. Le Grand, il se [393] chargera volontier de le faire, et qu'en cela il n'y a point de hasard.

  A019003187 

 Je vous pourrois dire un monde de nouvelles.

  A019003193 

 C'est pourquoy je le vous recommande de tout mon cœur, et vous prie de me tenir en la bonne grace de madame de Sarsenas qu'on m'a dit estre grosse, dont je me res-jouis grandement..

  A019003194 

 Ce que M. de Vallon vous a escrit touchant le mariage de M. de Charmoysi avec la fille de M. de Montmayeur, m'empeschera de vous en faire un plus long recit.

  A019003196 

 Je ne vous entretiendray pas davantage, ains me rapportant a la suffisance de M. le porteur, je vous salue tres humblement, et, si vous estes consacré, je vous bayse les mains et la cime de vostre teste parfumee de l'onction sacree, que je supplie Nostre Seigneur de faire saintement descouler jusques a la robbe de cette Eglise, et que la rosee de vostre Hermon soit heureusement transportee jusques en nostre sein.

  A019003209 

 Car, de vous dire des nouvelles, ce seroit hors de propos, puisque le porteur en sçait bien plus que moy, qui, presque aussi solitaire qu'un hermite et plus esloigné des affaires du monde que plusieurs hermites, ne sçai rien de tout cela que ce qu'on ne peut ignorer.

  A019003209 

 Je prise trop l'honneur de vivre en vostre souvenance, pour laisser partir monsieur de Barraux sans luy donner ces quatre motz de tesmoignage de celle que j'ay de vous, laquelle est tous-jours accompaignee d'un extreme desir de vous rendre service, si mon bonheur m'en laissoit arriver quelqu'occasion.

  A019003210 

 Et ce pendant, Monsieur, je vous supplie tres humblement de cooperer a l'inclination que Monseigneur de Montpellier a de m'aymer, et de continuer a me croire, comme je suis,.

  A019003224 

 Puisque vous aves treuvé bon, par l'advis mesme de monsieur l'Aumosnier vostre frere, que la charité que vous avies destinee pour le bien spirituel de Belley soit employee pour l'establissement des RR. PP. Capucins en ce lieu-la, qui feront les offices que vous desiries y introduire, il ne restera sinon qu'en suite il vous playse d'ordonner a monsieur de Courtines qui a l'argent, de le delivrer ainsy que les Peres qui sont la luy marqueront.

  A019003254 

 C'est tous-jours ainsy, ma tres chere Mere, que je vous escris sans loysir et sans haleyne; voyla que M. du Tellier, gentilhomme de M me de Mercœur, envoye prendre mes lettres, et faut que je les finisse avant que de les avoir commencees..

  A019003255 

 Mays je vous en escriray plus au long, apres que, pendant ces festes, j'y auray un peu mieux pensé, avec l'advis de monsieur l'Abbé d'Abondance que nous avons de conversation..

  A019003256 

 Que je seray content si je vous puis voir bien logees! L'hostel de messieurs Zameth n'est, ce me semble, que trop beau; neanmoins, a faute d'un asses beau, il se faudra contenter d'un trop beau.

  A019003257 

 Par la premiere occasion, je vous supplie, un peu des nouvelles de madame la Generale des Galeres, de M lle de Frouville et de madame de Villesavin, et de M lle de Montigni, si ell'est tous-jours malade ou non..

  A019003261 

 Helas! il n'est nullement vray que je me soys fasché en la partie superieure des advis que vous m'aves envoyés sur les Constitutions; mais ayant de prim'abord jetté les [403] yeux sur celuy de l'exclusion des maladives, qui est tout a fait contre mon esprit et sentiment, je dis par un'inconsideree soudaineté: Qui laissera gouverner la prudence naturelle, elle gastera la charité et ne sera jamais fait..

  A019003271 

 Ce pendant je me vay preparant, affin de n'estre pas tout a fait surpris; que si je puis vous laisser icy en ma place, je m'en iray bien plus joyeux.

  A019003273 

 Si donq vous le juges a propos, vous luy feres le bon office qu'il desire..

  A019003274 

 Vous aures sceu ce qui s'est passé de la part de monsieur le Baron de Tornon envers monsieur de la Valbonne.

  A019003275 

 Je vous escris l'histoire seulement affin que vous la sachies, et par ce que monsieur le President a recouru a monsieur le Marquis de Saint Damien qui, peut estre, vous en parlera; affin que vous sachies que, quant a moy, je ne me suis nullement plaint, et avois de tres bon cœur pardonné l'insolence, laquelle fut sans doute faite de guet a pend et sans que j'aye jamais offencé ni les maistres ni les valetz; mais je sçai de certaine science qu'il faut dissimuler beaucoup et mespriser toutes les offences qui le peuvent estre, et que, par cette methode, on garde la paix et en fin on gaigne les cœurs des plus inconsiderés.

  A019003276 

 Mays tout ceci, mesnages-le selon que vous jugeres a propos, car il ne faut pas de lite facere lites, ni rien dire ou faire qui puisse ennuyer monsieur le Marquis de Saint Damien, puis que il nous fait lhonneur de nous [406] aymer et qu'il oblige chacun, par sa vertu, a lhonnorer.

  A019003295 

 Quand vous escrires a la Mere qui est allee a Xaintes, je vous prie de l'asseurer de lhonneur et amour que je porte a sa pieté.

  A019003296 

 Certes, dit saint Augustin a ses Filles, vous aves pris naissance, nourriture et accroissement ainsy, pour la plus grande gloire de Dieu et l'establissement de vostre salut: demeures donq ainsy, mes bienaymees, et qui est bien, qu'il ne se meuve pour rien que soit, de peur qu'au lieu de mieux on treuve le mal..

  A019003297 

 Vos Superieurs modernes ont tant travaillé pour vous: cela ne merite-il pas que vous les reveries comme vos Peres, puisque mesme s'ilz ne sont Carmelites d'habit, ilz le sont en effect par le zele et la pieté d'Helie? O combien de Carmelites y aura-il au monde qui n'ont receu que le manteau d'Helie, et non son esprit au double! et combien de prestres seculiers qui, sans le manteau, auront receu son esprit! Combien de Theresiennes sans l'habit, combien de Theresiennes sans l'esprit de la Mere Therese!.

  A019003307 

 Pour moy, je dis a vostre cœur de tout le mien, ma tres chere Fille, ce que le grand saint Augustin disoit en une epistre aux Seurs de sa Regle: «Perseveres en vostre bon propos, et vous ne desireres point de changer de» Superieurs, sous lesquelz, «par tant d'annees, vous estes accreuës en nombre, en aage,» en Monasteres, en reputation.

  A019003307 

 Vous devries pleurer si on vous les vouloit oster.» Ce n'est pas que je veuille faire l'arbitre en un differend porté de part et d'autre de tant de gens; mais je vous parle comme a mon ancienne et cordiale fille, en toute confiance..

  A019003307 

 «Sous» eux, «vous aves esté instruites» en la vie religieuse, «voylees, multipliees.

  A019003308 

 Dieu soit beni qui vous a donné une sincere dilection pour ces Seurs de Sainte Marie, et dequoy elles sont parfaitement dediees a vous honnorer et cherir comme elles doivent..

  A019003309 

 Moy, ma tres chere Fille, je suis tres sincerement vostre et a toute vostre Congregation, specialement a la Mere Sousprieure, ma fille; et je suis bien ayse de vous escrire un peu sans ceremonie et de vous oser nommer [410]simplement ma Fille, et de traitter cœur a cœur avec vostre ame que j'ay tous-jours cherement aymee, et que je prie Dieu de vouloir combler de son tressaint amour.

  A019003318 

 Voyes vous, ma Fille, l'esprit humain ayme ses ayses et son propre jugement; ainsy, il ne faut pas treuver estrange si on reçoit avec contradiction les conceptions d'autruy, quelque saintes qu'elles soyent.

  A019003319 

 Faites belle moysson pendant qu'il en est la sayson, recueilles bien les benedictions des contradictions; vous proffiteres plus ainsy dans un jour, que vous ne feries en dix d'une autre sayson..

  A019003328 

 Je voudrois bien me courroucer avec vous, mais je ne le puis, parce que je ne suis pas en humeur de le faire..

  A019003337 

 Je vous prie d'achetter tout ce qui sera requis pour les tableaux que les Reverens Peres Capucins me font la faveur de faire faire par l'un des leurs, pour l'eglise de Viu et de Thorens..

  A019003338 

 Je suis vostre plus affectionné a vous faire service,.

  A019003388 

 Chose qui Nous occasionne de vous donner charge pour cela d'embrasser avec votre saint zèle accoutumé, de Notre part, cette affaire; tenir main que le Prieur claustral dudit Contamine mette le froc audit Claude du Noyer, et dispose par même moyen lesdits Pères à payer librement le revenu de sa prébende dès le jour de la vacance, en suite de la provision qu'il en a de Nous; en quoi ils Nous feront chose très agréable de consentir, sans Nous donner plus sujet d'en être importuné davantage ni d'un côté ni d'autre.

  A019003388 

 D'ailleurs, vous verrez le Mémorial ci-joint du [419] Sacristain, qui s'offre de payer auxdits Pères les 500 ducatons qui leur sont assignés sur ledit prieuré, d'employer annuellement 200 ducatons aux réparations d'iceluy et d'accroître encore l'aumône de dix coupes de froment, si [l'on] veut laisser à sa disposition le revenu avec les autres deux prébendes vacantes: qui sont véritablement toutes considérations remarquables et qui Nous font désirer d'autant plus l'effet de la consolation dudit du Noyer, lequel Nous vous recommandons par ce bien particulièrement..

  A019003389 

 Et prions Dieu, sur ce, qu'il vous conserve longuement en sa sainte garde..

  A019003402 

 Le Secrestain du prieuré de Contamine vous aura remis une nostre touchant la prebande que Nous avions cy devant accordée sur ledit prieuré a du Noyer son neveu.

  A019003402 

 Sur quoy neantmoins Nous vous repliquons de ne mouvoir chose aucune que premierement vous Nous ayez envoyé la dessus vostre advis, afin que Nous puissions estre mieux esclaircy de ce qui se debvrà bonnement fere sur ce suject..

  A019003403 

 Atant, prions Dieu qu'il vous conserve en sa sainte garde..

  A019003419 

 Il ne vous escrit pas, estant asseuré que vous vous contenteres de luy pour ce coup s'il vous salue de tout son cœur par nostre entremise, estant occupé aupres de cette bonne dame, qui l'a tout a fait guery; de quoy je benis Nostre Seigneur, comme aussi de vostre santé, laquelle il faut conserver pour faire le voyage allegrement..

  A019003419 

 Vous aures, ce croy je, receu la response a celle que vous pristes la peine de m'escrire dernierement; maintenant je la fais a celle que François m'a apportee, par laquelle je voy que, graces a Dieu, nous sommes presque a la veille de nostre depart.

  A019003420 

 Monsieur de Royssieu nous oblige infiniment par le soin qu'il [421] prend de noz affayres; je luy escris, et vous luy feres tenir la lettre, sil vous plait.

  A019003421 

 J'ay receu les nouvelles du gentilhomme dont vous me parlies par la vostre precedente, et j'ay tres bien opiné du succes de ses affayres.

  A019003421 

 Je connois de vue celuy qui le poursuit, lequel, avec toutes les bonnes qualités que vous luy donnes, est de tres mauvaise mine..

  A019003421 

 Sy vous voyes la damoyselle, je vous conjure de me tenir fort en sa bonne grâce et de l'asseurer que nous serons lundy a Paris, Monsieur l'Evesque estant arresté pour sacrer Dimanche le grand autel de ceans, chose qui ne se doit fayre qu'en jour de feste.

  A019003422 

 J'admire les nouvelles que vous nous dites de Savoye, mais plus la premiere que la derniere, du sieur Bonfilz; nous en parlerons a loysir..

  A019003424 

 Je vous bayse les mains et suis de tout mon cœur,.

  A019003456 

 Ayant pleu a Son Altesse d'accorder a ma consideration a Monsieur de Boissy, mon premier Aumosnier, la coadjustorerie de l'Evesché de Geneve, et ayant recognu le soin et l'affection qu'il a a mon service, J'ay pensé qu'estant particulierement informée de ses vertus et merites, que vous auries agreable que Je vous rendisse ces tesmoignages de ses louables et estimables qualités, affin de faciliter ses expeditions.

  A019003456 

 Mais parce que J'ay donné charge a l'Abbé Scaglia de vous en faire de tres particulieres instances de ma part, Je vous prieray d'adjouster creance a ce qu'il vous dira, desirant recevoir sur ce sujet des effetz de la continuation de vostre bonne volonté, dont Je vous prie de tout mon cœur..

  A019003457 

 Ce pendant, Je vous asseureray que Je cheriray tousjours avec passion les occasions qui vous pourront faire cognoistre que Je suis entierement,.

  A019003564 

 La Mère de Chantal savait de quels ménagements il fallait user avec une âme qu'on voulait sauver à tout prix; elle connaissait d'ailleurs l'incomparable condescendance de François de Sales, et, sans craindre de trop l'engager, elle écrit à M me du Tertre le 24 mars 1620: «Ne doutez point que notre bon Père ne vous concède votre désir selon toute l'étendue de son pouvoir, qui est toujours de plusieurs années.» Avec prudence, la Fondatrice ajoute: «Mais nous nous assurons que Dieu vous ayant confirmée en son saint amour pendant plusieurs années, vous fera aimer la conservation des Règles.» La réponse de l'Evêque de Genève est identique: «Que celte chere Mere soit Superieure, j'y consens sans difficulté; mays que cela se puisse faire si absolument comme vous m'en parles, je n'en sçay pas les moyens... Mais... faites ce que» Dieu «vous a inspiré pour sa gloire, et ne doutés nullement qu'il ne face pour vostre bien ce qui sera le meilleur.».

  A019003566 

 L'on vous porte avec icelle le tesmoignage de la bonne volonté de Messieurs de Nevers en vostre endroit.» Le duc Charles de Gonzague, non seulement [432] liberté pour la fondation, mais il en montra beaucoup de satisfaction, à cause de «l'estime qu'il faisoit» du saint Evêque de Genève.

  A019003566 

 «Madame,» dit-il dans sa lettre à la Mère de Bréchard, «je viens de signer la permission que vous avez desiree de moy pour vostre establissement en cette ville, avec autant d'affection qu'affaire que j'aye signé de ma vie.

  A019003568 

 Peut-être ces arrêts n'étaient-ils pas tout à fait contre le gré de la prisonnière! — «J'eusse grandement souhaité qu'elle n'eût bougé de notre maison,» écrivait la Sainte à M. de Palierne, «assuré que l'on doit être que c'est un lieu où l'on ne force personne; mais bien, puisque Dieu a permis cela, patience! Nous vous supplions toutefois que, puisqu'elle est résolue de continuer sa bonne volonté, elle y retourne au plus tôt.».

  A019003569 

 Si maintenant elle est persuadée par d'autres raisons et inclinations, qu'elle les suive; mais je vous supplie que ce soit en sorte qu'il ne s'ensuive point de brouillerie ni de procès.

  A019003570 

 C'est pourquoi, ma très chère Fille, je vous conjure que, pour éviter les maux et embarrassements que je prévois, vous laissiez à la Maison de Nevers ce que vous lui avez déjà donné irrévocablement, et ce que vous ne pouvez lui ôter sans faire soulever de grandes mutineries en ce lieu-là: chose qui nous serait insupportable et nous ferait tout quitter...Il restera assez à Moulins, et la Supérieure que Monseigneur de Genève a envoyée vous donnera pleine satisfaction, n'en doutez point.».

  A019003570 

 «Quand les intérêts particuliers se fourrent parmi nos affaires,» continuait la Mère de Chantal, «ils nous font bien souffrir!» S'adressant à M me du Tertre elle-même: «Eh bien!» écrit-elle, «vous avez ouï et reçu des raisons et persuasions qui vous ont été faites pour demeurer à Moulins.

  A019003574 

 Faites donc en paix vos petites affaires, et ne vous troublez de rien, quand tout renverserait.».

  A019003574 

 François de Sales conseille à la Mère de Bréchard de relire «le chapitre De la Patience, de Philothee.» A la Mère de Monthoux, la Sainte répète: «Mon Dieu, ma très chère Fille, pourquoi [435] vous étonnez-vous de toutes les petites contradictions? N'en ayez pas la moindre émotion du monde.

  A019003575 

 Le Saint, averti plutôt que consulté par la dame bienfaitrice, déclare que son vœu subsiste; et la Mère de Chantal multiplie ses lettres pour parer le coup qu'elle redoute: «Il faut, s'il vous plaît, contenter Monseigneur de Genève et le croire,» écrit-elle à M me du Tertre, «car pour nous, nous ne voulons avoir ni débat, ni procès; nous quitterions plutôt cent fois autant que ce que vous donnez, estimant incomparablement davantage la paix avec la sainte pauvreté, que tous les biens du monde et le moindre trouble... Or sus donc,... qu'il ne se parle plus de tout cela, s'il vous plaît, puisque vous avez le sentiment de Monseigneur de Genève et son avis; car nos pauvres Sœurs des deux Maisons sont affligées d'entendre parler de choses qu'elles n'ont pas accoutumé d'ouïr.» Et quatre jours après, elle expose les choses avec sa logique et sa clarté ordinaires à M. de Palieme, soutient le conseil donné par le Saint, supplie d'accepter ce moyen terme, et conclut: «Si après toutes ces raisons et prières très humbles, M me du Tertre et ceux de Moulins veulent agir contre ceux de Nevers, qu'elle fasse ce qu'il lui plaira; mais pour nous, nous n'attaquerons ni ne nous défendrons.


20-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XX-Vol.10-Lettres.html
  A020000007 

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  A020000265 

 Et avec cette occasion, je vous fay une tres humble recommandation des droitz de monsieur de la Tour d'Arrerex, present porteur, le bien et les affaires duquel je dois affectionner pour plusieurs raisons; qui suis de tout mon cœur et seray toute ma vie,.

  A020000265 

 Et sur ce mesme fondement, j'ay une ferme esperance que vous me favoriseres de vostre bienveüillance, ainsy que tres humblement je vous en supplie, me resjouissant de tout mon cœur de vous sçavoir au rang ou vous estes en la cour, comme en un chemin par lequel, moyennant la grace de Dieu, vous arriveres un jour aux honneurs ausquelz l'exemple de vos predecesseurs et vostre vertu vous doyvent faire justement [1] aspirer.

  A020000285 

 Qui me fait vous prier bien humblement, ma tres chere Seur, [3] de contribuer a ce projet tout ce que, selon Dieu, vous pourres, ne doutant point que ce ne soit la plus grande gloire de Dieu et l'advancement et establissement de plusieurs ames en la pieté, et en fin une tres grande consolation pour les premieres qui viendront s'employer a ce bon œuvre..

  A020000286 

 Je vous supplie donq, et toutes vos cheres Seurs, de le favoriser charitablement et de me faire part en vos oraysons, qui suis, ma tres chere Seur,.

  A020000315 

 Si c'est pour vous une charge, ne vous en prenez qu'à vous-même, Illustrissime Seigneur, qui avez voulu être tel que vous êtes..

  A020000316 

 Il a réclamé et réclame instamment la protection tutélaire de Votre Illustrissime Seigneurie, et parce qu'il sait quel culte profond j'ai pour vous, il m'a demandé de solliciter par lettre le secours de votre charité.

  A020000316 

 Je l'ai même encouragé à vous attendre comme la pluie, et à ouvrir sa bouche vers vous comme vers la rosée du soir.

  A020000362 

 Je m'asseure qu'il se comportera si bien, que ni vous n'aures pas sujet d'estre marri de l'avoir accompagné de vostre benediction, ni moy de vous en avoir prié, qui suis de tout mon cœur,.

  A020000362 

 Si vous ne l'aves point desagreable, je vous supplieray [8] encor de donner permission et obedience au F. Adrien de faire un voyage a Turin, pour finir une negociation que personne ne sçauroit, comme je pense, si bien entendre que luy, et laquelle regarde, si je ne me trompe, le bien publiq et la gloire de Dieu.

  A020000376 

 Demeures en paix sous la protection celeste, a laquelle je vous recommande..

  A020000391 

 Dieu, par sa bonté, vous face croistre de plus en plus en sa sainte grace..

  A020000406 

 En somme, ce n'est que pour vous saluer de toute l'estendue de mes affections, ma tres chere Fille, et vous asseurer que je n'oublie point vos afflictions, ni la condition de vostre vie attachee a la croix.

  A020000406 

 Mais de ne vous point escrire du tout, il ne m'est pas possible.

  A020000407 

 Je vous prie, au reste, de dire a madamoyselle vostre mere que je suis de cœur l'un de ses enfans; mays je le dis en verité.

  A020000417 

 Je m'asseure que Monsieur de Calcedoine n'aura rien oublié pour faire reuscir la bonne volonté que Madame aura eue de vous faire l'aumosne, et qu'il vous en rendra a bon compte estant icy, qui sera bientost..

  A020000417 

 Monseigneur le Prince Cardinal ne m'a encor rien commandé touchant son abbaÿe, mais en tout ce que je pourray, je vous serviray aupres de luy, si j'ay lhonneur de l'approcher; et quand il vous changera vostre orge en froment, le pain de la table n'en sera que meilleur.

  A020000418 

 Et je luy ay dit que vous ne devies en sorte quelcomque en estre en peine, car nostre Saint Pere le Pape qui sied a present, par une lettre bien expediee que j'ay, vous donne le pouvoir non seulement d'avoir de telles rentes legitimement constituees, mais aussi d'avoir des fons terriens; et peu s'en falut que, en lieu de le permettre, il ne le commandast expressement, tant il estime la mendicité onereuse es monasteres des filles qui sont situés en ces petitz lieux, bourgades et vilettes: de sorte que [13] vous deves demeurer en paix de ce costé la, ma tres chere Seur ma Fille, et moy je suis et demeureray de tout mon cœur,.

  A020000418 

 Vostre bon Pere confesseur m'a communiqué la difficulté que vous aves en vostre esprit sur certaines rentes constituees que vostre pere temporel a establies de quelques sommes d'argent qui vous avoyent esté donnees.

  A020000434 

 Demeures bien ainsy, ma tres chere Fille; reposes vostre soin sur la providence de vostre Sauveur, et il vous relevera et portera de sa puissance..

  A020000434 

 Je vous juge digne de compassion, ma tres chere Fille, vous voyant agitee de tant de sortes d'afflictions; mays vous series bien plus a plaindre si Dieu ne vous tenoit de sa tressainte main dans la resolution en laquelle il vous a mise de vouloir a jamais estre toute sienne; car sans cela, ma tres chere Fille, vostre ame ne seroit pas seulement agitee, ains elle seroit tout a fait submergee sous l'effort de tant d'adversités, et les eaux de la tribulation vous auroyent des-ja ensevelie dedans leurs ondes.

  A020000434 

 Mays vous vives, ma tres chere Fille, mays vous subsistes, [14] mays vous perseveres et receves constamment tous ces accidens; c'est par cet essay que Dieu vous connoist pour sa fille legitime.

  A020000435 

 Cependant, je vous remercie de la communication que vous m'aves faite de vostre desplaysir, car encor bien que ces desplaysirs me desplaysent entant qu'ilz attaquent un cœur que j'ayme grandement, si est ce qu'ilz me consolent entant qu'ilz perfectionnent un cœur auquel je souhaite toute sainte perfection, et duquel je suis veritablement,.

  A020000448 

 Et si ce bien la m'arrive, mon tres cher Frere, vous m'ayderes a la suite de pouvoir adjouster plus hardiment qu'a cette heure: Et nomen Domini invocabo..

  A020000449 

 Vives tout a fait a jamais, comme vous faites, en cet amour celeste, Monsieur mon tres cher Frere, et aymes celuy qui est de tout son cœur, inviolablement,.

  A020000457 

 Que faites vous escartee en ce bon païs d'Auvergne, ma tres chere Fille? car il me semble qu'il y a long tems que vous ne me dites mot; et toutefois, l'amour n'est jamais muet, mesme le filial qui a tous-jours je ne sçai quoy a dire au Pere....

  A020000468 

 Je vous remercie tres humblement de vostre douce congratulation sur la venue de mon frere Monsieur de [17] Calcedoine, laquelle a la verité m'a bien apporté de la consolation, non seulement pour l'avoir veu Evesque tout consacré et desireux de bien servir Dieu et son Eglise, mais aussi pour avoir remarqué en luy des bons talens propres a bien reuscir en cette charge.

  A020000468 

 Mays nostre contentement eut esté parfait si vous fussies venu avec luy..

  A020000469 

 Or, ainsy que je vous escrivois ceci, j'ay receu vostre lettre et vostre paquet du 30 de janvier, avec la nouvelle de l'inopiné depart de Monseigneur le Prince Cardinal pour Rome, ou, si tost que je sceu des hier la mort du Pape, je m'imaginay qu'il accourroit pour la nouvelle election d'un autre Pape, a laquelle il pourra beaucoup plus contribuer y arrivant de bonn'heure qu'y allant plus tard.

  A020000488 

 Cependant, il ne se peut dire combien de fois et de quelle affection M. de Calcedoine et moy parlons de la douce et incomparable amitié de laquelle vous nous favorises.

  A020000488 

 Continues, je vous supplie, mon Reverend Pere, comme, de tout mon cœur, je vous honnore et cheris parfaitement..

  A020000501 

 Comme il m'a esté un contentement tres particulier de voir monsieur de Cusinens mon cousin, et trop [19] d'honneur quil ne soit venu que pour nous favoriser, Monsieur de Calcedoine et moy, aussi ay-je receu de la peine de celle quil a prise pour cela en ce tems qui est si aspre; mays [il faut] que ceux que vous aymes souffrent ces exces de bienveuillance, et pour moy je n'ay rien a dire sur cela, sinon que nous sommes parfaitement vostres..

  A020000502 

 A mesure que je me disposois au voyage de France et a faire tout ce que j'eusse peu pour y engager monsieur de Lea, mon cousin, puisque, comme bon pere, vous aggreies qu'il vint, le trespas du Pape, inopiné, a tiré Monseigneur le Prince Cardinal a Rome, qui partit six heures apres que Son Altesse eut la nouvelle du Siege vacant, suivi de Monseigneur l'Archevesque de Turin et du comte Guy Saint George et de quelques uns de ses domestiques, de sorte que me voyla en sejour jusques a Pasque..

  A020000503 

 Du reste, je vivray tous-jours content en la volonté de Nostre Seigneur, que je prie de tout mon cœur vous conserver et combler de bonheur avec toute vostre chere compaignie, et suis.

  A020000514 

 Mais maintenant que la mort du Pape, ayant appellé a Rome M. le Prince [Cardinal], a par consequent rompeu le voyage, ... se peut, le nouveau Pape ... ou immediatement issues de ... que vous marques ni fait ....

  A020000514 

 Tandis que de jour a autre je m'attendois de partir pour Paris, j'ay sursis d'escrire en France a qui que ce soit; et a vous mesme, ma tres chere Mere, je n'ay escrit que des petitz billetz.

  A020000515 

 Si faut, ma tres chere Mere, il faut redire les Pseaumes qui se seront ditz tandis que vous dormies, et se confesser dequoy vous ne les aves pas reditz; car ce sont des parties notables de l'Office que vous estes obligee de dire, mais non pas sil ny avoit que trois ou quatre versetz..

  A020000526 

 Vous deves travailler a la conqueste de la tressainte humilité, que le monde ne peut connoistre, non plus que la paix qu'elle nous donne..

  A020000527 

 Je me res-jouys dequoy vous estes toute professe.

  A020000527 

 O que Dieu soit beni dequoy il vous a tant aymee! car je ne [22] doute point qu'avec la grece de la Profession il ne vous ayt donné la grandeur du courage, l'apprehension vive de la sainte eternité, l'amour de la sacree humilité et la douceur de l'amour de sa divine Bonté, requis a la prattique parfaite de la Profession..

  A020000529 

 Je vous salue, ma tres chere grande Fille, avec la dilection que, comme je croy, vous sçaves que mon cœur a pour le vostre, et suis.

  A020000538 

 Voyla bien des feux, ma tres chere Fille: la fievre, comme un feu, enflamme vostre cors; le feu, comme une fievre, brusle vostre mayson; mais j'espere que le feu de l'amour celeste occupe tellement vostre cœur, qu'en toutes ces occasions vous dites: Le Seigneur m'a donné ma santé et ma mayson, le Seigneur m'a osté ma santé et ma mayson: ainsy qu'il a pleu au Seigneur il a esté fait; son saint nom soit beni..

  A020000539 

 Vous deves avoir devant les yeux la souffrance et patience de Job, et considerer ce grand prince sur le fumier; il eut patience, et Dieu en fin luy redoubla ses biens temporelz et luy centupla les eternelz..

  A020000540 

 O par combien de rencontres fascheux allons nous a cette sainte eternité! Jettes bien vostre confiance et vostre pensee en Dieu: il aura soin de vous, et vous tendra sa main favorable..

  A020000540 

 Vous estes fille de Jesus Christ crucifié: et quelle merveille y a il donq si vous participes en sa croix? Je me suis teu, disoit David, et je n'ay point ouvert la bouche, parce que c'est vous, Seigneur, qui l'aves fait.

  A020000541 

 Ainsy je l'en supplie de tout mon cœur, et qu'a mesure qu'il vous envoye des tribulations, il vous fortifie a les bien supporter en sa sainte garde..

  A020000550 

 Mais je sçai bien aussi que Dieu, qui par sa divine providence vous a dediee a cette sorte de vie en [24] ce monde, ne manque pas de vous fournir des saintes inspirations qui vous sont requises pour vous y comporter saintement..

  A020000551 

 Et pour moy, je ne sçai pas ce que je ne voudrois pas faire pour contribuer a vostre consolation; mais, ma Fille, troys choses me divertissent de vous escrire si souvent que je faysois au commencement de nostre connoissance.

  A020000551 

 Il me semble qu'il n'en est pas tant de besoin maintenant que vous estes tant accoustumee a la croix; et moy, je suis chargé d'aage, et, pour le dire a vous, d'incommodités qui m'empeschent de pouvoir ce que je veux, et de plus, la multitude des correspondances que j'ay acquises depuis ce tems la, fait que j'escris moins aux uns et aux autres.

  A020000551 

 Mais, ma tres chere Fille, vous estes tous-jours presente a mes Messes, ou j'offre au Pere celeste son Filz bienaymé, et, en l'union d'iceluy, vostre chere ame, affin qu'il luy playse de la recevoir en sa sainte protection et luy departir son tressaint amour, notamment en l'occasion des proces et affaires que vous aves avec le prochain; car c'est la ou il y a plus de peine de tenir ferme pour la douceur et humilité, tant exterieure qu'interieure, et j'y voy les plus asseurés bien empeschés: c'est pourquoy cette tribulation me donne plus de crainte pour les ames que j'ayme le plus.

  A020000552 

 Aymes le bien, ma chere Seur, en vos retraittes que vous faites pour le prier et adorer; aymes le quand vous le receves en la sainte Communion; aymes le quand vostre cœur sera arrousé de sa sainte consolation; mais aymes le sur tout quand il [25] vous arivera des tracas, des importunités, des secheresses, des tribulations; car ainsy vous a-il aymé en Paradis, mais encor a-il plus tesmoigné d'amour en vostre endroit parmi les fouetz, les clouz, les espines et les tenebres de Calvaire..

  A020000552 

 Quelles benedictions vous puis je souhaiter plus aymables que celles la, d'estre fidele a Nostre Seigneur parmi les adversités de toutes sortes qui vous agitent? car le souvenir que j'ay de vostre ame ne m'arrive jamais qu'avec mille souhaitz que je fay pour vostre avancement en l'amour de ce bon Dieu.

  A020000582 

 Il vous playse donq, Monsieur, de les faire chercher, et, comme je croy, ilz seront aysés a treuver, puisqu'ilz sont en quatre ou cinq feuilles jointes ensemble; car, quant a la forme en laquelle la demande doit estre faite a Romme, c'est chose qu'il faut qui se face a Romme mesme..

  A020000582 

 Mais M. de Calcedoine, mon frere, m'asseure que vous, Monsieur, aves receu les articles du projet qui en fut fait icy et que j'envoyay il y a bien long tems, et que Monseigneur le Serenissime Prince vous l'avoit remis pour les faire traduire en italien, pour les donner a [27] M. d'Aglié qui devoit aller a Romme.

  A020000583 

 Ce pendant, Monsieur, je vous supplie tres humblement d'avoir un soin particulier de l'introduction des PP. de l'Oratoire a Rumilly, par ou il faut commencer, puisque c'est un'affaire qui ne peut souffrir aucun delay; et excuses mon importunité, puisque je suis de tout mon cœur, Monsieur,.

  A020000593 

 Et tandis, vous faysant tres humblement la reverence, Monseigneur, je suis sans fin,.

  A020000607 

 Or, je vous propose cette mienne pensee, affin que si vous l'appreuves, il vous playse donner l'obeissance audit Frere Adrien, affin quil vienne tandis que je seray-la, qui ne sera que 5 ou six jours..

  A020000621 

 A mon retour, nous nous reverrons, Dieu aydant; et cependant, acceptes de bon cœur cette petite visite que la divine Bonté vous a faite.

  A020000622 

 Ne vous relasches nullement aux tristesses, ennemies de la devotion.

  A020000623 

 Je vous salue mille fois de tout mon cœur, et suis sans fin, ma tres chere Fille,.

  A020000637 

 L'esperance que j'ay tous-jours eu des une annee en ça d'aller en France, m'a retenu de vous ramentevoir mon inviolable affection a vostre service par lettre, puisque je croyois que quelque heureux rencontre me donneroit le moyen de vous rendre ce devoir en presence.

  A020000637 

 Mais maintenant que je n'espere presque plus ce bien et que ce digne porteur me donne une commodité si asseuree, je me res-jouis de tout mon cœur avec vous, ma tres chere Fille (car ce mot est plus cordial), je me res-jouis et loue Nostre Seigneur de vostre si estimable et aymable mariage, qui [32] vous servira de fondement pour bastir et eslever en vous une douce et aggreable vie en ce monde, et pour heureusement passer cette mortalité en la tressainte crainte de Dieu, en laquelle, par sa grace, vous aves esté nourrie des vostre berceau; car tout le monde me dit que monsieur vostre mary est un des plus sages et accomplis cavaliers de France, et que vostre liayson est non seulement noüee de la sainte amitié qui la doit serrer de plus en plus, mais aussi des-ja benite de la fertilité, par laquelle vous estes a la veille de vos couches, ainsy que [nostre Mere] m'asseure..

  A020000638 

 Il faut donq bien correspondre a toutes les faveurs du Ciel, ma tres chere Fille, car elles vous sont sans doute donnees affin que vous les facies proffiter a la gloire de Celuy qui vous gratifie, et a vostre salut.

  A020000638 

 Je ne puis que [33] je ne croye, ma tres chere Fille, que vous n'employies vostre courage a cela et que vous ne le facies, comme sachant que le bonheur de vostre mayson et de vostre personne depend de cela en cette vie passagere, et l'asseurance de l'immortelle apres celle cy..

  A020000639 

 Et si vous l'aves aggreable, continues a me favoriser de vostre bienveuillance filiale, comme je vous asseure, ma tres chere Fille, que d'un cœur tout rempli d'affection paternelle, je ne celebre jamais la tressainte Messe que tres particulierement je ne vous recommande a Dieu, avec monsieur vostre mary, auquel je suis et seray tous-jours, ainsy que je suis pour vous,.

  A020000639 

 Or sus, en ce nouvel estat de mariage auquel vous estes, renouvelles souvent les resolutions que nous avons si souvent faites de vivre saintement et vertueusement, de quelle condition que Dieu nous fist estre.

  A020000650 

 Sera-il point mieux de ne point vous escrire tout a fait, ma tres chere Fille, que de vous escrire si peu, comme [34] l'accablement des honneurs et faveurs que je reçois icy me le peut permettre? Mais, mieux vaut peu que rien tout a fait..

  A020000651 

 Je ne puis croire que Monseigneur l'Evesque N. veuille vous charger de l'education des filles seculieres, quand vous luy aures fait humblement remonstrer que cela detraqueroit grandement vostre Mayson, nullement propre a rendre cet office; car a la verité, l'experience a fait voir a Nessy que vostre façon de vivre est presque incompatible avec cet exercice.

  A020000652 

 Cependant, ma tres chere Fille, tenes vostre courage en Dieu, vives saintement en sa Providence, res-jouisses vous d'avoir quelque chose a porter pour luy, car en cela consiste le vray estat des enfans de sa Bonté.

  A020000677 

 Quand le bon Pere Arviset m'a dit l'autre jour a Lion que nostre bon pere estoit trespassé, je vous asseure que je fus touché vivement de la passion que les enfans ont accoustumé de sentir quand leur pere les quitte; car je le respectois et honnorois ainsy finalement, ce bon pere, qui m'y avoit obligé en autant de façons qu'il se pouvoit faire..

  A020000678 

 C'est en quoy vous puisés sans doute la grande rayson de vostre consolation, et vivés, comme j'espere, satisfaitz d'estre enfans d'un tel pere et d'avoir si long tems esté en l'eschole de sa vertu et pieté.

  A020000679 

 Il ne me reste donq plus en cette occasion que de vous supplier de me vouloir tous-jours conserver en l'honneur et contentement qu'il m'avoit accordé pour toute ma vie, qui est que je serois de vostre mayson et censé comme l'un de ses enfans, vostre frere.

  A020000679 

 Je le seray de mon costé en affection, et n'oublieray jamais l'extreme devoir que j'ay a la memoire de ce pere et au service de sa posterité; vous suppliant encor, Messieurs, de me permettre qu'avec cette lettre je dise la mesme verité et face la mesme priere a mesdamoyselles vos cheres espouses, desquelles j'estime et ayme infiniment les bonnes et devotes ames, et ausquelles, comme a vous, je ne cesseray jamais de souhaitter les plus favorables benedictions du Ciel, demeurant a tous-jours de tout mon cœur, Messieurs,.

  A020000692 

 Je prie le Pere Monod, affin qu'il vous face recommander au Pere Recteur et au Pere Penitencier de Lorette, et que vous puissies retirer d'eux un certificat de vostre soin et diligence a rendre le vœu que vous alles faire..

  A020000692 

 Je vous prie de recommander mon ame a la misericorde de Nostre Seigneur en tous les saintz lieux que vous [38] visiteres en ce voyage de Rome.

  A020000693 

 A Rome, vous parleres avant toutes choses a M. Beybin, et luy communiqueres tous vos Memoires, tant pour les Seurs de la Visitation de Sainte Marie, que pour la Visitation des Sueilz des Apostres et l'acceptation de l'alternative; et suivres en tout son conseil..

  A020000694 

 Vous ne laisseres pas pourtant de voir au plus tost le [39] Pere Diegue et le Pere Dom Sens de Sainte Catherine, jadis General des Feuillans, auquel vous remettres la lettre qui est pour Monseigneur le Cardinal de Sainte Suzanne, car je m'asseure que tant ledit Pere Dom Sens que le Pere Diegue s'employeront volontier pour l'affaire des Seurs de la Visitation, selon que je les en supplie.

  A020000695 

 Je le supplie de faire en cela ce qui se pourra bonnement faire, et vous aussi particulierement..

  A020000705 

 Et vous en supplie donq tres humblement, bien ayse d'avoir ce petit sujet de vous rafraichir les offres de mon service, qui suis,.

  A020000705 

 Il n'est nul besoin que l'on vous recommande les œuvres pies, que vous embrasses, graces a Dieu, avec tant de charité; mays puisque monsieur de Vege, passant icy, a desiré que je vous suppliasse de le favoriser, et sa partie, d'un soin particulier pour leur accommodement, je le fay volontier, comme parent de l'une et ami de toutes deux.

  A020000725 

 En cette occasion du voyage que le R. P. Dominique, Provincial, et le R. P. Philibert, de l'Ordre des [42] Capucins, font en vos contrees de Valey, je me sens obligé de vous remercier du favorable tesmoignage que vous rendites a Romme pour mon frere Monsieur l'Evesque de Calcedoine, qui est a present mon coadjuteur, lequel, s'il estoit icy presentement, vous eut aussi escrit luy mesme..

  A020000726 

 Et de mon costé, pour contribuer ce que je puis a vostre recompense pour tant de bonnes œuvres ausquelles vous aves ci devant cooperé, je prie Dieu qu'il vous face la grace de continuer de plus en plus, croissant incessamment en vertu et devotion, affin qu'apres une longue et utile vie temporelle, vous soyes treuvé en l'estat de perseverance pour passer a l'eternelle..

  A020000726 

 Mays ce n'est pas la seule preuve que j'ay eüe de vostre bienveuillance en mon endroit, y ayant si long tems que vous m'aymes et que j'ay esté obligé a vous honnorer pour la pieté et probité, jointes au zele et a la prudence dont Dieu vous a doué, me resouvenant fort bien de ce que vous aves fait pour le service de l'Eglise et le bien de vostre païs en toutes les occurrences.

  A020000727 

 Et sur cett'esperance de vostre assistence, et du zele, prudence, bonté et bienfaisance du Reverend Evesque de Valey, j'ay donné courage a ces deux Peres, qui sont vrays serviteurs de Dieu et dignes d'estre aymés, de faire de leur part tout ce qu'ilz pourront bonnement pour ce bon œuvre, que je supplie de rechef la divine Providence de vouloir benir, et de vous faire de plus en plus prosperer en sa grace,.

  A020000727 

 Et voyla une bonne commodité qui se presente de rechef a vostre zele en l'establissement des Peres Capucins a Syon, ou, comme vous sçaves, ilz rendront mille sortes de bons et fideles services spirituelz a tout ce pais-la, [43] et beaucoup plus qu'ilz ne pourroyent faire en aucune contree de la patrie; et croy que mesme cela seroit proffitable au service temporel de Messieurs du païs, pour plusieurs dignes considerations que l'estat des affaires du monde me suggere.

  A020000727 

 Or, comme apres Dieu vous aves le veritable honneur de l'establissement de cet Ordre a Saint Maurice, aussi pouvés vous grandement participer a celuy de l'establissement du mesme Ordre a Syon, ou je sçai que de long tems tous les bons le desirent.

  A020000748 

 Continues, je vous supplie, a m'aymer, puisque je suis sans cesse et seray a jamais invariablement,.

  A020000752 

 Salues, je vous supplie, cherement ma tres chere fille la signora Donna Genevra..

  A020000766 

 Je vous rens mille actions de graces du portrait de la [46] bien heureuse Seur Marie de l'Incarnation, et ne sçai ce que je pourrois recevoir de plus utile et aggreable a mon ame; puisque d'un costé j'ay un amour si plein de reverence pour cette sainte personne, et d'autre part, une si grande necessité de resveiller souvent en mon esprit les pieuses affections que sa veuë et sa tressainte communication a excitees autrefois en moy, tandis que six mois durant j'estois presque son confesseur ordinaire, et que, pour tant de diverses occasions du service de Dieu, elle me parloit et entretenoit presque tous les jours..

  A020000767 

 En somme, [47] je suis amateur et admirateur de cette sainte ame, et ayme tous ceux qu'elle a aymés en cette vie, et vous tres particulierement, Monsieur, de qui elle mesme me procura la bienveuillance, que je vous supplie me conserver..

  A020000768 

 Et vous remerciant de rechef de ce saint portrait, je vivray, Dieu aydant, et mourray.

  A020000777 

 En somme, ma tres chere Fille, il est vray, ainsy que je vous ay souvent dit, que la discretion est une vertu sans laquelle, au rapport de saint Anthoine, nulle vertu [48] n'est vertu, non pas mesme la devotion, si toutefois la devotion veritable peut estre sans une veritable discretion..

  A020000778 

 Elle vous aura dit toutes ses raysons en meilleurs termes que je ne sçaurois vous les representer, ormis peut estre celle-la, que vostre religieuse Mayson luy a une tres grande obligation, ainsy que vous mesmes m'aves escrit.

  A020000778 

 Voyes, ma tres chere Fille, de contribuer au contentement de cette mere ce que vous pourres aupres de cette fille, laquelle a la verité est obligee a quitter, je ne dis pas un peu, mais beaucoup de ses consolations, pour spirituelles qu'elles soyent, pour en laisser beaucoup a sa mere..

  A020000778 

 Voyla la bonne madame de Canillac, des belles et rares qualités de laquelle vous m'aves la premiere rendu amateur, qui se plaint admirablement de madame de Dalet sa fille, dequoy ayant treuvé un esseim d'abeilles avec leur miel, elle s'amuse trop avec elles et mange trop de ce miel, contre l'enseignement du Sage qui a dit: As tu treuvé du miel, manges en discrettement.

  A020000783 

 Je vous escris la teste pleyne d'affaires et entre plusieurs tintamarres, et de plus, je vous escris a tastons; car je sçai bien que pour bien parler en cette occasion, il faudroit ouyr bien au long les parties.

  A020000784 

 Au reste, elle ne desire de vous sinon que vous employiés vostre entremise pour moderer le zele que sa bonne fille a a ses retraittes, qui est chose qui ne se peut ni doit refuser, la moderation estant tous-jours bonne en tous les exercices, ormis en celuy de l'amour de Dieu, qu'on ne doit aymer par mesure, ains tout fait « sans mesure.

  A020000784 

 » Employes vous donq bien a cette moderation, a laquelle il sera bien aysé de reduire cette bonne fille, [50] puisque sa bonne mere luy permet qu'elle aille jouyr de la devotion en paix toutes les grandes festes de l'annee, et, outre cela, de six semaines en six semaines trois jours, qui est beaucoup..

  A020000785 

 Je m'asseure, ma tres chere Fille, qu'apres avoir invoqué le Saint Esprit, il vous donnera de la clarté pour bien faire, ou conseiller cette moderation..

  A020000786 

 Je le supplie de regner tous-jours en vostre ame et en vostre chere Congregation, et qu'il vous inspire toutes de prier souvent pour moy.

  A020000795 

 Je serois bien en peine de vous escrire sur le sujet qui me convie si je n'estois authorisé de madame vostre mere; [51] car a quel propos oserois je mettre la main aux affaires qui se passent entre vous deux, et vous parler de vostre conscience, moy qui sçai que vous estes l'unique digne fille d'une si digne mere, pleyne d'esprit, de prudence et de pieté? Mais puisqu'il le faut, sous cette si favorable condition, je vous diray donq, Madame, que madame vostre mere m'escrit tout ce qu'elle vous a dit et fait dire [52] par plusieurs excellens personnages en comparayson desquelz je ne suis rien, pour vous ranger au desir qu'elle a que vous ne l'abandonnies de vostre assistence filiale en cette grande presse d'affaires temporelles en laquelle les occurrences que vous sçaves ont poussé sa mayson, qu'elle ne peut supporter de voir tomber sous le faix, et sur tout faute de vostre secours qu'elle tient y estre seul et uniquement necessaire..

  A020000796 

 Elle met dans sa lettre vos excuses pour les deux premiers partis, car elle dit que vous aves voué a Dieu vostre chasteté, et que vous aves quatre bien petitz enfans, desquelz deux sont des filles; mais pour le troysiesme je ne voy rien dans sa lettre..

  A020000796 

 Elle propose troys partis pour cela: ou que vous vous retiries tout a fait en Religion, affin que les creanciers ne vous desirent plus pour caution et que la disposition des biens de vos enfans luy soit libre; ou que vous vous remanies avec les advantages qui vous sont offertz; ou que vous demeuries avec elle avec une seule bourse.

  A020000797 

 Quant au premier, je ne suis pas pour interposer mon jugement si le vœu que vous aves fait vous oblige a ne point desirer dispense, bien qu'elle allegue une grande precipitation qui peut prevenir la juste consideration; car veritablement la pureté de la chasteté est de si haut prix, que quicomque l'a vouee est tres heureux de la garder, et n'y a rien a preferer que la necessité de la charité publique..

  A020000798 

 Quant au second, je ne sçai si vous vous pourries legitimement descharger du soin que Dieu vous a imposé de vos enfans en vous rendant leur mere, et eux estans si petitz..

  A020000799 

 Je cuyde bien entrevoir quelque rayson pour laquelle il semble qu'une telle fille, chargee d'enfans, puisse garder sa bourse, mais je ne sçai pas si vous l'aves; et si, je pense [53] qu'il faut que cette rayson soit grande et grosse, pour le faire voir et considerer tout a fait.

  A020000799 

 Je dis trop, Madame, car je n'avois rien a dire sur cela que de renvoyer vostre chere conscience, pour ce regard, a ceux ausquelz vous vous en confies..

  A020000799 

 Mais pour le troysiesme, Madame, je vous dis que vostre bourse doit estre commune a madame vostre mere, en ces cas de si grande necessité.

  A020000800 

 Au reste, pour vos exercices spirituelz, madame vostre mere se contente que vous les facies a vostre accoustumee, ormis pour vos retraittes a Sainte Marie, qu'elle desire estre limitees aux grosses festes de l'annee, et, [outre] cela, a troys jours sur chaque quarantaine.

  A020000800 

 Vous pouves aussi vous en contenter et suppleer, par des retraittes spirituelles dans vostre mayson, la longueur de celles que vous pourries faire en celle de Sainte Marie..

  A020000802 

 Et moy, j'ay tort de vous entretenir si longuement, mais j'ay un peu de complaysance de parler avec une ame pure et chaste, et de laquelle il n'y a aucune sorte de plainte que pour l'exces de devotion; tare si rare et si aymable, que je ne puis n'aymer pas et n'honnorer pas celle qui en est accusee, et n'estre pas a jamais, Madame,.

  A020000802 

 Or sus, vous aves la Moyse et les Prophetes, c'est a dire tant d'excellens serviteurs de Dieu: escoutes les.

  A020000814 

 Il n'estoit pas besoin, pour me faire affectionner vostre [55] desir, que les Reverens Peres Coton et Duchesne, que j'honnore infiniment, employassent leur persuasion, car vostre seul nom me faisoit asses connoistre ce que je vous dois; et ma Seur Favre m'avoit, des le commencement qu'elle fut a Montferrand, si vivement exprimé la consideration qu'elle fait de vos dignes qualités, que je ne pourrois pas n'avoir du sentiment de vos afflictions quand vous me les eussies proposees, et mesme avec cette vivacité d'eloquence que vous aves tesmoignee en vostre lettre, capable d'esmouvoir un cœur de pierre..

  A020000815 

 Mais, Madame, permettes moy que j'admire comme vous aves peu penser qu'apres tant de remonstrances faites de vive voix par ces grans serviteurs de Dieu, si excellens ouvriers, le Reverend Pere Coton, le Pere Duchesne et autres, et sur tout l'employ de vostre authorité maternelle, de vos larmes, de vos souspirs et de cette puissante representation de vos douleurs et amertumes de cœur que vous aves mieux sceu faire qu'homme du monde, je puisse moy, pauvre prestre, homme esloigné et de si peu de sens que je suis, par des seules lettres, qui n'ont ni repliques, ni mouvement d'action, mettre la main dans le cœur de madame vostre fille pour le contourner a vostre volonté.

  A020000816 

 Je vous regarde, Madame, comme une mere toute comblee d'amour pour sa fille unique, de jalousie pour la conservation de vostre mayson, si digne d'estre conservee, pressee de mille attaques et affaires douloureuses.

  A020000816 

 Tout cela je le ressens au fond de l'ame, et d'autant plus que je vous porte de respect et de sainte dilection, puisque je me souviens bien de madame de Montaret, et de son amour et de sa passion pour son filz..

  A020000817 

 Or sus, j'escris a ces deux filles que vous dites avoir tant de liayson ensemble; c'est a Dieu a donner l'efficace a mes paroles.

  A020000828 

 Je confesse que je ne fus jamais si empesché d'escrire que j'ay esté, car apres vous, apres le grand Pere Coton, apres le P. Duchesne et tant d'autres serviteurs de Dieu, comme ose-je dire mot? Je le fay neanmoins tumultuairement, comme ayant la teste toute pleyne des affaires de mon Sinode, et par consequent en une grande confusion d'attentions..

  A020000829 

 Monsieur, aymes moy tous-jours, je vous supplie, et [58] tenes pour certain que je vous honnore de tout mon cœur, et suis,.

  A020000846 

 Je ne me sçaurois determiner, ma tres chere Fille, sur la demande que vous me faites de l'opinion que j'ay, s'il est a propos qu'on retienne ou qu'on renvoye cette fille, [59] parce que je ne la connois pas asses.

  A020000847 

 Livre de l' Amour de Dieu, car cela vous donnera une suffisante lumiere pour concevoir en quelque sorte que c'est que Dieu: c'est a dire, vous apprendres, autant qu'il est requis, ce qu'il faut en croire..

  A020000847 

 Quant a l'autre demande que vous me faites, il est impossible d'y respondre entierement, non seulement a moy, mais aussi aux Anges et aux Cherubins; car Dieu est au dessus de toute intelligence, et s'il y avoit une intelligence qui peust comprendre ou parfaitement dire ce que Dieu est, il faudroit que cette intelligence fust Dieu, car il faudroit qu'elle fust infinie en perfection.

  A020000847 

 Voyes, je vous supplie, les trois premiers chapitres du 2.

  A020000848 

 Et voicy ce que, pour le present, je vous en puis dire.

  A020000850 

 Je n'ay pas dit ceci pour vous dire ce que c'est, mais pour vous faire tant mieux entendre que je ne le puis ni sçay dire, et que je ne sçay que confesser que je suis un vray neant devant luy, que j'adore tres profondement, comme aussi l'humanité de nostre Sauveur a laquelle il s'est uni, affin qu'en icelle nous le puissions aborder, et le voir en nos sens et sentimens au Ciel, et en nos cœurs et en nos cors icy en terre au divin Sacrement de l'Eucharistie.

  A020000877 

 Voyci la question que vous me faites: Vostre cœur n'aymera-il pas le mien tous-jours et en toutes saysons? Et voyci ma response: O mon tres cher Frere, c'est une maxime de trois grans amans, tous trois saintz, tous trois Docteurs de l'Eglise, tous trois grans amis, tous trois grans maistres de la theologie morale: saint Ambroyse, saint Hierosme, saint Augustin: Amicitia quæ desinere potuit, nunquam vera fuit..

  A020000878 

 Tenes, mon cher Frere, voyla l'oracle sacré qui vous annonce la loy invariable de l'eternité de nostre amitié, puisqu'elle est sainte et non feinte, fondee sur la verité et non sur la vanité, sur la communication des biens spirituelz et non sur l'interest et le commerce des biens temporelz.

  A020000879 

 La chere seur m'escrit tous-jours avec tant d'effusion de son cher amour, qu'en verité elle m'oste le pouvoir de la bien remercier; et j'en dis le mesme de vous, vous suppliant de vous remercier tous deux l'un l'autre de ce contentement que vous me donnes..

  A020000880 

 Helas! si celle de mon Createur estoit en son lustre dans mon esprit, que vous la verries de bon cœur!.

  A020000880 

 Je l'ay empruntee pour la vous donner, car je n'en ay point a moy.

  A020000902 

 Ce porteur, le sieur d'Areres, mon proche voysin et grand ami, allant pour voir, s'il peut, la fin d'un affaire qu'il a devant la cour, je l'accompaigne de ma tres humble supplication, que je vous fay, de le proteger en son bon droit qui ne m'est pas moins cher que si c'estoit le mien propre, pour l'obligation d'amitié que je luy ay.

  A020000902 

 Et je me prometz aysement, Monsieur, cette faveur de vostre bonté, qui en ay des-ja tant receues d'autres, et qui sçai le playsir que vous prenes en l'exercice de vostre courtoysie partout ou vous voyes de l'equité..

  A020000903 

 Ainsy je prie Dieu qu'il vous conserve et face abonder en ses tressaintes benedictions,.

  A020000919 

 Et faysant peser et bien marquer lesditz outilz, ilz seront rendus bien conditionnés toutes les fois que vous le desireres, ou ladite Sainte Mayson..

  A020000919 

 Puysque la Sainte Mayson n'employe pas a present les outilz qu'ell'a pour un martinet, et que mesme les Peres Chartreux ne s'en servent point, je vous prie de les faire prester a mon frere de Thorens, qui fait dresser maintenant un martinet.

  A020000937 

 Je ne vous dis point l'amour plus que paternel, certes, que mon cœur a pour vous, ma tres chere Fille, car je pense que Dieu mesme qui l'a creé vous le dira; et s'il ne le vous fait entendre, il n'est pas en mon pouvoir de le faire.

  A020000937 

 Mais pourquoy vous dis je cela? Parce, ma tres chere Fille, que je ne vous ay pas escrit si souvent que vous eussies peut estre desiré, et que quelquefois on fait jugement des affections plus par les feuilles de papier que par les fruitz des veritables sentimens interieurs, qui ne paroissent qu'es occurrences rares et signalees, et qui sont plus utiles..

  A020000938 

 Or sus, vous me demandes un papier que jusques a present je n'ay sceu treuver, et que M. n'a nullement.

  A020000938 

 Vous desires que s'il n'est pas entre nos mains, on envoye vistement pour en avoir un pareil de Romme.

  A020000939 

 Et pour ne vous plus faire de preface, je vous vay dire sans art et sans deguisement ce que mon ame desire de vous dire.

  A020000939 

 Jusques a quand sera ce, ma tres chere Fille, que vous pretendres d'autres victoires sur le monde et l'affection a ce que vous y pouves avoir, que celles que Nostre Seigneur en a remportees et a l'exemple desquelles il vous exhorte en tant de façons? Comment fit-il, ce Seigneur de tout le monde? Il est vray, ma Fille, il estoit le Seigneur legitime de tout le monde: et plaida il jamais pour avoir seulement ou recliner sa teste? On luy fit mille tortz: quel proces en eut il jamais? devant quel tribunal fit il jamais citer personne? Jamais, en verité, ains non pas mesme il ne voulut citer les traistres qui le crucifierent devant le tribunal de la justice de Dieu; au contraire, il invoqua sur eux l'authorité de la misericorde.

  A020000941 

 Il est vray, ma tres chere Fille; mais, graces a Dieu, nous sommes en ce cas la, car nous aspirons a la perfection, et voulons suivre au plus pres que nous pourrons celuy qui, d'une affection veritablement apostolique, disoit: Ayant dequoy boire et manger, et dequoy nous vestir, soyons contens de cela; et crioit apres les Corinthiens: Certes, des-ja totalement et sans doute il y a faute et coulpe en vous, dequoy vous aves des procès ensemble.

  A020000941 

 Mays, ce me dires vous, cela s'entend en certain cas.

  A020000942 

 Mays escoutes, ma Fille, escoutes le sentiment et le conseil de cet homme qui ne vivoit plus en luy mesme, mais Jesus Christ vivoit en luy: Pourquoy, adjouste il, pourquoy n'endures vous pas plustost qu'on vous de fraude? Et notes, ma Fille, qu'il parle non a une fille qui aspire d'un air particulier, et apres tant de mouvemens, a la vie parfaitte, mais a tous les Corinthiens; notes qu'il veut qu'on souffre le tort; notes qu'il leur dit qu' il y a de la coulpe pour eux de plaider contre ceux qui les trompent ou defraudent.

  A020000943 

 Mais, ce me dira la prudence humaine, a quoy nous voules vous reduire? Quoy? qu'on nous foule aux pieds, qu'on nous torde le nez, qu'on se joue de nous comme d'une marotte, qu'on nous habille et deshabille, sans que nous disions mot? Ouy, il est vray, je veux cela; et si, je ne le veux pas moy, ains Jesus Christ le veut en moy.

  A020000944 

 Oh! me dires vous, ma Fille, mon Pere, vous estes bien severe tout a coup.

  A020000946 

 Mais en fin, que vous veux je dire? J'escris avec impetuosité cette lettre que j'ay esté forcé de faire a deux fois; et l'amour n'est pas prudent et discret, il va de force et devant soy.

  A020000946 

 Vous aves la tant de gens d'honneur, de sagesse, d'esprit, de cordialité, de pieté; ne leur sera il pas aysé de reduire madame de C. et madame de L. a quelque parti dans lequel vous puissies avoir une sainte suffisance? Sont elles des tigres, pour ne se laisser pas sagement ramener a la rayson? N'aves vous pas la M. N., en la prudence duquel tout ce que vous estes et tout ce que vous pretendes seroit tres bien asseuré? N'aves vous pas M. N., qui vous fera bien cette charité de vous assister [71] en cette voye chrestienne et paysible? Et le bon Pere [Binet] ne prendra il pas playsir a servir Dieu en vostre affaire, qui regarde a peu pres quasi le salut de vostre ame, et du moins tout a fait vostre advancement en la perfection? Et puis, madame de Chantal ne doit elle pas estre creuë? car elle est voirement, certes, je ne dis pas tres bien bonne, mais elle est encor asses prudente pour vous bien conseiller en ceci..

  A020000947 

 Que de duplicités, que d'artifices, que de paroles seculieres, et peut estre que de mensonges, que de petites injustices, et douces, et bien couvertes, et imperceptibles calomnies, ou du moins des demi calomnies, employe-on en ce tracas de proces et de procedures! Dires vous point que vous vous voules marier, pour scandalizer tout un monde par un mensonge evident, si vous n'aves un precepteur continuel qui vous souffle a l'oreille la pureté de la sincerité? Ne dires vous point que vous voules vivre au monde et estre entretenue selon vostre naissance, que vous aves besoin de cecy et de cela? Et que sera ce de toute cette formiliere de pensees et imaginations que ces poursuittes produiront en vostre esprit? Laisses, laisses aux mondains leur monde: qu'aves vous besoin de ce qui est requis pour y passer? Deux mille escus, et moins encor, suffiront tres abondamment pour une fille qui ayme Nostre Seigneur crucifié.

  A020000948 

 Il est vray, il est difficile a l'homme, mais non pas au Filz de Dieu, qui le fera en vous..

  A020000948 

 — Et comment? Aves vous jamais veu que Nostre Dame en eust tant? Que vous importe il que l'on sache que vous estes de bonne mayson selon le monde, pourveu que vous soyes de la mayson de Dieu? — Oh! [72] mais, je voudrois fonder quelque mayson de pieté, ou du moins faire des grandes assistences a une Mayson; car estant infirme de cors, cela me feroit plus gayement supporter.

  A020000949 

 O mon Dieu, que de benedictions, que de graces, que de richesses spirituelles pour vostre ame, ma tres chere Fille, si vous faites ainsy! Vous abonderes et surabonderes; Dieu benira vostre peu, et il vous contentera.

  A020000949 

 — Or sus, mon gré donq est que vous vous contenties de ce que M. [Vincent] et madame de Chantal aviseront, et que le reste vous le laissies pour l'amour de Dieu, et l'edification du prochain, et la paix des ames de mesdames vos seurs, et que vous le consacries ainsy a la dilection du prochain et a la gloire de l'esprit chrestien.

  A020000966 

 Que vous diray je plus? Rien autre, ma tres chere Mere, sinon que je cheris incomparablement vostre cœur, et comme le mien propre, si mien et tien se doit dire entre nous, ou Dieu a establi une tres invariable et indissoluble unité, dont il soit eternellement beni.

  A020000976 

 Je suis marri dequoy nous n'avons pas eu le bien de vous voir au Sinode, mais sur tout dequoy ça esté pour estre indisposé de santé..

  A020000977 

 Vous aves extremement bien procedé en l'affaire de Suzanne et de monsieur de Vallon, et vous ne sçauries [75] faire que bien a mon gré, puisque vous aves et le zele et la capacité..

  A020000978 

 Je vous prie d'assister M. le Curé de Vuallier pour le retirement des 400 florins, desquelz on en donnera 150 a M. Sonnerat, et a chacun des trois curés qui ont servi a Draillans, 50; les utres cent demeureront es mains dudit sieur curé de Vuallier, a conte des despens supportés et de ceux qu'il faudra encor supporter au premier jour..

  A020000979 

 Vous sçaures que dans peu de jours j'iray par dela avec deux des seigneurs de la Chambre des Comptes de Savoye, par ordre de Son Altesse et de Monseigneur le Prince..

  A020000997 

 C'est en la presence de Dieu que je vous dois particulierement escrire cette lettre, puisque c'est pour vous dire ce que vous deves faire pour sa plus grande gloire es choses que vous m'aves marquees..

  A020000998 

 Apres donq avoir invoqué son Saint Esprit, je vous dis que je ne voy nulle juste occasion en tout ce que vous me dites et que madame vostre mere me dit, pour laquelle vous devies violer le vœu que vous aves fait de vostre chasteté a Dieu; car la conservation des maysons n'est pas considerable sinon pour les princes, quand leur posterité est requise pour le bien publiq.

  A020000998 

 Demeurés donq la, puisque Dieu vous a inspiré de le vouloir et vous donne la grace de le pouvoir.

  A020000998 

 Et si vous esties princesse, ou celuy qui vous souhaite prince, puisque vous aves des enfans de vostre premier mari l'on vous devroit dire: Contentes vous de la posterité que vous aves; et a luy: Faites de la posterité d'une autre princesse.

  A020000999 

 Il est tout vray que vous n'estes nullement obligee par droit de justice d'assister de vos moyens la mayson de monsieur vostre pere, puisque vos moyens et ceux [77] de vos enfans, par l'ordre establi en la republique, sont separés et independans de la mayson de monsieur vostre pere, et qu'il n'est point en necessité effective; et d'autant plus qu'en effect vous n'aves rien receu de vostre dot, promis seulement, et non payé..

  A020001000 

 Au contraire, s'il est veritable que vous ruineries vos enfans et ce qui est a eux, et que vous vous ruineries vous mesme si vous vous chargies des affaires de vostre mayson paternelle, sans pour cela l'empescher de se ruiner, vous estes obligee, du moins par charité, de ne le faire pas; car a quel propos ruiner une mayson pour en laisser encor ruiner une autre, et donner des remedes contre un mal irremediable, aux despens de vos enfans? Si donq vous sçaves que vostre secours sera inutile au soulagement de monsieur vostre pere, vous estes obligee de ne l'y point employer au prejudice des affaires de vos enfans..

  A020001001 

 Mais, Madame, si vous pouves l'ayder sans endommager notablement vos enfans, comme il semble apparemment que vous le puissies faire, puisque vous estes unique et que tout ce que vous pourres empescher d'estre vendu demeurera en fin a vos enfans, monsieur vostre pere et madame vostre mere ne pouvant avoir d'autres heritiers, il m'est advis que vous le deves faire; car ce ne sera qu'abandonner vos moyens d'une main et les reprendre de l'autre..

  A020001002 

 Et quand mesme vous incommoderies vos affaires pour contenter madame vostre mere, pourveu que ce ne fut pas avec trop de perte de vos enfans, encor me sembleroit il que vous le devries faire, pour le respect et l'amour que vous estes obligee de luy porter..

  A020001003 

 Et quant au reste, je pense qu'il seroit plus a propos, [78] pour vostre repos et pour la suite de l'eslection que vous aves faite d'une perpetuelle pureté, que vous demeurassies a part en vostre petit train, a la charge que vous vissies souvent madame vostre mere, laquelle, si j'entens bien sa lettre, ne seroit point marrie que mesme vous fussies Religieuse, pourveu que vous luy communiquassies vos moyens pour la retenir en possession des biens de la mayson.

  A020001003 

 Et veritablement, ne vous voulant pas ranger a un second mariage, ni ne pouvant pas seconder le courage que je voy en cette dame a tenir grand train et portes ouvertes a toutes sortes d'honnestes conversations, je ne voy comme ce ne seroit pas plus a propos que vous demeurassies a part, n'y ayant rien d'esgal a la separation des sejours pour conserver l'union des cœurs entre ceux qui sont de contraires, quoy que bonnes humeurs et pretentions..

  A020001004 

 Et je vous supplie, Madame, de ne point vous mettre en aucune consideration qui vous puisse oster la liberté de m'escrire, puisque je suis et seray des-ormais tout a fait et sans reserve vostre tres humble et tres affectionné serviteur, qui vous souhaitte le comble des graces de Nostre Seigneur, et sur tout un progres continuel en la tressainte douceur de charité et la sacree humilité de la tres aymable simplicité chrestienne; ne me pouvant empescher de vous dire que j'ay treuvé parfaitement douce la parole que vous mettes en vostre lettre, disant que vostre mayson est des communes et rien plus; car cela est cherissable en un aage ou les enfans du siecle font de si gros broüa de leurs maysons, de leurs noms et de leurs extractions..

  A020001004 

 Oh! s'il eust pleu a Dieu que je vous eusse veuë a Lyon, que de consolation pour moy, et combien plus certainement et plus clairement j'eusse peu vous expliquer mon sentiment! Mais puisque cela n'a pas esté, je m'attendray a recevoir vos repliques, s'il vous semble que j'aye manqué a comprendre le fait que vous m'aves proposé, et je m'essayeray a reparer les manquemens.

  A020001005 

 Vives tous-jours ainsy, ma tres chere Fille, et ne vous [79] glorifies qu'en la Croix de Nostre Seigneur, par laquelle le monde vous est crucifié, et vous au monde.

  A020001084 

 Et je vous en supplie donq, et de me croire tous-jours tel que tous-jours je veux estre: c'est,.

  A020001084 

 Je sçai combien vostre courtoysie est grande, et que vostre bon naturel vous fera tous-jours favoriser monsieur [86] de Corsier, present porteur; mays je ne puis esconduire le desir qu'il a que je vous supplie de l'avoir en recommandation pour l'affaire qui le fait aller la.

  A020001122 

 Je respons a vostre lettre, et correspons, autant que je le puis, a vos desirs, vous asseurant que je laisseray le plus long tems que le service de Dieu me le permettra ma Seur Marie Jacqueline Favre au monastere ou, par vostre pieté, elle se treuve maintenant, et ou je suis grandement consolé qu'elle employe les graces que la divine Providence luy departira.

  A020001122 

 Que si je pouvois vous dire que ce sera pour toute sa vie, je le ferois volontier pour [89] contenter vostre zele et celuy de tant d'ames qui se consolent avec elle; mais vous vous imagineres bien quelles occasions peuvent se presenter pour la retirer et destiner ailleurs, selon que la gloire de Celuy auquel elle est vouee le requerra..

  A020001123 

 Je vous le souhaite tous-jours propice, et a toute vostre honnorable ville, Messieurs; je suis en luy,.

  A020001137 

 J'ay tant escrit aujourd'huy, que je n'ay plus aucun moyen de vous escrire au long comme je desirerois.

  A020001138 

 Je partiray la semaine qui vient pour aller a Thonon, ou je ne seray que huit ou dix jours, pendant lesquelz nous parlerons bien de vous, le bon pere et les freres et moy; ilz se portent tous tres bien.

  A020001139 

 Continues a estre toute a Nostre Seigneur, ma tres chere Fille, et salues toutes nos Seurs bien cherement, je vous en prie, et M. l'Abbé de Mauzac, et M. Brun qui est tout de mes amis..

  A020001150 

 Vous verres en la lettre de ce bon Pere le desplaysir qui certes m'a un peu touché; mais cette nouvelle m'ayant pris dans le sentiment que j'avois d'une totale resignation en la conduitte de la tressainte Providence, je n'ay rien dit en mon cœur, sinon: Ouy, Pere celeste, car tel est vostre bon playsir.

  A020001152 

 J'ay reveu les Directoires; je les fay copier pour vous les envoyer.

  A020001152 

 Je reverray aussi les Constitutions, affin qu'avant vostre depart vous les fassies reimprimer.

  A020001162 

 [Dieu soit] loué que vous ayes la mon autre tres chere fille, la Mere Seur Marie de Jesus, qui m'a tant saintement aymé en ses plus jeunes annees et qui continue a cela.

  A020001190 

 Monsieur Le Poivre vous dira toutes nouvelles de Paris et de cette ville, et peut estre encor comme monsieur le procureur fiscal est tout a fait a luy, et grandement estimé pour le fidele service quil a rendu et rend tous les jours a Sa Grandeur..

  A020001191 

 Quelle esperance donq pour nous autres qui n'avons jamais donné le moindre sujet de soupçon, mays sur tout pour vous qui, avec tant de veritable fidelité et utilité, travailles pour son service! Je veux esperer que vous en seres tres bien contenté et recompensé..

  A020001192 

 Cependant, si mes souhaitz sont exaucés, vous vivrés tout en Dieu, auquel seul il faut colloquer toute nostre [96] confiance, et me tiendres tous-jours de plus en plus, comme je le suis tres constamment et de tout mon cœur,.

  A020001211 

 Vous sachant vefve, ma chere Fille, je compatis a la douleur que vous aurés sentie en la separation que vous aves souffert, et vous exhorte neanmoins de ne point vous laisser emporter a la tristesse; car la grace que Dieu vous a faite de le vouloir servir, vous oblige a vous consoler en luy; et les filles de l'amour de Dieu ont tant de confiance en sa Bonté, que jamais elles ne se desolent, ayant un refuge auquel elles treuvent tout contentement.

  A020001212 

 Ce pendant, je prieray Nostre Seigneur pour vous et vostre trespassé, et desire que vous me recommandies aussi souvent a la divine misericorde..

  A020001212 

 Je sçai que vous estes malade; mais, ma chere Fille, a mesure que vostre maladie redouble, vous deves redoubler vostre courage, en esperance que Celuy qui, pour monstrer son amour envers nous, a choysi la mort de la croix, vous tirera de plus en plus a son amour et a sa gloire par la croix et tribulation quil vous envoye.

  A020001298 

 Vous baisant très humblement les mains, je souhaite que Notre-Seigneur vous donne tout vrai bonheur, et suis,.

  A020001310 

 Je prie donq Dieu, ma chere Cousine, qu'il vous soulage luy mesme de sa sainte consolation, et qu'il vous face ramentevoir, en cette occasion, de toutes les resolutions qu'il vous a jamais donnees d'acquiescer en toutes occurrences a sa tressainte volonté, et de l'estime que sa divine Majesté vous a donnee de la tressainte eternité a laquelle nous devons esperer que la chere ame de celuy de qui nous ressentons la separation est arrivee; car, helas! ma chere Cousine, nous n'avons de vie en ce monde que pour aller a celle de Paradis, a laquelle nous nous avançons de jour en jour, et ne sçavons pas quand ce sera le jour de nostre arrivee.

  A020001311 

 Ma chere Cousine, je vous escris ainsy sans art, plein de desir que vous m'aymies tous-jours, et que vous croyies que je seray toute ma vie,.

  A020001320 

 O ma tres chere Fille, quelle pitié de considerer les effectz de la prudence humaine en ces ames dont vous m'escrives! Le mien et tien regnent d'autant plus puissamment es choses spirituelles, qu'il semble estre un mien et tien spirituel; et cependant il est tout a fait non seulement naturel, mais charnel.

  A020001323 

 Dissimules avec amour toutes ces petites tricheries humaines, ma tres chere Fille; donnes, tant que vous pourres, l'esprit d'une veritable et tres humble generosité a nos cheres Seurs, que je salue de toute mon ame.

  A020001324 

 Vous estes tous-jours plus ma tres chere fille et tout a fait bienaymee, et je suis.

  A020001336 

 J'attens de jour a autre le despart de monsieur de Varenne pour vous envoyer le certificat de l'execution fidele du vœu que Vostre Grandeur m'avoit confié pour Nostre Dame de Laurette.

  A020001353 

 Ce porteur va de la part de M. de Chalcedoine et du Chevalier, mes freres, comme aussi de la mienne, pour vous offrir nostre service en cette occasion de la perte que vous aves faite, laquelle, comme elle est extreme, aussi nous la ressentons vivement avec vous; et ne laissons pas pourtant de vous prier de soulager vostre cœur de tout vostre pouvoir, en consideration de la grace que Dieu vous a faite, et a tous ceux qui ont le bien de vous appartenir, vous ayant laissé la jouissance de ce bon pere a longues annees, ne l'ayant retiré qu'a l'aage apres lequel cette vie ne pouvoit plus guere durer sans beaucoup de peines et de travaux qui accompaignent ordinairement la viellesse..

  A020001354 

 Mais vous deves encor plus vous consoler dequoy ce bon pere a vescu toutes ses annees dedans l'honneur et [113] la vertu, en l'estime publique, en l'affection de sa parentee et de tous ceux qui le connoissoyent, et en fin dequoy il est decedé dans le sein de l'Eglise et parmi les actions de la pieté: de sorte que vous aves dequoy esperer qu'il vous assistera mesme en la vie des Bienheureux..

  A020001355 

 Et tandis, je vous offre de rechef mon fidele service, et a madame la Baronne de [Villette] ma cousine, qui suis de tout mon cœur,.

  A020001367 

 Puisque le Reverend Pere et vous treuves bon de donner la somme que vous me marques, je l'appreuve grandement, puisque cela est plus conforme a la douceur que Nostre Seigneur enseigne a ses enfans.

  A020001369 

 Je salue toutes nos Seurs, et vous supplie de saluer tres humblement Monseigneur nostre Archevesque, que je ne puis asses dignement honnorer a mon gré despuis qu'il a esté persecuté a la façon des anciens Evesques de l'Eglise.

  A020001379 

 Il n'a pas tout a fait son air, mais seulement un peu, et la forme de son visage: si vous en desires un, je vous le feray faire par nostre peintre..

  A020001379 

 Vous desires de voir le portrait de la tres devote madamoyselle Acarie que m'a fait avoir sa fille aisnee, Prieure [116] des Carmelines d'Orleans.

  A020001387 

 Je crains en fin, si nous demeurons ainsy sans dire mot, ma tres chere Fille, que vostre cœur n'apprenne petit a petit a me des-aymer, et certes je ne le voudrois pas, car il me semble que la chere amitié que vous aves [117] euë pour moy n'ayant pris ni peu prendre source que de la volonté de Dieu, il ne la faut pas laisser perir; et quant a celle que Dieu m'a donnee pour vostre ame, je la tiens tous-jours vive et imperissable en mon cœur..

  A020001388 

 Et je veux bien qu'il y eust de la rusticité: mais faut il se despiter pour cela? Vous sçaves bien le païs ou vous m'aves pris: deves vous attendre des fruitz delicatz d'un arbre des montaignes, et encor, d'un si pauvre arbre comme moy? Oh! bien, ne me soyes plus que ce qu'il vous plaira; moy, je seray tous-jours vostre, mais je dis tout a fait, et, si je ne puis autre chose, je ne cesseray point de le tesmoigner devant Dieu es saintz Sacrifices que j'offriray a sa Bonté..

  A020001388 

 Or sus, puisque la methode de ce tems porte que c'est au Pere de commencer et recommencer l'entretien et le sacré commerce de l'affection, dites tout ce que vous voudres, ma chere Fille, mais en effect vous aves tort.

  A020001400 

 Je suis grandement consolé de sçavoir que vous estes arrestee plus particulierement au service de Nostre Seigneur en la Mayson de sa tressainte Mere, en une condition que j'estime de grand proffit: J'ay choisi d'estre abject, dit le Prophete, en la mayson de mon Dieu, plus que d'habiter les tabernacles des grans, qui souvent ne sont pas si pieux..

  A020001401 

 Vous aves esté heureuse d'avoir jusques a present servi Dieu en la personne d'une maistresse de laquelle Dieu est le Maistre et avec laquelle vous cives eu toutes sortes de sujetz de proffiter spirituellement; mais vous estes encor plus heureuse d'aller servir ce mesme Seigneur en la personne de celles qui, pour le mieux servir, ont quitté toutes choses.

  A020001402 

 Je vous remercie de la participation que vous m'aves donnee de vostre contentement, et vous prie de saluer mesdames de Lamoignon, et, quand vous la verres, madame de Villeneuve..

  A020001411 

 Certes, vous estes grandement ma tres chere fille; or, penses donq si mon cœur n'est pas touché de tendreté sur l'apprehension que vous me tesmoignes par vostre derniere, du retour de nostre tres chere Mere de Sainte Marie en ce païs.

  A020001412 

 Une chose vous puis je dire: que cette tant chere Mere differera sa venue jusques a l'extremité, quoy qu'elle soit grandement desiree et requise icy; mays nous nous promettons aussi que le tems estant venu, vous recevres doucement la separation de cette ame, laquelle ne sera pas une mort comme l'est la separation que l'ame fait de son cors, car le Saint Esprit, qui est la vie de nos cœurs, vous animera tous-jours de son saint amour, et vous tiendra de plus en plus unie a nous et nous a vous..

  A020001413 

 Salues, je vous supplie, cherement le cœur de la tres aymee Seur Helene Angelique, qui est bien heureuse de s'estre quittee d'elle mesme pour estre tout a fait a Dieu, qui la benisse et vous aussi, Madame ma tres chere Fille..

  A020001424 

 Le sire Pierre Richard allant expres a Lyon pour vous offrir son service et s'asseurer de vostre bienveuillance, [122] je l'accompaigne volontier pour vous saluer et vous remercier de l'affection qu'il vous a pleu de me tesmoigner, particulierement des mon retour de Lyon; vous priant de tout mon cœur de continuer, comme je persevereray toute ma vie au desir de vous rendre service, qui suis de tout mon cœur,.

  A020001442 

 Je vous connois asses, ma tres chere Seur, ma Fille, pour vous cherir de tout mon cœur en la dilection de Nostre Seigneur, qui, ayant disposé de vous pour la charge en laquelle vous estes, s'est par consequent obligé soy mesme a soy mesme de vous prester sa tressainte main en toutes les occasions de vostre office, pourveu que vous correspondies de vostre part par une sainte et tres humble, mais tres courageuse confiance en sa bonté.

  A020001444 

 Tenes vos yeux en ce grand Sauveur, et il vous delivrera de la pusillanimité et de l'orage..

  A020001445 

 Ces Seurs qui sont avec vous sont bien heureuses de servir la, par leur bon exemple et humble observance, de fondement a cet edifice spirituel.

  A020001457 

 A elle, s'il plaist a Dieu, j'en diray mon opinion a part; mais a vous, je le dis maintenant, me promettant que vostre bon courage le prendra en bonne part..

  A020001457 

 Je vous honnore, et madame vostre fille, tres parfaitement, et voudrois bien contribuer tout ce qui seroit en moy pour vostre contentement reciproque.

  A020001459 

 Et en somme, je veux dire en un mot, que vous aves tant de puissance a mouvoir les cœurs, que le mien ayant sceu les traitz de vostre esprit, en estant tout espris, vous n'aves pas besoin d'estre aydee pour mouvoir celuy de madame de [Dalet] a tout ce qu'il vous plaira; m'asseurant qu'apres les forces de l'Esprit de Dieu, auquel il faut que tout cede, les vostres seront en toutes occurrences les plus grandes..

  A020001459 

 Neanmoins, vous me pardonneres, s'il vous plaist; mais quand il me raconte les eslans et presseures de vostre cœur sur la maladie de madame de [Dalet], je ne me puis tenir de dire qu'il y avoit de l'exces.

  A020001459 

 Nous parlons asses souvent de vous, le bon Pere [Bonaventure] et moy, et nous en parlons avec respect et dilection.

  A020001459 

 Or sus, mais si vous treuves que je die trop librement ma pensee et que j'aye tort, quel moyen y auroit il de m'excuser? Et toutefois je ne desire nullement de rien perdre de vostre bienveuillance, car je l'estime trop, et prise infiniment le cœur dont elle vient et l'esprit de son origine.

  A020001469 

 Or, ce sera a vous de voir si on les fera imprimer a Paris ou a Lyon..

  A020001469 

 Or, je les vous envoyeray ou par cette commodité, si le porteur retarde un jour de plus, ou par la fine premiere qui se presentera, laquelle sera bien tost.

  A020001469 

 Si celuy qui doit porter ces lettres part, comm'il dit, demain de grand matin, certes, ma pauvre tres chere Mere, il n'y a pas moyen de vous envoyer les Constitutions jusques a la semaine suivante; car il faut que je les revoye, ayant des-ja, des le commencement, treuvé des fautes en l'escriture.

  A020001472 

 Quand il sera tems de vous envoyer un ecclesiastique pour vous accompaigner au retour, vous m'advertires, et je vous envoyeray ou M. Michel, ou M. Rolland qui a une affaire par dela, laquelle il pourroit peut estre bien faire en ce tems la, et vous serviroit bien au voyage pour tout le tems que vous desireries, puisqu'il n'est plus chanoine de Nostre Dame, ayant quitté cette place pour avoir plus de commodité de faire ce que je desire de luy; mays il ne faut encor pas faire bruit de ceci..

  A020001475 

 Ma tres chere Mere, si vous connoissies qu'il fust plus utile que vous demeurassies la encor quelque tems, quoy que mes sens y repugnent, ne laisses pas de demeurer doucement, car je me plais a gourmander cet homme [128] exterieur; et j'appelle l'homme exterieur mon esprit mesme, entant qu'il suit ses inclinations naturelles.

  A020001475 

 Or je dis cecy pour ce que vous me dites en vostre derniere lettre..

  A020001476 

 Si tost que nous aurons des nouvelles de Dijon, je vous en advertiray, et je me doute que ce soit pour une Mayson, parce que le P. Arviset, Jesuite, me dit a Lyon que cela se traittoit encor..

  A020001477 

 Je vous supplie, ma chere Mere, de bien cherement saluer ce cher Archevesque qui sera tous-jours mon Archevesque, nonobstant qu'il quitte son archevesché et que j'en aye un autre a Vienne..

  A020001480 

 Helas! je pensois escrire a ma tous-jours plus chere fille M me de Port Royal, et il n'y a moyen, non plus que de vous envoyer les Constitutions; ce sera au premier jour.

  A020001494 

 J'attendois tous-jours que cette bonne fille vint pour vous escrire plus confidemment, ma tres chere Fille, car je sçavois qu'elle viendroit bien tost..

  A020001495 

 J'escris a M. selon vostre desir, bien content que je suis de vous pouvoir rendre quelque petit service, mesme pour vos affaires domestiques, et sur tout puisqu'elles sont utiles au bien de vostre ame pour laquelle j'ayme tout ce qui vous appartient.

  A020001495 

 O que c'est un bon affaire que de n'avoir point de proces! Je suis marri dequoy a Chamberi on ne parle quasi que de cela, et qu'on en parle si chaudement et si passionnement; et je suis consolé dequoy vous aves essayé d'accommoder celuy duquel vous m'escrives, et dequoy vous en parles avec le respect qui est deu a la partie, et dequoy monsieur vostre mary se rend si facile a lascher le sien pour l'assoupir..

  A020001496 

 Dieu soit loüé du contentement que vous aves de la suffisance qu'il vous a donnee! Et continues bien a luy en rendre graces; car c'est la vraye beatitude de cette vie temporelle et civile, de se contenter en la suffisance, parce que, qui ne se contente de cela ne se contentera jamais de rien, et, comme vostre livre dit (puisque vous l'appelles vostre livre), a qui « ce qui suffit ne suffit pas, rien ne » luy suffira jamais.

  A020001496 

 Or, aymés le donq, ce pauvre livre, ma tres chere Fille, et puisque Dieu y a mis des [131] consolations pour vous, pries bien sa sainte Bonté qu'il vous donne le goust pour les bien savourer et les rendre utiles a vostre chere ame, pour bien se nourrir au pur amour celeste pour lequel elle fut faite..

  A020001497 

 Au reste, ma tres chere Fille, cette si grande crainte qui vous a ci devant si cruellement angoissee doit estre meshuy terminee, puisque vous aves toutes les asseurances qui se peuvent avoir en ce monde d'avoir fort entierement expié vos pechés par le saint Sacrement de Penitence.

  A020001497 

 Qui dit: J'ay tué un homme, il n'est pas besoin qu'il die qu'il a tiré son espee, ni qu'il a esté cause de plusieurs desplaysirs aux parens, ni qu'il a scandalizé ceux qui l'ont veu, ni qu'il a troublé la ruë en laquelle il l'a tué; car tout cela s'entend asses sans qu'on le die; et suffit seulement de dire qu'il a tué un homme par cholere, ou de guet a pend par vengeance, qu'il estoit homme simple ou ecclesiastique: et puis, laisser le jugement a celuy qui vous escoute.

  A020001498 

 Pensés meshuy a vostre advancement a la vertu, et ne pensés plus aux pechés passés sinon pour vous humilier doucement devant Dieu et benir sa misericorde qui vous les a pardonnés par l'application des divins Sacremens..

  A020001499 

 Ce qui vous estonne, c'est que vous voudries estre tout a coup telle qu'elle prescrit; et toutefois, ma tres chere Fille, cette mesme Introduction vous inculque que de composer vostre vie a ses enseignemens n'est pas la besoigne d'un jour, ains de toute nostre vie, et que nous ne nous devons nullement estonner des imperfections qui nous arrivent parmi les [132] exercices de nostre entreprise.

  A020001499 

 L' Introduction a la Vie devote est toute souëfve et bonne pour vous, ma tres chere Fille.

  A020001500 

 Il est vray, certes, que l'obeissance vous sera fort utile; et puisque vous desires que ce soit moy qui vous en impose les loix, en voyci quelques unes:.

  A020001501 

 Premierement, une fois le jour vous vous prosterneres devant Dieu, et, levant les yeux au ciel, vous feres le signe de la Croix sur vous, adorant Dieu; et vous releveres..

  A020001502 

 Vous feres un acte d'humilité tous les jours, donnant la salutation du bon jour ou du bon soir a quelqu'un de vos serviteurs ou servantes, avec un acte interieur par lequel vous reconnoistres cette personne-la vostre compaigne en la redemption que Nostre Seigneur a faite pour elle..

  A020001503 

 Vous appelleres le plus souvent que vous pourres vostre servante ma mie..

  A020001504 

 Vous lires tous les jours au moins une page de quelque livre spirituel..

  A020001505 

 Vous ne vous confesseres jamais d'avoir violé ces petites obeissances, quand mesme vous ne les observeres point, puisqu'elles ne vous obligent ni a peché mortel ni a peché veniel; ains seulement, de tems en tems, vous m'advertires si vous les observes..

  A020001506 

 Il vous servira, si vous vous accoustumes de recommander une fois le jour mon ame avec la vostre a la misericorde de Dieu, par quelque orayson jaculatoire, comme en sortant de table: O Dieu, ayes pitié de nous et nous receves entre les bras de vostre misericorde..

  A020001507 

 Alles ainsy tout bellement, et Dieu vous aggrandira.

  A020001507 

 Escrives moy quand il vous plaira..

  A020001507 

 Ne vous lasses point, ma tres chere Fille; il faut remettre vostre esprit, qui est vif et subtil, en la leçon de l'enfance.

  A020001519 

 Dieu soit loué dequoy vous estes en vostre mayson.

  A020001519 

 Les difficultés que vous aves euës d'y aller y affermiront vostre demeure, selon la methode qu'il plait a Dieu d'employer en son service..

  A020001520 

 Je juge qu'il soit a propos que vous revenies avec une bonne resignation pour retourner la quand le service de Dieu le requerra; car il faut ainsy vivre une vie exposee au travail, puisque nous sommes enfans du travail et de la mort de nostre Sauveur.

  A020001520 

 Mais vous ne vous deves point haster; car, comme vous dites, l'hyver ne vous empeschera point vostre voyage, estant necessaire que vous arresties un peu parmi vos Filles qui sont en France..

  A020001524 

 J'ay fait faire icy un beau plan de monastere que je vous envoyeray au premier jour; et celuy qui l'a fait est tres bon maistre, et l'a fait sur les descriptions que saint Charles a fait faire des monasteres, en s'accommodant neanmoins a l'usage de la Visitation.

  A020001525 

 Dieu vous benisse, ma tres chere Mere, et vous sanctifie de plus en plus.

  A020001525 

 Je suis pour jamais, ma tres chere Mere, vostre, comme vous sçaves..

  A020001536 

 Au moins rendray je ce devoir a vostre bienveüillance de prier Dieu qu'il vous comble de ses cheres graces, qui suys, Monsieur,.

  A020001536 

 J'ay tous-jours conservé la vive affection que vos merites ont aquise sur moy des il y a long tems, et a laquelle vous m'aves obligé par les demonstrations d'amitié dont vous m'aves favorisé, particulierement au passage de monsieur Michel par vostre ville.

  A020001536 

 Je vous en remercie [137] donq bien humblement, et vous prie de croire que je conserveray constamment le desir que j'ay tous-jours protesté, de vous honnorer de tout mon cœur et madamoyselle vostre femme, et de vous rendre toute ma vie service, si jamais je suis si heureux que d'en avoir le moyen.

  A020001554 

 Ce papier ne vous est presenté que pour vous ramentevoir cette verité, puisque la suffisance du porteur m'excuse de vous entretenir davantage, et le peu de loysir que j'ay m'empesche de le pouvoir faire.

  A020001554 

 Je continueray toute ma vie en l'affection que Dieu m'a fait concevoir et que les faveurs receues de vostre mayson m'obligent d'avoir, pour vous honnorer avec un'invariable et extreme dilection.

  A020001555 

 Madame, je vous regarde en esprit, et quoy que tous-jours vous ayes tenu vostre cœur en Dieu, il m'est advis que maintenant il est encor plus entierement attaché a sa Bonté, n'ayant plus aucun objet avec luy, comme il n'en eut jamais sans luy, ni hors de luy.

  A020001555 

 Vives ainsy, Madame, en cet estat auquel la condition de cette vie mortelle vous a reduit.

  A020001590 

 Puysque monsieur le President de Lescheraine aura l'honneur de vous faire la reverence et qu'il fut l'autre jour a Tonon pour voir, de la part de Son Altesse, l'estat de la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, je m'asseure que Vostre Altesse desirera de sçavoir toutes les particularités des defautz qu'il y aura remarqués.

  A020001610 

 Je ne croy pas que monsieur le Curé de Saint Paul vous face aucune sorte d'ennuy, puisqu'il n'y a point de Religion qui porte tant de respect aux curés que la vostre, ni qui ayt tant de convenance avec l'estat ordinaire de l'Eglise..

  A020001612 

 Je suis bien ayse aussi que vous aymies les boiteuses, les bossues, les borgnes et mesme les aveugles, pourveu qu'elles veuillent estre droittes d'intention; car elles ne laisseront pas d'etre belles et parfaites au Ciel.

  A020001621 

 Vous aves rayson, certes, de benir Dieu sur l'inspiration [143] qu'il donne a vostre fille, la choisissant pour le meilleur parti de cette vie mortelle.

  A020001622 

 Marches ainsy doucement, et tout vous reüscira a benediction, et pour vostre personne mesme.

  A020001623 

 En toute occasion, je vous serviray tres affectionnement.

  A020001623 

 Vous estes hors de necessité d'estre aydee en ces occasions, puisque Dieu vous a laissé le R. P. Suffren, et que ces Seurs de la Visitation sont [tant obligées a votre dilection.] Et puisque vous aves monté sur l'eschelle pour tapisser leur or[atoire au jour de leur entrée en leur] nouvelle mayson, elles [doivent] beaucoup faire pour [144] tapisser leur monastere de vos [bonnes affections et de celles de votre chère fille.].

  A020001639 

 Certes, vous estes bien brave, ma tres chere Fille, de sçavoir si bien escrire; mays pour vous rendre maistresse en ce mestier, il faut forcer vostre main, pour un tems, d'escrire ainsy a tous, et non seulement a moy qui, plus que tous peut estre, supporterois plus doucement vostre mauvaise escriture..

  A020001640 

 A la premiere occasion je vous escriray tout amplement, car je suis tout a fait vostre..

  A020001640 

 Dieu, par sa bonté, tienne de sa sainte main madamoyselle de la Ramilliere par tout ou ell'ira, et vous console de plus en plus en son saint service.

  A020001640 

 Monsieur de Blonnay vostre pere, et M. le Prieur vostre frere, souperent [145] hier ceans, et ce porteur, qui est bien fort de mes amis, vous dira quilz se portent tres bien.

  A020001651 

 Mays avec cela, ma tres chere Fille, le Maistre et le Createur de l'amour a fait celuy qu'il m'a donné pour vous d'une façon que, le recevant, je le doy employer de toutes mes forces.

  A020001651 

 Ouy certes, il est vray, ma tres chere Fille, j'ay tort, mais je dis tres grand tort, si je ne vous cheris d'une dilection toute particuliere.

  A020001652 

 Faites en seulement souvent de ces plaintes, ma tres chere Fille, affin qu'autant de foys que vous feres semblant de ne croire pas que vous estes ma tres particulierement tres chere fille, je proteste de mon costé que vous l'estes et le seres a jamais invariablement; car j'ay un extreme playsir a repeter cette verité..

  A020001654 

 M. Flocard qui vouloit revenir icy a cause de sa femme, avoit rayson, car sa femme est digne d'estre aymee, puisqu'elle tasche de tout son cœur de bien aymer Dieu; et ayant sceu l'honneur que vous faites a son mari ... tous-jours privee de la presence de son mari qui est en Piemont des il y [a] 11 moys..

  A020001658 

 Et vous estes ma tres chere fille en Celuy qui est nostre Tout, qui est beni es siecles des siecles..

  A020001668 

 La peine que vous aves a vous mettre en l'orayson n'en diminuera point le prix devant Dieu, qui prefere les services qu'on luy rend parmi les contradictions, tant interieures qu'exterieures, a ceux que l'on luy fait entre les suavités; puysque luy mesme, pour nous rendre aymables a son Pere eternel, nous a reconciliés a sa Majesté en son sang, en ses travaux, en sa mort..

  A020001669 

 Dieu a caché dans le secret de sa providence la marque du tems auquel il vous veut exaucer et la façon en laquelle il vous exaucera; et peut estre vous exaucera il excellemment en ne vous exauçant pas selon vos pensees, mais selon les siennes..

  A020001669 

 Et ne vous estonnes nullement si vous ne voyes pas encor beaucoup d'avancement, ni pour vos affaires spirituelles, ni pour les temporelles.

  A020001670 

 Demeures ainsy en paix, ma tres chere Fille, entre les bras paternelz, du soin tres amoureux que le souverain Pere celeste a et aura de vous, puisque vous estes sienne et n'estes plus vostre; car en cela ay je une suavité nompareille de me ramentevoir le jour auquel, prosternee [148] devant les pieds de sa misericorde, apres vostre confession, vous luy dediastes vostre personne et vostre vie, pour, en tout et par tout, demeurer humblement et filialement sousmise a sa tressainte volonté..

  A020001684 

 Je me confie en sa bonté qu'il vous verra de bon cœur es occurrences de vostre profit spirituel; mays puisque vous me demandes mon advis, je vous diray, ma chere Fille, que c'est un personnage grandement appliqué au service de Dieu et de son Eglise, au milieu de Paris qui est un monde ou tant de gens voudront avoir part a sa charité, que vous deves faire vostre exercice ordinaire a l'Oratoire, sous la conduite de vostre Pere ordinaire, qui est, ce me semble, le P. Menan, et de troys moys en troys moys voir ce grand Prælat pour la suavité de vostre esprit..

  A020001684 

 Je suis consolé de la consolation que vous avés dequoy Monseigneur de Belley est vostre Praelat, bien que ce soit [149] avec ma perte.

  A020001685 

 Ma tres chere Fille, je vous dis en toute verité que j'ay du contentement bien particulier a penser en vous, ayant conneu en vostre cœur une veritable inspiration de bien servir Nostre Seigneur par la sainte obeissance que vous deves a sa volonté.

  A020001686 

 Aymes moy tous-jours saintement, ma tres chere Fille, comme de tout mon cœur je vous souhaite mille et mille benedictions..

  A020001699 

 Je viens finalement a vous, ma tres chere Mere, pour vous dire que j'ay receu trois de vos cheres lettres, et vous rens graces du soin que vous aves de m'escrire ainsy souvent; aussi est ce la plus grande consolation que j'aye en cett' espece, car vos lettres sont, en comparaison de toutes les autres, ce que m'est vostre chere ame en parangon des autres, selon qu'il a pleu a Dieu de le faire..

  A020001700 

 Vous aves donq esté bien malade, puysque vostre cœur n'a pas peu dissimuler qu'il ne pouvoit pas donner asses de force a vostre cors pour aller a Bourges.

  A020001701 

 Alhors, si je voy qu'il soit a propos, je vous envoyeray un homme pour vous accompaigner.

  A020001701 

 Le porteur, M. Crichant, que j'ayme grandement, vous dira en quel estat nous sommes en ce païs; et dans quinze jours ou troys semaines nous verrons, comme j'espere, clair en nos affaires.

  A020001701 

 Si moins, je vous laisseray encor la en paix, quoy qu'avec quelque sorte d'impatience de vous revoir de deça, puisque, comme vous m'escrives, l'air de Paris ne vous est pas salutaire.

  A020001710 

 Hier je receu une lettre de madame la Premiere de Bourgoigne, qui m'escrit que nos Seurs seront receues a Dijon pour la Saint Martin; si cela est, voyla une nouvelle peine pour vous.

  A020001711 

 Il sembleroit bon que l'on mist es Constitutions que la Superieure puisse changer les officieres a son gré parmi l'annee, mais je n'ay pas eu le loysir de l'inserer: faites le, s'il vous plait, a l'endroit le plus convenable..

  A020001712 

 Mon diocese m'en donne a cause de quelques accidens et d'une pretention que M. Crichant vous dira..

  A020001713 

 Le bon Pere Binet ne me presse point de vous laisser; je luy escriray par M. Jantet, et [à] madame la Marquise de Menelay qui [m'a écrit] si cordialement.

  A020001715 

 Dieu vous conserve, Dieu vous benisse, Dieu vous remplisse de plus en plus de son tressaint amour.

  A020001725 

 Ayant treuvé icy monsieur Lachat, Curé de Vuallier, j'ay voulu employer sa bonne volonté pour vous faire tenir en main propre ces quattre motz, par lesquelz je desire vous ramentevoir l'affection que vous aves tesmoigné ci devant, de vouloir faire la Profession de Religion, qui est grandement necessaire pour le bon establissement de vostre Monastere.

  A020001725 

 Et partant, je vous prie de prendre une finale resolution du tems convenable et des personnes que vous desires qui vous y assistent; et m'en advertissant, je donneray ordre de mon costé affin que rien ne vous manque, moyennant la grace de Dieu, lequel ce pendant je prie vous combler de sa sainte grace; qui suis,.

  A020001741 

 Je vous voy bien tous-jours, ma tres chere Fille, sur vostre lit et parmi plusieurs sortes d'afflictions.

  A020001741 

 Mays, ma Fille, tout ce que je sçai pour cela, vous le sçaves, et l'ordinaire hantise que les desplaysirs ont avec vous, vous aura rendue encor plus sçavante en l'art de bien souffrir.

  A020001742 

 Je suis consolé de la consolation que vous prenes en la reception du tres divin Sacrement, mais je n'ay pas eu le loysir de parler au bon P. Recteur du desir que vous auries de communier plus souvent; et de plus, je n'eusse pas osé, n'estant pas la rayson que je donne la leçon a des si braves maistres.

  A020001742 

 Ma tres chere Fille, Dieu benira vostre sousmission, et supleera a la consolation que vous auries de communier plus souvent, par celle que vous aures d'avoir obei a vostre confesseur..

  A020001758 

 Je vous envoye le Memoire requis pour retirer les fruitz que, par artifice, on veut celer appartenir a la cure [158] de Rumilly, et avec cela le double de la response que Monseigneur le Prince a fait a la lettre par laquelle je luy ramentevois le desir qu'il a eu de l'introduction des RR. PP. de l'Oratoire en l'eglise de ce lieu la; et lundi prochain je luy envoyeray les Memoires qu'il demande, affin quil ne tienne pas a moy que sa commission [d'] institution ne soit bien tost executee..

  A020001759 

 Je vous prie de saluer madame de la Flechere, qui m'excusera bien si je ne luy escris pas, n'en ayant nul loysir.

  A020001772 

 Tenes, voyla donq, ma tres chere Fille, trois motz tout fin seulz, pour vous dire que mon cœur cherit le vostre et luy desire mille et mille benedictions, affin quil vive constant et consolé parmi les accidens si varians de cette vie mortelle..

  A020001773 

 Mays pries bien Dieu, ma tres chere Fille, qu'il me face la misericorde de me pardonner mes pechés, affin que je puisse un jour voir sa sainte face avec vous et nostre chere madame de Villesavin, es siecles des siecles.

  A020001789 

 Mais je ne porte point d'envie au cœur de qui que ce soit, car jamais il n'y en aura qui vous ayme et cherisse plus que le mien fait, et si je ne craignois d'offencer celuy de ma tres chere fille (dites moy son nom moderne), je dirois absolument: ni tant que le mien fait et fera a jamais..

  A020001789 

 O mon tres cher Pere, Que mes yeux portent d'envie a ceux de N. et de ce garçon mon neveu, car ilz vous verront.

  A020001792 

 Mais dites moy, je vous prie, mon tres cher Pere, puis [161] je loysiblement oser vous supplier de faire tres humblement la reverence de ma part a nos Serenissimes Dames Infantes, ou du moins a la Serenissime Princesse Catherine? car, mon Pere, si cela est bonnement permis a mon indignité, faites le, je vous en prie de tout mon cœur, et dites leur que je les revere infiniment a cause de leur altesse, que je regarde avec toute extreme sousmission; mais que je les revere tres infiniment a rayson de la profonde humilité qu'elles prattiquent en leur serenissime altesse et grandeur.

  A020001820 

 Vostre bon Ange et vostre pieté vous auront des-ja suggeré les raysons pour lesquelles il faut recevoir avec tranquillité ces ordinaires evenemens de nostre commune mortalité; et pour cela, il ne me reste qu'a vous asseurer que, comme j'estimois beaucoup les bonnes qualités et l'amitié de ce cher trespassé, aussi vivray-je tous-jours avec un grand desir de vous pouvoir tesmoigner par quelque service que je suis,.

  A020001850 

 Pries tous-jours bien devotement Nostre Seigneur pour moy qui ne cesse de vous souhaiter la suavité de son saint amour, et, en iceluy, celle de la dilection bienheureuse du prochain, que cette souveraine Majesté ayme tant..

  A020001851 

 Je m'imagine que vous estes la, en ce bel air, ou vous regardes, comme d'un saint hermitage, le monde qui est en bas, et voyes le ciel auquel vous aspires, a descouvert..

  A020001852 

 Je vous asseure, ma tres chere Fille, que je suis grandement vostre, et croy que vous faites bien de vivre totalement dans le giron de la Providence divine, hors de laquelle tout n'est qu'affliction vaine et inutile..

  A020001862 

 La divine Majesté vous benisse de plus en plus de son saint amour, et le cœur de monsieur vostre mari qui conspire si doucement avec vous pour aspirer tout a fait a Dieu et ne respirer qu'en luy.

  A020001874 

 Certes, je voudroys bien vous faire mention de ce que vous m'escrivites la derniere foys que vous pristes la peyne de me faire sçavoir de vos nouvelles; mays il ny a pas moyen..

  A020001874 

 Sans un seul moment de loysir je vous escris ce mot, ma tres chere Fille, pour seulement saluer tres cherement et tres ardemment vostre cœur bienaymé, auquel je souhaite incessamment un perpetuel accroyssement de l'amour tressaint de nostre Dieu.

  A020001875 

 La chere seur de Cernex fut icy l'autre jour et me dit qu'elle y vouloit prendre mayson; ce ne sera donq pas sans parler de vous.

  A020001876 

 Or sus, Dieu qui a commencé en vous le bon œuvre de vostre salut l'achevera et parfaira selon sa tres bonne et tres aymable volonté.

  A020001879 

 A la premiere asseuree commodité je vous escriray derechef..

  A020001892 

 Il est vray, ma tres chere Fille, Grenoble est tous-jours en mon cœur; et vous, ma tres chere Fille, au milieu de ce mesme Grenoble.

  A020001892 

 Je sçai veritablement, ma tres chere Fille, que mes lettres vous sont aggreables; car Nostre Seigneur, qui a voulu que mon ame fust toute vostre, me donne connois-sance de ce qui se passe en vostre cœur par ce que je sens dans le mien.

  A020001894 

 Je suis bien ayse de la possession en laquelle nos Seurs sont de leur monastere, et vous aussi avec elles, puisque, par vostre assistence et de ces bonnes dames, les y ayant colloquees, vous y estes en leurs personnes, et elles [170] y sont pour vous, qui, servant le mesme Seigneur en vostre pieuse vocation, estes un mesme esprit avec elles..

  A020001895 

 Et vous aves aussi esté une petite infirmiere, puisque vous aves eu tant de malades ces moys passés; et vous aves esté infirme de leur infirmité, car puisque c'estoyent mesme des personnes si cheres, comme monsieur vostre mary et vostre filz bienaymé, vous aves bien peu dire: Qui est infirme, que je ne sois infirme avec luy? Dieu soit loué, qui, par ces alternatives, nous conduit a la ferme et invariable tranquillité de l'eternel sejour..

  A020001922 

 Je vous escrivis avanthier, ma tres chere Cousine ma Fille.

  A020001922 

 Mais maintenant il faut que je me courrouce un peu [172] avec vous, par ce que mon neveu n'est pas habillé convenablement ni a sa qualité, ni au service auquel il est; et outre que cela luy detraque l'esprit, voyant tous ses compagnons beaucoup mieux que luy, cela est blasmé par ses amis, desquelz quelques uns m'en ont parlé avec zele.

  A020001923 

 Je vous escris ceci a la desrobbee et du cœur que vous sçaves que j'ay pour vous, ma tres chere Fille, comm'estant tout a fait.

  A020001939 

 En fin, ma tres chere Mere, monsieur Crichant est donq arrivé, puisque, comme je voy par vostre derniere lettre, vous aves receu celles que je vous envoyois par luy.

  A020001939 

 Mais je suis marry de l'allarme que vous aves prise pour l'estat de nos affaires de deça, qui, graces a Dieu, jusques a present n'a rien d'extraordinaire, sinon que ceux de Geneve, s'estant mis en extreme defiance, font contenance de se preparer a la guerre; mais on ne croid pas pourtant qu'ilz veuillent commencer, puisque s'ilz l'entreprenoyent sans le commandement du Roy, ilz seroyent tout a fait ruynés, et l'on ne peut se persuader que Sa Majesté les veuille porter a ce dessein: de sorte que nous [174] dormons les nuitz entieres, et fort doucement, sous la protection de Dieu..

  A020001940 

 Elle nous a dit tout ce qui s'est passé a Dijon, ou il sera a propos que vous arresties deux ou trois moys pour appaiser ces messieurs du party contraire, qu'il faut combattre et abbattre par la douceur et l'humilité; encor qu'a mon advis nous ayons l'advantage, puisque monsieur le Duc et madame la Duchesse de Bellegarde, madame de [175] Termes et la pluspart du Parlement est pour nous, et particulierement Monsieur l'Evesque de Langres, qui a le zele, la prudence et l'authorité apostolique en ce païs la, et qu'outre cela nous aurons l'assistance de Monseigneur nostre bon Archevesque..

  A020001941 

 Mais, ma tres chere Mere, je vous supplie de ne point parler de ceci, si vous ne voyes tout a fait qu'il en soit tems; et je croy que son cœur se laissera gaigner par la verité, puisque mesme, comme m'asseure madame de Royssieu, madame la premiere Presidente est toute portee a nous favoriser, comm'aussi elle me l'a tesmoigné par une sienne lettre, et que la bonté et sincerité de son cœur me le fait croire fermement..

  A020001943 

 Je ne me resouviens pas d'avoir jamais veu cette dame qu'une fois chez madame de Guise, ou je ne luy parlay presque point, et un'autre fois chez monsieur de Montelon, ou je l'entretins environ une heure; mais je confesse la verité, que je treuvay son ame tellement a mon gré, que je ne puis ne la cherir pas et ne l'estimer pas autant qu'il m'est possible; et je luy escrirois fort volontier pour le luy tesmoigner, si ce n'estoit la pensee que j'ay que vous feres aussi bien cest office pour moy comme moy mesme, puisque vous connoisses mon cœur comme le vostre, lequel je vous prie de luy offrir avec mon tres humble service.

  A020001944 

 Et a ce propos, ma tres chere Mere, je ne fay nulle difficulté que les Evesques et, en leur absence, les Peres spirituelz des Maysons de la Visitation, ne puissent, ains ne doivent charitablement faire entrer les dames en telles occurrences, sans quil soit besoin quelconque que cela soit [178] declaré dans les Constitutions, par la douce et legitime interpretation de l'article du Concile de Trente qui est mis en la Constitution De la Clausure, car on le pratique bien ainsy en Italie et par tout le monde, mesme pour des moindres occasions: car je vous laisse a penser, si l'on fait bien entrer des jardiniers, des jardinieres, non seulement pour l'ageancement necessaire des jardins, mais aussi pour les embellissemens non necessaires, ains seulement utiles a la recreation, comme sont les berceaux, les palissades, les parterres, les entrees de telles gens estant jugees necessaires non par ce que ce quilz font soit necessaire, ains seulement par ce que ces gens la sont necessairement requis pour faire telle besoigne, si nous ne pourrons pas justement estimer l'entree des dames desolees par quelque evenement inopiné estre necessaire, quand elles ne peuvent pas aysement treuver hors du monastere les soulagemens et consolations si convenables.

  A020001945 

 Je vous ay des-ja escrit que vous prenies la peine de voir si rien aura esté oublié es Constitutions, affin que vous le facies adjouster; car je ne puis jamais gaigner tant de loysir que tout ce que je fay ne se ressente de mon tracas, et me semble quil va tous les jours croissant..

  A020001946 

 Vous pourres bien, ma tres chere Mere, complaire a madamoyselle la Princesse de Montpensier en ce qui [179] regarde l'addition des commemoraisons des Saintz qui occurrent, et, de Paris, porter cet usage es Monasteres dans lesquelz vous passeres venant a Dijon, et de Dijon icy; m'estant advis que la grande pieté et vertu de cette grande Princesse merite que l'on reçoive ses desirs comme quelque sorte d'inspiration..

  A020001947 

 Mais maintenant il me fait prier de vous ramentevoir le desir que je vous avois tesmoigné pour la consolation de cette fille et de ses parens; qui me fait croire qu'il y a eu quelque changement en cest affaire, ou bien, qu'a la façon de la court, il desire mon remerciement pour engager davantage celle a qui il sera fait; mais, comme que ce soit, en tout ce qui se pourra bien et legitimement passer, je le vous recommande comme mon bon et ancien ami..

  A020001947 

 Monsieur Duret, qui vous presenta sa petite niece tandis que nous estions la, m'avoit, il y a quelques mois, prié de vous remercier avec luy de la reception de cette fille.

  A020001948 

 M. Crichant m'a dit que nostre tres chere et tres bonne madame de Villesavin avoit une de mes lettres qu'elle [180] aymoit bien fort; et par ce que je crois que ce soit celle par laquelle je luy envoyois l' Exercice du matin et de la reunion a Dieu, que j'escrivis avec une grande affection, je vous prie de luy en demander une copie dextrement, comme de vous mesme; m'estant advis que l'affection que je porte a cett'ame me fit exprimer mieux qu'a mon ordinaire..

  A020001949 

 J'avois escrit jusques icy, quand j'ay receu vostre lettre du 26 e octobre, laquelle me donne sujet de vous supplier, comme je fay de tout mon cœur, de ne vous mettre nullement en peine de ce qui se passe en ce païs icy, puisque, comme vous dira monsieur de la Pesse, present porteur, graces a Dieu il ny a rien a craindre..

  A020001951 

 Je fay responce au R. P. Binet, apres que vous l'aures veüe, je vous prie de la luy faire recevoir cachettee.

  A020001952 

 C'est pourquoy je vous supplie de vous servir en cette occasion de vostre propre jugement; car, comme vous dites, il se pourroit bien faire que les affaires de Dijon vous donneroyent asses de loysir pour estre encor a Paris au mois de fevrier, attendu mesme qu'aussi tost que j'auray l'asseurance de cest affaire et que je sçauray comm'elle se devra conduire, j'escriray a nostre grande Fille de Monferrand affin qu'elle aille vous attendre la, et parmi tout cela il se passera fort aysement deux ou troys moys..

  A020001952 

 M me de Villeneuve ne m'escrit nullement de l'affaire de nostre chere Seur Helene Angelique, ni de rien qui en approche; mais M. Crichant m'escrit bien que monsieur et madamoyselle d'Interville desireroyent extremement que vous fussies presente a la Profession de cette tres chere fille, a la consolation de laquelle je ne sçay ce que je ne voudrois pas contribuer.

  A020001952 

 Or, pour toutes telles affaires, il me semble que vous pouves vous resoudre plus aysement que je ne sçaurois faire icy, puisque ce que vous voyes sur les lieux mesmes vous donne meilleure instruction que je n'en sçaurois prendre.

  A020001953 

 Ce pendant, je vous prie de la saluer tres cherement et tres cordialement de ma part..

  A020001964 

 Avec mille actions de graces de la peine que vous aves prise a m'escrire, je vous diray pour response, qu'estant [183] a Paris, je ne voulus jamais acquiescer au desir que Madame de Port Royal me tesmoigna de se retirer de l'Ordreauquel elleavoit si utilement vescu jusques alhors, et veritablement, je n'apportay en ce païs non pas mesme aucune cogitation de cela; mais, coup sur coup, je receu par lettres force bonnes remonstrances par lesquelles elle m'excitoit a treuver bonnes ses pensees et appreuver ses souhaitz.

  A020001966 

 Je confesse bien que j'ay une particuliere dilection pour l'Institut de la Visitation; mais madame de Chantal, vostre chere fille et la mienne, vous dira que pour cela je ne voudrois pas avoir fourvoyé la plus excellente creature du monde et la plus accreditee, de sa juste vocation, encor qu'elle deut devenir sainte canonizee en la Visitation.

  A020001987 

 Je vous salue donq tres humblement, et madamoyselle vostre tres chere compaigne, ma fille bienaymé (sic), vous suppliant tous deux de m'aymer tous-jours aussi constamment comme fidelement et invariablement je vous honnore..

  A020001988 

 Ce porteur, le sieur de la Pesse, vous dira toutes nos nouvelles, et comme nous ne cessons point de faire prier Dieu pour les justes armes du Roy.

  A020001989 

 Monsieur, il y a la un fort honneste advocat de ce païs, [186] nommé M. Monet, qui a quelque envie de pouvoir, es occasions, entrer au service de Monseigneur de Nemours es offices de robbe longue; en quoy je confesse qu'il ne suit pas mon sentiment, car il y a trop d'agitations en ce tems ci; mays il est mon ami, et je le sers selon son goust, vous suppliant, en ce qui se pourra bonnement faire, de le favoriser..

  A020002003 

 M. de Chalcedoine, mon frere, et moy en avons fait un petit feu de joye, comme participant a tout ce qui vous regarde.

  A020002003 

 Mille et mille benedictions a Dieu, dequoy en fin, Monsieur mon tres cher Frere et Madame ma tout a fait tres chere Seur ma Fille, vous voyla exemptz de ces fascheux proces, par lesquelz, comme parmi des espines, Dieu a voulu que les commencemens de vostre heureux mariage se soyent passés.

  A020002004 

 Or sus, bien que vostre grossesse vous incommode un peu sensiblement tous deux, ma fille qui la sent, et mon tres cher frere qui la ressent, il me semble toutefois que je vous voy tous deux avec deux cœurs si contens et si courageux a bien servir Dieu, que ce mal mesme que vous sentes et ressentes vous console; comme marque que, n'ayant pas exemption entiere de toute affliction en ce monde, vostre parfaite felicite vous est reservee au Ciel, ou je m'asseure que vous aves vos principales pretentions..

  A020002005 

 O ma tres chere Seur, perseveres a bien lier mon tres cher frere a vostre cœur, car, puisque Dieu vous a donnés l'un a l'autre, soyes donq bien tous-jours comme cela; et croyes bien tous deux que je suis, de l'un et de l'autre, mon tres cher Frere et ma tres chere Fille ma Seur,.

  A020002009 

 Je vous prie de saluer cherement de ma part madamoyselle de Lamoignon.

  A020002009 

 S'il vous arrive quelque commodité, mon tres cher Frere, de voir M me de Soret, je vous supplie de me ramentevoir en sa chere et sainte bien-veuillance..

  A020002021 

 Je ne manqueray pas de respondre a tous les articles que vous m'aves envoyé, au premier loysir que j'en auray, vous remerciant tres humblement des bonnes nouvelles que vous m'envoyes des Seurs de Valence, ausquelles je souhaitte toute sainte consolation.

  A020002022 

 Je voudrois bien pouvoir donner quelque consolation au cœur de la mere de ceste pauvre malade que vous aves; mais je pense que si elle releve un peu son attention a la vie æternelle, elle moderera aysement l'apprehension que la nature luy peut avoir donné de [189] l'accident de sa fille, lequel me semble bien peu considerable, puisqu'il ne nuit point au salut, ains souventefois l'asseure daventage..

  A020002023 

 Et pour le point duquel vous m'escrives, de la reception au voyle noir de ceste Novice, il me semble que vous deves humblement et respectueusement accepter la permission que monsieur de Saint Nizier vous donne, puisque, comme vous m'escrives, la chose a esté arrestee du temps de monsieur l'Abbé de Mauzac; sinon que l'occasion se presentast de procurer que Monseigneur l'Archevesque en escrivist ou a monsieur de Saint Nizier ou a vous, lequel M. de Saint Nizier, peut estre, ne veut pas assister cest'action seulement en consideration de ce qu'elle n'a pas esté arrestee de son temps.

  A020002023 

 Mais en toutes telles occurrences, ceux qui sont sur les lieux et qui voyent l'estat present des espritz a qui vous aves affaire, vous pourront encor mieux conseiller..

  A020002039 

 Il y a, ce me semble, bien environ mille ans que je ne reçois point de vos lettres, non plus que vous des miennes..

  A020002040 

 C'est que l'on va fonder a Dijon, ville de telle importance que vous sçaves.

  A020002040 

 Nostre Mere ne peut encor pas bonnement partir de Paris; or, vous estes sa seconde en l'Institut, et sa premiere fille: nous ne voyons pas moyen de vous exempter de la peine de cette fondation.

  A020002040 

 Or je ne vous plains pas, car c'est un grand bien de travailler beaucoup pour Dieu; mais je plains nostre tres chere madame de Dalet, qui peut estre en souffrira dans son cœur, et je la cheris et honnore si fort, que cela me fait bien de l'apprehension.

  A020002041 

 On vous envoyera a propos, et cependant, ma tres chere Fille, vives toute en Dieu, et salues bien l'ame de madame de Dalet de la part de la mienne qui est toute [191] vostre et a elle aussi.

  A020002062 

 Je vous remercie du soin qu'il vous a pleu de prendre pour me faire avoir des lettres que les Seurs de la Visitation vous ont addressees, comme encor de la varieté des nouvelles du monde, que je prie Dieu de nous vouloir donner de jour en jour meilleures, pour la prosperité du Christianisme, et en particulier pour celle du Roy et du royaume..

  A020002063 

 Je sçai que ce jeune garçon, estant de ce païs et asses [192] bien conditionné, treuvera en vous une affection charitable pour, s'il se rencontre, estre logé a quelque service.

  A020002063 

 Mais ses amis et parens ayant desiré que je vous le recommandasse, je le fay volontier, avec esperance que vous ne le prendres pas a importunité, puisque cette mienne recommandation, comme toutes les miennes, se fait tous-jours avec la condition et reserve que vous n'en ayes aucune incommodité..

  A020002075 

 Je vous prie, par la premiere commodité, de les bien saluer toutes, specialement la Superieure, la fondatrice et madamoyselle de la Gamelle..

  A020002075 

 Selon vostre lettre, ma tres chere Fille, du 14 e novembre, nous avions des-ja pensé de choisir icy une Superieure pour Valence; mais Dieu soit loué dequoy pour maintenant vous n'en aures pas besoin, puisque par sa [193] misericorde celle qui y est est hors de danger, ainsy que vous nous escrives du 19 de ce mesme moys; et je suis grandement consolé de ce que vous me dites, qu'elle et ses compaignes sont si bien disposees a souffrir pour Nostre Seigneur, qui ne leur aura pas donné ce courage qu'avec plusieurs autres vertus.

  A020002080 

 Voyla ce qu'il m'a semblé vous devoir estre dit sur vos deux demandes..

  A020002081 

 Je desire fort de sçavoir comme vous aures fait sur la reception de la fille pour laquelle M. de Saint Nizier faisoit difficulté..

  A020002082 

 Je voy bien qu'il n'y aura pas loysir d'escrire a nostre Seur Colin; c'est pourquoy je vous prie de la saluer cordialement de ma part, et de me recommander a la [196] misericorde de Nostre Seigneur, puisque je suis de tout mon cœur, parfaitement et tout a fait invariablement tout vostre, qui salue toutes nos Seurs et M. Brun..

  A020002089 

 Je vous escris courtement, ma tres chere Fille, et vous remercie de vostre lettre que j'ay receue hier matin, suivant laquelle je vous diray que si vous n'aves point de predicateur pour ce Caresme, j'en fourniray un des plus braves et bons que vous puissies desirer, qui prescha hier a la Visitation et preschera un de ces jours devant ce peuple.

  A020002090 

 Je parleray a M. Faber pour faire faire l'adjournement de ce bon prestre, heritier de M. Viret, et reparleray de vostre bonne volonté a la premiere rencontre que je feray de ceux qui vous blasment des dismes..

  A020002131 

 Je vous rens mille actions de graces du soin qu'il vous a pleu de prendre pour me faire avoir response de Monseigneur le Serenissime Prince en faveur de l'introduction des Peres de l'Oratoire a Rumilly, ou l'on ne sçauroit dire combien leur venüe est necessaire; car, Monsieur, imaginés vous qu'en cette seule eglise il y a quatre diverses especes d'ecclesiastiques: 1.

  A020002135 

 Or, Monsieur, je vous escritz ainsy au long toutes ces particularités affin que vous voyiés que cette introduction des Peres de l'Oratoire sera non seulement utile au service de la gloire de Dieu et des ames, mays encor selon le service de Son Altesse Serenissime et l'utilité de nostre patrie; qui me fait d'autant plus hardiment vous supplier de nous procurer au plus tost les expeditions que je demande, puis que je n'ay plus presque que deux moys de loysir pour disposer de la cure de Rumilly, apres lesquelz la provision tumbera es mains du Pape..

  A020002149 

 La tres glorieuse Vierge, nostre tres bonteuse Dame et tres pitoyable Mere, nous veuille combler de son saint amour, affin que vous et moy ensemblement, qui avons eu le bonheur d'estre appellés et embarqués sous sa protection et en son nom, fassions saintement nostre navigation en humble pureté et simplicité, affin qu'un jour nous nous treuvions au port de salut qui est le Paradis, pour louer et benir eternellement son Filz nostre Redempteur.

  A020002157 

 Mais vous regardes trop vos pensees.

  A020002157 

 Puisque vous voyla montee en vostre nouvelle Mayson, j'ay confiance en Dieu que vous dites: Ah! mon ame, vole au mont comme un passereau.

  A020002157 

 Que vous importe il si vostre cœur reçoit des atteintes des apprehensions anciennes du temporel? Mocques vous de ces apprehensions, et demeures ferme sur la parole de nostre Maistre: Cherches premierement le regne de Dieu et sa justice, et toutes les choses necessaires a cette chetifve vie vous seront adjoustees.

  A020002158 

 Qu'appelles vous grand esprit, ma tres chere Fille, et [204] petit esprit? Il n'y a point de grand esprit que celuy de Dieu, qui est si bon qu'il habite volontier es petitz espritz; il ayme les espritz des petitz enfans, et en dispose a son gré, mieux que des vieux espritz.

  A020002158 

 Si la fille du procureur dont vous m'escrives est douce, maniable, innocente et pure, ainsy que vous le dites, mon Dieu, gardes vous en bien de la renvoyer; car, sur qui habite l'Esprit du Seigneur, sinon sur les pauvres et innocens qui ayment et craignent sa parole? Icy, nous avons des filles du voyle noir, Associees, qui font tres bien: mais qu'importe il que celle ci soit Associee, jusques a ce qu'elle soit capable du chœur? C'est pour des telles filles que ce rang de Seurs a esté mis es Constitutions..

  A020002160 

 Mais pour toutes telles occurrences, vous aves Moyse et les Prophetes, vous aves vostre tres bon Pere spirituel: oyés le, escoutes le, et le salues cherement de ma part.

  A020002170 

 Il ne faudroit pas vous avoir au milieu de mon cœur, ma tres chere Fille, pour ne pas avoir avec vous part a vos afflictions; mays il est tout vray, qu'estant ce que je vous suis, et a vostre mayson, je compatis grandement a toutes vos afflictions, et de madame de la Baume, vostre seur.

  A020002170 

 Mays, ma tres chere Fille, il me semble que vous estes un peu plus susceptible des consolations que cette chere seur; c'est pourquoy je vous dis que nous avons tort si nous regardons nos parens, nos amis, nos satisfactions et contentemens comme choses sur lesquelles nous puissions establir nos cœurs.

  A020002170 

 Sommes nous, je vous prie, en ce monde qu'avec les conditions des autres hommes et de la perpetuelle inconstance dans laquelle il est establi? Il faut s'arrester la, ma tres chere Fille, et reposer nos attentes en la sainte aeternité a laquelle nous aspirons.

  A020002171 

 Je suis pressé, ma tres chere Fille, et ne me reste de loysir que pour vous dire que je suis a jamays tout vostre et.

  A020002187 

 L'une et l'autre pensee est bonne, ma tres chere Fille: puisque vous aves tout donné a Dieu, vous ne deves rien chercher en vous que luy, qui est sans doute, luy mesme, le contreschange du mauvais petit tout que vous luy aves donné.

  A020002187 

 O comme cela aggrandira vostre courage et vous fera marcher confidemment et simplement!.

  A020002188 

 Et c'est bien fait de penser toutefois que vostre sterilité vient de vostre defaut, sans neanmoins vous amuser a rechercher quel est ce defaut; car cela vous fera marcher en humilité.

  A020002188 

 Penses vous, ma tres chere Fille, que Sara, Rebecca, Rachel, Anne mere de Samuel, sainte Anne mere de Nostre Dame, et sainte Elizabeth, fussent moins aggreables a Dieu quand elles estoyent steriles que quand elles furent fertilisees? Il faut aller fidelement au chemin de Nostre Seigneur, et demeurer en paix autant en l'hiver de la sterilité qu'en l'automne de la fertilité.

  A020002201 

 Comme cacheroit on le feu? Je ne puis non plus celer l'extreme affection que j'ay au milieu de mon cœur a vous honnorer de toute ma force; et chacun croid que, reciproquement, j'aye le bonheur d'estre grandement aymé [208] de vostre bonté, et sur cela, comme vous voyes souvent, on recourt a mon intercession es occurrences esquelles on recherche vostre faveur..

  A020002202 

 Ilz vous supplieront, mon tres Reverend Pere, de les gratifier de vostre authorité, requise pour cela; et puis qu'ilz le souhaitent, j'implore avec eux vostre charité, ce que je fay d'autant plus volontier, que si je puys prendre connoissance des qualités de cette fille par celles de son aysnee qui est ma belleseur, elle sera vertueuse et bonne servante de Dieu.

  A020002218 

 C'est bien une lettre d'empressement, car veritablement je ny puis mettre sinon que nous sommes icy tous en tres bonne santé, et moy particulierement, avec bonne esperance de vous revoir de mesme quand Dieu nous donnera la consolation de vostre retour, pour lequel je vous envoyeray ou M. Roland ou M. Michel pour le tems que vous m'advertirés, que vous marqueres a vostre gré, selon que le service de Dieu vous semblera le requerir..

  A020002219 

 Helas! que la pauvre madame de Gouffier est bien morte a l'improuvëu, et que j'en ay esté touché! Vous m'avies escrit qu'elle estoit hors de danger et pleyne d'un estreme desir d'estre retiree dans vostre Mayson, et j'en avois esté consolé.

  A020002220 

 Bon soir, ma tres chere Mere; Dieu vous comble de ses plus cheres benedictions, qui sont ses dilections.

  A020002220 

 Je vous escris tout a fait a la desrobee et si tard, que je vous voy, [210] ce me semble, me dire: Retires vous.

  A020002230 

 Je l'eusse pourtant fait de bon cœur, pour vous entretenir toutes de quelques considerations sur le saint mystere que nous celebrons; [211] mais, ma chere Fille, rien ne vous manquera, puisque vous seres en la presence de cet Enfant sacré duquel vous tiendres l'idee en vostre memoire et imagination, comme si vous le voyies naistre dans sa pauvre petite cresche de Bethlehem..

  A020002230 

 Me treuvant dans ces bonnes festes environné de mille affaires, il ne m'est presque pas bien possible de vous aller visiter, ma tres chere Fille.

  A020002233 

 Helas! ma Fille, vous m'estes toute chere, parce que vous n'aves rien de cher que Jesus et, qu'en luy et par luy, je sçai bien que je vous suis bien cher.

  A020002254 

 A quoy je vous respondray:.

  A020002254 

 Je vous respondray en peu de paroles, puisqu'aussi bien sçay je ce que vous m'eussies dit, par vostre lettre, comme si je vous eusse oüye parler de bouche; car en fin, c'est que vous estes tous-jours celle la que vous m'aves dit les annees passees.

  A020002255 

 Premierement, que vous vous deves doucement supporter, en vous humiliant beaucoup devant Dieu, sans chagrin ni descouragement quelcomque..

  A020002256 

 Et bien que vous ayes veu que, nonobstant toutes vos resolutions, [214] vous estes demeuree engagee en vos imperfections, vous ne deves pas pour cela laisser d'entreprendre un bon amendement, et l'appuyer sur l'assistence de Dieu.

  A020002256 

 Secondement, vous deves renouveller tous les propos que vous aves ci devant faitz de vous amender.

  A020002256 

 Vous seres toute vostre vie imparfaitte, et y aura tous-jours beaucoup a corriger; c'est pourquoy il faut apprendre a ne se point lasser en cest exercice..

  A020002267 

 Sur cest article que vous m'escrives, de la reception des filles, il y a un extreme danger qu'on ne se jette trop [215] sur la prudence humaine, qu'on ne se fonde trop sur la nature et trop peu sur la grace de Dieu.

  A020002268 

 Comme se peut il faire que je sente ces choses, moy qui suis le plus affectif du monde, comme vous sçaves, ma tres chere Mere? En verité, je les sens pourtant; mais c'est merveille comme j'accommode tout cela ensemble, car il m'est advis que je n'ayme rien du tout que Dieu et toutes les ames pour Dieu.

  A020002268 

 Hé, Dieu! Seigneur, faites encor cette grace a toute mon ame, que ce soit en vous seulement..

  A020002268 

 J'adjouste donq ce mot, ma tres chere Mere, pour vous dire que, selon vostre ordre, j'ay escrit a nostre Seur de N. amoureusement, et je vous asseure, ma tres chere Mere, que c'est de tout mon cœur, car j'ayme cette pauvre fille d'un cœur parfait.

  A020002279 

 Sur la resolution que vous aves declairee a monsieur vostre pere, je vous exhorte de perseverer a demander sans cesse la clarté du Saint Esprit et sa sainte conduite, en attendant que vous venies icy, et que M me de Chantal [soit de re]tour, affin qu'en chose de si grand' importance et en laquelle il s'agist de la disposition de toute vostre [217] vie mortelle, nous ne facions rien que par la volonté et inspiration de Celuy qui nous a preparé l'eternelle.

  A020002291 

 Apres avoir leu vos cayers, je vous les renvoye avec une approbation autant ample que vous la sçauries desirer de [218] moy.

  A020002291 

 Je veux dire, Monsieur, que s'il vous plaisoit de suivre vostre pointe et traitter des choses pieuses et saintes d'une façon aggreable, historique et qui charmast un peu la curiosité des espritz du tems, cela les retireroit, ou au moins divertiroit, de la pestilente lecture des Amadis, des romans et de tant d'autres sottises, et ilz avaleroyent insensiblement l'aggreable hameçon qui les retireroit de la mer du peché dans la nacelle de la vertu..

  A020002291 

 Mais, mon Dieu, il faut que je vous die que la connoissance que je prens tous les jours de l'humeur du monde me fait souhaitter passionnement que la divine Bonté inspire quelque sien serviteur d'escrire au goust de ce pauvre monde.

  A020002292 

 Prenes donq courage, Monsieur, suives les mouvemens de ce grand et gratieux genie qui vous anime..

  A020002293 

 Croiries vous que, tout pesant que je suis, je fay dessein d'escrire, par une methode de narration historique, les principaux pointz de nostre [219] croyance? Mays, helas! si je n'ay point d'autre loysir que celuy que la cour me laisse, je mourray comme les femmes enceintes, sans produire ce que j'ay conceu... [220].

  A020002293 

 Il faut que je vous confie un secret que je n'ay encor dit qu'a deux de mes bons amis.

  A020002301 

 Or vous y estes encor, ma tres chere Fille, en ces porches sacrés de Nostre Seigneur, puisque vous pretendes et pretendres invariablement a la conjonction de vostre ame a son Dieu, et qu'elle fait la pluspart de son sejour au mont sacré du Calvaire..

  A020002312 

 Si nous avons une fille, par exemple, que la prudence humaine dicte devoir estre colloquee en Religion pour quelques raysons de l'estat de nos affaires, or sus, nous dirons en nous mesmes (je ne dis pas devant les hommes, mais devant Dieu): O Seigneur, je vous veux offrir cette fille, parce que, telle qu'elle est, elle est vostre; et bien que ma prudence humaine m'incite et incline a cela, si est ce, Seigneur, que si je sçavois que ce ne fust pas aussi vostre bon playsir, malgré ma prudence inferieure je ne le ferois nullement, rejettant en cette action ladite prudence que mon cœur sent, mays a laquelle il desire ne [222] point consentir, et embrassant vostre volonté que mon cœur n'apperçoit pas selon son sentiment, mais a laquelle il consent selon sa resolution..

  A020002313 

 Ce ne sera plus pour la prudence mondaine, bien que ce soit elle qui ayt excité la volonté, que vous feres cette resolution, mais parce que vous aves conneu que Dieu l'auroit aggreable: ainsy, par l'infusion de la volonté divine, vous corrigeres la volonté humaine..

  A020002313 

 Et cela fait, laisses clabauder la prudence humaine tant qu'elle voudra, car l'œuvre ne sera plus sienne; et vous luy pourres dire comme les Samaritains dirent a la Samaritaine apres qu'ilz eurent oüy Nostre Seigneur: Ce n'est plus meshuy pour ta parole que nous croyons, mays parce que nous mesmes l'avons veu et entendu.

  A020002314 

 Demeures en paix, ma tres chere Fille, et serves bien Dieu en la peyne et fascherie de la grossesse et de l'enfantement, que vous dresseres aussi selon son bon playsir.

  A020002314 

 Et je prie sa souveraine Bonté qu'elle vous comble de benedictions, vous suppliant de m'aymer tous-jours en luy et pour luy, qui m'a, en toute verité, rendu [223].

  A020002325 

 Je vous prie de vous mettre souvent devant les yeux et rappeller en vostre esprit ce que la tres sage bonté de Dieu a voulu operer en vostre ame et par vostre moyen, en vous donnant des biens, de la faveur et de l'authorité..

  A020002327 

 De mesme aussi, comme chaque seigneur et chaque gentilhomme est un petit monarque en sa mayson, ilz ne doivent pas s'oublier de ces paroles de l'Apostre: Vous qui estes maistres, faites a vos serviteurs ce qui est juste et convenable, vous souvenans que vous aves un autre Maistre au Ciel et des Rois sur la terre, de qui vous dependes.

  A020002347 

 Ayant fort souvent esté prié par le sieur Peyssard, vicaire en l'eglise parroissiale de cette ville, de vous representer combien la chapelle de Chitri, qui y est, a besoin de vostre soin et d'un legat que feu M. de Treverney avoit fait pour icelle, je le fay maintenant par cette commodité, sachant que vous aurés grandement aggreable que je vous rende ce devoir, et que vous prendres playsir a faire ce bien-la en un lieu qui porte le nom et les marques d'une mayson qui n'est qu'une avec la vostre et qui s'est si honnorablement, jadis, signalee en la vertu et pieté..

  A020002348 

 Ce pendant, je ne cesseray jamays de vous souhaiter [227] toute sorte d'accroissement de prosperité en la grace de Nostre Seigneur, ni d'estre, Monsieur,.

  A020002359 

 Je vous peux bien appeller ma tres chere Fille, car vous m'aves esté chere, en verité je le puis dire ainsy, des le ventre de vostre mere, ou au moins des la mammelle, ou je vous ay cent fois benite et souhaité la couronne et le loyer des vierges, espouses de Jesus Christ, en ce tems bienheureux, ma chere Fille, ou, avant que d'estre pasteur en chef, j'avois la grace de courir chercher les brebis de mon Maistre, et que j'estois si courtoysement et si amiablement accueilli chez vous.

  A020002359 

 Ma vraye Fille, il me fait, je vous asseure, grand bien de m'entretenir avec vous de ces premieres annees de mon premier service a la tressainte Eglise: cela m'anime a la ferveur et me fait doucement souvenir combien il y a long tems que vous estes ma fille... [228].

  A020002373 

 Neanmoins, la cheute de Salomon, que j'ay si souvent en la pensee, me mit, je vous asseure, grandement en peine; et fus grandement soulagé quand ce bon Frere m'eut parlé et que j'eus veu le tesmoignage plus grand qu'aucune exception de monsieur l'Archidiacre, duquel [229] le tesmoignage est digne de tres grand respect.

  A020002391 

 J'espere que ces bonnes ames cesseront de vous tourmenter quand elles feront une serieuse reflexion sur la dilection de Dieu et du prochain, et sur vostre humble patience..

  A020002404 

 Dieu vous a mis au lieu et au grade auquel il vous a eslevé par vos merites, affin que vous soyes, pour l'amour de luy, le refuge commun des affligés, mais particulierement de ceux qui tombent en adversité plus par malheur que par malice..

  A020002405 

 Il recourt donq avec la confiance qu'il a, et que mesme je luy ay augmentee, en vostre æquité et debonaireté, affin qu'il vous playse, Monsieur, de le delivrer [233] de la totale ruine delaquelle il est menacé et des-ja presque tout accablé, le conservant en l'office d'archer du prævost et en celuy qu'il avoit pour la garde du sel, a Gex..

  A020002405 

 Mondon, present porteur, est veritablement l'un de ceux la, grandement vexé pour le crime d'autruy, ains pour le fait d'autruy qui n'est pas tout a fait crime, ainsy que Vostre Grandeur, Monsieur, pourra mieux discerner que nul autre, sil vous plait d'oüir le discours de cet accident.

  A020002406 

 Vostre Grandeur, comme je sçai, a une tres singuliere inclination a bien faire aux pauvres, et voyci une tres singuliere occasion de la pratiquer et, en certaine façon, d'obliger Nostre Seigneur a prendre soin particulier de vostre chere ame, a laquelle je ne cesseray jamais de souhaiter mille et mille benedictions, et sur tout l'æternelle a la fin de vos jours, pendant lesquelz je vous supplie de m'advouer,.

  A020002420 

 Ce pendant l'œil de la Providence eternelle, qui regarde vostre cœur, ne laissera pas de vous tenir au nombre de ses espouses, puisque si vous n'estes pas encor Religieuse par effect vous l'estes en affection, et ne differes de l'estre que pour l'estre mieux..

  A020002420 

 Je loüe Dieu de vostre perseverance, et vous aves rayson de prendre suffisamment du loysir pour pourvoir [234] dignement aux affaires que vous laisseres au monde.

  A020002421 

 Continues, je vous prie, Madame, a prier pour mon ame, puisqu'elle cherit tres affectueusement la vostre, et que je suis.

  A020002434 

 Il faut que je vous die naivement et comm'a vous, que je n'ay nulle authorité es Maysons qui ne sont pas en mon diocsese, ni sur les personnes, ni sur les dependences, ormis sur les Seurs qui sont sorties d'icy, qui, selon leurs vœux et la reciproque obligation qu'elles ont a ce Monastere duquel elles sont tous-jours, et le Monastere envers elles pour les recevoir a toutes bonnes occurrences, demeurent tous-jours membres inseparables de cette Mayson, delaquelle elles ne sont nullement privees, puisque elles n'en sont point dehors sinon par obeissance et selon l'Institut..

  A020002436 

 De sorte, ma tres chere Fille, que pour les deux fondations que vous me marques, vous n'avies nul besoin de m'advertir sinon en ce qui regarde la disposition de vostre chere personne, pour laquelle je ne voy nul lieu de me dispenser contre les promesses faites a tant de personnes, mays sur tout a monsieur vostre pere, qui ne peut quasi plus rien esperer pour l'accomplissement de ses consolations en ce monde, que de vous voir au Monastere de Chamberi que l'on va entreprendre, affin de vous avoir aupres de luy, d'ou il a esloigné tous messieurs vos freres par les charges honnorables dont ilz sont tous prouveuz maintenant, puisque, comme vous sçaves, M. de Feliciaz est senateur et juge maje de la province de Chablaix; monsieur de Charmettes a la cour, aupres de Madame; monsieur nostre President de Genevois icy, d'ou il ne peut absenter, non plus que monsieur de Vaugelaz de la cour de France; de sorte quil ne reste que monsieur [237] le Doyen de la Sainte Chapelle.

  A020002436 

 Voyes la lettre quil m'escrit, ma tres chere Fille, et vous connoistres ce que vous et moy devons vouloir en cette occasion.

  A020002437 

 Et quant a la fondation de madame de Chazeron, je vous diray mon advis, qui est que l'on la contente en tout ce que l'on pourra, et sur tout quant a la qualité et quant aux privileges de fondatrice, dont elle puisse jouir des maintenant..

  A020002438 

 J'en dis de mesme de la proposition que l'on fait pour Aurillac, ou j'aurois grande inclination, en voyant tant en ce bon Pere Recteur qui vous escrit..

  A020002439 

 A cela donq je vous renvoye, m'estant advis que je le doy..

  A020002439 

 Je croy que nostre Mere ira la; et avec ces dames [239] du païs et elle, vous pourres prendre meilleur advis par l'opinion de vos bons Peres spirituelz que vous aves-la, et vos amis, que non pas par la mienne qui ne void pas des icy ce qui pourroit estre plus a propos.

  A020002440 

 L'inconvenient que vous apportes pour Aurillac seroit dissipé par celuy que je propose, que les filles vinssent faire leur novitiat a Montferrant..

  A020002443 

 Je treuve que c'est une grande Providence de Dieu que [240] les Supperieurs, en ce commencement, ne soyent pas trop empressés de vostre conduite; elle se fera plus suavement par les advis des amis que vous employerés..

  A020002444 

 J'escris a ces deux bons Peres que vous me nommés et a M me la Princesse de Joinville, avec les deux motz que M me de Dalet a marqués de Monseigneur et l....

  A020002444 

 Salues, je vous prie, ce cœur la de M me de Dalet..

  A020002445 

 Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, et ne bouges, ce reste de tems, d'aupres du petit Enfant qui vous dira, au commencement de ses ans, que l'eternité de laquelle il vient, a laquelle il est, a laquelle il va est seule desirable.

  A020002456 

 Bien que je n'eusse pas eu le bonheur de vous connoistre quand j'eu la premiere nouvelle de vostre desplaysir, si [241] est ce que je ne laissay pas d'estre vivement touché de compassion pour vostre cœur, m'imaginant combien forte avoit esté cette inopinee secousse; et si mes souhaitz eussent esté autant pleins d'efficace comm'ilz le furent d'affection et de tendreté, je croy que des lors vous eussies ressenti quelque sorte de veritable alegement.

  A020002457 

 Que ce fut un bon advis, Madame, que celuy que vous receutes de son inspiration, vous proposant de vous retirer pour un peu de la presse des consolateurs du monde, quoy que bons consolateurs, pour, en repos, remettre la playe de vostre cœur es mains du Medecin et Operateur celeste! puisque mesme les medecins terrestres confessent que nulle guerison ne se peut faire sinon en la quietude et tranquillité.

  A020002459 

 Madame, je vous dirois volontier, pour remede a vostre douleur, que qui veut exempter son cœur des maux de la terre, il le faut cacher dans le Ciel, et, comme dit David, il faut musser nostre esprit dans le secret du visage de [242] Dieu et dans le fonds de son saint tabernacle.

  A020002459 

 Regardes bien a l'eternité a laquelle vous tendes; vous treuveres que tout ce qui n'appartient pas a cette infinie duree ne doit point mouvoir nostre courage.

  A020002460 

 Madame, on me presse de donner cette lettre, qui est des-ja trop longue pour estre si peu consideré (sic). Je benis Dieu dequoy ces Seurs de Sainte Marie vous ont esté aggreables en cett'occasion de vostre retraitte, et de quoy il vous a fait faire ce choix pour cette petite retraitte.

  A020002479 

 Je luy ay donné une copie des Regles de saint Augustin et des Constitutions de la Visitation, affin que sur icelles vous puissies cueillir ce qui vous semblera a propos..

  A020002487 

 Ma tres chere Fille, Rien tout a fait maintenant, parmi ce deluge de lettres que j'escris, sinon que je vous souhaitte tous-jours de plus en plus courageuse en ce saint service de Dieu auquel vous estes.

  A020002488 

 C'en sera tous-jours de mesme, quand vous dresseres vos yeux et vos esperances devers son sanctuaire..

  A020002488 

 Il faut estre constante et toute remise en cette sainte Providence qui vous a mise en besoigne.

  A020002489 

 Je vous voy toute pleyne de consolation sur le passage de la bonne Mere, que ce porteur va prendre; car je vous laisse a penser quel contentement de se revoir [245] ensemble: nostre Mere, nostre Seur Paule Hieronime et ma fille Marie Aymee..

  A020002501 

 Puisque non une seule rayson, mais plusieurs bien justes et urgentes retirent la bonne Mere Superieure de la Visitation Sainte Marie de Paris a Dijon et de deça, il est bien raysonnable que je vous remercie, ainsy que je fay tres humblement, des consolations et faveurs qu'elle a recueillies de vostre continuelle charité: vous suppliant neanmoins tous-jours de les luy continuer en la personne de cette trouppe de filles qu'elle laisse la pour le service de la gloire de Dieu, qui est tout vostre amour, et duquel la providence a preparé vostre cœur pour estre le refuge et la protection des petites servantes de son Filz, qui en sont d'autant plus necessiteuses que l'aage et l'imbecillité de leur establissement est plus tendre et sujet a la contradiction..

  A020002503 

 Et pour moy, je vous supplie de m'advoüer, comme je le suis de toute l'affection de mon cœur,.

  A020002515 

 Je vous prie qu'en entrant ou sortant d'Orleans vous prenies occasion de voir la Mere Prieure des Carmelines, fille aysnee de la Seur Marie de l'Incarnation, laquelle, tandis que je fus a Paris, il y a vingt ans, estoit non seulement ma fille spirituelle, mais ma partiale, aagee d'environ treize ans, et qui avoit un naturel bon, franc et naïf; comm' aussi la Mere Sousprieure, qui fit en ce tems la son premier vœu de virginité et sa confession generale devant moy..

  A020002516 

 Je me trompe si vous ne treuves a Moulins quelque sorte de tentation a cause de la singularité de ma Seur Marie Aymee; mais je pense pourtant que ce ne sera qu'une tentation humaine et digne de charité..

  A020002518 

 Je ne sçay pas bonnement combien il y a de Moulins a Montferrant, mais si cela est asses commode, je pense que ce seroit de la consolation a ces filles que vous allassies prendre leur Superieure pour Dijon, laquelle, comme je prevoy, il y aura peine de tirer, selon que vous verres par la lettre qu'elle m'escrit, ci jointe.

  A020002518 

 Puisque la conduite de vostre chemin de Paris a Dijon, pour passer par les monasteres, requiert que vous venies a Moulins, et que les Seurs que l'on prendra icy et a Grenoble vous aillent prendre la, il faudra donq sçavoir a point nommé le tems auquel il les faudroit envoyer et comme quoy les choses passeront, c'est a dire d'ou viendra l'advis que nous devons recevoir; mais il me semble [248] pourtant que n'y ayant que quarante lieuës d'icy a Dijon, ce sera grandement allonger le chemin de passer a Moulins.

  A020002520 

 Mais tout ceci que je vous dis sur cette consultation, ne doit estre nullement allegué, ains simplement consideré avec humilité, et laisser en sincerité la decision a Rome.

  A020002521 

 Si vous sçavies, ma chere Mere, combien il m'arrive de destours en cette ville du depart de M. Rolland, vous ne series pas estonnee si je n'escris pas aux cheres ames que la mienne et la vostre ayment tant.

  A020002522 

 Il est a considerer si vous treuveres plus a propos qu'on la fasse professe icy ou qu'on l'envoye pour faire profession a Dijon, sur l'attestation qu'on luy feroit icy de sa capacité; car nous avons pensé que peut estre seroit on bien ayse que cette action se fist la, en presence de ses parens et amys, et la rendre ainsy la premiere fille de ce Monastere..

  A020002522 

 Nous avons pensé pour cela a ma Seur Marie Adrienne Fichet, laquelle est de bon esprit et de bon cœur, comme vous sçaves; a ma Seur Françoise Augustine, de Moyran pres Saint Claude, que je confesse estre une fille grandement a mon gré, et, si je ne me trompe, tout a fait irreprehensible en l'interieur et en l'exterieur; ma Seur Marguerite Scholastique, de Bourgoigne, qui est douce, maniable et de bon esprit, cousine germaine de vostre Assistante; ma Seur Marguerite Agnes, [251] qui est d'aupres de Vienne, qui est de bonne mayson, de bonne observance et d'une aggreable simplicité; a ma Seur Peronne Marie Benod, Seur domestique grandement douce et pliable; outre ma Seur Marie Marguerite Milletot, qui viendra de Grenoble, que vous connoisses, et ma Seur Bernarde Marguerite, qui est celle de Dijon que vous nous envoyastes, de la capacité de laquelle, bien qu'on ayt douté quelques moys durant, on a despuis eu bonne satisfaction.

  A020002522 

 Nous envoyerons donq, quand vous le marqueres et ainsy [que] vous l'ordonneres, des filles pour vous accompaigner a Dijon, selon le nombre que vous nous diries estre necessaire.

  A020002523 

 Or, ce sera donq a vous, ma tres chere Mere, de nous, advertir si vous voudres ou moins ou plus de filles, et quand elles devront partir... [252].

  A020002529 

 Car ainsy, ma tres chere Fille, si jusques a present le souci de vostre conduite et l'apprehension de vostre future superiorité vous a un peu agitee et vous a souvent fait varier en pensees, maintenant que vous voyla mere de tant de filles, vous deves demeurer tranquille, sereine et tous-jours egale, vous reposant en la Providence divine qui ne vous eut jamais mis toutes ces cheres filles entre les bras ni dans vostre sein, que quant et quand il ne vous eut destinée (sic) un secours, un'ayde, une grace tres suffisante et abondante pour vostre soustien et appuy.

  A020002529 

 Je l'espere, ma chere Fille, et que vous seres comme l'ancienne Anne, laquelle, avant qu'elle fut mere, changeoit souvent de visage, comme touchee de diversités de pensees et d'apprehensions; mays estant devenue mere, dit l'Escriture sacree, sa face ne fut plus variante ni diversifiee, par ce, comme je croy, qu'elle fut accoysee en Dieu qui luy avoit fait connoistre son amour, sa protection et son soin sur elle.

  A020002529 

 Ma tres chere Fille, Je vous souhaite de tout mon cœur une grande humilité dedans un grand courage, affin que vostre courage soit [253] tout a fait en Dieu, qui par sa bonté vous soustienne, et, en vous, la sainte charge que l'obedience vous a imposee.

  A020002529 

 Penses vous qu'un si bon Pere comme Dieu voulut vous rendre nourrice de ses filles sans vous donner abondance de lait, de beurre et de miel? Or, de cela, il n'en faut point douter..

  A020002530 

 En somme, aymes d'un amour cordial, maternel, nourricier et pastoral vos filles, et vous feres tout, vous seres toute a toutes: mere a toutes, secourable a toutes.

  A020002530 

 Je ne dis pas, ma Fille, que vous soyes flatteuse, cajoleuse et rieuse, mays douce, suave, amiable, affable.

  A020002531 

 Je suis invariablement vostre, et je me confie que vous n'en doutes nullement..

  A020002531 

 Ma Fille, je me confie que Dieu, qui vous a choysi pour le bien de plusieurs, vous donnera l'esprit, la force, le courage et l'amour pour plusieurs.

  A020002543 

 J'ay bien chargé ce porteur qu'il allast vous saluer, et monsieur vostre cher mary et vostre petit homme mon cher filleul, de ma part et tres humblement.

  A020002543 

 Je le dois, je le sçai bien: aussi ne le vous dis je pas, ma tres chere Fille, pour m'en vanter, mays pour la complaysance que j'ay a le penser, et a croire que je vous fay playsir de vous en asseurer.

  A020002543 

 Mays seroit il bien possible que je ne luy donnasse pas cette petite marque visible de la verité du desir que j'ay de vivre invisiblement en vostre chere ame, Madame ma chere Commere et ma Fille tres aymee? Je ne cesse point, je vous asseure, et ne celebre jamais le saint Sacrifice que je ne presente vostre cœur a Dieu, et n'invoque sa protection et faveur sur vostre chere famille.

  A020002544 

 Vives donq de plus en plus en ce celeste amour de Nostre Seigneur qui vous y oblige par mille benedictions qu'il [256] vous a donnees, et sur tout par l'inspiration qu'il vous a departie de le vouloir et de le desirer; et, en ce desir, vivés joyeuse et saintement contente, voire mesme parmi les ennuis et les afflictions qui ne manquent jamais aux enfans de Dieu..

  A020002558 

 Monsieur Roland vous dira [257] toutes les nouvelles que vous pourries desirer de deça, d'ou, comme je croy, plusieurs vous escriront plus amplement que moy qui n'en ay nul loysir; aussi est il a propos que je soys court, pour ne point divertir la consolation que vous aures a recevoir nostre bonne Mere..

  A020002559 

 J'ay grande envie de luy escrire, mais il ny a moyen [258] maintenant, tant je suis accablé; et cependant je vous prie, ma tres chere Fille, de luy baiser tres humblement les mains de ma part, l'asseurer de mon fidele service et, sans en faire semblant, sçavoir dextrement de luy sil aura aggreable que je luy escrive par foys..

  A020002559 

 Si faut il pourtant que je vous die que rien ne me pouvoit estre plus doux et aggreable en vostre lettre, que la bonne nouvelle que vous me donnés de la favorable souvenance que Monseigneur l'Evesque d'Orleans a de moy; et bien que je sache que ce bien provienne de son bon naturel, qui est franc et genereux, si ne laisse je pas de le reconnoistre de Dieu, qui, m'ayant donné une singuliere affection envers ce Prælat, a voulu quil y eut en luy cette aggreable correspondance et qu'il eut une bonne inclination pour moy.

  A020002560 

 Nostre chere et cordiale Seur Prieure des Carmelites recevra, je m'asseure, le chapelet et ma lettre par monsieur Jantet, a qui, si je m'en souviens bien, je remis le tout; et n'estant pas encor parti de Beley, ce n'est pas merveille si ni elle ni vous ne l'aves encor pas receu.

  A020002561 

 La fille qui accompagna icy M me de Royssieu me demanda une recommandation pour elle envers vous, et je la luy donnay comme a une fille l'humeur et l'interieur de laquelle je ne connoy nullement.

  A020002561 

 Vous entendres bien ce que je desire, qui est sur tout le bien et la consolation de vostre Mayson..

  A020002563 

 Or sus, ce sont toutes mes douces Filles en Nostre Seigneur, que je supplie continuellement de les rendre tout a fait saintes; et vous de mesme, ma tres chere Fille, [260] a qui je suis tres entierement tout dedié et, en verité, tres cordialement vostre.

  A020002578 

 Or sus, ma tres chere Fille, en fin vous voyla donq sur l'autel sacré en esprit, affin d'y estre sacrifiee et immolee, ains consumee en holocauste devant la face de Dieu vivant.

  A020002579 

 C'est pourquoy je le considere avec le vostre en la mesme action; car, comme vous sçaves, elle se treuva avec vous unie d'affection et d'amour au jour de vostre Visitation, et semble que des lhors elle immola des-ja en resolution son cœur avec le vostre..

  A020002580 

 Que je suis consolé quand je m'imagine que, selon mon esperance, on vous annoncera en toute verité cette parole de la mort vitale: V ous estes morte, et vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; car, ma tres chere Fille, de la verité de ce mot depend la verité de l'evenement qu'on prononce consecutivement: Mais quand Jesus Christ apparoistra, et ce qui s'ensuit..

  A020002589 

 Que vous puis je dire en cette occasion, ma tres chere Fille, sinon qu'entre les consolations que j'attens bien grandes de revoir nostre bonne Mere, celle de l'ouyr parler de vostre cœur en est une? Mais je ne veux pas dire, pourtant, que je veuille attendre son retour pour en apprendre des nouvelles, de ce cher cœur.

  A020002591 

 Il est vray, ma tres chere Fille, que vous n'aves point de cœur qui soit ni plus ni certes tant vostre que le mien.

  A020002600 

 Mais j'espere en Nostre Seigneur qu'il vous donnera la bouche et la sagesse convenables en cette occasion, pour respondre saintement, humblement et doucement.

  A020002600 

 Que s'il luy playsoit de faire quelque notable changement, il le faudroit supplier qu'il luy pleust de rendre ses ordonnances compatibles a la sainte correspondance que ces Maysons doivent avoir toutes ensemble en la forme de vivre; a quoy ces messieurs que vous sçaves vous assisteront de leurs remonstrances et intercessions, car a la verité, ce seroit chose, a mon advis, de mauvaise edification de separer et disjoindre l'esprit que Dieu a voulu estre un en toutes ces Maysons.

  A020002604 

 Dieu vous face de plus en plus prosperer en son pur amour, ma tres chere Fille, avec toutes nos cheres Seurs que je salue..

  A020002632 

 Je respons a nostre chere Seur Superieure de Montferrant sur ce que vous me proposes par vostre lettre, bien marri que, pour ce qui regarde sa personne, je ne puis pas seconder le desir de madame de Chazeron; car, quant au vostre, Madame, je sçai bien les limites dans lesquelles vous le contenes affin que le service de Dieu soit en toutes occasions purement prattiqué: c'est pourquoy je ne vous fay point d'excuse..

  A020002633 

 Et quand, par une entiere sousmission et resignation a sa providence, vous vous despouilleres du soin du succes de vostre vie, mesme eternelle, es mains de sa douceur et de son bon playsir, il vous delivrera de cette peyne, ou vous donnera tant de force pour la supporter que vous aures sujet d'en benir la souffrance..

  A020002634 

 Comme s'il eust voulu dire: Je vous regarde, o souveraine Bonté, comme l'Estre infini, et me regarde comme un neant devant vous; et bien que vous soyes tel et moy telle, je demeure tous-jours pleyne de confiance avec vous.

  A020002634 

 Ma tres chere Fille, les suggestions de vantance, ouy mesme d'arrogance et outrecuydance, ne peuvent nuire a une ame qui ne les ayme pas, qui tous les jours dit souvent a son Dieu, avec le Roy David: Seigneur, je suis fait comme un néant devant vous, et je suis tous-jours [267] avec vous.

  A020002634 

 Mon neant espere en vostre douce infinité avec d'autant plus d'asseurance que vous estes infini; j'espere en vous, en comparayson duquel je suis un vray neant..

  A020002635 

 Vous sçaves bien en la pointe de vostre esprit que Dieu est trop bon pour rejetter une ame qui ne veut point estre hypocrite, quelles tentations et suggestions qui luy arrivent.

  A020002646 

 J'ay fait ce mot par scrupule, ma tres chere Fille, car il me sembloit que je ferois mal si je ne vous escrivois ce mot pour saluer vostre cœur de la part du mien, puisque j'envoyay expres a M. Billet..

  A020002648 

 Dieu vous comble de benedictions.

  A020002660 

 Madame ma tres chere Fille, J'ay loué Dieu de vostre santé et du contentement que madame la Comtesse de Saint Maurice vous a donné [269] et a tous ceux qui l'honnorent, par sa grossesse; et si mes vœux sont exaucés, il reuscira a la parfaite jouissance du fruit que vous en desires..

  A020002661 

 Quant aux papiers que vous avés desirés de mes freres pour les affaires qu'ilz ont eü avec feu monsieur de Treverney, puisque ilz ne les treuvent pas, il vous plaira d'en faire dresser telle declaration pour l'aquit que vostre conseil jugera convenable, et ilz la passeront; vous suppliant de croire que l'egarement a esté fait sans dol ni dessein, par seule inadvertence.

  A020002662 

 Et en tout je m'essayeray de vous tesmoigner que c'est de toute mon affection que je suis a jamais, Madame,.

  A020002680 

 J'ay dit a monsieur le Curé de Chaumont ce qui se peut faire en l'affaire qu'il m'a proposee de vostre part; et vous saluant tres affectionnement, je demeure,.

  A020002697 

 Ce porteur vous dira, ma tres chere Fille, a quoy nous en sommes pour les affaires de vostre eglise.

  A020002714 

 Et moy, je suis tres bien resolut (sic) de vous le dire, et d'autres choses et tout, puisque vous estes ma cousine et fille tres chere, et que je suis.

  A020002714 

 J'avoys pensé de vous escrire un'asses longue lettre, en response de celle que j'ay receüe de vous; mays puisque, comme monsieur le Baron de Vallon m'a dit, on a mis remede a tout ce que vous craignies, il ne me reste a vous dire sinon que tous-jours je feray tout ce que je pourray pour le bien de ce cher filz et le contentement de ma tres chere fille, sa mere, laquelle pourtant il faut que j'advertisse d'avoir soin de sa santé: car on me dit, certes de tres bon lieu et de tres bon cœur, que vous ne prenes pas asses de soulagement pour la conserver et que vous n'espargnes pas autant quil est necessaire vostre force et complexion, et, plus quil ne faudroit, les moyens.

  A020002714 

 Mays ce qui est l'importance, c'est qu'on me dit qu'on n'ose pas vous le dire.

  A020002725 

 Certes, c'est bien tous-jours le desir de mon cœur que vous m'escrivies franchement selon le vostre; mays les nouvelles du vostre seront selon [le] mien quand vous m'advertires ou que vostre affaire est passee a Rome, si Dieu le veut ainsy, ou que si elle ne peut passer a Rome vous demeures accoysee, employant au soulagement de vos desirs les permissions que vous aves et les autres remedes qu'en ce cas-la je vous diray, Dieu aydant, selon quil plaira a la Providence souveraine de sa divine Majesté de me suggerer et de vous inspirer.

  A020002725 

 O ma tres chere Fille, ce ne seront plus meshuy des lettres entieres, ains seulement des billetz, jusques a ce que vous me donnies des nouvelles selon mon cœur.

  A020002725 

 Or sus, cependant humilies vous sous la main de Jesuschrist qui vous a tiree par sa misericorde a soy..

  A020002726 

 Cependant, je [274] salue tres humblement vostre bon Ange, ma tres chere Fille, et le supplie de vous bien proteger sous la faveur de l'amour celeste..

  A020002738 

 Il ny a nulle difficulté qu'on ne puisse, ains qu'on ne doive recevoir madamoyselle de Pressin, ma tres chere Fille, si son esprit est appellé, ainsy que vous me dites; car encor bien qu'ell'eut fait promesse de mariage, et de plus encor, bien qu'ell'eut contracté et celebré le mariage en la face de la tressainte Eglise, pourveu qu'elle ne l'eut pas consommé, il est constant entre les docteurs tant des loix que de la theologie, qu'elle ne laisseroit pas de pouvoir entrer en Religion, et que par sa Profession elle rendroit le contract annullé et de nul effect.

  A020002738 

 » De sorte, ma tres chere Fille, qu'en cela il ny a seulement pas aucune apparence de doute; et je vous ay ainsy marqué le Concile de Trente, affin que si vous voules conferer de cett'affaire avec quelqu'un, il n'ayt pas occasion de faire difficulté..

  A020002739 

 Quant au second point que vous demandes, si cette damoyselle pourra tenir lieu de fondatrice, je dis qu'oùy, s'il est treuvé a propos par ceux qui vous conduisent, car les bienfacteurs notables peuvent tenir ce rang la.

  A020002756 

 Je n'ay garde de vous divertir par mes lettres de vostre sainte et fructueuse occupation quadragesimale, du bon succes de laquelle on nous dit icy des merveilles.

  A020002757 

 Nostre Pere Dom Eustache de Saint Paul me dit expres en sa lettre, que je vous addresse celle qu'il desire de moy, et je l'ay fait tout a fait tres volontier, puisque ainsy j'ay un juste sujet de vous saluer, protestant que je ne pretens pas le reciproque de vostre part tandis que vous estes en exercice de ceux auxquelz il fut dit: Neminem per viam salutaveritis..

  A020002758 

 Et en cor me semble il que c'est a propos que je vous la destine aujourd'huy, jour de la Samaritaine, a la conversion de laquelle la bienheureuse [279] vierge Therese fut si devote, et a son cher mot salutaire: Domine, da mihi hanc aquam..

  A020002758 

 Nostre monsieur l'Abbé d'Abondance m'a dit que vous auries aggreable l'image ci jointe, si je vous l'envoyois; et la voyla donq a cette intention, consolé que vous ayes un petit memorial de mon affection parmi vos outilz de devotion.

  A020002759 

 Mais si je ne retiens l'ayse que je sens de vous parler, je violeray sans doute le respect que j'ay protesté de vouloir rendre a vostre sainte besoigne.

  A020002772 

 Je ne vous vis jamais, que je sçache, ma tres chere Fille, sinon sur la montaigne de Calvaire, ou resident les cœurs que l'Espoux celeste favorise de ses divines amours.

  A020002772 

 O que vous estes heureuse, ma tres chere Fille, si fidelement et amoureusement vous aves choisi cette demeure, pour en icelle adorer Jesus crucifié en cette vie! car ainsy [280] seres vous asseuree d'adorer en la vie eternelle Jesus Christ glorifié..

  A020002773 

 Mais voyes vous, les habitans de cette colline doivent estre despouillés de toutes les habitudes et affections mondaines, comme leur Roy le fut des robbes qu'il portoit quand il y arriva; lesquelles, bien qu'elles eussent esté saintes, avoyent esté profanees quand les bourreaux les luy osterent dans la mayson de Pilate.

  A020002775 

 Ne dites point: Comme pourray je oublier le monde et les choses du monde? car vostre Pere celeste sçait que vous aves besoin de cet oubli, et il vous le donnera, pourveu que, comme une fille de confiance, vous vous jetties entierement et fidelement entre ses bras..

  A020002775 

 Ne vous laisses point emporter aux apprehensions, ni des erreurs passees, ni des craintes des difficultés futures en cette vie crucifiee de la Religion.

  A020002776 

 Ma chere Fille, ce sont des biens du maniement desquelz il vous faudra rendre compte: ayes soin de les bien employer au service de Celuy qui vous les a donnés.

  A020002776 

 Nostre Mere, vostre Superieure, m'escrit que vous aves de tres bonnes inclinations naturelles.

  A020002776 

 Plantés sur ces sauvageons les greffes de l'eternelle dilection que Dieu est prest de vous donner si, par une parfaitte abnegation de vous mesme, vous vous disposes a les recevoir..

  A020002777 

 Tout le reste je l'ay dit a la Mere; a vous je n'ay plus rien a dire, sinon que, puisque Dieu le veut, je suis de tout mon cœur.

  A020002792 

 Puis, quand vous connoistres que la fille est bien resolue au party bienheureux de l'amour de Dieu, vous pourres permettre deux ou trois entreveües.

  A020002792 

 Vous me demandes si on pourra permettre l'entreveüe entre eux deux.

  A020002792 

 pourveu quil permette la presence de deux ou trois tesmoins; et si vous en estes l'un, il faut avec dexterité les ayder a se dire adieu, et, en louant leurs intentions passees, leur donner le change et dire qu'ilz sont bienheureux de s'estre arrestés au chemin dans lequel la rayson les a conduitz, et qu'une once du pur amour divin quilz se porteront l'un a l'autre des-ormais, vaut mieux que cent mille livres de l'amour par lequel ilz avoyent commencé leurs affections.

  A020002795 

 Je fay response a cette ame selon mon sentiment; vous la mesnageres comme vous verres mieux a faire.

  A020002796 

 Mais gardes vous bien de luy dire cette mauvaise pensee qui me vient en l'esprit; car, au reste, c'est une bien brave Seur que j'ayme parfaitement, parce que, comme je m'asseure, elle ne vit pas selon ses sentimens, ses aversions et inclinations, qui luy font desirer l'esclat et la gloire de son Monastere, ains plustost selon l'esprit de la Croix de Nostre Seigneur, qui luy fait perpetuellêment renoncer aux saillies de l'amour propre..

  A020002822 

 Avec cette commodité, je m'excuse, sil vous plait, dequoy ayant esté si souvent remis en memoire de mettre une fin, sil se peut, en l'affaire que vous aves avec les Dames de Sainte Catherine et le sieur Prieur de Rumilly, je n'ay neanmoins encor rien terminé.

  A020002822 

 Mais, ce Caresme passé, le bon monsieur de Chavanes, qui n'a point de part en cette negligence, ains qui est extremement affectionné a vostre service, et moy, qui ayant la coulpe de cette lenteur, suis toutefois tout dedié a vous servir et honnorer, ferons....

  A020002832 

 Ma tres chere Fille, En peu de motz je vous dis que les ames qui sont si heureuses que de vouloir employer les moyens que Dieu leur a donnés, a sa gloire, doivent se determiner aux desseins qu'elles font, et se resoudre de les prattiquer conformement a cette fin.

  A020002833 

 Si cette bonne dame, que vous ne me nommes point, veut faire un monastere de Religieuses de la Visitation, il ne faut pas qu'elle les charge de grandes prieres vocales, ni de plusieurs exercices exterieurs; car ce n'est pas vouloir des Filles de la Visitation.

  A020002835 

 Ma tres chere Fille, vous estes tout a fait de mon humeur en la reception des filles.

  A020002836 

 Vous aves receu deux nouvelles, mais anciennes filles de vostre Mayson; le retour est tous-jours plus aggreable aux meres que le despart des enfans.

  A020002847 

 Et par ce que nous vous envoyons ma Seur Paule Hieronime Favrot qui de jour a autre attendoit de faire la Profession, affin de ne l'envoyer pas novice nous la recevons a Profession ce mattin; et soudain la ferons partir avec les autres troys, puisque il ny a pas lieu dans la carrosse pour plus de filles que pour 4.

  A020002848 

 Vous connoisses des-ja ma Seur Marie Marguerite, de laquelle partant je n'ay rien a vous dire, sinon qu'elle s'en va tres joyeusement.

  A020002850 

 Je n'escris a personne sinon a nostre bon Monseigneur l'Evesque de Langres; car, quel moyen de faire en une matinee tant de choses, puysque hier il fallut confesser ces nouvelles professes, et parler a M. Roland et faire mille choses? Vous sçaves mon cœur pour M me la Premiere, pour messieurs et mesdamoyselles de Vilers.

  A020002851 

 Je reviens de la Profession de nos Seurs, ma tres chere Mere, et pour faire partir nos Seurs qui vont a vous, je finis cette lettre, vous recommandant toutes a la sainte grace de Nostre Seigneur.

  A020002881 

 Tenes, ma tres chere Fille, voyla deux lettres pour Monseigneur de Clermont, l'une du bon monsieur vostre pere, l'autre de mov, qui tendent a mesme fin; vous les verres toutes deux, et, s'il vous plait, les cachetteres, et apres que le cachet sera sec, vous les luy rendres.

  A020002881 

 Voyla encor la lettre que monsieur vostre pere vous escrit et celle qu'il m'escrit a moy, par lesquelles vous verres comme tout se dispose a la fondation d'un Monastere a Chamberi; et tandis que pour le commencement on fera preparer les logis, nostre Mere pourra y estre, et vous a Dijon, affin que, comme en passant, vous y establissies cette Mayson-la avant que de venir establir celle de Chamberi: et ainsy sera vray tout ce que nous escrivons a Monseigneur de Clermont..

  A020002882 

 Dieu n'est il pas bon, ma tres chere Fille, d'avoir ainsy explané le chemin de la retraitte a cette chere ame, laquelle, comme vous sçaves, je ne connois pas; mais j'ay certain secret instinct pour elle, qu'il ne se peut dire combien elle m'est chere.

  A020002882 

 Je suis bien ayse que vous la soulagies de vostre presence en cette affaire; nostre Mere, ce pendant, sera vostre avant courriere a Dijon et puis a Chamberi..

  A020002883 

 Je me res-jouis dequoy cette Mayson-la est pleine de bonnes filles; celle qu'a mon advis vous voules laisser en vostre place, m'a escrit, et je luy respons..

  A020002883 

 Vous pourres mesme, si vous le juges a propos, procurer dextrement que l'on commette quelques personnes qui ayent le loysir et la volonté entiere: comme seroit quelque bon Pere Jesuite, ou quelque Pere de l'Oratoire, ou quelque bon ecclesiastique.

  A020002884 

 C'est la verité que son esprit estant de la condition que vous me marqués, elle doit moins faire de consideration a se retirer et mettre a l'abry.

  A020002894 

 C'est la verité, ma tres chere Seur, ma Fille, que vous m'aves grandement consolé en la peine que vous aves [297] prise de m'escrire, puisque mesme, ainsy que je m'apperçois, vous estes celle a qui Dieu dispose de faire remettre la charge de Superieure.

  A020002894 

 On vous donnera le loysir de vous bien preparer par une entiere sousmission a la celeste Providence et un parfait encouragement a vous bien exercer a l'humilité et douceur, ou debonaireté de cœur, qui sont les deux cheres vertus que Nostre Seigneur recommandoit aux Apostres, qu'il avoit destinés a la superiorité de l'univers..

  A020002895 

 Ne demandes rien ni ne refuses rien de tout ce qui est en la vie religieuse: c'est la sainte indifference qui vous conservera en la paix de vostre Espoux eternel, et c'est l'unique document que je souhaite estre prattiqué par toutes nos Seurs, que mon cœur salue tres cherement avec le vostre, ma tres chere Fille..

  A020002905 

 L'on se dispose a Chamberi de recevoir nostre Visitation: sçaves vous comme vous y estes desiree? Monsieur vostre pere en a des-ja escrit a Monseigneur l'Evesque de Clermont.

  A020002943 

 Ce pauvre gentilhomme ecclesiastique desire, forcé de necessité, une grace de Vostre Altesse, selon que le R. P. Monod vous representera, Monseigneur.

  A020002959 

 Affin que, comme je desire infiniment, je vous puisse escrire souvent, ma tres chere Fille, il faut que je vous escrive, tant que faire se pourra, courtement; et je vous prie de me faire la consolation que de m'escrire aussi le plus frequemment que vous pourres..

  A020002960 

 Non, ma tres chere Fille: que l'on ayt partagé la charge du Pere spirituel de vostre Monastere, donnant a M. Le Blanc le soin de ce qui regarde vos affaires temporelles, et a M. Vincent celuy des choses purement spirituelles, il ny a point d'inconvenient; au contraire, il semble a propos, eu egard a la grandeur de la ville en laquelle vous estes.

  A020002961 

 Or sus, mon cœur salue le vostre de toute l'estendue de ses affections, et luy souhaite perpetuellement une sainte et amoureuse generosité au service de l'Espoux celeste, et pour vous et pour toutes nos Seurs; et, comme vous [303] sçaves, les nostres de ce Monastere y sont comprises, specialement ma Seur Jeanne Marie, ma niece, et ma Seur Marie Anastase, nostre premiere professe, et la grande fille de Moulins; et puis vous sçaves ce que nostre Seur Helene Angelique est a mon ame.

  A020002983 

 Ayant receu un brevet de Sa Sainteté, du vint huit d'avril, par lequel elle me commande de me treuver au Chapitre general des PP. Feuillantins qui se doit celebrer d'aujourdhuy en quinze jours a Pignerole, je prevoy qu'il me sera presque impossible de partir asses tost d'icy pour pouvoir aller faire, comme je serois obligé, la reverence a Son Altesse Serenissime et a vous, Monseigneur, et a Madame, avant que de me rendre au lieu de l'assignation; de sorte que je seray contraint de differer la tres humble reddition de ce devoir jusques apres la celebration de l'assemblee.

  A020003013 

 Les affaires qui se sont passees au Languedoc des quelque tems en ça m'ont osté les commodités de vous escrire si souvent comme je soulois et devroys faire; et bien qu'en cela il n'y ayt point de coulpe de mon costé, je ne laisse pas d'en sentir de la pœnitence, puisque veritablement ce m'est une tres grande consolation quand je puys me ramentevoir en vostre chere souvenance et vous rafraichir les offres de mon inviolable affection a vostre service.

  A020003014 

 Nous avons icy maintenant l'honneur et le bonheur de la presence de Monseigneur le Serenissime Prince Thomas, des grandes qualités et parties duquel je vous escrivis mon sentiment l'annee passee.

  A020003014 

 Or, Monseigneur, il a besoin de vostre faveur pour les affaires dont je vous envoye la note au memoire ci joint; et je vous supplie donq tres humblement de l'en gratifier volontier, en sorte qu'il connoisse que vous aves aggreable mon intercession, et que j'ay veritablement le bonheur d'estre aymé de vous en la qualité que je porte de si bon cœur, Monseigneur, de.

  A020003031 

 C'est le grand et inviolable desir que j'ay pour vous et pour moy, qui seul estant observé et prattiqué, nous consolera au depart de ce monde..

  A020003031 

 Je confesse, ma tres chere Fille, que je ne suis pas satisfait de vous avoir si peu veuë, mais je le suis grandement de vous avoir si bien veuë, puisque j'ay veu vostre cœur bienaymé et, au milieu de vostre cœur, nostre cher Redempteur qui y a rallumé le feu sacré de son amour celeste.

  A020003031 

 O mon Dieu, ma tres chere Fille, combien estes vous obligee a cet Amour eternel, qui vous est si bon et si doux, et qui, comme un bon Pere, a tant de soin de vous inspirer continuellement le desir d'estre toute sienne! Comme pourries vous jamais esconduire ses paternelles semonces, ni rompre le sacré et advantageux marché qu'il a fait avec vous, par lequel il se donne tout a fait a vous, pourveu que vous soyes tout a fait a luy? Soyons le meshuy sans reserve, ma tres chere Fille, et sans condition quelcomque.

  A020003032 

 Je le veux bien, ma tres chere Fille, puisque vous en aves du desir, que vous facies la sacree Communion tous les huit jours; m'asseurant qu'a mesure que vous approcheres plus souvent de ce divin Sauveur, vous tascheres [310] de luy rendre aussi plus d'amour et de fidelité en son service, et que le jour de vostre Communion vous vous garderes de donner sujet a ceux avec lesquelz vous converseres de penser que vous n'estimes pas asses l'honneur de la reception de vostre Salut..

  A020003033 

 Mais comme que ce soit, gardes cette representation de larmes comme un memorial de celles de Nostre Seigneur, qui vous face ramentevoir de l'obligation que vous aves a la dilection qui fit pleurer cette infinie Bonté pour nous, et d'un motif parfait de ne jamais offencer une si merveilleuse et aymable Douceur..

  A020003059 

 Je crois avoir ainsi accompli, autant qu'il m'a été possible, ce que vous m'avez ordonné en cette occasion..

  A020003060 

 Priant Dieu notre Seigneur de vous combler de toute sainte prospérité, je vous baise très humblement les mains..

  A020003072 

 J'ay conferé aussi les Ordres mineurs à plusieurs, suivant le desir que monsieur vostre Vicaire general m'a tesmoigné que vous en aviez..

  A020003086 

 La lettre que Vostre Seigneurie Illustrissime a eu aggreable de m'escrire, du sixiesme de may, m'oblige de mettre la plume à la main pour vous asseurer que le Chapitre general des PP. Fueillans a esté tenu avec tant de paix et un si unanime consentement des esprits et des [317] volontez de ceux qui y ont assisté, que ces braves Religieux me sembloient plustost une assemblée d'Anges, que d'hommes mortels.

  A020003087 

 Et toutesfois, puis que le commandement de Sa Saincteté l'a ainsi ordonné, j'ay assisté à tous les actes capitulaires qui ont esté faicts, et en rends compte à Vostre Seigneurie Illustrissime; vous suppliant de toute mon affection, que, comme vous avez tousjours honoré de vostre faveur ceste Congregation, il vous plaise luy continuer la mesme bienvueillance, la mesme protection, à fin qu'elle aille tousjours perseverant et croissant en la saincte observance de la discipline religieuse..

  A020003088 

 Je baise tres-humblement les mains de Vostre Seigneurie Illustrissime, et prie Dieu qu'il vous comble de ses plus sainctes felicitez, selon l'estenduë des desirs,.

  A020003100 

 J'ay receu avec la tres-humble reverence que je doy, la lettre de Vostre Seigneurie Illustrissime, du vingt-uniesme de may, laquelle m'a rencontré entierement et prompt et remply d'allegresse pour vous obeyr.

  A020003102 

 Je vous baise tres-humblement les mains, et vous souhaitte du Ciel les felicitez que souhaitte pour soy-mesme,.

  A020003112 

 L'asseurance que les Peres Fueillans m'ont donnée de l'amour et de la faveur que Vostre Seigneurie Illustrissime porte à leur Congregation, m'oblige de vous exposer comment, ayant pleu à Sa Saincteté m'establir President de leur dernier Chapitre general, j'ay rencontré parmy eux une concorde et une pieté si rare, que j'ay esté touché en moy-mesme d'un particulier sentiment d'obligation de louer infiniment la divine Majesté, qui a communiqué à des hommes mortels une si douce et aymable paix d'esprit..

  A020003114 

 Et baisant tres-reveremment vos sacrées mains, je prie Dieu qu'il vous donne toute saincte prosperité.

  A020003196 

 Or, [330] je ne diray rien des tiltres d'honneur et de faveur dont vous estes si liberale envers moy, sinon que je ne cesseray jamais de vous souhaitter toute sorte de consolation et quelque digne occasion de vous tesmoigner combien je vous honnore..

  A020003197 

 Et affin qu'il vous playse, je ne veux point user de longs discours, ains seulement dire que si vous le faites, vous feres une chose infiniment aggreable a Dieu; car cela suffit a une ame genereuse pour luy faire prendre toutes sortes de resolutions..

  A020003197 

 Je ne vous diray donq pas autre chose sur le dessein que madame [de Dalet], vostre fille, a de se retirer dans le monastere, sinon que je croy fermement que c'est une veritable inspiration divine, ne voyant tout a fait aucune rayson au contraire, puisque, graces a Dieu, elle a de si justes et dignes garens de la personne et biens de ses enfans, pourveu qu'il vous playse, et a monsieur [votre mari], de vous charger de cette peine.

  A020003200 

 C'est une des plus aymables conditions que vous puissies avoir, je le confesse; mais il faut adjouster une autre grandement pretieuse, qui est de ne point user de vostre authorité maternelle contre cet esprit qui, pour eviter le coup, se desrobe plustost que de parer..

  A020003200 

 Vous me marques, Madame, un defaut de cette fille, qui est qu'elle jure sous equivoque; a quoy, ce me dites vous, vous ne vous entendes point.

  A020003201 

 Et partant, Madame, je vous donne de rechef asseurance de ce que dessus, et signe expres sous la promesse que je vous en fay..

  A020003201 

 Je vous en donne ma parole plus clairement: je n'ay nulle authorité sur les Monasteres de la Visitation qui sont hors de mon diocese, de sorte que je ne puis m'obliger sinon a ne point consentir, ains a faire tout ce que je pourray, non point par authorité, mais par credit que j'espere d'avoir envers les Superieures de ces Monasteres, et particulierement avec madame [Favre], de laquelle je suis grandement certain qu'elle suivra en cela ma direction.

  A020003201 

 Mais quant a moy, Madame, je vous proteste que je n'use point d'equivoque quand je vous prometz en bonne foy que, demon costé, je ne consentiray point que madame [de Dalet] prenne l'habit de la Visitation que quand, par une veritable attestation, j'auray esté asseuré de vostre consentement: de cela je vous prie de le bien croire.

  A020003210 

 Vous ne vivres pas moins au gré de l'Espoux celeste, qui ne prend pas garde a l'exterieur et duquel vous ne seres pas moins [bien] veuë en verité, bien que l'apparence sera moindre.

  A020003211 

 Attaches vous bien, ma tres chere Fille, a la Croix de Jesus Christ, qui pour vous a souffert une si grande contradiction contre soy mesme; il soit vostre seule mire et son aggreement vostre unique consolation..

  A020003213 

 Je suis sur mon depart de cette cour, mays je vous escriray soudain que je seray a Annessi, ou j'attendray a chaque commodité de vos lettres pour sçavoir en quel estat seront vos saintes affaires, ne me pouvant empescher d'estre grandement touché du desir de vostre consolation et sur tout de vostre perfection..

  A020003225 

 Et tandis, je vous asseure que je n'ay nullement oubliee la priere que je vous fis a mon depart, de prendre resolution sur l'affaire de Dumont par l'advis de nos amis; et ce fut la premiere chose que je luy dis quand il vint icy.

  A020003225 

 Je vous escrivis hier; aujourdhuy je redis que j'espere, dans huit ou 9 jours, partir pour mon retour.

  A020003225 

 Mays par ce que, d'un costé vous m'escrivies d'une sorte [334] qu'il sembloit que vous n'avies pas faite une resolution finale, et que d'ailleurs il se sousmettoit a l'examen de la cause, je luy dis que, estant arrivé, nous considererions de rechef son affaire, et que si ce n'estoit point chose contraire a l'equité, nous aurions soin de ne point le precipiter dans la demission de sa charge..

  A020003228 

 Je vous salue tres humblement, et tous nos freres et amis, avec nos seurs et amies.

  A020003242 

 J'appreuve, ma chere Fille, ce que vous me proposes, de tirer de Montferrant ma chere grande Fille, quoy qu'elle soit actuellement Supérieure, pour l'envoyer [336] occuper vostre place a Dijon, d'ou vous ne partires point, ma chere Fille, qu'elle n'y soit establie..

  A020003252 

 Oh! que je serois heureux si d'icy a un an ou deux je pouvois tellement partager avec vous ma charge, que je peusse tenir la partie de Magdeleine, et vous celle de Marthe! Non certes que je desire celle de Magdeleine parce qu'elle est meilleure; mais parce que, si je pouvois estre un peu en repos aux pieds de Nostre Seigneur, il m'est advis que j'apprendrois certaines choses que je pourrois laisser tres utilement a la posterité par escrit, selon l'exhortation que tant de gens de bien m'en ont fait.

  A020003275 

 Celles-ci proclament avec tant d'affection les vertus accordées par la Bonté divine à Votre Altesse, qu'elles vous tiennent toujours présente au souvenir de ceux qui, en tout respect, jouissent de leur auguste société, comme je l'ai fait ces deux derniers mois.

  A020003276 

 C'est pourquoi j'espère, Madame, que vous daignerez m'excuser et que vous n'attribuerez pas à présomption cette marque de confiance..

  A020003277 

 Je vous renouvelle mes très humbles hommages et je demeure à jamais,.

  A020003316 

 J'estois malade en Piemont quand je receu vostre lettre du 27 may; maintenant, de retour au lieu de ma residence, je vous remercie tres humblement de la souvenance que vous aves de moy qui, reciproquement, ay gravé en mon ame le respect que je doy a vostre vertu [342] et pieté, tesmoignee, de vray, par l'assistence que vous fistes a madame de Gouffier pour la reception des Filles de Sainte Marie de la Visitation..

  A020003317 

 Ensuite dequoy je voudroys bien, je vous asseure, Monsieur, vous rendre quelque utile service en toutes occasions, mays en particulier pour la consolation de madamoyselle vostre fille, et mesme ayant receu une si grande recommandation et si puissante, comm'est celle de Monseigneur le Duc de Nemours qui m'escrit ardemment pour vostre intention.

  A020003317 

 Et partant, j'escritz a la Superieure delaquelle vous vous plaignies, qu'autant qu'il se pourra bonnement faire selon Dieu, elle contente vostre desir, en consideration de celuy que j'ay tres ardant de vous rendre service.

  A020003318 

 Que si [343] quelqu'un vous a dit le contraire, il a eu tort, de moy qui sçai, des le tems mesme que vous me marques et duquel la memoire m'est si douce, quand j'avois le bonheur d'estre avec vous au college, que veritas non quærit angulos, et qu'il ny a nulle finesse au vray service de la pieté..

  A020003319 

 Et quant aux fraitz que vous aures faite pour l'essay, qui n'auront pas esté employés pour la personne propre de celle qui l'a fait, je croy que vous n'en aures pas du refus..

  A020003320 

 En somme, puisque vous m'aves fait lhonneur de m'aymer des il y a si long tems, je vous supplie tres humblement de continuer tous-jours, Monsieur, et de croire que de tout mon cœur je seray toute ma vie.

  A020003337 

 Helas! que vous aures bien eu de la patience en l'attente de la response..

  A020003339 

 J'espere qu'en fin celuy qui s'estoit chargé de vous si bien accommoder s'empressera de satisfaire a vostre juste desir et a sa conscience..

  A020003339 

 Je me res-jouys dequoy vous aves un si bon Pere spirituel et un si bon confesseur; cela vous doit soulager au desplaysir que les incommodités de vostre logis vous doivent donner.

  A020003352 

 Il est vray que des il y a long tems je me suis apperceu des desirs que plusieurs de vos Filles avoyent de la reformation; et, tout autant que la conscience me l'a peu permettre, je vous l'ay signifié de tems en tems.

  A020003353 

 Mon inclination estoit que l'on attendist de faire celuy ci jusques a ce que l'ordre en fust venu de Rome, affin qu'il y eust moins de resistance; la ferveur de la charité de quelques unes ou, si vous voules, l'ardeur de la propre volonté des autres, a fait choisir un autre moyen qui leur sembloit plus court; il ne faut pas pour cela le rejetter, ains il faut y contribuer tout ce que la sainte, sincere et veritable charité nous suggerera.

  A020003354 

 Madame ma tres chere Cousine, ma Fille, que cette affaire ayt esté entreprise, je le sceu le jour avant mon depart de cette ville; que l'on en soit venu a l'execution, je le sceu en Argentine; mais vous aves esté la premiere qui m'aves donné connoissance de la particularité, bien que despuis j'en aye appris encor davantage.

  A020003366 

 Il suffira que je responde aux principales demandes que vous m'aves faites..

  A020003366 

 Je suis de retour, et en santé, ma tres chere Mere, mais sans loysir de vous faire long discours.

  A020003368 

 Je me res-jouis de quoy vous estes logees a vostre gré.

  A020003372 

 Je suis bien ayse du contentement que vous aves de nostre Seur Françoise Augustine et de nostre Seur Parise, comm'aussi je plains beaucoup l'esprit de nostre Seur Valeret qui n'a sceu s'accommoder a l'Institut.

  A020003373 

 Je vous ay escrit cy devant sur le sujet des bienfaitrices, lesquelles, comme vous, je ne voudrois pas estre en grande quantité; mais pourtant cela se doit ordonner par la charité et par la discretion.

  A020003373 

 Quant a madamoyselle de Vigny, puisque c'est un si bon esprit comme vous m'escrives, on pourra luy permettre ce qu'elle desirera; [352] mais dores-en avant il ne faut pas recevoir de ces bienfaitrices qui desirent tant de conditions..

  A020003377 

 Je vous supplie, ma tres chere Mere, de saluer cordialement de ma part madame de Tolongeon, ma tres chere [354] fille, et, quand l'occasion s'en presentera, monsieur le Baron de Chantal vostre filz, et monsieur de Tolongeon vostre beaufilz..

  A020003378 

 Ma tres chere Mere, je vous escris de la main de monsieur Michel jusques a present, que j'acheve de tout mon cœur, vous priant de me tenir tous-jours pour ce que je suis, ainsy que vous sçaves vous mesme,.

  A020003380 

 Vous fistes excellemment de recevoir la femme que Monseigneur de Langres vous addressoit: Bienheureux sont les misericordieux, car Dieu leur fera misericorde.

  A020003381 

 Au premier jour je vous escriray plus au long.

  A020003397 

 Je voy clair, ce me semble: Dieu, qui vous appelle si misericordieusement au monastere de la Visitation pour son pur amour, vous ouvre le chemin et facilite librement vostre entree; c'est pourquoy je vous dis hardiment: Sortes maintenant du monde en effect, puisque des-ja vous en estes dehors d'affection..

  A020003398 

 En charges vous vos pere et mere? Non, vous ne les charges pas tant que vous les descharges, puisque c'est selon leur gré et a leur souhait que cela se fait..

  A020003398 

 Quelle plus legitime descharge pouves vous faire de la personne et des biens de vos enfans, que de les remettre entre les mains de monsieur vostre pere et de madame vostre mere? Et n'est ce pas un trait visible et palpable de la Providence divine pour ce sujet, que cela se puisse faire avec l'aggreement, ains avec le desir de cette mere, jadis si jalouse de vostre presence au monde? Il m'est [356] advis, certes, ma tres chere Fille, que Dieu luy mesme jette des fleurs et des parfums aux chemins de vostre retraitte, affin qu'elle se face avec plus de douceur et que les plus coquilleux l'appreuvent et benissent; car, que peut on dire? Que vous laisses vos enfans? Ouy; mais ou les laisses vous? Entre les bras de leur [premier] pere et de leur premiere mere.

  A020003399 

 Ainsy que vous me descrives tout cest affaire, je n'y voy nulle sorte de difficulté sinon pour la chere petite fille, que la grand'mere retirera de la Religion dans la nourriture du monde; car quant au garçon, aussi bien dans deux ou trois ans ne le pouves vous plus garder dans vostre giron, ni le nourrir de vostre nourriture, ains de la nourriture du college ou de la cour.

  A020003399 

 Cecy est vray, je vous asseure, ma tres chere Fille: il arrive quelquefois que les jeunes enfans eslevés en Religion en rejettent par apres la sujettion, comme les chevaux que l'on charge trop tost de la selle.

  A020003400 

 Je dis donq simplement que je ne voy rien qui vous doive retenir au monde, non pas mesme le presage de la future vocation de vostre fille, qui, estant encor incertain, ne doit pas estre preferé a la certitude de vostre appel, lequel vous deves donq suivre soigneusement, fortement, diligemment, mais sans empressement et sans inquietude..

  A020003401 

 Dieu, qui a commencé en vous ce saint œuvre, le veuille bien accomplir *, affin qu'apres vous avoir tiree, conservee et entretenue dans le monastere de la Visitation en cette vie, il vous appelle dans le monastere eternel de la perpetuelle Visitation en la vie future.

  A020003412 

 Ma Fille, gardes vous bien de correspondre en sorte quelconque a ces bonnes Seurs ni a leur fondatrice, sinon par une tres invariable humilité, douceur et naïfveté de cœur.

  A020003412 

 Ne vous defendes nullement, ma tres chere Fille; ce sont propres paroles du Saint Esprit, escrittes par saint Paul.

  A020003413 

 Aymes bien Dieu, et pour l'amour de Dieu toutes creatures, notamment celles qui vous mespriseront, et ne vous mettes point en peine..

  A020003413 

 Il est vray, elles sont plus que vous: mays les Seraphins mesprisent ilz les petitz Anges? et au Ciel, ou est l'image sur laquelle nous nous devons former, les grans Saintz mesprisent ilz les moindres? Mais apres tout cela, en somme, qui plus aymera sera le plus aymé, et qui aura le plus aymé sera le plus glorifié.

  A020003425 

 apres mille faveurs receuës, et certes dix mille consolations, non seulement de la part de Madame, de Leurs [360] Altesses et de ces rares Princesses, mais de plusieurs bonnes ames; entre lesquelles je vous dis, ma tres chere Mere, que l'Infante cadette, Madame Françoise Catherine, est entierement tres bonne et tres pleine de vertu, de bonté et de sainte naïfveté.

  A020003434 

 Nos Seurs vous auront escrit que l'on a envoyé [362] des Seurs a Belley; et je vous dis que dans peu de tems il en faudra pour Chamberi..

  A020003436 

 Ne vous defendes point, mes tres chers freres, dit saint Paul.

  A020003464 

 Puis donq que vous aves l'obedience de vos Superieurs, vous n'aves [365] pas dequoy apporter du retardement a son execution.

  A020003464 

 Si j'avois, comme vous, a esperer une reforme, je ne pourrois voir asses tost l'heure que j'y fusse.

  A020003472 

 Ce pendant, puisque le R. P. General desire que vous aillies avant toutes choses a Paris, je le treuve bon aussi, tandis que quelqu'un de vos Peres pourra venir, pour ne point retarder l'effect de l'esperance que nous avons de voir vostre Congregation establie a Rumilly.

  A020003472 

 Mays je [366] m'addresseray au P. Tiersaut soudain que la lettre de Son Altesse au P. General m'aura esté rendue; et en attendant je vous prie de luy donner cet advis, affin que [je] puisse tous-jours commencer a donner l'ordre quil jugera convenable pour cett'affaire.

  A020003473 

 Je prie Dieu, mon Reverend Pere, quil vous face de plus en plus croistre en son saint amour, qui suis.

  A020003506 

 J'ay tous-jours desiré de vous escrire, ma tres chere Fille, des que j'ay receu vostre lettre, mais je n'ay presque sceu parmi le tracas auquel je me suis treuvé..

  A020003507 

 Ce pendant, vous treuveres sa divine Bonté au lieu ou vous estes, et le benires encor dequoy il a donné le dessein et le courage a vos Seurs de l'aller benir au lieu ou elles sont.

  A020003507 

 Je les verray avant mon retour, si je puys, et vous en feray sçavoir des nouvelles, desirant, soudain que je seray revenu, d'aller la haut visiter madame l'Abbesse ma cousine, et vous [370] voir toutes, grandement content si je puis en quelque sorte vous donner a toutes quelque saint contentement, qui suis de tout mon cœur, ma tres chere Fille,.

  A020003507 

 Maintenant, sur mon depart pour Belley, je vous diray que je suis grandement consolé de voir vostre esprit presque en indifference pour aller a Rumilly ou pour demeurer au lieu ou vous estes.

  A020003507 

 Vous ne vous deves donq nullement inquieter, ains demeurer en paix; les jours vous apprendront si Dieu desire que vous facies autre chose.

  A020003524 

 Et bien que je vous escrive maintenant, c'est parmi tant de tracas, qu'encor ne sçauroys-je bien m'aquiter de ce devoir, estant botté et pret a monter a cheval pour aller a Belley, ou Monseigneur nostre bon Evesque m'attend, pour partir, soudain apres que je l'auray salué, pour aller a Paris..

  A020003524 

 J'ay demeuré troys moys en Piemont pendant lesquelz on a receu icy et gardé vos lettres, de sorte que ce n'est pas merveille si vous n'en aves pas eu de moy, ni la response, ni le remerciment que je vous en doys.

  A020003525 

 Qu'ay a vous dire la dessus, mon tres cher Frere, ni a madame la vefve, ni a nostre chere seur Bonaventure? Dieu aura des-ja visité vos cœurs de ses saintes inspirations, et vous aura dit interieurement les saintes paroles de sa consolation..

  A020003526 

 De vous dire que je participe a tous vos biens et a tous vos maux, cela, ce crois-je, est superflu.

  A020003529 

 et a ces deux cheres dames que je vous viens de nommer,.

  A020003541 

 Nous avons esté icy, au moins moy, Madame ma tres chere Fille, entre la crainte et l'esperance pour le sujet duquel j'ay sceu despuis peu que lé seul desplaysir vous estoit demeuré.

  A020003543 

 Beni soit Dieu, qui a fait la grace a celuy duquel nous [373] ressentons l'absence, de luy donner le loysir et la commodité de se bien disposer pour faire le voyage heureusement! Mettes vostre cœur, je vous prie, ma tres chere Fille, au pied de la Croix, et acceptés la mort et la vie de tout ce que vous aymes, pour l'amour de Celuy qui donna sa vie et receut la mort pour vous..

  A020003544 

 Au reste, rien ne me pouvoit empescher de vous rendre le contentement que vous desires de moy, sinon le devoir que j'ay au service de Nostre Seigneur et de l'Eglise; lequel s'estant treuvé favorable a vostre souhait, j'ay esté extremement consolé de vous pouvoir donner satisfaction, comme je feray en tout ce qu'il me sera possible.

  A020003545 

 Au demeurant, je ne vous asseureray pas de mon service fidele en cette occasion: il vous a esté dedié une fois pour toutes fort entierement, et je vous supplie de n'en jamais douter, non plus que du soin que j'auray d'assister des Sacrifices que je presente a Dieu l'ame de ce digne chevalier, les merites duquel je veux a jamais honnorer, avec tout ce qu'il a laissé de plus cher icy bas..

  A020003558 

 Voyla une lettre de Son Altesse Monseigneur le Duc de Savoye, par laquelle il vous prie d'envoyer de vos Peres pour prendre l'eglise de Rumilly, laquelle, quant a la cure, est des-ja au Pere de Saunaz.

  A020003559 

 Je joins ma tres humble supplication a la priere qu'elle vous fait, et vous prometz toute l'assistence et tout le service que je pourray rendre a ce dessein, que j'embrasse de tout mon cœur pour le bien de mon diocæse et pour lhonneur que je porte a vostre personne et a vostre Congregation.

  A020003559 

 Nous attendrons donq que vous envoyies au plus tost deux Peres, pour, sur le lieu, prendre les resolutions convenables a l'acheminement de ce saint œuvre.

  A020003560 

 En foy dequoy je vous dis d'abord, que je voudroys qu'en tout et partout vostre douceur et humilité tint fermement ses adventages sur vos adversaires, en consideration de ce quilz sont dans l'Eglise, et qu'ilz portent le manteau, ou du moins le nom du manteau d'Helie, comme vou (sic) dites; qui est le premier trait que j'ay treuvé un peu trop penetrant, et que je desirerois estre rayé, affin qu'autant quil sera possible on ne voye chose quelcomque dans vos Discours qui ne ressente parfaitement la cordiale dilection et le support tres suave du prochain..

  A020003560 

 Je le liray attentivement et tres affectionnement, et dans peu de jours je vous diray candidement ce qu'il m'en semblera, puis que vous le desires.

  A020003561 

 Mays je reserve a vous dire plus au long mes pensees quand j'auray tout leu, et je voudrois bien encor avoir veu tous les escritz qui se sont divulgués, qui ont donné sujet ou occasion au vostre; car j'en ay seulement eu [376] quelque vent par la communication de nostre Monseigneur de Belley et du tres Reverend General des Feuillans.

  A020003561 

 Vous m'obliges certes trop et me tesmoignes un'estime tout a fait au dessus de tout ce que je suis, de me faire part de vos besoignes, que j'admire infiniment en ce commencement, et que j'admireray tous-jours plus avec amour au progres que je feray de leur veue; qui suis, Monsieur, tres invariablement,.

  A020003585 

 Dieu soit loué, ma tres chere Fille, de tout ce que vous m'escrivites le 2 de septembre.

  A020003585 

 On m'a dit de divers endroitz qu'il passera icy, et je le recevray en la simplicité de mon cœur, selon nostre petitesse, avec la confiance que vous me dites que je luy doy tesmoigner; mais pourtant, je n'ay encor point de certaine asseurance de cet honneur.

  A020003586 

 A Dieu encor la louange de l'exercice que sa providence vous donne par cette affliction de maladie, qui vous rendra sainte, moyennant sa sainte grace; car, comme vous sçaves, vous ne seres jamais espouse de Jesus glorifié, que vous ne l'ayes premierement esté de Jesus crucifié, et ne jouires jamais du lit nuptial de son amour triomphant, que vous n'ayes senti l'amour affligeant du lit de sa sainte Croix.

  A020003596 

 Or sus, vous voyla donq en œuvre pour le bon gouvernement de ce nouveau Monastere qui, moyennant la grace de Dieu, vous reüscira heureusement, tandis qu'en nostre Chamberi on en disposera un autre.

  A020003596 

 Or, quand tout sera resolu et qu'on aura pourveu a tout le commencement, alhors il sera force de vous y avoir..

  A020003597 

 Et vous deves vous reposer en cela, ma tres chere Fille, et aggrandir tous les jours vostre cœur et vostre courage en une parfaite confiance du secours celeste, puisque cette divine Providence n'employe jamais les ames a des [381] choses grandes et difficiles, qu'il ne leur veuille quant et quant departir sa tressainte assistence..

  A020003597 

 Vous voyes donq bien, ma tres chere Fille, que Dieu vous appelle a beaucoup de peynes, d'abnegations de vous mesme et de choses aigres, affin que, sans difference de lieux, de nations et de personnes, vous servies a la dilatation de sa gloire purement et simplement, sans aucun autre interest que celuy de son tressaint aggreement.

  A020003598 

 Je ne cesse point d'implorer le Saint Esprit pour vous, affin qu'il vous eschauffe de plus en plus, et qu'en fin il vous brusle toute du feu sacré de son saint amour, selon lequel je suis totalement.

  A020003610 

 Ce tems expiré, vous pourres prendre un nom si beau et si glorieux.

  A020003610 

 Le nom de la divine Providence est si excellent qu'il merite bien un an de terme, pour voir si vous vous en rendres toutes dignes par vostre perseverance et par le progres que vous feres dans la perfection religieuse.

  A020003632 

 Voyes, je vous prie, vous mesme, ma tres bonne et tres chere Mere, les lettres ci jointes, et voyes s'il y a apparence que, sans vous incommoder beaucoup, vous puissies donner ce contentement tant desiré a ces cheres ames; car, si cela se peut bonnement, pour moy, non seulement j'y consens, mais je le souhaiterois tres volontier, sur tout s'il est vray que venant de Dijon a Monferrant, ce fust vostre passage de voir vostre chere fille; et encor plus, si venant de Monferrant a Lion, c'estoit vostre passage [384] de voir Saint Estienne de Forez.

  A020003635 

 Apres quoy, nous vous dirons pourquoy et comme a present je n'ay nul moyen d'escrire davantage, quoy que [385] je me porte bien, graces a Dieu.

  A020003635 

 Ce porteur, d'un costé, me presse infiniment, affin qu'il vous puisse treuver a Dijon; d'ailleurs, on me presse aussi pour d'autres bonnes affaires, lesquelles je ne puis abandonner.

  A020003641 

 Je vous supplie de saluer vos bonnes vefves; je ne sçay pas leur nom.

  A020003651 

 Je pars avec desplaysir de laisser M. de Blonnay malade, et vous dis seulement que les Peres Barnabites pensent avoir rayson de vouloir nommer aux offices de Contamine, a cause des paroles expresses: « avec toutes charges et honneurs.

  A020003665 

 Je benis de tout mon cœur le sacré nom de Nostre Seigneur de la consolation que sa divine providence donne a vostre ame au lieu ou vous estes et de la constance qu'elle establit en vostre affection.

  A020003665 

 O que vous estes heureuse, et que vous le deviendres tousjours davantage si vous perseveres a marcher en ce chemin! Et combien vous rendres vous parfaittement aggreable a l'Espoux de ces ames qu'il attire sur vostre giron, pour les rendre ses espouses, si vous leur apprenes a regarder seulement les yeux de ce Sauveur, a perdre petit a petit les pensees que la nature leur suggerera d'elles mesmes, pour les faire penser tout a fait en luy..

  A020003666 

 O ma tres chere Cousine, que de benedictions pour vostre esprit que Dieu a destiné pour cultiver et gouverner sa sacree pepiniere! Vous estes la mere, la nourrice et la dame d'atours de ces filles et espouses du Roy: quelle dignité! A cette dignité, quelle recompense, si vous faites cela avec l'amour et les mammelles de mere! Tenes vostre courage fort et ferme en cette poursuite, et croyes tres invariablement que je vous cheris et affectionne sans condition et reserve, comme ma tres chere cousine et fille bienaymee..

  A020003679 

 Faites moy, je vous supplie, cette faveur, Monsieur mon Frere, tandis que je vay en Provence ou Monseigneur le Prince Cardinal doit aller faire la reverence, et ou, visitant les lieux de devotion qui y sont en grand nombre, je prieray Dieu qu'il vous conserve, avec madame ma seur, et benisse tout ce que vous affectionnes; qui suis en toute verité,.

  A020003679 

 Passant icy a Sessel, je me sens obligé d'assister [389] monsieur de Losches, mon cousin, de ma tres humble supplication aupres de vous, affin quil vous playse de le proteger en l'affaire qu'il a devant messieurs de la Chambre des Comtes.

  A020003693 

 A nostre arrivee en cette ville de Lion, vos lettres du 5 de ce mois m'apprennent l'heureuse election que vous aves faite.

  A020003693 

 Hé, que mon ame en benit le Sauveur! Je vous asseure que cette chere Mere est toute selon mon cœur; mais que dis je? je croy qu'elle est tout entierement selon le cœur de Dieu, duquel je desire et j'espere qu'elle recevra tant de benedictions, qu'elle sera elle mesme une Mere de benediction dans nostre cher Institut.

  A020003693 

 Mon cœur le souhaite; ainsy j'en prie Dieu, et vous benis en son nom toutes deux..

  A020003706 

 Au retour d'Avignon, que j'espere faire dans quinze jours, je rendray tous ces devoirs, Dieu aydant, avec mille desirs de me conserver la bienveuillance de ceux a qui je les ay, comm'a vous principalement, Monsieur mon Frere, a qui je donne la nouvelle, si des-ja vous ne l'aves eue, que nostre cher cadet, en fin fut marié par mes mains il y a aujourduy huit jours, avec tous les tesmoignages de reciproque contentement que l'on pouvoit souhaiter es deux parties.

  A020003706 

 Et parce que je me præparois au [392] voyage que je fay maintenant, je ne puys vous rien dire davantage, n'ayant eu le tems d'attendre rien de plus..

  A020003719 

 Vous croires aysement que ce n'a pas esté sans parler souvent de vous, non sans beaucoup de consolation que j'ay receuë de sçavoir que vous vivies tous-jours dans la crainte de Dieu, avec desir de faire progres en la devotion.

  A020003720 

 Comme vous sçaves, je ne suis nullement scrupuleux, et n'appelle pas amusement de vanité sinon la volontaire inclination que nous nourrissons aux choses qui veritablement nous divertissent des pensees et deliberations que nous devons avoir pour la tressainte eternité..

  A020003720 

 Faites le donq, je vous en conjure, ma tres chere Fille, et separés de jour a autre vostre cœur de toute sorte d'amusement de vanité.

  A020003720 

 Vous sçaves, ma tres chere Fille, combien je suis aysé a contenter et combien j'ay de facilité a bien esperer des ames que j'affectionne: c'est des vostre enfance que j'ay une infinie passion pour vostre salut, et que j'ay conceu une grande confiance que Dieu vous tiendroit de sa main, pourveu que vous voulies correspondre a ses faveurs.

  A020003721 

 C'est un grand advantage pour vostre vertu, ma tres chere Fille; faites le bien profiter, et quoy que vostre aage, vostre complexion et vostre santé vous promettent une longue vie, souvenes vous neanmoins qu'aussi pouves vous mourir bien tost, et que vous n'aures rien de plus desirable a la fin, que d'avoir mis un grand soin a recueillir et conserver les faveurs de la Bonté divine..

  A020003721 

 Cette chere Mere m'a raconté la consolation qu'elle a de vous voir avec un si digne mary, duquel vous estes parfaitement cherie.

  A020003744 

 Dieu qui voit les desirs de mon cœur, sçait qu'il y en a de tres grans pour vostre continuel avancement en son tressaint amour, ma tres chere Fille, sur tout maintenant que, selon la disposition de la sainte Providence eternelle, vous voyla mere et conductrice d'une trouppe d'espritz consacrés a la gloire de Celuy qui est l'unique bien auquel nous devons aspirer..

  A020003745 

 Nostre Mere a bien rayson de vous souhaiter une grande humilité, car c'est le seul fondement de la prosperité spirituelle d'une Mayson religieuse, qui n'exalte jamais ses branches ni ses fruitz qu'a mesure qu'elle enfonce ses racines en l'amour de l'abjection et bassesse..

  A020003746 

 Je suis plein de tres bonne esperance, ma tres chere Fille, et vous conjure de prendre de plus en plus confiance en la misericorde de Nostre Seigneur, laquelle vous tiendra de sa sainte main et vous protegera de sa force..

  A020003747 

 Je ne pars pas encor de cette ville et, comme je pense, j'auray encor la consolation de vous escrire.

  A020003759 

 Il explique son indigence en sa requeste, laquelle si vous ne treuves pas convenable d'exaucer, il en præsente une autre, Monsieur mon Filz: c'est qu'il playse a vostre bonté de luy donner une place es gardes du sel, ou en Forest, d'ou il est, ou ailleurs sous vostre authorité..

  A020003759 

 La mesme solemnité de ces grans jours de Noel qui m'oste presque l'esperance de vous voir, me donne l'asseurance de vous faire cette importunité pour ce pauvr'homme que la charité m'oblige d'affectionner, et le bon exemple qu'il a donné de sa foy et de sa probité tandis qu'il a sejourné dans le balliage de Gex, ou il a neantmoins des persecutions dans son innocence.

  A020003760 

 Ces œuvres de pitié sont de sayson en ces jours dediés a l'honneur de la souveraine misericorde que le Filz de Dieu a exercee en sa nayssance pour nostre salut, que je supplie tres humblement de vous estre a jamais favorable, Monsieur, selon le souhait continuel de mon cœur; qui suis.

  A020003776 

 Cette chere damoyselle qui vous porte ce billet est digne d'estre singulierement cherie, parce qu'elle cherit tres affectionnement la divine Majesté de laquelle nous celebrons aujourd'huy la sainte nayssance; mais outre cela, ma tres chere Fille, elle vous ayme saintement, et a desiré que je vous escrivisse par son entremise..

  A020003777 

 Car, que vous diray je de plus, ma tres chere Fille, puisque cette bonne et vertueuse ame vous dira tres amoureusement tout ce qui se passe icy?.

  A020003777 

 Je le fay de tout mon cœur, ma tres chere Fille, sans vous dire autre sorte de nouvelles, sinon que nostre Seur Emmanuelle est toute pleyne de ferveur en la reforme du Monastere de Sainte Catherine qui se fait a Rumilly.

  A020003778 

 vous fera la faveur de vous voir ... dire par lettre et de vive voix ... prose latine qu'il vous donna ... C'est un personnage tout aymable, et qui a une affection toute sincere pour vous et pour vostre Monastere.

  A020003779 

 Vives toute en Dieu, ma tres chere Fille, et pour Dieu, que je supplie vous recevoir dans le sein de sa tressainte dilection, avec toute vostre chere compaignie; qui suis sans fin,.

  A020003815 

 Et vous assure, Monseigneur, que Dieu, qui vient toujours au secours de votre grande fille qui n'est grande qu'en misère, conduit si bien les affaires, que madame de Montfan, sa mère, a blâmé tout le [401] monde et m'a jugée la plus blâmable, [et cependant,] nous sortons toujours l'une d'avec l'autre bonnes amies.

  A020003826 

 Ce que n'ayant effectué jusques à present, et estant ledit temps espiré il y a une piece, ledit S r Prince a voulu que je vous disse de sa part par cette, qu'il sera bien que [402] vous faciez executer les exprditions desja faictes, et mettiez sans autre delay lesdits Peres en possession dudit prieuré..

  A020003826 

 Vous vous ressouviendrez bien comme Monsieur le Prince mon frere, estant en Savoye, vous commit d'assigner le prieuré de Saint Clair aux Peres Bernabites du Colleige d'Annessi, et des oppositions qui y furent apportées par le Baron de Menton, pretendant avoir droict sur ledit prieuré.

  A020003827 

 Ce que m'asseurant vous ferez volentiers, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde..

  A020003859 

 Enfin, voici nos chères colombes dans leur nouvelle retraite, si parfumée des odeurs célestes que quantité de nos jeunes damoiselles prennent en vérité des ailes de colombe pour sortir du déluge du monde et se reposer en cette arche, en la sainte société de celles que vous nous avez envoyées pour adresser les autres dans le chemin du Ciel.

  A020003873 

 Votre jugement, en deux mots, m'a soulagé; il me fallait la hache de ce même jugement, qui honore toutes les autres perfections qui vous honorent, pour retrancher, ainsi que Périclès, sa harangue.

  A020003874 

 Ce n'est point de tout cela que je voulais parler, ains vous souvenir que vous m'avez daigné écrire autrefois: Et voici mon petit peuple qui veut être votre peuple, pourvu qu'il vous plaise que de votre peuple je rende mon peuple.

  A020003874 

 Est-il besoin de vous dire que six filles de bonne volonté soupirent de désir de voir un monastère de la Visitation en cette ville? Alors elles seront entièrement vos filles, s'il vous plaît d'envoyer de celles qui le sont déjà dans votre cher Nicy en notre petit Belley; et alors je dirai à mon tour: Populus [ tuus, populus meus ]..

  A020003879 

 Pourquoi prolongez-vous le temps de notre ennui?.

  A020003880 

 Que ne procurez-vous qu'elle vive aujourd'hui!.

  A020003884 

 Monseigneur, ayez, je vous conjure, pitié de ces souffrantes, faites-les chanter sur un autre air.

  A020003884 

 Vous pouvez penser si les Sœurs que vous nous envoyerez nous seront chères, à l'égal, certes, de la prunelle de nos yeux.

  A020003885 

 J'espère de votre débonnaireté toute autre chose qu'un refus, et [407] vous dirai volontiers un mot de la chanson que j'ouïs dernièrement chanter à quelques filles, en passant par la rue:.

  A020003888 

 Si vous voulez dire: oui!.

  A020003890 

 Mais que direz-vous de votre disciple, qu'il apprenne les chansons des fillettes! Ce sont des couplets innocents aux oreilles et à la mémoire..

  A020003891 

 Il n'en est pas ainsi des miennes, mais vous me pardonnerez volontiers, voyant que la nécessité me rend importun pour cette fois.

  A020003891 

 Lisez dans la grandeur de ma lettre la grandeur de mon désir; assouvissez-le, et ce sera un acte de miséricorde glorieux à vous, mais fructueux et joyeux à moi, qui suis,.

  A020003904 

 L'on a désiré que je vous écrivisse un mot sur ce [408] sujet; commission qui m'est autant chère comme j'honore le sujet qui me l'a fait donner, et révère celui à qui ma plume et mon cœur s'adressent..

  A020003905 

 O Dieu, en vous admirant, j'ai bien quelque disposition d'en tirer des bons désirs; mais je n'ai pas la force de les mettre en effet, jusques à ce que vox Domìni præparantis cervos tonne en mon âme et lui donne puissance d'enfanter tout ce qu'elle conçoit, pour conduire dans la vraie perfection ce qu'il vous a plu de me conseiller quelquefois..

  A020003905 

 Oui, Monseigneur, j'admire tous les jours les travaux que vous prenez pour la gloire de Dieu et pour l'état de son Eglise: plaise à la divine Bonté de les accompagner toujours de cette grâce accidentelle, que, comme les lauriers de ces anciens de la Grèce réveillèrent Thémistocle, ainsi vos labeurs et vos trophées en la cause de la religion et dévotion réveillent quelques esprits généreux de ce siècle, et les tirant hors du profond sommeil, les animent à des pensées et à des actions dignes du temps où nous sommes et des nécessités où l'Eglise est réduite.

  A020003906 

 Cependant, Monseigneur, voici que l'on ne respire en cette ville que d'avoir de vos chères Filles; il ne faut nullement douter que vous favoriserez nos deux prétendantes, attendantes et poursuivantes de ce bonheur tant pourchassé et tant désiré, et les souhaits de toute la ville, de la grâce de Madame de Chantal.

  A020003906 

 Vous avez ici cueilli cette fleur; au moins rendez-nous-en de la graine, et que cette grande ménagère la vienne jeter dans sa terre natale..

  A020004020 

 Pour dignes respects nous vous avons voulu dire par ces lignes que n'envoyez aucune personne a Louven, pour la ratification de la transaction passée avec les RDS Peres Bernabites du College d'Annissy, sans nostre advis et commandement expres; ains vous prolongerez le terme accordé auxdits Peres pour procurer ladite ratification, jusques au mois de may prochainement venant: car tel est le vouloir de S. A..

  A020004021 

 Et nous asseurans qu'ainsy effectuerez tout ce que dessus, [418] prions Nostre Seigneur qu'il vous veuille avoir en sa saincte garde..


21-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXI-Vol.11-Lettres.html
  A021000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A021000186 

 Mon Dieu, que me souhaites vous, ma chere Cousine, au bas de vostre lettre? de la grandeur et prosperité, ce dites vous.

  A021000192 

 Mon Frere, qu'y a il qui vous empesche d'estre saint? et qu'est ce que vous voules que vous ne puissies pour ce [3] sujet? Un pauvre homme peut bien, a la verité, estre saint; mais un seigneur puissant, comme vous estes, peut non seulement l'estre, mais faire tout autant de saintz qu'il y a de tesmoins de ses actions ....

  A021000215 

 Vous le deves faire, car cette action est purement pour Dieu, et c'est pour une devote et tressainte Religion, qui fera beaucoup de fruit en vos quartiers... [5].

  A021000220 

 Alles et benisses Nostre Seigneur de la favorable inspiration qu'il vous a donnee, pour vous retirer de ce grand et large train que ceux de vostre aage et de vostre profession ont accoustumé de suivre, et par lequel ilz arrivent ordinairement a mille sortes de vices et d'inconveniens, et de la, bien souvent, a la damnation eternelle.

  A021000220 

 Au demeurant, pour rendre cette divine vocation fructueuse, et pour plus clairement apprendre l'estat que vous deves choisir, pour la plus grande satisfaction de cette Misericorde infinie qui vous semond a son parfait amour, je vous conseille de prattiquer ces exercices pour ces troys moys suivans:.

  A021000221 

 Ce point icy vous donnera plus de loysir de faire l'orayson et la lecture..

  A021000221 

 Premierement, que vous retranchies quelques satisfactions sensuelles que vous pourries autrement prendre sans offencer Dieu, et que, pour cela, vous vous levies tous-jours a six heures du matin, soit que vous ayes bien dormi ou mal dormi, pourveu que vous ne soyes pas malade, car alhors il faudroit condescendre au mal; et pour faire quelque chose de plus les vendredis, vous vous levies a cinq heures.

  A021000222 

 Item, que vous vous accoustumies a dire tous les jours, apres ou devant l'orayson, quinze Pater noster et quinze Ave Maria les bras estendus en guise de crucifix.

  A021000223 

 Davantage, que vous renoncies aux playsirs du goust, mangeant les viandes que vous pourres avoir a table lesquelles vous seront les moins aggreables, pourveu qu'elles ne soyent pas malsaines, et laissant celles ausquelles vostre goust aura plus d'inclination.

  A021000223 

 Encor voudrois je que quelques fois la semaine vous couchassies vestu..

  A021000224 

 Et si vous estes fidele en la prattique du peu que je vous propose, on pourra juger quel vous series en beaucoup, qui s'exerce aux Religions..

  A021000224 

 L'autre, pour essayer et taster l'aspreté, affin de voir si vous la pourries embrasser et quelle repugnance vous y aures; car cet essay vous est requis pour l'espreuve de la foible inclination que vous aves a la retraitte du monde.

  A021000224 

 Or, ces petites et foibles austerités vous serviront a double fin: l'une, pour impetrer plus aysement la lumiere requise a vostre esprit pour faire son choix; car la deperition du cors en ceux qui ont les forces et la santé entiere, esleve merveilleusement l'esprit.

  A021000225 

 Pries instamment Nostre Seigneur qu'il vous illumine, et luy dites souvent la parole de saint Paul: Seigneur, que voules vous que je fasse? Domine, quid me vis facere? Et celle de David: Doce me facere voluntatem tuam, quia Deus meus es tu.

  A021000225 

 Sur tout, si emmi la nuit vous vous esveilles, employes bien ce tems la a parler seul a seul a Nostre Seigneur sur vostre choix; protestés souvent a sa Majesté que vous luy resignes et laisses en ses mains la disposition de tous les momens de vostre vie et qu'il luy playse les employer a son gré..

  A021000226 

 Ne faites point de faute de faire l'orayson le matin, et le soir, quand vous pourres, une petite retraitte avant souper pour eslancer vostre cœur en Nostre Seigneur..

  A021000227 

 Mais si de ceux la vous estes touché de quelque gloire: Helas! dires vous, que me sert tout ceci a l'eternité? [7].

  A021000228 

 Communies tous les dimanches, et tous-jours avec prieres pour impetrer la lumiere requise; et ces jours la de feste, vous pourres bien visiter, par maniere d'exercice, les lieux saintz des Capucins, Saint Bernard, les Chartreux..

  A021000229 

 Si vous sentes l'inspiration prendre force du costé de la Religion et que vostre cœur en soit pressé, conferes avec vostre confesseur; et en cas que vous prenies resolution, alles disposant le grand pere a cela, affin que, moins qu'il sera possible, l'ennuy et le desplaysir de vostre retraitte ne tombe sur la Religion, et vous seul en soyes chargé..

  A021000230 

 Dieu vous veuille donner sa paix, sa grace, sa lumiere et sa tressainte consolation.

  A021000235 

 Ces quatre lignes vous asseureront que j'ay autant participé a vostre desplaysir qu'amy que vous puissies avoir, et ay infiniment regretté la perte du bon exemple de vertu que cette chere ame donnoit en sa famille et en son voysinage.

  A021000236 

 Que si je pouvois, par quelque bonne rencontre, vous tesmoigner en effect ce que je vous suis, vous auries grand sujet de vous asseurer de la veritable profession que je fays d'estre,.

  A021000246 

 Vous seres, je m'asseure, de ceux la, et selon ce principe, vous acquiesceres doucement et humblement, quoy que non sans sentiment de douleur, a la misericorde dont il a usé envers vostre bonne mere, qu'il a retiree dans le sein de sa bienheureuse eternité, ainsy que les dispositions precedentes nous donnent tout sujet de croire avec autant de certitude que nous en pouvons justement prendre en tel sujet..

  A021000247 

 Or sus, c'est fait: voyla ce que j'avois a vous dire.

  A021000247 

 Pleures maintenant, mais moderes vos pleurs et benisses Dieu; car cette mere vous sera propice, comme vous deves esperer, beaucoup plus ou elle est, qu'elle n'eust sceu l'estre ou elle estoit.

  A021000258 

 Me voyci certes en une grande peine de sçavoir combien vous en aves eu parmi cette forte et fascheuse maladie de laquelle, comme j'espere, vous releves, et dont j'eusse eu infiniment plus de desplaysir, si de toutes partz on ne m'eust asseuré que, graces a Dieu, vous n'aves esté en nulle sorte de danger, et que vous commencies a reprendre les forces et le chemin de la guerison..

  A021000259 

 Mais ce qui me donne plus d'apprehension maintenant, c'est ce qu'on crie, qu'outre le mal que vous aves par les accidens corporelz, vous estes surchargé d'une violente melancholie; car je m'imagine combien cela retardera le retour de vostre parfaitte santé et engendrera de dispositions contraires.

  A021000259 

 Or, c'est icy, Monsieur, ou mon cœur [11] est grandement pressé, et selon la grandeur de la vive et extreme affection dont il vous cherit plus qu'il ne se peut dire, il a aussi une extraordinaire compassion aux vostres..

  A021000260 

 Et s'il vous plaist, Monsieur, dites moy, je vous supplie, quel sujet aves vous de nourrir cette triste humeur qui vous est si prejudiciable? Je me doute que vostre esprit ne soit encor embarrassé de quelque crainte de la mort soudaine et des jugemens de Dieu.

  A021000260 

 Mais, Monsieur, il faut que je vous parle un peu cœur a cœur, et que je vous die que quicomque a un vray desir de servir Nostre Seigneur et fuir le peché ne doit nullement se tourmenter de la pensee de la mort, ni des jugemens divins; car encor que l'un et l'autre soit a craindre, si est ce que la crainte ne doit pas estre de ce naturel terrible et effroyable qui abat et deprime la vigueur et force de l'esprit, ains doit estre une crainte tellement meslee avec la confiance en la bonté de Dieu, que par ce moyen elle en devienne douce..

  A021000263 

 Et bien donq, puisque vous desires d'estre tout a Dieu, pourquoy craindres vous vostre foiblesse, en laquelle, aussi bien, vous ne deves pas mettre aucune sorte d'appuy? N'esperes vous pas en Dieu? Et qui espere en luy sera il jamais confondu? Non, Monsieur, jamais il ne le sera..

  A021000264 

 Je vous conjure, Monsieur, d'appayser toutes les repliques qui se pourroyent former en vostre esprit, ausquelles il n'est besoin de respondre autre chose sinon que [13] vous desires d'estre fidele en toutes occurrences, et que vous esperes que Dieu fera que vous le seres, sans qu'il soit besoin d'essayer vostre esprit s'il le seroit ou non, car ces essays sont trompeurs, et plusieurs sont vaillans quand ilz ne voyent point l'ennemi, qui ne le sont pas en sa presence; et au contraire, plusieurs craignent avant l'escarmouche, ausquelz le danger present donne le courage.

  A021000265 

 Au demeurant, Dieu sçait ce que je voudrois faire et souffrir pour vous voir entierement delivré.

  A021000281 

 Pleust a Dieu que j'eusse autant de liberté que ce porteur en a, pour aller ou je voudrois! vous me verries au moins toutes les annees une bonne fois aupres de vous, avec le contentement que les plus tendres enfans ont d'estre en la presence de leur bonne mere; car vostre [15] bienveuillance et mon affection me rendent cela en vostre endroit.

  A021000282 

 Continués, Madamoyselle ma chere et bonne Mere, continués a servir cette supreme Bonté en sincerité et douceur d'esprit, puisqu'avec tant d'amour et de suavité elle vous y a invitee, et de si bonne heure.

  A021000282 

 Tenes bien rangees vos affections sous celle de ce grand Sauveur, et vous gardés d'en nourrir aucune, sous quel pretexte que ce soit, qui ne soit battue au sceau du Roy celeste.

  A021000283 

 Je suis bien esloigné de cette pureté: pour y parvenir, secoures moy en ce dessein, je vous supplie, par vos prieres et oraysons, ainsy que, de mon costé, je ne presente jamais le tressaint Sacrifice au Pere eternel que je ne luy demande pour vous abondance de son saint et sacré amour et ses plus desirables benedictions, et pour vostre famille..

  A021000291 

 Puisque vous m'aves dit que mes lettres vous consoloyent tous-jours beaucoup, je ne veux perdre nulle occasion de vous en faire avoir, pour vous tesmoigner en quelque [16] sorte l'affection que j'aurois de me rendre utile a vostre ame; a vostre ame, dis je, que je cheris extremement..

  A021000293 

 Quand je commence a vous escrire, je ne pense pas a ce que je vous escriray; mais ayant commencé, j'escris tout ce qui me vient, pourveu que ce soit quelque chose de Dieu, car je sçay que tout vous est aggreable, ayant de beaucoup fortifié l'entiere confiance que mon cœur avoit au vostre en ce dernier voyage, ou je vis bien, ce me semble, que vous avies toute asseurance en moy..

  A021000295 

 Dieu vous tienne en sa sainte protection et vous comble de ses graces..

  A021000302 

 Exercés fort vostre cœur a la douceur interieure et [17] exterieure, et le tenés en tranquillité parmi la multiplicité des affaires qui se presentent a vous.

  A021000302 

 Gardes vous bien fort des empressemens, qui sont la peste de la sainte devotion, et continues a tenir vostre ame en haut, ne regardant ce monde que pour le mespriser, ni le tems que pour aspirer a l'eternité.

  A021000302 

 Que vous diray je? Rien qu'un mot, faute de tems.

  A021000302 

 Sousmettes souvent vostre volonté a celle de Dieu, estant preste a l'adorer autant quand elle vous envoyera des tribulations comme au tems des consolations..

  A021000312 

 Je participe, par compassion, a tant d'aigres douleurs que vous souffres, et ne laisse pas de recevoir beaucoup de consolation dequoy vous les souffres en esprit de resignation.

  A021000313 

 Je prie Dieu qu'il soit tous-jours au milieu de vostre cœur, affin qu'il ne soit point esbranlé parmi tant de [18] secousses, et que, vous faysant part de sa Croix, il vous communique sa sainte tolerance et ce divin amour qui rend si pretieuses les tribulations..

  A021000321 

 Je prie Dieu qu'il benisse vostre cœur, ma chere Fille, et vous dis ces trois motz, selon ma promesse..

  A021000322 

 Vous deves faire cette entreprise de vous bien commander en cela, et vous en souvenir cent fois le jour, recommandant a Dieu ce bon dessein; car je ne voy pas que vous ayes beaucoup a faire pour bien assujettir vostre ame a la volonté de Dieu, sinon de l'addoucir de jour en jour, mettant vostre confiance en sa bonté..

  A021000322 

 Vous devries tous les matins, avant toute chose, prier Dieu qu'il vous donnast la vraye douceur d'esprit qu'il requiert es ames qui le servent, et prendre resolution de vous bien exercer en cette vertu la, sur tout envers les deux personnes a qui vous aves le plus de devoir.

  A021000323 

 Cette vie est courte et elle ne nous est donnee que pour gaigner l'autre; et vous l'employeres bien si vous estes douce envers ces deux personnes avec lesquelles Dieu vous a mise..

  A021000323 

 Mais s'il vous arrive de commettre quelque manquement, ne perdes point courage, ains remettes vous soudain, tout ne plus ne moins [19] que si vous n'esties point tombee.

  A021000323 

 Vous seres bienheureuse, ma chere Fille, si vous faites ainsy, car Dieu habitera au milieu de vostre cœur et y regnera en toute tranquillité.

  A021000330 

 Et pour les bien conserver, tenes vous pres du Sauveur, car son ombre est salutaire pour la naissance et conservation de telz fruitz.

  A021000330 

 Je le supplie qu'il vous tienne de sa sainte main, affin que jamais vous ne vous esgaries de la sainte et droitte voye qu'il vous a monstree.

  A021000330 

 Je vous supplie, ma chere Fille, n'abandonnes jamais le train des saintes resolutions que vous aves faites, car Dieu qui les a donnees a vostre cœur luy en demandera le conte.

  A021000331 

 Par tout, je vous honnoreray de tout mon cœur, vous souhaitant incessamment la grace, paix et consolation de Nostre Seigneur, selon lequel je suis,.

  A021000338 

 Certes, quelle qu'elle soit, elle me donne bien de la condoleance, mays aussi quant et quant de la consolation, puisqu'il dit que Dieu vous l'a envoyee; car, ma tres chere Fille, rien ne sort de cette main divine que pour l'utilité des ames qui le craignent, ou pour les purifier, ou pour les affiner en son saint amour.

  A021000338 

 Ma tres chere Fille, vous seres bienheureuse si vous receves d'un cœur finalement amoureux ce que Nostre Seigneur vous envoye d'un cœur si paternellement soigneux de vostre perfection.

  A021000338 

 Qu'est ce que fait vostre cœur, ma tres chere Fille? Nostre frere m'escrit que vous aves receu quelque sorte [20] d'affliction qu'il ne me nomme point.

  A021000338 

 Regardes souvent a la duree de l'eternité, et vous ne vous troubleres point des accidens de la vie de cette mortalité Ainsy soit il..

  A021000339 

 Ma tres chere Fille, vous aves tous-jours part'a mes chetifves prieres, et tout maintenant je m'en vay offrir vostre cœur bienaymé au Pere celeste, en l'union de celuy de son Filz tres aymé, en la tressainte Messe; qui suis invariablement, ma tres chere Fille,.

  A021000348 

 Immolés souvent vostre cœur a son amour sur l'autel mesme de la Croix en laquelle il immola le sien pour l'amour de vous.

  A021000348 

 Si Dieu vous a rendue plus forte et vaillante a supporter vos adversités, la gloire en soit a sa Bonté, laquelle est tous-jours prompte au secours des ames qui esperent en luy.

  A021000349 

 Et bien que d'un costé vous voyes l'Amour de vostre cœur mort et crucifié entre les cloux et les espines, vous treuverés de l'autre un assemblage de pierres pretieuses pour en composer la couronne de gloire qui vous attend, si, en attendant de l'avoir, vous portés amoureusement celle d'espines, avec vostre Roy qui a tant voulu souffrir pour entrer en sa felicité..

  A021000349 

 Et me resouvenant de cette croix exterieure que vous porties, quand j'eus le contentement de vous voir, sur vostre cœur, aymés bien vostre croix, ma chere Dame, car elle est toute d'or si vous la regardes de vos yeux d'amour.

  A021000349 

 Madame, je ne vous diray pas que vous ne regardies point vos afflictions, car vostre esprit, qui est prompt a repliquer, me diroit qu'elles se font bien regarder par l'aspreté de la douleur qu'elles donnent; mais je vous diray bien que vous ne les regardies pas qu'au travers de la Croix, et vous les treuveres ou petites, ou du moins si aggreables, que vous en aymeres plus la souffrance que la jouyssance de toute consolation qui en est separee.

  A021000350 

 Vous connoistrés bien que mon cœur se dilate en vous parlant, et que c'est une saillie de l'amour qu'il a pour le vostre, que je conjure d'en faire aussi souvent devant Dieu pour impetrer sa misericorde sur moy, qui suis en verité,.

  A021000361 

 S'il vous plaist de renouveller le vœu de continence a la Messe, ainsy que j'offriray le saint Sacrifice, offrés le a mesme tems a Dieu le Pere; et moy, en vostre nom, je [le] luy offriray aussi avec son Filz, le chaste Aigneau, auquel je le recommanderay, pour le garder et proteger envers tous et contre tous, comme aussi le propos de vœu d'obeissance; et l'ayant mis par escrit, vous me le donneres apres la Messe..

  A021000362 

 Que la Vierge, les Anges et tous les Saintz le veuillent accompaigner et recommander a leur Maistre; et priés vostre bon Ange d'estre pres de vous quand vous le feres..

  A021000366 

 Les empressemens d'amour en l'orayson sont bons, s'ilz vous [23] laissent des bons effectz et qu'ilz ne vous amusent point a vous mesme, mais a Dieu et a sa sainte volonté; et en un mot, tous les mouvemens interieurs et exterieurs qui affermissent vostre fidelité envers cette volonté divine seront tous-jours bons.

  A021000367 

 Dieu vous face la grace, ma Fille, de bien absolument mespriser le monde qui vous est si inique: qu'il nous crucifie, pourveu que nous le crucifiions! Aussi les abnegations mentales des vanités et commodités mondaines se font asses aysement; les reelles sont bien plus difficiles.

  A021000367 

 Et vous voyla donq emmi les occasions de prattiquer cette vertu jusques a l'extremité, puisqu'a cette privation est joint l'opprobre, et qu'elle se fait en vous, sans vous et pour vous, mais plus en Dieu, avec Dieu et pour Dieu..

  A021000368 

 Je ne suis pas satisfait de ce que je vous dis l'autre jour, sur vostre premiere lettre, de ces reparties mondaines et de cette vivacité de cœur qui vous pousse.

  A021000368 

 Ma Fille, prenes donq a prix fait de vous mortifier en cela; faites souvent la croix sur vostre bouche, affin qu'elle ne s'ouvre que de par Dieu.

  A021000379 

 Ne vous troubles point pour vos secheresses et sterilités, ains consoles vous en vostre esprit supérieur, et vous souvenes de ce que Nostre Seigneur a dit: Bienheureux sont les pauvres d'esprit; bienheureux sont ceux qui ont faim et soif de justice.

  A021000385 

 On vous a rompu la foy donnee; celuy qui l'a rompue en a le plus grand mal.

  A021000385 

 Que je suis marry, ma tres chere Fille, dequoy je n'ay point receu vos dernieres lettres! Mais nostre chere M me N. [25] m'ayant communiqué l'estat de vos affaires, je vous dis de tout mon cœur, c'est a dire de tout ce cœur qui cherit uniquement le vostre, que vous ne vous opiniastries point a plaider.

  A021000385 

 Voules vous, pour cela, vous occuper d'une si fascheuse occupation comme est celle d'un mauvais proces? Vous ne seres que tres mal vengee si apres avoir receu ce tort vous perdes vostre tranquillité, vostre tems et le train de vostre interieur.

  A021000385 

 Vous ne sçauries tesmoigner plus de courage que de mespriser le mespris..

  A021000385 

 Vous y consommeres vostre tems inutilement, et vostre cœur encor, qui est le pis.

  A021000386 

 » Et vous: Hé! je diray donq tant plus confidemment: Mon Espoux, mon Amour, qui est au Ciel..

  A021000387 

 Conservés vostre tranquillité, et sçachés bon gré a la Providence divine qui vous ramene au port duquel vous vous esloignies, comme vous pensies faire; en lieu de navigation, vous eussies peut estre fait un grand naufrage..

  A021000388 

 Receves cest advis d'une ame qui vous cherit tres purement et sincerement, et je prie Dieu qu'il vous comble de benedictions..

  A021000394 

 Sur la premiere partie de la lettre que vous aves escritte a madame N., et que vous aves desiré m'estre [26] communiquee, ma tres chere Fille, je vous diray que si monsieur N. ne vous faysoit point d'autres allegations que celle que vous marques et [s'] il avoit affaire devant nous, nous le condamnerions a vous espouser sous des grosses peynes; car il n'y a pas rayson que, pour des considerations qu'il a peu et deu faire avant sa promesse, il veuille maintenant rompre parole.

  A021000395 

 Au demeurant, ma tres chere Fille, le desir que j'ay eu de vous dissuader [de] la poursuitte de ce mauvais proces n'avoit pas son origine de la desfiance de vostre bon droit, mays de l'aversion et mauvaise opinion que j'ay pour tous les proces et toutes les contentions.

  A021000396 

 Voyes vous, ma tres chere Fille, j'estime qu'en vraye verité le mespris du mespris et le tesmoignage de generosité que l'on rend par les desdains de la foiblesse et inconstance de ceux qui rompent la foy qu'ilz nous ont donnee, c'est le meilleur remede de tous.

  A021000397 

 Avec tout cela, neanmoins, ce sont mes sentimens generaux, lesquelz peut estre ne sont pas propres pour l'estat particulier auquel vos affaires se treuvent; et suivant un bon conseil pris sur la consideration des particulieres circonstances qui se presentent, vous ne pouves pas faillir.

  A021000397 

 [27] Je prieray donq Nostre Seigneur qu'il vous donne une bonne et sainte issue de cest affaire, affin que vous abordies au port d'une solide et constante tranquillité de cœur, qui ne se peut obtenir qu'en Dieu, au saint amour duquel je souhaitte que de plus en plus vous fassies progres..

  A021000398 

 Dieu vous benisse de ses grandes benedictions, ma tres chere Fille; c'est a dire, Dieu vous rende tres parfaitement toute sienne.

  A021000405 

 Continues a souffrir ces petites disettes et pauvretés spirituelles que Nostre Seigneur en sa bonté permet arriver en vostre ame, car ce n'est que pour l'affermir et rendre solide, tandis que, par resolution, vous vous attachés a sa divine Majesté, sans entremise d'aucune sorte de consolation.

  A021000406 

 Tenes vous bien pres de Nostre Seigneur et le supplies qu'il soit vostre predicateur luy mesme ce Caresme.

  A021000414 

 Au demeurant, ma tres chere Fille, humilies vous souvent devant Dieu et a toute creature pour l'amour de Dieu.

  A021000414 

 Et par ce que le cœur fidele se connoist es rencontres, employes bien toutes les occasions qui se presenteront de vous associer doucement aux personnes moins relevees; traittes les amiablement, uses envers elles de paroles courtoyses et de cordialité.

  A021000414 

 Vous seres bienheureuse si vous aves quelque repugnance a vous apprivoyser, esgaler et associer a quelques personnes, car en surmontant la repugnance, vostre humilité en sera plus excellente..

  A021000415 

 J'espere que l'œuvre de sa divine Majesté encommencee en vostre cœur sera [29] parfaitte un jour, et qu'eternellement vous luy en rendres gloire..

  A021000415 

 Soyes vaillante, et tenes vostre cœur haut et eslevé en Dieu; ne vous estonnes point de vous sentir foible, car moyennant que vous invoquies Dieu, il sera vostre force pour bien et diligemment executer le desir que vous aves de ne vivre qu'en luy.

  A021000416 

 Et tandis, a jamais je cheriray et honnoreray vostre cœur de tout le mien, vous souhaitant toute sainteté et benediction.

  A021000423 

 Dieu vous a visitee pour preuve de vostre constance et fidelité.

  A021000424 

 Madame, vous estes sa fille, vous protestes tous les jours et le pries que sa volonté s'accomplisse en la terre comme au ciel; que vous reste il a faire, qu'a vous resoudre courageusement a consoler monsieur vostre espoux et a vous conduire en ce pelerinage par les voyes qu'il plaira a la Majesté divine de vous tracer?.

  A021000425 

 Luy vous doit estre pour filz, pour pere, pour mere, pour frere, pour tout, en la presence duquel si vous vives tous-jours en innocence, au moyen de la grace vous obtiendres un jour le Paradis auquel regne cette ame bienheureuse de ce petit innocent, auquel je porte plus d'envie que de compassion, sachant qu'il void la face de [30] Dieu, comme fait son Ange qui avoit esté commis a sa tutelle.

  A021000432 

 Dieu soit au milieu de vostre cœur, ma Fille, et vous soit unique et parfait Consolateur en cest inopiné accident de cette bonne et vertueuse seur, laquelle, sans aucun esbranslement precedent de sa santé, est tombee en un moment a la mort, mais, comme nous devons esperer, entre les mains de la misericorde de son Sauveur.

  A021000433 

 Je veux bien que vous pleuries pour cette perte, car c'est la rayson; mais je desire bien aussi que vous ne pleuries pas desordonnement, et qu'en cette occasion vous tesmoignies que vous aves des-ja tant proffité en la vertu, que vous aves plus de fondement sur l'eternité que sur l'image de ce monde.

  A021000433 

 Vous series trop temeraire, ma tres chere Fille, si vous pretendies d'estre exempte des secousses que l'inconstance et misere de cette vie donne de tems en tems aux hommes.

  A021000442 

 Je ne m'estonne point que vous ayes esté estonnee et que vous n'ayes pas si tost sceu retreuver vostre cœur pour le rapporter a son Sauveur.

  A021000450 

 Il faut bien vrayement, ma chere Fille, qu'avec un peu de loysir vous taschies de soulager ce cœur paternel, comme une fille nourrie en l'eschole de Jesus Christ doit faire.

  A021000450 

 Je ne veux pas, ma chere Fille, que vous desiries nullement la mort, car vous n'estes plus vostre, ains a Celuy qui, pour vous avoir faite sienne, s'est rendu [33] tout vostre; et partant il ne vous appartient pas de desirer ni de sortir de ce monde, ni d'y demeurer, ains vous deves laisser ce soin au Seigneur..

  A021000452 

 En somme, ma chere Fille, releves le plus que vous pouves vostre cœur en Dieu, et il vous consolera..

  A021000459 

 Pour moy, ma tres chere Fille, je ne veux point vous presenter d'autre consolation que Jesus Christ crucifié, a la veuë duquel vostre foy vous consolera; car apres cette mort du Sauveur, toute mort est heureuse a ceux qui, comme le deffunt duquel je parle, meurent au [34] giron et avec le secours de la sainte Eglise; et quicomque se glorifie en la mort de Nostre Seigneur, jamais il ne se desolera en la mort de ceux qu'il a rachetés et receus pour siens..

  A021000461 

 J'ay accoustumé de dire a toutes les ames qui s'addressent a moy, mays je vous le dis tres particulierement a vous qui estes si particulierement ma fille, qu'il faut eslever le cœur en haut, ainsy que dit l'Eglise au saint Sacrifice.

  A021000461 

 Vives avec des pensees genereuses et magniques qui vous tiennent attachee a cette eternité et a cette sacree Providence, qui n'a disposé ces momens mortelz que pour cette vie eternelle.

  A021000462 

 Je vous escris bien pressé et avant qu'avoir veu pas un de messieurs vos parens; et ce sera presque ordinairement que je vous escriray de mesme façon, puisque je ne veux perdre l'occasion.

  A021000472 

 Au moins me permettres vous que je tienne celuy que j'y ay, et qu'a mesure que ces parens temporelz vous vont manquant, l'affection plus que paternelle que je vous porte et que je vous ay dediee fort fidelement s'aggrandisse en tendreté et ardeur sainte..

  A021000472 

 Que si mes prieres luy peuvent accelerer ce bien, je les luy prometz de bon cœur, et si je pouvois tenir son rang en vostre amitié, je le vous demanderois de bon cœur aussi.

  A021000473 

 Vrayement, je pleure aussi bien, moy, en telles occasions, et mon cœur, de pierre es choses celestes, jette des eaux pour ces sujetz; mais, Dieu soit loué! tous-jours doucement et, pour vous parler comme a ma chere fille, tous-jours avec un grand sentiment d'amoureuse dilection envers la providence de Dieu; car despuis que Nostre Seigneur a aymé la mort et qu'il a donné sa mort pour objet a nostre amour, je ne puis vouloir mal a la mort ni de mes seurs, ni de personne, pourveu qu'elle se fasse en l'amour de cette mort sacree de mon Sauveur.

  A021000482 

 Il y a sans doute des chemins plus excellens, mais non pas pour vous; et l'excellence du chemin ne rend pas excellens les voyageurs, ains leur vistesse et agilité.

  A021000482 

 Mais vous, ma tres chere Fille, vous aves un grand sujet de louer Dieu qui, avec une providence fort speciale, ne vous a pas seulement donné la volonté de rapporter vos jours mortelz a celuy de l'immortalité, mais vous a marqué le lieu, les moyens et la façon avec laquelle vous deves appliquer le reste de ces momens perissables a la conqueste de la tressainte eternité.

  A021000482 

 N'en doutes jamais, ma tres chere Fille, la vraye lumiere du Ciel vous a fait voir vostre chemin; elle vous conduira par iceluy fort heureusement.

  A021000482 

 Tout ce qui vous voudra destourner de cette voye, tenes le pour tentation d'autant plus dangereuse que peut estre elle sera specieuse.

  A021000490 

 Je respons a vostre lettre du 2 de ce mois plus tard que je ne desirois, attendu la qualité de l'advis et du conseil que vous me demandes; mais les grandes pluyes ont empesché les voyageurs de se mettre en campagne, au moins n'ay je point eu de commodité asseuree jusques a celle ci..

  A021000491 

 L'advis que la bonne cousine vous donna si constamment, de demeurer en vous mesme au service de monsieur vostre pere et en estat de vous consacrer par apres cœur et cors a Nostre Seigneur, estoit fondé sur une grande quantité de considerations tirees de plusieurs circonstances de vostre condition; c'est pourquoy, si vostre esprit se fust treuvé en une pleine et entiere indifference, je vous eusse sans doute dit qu'il failloit suivre cet advis la, comme le plus digne et le plus propre qu'on vous sceust proposer, car, sans difficulté, il eust esté tel.

  A021000491 

 Mays puisque vostre esprit n'est nullement en l'indifference, ains totalement penché au choix du mariage, et que nonobstant que vous ayes recouru a Dieu vous vous y sentes encor attachee, il n'est pas expedient que vous facies violence a une si forte impression par aucune sorte de consideration; car toutes les circonstances, qui d'ailleurs seroyent plus que suffisantes pour me faire conclure avec la chere cousine, n'ont point de poids au prix de cette forte inclination et propension que vous aves; laquelle, a la verité, si elle estoit foible et debile, [39] seroit peu considerable, mais estant puissante et ferme, elle doit servir de fondement a la resolution..

  A021000492 

 Je dis: s'il est d'humeur compatissante, parce que ce manquement de taille requiert cela; comme il requiert de vous que vous contreschangies ce defaut par une grande douceur, par un sincere amour et par une humilité fort resignee, et bref, que la vraye vertu et perfection de l'esprit couvre universellement la tare du cors..

  A021000492 

 Si donq le mary qui vous est proposé est d'ailleurs sortable, homme de bien et d'humeur compatissante, vous pouves utilement l'accepter.

  A021000493 

 Je finiray donq, vous asseurant que je vous recommanderay tous-jours a Nostre Seigneur, affin qu'il addresse vostre vie a sa gloire.

  A021000493 

 Je suis fort pressé, ma chere Fille, et ne puis pas vous dire beaucoup de choses.

  A021000493 

 L'estat de mariage est un estat qui requiert plus de vertu et constance que nul autre; c'est un perpetuel exercice de mortification, il le sera peut estre a vous plus que l'ordinaire: il faut donq vous y disposer avec un soin particulier, affin qu'en cette plante de thym vous puissies, malgré l'amertume naturelle de son suc, en tirer et faire le miel d'une sainte conversation..

  A021000502 

 Mais, ma tres chere Fille, connoisses vous bien en vostre cœur ce que vous m'escrives, que Dieu, par des voyes espineuses, vous conduit a une condition qui vous avoit esté offerte par des moyens plus faciles? car si vous avies cette connoissance, vous caresseries infiniment cette condition que Dieu a choysie pour vous, et l'aymeries d'autant plus que non seulement il l'a choysie, mais il vous y conduit luy mesme, et par un chemin par lequel il a conduit tous ses plus chers et grans serviteurs.

  A021000502 

 Suppliés le que ce sentiment qu'il vous donne ne perisse point, mais qu'il croisse jusques a sa parfaite maturité..

  A021000503 

 Pour moy, je benis vostre chere ame que Nostre Seigneur veut pour soy, et ay pour vous tout le saint amour qui se peut dire.

  A021000504 

 C'est ainsy qu'on lit cet Evangile, et il m'est venu au cœur de vous dire cette pensee.

  A021000505 

 Je la supplie de vous donner a jamais sa douce et maternelle protection.

  A021000515 

 Je pense qu'en fin vous en viendres la et que cette resolution vous arrivera; mays je voudrois que ce fust bien tost, affin que vous eussies la consolation d'avoir fait vous mesme l'eslection en un tems auquel probablement vous en pourries faire une autre..

  A021000515 

 Je prie Nostre Seigneur d'avoir aggreable que vous le servies uniquement, parfaittement, et en l'estat auquel vous n'ayes point necessité de partager vostre cœur.

  A021000516 

 Or sus, ma Fille, me treuvant au fin bout de cette annee avec cette commodité de vous escrire, je l'ay voulu employer pour vous tesmoigner que, commençant la prochaine annee suivante, je supplieray sa divine Majesté [42] qu'elle la vous rende toute pleyne de ses sacrees benedictions.

  A021000524 

 Vous aves rayson: puisqu'une fois pour toutes vous aves declairé les resolutions invariables de vostre esprit, et qu'il fait le fin a ne les vouloir pas advoüer, ne respondes plus pas un seul mot jusques a ce qu'il parle autrement; car il n'entend pas le langage de la Croix, ni nous aussi celuy de l'enfer..

  A021000525 

 Vous aves rayson encor de recevoir ce peu de paroles que je vous dis avec tendreté d'amour; car l'affection que j'ay pour vous est plus grande et plus forte que vous ne penseries jamais..

  A021000526 

 Vous vous res-jouisses dequoy la fille fascheuse vous a laissee.

  A021000528 

 Je vous verray bien tost.

  A021000528 

 Tenes bien prest sur le bout de vos levres ce que vous aures a me dire, affin que, pour peu de loysir que nous ayons, vous le puissies respandre dans mon ame.

  A021000535 

 Si Nostre Seigneur vous donne quelque contentement, ma tres chere Fille, en la veritable et nompareille dilection qu'il a mise dans mon cœur pour le vostre, j'en benis son saint nom et en remercie sa Providence, vous asseurant fort fidelement que ce m'est une consolation toute particuliere de sçavoir que, reciproquement, vostre ame cherisse puissamment la mienne de cet amour sacré que la divine Bonté peut donner; et si, pour tout cela, je ne [45] veux pas vous prier de le me continuer, sçachant bien qu'il est imperissable, comme le motif duquel il prend sa force..

  A021000536 

 J'ayme vostre avancement en la solide pieté, et cet avancement requiert des difficultés, affin que vous soyes exercee en l'eschole de la Croix, en laquelle seule nos ames se peuvent perfectionner; mais je ne me puis empescher des tendretés maternelles qui font desirer les douceurs pour les enfans.

  A021000536 

 Or sus, mais parmi tout cela, je ne suis pas sans estre touché de sçavoir que vous n'estes pas sans varietés d'amertumes interieures, bien que je sache aussi, qu'estant ce que vous estes a Nostre Seigneur, vostre amertume ne peut estre qu' en paix et que l'amour soulage vostre douleur; car vrayement j'ay un certain cœur de pere, mays qui tient un peu du cœur de mere.

  A021000538 

 Ma tres chere Fille, le porteur qui m'a apporté vostre lettre ne me donne que des momens pour vous escrire; c'est pourquoy je finis, vous dediant en Nostre Seigneur tout mon cœur et mes affections..

  A021000545 

 Venes en la montaigne que Dieu vous monstrera, pour y consacrer ces petitz momens de vie qui vous restent, en faveur de la tressainte eternité qui vous est preparee..

  A021000546 

 Ne vous mettes point en peyne dequoy vous n'aves pas les sentimens de devotion et consolation presentement; car le courage fort que vous aves vaut mieux que tout cela.

  A021000546 

 Penses vous pas que la pauvre jeune et belle Rebecca pleura bien fort lhors qu'elle se separa de son pere, sa mere et son païs? mais, parmi tout cela, elle ne laissa pas de dire courageusement: J'y iray; et elle fut digne d'estre espouse d'Isaac.

  A021000546 

 Quittés ces empressemens et achevés vos affaires en tranquillité, comme voyant Nostre Seigneur a vostre costé qui vous ayde a les faire..

  A021000548 

 Dieu, de sa main toute puissante, vous veuille retirer a soy et vous amener au lieu auquel il vous a appellee; l'Ange qui vous a assistee en vos resolutions soit luy [47] mesme vostre guide en l'execution.

  A021000555 

 C'est a luy, ma tres chere Fille, que vous en deves le remerciement, qui vous y a puissamment attiree, et a tourné les cœurs de ces cheres Seurs devers le vostre et le vostre devers le leur, et tous ensemble devers la Croix et sa Mere tressainte..

  A021000555 

 Dieu veuille recevoir en sa main dextre vostre esprit que vous luy presentes, ma tres chere Fille, et vous face saintement continuer a le servir en cette Congregation a laquelle il luy a pleu vous faire entrer.

  A021000567 

 La difficulté consiste a bien entendre ceci, et il se peut aucunement comprendre par cet exemple: vous n'aves qu'une ame, ma chere Fille, et neanmoins cette ame est entendement, memoire et volonté.

  A021000567 

 Vostre entendement n'est pas memoire, car il y a beaucoup de choses que vous entendes, desquelles vous ne vous resouvenes pas quelque [49] tems apres; vostre entendement et vostre memoire ne sont pas vostre volonté, car il y a beaucoup de choses que vous entendes et desquelles vous aves memoire, lesquelles vous ne voules pas, comme sont les pechés, que vous detestes.

  A021000571 

 Et quand vous vous representies que le Pere et le Filz estoyent deux, vous pensies la verité; car ce sont deux Personnes, encor qu'ilz ne soyent qu'un seul Dieu; quand vous disies qu'ilz n'estoyent qu'un, vous disies bien aussi, car ilz ne sont qu'un seul Dieu et tres unique, bien qu'ilz soyent deux Personnes..

  A021000571 

 Maintenant donq, ma chere Fille, quand vous vous representies Nostre Seigneur revenant d'Egypte, vous consideries Dieu le Filz, lequel, bien qu'il fust par tout, selon qu'il est Dieu, estoit neanmoins par les chemins, en travail, selon qu'il est homme.

  A021000571 

 Quand vous vous representies Dieu le Pere au Ciel, vous le consideries selon la commune imagination qui le represente plustost au Ciel qu'en terre.

  A021000572 

 Mais il y a de plus: c'est que vous consideries Nostre Seigneur en tant qu'homme, et, en cette sorte, il est vrayement different d'avec le Pere en nature; car le Pere n'est pas homme, ains seulement Dieu.

  A021000573 

 Ma chere Fille, je ne pense pas, non, vous avoir declairé l'affaire; car c'est un abisme lequel il faut regarder simplement et humblement, sans se beaucoup tourmenter pour l'entendre.

  A021000573 

 Si vous n'entendes pas cette lettre, ne vous fasches pas: je l'ay seulement escritte pour vous donner un peu de jour, et non pas le jour du midy que nous aurons en Paradis..

  A021000579 

 Et ne faut point attendre d'autre sujet, ni pour vous ni pour moy, que celuy d'une sainte conversation spirituelle entre nos ames et de la contribution que nous nous devons les uns aux autres de nos consolations..

  A021000579 

 Mon Dieu, ma chere Fille, je ne treuve nullement estrange que vous desiries de mes lettres; car, outre ce [52] que Dieu le veut bien (qui est le grand mot de nostre commerce), je sens tant de consolation de vostre communication que je croy aysement que vous en aves un peu de la mienne.

  A021000580 

 Je ne dis rien, ma bonne Fille, de vostre cœur en ce que vous n'aves pas des larmes.

  A021000581 

 Tenés vostre bouquet en main, mais s'il se presente quelque autre odeur souëfve et profitable par rencontre, ne laissés pas de l'odorer avec action de grace; car le bouquet ne se prend sinon que pour ne vous laisser pas le long du jour sans confort et playsir spirituel.

  A021000582 

 Dieu vous donne un peu de loysir pour faire vos provisions de patience et vigueur, puis le tems viendra de les employer..

  A021000582 

 Pour tout, ne souhaites pas des persecutions pour l'exercice de vostre fidelité, car il vaut mieux attendre celles que Dieu vous envoyera que d'en desirer; et si, vostre fidelité a mille sortes d'autres exercices: en l'humilité, douceur, charité au service de vostre pauvre malade, mays [53] service cordial, amoureux et affectionné.

  A021000583 

 O ma Fille, ostés bien toutes les robbes de vostre captivité par des continuelz renoncemens a vos affections terrestres; et ne dites point que le Roy ne vous en donne des royales pour vous tirer a son saint amour.

  A021000588 

 Dieu vous est donq bon, ma chere Fille, n'est il pas vray? mais a qui ne l'est il pas, ce souverain Amour des cœurs? Ceux qui le goustent ne s'en peuvent assouvir, et ceux qui s'approchent de son cœur ne peuvent contenir les leurs de le benir et loüer a jamais..

  A021000589 

 Dieu vous a tenue de sa bonne main en vostre affliction; or sus, chere Fille, il faut donq tous-jours faire ainsy.

  A021000589 

 Et puis, nostre grand rendes vous est en cette eternité, au prix de laquelle que peut sur nous tout ce qui se finit par le tems?.

  A021000589 

 Gardés ce saint silence que vous me dites, car vrayement il est bon d'espargner nos paroles pour Dieu et pour sa gloire.

  A021000590 

 Continues, ma Fille, a vous unir de plus [en plus] a ce Sauveur; abismés vostre cœur en la charité du sien, et disons tous-jours de tout nostre cœur: Que je meure, et [54] que Jesus vive! Nostre mort sera bien heureuse si elle se fait en sa vie.

  A021000591 

 Benite soyes vous, ma chere Fille, de la benediction que la Bonté divine a preparee aux cœurs qui s'abandonnent en prove a son saint et sacré amour.

  A021000598 

 Si vous savoures vostre point en l'orayson, c'est un signe que Dieu veut que vous suivies cette methode, du moins alhors.

  A021000605 

 Une autre fois, il vous faut bien tenir vostre cœur ouvert et sans aucune sorte d'apprehension, car il vous sera bien plus utile de conferer bouche a bouche que par escrit..

  A021000606 

 Ces inclinations que vous aves sont pretieuses occasions que Dieu vous donne de bien exercer vostre fidelité en son endroit, par le soin que vous aures de les reprimer.

  A021000606 

 Faites aboutir vos oraysons es affections qui leur sont contraires, et soudain que vous sentires d'avoir fourvoyé, repares la faute par quelque action contraire de douceur, d'humilité et de charité envers les personnes ausquelles vous aves repugnance d'obeir, de vous sousmettre, de souhaitter du bien et d'aymer tendrement; car en fin, puisque vous connoisses de quel costé vos ennemis vous pressent le plus, il vous faut roidir et vous bien fortifier et tenir garde en cet endroit la.

  A021000606 

 Il faut tous-jours baisser la teste, et vous porter au rebours de vos coustumes ou inclinations, recommander cela a Nostre Seigneur, et en tout et par tout vous addoucir, ne pensant presque a autre chose qu'a la pretention de cette victoire..

  A021000607 

 De ma part, je prieray Nostre Seigneur qu'il la vous donne et le triomphe de son saint Paradis.

  A021000607 

 Il le fera, ma chere Fille, si vous perseveres a la poursuite de son saint amour, avec le soin que vous aves de vivre humblement devant luy, amiablement envers le prochain et doucement envers vous mesme.

  A021000615 

 Vous me dites, ma tres chere Fille, que ces attendrissemens au grand et irrevocable adieu que nous avons dit au monde sont passés.

  A021000616 

 J'appreuve bien le peu parler, pourveu que ce peu que vous parleres se face gratieusement et charitablement, et non point melancholiquement ni artificieusement.

  A021000616 

 Vous desires de ne mentir point: c'est un grand secret pour attirer l'Esprit de Dieu en nos entrailles.

  A021000617 

 Ma Fille, il faut de tems en tems vous exercer a cette abnegation et nudité, et la demander a Dieu en tous vos exercices; mais quand il vous arrivera quelque autre trait d'amour, d'union envers Dieu et de confiance, il faut les [57] bien exercer, sans les troubler par l'abnegation, a laquelle vous laisseres sa place a la fin et en son lieu..

  A021000619 

 Mais voyes vous, ce cœur doit estre d'ivoyre en pureté, en fermeté, en secheresse; desseché des humeurs du monde, ferme en ses resolutions, pur en ses affections..

  A021000620 

 Je ne vay pas, ma tres chere Fille, la part ou l'on vous avoit dit, car je vis encor en obedience qui m'est imposee, non de la part de Dieu, mais du monde, permise neanmoins de sa divine Providence: c'est pourquoy j'y acquiesce..

  A021000632 

 Au moins ay je asses de discretion pour me contenter si vous vous en souvenes par fois, a tems perdu.

  A021000632 

 Et, a parler realement, encores aves vous quelque devoir de priser l'affection que j'ay, aussy grande que la valeur des plus grans, de meriter d'estre ce que ne pouvant meriter je ne laisse pas,.

  A021000632 

 Si aurois je occasion de craindre que n'y languissies, si vous n'avies infiniment plus de courtoisie que je n'ay de merite.

  A021000656 

 Je receuz nagueres un billiet de vous par lequel vous m'advertissies de la reception de nostre coffre et du moyen que vous estimies propre pour le nous faire tenir; dequoy je vous remercie affectionnement..

  A021000657 

 Vous m'escrivies aussi que Messieurs de Sainte Croix persistoyent a me desirer pour l'Advent et Caresme; mais la necessite de ma præsence de deça persiste tellement a m'obliger, que non obstant l'extreme dasir que j'aurois de rendre service a ces seigneurs, je ne puis neanmoins m'en promettre la commodité et ne sçaurois le leur rendre en ceste occasion..

  A021000658 

 J'attens de jour a autre ce quil me faut de Romme [61] pour prendre la possession de l'Evesché, et tout aussi tost que je l'auray receu, vous en aures, Dieu aydant, advis..

  A021000659 

 Faittes moy cest office, sil vous plait, en attendant d'en faire bien tost apres tout autant pour les quinze cens escus qui restent..

  A021000659 

 Je vous supplie donques de prendre la peyne d'aller treuver la femme de monsieur Mermet, contrerolleur de la maison de Monseigneur de Nemours, et de l'assister en ce qu'elle fera delivrer cinq cens escus au seigneur Mascarani pour faire tenir [62] a Lumagues dans Paris.

  A021000659 

 Maintenant, voyci un autre affaire auquel je vous supplie de vous employer soigneusement a vostre accoustumee.

  A021000660 

 Je vous sallue bien humblement, et prie Nostre Seigneur quil vous doint, Monsieur, en santé, heureuse et longue vie..

  A021000713 

 Est-il quelqu'un qui puisse justement se fâcher contre celui qui lui dit de se laver après avoir été quelque temps sans le faire? Pourquoi ne pourra-t-on pas dire: réformez-vous, à une Maison qui a passé bien des années depuis sa dernière réforme? On se garde bien de laisser longtemps une maison sans l'approprier extérieurement; pourquoi n'en fera-t-on pas de même à l'intérieur?.

  A021000714 

 Or je pense que vous pouvez bien en dire autant de votre Maison: elle est belle, c'est vrai; mais le soleil, c'est-à-dire le temps, la longueur des jours a altéré son teint.

  A021000714 

 Pourquoi donc ne tâcherez-vous pas de lui rendre son ancien lustre, afin que son Epoux puisse dire: Vous êtes toute belle? Quand les défauts sont momentanés et passagers dans une Maison, c'est bien fait de les dissimuler; mais quand ils sont à demeure et permanents, il faut les chasser, et meme à cor et à cri s'il en est besoin.

  A021000714 

 Si vous aimez votre Maison, témoignez-le en procurant sa pureté, sa santé, sa réforme..

  A021000716 

 Ne croyez pas à moi, [69] croyez à Notre-Seigneur: si vous abandonnez ces petites pensions particulières et les rendez communes, vous ne mourrez point; il vous semblera mourir, mais cela ne sera pas; en échange d'une pension, Dieu vous en donnera cent en ce monde, dit la divine Parole, et la vie éternelle en l'autre.

  A021000716 

 Ou Jésus nous trompe, ou c'est vous qui vous trompez..

  A021000717 

 Je pense qu'il est mieux de vous montrer que [70] toutes les raisons demandent que vous vous soumettiez à la réforme..

  A021000717 

 Mais quoi? voudriez-vous pour cela rejeter les médicaments? L'âpreté passe et disparaît avec le commencement de votre guérison.

  A021000717 

 Peut-être est-ce aussi un empêchement à votre réforme qu'elle ait été entreprise trop âprement par ceux qui, jusqu'à présent, vous l'ont proposée, et qui n'ont pas manié doucement la plaie.

  A021000718 

 Mes Sœurs, il faut remonter jusqu'à la source de votre Religion et boire en icelle l'eau de votre réformation; vous y trouverez une eau qui vous fera oublier l'affection que vous avez à ces petites particularités.

  A021000718 

 Rappelez-vous que votre Monastère ne fut pas commencé avec ces pensions, ains avec une très exacte pauvreté.

  A021000718 

 Regardez à la pierre de laquelle vous avez été tirées, vous n'y verrez aucune paille de propriété.

  A021000719 

 Je sais bien que vous avez de très grands empêchements; c'est ce qui me fait pitié et m'oblige à vous écrire, car j'ai certaines considérations lesquelles, à mon avis, pourront vous aider à surmonter les obstacles qui retardent un si grand bien. Je pense que le plus grand empêchement à votre réforme, c'est de vous imaginer que le mal et le défaut soit petit et léger, ne pouvant [71] guère me [persuader que si vous le jugiez grand vous voulussiez y persévérer et le permettre.

  A021000719 

 Mais pardonnez-moi, je vous prie, vous vous faites un grand tort.

  A021000719 

 Vous ne pouvez nier que ce ne soit un manquement et déchet en la pauvreté et communauté religieuse; et pour petit qu'il soit, faudra-t-il en négliger l'amendement? Tout au contraire, il faut le corriger pendant qu'il est petit, car il pourrait arriver que, croissant, il ne soit plus possible de le guérir.

  A021000720 

 Il ne vous semblera pas qu'il en soit ainsi; c'est cependant la vérité. Vous serez moins dignes d'excuse si vous n'êtes pas fidèles dans les petites choses: soyez fidèles dans la réforme de ces petits défauts, et vous serez établies sur beaucoup de choses.

  A021000720 

 La supérieure engendre le bon Isaac, qui est le vœu volontaire et libre que vous avez fait, comme un sacrifice de vous-mêmes, sur la montagne de la vie religieuse.

  A021000720 

 Mais s'il heurte votre vœu en quelques-unes de ses parties principales, telle que la pauvreté, je vous en supplie et conjure, par l'amour que vous portez à votre Isaac, au vœu et à votre Maison, chassez-le, bannissez-le. Qu'il soit petit tant que vous voudrez, il ruinera votre Isaac et gâtera votre Maison. Prenez garde à ces œufs d'aspics; si vous les couvez en votre sein, ils vous causeront la mort et la perdition.

  A021000721 

 Considérez néanmoins soigneusement ce qui se passe en votre Maison, et vous ne trouverez pas le mal aussi petit que vous le pensez. Appelez-vous petit un mal qui gâte une partie noble de votre corps, savoir la sainte pauvreté? On peut être Religieux sans chanter au chœur, sans porter tel ou tel habit, sans s'abstenir de tel ou tel aliment; mais sans la pauvreté, nul ne peut être Religieux.

  A021000721 

 L'affection que vous avez à la propriété vous semble aussi petite; néanmoins, sa malice peut être si grande qu'elle dessèche le bel arbre de votre Monastère et vous prive du titre de Filles de Dieu.

  A021000722 

 Or, qui ne voit que, pour petit que soit le péché, il croît aisément quand on veut le maintenir? Pour moi je vous exhorte à le juger bien grand, puisqu'il vous prive d'un grand bien, et à le croire une très grande imperfection, puisqu'il vous empêche d'atteindre à une plus haute perfection.

  A021000745 

 Dieu y mette sa bonne main et vous veuille donner longue et heureuse vie..

  A021000745 

 Sur vostre derniere lettre, ma mere attend lhonneur de vous voir, avec monsieur le Baron de Cusi, demain au soir a Sales, affin d'arrester le lendemain l'affaire dont il s'agit.

  A021000761 

 Et parce quil a besoin de vostre faveur pour obtenir ce bien pour sa seur et quil a desiré ma recommandation aupres de vous, estimant qu'elle vous sera aggreable et utile a son dessein, je me suis treuvé redevable, et pour la qualité de la chose qui est bonn' en soy, et pour plusieurs autres devoirs, de vous en supplier comme je fay par ces quatre lignes, m'offrant [77] entierement a vostre service et vous demandant l'assistance de vos saintes oraisons..

  A021000778 

 l'emolument de l'union de vos cures, je n'y apporte nulle difficulté, et vous le laisse en recompense des peynes que vous aures.

  A021000790 

 Me voyci de retour a Neci ou il me semble que je ne suis qu'en songe, puisque vous n'y estes pas; et neanmoins, la solemnelle coustume d'attendre vos entrees en robbe rouge, que vous aves si religieusement observé ci devant, ne me laisse null' esperance de vous voir de je ne sçai combien de jours..

  A021000791 

 Disposés vous a la plus rigoureuse residence que vous [79] ayes encor faitte icy, sil vous plait, mon tres cher Frere, car je ne vous en dispenseray nullement; non tant fondé sur l'extreme contentement que j'ay en vostre presence, comme sur la necessité que vostre santé a de repos en ce tems-la auquel le froid ne peut estre vaincu par le mouvement..

  A021000791 

 Mais je me flatte bien d'un' asseurance que je prens de vous tenir si serré, quand je vous auray, que vous ne m'eschapperes pas pour un seul jour de tout cet hiver.

  A021000796 

 Je salue humblement madame ma seur, et vous donne pour toutes nos nouvelles que ma pauvre mere est extremement malade de la goutte.

  A021000810 

 Pour ce qui me regarde, je m'accommoderay a ce que vous treuveres raysonnable, et ne veux pas quil tienne a moy quil ne soit deschargé de la somme d'avoyne quil a perdue par le feu.

  A021000811 

 D ieu vous conserve, et je suis.

  A021000812 

 Vostre affectionné a vous servir,.

  A021000835 

 Le sieur chanoyne Gottri desirant de vous une ratification sur un contract quil a fait, m'a prié de m'employer aupres de vous pour la luy faire obtenir; et par ce quil m'a asseuré que son desir estoit juste, et quil est bien fort de mes amis, je vous supplie de l'en gratifier, en contemplation mesme de celuy qui, priant [82] Nostre Seigneur pour vostre bonheur, demeure toute sa vie,.

  A021000848 

 Il ne m'est pas advis, ma chere Fille, que ce soit vous escrire quand je vous escris si peu, mais il faut que je m'accommode a la necessité..

  A021000850 

 Et vous, ma chere Fille, n'estes vous pas toute pleyne d'esperance, mais d'un'esperance vive et qui dilate le cœur, le renforçant contre les difficultés du chemin? Si faut, ma Fille, il faut avoir un cœur grand, bien large et bien estendu, affin de recevoir la celeste rosee que le [83] petit Agnelet d'innocence secouera sur nos ames a cette Circoncision, et dont sa blanche layne, sa toyson et son humanité est toute detrempee; car bien que les goutes soyent encor toutes petites, si ne sont elles receües que par les cœurs fort ouvertz du costé du Ciel.

  A021000850 

 Vous aves bien ouy dire que les mere perles s'ouvrent comme cela pour vivre de rosee, et qu'elles se tiennent egalement et fermees aux eaux d'embas et ouvertes a celles d'en haut..

  A021000853 

 Je m'accuse de ne vous avoir point escrit de tout ce moys de decembre, par ce que j'ay esté quelque tems a Sales aupres de ma bonne mere, laquelle est attachee sur la croix par les piedz, souffrant extremement de la goutte.

  A021000871 

 entre lesquelz j'honnore beaucoup [monsieur] vostre mari, auquel et a vous, priant Nostre Seigneur quii vous conserve en ses benedictions, je demeure,.

  A021000889 

 Je vous prie de le garder de desirer cela de moy, car il y a je ne sçai quoy qui regarde mon repos [87] necessaire qui ne peut permettre que j'aille en personne..

  A021000895 

 Vous traitteres de tout avec monsieur Grandis.

  A021000904 

 Encor ne sçai je pas, ma tres chere Seur, ma Fille, si je vous escriray trop amplement, car monsieur vostre cher neveu m'avoit dit ce matin quil ne partiroit qu'apres demain, et voyla que son homme fait sa valise et dit que, despuis, il a resolu de partir demain mattin; qui m'a fait rompre le dessein d'aller visiter le bon M. Nouvelet, qui sort d'une grande maladie, pour venir vitement escrire le plus que je pourray..

  A021000905 

 Nous avons parlé quelquefois de sagesse, ce Baron et moy; mais, ma chere Fille, le mal que vous aves fort bien reconneu en luy ne se guerit que par l'experience, car ceste fause estime de nous mesme est tellement [89] favorisee par l'amour propre, que la rayson ne peut rien contr'elle.

  A021000906 

 Quant a vostre venue de deça, ne vous hastes point pour le dessein de Paris, car n'en ayant eu nulle sorte de nouvelles des.

  A021000906 

 Vostre cœur dira-il point, peut estre: Ardé comme cet homme va tous-jours esloignant l'affaire! O ma Fille, croyes que [90] le mien attend le jour de vostre consolation avec autant d'ardeur que le vostre; mais il faut que je face ainsy pour des raysons lesquelles il n'est pas expedient que je vous escrive.

  A021000906 

 celles que je vous monstray, il y a apparence quil ne se continue plus; et il me semble que de mettre ces petites en voyage au Caresme, ce seroit chose bien dure; outre que le cher neveu m'a dit que le bon pere et monsieur vostre frere ont marqué le tems d'apres Pasques immediatement.

  A021000908 

 Et puis que je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner cette bonne nouvelle: c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé pour elle, n'en doutes point; et vous remercie du zele que vous aves pour son bien, qui est indivis avec ce luy de la vostre, si vostre et mien se peut dire entre nous pour ce regard.

  A021000908 

 Je vous diray plus: c'est que je la treuve un peu plus a mon gré que l'ordinaire, pour n'y voir plus rien qui la tienne attachee a ce monde et plus sensible aux biens eternelz.

  A021000908 

 O Dieu, pourquoy vous dis-je tout ceci, sinon par ce que mon cœur se mest tous-jours au large et s'espanche sans borne quand il est avec le vostre?.

  A021000908 

 Que si j'estois aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis absolument dis-joint et aliené du monde, mon cher Sauveur, que je serois heureux! et vous, ma Fille, que vous series contente! Mais je parle pour l'interieur et pour mon sentiment; car mon exterieur et, ce qui est le pis, mes deportemens sont pleins d'une grande varieté d'imperfections contraires, et le bien que je veux je ne le fay pas; maisje sçai pourtant bien que, en verité et sans feintise, je le veux, et d'une volonté inviolable.

  A021000910 

 Si vous demeuries de dela, je serois bien ayse d'entreprendre le service que le P. Remond desire de moy pour Madame de Saint Jean; mais cela n'estant point, il me semble qu'un autre qu'ell'aura [92] moyen de voir plus souvent se rendra plus utile, mais sur tout Monsieur d'Aoustun; car, qui pourroit mieux mettre la main a ce bon œuvre? Et moy, cependant, je prieray Nostre Seigneur pour elle, car sur les bonnes nouvelles que vous m'en donnés, je commence a l'aymer tendrement, la pauvre femme.

  A021000911 

 Je vous escrivis la derniere fois asses longuement, et vous disois l'estat des affaires de nostre nouveau Monastere, qui estoit que l'esperance que nous avions de treuver des justes moyens pour l'eriger, nous estoit demeuree partagee par la moytié, et que neanmoins nous perseverions, sur la resolution que celles qui contribuent font de se retirer la, et au moins, si elles ne peuvent faire selon leur project premier, s'addonner entr'elles au service de Dieu et des pauvres malades; mais cela vient de leur esprit, et le tout, disent elles, attendant que Dieu dispose autrement: si que vous ne seres pas seule a ce conte lâ.

  A021000912 

 Je vous envoye un livre, mais ce n'est encor pas le beau, par ce que je me reserve a le vous donner apres la troysiesme edition, laquelle j'espere rendre fort entiere et correcte; car en celle ci je fus si pressé que quelques chapitres entiers y manquent, comme celuy Des habitz et Quil faut avoir l'esprit juste et raysonnable: dequoy je ne m'estois apperceu qu'avant hier.

  A021000912 

 Or, alhors je veux escrire beaucoup de choses de ma main en l'exemplaire que je vous donneray; mais pour maintenant j'escris quatre ou cinq motz, seulement pour vous obliger a ne point vous desfaire de celuy ci jusques a ce que vous ayes l'autre..

  A021000915 

 Il faut que je vous die que j'ayme tous les jours plus vostre filz, par ce qu'a mon advis, il devient tous les jours plus doux et gracieux.

  A021000915 

 Il vous faut ainsy dire plusieurs sortes de nouvelles..

  A021000916 

 Faites tous-jours comme vous m'escrivés: gardes vous des fortes applications de l'entendement, puisqu'elles vous nuysent, non seulement au reste, mais a l'orayson mesme, et travailles autour de vostre cher object avec les affections tout simplement, et le plus doucement que vous pourrés.

  A021000916 

 Il ne se peut faire que l'entendement ne face quelquefois des eslancemens pour s'appliquer, et il ne faut pas s'amuser a s'en tenir dessus sa garde, car cela serviroit de distraction; mais il faut se contenter que, vous en appercevant, vous retournies simplement aux actions de la volonté.

  A021000920 

 Mon Dieu, ma Fille, que je suis ayse de parler un peu de ces choses avec vous! Que nous sommes heureux quand nous voulons aymer Nostre Seigneur! Aymons le bien donq, ma Fille; ne nous mettons point a considerer trop par le menu ce que nous faysons pour son amour, pourveu que nous sachions'que nous ne voulons jamais rien faire que pour son amour.

  A021000921 

 Bonsoir, ma chere Seur, ma Fille; vous aures de mes nouvelles le plus souvent que je pourray..

  A021000922 

 Croyés que la premiere parole que je vous escrivis fut bien veritable, que Dieu m'avoit donné a vous; les sentimens en sont tous les jours plus grans en mon ame.

  A021000926 

 Et loué soit le bon Pere Saint Joseph! Dieu vous benisse de mille benedictions..

  A021000954 

 Vous pouvez facilement le faire; aussi espérons-nous que votre bonté le fera certainement..

  A021000955 

 En vous présentant nos très humbles hommages, nous prions Dieu notre Seigneur de vous accorder tout vrai contentement..

  A021000963 

 Je me suis consolé a prescher de la crainte de Dieu a mon cher peuple, et je me consoleray a prescher de son amour a ma chaste troupe de colombelles, entre lesquelles je vous regarde comme la toute mienne en Celuy a qui nostre cœur est donné.

  A021000972 

 Et pour me donner plus de pouvoir de recommander vostre affaire, non seulement je remonstre qu'on vous a fait tort, et a vostre Monastere, mais je me dis vostre parent, comme je puis [102] faire a bonn' occasion telle qu'est celle ci, puisque je le suis, quoy que d'asses loin, et que si le tems et les successions nous esloignent quant au sang, la charité et dilection nous approchent selon l'esprit..

  A021000972 

 J'ay escrit tout a la haste deux lettres, dont l'une est addressee, selon vostre desir, au sieur advocat qui me conseille a Dijon, l'autre est de telle sorte que vous y pouves mettre l'inscription pour l'un de messieurs les presidens, selon que vos affaires le requerront; mais l'un' et l'autre escrittes de fort bonne encre, comme je suis obligé de faire pour vous, que je cheris et honnore de tout mon cœur en Nostre Seigneur.

  A021000973 

 Au demeurant, j'ay esté grandement consolé de voir cett' ame bonne et vrayement chrestienne de monsieur l'Aumosnier de Belleville, lequel je n'eu pas loysir de beaucoup entretenir, par ce quil pressoit son retour; mais en ce peu de tems, je vis en luy beaucoup de bonne et sainte affection pour vous et vostre Mayson, a laquelle il ne peut estre que fort utile..

  A021000974 

 Or bien, ce [103] sera a la premiere commodité, et tandis, je prie Nostre Seigneur quil la face abonder en la grace et benediction du Saint Esprit, et vous de mesme, ma tres chere Fille; car, que puis-je faire autre chose pour vous?.

  A021000974 

 Si ce porteur m'eut donné un peu de loysir, je l'eusse advertie, affin qu'elle vous eut escrit, et moy j'eusse escrit a madame de la Vergeonniere, non seulement affin de m'acquiter de l'obligation en laquelle elle m'a mise (sic) par la peyne qu'elle a prise de m'escrire la premiere, mais pour le saint amour que je porte a ses vertus, desquelles ce m'est de la consolation d'avoir ouïr (sic) parler a monsieur l'Aumosnier.

  A021000974 

 Tout ce qui vous honnore de deça se porte bien, notamment la chere seur de Sainte Catherine, laquelle je n'ay pas veu il y a fort long tems, mais delaquelle j'ay souvent des nouvelles et que je verray dans trois jours.

  A021000975 

 Sur tout, n'oublies pas les affaires interieures pour les exterieures, mais donné tous-jours des parties plus prætieuses de vos jours et de vostre tems a Celuy qui vous veut donner son eternité..

  A021000989 

 Tenes vous bien a couvert du serein, je vous prie, et du soleil aussi..

  A021000989 

 Vous estes donq bien enrumee, ma tres chere Fille, et [104] moy bien marri dequoy vous l'estes.

  A021000990 

 Si vous estes a table, ne m'escrives point, car cela vous incommode trop; et si vous n'estes pas a table, escrives moy bien peu, et cela de nostre chere santé..

  A021000991 

 Ce doux Sauveur vous benisse, ma tres chere Fille, que j'iray voir si tost que je pourray bonnement..

  A021001002 

 Ma tres chere Fille, toutes les fois que vous treuveres vostre cœur hors de la douceur, ne faites que le prendre tout doucement avec le bout des doigtz pour le remettre a sa place, et non a pleins poings, comme l'on dit, ni brusquement.

  A021001011 

 Mays je supplie pourtant sa sainte providence que, puys qu'elle vous a acheminé a la santé, il luy playse la vous establir et confirmer pour long tems..

  A021001012 

 Et ce pendant, aymes tous-jours cordialement, je vous supplie,.

  A021001030 

 Voyla la response de monsieur de Charmoysi, lequel m'ayant fait sçavoir le sujet d'icelle, je ne me suis pas hasté de vous l'envoyer, l'ayant receue avant-hier, parce que le retour de monsieur de Vaudrey m'a [107] fait sçavoir aussi que tout ce mauvais bruit estoit effacé par les paroles qu'il avoit soustenues devant [Sa Grandeur.].

  A021001031 

 Je vous diray donq, Monsieur, si vous me le permettes, ce qui me sembleroit a propos maintenant: c'est qu'il vous pleust, par cette occasion, faire bien valoir l'innocence du cousin, laquelle on tasche, sans rayson ni propos, de rendre suspecte par tant d'inventions et d'exagerations; car ces petitz mensonges sont bons pour donner connoissance des plus grans.

  A021001032 

 Monsieur, je vous souhaite toute sainte prosperité et vous demande la continuation de vostre bienveuillance, demeurant a jamais.

  A021001057 

 Je feray volontier ce que vous dites, ma tres chere Mere; j'[envoierai] advertir M. de Lovagni qui est [110] aux chams.

  A021001069 

 Me representant le sentiment que vous aves eu de monsieur vostre filz par le ressentiment que j'en ay eu, je [111] m'imagine qu'il a esté extreme; car c'est la verité que me resouvenant du contentement que vous preniés a me parler l'autre jour de cet enfant, j'entray en une grande compassion quand je me representay combien vostre regret seroit douloureux a la nouvelle de son deces; mais je n'osay pourtant vous tesmoigner ma condoleance, ne sachant pas ni que la perte fust certaine, ni qu'elle vous eust esté annoncée..

  A021001070 

 Et maintenant, Monsieur, je viens trop tard pour contribuer de la consolation a vostre cœur, lequel aura, je m'asseure, des-ja receu beaucoup de soulagement, pour ne plus demeurer au regret qu'une si sensible affliction luy avoit donné; car vous aures bien sceu considerer que ce cher enfant estoit a Dieu plus qu'a vous, qui ne l'avies qu'en prest de cette souveraine liberalité.

  A021001070 

 Que si sa providence a jugé qu'il estoit tems de le retirer a soy, il faut croire qu'elle l'a fait en faveur de son bien, auquel un pere bien cherissant comme vous, doit acquiescer doucement.

  A021001072 

 Il vous le donnera, et vous inspirera la pensee et le ferme propos de vous bien preparer pour faire a vostre tour, a l'heure qu'il a marquee, cet espouvantable passage, en sorte que vous arrivies heureusement au lieu ou nous devons esperer estre des-ja logé nostre pauvre, ains bienheureux defunct..

  A021001073 

 Monsieur, si je suis exaucé en mes continuelz souhaitz, vous seres comblé de toute sainte prosperité; car c'est de tout mon cœur que je cheris et honnore le vostre, et qu'en cette occasion et en toute autre, je me nomme et dedie,.

  A021001086 

 Or, estant encor surpris de ce second depart, comme n'ayant pas sceu jusques a present le retour du porteur, je n'adjousteray rien autre, sinon que j'ay donné un livre en main propre audit sieur de la Bretonniere; si que les trois seront pour ceux quil vous plaira..

  A021001086 

 Vous treuveres les lettres ci jointes de longue datte; c'est que le sieur Roybon ayant rencontré le sieur de [113] la Bretonniere en chemin, est revenu icy avec luy pour affaires et a rapporté le pacquet que je luy avois donné la semaine passee.

  A021001088 

 Dieu vous comble de toute sainte felicité, Monsieur, et vous rende de plus en plus favorable a cherir.

  A021001105 

 Il est vray, Monsieur, je veux des-ormais cherir Vostre Grandeur si fortement, fidelement et respectueusement, que le meslange de la force, de la fidelité et du respect fasse le plus absolu amour et honneur qui vous puisse jamais estre rendu par homme quelcomque que vous ayes provoqué; en sorte que le tiltre de Pere dont il vous plaist me gratifier, ne soit ni trop haut, ni trop puissant, ni trop doux pour signifier la passion avec laquelle j'y correspondray.

  A021001112 

 Je m'imagine que vous estes sur vostre depart pour Languedoc, ma tres chere Fille (car c'est le mot du cœur), et avant que vous soyes en chemin, je vous resalue mille et mille fois, priant Dieu qu'il vous accompaigne et vous tienne tous-jours de sa sainte main, puisque, par sa bonté, il vous a saysie affin que vous fussies a jamais toute sienne..

  A021001114 

 Il a voulu, ce grand Dieu, que vous fussies sienne, et vous l'a fait vouloir, et vous l'aves voulu, et il vous a fait prendre tous les vrays moyens pour le devenir.

  A021001114 

 Vous l'estes donques sans doute, ma tres chere Fille, [116] dont je me res-jouis infiniment et en benis sa misericorde, comm' estant certes sans fin,.

  A021001141 

 Le P. D. Redento part pour l'Italie, et je devine, par conjecture, ce que Votre Paternité désire de lui; après quoi, si votre grande prudence le juge à propos, peut-être serait-il bon que vous le fissiez revenir ici.

  A021001184 

 Les bonnes Religieuses d'Evian ont desiré que je vous les recommandasse en l'affaire qu'elles envoyent solliciter aupres de Son Altesse; mays elles ont tort, ce me semble, car n'ont elles pas avec elles la devote et bienaymée Seur Beatrix, apres l'intercession de laquelle la mienne ne doit point tenir de rang devant vous? [122] Et neanmoins, puisqu'elles le veulent, je vous supplie donq, Monsieur, de les assister; comm' aussi de perseverer a m'aymer par vostre bonté, ainsy que vous aves tous-jours fait ci devant, et de croire que je vous veux tres affectionnement honnorer toute ma vie,.

  A021001201 

 Ma Fille, souvent les fleurs croissent plus belles sur les fumiers que dans les jardins de belle apparence; a cause de la bassesse ou vous vous tenes, Dieu fera de [123] grandes choses en vous.

  A021001201 

 Tenes vous tous-jours proche de l'Espoux, et il vous donnera son lait et ses mammelles pour nourrir ces cheres jeunes filles dont il veut estre aymé ....

  A021001219 

 A peu que je ne me plains (sic) de vous, ma tres chere et tous-jours certes plus tres chere Fille.

  A021001219 

 Et comment? que j'eusse retenu nostre Seur Superieure de Grenoble par surprise? Vrayment, je ne suis pas de ces gens-la; je ne frappe point sans dire: Garde! Or sus, vous l'aves donq, et vous n'en doutes plus..

  A021001220 

 Mays, quand j'eusse eu une grande colere contre vous, ell' eut esté toute appaysee par le doux et gracieux presage que vostre ame bienaymee fait, que nous aurons encor le bien de nous revoir avant mon depart pour Romme; car je le desire certes grandement, et de plus je le croy, y voyant maintenant des tres grandes apparences, puisque ce voyage commence d'estre douteux..

  A021001221 

 Au demeurant, vous estes tellement et si veritablement ma plus que tres chere fille, que si j'eusse remarqué en vous quelque defaut je vous l'eusse dit ingenuement; mays en si peu de tems on ne les peut pas discerner.

  A021001221 

 Ceux que vous ne connoisses pas ne vous nuiront pas, puisque vous voudries bien sincerement les [125] connoistre; ceux que vous connoistres ne vous nuiront pas, puisque cordialement vous desires de vous en corriger.

  A021001235 

 Je voy que vostre cœur a tous-jours un grand desir de bien faire et une crainte de l'imprudence; mais ne le tourmentés point, je vous prie, ce cœur bien-aymé; redresses le doucement pour l'amour de Dieu a qui il est dedié, qui le benira et favorisera en tout ce qui sera pour sa gloire.

  A021001236 

 Gardes vous bien des attendrissemens et des larmes qui proviennent de l'amour et compassion que nous avons sur nous mesme..

  A021001277 

 De mesme, je vous veux regarder comme pere, a [131] cause des advantages de nature et de grace que Dieu vous a donnez au dessus de moy; et comme frere, puisque Dieu nous a mis en mesme rang de pastorat en l'Eglise de Dieu.

  A021001277 

 Et puisque vous le voules ainsi, comme fils (et fils unique, puisque Dieu ne s'est point servi de mon ministere pour consacrer aucun autre Evesque que vous), à raison de la grace que Dieu a respanduë en vostre ame par l'imposition de mes mains; grâce que je ne vous conjure pas de resusciter en vous, car je suppose qu'elle n'y est jamais morte, mais de ne la laisser point vuide, c'est a dire inutile, mais de l'employer utilement au service de nostre grand Maistre, selon les talens qu'il a pleu a sa bonté vous communiquer.

  A021001285 

 Quel honneur pour vous, quel bonheur, que Dieu s'en daigne servir pour deslier tant de pauvres ames, ou les retirer de la mort du peché, qui est la region de l'ombre de mort, pour les ramener au jour et à la vie de la grace! Ce fardeau est semblable a celuy du cinnamome, qui fortifie et recree par son odeur celuy qui en est chargé.

  A021001286 

 Je voi bien pourtant que vous voules que je vous pleigne un peu et que je soufle sur vostre agreable mal; or sus, ainsi soit-il.

  A021001286 

 Je vous avouë donc, que, comme l'on appelle martyrs ceux qui confessent Dieu devant les hommes, c'est a dire qui rendent tesmoignage par leurs souffrances à la verité de la foy, il n'y auroit pas grand danger quand on appelleroit ceux la encore martyrs, en quelque maniere, qui confessent les hommes devant [133] Dieu, voire quand on les nommeroit confesseurs et martyrs tout ensemble..

  A021001294 

 O que vous serez heureux quand les hommes mesdiront de vous et en diront toute sorte de mal, en haine de la verité que vous leur proposerez! Resjoüissez-vous avec beaucoup d'allegresse, d'autant que vostre loyer est grand dedans les cieux.

  A021001303 

 Vrayement, vous avez bonne grace de me consulter sur ce que des soldats mangeront en Caresme, comme si la loy de la guerre et celle de la necessité n'estoient pas les deux plus violentes de toutes les loix et par delà toute exception! N'est-ce pas encore beaucoup que ces bonnes [135] gens se sousmettent à l'Eglise et luy deferent à respect, de demander son congé et sa benediction? Certes, ils font mentir celuy qui a chanté que.

  A021001321 

 Je feray tenir vos pacquetz, et seray eternellement, comme vous sçaves, vous mesme.

  A021001395 

 Ne vous estonnes de rien qui puisse arriver; recommandant tout [140] a la misericorde de Dieu, suives tous-jours ce chemin, car il n'y en a point d'autre..

  A021001395 

 Vous estes au vray chemin, encor que vous y rencontries de la fange et mille choses fascheuses.

  A021001396 

 Divertisses vous le plus que vous pourres; ne les regardes point, ne les espluches point, mays remettes vous humblement en Dieu, luy recommandant le tout.

  A021001396 

 Receves le comme [un] coup de fouet de sa main, lequel vous aves bien merité..

  A021001396 

 S'il vous survient quelque trouble ou inquietude, de quelque part que ce soit, ne vous empresses point pour les chasser.

  A021001397 

 Vuidés vostre cœur de toute image des choses corporelles; retranchés tant que vous pourres toutes actions et paroles mondaines, affectees et inutiles..

  A021001404 

 Je [141] ne veux plus que vous marchies comme un enfant, pointillant tant autour de vos actions, les espluchant de si pres; contentes vous que vous ne voudries, pour mourir, offencer Dieu a escient.

  A021001404 

 Je vous recommande sur tout de vous accuser en confession clairement, franchement et simplement.

  A021001405 

 Admires souvent sa bonté, faites luy des reverences interieures, jettes-vous au pied de sa sainte Croix, invoques son ayde, interroges le souvent de vostre salut, donnes luy mille fois le jour vostre ame.

  A021001405 

 Adores Dieu le plus souvent que vous pourres par des courtz mais ardens eslancemens de vostre cœur, desquelz je vous ay si souvent parlé.

  A021001406 

 Repetes souvent vos grandes resolutions de ne jamais vouloir offencer Dieu, comme faysoit David, s'escriant: Non, mon Sauveur, jamais eternellement je n'oublieray vos saintes volontés, car en icelles, vous m'aves vivifié..

  A021001407 

 Lises peu a la fois, mais avec attention et devotion, et si vous rencontres quelque chose qui vous console, esleves vostre esprit, benisses Dieu qui l'a inspiré a l'escrivain.

  A021001416 

 Outre les deux ordinaires motifz d'aymer les parens et amis, par nature et consideration de vostre devoir, adjoustes le troysiesme: parce que Dieu veut que vous les aymies en luy, par luy et pour luy, car cet amour est eternel, et non point fragile; doux, mais non point pliable; ardent, mais non point empressé; affectionné, mais non point chastouilleux.

  A021001416 

 Que vous seres heureuse si vous prattiques bien cet advis!.

  A021001417 

 Exerces-vous a l'office angelique, de faire des bonnes inspirations a ceux avec lesquelz vous converses..

  A021001418 

 Mays prenes garde que ce soyent des vertus de cœur, vous resouvenant de ce que je vous ay dit: que c'est un des grans artifices du diable de faire que plusieurs s'amusent a dire des parolles et faire des gestes exterieurs des vertus, lesquelz, n'examinant pas les affections de leur cœur, pensent estre humbles et doux, et ne le sont neanmoins point en effect..

  A021001418 

 Sur toutes les vertus, je vous recommande les deux cheres vertus que Nostre Seigneur desire tant que nous apprenions de luy, c'est a sçavoir: l'humilité et la douceur de cœur.

  A021001422 

 Il faut souvent que vous adories la Providence divine et vous y remetties en toute occasion..

  A021001446 

 Resouvenés vous souvent que Nostre Seigneur vous a sauvee en souffrant et endurant, et que, de mesme, nous devons faire nostre salut en souffrant les injures et les contradictions et desplaysirs; et partant, il les faut endurer avec le plus de douceur et de resignation qu'il sera possible, selon la mesure qu'il plaist a Dieu les nous envoyer..

  A021001447 

 Consideres tout ce qui vous est arrivé de fascheux jusques a present, et comme tout cela est esvanouy et dissipé, car il sera de mesme en ce qui vous arrivera des-ormais: si qu'il faut avoir une douce patience en tous evenemens..

  A021001447 

 Pour ne vous point troubler de ce qui arrive en cette vie temporelle, penses souvent a sa briefveté et a l'eternité de la future; penses aussi a la Providence de Dieu, laquelle, par des ressortz inconneus aux hommes, conduit toutes sortes d'evenemens au prouffit de ceux qui le craignent.

  A021001458 

 Ma chere Fille, non certes, je ne doute ni peu ni prou de vostre confiance; aussi vous dis-je que je veux vous employer comme chose qui m'est entierement remise, pour estre maniee selon mon gré au service de Dieu..

  A021001467 

 Si tost que l'entendement vous representera quelque gloire ou honneur, ou que le monde vous en donnera, incontinent jettes-les tous aux pieds de Nostre Seigneur par un simple regard, luy baysant les pieds ou les mains..

  A021001469 

 Faites ce que celuy qui vous a en charge dit, pourveu que vous n'y reconnoissies point de peché; et par consequent, veuilles ce que veut vostre superieur, et vous voudres ce que Dieu veut: et vous voyla vrayement obeissante et contente..

  A021001470 

 Je prie Dieu qu'il vous octroye cette grace, de l'amour de la volonté de Dieu.

  A021001482 

 Deux ou troys fois la semaine, mortifies vous au manger, laissant ce qui viendra le plus a vostre goust et mangeant ce qui y sera le moins.

  A021001482 

 Esvites tout choix, tant que vous pourres.

  A021001486 

 Je vous recommande ce cœur.

  A021001499 

 Humilies vous donq, et receves joyeusement celles qui vous sont imposees sans vostre gré.

  A021001499 

 Soyes fidelle jusques a la mort, et vous aures la couronne de gloire.

  A021001499 

 Vous estes amoureuse du Crucifix: et que voules vous donq estre, sinon crucifiee, puisque « l'amour esgale les amans »? [150].

  A021001507 

 Converses tous-jours humblement avec tous, ne tenes conte d'estre reputee et loüee, mais desirés d'estre mesprisee et rebutee; et jusques a ce que vous soyes parvenue a ce degré d'abjection, ne penses pas avoir prouffité.

  A021001507 

 Je desire que vous soyes extremement humble en toutes vos œuvres.

  A021001507 

 Ne vous attribues point les louanges des bonnes œuvres et actions, mais portés tout aux pieds de Jesus Christ qui en est l'autheur; autrement vous luy desroberies sa gloire.

  A021001507 

 Tenes comme un prouffit pour vostre ame les outrages et injures qui vous seront faitz, et vous en res-jouisses.

  A021001521 

 A Dieu, ma chere Fille; a Dieu, dis-je, soyes-vous, et vous, et vostre cors, et vostre cœur, et vostre ame.

  A021001532 

 Que vostre affection soit en la partie superieure, par une ferme et resolue resolution de n'abandonner jamais la confiance et l'obeissance que vous deves..

  A021001532 

 Unisses vous tant qu'il vous sera possible a luy, resignes vous en toutes choses a sa divine volonté, dependes absolument de sa disposition et vous confies pleinement a la providence et amour de sa divine Majesté, luy donnant vostre cœur cent fois le jour.

  A021001538 

 Quittes, renonces aussi ce qui vous pourroit apporter quelque gloire, selon les occasions petites ou grandes..

  A021001538 

 Rejettes souvent toute sorte de gloire, et protestes que vous ne voules autre gloire que celle de Nostre Seigneur.

  A021001539 

 Unisses vous souvent a la volonté de Nostre Seigneur aux occasions petites et grandes, et par aspirations, disant: Seigneur, je suis vostre! Je veux ce que vous voules.

  A021001539 

 Unisses-moy a vous..

  A021001549 

 Allés tout a la bonne foy; aux choses d'importance que vous feres, soyes seulement attentive.

  A021001549 

 Je veux que vous observies ces regles..

  A021001552 

 Feres-vous pas en fin?.

  A021001552 

 Maintenant que vous communies si souvent, dame, il faut faire les œuvres des grandes vertus.

  A021001552 

 Mortifies vous en ces petites saillies contre les imperfections du prochain, les reprimant avec l'esprit de douceur.

  A021001559 

 Que la parole de saint Paul: Que vous plaist il que je fasse? soit a jamais la parole de nostre ame.

  A021001589 

 Portes doucement et tranquillement la croix que Nostre Seigneur luy mesme vous a imposee, ainsy qu'il est dit de ce divin Sauveur, comme un aigneau qui n'ouvre point sa bouche..

  A021001601 

 Que puissies-vous souffrir si amoureusement vos petites douleurs, que la douleur soit toute d'amour de la Croix de Celuy qui, par amour, eut tant de douleurs et par tant de douleurs tesmoigna tant d'amour.

  A021001612 

 Ne veuilles pas penser si vous aves des sentimens, ni pourquoy vous n'en aves point.

  A021001614 

 Conserves, benisses et fortifies nos affections et ces resolutions inviolables, affin qu'a jamais, en cette unité tressainte en laquelle vous l'aves mis, il vous benisse eternellement..

  A021001614 

 O Dieu, qui estes la seule affection de toutes nos affections, tenes, voyla nostre unique cœur que nous vous donnons.

  A021001623 

 Es affaires qui arrivent qui affligent le cœur, il faut discerner celles ou il y a du remede, et tascher de s'y comporter doucement, paysiblement; celles ou il n'y en a point, il les faut supporter comme une mortification que Nostre Seigneur vous envoye pour vous exercer et rendre toute sienne, et tous-jours tenir vostre cœur en paix et douceur..

  A021001647 

 Alles souvent en esprit aux pieds de la grandeur divine et dites luy: O Seigneur, je ne vous offre qu'une pauvre chetifve vefve, une pauvre chetifve Religieuse, [163] toute chetifve et vile; n'estes vous pas bien bon de regarder une si petite creature, ains un si petit rien comme je suis?.

  A021001657 

 Ne regardes point, ma chere Fille, si vous estes cause de vos aridités; mays, soit que vous en soyes cause ou non, convertisses les a la gloire de Dieu, les luy offrant en sacrifice comme souffrances et penitences de vos pechés..

  A021001660 

 Contentes vous d'estre en sa presence, encor que vous ne le voyies ni senties, et que vous ne puissies vous le representer; mais commences par un acte de foy et, de tems a autre, regardés si vous ne le verres point.

  A021001660 

 Il faut bien faire ceci; sur tout, aller a la sainte orayson avec grande douceur d'esprit et sans volonté d'y rien faire, mais simplement pour y recevoir ce que Nostre Seigneur vous y donnera.

  A021001672 

 Nostre Seigneur vous veut despouiller de toutes choses, affin que luy seul vous soit toutes choses.

  A021001681 

 Demeurés la et n'en sortes donq jamais, sinon pour voir et faire ce qu'il commande pour son service; puis, retirés vous incontinent en luy, en cette simplicité qui comprend tout.

  A021001681 

 Nostre Seigneur vous veut en cette maniere de si parfaite simplicité, tres asseurement; c'est ce que vous pouves faire de plus aggreable a sa Bonté.

  A021001681 

 Par la fidelité a cet exercice, vous parviendres a la fin que vous pretendes.

  A021001681 

 Vous ne sçauries faire un sacrifice plus aggreable [à Dieu], ni plus utile a vous, a cause de l'activité de vostre esprit.

  A021001694 

 Serves vous des contradictions journalieres pour vous mortifier, les acceptant avec amour et douceur..

  A021001698 

 Laysses moy le soin de la correction de vos defautz et de vostre avancement, et ne veuilles point vous tourmenter pour vouloir entendre, discerner, sentir et semblables.

  A021001698 

 Uses d'acquiescement; cela fait, retournes aux actes d'amour et a vostre simple remise et delaissement de toute chose a Dieu, vous divertissant, si la chose presse; et alles simplement, confidemment, negligemment, a la bonne foy..

  A021001698 

 [168] Resignes tout cela a Dieu, demeurant en vostre abandonnement et remise de vous mesme a sa conduite.

  A021001706 

 Je voudrois vous pouvoir arracher toute cette tendreté aux contradictions, tentations, privations de ce que l'on desire et, qu'avec un cœur genereux, vous surnageassies.

  A021001706 

 La dessus, dire des paroles de fermeté, de mespris, de courage et de force avec la partie superieure, et ne s'arrester jamais a regarder rien de tout cela, mais [169] passer outre en vostre chemin, n'ayant nul soin du lendemain, car il n'en faut point avoir; mais alles a la bonne foy, sous la providence de Dieu, ne vous souciant que du jour present, laissant vostre cœur a Nostre Seigneur, car vous le luy aves donné, sans jamais le vouloir reprendre pour aucune chose.

  A021001706 

 Puisque vous aves abismé vostre volonté dans la sienne, que vous aves prise pour vostre, il ne faut plus rien vouloir, mais se laisser porter et emporter au gré de la divine volonté, dans les effectz de laquelle il faut demeurer doucement et tranquillement, sans se divertir pour chose quelconque, regardant perpetuellement en toutes occasions Nostre Seigneur.

  A021001716 

 Laysses tout ce qui vous regarde generalement a la Providence de Dieu: qu'elle gouverne et dispose du cors, de l'esprit, de la vie, de l'ame et de tout selon sa tres [171] sainte volonté, sans penser, vouloir, discerner ou craindre chose quelconque.

  A021001721 

 Je ne me soucie pas que vous me delaissies quelque tems pour m'espreuver, pourveu que ce ne soit pas tant que je succombe.

  A021001721 

 O Dieu, vous estes mon esperance! Je suis toute foible, mais toute vostre, appuyee [sur vous] et attendant vostre secours, car vous estes proche de l'affligé.

  A021001724 

 Vous estes obligee a une grande pureté, abaissement et sousmission.

  A021001737 

 Jesus vous tienne saintement esclave de sa sainte Croix et desnuee de tout ce qui n'est pas luy mesme.

  A021001737 

 Vives toute a Dieu en la tressainte nudité de toutes choses, et sur tout de vous mesme.

  A021001751 

 Il faut faire deux choses specialement: l'une, de s'oublier de toutes choses pour le continuel souvenir de [174] Dieu; si que toutes les fois que vous vous treuveres hors de Dieu, il y faut ramener vostre esprit tout doucement, sans faire aucun acte.

  A021001761 

 Traittes avec une extreme douceur et charité avec le prochain et les Seurs, sur tout envers celles qui, par l'imperfection de leur esprit, defaut de graces naturelles ou mauvais offices, vous occasionneront quelqu'aversion ou degoust..

  A021001762 

 Faites tous-jours vos corrections avec le cœur et les paroles douces, et reprenant les defautz, faites qu'en vostre cœur vous excusies la defaillante, amoindrissant la faute; car ainsy les advertissemens font meilleure operation.

  A021001771 

 Ne vous disois-je pas, ma chere Fille, que ce seroit une belle chose d'estre pauvre pour l'amour de Nostre Seigneur, pourveu qu'on n'en receust aucune incommodité et qu'on eust a souhait tout ce qui seroit requis pour toutes nos affaires, et encor pour nous faire estimer et estre plus honnorés du monde? Certes, ma chere Fille, ce seroit une brave pauvreté, mais le mal seroit qu'on ne vous la laisseroit pas si elle estoit ainsy.

  A021001780 

 Oh! que la science est dangereuse, pour grande qu'elle soit, quand elle opere sans charité et humilité! Oh! qu'elle est encor plus dangereuse quand elle est petite et arrogante! Ce pauvre jeune homme, comme vous sçaves, a tous-jours eu un esprit trop hardi pour avoir tous-jours esté si peu armé..

  A021001824 

 Il faut laisser plein pouvoir a Dieu de nous mener la part ou il voudra, et faut dire avec Isaïe: Envoyes-moy ou il vous plaira, Seigneur, car estant envoyee de vostre part, je suis bien asseuree qu'en quelle part que je sois vous m'ayderes a executer vos commandemens.

  A021001832 

 Quantité d'ames recourent a moy pour sçavoir comme il faut servir Dieu; secoures moy bien par vos prieres, car pour l'ardeur je l'ay plus grande que jamais; mais, voyes vous, tant d'enfans se jettent entre mes bras et me succent les mammelles, que j'en perdrois la force si l'amour de Dieu ne me revigoroit..

  A021001845 

 Si vous sçavies comme Dieu traitte mon cœur, vous en remercieries sa Bonté, et le supplieries qu'il me donnast le don de conseil et de force pour bien executer les inspirations de sapience et d'entendement qu'il me donne.

  A021001850 

 Vous sçaves que nostre glorieuse Maistresse me donne tous-jours un ayde particulier quand je parle de sa divine Maternité.

  A021001857 

 Voyes vous, les passages de nos chers amis, ilz sont certes tres aymables, puisqu'ilz se font pour peupler le Ciel et aggrandir la gloire de nostre Roy.

  A021001889 

 Cassian dit que les hommes parfaitement vertueux ont une telle habitude de la vertu, que mesme en dormant ilz ne songent qu'a la vertu; et saint Gregoire dit, parlant des miseres humaines: O heureuses miseres! vous estes aymables parce que vous empesches mon cœur de s'affectionner aux choses de ce monde..

  A021001893 

 Mays, o Seigneur, devons-nous dire, n'ayes point d'esgard aux inclinations et rebellions de cette partie inferieure, et ne laysses pas, de grace, d'exercer vostre volonté sur moy qui suis trop heureuse dequoy vous me visites et me despouilles de moy mesme pour me revestir de vous mesme.

  A021001899 

 Oh! si nous pouvions une bonne fois nous determiner et dire absolument: Seigneur, que voules vous que je face? que nous serions heureux! Au moins, il le faut dire souvent..

  A021001900 

 Que vous doit il importer si on vous ayme ou non? Que [188] si vous rencontres des occasions qui vous font sembler qu'on ne vous ayme pas, il faut passer outre en vostre chemin, sans vous amuser a les considerer.

  A021001905 

 Oh! que les vrayes amantes du celeste Amant sont sages et bien advisees! Sçaves-vous ce qu'elles font? Parfois elles se retournent sur elles mesmes pour considerer si leur atour spirituel est convenablement ageancé, si aucune perle de vertu ne leur manque et si tous leurs riches joyaux ont leur vif et naïf esclat; mais, oh! que cette reflexion est rectifiee! oh! qu'elle est simple! oh! qu'elle est pretieuse, puisqu'elle n'a autre mire que de satisfaire et d'aggreer au divin Espoux! [189].

  A021001945 

 Ce que je vous dis par expérience; car m'étant trouvé avec monsieur de Bérulle seul, il a proposé beaucoup de petites choses qui seront négligées par notre ami parce qu'ils (sic) regardent son honneur particulier; mais il y en a d'autres très importantes où il faut son jugement et qui ne se peuvent écrire: c'est pourquoi je conclus que, sans sa personne, rien ne se fera.

  A021001945 

 La révérence en laquelle notre cher et précieux ami est tenu par deça sera cause que l'on ne pourra rien résoudre de ce qui lui a été ci-devant écrit, parce qu'en toutes affaires, comme vous savez, il y a des circonstances et petites difficultés par dessus lesquelles il convient passer, et principalement en l'établissement que l'on desire faire, pour être nouveau.

  A021001946 

 Maintenant qu'il a plu à Dieu retirer à lui Madame sa mère, il sera plus libre et pourra plus aisément prendre cette résolution, dont je ne lui écrirai point que je n'aie de ses [193] nouvelles et que vous ne me mandiez qu'il y soit disposé.

  A021001946 

 Si vous le pouviez résoudre à cela, je lui ferais trouver un carrosse à Brierre et le logerais en cette petite maison, comme je lui ai ci-devant offert.

  A021001947 

 Voilà ce que je vous puis mander de ce particulier, approuvant la pensée que vous avez autrefois eue, d'autant plus que l'indisposition du personnage s'augmente tous les jours, bien que lentement..

  A021001966 

 O ma Mere, soit que la Providence de Dieu me face changer de sejour, soit qu'elle me laisse icy (car cela m'est tout un) n'auray-je pas mieux, de n'avoir pas tant de charge, à fin que je puisse un peu respirer en la Croix de nostre Seigneur, et escrire quelque chose à sa gloire? Cependant nous escouterons, ce que Dieu ordonnera, à la plus grande gloire duquel je veux tout reduire, et sans laquelle je ne veux rien faire, moyennant sa grace: car vous sçavez, ma [194] tres-chere Mere, quelle fidelité nostre cœur luy a voué.


22-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXII-Vol.1-Opuscules.html
  A022000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A022000226 

 Contre la puissance du démon, je craindrai; mais j'espérai en vous.

  A022000226 

 O Dieu, je vous ai exposé ma vie; vous avez mis mes larmes en votre présence..

  A022000228 

 Arrachez, Seigneur, mon âme à la mort et mes pieds à la chute, afin que je me rende agréable devant vous dans la lumière des vivants..

  A022000229 

 Ayez pitié de moi, ô Dieu, ayez pitié de moi parce que mon âme s'est confiée en vous; et à l'ombre de vos ailes, j'espérerai jusqu'à ce que l'iniquité soit passée.

  A022000230 

 Approchez-vous de mon âme et délivrez-la; à cause de mes ennemis, délivrez-moi.

  A022000230 

 Pour moi, je vous adresse ma prière, Seigneur; c'est le temps de votre bienveillance, ô Dieu.

  A022000231 

 Moi j'ai dit: Seigneur, ayez pitié de moi, guérissez mon âme parce que j'ai péché contre vous..

  A022000232 

 C'est vous qui êtes mon aide et mon libérateur; Seigneur, ne tardez pas..

  A022000232 

 O Dieu, songez à me secourir; Seigneur, hâtez-vous de me venir en aide.

  A022000233 

 Ne livrez pas aux bêtes féroces mon âme qui vous loue; et l'âme de votre pauvre serviteur, ne l'oubliez pas à jamais.

  A022000235 

 C'est en vous, Seigneur, que j'ai espéré; je ne serai pas confondu a jamais..

  A022000241 

 Moy, miserable, helas! seray je donques privé de la grace de Celuy qui m'a faict gouster si souefvement ses douceurs, et qui s'est monstré à moy si aymable? O Amour! o Charité! o Beauté a laquelle j'ay voué toutes mes affections, hé, je ne jouyray donques plus de vos delices, et je ne seray plus enyvré de l'abondance de vostre mayson, et vous ne m'abbreuveres plus du torrent de vostre volupté? O les bienaymés tabernacles du Dieu des vertus, hé donques, je ne passeray jamais au lieu de ce tabernacle admirable, jusques en la mayson de Dieu?.

  A022000242 

 O Vierge, aggreable entre les filles de Hierusalem, des delices de laquelle l'enfer ne peut estre resjouy, hé, je ne vous verray donques jamais au royaume de vostre Filz, belle comme la lune et esleuë comme le soleil?.

  A022000243 

 Et jamais donques je ne seray faict participant de cest immense benefice de la Redemption?... Et mon doux Jesus n'est il pas mort aussi bien pour moy que pour les [18] autres?... Ah! quoy qu'il en soit, Seigneur, pour le moins que je vous ayme en ceste vie, si je ne puis vous aymer en l'eternelle, puysque personne ne vous loüe en enfer..

  A022000254 

 O Seigneur Jésus, vous serez toujours mon espérance et mon salut dans la terre des vivants.

  A022000254 

 Quoi qu'il arrive, Seigneur, vous qui tenez tout dans votre main, et dont toutes les voies sont justice et vérité; quoi que vous ayez arrêté à mon égard au sujet de cet éternel secret de prédestination et de réprobation; vous dont les jugements sont un profond abîme, vous qui êtes toujours juste Juge et Père miséricordieux, je vous aimerai, Seigneur, au moins en cette vie, s'il ne m'est pas [19] donné de vous aimer dans la vie éternelle; au moins je vous aimerai ici, ô mon Dieu, et j' espérerai toujours en votre miséricorde, et toujours je répéterai toute votre louange, malgré tout ce que l' ange de Satan ne cesse de m'inspirer là-contre.

  A022000261 

 Domine, si vis, potes me mundare; Seigneur, pourveu que vous le voulies, vous me pouves rendre net.

  A022000261 

 J'ay eslevé mon cœur a vous; pour cest effect, delivres moy, o mon Dieu, de mes adversaires; apprenes moy a fayre vostre volonté, puysque vous estes mon bon Dieu; vostre bon esprit me conduira par la main au bon chemin, et vostre divine Majesté me donnera la vraÿe vie par son indicible amour et par son immense charité..

  A022000261 

 La premiere partie de cest Exercice est l' invocation; partant, reconnoissant que je suis exposé a une infinité de dangers, j'invoqueray l'assistance de mon Dieu et diray: Domine, nisi custodieris animam meam, frustra [22] vigilat qui custodit eam; Seigneur, si vous n'aves soin de mon ame, c'est en vain qu'un autre en aura du soin.

  A022000264 

 Pour [24] ceste fin je me serviray des parolles du Prophete royal David: Nonne Deo subjecta eris, anima mea? ab ipso enim salutare meum; eh bien, mon ame, n'obeyres vous pas de bon cœur aux saintes volontés de Dieu, veu que de luy depend vostre salut? Ah, que c'est une grande lascheté de se laisser persuader et conduire a mal fayre, contre l'amour et desir du Createur, par crainte, amour, desir et hayne des creatures, quelles qu'elles soyent! Certainement, ce Seigneur d'infinie majesté estant reconneu de nous digne de tout honneur et service, ne peut estre mesprisé qu'a faute de courage.

  A022000265 

 In manus tuas, Domine commendo spiritum meum; Je vous recommande, o benin Seigneur, mon ame, mon esprit, mon cœur, ma memoyre, mon entendement et ma volonté; hé, faites qu'avec et en tout cela je vous serve, je vous ayme, je vous playse et honnore a jamais..

  A022000265 

 Je luy laisseray [25] absolument le soin de ce que je suys et de ce qu'il veut que je sois; je diray de tout mon cœur: Unam petii a te, Domine Jesu, hanc requiram, ut faciam voluntatem tuam omnibus diebus vitae meœ; Je vous ay demandé une chose, o Jesus, mon Seigneur, et derechef je vous la redemanderay: a sçavoir, que j'accomplisse, fidelement vostre amoureuse volonté tous les jours de ma pauvre et chetifve vie.

  A022000285 

 En suitte dequoy je considereray que nostre amoureux Sauveur est la lumiere des Gentilz et la lumiere qui dissipe les tenebres du peché; sur quoy, faysant une sainte resolution pour toute la journee, je chanteray avec David: Mane adstabo tibi et videbo, quoniam non Deus volens iniquitatem tu es; Je me leveray de bonne heure, et me mettant en vostre presence, je considereray que vous estes le Dieu auquel desplait l'iniquité; partant je la fuyray de tout mon possible, comme chose souverainement desaggreable a vostre infinie Majesté..

  A022000285 

 — Le matin, aussy tost que je seray esveillé, je rendray graces a mon Dieu avec ces parolles du Psalmiste royal David: In matutinis meditabor in te, quia fuisti adjutor meus; c'est a dire: Des l'aube du jour vous seres le sujet de ma meditation, d'autant que vous aves esté ma sauvegarde.

  A022000287 

 Or, tout ainsy que par le sommeil corporel toutes les operations corporelles se resserrent tellement dans le cors qu'elles ne s'estendent rien pour tout au dela [28] d'iceluy, aussy donneray je ordre que mon ame, en ce tems la, se retire tout a faict en soy mesme, et qu'elle ne face autre fonction que de ce qui luy touchera et appartiendra, obeyssant humblement au dire du Prophete: Surgite postquam sederitis, qui manducatis panem doloris; O vous qui manges volontier le pain de douleur, ou en la doleance de vos fautes, ou en la condoleance de celles du prochain, ne vous leves pas, n'alles pas aux occupations exterieures de ce siecle laborieux, que vous ne vous soyes au prealable suffisamment reposés en la contemplation des choses eternelles..

  A022000288 

 Voyci donques comme je feray: ou je veilleray, mesmement dans le lict, quelque peu apres les autres, si autrement je ne puis fayre, ou je m'esveilleray apres le premier sommeil, ou bien le matin je me leveray devant les autres, et me resouviendray de ce que Nostre Seigneur a dict a ce propos: Vigilate et orate, ne intretis in tentationem; Veilles et faites orayson, de peur que vous ne soyes vaincuz par la tentation.

  A022000289 

 Je mettray peyne d'effectuer son commandement: Quae dicitis in cordibus vestris, in cubilibus vestris compungimini; Ayes repentance, mesme dans le lict, des pechés que vous commettes avec la seule pensee: ce que pour deüement accomplir, a l'imitation de cest harmonieux cygne penitent, lachrimis meis stratum meum rigabo; je baigneray ma couche de mes larmes..

  A022000289 

 Puys, par la consideration des tenebres exterieures entrant dans la consideration de celles de mon ame et de tous les pecheurs, je formeray ceste priere: Illuminare his qui in tenebris et in umbra mortis sedent, ad dirigendos pedes nostros in viam pacis; Hé, Seigneur, puysque les entrailles de vostre misericorde vous ont faict descendre du Ciel en terre pour nous venir visiter, de grace, illumines ceux qui gisent estenduz de leur long dans les tenebres d'ignorance et dans l'ombre de la mort eternelle, qui est le peché mortel; conduises les aussy, s'il vous plaist, au chemin de la paix interieure.

  A022000290 

 Illumines tellement mon pauvre aveuglé cœur des beaux rayons de vostre grace, que jamais il ne s'arreste en façon quelcomque en la mort du peché; hé, ne permettes pas, je vous prie, que mes ennemis invisibles puissent dire: Nous avons eu barre dessus luy.

  A022000290 

 «Dum medium silentium tenerent omnia, et nox in suo cursu medium iter haberet, omnipotens Sermo tuus, Domine, a regalibus sedibus venit.» Les plus sombres tenebres de la minuict ne peuvent donner aucun obstacle a vos divins effectz; à ceste heure la, vous naquistes de la Vierge sacree vostre Mere, a ceste heure la aussy vous pouves fayre naistre vos celestes graces dans nos ames et nous combler de vos plus cheres faveurs.

  A022000290 

 — Parfoys je me retourneray a [30] mon Dieu, mon Sauveur, et luy diray: Ecce non dormitabit neque dormiet, qui custodit Israel; Non, vous ne dormes ny ne sommeilles poinct, o vous qui gardes l'Israel de nos ames.

  A022000309 

 Secondement: cela faict, je me reposeray tout bellement en la consideration de la vanité des grandeurs, des richesses, des honneurs, des commoditées et des voluptés de ce monde immonde; je m'arresteray a voir le peu de durëe qui est en ces choses la, leur incertitude, leur fin, et l'incompossibilité qu'elles ont avec les vrays et solides contentemens; en suitte dequoy mon cœur les desdaignera, les mesprisera, les aura en horreur et dira: Alles, alles, o diaboliques appas, retires vous loin de moy, cherches fortune ailleurs; je ne veux poinct de vous, puysque les plaisirs que vous promettes appartiennent aussy bien aux folz et abominables qu'aux hommes sages et vertueux..

  A022000315 

 O Seigneur, diray je, il n'y a que vous de bon par essence et par [36] nature, vous seul estes necessairement bon; toutes les creatures qui sont bonnes, tant par la bonté naturelle que par la surnaturelle, ne le sont que par participation de vostre aymable bonté..

  A022000355 

 Garder sur tout d'y mordre et picquer, ny se mocquer de personne, car c'est vrayement une lourdise de penser se mocquer sans hayne de ceux qui n'ont poinct d'occasion de vous supporter..

  A022000367 

 — De si loin que je verray une eglise, je la salueray par ce verset de David: Je vous salue, eglise sainte, dont Dieu a mieux aymé les portes que tous les tabernacles de Jacob.

  A022000420 

 «Vous, Roi de gloire, ô Christ; vous êtes le Fils éternel du Père; afin de revêtir la nature de l'homme pour le délivrer, vous n'avez pas dédaigné le sein d'une Vierge;» ô Jésus, fils de David, hosanna, hosanna.

  A022000421 

 Eclairez mes yeux, de peur qu'ils ne s'endorment dans la mort, ou que l'ennemi ne dise: J'ai triomphé contre lui. Envoyez votre Esprit, et ils seront créés, et vous renouvellerez la face de la terre.

  A022000421 

 Heureux l'homme que vous avez instruit, Seigneur, et à qui vous avez enseigné votre loi.

  A022000450 

 De son côté, Je Psalmiste dit: Ce ne sont pas les morts, Seigneur, qui vous loueront, ni tous ceux qui descendent en enfer..

  A022000451 

 En troisième lieu, [ces textes]: Ta perte vient de toi-même, ô Israël; J'ai planté une vigne, j'attendais qu'elle porterait des raisins, elle a donné des fruits sauvages; Il fit appeler tout le monde au festin; Il veut que tous soient sauvés; Venez à moi, vous tous, sont certes des expressions qui ne peuvent être proprement et convenablement comprises, si l'on suppose que Dieu avait tout d'abord déterminé de ne pas accorder la gloire à certains individus: ce serait, en effet, se moquer de quelqu'un que de l'inviter à un repas de noces, tout en ayant résolu de l'exclure à cause de l'absence de mérites de sa part.

  A022000479 

 En effet, quoique je ne doute pas que les choses que j'ai écrites ne soient vraies, parce que je n'y vois rien qui puisse former un doute solide au sujet de leur vérité; cependant, parce que je ne vois pas tout et qu'un mystère si profond est trop brillant [64] pour pouvoir être regardé en face par mes yeux de chouette, si, dans la suite, le contraire apparaissait (ce qui, je pense, n'arrivera jamais); bien plus, si je me savais damné (que cela n'arrive pas, Seigneur Jésus!) par cette volonté que les thomistes placent en Dieu afin que Dieu montre sa justice, frappé de stupeur et levant les yeux vers le Juge suprême, volontiers je dirais avec le Prophète: Mon âme ne sera-t-elle pas soumise à Dieu? Amen, Père, parce qu' il vous paraît bon ainsi; que votre volonté soit faite.

  A022000480 

 Alors non plus je ne devrai pas répondre autrement qu'auparavant [66]: Amen, Père, parce qu' il vous paraît bon ainsi.

  A022000480 

 Mon coeur est prêt, ô Dieu, à la peine à cause de vous; mon cœur est prêt à la gloire à cause de votre nom, JESUS. Je suis devenu comme une bête de somme devant vous, et vous-même, Seigneur, soyez toujours avec moi.

  A022000480 

 Mon âme ne vous sera-t-elle pas soumise? car c'est de vous que vient mon salut.

  A022000565 

 Cherchez donc d'abord le royaume de Dieu, et tout vous sera [74] donné par surcroît, afin qu'un roi soit établi par Dieu sur la sainte montagne de Sion, un roi qui proclame sa loi, qui croie en son nom et ne soit pas né de la chair, mais de Dieu..

  A022000565 

 Pourquoi aimez-vous la vanité, disant: Qui nous montre le bien? Je ne suis pas le renardeau qui saccagera les vignes.

  A022000565 

 Pourquoi aimez-vous le mensonge connu par l'expérience de la promesse non gardée? Pourquoi recherchez-vous et aimez-vous le mensonge qui vous causera tant de déceptions dans l'avenir? que reste-t-il donc? Et la terre a été remuée.

  A022000657 

 Bien que je me rende assez compte en moi-même de quelle importance il est pour ma réputation de vous adresser autant que je le puis les très vifs remerclments qu'exige de moi le saint et sacré bienfait que vous m'accordez aujourd'hui, Révérendissime Vicaire général, vénérable Prieur, Pères conscrits: [82] cependant, ne me sentant pas capable de vous les présenter tels qu'il le faudrait et connaissant les graves occupations qui vous empêchent d'y prêter une longue attention, plus soucieux de vos intérêts que de ma propre renommée, je me serais volontiers abstenu de ce devoir de reconnaissance.

  A022000662 

 Grâce à presque tous ces maîtres, Pères, tout ce que je possède de science civile est dérivé de votre Collège jusqu'à moi, et vous l'avez jugée telle que, par votre sentence, vous l'avez déclarée suffisante pour m'acquérir la couronne de laurier, et cette sentence [88] devient un jugement définitif.

  A022000663 

 Aussi, cette circonstance et ce lieu exigeraient-ils de moi la plus vive démonstration de gratitude; mais puisque pour un bienfait si grand et si précieux, il nous manque, à moi l'éloquence, et à vous le loisir, à la place d'un plus long discours, recevez avec indulgence et bienveillance cette protestation de mes sentiments devant cette très noble assemblée.

  A022000664 

 A vous, Christ, Dieu immortel; à votre très glorieuse Mère; à l'Ange gardien, à saint François dont je suis heureux de porter le nom, louange, ho nneur, bénédiction et action de grâces.

  A022000664 

 O Loi éternelle, Règle de toutes lois, donnez-moi pour loi le chemin de vos justifications au milieu de mon cœur; car, bienheureux est celui que vous avez instruit, Seigneur, et à qui vous avez enseigné votre loi.

  A022000665 

 Pour ce qui reste, faites-le, s'il vous plaît, très illustre Panciroli, mon très honoré maître, et, de vos mains si pures et bienfaisantes, décorez-moi de ces ornements dont cette Université a coutume d'honorer, avant de les congédier, les élèves auxquels elle a conféré la dignité qu'elle m'acccorde..

  A022000786 

 Ainsy, si vous voules en ce brave combat.

  A022000791 

 Vous prendres en la mort un vif estre immortel..

  A022000793 

 Aussy, si vous moures en combattant, la gloyre.

  A022000794 

 Du combat vous demeure; vous aures la victoyre,.

  A022000795 

 Vous seres triomphans d'un triomphe [im]mortel..

  A022000804 

 Dequoy je vous ay bien voulu escrire ce mot, affin de respondre [au commun]...............

  A022000824 

 Car je brusle quand je vous veux..

  A022000860 

 Sus donq! vous qui voyes quelle gloire environne.

  A022000898 

 Ce livre cy, lequel je vous presente..

  A022000904 

 Pour bien graver quil vous faut aymer tous.

  A022000905 

 En vostre cœur ce que vous represente.

  A022000906 

 Ce livre cy, qu'en don je vous presente..

  A022000907 

 Or sus, aymant tous, si m'aymeres vous..

  A022001003 

 Vous, Messieurs, en porteres, sil [131] vous plait, tesmoignage, vous ayant expressement a ce prié, appellé et requis..

  A022001060 

 Esperant qu'avec ceste commodité vous pourres reconnoistre le bon chemin de vostre salut, le mesme zele qui Nous a poussé a vous procurer ce bien Nous faict encor vous inviter et exhorter par ce mot a bien user d'iceluy, ouyant diligemment les raysons qui vous sont proposees, les pesant et considerant de pres, et proposant les difficultés que vous y trouveres aux predicateurs, ne Nous pouvant estre chose [143] plus aggreable que d'entendre vostre advancement et prouffit en nostre sainte religion catholique..

  A022001060 

 Nous avons sceu, avec nostre grand contentement, que, des quelques mois en ça, vous aves eu continuellement pardela, et mesme en la ville, la praedication de nostre sainte foy catholique.

  A022001107 

 Monseigneur, Vostre Altesse voit bien ce que je veux dire et ce qu'il faut faire: il est necessaire de prendre de ces fruicts pour nourrir les curez et predicateurs, et pour restaurer les eglises ruinées; car, quel moyen autrement? Vous avez en cela la souveraine puissance et authorité, comme Grand Maistre de ceste Milice..

  A022001665 

 Dequoy le seigneur exposant informé, desireroit par vostre authorité, ce que dessus consideré, vous playse, en ensuyvant la teneur de la commission qu'aves de saditte Majesté, de remettre ce qui a esté establi par le sieur Baron de Lux en deu estat; ordonner que tres expres commandement sera fait au ministre qui jouit a present de laditte mayson de [273] la cure et jardin, que dans brief delay (que pour ce faire prefigeres) il ayt a en vuider, avec injonction de restituer les fruitz qu'il en a perceu: le tout en suitte dudit establissement, et sur ce, luy prouvoir remede convenable, implorant humblement vostre benigne justice..

  A022001679 

 Qu'est la cause qu'il requiert playse a vous, Monsieur, en ensuyvant la portee de vostre commission de saditte Majesté, le reintegrer de plus fort en la jouissance et possession du susdit cimetiere, par les susnommés indeuement occupé, avec inhibition et defense tres expresses de par ci apres ne commettre semblables abus, sous peyne d'estre punis selon la rigueur des ordonnances, comme vrays perturbateurs du repos publiq, et sous autres peynes qu'il vous plaira leur imposer: et sur ce, luy prouvoir et faire justice..

  A022001697 

 C'est pour quoy, estant informé de ceste solennelle assemblee quy se faict pour entendre l'estat et les necessités de tout le Clergé de France, afin d'y apporter les remedes et provisions convenables, il recourt a Voz Reverences, a ce qu'en consideration des choses susdites et en commiseration de tant de pauvres ames, les unes ja converties, les aultres encores captives dans les liens de l'eresie, comme encores au grand interest qu'a toutte la Chrestienté, et particullierement la France, de veoir toutte ladite terre de Gex, qui confine et aboutit aux portes de la ville de Geneve, entierement convertie et reunie a nostre saincte foy et religion Chatolique, il vous plaise, mes Seigneurs, declayrer et ordonner que ledit evesché de Geneve, pour toutte la part qui est [279] dans les terres de l'obeissance du Roy, sera par cy appres et des a present unie et incorporé au corps general dudit Clergé de la France, et que, en telle quallité, ledit evesché, pour ladite part, jouira des ores des privileges et immunités dont jouit le reste dudit Clergé.

  A022001726 

 A ces causes, Sire, [on remontre] que ledit suppliant ne doit estre de pire condition que tous les autres ecclesiastiques de vostre royaume, duquel il a l'honneur d'estre l'un des Prelatz et en cette qualité luy a fait le serment de fidelité; et attendu qu'il ne possede autre domaine en tout vostre royaume que ce qui luy est usurpé par lesditz de Geneve, joint que, injustement, ilz luy detiennent presque tout le surplus de ses revenuz qui sont dans l'Estat et territoire dudit Geneve, et que dudit renvoy il vous appert par les pieces cy attachees: il playse a Vostre Majesté ordonner qu'il sera reintegré et restabli, tant en [son] particulier que dudit Chapitre de son Eglise cathedrale, et du Chapitre de Saint Victor et des autres ecclesiastiques, en la reelle possession et jouissance des eglises, maysons presbiterales, biens et revenuz ecclesiastiques occupés par laditte ville et cité de Geneve, dans la souveraineté de Vostre Majesté; avec defenses a tous detenteurs et occupateurs de ne le troubler ni molester, a peyne d'estre declarés perturbateurs du repos publiq.

  A022001938 

 Vous delivreres a M. Poncet, curé de Sessi, la somme de cent florins pour l'annee mille six cens et seze; et rapportant quitance d'iceluy, vous sera par Nous alloüee..

  A022001983 

 Mais vous avez exhorté les autres à rentrer dans le sein de l'Eglise: cela est bon pour les particuliers.

  A022001983 

 Pendant le voyage il parla presque toujours avec moi et me dit entre autres choses: «Monsieur, vous avez fait ce qui ne s'était pas fait dans la ville de Sion depuis bien des années; car il n'a jamais été permis aux prédicateurs catholiques de traiter en chaire d'aucune matière de controverse.

  A022002029 

 Nous avons appris avec un grand contentement que vous avez ouy les piedicateurs de la parolle de Dieu et de nostre saincte foy Catholique, que vous avez heu continuellement despuis quelques mois.

  A022002029 

 Or, esperant que ceste commodité vous ouvrira le chemin de vostre salut, avec le mesme zele que Nous vous avons procuré ce bien, Nous vous exhortons aussi d'en bien user; et vous en userez bien, si vous prenez garde aux raysons qui vous seront exposees, si vous les pesez esgalement, et si vous proposez les difficultez qui vous surviendront aux predicateurs; car Nous n'avons rien tant a souhait, ny qui Nous soit plus aggreable, que quand Nous entendons que vous proffitez en la saincte Religioa Catholique..

  A022002030 

 Ainsy Dieu vous aye en sa garde..

  A022002071 

 Outre cecy, il y a plusieurs autres beaux moyens desquels vous estes adverty, et que pourres advancer comme mieux vous verres a propos..

  A022002076 

 Vous raconteres ce que S. A. pretend de faire propter fidem; mais cela a besoin d'ayde et de secours pour mieux reussir, lequel Sa Saincteté peut facilement nous fere avoir.

  A022002117 

 Nous avons receu vostre lettre du XXIIII du present et joinct a ycelle le double de la requeste que Nous a esté presentee par ceulx de Tonon, et vous disons, en responce, que Nostre intention aiant tousjours esté de donner l'avancement possible au service de Dieu et l'exaltation de son Eglise generalement riere noz Estatz, et particulierement de remettre riere le Chablais la mesme foy et vraye Religion que Noz predecesseurs y avoint si sogneusement plantee avant que les usurpateurs du peys en heussent desbouché Noz bien amez subjectz: Nous avons, sur ceste consideration, volontiers presté l'oreillie a ceulx qui Nous ont proposé leur soing, jeur talent et leur industrie pour la perfection d'un si bon euvre; et telz ayant esté le Pere Cherubin et le President Favre, Nous apreuvasmes le zele qui les poulsoit d'y volloir fere quelque notable fruict..

  A022002119 

 Et cependant, en vous laissant dextrement entendre a ces gens que Nostre intention n'est pas de les forcer ny contrevenir aux provisions quilz disent avoir de feu nostre S r et Pere et de Nous, vous ne lairrez de les induire et persuader, en tant que vostre pouvoir se pourra estendre, dé Nous donner ceste satisfaction que d'ouyr et frequenter les presches qui peuvent servir a les desabuser de leur faulce opinion,............................................................................

  A022002120 

 Et Nostre Seigneur vous ayt en sa s te garde..

  A022002138 

 Desirans de faire prouvoir prompcernent à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, tant en ceste ville de Tonon qu'aux lieux circonvoisins: A ceste cause, et autres Nous mouvans, vous mandons, ordonnons et commandons par ces presentes qu'ayez à saisir et reduire sous Nostre main, et par bon et loyal inventaire, tous et un chacun les revenus, biens, fruicts, argens, appartenances et dependances des benefices riere le bailliage de ceste ville, et particulierement du prieuré de Sainct Hyppolite, qui n'auront charge d'ames, pour le temps de trois ans prochains advenir; et lesquels fruicts et autres choses sudittes, Nous voulons estre employez à la reparation et restauration des eglises, autels et autres choses necessaires pour les exercices de pieté et devotion, ainsi que Nous avons dit.

  A022002138 

 Vous defendans tres-expressement de delivrer, mettre ou employer aucun desdicts fruicts et revenus à autre usage qu'à ce que dessus, et suivant les ordres qui vous en seront faicts par Reverendissime Claude de Granier, Evesque de Geneve, Reverend messire François de Sales, Prevost de l'eglise Cathedrale de Sainct Pierre de Geneve, et Reverend messire Claude d'Angeville, Primicier de l'eglise collegiale de Sainct Jean Baptiste de La Roche: ausquels, en tant qu'il Nous concerne et peut appartenir, leur en avons donné et attribué tout pouvoir et authorité; et à vous, de contraindre et faire contraindre tous ceux qui seront à contraindre, par toutes les voyes de justice deuë et raisonnable, d'y obeyr et obtemperer.

  A022002140 

 De ce faire vous donnons pouvoir, authorité, commission et mandement, car telle est Nostre volonté..

  A022002269 

 A quoy la Chambre est tres humblement suppliee de fere consideration et prouvoir une fois pour toutes; et, [ce] consideré, nos Seigneurs, vous plairra ordonner au sieur moderne Gabellier general leur continuer la dite pention, quartier par quartier, a la forme de leur provision, patentes de S. A. et Arrests de ceans portant veriffication d'icelles, et leur fere rescription une fois pour toutes vers le commis du grenier a sel de Chablais, pour eviter aux voyages quil convient de fere pour ce regard, et a ce que le service de Dieu ne vienne a manquer: et sur ce, plaira leur prouvoir..

  A022002270 

 Et ils continueront leurs prieres a la prosperité de vous, nos Seigneurs, tant en general que particulier..

  A022002293 

 J'esperois que la premiere lettre que j'aurois a vous escrire en response de celle dont il vous a pleu m'honorer vous seroit rendue par monsieur le Prevost mon frere, pour l'esperance que me donnoyent ses diligences quil pourroit estre depeché avant les testes.

  A022002293 

 Mais j'espere que Dieu le favorisera de telle sorte, quil surmontera en ce voyage non pas peut estre toutes les difficultés, mais du moins un bonne partie, et quil s'en retournera pour le moins a demy content, si son contentement n'est du tout empeché par le desplaysir quil aura de n'avoir pas entierement satisfaict a ce que vous desirez.

  A022002293 

 Monsieur de Lux est arrivé icy bien a poinct pour y faire de tres bons offices, comme Vostre Seigneurie Reverendissime entendra plus a plein quelque jour, car il seroit trop long et difficile de vous en representer par lettre toutes les particularités..

  A022002295 

 Je me resjouys extremement et vous remercie tres humblement de la bonne nouvelle qu'avez eu de Rome, laquelle ne me pouvoit arriver meilleure en contrechange de celle qu'a eu Madame de la decision de Rote, de laquelle, toutefois, et elle et tous ces messieurs de son Conseil se donnent maintenant beaucoup moins de peine des que nous l'avons receue et veu qu'elle n'est fondee sur raison qui vaille, ny qui soit nouvelle.

  A022002295 

 Tout le Conseil de Madame se doit assembler en brief pour en prendre une finale resolution, laquelle attendant de vous escrire par monsieur mon Frere, qui partira devant moy pour la retardation de l'arrivee de Monsieur, je vous baise cependant tres humblement les mains, Monseigneur, comme celuy qui est,.

  A022002308 

 Je me sens obligé par double devoir, en l'absence de monsieur le Prevost mon frere, vous donner advis de sa santé, et quil est allé des hier a Fontainebleau vers le Roy, pour tirer de Sa Majesté quelque bonne resolution avant qu'elle parte pour aller a Blois, ou l'on tient qu'elle va bientost..

  A022002309 

 En somme, il est tenu pour le premier predicateur que la France ayt eu des long temps en ce grand theatre, et plusieurs pensent que le Roy ne le laissera poinct venir quil ne l'aye faict prescher devant luy; ce que je desirerois, comme font aussy plusieurs autres, m'asseurant que cela donneroit beaucoup de credit a sa negociation, delaquelle ne pouvant vous escrire autre pour le present, je ne feray ceste plus longue, sinon pour vous baiser tres humblement les mains et prier Dieu quil vous doint, Monseigneur, en santé, longue et contante vie..

  A022002309 

 Vous ne pourriez croyre, ny moy vous dire combien tous les princes et princesses de la Cour favorisent mon Frere pour les merites qu'ilz reconnoissent en luy, et pour la reputation que luy ont acquise tant de belles et doctes predications quil a faictes aux plus celebres lieux de ceste ville en ce Caresme et en ces festes de Pasques.

  A022002319 

 C'est pourquoy nous vous envoyons ce porteur expres, pour vous dire que nous desirons estre informez de vos droictz, pour ne faire chose au prejudice d'iceux.

  A022002319 

 Estantz en ce bailliage pour une commission qu'il a pleu a Sa Majesté nous addresser touchant l'execution de l'Edict de Nantes, et ayans receu quelques requestes a nous presentees de la part du sieur Evesque de ce diocese, concernant choses esquelles vous pouvez estre interessés, nous ny avons voullu pourveoir sans vous en rendre advertis.

  A022002319 

 Et partant, s'il vous plaist envoyer par devers nous quelques ungs de vostre part, vous nous trouverez disposez a vous rendre toutte sorte de contantement qui despendra de nostre pouvoir..

  A022002320 

 Et sur ce, nous prierons Dieu, Messieurs, qu'il vous tienne en sa saincte garde..

  A022002321 

 Vos tres humbles et affectionnés a vous faire service,.

  A022002331 

 Nous avons receu la lettre par laquelle Nous faictes entendre que vous estes au balliage de Gex pour la commission a vous addressee par S. M. touchant l'execution de l'Edict de Nantes, et [345] que le S r Evesque mentionné en la vostre vous a presenté quelques requestes concernant choses ou Nous pouvons estre interessés..

  A022002332 

 Que si le dict S r Evesque vous vouloit induire a Nous y travailler et faire quelque chose a nostre prejudice, vos prudences sçauront assez que luy respondre..

  A022002332 

 Sur quoy Nous vous dirons que Nous avons jugé entierement superflu l'envoy d'aucuns des nostres par dela, d'autant que l'Edict de Nantes ne regarde point (comme vous sçavez trop mieux) nostre Seigneurie et Republique, ne les terres ou droicts d'icelle.

  A022002333 

 Et finalement Nous croyons, suyvant ce qu'il vous plaist Nous promettre et protester par la vostre, que vous ne ferez rien au prejudice de nos droicts.

  A022002334 

 Sur quoy, apres vous avoir remercié tres affectueusement de la [346] bonne volonté qu'il vous pleust Nous tesmoigner, a laquelle Nous desirons correspondre par tous plaisirs et services a Nous possibles, d'aussy bon ceur ( sic ) que Nous prions Dieu, Messieurs, vous avoir en sa saincte garde..

  A022002335 

 Vos tres affectionnés a vous faire service,.


23-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIII-Vol.2-Opuscules.html
  A023000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A023000151 

 C'est pourquoi [2] l'argument de saint Thomas prouve sûrement que Dieu veut d'abord accorder antécédemment à chacun la gloire, et ensuite les moyens nécessaires pour l'obtenir: ce qui est contre vous.

  A023000151 

 D'un autre côté, la raison de saint Thomas a toute sa force de conviction en entendant la volonté en général, abstraction faite de savoir si cette volonté est absolue ou conditionnelle, antécédente ou conséquente: ce qui est contre vous, non contre nous.

  A023000151 

 La prédestination n'est donc pas, d'après saint Thomas, la volonté et l'élection se rapportant d'abord à la grâce, ensuite et conséquemment à la gloire, comme vous l'imaginez afin de vous soustraire à nos arguments; mais au contraire, elle consiste plutôt à vouloir accorder la gloire aux uns de préférence aux autres, et à la refuser à ceux-ci: par conséquent, à refuser aux derniers les moyens efficaces, et à les donner aux premiers.

  A023000151 

 Que dirai-je de saint Thomas, sur l'autorité duquel vous pouviez vous appuyer, en laissant de côté tous les Pères, pour présenter une justification de votre doctrine qui fût, sinon juste, du moins d'une témérité moindre? Ce Docteur, bien loin d'avoir admis la [1] prévision d'une grâce suffisante; distribuée dans la vision conditionnelle que vous supposez, apporte, dans son enseignement, un argument de toute première force contre vous.

  A023000153 

 Or, d'après vous, ils ne se servaient pas déjà de la grâce suffisante qui était prévue devoir leur être donnée.

  A023000153 

 Par conséquent, vous ne pouvez dire: «avant toute action de leur part,» car le mot «action» doit se prendre là, non seulement dans le sens positif, mais dans le sens privatif.

  A023000156 

 Le but principal de celui-ci ayant été de combattre Pélage, notre opinion, en lui donnant un sens droit, ne peut s'éloigner plus que la vôtre de celle d'Augustin: en d'autres termes, s'il est vrai que nous avouons tous que c'est gratuitement et grâce à la miséricorde de Dieu que les prédestinés le sont, Augustin donne là-dessus son explication, vous une différente, nous encore une troisième; mais nous, au moins, nous nous séparons d'Augustin avec d'autant plus de sécurité que nous suivons les traces de tous les autres Pères; tandis que pour vous, l'abandon que vous faites de saint Augustin est d'autant plus dangereux, que vous vous éloignez et écartez davantage, en solitaires, de tous les autres..

  A023000227 

 FRANÇOIS, parlant le premier, dira: Mon frere, estes vous Chrestien?.

  A023000229 

 FRANÇOIS — Quand vous a on fait Chrestien?.

  A023000231 

 FRANÇOIS — Combien de choses principales promistes vous alhors?.

  A023000261 

 FRANÇOIS — Aves vous esté oinct?.

  A023000263 

 FRANÇOIS — Combien de foys vous a on oinct au Baptesme?.

  A023000271 

 FRANÇOIS — Vostre response est bonne; mays combien deves vous sçavoir de choses pour estre sauvé?.

  A023000273 

 FRANÇOIS — Ou trouveres vous la foy, l'esperance et la charité des Chrestiens?.

  A023000279 

 FRANÇOIS — Pourquoy croyes vous d'avoir esté mis en ce monde?.

  A023000281 

 FRANÇOIS — Quelle est la marque plus frequente que vous donnes pour prouver que vous estes Chrestien?.

  A023000297 

 Moi GABRIEL DE SAINT-MICHEL, je reconnais et confesse, de coeur contrit et humilié, devant la Très Sainte Trinité et toute la Cour céleste, et vous autres témoins, que j'ai gravement péché en adhérant aux hérétiques et en croyant leurs diverses hérésies, surtout celles-ci: que le saint Corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ n'est pas vraiment, réellement et substantiellement dans le très auguste Sacrement de l'Eucharistie; qu'il n'est pas un vrai et [16] propitiatoire Sacrifice pour les vivants et les morts, lorsque, d'une manière non sanglante, il est offert à la Messe par les prêtres; qu'il n'existe aucun feu purificatoire après cette vie; que les Saints et les Bienheureux qui sont dans les Cieux ne doivent pas être invoqués; que l'Eglise Catholique visible peut errer et se tromper; et autres très nombreuses..

  A023000305 

 Si je considere sur vos saintz autelz, o mon Sauveur, mon Dieu, vostre tres sacré Cors, que vous aves assaysonné par tant de miracles pour nous nourrir en ces desers, et que, tout ravy en admiration, autre ne me demeure en bouche que ceste protestation de mon insuffisance: Qu'est cecy? qu'est cecy? Manhu? manhu? o Seigneur, regardes a moy! mon jugement naturel, ma chair, mes sens, me livrent [18] mille assautz: Hé, ce me disent ilz, comme se peut il faire que le Sauveur aye donné sa chair a manger? O que ceste parolle est dure! et qui la peut ouyr ni croyre?.

  A023000314 

 Quand je voy, o mon Sauveur, vostre Pere avoir tant aymé le monde qu'il vous a donné pour en estre le Pasteur et Medecin, hé, quelle merveille est ce, dis je, [si] le Filz, d'esgale ains de mesme bonté, s'est encor donné luy mesme pour estre la pasture et la medecine, pour se rendre tousjours tant plus Sauveur, Roy et Seigneur, du tout et par tout nostre?.

  A023000317 

 Comme fustes vous conceu, o mon Dieu, au ventre d'une Vierge, sans aucune œuvre virile? Et pourquoy recherchera on l'ordre naturel en vostre cors qui a esté faict outre tout ordre naturel et est né d'une Vierge?.

  A023000343 

 Seigneur, vous aves dict que vostre Cors et vostre Sang en ce Sacrement estoit donné, rompu, respandu pour plusieurs en remission des pechés; ah! ja n'advienne que je croye qu'autre sang ayt esté respandu et autre cors donné pour la remission de mes pechés que le vostre propre et naturel.

  A023000350 

 Et de faict, quelle autre viande, o Sauveur, si ce n'est vostre Cors, peut donner la vie eternelle? Il faut un pain vivant pour donner la vie; un pain descendu du Ciel pour donner une vie celeste, un pain qui soit vous mesme, mon Seigneur et mon Dieu, pour donner la vie immortelle, eternelle et perdurable.

  A023000350 

 Quelle autre y peut estre employee que vous, qui estes vivant es siecles des siecles? Amen..

  A023000361 

 Le 16 avril 1596, le premier répond ainsi à une demande du second: «Selon vos désirs, j'écris au R. P. Chérubin au sujet de cette démonomanie.» Plusieurs mois après, le 14 janvier 1597, le sénateur dit à son ami: «J'ay remis au Pere Cherubin vostre traitté incontinent que je le vis a Necy apres vous avoir laissé.

  A023000376 

 Les raysons que vous produyses contre ma Consideration sur le Symbole establissant tousjours tant plus sa verité par les fausetés sur lesquelles elles sont fondëes, prenes a gré, je vous prie, que je les vous monstre..

  A023000377 

 Que si vous entendes, par le mot de femme, quelque femme que ce soit, quoy que vierge, vostre assumption sera vraye, mays vostre premiere proposition sera tres inepte; car estre faict de la semence d'une vierge, estre porté en son ventre, quoy que l'espace accoustumé, estre nourry de son laict et substance, sont choses outre tout ordre de nature.

  A023000377 

 — Je dis que si, par le nom de femme, vous entendes une femme qui aÿe eu accointance d'homme, vous parles bien; mays vostre assumption, par laquelle vous dites Jesuschrist avoir esté faict ainsy, est un blaspheme.

  A023000378 

 La proposition de saint Pol, que Jesuschrist a esté faict semblable a nous en tout et par tout, hormis le peché, n'est veritable au sens que vous la proposes contre l'intention de l'autheur, car voyci des instances inevitables: Jesuschrist a esté faict en tout et par tout semblable a nous; nous ne sommes point nés d'une vierge, ne marchons dessus les eaux, n'entrons pas en aucun heu les portes fermëes; donques, ni Jesuschrist.

  A023000379 

 Cependant, la piece que vous attaques de ceste mienne Consideration n'est pas mienne, mays de saint Ambroyse, lequel vous attaques sous mon nom: «Liquet igitur,» ce dict il, «quod praeter naturae ordinem Virgo generavit, et hoc quod conficimus corpus ex Virgine est; quid hic quaeris naturae ordinem in Christi corpore, cum praeter naturam sit ipse Dominus Jesus partus ex Virgine?» Voyla mon garand, duquel la citation est a la marge; mays peut [32] estre que la chaleur du desir de reprendre vous aura empesché de la voir..

  A023000380 

 — Si, en la premiere proposition, vous entendes du cors humain selon l'ordinayre de la nature, vous parles bien; si vous entendes du cors humain eslevé et assisté par la vertu divine, vous parles mal, car l'instance est inevitable en la sortie de Jesuschrist du ventre de sa Mere et du sepulchre, et a l'entrëe qu'il fit les portes fermëes.

  A023000381 

 Quand vous dites que si le cors de Nostre Seigneur n'occupa point de place sortant du ventre de sa Mere, il n'en occupa donques point estant dans iceluy, d'autant que la virginité n'est non plus lezee par l'un que par l'autre, il semble que vous ne consideries pas bien en quoy gist la parfaitte virginité.

  A023000382 

 Certes, Siricius et saint Ambroyse, en l'epistre 80 et 81, tiennent pour haeresie ce que vous dites de la Vierge; et saint Augustin, parlant de Jovinien en l'Haeresie 82, ad Quodvultdeus, dict en ceste sorte: «Virginitatem Mariae destruebat, dicens eam pariendo fuisse corruptam.» Et tout au commencement du Livre premier contre Julien, Pelagien: «Hoc de Manichaeorum nomine et crimine faciebat etiam Jovinianus, negans Mariae sanctae virginitatem, quae fuerat dum conciperet, permansisse dum pareret: tanquam Christum ami Manichseis phantasma crederemus, si Matris incorrupta virginitate diceremus exortum.

  A023000382 

 Parlant donques a Jovinien, je parle a vous..

  A023000382 

 Sed in adjutorio ipsjus Salvatoris, sicut spreverunt Catholici velut acutissimum quod Jovinianus exseruerat argumentum, et nec sanctam Mariam pariendo fuisse corruptam, nec Dominum fuisse phantasma crediderunt, sed et illam virginem mansisse post partum, et ex illa tamen verum Christi corpus exortum, sic» spreverunt «vestra calumniosa vaniloquia.» Et quelle virginité pouvoit nier Jovinien estre en la Vierge en l'enfantement, sinon celle que vous nies? Et quelle autre corruption y pouvoit il mettre que celle que vous y mettes? car de méttre en l'enfant la corruption qui se faict par l'accointance de l'homme, c'est une chose inintelligible.

  A023000384 

 Vous opposes le passage: Tout masle ouvrant la matrice, sera appellé saint au Seigneur.

  A023000386 

 Au reste, Monsieur, consideres, je vous prie, si vos raysons sont telles et vos consequences si fortes que, sans autre jugement de l'Eglise, il fallust appeller ma Consideration haeretique.

  A023000386 

 Ce pendant, prenes garde qu'admettant ouverture au ventre de la Vierge, vous vous rendes coulpable de l'haeresie de Jovinien et que, nous accusant de nier la verité du cors de Nostre Seigneur, vous ne faites rien que ce qui a esté faict contre les plus anciens Catholiques, ainsy que tesmoigne saint Augustin.

  A023000387 

 Si vous n'aves les livres que je cite, venes, et je les vous ferav voir, et peut estre vous leveront ilz la honte de vous repentir quand vous verres de n'avoir pas tant contredit a ma Consideration qu'a la doctrine de l'ancienne Eglise..

  A023000388 

 Je m'offre du tout a vous pour estre, Monsieur,.

  A023000396 

 C'est ce que vous aves nié formellement en vostre premier escrit..

  A023000396 

 Vous confesses en fin que la conception de Nostre Seigneur est surnaturelle; donques, il a esté conceu surnaturellement et outre tout ordre de nature.

  A023000397 

 Ce que faisant, je ne destruis aucunement la verité de l'humanité de Nostre Seigneur, quoy que vous en puyssies imaginer, non plus que d'Adam, qui fut faict et produit outre tout ordre naturel.

  A023000397 

 Le sens de ceste parolle, selon la chair, c'est a dire, [d'après vous,] «selon l'ordre naturel,» est infiniment absurde, puysque la conception, qui est le fondement de tout le reste, est purement surnaturelle..

  A023000398 

 Vous ne refutes point les confirmations que j'ay produittes a ce mien dire, mais seulement persistes a vostre premiere proposition; j'attendray donques que vous y respondies, avant qu'en alleguer d'autres, s'il y eschoit..

  A023000399 

 Mais cela destruit bien la consequence que vous tiries de saint Pol, disant Jesuschrist avoir esté faict semblable en tout et par tout a nous, hormis le peché, dont vous faisies conclusion: donques il n'a pas esté faict outre l'ordre naturel; car ces instances monstrent evidemment quil faut entendre le texte de saint Pol comme je vous ay declairé..

  A023000400 

 Je ne sçay a qui autre qu'a vous, puysque Vous le voules ainsy, il pourrait sembler que j'aye jamais attribué a Nostre Seigneur un cors phantastique.

  A023000400 

 Jovinien en reprocha autant aux Catholiques de son tems, comme saint Augustin vous a tesmoigné; il n'en estoit rien pour tout cela.

  A023000401 

 Ma these, que vous appelles, ne dict sinon que le cors de Nostre Seigneur a esté faict outre tout ordre de nature.

  A023000401 

 Mon garand en avoit dict de mesme, ains bien plus, car le mot de partus ex Virgine se peut entendre non seulement de la conception, mays de toutes les autres actions ou entremises necessaires a la parfaitte disposition d'un filz: qui me faict tant plus croire que quelque chaleur, ou du desir de reprendre, ou du zele sans science, vous a empesché de considerer que vous enveloppies dans vostre censure mon garand avec [39] moy, pensant peut estre vous opposer a quelque absurdité..

  A023000402 

 N'occuper point de place n'est aucunement contraire a la nature d'un vray cors humain, mais c'est bien sur et outre la nature; et partant, un vray cors naturel humain, estant eslevé et assisté par la vertu divine, peut n'occuper point de place: vous ne prouveres jamais le contraire.

  A023000403 

 Et quand vous me dites que peto principium, vous me faites juger que vous me croyes du tout ignorant a la maniere de raysonner, comme si je ne sçavois pas que petitio principii est argumentantis, non respondentis or, je suis respondant.

  A023000403 

 Mes instances ne m'ont point esté niëes cy devant, sinon celles de la sortie du ventre de la Mere, laquelle j'avois tellement prouvëe que je la pouvois bien reproduyre; et de faict, vous n'aves aussi rien respondu a mes preuves, sinon par simples negatives qui vous sont fort aysëes.

  A023000403 

 Or, vous le faites avec ces repetitions: «Le cors humain doit occuper place, le cors qui n'occupe place n'est pas naturel; si le cors de Nostre Seigneur n'occupe place, il est phantastique.».

  A023000403 

 Vous attaques mes theses; demeurer en son principe est vice a vous, mays non pas a moy.

  A023000404 

 Pour bien respondre, il failloit monstrer que le vostre vaut mieux, car c'est cela que je nie; et de faict, comme vous accommodes le mien, j'accommoderay les vostres..

  A023000404 

 Quant au renversement, que vous appelles, de mon argument, vous n'aves que faire d'y employer vostre tems, car je confesse qu'il ne vaut rien.

  A023000408 

 Je ne vous fais donques point de tort de vous attribuer l'erreur de ceux qui ont dict la Vierge avoir esté corrompue en l'enfantement, quoy que sans aucune connoissance d'homme; car, quelle autre corruption ont ilz peu mettre en l'enfantement que celle que vous y mettes? et dequoy est ce que les anciens Peres les ont repris que de ce dont je vous reprens? Si vous ne quittes l'erreur de Jovinien, je ne quitteray point les reprehensions de saint Ambroyse, saint Hierosme et saint Augustin.

  A023000408 

 Vous aves beau advancer le mot de virginité, si vous n'en accordes le double effect; vous seres haeretique en effect, si vous adjoustes l'opiniastreté a l'erreur..

  A023000410 

 Il me semble, si je sçay lire, que vous dites que les deux natures sont unies ensemble en une mesme hipostase, хоινωνίαν.

  A023000410 

 Je vous dirois pourquoy si je vous voyois, mays je n'ay loysir d'escrire; aussy est ce hors nostre propos..

  A023000411 

 Quant a ce que vous dites, que non fœtus aperit vulvam, sed genitor, je confesse que et l'un et l'autre aperit, et quidem pater primo; mays je dis que, selon le stile des Escritures, aperiri vulva tunc dicitur cum mulier concipit.

  A023000411 

 Vous avés veu que Jovinien et Julien, Pelagien, en faisoyent de mesme, tesmoin saint Augustin; mais ce ne sont sinon «calumniosa vaniloquia.» C'est chose claire qu'en l'Escriture: tunc Deus aperit vulvam mulieribus cum concipiunt, et concludit cum steriles sunt, ut sint virum expertæ.

  A023000411 

 Vous ne le sçauries prouver, et moins encor vous eschapper de la force des authorités des Peres que j'ay cité, qui font droitement contre vous, nonobstant ce que vous dites quilz font contre moy; ce qui vous est autant aysé a dire qu'impossible a prouver.

  A023000411 

 Vous prenes et reprenes le principe quand vous finisses disant, que c'est oster la verité du cors de dire quil n'occupe place.

  A023000414 

 Quant a son entrée januis clausis, vous n'aves aucunement respondu.

  A023000414 

 Si vous dites quil occupa place, vous gastes l'Escriture; si vous dites quil n'en occupa point, vous gastes vostre generale proposition, laquelle, a la verité, n'est ni de l'Escriture ni de la Theologie, mais de vostre imagination.

  A023000415 

 Plus donques je m'oppose a vous en cest endroit, plus je suis, et de vous et de tous les autres,.

  A023000446 

 Et quand il a dit; Cecy est mon cors, vous y alles inventer un significat pour est; une figure pour cacher ceste verité si claire!.

  A023000446 

 Puysque nul autre Sacrement au Viel ni au Nouveau Testament, voire ni aucun sacrifice ni ceremonie n'ont jamais esté institués avec parolles figurees, comme peut estre que ce tres grand et, sur tous les autres misteres de la religion chrestienne, principal Sacrement du Cors de Jesuschrist, ayt esté institué par un parler figuré, comme vous dites? Au lieu qu'il est escrit: Cecy est mon cars, vous voules gloser: «Cecy signifie mon cors.» Dieu commanda aux Israëlites de se circoncire: c'estoit un commandement un peu difficile; toutesfois on le prend tout simplement, sans l'eluder et divertir par figures et metaphores.

  A023000450 

 Et que dires vous a ce que le mesme saint Augustin escrit: Que cest adversaire de la Loy et des Prophetes demeure «en arriere avec ses semblables, qui dirent: Ceste parolle est dure, et qui la peut ouyr? Car nous autres, d'un cœur fidele et de la bouche, nous recevons Jesuschrist nous donnant sa chair a manger et son sang a boire, encores qu'il semble plus horrible de manger la chair humaine que de la massacrer, et de boire le sang humain que de le respandre.» Voyla comme saint Augustin ne çourt pas soudain aux figures, et dict aussi qu'on reçoit «d'un cœur fidele et de bouche» les choses qui, de prime face, semblent absurdes..

  A023000450 

 Mays si vous voules entendre toutes choses qui semblent absurdes, quoy qu'elles ne le soyent, devoir estre expliquees par figure, on vous soustient que vous estes lourdement trompés.

  A023000450 

 On accordera bien que si, pour choses mal sonnantes, saint Augustin entendoit ce qui est contre la loy de nature, blasmer, mentir, et, comme vouloyent les Capharnaïtes, deschirer Jesuschrist vivant, qui sont choses qui ne se peuvent jamais droittement commander, vous entendes saint Augustin comme il faut.

  A023000450 

 Pourquoy vous couvres vous du dire de saint Augustin disant, qu'es choses absurdes et mal sonnantes, il faut recourir aux figures? et pour ce, vous dittes les paroles.

  A023000451 

 En l'Escriture Sainte, vous verres plusieurs choses qui, de premier abord, sembleront absurdes, lesquelles toutes-fois on ne lira point a sens figuré: comme, lhors qu'il fut commandé a Abraham de mettre les mains sur son propre filz; a Esaye, de cheminer tout nud; a Ezechiel, de manger du pain trempé en la fiente.

  A023000452 

 Et outre plus, si tout ce qui semble absurde ne se doit croire, que respondres vous aux haeretiques Ariens, Montanistes et Manicheens, qui sentoyent mal de l'Incarnation du Filz de Dieu? car il leur sembloit aussi absurde et indecent que la Divinité fust meslëe parmy les souilleures de nostre nature, que Dieu souffrist faim, playes et mort: qui n'est gueres different des absurdités que vous dites [47] estre en la reelle presence du Cors de Jesuschrist en la sainte Hostie; et toutesfois, vous tenes ces pestes d'haeretiques anciens pour hommes tres malheureux qui ont advancé ces choses la..

  A023000468 

 Quelle loy vous exempte de laver les piedz les uns aux [48] autres avant la celebration de la Cene, comme Nostre Seigneur fit et ordonna? Si ce n'est la Tradition, ce ne peut estre que vostre propre jugement..

  A023000472 

 Nostre Seigneur establit ce saint mistere de son Cors et Sang le soir apres souper: qui vous a dispensés de le faire a autre heure? Ou si vous estimes que les circonstances observees par Nostre Seigneur sont peu considerables?.

  A023000476 

 Pourquoy nies vous que ceste remission aye lieu pour les pechés des deffunctz, plustost que pour ceux des mortelz? Qui vous a baillé pouvoir de restraindre les graces de Dieu mesme, puysque Calvin, 1.

  A023000480 

 Pourquoy prives vous les malades de ce Sacrement, contre l'institution d'iceluy qui ne les rejette point? puysque telles gens en ont plus de necessité que les autres, et que «l'ancienne Eglise» le leur conferoit tres soigneusement, comme Calvin mesme confesse 1.

  A023000494 

 Nos peres ont adoré en ce mont, disoit la Samaritaine, et vous dites qu'il faut adorer en Hierusalem; c'est a dire sacrifier, qui est la seule action exterieure qui est particulierement et perpetuellement destinee a l'adoration de latrie.

  A023000727 

 Il a pu détruire Praxéas» (ajoutons, si cela vous plaît, Luther et Calvin) «et tous les hérétiques; cependant, de ce qu'il l'a pu, il ne s'ensuit pas qu'il l'ait fait.» Or, ce n'est pas d'une puissance ordinaire que Dieu a pu tout cela, car autre a été l'ordre suivant lequel les choses ont été arrêtées et exécutées; c'est donc d'une puissance absolue, [74] c'est-à-dire d'une puissance libre de toute loi promulguée et de l'ordre de choses établi.

  A023000743 

 Ils nient que la mort corporelle du Christ, si le Christ n'avait fait que subir cette mort, nous eût servi en quoi que ce soit: «Rien n'était fait,» dit Calvin, «si tout s'était borné à la mort corporelle du Christ.» Dieu immortel! chaque mot de l'Ecriture rapporte [77] notre salut au sang, à la croix, à la mort du Christ; tous les chrétiens proclament que le Christ a détruit notre mort par sa mort; tous les Saints chantent le cantique de leur rédemption par ces mots: Vous nous avez rachetés, ô Dieu, par votre sang.

  A023000755 

 Ils nient qu'il existe une Tradition simplement orale, et cela [79] contrairement à l'affirmation expresse de saint Paul dans l'Epître aux Thessaloniciens: Gardez, dit-il, les traditions que vous avez reçues, soit de vive voix, soit par lettre.

  A023000764 

 Voyez-vous l'audace et l'impudence de cet homme qui, non content d'avoir détruit autant qu'il l'a pu l'autorité de l'Epître apostolique, accuse encore l'Apôtre d'arrogance, si c'est lui qui a écrit [82] l'Epître, en s'attribuant le droit d'instituer un Sacrement! L'insensé apostat ne voit pas que l'Apôtre agit comme il le fait, non pour instituer le Sacrement de l'Extrême-Onction, mais pour exhorter les fidèles à en user; ce qu'il n'aurait certes pas fait, si le Christ n'avait lui-même institué ce Sacrement..

  A023000780 

 Voici, en effet, les paroles de Luther: «Il appartient à tous les chrétiens et à chacun d'eux de connaître et de juger de la doctrine, et cela leur appartient tellement, qu'il faudrait dire anathème à quiconque léserait ce droit le moins du monde Car le Christ a dit: Gardez-vous des faux prophètes... Cette seule autorité suffit contre les sentences de tous les Pontifes, de tous les Pères, de tous les Conciles, de toutes les écoles, qui ont accordé le droit de juger et de décider aux seuls Evêques et ministres, et l'ont, d'une manière impie et sacrilège, arraché au peuple, c'est-à-dire à l'Eglise-reine.» Un peu plus loin il s'en prend au roi Henri: «Et pour faire ici mention de mon Henri et des sophistes qui font dépendre leur foi de la durée des temps et de la multitude des hommes, tout d'abord on ne peut nier que ce soit depuis plus de mille ans que le droit en question a été tyranniquement ravi; car dans le Concile de Nicée, le meilleur de tous cependant, on commençait déjà à faire des lois et à s'attribuer le droit susdit.» Et peu après il ajoute: «Il est hors de controverse que le droit de connaître de la doctrine, d'en juger ou de l'approuver réside en [86] nous-mêmes, non dans les Conciles, chez les Pontifes, les Pères, les Docteurs.».

  A023000781 

 Je vous le demande, qui que vous soyez qui lisez ces phrases, a-t-on jamais rien écrit de plus arrogant et de plus impudent? Ce ne sont pas les Conciles, les Pontifes, les Pères, les Docteurs qui ont le droit de connaître et de juger des doctrines, mais le seul Luther; bien mieux, le premier venu de la lie du peuple, pourvu qu'il soit luthérien (car j'imagine que c'est là le sens de Luther; autrement c'en serait fini de lui et de tous les luthériens, s'ils avouaient qu'il faut croire à Calvin et aux calvinistes au sujet de l'interprétation des Ecritures).

  A023000817 

 Quoi de plus clair, en eflet, que ces paroles: Ceci est mon corps qui est donné pour vous; Ceci est mon sang qui est répandu pour vous et pour plusieurs en rémission des péchés? Sans nul doute, ce corps très saint est donné, non pas seulement à nous en Sacrement, mais aussi pour nous en Sacrifice.

  A023000818 

 Et si vous ajoutez: le Christ est ressuscité et il est monté aux cieux pour tous les fidèles et les élus, donc personne ne ressuscitera et ne montera aux cieux, le vulgaire le croira aussi, pourvu toutefois que ce soit Luther ou Calvin qui l'affirme; c'est, en effet, par un argument de même sorte que le leur que s'obtient ce dernier mensonge.

  A023000950 

 De cela on trouve presque autant de témoignages que de paroles dans les Saintes Ecritures: La charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné: Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur.

  A023000954 

 De nouveau Luther, au même endroit, se plaît dans ce délicieux argument, qui montre quel bon logicien il était: « La loi ne vient pas de la foi; or, la loi n'ordonne pas autre chose que la charité; donc la charité ne vient pas de la foi, mais est en combat avec elle.» Que répondez-vous à cela, grand Paul? Quand j'aurais une foi assez grande pour transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien.

  A023000995 

 Mais écoutons, je vous prie, au moyen de quelle belle et juste comparaison Calvin explique sa doctrine: «Il suit de là que nous» devons «nous promettre avec certitude que la vie éternelle est [126] nôtre, puisque» le Christ «en a hérité, et que le royaume des Cieux, où il est déjà entré, ne peut pas plus nous manquer qu'à lui-même.

  A023001000 

 Si vous leur demandez d'où leur vient une telle certitude, ils répondent aussitôt qu'ils reçoivent intérieurement du Saint-Esprit je ne sais quelle communication, quelle voix céleste, les empêchant de douter de leur prédestination.

  A023001045 

 Luther, au contraire, avoue ouvertement avoir été appelé par une vocation, non extraordinaire, mais ordinaire et médiate: [135] «Nous sommes donc,» dit-il, «appelés, nous aussi, non pas, à la vérité, immédiatement par le Christ comme les Apôtres, mais par un homme.» Et lorsqu'il explique de quelle manière il a été appelé par un homme, il dit ceci: «Quand un prince ou un autre magistrat m'appelle, je puis me glorifier avec certitude et confiance d'être, par la voix d'un homme, appelé sur l'ordre de Dieu; c'est là, en effet, le commandement de Dieu par la bouche du prince, qui m'assure de la vérité et de la divinité de ma vocation.» Ailleurs il enseigne que «l'appel autrefois était fait par les Apôtres, qui ont choisi leurs successeurs, comme,» dit-il, «ces successeurs sont encore appelés, même par les puissances charnelles et les magistrats, ou par les communautés.» Vous voyez ainsi Luther affirmer de sa vocation qu'elle n'est pas, comme celle des Apôtres et des Evangélistes, extraordinaire, mais ordinaire et médiate, et qu'elle dérive, non des Evêques ou des personnes ecclésiastiques, mais «des magistrats charnels;» c'est là sa propre expression..

  A023001054 

 C'est le cas d'interpeller nos réformateurs apostats avec les paroles de Tertullien: «Qui êtes-vousvous autres, et «d'où venez-vous?» Qui vous a envoyés évangéliser? «Qu'ils montrent les origines de leurs églises,» ajoute-t-il, «qu'ils déroulent la filière de leurs évêques.» Bien mieux, servons-nous des expressions mêmes de Luther parlant du mode d'appel institué par les Apôtres: «Il ne faut donc pas mépriser la vocation, car il ne suffit pas d'avoir la parole et la pure doctrine, il faut aussi que la vocation soit certaine; celui qui s'ingère sans elle, vient pour égorger et perdre, Dieu ne bénissant jamais le travail de ceux qui ne sont pas appelés.

  A023001067 

 Tout aussitôt il insulte ainsi les catholiques en manière de triomphe: «S'il vous fallait soutenir les chocs du [142] démon, vous ne chanteriez pas longtemps votre refrain sur l'Eglise et les anciennes coutumes.» Ailleurs il se glorifie d'avoir, lui tout seul, combattu contre l'Eglise dès le commencement.

  A023001105 

 Et Calvin lui-même ne peut s'empêcher d'avouer et de reconnaître que dès le temps du grand Athanase, tous les gens pieux ont accordé volontiers à l'Eglise Romaine le plus possible d'autorité: «Mais,» dit-il, «tout cela n'avait pas d'autre sens que d'estimer à un grand prix sa communion, et de considérer comme une injure d'être excommunié par elle.» Pourquoi donc, ô Calvin, n'avais-tu pas, et tous les tiens aussi, l'obligation de faire de même, s'il vous restait une étincelle de la piété antique? [149].

  A023001107 

 Contre tous ces contempteurs de la Chaire Apostolique de Rome, il convient d'employer les expressions dont s'est servi autrefois saint Augustin contre Pétilien, et d'apostropher Luther et Calvin, au cas où quelqu'un voudrait répondre en leur nom: «Que» vous s a fait la Chaire de l'Eglise Romaine, où Pierre a siégé, où siège aujourd'hui Anastase? Pourquoi» appelez-vous « chaire de pestilence la Chaire Apostolique? Si c'est à cause des hommes que» vous supposez «enseigner la loi sans la pratiquer, est-ce que le Christ, à cause des pharisiens dont il a dit: Ils disent et ne font pas, a injurié la chaire où ils siégeaient? N'a-t-il pas honoré la chaire de Moïse, et repris les pharisiens sans toucher à l'honneur de la chaire même? Si vous pensiez à cela, vous ne blasphémeriez pas, à cause des personnes que vous décriez, la Chaire Apostolique, avec laquelle vous n'êtes pas en communion.

  A023001120 

 La sixième caractéristique des hérétiques est le mépris des anciens Pères de l'Eglise, qu'ils devraient vénérer et avoir en grande estime s'ils écoutaient Jérémie, ou mieux l'Esprit-Saint parlant par Jérémie: Voici ce que dit le Seigneur: Tenez-vous sur les routes, et regardez, informez-vous des sentiers d'autrefois, quelle est la voie du salut, et marchez-y, et vous trouverez du soulagement pour vos âmes.

  A023001189 

 Mais si vous voulez voir plus ouvertement l'attrait violent qu'ont ces novateurs pour la nouveauté, vous vous en [165] rendrez facilement compte par leurs écrits et leurs actions.

  A023001189 

 Vous voyez donc, ami Lecteur, qui que vous soyez, combien ces novateurs se complaisent dans leurs nouveautés: Luther, en osant ce qu'aucun théologien ou évêque n'avait tenté avant lui; Bèze, en assurant que Calvin a compris et enseigné ce que personne autre n'a jamais su.

  A023001197 

 Comment, en effet, pourraient-ils s'en dispenser, eux qui avouent que vous avez été fidèles et saints? En outre, pour éviter toute tergiversation possible, je ne parlerai que de ce qui est bien constaté avoir été habituellement pratiqué par l'Eglise pendant les premières cinq cents années de son existence; car Calvin, après Luther, nous fait cette remarque: «Souvenons-nous des cinq cents ans environ pendant lesquels la religion florissait encore dans tout son éclat, et la doctrine plus pure était en vigueur.» Et ailleurs, à propos de l'époque d'Augustin: «C'est une chose hors de discussion que rien n'a été changé dans la doctrine depuis le commencement jusqu'à cette époque-là.».

  A023001197 

 J'en appelle ici à vous, ô Pères, non en tant que Docteurs et illustres interprètes de la Sainte Ecriture, mais en tant que témoins tout à fait dignes de foi de ce qui se passait dans l'Eglise au temps où vous en étiez les chefs; en sorte que si les adversaires n'ont pas honte de vous traiter de docteurs ignorants et faibles d'esprit, ils admettent au moins vos paroles et vos écrits comme ceux de témoins fidèles et probes.

  A023001198 

 Dès le début du chapitre, vous verrez, au témoignage d'Augustin lui-même, le grand Ambroise pressé en songe, à Milan, d'exhumer et d'exposer les corps des saints Martyrs Gervais et Protais, le peuple accouru pour vénérer ces restes sacrés des Martyrs, et en particulier un aveugle, qui reçoit la vue au contact de ces reliques..

  A023001199 

 Vous y verrez aussi le bienheureux Saturnin, évêque d'Uzales, Gelosus, prêtre, et les diacres de Carthage; or, c'est l'évêque, comme exerçant la fonction principale, qui bénit les autres: preuve qu'alors les évêques étaient distincts des prêtres, et les prêtres des diacres, l'évêque étant considéré comme fort au-dessus du prêtre.

  A023001199 

 Vous y verrez qu'Augustin lui-même et Alypius n'étaient pas encore clercs: cette remarque d'Augustin veut dire qu'alors les clercs étaient distingués des laïques.

  A023001200 

 Vous verrez Innocentia, pieuse femme de Carthage, obtenir la guérison d'un cancer incurable, par le signe de la Croix du Christ.

  A023001200 

 Vous y verrez Hespérius de Fussales recourir aux prêtres pour faire délivrer sa maison de la présence des esprits malins, et un «de ces prêtres y offrir le Sacrifice du Corps du Christ» (ce sont les paroles mêmes d'Augustin), «priant de toutes ses forces pour faire cesser l'importunité des démons; et cette dernière cessa aussitôt, par la miséricorde de Dieu.» Par conséquent, à une époque où l'Eglise était dans toute sa pureté, le Sacrifice du Corps du Christ, au témoignage d'Augustin, était offert par les prêtres..

  A023001201 

 Vous le verrez demander aux évêques de la faire enfouir quelque part et d'élever une église [172] en cet endroit: ce qui fut fait.

  A023001201 

 Vous verrez aussi Rusticanus, paralytique, porté à cette église et s'en retourner aussitôt à pied et guéri..

  A023001201 

 Vous verrez le même Hespérius, pour n'avoir à souffrir lui-même aucun mal, suspendre dans sa chambre de la terre, apportée par un ami de Jérusalem, du lieu où le Christ ressuscita le troisième jour; puis, après que sa maison eut été purifiée de la présence des démons, ne plus vouloir garder dans sa chambre la terre sainte, et cela uniquement par respect.

  A023001202 

 Vous verrez des Religieuses y chantant les hymnes du soir et des oraisons.

  A023001202 

 Vous verrez un jeune homme dont l'œil fut guéri par les prières des Saints pendant qu'il embrassait l'autel.

  A023001202 

 Vous verrez un jeune possédé, tout semblable à un mort, porté au tombeau des Martyrs Gervais et Protais pour y être guéri.

  A023001202 

 Vous verrez une jeune fille, très connue de notre Augustin, qui, après s'être ointe d'une huile mêlée des larmes du prêtre qui priait pour elle (ce sont les expressions d'Augustin), fut délivrée du démon.

  A023001203 

 Celui-ci, trouvant un anneau d'or [173] dans le ventre du poisson, touché de compassion et pénétré d'une terreur religieuse, le remit à Florentius en disant: «Voici comment les Vingt Martyrs ont pourvu à ton vêtement.» Vous verrez je ne sais quels jeunes gens agacer de leurs moqueries la piété de Florentius: vous diriez que c'étaient déjà des calvinistes ou des luthériens..

  A023001203 

 Vous verrez la jolie histoire du vieillard Florentius, tailleur d'Hippone, qui par les prières des Vingt Martyrs obtint de Dieu de quoi se nourrir et se vêtir, grâce au gros poisson qu'il vit tout palpitant au sortir de sa prière, et qu'il vendit trois cents bourses au cuisinier Carchisus, chrétien.

  A023001204 

 Vous verrez Lucillus, évêque, porter lui aussi les reliques de saint Etienne, au milieu d'un peuple le précédant et le suivant, et guéri d'une très pénible fistule dès que, chargé du saint fardeau, il toucha les reliques sacrées.

  A023001204 

 Vous verrez Martial, homme de la première noblesse, avancé en âge, mais ayant horreur de la religion chrétienne, converti subitement, à la grande admiration de tout le monde, [174] par les prières de saint Etienne et après avoir touché des fleurs rapportées de son autel; puis, pénitent, baptisé par les prêtres, et ayant ensuite coutume, toute sa vie durant, de dire fréquemment cette prière de saint Etienne: O Christ, reçois mon esprit..

  A023001204 

 Vous verrez le même prêtre, à demi-mort par suite d'une autre maladie, rendu à la vie par l'apposition sur son corps d'une tunique rapportée du tombeau du Martyr.

  A023001204 

 Vous verrez le prêtre Hispanus délivré, au contact des reliques du même Martyr, d'une maladie de la pierre, déjà ancienne.

  A023001204 

 Vous verrez un évêque, à Tiblis, porter des reliques de saint Etienne, martyr, et une grande multitude, partie l'accompagner, partie venir au devant de lui; puis une femme aveugle recouvrer alors la vue au contact des reliques.

  A023001205 

 Vous verrez Augustin lui-même, sur le point d'adresser d'un lieu élevé la parole à ses ouailles, les exciter à louer Dieu [175] et à le remercier.

  A023001205 

 Vous verrez Paul et Pauladia, affligés tous deux d'un tremblement des membres par suite de la malédiction de leur mère, guéris à la confession du même Martyr.

  A023001205 

 Vous verrez aussi trois podagres guéris par le même Martyr.

  A023001205 

 Vous verrez le fils d'Irénée mort, et ressuscité par l'onction de l'huile du Martyr; et aussi Eleusinus, petit enfant, déposé inanimé sur la confession du Martyr, ressuscité après la prière.

  A023001205 

 Vous verrez une Religieuse, frappée d'une maladie très grave, dont la tunique fut portée au même tombeau alors que la malade était dans un état désespéré; or, comme celle-ci mourut entre-temps, on mit sur son cadavre la tunique rapportée, et la Religieuse revint à la vie.

  A023001206 

 Ne voyez-vous pas les clercs, les diacres, les prêtres, les évêques? Ne remarquez-vous pas le Sacrifice du Corps du Christ, l'autel, la dédicace de l'église, les Religieuses, la bénédiction de l'huile et la bénédiction épiscopale, les corps des Saints conservés précieusement et glorifiés par tant de miracles, et leurs tombeaux placés dans les églises? Avez-vous entendu le récit de la femme guérie par le signe de la Croix, du pauvre vêtu à l'invocation des Saints, la terre des Lieux Saints tenue en vénération, les reliques transportées avec honneur, et cela par les évêques, les Religieuses chantant des hymnes et des oraisons? Qu'y a-t-il de semblable, je le demande, dans les synagogues de Calvin ou de [176] Luther? Ces derniers se moquent de tout cela, comme si c'étaient des coutumes introduites abusivement et superstitieusement, aux siècles derniers, dans l'Eglise de Dieu.

  A023001207 

 Reconnaissez-vous donc vaincus maintenant par ce que vous avez avoué plus haut.

  A023001207 

 Vous nous avez trop libéralement concédé, ô Luther et Calvin, que l'Eglise de Dieu n'a été déformée par aucune erreur et aucun abus pendant ses cinq cents premières années: quoi, en effet, de plus facile pour nous que de prouver que les Pères de cette époque ont cru exactement tout ce que nous croyons aujourd'hui et qui fait le sujet de nos controverses? Pour que vous ne pussiez plus en douter, deux Illustrissimes Cardinaux, remarquables lumières et ornements de notre siècle, Baronius dans ses Annales Ecclésiastiques, et Bellarmin dans ses Controverses, en avaient fourni la preuve.

  A023001207 

 Vous pouviez cependant nier cela comme tout le reste, bien que non sans fausseté et impudence; car il convient à des [177] gens qui ont dépassé, non une fois, mais si souvent les limites de la honte, d'être impudents pour de bon et hardiment.

  A023001235 

 Combien grossièrement et manifestement le diable nous rit-il au nez!» Voyez, je vous prie, avec quelle élégance et quelle justesse cet homme irascible fait la description de lui-même et des siens, tout en pensant décrire et mordre les autres!.

  A023001237 

 Mais le plus beau passage est celui où, après quelques mots, Luther provoque à la lutte tous ses adversaires: «Eh bien donc! apparaissez tous, vous, papistes sectaires, ministres et satellites de [180] Satan, et toute la troupe du diable, d'un commun accord réunissez vos forces! Amenez ici vos escadrons, attaquez le seul Luther de toutes vos phalanges.

  A023001244 

 Il arrive alors ce que dit Augustin: «Les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises;» et Hilaire: «La façon de comprendre constitue l'hérésie; c'est le sens qu'on lui donne, non le texte lui-même, qui amène le crime d'hérésie;» et Jérôme: «La valeur des Ecritures ne consiste pas dans leur simple lecture, mais dans la manière de les comprendre;» et ailleurs: «Le démon emploie les Ecritures, et toutes les hérésies s'en font des oreillers qu'elles mettent sous le coude des gens de tout âge, selon l'expression d'Ezéchiel.» Mais entre tous, Vincent de Lérins s'exprime avec le plus de clarté et de justesse, si bien qu'il semble avoir voulu dépeindre les mœurs et la tournure d'esprit des hérétiques de notre temps: «Lisez,» dit-il, «les opuscules de Paul de Samosate, de Priscillien, d'Eunomius, de Jovinien et des autres auteurs pestilentiels» (les luthériens et les calvinistes eux-mêmes considèrent tous ces personnages comme des hérétiques): «examinez l'interminable liste des exemples apportés, et vous verrez qu'il n'y a presque aucune page qui ne soit fardée et colorée au moyen de phrases du Nouveau ou de l'Ancien Testament.» Et peu après: «Qu'est-ce que les vêtements de brebis, sinon les oracles [183] des Prophètes et des Apôtres? Que signifient les loups dévorants, sinon les interprétations cruelles et délirantes des hérétiques? etc..

  A023001246 

 De ces citations vous voyez: 1.

  A023001297 

 Désormais, puisque vous continuez, dans votre endurcissement et votre aveuglement, à montrer les cornes, et que volontairement vous êtes incorrigibles et indomptables, que personne n'attende de moi à votre égard, monstres incurables, une parole douce ou caressante.

  A023001297 

 Je veux que vous enragiez de plus en plus, jusqu'à ce que, après avoir épuisé vos forces et vos fureurs, vous vous écrouliez sur vous-mêmes au milieu de vos discours.

  A023001297 

 Porcs thomistes, faites ce que vous pouvez: vous aurez Luther comme une ourse dans votre chemin, comme une lionne dans votre sentier; partout vous le rencontrerez, et il ne vous laissera point de paix, jusqu'à ce qu'il ait brisé vos têtes de fer et vos fronts d'airain, soit pour votre salut, soit pour votre perte.

  A023001297 

 Que celui qui aura le premier dompté l'autre, soit le vainqueur; qu'il vous soit fait selon votre désir.» Et dans le même livre: «Nous n'appartenons pas au Pape, mais le Pape nous appartient; à nous de ne pas être jugés par lui, mais de le juger lui-même: car l'homme spirituel n'est jugé par personne, et juge tout le monde.» [190].

  A023001301 

 Quoi de plus arrogant que l'accusation lancée par Calvin contre tous les Pères, qui, d'après lui, seraient tombés dans l'erreur ou auraient parlé avec [193] arrogance? De même, quoi de plus arrogant que Bèze, qui attribue au seul Calvin l'honneur d'avoir vu juste, d'avoir découvert la vérité au sujet du mystère de l'Eucharistie, comme si personne, absolument personne d'entre les mortels, n'avait possédé la vraie doctrine sur l'Eucharistie avant l'époque de Calvin? Et que donne-t-il à entendre, je vous prie, lorsqu'à la fin de la Vie de Calvin écrite par lui, Bèze ajoute ces paroles d'Elisée voyant Elie enlevé au ciel: Mon père, mon père, char d'Israël et son conducteur! sinon qu'il veut qu'on prenne Calvin pour Elie et lui-même pour Elisée?.

  A023001307 

 Si vous [194] leur objectez les paroles de l'Epître de saint Jacques, que répondront-ils? Luther s'écriera que, «si l'on a déliré quelque part,» c'est ici qu'on l'a fait, et qu'il vaut mieux rejeter l'Epître de l'Apôtre qu'admettre le principe de la justification dans la charité.

  A023001308 

 Fort bien, vous dira-t-il, pourvu qu'ils parlent d'après la règle de l'Ecriture..

  A023001308 

 Si vous insistez: Consultons les Pères, les Conciles, l'Eglise.

  A023001308 

 Si vous répliquez que les expressions de l'Apôtre ne peuvent supporter cette interprétation, puisque saint Jacques attribue la justification tout ensemble à la foi et aux œuvres, Calvin persistera dans son opinion et s'écriera que les catholiques sont tous vaincus, et convaincus de mauvaise interprétation.

  A023001309 

 Ne voyez-vous pas l'entêtement? Il exige les Ecritures, nous les fournissons; il les détourne par une interprétation fuyante.

  A023001309 

 Pourquoi avez-vous le droit d'examiner leur sentence et leur interprétation, plutôt qu'eux ou nous celui d'examiner la vôtre, et qui sera juge en face d'un droit égal pour tous? S'ils se trompent dans leur interprétation, parce qu'ils ont été hommes, comme vous objectez, pourquoi ne pouvez-vous vous tromper vous-même? N'êtes-vous pas aussi un homme, [ou tout au moins une bête]? Je n'imagine pas, en effet, que vous soyez un ange ou un dieu, ou quelque chose d'inanimé.

  A023001309 

 Qui vous a donc établi leur juge? c'est justement de cela que nous nous enquérons.

  A023001309 

 Si vous lui demandez s'il consent à écouter les Pères anciens et les Conciles: «Je les écouterai,» dit-il, «si leur jugement est exactement conforme à l'Ecriture.» Mais après qu'ils auront porté leur jugement, demandé-je, vous en tiendrez-vous à leur sentence? Je m'y tiendrai, répond-il, si cependant je l'examine d'abord.

  A023001311 

 Cependant, insisté-je, qui jugera si le Concile porte une sentence conforme aux Ecritures? Moi, répond Luther, car « l'homme spirituel juge de tout.» Ainsi, du Concile et du jugement du monde entier tu en appelleras à toi et à toi seul? Ainsi, le suprême arbitre du droit divin et humain, ce sera la tête de Luther, tête folle, qu'elle vous plaise ou non?.

  A023001320 

 Attendez-vous encore ou exigez-vous, vous tous luthériens et calvinistes, que nous vous présentions quelque chose de plus clair? Nous avouons ingénûment que nous n'avons rien et ne pouvons rien imaginer, même si vous nous donniez ce que nous ne demandons pas, le droit d'imaginer à notre fantaisie.

  A023001320 

 Mais que répondez-vous? Ce sermon, disent-ils, n'est pas d'Augustin.

  A023001320 

 Qui en juge ainsi, vous ou moi? Que restera-t-il qui ne puisse être sûrement nié, si cette façon de rejeter l'autorité des Pères est une fois admise? Car si les passages les plus clairs doivent être examinés suivant le goût de ceux qui discutent, ils ne seront jamais du goût des contradicteurs.

  A023001320 

 Si vous demandez pourquoi: parce que, répondent-ils, il n'est pas dans la manière d'Augustin.

  A023001321 

 Un catholique ayant cité le texte ci-dessus, et ayant interrogé le ministre en ces termes: «Que répondez-vous à cela, monsieur le grand docteur?» celui-ci, tout d'abord hésitant et paraissant surpris, reprit ensuite courage et, comme s'il allait dire quelque chose [202] de remarquable et d'élégant, avec un air de suprême réformateur de l'Eglise, prononça ces paroles: «C'est là une tache sur un beau corps.» Que pouvait faire le pauvre catholique avec ce charlatan, sinon demander à Dieu de ne pas lui imputer ce péché, parce qu'il ne savait ni ce qu'il disait ni ce qu'il faisait? [Va donc te faire pendre avec tes taches et tes sornettes!] Ne pouvais-tu dire avec plus de vérité que la tache se trouve dans l'opinion de ton Calvin rejetant témérairement l'intercession de la Bienheureuse Vierge et des Saints? Rien n'empêche, en effet, que des taches ne se trouvent [203] sur un corps difforme, pour le rendre d'autant plus laid, qu'elles eussent rendu plus séduisant un corps déjà beau..

  A023001347 

 Quoique ceci soit très notoire pour tous ceux qui connaissent Rome, les théologiens de Rome ne cessent [210] pas,» etc. Qui, je vous prie, n'aura honte d'un menteur et d'un imposteur de cette virulence? Et cependant, ce qui rend cette impudence intolérable, c'est que, au même endroit, Calvin affirme qu'il ne parle pas des personnes, mais de la Chaire de Rome; de sorte qu'on peut lui objecter la parole d'Augustin rapportée ci-dessus: «Que» t'a «donc fait la Chaire de Pierre?».

  A023001386 

 Cependant, à propos du texte dont il s'agit, la Glose ordinaire remarque doctement que l'interprétation ci-dessus est plutôt morale, attendu que, littéralement, le Psalmiste parle de la justice de Dieu en tant que juge; comme s'il disait: Puisque vous êtes juste.

  A023001395 

 S'adressant alors aux catholiques: «Si vous deviez soutenir les chocs du démon, et écouter ses argumentations, vous ne chanteriez pas longtemps votre refrain sur l'Eglise et les anciennes coutumes; car Satan, en un clin d'oeil, remplit [221] de terreurs et de ténèbres l'esprit tout entier.» Ensuite, pour répondre au nom du diable à l'objection qu'il avait faite, il s'efforce de montrer par beaucoup de raisons que parfois le diable lui-même enseigne la vérité, et ment de telle sorte que son mensonge est mélangé de vérité.

  A023001396 

 Pour finir, à tous ceux qui suivent Luther, nous lancerons toujours cette apostrophe infamante on ne peut plus méritée, tirée de la confession même de Luther et sur laquelle personne ne peut chicaner: Vous autres, vous avez pour père le diable..

  A023001396 

 Que Luther se fasse gloire, tant qu'il voudra, avec ses sectateurs, d'avoir reçu de Satan sa doctrine contre la Messe; pour nous, nous écouterons toujours l'Apôtre qui, traitant du même mystère, mais bien autrement que Luther, nous dit: Pour moi, j'ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis.

  A023001483 

 Au sujet des soldats, il existe un merveilleux Sermon de saint Bernard aux chevaliers du [228] Temple, tout à fait approprié à notre cas: «Marchez avec confiance, soldats, et chassez avec intrépidité les ennemis de la Croix du Christ, assurés que ni la mort, ni la vie ne pourra vous séparer de la charité de Dieu.

  A023001499 

 [O Rois, ô Princes, permettez-moi de crier, pour votre sécurité et celle de vos peuples: Que faites-vous? Qu'attendez-vous, [231] vous qui dans vos Etats favorisez, chérissez et recevez comme de grands prophètes de Dieu les auteurs et les sectateurs d'une doctrine aussi pernicieuse et pestilentielle? C'est vous seuls, en effet, que j'interpelle, en m'étonnant de votre conduite; non ceux qui, pour empêcher les guerres et les factions de tout troubler, font comme malgré eux acte de seule tolérance, même à l'égard de gens qu'ils haïssent.] Quand donc les royaumes et les peuples vivent-ils plus heureux que lorsque les princes gouvernent de très vastes provinces, pourvu qu'ils le fassent avec justice et équité? Quand donc la France a-t-elle été plus florissante que sous Charlemagne, roi et empereur très puissant? Quand donc les Israelites ont-ils été plus heureux que sous le règne du grand Salomon?.

  A023001511 

 A l'opposé, le roi David avertit expressément tous les rois de servir le Seigneur avec crainte et tremblement: Et maintenant, dit-il, comprenez, ô rois; apprenez, ô vous qui jugez la terre.

  A023001511 

 Attachez-vous à la discipline; ce qu'une autre version traduit ainsi: Baisez le Fils.

  A023001521 

 Autrement, c'était le mahométisme et le Coran, et non pas l'Eglise Romaine, qu'il fallait réformer, si vous ne cherchiez que la multitude des abus et la réforme d'une fausse Eglise.

  A023001521 

 Combien n'avez-vous pas d'exemples de ceux qui avaient été des vôtres, et parmi les plus illustres, et qui, après être retournés à l'Eglise de Dieu, se sentaient seulement couverts de confusion d'avoir fait trop tard ce qu'ils auraient dû faire plus tôt! Vous ne niez pas que cette Eglise, dont vous vous dites les réformateurs, est à la fois la nôtre et l'Eglise Romaine; vous avouez donc que c'est la vraie.

  A023001521 

 Je vous prie instamment, par les entrailles de la miséricorde du Christ, hommes illustres, vous tous en quelque lieu que vous soyez, vous surtout qui m'aimez, d'examiner enfin une affaire de si grande importance avec sérieux et tranquillité, comme il convient, et dans un esprit d'humilité, non de superbe, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici.

  A023001521 

 Qui croira jamais que vous avez été d'assez grands jurisconsultes pour pénétrer tous les textes les plus obscurs et les plus cachés de Papinien, et que cependant vous, même avertis et éclairés par tant de livres de nos théologiens, vous n'avez pas su percer à jour leurs inepties si sottes et puériles, si éloignées du sens commun? Revenez, je vous en prie, à l'Eglise de Dieu qui vous a reçus avec bonté à votre naissance dans le bain de la régénération, et qui, pour vous recevoir de nouveau, toute vénérable par ses soupirs et ses larmes, va au-devant de votre conversion.

  A023001521 

 Si donc vous en créez une nouvelle, confessez qu'elle est fausse; si vous conservez la nôtre, c'est donc de la nôtre que Paul a dit qu'elle est la colonne de vérité, en union avec laquelle, par conséquent, vous ne pouvez pas plus errer que demeurer dans la vérité en vous en éloignant.

  A023001521 

 Si notre Eglise est la vraie, pourquoi en cherchez-vous une autre? pourquoi en créez-vous une nouvelle? Les abus, que vous étiez convaincus faussement d'y reconnaître si nombreux, ils devaient être corrigés dans la mesure où ils existaient, non par vous, mais par le Pasteur et le Recteur de l'Eglise.

  A023001521 

 Vous avez bien trop accordé à Luther, à Calvin et à leur inspiration, vous qui avez jusqu'ici préféré les nouveautés de ces imposteurs aux anciens Pères, au Concile de Trente et à toute l'Eglise.

  A023001522 

 Pour finir, je vous demande, dans la charité de Dieu et avec le respect que je professe pour vous, que si vous estimez que j'aie dit quelque chose de trop acerbe contre les hérésies ou les hérésiarques, vous croyiez que ce n'est pas pour vous offenser comme des adversaires que je l'ai dit et écrit, mais pour vous faire sortir, comme des amis, de votre sommeil léthargique.

  A023001605 

 J'estimoys, suyvant celle quil vous avoyt pleu m'escripre, que monsieur Sarrazin seroyt venu pour y satisfere entierement; mais je voys bien que l'on luy a baillé sa leçon par escript, a fin de fere prendre long traict a ceste dispute et l'eviter entierement, sil est possible.

  A023001605 

 Que si l'on se veut excuser sur Messieurs de Berne, c'est aultant a dire que nous ny voulons pas entendre, d'aultant qu'eux aussi ne veulent pas entrer en jeu; mais ils ny ont pas si grand interest que vous, car ils n'ont envoyé personne et n'en ont faict aulcun semblant.

  A023001614 

 Jay receu le pacquet quil vous a pleu m'addresser, et vous en remercie tres humblement.

  A023001614 

 Toutesfois, pour l'esperance du residu qui demeure encor sus pieds [252] par la grace, je vous supplies au nom de Nostre Seigneur, que l'on ne recule plus ceste conference; aultrement tout est perdu..

  A023001614 

 Vous avez entendu le naufrage quasi general.

  A023001614 

 Vous sçavez comme prevoyant le danger j'ay crié: A l'ayde! misericorde! nous perissons! Mais quand l'on nous a veu en danger et que l'on nous pouvoyt secourir sans danger, l'on s'est arresté sur des considerations humaines; et cependant les orages ont mis en piece nostre fresle vaisseau.

  A023001615 

 Continues, je vous prie, a vos devotes prieres pour nous: elles sont tres necessaires..

  A023001615 

 Je ne parle plus par cueur; mon apprehension n'est pas une terreur panique, vous en voyez les effects.

  A023001616 

 Je vous suis, Monsieur,.

  A023001629 

 Jay communiqué la vostre a ceux que jay peu de nostre Eglise, lesquels, au lieu d'en estre consolés, en ont comme receu un desespoir, puis qu'ils croyent vostre derniere resolution estre de ne vouloir entrer en dispute par vive voix: ce qui estoyt tres necessaire pour raffermir les infirmes, lesquels entrent en doute de la doctrine laquelle vous presches publiquement, et cependant ne la voules soustenir que par escript; forme de disputer qui ne prendra jamais fin, et n'en pourra on jamais tirer aulcune resolution, car il ny a là que pour les gens sçavants et de loysir qui peuvent lire et comprendre vos escripts..

  A023001630 

 Vous avez veu comme l'orage et la tourmente ont rüiné nos eglises, sans que les nautonniers se soyent opposés.

  A023001631 

 Ceux qui sont en possession, sont mieux fondés que ceux de dehors; si vous ne monstres aultre zele a la defense de vostre cause, vous la perdres tout quicte.

  A023001631 

 [253] Vous ne pourres point accuser ceux qui se departiront de vostre doctrine, puis qu'au besoing vous ne les voules secourir lors quils vous declairent qu'ils n'ont plus que tenir..

  A023001647 

 Ce subit changement semblera bien estrange; mais que voules vous qu'un pauvre peuple fasse, qui est delaissé a l'abandon, destitué de pasteurs et de pasture?.

  A023001650 

 C'est donc a vous, Messieurs, d'y penser, quand vous voyez brasier la maison de vostre voysin..

  A023001653 

 Messieurs, si je parle si franchement a ceux a qui je doibs tout honneur et respect; mais le zele de lhonneur de Dieu et la ruïne de nos eglises me contrainct a vous dire ce que vous entendes mieux que moy, mais vous n'en sentes pas peut estre les aigullions qui alterent nos ames.

  A023001653 

 Vous ÿ adviseres donc, sil vous plaist; et ne lairres de me tenir tous jours,.

  A023001695 

 Desirant que les ordonnances faittes au dernier Sinode (qui a esté le premier celebré sous Nostre charge) soyent soigneusement observees, Nous les avons fait imprimer, affin que la communication en estant plus aysee, vous ne pretendies cause d'ignorance, mays que, les ayans devant vos yeux, vous les prattiquies selon leur teneur qui s'ensuit..

  A023001764 

 L'office que vous exerces est excellent, puisque vous estes establis de la part de Dieu pour juger les ames avec tant d'authorité, que les sentences que vous prononces droittement en terre sont ratifiees au Ciel.

  A023001765 

 C'est un honneur extreme aux hommes d'estre eslevés a ceste dignité a laquelle les Anges mesme ne sont point appellés; car, auquel des ordres angeliques fut il onques dit: Receves le Saint Esprit; de ceux desquelz vous remettres les pechés, ilz seront remis? Cela neanmoins fut dit aux Apostres et, en leurs personnes, a tous ceux qui par succession legitime recevroyent la mesme authorité.

  A023001765 

 Estans donques employés pour cest admirable office, vous y deves nuit et jour appliquer vostre soin, et moy une grande partie de mon attention..

  A023001766 

 A ceste cause, ayant, il y a quelque tems, fait un amas de plusieurs remarques que j'estime propres pour vous ayder en cest exercice, j'en ay extrait ce petit Memorial que je vous presente, estimant qu'il vous sera bien utile.

  A023001771 

 Ayes une grande netteté et pureté de conscience, puisque vous pretendes de nettoyer et purger celle des autres, affin que l'ancien proverbe ne vous serve de reproche: Medecin, gueris toy toy mesme; et le dire de l'Apostre: En ce que tu juges les autres, tu te condamnes toy mesme.

  A023001771 

 Si donq estant appellé pour confesser vous vous trouvies en peché mortel (ce que Dieu ne veuille), vous devez premierement aller a confesse et recevoir l'absolution; ou, si vous ne pouves avoir ce bien, faute de confesseur, vous deves exciter en vous la sainte contrition..

  A023001773 

 Souvenes vous que les pauvres penitens au commencement de leurs confessions vous nomment Pere, et qu'en effect vous deves avoir un cœur paternel en leur endroict, les recevant avec un extreme amour, supportant patiemment leur rusticité, ignorance, imbecillité, tardiveté et autres imperfections; ne vous lassant jamais de les ayder et secourir tandis qu'il y a quelque esperance d'amendement en eux, suyvant le dire de saint Bernard: La charge des Pasteurs n'est pas des ames fortes, mays des foibles et debiles, car les fortes font asses d'elles mesmes, mays il faut porter les foibles.

  A023001774 

 Si donques, par exemple, vous le voyes travaillé de honte et de vergogne, donnes luy asseurance et confiance, luy remonstrant que vous n'estes pas ange, non plus que luy; que vous ne trouves pas estrange que les hommes pechent; que la confession et penitence rend infiniment plus honnorable l'homme que le peché ne l'avoit rendu blasmé; que Dieu premierement, ni les confesseurs n'estiment pas les hommes selon qu'ilz ont esté par le passé, mais selon ce qu'ilz sont a present; que les pechés, en la confession, sont ensevelis devant Dieu et le confesseur, en sorte que jamais ilz ne soyent rememorés..

  A023001775 

 Si vous le voyes effronté et sans apprehension, faittes luy bien entendre que c'est devant Dieu qu'il se vient prosterner; qu'en ceste action il s'agit de son salut eternel; qu'a l'heure de la mort il ne rendra conte d'aucune chose si estroittement que des confessions qu'il aura mal faittes; qu'en l'absolution on employe le pris et le merite de la Mort et Passion de Nostre Seigneur..

  A023001776 

 Si vous le voyes craintif, abbattu et en quelque desfiance d'obtenir le pardon de ses pechés, releves le en luy monstrant le grand playsir que Dieu prend en la penitence des grans pecheurs; que nostre misere estant plus grande, la misericorde de Dieu en est plus glorifiee; que Nostre Seigneur pria Dieu son Pere pour ceux qui le crucifioyent, pour nous faire connoistre que, quand nous l'aurions crucifié de nos propres mains, il nous pardonneroit fort librement; que Dieu fait tant d'estime de la penitence, que la moindre penitence du monde, pourveu qu'elle soit vraye, luy fait oublier toute sorte de peché, de façon que si les damnés et les diables mesmes la pouvoyent avoir, tous leurs pechés leur seroyent remis; que les plus grans Saintz ont esté grans pecheurs: saint Pierre, saint Matthieu, sainte Magdeleine, David, etc.; et en fin, que le plus grand tort qu'on peut faire a la bonté de Dieu et a la Mort et Passion de Jesus Christ, c'est de n'avoir pas confiance d'obtenir le pardon de nos iniquités, et que, par article de foy, nous sommes obligés de croire la remission des pechés, affin que nous ne doutions point de la recevoir lhors que nous [282] recourons au Sacrement que Nostre Seigneur a institué pour cest effect..

  A023001777 

 Si vous le voyes en perplexité pour ne sçavoir pas bien dire ses pechés, ou pour n'avoir sceu examiner sa conscience, promettes luy vostre assistance, et l'asseures que, moyennant l'ayde de Dieu, vous ne laisseres pas pour cela de luy faire faire une bonne et sainte confession..

  A023001779 

 S'ilz s'accusent d'eux mesmes, quelques parolles deshonnestes qu'ilz prononcent, ne faittes nullement le delicat ni aucun semblant de les trouver estranges, jusques a ce que toute la confession soit achevee; et lhors, doucement et amiablement, vous leur enseigneres une façon plus honneste de s'exprimer en ces matieres la..

  A023001780 

 Si en ces pechés honteux ilz embrouillent leur accusation d'excuses, de pretextes et d'histoires, ayes patience et ne les troubles nullement, jusques a ce qu'ilz ayent tout dit; et lhors vous commenceres a les interroger sur ce peché pour leur faire faire plus parfaittement et distinctement la declaration de leurs fautes, leur monstrant amiablement et faysant connoistre les superfluités, impertinences et imperfections qu'ilz avoyent commis en s'excusant, palliant et desguisant leur accusation, sans toutesfois les tancer en aucune façon..

  A023001781 

 Ayes bon courage, mon enfant, dites hardiment [283] vos pechés et ne vous mettes nullement en peyne; vous aures tantost un grand contentement de vous estre bien confessé, et ne voudries pour chose du monde n'avoir si entierement deschargé vostre conscience.

  A023001781 

 Ce vous sera une grande consolation a l'heure de la mort d'avoir fait ceste humble confession.

  A023001781 

 Si vous voyes qu'ilz ayent de la difficulté de s'accuser eux mesmes de ces pechés honteux, vous commenceres a les interroger des choses les plus legeres, comme d'avoir pris playsir d'ouyr parler de choses deshonnestes, d'en avoir eu des pensees; et ainsy, petit a petit, descendant de l'un a l'autre, a sçavoir, de l'ouye aux pensees et des pensees aux desirs, aux volontés, aux actions, a mesure qu'ilz se descouvriront, vous les ires encourageant a tousjours passer plus avant, leur disant parfois telles ou semblables paroles: Que vous estes heureux de vous bien confesser! croyes que Dieu vous fait une grande grace; je connois que le Saint Esprit vous touche au cœur pour vous faire faire une bonne confession.

  A023001781 

 — Et ainsy vous presseres tout bellement et doucement leurs ames a faire une parfaitte confession..

  A023001782 

 Quand vous rencontreres des personnes qui, pour des enormes pechés, comme sont les sorcelleries, accointances diaboliques, bestialités, massacres et autres telles abominations, sont excessivement espouvantees et travailles en leurs consciences, vous deves par tous moyens les relever et consoler, les asseurant de la grande misericorde de Dieu, qui est infiniment plus grande pour leur pardonner que tous les pechés du monde pour les damner, et leur promettes de leur assister en tout ce qu'ilz auront besoin de vous pour le salut de leurs ames..

  A023001787 

 Vous y seres donq en robbe et surplis, et l'estole au col et le bonnet en teste, assis en lieu apparent de l'eglise, avec une face amiable et grave, laquelle vous ne deves jamais changer par aucuns gestes ou signes exterieurs qui puissent tesmoigner de l'ennuy ni du chagrin, de peur de donner quelque occasion a ceux qui vous verront de soupçonner que le penitent vous die quelque chose de fascheux et execrable..

  A023001788 

 Vous feres que vostre penitent tourne son visage a costé du vostre, en sorte qu'il ne vous voye pas, ni ne vous parle pas droit dans l'oreille, ains a costé d'icelle.

  A023001811 

 Le confesseur, apres cela, doit connoistre si le penitent est capable de recevoir l'absolution, laquelle ne doit estre conferee a certaines sortes de personnes desquelles je vous proposeray [287] quelques exemples qui vous serviront de lumiere pour tout le reste..

  A023001844 

 Or, pour tous ces cas reservés, vous deves observer deux regles:.

  A023001858 

 Cela fait, avant que de donner la sainte absolution, vous demanderes au penitent s'il ne requiert pas humblement que ses pechés luy soyent remis, s'il n'attend pas ceste grace du merite de la Mort et Passion de Nostre Seigneur, s'il n'a pas volonté de vivre des-ormais en la crainte et obeissance de Dieu..

  A023001859 

 Apres cela, vous luy pouves faire sçavoir que la sentence de son absolution que vous prononceres en terre, sera advoüee et ratifiee au Ciel; que les Anges et les Saintz de Paradis se resjouiront de le voir revenu en la grace de Dieu; et que partant il vive des-ormais en sorte qu'a l'heure de la mort il puisse jouïr du fruict de ceste confession, et puisqu'il a lavé sa conscience au sang de l'Aigneau immaculé, JESUS CHRIST, il prenne garde de ne la plus souiller.

  A023001860 

 Et ayant proferé ces parolles: Dominus noster Jesus Christus, vous vous couvrires et estendres la main droitte vers la teste du penitent, poursuivant l'absolution ainsy qu'elle est mise au Rituel..

  A023001860 

 Telles ou semblables parolles de consolation estans dittes, vous osteres le bonnet pour dire les prieres qui precedent l'absolution.

  A023001864 

 Recommandes tousjours mon [296] ame a la misericorde de Dieu, comme, de mon costé, je vous desire sa sainte benediction..

  A023001864 

 Voyla, mes chers Freres, 25 articles que j'ay jugés dignes de vous estre proposés, pendant que, distrait a plusieurs autres occupations, je n'ay sceu ni les mieux ageancer, ni mettre en escrit le reste.

  A023001866 

 Dieu ne veut pas cela; il se plaint que nos humeurs trop severes rendent ses autelz desertz et ses sacrifices sans victimes: Parce que vous commandes, dit nostre Seigneur parlant a nous autres prestres, dans un pouvoir si absolu, mes pauvres brebis s'en sont fuyes de crainte..

  A023001881 

 Mes Freres, si Dieu vous a destinés a la conduitte des ames, vous deves continuellement luy demander ses lumieres pour bien connoistre les veritables operations de son Esprit.

  A023001881 

 Si donques vous aves la direction de quelques personnes favorisees de ses dons extraordinaires et relevés, prenes garde:.

  A023001888 

 Et pour ce qui regarde les personnes trompees, Dieu mesme, si vous les en croyes, leur sert de garant et de couverture.

  A023001888 

 Par exemple, quand elles disent: Je suis asseuree de ce que Dieu veut de moy; il vous advertit par ma bouche de ce qui est necessaire a vostre salut et a vostre conduitte, faites cela par mon advis, j'en respons devant Dieu; et semblables paroles qui marquent un grand esclarcissement des choses interieures et une conversation dans les Cieux: juges avec discretion si leurs actions sont conformes a ces hautes lumieres..

  A023001891 

 Si vous voules probablement juger si ces ames ont de vrays sentimens de Dieu et si les graces qu'elles disent recevoir de sa Bonté sont veritables, voyes si elles ne sont point attachees a leur propre jugement et a leur propre volonté, et a ces mesmes faveurs; mais au contraire, si elles [301] leur donnent du soupçon et les laissent irresolues jusques a tant que, par l'advis de leurs directeurs et de plusieurs personnes pieuses, doctes et experimentees, elles soyent confirmees en la creance de ce qu'elles doivent estimer de tout cela: car le Saint Esprit cherit sur toutes choses les ames humbles et obeyssantes; il se plaist merveilleusement a la condescendance et a la sousmission, comme estant Prince de paix et de concorde.

  A023001899 

 Ceux d'entre vous qui s'employent a des occupations qui leur empeschent l'estude font comme ceux qui veulent manger des viandes legeres, contre le naturel de leur estomach grossier, et de la vient qu'il defaille peu a peu.

  A023001899 

 Je vous puis dire avec verité qu'il n'y a pas grande difference entre l'ignorance et la malice; quoy que l'ignorance soit plus a craindre, si vous consideres qu'elle n'offence pas seulement soy mesme, mais passe jusques au mespris de l'estat ecclesiastique..

  A023001900 

 C'est par la que nostre miserable Geneve nous a surpris, lhors que, s'appercevant de nostre oysiveté, que nous n'estions pas sur nos gardes et que nous nous contentions de dire simplement nostre Breviaire, sans penser de nous rendre plus sçavans, ilz tromperent la simplicité de nos peres et de ceux qui nous ont precedés, leur faisant croire que jusqu'alhors on n'avoit rien entendu a l'Escriture Sainte: ainsy, tandis que nous dormions, l'homme ennemy sema l'ivraye dans le champ de l'Eglise, et fit glisser l'erreur qui nous a divisés et mis le feu par toute ceste contree; feu duquel vous et moy eussions esté consumés avec beaucoup d'autres, si la bonté de nostre Dieu n'eust misericordieusement suscité ces puissans espritz, je veux dire les Reverens Peres Jesuites, qui s'opposerent aux heretiques et nous font en nostre siecle glorieusement chanter: Misericordiae Domini quia non sumus consumpti.

  A023001900 

 Pour cela, mes tres chers Freres, je vous conjure de vaquer serieusement a l'estude, car la science, a un prestre, c'est le huitiesme Sacrement de la hierarchie de l'Eglise, [303] et son plus grand malheur est arrivé de ce que l'Arche s'est trouvee en d'autres mains que celles des Levites.

  A023001901 

 Et puysque la divine Providence, sans avoir esgard a mon incapacité, m'a ordonné vostre Evesque, je vous exhorte a estudier tout de bon, affin qu'estans doctes et de bonne vie, vous soyes irreprochables, et prestz a respondre a tous ceux qui vous interrogeront des choses de la foy..

  A023002131 

 A quoy vous les convierés et exhorteres le plus quil vous sera possible, au nom de Nostre Seigneur, duquel je vous souhaite la sainte benediction..

  A023002131 

 Ayans receu la Bulle du Jubilé, delaquelle le present Sommaire est extrait, Nous vous commandons et ordonnons de le publier, en toutes vos eglises, aux peuples qui vous sont commis, vous res-jouissans mesme de Nostre part avec eux de cette grande commodité quilz auront de proffiter spirituellement, recueillans avec devotion et charité les graces qui si liberalement leur sont departies en leur propre diocaese.

  A023002166 

 Affin que les peuples qui Nous sont commis ne perdent point la favorable occasion de prendre les graces du saint Jubilé qui se celebre maintenant en cette ville de Thonon, ainsy que ci devant il a esté publié, Nous ordonnons par ces presentes que vous ayes a repeter la publication d'iceluy, exhortans de rechef un chacun d'employer cette benediction [342] au proffit et salut de son ame, asseurans de Nostre part qu'en laditte ville de Thonon ni es lieux circonvoysins il ni a aucune sorte, pas mesme de soupçon, de maladie contagieuse, ni incommodité qui puisse empescher le libre et desirable acces a cette sainte devotion..

  A023002249 

 C'est pourquoi Nous, qui Nous estimerons très heureux, non seulement d'avoir remplacé un tel Père dans sa charge, mais de Nous montrer son successeur et imitateur dans la façon dont Nous la remplirons, Nous vous présentons enfin cette édition du Rituel qu'il avait lui-même grandement souhaitée..

  A023002250 

 Vous aviez déjà à part ce formulaire édité par ordre de Notre Révérendissime Prédécesseur; maintenant, vous le trouverez ici revu et corrigé des erreurs qui s'y étaient glissées, afin que le présent volume réunissant tout ce qui touche à votre ministère, vous l'ayez ainsi plus facilement sous les yeux..

  A023002251 

 Il ne paraissait pas, en effet, qu'on pût désirer autre chose touchant le sujet qui Nous occupe, sinon ces exhortations catéchistiques et familières sur les Sacrements et autres principaux points de la religion, que la plupart d'entre vous m'ont souvent demandées.

  A023002251 

 Je vous promets, s'il plaît à Dieu, de vous les donner aussitôt que les nombreuses sollicitudes et occupations qui m'envahissent de toute part m'auront accordé un peu de loisir et de tranquillité d'esprit.

  A023002251 

 Vous verrez alors, je pense, que ce travail ne devait pas être uni au Rituel, mais qu'il requiert un volume entier à part.

  A023002252 

 Et afin que personne n'omette de le faire par paresse ou négligence, Nous vous ordonnons et prescrivons au nom du Seigneur, à chacun de vous en particulier et à tous ensemble, que dans l'administration des Sacrements et l'accomplissement solennel des bénédictions et cérémonies saintes, nul dorénavant n'ait la présomption, sous aucun prétexte, d'employer d'autres rites que ceux qui sont contenus dans ce Rituel.

  A023002252 

 Maintenant donc que, par la grâce de Dieu, Nous avons opportunément terminé une œuvre désirée depuis tant d'années, il vous reste à vous en servir tous avec joie et unanimité.

  A023002395 

 Et partant, je prie la glorieuse Vierge Marie, le bien heureux saint Michel Archange, le bien heureux saint Jean Baptiste, saint Pierre et saint Paul, apostres, monseigneur saint N., mon Patron, et tous les Saintz et Saintes de Paradis, et vous, mon Pere spirituel, de prier pour moy vers mon Dieu, mon Createur, affin qu'il luy playse me pardonner.».

  A023002395 

 «Je me confesse a Dieu tout puyssant, a la glorieuse [366] Vierge Marie, au bien heureux saint Michel Archange, au bien heureux saint Jean Baptiste et a saint Pierre et saint Paul, apostres, a monseigneur saint N., mon Patron, et a tous les Saintz et Saintes de Paradis, et a vous, mon Pere spirituel, pour ce que j'ay grandement peché en pensees, en parolles et en œuvres: et le tout par ma faute, par ma coulpe et par ma tres grande coulpe.

  A023002412 

 Vous dires donq humblement avec moy:.

  A023002415 

 Donq vous dires apres moy:.

  A023002417 

 Je vous salue Marie, pleine de grace, le Seigneur est avec vous; vous estes benite entre les femmes et benit est le fruit de vostre ventre, JESUS. Sainte Marie, Mere de Dieu, pries pour nous pecheurs, maintenant et a l'heure de nostre mort.

  A023002429 

 Or, non seulement Dieu veut estre ouy et obey, mays aussi il veut que l'Eglise soit escoutee et obeye, a peyne, pour ceux qui font au contraire, d'estre reputés devant luy pour infidelles, payens et publicains, ne pouvant «avoir Dieu pour Pere, qui n'aura l'Eglise pour Mere.» Vous apprendres donq ses Commandemens et les garderes de bon cœur; c'est a sçavoir:.

  A023002431 

 S'il y a des festes ou vigiles on pourra dire: Obeyssans donq ausditz Commandemens, vous jeusneres tel ou tel jour, et vous observeres la feste de N. tel ou tel jour, vous abstenans de toute œuvre servile, pour vacquer au service de Dieu ne plus ne moins que le jour de Dimanche ou de Noël (selon la feste)..

  A023002432 

 S'il y a quelque feste de vœu, il dira: Vous aves (tel jour) la feste de N., que vos predecesseurs ont voüee pour telle occasion, laquelle vous estes obligés de faire comme le Dimanche, selon vostre vœu..

  A023002433 

 S'il y a quelque feste de devotion, il dira: Vous aves (tel jour) la feste de N., laquelle n'est pas de commandement, mays seulement de devotion, pour ceux qui la voudront garder..

  A023002434 

 Puis il pourra adjouster: Et quant a present, vous n'aves autre feste de commandement..

  A023002438 

 Que s'il n'y a aucune feste a commander, il dira: Quant a cette semaine, vous n'aves aucune feste de commandement ni de devotion..

  A023002439 

 Et finira disant: Mays seulement je vous recommande d'aymer Dieu sur toutes choses et vostre prochain comme vous mesmes.

  A023002439 

 Et la benediction, grace et paix de Dieu vous soit donnee a jamais, † au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

  A023002439 

 Que donq tous desbatz, vengeances, dissensions et malveuillances cessent et ne se treuvent jamais entre vous.

  A023002441 

 Et la benediction donnee a saint Pierre et saint Paul, a sainte Marie Magdeleyne repentante, au bon Larron en l'arbre de la Croix, vous soit donnee a tous et a toutes, † au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

  A023002448 

 Et la benediction, grace et paix de Dieu vous soit donnee a jamais, † au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

  A023002448 

 Je vous recommande d'aymer Dieu sur toutes choses et vostre prochain comme vous mesmes.

  A023002448 

 Parquoy tous desbatz, vengeances, dissensions et malveuillances cessent et ne se treuvent jamais entre vous.

  A023002454 

 Laquelle ordonnance ayant des long tems esté publiee par tout ce diocese, vous est maintenant derechef declairee, publiee et annoncee, affin que nul n'en pretende cause d'ignorance..

  A023002460 

 Parce que l'Eglise nous propose aujourd'huy en l'Escriture de l'Evangilement de Baptesme, et que d'ailleurs chaque fidelle peut et doit l'administrer en cas d'extreme necessité, partant vous deves sçavoir qu'en ce cas la d'extreme necessité, c'est a dire quand il y a danger que la creature qui doit estre baptizee ne meure promptement, il suffit de prendre de l'eau naturelle et commune, et la respandre sur l'enfant en telle sorte qu'elle le touche, en disant ces paroles: Je te baptize au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit..

  A023002461 

 Et affin que vous les puissies mieux retenir, pour en user en cas de laditte necessité, je dis encor une fois, que, mettant l'eau et la respandant sur la creature en telle sorte qu'elle la touche, il faut dire: Je te baptize au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit..

  A023002466 

 Et parce que ce saint tems est sayson de la cueillette spirituelle des bonnes œuvres, on vous exhorte au nom de Dieu de vacquer plus soigneusement a prieres, aumosnes et penitences, en vous preparant de faire la sainte Confession et Communion de Pasques, a la gloire de Dieu et salut de vos ames..

  A023003040 

 Veu les Requeste et Articles cy attachés, a Nous presentés de la part du Clergé de Savoye, et le tout bien consideré, attendu le faict dont il s'agit; de Nostre certaine science et avec l'advis de Nostre Conseil, vous mandons et ordonnons par ces presentes, que, le tout bien et deuement consideré, ayes a pourvoir sur les fins et conclusions desdicts articles le plus promptement que faire se pourra, ainsy et comme verres estre a faire par rayson et justice, vous donnant de ce faire plein pouvoir, authorité, mandement et commission: car tel est Nostre vouloir..


24-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXIV-Vol.3-Opuscules.html
  A024000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A024000304 

 Voyant que la feste du (sic) auguste Sacrement de l'hostel est proche, et ayant esté adverty de ce qui est arrivé l'annee passee, que les sieurs Doien et Chanoennes de Nostre Dame furent contrainctz se tenir hors leur cueur en une chappelle, estant leur cueur occupé par vous, Monsieur, et les sieurs Prevost et Chanoennes de vostre Eglise de Sainct Pierre, chose qui pouvoit appourter quelque occasion de plainte et de scandale: cela m'a occasionné de vous fere la presente (puis que l'affaire est sur le poinct d'estre jugé) pour vous prier de leur donner au cueur de leur eglise le cousté gauche, et que, a la Grande Messe, ilz offrent conjoinctement avec les sieurs de vostre Eglise; que marchant processionnellement ledict jour ils ayent pour ce coupt, et sans le tirer en consequence, ilz soient mis a vostre main gauche.

  A024000305 

 A quoy me remettant, je vous prie de croire que je suis.

  A024000314 

 Et partant, vous supplie, Monseigneur, commander audict sieur Doien et Chanoennes declerer silz ont faict telle plainte et ont informé mondict Seigneur Archevesque de Vienne des cas cy dessus contenus.

  A024000316 

 A quoy replicquant, ledict sieur Prevost a dict [à] mondict Seignieur: « Il ne conste de la volonté pretendue de mondict Seigneur de Vienne que par une lettre, laquelle ne faict aucune mention des jugemens rendus sur ce faict par sa justice, mesme de la sentence provisionelle rendue l'annee passee en jugement contradictoire a l'encontre desdictz sieurs de Nostre Dame; par vertu de laquelle, vous, Monseigneur, commandates l'ordre qui fust tenu l'annee passee, laquelle sentence, comme dict est, n'a esté infirmee ny revocquee par jugement definitif.

  A024000316 

 Et partant, nous persistons aux fins que ladicte sentence desja executee demeure en sa force et vigueur; vous suppliant, Monseigneur, prendre en la bonne part la remonstrance que vous est faicte, que feu d'heureuse memoire Monseigneur Justiniani, pour avoir commandé semblable meslange que pretendent se debvoir fere lesdictz sieur et Chanoennes avec vostre Eglise et Chappitre, se y pourtant lors pour appellantz, par sentence du Metropolitan telle procedure fust recogneue et decleree nulle et mal faicte, avec despens.

  A024000317 

 Et requiert tres humblement quil vous plaise, mondict Seigneur, donner l'ordre a debvoir tenir en ladicte procession future, de poinct en poinct, sellon le contenu de ladicte missive de [13] mondict Seigneur Archevesque de Vienne, attendu qu'elle ne deroge poinct a la sentence provisionelle..

  A024000321 

 Apparoissant du faulx donné entendre a correction, comme peuvent tesmogner les seigneurs Doien et Chanoennes, dautant que, tant s'en faut que lesdictz seigneurs Doien et Chanoennes ayent esté contrainctz; que vous, Monseigneur, les voyant en ladicte chappelle, me commandates d'aller a eulx pour leur dire de vostre part quils montassent en haut pour se joindre a vostre Eglise.

  A024000321 

 Ce que je fis, les priant mesme de la part de vostre Eglise quilz eussent a fere ce qu'estoit par vous commandé; ce quilz ne volurent fere..

  A024000321 

 « Premierement, il est dict que lesdictz Chanoennes et Doien ont esté contrainctz se tenir hors de leur cueur en une chapelle, estant le cueur occupé par vous, Monseigneur, et les Chanoennes de vostre Eglise.

  A024000322 

 « De plus, ilz sçavent tropt mieulz que vostre Eglise n'occupoit poinct le cueur, s'estant reduictz les Chanoennes d'icelle en une chappelle a cousté dudict cueur, ny ayant occupé que le sancta sanctorum par vous, Monseigneur, et ceulx qui vous servoient a l'autel.

  A024000323 

 « Et beaucoupt plus en ce quil a dict que vostre Eglise faisoit difficulté de chanter avec eulx; par ce que vous sçaves, Monseigneur, que tant s'en faut que l'on leur fasse telles difficultés es eglises quilz servent, que mesme, quand ilz sont convocqués en vostre Eglise, vousdictz Chanoennes les prient ordinairement de chanter avec eulx: notamment aux Synodes, ou vostre Eglise doibt paroir, et son autorité, plus qu'en poinct d'autre acte, elle permet ausdictz sieurs Chanoennes, voire les en prie, de chanter avec eulx et psalmodier alternativement.

  A024000324 

 « Et quant a l'exemple de vostre predecesseur susmentionné, si celuy qui a informé n'eut pas teuct le vray et parlé contre verité a dessaing (parlant civilement), ains eut dict que Monseigneur vostre predecesseur eut esté condamné de telle procedure et le degout que le Pape [en] avoit receu, nous tenons pour bien asseuré que Monseigneur l'Archevesque ne vous eut faict telle priere, comme se void par ces motz de la lettre: « Ayant esté adverty » et: « m'a occasionné, » etc. Par ou l'on void que l'advertissement estant faulx, il n'a heu volonté de fere telle pretendue priere..

  A024000325 

 Et la ou il plairoit, au prejudice dudict jugé et execution d'icelluy, nous commander quelque chose, nous vous prions ne treuver mauvais que nous nous opposions, comme nous faisons des a present.

  A024000471 

 Nous approuvons aussi et confirmons la nomination faite en la personne du recteur actuel Mojonier, pourvu toutefois que vous versiez à son profit chaque année la somme de vingt-cinq florins et que vous fournissiez les ornements et autres choses nécessaires à la célébration de la sainte Messe.

  A024000501 

 Sachant pertinemment que le vénérable M. Humbert Bochet, prêtre de Notre diocèse de Genève, [recteur] moderne de l'église paroissiale de Saint-Nicolas des Clefs, a atteint la quatre-vingtième année de son âge, ou à peu près, en sorte que, par suite de cet âge avancé et de ses infirmités physiques, il ne peut plus faire les fonctions sacrées, administrer les Sacrements de l'Eglise et accomplir [39] les autres devoirs d'un vrai pasteur; sachant, en outre, que vous Nous êtes présenté, pour les causes susdites, comme coadjuteur dans l'administration et le gouvernement de ladite église, par le Révérend Etienne de la Combe, chanoine de l'Eglise de Genève, procureur de M. Bochet, en vertu de la procuration reçue par François Galmeris (?), notaire, le 3 de ce mois de novembre:.

  A024000502 

 Avec cette clause cependant, que vous soyez tenu, sur les apports et revenus de cette église, de payer au susnommé Humbert Bochet, octogénaire et malade, la somme annuelle de deux cent vingt florins..

  A024000502 

 Nous, poussé par les raisons susdites, et dûment informé de votre honnêteté de vie et de mœurs, ainsi que de vos aptitudes et capacité suffisantes, vous décrétons, constituons et députons comme coadjuteur, pour diriger l'église paroissiale de Saint-Nicolas des Clefs, pour y distribuer les Sacrements de l'Eglise et en administrer les revenus.

  A024000503 

 Bien plus, ils doivent vous recevoir et admettre comme coadjuteur, ainsi établi et député par Nous, toute opposition et appellation cessant et ne pouvant porter préjudice..

  A024000503 

 Nous défendons en outre, à tous les prêtres de ce diocèse de Genève, aux syndics et paroissiens de l'église susdite et à tous autres, [40] sous peine d'excommunication et d'une amende de cinq cent livres genevoises, d'oser en quelle façon que ce soit vous empêcher de gouverner cette église, d'y distribuer les Sacrements et d'en administrer les revenus.

  A024000537 

 Supplient tres humblement les scindicqz et parrochiens de Veyrier pres Annessy, disantz que pour l'entretien de leur esglise et service divin deubt fere en icelle, ilz desireroient que Visitation feust faicte par Vostre Reverendissime Seigneurie, a tel jour qu'il vous plaira; appeller a ces fins le Doyen et Chappitre de Nostre Dame de ceste ville, qui ont interestz, et aultres chappelliers et altariens de leurdicte esglise.

  A024000538 

 A raison dequoy, vous supplient en toutte humilité qu'il vous plaise proceder au faict de ladicte visite en leurdicte esglise....

  A024000604 

 Et par ce que ladicte chappelle est sans ornements et mal propre, tant la voute que murallie, et encores le toict mal couvert, supplie de plus ledict M e Aubert Darand vous plaise, mondict Seigneur, luy decerner lettres pour saizir tous les revenus et arrerages dependants de ladicte chappelle, pour iceux estre appliquez tant au divin service que reparation decente, et, pour cest effect, commettre tel quil vous plaira pour iceux estre emploié selon quil est requis et supplié; et autrement, luy prouvoir comme de raison.

  A024000604 

 Qui a causé ledict suppliant comparoir par devant vous, en ce lieu de La Biolle, ce jourdhuy, 2 du present mois de julliet, vous remonstrant le deffaut dudict service et vous requerant que ladicte [49] chappelle soit perpetuellement servie par le sieur curé dudict S t Felix ou son vicaire, sans que jamais autre recteur y puisse ny doibje estre que ledict curé ou sondict vicaire.....

  A024000604 

 Sauf que ledict suppliant se reserve le droict fondataire, c'est a dire, estre procedé ladicte chappelle de leur maison; voulant et requerant que la fondation, tiltres et documents, rentes foncieres et autres dependantz de ladicte chappelle soient et appartiennent audict curé, pour le service quil [y] fera, selon que par vous, sur ce, sera ordonné.

  A024000612 

 Nous vous mandons et commandons par ces presentes, que suyvant Nostre decret mis au bas de la requeste cy joincte, a Nous presentee ce jourdhuy par M e Aubert Daran, et, a sa requeste, adjournons en personne a domicile venerable messire Gros, partie supplié, a comparoir Annessy par devant nostre Official, a jour certain et competent, dont requis seres, duquel Nous certifions, pour respondre et defendre au second chiefz de ladite requeste.

  A024000624 

 Expose en toute humilité R. M re Nicolas Clerc, prestre, Protonotaire apostolique et Curé de S t Felix: comme le 21 du passé, a vostre visite faite de la paroisse de S t Felix, il vous auroit remonstré comme plusieurs, sans droict ni authorité, se sont fait enterrer, sepulturer dans l'eglise dudit S t Felix sans vouloir contribuer pour la reparation de l'eglise; ce qui cause souvent des querelles.

  A024000624 

 Laquelle remonstrance, par la multiplicité d'autres affaires, demeura irresolue; pour a quoy remedier, vous plaise ordonner comme l'on se devra regler, tant des sepultures desja cy devant sans droict faites, comme celles du temps a advenir..

  A024000685 

 Ce consideré, Monseigneur, et que ladicte cure est despendante dudict prieuré de Bellevaux, vous playse declayrer que ledict suppliant sera distraict et rayé des cottizés pour lesdictes decimes, et qu'inhibitions soyent faictes aux exacteurs de proceder a aulcune execution en son prejudice, saltem par provision, jusqu'autrement soyt cogneu.

  A024000764 

 Sur leur derniere requeste fut mis decret portant commission addressee a R d Jean Baptiste de Ronis, afin d'informer sur le contenu de ladicte requeste, de laquelle information vous auries receu proces verbal sur ce que l'on faict recourir a Vostre R me Seigneurie..

  A024000765 

 Ce consideré, vous plaise leur donner l'une des chapelles estantz dans ladicte esglise, pour s'en servir comme sus est dict.

  A024000814 

 Et a telle devotion et consideration, mondict Seigneur le Reverendissime, vous plaise, pour lhonneur de Dieu, impartir et permettre il soit cellebré la saincte Messe devant les erigens et leurs voysins, a perpetuitté, par ung prebstre de Sallanche ou d'aultre parroissiale, estant premier fourny de tous ses habitz et pierre sacree ecclesiasticques necessaires; attendant Vostre Reverance, a sa premiere venue, pour icelle sacrer èt benyr a son chemin pour quelque aultre respect.

  A024000816 

 En consideration dequoy vous plaise, mondict Seigneur, octroier la permission suppliee, et aultrement prouvoir sellon vostre accoustumee clemance et bontee, attandu quil s'agist d'augmenter la devotion et sinceres prieres envers nostre Saulveur et sa saincte Mere..

  A024000949 

 Monseigneur le R me Evesque et Prince de Geneve, mon Evesque et Prelat, seur les articles icy bas mis, A cause des choses et abus lesquels j'ay trouvé a ma parroisse de S t Nycolas de Flumet, affin d'en reçoipvre vous commandemens. [87].

  A024000999 

 En suitte de quoy ilz recourent a vous, Monseigneur, affin qu'attendu la negligence desditz recteurs et fondateurs a rendre leur devoir respectivement, dont ilz ont esté sommés par trois diverses proclamations faites au Prosne, suyvant les Decretz sinodaux de ce diocese, il vous plaise priver tant les patrons de leurs nominations que les recteurs de leur possession, pour icelles chappelles unir au maistre autel; ou du moins faire saisir par vostre authorité les revenus desdites chapelles, pour d'iceux estre pris ce qui sera convenable pour faire faire le service deuz et les reparations requises..

  A024001013 

 A ces fins, ce consideré, il vous plaise, mondict Seigneur... vouloir permettre audict sieur Curé dudict Vacheresse, et a ses successeurs, de pouvoir celebrer Messe en ladicte chappelle, et autres prebstres qu'il plaira audict suppliant, toutefois par la permission et licence dudit sieur Curé qui sera pour lhors.

  A024001013 

 Suppliant en outre Vostre Ill me et R me Seigneurie, il vous plaise imputer, en faveur de laditte chappelle de sainte Anne, les pardons et Indulgences qu'il vous plaira pour ceux qui entendront Messe en icelle [96] et que, par devotion, se confesseront et communieront sacramentellement et iront visiter icelle, tant les jours de Dimanche, feste, que autres jours..

  A024001026 

 Qui le contrainct recourir par ceste, a ce quil soit de vostre volonté appeller summairement par devant vous en vostre estude ledit sieur Abraham de Chastillion, prebstre, pour declarer formellement si en l'une et l'autre qualité il veut accepter ledit legat, soub la charge et condition pourté par ledit testament de la celebration de ladite Messe le jour de Dimenche, puisque il est en ville; pour, suyvant sa declaration faicte, estre par ledit suppliant satisfaict a forme dudit testament, et autrement sur iceluy provoir..

  A024001041 

 Et de plus, estant prié par les supliantz, [vu] sa bonne doctrine, d'instruyre la junesse (sic) aux lettres et pieté, il le leur auroit liberalement acordé par tollerance, et y seroit entré en exercice des Pasques en ça, par forme d'essay, attendant la permission de vous, Monseigneur; laquelle les suplians, humiliés aux piedz de Vostre Illustre et Reverendissime Seigneurie, vous supplieent octroyer, avec la dispence requise audit sieur du Martherey de la residance audit Pelliones, attendu le grand fruit et utilité qui en peult reussyr par la bonne instruction quii a encommencé de donner a la junesse de ladite ville et circonvoysins qui envoyent leurs enfans audit lieu.

  A024001135 

 Ayantz nommé, par le mesme acte, M re Aymé Cottet, prebstre de bonne fame et reputation; lequel d'aillieurs ledict sieur de Lucinge, auquel appertient le droict de patronage de ladicte cure de Sales, a aussi nommé, ainsi que par acte du cinquiesme de cedict mois, signé par ledict M e Boccard, et lequel lesdictz suppliantz vous nomment de nouveau..

  A024001243 

 Supplie humblement messire Jean Mocand, Cure en la parroesse de l'abbeie de N. Dame d'Abondance, il vous plaise permettre [122] que la Confrerie du tressainct Nom de JESUS soyt erigee en son eglise, pour la correction et extirpation des vices et pechés des blasphemes, juremens, mauvaises imprecations, maledictions et mensonges, et que ceux qui s'y feront inscrire, observant les regles et Statutz d'icelle, joyssent de ses graces et privileges, a la plus grande gloyre de Dieu, salut de leurs ames et ædification de leurs prochains..

  A024001263 

 A ceste intention, Monseigneur, ils recourent a vous, requerant qu'il vous plaise faire ladicte union et autres provisions necessaires, pour la restauration et accroissement du service de Dieu et des ames en ladicte eglise.

  A024001283 

 Les suppliantz [aussi], joincts de zele, d'affection et d'interestz en si bon dessain avec leur Cu[ré et] le reste de leurs ecclesiastiques, recourent a vous, Monseigneur, a ce qu'en continuation du soing qu'il vous a tousjours pleu de pr[endre] de ceste ville et parroisse, vous ayes encore aggreable de luy procurer [l'union] susdicte, avec les provisions necessaires pour la restauration du service [de Dieu] et des ames en ladicte eglise..

  A024001327 

 En outre, que vous baillies pouvoir au Juge mage de Chablais, de descerner lettres de contraincte contre ledict M re de Monpithon a paier lesdictes six coppes de froment promptement audict M re Gaspard Querlaz, faisant paroistre ledict accord audict s r Juge mage..

  A024001327 

 Surquoy recourt aux fins quil vous plaise de decreter que ledict M re Querlaz fera l'office dheu a sa chapelle, ou fera faire par les Rev. Prestres de Sainct Paul, ses compagnons, au mesme lieu de Sainct Paul, veu que ladicte chapelle n'a aucun autel erigé dans l'eglise de Thonon depuiz l'heresie.

  A024001340 

 Et cet, dans tel delay quil vous plairra sur ce leur prefiger, a peyne de la reduction et saisie du temporel de ladicte cure, quilz tiennent, et a la concurrence de ladicte reediffication et restablissement, arbitrio proborum, affin d'accroistre par ce moyen la devotion desdictz suppliants, et leur lever tout subject de reclamer et se plaindre de telz actes faictz en ladicte esglise au commencement de leur conversion a ladicte religion catolique, a laquelle ilz desirent vivre et mourir..

  A024001390 

 Aux fins considerees, playse a mondit Seigneur leur permettre l'erection de ladite chapelle, et commettre tel que bon vous semblera pour proceder a la benediction d'icelle; et aultrement leur prouvoir comme de raison, afin, etc..

  A024001418 

 Puisque donc vous désirez, étant donné le voisinage immédiat du diocèse de Belley et du Nôtre, distribuer parfois le [139] pain de la parole de Dieu et exercer les autres fonctions sacrées aux ouailles et dans les églises à Nous confiées, selon l'opportunité des évènements et des temps, sachant que vous avez pour vous l'exemple d'une bonne vie et une parole saine et irréprochable, Nous vous accordons dans le Seigneur, par la teneur des présentes, la faculté de prêcher dans Notre diocèse, de chasser les démons par les.

  A024001418 

 Que Dieu, en l'honneur de qui vous travaillez, soit lui-même pour votre œuvre votre très grande récompense..

  A024001419 

 Or, afin que vous sachiez et que tous ceux à qui il appartient sachent aussi que Nous vous avons concédé cette faculté, Nous avons écrit ceci de Notre main, et l'avons signé, en faisant ajouter à cet écrit l'apposition de Notre sceau..

  A024001555 

 Nous prions en [148] outre, le R me Evêque auquel vous vous serez adressé, de vous conférer les Ordres susdits, pourvu que, surtout lorsque vous voudrez être promu au sous-diaconat, il vous reconnaisse les mœurs, la vie, l'honorabilité, la science et le titre ecclésiastique ou temporel qui sont requis: ce que Nous remettons à la conscience du dit R me Evêque..

  A024001555 

 Nous savons par le témoignage d'hommes très graves que, rentré, par la souveraine miséricorde du Christ notre Seigneur, dans le sein de notre sainte Mère l'Eglise Catholique, vous désirez être promu aux Ordres ecclésiastiques, et que vous ne pouvez, sans grands inconvénients pour vous, venir les recevoir de Nous.

  A024001555 

 Nous vous accordons pleine liberté de recevoir la cléricature, les quatre Ordres mineurs et même les majeurs, sous-diaconat, diaconat et prêtrise, de n'importe quel Pontife en communion avec le Saint-Siège Apostolique.

  A024001577 

 Mais comme il ne peut arriver commodément jusqu'à Nous, soit à cause des troubles apportés par la guerre, soit à cause de la distance qui sépare sa résidence de la Nôtre, sans grand dommage pour sa bourse et surtout pour ses études: c'est pourquoi, Révérendissime Père et Seigneur dans le Christ, avec tout le respect qui convient, Nous vous déléguons à Notre place, vous accordant le pouvoir de conférer tous les Ordres au dit Pierre Godet, et à lui de les recevoir, en observant cependant tout ce qui est requis par le droit, excepté les interstices, au sujet desquels, si cela voas agrée, vous pourrez dispenser.

  A024001577 

 Mais, avant toutes choses, vous vous assurerez des Lettres Apostoliques par [150] lesquelles il se dit envoyé à Nous pour recevoir tous les Ordres.

  A024001597 

 Nous accordons par les présentes pleine faculté à ce R me Prélat de vous conférer, et à vous de recevoir de lui, les Ordres en question..

  A024001597 

 Vous pouvez légitimement recevoir la tonsure et les Ordres mineurs de n'importe quel Illustrissime et Révérendissime Archevêque ou Evêque catholique que vous préférerez choisir, et qui exerce effectivement son office et soit en communion avec le Siège Apostolique, sans tenir compte des interstices, et malgré le defectus natalium qui vous atteint, au sujet duquel Nous vous dispensons, pourvu que vous soyez reconnu idoine, ce que Nous laissons au jugement de l'Illustrissime et Révérendissime Ordinant.

  A024001624 

 En vertu [154] donc de ces Lettres, vous devrez les visiter au moins deux fois chaque année; s'il existe quelque lacune, vous la ferez combler, ou quelqu'abus, vous le ferez rentrer dans l'ordre; si parmi les fidèles quelque correction ecclésiastique est nécessaire, vous l'infligerez, et s'il est besoin d'une correction plus énergique vous en déférerez à moi-même..

  A024001624 

 Je remets donc, et, autant qu'avec l'aide du Seigneur je le peux, j'impose à votre soin particulier et à votre sollicitude les églises dont vous trouverez ci-après les noms.

  A024001624 

 Or, j'ai jugé, mon Frère, que vous deviez être de ce nombre, et je l'ai décidé, pleinement confiant en votre probité, votre zèle et votre prudence.

  A024001625 

 En outre, vous pourrez absoudre les pénitents des cas à Nous réservés; dispenser de l'observation des fêtes et du jeûne quadragésimal quand il y aura nécessité ou toute autre cause légitime; commuer les vœux, mais non cependant en dispenser; bénir et consacrer les ornements, vases, corporaux et autres objets à dédier à Dieu, quand le saint chrême ne sera pas nécessaire..

  A024001626 

 Et l'Ange du Seigneur se tiendra auprès de vous, et la lumière de Dieu vous environnera; et ainsi, tandis que vous m'aiderez et me soutiendrez dans la charge où je succombe, nous nous donnerons un mutuel appui; comme si nous marchions sur un chemin glissant, nous nous tiendrons par la main, et nos pieds se poseront [155] avec d'autant plus d'assurance que nous aurons l'un pour l'autre plus de charité et de confiance..

  A024001626 

 Vous veillerez enfin avec soin au bien général de ces églises qui vous sont confiées, afin que vous soyez un de ces pasteurs qui passent la nuit dans leurs champs, veillant à la garde de leur troupeau.

  A024001627 

 Cependant, afin que les intéressés sachent que vous avez le pouvoir de remplir les fonctions indiquées plus haut, Nous avons signé de Notre propre main et ordonné l'apposition de Notre sceau..

  A024001649 

 J'ai jugé, mon Frère et coopérateur dans le sacerdoce, que vous deviez être de ce nombre, et je l'ai décidé, pleinement confiant du reste, dans votre probité, votre prudence et votre zèle pour la maison du Seigneur..

  A024001650 

 C'est pourquoi je remets et, autant qu'avec l'aide de Dieu je le puis, j'impose à votre soin particulier et à votre sollicitude les églises paroissiales dont vous trouverez ci-après les noms.

  A024001650 

 En vertu donc de ces Lettres et en mon nom, vous devrez les visiter au moins [157] deux fois chaque année; s'il existe quelque lacune, vous la ferez combler, ou quelqu'abus, vous le ferez rentrer dans l'ordre; si parmi le clergé ou les fidèles quelque correction ecclésiastique est nécessaire, vous l'infligerez avec de salutaires paroles et avertissements.

  A024001650 

 Quand les monitions seront sans effet, vous en défèrerez le plus tôt possible à moi-même, afin que je puisse employer une correction plus énergique..

  A024001651 

 En outre, vous pourrez absoudre les pénitents sincères de ces paroisses des cas à Nous réservés; commuer leurs vœux, non cependant en dispenser; dispenser de l'observation des fêtes et du jeûne quadragésimal, quand il y aura nécessité ou autre cause légitime.

  A024001651 

 Vous pourrez aussi consacrer et bénir les ornements, vases et autres objets à dédier à Dieu, dans la bénédiction desquels n'intervient pas l'usage du saint chrême, et même les corporaux..

  A024001652 

 Vous veillerez enfin avec soin au bien général de ces paroisses qui vous sont confiées, et vous serez un de ces pasteurs qui passaient la nuit aux champs, veillant à la garde de leur troupeau.

  A024001652 

 [158] Et l'Ange du Seigneur se tiendra auprès de vous, et la lumière de Dieu vous environnera, afin que vous remplissiez votre ministère et fassiez l'œuvre d'un prédicateur de l'Evangile; ainsi vous m'aiderez et me soutiendrez dans une charge où sans cela je succomberais.

  A024001653 

 Cependant, afin que tous les intéressés sachent que vous pouvez remplir ces fonctions et user des pouvoirs susdits, Nous avons signé ces lettres de Notre propre main et Nous ayons pris soin d'y faire apposer Notre sceau.

  A024001728 

 Et, pour que vous vous employiez à cette mission d'une manière plus efficace.

  A024001728 

 Il Nous a été très agréable que la Congrégation des prêtres du district d'Evian, établie avec Notre approbation, vous ait choisi pour visiter, selon ses Règles approuvées aussi par Nous, les [166] églises et les personnes ecclésiastiques de tout le district qui sont soumises à la juridiction épiscopale.

  A024001728 

 Nous commandons [167] à tous ceux que cela regarde, d'écouter les corrections que vous ferez et d'exécuter ce que vous aurez conseillé, car votre piété, votre zèle et votre prudence Nous sont un sûr garant que vous vous acquitterez de ces offices pour la gloire de Dieu..

  A024001728 

 Nous vous accordons par les présentes le pouvoir de faire chacune de ces visites et d'ordonner ce qui vous semblera opportun.

  A024001879 

 A vous tous qui avez été élus par vos Supérieurs pour prêcher la parole de Dieu ou administrer les Sacrements dans ce diocèse, Nous aussi vous accordons la même faculté, approuvant leur élection au nom du Seigneur.

  A024001879 

 En outre, à vous, comme à Nos vicaires que Nous députons spécialement pour cela, Nous vous chargeons de Nous remplacer pour l'absolution de toutes irrégularités contractées à l'occasion de crimes cachés, excepté l'homicide volontaire réellement commis, selon la concession à Nous faite par le très saint Concile de Trente..

  A024001893 

 Aussi, ceux que vous approuverez, Nous les approuvons; ceux que vous enverrez ainsi dans la moisson à Nous confiée, Nous les envoyons et les réputerons comme envoyés par Nous.

  A024001893 

 Comme vous avez coutume de mettre un grand soin à choisir parmi vous les Religieux destinés à prêcher l'Evangile et à administrer les Sacrements, Nous vous accordons, à vous et à vos successeurs, d'employer à ces ministères dans Notre diocèse, aux conditions requises, les prédicateurs et confesseurs par vous approuvés et désignés, convaincu que rien d'inconsidéré ne sera fait par vous en une si grave affaire.

  A024001914 

 Ayans sceu que le venerable Clergé du balliage de Gex de ce Nostre diocæse avoit fait choix de vostre personne pour, en son nom, vous acheminer et presenter aux Estatz, tant de Bourgoigne que generaux de France, qui, par le commandement du Roy, se doivent bien tost celebrer: Nous avons icelle election et nomination de vostre personne advoüee, appreuvee et ratifiee, comme par les presentes Nous confirmons, vous nommant aussi, entant [190] quil Nous compete, pour estre auxditz Estatz, dire, remonstrer, requerir et faire a Nostre nom et dudit Clergé de Gex dependant de Nostre charge, tout ce quil conviendra pour le juste soustenement et accroissement de tout ce qui regarde le saint service de Dieu et de l'Eglise audit balliage de Gex.

  A024001933 

 Comme, à ce qui Nous a été rapporté par un témoignage digne de foi, depuis déjà une année entière vous avez très religieusement vécu à Cusy, en administrant, avec Notre permission, les Sacrements et la parole de Dieu partout où vous étiez appelé: pour ce motif Nous vous accordons la faculté de séjourner à Cusy, d'y conférer les Sacrements et prêcher la parole de Dieu, ainsi que d'absoudre des cas à Nous réservés; faculté dont vous pourrez librement user dans tout Notre diocèse, pourvu que les recteurs des églises paroissiales y consentent.

  A024001933 

 Nous exceptons cependant la seule paroisse de Cusy, dans laquelle, pour des raisons à Nous connues, Nous voulons que, même sans attendre ou demander la permission du recteur de l'église de cette paroisse, vous puissiez librement user de la susdite faculté, de façon toutefois à éviter tout scandale..

  A024001934 

 Nous avertissons en même temps Votre Révérence, ce que vous faites du reste, de tempérer la science, qui autrement enfle, par la charité qui édifie, en sorte que votre charité illuminée par la science et votre science enflammée par la charité, tournent au [192] salut du peuple et à l'honneur et à la gloire du Christ Notre Seigneur.

  A024001934 

 Sur ce, Nous vous bénissons..

  A024002047 

 Comme Nous vous confions le soin de Nous remplacer pour cela de la meilleure manière possible, tout ce que vous ferez dans ce but, tenez-le pour confirmé et approuvé..

  A024002127 

 C'est pourquoy, Nous, a quil appartient de veiller, autant pour conserver les immunitéz de l'Eglise que pour avoir un soin tres particulier de vostre salut, selon la charge qui Nous a eté imposée, vous mandons expressement et precisement par ces presentes, soub peyne d'excommunication, de ne point entrer pour ce subjét dans des lieux saints, soit dans une eglise consacrée a Dieu, et de ne point uzer de violence pour arracher cet homme de l'autel affin de le forcer de sortir de l'eglise, estant fondé sur une telle exemption, mesme sous pretexte de rendre ou de faire la justice..

  A024002128 

 Et pour vous faire connoistre que tel est Nostre sentiment, Nous [avons] escript Nous mesme de Nostre main propre et signé les presentes..

  A024002228 

 Le noble Prosper de Mareste s'étant fiancé par serment avec Georgette Blanc, et ayant ensuite confirmé par un vœu ces fiançailles étant en danger de mort, selon ce qu'il Nous a saintement et religieusement affirmé: Nous, sachant qu'il vaut mieux plaire à Dieu qu'aux hommes, vous chargeons, s'il ne conste aucun empêchement à ce mariage ainsi promis, juré et ratifié par vœu, de le célébrer en face de notre sainte mère l'Eglise.

  A024002252 

 Supplie tres humblement M re Anthoenne Grandat, que puisque l'opposition qu'avoit estee formee par damoiselle Claudine Debyu a la proclamation du mariage contracté entre ledict suppliant et damoiselle Louyse de Bellegarde a estee vuydee par le sieur Vicaire general de Vostre R me [Seigneurie], ainsy que par sa sentence du dixiesme du courant cy joincte, il vous plaise luy permettre fere les esposiallies et benediction nuptiale dudict mariage dans le chasteau du pere de ladicte damoiselle de Bellegarde, ayant esgard a la distance de l'esglise et pour obvier des [221] bruictz et grandes indiscretions qui pourroit (sic) arriver et arrivent souvent en semblable cas..

  A024002418 

 Ces fins considerez, il vous plaise deputer tel aultre qu'il vous plairra que ledit sieur Roges, pour reigler les parties et vuider les dictes causes d'oppositions, a forme dudit ranvoy fait par ledit sieur Garnier, cy joint.

  A024002432 

 Veu la requeste cy dessus, Noz decretz en fin, des jours douziesme et treiziesme du courant, et tout consideré, Nous vous mandons et commettons par ces presentes, qu'a la requeste desdits suppliantz, vous adjourner a personne ou domicilie parties suppliees a comparoir et [répondre] pardevant... le sieur chanoine Delacombe, par Nous a ce commis et deputé, pour respondre et deffendre aux fins et conclusions prinses par ladite requeste et proceder ainsi que de ....

  A024002457 

 C'est pourquoy Nous vous commettons pour celebrer ledit mariage en la face de nostre Mere sainte Eglise, en presence de deux tesmoins, et mesme en lieu particulier, soit en chambre ou ailleurs, secretement, attendu que ledit mariage est des-ja publié, et qu'il n'est besoin de le celebrer sinon pour reparer les defautz de pouvoir, si aucun est intervenu au mariage des-ja, quoy que peut estre nullement, celebré..

  A024002629 

 Et a cause de ce, il a encoures pleu a Monseigneur le Prince Cardinal en escripre a Vostre Seigneurie Reverendissime quil desiroit fort quil vous pleut de faire ceste union..

  A024002631 

 De sorte quilz recourent a Vostre Seigneurie R me, affin que, ce consideré, il vous playse leur provoir pour l'effeict de ladite union, ainsy que de rayson..

  A024002705 

 Mais parce quilz se sont apperceus que les motz substanciaux qu'on preste contre eulx sont apposés a ladicte Visite par apostille, et probablement a l'insceu de V. S. R sse, ilz recourent a ce que, ce consideré, il vous playse ordonner a M e Decomba saysie d'icelle, la rapporter par devant vous et, l'ayant veu, fayre sur ce telle declaration que Vostre Seigneurie R sse treuvera raysonnable, si elle a entendu advouer ce droict de patronage ou non, affin quilz ne s'embarracent mal a propos en proces..

  A024002860 

 Lui aussitôt: « L'affaire, » dit-il, « doit être traitée avec plus d'attention, nous n'aurions pas le temps de le faire maintenant que le jour est à son déclin; si donc demain vous venez me trouver, nous nous occuperons plus opportunément de toute cette question.

  A024002860 

 Vous, en attendant, ce qui est le principal, demandez par vos prières la lumière céleste.

  A024002861 

 Allez à leur Collège, et voyez vous-même si les choses ne sont point ainsi.

  A024002861 

 Et voici que s'offre à vous la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul, où la discipline de la perfection religieuse est en grand honneur, et où cependant l'on n'est pas accablé par les austérités corporelles, tellement que à peu près tout homme peut, avec la grâce de Dieu, observer très facilement ses coutumes et Constitutions.

  A024002952 

 C'est pourquoy, sur l'humble requeste que Nous a este faicte de vostre part, Nous vous donnons pouvoir de confirmer et enrichir des Indulgences et graces speciales cy dessoubz escriptes, toutes les Confrairies du tressainct Sacrement de l'Autel cy devant canoniquement instituees et dressees en tout le diocese de Geneve..

  A024002952 

 Nous accordons volontiers, pour plusieurs respectz, ce que vous Nous demandes, principalement quand c'est pour l'acroissement du service divin.

  A024002961 

 Ceux qui sont desja enroollez ausdictes Confrairies ou quy le seront d'oresnavant, estant vrayement repentantz, confessés et communiés, et visitans les chapelles ou oratoires desdictes Confrairies des les premieres Vespres jusques au soleil couchant de la feste principale d'icelle (laquelle vous leur assigneres), et la prieront pour l'union des princes chrestiens, extirpation de l'heresie et exaltation de l'Eglise, gaigneront Indulgence pleniere..

  A024002969 

 Semblablement, ceux qui vrayementz repentantz, confessés et communiés visiteront les chapelles ou oratoires desdictes Confrairies, et prieront comme dessus es quattres aultres festes que vous leurs assigneres, ilz gaigneront chasque jour qu'il (sic) feront cela, dix annees et aultant de quarantainnes..

  A024002991 

 A vous, Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime.

  A024002994 

 Certiffie, je Louys de la Ravoyre, Prevost de l'esglise collegiale de Saint Jaques de la ville de Salanche, soubsigné, qu'ayant receu avec deue reverence et honneur lettres de commission de la part de Vostre Illustrissime et Reverendissime Seigneurie, donnees Annessi le trente uniesme aoust dernier, signees Dumont, a moy addressees pour la vision et information des choses narrees par la Requeste d'icelles, cy attachee, a vous presentee la part de discret Nicolas, filz de Guilliame Perroullaz, du lieu des Vorsiers, parroesse de Salanche:.

  A024003083 

 De tristesse, pour la perte de mes lettres qui ne sont en petit nombre, car je vous assure en avoir envoyees environ une trentaine en diverses foi (sic) et en divers pacquets, adressees les uns a vous, les autres a Monseigneur de Geneve et les autres a monsieur le Curé de Gex.

  A024003083 

 Enfin vous en avez receu un, par la grace de Dieu, et m'avez faict telle response que je desirois, me donnant les advis qui m'estoient necessaire, dont je vous remercie affectionnement et m'en resjouïs extremement pour le bien que j'en espere..

  A024003084 

 Il y a 9 ou 10 jours que je marchande de vous escrire, et ay tous-jours differé attendant la presentation de nos cayers; mais voyant qu'elle se delaye de semaine en semaine, j'ay pensé a propos par advance vous escrire la presente, et vous dire, pour vostre consolation et de tous les bons catholiques de Gex, que la France est tant esloingnee de tout chisme et division du Saint Siege Apostolique, qu'au contraire jamais elle n'y a esté si estroitement jointe et unie qu'elle est a present; comme elle tesmoingne par l'humble demende et instante requisition qu'elle fait a Sa Majesté de la reception et publication du sacrosaint et œcumenique Concile de Trante, ornant le frontispice de son cayer general de cette demande, comme les douze des douze gouvernements de France en estoyent embellies tout au commencement, estant leur I er article, voyre mesme les cayers particuliers des Baillages et senechaussees de tout le Royaume.

  A024003085 

 Cela n'est il pas suffisant pour faire mourir d'honte nos imposteurs? Voyez l'imprimé des motifs [323] de l'impugnation de l'article que je vous envoye, et le communiquez aux catholiques.

  A024003085 

 En un mot je vous diray que toute la France est tant esloignee de tout chisme et desunion, qu'a contrepoir elle se paine et travaille incessamment, et maintenant plus que jamais, a reunir tant par predication que par escript ceux qui se sont separez et desunis de l'Eglise Saincte, Catholique, Apostolique et Romaine..

  A024003087 

 Il seroit a propos que vous en escrivissiez un mot de remerciement tant au R. P. Provincial qu'au R. P. Gardien, lesquelz ont fait responces aux vostres; mais si vous n'avez les miennes, ny celles la encore.

  A024003087 

 Je ne pourrois vous exprimer l'honneur et le contentement que je reçois journellement en ceste assemblee, tant de la part de Messeigneurs les Cardinaulx, Archevesques, Evesques et autres deputés de l'Eglise, comme aussi en nostre couvent, des Superieurs et Religieux.

  A024003092 

 Apres vous, je salue tous les Religieux; de mesme faict nostre compaignon..

  A024003102 

 Estant heureusement arrivé a la fin des Estats, il m'a semblé a propos vous en donner advis et vous dire par mesme moyen que lundy dernier, veille de saint Mathias, les cayers furent presentés au Roy, celui du Clergé par Monseigneur l'Evesque de Luçon, celui de la Noblesse par Monsieur le baron de Senessé, celui du Tiers Estat par Monsieur le Prevost de Paris, lesquels trois arranguerent non moins disertement que doctement: ausquelz le Roy, apres avoir remercié les Estats de leurs bons conseils et advis, respondit en peu de paroles que, le plustost qu'il pourroit, il y donneroit response et la plus favorable qu'il lui seroit possible, et que personne des deputez ne partisse de Paris jusqu'a ce qu'il y eu respondu entierement.

  A024003103 

 Dans le I er pacquet il y avoit deux lettres que je vous escrivois; dans le 2 e estoient deux lettres de monsieur le Masurier, l'une pour luy, l'autre pour monsieur le Curé de Gex, qu'il m'avoit envoyees de Poictiers pour respondre des leurs, d'ou maintenant il est de retour depuis 8 jours, et l'ay esté visiter et ay [parlé] de nostre cayer avec lui; mais il le trouve un peu tropt politicque, neantmoins bien affectionné a nostre partis, avec toute sorte d'offre et de courtoisie, et que dimanche prochain il me viendroit voir au couvent..

  A024003103 

 Il y a environ 12 jours que Sa Saincteté nous escrivit, comme aussy a Messieurs de la Noblesse, remerciant bien humblement eux et nous du zelle et affection que nous avions tesmoignez au S t Siege, nous opposant si courageusement a un article du Tiers Estat, fort pernicieux et prejudiciable a l'authorité d'iceluy, lequel, comme desja je vous en ay escript, fut osté de leur cayer par commandement de Sa Majesté, a la requeste tant du Clergé que de la Noblesse, avec deffance a ceux du Tiers Estat de ne plus s'ingerer de traicter des choses qui touchent la religion, se reservant d'en traicter avec Sa Saincteté par l'advis et conseil du Clergé auquel seul appartenoit cet affaire.

  A024003103 

 Je vous ay desja envoyé l'imprimé des motifs qui nous pousserent a impugner cet article, comme aussy a Monseigneur l'Evesque de Geneve dont je suis fort en peine; car depuis mon depart je n'ay receu aucune des siennes, bien que je lui aye escript par plusieurs fois, et particulierement deux fois par la voye de la poste, adressant mes lettres au R. Pere Gardien de Chambery.

  A024003104 

 Je vous ay desja escript par la mienne derniere, il y a environ 3 semaines, que tous nos articles avoyent estez fort bien receu et inserez tout au long dans le cayer de l'Eglise, hormis la seigneurie [325] de Peney qui est pour estre riere la souveraineté de Geneve; mais aussy j'en ay adjoustés plusieurs autres que j'ay jugé utiles et necessaires pour le bien des catholiques de Gex.

  A024003104 

 Je vous supplie, s'il y a quelque autre chose que vous jugiez pour le bien de l'Eglise et des catholiques devoir estre demandee, m'en escrire au plustost et je feray toute sorte de diligence pour l'obtenir.

  A024003104 

 Reste a vous dire que je ne manqueray a soliciter diligemment vers les commissaires [et] ceux qui respondront les cayers pour avoir une bonne et favorable response a nos articles; et si en l'ordonnance generale que le Roy fera de tous les cayers elle n'est telle, je ne manqueray en particulier par apres de la poursuivre vers Sa Majesté et vers son Conseil.

  A024003105 

 Je ne pourrois vous exprimer l'honneur que j'ay receu en ceste assemblee, tant de Messeigneurs les Cardinaux, Archevesques, Evesques, Abbés, qu'autres deputez, et combien ils prisent et font estat de nostre mission et quels desirs ils ont de nous y assister, comme ils tesmoigneront a la 1 er assemblee du Clergé, ordonnant quelque somme d'argent a cet effaict, comme plusieurs me l'ont promis, et des principaux.

  A024003106 

 Sur quoy me recommandant a vos saincts Sacrifices, je vous demeure pour tousjours,.

  A024003111 

 Apres vous, je salue tous les Religieux; de mesme faict nostre compaignon.

  A024003117 

 Depuis la reception des vostres du 14 e janvier, voici le 5 e pacquet que j'ay envoyé de par dela sans recevoir aucune response de vous ny d'aucun autre, ce qui m'estonne fort.

  A024003117 

 Je donnay le I er pacquet a monsieur de la Bastide et je vous l'adressois; le 2ond a Monseigneur de Geneve, par la poste, l'adressant au V. P. Gardien de Chambery (et reste fort estonné que luy ayant escript depuis mon depart de Gex par 5 ou 6 fois, je n'aye receu de luy un seul mot de response, estant venus icy expres pour les affaires de son [326] diocese riere la France); le 3 e pacquet je l'ay adressé a monsieur de Fournel, et ce par la voye de monsieur Carlet; le 4 e a monsieur le Baillif, par l'adresse de monsieur Robin, comme il m'avoit escript; le 5 e est le present, par M. Tombet, deputé du Tiers Estat de Gex, lequel vous racontera amplement la conclusion des Estats et le peu de satisfaction que remportent les deputez en leurs provinces..

  A024003118 

 Succinctement je vous diray que les cayiers furent presentés la veille de S t Matthias, avec parolles de ne point congedier les Estats qu'ils ne fussent favorablement respondus; mais ceste parolle n'a esté gardee, attendu que la veille de l'Annonciation on nous congedia sans aucune response, disant qu'on y travailloit et qu'estant faicte on imprimeroit un arrest qu'on envoiroit par tout..

  A024003120 

 Quoy attendant, je me recommande a vos SS. Sacrifices et vous demeure pour tousjours,.

  A024003125 

 Nostre compaignon vous salue, et je salue tout le monde..

  A024003196 

 Et dauttant que ledict Prieuré doict estre conventuel et a esté servis (sic) par des Religieux de S t Benoit, le seigneur suppliant recours (sic) aux fins quil vous plaise informer sur la verité du faict exposé..

  A024003197 

 Et d'auttant qu'aux benefices reguliers, ceux qui les possedent sonts obligés dy vivre regulierement, il vous plaise aussy de conserver et maintenir ledict R d seigneur Prieur et les Prebstres et auttres Ecclesiastiques que vous aves treuvé audict Prieuré en vostre presente Visite en l'observance reguliere conforme [334] a l'estat clerical, vivantz en commung selon la vraye et ancienne discipline ecclesiastique, dependantz en tout et par tout de vous, conformement aux sacrés sanctions du Concile de Trente et jouxte les Constitutions de S t Charles Borromée aux Oblatz de S t Ambroyse, desquelz ilz fontz proffession..

  A024003656 

 Assembles vous en la mayson de discipline;.

  A024003657 

 que tardes vous? que dites vous sur ceci?.

  A024004494 

 En fin, Nous asseurons de la benediction et protection de Dieu tous ceux qui embrasseront et prattiqueront avec [464] amour ces Ordonnances que le seul desir du regne de Dieu en vous et l'amplification de sa gloire me fait vous donner; esperant que, par l'accomplissement d'icelles, cette Famille religieuse reprendra sa premiere splendeur et respandra par tout la souëfve odeur dont elle a parfumé autrefois tout le païs..

  A024004495 

 C'est la grace, o mon Dieu, que j'attens de vostre misericordieuse bonté et que je vous demande de toute l'estendue de mes affections, pour ces ames et celles qui leur doivent succeder.

  A024004531 

 Vous saurez que Nous avons reçu, en parfait état et intégrité, et sans le moindre vice de forme ou chose suspecte, les Lettres Apostoliques expédiées en la Curie Romaine en forme de Bref, sous l'Anneau du Pêcheur, en cette teneur: « Vénérable Frère, ou Fils très cher, salut et bénédiction Apostolique.

  A024004913 

 « Ayant appris dernièrement que l'église Collégiale de Saint-Pierre, de la ville de Remiremont, diocèse de Toul, église à Nous et au Siège Apostolique immédiatement soumise, et où l'on affirme que, en plus de nos chères filles dans le Christ, l'Abbesse, faisant profession d'appartenir à l'Ordre de Saint-Benoît, [504] et les Chanoinesses, il y a d'autres clercs séculiers, en possession de canonicats, de prébendes ou autres bénéfices ecclésiastiques, tous formant un seul Chapitre: ayant donc appris que cette église a besoin de visite et de réforme, surtout sur ce point de Chanoinesses et de Chanoines constituant un seul Chapitre, et peut-être formant un même choeur pour la psalmodie; Nous donnâmes mission et ordre à Nos vénérables Frères l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul, et à vous, Evêque de Tripoli, par un motu proprio et d'après [505] Notre science certaine, ainsi qu'en vertu de la plénitude de la puissance Apostolique, par d'autres Lettres expédiées semblablement, en forme de Bref, afin que l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul, et vous, Evêque de Tripoli, ou bien les deux premiers, ou encore l'un d'eux en union avec vous, procédassent une fois seulement, à la visite de l'église susdite, aussi bien pour la tête que pour les membres.

  A024004914 

 Enjoignant pour cela à l'Abbesse, aux Chanoinesses, aux Chanoines, aux prêtres et aux clercs présents de vous obéir sans délai en tout ce qui a été dit'et en chaque chose, de recevoir humblement vos salutaires avertissements et commandements, enfin de s'efforcer de les suivre efficacement; sans quoi, toute sentence ou peine que vous prononceriez régulièrement contre des rebelles, Nous l'aurons pour ratifiée, et, avec l'aide du Seigneur, Nous la ferons observer à la lettre, nonobstant tout ce [507] que dans les présentes Lettres Nous avons eu l'intention d'écarter comme empêchement, et nonobstant aussi toutes choses contraires..

  A024004914 

 Nous vous commandons, en effet, et ordonnons de faire tout ce qui a été dit plus haut et tout ce qui se trouve dans les mêmes Lettres, et vous accordons, par la teneur des présentes, la faculté de l'exécuter.

  A024004914 

 « Mais aujourd'hui, pour certaines causes qui agissent sur Notre esprit, déchargeant l'Archevêque de Corinthe et l'Evêque de Toul sus désignés de l'obligation, à eux imposée par Nous, de visiter l'église, son Abbesse, ses Chanoinesses, et les Chanoines en question, et révoquant la faculté à eux concédée plus haut, Nous les remplaçons par vous, vénérables Frères, Evêques de Genève et de Chrysopolis; par une action, une science et une plénitude de puissance semblables, Nous confions le soin et donnons l'ordre à vous trois par les présentes, que, procédant à vous trois, ou au moins à deux de vous ensemble, vous mettiez à exécution les susdites Lettres, en en suivant la forme en tout et pour tout.


25-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXV-Vol.4-Opuscules.html
  A025000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A025000311 

 Pour cela, donq, je vous presente cette sacree Regle, que vous suivres meshuy comme le vray chemin auquel vous [8] deves marcher pour parvenir a la perfection de la vie religieuse, y ayant joint vos Constitutions, qui sont comme des marques mises en ce chemin affin que vous le sachies mieux tenir; car, comme disent les Docteurs, les Regles des Religions proposent les moyens de se perfectionner au service de Dieu, et les Constitutions monstrent la façon avec laquelle il les faut employer.

  A025000314 

 Et partant, affin que nul ne vous puisse troubler sur cette occasion, je veux prevenir leurs questions et demandes frivoles, et par mesme moyen esclaircir quelques difficultés qui pourroyent arrester vostre esprit en la lecture d'icelle..

  A025000316 

 Ce qu'il dit: «Ce sont icy les choses que nous vous commandons a ce que vous les observies,» ne doit donner aucun scrupule aux Seurs, comme si cette Regle obligeoit en tous les articles sous peyne de peché; car cela n'est pas, ainsy que, apres le grand saint Thomas, les Docteurs plus asseurés ont observé.

  A025000317 

 Plusieurs pensent que les Regles religieuses doivent taxer et determiner des peynes aux contrevenantz et delinquans, mais ilz se trompent; car il ny en a point en la Regle de saint Basile, ni en celle ci, comme vous verres, sinon celle de l'ejection.

  A025000320 

 Mais par ce que ces motz ne sont pas usités, on les a peu et deu changer en ceux de Mere, ou Abbesse, ou bien Prieure, ou Superieure; et par ce que le dernier et le premier de ceux ci sont plus simples et signifient la mesme chose que celuy de Praeposee, il a esté treuvé bon que vous les retinssies, notamment celuy de Mere, dautant que le saint Pere dit en fin: «Que les Seurs obeissent a la Superieure comme a leur Mere.».

  A025000328 

 Certes, saint Policarpe, disciple des Apostres, au recit de saint Irenee a tesmoigné que le glorieux saint Jean Evangeliste entrant en un bain a Ephese pour se laver, et y treuvant Cerinthus, haeresiarque, dit a ceux qui estoyent avec luy: «Retirons nous hastivement d'icy, de peur que nous ne soyons accablés de la cheute de cette estuve en laquelle est l'ennemi de la verité.» Ce grand Disciple bien-aymé de Nostre Seigneur ne faysant donq point de difficulté [19] d'aller aux bains, qui pourra, je vous prie, censurer la douceur de saint Augustin s'il en permet l'usage aux Seurs de son Ordre? Je voy que quelques uns ont attribué cette action de saint Jean a une speciale inspiration, comme s'il fut allé aux bains pour avoir sujet de dire la celebre parole qu'il y dit contre Cerinthus; et je voys quant et quant que ce sentiment merite voyrement de n'estre pas mesprisé, a cause du credit que les autheurs d'iceluy ont justement merité parmi les amateurs des Lettres sacrees.

  A025000330 

 Certes, ç'a esté une speciale providence de Dieu, qu'entre toutes les Regles celle du glorieux saint Augustin ayt esté choysie pour servir de loy en vostre compaignie, puisque des-ja, par un secret instinct du Saint Esprit, vos Constitutions furent dressees au commencement en sorte qu'elles sont toutes conformes a cette sainte Regle, laquelle, par ce moyen, vous observies sans y penser avant qu'elle vous fut ordonnee, voire sans sçavoir quelle elle estoit.

  A025000330 

 En quoy je ne sçay comme quelques uns se sont trompés, pensant que vostre Institut soit ouvrage de ma seule cervelle, et par consequent moins estimable; car, je vous prie, de quelle authorité eussé je peu vous ordonner une telle retraitte et vous obliger a une telle sorte de vie, sinon par la concurrence de vostre propre eslection et volonté? Certes, les conseilz evangeliques ne peuvent estre convertis en commandemens par nos superieurs, si, de nous mesmes, librement et volontairement, nous ne nous obligeons a les observer par vœu, serment ou autre profession..

  A025000330 

 Or, remarques cependant, je vous prie, en ce peu de pointz que je viens de traitter, que, defendant vostre Regle, j'ay aussi defendu vos Constitutions.

  A025000332 

 Ainsy vostre tres amere amertume se convertira en la suavité d'une paix tres abondante et vous seres comblees du vray bonheur..

  A025000332 

 Il donnera de l'amertume a vostre interieur, car il vous conduit a la parfaite mortification de vostre propre amour; mays il sera plus doux que le miel a vostre bouche, par ce que c'est une consolation nompareille de mortifier l'amour de nous mesmes pour faire vivre et regner en nous l'amour de Celuy qui est mort pour l'amour de nous.

  A025000332 

 Somme toute, mes tres cheres Filles, a Dieu soit honneur et gloire, qui de toute eternité prepara ces saintes Regles pour vostre Congregation et vostre Congregation pour l'observance de ces Regles, ayant mesme ordonné, par une conduite admirable de sa Providence, que vos Constitutions fussent tout ainsy que des ruysseaux qui coulent et tirent leur origine des propres paroles et de l'esprit d'icelles, comme de leur vraye source et tres pure fontayne; qui me fait hardiment vous prononcer cette exhortation: Venes, o Filles de la benediction eternelle, et comme il fut dit a Ezechiel et au cher bienaymé du Bienaymé de vos ames: Venes, tenes, prenes et manges ce livre, avales le, remplisses en vos poitrines et en nourrisses vos cœurs; que les paroles d'iceluy demeurent jour et nuit devant vos yeux pour les mediter et sur vos bras pour les prattiquer, et que toutes vos entrailles en louent Dieu.

  A025000333 

 Je vous prie, mes Seurs, ains je vous supplie et conjure, [23] mes Filles bienaymees, oyes, voyes et consideres: vous aves esté instruites jusques a present en ces observances, vous aves receu le voyle sacré sous icelles, par icelles vous aves esté multipliees et aves prins un saint accroissement en aage, en nombre et en pieté.

  A025000333 

 Soyes donq fortes, fermes, constantes, invariables; et demeures ainsy, affin que rien ne vous separe de l'Espoux celeste qui vous a unies ensemblement, ni de cette union qui vous peut tenir unies a luy, en sorte que, n'ayant toutes qu' un mesme cœur et qu' une mesme ame, il soit luy mesme vostre seule ame et vostre cœur..

  A025000350 

 En somme, ce grand S t Augustin, selon la celeste sagesse et l'incomparable charité que Dieu luy avoit departi, [29] composa sa Regle en sorte que, comme S t Hierosme confesse de soymesme, on reconnoissoit Nostre Seigneur et Sauveur estre habitant en luy; et eut bien peu dire, a l'imitation du glorieux S t Paul: Requeres vous quelque experience de Celuy qui parle en moy, a sçavoir Jesus Christ? et de rechef: J'ay esté fait toutes choses a tous, affin de les sauver tous.

  A025000361 

 Ce sont icy les choses que nous ordonnons estre observees par vous qui estes au Monastere:.

  A025000369 

 Que vous observies ce pourquoy vous estes assemblees et congregees, qui est que vous habities unanimement en la Mayson, et que vous n'ayes qu' un'ame et un cœur en Dieu..

  A025000373 

 Et que vous ne disies pas que quelque chose soit a vous en proprieté, mais que toutes choses vous soyent communes..

  A025000377 

 Et que ce qui est requis pour la nourriture et les vestemens soit distribué a une chacune d'entre vous par vostre Superieure, non pas egalement a toutes, parce que vous n'estes pas toutes de mesme complexion, mais a une chacune [32] selon qu'il sera besoin; car ainsy lises vous es Actes des Apostres (chapitres 2 et 4), que toutes choses leur estoyent communes et qu'on distribuoit a un chacun en particulier selon sa necessité..

  A025000382 

 Dequoy sert il de distribuer en donnant aux pauvres, et se rendre pauvre soy mesme, si la miserable ame est rendue plus superbe en mesprisant les richesses qu'elle n'estoit en les possedant? Vives donq toutes unanimement et de bon accord, et honnores Dieu, duquel vous aves esté rendues le temple, les unes en la personne des autres reciproquement..

  A025000387 

 Quand vous pries Dieu par Psalmes et cantiques, que ce que vous prononces de voix soit pareillement en vostre cœur; et ne chantes sinon ce que vous lises devoir estre chanté; mays ce qui n'est pas escrit pour estre chanté ne le chantes pas..

  A025000395 

 Venant a table, oyes sans bruit ni contention ce que selon la coustume on lira, jusques a ce que vous vous levies; et que vostre gosier seul ne reçoive pas la viande, mais que vos oreilles reçoivent pareillement la parole de Dieu..

  A025000406 

 Quand vous alles dehors, marches ensemblement; estant parvenues ou vous alles, demeures ensemble.

  A025000410 

 Et ne dites pas que vostre intention est pudique si vous aves les yeux impudiques; car l'œil impudique est messager du cœur impudique.

  A025000410 

 Mays, soit que nul ni prenne garde: comme se cachera elle de ce Spectateur d'en haut auquel rien ne peut estre caché? Doit on, je vous prie, estimer qu'il ne void pas nos actions par ce qu'il les void dautant plus patiemment qu'il les void plus sagement? Qu'a Celuy la donq la femme sainte craigne de desplaire, affin qu'elle ne veuille meschamment plaire a l'homme.

  A025000410 

 Si vous jettes vos yeux sur quelqu'un, ne les arrestes toutefois sur aucun, car allant dehors il ne vous est pas defendu de voir les hommes; mais de les convoyter, ou [36] vouloir estre convoitee par iceux, c'est une faute criminelle; ni ce n'est pas seulement par le toucher, mais aussi par l'affection et par le regard que la femme est convoytee et convoyte.

  A025000414 

 Et si vous vous apperceves que quelqu'une d'entre vous commette de l'œil cette insolence dont je parle, advertisses-la promptement, affin que ces commencemens ne facent progres, mais soyent soudain corrigés.

  A025000414 

 Quand donq vous estes ensemble en l'eglise et ailleurs, partout ou les hommes se treuvent, prenes soin mutuellement de garder vostre chasteté l'une de l'autre; car [37] en cette sorte, Dieu qui habite en vous, vous gardera de vous mesme.

  A025000414 

 Que si, apres l'avertissement, de rechef, ou bien un autre jour vous luy voyes faire les mesmes traitz, alors celle qui l'aura apperceue, quelle qu'elle soit, la doit manifester comme une personne des-ja blessee, affin qu'on la guerisse.

  A025000415 

 Car si vostre Seur avoit un ulcere au cors qu'elle volut estre celé, crainte qu'on ne luy fit quelque incision, ne series vous pas cruelle en vous taysant et benigne en le revelant? Combien plus donq deves vous manifester l'ulcere spirituel, affin qu'il ne pourrisse plus dangereusement au cœur..

  A025000415 

 Et ne juges pas qu'en descouvrant ce mal vous commetties aucune malveillance; car plus tost estes vous coulpables lors que en accusant les fautes de vos Seurs vous les pouves faire amender, et en vous taysant vous permettes qu'elles perissent.

  A025000431 

 Ayes toutes vos robbes en un lieu sous la garde et charge d'une Seur ou deux, ou d'autant de Seurs quil sera requis pour les secouer et conserver, affin que la tigne ne les gaste; et comme vous vives toutes d'une despense, ainsy soyes toutes vestues d'un vestiaire.

  A025000431 

 Et s'il se peut faire, ne prenes point garde a ce que l'on vous donnera a vestir, [39] selon les saysons, pour voir si l'on vous donnera les habitz que vous avies posés et remis, ou bien si l'on vous donne ceux qu'un'autre avoit portés, pourveu que ce qui est necessaire a une chacune ne luy soit pas refusé.

  A025000431 

 Que si pour ce sujet naissent entre vous des contentions et murmurations, quelqu'une par aventure se plaignant d'avoir des vestemens pires qu'elle n'avoit pas remis et d'estre tenue indigne de porter des habitz aussi bons qu'un'autre Seur, apprenes de cela combien vous estes mal en point es saintes habitudes interieures du cœur, qui estrives et debattes pour les habitz externes du cors..

  A025000432 

 Mays que tous vos ouvrages se facent en commun, avec plus de soin et d'allegresse ordinaire que si vous les faysies pour vous mesme en particulier; car la charité delaquelle il est escrit qu'elle ne cherche point les choses qui sont a elle (c'est a dire ses commodités, ses proffitz, ses avantages), doit estre entendue ainsy: a sçavoir, qu'elle ne prsefere point ses commodités propres aux commodités commîmes, ains les communes aux propres, C'est pourquoy, dautant plus que vous prœfereres la Communauté a vostre particularité, dautant plus deves vous sçavoir que vous aves profité, a ce que parmi toutes les choses desquelles se sert la transitoire necessité on voye surexceller la permanente charité.

  A025000432 

 Que si toutefois vostre infirmité est supportee pour vous faire avoir les habitz mesmes que vous avies posés, ayes neanmoins tout ce que vous poses en un mesme lieu, et le remettes a la garde des Seurs a ce commises; en sorte que nulle d'entre vous ne travaille pour soymesme, soit pour se vestir, soit pour avoir dequoy maintenir son lit, soit pour avoir dequoy se ceindre ou affubler, ou pour couvrir sa teste.

  A025000434 

 Que vos vestemens soyent lavés selon quil semblera bon a la Superieure, ou par vous mesme ou par les foulons, affin que le trop grand desir d'avoir des vestemens netz n'attire des souilleures en l'ame..

  A025000449 

 Que vous n'ayes aucun proces, ou qu'au plus tost vous le terminies, affin que l'ire croissant ne se convertisse en hayne et face un poutre d'un festu, et ne face l'ame homicide; car ce n'est pas les hommes seulz que regarde ce qui est escrit: Celuy qui hait son frere est homicide; ains, au sexe des masles que Dieu crea le premier, le sexe des femmes a aussi receu ce commandement.

  A025000452 

 Et partant, gardes vous des paroles dures, lesquelles si elles sont proferees par vostre bouche, qu'il ne vous fasche point de produire les remedes par la mesme bouche qui a fait la blesseure..

  A025000456 

 Mais toutefois il faut demander pardon au Seigneur de toutes choses, qui connoist de quelle affection vous aymes celle-la mesme laquelle, peut estre, vous corriges un peu plus asprement qu'il ne faut.

  A025000456 

 Mays quand la necessité de la correction vous pousse de dire des paroles aspres pour reprimer les inferieures, si en cela vous aves outrepassé la rayson on ne requiert pas de vous que vous leur demandies pardon, affin que, prattiquant une trop grande humilité envers celles qui doivent estre sujettes, on n'esnerve pas l'authorité de gouverner.

  A025000460 

 Or, entre vous ne doit estre aucune dilection charnelle, ains spirituelle..

  A025000464 

 Que l'on obeysse a la Superieure [comme à une mère], en gardant l'honneur qui luy est deu, de peur qu'en icelle Dieu ne soit offencé; beaucoup plus encor au Prestre qui a soin de toutes vous autres..

  A025000468 

 Or, affin que toutes ces choses soyent gardees et que si quelque chose n'est pas observee elle ne soit pas pourtant negligee, ains qu'on ayt soin de reparer et corriger le defaut, cela est principalement de la charge de la Superieure; en sorte qu'en ce qui est extraordinaire et qui excede sa capacité, elle s'en rapporte au Prestre qui a soin de vous..

  A025000472 

 Qu'elle vous soit superieure par honneur devant les hommes, et que devant Dieu elle soit prosternee sous vos [44] piedz.

  A025000473 

 Et que, bien que l'un et l'autre soit necessaire, que toutefois elle affectionne plus d'estre aymee que d'estre redoutee de vous, pensant tous-jours qu'elle doit rendre conte de vous a Dieu; et partant, obeyssant de plus en plus, n'ayes pas seulement pitié et compassion de vous mesmes, mays aussi d'elle, qui est en un peril dautant plus grand parmi vous qu'elle est en une charge plus relevee..

  A025000477 

 Playse a Dieu que vous observies toutes ces choses icy avec dilection, comme amoureuses de la beauté spirituelle, et comme odoriferantes des bonnes odeurs de Jesus Christ par la bonne conversation; non comme esclaves sous la loy, mais comme libres et affranchies, constituees sous la grace de Dieu..

  A025000481 

 Et affin que vous puissies souvent regarder en ce petit livret comm'en un mirouer et que vous ne negligies quelque chose par oubli, qu'il vous soit leu chaque semayne une fois.

  A025000481 

 Et quand vous treuveres que vous faites ce qui est escrit en iceluy, rendes en graces au Seigneur, distributeur de tous biens; mais quand quelqu'une d'entre vous connoist d'avoir failli, qu'elle se repente du passé et soit sur ses gardes pour l'advenir, priant Dieu que son offence luy soit remise, et qu'elle ne soit point induite en tentation.

  A025000485 

 C'est assurément cette copie que le Fondateur revoyait lorsque, le 7 août 1621, il écrivait à la Sainte: «Il n'y a pas moyen de vous envoyer les Constitutions jusques a la semaine suivante; car il faut que je les revoye, ayant des-ja, des le commencement, treuvé des fautes en l'escriture.» (Tome XX, p. 127.) En effet, à la sixième page nous remarquons à la Constitution De l'obeissance deux corrections de sa main.

  A025000488 

 «Voyla les Constitutions,» écrit le Fondateur à la Mère de Chantal le 21 septembre 1621 (tome XX, p. 152); et vers la fin de la lettre il ajoute: «Il sembleroit bon que l'on mist es Constitutions que la Superieure puisse changer les officieres a son gré parmi l'annee, mais je n'ay pas eu le loysir de l'inserer: faites le, s'il vous plait, a l'endroit le plus convenable.» (Page 155; cf. ibid., p. 142.) L'addition indiquée se trouve à la fin de la Constitution XLVII e, De l'election de la Superieure et autres Officieres; la Sainte l'a écrite sur une bande de papier, épinglée ensuite au commencement de la page où se termine cette Constitution dans le Manuscrit qui nous occupe..

  A025000489 

 Mais, ma Fille, faites-les toutes regarder, pour voir s'il n'y a point deux feuilles semblables, et, en ce cas, renvoyez les feuilles superflues et nous vous enverrons celles qui manquent.» (Ibid., vol. II, p. 3.) — Le petit volume parut sous ce titre:.

  A025000489 

 Nous en avons la preuve dans ces lignes de sainte Jeanne de Chantal à son Bienheureux Père, 7 décembre 1621: «Je ne sais si l'on m'apportera une Règle reliée pour vous l'envoyer, car il m'en tarde.» ( Lettres, vol. I, p. 591.) Et le 11 janvier de l'année suivante elle mandait à la Mère deblonay: «Nous vous avons envoyé des Règles; envoyez-en à Montferrand et à Valence.

  A025000496 

 Au sujet de ce titre qui manque au Manuscrit, sainte Jeanne-Françoise de Chantal écrivait à la Mère Favre le 17 octobre 1618 ( Lettres, vol. I, p. 282): «Demandez à notre très cher Père, Monseigneur, s'il ne faut pas mettre un titre au fin premier chapitre de nos Constitutions: De la fin pour laquelle elles ont été dressées; et comme il le vous dira vous l'y ferez mettre lorsque nous vous envoierons les Règles.» La Mère Favre était alors à Lyon, où saint François de Sales devait s'arrêter avec l'ambassade du prince cardinal Maurice de Savoie; mais cet arrêt fut si court qu'il eut à peine le temps de voir ses Filles.

  A025000507 

 En quoy, certes, elles sont dignes de grande compassion: car, qui ne plaindroit, je vous prie, une ame genereuse, laquelle desirant extremement de se retirer de la presse de ce siecle pour vivre toute a Dieu, ne peut neanmoins le faire, faute d'avoir un cors asses fort, une complexion asses saine ou un aage asses vigoureux, la poursuitte qu'elle voudroit faire pour acquerir une plus grande sainteté, demeurant ou empeschee ou retardee par le manquement de la santé?.

  A025000916 

 La Superieure ne demeurera en charge que troys ans, a la fin desquelz, le samedi apres l'Ascension de Nostre Seigneur, le Chapitre assemblé dans le chœur, en presence du Pere spirituel qui sera assis a la treille, se mettant a genoux au milieu des Seurs, elle renoncera et deposera sa superiorité entre les mains du Pere spirituel qui, ayant accepté sa resignation, l'absoudra de sa charge disant: «La Congregation vous descharge, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit;» et la remettra a l'Assistente.

  A025000920 

 Le Pere spirituel confirmera l'eslection au nom de l'Evesque, disant: «Et nous, de l'authorité que nous avons, confirmons vostre eslection a ce que vous soyes Mere et Superieure de toute cette Congregation, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit,» Apres quoy, elle va s'asseoir en la place de la Superieure, et toutes les Seurs, l'une apres l'autre, luy vont bayser la main a genoux.

  A025001001 

 Page 140: Elles se leveront après cinq heures et demie, s'il vous plaît, parce que le temps d'un quart d'heure est trop court, cela ôte la tranquillité en s'habillant.

  A025001024 

 Ce sera une grande affliction à toutes les Sœurs si on leur ôte cette consolation; je vous supplie, au nom de Dieu, Monseigneur, de le bien consulter avec Dieu avant que le résoudre..

  A025001026 

 Page 167: Ne serait-il point utile d'ajouter trois ou quatre des meilleures pratiques d'humilité que vous nous désirez le plus, mon très cher Père?.

  A025001083 

 Mais, mon Père, gravez ceci avec les paroles les plus prégnantes qui vous seront possibles, et surtout obtenez-nous cette grâce de la miséricorde de Dieu qui soit à jamais béni..

  A025001116 

 Ainsy je nommeray en toutes les aspirations que mon esprit fera vers vous, les noms qui y seront marqués, comm'un cantique de joye et de louange, et en offriray le roole, comm'un bouquet de suavité, a vostre divine Providence..

  A025001116 

 Ouy, Seigneur JESUS, escoutes l'exclamation que mon cœur fait pour vos servantes: escrives vous mesme en ce livre, et ne permettes pas qu'aucune y mette jamais son nom que par vostre inspiration et mouvement, affin que ce volume soit un manteau d'honneur sur mes espaules et une couronne de gloire sur ma teste.

  A025001117 

 Et que les cœurs que vous aves congregés sous vostre nom et celuy de vostre chere Mere ne se disperse ( sic ) point, que ce que vous aves assemblé ne se dissipe point, et ce que vous aves conjoint ne se separe point; mays que les noms marqués en ces feuilles perissables soyent a jamais escritz au Livre des Vivans, avec les justes qui regnent aupres de vous en la vie de l'immortelle fœlicité..

  A025001122 

 O filles de bonne odeur, filles des colloques cœlestes, je vous prie, ains je vous conjure de sentir toutes un mesme amour et vivre toutes en un mesme accord de cette vocation, en JESUSCHRIST Nostre Seigneur et en sa Mere Nostre Dame.

  A025001132 

 D'autres fois: En ce jour la, o mon Dieu, vous m'appelleres et je vous respondray; vous donneres vostre dextre a l'ouvrage de vos mains; vous aves conté tous mes pas..

  A025001132 

 Le sommeil est l'image de la mort et le resveil est l'image de la resurrection; ou bien celle de la voix qui retentira au dernier jour: O mortz, leves vous et venes au jugement.

  A025001203 

 Quand on sonne l'Obeissance, que les Seurs se levent promptement et demeurent debout, avec un maintien humble et devot, attendant l'Obedience, disant en elles mesmes: Parles, Seigneur, vostre servante vous escoute; o mon Dieu, rendes moy digne d'accomplir vos saintes volontés.

  A025001207 

 O Dieu, vous estes mon Pere; receves moy entre les bras de vostre Providence..

  A025001209 

 Hé, Seigneur, que je ne vive que pour vous.

  A025001211 

 Vous estes, o mon Dieu, toute mon esperance..

  A025001216 

 Seigneur, que je ne vive point si je ne vis pour vous..

  A025001217 

 O mon Roy, quand vous verray je en vostre gloire?.

  A025001219 

 Hé Dieu, quand vous aymeray je parfaittement?.

  A025001222 

 «Mon Dieu,» vous estes «mon Tout.».

  A025001223 

 O Jesus, vous estes les delices de mon cœur..

  A025001225 

 Par vostre bonté, Seigneur, gardes moy de vous desplaire..

  A025001226 

 O mon souverain Bien, je ne veux plus que vous..

  A025001229 

 Ma chere Maistresse, je vous salue et vous revere de tout mon cœur..

  A025001231 

 Reyne du Ciel, je vous recommande mon ame..

  A025001270 

 Si les Confesseurs les enquierent de quelque chose qui ne soit pas de la confession, comme par exemple, de quelque tentation, exercice ou difficulté, elles pourront, si elles veulent, respondre en ce qui les touche seulement; mais si elles ne desirent pas d'en parler avec eux, elles diront: Mon Pere, excuses moy, s'il vous plaist; je crains de m'embrouiller l'esprit en parlant de cela; je n'en ay, graces a Dieu, aucun scrupule ni remords de conscience..

  A025001281 

 Sur le point de la Communion elles pourront user de quelqu'eslancement de paroles mentales ou vocales, comme celle de saint François: «Qui suis je, Seigneur, et qui estes vous?» ou bien de sainte Elisabeth: D'ou me vient ce bonheur que mon Seigneur vienne a moy? ou celle de saint Jean l'Evangeliste: Ouy, venes, Seigneur Jesus; ou celle de l'Espouse sacree: Que mon Espoux me bayse d'un bayser de sa bouche; et semblables..

  A025001283 

 On pourra encores semondre l'ame a plusieurs saintes affections, comme de crainte de contrister et perdre ce Saint des Saintz, disant avec David: Seigneur, ne vous despartes point de moy; et avec les Pelerins: Demeures avec nous, car il se fait tard..

  A025001284 

 A la confiance et force d'esprit, avec [David: Je ne craindray nul mal, parce, Seigneur, que vous estes avec moy.].

  A025001286 

 A l'action de graces: O Seigneur, par ce que vous m'aves fait cette grande grace, je vous beniray de benedictions eternelles, immortelles, et multiplieray vos louanges comme les estoilles du ciel..

  A025001368 

 Ma fille, que demandes vous? declares vostre intention devant toute cette assemblee..

  A025001370 

 Mes filles, que demandes vous? declares vos intentions, devant toute cette assemblee..

  A025001376 

 Et je sçay bien que vous aves esté souvent advertie que celles qui entreprennent de vivre ceans ne doivent avoir aucune autre intention que de plaire a Dieu par ces moyens-la, affin d'estre conformes a l'image du Filz de Dieu crucifié, leur unique et souverain Espoux.

  A025001376 

 Il me reste seulement a vous dire que, comme vostre dessein de faire une vie de si excellente perfection ne peut estre prattiqué que parmi plusieurs contradictions, difficultés et travaux tant exterieurs qu'interieurs, aussi Dieu tout puissant et tout bon, qui par sa misericorde vous y a appellee, vous assistera de sa sainte protection, pourveu que, avec fidelité et humilité, vous suivies et secondies les attraitz et operations de sa grace..

  A025001378 

 Perseveres vous en la demande que vous aves faite?.

  A025001384 

 Nostre Seigneur Jesus Christ qui vous a donné cette bonne volonté veuille, par sa misericorde et l'intercession de la tressainte Vierge sa Mere, vous donner la perseverance pour la bien executer..

  A025001405 

 Receves, ma tres chere fille (ou mes tres cheres filles), la lumiere corporelle en signe de la lumiere spirituelle de laquelle nous supplions Dieu vous illustrer, affin qu'avec la ferveur du Saint Esprit vous puissies parvenir a l'eternelle societé de l'Espoux sacré de la tressainte Eglise, Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le mesme Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles.

  A025001418 

 Vous ne seres plus appellee N., mais N. N..

  A025001453 

 Aves vous fermement establi en vostre cœur, n'ayant point necessité, mais ayant la liberté de vostre volonté, de garder obeissance, chasteté et pauvreté a Jesus Christ nostre Seigneur? Car, ma chere Seur, vos habitz du monde vous sont conservés, et voyci le voyle de la Congregation; l'un et l'autre vous est proposé, affin que vous puissies estendre vostre main a celuy que vous voudres, pour le prendre et choisir..

  A025001463 

 Vous aves donq bien resolu de vous dedier a Dieu et vivre a jamais ainsy?.

  A025001473 

 Il est vray qu'il vous sera tres bon d'estre ainsy, et perseverant, vous recevres la benediction du Seigneur et la misericorde de Dieu nostre Sauveur.

  A025001475 

 Voyci, o mon Dieu, que je viens a vous parce que vous m'aves appellee.

  A025001477 

 Voyci, o mon Dieu, que nous venons a vous parce que vous nous aves appellees.

  A025001498 

 Vous aves ouy, ma Seur, la demande et poursuitte que cette nostre Seur a faite (ou que ces Seurs nostres ont faite): a-elle (ou ont elles) le consentement de la Congregation?.

  A025001502 

 Or sus, ma chere fille (ou mes tres cheres filles), si telle est vostre volonté, venes a Dieu vostre Createur et soyes esclairee, et vostre face (ou vos faces ) ne sera point (ou ne seront point ) confondue; sacrifies luy le sacrifice de justice et esperes en luy, car il vous monstrera le bien..

  A025001517 

 C'est a vous, o Jesus mon Sauveur, a qui mon cœur parle, encores que je ne sois que poudre et cendre.

  A025001517 

 O mon Dieu, je vous fay vœu de vivre en perpetuelle chasteté, obeissance et pauvreté, selon la Regle de saint Augustin et les Constitutions de la Congregation de Nostre Dame de la Visitation, pour l'observation desquelles j'offre et consacre a vostre divine Majesté et a la sacree Vierge Marie vostre Mere, nostre Dame et a laditte Congregation ma personne et ma vie..

  A025001519 

 O tres glorieuse, tres sacree et tres douce Vierge Marie, je vous supplie pour l'amour et par la mort de vostre Filz, [190] de me recevoir au giron de vostre protection maternelle..

  A025001524 

 O tres glorieuse, tres sacree et tres douce Vierge Marie, nous vous supplions par l'amour et par la mort de vostre Filz, de nous recevoir au giron de vostre protection maternelle..

  A025001543 

 Receves, ma fille tres chere, la croix de Nostre Seigneur Jesus Christ, comme une chaisne tres aymable et un rempart tres asseuré sur vostre poitrine contre toutes les embusches de l'ennemy, affin qu'estant crucifiee au monde, vous puissies, sous le joug de vraye obeissance, en la compaignie de tous les Saintz, triompher a jamais avec iceluy Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles..

  A025001552 

 Ceci vous sera un voyle sur vos yeux contre tous les regars des hommes, et un signe sacré affin que vous ne [192] recevies jamais aucun signe d'amour que celuy de Jesus Christ..

  A025001562 

 Ma Seur, vous estes morte au monde et a vous mesme pour ne vivre plus qu'a Dieu..

  A025001576 

 Leves vous, vous qui dormes; releves vous d'entre les mortz, et Jesus Christ vous illuminera..

  A025001590 

 Ja n'advienne que vous vous gloriffies sinon en la Croix de Jesus Christ..

  A025001590 

 Vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; mais Ihors que Jesus Christ qui est vostre vie paroistra, lhors vous paroistres avec luy en gloire.

  A025001602 

 Alles donq, ma fille, et Dieu vous soit propice; demeures en vostre sejour, car Dieu vous a gratifiee..

  A025001652 

 c) En écrivant à Philippe de Quoex le 20 juillet 1610, le Saint lui dit (tome XIV, p. 329): «Quant aux Regles, voyci le sommaire, en attendant de vous faire avoir un double de toutes.» Dans le courant de ce mois, peut-être, il dut faire quelques retouches à son Manuscrit pour le donner ensuite à transcrire..

  A025001820 

 La Superieure et les Seurs estant venues dans le refectoir ou en quelqu'autre chambre, ayant dit le Veni, creator Spiritus, toutes se mettront a genoux; la Superieure s'assiera, et les autres demeurant a genoux diront: Nous demandons l'obeissance pour aller visiter les malades de [229] Nostre Seigneur, affin qu'au jour du jugement il nous puisse dire, selon l'Evangile: J'estois malade, et vous m'aves visité..

  A025001821 

 Et la Superieure dira: Treuves vous pas [qu'il est juste] que je sois du nombre de celles qui exerceront cette charité, avec la Seur Assistente et la Seur Directrice?.

  A025001822 

 Et les filles respondront: Nous treuvons qu'il est juste et raysonnable qu'en tout et par tout vous soyes la premiere a bien faire..

  A025002048 

 Le Pere spirituel luy dira: «La Congregation vous descharge de l'office que vous aves exercé, au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.» Et elle respondra: Amen, et de la viendra s'asseoir avec les autres, la derniere de toutes..

  A025002085 

 Prenes bien courage, ne vous troubles point pour cela; si vous sçaves faire vostre prouffit de ce retardement en vous humiliant, vous en aures par apres de la consolation et toutes nous autres de l'edification.».

  A025002085 

 «Ma chere Seur, nos Seurs ont grand desir que, comm'elles, vous facies la s te offrande et soyes establie en la Congregation; mais avant que vous y recevoir, elles voudroyent que vous vous amandassies de telle et telle chose, affin que, par apres, vous puissies faire un'offrande plus entiere et aggreable a Nostre Seigneur et a sa sainte Mere.

  A025002098 

 Aves vous fermement establi en vostre cœur, n'ayant point de necessité, mais ayant la liberté de vostre volonté, de garder obeissance, pauvreté et chasteté a Nostre Seigneur Jesus Christ?.

  A025002100 

 Car, ma chere Seur, voyla vos habitz du monde, et voyci le voyle de la Congregation; l'un et l'autre vous est proposé, affin que vous puissies estendre vostre main a celuy que vous voudres, pour le prendre et le choysir..

  A025002102 

 Le prestre adjouste: Vous aves donq resolu de vous dedier a Dieu et vivre a jamais ainsy?.

  A025002104 

 Le Prestre replique: Il est vray quil vous sera tres [280] bon d'estr'ainsy, et perseverant, vous recevres la benediction du Seigneur et la misericorde de Dieu nostre Sauveur.

  A025002106 

 Voyci, o mon Dieu, que je viens a vous parce que [ vous ] m'aves appellee.

  A025002111 

 Vous aves ouÿ, ma chere Seur en Jesus Christ, la demande et poursuitte que cette nostre Seur a faitte; a-elle le consentement de la Congregation de ceans? [281].

  A025002114 

 Offres luy l'offrande de justice, et esperes en luy, car il vous monstrera le bien..

  A025002116 

 C'est a vous, mon Jesus et Sauveur, a qui mon cœur le dit.

  A025002117 

 O tres glorieuse, tres sacree et tres douce Vierge Marie, je vous conjure, par l'amour et la mort de vostre Filz, de me recevoir au giron de vostre protection et dilection maternelle..

  A025002121 

 Cecy vous sera un voyle sur vos yeux contre tous les regards des hommes, et un signe sacré affin que jamais vous ne recevies aucune sorte d'amour que celuy de Jesus Christ..

  A025002125 

 Et la Seur respond: O Dieu, v ostre parolle est une lampe devant mes pieds, une lumiere a mes sentiers; [284] vostre lumiere est marquee sur nous, vous aves donné l'allegresse a mon cœur..

  A025002127 

 Allles donq, ma Seur, Dieu vous soit propice.

  A025002127 

 Entres en vostre sejour, car Dieu vous a gratifiee..

  A025002196 

 Quand vous alles dehors, on ne vous defend pas de voir les hommes; mais de les desirer ou vouloir estre desirees d'eux, c'est un grand crime.».

  A025002196 

 Saint Augustin, en l'epistre cent et neufviesme, parlant a des Religieuses de son diocœse: «Quand vous sortes,» dit il, «marches ensemble; quand vous seres arrivees ou vous allés, demeures aussi ensemble.

  A025002236 

 Quand vous alles dehors,» etc..

  A025002236 

 Quand vous sortes,» dit il, «marches ensemble; quand vous seres arrivees ou vous allés, demeures aussi ensemble.

  A025002236 

 S t Augustin, en l'epistre cent et neufviesme, parlant a des Religieuses de son diocsese: «Quand vous alles dehors, on ne vous defend pas de voir les hommes; mais de les desirer ou vouloir estre desirees d'eux, c'est un grand crime.

  A025002264 

 Et quand il n'y a point de moien de rompre ses liens, possible est il plus asseuré de demeurer au monde que d'entrer an Congregation; car, exceptant quelques vertus extraordinaires, et parlant comme il fault des choses qui se font ordinayrement, il est fort malaysé qu'une mere renfermee an une Maison de devotion, appliquee a l'oraison et a la mortification, puysse an huict ou dix jours, an un ou deux ans, donner l'ordre necessaire aulx affaires de ses enfans; et neantmoings, si vous la presupposes attachee a ce soing par une absolue necessité, elle est comptable a Dieu des [325] omissions qu'elle faict a ce debvoir.

  A025002320 

 La formule des vœux est ainsi conçue: «Je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en obeissance et pauvreté en la Congregation de ceans, selon les regles et Constitutions d'icelle.» Cette phrase fut ensuite modifiée par le saint Fondateur, d'après l'avis de l'Archevêque de Lyon qui l'avait discutée dans son Mémoire..

  A025002327 

 P. Nous avons donné ci-dessus, p. 283, le passage de la formule primitive, et voici celui de la nouvelle: «Je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en cette vostre Congregation de ceans pour vous y servir en obeissance et pauvreté, selon les Regles et Constitutions d'icelle Congregation...».

  A025002328 

 (Ibid., p. 92.) Enfin, le jour même de Pâques elle mande à sa grande fille: «Vous les aurez, ces chères Règles, sans faillir, Dieu aidant, à la première commodité; mais non pas polies, car le bon Père n'en peut sitôt prendre le loisir, et je pense encore que pour nous reculer, il lui vient un ouvrage sur les bras du côté de Thonon.

  A025002328 

 Il y mettra pourtant les choses nécessaires, essentielles, selon le Mémoire que vous avez vu.» (Ibid., p. 98.) Le 14 avril, les Constitutions étaient entre les mains de la Mère Favre, comme l'indique encore une lettre de la Sainte: «Voyez celle que j'écris à ma Sœur de Gouffier, puis fermez-la bien, et lui envoyez la Règle que vous ferez pour cela copier en toute diligence... Si ces gens d'Auvergne vous la demandent, envoyez-la-leur, avec conjuration qu'ils n'en fassent aucune copie, à cause que la dernière main du maître n'y a pas passé; mais rien pourtant ne s'y changera de l'essentiel, ni de tous les exercices.» (Ibid., p. 99.).

  A025002328 

 P. «Je vous prie, renvoyez-nous nos Règles; elles nous font grand' faute,» écrit-elle à la Mère Favre le 26 février 1616.

  A025002707 

 Ce qu'estant fait, celuy qui fait l'office interrogera la pretendante, disant ou en latin ou en françois, selon quil luy semblera plus a propos: Filia, quid petis? Ma Fille, que demandes vous?.

  A025002718 

 Prenes, ma tres chere Fille, la lumiere corporelle en signe de la lumiere interieure, affin qu'illustree de la lumiere de la sapience divine, vous merities la societé de Jesus Christ, Espoux de l'Eglise, avec la ferveur du Saint Esprit.

  A025002733 

 Vous ne seres plus appellee Paule, mais Paule Marie.

  A025002754 

 Perseveres vous, ma Fille, a desirer vostre establissement perpetuel en la Congregation de ceans?.

  A025002756 

 Toute nostre Congregation vous donne son consentement, mais resouvenes vous de ce que tant de foys on vous a remonstré: que pour estre de cette Congregation, il faut mourir au monde et a soy mesme pour vivre a Dieu..

  A025002761 

 Leves vous, vous qui dormes; releves vous d'entre les mortz, et Jesus Christ vous illuminera..

  A025002763 

 Le Seigneur soit vostre lumiere; qui craindres vous? Le Seigneur soit vostre protection; devant qui trembleres vous?.

  A025002765 

 Ja n'advienne que vous vous glorifiies sinon en la Croix de Jesus Christ..

  A025002765 

 Vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu; mais lhors que Jesus Christ qui est vostre vie paroistra, lhors vous paroistres avec luy en la gloire.

  A025002772 

 Aves vous fermement establi en vostre cœur, n'ayant point de necessité, mais ayant la liberté de vostre volonté, de garder obeissance, chasteté et pauvreté a Jesus Christ Nostre Seigneur?.

  A025002774 

 Car, ma chere Seur, voyla vos habitz du monde, et voyci le voyle de la Congregation; l'un et l'autre vous est proposé, affin que vous puissies estendre vostre main a celuy que vous voudres prendre et choysir..

  A025002778 

 Vous aves donq bien resolu............................................................................

  A025002783 

 Offres luy l'offrande de justice et esperes en luy, car il vous monstrera le bien..

  A025002785 

 C'est a vous, o Jesus mon Sauveur, a qui mon cœur parle, encores que je ne sois que poudre et cendre.

  A025002785 

 O mon Dieu, je vous fay vœu de perpetuelle chasteté, et de vivre a jamais en cette vostre Congregation de ceans, pour vous y servir en obeissance et pauvreté, selon les regles et Constitutions d'icelle Congregation, pour l'observation desquelles j'offre et donne a vostre divine Majesté et a la sacree Vierge vostre Mere, nostre Dame, mon ame, mon cors et ma vie..

  A025002792 

 Receves, ma Fille tres chere, la croix de Nostre Seigneur Jesus Christ, comme une chaisne tres aymable et un rempart tres asseuré sur vostre poitrine contre toutes les embusches de l'ennemy, affin qu'estant crucifiee au monde, vous puissies, sous le joug de vraye obeissance, en la compaignie de toutes les Saintes, triompher a jamais avec iceluy Nostre Seigneur Jesus Christ, qui, avec le Pere et le Saint Esprit, vit et regne es siecles des siecles.

  A025002794 

 Cecy vous sera un voyle sur vos yeux contre tous les regards des hommes, et un signe sacré affin que vous ne recevies jamais aucun signe d'amour que celuy de Jesus Christ..

  A025002798 

 Alles donq, ma Fille, et Dieu vous soit propice.

  A025002798 

 Entres en vostre sejour, car Dieu vous a gratifiee..

  A025002849 

 «La Congregation de ceans vous descharge de l'office de Superieure que vous aves ci devant exercé.

  A025002883 

 Oyes qu'il crie: Venes a moy, vous tous qui pretendes au Ciel, venes a la source de benedictions, affin que vous soyes consolés; venes apres moy, prenes vostre croix et me suives..

  A025002883 

 Vous considereres Nostre Seigneur crucifié qui appelle un chacun a sa suite par des raysons admirables et des promesses desirables sur toutes choses.

  A025002884 

 Secondement, vous considereres que ceux qui suivent Nostre Seigneur et qui prestent l'oreille a sa sainte vocation sont de troys sortes.

  A025002887 

 Considerant donq le bonheur de ceux ci et la dignité de leur entreprise, faites election de cette sorte de suite, pour confirmation de celle que vous aves des-ja faite, et, par des eslancemens affectionnés, renonces a tout, embrassés cette si excellente resolution, donnes vous a Dieu pour cela, offres luy toute vostre vie pour cette suite si parfaite.

  A025002896 

 Or, David avoit praedit que plusieurs filles seroyent amenees et conduittes a Jesus Christ apres elle: voyla pourquoy, a son imitation, ayant ouy que Nostre Seigneur conseille que, pour plus entierement, plus purement et plus constamment estre servantes de sa divine Majesté, il failloit quiter tout et renoncer tout son estre entre les mains de sa Providence, vous deves d'un grand courage, apres Nostre Dame, dire: Nous voyci meshuy servantes de Dieu, ayant tout quitté pour cela; nous soit fait selon sa parole.

  A025002899 

 Je la vous dois et je la vous donne; et pour la vous mieux donner, je l'offre et sacrifie a la façon de vivre qui vous est la plus agreable, selon ma condition et portee.

  A025002899 

 Je ne veux donq plus vivre a moy, mais vivre a vous, et pour cela je fais ce choix, pour mieux vivre a vous et moins a moy..

  A025002899 

 O mon Jesus, mon Sauveur, vous estes mort pour me donner la vie; hé donques, ma vie n'est plus mienne, ains vostre.

  A025002918 

 1 nt, consideres Nostre Seigneur crucifié qui appelle un chacun a sa suite par des raysons admirables et des promesses tout a fait desirables: Venes a moy, o vous tous qui estes travaillés et chargés de peine, et je vous soulageray; venes a moy, prenes vostre croix et suives moy, et je vous conduiray a la vie aeternelle..

  A025002929 

 Or, David avoit praedit que plusieurs filles seroyent amenees a Jesuschrist [ apres ] cette tres unique Reyne du Ciel: c'est pourquoy, a son imitation, suivant le conseil caeleste, plusieurs ames ont tout quité pour plus constamment, purement et parfaitement estre servantes de Dieu; a la suite desquelles il faut, d'un grand courage, que vous vous consacries a cet amour divin, en sorte que vous puissies dire en toute verité: Me voyci la servante de Dieu; me soyt fait selon sa parole, et qu'a jamais je soye toute sienne.

  A025002931 

 Je vous la dois, o mon Sauveur, et je la vous immole; et pour la vouer et dedier plus entierement a vostre gloire, je m'oblige, par la Profession et par les vœux de Religion, de vivre en la façon qui vous est la plus agreable, selon ma portee et condition.

  A025002931 

 O Jesus, vous estes mort pour me donner la vie; donques, ma vie n'est plus mienne, mays vostre.

  A025002943 

 Vos habitz du monde vous sont conservés. d.

  A025002948 

 En suite, le Prœlat dira a la Professe: Ma Seur, vous estes morte au monde et a vous mesme pour ne vivre qu'a Dieu..

  A025003068 

 Puis, en ayant detesté deux ou troys, la Maistresse ensuite benira les vertus contraires aux vices qu'elles ont detestés, disant: «Benite soit la sainte obeyssance;» et les Novices respondront: «Benite soit elle.» Et ainsy des autres; la Maistresse concluant par une petite orayson, comme seroit: «Seigneur Jesus, regardes, s'il vous plaist, ce petit troupeau des yeux de vostre misericorde et respandes sur iceluy [454] vos celestes benedictions, par les merites de vostre glorieuse Mere, nostre sainte Maistresse, affin que nous puissions, par la prattique de ces benites vertus, vous estre aggreables en cette vie et jouir de vous en l'autre.

  A025003310 

 Nous terminons vostre voïage [489] a dix semaines, a conter des ce jour de vostre despart, priant Dieu qu'il vous conduise et ramene, avec la paix, grace et consolation de son Saint Esprit, et vous tienne tous-jours sous la protection de sa misericorde.

  A025003310 

 Nous vous donnons le congé requis, affin qu'au nom de Nostre Seigneur vous allies au duché de Bourgoigne pour l'accommodement de quelques affaires qui regardent vostre soin, lesquelles estans [malaisées], ne peuvent estre faites en peu de jours.

  A025003329 

 Et pour commencer a vous donner quelque jour en cette guerre spirituelle, mes tres cheres Filles, je vay marquer a chacune en particulier, selon ma connoissance, le defaut sur lequel vous deves veiller, et l'amende que vous deves payer quand vous aures failly.

  A025003329 

 Mais je desire qu'ayant payé cette amende, vous prenies un nouveau courage pour batailler plus genereusement au premier choc, et que jamais vous ne perdies le cœur de batailler, ni l'esperance de vaincre..

  A025003450 

 Ayant esté desiree et invitee par Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime Archevesque et Patriarche de Bourges, duquel vous aves le bien d'estre seur selon le sang, affin qu'avec nombre suffisant d'autres Seurs de vostre monastere vous allies fonder, eriger et establir un monastere de pareil Institut en la cité de Bourges, et que d'ailleurs vous estes de mesme invitee a faire semblables fondations a Paris et Dijon: Nous vous permettons la sortie de vostre monastere et les voyages requis a cet effect; comm'aussi de prendre avec vous autant de Seurs et telles que vous jugeres convenable pour des si bonnes œuvres, sans que pour telles sorties, ni vous ni vos Seurs puissent estre censees violatrices de la sainte clausure; a la charge neanmoins, qu'apres avoir fait les fondations et establi l'ordre convenable, vous vous retiries dans vostre dit monastere, selon que par Nous ou Nos successeurs il [504] sera treuvé convenable, et que par tout vous observies la Regle et les Constitutions de vostre dit Monastere..

  A025003451 

 Alles donq ainsy, ma tres chere Seur, avec vos autres Seurs, alles au nom de Dieu, qui vous benisse et tienne en sa dilection.


26-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XXVI-Vol.5-Opuscules.html
  A026000007 

 Dans l'usage public vous devez indiquer la source www.donboscosanto.eu.

  A026000272 

 Et il leur dit: Mon âme est triste, etc. Asseyez-vous ici et veillez. Matt.: Demeurez ici et veillez avec moi. Luc: Et priez, afin de ne pas entrer en tentation.

  A026000272 

 Matt.: Et il dit à ses disciples: Asseyez-vous ici pendant que je m'éloignerai pour prier.

  A026000274 

 Le Seigneur interrogea: Qui cherchez-vous? etc. Et Judas, ayant donné un signe, revint avec d'autres, d'où il est dit: Or Judas, qui le trahissait, se tenait debout avec les autres, [etc.].

  A026000286 

 h) Toi qui détruis le temple, etc.; sauve-toi toi-même; si tu es le Fils de Dieu, etc... Si le Christ est l'élu de Dieu, roi [7] d'Israël, qu'il descende de la croix... Ne crains-tu donc pas Dieu, etc... Souvenez-vous de moi.

  A026000296 

 Et je ne pense pas contrevenir à ses intentions en le publiant; car, quoy qu'il l'aye tenu long-temps secret, estant un des premiers exercices de sa plume, il est neantmoins bien croyable que si la mort n'eust prevenu le dessein qu'il avoit de donner d'autres piec.es au public, non moins utiles que celles qui paroissent maintenant par tout avec tant de fruict et d'approbation, sa charité incomparable l'auroit porté à vous le presenter luy-mesme, mais sans cloute avec plus d'ornement et de perfection..

  A026000296 

 Mon cher Lecteur, je sçay bien que pour vous faire estimer ce petit ouvrage que je vous presente, il suffit de sçavoir que son Autheur est le Bien-heureux François de Sales; un esprit si sainct, si esclairé et si seraphique ne pouvoit parler que tres-dignement et tres-sainctement sur une telle matiere.

  A026000298 

 Les ames sçavantes et esclairées dans la vie interieure y trouveront, ainsi que je l'espere, de la satisfaction; mais je vous prie, cher Lecteur, si vous desirez en tirer du profit, de le lire avec un esprit aussi sainct que le requiert la saincteté de son sujet.

  A026000335 

 Enseignes moy ou je pourray vous trouver en l'orayson, avec vos lumieres et consolations, sans m'arrester a la creature.

  A026000335 

 O vous que mon ame ayme, enseignes moy ou vous paisses et ou vous couches a l'ombre du midy, affin que je ne coure ça et la esgarément aux troupeaux de vos compaignons, c'est a dire, apres les creatures.

  A026000344 

 Lhors Dieu a soin que les choses basses ne nous empeschent cette divine consolation; dont il dit au chœur des dames: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et par les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000361 

 Mon bonheur a voulu que je me suis souvenu des Anges qui sont comme les sentinelles du monde: Les sentinelles qui gardent la cité m'ont trouvee, et me suis resolue de voir si en eux je trouverois la consideration de Dieu plus fermee: N'aves vous point veu le Bienaymé de mon ame? Au dessus de la nature angelique j'ay trouvé immediatement la divine: Un peu apres les avoir passees j'ay trouvé Celuy que mon ame ayme, et ce, sans distractions sensibles, si bien qu'il semble que je ne le dois jamais perdre: Je le tiens et je ne le lairray point, jusques a ce que j'entre en la gloire celeste, vraye mayson de la nature humaine; ma mere est en sa chambre, c'est a dire au siege des Anges qui m'est preparé.

  A026000362 

 A quoy Dieu adjoustant sa grace, defend avec un soin plus particulier qu'on ne l'esveille, disant: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, par les chevres et les cerfz des chams, que vous n'esveillies ni ne facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000384 

 Tous ces ornemens sont aggreables a Dieu, mays sur tout la netteté et pureté d'intention, qui doit estre si grande que toutes nos fins se reduisent a une fin, toutes nos intentions a une intention, tous nos desirs a un desir, d'aymer et servir Dieu, en sorte qu'il n'y ayt plus qu'un œil: Vous aves navré mon cœur, ma seur, mon espouse, vous aves navré mon cœur avec un de vos yeux; et qu'il n'y ayt plus qu'un cheveu, dont il s'ensuit: et de l'un des cheveux de vostre col..

  A026000388 

 Et Nostre Seigneur pourra dire: Voyci que je t'attens; viens en mon jardin, ma seur, mon espouse; j'ay cueilli et moissonné ma mirrhe avec mes fleurs et odeurs tres souëfves; j'ay mangé un rayon de miel avec du miel mesme et ay beu mon vin avec mon lait mangés, mes amis, beuvés, enyvres vous, mes tres chers..

  A026000393 

 L'ame voudroit bien obeyr, mays la lassitude luy fait desirer un peu de repos; ce qui luy fait dire: J'ay despouillé ma robbe, comme la revestiray je? J'ay lavé mes pieds, comment les saliray je? Tres doux Jesus, nonobstant ceste resistance vous ne laisses pourtant de faire instance pour entrer; et, comme avec la main d'une plus forte inspiration, il semble qu'il veuille luy mesme, sans cooperation, oster le verrou de la sensualité qui luy fait empeschement, et entrer par le pertuis du cœur: Mon Bienaymé a mis la main par le pertuis.

  A026000398 

 L'ame donques, degoustee par le travail de l'orayson, doit s'addresser a des personnes spirituelles et les prier de l'ayder a trouver son Espoux: Je vous adjure, o filles de Hierusalem, que si vous trouves mon Bienaymé, vous luy disies que je languis d'amour pour luy; et elles, sçachant la necessité, la mettront sur le discours des qualités de l'Espoux: Quel est vostre Bienaymé, o belle entre les femmes, que, pour luy, vous nous aves si fort adjurees?.

  A026000405 

 Elle n'a plus besoin d'autre chose que de s'entretenir avec luy, disant: O Seigneur, quand vous pourray je plaire par ma beauté, douceur, bonne grace, force, innocence, devotion et discretion? Quand sera ce donq que vous me dires: O ma bienaymee, tu es belle, douce et de bonne grace comme Hierusalem, forte comme une armee bien rangee? Des-ja, Seigneur, vous m'aves monstré par mille signes que mes œillades vous ont blessé, c'est a dire que mes intentions ne vous sont pas desplaysantes: Destournes vos yeux de moy, car ilz m'ont fait sortir de moy mesme; que mes cheveux, c'est a dire mes desirs, sont purs et netz: Tes cheveux sont comme un troupeau de chevreaux qui paissent sur le mont de Galaad; que mes sens, ainsy que troupeaux, ont esté fidellement gardés: Tes dens sont comme troupeaux de brebis qui sortent du lavoir, chacune ayant deux petitz, et nulle d'icelles n'est sterile; [32] et que mes forces de la partie concupiscible, desirant le bien et fuyant le mal sans dissimulation, comme deux joües bien colorees, vous sont cheres et aggreables: Tes joües sont comme une grenade entamee, sans ce qui est caché au dedans.

  A026000405 

 Et si les personnes avec qui elle est veulent poursuivre et luy disent: Ou est allé vostre Espoux, o la plus belle entre toutes les femmes? ou s'est il destourné? et nous le chercherons avec vous, elle ne veut plus les entretenir; mays, reconnoissant qu'encores que les travaux luy fissent sembler que son Espoux se fust retiré bien loin, neanmoins il ne s'en estoit pas allé, au contraire, il estoit tous-jours demeuré avec elle comme en son jardin ou comme en un cabinet de parfums; et, tirant de la plus grande occasion de inerite, elle peut dire qu'il en a cueilli des lys tres odoriferans: Mon Bienaymé est venu en son jardin, au parterre des fleurs aromatiques, pour repaistre aux jardins et y cueillir des lys.

  A026000406 

 Mais, o Dieu, dit l'ame, des-ja ci devant vous m'aves loüee de presque toutes ces parties; je desirerois maintenant m'advancer et surpasser en devotion beaucoup d'autres ames devotes, ou qui pensent l'estre, et que vous peussies me dire: Il y a soixante reynes et quatre vingt concubines, et des jeunes filles sans nombre, mays ma colombe est toute seule.

  A026000406 

 Que sçay je? peut estre desireray je trop; je voudrois que vous me peussies appeller ma parfaitte.

  A026000407 

 Mais, outre cela, l'ame adjouste: Ou aves vous esté, mon Seigneur, qu'il m'a semblé que vous m'avies laissee, quand le travail et la fatigue ne me permettoit pas que j'eusse du goust? — J'ay esté, respond il, en toy mesme qui es mon jardin, et y ay esté avec plus de prouffit pour toy que je n'y eusse esté si, du premier coup, je t'eusse donné des goustz, te donnant occasion de meriter, dont j'ay tiré de mon jardin un plus grand fruict de merite: Je suis descendu au jardin des noyers pour voir les pommiers des vallees, et regarder si la vigne estoit fleurie et si les grenades avoyent germé..

  A026000408 

 Que beny soyes vous donques, o Seigneur, respond l'ame, qu'en telle façon, me faisant accroire que vous esties absent, vous m'aves donné occasion de meriter, et m'aves fait faire en peu de tems plus de chemin que les carrosses [33] des princes; et par ce, puisque je n'ay sceu que vous esties avec moy, je peux dire que mon ame m'a troublee a cause des chariotz d'Aminadab..

  A026000413 

 Et ce n'est pas asses que la personne spirituelle extenue ce qui est en soy: Que voyes vous en ceste Sulamite, sinon compaignies d'armees? car, ce nonobstant, ceux qui la voyent, la louent de ses pieds et façons de marcher, c'est a dire de l'obeyssance avec laquelle ilz voyent que ceste ame garde les commandemens de Dieu: Que tes pas sont beaux en leur chausseure, o fille de prince! de sa chasteté spirituelle, qui fait reconnoistre que Dieu y coopere: Les jointures de tes cuisses sont comme joyaux mis en œuvre de la main d'un bon ouvrier; d'une riche pauvreté, qui n'a jamais besoin d'aucune chose: Ton nombril est comme un hanap rond, qui n'a jamais besoin de breuvages; des jeusnes qui, remplissans le ventre de pain seulement, couronnent l'ame de beaux et riches lys: Ton ventre est comme un monceau de froment environné de lys; de l'estude des deux Testamens: Tes deux mammelles sont comme deux faons jumeaux d'une chevre; de la force: Ton col est comme une tour d'ivoyre; de la prudence: Tes yeux sont comme les piscines d'Hesebon qui sont a la porte de la fille de la multitude; d'une justice exacte: Ton nez est comme la tour du Liban qui regarde vers Damas; de la maistrise des affections et conformité a la volonté de Dieu, conneüe par les canaux de la revelation: Ton chef est comme le mont Carmel, et tes tresses [34] comme pourpre royale qui n'est pas encor tiree de la teinture..

  A026000425 

 O Dieu, quand nous serons en la vraye mayson et en la vraye chambre de la nature humaine, qui est au Ciel, quand je te meneray en la mayson de ma mere et en la chambre de celle qui m'a engendré, la je verray tout ce qui appartient a mon bonheur comme en un miroüer; la tu m'enseigneras, et quand tu auras tiré de moy, pour ma felicité, le vin de la vigne et le moust des grenades, la gloire essentielle et accidentelle (et je te donneray d'un breuvage de vin composé, et du moust de mes grenades), et voyla les goustz qui arriveront, voyla les extases, voyla les sommeilz des puyssances; de façon que l'Espouse sacree demande des oreillers pour dormir: qu'il mette sa main gauche dessous ma teste, et qu'il m'embrasse de sa main droitte. L'Espoux aussi, de son costé, tasche de faire qu'elle ne soit point esveillee: Je vous adjure, filles de Hierusalem, que vous n'esveillies ni facies esveiller ma bienaymee jusques a ce qu'elle le veuille.

  A026000432 

 Non plus, le monde ni ses playsirs, non plus aucune chose mortelle; o Dieu, mon Dieu, vous seul estes mon Bienaymé, vous seul estes tout mon bien, c'est vous seul que je cherche: Fuys, c'est a dire viens, mais accours legerement, mon Bienaymé, et sois semblable a un chevreuil ou a un faon de cerf sur les mons des bonnes senteurs.

  A026000483 

 Ces prudences sont maintefois emmi les cœurs religieux, comme Pline dit que vers les Indes, au royaume de Suzerat, il y a une herbe d'odeur pretieuse, qui neanmoins est toute couverte de petitz serpentaux et extremement veneneux; car vous verres, Philothee, maintes personnes religieuses et devotes qui ont une prudence extremement active et soigneuse pour les proces, pour les honneurs, pour les rangs, pour amasser et, en somme, sous pretexte de certains devoirs imaginaires, de certain zele sophistiqué et de certaine charité artificieuse..

  A026000484 

 Or vous connoistres si la prudence est prudence de la chair, en ce qu'elle eschauffe et donne des ardeurs cuysantes [48] et pressantes: ainsy, les serpenteaux qui piquoyent les Israelites es desertz, estoyent des serpens enflammés, c'est a dire desquelz les piqueures donnoyent des inflammations mortelles a ceux qui en estoyent blessés. Mays la prudence de l'amour sacré est douce, tranquille, et tellement meslee de simplicité qu'il n'y a rien en elle d'empressé ni d'affecté; et en somme, qui veut guerir de toutes les ardeurs du soin, de la sollicitude immoderee et de la precipitation, il faut regarder l'image du serpent eslevé au desert, c'est a dire Nostre Seigneur, qui n'est pas pecheur, mays qui porte l'image du pecheur, sur la croix, et estre prudent de sa divine prudence..

  A026000485 

 Mais l'amour divin sçachant que pour obtenir ce qu'il ayme, le principal moyen est d'aymer, il s'amuse simplement a bien aymer, sçachant que c'est toute sa finesse, avec laquelle il doit gaigner son object: c'est pourquoy il est simple et sage; comme vous voyes Magdeleyne, [49] laquelle, avec cette unique attention au Sauveur, fait mieux ses besoignes que sainte Marthe avec son empressement.

  A026000486 

 Et en toute occurrence il se comporta si sagement, quil pouvoit bien dire en verité ce que ses ennemis luy imposoyent par calomnie, qu'estant fin il avoit pris ses auditeurs par ruse et tromperie: Ouy da, dit il a ses chers Corinthiens, estant un fin homme et accord, je vous ay pris par tromperie; esquelles paroles il a peut estre voulu dire (car saint Thomas, Sa, Lyranus interpretent ces motz comme une calomnie faite par ses ennemis, quil rejette): Je n'ay voirement rien pris du vostre, mais en cela j'ay usé d'une grande finesse, car ne prenant rien de vous, je vous ay pris par cet artifice.

  A026000488 

 Certes, Isaie voulant exalter l'admirable prudence de Nostre Seigneur, il ne la colloque pas tant en la connoissance des yeux comm'en celle du goust: Il mangera, dit il, le beurre et le miel, en sorte quil sache repreuver le mal et choysir le bien. En quoy, Philothee, vous voyes quil y a deux prudences, selon deux connoissances: une prudence qui consiste en une science, ou [connaissance] par science, discours et sçavoir; l'autre, qui est une connoissance par goust, experience et savourement.

  A026000489 

 Aussi vous voyes les enfans de Dieu si sages, et neanmoins si simples, que c'est merveilles..

  A026000490 

 Vous voyes un petit compaignon, lequel voulant obtenir [52] quelque chose du prince, ou mesme du peuple, il faudra quil deguise ses intentions et quil aille accortement s'insinuant et prattiquant son affaire; mays un homme de grand credit va rondement en besoigne, et a mesme quil a de la confiance, il propose simplement sa demande et en reuscit.

  A026000508 

 Car je vous prie, Philothee, si je demande en justice l'argent que j'ay preste a mon voysin, est ce une priere et orayson? Non certes, ains une demande rigoureuse.

  A026000511 

 Imagines vous, Philothee, le petit Thobie qui demande le payement a Raguel pour son pere, et voyes comme il est payé favorablement par ce quil ressembloit son pere; car il en est de mesme: nous demandons au Pere ce quil doit a son Filz, auquel si nous sommes rendus semblables par une sainte charité, mon Dieu que de graces! Or il doit a son Filz selon mesme toute la rigueur de justice, ainsi que nos sçavans theologiens enseignent, tout ce quil a merité pour nous: or il a merité pour nous que nous puissions meriter, si que le pouvoir que nous avons de meriter est un rejetton du merite de Nostre Seigneur.

  A026000516 

 Et puysque vous estes homme, faites luy l'hommage pour tous les hommes, qui n'ont ni asses de cœur ni asses de force pour s'abbaysser si profondement qu'il seroit requis devant une si infinie Essence.

  A026000516 

 Helas! Seigneur, que ne puis je asses connoistre, reconnoistre et reverer vostre grandeur! O Sauveur de mon ame, qui, en qualité d'homme, a rayson de la dignité infinie de vostre personne, pouves adorer d'une adoration d'infinie estime la tres souveraine Divinité, hé, secoures mon desir, et adores pour moy vostre Pere eternel de cette souveraine adoration que vous seul sçaves, voules et pouves faire.

  A026000516 

 Je prosterne mon neant devant vous, et mon estre s'incline jusques au fin fons de la terre devant l'incomprehensible majesté de vostre Deité et authorité.

  A026000516 

 O Pere, Filz et Saint Esprit, une seule sainte souveraine Divinité, je vous adore par ce que vous estes souverainement adorable, et encor plus, parce que vous estes si excellemment adorable que vous ne pouves jamais estre suffisamment adoré.

  A026000516 

 O Seigneur, vous estes Celuy qui est; vous estes mon Dieu redoutable, infini, et la grandeur de vostre majesté est trop plus eslevee sur moy, et mon ame le reconnoist.

  A026000516 

 O si je pouvois m'abbaysser jusques dedans l'abisme du neant duquel vous m'aves tiré, pour mieux faire hommage a vostre infinie authorité et reconnoistre de vostre liberalité l'estre que vous m'aves donné! O Anges, desquelz les affections sont plus grandes et fortes que les miennes, hé! secoures mon imbecillité et adores pour moy cette couronne eternelle de la gloire de mon Dieu, de la plus profonde adoration que vous puissies exercer.

  A026000526 

 C'est pourquoy il faut rendre, sil se peut, plus que l'on n'a pas receu, comme font les chams fertiles qui produisent plus de graines incomparablement qu'on n'en a jetté dedans leur sein: car si vous ne rendes que le mesme, c'est plustost une restitution de rigueur qu'une gratitude d'affection et d'amour; et en cela vous ne rendes pas bienfait pour bienfait, car si vous ne rendes que ce que vous aves receu, il [70] n'y a point de bienfait de vostre part.

  A026000534 

 La loy dit: Chommés les jours de feste, ouyes la sainte Messe; le fœu cependant se prend a la mayson, ne l'esteindray-je donq pas? Si faites, car la loy n'a pas entendu de vous obliger en ce cas la; vous feres bien un autre jour la feste et ouires bien un autre jour la Messe, mays vous ne sçauries eviter ce grand dommage si vous n'y travailles maintenant.

  A026000534 

 La loy dit: Ne tues point; mais si le voleur attaque vostre personne et vous le tues pour vostre juste defence, qui vous en peut blasmer? car la loy de la conservation de nostre propre vie præcede celle de la conservation de la vie du prochain.

  A026000552 

 Or je vous dis ceci pour vostre utilité, non point pour vous enlacer, mais tendant a ce qui est bienseant et propre a vous joindre au Seigneur sans aucune distraction..

  A026000554 

 Aussi l'Apostre ajoute: Or, je dis ceci four vostre [ utilité, non point pour vous enlacer ] ..................... [bien que le cœur] de la personne mariee ayt ramassé tout son amour pour Dieu, rapportant parfaitement a Dieu l'amour mesme et les actions de son mariage, si est ce que, au moins, le cors est un peu divisé, distrait et alteré par les passions et sentimens necessaires a l'estat nuptial, avec quelque sorte de messeance.

  A026000580 

 Si la femme de l'Evangile crioit dans les places publiques ou Jesus passoit: Beni soit le ventre qui vous a porté et les mammelles qui vous ont allaité, devons nous pas donner des benedictions perpetuelles au sacré cœur de Marie qui a tant aymé Jesus? O Vierge glorieuse, vous aves receu le Verbe en vostre cœur avant que de le recevoir [90] en vostre sein, et vous estes plus heureuse de l'avoir aymé souverainement et sans intermission que de l'avoir porté corporellement en vostre sein et entre vos bras; et c'est ce que Nostre Seigneur nous vouloit signifier quand il a dit: Mays plustost bienheureux sont ceux qui font la volonté de mon Pere qui est aux Cieux, c'est a dire qui n'ont qu'un mesme esprit et qu'un mesme cœur avec Dieu.

  A026000584 

 O Mere de vie, que faysies vous en ce triste Calvaire qui estoit un lieu d'agonie et de mort? L'amour severe du Pere eternel s'appliquoit a vostre ame, affin que par la douleur mortelle que vostre cœur endura, vous fussies la premiere martyre de l'Eglise naissante et la Reyne souveraine de tous les Martyrs..

  A026000591 

 O sainte et genereuse Gouvernante, que commandes vous dans vostre estat de gloire que ce que vous aves commandé en vostre estat de grace: Faites ce que mon Filz vous dira.

  A026000591 

 Qu'apres son Filz nous luy disions: O Sainte Vierge, les yeux de tous les croyans sont fixés sur vostre majesté; nous attendons le secours de vos graces, et si vous ouvres vos mains liberales, nous serons tous remplis de benedictions.

  A026000603 

 Quand vous vous signeres, faut que vostre esprit se represente d'embrasser Jesus Christ crucifié comme un bouclier contre tous ennemis, comme l'arbre de vie, comme la colomne d'asseurance..

  A026000604 

 Imagines vous quelquefois que vostre cœur est un jardin et que, vous signant, vous y mettes l'arbre pretieux de la Croix; ou bien qu'il est comme une forteresse, en laquelle vous plantes cest estendart; ou qu'il est comme un cabinet, lequel vous fermes avec cette clef; ou qu'il est comme une lettre, laquelle vous scelles de ce sceau, affin qu'elle ne soit exposee a la veüe des ennemis, suyvant le desir de l'Espouse qui dit: Mettes moy comme un cachet, ou comme un estendard sur vostre cœur.

  A026000613 

 Je vous asseure qu'il n'y a signe plus asseuré d'une ame vicieuse que l'inclination a mal penser et a mal parler de son prochain..

  A026000614 

 Mais vous, mes amis, repartit il, ou est le vostre? Qu'ay je affaire de produire un defaut en ma peinture, si je le puis couvrir sans offenser personne? Voyes vous, ceux qui jugent mal et qui mesdisent de leur prochain, ce sont des sangsues qui ne savent que tirer le mauvais sang et laisser le plus pur dans le cors.

  A026000616 

 Et remarques cecy, que ceux que vous voyes si facilement treuver a redire aux moindres fautes du prochain, d'ordinaire ces gens la en entretiennent des grandes.

  A026000629 

 On devroit leur representer plus de rigueur qu'il n'y en a, et ne leur figurer point si avantageusement tant de consolations spirituelles; car tout ainsy que la pierre, encores que vous la jetties en haut, retombera en bas de son propre mouvement, aussi plus une ame que Dieu veut a son service sera repoussee, d'autant plus elle s'inclinera a ce que Nostre Seigneur voudra d'elle..

  A026000633 

 Voules vous que je vous die ce qu'il m'en semble, Madame? L'humilité, la simplicité de cœur et d'affection, et la sousmission d'esprit sont les solides fondemens de la vie religieuse.

  A026000774 

 Archelaus a son barbier: « Comment voules vous que je vous face la barbe? — Sans dire mot.

  A026001098 

 Vous aves deux qualités, car vous estes Religieuse et si estes Abbesse.

  A026001099 

 Resouvenes vous qu'il n'est rien de si heureux qu'une Religieuse devote, rien de si malheureux qu'une Religieuse sans devotion..

  A026001103 

 A cela mesme vous servira une croix ou image devote pendue a vostre col, ou chapelet, la maniant et baysant souvent en lhonneur de Celuy qu'elle represente.

  A026001103 

 A quoy vous servira beaucoup de garder en vostre imagination le point de la meditation que [166] vous aurés le plus gousté, pour le remascher le long de la journee, comme l'on fait les tablettes pour le cors.

  A026001103 

 Et touchant la priere, je vous advertis que, premierement, vous ne devés jamais laisser de dire l'Office ordinaire, qui est commandé de l'Eglise, et plus tost faut laisser toutes autres prieres.

  A026001103 

 Quatriesmement, ne passes aucun jour, sil est possible, sans lire quelque peu dans quelque livre spirituel, mesmes avant la meditation, pour resveiller en vous l'appetit spirituel..

  A026001103 

 Secondement, apres l'Office, il faut preferer la meditation a toutes autres prieres, car elle vous sera plus utile et plus aggreable a Dieu.

  A026001104 

 Je suis d'advis que vostre meditation se face le matin, et que le soir precedant vous lisiés le point que vous voudres mediter, dans Grenade, Bellintani ou quelqu'autre semblable..

  A026001104 

 Le matin, faites en de mesme, vous preparant a servir Dieu le long du jour, vous offrant a son amour et luy offrant le vostre.

  A026001104 

 Prenes par coustume de vous mettre en la presence de Dieu le soir avant vostre repos, le remerciant de ce quil vous a conservé, et faysant l'examen de vostre conscience, ainsy que les livres spirituelz vous l'enseignent.

  A026001106 

 Le jour de vostre Communion, tenés vous la plus devote que vous pourres, souspirant a Cel[uy] qui sera en vous, et le regardes perpetuellement de l'œil interieur, gisant ou assis dans vostre propre cœur comme dans son trosne, et luy faites venir l'un'apres l'autre vos puissances et sens pour ouïr ses commandemens et luy promettre fidelité.

  A026001106 

 Ne manques jamais [de] communier tous [les] pre[miers] Dimanches du moys, outre les bonnes festes, et le so[ir] devant, confessés vous et excites en vous une sainte reverence et joÿe spirituelle de devoir estre si heureuse] que de recevoir vostre doux Sauveur; et faittes alhors nouvelle resolution de le servir fervemment, laquelle [167] l'ayant receu, il faut confirmer, non pas par vœu, mais par un bon et ferme propos.

  A026001107 

 Au contraire, rendes leur le plus que vous pourres de consolation et contentement, affin que cela leur face honnorer et estimer la devotion et la leur face desirer..

  A026001107 

 Gardes vous de vous rendre melancolique et importune a ceux qui sont aupres de vous, de peur qu'ilz n'attribuent cela a la devotion et qu'ilz ne la mesprisent.

  A026001108 

 Procurés en vous l'esprit de douceur, joye et humilité, qui sont [vertus] les plus propres a la devotion; comm'aussi la tranquillité, sans vous empresser ni pour ceci ni pour cela, mais alles vostre chemin de devotion avec un'entiere confiance en la misericorde [de] Dieu q[ui] vous conduira par la main jusques au pais celeste; et partant, gardes [vous] des chagrins [et disputes]..

  A026001110 

 Touchant vostre qualité d'Abbesse, c'est a dire Mere du Monastere, elle vous oblige a procurer le bien de tous (sic) vos Religieuses pour la perfection de leur ame, et par consequent a reformer leurs mœurs et toute la Mayson..

  A026001111 

 Le moyen de ce faire en ce commencement doit estre doux, gracieux et jo[yeux], sans commencer par reprehensions des choses qui ont esté supportees jusques a present; ains vous deves vous mesme, sans leur dire mot, monstrer tout le contraire en vostre vie et conversations, vous occupant devant elles en saintz exercices: comme seroit, faysant quelquefois des prieres en l'eglise, ou bien mesme la meditation, disant le Chapelet, faisant lire quelque livre spirituel pendant que vous travailles de l'eguille, et les caressant plus doucement et modestement que jamais.

  A026001112 

 Tenes-vous courte avec les conversations mondaines et ne permettes pas, que le moins que vous pourres, qu'elles soyent en vostre chambre particuliere, pour, petit a petit, procurer que le dortoir des Dames en soit entierement exempt; ce qui seroit bien requis, et vostre exemple en est un grand moyen..

  A026001114 

 En l'Office, il faut que vostre contenance devote donne loy a toutes les Religieuses de modestie et reverence; ce que vous feres aysement si vous vous mettes en la presence de Dieu au commencement de chaque Office.

  A026001116 

 Il sera bon que vous employies quelqu'une de vos Religieuses pour vous ayder en la conduite des choses temporelles, affin que vous ayes tant plus de commodité pour vous addonner au spirituel et aux offices de charité.

  A026001117 

 En fin, ne vous empressés point pour ce commencement; mais faites tout ce que vous feres si gayement et avec tant de douceur, que toutes vos filles ayent occasion de vouloir embrasser la devotion.

  A026001117 

 Petit a petit, et lhors que vous les y verres embarquees, il faudra traitter plus entierement du restablissement de la perfection et de la Regie, qui sera le plus grand service que vous puissies faire a nostre Sauveur: mais tout cela doit proceder non tant de vostre authorité, comme de vostre exemple et douce conduitte..

  A026001118 

 Dieu vous appelle a toutes ces saintes besoignes; escoutes-le et obeysses.

  A026001118 

 Que vous seres heureuse si, a la fin de vos jours, vous pouves dire comme Nostre Seigneur: J'ay consommé et parfait l'œuvre que vous m'aves mis en main! Desires le, procures le, penses a cela, pries pour cela; et Dieu, qui vous a donné la volonté pour desirer, vous donnera les forces pour le bien faire..

  A026001122 

 Mettes vous en la presence de Dieu, pries le qu'il vous inspire..

  A026001123 

 Imagines-vous que vous estes une pauvre servante de [170] Nostre Seigneur, et qu'il vous a mis en ce monde comme en sa mayson..

  A026001124 

 Demandes luy avec humilité pourquoy il vous y a mise, et consideres que ce n'est pas pour aucun besoin qu'il eust de vous, mais affin d'exercer en vous sa liberalité et bonté; car c'est pour vous donner son Paradis.

  A026001124 

 Et affin que vous le puissies avoir, il vous a donné l'entendement pour le connoistre, la memoire pour vous resouvenir de luy, la volonté et le cœur pour l'aymer et vostre prochain, l'imagination pour le vous representer et ses benefices; tous vos sens pour le servir, les oreilles pour ouyr ses louanges, la langue pour le loüer, les yeux pour contempler ses merveilles, et ainsy des autres..

  A026001127 

 Faites une representation de vostre misere, qui a esté si grande quelque tems, que vous aves esté de ce nombre-la.

  A026001127 

 Helas, ce dires vous, que pensois je quand je ne pensois pas en vous? O Seigneur, dequoy me resouvenois je quand je vous avois oublié? Qu'aymois je quand je ne vous aymois pas? N'estois je pas miserable de servir la vanité au lieu de la verité? Helas, le monde, lequel n'est fait que pour me servir, dominoit et maistrisoit sur mes affections.

  A026001127 

 Je [171] vous renonce, pensees vaynes, souvenances inutiles, amitiés infideles, services perdus et miserables..

  A026001128 

 Resolves vous, et faites un ferme propos de cy apres vaquer fidellement a ce que Dieu desire de vous, luy disant: Vous seres cy apres mon unique lumiere pour mon entendement; vous seres l'object de ma souvenance, qui ne s'occupera plus qu'a se representer la grandeur de vostre bonté si doucement exercee en mon endroit; vous seres les seules delices de mon cœur et l'unique Bienaymé de mon ame..

  A026001132 

 Ah, Seigneur, j'ay de telles et telles pensees, je m'en abstiendray cy apres; j'ay trop de memoire des picques et injures, je la perdray doresnavant; j'ay mon cœur encor attaché a telle et telle chose, qui est inutile ou prejudiciable a vostre service et a la perfection de l'amour que je vous dois: je le retireray et desengageray entierement, moyennant vostre grace, affin que je le puisse tout donner au vostre..

  A026001133 

 Pries Dieu fervemment qu'il vous en face la grace, et prattiqués ce jour mesme, en quelque chose, ce qui se pourra touchant ce poinct..

  A026001158 

 Mais affin que vous m'entendies mieux, je mettray devant vos yeux une Meditation formee et estendile fort au long, avec toutes ses dependances, sur laquelle vous connoistres mieux ce que je me suis essaÿé de vous dire de ce saint exercice; et neanmoins je ne mettray sinon quelques principales considerations, et de mesme quelques principales affections, et non toutes celles que j'en pourrois tirer, car ce serait trop..

  A026001173 

 Esclaires sur moy vostre face sacree, et tenes mes yeux fichés sur les vostres, affin que je puisse considerer vos merveilles et vous en louer, benir et adorer..

  A026001173 

 Mais, Seigneur, puisque vous m'i aves receu et que je suis nay, nourri et maintenu dans les entrailles de cette vostre presence, hé, mon bon Dieu, ne me rejettes point de vostre sainte face; permettes a ce miserable cœur quil respande ses indignes pensees et ses chetifves affections dans le sein de vostre misericorde et quil prononce [175] ses afflictions devant vous.

  A026001173 

 Vous m'aves commandé de vous invoquer et promis que vous m'exauceries; mon Dieu, mon Sauveur, me voyci vostre indigne servante, me soit fait selon vostre parole.

  A026001187 

 O feu admirable et sacré qui enflammés cette poitrine, mon Dieu, que vous estes ardent! Le vent des tribulations accroist vos flammes, la glace de vos persecuteurs vous eschauffe, et le torrent des persecutions donne force a vos ardeurs.

  A026001191 

 Et considerant mes fautes passees, o Seigneur, je vous supplie, en vertu de ces peynes, de les effacer entierement; si que, comm'une nüee dissipee n'empesche plus les rayons du soleil de venir esclairer et eschauffer la terre, ainsy jamais plus mes pechés ne puiss'empescher la douceur de vostre regard misericordieux sur ma pauvre et langoreus'ame.

  A026001191 

 Et pour le regard des mauvaises habitudes et inclinations qui tormentent mon ame, helas, Seigneur, permettes-moy que je vous die: Lavés, lavés de rechef ce cœur qui, comme vase immonde, retient encor l'odeur de l'infecte liqueur de peché; lavés encor, Seigneur, et nettoyes tous-jours, jusques a ce quil soit affranchi de ceste senteur si fascheuse..

  A026001191 

 O que je suis miserable de m'y tant et si souvent abismé et veautré (sic). O que je suis chetif d'en avoir tant avalé, car je suis bien de ceux-la qui, comme dit [178] la sainte Parole, boivent l'iniquité comme l'eau! Mais puisqu'il vous a pleu, o ma douce Esperance, souffrir ces peynes et travaux pour me nettoyer de mes iniquités, je veux respirer en vostre bonté.

  A026001192 

 O Dieu, que vos peynes sont bien contraires aux miennes! Vous patisses pour me sauver, et jusques a present, pourquoy ay-je souffert que pour me perdre? Helas, si j'ay couru, si j'ay veillé, si j'ay eu aucun soin cuysant, n'a ce pas esté pour la vanité, pour l'ambition, pour la vengeance?.

  A026001212 

 Hé, je vous prie, de grâce, mes amis, releves bellement cette croix, et fiches la si doucement, que ses playes ne s'agrandissent point et que la secousse n'en soit pas si grande.

  A026001215 

 O qui me donnera la grace que je puisse en quelque façon donner allegement a mon Sauveur affligé! Hé, que ne m'est-il loysible de prendre mes habitz plus prætieux pour couvrir vostre nudité! que n'ay je du bausme excellent pour en oindre vos play es! que ne suis je pres de vous sulla croix pour soustenir vostre cors en mes bras, affin que la pesanteur ne dechirast pas si fort les playes de vos pieds et de vos mains! Mais sur tout, que ne puis je empescher les pecheurs de tant offenser vostre cœur, qui ne feroit que se jouer de toutes les peynes de vostre cors, si pour icelles les pecheurs pouvoyent estre amendés! Que ne suis je quelque excellent et fervent predicateur pour leur annoncer la penitence! O comme ne dirois je aux iniques: Ne veuilles plus vivre iniquement; et aux delinquans: Ne relevés plus les cornes de vostre fierté et felonie!.

  A026001216 

 Comme vous respandrois-je du bausme sur vos playes, puisque je ne respandis jamais un verre d'eau pour vos pauvres? Comme voudrais je vous supporter en croix, puisque je ne fuis jamais rien tant que les croix? Et quel predicateur de penitence, moy [182] qui n'en fais point, et qui contribue tous les jours, plus que nul autre, au desplaysir que les pechés vous donnent?.

  A026001216 

 Mais, o Seigneur, pourquoy m'amuse-je a ces desirs, desquelz je n'ay la force d'en prattiquer un seul? Comme vous donnerois je mes habitz prætieux, moy qui n'en donnay jamais un vil et usé a vos pauvres? Sur la croix vous ne me les demandes pas, et je vous les offre; en vos pauvres vous me les demandes, et je les refuse! O vaynes et miserables offres qui ne se font qu'en apparence, et en effect ne sont que mocqueries.

  A026001220 

 J'instruiray les desvoyés, et diray a mon cœur et aux autres: Voules vous estre plus cruelz a l'endroit de vostre Sauveur que ne sont les vautours a l'endroit des colombeaux? ilz n'en deschirent ni devorent jamais le cœur.

  A026001220 

 O Seigneur, ayes mercy de moy, et je me propose de par ci apres vous estre plus fidelle.

  A026001220 

 Voules vous bien estre si acharnés a l'encontre du beni Colombeau qui niche sur la croix, que de deschirer son cœur avec les dens de vos impietés? Seigneur, ah, doresnavant je consoleray par effect le pauvre et empescheray le peché..

  A026001234 

 O obeissance admirable et filiale! Mais quel effronté suis-je, d'oser appeller Dieu mon Pere, auquel je n'ay jamais porté le respect filial; et comme obeirois-je jusques a la mort, que je ne le puis pas mesme jusques a la souffrance d'une petite parole fascheuse et d'un regard traversé? Mais doresnavant, venes, o tribulations et desplaysirs; que venant de la part du Pere eternel, je vous recevray de bon cœur, et beniray le calice d'obeissance..

  A026001235 

 Mon iniquité est donques bien grande: o que je suis miserable de m'y estre si souvent abismé! O Seigneur, qui me delivrera de ce labyrinthe, si ce n'est vous? O ja ne vous playse de permettre que j'y retombe plus si lourdement.

  A026001239 

 Ah! non, vous me voules sauver, Seigneur; que vostre volonté soit faite.

  A026001239 

 Pour me retirer de l'enfer, helas, et pour me delivrer de perdition, que vous souffres! Et que je souffre pour m'y engager! Tout ce que j'ay souffert jusques a present n'a esté qu'a ma perte.

  A026001250 

 Et si par leur defaut la resolution n'est pas la meilleure en soy, elle ne laissera pas d'estre la plus utile et meritoire pour vous, car Dieu la rendra fructueuse.

  A026001250 

 Mais si la chose est d'importance, comme de changer de profession, faire des veuz perpetuelz, entreprendre des grans voyages, donner des grandes quantités en aumosne, apres y avoir un peu pensé, il en faut conferer avec les peres spirituelz sous la conduitte des quelz on s'est remis, et passer par leur advis avec simplicité, car Dieu les assistera a vous bien adresser.

  A026001280 

 O Seigneur, que ce soit, s'il vous plaist, [191] a la vie eternelle: cette esperance repose dans mon sein.

  A026001280 

 Vous aves conté mes pas; mais pardonnes moy mes offenses..

  A026001282 

 Cela estant fait, occupés vous quelque tems en la meditation..

  A026001282 

 Et vous habillant, apres avoir fait le signe de la Croix, dites tacitement: Revestés moy, mon Dieu, du manteau d'innocence et de la robe nuptiale de charité.

  A026001283 

 Arrivee que seres a l'eglise pour ouyr Messe, tandis que le prestre preparera le calice et le messel, mettés-vous en la presence de Dieu.

  A026001283 

 Despuis le Confiteor jusques a l'Evangile, produisés des affections de contrition; de l'Evangile jusques a la Preface, faites la protestation de foy; apres le Sanctus, considerés le benefice de la Mort et Passion de Nostre Seigneur; a l'eslevation, adorés tres profondement le divin Sauveur, et offrés le a Dieu son Pere; apres l'eslevation, remerciés le tres humblement de l'institution de ce saint Sacrement; quand le prestre dira le Pater, recites le mentalement en toute devotion; a la Communion, communies vous reellement ou spirituellement; apres la Communion, contemplés Nostre Seigneur assis dans vostre cœur, et faites venir devant luy, l'un apres l'autre, vos sens et vos puyssances, pour ouyr ses commandemens et pour luy promettre fidelité..

  A026001284 

 Quand vous voudres le matin, sortir de vostre chambre, [192] demandés humblement congé et benediction a vostre bon Ange; le long du jour, faites a force oraysons jaculatoires.

  A026001285 

 Le Dimanche, entrés dans celle du costé; le lundy, dans celle du pied gauche; le mardy, dans celle du pied droit; le mercredy, dans celle de la main gauche; le jeudy, dans celle de la main droite; le vendredy, dans les cicatrices de son adorable chef; le samedy, retournés entrer dans son sacré costé, affin que par iceluy vous commencies et finissies vostre semaine. [193].

  A026001294 

 Je vous voy, o mon Dieu, des yeux de mon esprit, comme une mer de perfections et un abisme de bonté qui non seulement m'environne de tous costés, mais qui habite et qui reside tres entierement et par une vraye presence dans le fons de mon miserable cœur; et il n'y a partie en moy qui ne soit totalement soustenue et animee de vostre sainte Divinité..

  A026001299 

 Esclaires sur moy vostre face sacree, affin que je considere vos merveilles pour vous louer, adorer et benir a jamais..

  A026001299 

 Mais, Seigneur, puisque vous m'aves receu, eslevé et maintenu dans les entrailles de vostre sainte presence, hé, mon bon Dieu, ne me rejettes point de devant vostre sainte face, permettes a ce cœur miserable qu'il respande ses indignes pensees et chetifves affections dans le sein de vostre misericorde, et qu'il prononce ses afflictions devant vous.

  A026001299 

 Vous me l'aves commandé, o mon Dieu; me voyci vostre indigne servante, qu'il me soit fait selon vostre parole.

  A026001314 

 O qui me fera la grace que je puisse en quelque façon soulager mon Sauveur en cette affliction? Hé, que ne m'est [196] il permis de le couvrir de quelque habit praetieux, de respandre sur ses playes quelque bausme excellent et supporter entre mes bras la pesanteur de ce cors! Et vous qui releves cette croix, alles y tout bellement, je vous supplie, et ne la rejettes pas si rudement dans le creux, affin que la secousse ne soit pas si grande pour ce pauvre Patient.

  A026001315 

 Je n'en donnay jamais un seul, pour vil et usé qu'il fust; et comment vous donnerois-je les prætieux? Comment respandrois-je du bausme sur vos playes, puisque j'ay bien de la peyne a respandre un verre d'eau pour vos pauvres? Hé, quel prædicateur de penitence, moy qui n'en ay point encor fait, et qui contribue tous les jours plus qu'aucun autre aux desplaysirs que vous donnent les pechés! O vains et miserables desirs, o offres inutiles, puisqu'elles ne sont qu'en apparence, et qu'en effect ce ne sont que mocqueries..

  A026001315 

 Mais, o mon Dieu, pourquoy m'amusé-je a ces desirs, moy qui n'ay presque pas la force d'en prattiquer un seul? Vous ne me demandes pas sur la croix mes vestemens, et je vous les offre; vous me les demandes en vos pauvres qui sont vos membres, et je vous les refuse.

  A026001319 

 Ne cesseray je pas en fin de vous estre infidelle, mon Sauveur et mon Dieu? O non, ce ne seront plus des-ormais d'inutiles desirs, ce seront des effectz; ce ne seront plus des paroles, ce seront des œuvres.

  A026001333 

 Et doresnavant, donques, je vous embrasse, o sainte Croix; je vous jure fidelité, o benite vertu de patience.

  A026001335 

 O obeissance admirable et vrayement filiale! O que vous merites bien d'avoir un tel Pere, puisque vous luy rendes une telle obeissance! Mais ne suis-je pas bien effronté d'appeller ce mesme Dieu mon Pere, luy estant si desobeissant? Et comment obeirois-je jusques a la mort, puisque je n'obeis pas mesme jusques a la souffrance d'une petite parole fascheuse et d'un regard de travers? O je veux changer d'humeur, et pour l'amour de mon Sauveur je veux boyre cy apres tous les calices qu'il me presentera..

  A026001337 

 Hé, bon Dieu, que je desire et que je proteste de vouloir cy apres vous aymer et vous donner tout mon cœur..

  A026001339 

 Ah, maintenant, mon Dieu, je vous jure et prometz une nouvelle fidelité..

  A026001343 

 Faites, o mon Dieu, que vostre sang serve de ciment pour cimenter en mon ame les affections et resolutions que vous m'aves donnees.

  A026001343 

 Hé, Seigneur, que vous soyes tout mien, comme je veux estre doresenavant tout vostre..

  A026001343 

 Hé, mon Dieu, je vous supplie et conjure par toutes ces peynes, ces vertus et merveilles que vous y prattiquastes, de me fortifier en vostre service, d'esteindre en moy mon amour propre et de m'abismer dans le vostre.

  A026001343 

 Mon Dieu, mon Sauveur, je vous remercie de la grace que vous m'aves faite, m'ayant permis de jetter mes yeux sur vostre divine Majesté en cette mienne meditation, et je vous rens mille actions de graces de toutes les peynes et souffrances que vous aves endurees en tout ce sacré [199] mistere; et sur tout je vous remercie de l'amour qui vous les a fait souffrir, et de cette tres misericordieuse intention que vous eustes d'appliquer a mon ame en particulier les merites que vous y aves acquis.

  A026001344 

 O Pere æternel, je vous offre toutes ces peynes et afflictions de vostre Filz mon Sauveur, ses vertus, ses merites et son sang; et en vertu de tout cela, et de l'intercession de sa Mere, de toute vostre Cour cœleste, de l'Eglise son Espouse et de tous vos fideles qui combattent icy bas en terre, je vous demande vostre sainte et paternelle benediction pour mon cœur, et vostre speciale assistance pour vostre Eglise, pour les chefz d'icelle, pour les princes chrestiens, pour mes parens, amis et bienfacteurs, pour les desvoyés, pour le soulagement des ames du Purgatoire.

  A026001348 

 Je vous advertis premierement, qu'encor qu'il soit [200] bon pour l'ordinaire de tenir cette methode, c'est a dire, d'adjouster les affections aux considerations et les resolutions aux affections, en sorte que la consideration marche la premiere, toutesfois, si apres la proposition du mistere l'affection se treuve asses esmeue, comme il arrive quelquefois, alhors il luy faut lascher la bride et la laisser courir, car c'est signe que le Saint Esprit nous tire de ce coste la; et puis, la consideration ne se fait que pour esmouvoir l'affection..

  A026001349 

 C'a esté aussi l'opinion du bienheureux Pierre d'Alcantara et l'experience l'enseigne; ce que je dis, parce que desirant que vous vous servies fort souvent des Prattiques de Bellintani, vous pourries a son imitation vouloir faire autrement, ce qui vous seroit beaucoup plus difficile et moins utile.

  A026001349 

 Je vous donne donq pour regie generale de ne retenir jamais les affections en vostre meditation; mais de les laisser sortir tous-jours quand elles se presentent, jusques a la fin du tems prefigé a la meditation, qu'il faut venir aux resolutions, action de graces, priere et offrande..

  A026001352 

 Encor que vous ayes preparé plusieurs considerations, toutesfois si une suffit pour vous entretenir pendant vostre demy heure, ne passes pas plus avant; et si vous ne treuves pas en l'une d'icelles dequoy eschauffer vos affections, faites les suivantes l'une apres l'autre, jusques a ce que vous ayes treuvé la veine des affections..

  A026001353 

 Ainsy, reconnoissant par la tristesse et engourdissement de vostre esprit que vous estes fort miserable, serves vous de cette occasion et, pleine de confiance, escries vous devant Dieu: Ouy, Seigneur, je suis miserable; mais pour qui la misericorde est-elle, sinon pour les miserables? Et par ce moyen, vous passeres de la meditation que vous avies preparee a la meditation de vostre propre misere, de laquelle vous tireres des affections d'humilité, de confiance, et telles semblables qui vous seront tres utiles..

  A026001353 

 Le premier, c'est d'ouvrir la porte aux paroles, vous lamentant de vous mesme a Nostre Seigneur, confessant vostre indignité, le priant qu'il vous soit en ayde, baysant le Crucifix, si vous l'aves devant vous, et disant mesme de bouche au Sauveur: Si ne vous lairray-je pas; je me tiendray icy aupres de vous, et n'en partiray point que je n'aye eu vostre benediction.

  A026001353 

 Quelquefois il sera bon de vous resouvenir de la Chananee, laquelle estant rejettee par Nostre Seigneur qui l'appella chienne, le prit au mot luy disant: Ouy vrayement, je le veux bien; mais les chiens mangent au moins quelques miettes de la table de leurs maistres.

  A026001353 

 S'il vous arrive, comme il vous arrivera souventesfois indubitablement, de n'avoir aucun goust aux considerations, uses de l'un de ces trois remedes.

  A026001355 

 Que si apres tout cela vous demeures encor en secheresse et sans consolation, mesme en telle sorte que vous ne puissies proferer aucune parole ni interieurement ni exterieurement, ne laisses pas pour cela de [202] vous tenir en une contenance devote, sans vous inquieter ni troubler, vous resouvenant qu'il y a deux fins principales pour lesquelles on se met en la presence de Dieu et en orayson: l'une est pour exciter son affection en l'amour de Dieu, et lhors que nostre affection n'y est point vivement excitee nous disons que nostre ame est en secheresse; l'autre est de rendre hommage a Dieu, protestant qu'il est nostre souverain Createur et Seigneur: et cette fin est extremement noble, parce qu'il y a moins de nostre interest.

  A026001359 

 Il sera bon mesmement de vous imaginer que vous estes en la compaignie de plusieurs personnes devotes avec qui vous voules faire orayson; et mesme, si vous en connoisses, vous pourres vous les imaginer en l'acte de ferveur et de priere.

  A026001359 

 Quand vous seres distraitte, ce vous sera un grand soulagement de vous imaginer la devotion et ferveur des Anges et des Saintz, a l'orayson desquelz vous joindres la vostre, quoy qu'indigne.

  A026001365 

 Ou bien, vous imaginant quelquefois d'avoir ouy la mesme voix de l'Ange, vous dires avec le mesme Job: En ce jour la, o Seigneur, vous m'appelleres, et je vous respondray; [204] vous donneres vostre dextre a l'ouvrage de vos mains.

  A026001365 

 Resouvenes vous donques de la voix qui retentira tout par tout au dernier jour: O mortz, levés-vous et venés au jugement; parolles desquelles saint Hierosme faisoit si grand prouffit.

  A026001365 

 Vous aves conté tous mes pas; mays pardonnes moy mes offenses..

  A026001365 

 Vous pourres adjouster cette orayson jaculatoire avec Job: Je croy que mon Redempteur est vivant et qu'en ce dernier jour je resusciteray.

  A026001366 

 Ainsy vous pourres faire de saintes considerations, telles que le Saint Esprit vous les suggerera..

  A026001366 

 Autres fois, voyant le jour, vous porteres vos pensees de la lumiere temporelle a l'eternelle, et dires avec David: O Seigneur, en vostre clairté je verray la lumiere eternelle.

  A026001366 

 Ou bien, passant de la lumiere interieure a l'exterieure, vous dires: Esclaires mes yeux, affin que je ne m'endorme point a la mort.

  A026001367 

 En vous habillant, apres avoir fait le signe de la Croix, dites: Donnes moy, Seigneur, le manteau d'innocence et la robbe nuptiale de charité..

  A026001370 

 On remercie Dieu de ce qu'il nous a conservé cette nuit la, et on considere que si Dieu nous donne le jour present, c'est pour l'employer a sa gloire et a nostre salut, et que sa Majesté hait et deteste souverainement le peché, suyvant le dire de David: Au grand matin je m'approcheray de vous, o mon Dieu, et reconnoistray que vous estes un Dieu qui n'ayme point l'iniquité..

  A026001381 

 A la Messe, quand on va dire l'Evangile, leves vous pour tesmoigner que vous estes preste et appareillee pour cheminer en la voye des commandemens de l'Evangile; et [206] pour vous y exciter, vous pourres dire en vous levant: Jesus Christ a esté fait obeissant jusqu'a la mort, et mesme a la mort de la croix.

  A026001381 

 Et faisant le signe de la Croix sur vostre front, vostre bouche et vostre cœur, vous dires: Dieu soit en mon esprit, en ma bouche et en mon cœur, affin que je reçoive son saint Evangile..

  A026001391 

 Pendant les affaires de la journee, il faut le plus que l'on peut regarder souvent a Nostre Seigneur Jesus Christ, [207] et se resouvenir du poinct de la meditation que l'on a le plus gousté et ressenti; comme si la douceur de ses yeux nous a esté aggreable, nous nous les representerons en disant: Ja ne vous playse, mon Sauveur, que je fasse chose qui puisse offencer vos yeux; et ainsy des autres. Il est bon aussi d'avoir certaines parolles enflammees qui servent de refrain a nostre ame, comme: Vive mon Dieu! VIVE JESUS! Dieu de mon cœur!.

  A026001401 

 Apres tout cecy, je vous advise de vivre sans scrupule et servir Dieu plus avec amour qu'avec peur.

  A026001401 

 Partant, s'il arrive que pour quelque honneste sujet vous laissies de faire tous ces exercices, ou l'un d'eux, ne vous mettés point en peyne, mais reprenes-les tout bellement le jour suyvant..

  A026001402 

 Je ne veux point que vostre meditation soit de plus que d'une grosse demie heure ou trois quartz d'heure, et quand vous ne la pourres faire le matin ou devant le disner, je ne voudrois pas que ce fust sinon pour le moins quattre bonnes heures apres le disner, c'est a dire, un petit avant le souper.

  A026001403 

 Donques, pour le reste du tems de la Messe auquel je n'ay pas dit ce qu'il failloit faire, ou bien il faut continuer les affections que je vous ay marquees chacune en son ordre: comme, par exemple, celle de la contrition jusqu'a l'Evangile; celle de protestation de foy jusqu'a la Preface, et ainsy des autres.

  A026001403 

 Et si vous ne le pouves pas tout dire en une fois, dites le en deux, et l'Office de Nostre Dame aussi; dequoy vous ne deves faire nul scrupule, ains il y a de la superstition a croire que pour de legitimes interruptions il faille recommencer, car cela est sans nulle rayson, ni apparence de pieté: nostre Dieu ne regardant qu'a la devotion avec laquelle on prie, et non pas si c'est a deux fois ou a troys.

  A026001403 

 Pour le regard de la Messe, je n'ay pas voulu particulariser sur tous les misteres d'icelle, pour vous instruire comme il y faut correspondre par le menu avec des oraysons et des pensees, d'autant que cela charge tant la me [209] moyre que la volonté n'a pas ses affections libres.

  A026001403 

 Que si c'est le Chapelet, vous ne laisseres pas, en le disant, de faire presque tout ce que j'ay marqué; l'un n'empeschera pas l'autre.

  A026001404 

 Au demeurant, vous ne deves jamais commencer aucune priere sans premierement vous estre mise briefvement en la presence de Dieu.

  A026001412 

 O que vous estes incomprehensible, et que je suis joyeuse dequoy vous l'estes! Non, je ne voudrois pas vous pouvoir comprendre, car vous seriés trop petit si une si petite et chetifve capacité vous comprenoit.

  A026001412 

 Puis, se retournant a son propre entendement: Et quoy, petit mouscheron, nourri parmi la pourriture de ma chair, voules vous brusler vos aisles a cest immense feu de la puissance divine, laquelle consumeroit et devoreroit les Seraphins, s'ilz se vouloyent fourrer en telles curiosités? Non, petit papillon, il vous appartient seulement d'adorer cet abisme, et non pas de le sonder.

  A026001412 

 Que si contre cette pureté d'entendement le malin esprit nous donne des tentations, il s'y faut opposer, s'humiliant devant la toute puissance de Dieu, disant, ou de cœur, ou de bouche: O sainte et immense toute puissance de mon Dieu, mon entendement vous adore, trop honnoré de vous reconnoistre et de vous faire l'hommage de son obeissance et sousmission.

  A026001420 

 Quand on vous demandera (dit la sainte Parolle traittant de l'observation de l'aigneau paschal) ce que c'est que vous faittes, dites a la posterité que c'est en memoyre de ce que Dieu vous delivra de l'Egipte, vous passant par le milieu de la Mer Rouge.

  A026001424 

 Mais il faut parer la volonté d'une affection et desir extreme de cette viande celeste, de cette manne secret te; c'est pourquoy il estoit commandé a ceux qui mangeoyent l'aigneau paschal, de le manger avidement et vistement, et a ceux qui cueilloyent la manne, de se lever fort matin; et Nostre Seigneur mesme, avant que d'instituer ce saint Sacrement, l'avoit extremement souhaité: J'ay desiré, disoit il, d'un grand desir de manger cette pasque avec vous.

  A026001428 

 Si vous n'estes point agitee des tentations de curiosité, vous n'aves que faire de penser a ce que j'en ay dit; car, en y pensant, vous luy pourries ouvrir la porte pour la faire entrer chez vous; mais vous devés seulement remercier Dieu de ce qu'il vous donne la simplicité de la foy, qui est un don tres pretieux et desirable, et prier sa divine Majesté de vous le continuer..

  A026001429 

 Que si vous estes agitee de cet esprit de curiosité, faittes ce que j'ay dit, mais faittes le briefvement, par forme de simple rejet et detestation, sans vous amuser a disputer et contester avec l'ennemy, lequel doit estre combattu par abomination, non par rayson, selon l'exemple de Nostre Seigneur, qui ne le fit fuir qu'en luy disant: Arriere, Satan, tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu..

  A026001430 

 Alles donques vigoureusement et, sans avoir esgard aux tentations, receves le Pain de vie; et ainsy faisant, vous demeureres victorieuse de vostre ennemy.

  A026001430 

 Combien que la tentation ne cesseroit point, ne laissés pas de communier; car si vous laissies pour cela, vous donneries gain de bataille a vostre adversaire.

  A026001431 

 Pour vaincre la curiosité en ce poinct, vainques la en toutes choses, pour petites qu'elles soyent, ne cherchant autre science que celle des Saintz, qui est Jesus Christ crucifié et ce qui vous conduit a luy.

  A026001432 

 Touchant la consideration, il sera bon que le jour avant la Communion, aux heures de vostre orayson mentale ou recueillement, vous dressies quelque peu vostre esprit a Nostre Seigneur en ce saint Sacrement, et mesme en l'examen de conscience a la fin, et ce par quelque briefve pensee de l'amour du Sauveur en l'endroit de vous; et mesme vous pourrés user de quelques eslancemens de priere vocale, lesquelz vous repeteres souvent, sur tout despuis Vespres, comme seroit celuy de saint François: « Qui suis je, Seigneur, et qui estes-vous? » ou celuy de sainte Elizabeth: D'ou me vient ce bonheur que mon Seigneur vient a moy? ou celuy de saint Jean l'Evangeliste: Ouy, venés Seigneur Jesus! ou celuy de l'Espouse sacree: Que mon Espoux me bayse d'un bayser de sa bouche..

  A026001433 

 Que si vous voulies par fois faire vostre meditation sur la Communion le jour precedent, vous pourres aysement y accommoder les misteres de la vie de Nostre Seigneur qui se rencontreroyent en la suitte de vostre orayson mentale, les appliquant comme a exercer en vostre endroit a l'heure de vostre Communion: car, qui vous empeschera de vous representer que Nostre Seigneur vous y presente les benefices qu'il a faitz, ou vous donne interieurement les enseignemens qu'il a donnés? Et ainsy des autres; et il y a peu de misteres qui ne soyent propres a cela..

  A026001434 

 Pour la memoire, il est bon de donner ordre le plus qu'il se pourra, que sur tout despuis souper vous ne soyes occupee ni d'esprit ni de cors a aucune affaire esloignee du dessein de la Communion, mais que vous fassies une particuliere retraitte de vostre esprit et de tous vos sens en vostre interieur, pour attendre l'Espoux avec les lampes en main, et que l'huile n'y manque pas; et pour cest effect, que la recreation de l'apres souper soit un peu plus devote et de propos de charité, et le souper plus sobre, sans tristesse neanmoins, ni trop d'austerité..

  A026001436 

 Quant a la purgation de la volonté, il la faut tenir nette en tout tems de toutes affections desreglees, mais sur tout allant a la Communion, et regarder a quoy et a qui nos affections tiennent en ce monde, et si c'est point trop tendrement, trop ardemment; et si nous y voyons du trop, il faut peu a peu le retrancher pour pouvoir dire a Nostre Seigneur avec David: Qu'est ce qu'il y a au Ciel pour moy, ou que veux je en la terre sinon vous? Vous estes le Dieu de mon cœur et mon partage eternel.

  A026001442 

 Je m'en vay maintenant proposer plusieurs points desquelz vous pourres vous servir tant pour aller a la Communion que pour rendre graces a Dieu apres icelle..

  A026001443 

 Avant que d'y aller on peut exciter le desir par la comparaison du cerf lancé et malmené, comme fait David au Psalme 41, qui est bon a lire puisque vous les aves en françois, et par l'exemple de Magdeleyne qui par tout le cherche avec ardeur: chez Simon le Lepreux, au sepulchre, au jardin, qui pleure en le cherchant, et qui dit a [219] luy mesme qu'il luy enseigne le lieu ou il s'est mis: Si tu l'as enlevé, dit elle, dis le moy et je l'iray reprendre.

  A026001444 

 A la confiance et force d'esprit, avec David: Je ne craindray nul mal, par ce, Seigneur, que vous estes avec moy.

  A026001444 

 [Apres la Communion, nous devons semondre nostre ame a plusieurs affections,] comme par exemple: a la crainte de contrister et perdre ce saint Hoste, comme faysoit David, disant: Seigneur, ne vous departes point de moy; ou comme les deux pelerins d'Emaüs qui luy disoyent: Demeures avec nous, car il se fait tard.

  A026001445 

 A l'action de graces, par les paroles que Dieu mesme dit a Abraham quand il luy eut voüé le sacrifice de son filz; car nous pouvons les addresser a Dieu le Pere qui nous donne son propre Filz en viande: O Seigneur, par ce que vous m' aves faitte cette grande grace, je vous beniray de benedictions immortelles et multiplieray vos louanges comme les estoiles du ciel..

  A026001451 

 Vous treuveres peut estre aussi bien longue cette instruction, mais il faut que vous sçachies deux choses: l'une, que vous ne deves pas faire tout ceci tout a coup, mays seulement vous en servir a mesure que vous connoistres en avoir besoin, et en prendre ce qui vous aydera; l'autre, c'est que je vous ay couché cette preparation si au long, affin que vous en puissies ayder les autres qui en auront necessité..

  A026001452 

 Au demeurant, parce que le plus grand moyen de prouffiter en la vie spirituelle c'est la devote Communion, je vous la recommande; et ayés soin que nulle ne la fasse par maniere d'acquit ou de coustume, mais tous-jours pour glorifier Dieu en icelle et s'unir a luy, et prendre force a le [222] servir et supporter toutes afflictions et tentations.

  A026001453 

 Et s'il vous survient quelque doute et que vous n'entendies pas bien ce que j'ay dit, vostre Pere Confesseur extraordinaire vous esclarcira, ou moy, si vous me l'envoyes..

  A026001454 

 J'avois oublié de vous resouvenir que ce Sacrement ne nous unit pas seulement avec Nostre Seigneur, mais avec nos prochains, avec lesquelz, participant a mesme viande, nous sommes rendus une mesme chose.

  A026001459 

 Et affin que vous entendies comme la tristesse et l'inquietude s'engendrent l'une l'autre, sçaches que la tristesse [224] n'est autre chose que la douleur d'esprit que nous avons du mal qui est en nous contre nostre gré, soit que le mal soit interieur ou qu'il soit exterieur, comme pauvreté, maladie, infamie, mespris; interieur, comme ignorance, secheresse, mauvaise inclination, peché, imperfection, repugnance au bien..

  A026001461 

 Vous voyes donques que la tristesse, qui de soy n'est pas mauvaise en son commencement, engendre l'inquietude, et que, reciproquement, l'inquietude engendre une autre tristesse, qui de soy est tres dangereuse..

  A026001464 

 Je ne diray que peu de chose de cette inquietude, pour ce que ses remedes sont presque pareilz a ceux que je donne pour la tristesse, et aussi parce que je vous renvoye aux 14, 15, 16 chapitres du Combat spirituel.

  A026001473 

 La tristesse est presque ordinairement mauvaise et rarement bonne; car, selon les Docteurs, l'arbre de tristesse produit huit branches, sçavoir: misericorde, penitence, angoisse, paresse, indignation, jalousie, envie et impatience; entre lesquelles, comme vous voyes, il n'y a que les deux premieres qui soyent purement bonnes.

  A026001476 

 Dont le roy David ne se plaint pas seulement de la tristesse, disant: Pourquoy es tu triste, o mon ame? mais encores du troublement et inquietude, adjoustant: Et pourquoy me troubles-tu? Mais la bonne tristesse laysse une grande paix et tranquillité en l'esprit; c'est pourquoy Nostre Seigneur, apres avoir predit a ses Apostres: Vous seres tristes, il adjouste: Et que vostre cœur ne soit point troublé, et n'ayes point de crainte, etc. Voicy que ma tres amere amertume est en paix..

  A026001490 

 Mes yeux se fondent sur vous, o mon Dieu, disant: Quand me consoleres-vous? Si Dieu est pour moy, qui sera contre moy? Jesus, soyes moy Jesus.

  A026001492 

 Et les faut employer bon gré mal gré la tristesse, a laquelle il ne faut point donner d'audience ni de credit, pour vous empescher de proferer et eslancer ces parolles de confiance et d'amour; et bien qu'il semble que ce soit sans fruit, il ne faut pas laisser de continuer, et attendre le fruit qui ne laissera pas de paroistre apres un peu de contention..

  A026001492 

 Mais dans le tems de tristesse, il faut employer des paroles de douceur; par exemple: O Dieu de misericorde, tres bon et tres benin, vous estes mon cœur, ma joye, mon esperance, le cher Espoux de mon ame; et semblables.

  A026001497 

 Ceux qui ont plus de discernement aux choses spirituelles se pourront guider par d'autres voyes que Nostre Seigneur leur suggerera; ce pendant, si celles cy peuvent servir, employes-les soigneusement, et pries pour celuy qui vous les a marquees..

  A026001501 

 Vous prendres vostre chapelet par la croix, que vous bayseres apres vous en estre signee, et vous vous mettres en la presence de Dieu, disant le Credo tout entier..

  A026001502 

 Sur le premier gros grain vous invoqueres Dieu, le priant d'aggreer le service que vous luy voules rendre et de vous assister de sa grace pour le bien dire..

  A026001503 

 Sur les trois premiers petitz grains vous demanderes l'intercession de la sacree Vierge, la saluant, au premier, comme la plus chere Fille de Dieu le Pere; au second, comme Mere de Dieu le Filz; et au troysiesme, comme Espouse bienaymee de Dieu le Saint Esprit..

  A026001504 

 S'il vous vient quelques autres sentimens, comme la douleur de vos pechés passés, ou le propos de vous amender, vous le pourres mediter tout le long du Chapelet, le mieux que vous pourres, vous resouvenant de ce sentiment, ou autre que Dieu vous inspirera, principalement lhors que vous prononces les deux tressaintz noms de JESUS et MARIE..

  A026001504 

 Sur chaque dizaine vous penseres a un des misteres du Rosaire, selon le loysir que vous aures, vous resouvenant de celuy que vous vous proposeres, principalement en prononçant les tressaintz noms de MARIE et de JESUS, les passant par vostre bouche avec une grande reverence de cœur et de cors.

  A026001505 

 Au gros grain qui est au bout de la derniere dizaine, vous remercieres Dieu de la grace qu'il vous a faitte de vous permettre de le dire.

  A026001505 

 Et passant aux trois petitz grains qui suivent, vous salueres la sacree Vierge Marie, la suppliant, au premier, d'offrir vostre entendement au Pere eternel, affin que vous puissies a jamais considerer ses misericordes; au second, vous la supplieres d'offrir vostre memoyre au Filz, pour avoir continuellement en vostre pensee sa Mort et Passion; au troysiesme, vous la supplieres d'offrir vostre [234] volonté au Saint Esprit, affin que vous puissies a jamais estre enflammé de son amour sacré..

  A026001506 

 Au gros grain qui est au bout, vous supplieres la divine Majesté d'aggreer le tout a sa gloire et pour le bien de son Eglise, au giron de laquelle vous la supplieres de vous conserver et d'y ramener tous ceux qui en sont desvoyés, et prierés Dieu pour tous vos amis; finissant comme vous aves commencé, par la profession de la foy, disant le Credo et faisant le signe de la Croix..

  A026001507 

 Vous porteres le chapelet a vostre ceinture ou en autre lieu evident, comme une sainte marque par laquelle vous voules protester que vous desires estre serviteur de Dieu nostre Sauveur, et de sa tres sacree Espouse, Vierge et Mere, et de vivre en vray enfant de la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine..

  A026001513 

 Pour vostre retraitte spirituelle, vous pourres vous servir des pointz icy marqués, lesquelz regardent la divine enfance de nostre Sauveur..

  A026001514 

 Le jeudy, occupes vous a mediter les misterieuses offrandes que luy presentent les Rois; offres vous a luy, et adores le avec eux.

  A026001516 

 Une autre semayne, vous pourres vous entretenir sur les douloureux misteres de la Passion de nostre Redempteur..

  A026001518 

 Le Dimanche, voyes comme il lave les pieds a ses bienaymés Disciples; pries-le qu'il vous lave et purifie de toute ordure de peché.

  A026001518 

 Le jeudy, admires comme sans resistance quelconque il se laisse vestir en fol chez Herode; demandes luy l'humilité et le mespris de vous mesme.

  A026001518 

 Le samedy, levés les yeux en haut, voyes le estendu de son long, cloüé, eslevé en l'air sur l'arbre de la croix; prestes soigneusement l'oreille a ses douces parolles, pries le qu'il vous fasse la grace de vivre tout a luy, puisqu'il est mort pour vous..

  A026001520 

 Vous pourres excellemment tirer le motif du saint amour sur toutes les actions que le tres aymable Jesus a prattiquees durant le cours de sa tres sainte vie, en cette sorte:.

  A026001521 

 Par exemple, s'il faut prier, donner aux pauvres, conseiller quelqu'un, estre solitaire, entrer en conversation, souffrir quelque travail, souvenes vous que Nostre Seigneur en diverses occasions fit tout cela; et par apres, excitant vostre ame: Hé! [237] ce dires vous, quand il n'y auroit point d'autre rayson pour prier, pour faire l'aumosne, pour consoler les affligés, pour demeurer en solitude, pour acquiescer a cette souffrance, pour m'arrester en cette conversation, ne me suffit il pas que mon cher Maistre m'en ayt monstré le chemin? Et cela se peut faire par un simple regard et unique souspir: Ouy, Seigneur, je suis avec vous..

  A026001521 

 Quand il se presente quelque sujet d'exercer la vertu (il s'en presente a tous momens), voyes briefvement comme Nostre Seigneur l'a exercee tandis qu'il vivoit icy bas entre les hommes; et puys, animant vostre cœur d'une amoureuse imitation: Or sus, dires vous, allons, suivons, imitons le doux Jesus, nostre Maistre.

  A026001525 

 Vous prendres vostre chapelet par la croix, que vous bayseres apres avoir fait le saint signe de nostre Redemption, et vous mettres en la presence de Dieu, disant le Credo tout entier..

  A026001526 

 Vous invoqueres Dieu sur le premier grain, le priant [238] d'aggreer le service que vous luy voules rendre, et de vous assister de sa grace pour le bien dire..

  A026001527 

 Aux trois petitz grains vous demanderes l'intercession de la sacree Vierge: au premier, vous la salueres comme la plus chere Fille du Pere eternel; au second, comme Mere tres chere du Filz de Dieu; au troisiesme, comme Espouse bienaymee du Saint Esprit..

  A026001528 

 Apres cela, vous commenceres les mysteres du Rosaire, soit les glorieux, les joyeux ou les douloureux; ou bien vous vous porteres a quelqu'autre devot sentiment que Dieu vous inspirera..

  A026001529 

 A la fin, vous reprendres le gros grain qui est au bout du chapelet et remercieres Dieu de la grace qu'il vous a fait de vous permettre de le dire.

  A026001529 

 Et passant aux trois petitz grains suivans, vous salueres la sacree Vierge, la suppliant, au premier, d'offrir vostre entendement au [239] Pere eternel, affin que vous puissies a jamais considerer ses misericordes; au second, vous la supplieres d'offrir vostre memoyre au Filz, pour avoir continuellement sa Mort et Passion en vostre pensee; au troysiesme, d'offrir vostre volonté au Saint Esprit, affin que vous puissies estre a jamais enflammé de son sacré amour..

  A026001530 

 Et [porterez ] vostre chapelet comme une sainte marque par laquelle vous voules protester que vous desires estre serviteur de Dieu, du Sauveur et de la sacree et tous-jours Vierge Mere.

  A026001530 

 Finissant au gros grain qui est au bout, vous dires le Pater, suppliant la divine Majesté qu'elle addresse le tout a sa gloire et pour le bien de son Eglise, en la foy et union de laquelle vous prieres sa Bonté de vouloir ramener tous les desvoyés, et prierés Dieu pour tous vos amis; finissant comme vous aves commencé, par la profession de foy, disant le Credo, puys faisant le signe de la Croix.

  A026001535 

 Pour toutes les choses qui vous arriveront, n'alles point [en] rechercher la cause (il suffit que Dieu la sçait), mais simplement humilies vous devant Dieu, supportant la contradiction avec douceur, sans reflexions..

  A026001536 

 Au tems des secheresses, humilies vous, et au tems des sentimens et veüe de vostre misere, jettes vous au plus profond des entrailles de la misericorde divine..

  A026001537 

 Mortifies vous en ces petites saillies contre les imperfections du prochain, les reprenant avec l'esprit de douceur..

  A026001538 

 N'ayes point soin de vous mesme, non plus qu'un voyageur qui s'est embarqué de bonne foy sur un navire, qui ne prend garde qu'a se tenir et vivre dans iceluy, laissant le soin de prendre le vent, tendre les voiles et faire voguer, au pilote sous la conduitte duquel il s'est mis..

  A026001544 

 Voules vous que rien ne traverse vostre vie? Ne souhaites point de reputation ni de gloire du monde..

  A026001545 

 Ne vous attaches point trop aux consolations et amitiés humaines..

  A026001548 

 Ne vous soucies point des jugemens humains..

  A026001549 

 Taises vous de toutes choses, et vous aures la paix interieure; car, pour vous et pour moy, il n'y a point d'autre secret pour acquerir cette paix que de souffrir a la rigueur les jugemens des hommes..

  A026001550 

 Considerés pour qui vous travailles, et ceux qui vous voudront donner de la peyne ne vous travailleront gueres.

  A026001550 

 Ne vous inquietes point de ce que le monde dira de vous; attendes le jugement de Dieu, et vostre patience jugera alhors ceux qui vous auront jugé.

  A026001564 

 Estant a genoux devant vostre confesseur en la contenance la plus humble quil vous sera possible, vous vous representeres que vous faictes ceste action devant Nostre Seigneur crucifié, lequel vous prepare le pardon et l'absoulution [244] avec une douceur de misericorde incomparable.

  A026001564 

 Et partant, avec une sainte confusion accompagnee neantmoins d'une confiance tres grande, vous vous accuserés selon les advis suyvantz..

  A026001706 

 O Seigneur, faictes moy voir la quantité et l'enormité de mes maux, afin que je les deteste et me confonde en la grandeur de ma misere; mais faictes moy voir aussy l'infinité de vostre bonté, afin que je m'y confesse, et que, comme je confesse humblement devant vous et devant le Ciel que je suis mauvais, ains la meschanceté mesme de vous avoir tant offensé, je confesse aussy hautement que vous estes bon, ains la bonté mesme de me pardonner si misericordieusement.

  A026001706 

 O souveraine Bonté, octroyes le pardon a ce chetif coulpable qui confesse et accuse son peché en ceste vie mortelle, en esperance de confesser et celebrer vostre misericorde en l'eternelle, par le merite de la Mort et Passion de vostre Filz qui, avec vous et le Saint Esprit, est un seul Dieu vivant et regnant es siecles des siecles..

  A026001723 

 Mais, Seigneur, puisque ainsy il vous a semblé bon, estendes donq le bras de vostre providence jusques a la perfection [267] de l'œuvre que vous aves commencee: favorises ma grossesse de vostre perfection, et portes avec moy, par vostre continuelle assistence, la creature que vous aves produite en moy, jusques a l'heure de sa sortie au monde; et lhors, o Dieu de ma vie, soyes moy secourable, et de vostre sainte main supportes ma foiblesse et receves mon fruit, le conservant jusques a ce que, comme il est vostre par creation, il le soit aussi par redemption, lhors qu'estant receu au Baptesme il sera mis dans le sein de l'Eglise vostre Espouse..

  A026001723 

 O Dieu eternel, Pere d'infinie bonté, qui aves ordonné le mariage pour en multiplier les hommes ici bas, repeupler la celeste cité la haut, et aves principalement destiné nostre sexe a cet office, voulant mesme que nostre fecondité fust une des marques de vostre benediction sur nous: hé, me voyci prosternee devant la face de vostre Majesté que j'adore, vous rendant graces de la conception de l'enfant auquel il vous a pleu donner estre dedans mon cors.

  A026001724 

 O Sauveur de mon ame, qui, vivant ici bas, aves tant aymé, si souvent pris entre vos bras les petitz enfans, hé, receves encor celuy ci et l'adoptes en vostre sacree filiation, affin que, vous ayant et invoquant pour Pere, vostre nom soit sanctifié en luy, et que vostre royaume luy advienne.

  A026001725 

 Et d'autant que vostre juste courroux rendit la premiere mere des humains, avec toute sa pecheresse posterité, sujette a beaucoup de peynes et douleurs es enfantemens, o Seigneur, j'accepte tous les travaux qu'il vous plaira permettre m'arriver pour cette occasion; vous suppliant seulement, par le sacré et joyeux enfantement de vostre innocente Mere, de m'estre propice a l'heure du mien douloureux, de moy, pauvre et vile pecheresse; me benissant, avec l'enfant qu'il vous plaira me donner, de la benediction de vostre amour eternel, qu'avec une parfaite confiance en vostre bonté je vous demande tres humblement..

  A026001726 

 Et vous, Vierge Mere tres sainte, ma chere Dame et unique Maistresse, qui estes l'unique honneur des femmes, receves en protection et dans le giron maternel de vostre incomparable suavité, mes desirs et supplications, affin qu'il plaise a la misericorde de vostre Filz de les exaucer.

  A026001726 

 Je le vous requiers, o la plus aymable de toutes les creatures, vous en conjurant par l'amour virginal que vous portastes a vostre cher espoux saint Joseph, par l'infini merite de la naissance de vostre Filz, par les tressaintes [268] entrailles qui l'ont porté et par les sacrees mammelles qui l'ont allaité..

  A026001727 

 O saintz Anges de Dieu, deputés a ma garde et a celle de l'enfant que je porte, defendes nous, gouvernes nous, affin que par vostre assistence nous puissions en fin parvenir a la gloire delaquelle vous jouisses, pour, avec vous, louer et benir nostre commun Seigneur et Maistre, qui regne es siecles des siecles.

  A026001731 

 Prosterné, ce me semble, en quelque petit recoin du mont de Calvaire ou Nostre Seigneur me voit, je vous escris ces lignes, ma tres chere Mere, pour vostre soulagement, comme un abbregé des resolutions plus convenables a vostre advancement devant Dieu..

  A026001732 

 Je repete ce que si souvent je vous ay dit: que, non seulement en l'orayson, mays en la conduitte de vostre vie, vous deves marcher en l'esprit d'une tres parfaitte et tres simple confiance en Dieu, entierement remise et abandonnee a son bon playsir, comme un enfant innocent qui se laisse aller a la conduitte et direction de sa mere..

  A026001737 

 Je desire que vous soyes extremement humble et petite a vos yeux, douce, condescendante et simple comme une colombe; que vous aymies vostre abjection et la prattiquies fidellement, employant de bon cœur toutes les occasions qui vous arriveront pour cela..

  A026001738 

 Dites beaucoup en vous taisant, par la modestie et esgalité..

  A026001741 

 Ne vous empresses de rien, faites toutes choses tranquillement, en esprit de repos.

  A026001742 

 Recommandes toutes choses du tout a Dieu, et vous tenes coye et en repos dans le sein de sa paternelle Providence..

  A026001743 

 Prenés bon courage et vous tenes humble devant la divine Providence..

  A026001748 

 En ce saint jour anniversaire auquel nous celebrons la memoire de nostre Redemption, je vous escris ces lignes, ma tres chere Fille, comme un abbregé des resolutions plus convenables a vostre advancement au pur amour de Nostre Seigneur crucifié..

  A026001749 

 Non seulement en l'orayson, mays encor en la conduitte [272] de vostre vie, marches invariablement en esprit de simplicité, abandonnant et remettant toute vostre ame, vos actions et vos succes au bon playsir de Dieu, par un amour de parfaitte et tres absolue confiance, vous delaissant au soin et a la mercy de l'amour eternel que la divine Providence a pour vous.

  A026001753 

 Et pour conclure ce premier point, saint François envoyant ses enfans aux chams, en voyage, leur donnoit cet advis en lieu d'argent et pour toute provision: Jettes vostre soin en Nostre Seigneur et il vous nourrira.

  A026001753 

 Je vous en dis de mesme, ma tres chere Fille, ma Mere: Jettes bien tout vostre cœur, vos prætentions, vos sollicitudes et vos affections dans le sein paternel de Dieu, et il vous conduira, ains portera ou son amour vous veut..

  A026001756 

 Alhors tous les evenemens et varietés d'accidens qui surviennent sont receuz doucement et souefvement: car, qui est entre les mains de Dieu et qui repose dans son sein, qui s'est abandonné a son amour et qui s'est remis a son bon playsir, qu'est ce qui le peut esbransler et mouvoir? Certes, en toutes occurrences, sans s'amuser a philosopher sur les causes, raysons et motifz des evenemens, il prononce de cœur ce saint acquiescement du Sauveur: Ouy, mon Pere, car ainsy a il esté aggreé devant vous..

  A026001770 

 Cet amour simple de confiance et cet endormissement amoureux de vostre esprit entre les bras de ce Sauveur comprend excellemment tout ce que vous alles cherchant ça et la pour vostre goust..

  A026001771 

 Demeures en cette simple et pure confiance filiale aupres de Nostre Seigneur, sans vous remuer nullement pour faire des actions sensibles ni de l'entendement, ni de la volonté..

  A026001771 

 Demeures en la tranquille resignation et remise de vous mesme entre les mains de Nostre Seigneur, sans toutesfois laisser de cooperer courageusement et diligemment a sa sainte grace par l'exercice des vertus es occasions qui s'en presenteront.

  A026001773 

 Et ceci se doit prattiquer non seulement a l'orayson, ou il faut aller avec une grande douceur d'esprit, sans dessein d'y faire autre chose quelconque, ains seulement pour estre a la veuë de Dieu dans cette simple remise et repos en luy et comme il luy plaira; se contenter d'estre en sa presence, encor que vous ne le voyies, ni senties, ni sçauries representer, et ne vous enqueres de luy de chose quelconque sinon a mesure qu'il vous excitera..

  A026001774 

 Ne retournes nullement sur vous mesme, ains soyes la pres de luy; non seulement, dis je, il faut prattiquer cette simplicité et abandonnement en l'orayson, mays en la conduite de toute la vie, rejettant et delaissant toute vostre [277] ame, vos actions, vos succes, vos affaires au bon playsir de Dieu et a la mercy de son soin.

  A026001779 

 Demeures donq ainsy, sans vous en divertir pour regarder ce que vous faites ou feres, ou ce qui vous adviendra, en toute occurrence et en tout evenement..

  A026001779 

 En ce jour de saint Claude, memorable a nostre Congregation, je ramasse ainsy tout ce que je vous ay dit, pour l'abbreger: Soyes fidelement invariable en cette resolution, de demeurer en une tres simple unité et unique simplicité de la presence de Dieu, par un entier abandonnement de vous mesme en sa tressainte volonté, et toutes les fois que vous treuveres vostre esprit hors de la, ramenes l'y doucement, sans faire pour cela des actes sensibles de l'entendement, ni de la volonté; car cet amour simple de confiance et cette remise et repos de vostre esprit dans le sein paternel de Nostre Seigneur et de sa Providence, comprend excellemment tout ce que l'on peut desirer pour s'unir a Dieu.

  A026001780 

 Quand vous appercevres que quelque soin ou desir naistra en vous, remettes le en Dieu, ne voulant seulement que luy et l'accomplissement de sa sainte volonté, luy laissant le soin de tout le reste..

  A026001782 

 Mon ame, mon esprit vous benit de toute son affection, et Jesus soit Celuy qui face de vous, par vous et pour luy sa tres adorable volonté.

  A026001789 

 Devant disner, devant souper et le soir s'allant coucher, examines si, selon vos actions du tems precedent, vous pouves dire sincerement: Je vis moy, mays non pas moy, ains Jesuschrist vit en moy..

  A026001789 

 Je respons au nom de Nostre Seigneur et de Nostre Dame: Quil sera bon, ma tres chere Fille, que toutes les annees vous facies le renouvellement proposé, et que vous rafraichissies le parfait abandonnement de vous mesme entre les mains de Dieu.

  A026001789 

 Pour cela, je ne vous espargneray point, et vous vous retrancherés des paroles superflues qui regardent l'amour, quoy que juste, de toutes les creatures, notamment des parens, mayson, païs, et sur tout du Pere; et, tant quil se pourra, des longues pensees de toutes ces choses-lâ, sinon es occasions esquelles le devoir oblige d'ordonner ou procurer les affaires requises; affin de parfaitement prattiquer cette parole: Oy, ma Fille, et entens, et panche ton oreille; oublie ton peuple et la mayson de ton pere.

  A026001792 

 Ouy, vous deves tout oublier ce qui n'est pas de Dieu [280] et pour Dieu, et demeurer totalement en paix sous la conduite de Dieu..

  A026001794 

 Vous me direz: Pourquoi sortez-vous donc de là? O Dieu, c'est mon malheur et malgré moi; car l'expérience m'a appris que cela est fort nuisible.

  A026001795 

 Puysque Nostre Seigneur, des il y a si long tems, vous a tiree a cette sorte d'orayson, vous ayant fait gouster les fruitz tant desirables qui en proviennent et connoistre les nuysances de la methode contraire, demeures ferme et, avec la plus grande douceur que vous pourres, ramenes vostre esprit a cette unité et simplicité de presence et abandonnement en Dieu.

  A026001796 

 Mon cher esprit, pourquoy voules vous prattiquer la partie de Marthe en l'orayson, puisque Dieu vous fait entendre quil veut que vous exercies celle de Marie? Je vous commande donques, que simplement vous demeuries ou en Dieu ou pres de Dieu, sans vous essayer d'y rien faire et sans vous enquerir de luy de chose quelconque, sinon a mesure quil vous excitera.

  A026001796 

 Ne retournes nullement sur vous mesme, ains soyes la pres de luy..

  A026001798 

 Je retourne donc à demander à mon très cher Père si l'âme étant ainsi remise ne doit pas demeurer toute reposée en son Dieu, lui [281] laissant le soin de tout ce qui la regarde tant intérieurement qu'extérieurement, et demeurant, comme vous dites, dans sa providence et volonté, sans soin, sans attention, sans élection, sans désir quelconque, sinon que Notre-Seigneur fasse en elle, d'elle et par elle sa très sainte volonté, sans aucun empêchement ni résistance de sa part.

  A026001798 

 O Dieu, qui me donnera cette grâce que seule je vous demande, sinon vous, bon Jésus, par les prières de votre Serviteur..

  A026001799 

 Dieu vous soit propice, ma treschere Fille.

  A026001811 

 Ouy, il est bon de ne s'attacher a rien tant qu'aux Regles; de sorte que sil ny a quelque signalee occasion, alles ou la Regie vous tire et la rendes plus forte que tous ces menus attraitz..

  A026001820 

 Faites le et vous vivres.

  A026001824 

 Le livre de l' Amour de Dieu, ma chere Fille, est fait particulierement pour vous; c'est pourquoy vous pouves, ains deves avec amour, prattiquer les enseignemens que vous y aves trouvé..

  A026001838 

 J'ay jugé qu'il vous seroit extremement utile de tascher de tenir vostre ame en paix et en tranquillité; et pour cela, il faut que le matin en vous levant vous commencies cet exercice, faisant vos actions tout doucement, pensant a ce que vous aves a faire dans l'exercice du matin, prenant garde de ne point laisser espancher vostre esprit le long de la journee.

  A026001838 

 Observes tous-jours si vous estes en cet estat de tranquillité, et si tost que vous vous en treuveres dehors, ayes un grand soin de vous y remettre, et cela sans discours ni effort..

  A026001839 

 Et quand il vous arrivera de faire des fautes, quelles qu'elles soyent, demandes en pardon tout doucement a Nostre Seigneur, en luy disant que vous estes bien asseuree qu'il vous ayme bien et qu'il vous pardonnera; et cela tous-jours simplement et doucement.

  A026001839 

 Je ne veux pas dire pourtant que vous vous bandies continuellement l'esprit pour vous tenir en cette paix; car il faut que tout cecy se fasse avec une simplicité de cœur tout amoureuse, vous tenant aupres de Nostre Seigneur comme un petit enfant aupres de son pere.

  A026001840 

 Cecy doit estre vostre exercice continuel; car cette simplicité de cœur vous empeschera de penser distinctement (car nous ne sommes pas maistres de nos pensees, pour n'en avoir que celles que nous voulons) qu'a ce que vous aures a faire et a ce qui vous est marqué, sans espancher vostre ame ni a vouloir, ni a desirer autre chose; et fera que toutes ces pretentions de plaire et ces craintes de desplaire a nostre Mere, s'esvanouiront, reservant le seul desir de plaire a Dieu, qui est et sera l'unique objet de nostre ame..

  A026001841 

 Et si bien vostre partie inferieure s'esmeut et se trouble, ne vous en mettes pas en peyne, taschant a garder la paix emmi la guerre; car peut estre ne sera-il jamais en vostre pouvoir de n'avoir pas du sentiment estant reprise.

  A026001841 

 Lhors qu'il vous arrivera de faire quelque chose qui pourroit fascher ou mal edifier les Seurs, si c'estoit chose d'une grande importance, excuses vous, en disant que vous n'aves pas eu mauvaise intention, s'il est vray; mais si c'est chose legere et qui ne tire point de consequence, ne vous excuses point: observant tous-jours de faire cela avec douceur et tranquillité d'esprit, comme aussi de recevoir les advertissemens.

  A026001841 

 Mais vous sçaves tres bien que les sentimens, non plus que toute autre tentation, ne nous rendent pas moins aggreables a Dieu, pourveu que nous n'y consentions pas..

  A026001842 

 Que s'ilz vous importunent trop, il faut se mocquer de tout cela, comme seroit de leur faire la moue, et cela par un simple regard de la partie superieure; apres quoy il n'y faut plus penser, quoy qu'ilz veuillent dire..

  A026001842 

 Vous vous trompes en croyant que vous devries faire des actes vifz pour vous desfaire de ces sentimens et troubles de la partie inferieure; c'est au contraire, il n'en faut faire nul estat, mais passer simplement chemin, sans les regarder seulement.

  A026001843 

 Et tout de mesme en est il des pensees de jalousie ou d'envie, et mesme de ces attendrissemens que vous aves sur vos commodités corporelles, et semblables tricheries qui vont ordinairement roulant autour de nos espritz, retranchant a vostre ame tout autre soin que celuy de se tenir en paix et en tranquillité.

  A026001843 

 Je dis mesme celuy de vostre propre perfection; car je remarque que ce trop grand soin [286] de vous perfectionner vous nuit beaucoup, d'autant que des qu'il vous arrive de faire des fautes, vous vous en inquietes, parce qu'il vous semble que c'est tous-jours contre la pretention que vous aves de vous amender.

  A026001843 

 Tout de mesme, si l'on vous monstre quelque defaut en vous, vous entres en descouragement..

  A026001844 

 Et tout cecy, il ne le faut plus faire, ains vous affermir a cela, de ne point vous laisser troubler pour quoy que ce soit.

  A026001844 

 Que si neanmoins il vous arrive de le faire, nonobstant vostre resolution, ne vous fasches pas pourtant, ains remettes vous en tranquillité tout aussi tost que vous vous en appercevres, et tous-jours de la mesme façon que je vous ay dit, tout simplement, sans effortz ni secousse d'esprit..

  A026001845 

 Faites tout bonnement et tout simplement ce que vous pourres, sans vous mettre en peyne d'autre chose..

  A026001845 

 Il est vray pourtant que, si vous vous y rendes fidele, Nostre Seigneur benira vostre travail.

  A026001845 

 Il vous sera difficile, d'autant que vous aves l'esprit vif, et qu'il s'arreste et s'amuse a chaque objet qu'il rencontre; mais la difficulté ne vous doit pas faire entrer en descouragement, pensant de ne pouvoir parvenir au but de vostre pretention.

  A026001845 

 Sa Bonté vous attire a cet exercice, c'est une chose tout asseuree: c'est pourquoy vous estes grandement obligee a vous y rendre fidele, pour correspondre a sa volonté.

  A026001846 

 Et tout de mesme, quand vous arrestes quelque chose qui ne sera bien pris selon vostre intention: passes outre, pensant a ce que vous aves a faire.

  A026001846 

 Regardes Nostre Seigneur, et tasches d'aller au Dieu de toutes choses, multipliant le plus que vous pourres les oraysons jaculatoires, les veuës interieures, les retours, les eslans fervens de vostre esprit en Dieu, et je vous asseure que cecy vous sera fort utile..

  A026001847 

 Dieu vous veut toute et sans aucune reserve, et toute fine nue et despouillee; c'est pourquoy il faut que vous ayes grand soin de vous desfaire de vostre propre volonté, car il n'y a que cela seul qui vous nuise, d'autant que vous l'aves tous-jours extremement forte, et vous estes fort attachee a vouloir ce que vous voules.

  A026001848 

 Embrasses donq bien fidelement cet exercice, puisque je vous le dis avec la charité de Dieu et la connoissance que j'ay de vostre necessité, qui est que vous regardies la providence de Dieu aux contradictions qui vous seront faites, Dieu les permettant affin de vous destacher de toutes choses, pour vous mieux serrer a sa Bonté et unir a luy; car je sçay qu'il veut que vous soyes sienne, mais d'une façon toute particuliere..

  A026001849 

 Et quand vous sentires que la confiance vous manque pour recourir a Nostre Seigneur, a cause de la multitude de vos imperfections, faites alhors joüer la partie superieure de vostre ame, disant des paroles de confiance et d'amour a Nostre Seigneur, avec le plus de ferveur et le plus frequemment qu'il se pourra..

  A026001849 

 Rendes vous donq bien indifferente, si on vous accordera ou non ce que vous demanderes, et ne laisses pas de demander tous-jours avec confiance; et demeures en l'indifference d'avoir des biens spirituelz ou non.

  A026001850 

 Ayes un grand soin de ne vous point troubler lhors que vous aures fait quelque faute, ni de vous laisser aller a des attendrissemens sur vous mesme, car tout cela ne vient que d'orgueil; mais humilies-vous promptement devant Dieu, et que ce soit d'une humilité douce et amoureuse, qui vous porte a la confiance de recourir soudain a sa Bonté, vous asseurant qu'elle vous aydera pour vous amender..

  A026001851 

 Faites le donq, et pour cela tasches a fort aymer vostre propre abjection, laquelle vous empeschera de vous troubler de vos defautz..

  A026001851 

 Je ne veux plus que vous soyes si tendre, ains que, comme une fille forte, vous servies Dieu avec un grand courage, ne regardant que luy seul; et partant, quand ces pensees, si l'on vous ayme ou non, vous arrivent, ne les regardes pas seulement, vous asseurant que l'on vous aymera tous-jours autant que Dieu le voudra, et que cela vous suffise.

  A026001851 

 Que la volonté de Dieu s'accomplisse en vous, qui estes obligee d'une obligation particuliere de vous perfectionner; car Dieu veut se servir de vous.

  A026001852 

 Occupes-vous a dire a Nostre Seigneur que vous en voules avoir, et que vous ne consentires jamais a ce que le chagrin vous suggere.

  A026001852 

 Prenes soin de tenir vostre esprit en paix et occupé des choses hautes, le tirant fidelement de l'attention que vous faites sur vous mesme, principalement quand vous aves [288] du chagrin et que vous n'aves point de courage.

  A026001852 

 Vous feries encores mieux de vous divertir, faysant accroire a vostre esprit qu'il n'en a point, n'en faysant non plus d'estat que si vous ne senties point l'effort de cette passion..

  A026001853 

 Et quand vous seres reprise ou corrigee de quelque chose, essayes-vous tout doucement d'aymer la correction; et ne vous fasches pas si la partie inferieure s'esmeut, mais faites regner la partie superieure, affin que vous fassies ce que l'on veut de vous en cette occasion..

  A026001853 

 Ne vous estonnes point des mauvais sentimens que vous aves, pour grans qu'ilz soyent; mais ayes soin en ce tems-la de multiplier les oraysons jaculatoires et retours de vostre esprit en Dieu; et comme vous aves une grande necessité de la douceur et de l'humilité, prenes soin de mettre fort souvent emmi la journee vostre cœur en la posture d'une humble douceur.

  A026001853 

 Plus vous vous sentes pauvre et destituee de toutes sortes de vertus, ayes de plus grandes pretentions de bien faire.

  A026001854 

 Ne soyes point tant amie de vostre paix que, quand on vous l'ostera par quelque commandement, ou correction, ou contradiction, vous en demeuries troublee; car cette paix qui ne veut point estre agitee est recherchee par l'amour propre..

  A026001855 

 Consideres donq souvent quel desplaysir ce vous sera et ce vous doit estre, de voir que vous manques de correspondance a la volonté de Dieu, puisqu'il a laissé a vostre pouvoir d'acquerir cela, qui doit perfectionner et accomplir vostre talent..

  A026001855 

 Or, maintenant je vous dis que vous ayes un soin tres particulier de vous rendre esgale en vos humeurs, sans jamais laisser paroistre en vostre exterieur aucun changement.

  A026001855 

 Quelle apparence y a il de monstrer ainsy vos imperfections, puisque cela empesche que Dieu ne soit servi de vous ainsy qu'il le desire? Cette esgalité de vostre maintien exterieur manque a l'accomplissement des talens que Dieu vous a donnés.

  A026001857 

 Aneantisses vous en la connoissance de vostre petitesse; mais soudain apres, releves vostre esprit pour considerer ce que Dieu veut de vous..

  A026001857 

 Approfondisses-vous fort souvent en l'abisme de vostre neant devant Nostre Seigneur et devant Nostre Dame.

  A026001857 

 Mais ressouvenes vous de ce que j'ay dit en l'Entretien de l'Humilité; et toutes fois et quantes qu'elle ne produit pas ce fruit, elle est suspecte et indubitablement fause.

  A026001857 

 Ne doutes point qu'ayant acquis cette vertu, vous n'ayes quant et quant toutes celles dont vous aves necessité.

  A026001857 

 Vous deves avoir un tres grand soin de vous pencher toute du coste de l'humilité, puisque vous aves une si grande inclination a l'orgueil et a la propre estime.

  A026001884 

 Soyes grandement prompte a l'obeyssance et simple a tout ce qu'on vous commandera, sans regarder a la personne, ni les choses, pour voir si elles sont a propos ou non..

  A026001885 

 Si vous voules avancer au chemin de la vertu, ne regardes pas au visage de ceux qui vous commandent, parce que si vous les consideres il vous arrivera tous-jours de la difficulté a obeir et sousmettre plustost a cette Superieure qu'a une autre, si elle estoit en charge.

  A026001886 

 Il ne luy dit point le chemin qu'il tiendra, ni Abraham ne luy dit point: Seigneur, de quel costé vous plaist il que je sorte? Si vous ne me dites par quelle porte je dois sortir, je ne sçay pas ou aller.

  A026001887 

 Quand vous auries la plus mauvaise Superieure du monde et qu'elle vous auroit craché au nez, il ne faudroit jamais entrer en descouragement ni en desfiance, mais luy ouvrir tout vostre cœur en simplicité; je dis tous-jours selon la partie superieure.

  A026001888 

 J'ay bien envie de vous arracher cela du cœur, car on vous aymera tous-jours autant que Dieu voudra, et Dieu le voudra tous-jours et ainsy vous seres aymee.

  A026001888 

 Je ne veux point que vous soyes attachee a moy, ni a nostre Mere, ni a chose du monde.

  A026001888 

 O je vous prie, ne vous attaches point tant aux Superieures.

  A026001889 

 Dites avec l'Apostre: Seigneur, que vous plaist il que je face? Mais saint Bernard dit qu'il y a des Religieux a qui il faut dire: Que vous plaist il de faire? O ma chere Fille, ne soyes point ainsy enfant..

  A026001892 

 Il faut tous-jours penser que les Superieures considerent bien les choses avant que de les dire; ainsy, laisses vous gouverner a elles comme un petit enfant..

  A026001893 

 S'il vous arrive du proffit quand vous rendes conte, de dire que c'est moy qui vous ay enseigné cet exercice, dites le affin qu'on vous le laisse continuer; mais si elles vous disent que vous facies autrement, quittes tout et faites simplement ce qu'elles vous diront, encor que vous ayes de la repugnance tant a quitter qu'a faire autrement que je vous ay dit.

  A026001895 

 Si on vous fait la mine, il ne la faut pas faire; saint Paul dit qu'il faut rendre bien pour mal..

  A026001898 

 Nostre Seigneur qui se voyant Dieu, et partant ne voyant aucune chose en soy pour s'humilier, a voulu neanmoins s'humilier et a dit: Apprenes de moy que je suis doux et humble de cœur et vous treuveres le repos en vos ames.

  A026001899 

 Mais je vous dis, d'une humilité vraye et solide, qui vous rende souple a la correction, maniable et prompte a l'obeyssance..

  A026001899 

 Vous deves estre bien humble, et vous le seres a cette heure que vostre Pere vous le commande; oh! je vous en prie.

  A026001900 

 Allés en paix, ma tres chere Fille, tenes vous humble devant Dieu.

  A026001900 

 Que vos imperfections vous servent a cela et ne vous facent entrer en nul descouragement; nous sommes en bon chemin, par la grace de Dieu.

  A026001905 

 Quand vous aures fait des fautes contre la douceur, humilies vous; et quand vous aures fait des fautes contre l'humilité, adoucisses vous et faites comme je vous ay dit: alles tous-jours de l'humilité a la douceur, et de la douceur a l'humilité..

  A026001909 

 Je vous en dis de mesme, ma tres chere Fille, soyes grandement douce et humble, ayes tous-jours ces cheres vertus en la bouche et au cœur.

  A026001909 

 Que ces vertus reluisent en vous, en toutes vos actions, en toutes vos paroles, en vos yeux, en tout vostre maintien.

  A026001909 

 Rendes vous amiable, puis aymable; tasches d'estre gratieuse et affable, cordiale et communicative.

  A026001910 

 Je vous recommande l'affabilité, que vous sçavés qui se prattique avec ceux a qui on parle; se rendre joyeuse avec ceux qui le sont, pleine de compassion avec les affligés, s'accommodant a la façon des autres, a leurs humeurs, faire comme saint Paul: se rendre tout a tous pour les gaigner tous..

  A026001911 

 Toutes les fois que vous treuveres vostre cœur hors de la douceur, ne faites que le prendre avec le bout du doigt, et non a plein poing, comme l'on dit, ni brusquement.

  A026001912 

 Tasches d'acquerir la sainte tranquillité exterieure et interieure en toutes vos actions et vous formés selon cela; [296] et quand on ne sçait plus que faire a son esprit, qui est piqué et troublé, il se faut divertir.

  A026001914 

 Selon les occasions, retires vous en vous mesme, par des retours de vostre esprit en Dieu; il ne faut pas que vous soyes trop retiree, car ce n'est point vostre humeur..

  A026001914 

 Soyes la plus suave qu'il vous sera possible, et plus que toutes les autres.

  A026001918 

 Ayes un grand soin de simplifier vostre esprit de toutes ses superfluités, et quand elles se presentent, ne faites que tout simplement les oster, retournant vostre cœur vers Nostre Seigneur sans les regarder; et vous employes de bon cœur a ce travail pour l'amour de Dieu, pour en acquerir la couronne.

  A026001918 

 Si vous faites ainsy, vous aures un jour la simplicité, grace a Dieu..

  A026001919 

 Alles ainsy simplement quand vous descouvres vostre cœur, sans reflexion.

  A026001919 

 Il faut [297] estre une colombe, parce que Nostre Seigneur est colombin, et n'avoir rien a cœur que luy et l'affection de luy plaire, et estre tant simplifiee que vous puissies dire en verité: Je ne pense a rien, hors ce a quoy je suis obligee de penser.

  A026001919 

 N'amuses point vostre esprit a ce qui se passe autour de vous.

  A026001920 

 Specialement a l'orayson, je veux que vous y soyes comme une statue dans sa niche, sans rien vouloir que plaire a vostre Espoux.

  A026001920 

 — Pourquoy demeures vous en cette niche, o statue? — Parce que mon Espoux m'y a mise; je ne veux rien que cela..

  A026001921 

 Donnes vous toute a luy, laisses luy tout faire en vous; remettes luy vostre reputation et propre estime.

  A026001921 

 Laisses luy tout le soin de vous et n'ayes soin ni souci que de plaire a vostre Espoux, et demeures en la niche sans rien vouloir..

  A026001921 

 S'il veut que l'on vous ayme et estime, il le permettra bien; s'il veut que l'on vous humilie, de mesme.

  A026001924 

 Je ne veux point que vous soyes attachee a moy ni a nostre Mere..

  A026001924 

 Je veux bien que vous m'aymies et croyies que je vous ayme bien; mais je veux que l'amitié que vous me portes ne nuise point a la perfection et union de vostre esprit avec Dieu, ains qu'elle vous serve pour vous y unir davantage.

  A026001924 

 Je vous donne pour cette annee la vertu de generosité pour prattique particuliere.

  A026001924 

 Vous l'entreprendres courageusement et suavement, non point violemment ni rudement.

  A026001924 

 Vous prattiqueres la douceur et humilité avec generosité, car il faut tous-jours ces deux vertus, sans jamais les quitter.

  A026001926 

 O ma, chere Fille, je desire que vous ayes un cœur large et grand au chemin de Nostre Seigneur, mais je veux aussi tous-jours qu'il soit doux..

  A026001927 

 Je n'attens pas de vous que vous n'ayes point de sentimens; ouy bien que vous les combatties, vainquies et surmonties avec douceur et patience..

  A026001927 

 Je vous dis comme je voudrois faire et comme je veux que vous facies.

  A026001928 

 Quand vous n'aures pas de croix, demeures tranquille; Nostre Seigneur vous en envoyera bien quand il luy plaira..

  A026001931 

 Demandes conseil a Nostre Seigneur de ce que vous devres dire, avant de parler, et a vostre partie superieure aussi, affin de ne rien dire qui offense Dieu ni les creatures.

  A026001932 

 Et pour vous oster la crainte que vous ne faites pas ce que vous leur dites, pensés que vous leur parles comme messagere et envoyee de la part de Dieu; et quand il vous vient de prendre de la vanité de ce que vous leur dites, penses en vous mesme que ce que vous dites n'est pas de vous, mais de Dieu, et vous humilies..

  A026001932 

 Il se faut rendre gratieuse et affable a chacune, et satisfaire aussi les seculiers le plus doucement et courtement qu'il se peut; si vous ne pouves courtement, escoutes les avec patience et cordialité, les divertissant de leurs propos inutiles le plus doucement qu'il sera possible, et les caressés affablement.

  A026001933 

 Ou si l'on vous commande quelque chose, adjoustes y ce mot: que vous le feres avec la grace de Dieu; ou bien: s'il plaist a Dieu.

  A026001933 

 Quand vous aures fait quelque bien ou resiste a des tentations n'y faysant point de fautes, dites tous-jours: J'ay fait cela par la grace de Dieu.

  A026001934 

 Quand vous envoyeres ou recevres des commissions de quelqu'un, il faut ainsy parler de Nostre Seigneur, et dire a ceux qui vous les font: Je vous prie de remercier N. de ma part, du souvenir qu'il a de moy; asseures le ou asseures la (selon la personne) que je prieray Nostre Seigneur pour elle, affm qu'il luy continue tous-jours ses saintes graces; et choses semblables..

  A026001935 

 Il vous faut mettre quelquefois derriere les autres par humilité; mais pour l'ordinaire, il se faut tenir la ou vous vous treuveres, sans affecter les dernieres places.

  A026001936 

 On vous parlera autant que vous en aures besoin, et qu'il plaira a Dieu nous inspirer.

  A026001936 

 Vous aves un esprit comme ces arbres qui ont tant de branches autour qui les empeschent de croistre: tant de menus desirs empeschent de croistre le plus grand, qui est de plaire a Dieu..

  A026001937 

 Quand vous advertisses les autres de leurs defautz il se [300] faut premierement accuser soy mesme dans son cœur, et puis faire la charité pour l'amour de Dieu.

  A026001937 

 Vous en pouves faire de mesme, disant: Les Constitutions disent telle chose.

  A026001938 

 Et quand vous dites les vostres, il faut desirer que les autres pensent que vous estes telle que vous vous accuses, et encor pire, pour pratiquer l'humilité..

  A026001938 

 Mais quand vous les escouteres par curiosité, alhors il se faut mortifier et ne les pas ouyr.

  A026001939 

 Vous pourres escrire aux Seurs absentes, parce que cela les console et entretient l'amour les unes envers les autres; quelquefois vous n'escrires point aussi, par humilité et vray mespris de vous mesme.

  A026001940 

 Ne vous estonnes point de ces bouleversemens de cœur et aversions au prochain; pourveu que vous ne les nourrissies pas volontairement il n'y aura point de peché.

  A026001940 

 — Mais vous ne leur parles pas de bon cœur.

  A026001943 

 Ne vous estonnes pas de vos cheutes et imperfections; qu'elles ne vous fassent entrer en aucun descouragement, car cela est contraire a la perfection que nous desirons..

  A026001943 

 Quand on tombe en quelques defautz et imperfections, c'est un remede et moyen tres bon, et qui plaist fort a Dieu [301] et confond le diable, que de s'humilier tout aussi tost devant Dieu et eslever son esprit au Ciel, usant de ces paroles ou autres semblables: O Seigneur, vous voyes combien je suis fragile et miserable, et comme je tombe souvent; pardonnes moy, Seigneur, et donnes moy la grace de ne plus tomber.

  A026001943 

 Si vous aves failli devant les Seurs, il faut reparer le defaut; et si c'est vers une particuliere que vous aves commis la faute, dites ainsy, si c'est un manquement de douceur, [une] replique, tesmoignage de repugnance: « Ma tres chere Seur, je vous demande pardon de ce que je vous ay tesmoigné de la repugnance et manqué de douceur; je vous ay mal edifiee, je vous prie de prier Nostre Seigneur pour moy, affin qu'il me fasse misericorde et la grace de m'amender.

  A026001944 

 En toutes actions, tasches de vous mortifier et crucifier vos passions, inclinations, aversions, avec Nostre Seigneur au mont du Calvaire, affin que vous vivies avec luy en sa gloire.

  A026001945 

 Je me prometz beaucoup de vostre bon cœur, ma chere Fille; ne me trompes pas, car je veux que vous soyes la fille forte de ceans, la plus courageuse, douce et humble [302] de toutes, parce que vous estes nee entre mes bras.

  A026001945 

 N'ayes pas tant de soin de vous mesme et de ce que vous deviendres.

  A026001945 

 Or sus, ma Fille, je vous prie de n'entrer jamais en desfiance de moy, pour me cacher quelque chose de ce qui se passe en vous..

  A026001945 

 Qu'importe que vous soyes tous-jours imparfaitte, pourveu que vous ayes le soin de vous perfectionner en embrassant tous les moyens qui vous seront possibles pour cela, avec fidelité? Laisses faire a Dieu, il vous aydera.

  A026001945 

 Vous sçaves combien mon cœur vous ayme et que, tout a fait et sans reserve, vous vous estes donnee a moy et que nous avons ensemble le cœur: le vostre est a moy et le mien est a vous, tout a fait, et quand vous entendres parler de vostre cœur ce sera du mien.

  A026001946 

 Sçachés que vous satisferes asses pour vos pechés quand vous feres tout ce que vous faites purement pour Dieu et pour luy plaire, sans autre intention; et cela est plus parfait..

  A026001948 

 Vous estes marrie, ma chere Fille, parce que vous faites des fautes: il se faut humilier et demeurer en paix.

  A026001949 

 Qu'on vous accuse a tort? dites la verité; nous devons cela.

  A026001949 

 — C'est la Superieure, et elle vous fait la correction comme si on luy avoit celé quelque chose.

  A026001953 

 Mais il vous semble que vous ne faites rien si vous ne sentes des consolations et satisfactions en ce que vous faites, car nous aymons tant cela! — Oh! je veux que vous soyes plus courageuse, ma chere Fille, et que vous ne soyes attachee a rien, ni aux consolations sensibles de Dieu, ni aux affections des creatures.

  A026001954 

 Hé, quand sera ce que vous pourrés dire avec l'Apostre: Ce n'est plus moy qui vis, mais c'est Jesus Christ qui vit en moy. Il faut que ce soit tout a cette heure que vous soyes superieure de vous mesme et que vous soyes la nouvelle fille de Nostre Seigneur.

  A026001954 

 Vous prattiqueres l'aneantissement en la vie et mort de Nostre Seigneur..

  A026001958 

 Reunisses vous fortement a Nostre Seigneur par le renouvellement [304] de vos vœux, avec le plus de ferveur qu'il vous sera possible; et vous jettes aux pieds de Nostre Dame et la tires par sa robbe, la priant qu'elle vous reçoive en sa protection comme une fille nouvelle, et qu'il luy playse visiter vostre cœur et le parfumer de sa tressainte humilité.

  A026001960 

 Ressembles, si vous pouves, a la robbe de [Joseph], qui tenoit despuis la teste jusqu'aux pieds; c'est a dire, qu'il se faut exercer toute sa vie a la prattique des vertus..

  A026001962 

 Ayant fait vostre reveuë, rejetté et detesté vos imperfections, il reste a faire la fin, qui est de bien mettre en prattique vos resolutions et vouloir des-ormais vivre toute a Dieu et vous appliquer a son amour.

  A026001962 

 Quand nous voyons que nous ne sommes pas si parfaitte que nous voudrions, il se faut humilier devant Dieu et luy dire: Seigneur, vous voyes ce que je suis; je voudrois bien estre plus parfaitte pour mieux vous plaire et aymer..

  A026001962 

 Rendes vous toute abjecte a vos propres yeux: nous en avons bien sujet.

  A026001963 

 Vous estes en la plus heureuse vocation du monde et en la grace de Dieu; si vous fussies demeuree au monde, vous eussies plus pati en un jour que vous ne feres icy en toute vostre vie.

  A026001964 

 Jettes vous a ses pieds et en son giron, demandes luy souvent sa benediction..

  A026001964 

 Unisses vous fort a Dieu, et ne luy demandes rien que son amour et l'union de vostre volonté a la sienne, et dites souventesfois: Vostre volonté soit faite, vostre Nom soit sanctifié, vostre royaume nous advienne.

  A026001965 

 Faites toutes vos actions pour vous rendre aggreable a Dieu; vous n'estes ceans que pour cela et pour vous perfectionner.

  A026001966 

 Il ne s'ensuit pas que vous facies comme elles.

  A026001966 

 Vous prattiqueres cette annee le mespris et rejet de toutes vos pensees inutiles.

  A026001967 

 Je vous la donne cette annee pour prattique..

  A026001970 

 Ne vous mettes point en peyne de ce que les autres diront de vous.

  A026001973 

 Nostre Seigneur vous a aymee de toute eternité et il vous ayme bien, croyes le, je vous en prie..

  A026001973 

 Vous luy estes bien obligee pour tant de graces qu'il vous a faites et fait continuellement.

  A026001974 

 Contentes vous en luy, et vous devries estre contente.

  A026001974 

 Quand il n'y auroit que Dieu et vous au monde, seroit-ce pas asses, sans vouloir tant de creatures et vous amuser a tant de [307] tricheries qui passent par vostre esprit? Resouvenes vous souvent de Dieu par des frequentes aspirations en luy..

  A026001975 

 Faites les toutes comme si Nostre Seigneur vous les ordonnoit et qu'en la presence de son humanité vous les deussies executer.

  A026001979 

 Ne vous estonnes pas si vostre amour n'est pas tendre, tant a l'endroit de Dieu comme a l'endroit des creatures; pour estre fort, il en est meilleur.

  A026001982 

 Laisses vous gouverner de luy, a son gré; encor qu'il ne soit pas selon le vostre, il sera tous-jours bien selon le sien.

  A026001982 

 Rendes vous autour de luy comme un petit enfant.

  A026001988 

 Addresses vous a Nostre Seigneur et luy dittes que vous le voules aymer et que vous estes toute sienne, et pour rien vous ne vous desmentires jamais de le vouloir servir le plus parfaittement qu'il vous sera possible en cette sorte de vie ou il vous a mise luy mesme par sa misericorde..

  A026001988 

 Demeures donq simplement en cette resolution, sans regarder ni a droitte ni a gauche, et quand l'ennemi vous mettra cette tentation au cœur, que vous ne persevereres pas, dites en vous mesme: Si ferons, s'il plaist a Dieu; Celuy qui a commencé l'œuvre la parachevera.

  A026001988 

 Puisque vous aves choisi cette sorte de vie, par la grace de Dieu, ne permettes point a vostre cœur de s'appliquer a d'autres desirs; mais, en benissant Dieu des autres vocations, arrestes vous humblement a celle ci, puisque Dieu vous a fait la grace de vous y appeller.

  A026001989 

 Alles de bon cœur a l'Office, a l'orayson, a la recreation et autres lieux, nonobstant la secheresse et repugnance que vous y aves.

  A026001989 

 Et ainsy pour la sainte Communion: quand il vous viendra des desgoustz, ne laisses pas de communier, mais alles tout simplement et amoureusement recevoir vostre Createur, vous imaginant de le recevoir avec la Sainte Vierge..

  A026001989 

 Soyes bien fidelle a faire tous les exercices de Religion avec le plus de ferveur que vous pourres.

  A026001992 

 Regardes d'ou vient cette aversion, et l'ayant reconneu combattes la; et si cela accroist vostre peyne pour un tems, divertisses vous, parlant a Nostre Seigneur d'autre chose.

  A026001993 

 Et que vous doit il importer d'en avoir ou non, pourveu que vous ne les suivies et que vous ne les nourrissies pas volontairement? Il n'est pas en nostre pouvoir de n'avoir point de tentations et sentimens, mais ouy bien de n'y point consentir et y faire des fautes en suite.

  A026001993 

 Nostre Seigneur veut que vous porties sa Croix et permet que vous soyes tentee pour vous esprouver et faire meriter, parce qu'il vous ayme; mais il veut aussi que vous soyes fidele a ne point suivre vos sentimens et inclinations..

  A026001994 

 Je vous diray, ma tres chere Fille, une chose que vous diries bien a une autre: c'est que ou il y a plus de repugnance, Nostre Seigneur veut que nous prattiquions plus de grandes vertus, car la vertu ne s'acquiert que par son contraire.

  A026001995 

 Et ne feres vous pas bien ce que je vous diray? [311].

  A026001995 

 Je vous dis ce que je dois et que vous estes obligee de faire pour parvenir a la perfection, comme toutes les Filles de Sainte Marie pretendent, et faire tout pour cela.

  A026001995 

 Je vous dis, ma chere Fille, j'ay un desir tout particulier pour vostre avancement, parce que Dieu le veut, et vous a donné beaucoup de moyens pour cela.

  A026001996 

 Il faut beaucoup aymer le prochain avec tendresse, specialement celles [envers] qui vous aves plus de repugnances.

  A026001996 

 Ma chere Fille et partiale, je vous prie, ne faites rien a cette Seur qui puisse luy faire connoistre que vous luy aves de l'aversion; au contraire, soyes ayse de luy rendre des services.

  A026001996 

 Ne perdes pas ces occasions que vous aves de vous avancer en l'amour de Dieu..

  A026001997 

 Je veux que les autres connoissent que vous vous surmontes.

  A026001997 

 N'avertisses point les Seurs quand vous leur aves de l'aversion..

  A026002000 

 Ne sçaves vous pas que le throsne de sa misericorde c'est nostre misere?.

  A026002000 

 Quand vous seres assaillie de la melancolie, divertisses vous tant que vous pourres; parles, chantes, recrees vous avec les autres.

  A026002000 

 — Mais vous ne dites rien qui vaille, ce vous semble.

  A026002001 

 En ce tems la, parles a Nostre Seigneur d'autres choses, le plus doucement, gratieusement et humblement que vous pourres..

  A026002001 

 Mais sur tout, ma chere Fille, ne vous estonnes point de tout ceci et parles a Nostre Seigneur d'autre chose que de ce que vous sentes en vostre cœur; car cela aggrandiroit vostre mal.

  A026002001 

 Ne laisses pas un brin de vos exercices, pour tout ce que la tentation vous dira de contraire: il les faut redoubler, j'entens au moins les oraysons jaculatoires, et les faire avec ferveur, et tout le reste des exercices autant qu'il vous sera possible, en despit de vostre degoust.

  A026002001 

 Parles luy d'amour, jettes vous entre ses bras comme un petit enfant entre les bras de sa mere; dites luy que vous voules estre toute sienne, car il est tous-jours en nostre pouvoir de dire cela, et VTVE JESUS, et chose semblable.

  A026002001 

 Vous luy en parleres une autre foys, quand le mal sera passé.

  A026002001 

 — Il vous semble que vous ne pouves pas.

  A026002001 

 — Si fait, mais c'est que vous ne le voules pas, parce que vous y aves de la peyne et que vous n'y aves point de satisfaction.

  A026002003 

 Et ne sçaves vous pas Jesus Christ crucifié? vous sçaves bien cela, c'est asses; vous sçaves plus que vous ne faites.

  A026002003 

 Pour vos tentations, c'est vostre chemin, ne vous en mettes point en peyne; tasches seulement de ne point faire de fautes en leur faveur.

  A026002004 

 Nos saintz Peres ont eu des sentimens; vous n'estes pas plus qu'eux..

  A026002004 

 Vous aves plus de peyne a vaincre vos passions parce qu'elles sont fortes, mais la vertu en sera plus excellente et Nostre Seigneur vous en sçaura plus de gré.

  A026002007 

 Et tous-jours, quand vous treuveres vostre esprit distrait, remettes vous doucement en une sainte attention que vous dites les louanges de Dieu avec Nostre Dame, et penses a elle, joignant vos prieres aux siennes pour les presenter a son Filz..

  A026002007 

 Pour l'Office, prepares vous avant que d'y aller, ou bien en y allant, et dites: Je psalmodieray les louanges de Dieu en la face des Anges; ou bien [pensez] que vous alles avec Nostre Dame chanter les louanges de Nostre Seigneur.

  A026002008 

 Conserves bien les affections que Dieu vous donnera pour les mettre en prattique..

  A026002008 

 Faites tout ce que vous pourres pour vous empescher de dormir, pour la reverence du Tres Saint Sacrement, des reliques de l'autel et de l'office que vous faites a Nostre Seigneur avec les Anges.

  A026002008 

 Il ne faut point penser a ses charges ni a ce que nous ferons apres, quand l'Office sera dit; vous y penseres quand vous seres sortie du chœur.

  A026002008 

 Ne vous laisses aller a rire et faire des impertinences.

  A026002008 

 Tenes vous en reverence devant Dieu, faites des retours de vostre cœur a Nostre Seigneur quand l'autre chœur respond, et dites du vostre avec attention.

  A026002009 

 Quand la cloche sonne, penses que Nostre Seigneur vous dit: Ma fille, viens chanter mes louanges..

  A026002010 

 Ne laisses pas de dire vos pensees a la Superieure; encor qu'elle vous mortifiera et fera la mine, il faut croire qu'elle [314] dit la verité et que vous vous trompes.

  A026002013 

 Vous estes obligee de vous perfectionner..

  A026002017 

 Prenes soigneusement un point et vous mettes [315] en la presence de Dieu avec le plus d'humilité qu'il vous sera possible; tasches de faire vos considerations, si vous pouves, et si Nostre Seigneur vous tire et empesche par son attrait et inspiration de faire des considerations pour vostre amendement, ne les faites pas, vous les feres apres l'orayson si vous pouves; mais laisses aller vostre ame aux affections ou Dieu l'attire, sans vous rechercher ni regarder ce qui se passe en vous, mais soyes fidele a suivre l'attrait de Dieu..

  A026002018 

 Exerces-vous fidelement a l'orayson et Dieu vous y fera beaucoup de graces.

  A026002018 

 Il faut estre grandement pure; puisque Nostre Seigneur vous fait ce don, il ne vous le donne pas pour vos beaux yeux, mais affin que vous le servies mieux et le prochain aussi.

  A026002019 

 Ne laissés pourtant de la faire quand vous pourres et en aures la devotion, car l'ennemi pourroit bien donner ces pesanteurs affin de vous divertir de cet exercice.

  A026002019 

 Quand on ne peut pas faire des considerations par secheresse, il faut faire ses resolutions et affections selon la partie superieure, sans se desgouster ni quitter l'orayson; mais quand il vient des pesanteurs, sur tout aux oraysons extraordinaires, vous vous pouves bien un peu divertir, comme pendant la lecture et autres qui ne sont pas d'obligation.

  A026002020 

 Alles tout doucement avec Nostre Seigneur, et pendant qu'il vous fait la grace de jouir de sa sainte presence et vous donner de ses consolations et lumieres, il se faut bien garder de s'en divertir par une fause humilité.

  A026002020 

 C'est comme si un seigneur vous appelloit pour vous parler, et que vous n'y voulussies pas aller et que vous dissies: J'ayme mieux parler a ses valetz.

  A026002020 

 Ne faites pas cela; gardés vous de le plus faire, car c'est resister au Saint Esprit et luy faire la loy et vouloir se gouverner soy mesme.

  A026002021 

 Ne vous en desgoustes jamais, pour secheresse que vous y ayes.

  A026002021 

 Que vostre principal exercice soit de vous tenir tous-jours aupres de Nostre Seigneur, mais tranquillement; et ne laisses pas plus dissiper vostre esprit hors de l'orayson qu'en l'orayson, et soyes telle hors d'icelle comme vous voudries estre en la faysant.

  A026002034 

 Aux peynes d'esprit et de cors que vous endures, consoles vous, considerant cinq choses: [318].

  A026002037 

 La troisiesme, que Dieu est la present qui contemple si en l'occasion qu'il vous donne de prattiquer la vertu, vous prattiqueres la bonne resolution qu'aves prise de ne le jamais quitter ni offenser..

  A026002038 

 La quatriesme, que la sainte humanité du Filz de Dieu a bien plus enduré, plus innocemment et plus injustement que vous; encourages vous donq par son exemple a patir, et vous res-jouisses d'avoir ce moyen de l'imiter en cela..

  A026002039 

 La cinquiesme, que tous les maux que l'on vous fait sont autant de couronnes au Ciel, si vous les supportes; si bien que ceux qui sont vos malfaicteurs soyent vos bienfacteurs..

  A026002043 

 Se tenir pour la moindre de toutes et vous res-jouir quand l'on vous tient pour telle.

  A026002121 

 Obeyr soigneusement, sans rien oublier; promptement, sans delay ni remise; simplement, sans discours ni raysons; fidellement, rien prendre pour vous en vos obeyssances; franchement, sans contrainte ni chagrin; amoureusement et non point pesamment, maussadement et a contre cœur..

  A026002150 

 Ne cesser « jamais de crier a Dieu: Tires moy » a vous! ni « d'esperer et de se promettre de courir » apres luy, nonobstant les sentimens de nos imbecillités..

  A026002153 

 Ne point vous inquieter ni troubler pour voir l'advancement des autres.

  A026002175 

 C'est que Dieu a establi les Superieures comme ses lieutenantes en terre, affin que nous leur obeyssions comme a luy mesme, et tient estre fait a luy ce qui est fait aux Superieures, comme il le tesmoigne par ces parolles: Celuy qui vous obeit m'obeit, et celuy qui vous mesprise me mesprise..

  A026002176 

 C'est que Dieu ne permettra jamais que vous perissies tandis que vous obeyres fidellement vous confiant en luy; car si Dieu vous a mise sous une Superieure affin que vous luy obeyssies, croyes qu'il vous protegera de sa providence divine pour parvenir a vostre derniere fin, qui est vostre perfection..

  A026002177 

 Nostre Seigneur priant au Jardin des Olives dit a son Pere: Que vostre volonté soit faite et non la mienne; Qu'il soit fait ce que vous voules et non ce que je veux; comme [ vous ] voules et non comme je veux.

  A026002180 

 Si vous aves esté bien preparee; si vous aves donné entree a quelque pensee impertinente ou infructueuse..

  A026002181 

 Si vous vous estes laissé aller au sommeil ou a la pesanteur de cors et d'esprit..

  A026002182 

 Si vous vous estes trop laissé aller aux speculations de l'entendement et considerations..

  A026002183 

 Si vous aves esté lasche; si vous n'aves tasche de mouvoir l'affection et la volonté..

  A026002184 

 Si vous aves eu autre intention que de chercher le bon playsir de Dieu..

  A026002185 

 Si vous aves eu de la curiosité en l'intelligence; si vous aves eu de la propre volonté en l'affection; si vous aves eu de la propre complaysance en la consideration..

  A026002186 

 Si vous aves eu de la negligence a correspondre a la grace..

  A026002205 

 1. Prosterné a genoux et profondement humilié devant Dieu, vous adorerés sa souveraine et infinie bonté..

  A026002206 

 Et sur cette veritable pensee, vous unirés vostre volonté a celle de ce tres doux et misericordieux Pere celeste, par telles ou semblables parolles cordiales: O tres douce volonté de mon Dieu, qu'a jamais soyés vous faitte! O dessein æternel de la volonté de mon Dieu, je vous adore, et vous consacre et dedie ma volonté pour vouloir a jamais æternellement ce que æternellement vous aves voulu! Que je fasse donc aujourdhuy et tousjours et en toutes choses vostre divine volonté, o mon doux Createur! Ouy, Pere celeste, car tel fust vostre bon plaisir de toutte seternité, ainsy soit il.

  A026002206 

 O Bonté divine, comme vous l'aves voulu.

  A026002206 

 Vous jetteres attentivement la pensee sur la tres douce [330] volonté de Dieu, laquelle, de toutte eternité, vous nomma par vostre nom et fit dessein de vous sauver, vous destinant entre autres choses ce jour present, affin qu'en icelluy vous fissiés les euvres de vie et de salut, croyant ce quil dit par le Prophete: Je t'ay aymé d'une charité æternelle; a cette cause je t'ay attiré, ayant pitié de toy.

  A026002208 

 Vous feres donc ainsi une vive et puissante union amoureuse de vostre volonté a celle de Dieu; puis, parmi toutes les actions de la journee, soit spirituelles, soit corporelles, vous feres de frequentes reunions, c'est a dire, vous renouvellerés et confirmeres l'union faitte le matin, jettant un simple regard interieur sur la divine Bonté et disant par maniere d'acquiescement:.

  A026002209 

 Ou bien, sans dire autre chose, vous feres le signe de la Croix, ou baiserés celle que vous portés ou quelque image; car tout cela voudra dire que vous voulés souverainement la providence de Dieu, que vous l'adores et aymés, que vous l'acceptés et embrassés de tout vostre cœur, et que vous unisses inseparablement vostre volonté a cette volonté supreme.

  A026002209 

 Ouy, Seigneur, je le veux; o mon Dieu, a jamais, a jamais, o volonté divine! Ou bien vous ne dirés sinon simplement: Ouy, Seigneur; tousjours, Seigneur, mon Pere; je confirme, o mon Dieu, æternellement.

  A026002210 

 L'experience vous le fera voir, moyennant que vous soyes humble et simple..

  A026002224 

 Dieu veut que vous le servies en la conduite des ames, puisqu'il a arrangé les choses comme elles le sont et qu'il vous a donné la capacité de gouverner les autres..

  A026002225 

 Faites une tres grande estime du ministere a quoy vous estes appellee; et pour le bien faire, tous les jours en vous resveillant, ne manques jamais de dire cette parole que saint Bernard disoit si souvent: « Qu'es tu venu faire ceans? » Qu'est ce que Dieu veut de toy? Puis, soudain apres, abandonnes vous totalement a sa divine volonté, [334] affin quil fasse de vous et en vous tout ce qu'il luy plaira, sans aucune reserve..

  A026002226 

 Ayes une devotion particuliere a Nostre Dame et vostre bon Ange; puis, ma Fille, souvenes vous qu'il faut avoir plus d'humilité pour commander que non pas pour obeir.

  A026002226 

 Ayes une droitte intention de faire tout pour Dieu et pour son honneur et gloire, et vous destournes de tout ce que la partie inferieure de vostre ame voudra faire; laisses-la tracasser tant qu'elle voudra autour de vostre esprit, sans combattre nullement tous ses assautz, ni mesme regarder ce qu'elle fait ou ce qu'elle veut dire, ains tenes-vous ferme en la partie superieure de vostre ame et en cette resolution de ne vouloir rien faire que pour Dieu et qui luy soit aggreable..

  A026002226 

 Mais prenes garde aussi de ne pas tant subtiliser sur tout ce que vous feres.

  A026002227 

 Ayes a cœur le support des filles imparfaittes qui seront en vostre charge: ne faites jamais de l'estonnee, quelque sorte de tentation ou d'imperfection qu'elles vous descouvrent, ains tasches a leur donner confiance a vous bien dire tout ce qui les exercera..

  A026002227 

 De plus, il faut que vous fassies grande attention sur cette parole que j'ay mise dans les Constitutions, sçavoir, que la Superieure n'est pas tant pour les fortes que pour les foibles, bien qu'il faille avoir soin de toutes, affin que les plus avancees ne retournent point en arriere.

  A026002228 

 Dieu vous en ayant donné la charge et le moyen, par sa grace, de le pouvoir faire, appliques-vous soigneusement a le faire pour son honneur et gloire.

  A026002228 

 Gardes vous de faire des affections particulieres..

  A026002228 

 Resouvenes vous qu'une ame grandement impure peut parvenir a une parfaitte pureté, estant bien aydee.

  A026002229 

 Ne vous estonnes nullement de voir en vous beaucoup de fort mauvaises inclinations, puisque, par la bonté de Dieu, vous aves une volonté superieure qui peut estre regente au dessus de tout cela.

  A026002230 

 Maintenes vous dans une contenance grave, mais douce et humble, sans jamais estre legere, principalement avec des jeunes gens.

  A026002230 

 Que si vous aves quelque peyne dans l'esprit, qu'elle ne paroisse point au dehors.

  A026002230 

 Voyla, ce me semble, ce a quoy il faut que vous prenies garde, pour rendre a Dieu le service qu'il a desiré de vous..

  A026002231 

 La gloire de Dieu est jointe a ceci et la connoissance de vostre Institut; c'est pourquoy il faut que vous relevies fort vostre courage, en luy faysant entendre l'importance de ce a quoy vous estes appellee..

  A026002231 

 Mais je desire grandement que vous fassies attention fort souvent sur l'importance de la charge que vous aures, non seulement d'estre Superieure, mais d'estre au lieu que vous seres.

  A026002232 

 Aneantisses vous fort profondement en vous mesme de voir que Dieu veuille se servir de vostre petitesse pour luy faire un service de si grande importance.

  A026002232 

 Reconnoisses vous fort honnoree de cet honneur, et vous en alles courageusement supplier Nostre Dame qu'il luy plaise vous offrir a son Filz comme une creature tout absolument abandonnee a sa divine volonté, vous resolvant que, moyennant sa grace, vous vivres des-ormais d'une vie toute nouvelle, faysant maintenant un renouvellement parfait de toute vostre ame, detestant pour jamais vostre vie passee avec toutes vos vielles habitudes..

  A026002233 

 Alles donq, ma chere Fille, pleyne de confiance qu'apres avoir fait cet acte parfait du saint abandonnement de vous mesme entre les bras de la tres sainte Vierge, pour vous consacrer et sacrifier derechef au service de l'amour de son Filz, elle vous gardera tout le tems de vostre vie en sa protection, et vous presentera derechef a sa Bonté a l'heure de vostre mort.

  A026002237 

 Alles, ma tres chere Fille, Dieu vous sera propice.

  A026002237 

 Trois vertus vous sont cherement recommandees: la debonnaireté tres humble, l'humilité tres courageuse, la parfaitte confiance a la providence de Dieu; car quant a l'esgalité de l'esprit et mesme du maintien exterieur, ce n'est pas une vertu particuliere, mais l'ornement interieur et exterieur de l'espouse du Sauveur.

  A026002259 

 Tenes vostre courage en Dieu, vives saintement en sa Providence, res-jouisses vous d'avoir quelque chose a meriter [339] pour luy, car en cela consiste le vray estat des enfans de sa Bonté..

  A026002263 

 Pour les meres et filles qui sont Religieuses, je vous respons en un mot qu'elles se doivent appeller Seurs tout ainsy comme les autres; mais je ne treuve pas bon qu'on en reçoive facilement ensemble, si ce n'estoyent filles ou femmes extraordinaires et de grande consideration..

  A026002267 

 Touchant les Peres spirituelz, il est malaysé d'en donner une regie; les difficultés que vous aves sceu estre arrivees ailleurs vous ont fait faire cette demande.

  A026002268 

 Et si l'on vous remet a vostre choix, prenés le jeusne, car il est mieux de ne flatter pas le cors que de l'attendrir, si ce n'est pour les raysons suivantes: si le jeusne vous rend chagrine ou donne des estourdissemens de teste, ou bien si l'on est [341] travaillé de quelque douleur, il n'y a point de doute que l'on ne doit pas jeusner si cela accroist la douleur; car l'Eglise ordonne le jeusne pour macerer' un peu ceux qui sont sensuelz et pour faire pœnitence; mais ceux qui en reçoivent de l'incommodité qui empesche l'esprit de ses fonctions, l'on en peut dispenser, mais non pas de soy mesme.

  A026002292 

 Observes ses voyes et non les vostres, soustenant fortement son attrait dans chacune, en leur aydant a le suivre avec humilité et sousmission, non a leur façon, mais a celle de Dieu que vous connoistres mieux qu'elles tant que l'amour propre ne sera pas aneanti, car il fait souvent prendre le change, et tourner l'attrait divin a nos manieres et suites de nos inclinations..

  A026002292 

 Puisque vous tenes, mes cheres Filles, la place de Dieu dans la conduite des ames, vous deves estre fort jalouses de vous y conformer.

  A026002294 

 Mais si quelques unes se rendoyent contraires a cette conduite, vous pourries, prenant sujet de les y exercer, leur faire voir leur ignorance, leur peu de rayson et de jugement de s'amuser aux presomptions et fauses imaginations que produit la nature depravee; combien l'esprit humain est opposé a Dieu, dont les secretz ne sont revelés qu'aux humbles; qu'il n'est pas question, en la Religion, de philosophes et de beaux espritz, mays de graces et de vertus, non pour en discourir, mais pour les prattiquer humblement; leur faysant faire et ordonnant des choses difficiles a faire et comprendre et qui soyent humiliantes, pour les destacher insensiblement d'elles mesmes et les engager a une humble et parfaitte sousmission a l'ordre des Superieures, lesquelles aussi doivent avoir une grande discretion a bien observer le tems, les circonstances et les personnes.

  A026002296 

 Serves vous volontier des conseilz, lhors qu'ilz ne seront point contraires au projet que nous avons resolu, de suivre en tout l'esprit d'une suave douceur et de penser plus a l'interieur des ames qu'a l'exterieur; car en fin, la beauté des filles du Roy est au dedans, qu'il faut que les Superieures cultivent, si elles n'ont elles mesmes ce soin, crainte qu'elles ne s'endorment dans leur chemin et ne laissent esteindre leurs lampes par negligence; car il leur seroit dit indubitablement comme aux vierges folles se presentant pour entrer au festin nuptial: Je ne vous connois point..

  A026002297 

 Je vous recommande a Dieu pour obtenir ses saintes graces dans vos conduites, affin que, tout a son gré et par vos mains, il façonne les ames, ou par le marteau, ou par le ciseau, ou par le pinceau, pour les former toutes selon son bon playsir, vous donnant a ce dessein des cœurs de peres, solides, fermes et constans, sans omettre les tendresses de meres qui font desirer les douceurs aux enfans, suivant l'ordre divin qui gouverne tout avec une force toute suave et une suavité toute forte.

  A026002303 

 Bref, si la tentation est d'une rose, il faut parler d'une violette, et ne point s'estonner de la varieté des pensees, puisqu'il n'est pas requis de les combattre l'une apres [l'autre], ains seulement de les maistriser et desdaigner toutes par un simple retour du cœur a Dieu, a la Majesté duquel on recourt par prieres; par exemple, de luy dire, en se retournant vers luy: Je suis vostre, mon Dieu; hé, que vous estes aymable! Jesus est bon; VIVE JESUS! et semblables paroles.

  A026002305 

 Il vous a tiree a soy affin que vous fussies sienne, et il aura soin de vous.

  A026002305 

 Ne craignes rien, car si les petitz poussins se tiennent asseurés quand ilz sont sous les aisles de leur mere, combien doivent estre asseurés les enfans de Dieu sous sa paternelle protection! Demeures donq en paix, ma Fille, puisque vous estes de ces enfans; et reposes vostre cœur et toutes les lassitudes et langueurs qui vous arriveront, sur la sacree et tres aymable poitrine de ce Sauveur, qui sert a ses enfans de pere par sa providence et de mere par son doux et tendre et cordial amour..

  A026002305 

 Soyes toute a Dieu, ma tres chere Fille, penses en luy et il pensera en vous.

  A026002307 

 Ouy certes, mais je vous diray de luy ce que disoit saint Hierosme de sainte Paule: elle pleuroit trop pour une grande dame, » il est « vray, mais les pechés de sainte Paule eussent esté de bien grandes vertus » a d'aucune.

  A026002307 

 « Ainsy le bienheureux Amedee pleuroit trop, donnoit trop aux pauvres, s'humilioit [350] trop, aymoit la solitude trop: soit ainsy, puisque vous le voulés; mais trois fois et trois fois heureux trop! et o sacrés excès! ces pechés mortelz eussent esté de grandes vertus aux autres princes.

  A026002312 

 Helas, mais helas! que faites vous, ma chere Magdeleine? vous laisses des Anges glorieux pour chercher un mort crucifié.

  A026002312 

 Nostre Seigneur desire de vous, ma tres chere Fille, une grande simplicité spirituelle et une grande prudence: la simplicité de la colombe et la prudence du serpent.

  A026002314 

 Mais, ce me dires vous, que desiray je sinon luy? — Escoutes, ma Fille, et consideres le premier point de la simplicité celeste, qui consiste a ne chercher Dieu que par le [352] chemin qu'il nous a marqué; car qui ne veut pas aller par ou Dieu le conduit ne le treuvera jamais, d'autant qu'il ne le cherche pas simplement.

  A026002314 

 — Et quel est le chemin qu'il vous a marqué, ma tres chere Fille? Celuy auquel vous estes; et croyes moy, Dieu conduisit les enfans d'Israel par la voye du desert.

  A026002316 

 Premierement, le matin, prosternee devant sa face et l'adorant profondement, vous jetteres vostre pensee a luy et considereres l'eternelle volonté qu'il a d'estre aymé de vous et d'estre uni par charité a vostre cœur, lequel donq vous eslanceres en cette souveraine Bonté et entre les bras aymables de cette sainte volonté.

  A026002316 

 Vous estes le Dieu de mon cœur: qu'a jamais [353] mon cœur soit dedié a l'obeissance du vostre, mon Dieu!.

  A026002316 

 Vous unires la vostre avec icelle de toutes vos forces, par telles ou semblables protestations interieures: Ouy, mon Dieu, mon ame se sousmet a vostre volonté et veut a jamais demeurer inseparablement unie et sujette a vostre intention.

  A026002320 

 L'esprit de paix et de tranquillité, suavité et d'esgalité, c'est l'esprit de Dieu et d'edification que je vous souhaite de tout mon cœur, et qu'il demeure a jamais avec vous.

  A026002325 

 Maintenant je vous dis: Ne parles que le moins qu'il se pourra de vous mesme; mays ceci, je le dis tout de bon, retenes le bien et faites y attention.

  A026002325 

 Parles peu de vous, mais je dis peu..

  A026002325 

 Si vous estes imparfaitte, humilies vous au fond de vostre cœur et n'en parles point; car cela n'est que l'orgueil, qui fait que vous penses en dire beaucoup, affin que l'on n'en treuve pas tant que vous en dites.

  A026002326 

 Ayes un grand soin de maintenir vostre exterieur parmi vos filles en telle mediocrité entre la gravité et la douceur et l'humilité, que l'on reconnoisse que si bien vous les aymes tendrement, que vous estes aussi la Superieure; car il ne faut pas que l'affabilité empesche l'exercice de l'authorité.

  A026002327 

 Ayes envers les seculiers une sainte gravité; car tandis que vous estes jeune, il faut observer soigneusement cela.

  A026002328 

 Loües grandement les autres Ordres et Religions, et le vostre au dessous des autres choses, bien que vous ne devies pas cacher que vous vives paisiblement, et disant, quand l'occasion s'en presente, le bien qui se fait, simplement..

  A026002329 

 Faites tous-jours grand cas des Seurs Carmelites, et vous entretenes en leur amitié par tout ou vous seres, tesmoignant tous-jours que vous en faites grande estime et que vous les aymes cherement..

  A026002330 

 Entretenes vous fort avec les Peres Jesuites et communiques volontier avec eux, comme aussi les Peres de l'Oratoire et les Peres Minimes; prenes conseil d'eux tous ou vous en aures besoin, et particulierement des Peres Jesuites..

  A026002331 

 Ne soyes pas du tout tant retenue a relever le voile comme les Seurs Carmelites, mais pourtant uses de discretion pour cela, faysant voir, quand vous le leveres, que c'est pour gratifier ceux qui vous parlent; observant de ne gueres vous avancer des treilles, ni moins d'y passer les mains que pour certaines personnes de qualité qui le desirent..

  A026002332 

 Pour ce qui est de l'orayson, il faut que vous observies de faire que les sujetz sur quoy on la fera soyent sur la Mort, Vie et Passion de Nostre Seigneur; car c'est une chose fort rare que l'on ne puisse proffiter sur la consideration de ce que Nostre Seigneur a fait.

  A026002333 

 Cela est bon; mais il me semble qu'il est asses clairement dit dans le livre de l' Amour de Dieu, ou vous pourres avoir recours, si vous en aves besoin, et aux autres qui traittent de l'orayson..

  A026002336 

 Car il le faut tous-jours observer discrettement, ne les tenant ni trop resserrees ni trop en liberté; car vous ne sçauries croire combien c'est une chose necessaire de se tenir en cet entredeux..

  A026002337 

 Pour moy, j'appreuverois fort que vous ne fissies rien que de suivre simplement la Communauté en toutes choses, soit aux mortifications, ou en quoy que ce soit.

  A026002338 

 Et quant a ce qui est de la Communion, je voudrois que l'on suivist l'advis des confesseurs; quand vous aves envie de communier quelquefois extraordinairement, que vous prissies leurs advis.

  A026002338 

 Pour communier une fois toutes les semaines de plus que la Communauté, vous le pouves bien faire, et a vostre tour comme les autres; et mesme pour communier plus souvent extraordinairement.

  A026002338 

 Vous feres ce que ceux qui auront soin de vous treuveront bon, car il leur faut laisser conduire cela..

  A026002339 

 Il sera bon, ma chere Fille, que vous vous assujettissies a rendre conte tous les mois, ou les deux ou trois mois, si [359] vous voules, au confesseur extraordinaire, ou mesme au confesseur ordinaire, s'il est capable, ou tel autre que vous jugeres; car c'est un grand bien que de ne rien faire que par l'advis d'autruy..

  A026002340 

 Il ne me semble pas que vous devies maintenant faire plus d'attention sur aucune autre prattique que sur celle de la tres sainte charité a l'endroit du prochain, en le supportant doucement et le servant amoureusement; mais en sorte que vous observies tous-jours de conserver l'authorité et gravité de Superieure, accompagnee d'une sainte humilité..

  A026002341 

 Je ne dis pas que vous soyes tous-jours attentive a la presence de Dieu, mais que vous multipliies le plus qu'il se pourra les retours de vostre esprit en Dieu.

  A026002341 

 Quand vous aures jugé que quelque chose se doit faire, marches seurement et sans rien craindre, regardant Dieu le plus souvent que vous pourres.

  A026002346 

 Alles donq avec joye; mais si vous ne pouves marcher dans la carriere tous-jours avec joye, faites le au moins avec courage, et confies vous en Dieu.

  A026002346 

 Ma Fille, demeures en paix devant Nostre Seigneur, ne [360] vous embarrasses pas.

  A026002346 

 Pourveu que vous marchies dans le chemin de la vertu, quoy que lentement, vous ne laisseres pas d'arriver a vostre but.

  A026002347 

 Ne desires point estre autre que vous estes, car si vostre soleil semble s'ecclipser, il reviendra bien tost et vous esclairera de nouveau..

  A026002347 

 Nostre divin Maistre, de tems en tems, vous regardera et jettera les yeux sur vous.

  A026002347 

 Tenes vous donq comme une statue dans sa niche; vous estes la pour luy plaire, cela vous doit suffire.

  A026002347 

 Travailles a l'acquisition des vertus de bonne foy, sans vous embarrasser; laisses vous gouverner a Dieu, serves le selon son goust et non selon le vostre, regardes que c'est luy qui vous a placee ou vous estes.

  A026002349 

 Cher mespris, que mes imperfections et defautz m'apportent, je vous ayme; je deteste le mal, et me resjouis de la honte.

  A026002350 

 Res-jouisses vous, ma Fille, de n'estre rien, monstres luy vos playes, exposes luy vostre indigence.

  A026002351 

 Marches donq simplement, et vous marcheres avec joye et confiance; tenes vostre cœur au large, et ne le presses pas trop.

  A026002351 

 Releves vostre pauvre cœur quand il tombe, gardes vous d'insulter en son endroit; prenes nouveau courage, car si vous tombes souvent, vous vous releves aussi souvent sans vous en appercevoir.

  A026002352 

 Et tant que ce sentiment sera bien gravé dans nostre cœur, pourquoy nous tourmenter? Ne voyes vous pas que c'est l'amour propre qui se mesle subtilement de nous donner la torture? Je vous exhorte encor une fois de tenir vostre cœur au large; Dieu mercy, il se porte bien, puisque l'amour l'anime et quil veut tous-jours aymer..

  A026002353 

 C'est en cette consideration que [362] je vous prie de le tenir le plus joyeux que vous pourres; mesnages le, affin quil fasse de grans progres.

  A026002353 

 Ce doit estre aussi l'aigneau que vous deves offrir en holocauste et que vous deves aussi immoler a Nostre Seigneur; il faut qu'il soit gras et en bon point.

  A026002353 

 Vous sçaves que Dieu reçoit avec playsir l'offrande qu'on luy fait d'une franche volonté..

  A026002354 

 Alles librement, ma chere Fille, vous consacrer a nostre divin Sauveur; donnes luy le sacré bayser de la charité, et continues tous-jours a vous humilier profondement, affin que vous l'approchies sans crainte; car je croy que le plus grand moyen pour arriver a la perfection est de recevoir Jesuschrist, pourveu qu'on ayt soin de destruire tout ce qui peut luy desplaire.

  A026002354 

 Croyes moy, ma Fille, rien ne me fortifie plus l'estomac que de ne manger que d'une viande qui soit excellente; nourrisses vous donq de la viande des Anges.

  A026002354 

 Il vous fera faire une bonne digestion de luy mesme, il se communiquera a toutes vos puissances, il agira en vous, il y operera; ce sera luy qui esclairera vostre esprit, qui eschauffera vostre volonté, et ne sera plus vous qui vivres, ce sera Jesuschrist en vous.

  A026002355 

 Et puisque vous cherches nostre divin Maistre, ou le pouves vous mieux treuver que dans le throsne de son amour? Il veut estre nostre Roy: et ainsy il nous donnera la paix, il fera cesser la guerre, il mettra le calme dans nos puissances et nous fera recueillir..

  A026002355 

 Ne quittes donq pas vos Communions pour les peynes et foiblesses que vous sentes, quoy que vous soyes distraitte et que vous soyes en secheresse.

  A026002356 

 Bref, Jesuschrist, dans ce divin Sacrement, vous veut estre toutes choses: c'est cette tablette cordiale que vous deves prendre, affin de vous conforter et de vous preserver de la corruption.

  A026002356 

 C'est une fournaise d'amour ou nos tiedeurs seront consumees, c'est un bausme pretieux qui guerira nos blesseures, c'est en fin un thresor de toutes les graces qui vous enrichira.

  A026002356 

 Ne vous esloignes pas de vostre Soleil si vous voules estre esclairee.

  A026002356 

 Si vous estes dure, vous seres amollie; si [363] vous estes seche, vous seres arrousee; si vous estes en tristesse, il sera vostre joye.

  A026002365 

 Laissés la tous les raysonnemens et tous les desirs que vostre pauvre cœur voudroit vous suggerer pour sortir de cet estat.

  A026002365 

 Ma chere Fille, si vous connoissies le thresor qui est enfermé dans l'abandon total que l'ame fait de tout elle mesme entre les mains de Dieu pour ne plus vouloir que ce qui luy plaist, vous souspireries apres cet estat, et vous ne souhaitteries rien que d'estre ce que Dieu veut que vous soyes.

  A026002366 

 Ne sçaves vous pas, ma Fille, que nostre Dieu est le veritable Salomon qui veut se reposer dans nostre cœur? Il est bon; si nous pouvons le placer dans le Ciel, nous ne nous troublerons pas des accidens de cette vie..

  A026002367 

 Vous ne sçaves pas la force de l'humilité qui change en or tres pur le plomb de nos infirmités, laquelle sainte metamorphose opere dans l'ame cette vertu.

  A026002368 

 Ayes soin de mesnager les petites rencontres que Dieu vous presente, mettes en cela vostre vertu, et non pas a desirer de grans travaux; car souvent on se laisse abbattre par un mouscheron quand on combat des monstres par imagination..

  A026002368 

 Ayes tous-jours une grande douceur et affabilité; vous sçaves que l'affabilité est la cresme de la charité.

  A026002369 

 Laisses vostre ame et vostre cors entre ses benites mains, abandonnes vous a luy, perdes vous en luy, n'aymes que luy, ne veuilles que luy, et que toutes choses hors de luy vous soyent indifferentes; et vous connoistres dans le Ciel que bienheureuse est l'ame qui a vescu dans ce monde despouillee de toutes choses, et qui a rendu hommage au grand despouillement et a la nudité de son Espoux attaché a la croix, et mourant, affin d'enrichir et de revestir ses espouses bienaymees..

  A026002369 

 Ne vous inquietes point dans la veuë des maux et des peynes qui vous peuvent arriver; car le Seigneur ne permettra pas qu'ilz vous arrivent, ou il vous donnera la force de les porter, s'il vous les envoye.

  A026002370 

 Nous croyons, parce que nous ne valons rien, que le Seigneur n'aura point soin de nous: ne voyes vous pas la finesse de la prudence humaine qui nous trompe en nous faysant sortir de l'estat d'une parfaitte confiance? Ne faysons point ce [tort] a sa divine Majesté de raysonner si bassement; Dieu n'est pas comme les hommes, qui ne font cas que de ce qui peut leur estre utile.

  A026002383 

 Affin qu'en fidelité vous puissies dire: Le Seigneur a soin de moy, mettes tout vostre soin vers luy, car il a soin de vous..

  A026002383 

 Ayes fiance en Dieu, mettes vous en sa garde, dresses vers luy vostre pensee, et il vous nourrira.

  A026002391 

 Saint Pierre dit: Sousmettes vous a toutes creatures humaines pour l'amour de Dieu.

  A026002393 

 L'indifference consiste a n'incliner pas plus d'un costé que d'autre; de sorte que le parfait obeissant, encor qu'il soit resolu d'accomplir tout ce qui sera de precepte, de Regie, d'ordonnance, il est indifferent a tout le reste, ayant tous-jours au cœur et en la bouche: Seigneur, que voules vous que je face?.

  A026002400 

 Mon Filz, si vous desires faire quelque progres en la perfection religieuse, consideres Dieu tous-jours present en toutes vos actions, et ne manques point de faire troys fois le jour l'examen de vostre conscience..

  A026002401 

 Le matin, consideres comment est ce que vous aves passé la nuit; prevoyes avec prudence comment est ce que vous employeres ce jour au service de Dieu..

  A026002402 

 Sur le midy, faites une reflexion sur toutes vos actions, si vous aves mis en execution les bons propos qu'aves fait le matin, si vous aves surmonté vos passions, fait toutes vos œuvres avec une pureté d'intention et donné bon exemple a vos Freres..

  A026002403 

 Conferes les actions d'un jour avec un autre, pour voir si vous proffites ou si vous retournes en arriere, taschant de reconnoistre l'imperfection principale, qui est comme la source et origine de tous vos manquemens, affin que vous la puissies peu a peu surmonter.

  A026002403 

 Le soir, ne manques point de faire encor une reveüe, pour voir si vous seres plus souvent tombé aux imperfections que vous aves remarqué en vous sur le midy, ou si vous aves esté plus prompt a l'exercice de la vertu.

  A026002413 

 Sur tout cela: Helas! dires vous a Dieu, Seigneur, en quelle condition vous serviray-je? Ah! mon ame, ou que ton Dieu t'appelle, tu luy seras fidele: mais de quel costé t'est il advis que tu ferois mieux? Examinés un peu vostre esprit pour sçavoir s'il sent point aucune inclination plustost d'un costé que d'autre, et l'ayant descouvert, ne faites encor point de resolution, ains attendes jusques a ce qu'on vous le dise..

  A026002418 

 Imagines vous de voir saint Joseph avec la Sainte Vierge, [372] sur le point de son accouchement, arriver en Bethleem et chercher par tout a loger, sans treuver aucun qui les veuille recevoir.

  A026002425 

 Ayant pris vostre chapelet par la croix et l'ayant baysee, vous feres avec icelle le signe de la Croix sur vous, et vous mettres en la presence de Dieu, luy offrant vostre ame avec toutes ses puissances, principalement vostre entendement et volonté, avec un grand desir de considerer avec attention les misteres de nostre foy et de tirer d'iceux quelque sainte affection d'imiter les vertus que nostre Redempteur nous a enseigné, et de faire d'autres actes d'amour de Dieu, d'admiration de ses perfections infinies, d'actions de graces pour ses benefices, de contrition de vos pechés, de saintz propos de vous amender, de surmonter vos passions, de prouffiter en la vertu.

  A026002425 

 En apres, vous prieres Dieu, par les merites de la vie, mort et passion de nostre Sauveur, par l'intercession de la glorieuse Vierge et de vostre Ange tutelaire, d'accepter vos foibles prieres pour ceux ou celles des vivans et trespassés pour lesquelz vous aures prins resolution de prier..

  A026002426 

 Cela fait, vous dires avec grande foy le Credo, et pour vous preparer a dire plus devotement le Chapelet, vous imploreres le secours divin en disant: Deus, in adjutorium meum intende: Domine, ad adjuvandum me festina; et vous adjousteres: Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto, et ce, avec un grand desir d'adorer et glorifier la tres sainte [374] Trinité; et en fin adjousteres le devot hymne: Memento, salutis auctor, avec le verset Dignare me laudare te, Virgo sacrata..

  A026002427 

 Apres cette preparation vous commenceres le Chapelet, et aux trois petitz grains vous demanderes l'intercession de la glorieuse Vierge, affin que vous le puissies bien dire et en tirer quelque fruict spirituel.

  A026002427 

 Et a cette intention, au premier grain des trois petitz, vous salueres Nostre Dame comme la Fille la plus chere du Pere eternel; au second, vous la salueres comme Mere tres chere du Filz de Dieu, nostre Sauveur; et au troysiesme, vous la salueres comme Espouse bienaymee du Saint Esprit..

  A026002428 

 Cela fait, vous commenceres a mediter les misteres du Rosaire, prenant ou les joyeux, ou les douloureux, ou les glorieux, ou mesme quelque autre devot sujet, tel que Dieu vous inspirera, vous entretenant en la meditation d'iceluy pendant que vous dites la premiere dizaine; et me semble encor estre plus utile de s'y entretenir quelque peu avant que de la commencer.

  A026002428 

 Et apres, dires l'Orayson dominicale, par laquelle doivent commencer toutes vos oraysons, comme estant la plus excellente que nous puissions faire; et ensuite vous dires les dix Ave Maria, continuant en cette maniere de dire les cinq dizaines d'une partie du Rosaire..

  A026002429 

 A la fin, vous reprendres le gros grain qui est au commencement dudit Chapelet et remercieres Dieu de la grace qu'il vous a faitte de vous permettre de dire le Chapelet, luy demandant l'assistence de sa grace pour pouvoir mettre en execution les bons propos qu'il vous a donnés.

  A026002429 

 Et en fin, au gros grain qui est au fin bout, vous feres un bouquet spirituel de recollection, renouvellant tous les bons propos [375] et saintes resolutions qu'aves faites en la meditation de ces cinq mysteres, suppliant la divine Majesté qu'elle accepte et addresse toutes vos oraysons a son honneur et gloire et pour le bien de son Eglise, en la foy et union de laquelle vous prieres sa Bonté de vouloir rappeller tous les desvoyés.

  A026002429 

 Et passant aux trois petitz grains suivans, vous salueres la Sainte Vierge, la suppliant, au premier, d'offrir vostre entendement au Pere eternel, affin que vous puissies a jamais considerer ses misericordes; au second, vous la supplieres d'offrir vostre memoire au Filz, a ce qu'a jamais vous ayes souvenance de sa Passion; au troysiesme, vous la supplieres d'offrir vostre volonté au Saint Esprit, affin qu'a jamais vous puissies estre enflammé de son saint amour.

  A026002429 

 Et prieres encor pour toutes vos necessités particulieres et de vos amis, finissant comme vous aves commencé, par la profession de foy, disant le Credo..

  A026002430 

 Puys, vous signant et baysant la croix, mettes vostre chapelet a la ceinture, comme une sainte marque par laquelle vous voules protester que vous voules estre serviteur du tout dedié au service du Sauveur et de sa sainte Mere, disant devotement ces paroles de David: Servus tuus sum ego, et filius ancillæ tuæ.

  A026002589 

 Et afin que la chose soit rendue plus facile à Votre Excellence, je mettrai ici quelques points à méditer sur chaque parole du Notre Père, comme vous me l'avez demandé par vos lettres.

  A026002593 

 Un pauvre berger qui garde ses brebis dans les champs s'estimerait heureux et bien fortuné si Votre Excellence l'adoptait pour fils et pour son héritier; bien plus, etc. Nous pouvons [378] dire à bon droit ce que David répondit au roi Saül quand il lui offrit pour épouse sa fille [Mérob]: Qui suis-je et qu'est-ce que ma vie, qu'est-ce que la famille de mon père en Israël, pour que je devienne le gendre du roi? Et qui suis-je, ô Dieu du Ciel, pour que vous me vouliez pour votre enfant et que vous vouliez que je vous appelle Père?.

  A026002594 

 Vous pouvez exciter l'espérance d'obtenir tout ce que vous demanderez, pour grand qu'il soit, car le père ne refuse rien à son fils de ce qu'il lui demande, si la chose demandée tourne à son avantage..

  A026002595 

 Vous pouvez exciter l'amour envers ce bon Père, car ce nom de Père est un nom d'amour réciproque..

  A026002609 

 C'est ce que vous demanderez.

  A026002653 

 En votre présence, les cieux, la terre et tout ce qu'ils contiennent, sont moins qu'un petit grain de sable en face du monde entier; moi, d'autre part, je suis un petit ver de terre, pécheur et enfant d'Adam pécheur, qui si souvent ai offensé votre souveraine Majesté: et cependant, vous voulez que je vous appelle Père! Oh! quelle excellence, quelle dignité me donnez-vous! Qu'il vous plaise, Seigneur, que mon âme la sache reconnaître et qu'elle vous rende les dues actions de grâce pour tant de bienfaits.

  A026002653 

 O Père éternel, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Père des lumières, Père saint, Père très doux et aimant, Père Créateur de l'univers: quand méritai-je de vous appeler Père, moi terre, poussière et cendre, le dernier de tous vos serviteurs? Et quel bien avez-vous découvert en moi ou en quelqu'autre enfant d'Adam, pour que vous ayez voulu être notre Père? « Qui êtes-vous, Seigneur, et qui suis-je? » Vous êtes le Dieu d'infinie majesté, Roi [386] des rois, Seigneur des seigneurs, Saint des Saints, gloire des Anges et allégresse de tous les Bienheureux.

  A026002654 

 Cependant, puisqu'il plaît ainsi à votre Majesté, de grand cœur désormais je vous appellerai Père et je jouirai de ce doux nom de Père.

  A026002654 

 Père, je dois confesser deux choses: l'une, que ce don et ce grand bienfait vient de votre bonté infinie et de l'amour infini que vous avez pour moi; l'autre, que ce mot de Père sied bien sur les lèvres de votre Fils unique mon Seigneur Jésus-Christ, qui est votre Fils par une étemelle et consubstantielle génération, mais sur les miennes, moi qui suis un si grand pécheur, il ne sied pas, il ne convient pas, je ne mérite pas, Seigneur, un si grand bien.

  A026002655 

 Ce mot m'atteste l'amour immense que vous me portez, Seigneur; c'est pourquoi votre Evangéliste, émerveillé, dit: Voyez quel amour le Père nous a témoigné, que nous soyons appelés enfants de Dieu, et que nous le soyons en effet.

  A026002655 

 Il m'apprend aussi et m'avertit également que je dois vous aimer de tout mon cœur: Je vous aime, Seigneur, ma force, mon rocher, mon refuge, mon libérateur et mon Père.

  A026002655 

 Quel fils ingrat peut-on trouver au monde, qui ayant un Père bon, saint, doux, glorieux et aimant comme vous l'êtes, il ne l'aime pas? O Père, où trouverons-nous quelqu'un qui soit aussi bon, aussi saint, aussi doux et aimant que vous l'êtes? Donc, Père, que de mon cœur soit chassé tout autre amour, qu'il soit enflammé, afin qu'entre vous, mon Père, et moi votre enfant il y ait un continuel amour réciproque..

  A026002656 

 Ce mot de Père m'excite à vous demander les choses qui me sont nécessaires, car le père ne refuse jamais à son enfant ce qu'il voit lui être nécessaire, pourvu qu'il puisse le lui donner.

  A026002656 

 Je sais, mon Père, que vous pouvez et que vous voulez; vous pouvez, parce que vous êtes tout-puissant; vous voulez, parce que vous êtes tout bon.

  A026002656 

 Les besoins ne me manquent pas: je suis blessé par beaucoup de péchés, il me faut des remèdes; vous, Père, vous êtes le médecin qui [388] guérit toute langueur et soigne toute infirmité.

  A026002656 

 Seigneur, guérissez cette âme, voyez comme elle se présente devant vous toute blessée.

  A026002657 

 Revêtez-moi, ô Père, vous qui revêtez le ciel de tant d'étoiles et la terre de tant de fleurs; donnez-moi la robe nuptiale de la charité, afin que je puisse paraître à vos noces; la robe de l'obéissance, afin que j'obéisse à vos commandements et à vos lois; la robe de l'humilité, afin que je sois agréable à vos yeux.

  A026002658 

 Je vous demande ensuite, ô bon Père, que vous daigniez exercer envers moi les offices de père.

  A026002658 

 Je vous demande, Seigneur, la verge avec votre miséricorde; brûlez, tranchez ici-bas, afin que vous me pardonniez dans l'éternité.

  A026002658 

 Que la pourriture entre dans mes os et qu'elle me consume au-dedans de moi, afin que je sois en repos au jour de la tribulation et que je me joigne à notre peuple pour marcher avec lui; je vous prie, ô bon Père, que dans ces os entre la pourriture, c'est-à-dire que, comme un autre Job, mon corps soit couvert de plaies et flagellé, pourvu que mon âme soit en repos au jour de la tribulation, qui est celui de la mort, et soit du nombre de vos enfants qui sont ce peuple céleste, ceint de gloire et de béatitude..

  A026002659 

 Père, après m'avoir frappé pour mes folies avec votre miséricorde, daignez me visiter par quelque consolation spirituelle, caressez cette âme par la suavité intérieure, afin qu'elle brûle de votre amour et ne cesse point de vous louer..

  A026002660 

 Et moi, que dirai-je? Père, vous m'avez fait entendre des paroles de joie et d'allégresse; oh! quelle est ma joie, quelle mon allégresse lorsque cette douce parole, Père, résonne à mes oreilles! Mon âme humiliée, mes os anéantis à cause de la multitude de mes péchés, se récréent et prennent une nouvelle vigueur entendant cette parole: Père.

  A026002660 

 Seigneur, que mon esprit tressaille en vous, ô Dieu notre Sauveur et notre Père..

  A026002660 

 Vous ferez entendre à mon cœur des paroles de joie et d'allégresse, et mes os humiliés exulteront, disait le saint Prophète; et cependant, ce nom de Père, ne lui était pas encore [390] révélé.

  A026002661 

 Chaque jour, ô Père, vous préparez la table et faites le festin pour le monde entier, et je participe toujours à ce festin; chaque jour vous faites [391] que le soleil nous éclaire, nous vos enfants, et le soir vous cachez cette belle lampe et il semble en certaine façon que vous éteigniez cette belle lumière afin que nous, vos enfants, puissions reposer et prendre le sommeil; vous occupez, Seigneur, le ciel et la terre à mon service, et vous m'avez même confié aux soins des Anges: tout cela afin que j'obtienne l'héritage réservé à vos enfants, qui est le Royaume des Cieux.

  A026002661 

 Par là je reconnais quel Père prévoyant vous êtes pour nous, qui sommes vos fils..

  A026002662 

 Et maintenant, me souvenant des fautes passées, je cours vers vous, Père, et je dis: Père, j'ai péché contre le ciel et contre vous, je ne suis pas digne d'être appelé votre fils; traitez-moi comme l'un de vos mercenaires. Ou bien, Père, parce que je connais votre miséricorde et l'amour que vous me portez, venez à ma rencontre, ouvrez les bras de votre miséricorde, embrassez cet enfant prodigue, donnez-moi la robe d'innocence, l'anneau de la foi vive, les souliers des exemples de vos Saints que je dois imiter.

  A026002663 

 Il suffisait à l'apôtre Paul de savoir seulement et de comprendre [ Jésus-Christ ] crucifié; et à moi il suffit de savoir et de comprendre cette parole: Père, parce que la comprenant, je saurai que vous m'avez pris pour votre fils adoptif, qui est la plus grande dignité qui existe au Ciel et sur la terre après celle de fils naturel, qui appartient en propre à votre Fils unique et mon Seigneur Jésus-Christ..

  A026002663 

 Pour conclusion, ô Père, cette parole très douce est un verbe abrégé qui contient, toute douceur, comme la manne que vous donnâtes jadis à manger à votre peuple dans le désert; et moi, je suis heureux que ce mot, Père, soit une nourriture très savoureuse pour mon âme.

  A026002667 

 Il me semble, Seigneur, que vous êtes comme le soleil qui communique sa lumière et envoie ses rayons à la plus petite fleur de la montagne comme à la montagne même; ainsi vous, mon Seigneur, communiquez également votre nom si doux de Père aux grands et aux petits, aux riches et aux pauvres, et vous voulez que pour cela nous vous appelions nôtre..

  A026002667 

 Vous êtes, Seigneur, notre Père: qu'elle est grande votre bonté! Vous ne vous contentez pas de communiquer ce nom de Père à vos Anges et à vos Saints qui sont dans votre maison, mais vous voulez aussi le communiquer à ceux qui sont dans ce monde, et non seulement [393] aux riches et aux puissants, mais aux plus pauvres bergers qui, sur les ponts et dans les forêts, dorment sur la terre nue.

  A026002668 

 Dans ces deux mots: Notre Père, vous me découvrez, Seigneur, un autre grand mystère: c'est que vous voulez que j'aime beaucoup votre sainte loi d'amour et de charité, car vous l'avez toute ramenée à votre amour et à l'amour du prochain.

  A026002668 

 Par la première parole, Père, vous me demandez l'amour pour votre très souveraine Majesté; par la seconde, notre, vous me demandez d'aimer mon prochain, puisque vous me le donnez pour frère et vous voulez que je prie pour lui..

  A026002669 

 Enfin vous êtes notre Père parce que, après cette vie de travaux et de pénitence, vous nous préparez une vie de repos et d'éternelle béatitude..

  A026002669 

 Vous êtes notre Père, parce que vous nous avez créés: Vos mains Seigneur, m'ont formé; N'abandonnez pas l'ouvrage de vos mains. Vous êtes notre Père parce que vous nous avez achetés avec le précieux sang de votre Fils, l'Agneau immaculé, notre Christ Jésus, avec qui nous avons été adoptés pour vos enfants.

  A026002669 

 [394] Vous êtes notre Père parce que vous nous consolez très suavement dans cette vallée de larmes.

  A026002670 

 Ces mots: Notre Père, siéront bien sur mes lèvres quand mon âme et mon corps seront tout vôtres, puisque vous êtes tout à nous..

  A026002670 

 Enfin vous êtes notre Père parce que vous vous employez tout entier pour nous, si pauvres, et parce que vous nous avez tout communiqué en ce monde dans le Très Saint Sacrement; et puis, au Ciel, vous vous communiquerez plus manifestement, nous découvrant votre bienheureuse essence, les trésors infinis de votre béatitude et la gloire de votre Majesté.

  A026002670 

 Faites donc, je vous en prie, ô Père, que puisque vous êtes tout nôtre, je sois aussi votre enfant; vous, Père, et moi fils.

  A026002674 

 Je sais, Seigneur, que vous êtes partout et que les cieux et la terre sont pleins de votre gloire; et même je sais, Père, que vous tenez l'univers dans vos mains et que vous le conservez, car s'il en était autrement, toutes choses retourneraient dans le néant d'où [395] vous les avez tirées.

  A026002674 

 Quand sera-ce, ô Père, que mon âme sera comme un ciel, élevée de la terre par la force de l'amour; ornée d'autant de vertus que le ciel contient d'astres et d'étoiles; ferme et forte en votre service, sans jamais tomber, ainsi que les cieux qui ne tombent pas, afin qu'elle soit toute belle et agréable devant votre face et que vous, Père, daigniez y habiter comme en un ciel très beau? je vous demande encore, ô Père, qu'afin que mon âme soit un ciel et la demeure de votre très souveraine Majesté, elle puisse se mouvoir comme les cieux, selon le mouvement du premier moteur.

  A026002674 

 Vous êtes aussi, ô Père, dans les Cieux, où vous glorifiez cette immense multitude d'Anges et de Saints qui sont continuellement présents devant le trône de votre gloire, vous adorant en toute révérence.

  A026002674 

 Vous êtes le premier et souverain Moteur; que mon âme n'ait de mouvement que par votre sainte volonté, afin qu'en toutes choses elle se rende conforme à votre vouloir..

  A026002675 

 Donnez-moi, ô Père, cette grande lumière, afin que je vous connaisse comme les Anges et votre serviteur François, vous, mon Dieu, d'infinie vertu, de puissance infinie, de sagesse infinie et de beauté infinie.

  A026002675 

 Faites, ô Père, que je sois un ange et un saint par grâce, afin que je devienne participant de si grands biens et que mon entendement soit éclairé pour vous connaître.

  A026002675 

 Vous avez donné, ô Père, à votre serviteur François ces deux grandes lumières: la première pour connaître votre sublime Majesté, la seconde pour se connaître lui-même.

  A026002675 

 Vous êtes aux Cieux, ô Père, c'est-à-dire dans les Anges et dans les Saints; vous les éclairez afin qu'ils vous connaissent, car vous êtes la lumière éternelle qui éclaire tout.

  A026002675 

 Vous êtes, Père, dans les Anges et dans les Saintz, et vous les enflammez du feu d'un ardent amour, afin qu'ils vous aiment parfaitement, car vous êtes ce feu [396] qui consume toute imperfection: Vous rendez vos Anges aussi prompts que les vents et des flammes de feu vos serviteurs. Vous êtes, Père, dans vos Anges et dans vos Saints, les comblant de béatitude afin qu'ils soient éternellement heureux, car vous êtes la béatitude, la gloire, le repos de cette glorieuse assemblée.

  A026002676 

 Je vous demande aussi, ô Père, que vous daigniez embraser mon cœur du feu du Saint-Esprit, comme vous embrasez les Anges au Ciel, et de même que vous embrasâtes sur la terre les cœurs des Apôtres le saint jour de la Pentecôte.

  A026002677 

 Donc, notre Père qui êtes aux Cieux, donnez-moi l'amour des choses célestes, afin qu'aimant celles-là je méprise les choses de la terre et que tout mon amour soit en vous, notre Père du Ciel..

  A026002677 

 Père saint, il est bien juste que puisque vous, mon Dieu, mon Père et mon héritage êtes au Ciel, je ne cherche ni ne m'embarrasse plus de la terre; qu'ai-je à faire de la terre, ô Père, puisque tout mon bien, tout mon trésor est au Ciel? Si vous, mon Père, êtes au Ciel, il suit de là que moi, votre enfant, je suis étranger dans ce monde et que je marche toujours vers ma patrie, qui est le Ciel.

  A026002677 

 Si le pèlerin, quand il marche, a le corps sur la route et l'âme en la douce patrie, chaque heure lui semblant mille ans pour le désir qu'il a de l'atteindre et de voir son cher père et ses très doux frères, pourquoi n'en sera-t-il pas ainsi de moi? Pourquoi, notre Père, mon âme ne converse-t-elle pas dans les Cieux comme l'âme de votre saint Apôtre qui disait: Notre conversation est dans le Ciel, et pourquoi chaque heure de cet exil ne me semble-t-elle pas mille ans? pourquoi ne désiré-je pas voir mes chers frères, qui sont [398] les Anges et les Saints? pourquoi, Père, ne réputé-je pas toutes les choses de cette vie, basses, viles et indignes d'y attacher mon cœur, puisque je suis créé pour posséder les biens du Ciel? Il est hors de doute, ô Père, que ce serait un grand déshonneur pour le fils d'un grand prince ou d'un roi d'étriller de ses mains les chevaux ou, avec les mêmes mains, ramasser les immondices et le fumier dans les rues; mais c'est un bien plus grand déshonneur pour moi de ce que sachant, ô Père céleste, que vous m'avez adopté pour votre fils et que vous me préparez des biens infinis, des richesses inestimables et même le royaume du Ciel, je m'abaisse et me rende méprisable en recherchant les choses viles et basses de ce monde.

  A026002678 

 Je vous demande enfin, ô Père, que de même que vous remplissez les deux, qui sont les Anges et les Saints, de gloire, de même vous daigniez remplir mon âme, lorsque, quittant ce monde, elle se présentera devant vous, afin qu'elle soit un « Ciel plein de votre gloire.

  A026002682 

 Ne tenez pas caché, ô Père, un si riche trésor aux âmes auxquelles vous avez imprimé votre image et ressemblance.

  A026002682 

 O Père éternel, faites, je vous en prie, que ce Nom si doux et suave soit connu dans le monde entier.

  A026002682 

 Que l'orient, l'occident et les autres parties du monde sachent que vous êtes Père, que Jésus-Christ est votre Fils unique, coéternel et consubstantiel, et que tous peuvent être vos enfants d'adoption.

  A026002684 

 Donc, ô Père, que votre Nom soit sanctifié; daignez faire de moi un saint, afin que je ne cesse de bénir votre souveraine Majesté et que le monde, voyant que je suis occupé à vous louer et à vous bénir, vous glorifie, ô notre Père, et sanctifie votre Nom qui est béni dans les siècles des siècles.

  A026002684 

 Père saint, toutes vos créatures m'excitent à louer votre saint Nom, à vous bénir incessamment: les Anges avec leur douce musique, vous chantent sans cesse de suaves matines, vous louent, vous bénissent et ne cessent de s'écrier: Saint, Saint, Saint, le Seigneur, Dieu des armées, et ils m'invitent à leur tenir compagnie.

  A026002684 

 Tous les éléments, le feu, l'air, l'eau, la terre, les oiseaux qui volent dans l'air, les poissons qui nagent dans la mer, les fleuves, les fontaines, les monts et les vallées, les plantes de la terre et enfin tous les animaux qui la parcourent, me prêchent l'adoration et me disent de vous bénir.

  A026002689 

 En ce saint royaume, nous vous louerons toujours, nous vous aimerons et nous jouirons de vous, ô Père saint, avec votre Fils béni et le Saint-Esprit.

  A026002689 

 Je vous demande, ensuite, ô Père, le royaume des Bienheureux, ce royaume de tous les siècles, si ardemment désiré par un fils, celui où reposeront nos âmes et où elles jouiront.

  A026002689 

 O Père saint, que votre règne arrive, parce que c'est dans ce but que vous avez créé nos âmes; que votre règne arrive, parce que c'est pour cela que vous avez voulu que votre Fils mourût sur l'arbre de la croix; que votre règne arrive, pour que je bénisse votre nom: les justes sont dans l'attente de la justice que vous me rendrez; vos Anges et tous les Saints désirent ce jour, parce qu'il découvrira en vous, Père, un abîme d'infinie beauté, de puissance infinie; c'est pourquoi ils désirent ardemment avoir de nombreux compagnons qui les aident à louer et à aimer votre souveraine Majesté..

  A026002690 

 Dans votre bonté, Seigneur, répandez vos bienfaits sur Sion et que les murs de Jérusalem soient bâtis. Voyez, ô Père, une [402] bonne partie des murs de votre Jérusalem sont tombés jusqu'au profond de l'enfer; recueillez-nous dans votre bonté, ô Père saint, et placez-nous dans cette glorieuse cité, afin que vous puissiez achever de bâtir ses saintes et bénites murailles..

  A026002691 

 Comme les pèlerins désirent la dernière journée qui terminera leur voyage et où ils retrouveront leur ville et leurs demeures, ainsi nous désirons que votre règne arrive, afin que s'achève notre pèlerinage et que nous entrions dans le séjour que vous nous avez préparé dans votre saint royaume..

  A026002692 

 Vous êtes juste, Seigneur, vous serez trouvé juste dans votre sentence. Vous nous avez promis votre royaume; je vous prie donc humblement de ne pas regarder nos démérites, mais le sang précieux de votre Fils bien aimé Jésus-Christ Notre-Seigneur: Regardez, Père, la face de votre Christ, et que par votre Christ votre règne arrive.

  A026002693 

 Donc, ô Père éternel qui êtes aux Cieux, afin que je puisse jouir de votre glorieuse présence et voir la gloire de votre Majesté, pour la louer, aimer et bénir [et [404] être enfin, logé parmi] vos fils, je vous prie humblement, qu'une fois dépouillé de mon enveloppe mortelle, votre règne arrive..

  A026002693 

 Que votre règne arrive. Oh! jour heureux! Oh! heure bénie! Quand sera-ce, ô Père, que ce jour s'approchera et que viendra cette heure? Quand viendrai-je et apparaîtrai-je devant votre face? Quand verrai-je, ô Père, les murs de votre royaume, travaillés avec des pierres précieuses? Quand frapperai-je à tes portes, ô céleste Jérusalem? Quand verrai-je tes riches palais? quand jouirai-je de tes beaux jardins revêtus de fleurs éternelles? quand m'abreuverai-je à tes sources de vie? O Père saint, quand verrai-je dans votre royaume ces innombrables légions d'Anges et de Saints pleins de gloire, ces chœurs de vierges qui, les palmes à la main, chantent et suivent votre Agneau? Quand donc mes oreilles entendront-elles la douce musique, l'harmonie des Anges et le concert des Saints qui tous chantent devant vous: Saint, Saint, Saint le Seigneur, Dieu des armées? Que vos tabernacles sont aimables, ô Seigneur des armées! O Dieu des Anges, qu'ils sont beaux, qu'ils sont aimables vos tabernacles! Mon âme s'épuise en soupirant après les parvis du Seigneur; mieux vaut un jour dans vos parvis que mille [loin de vous].

  A026002694 

 Dans ce royaume vous voulez régner; je vous le rends, ô Père, je vous le donne, qu'il soit bien vôtre, puisqu'en réalité il est vôtre; que je ne l'usurpe pas, que je ne le livre plus au démon, au monde ni à la chair, qui sont de très cruels tyrans, mais à vous qui en êtes le vrai Seigneur.

  A026002694 

 Régnez dorénavant en mon âme: en ma mémoire, afin qu'elle se souvienne toujours de vous; en mon intelligence, afin qu'elle considère toujours votre bonté infinie et votre grandeur; en ma volonté, afin que sans cesse elle vous aime, vous loue et vous bénisse.

  A026002699 

 Donc, Seigneur, qu'attendez-vous? Coupez seulement ce qui est mien et greffez ce qui est vôtre.

  A026002699 

 Je dirai, ô Père, avec votre Fils bien aimé Notre-Seigneur Jésus-Christ: Père, non pas ma volonté, mais la vôtre soit faite; Père, non ce que je veux, mais ce que vous voulez; [406] Père, que votre volonté soit faite sur la terre comme au Ciel..

  A026002699 

 Père saint, ôtez de mon âme, je vous prie, la volonté propre et greffez en elle la vôtre, afin que toujours votre volonté se fasse et jamais la mienne.

  A026002699 

 Père, je vous prie aussi que votre très sainte volonté soit faite [405] sur la terre comme elle se fait au Ciel.

  A026002700 

 Je vous prie aussi, Père, que de même que les esprits angéliques, signifiés par les cieux, font toujours votre très sainte volonté, de même l'âme des pécheurs, représentés par la terre, fasse aussi ce qui est de votre volonté, car de cette manière ils ne vous offenseront plus..

  A026002701 

 Je vous demande avec instance, ô Père, que votre volonté soit faite en moi et en tous, parce que je suis sûr que votre volonté est que nous soyons tous des saints.

  A026002702 

 Que votre volonté soit faite sur la terre comme au Ciel; je vous prie donc, 6 Père, que votre volonté soit faite en moi..

  A026002702 

 « Votre volonté est que je sois ferme dans la foi, humble dans la conversation, modeste dans mes paroles, juste dans mes actions, miséricordieux avec les nécessiteux, bien réglé dans mes mœurs; que je ne lasse injure à personne, que je supporte tous les hommes, qu'avec tous je garde la paix, que je vous aime comme Père, que [407] je vous craigne comme Père.

  A026002703 

 Enfin, ô Père, vous et votre Fils bien aimé m'avez déclaré votre volonté quand celui-ci a dit: Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, de tout votre esprit et de toutes vos forces, et votre prochain comme vous-même. O Père, puisque votre volonté est que je vous aime de tout mon cœur, de toute mon âme et de toutes mes forces, donnez-moi, ô Père, de faire « ce que vous ordonnez et ce que vous voulez.

  A026002703 

 Je vous offre, ô Père, mon âme pour autel; faites que le feu de votre amour brûle sans cesse en elle.

  A026002703 

 Permettez-moi, mon Dieu et mon Père, d'approcher de vous, Feu d'amour, ce flambeau de mon âme, afin qu'étant allumé, il brûle sans cesse, vous aimant vous-même et le prochain en vous: ainsi sera faite en moi votre sainte volonté..

  A026002703 

 Vous nous avez ordonné, Père, qu'il y eût toujours du feu sur votre autel.

  A026002709 

 Et parce qu'en moi se trouvent deux substances, l'une corporelle, l'autre spirituelle, pour toutes deux je vous demande du pain.

  A026002709 

 Les yeux de tous les êtres sont tournés vers vous dans l'attente, Seigneur, et vous leur donnes la nourriture en temps opportun; les yeux de vos enfants vous regardent, ô Père, et demandent ce Pain de vie, parce que par lui on mène une vie céleste.

  A026002709 

 Me voici bien affamé, ô notre Père; écoutez ce mot que je vous adresse: Du pain, Père, du pain! Daignez donc, Père saint, ouvrir les entrailles de votre miséricorde, et puisque vous le pouvez, secourez-moi et donnez à votre enfant le pain de votre grâce et le Pain supersubstantiel du Très Saint Sacrement..

  A026002709 

 Moi donc, Père, l'un de vos enfants, bien que d'ailleurs indigne, grand par les années, mais très petit en mérites, affamé et besogneux, je vous demande le pain.

  A026002709 

 Or, Père plein de pitié, souvenez-vous que lorsque les petits enfants demandent du pain à [410] leur père, surtout s'ils ont bien faim, ils crient de toutes leurs forces ce mot: Pain, pain! et avec ce mot, comme avec autant de flèches, ils blessent le cœur de leurs pères qui, sur la terre, cherchent du pain pour le donner à leurs enfants.

  A026002709 

 Pour le corps, qui est terre, je vous demande le pain de la terre; pour l'âme, qui est esprit, je vous demande le Pain céleste, le Pain des Anges.

  A026002716 

 Père, nous sommes pauvres et pleins de dettes; vous, vous êtes riche et notre créancier; il faut que le riche remette au pauvre ses dettes: remettez-nous donc nos dettes.

  A026002716 

 Quel est le père qui ne remettrait pas à son fils tombé en grande pauvreté n'importe quelle dette, si humblement il le lui demandait? Et qui donc, ô Père saint, est un fils plus pauvre et plus chargé de dettes que moi? Voici que, comme un autre publicain, humblement je vous prie: remettez-moi tant de dettes de péchés par lesquels je vous ai offensé; « O Dieu, dont le propre est de faire toujours miséricorde et de pardonner, » ayez pitié de ce pauvre enfant et remettez-moi toutes mes dettes.

  A026002716 

 Souvenez-vous, ô Père, de vos miséricordes qui sont éternelles, et de même que vous avez usé de miséricorde à l'égard de tant de vos serviteurs, daignez me remettre tous mes péchés..

  A026002717 

 Enfin je vous prie, Père saint, par votre miséricorde infinie, par la vertu de cette Passion que votre Fils bien aimé endura sur le bois de la croix et par les mérites et l'intercession de la Bienheureuse Vierge et de tous les élus qui existent depuis le commencement du monde, de daigner nous remettre nos dettes.

  A026002717 

 Je me rappelle, ô Père, que vous vous êtes souvenu de votre serviteur David et que vous lui avez pardonné sa grande faute.

  A026002717 

 Je me souviens, ô Père, de votre miséricorde à l'égard de votre ancien peuple à qui tant de fois vous pardonnâtes ses péchés.

  A026002717 

 Vous avez mis, Seigneur, des bornes à la mer, mais vous avez laissé sans bornes votre miséricorde, afin que toujours elle aille chercher les pécheurs chargés de dettes pour leur pardonner.

  A026002717 

 Vous n'êtes point changé; vous étiez autrefois le Dieu très miséricordieux, vous ne l'êtes pas moins maintenant; vous êtes le même Dieu que jadis, votre miséricorde n'est pas finie puisqu'elle est infinie; elle ne s'est point arrêtée puisqu'elle n'a point d'arrêts et que, plutôt, on fermerait le Ciel; elle n'a pas cessé, puisque de même que le feu opère toujours tant qu'il y a de la matière à consumer, ainsi votre miséricorde, tant qu'il y a des péchés à brûler et des dettes à remettre.

  A026002718 

 Je vous prie aussi, ô Père, de me donner assez de vertu et votre grâce pour que je puisse parfaitement pardonner à ceux qui m'ont offensé; et si vous trouvez dans mon cœur quelque reste d'imperfection contre ceux qui m'ont offensé, vous, Père, par le feu de votre charité, faites-le disparaître, brûlez-le, faites que nulle trace ni ombre de rancune demeure dans mon cœur, afin que je puisse dire en toute vérité: Pardonnez-nous nos offenses comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensés..

  A026002722 

 Donnez les moyens, portez secours, 6 Père; les ennemis sont aussi nombreux que le sable de la mer et expérimentés dans le combat; mon âme est languissante, faible, impuissante si vous ne venez à son aide.

  A026002722 

 Saisissez donc vos armes et votre bouclier, et levez-vous pour me secourir; tirez la lance et barrez le passage à mes persécuteurs; dites à mon âme: Je suis ton salut.

  A026002723 

 Je ne demande pas que vous me délivriez des tentations, ô Père, mais je vous demande la grâce et la force pour résister et combattre énergiquement.

  A026002723 

 O Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, venez à mon aide; Seigneur, hâtez-vous de me secourir.

  A026002723 

 Par amour pour vous, je veux bien avoir des tribulations et des angoisses en ce monde, pourvu que dans les tribulations mon âme ne défaille pas.

  A026002723 

 Père saint, quand donc ferez-vous justice de ceux qui me persécutent? Faites justice, Seigneur, de ceux qui cherchent la mort de mon âme, donnez-moi cependant votre aide pour ne point tomber, pour ne pas vous offenser.

  A026002727 

 Père saint, je reconnais vos miséricordes sur moi, car vous m'avez préservé de beaucoup de maux que j'avais mérités par mes péchés; autant de fois que je péchai, autant de fois je méritai ce mal infini qui est la damnation éternelle.

  A026002727 

 Qu'ils sont nombreux, Père, ceux qui ont encouru ce malheur! Ils avaient commis moins de péchés que moi; et combien, parce qu'il ne leur fut pas donné, comme à moi, le loisir de faire pénitence, moururent misérablement dans leurs péchés et se perdirent! Je vous en prie, ô Père, délivrez-moi désormais de toute faute, afin que j'échappe aux peines de l'enfer; faites, Seigneur, que je ne vous offense plus; vous avoir offensé dans le passé est bien suffisant.

  A026002728 

 Que d'aveugles, que de sourds, que de muets, que de paralytiques sont au nombre des enfants d'Adam! et vous, Seigneur, m'avez préservé de tous ces maux, bien que je fusse comme eux enfant d'Adam, et pécheur plus qu'eux tous; cependant, cela me servirait de peu de chose ou même de rien, si vous ne me délivriez du mal du péché.

  A026002728 

 Vous m'avez délivré, ô Père, de beaucoup de maux qui sont en ce monde.

  A026002729 

 Vous m'avez délivré, 6 Père, des ténèbres et de l'aveuglement où se trouvent les Turcs, les Maures, les Juifs, les Gentils et payens, me faisant naître dans le sein de la sainte Eglise; délivrez-moi, ô Père, des ténèbres et de l'aveuglement du péché, afin que je jouisse du sang et des mérites de votre Fils béni, Jésus-Christ mon Seigneur, et que je sois compté parmi vos enfants, qui sont les fils de la lumière dans votre Royaume..

  A026002730 

 Ne me regardez pas, ô Père, moi qui suis le plus grand de tous les pécheurs, mais regardez votre Fils très saint et béni, le plus grand de tous les Saints, voire le Sanctificateur d'eux tous; et par l'amour que vous lui portez, accordez-moi ce qu'il m'a ordonné de vous demander..

  A026002730 

 Père, votre saint et bien aimé Fils Jésus-Christ m'a ordonné de faire cette prière et m'a envoyé à vous afin que je vous demande les grâces qui y sont contenues.

  A026002731 

 Je vous le présente, et vous prie humblement que par ses mérites et par sa très sainte Mort et Passion vous daigniez m'accorder ce que lui-même, dans cette Oraison et cette requête qui sont siennes, m'a ordonné de vous demander, afin que mon âme soit toute vôtre et qu'elle vous loue et bénisse dans les siècles des siècles.

  A026002731 

 Voilà donc, 6 Père, je viens maintenant devant vous avec votre saint Fils, mon Seigneur Jésus.

  A026002739 

 Comme s'il vouloit dire: Souvenes vous de ce que j'ay enduré pour vostre salut, prattiques donq ce mesme mystere pour vous et pour les vostres..

  A026002742 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Filz de Dieu vivant, qui aves voulu estre saisi de crainte et de tristesse a l'instant de vostre Passion, donnes moy la grace de vous consacrer tous mes ennuis.

  A026002745 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Fils de Dieu vivant, qui aves voulu estre conforté lhors que vous priies au Jardin des Olives, faites que par la vertu de vostre orayson, vostre saint Ange m'assiste tous-jours en mes prieres..

  A026002748 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves sué du sang par tous vos membres et dans l'exces de vostre douleur, lhors qu'estant reduit a l'agonie vous priies le Pere eternel au Jardin, faites que par le souvenir de vostre Passion, je puisse participer a vos douleurs divines, et qu'au lieu de sang je verse des larmes pour mes pechés..

  A026002751 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves enduré le bayser du traistre Judas, faites moy la grace de ne vous trahir jamais, et de rendre a mes calomniateurs les offices d'une amitié chrestienne.

  A026002760 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves permis d'estre trois fois renié en la maison de Caïphe par le prince des Apostres, preserves moy des mauvaises compagnies, affin que le peché ne me separe jamais de vous.

  A026002763 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui par un regard de vostre amour aves tiré des yeux de saint Pierre les larmes d'une veritable penitence, faites par vostre misericorde, que je pleure amerement mes pechés, et que je ne vous renie jamais de fait ou de parole, vous qui estes mon Seigneur et mon Dieu.

  A026002772 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves souffert d'estre renvoyé d'Herode a Pilate, qui devinrent amis par ce moyen, faites moy la grace de ne pas craindre les conspirations que les meschans font contre moy, mais d'en tirer du proffit, affin d'estre digne de vous estre conforme.

  A026002778 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre lié a la colomne [423] et deschiré a coups de fouetz, donnes-moy la grace d'endurer patiemment les fleaux de vostre correction paternelle, et de ne vous point affliger doresnavant par mes pechés.

  A026002796 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estant dans le chemin par lequel vous marchies au supplice de la croix, aves dit aux femmes qui pleuroyent pour l'amour de vous qu'elles devoyent pleurer pour elles mesmes, donnes moy la grace de bien pleurer mes pechés, donnes moy les larmes d'une sainte compassion et d'un saint amour, qui me rendent aggreable a vostre sainte Majesté..

  A026002799 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre attaché en croix [424] pour mon salut, y attachant avec vous l'obligation de nos pechés et de la mort, percés ma chair d'une sainte crainte, affin qu'embrassant fortement vos commandemens, je sois tous-jours attaché a vostre Croix.

  A026002811 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves promis la gloire du Paradis au larron qui se repentoit de ses pechés, regardes moy des yeux de vostre misericorde, affin qu'a l'heure de ma mort vous disies a mon ame: Aujourd'huy tu seras avec moy en Paradis.

  A026002817 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui mourant en la croix pour mon salut aves recommandé vostre ame au Pere eternel, faites que je meure avec vous spirituellement, affin qu'a l'heure de ma mort je rende mon ame entre vos mains.

  A026002820 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui, apres avoir terrassé les puissances [425] du diable, estes descendu aux enfers, et aves delivré les peres qui y estoyent detenus, faites, je vous prie, descendre en Purgatoire la vertu de vostre sang et de vostre Passion sur les ames des fidelles trespassés, affin qu'estant absoutes de leurs pechés, elles soyent receues dans vostre sein et jouissent de la paix eternelle.

  A026002823 

 Mon Seigneur Jesus Christ, plusieurs ont deploré leurs pechés par la consideration de vos souffrances: faites moy la grace, par les merites de vostre Passion douloureuse et de vostre Mort, de concevoir une parfaite contrition de mes offenses, et que des-ormais je cesse de vous offenser.

  A026002826 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves voulu estre enseveli dans un nouveau monument, donnes moy un cœur nouveau, affin qu'estant enseveli avec vous, je parvienne a la gloire de vostre resurrection..

  A026002832 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estes sorti victorieux et triomphant du sepulchre fermé et cacheté, faites moy la grace que resuscitant du tombeau de mes vices, je marche dans une nouvelle vie, affin que, lhors que vous paroistres dans vostre gloire, j'y paroisse aussi avec vous.

  A026002835 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves res-joui vostre chere Mere et vos Disciples apparoissant a eux apres vostre resurrection, donnes moy cette grace, que puisque je ne puis vous voir en cette vie mortelle, je vous contemple en l'autre en vostre gloire.

  A026002841 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui estes monté au Ciel en presence de vos disciples, apres avoir accompli le nombre de quarante jours, faites moy la grace que mon ame se degouste pour vostre amour de toutes les choses de la terre, qu'elle aspire a l'eternité et qu'elle vous desire comme le comble de la felicité.

  A026002844 

 Mon Seigneur Jesus Christ, qui aves donné le Saint Esprit a vos disciples perseverant unanimement en l'orayson, espures, je vous prie, l'interieur de mon cœur, affin que le Paraclet trouvant un sejour aggreable en mon ame, l'embellisse par ses dons, de ses graces et de sa consolation.

  A026002847 

 Je vous prie, par les merites de ce divin Sacrifice, de me donner l'esprit et la force de resister tous-jours a toutes les mauvaises tentations, affin que, sortant de ce monde, je sois digne du Paradis.

  A026002847 

 Mon Seigneur Jesus Christ, Fils de Dieu, mon Redempteur, je vous remercie de ce que vous m'aves fait la grace d'avoir entendu aujourd'huy la sainte Messe.

  A026002851 

 Je vous prie donq, ma bonne, gracieuse et douce Mere, qu'il vous playse de me consoler en toutes mes angoisses et tribulations, tant spirituelles que corporelles..

  A026002851 

 Je vous salue, tres douce Vierge Marie, Mere de Dieu.

  A026002851 

 Vous estes ma Mere et ma Souveraine; partant je vous supplie de m'accepter pour vostre filz et serviteur, parce que je ne veux plus avoir de Mere et de Maistresse que vous.

  A026002852 

 Ayes memoire et souvenance, tres douce Vierge, que vous estes [427] ma Mere et que je suis vostre filz, que vous estes tres puissante et que je suis une pauvre creature vile et foible.

  A026002852 

 Partant je vous supplie, ma tres douce Mere, que vous me gouvernies et defendies en toutes mes voyes et actions, car helas! je suis un pauvre disetteux et mendiant qui ay grand besoin de vostre sainte protection.

  A026002853 

 Ne me dites pas que vous ne deves, car vous estes la commune Mere de tous les pauvres humains, et singulierement la mienne.

  A026002853 

 Ne me dites pas, gracieuse Vierge, que vous ne pouves, car vostre bienaymé Filz vous a donné toute puyssance, tant au Ciel comme en la terre.

  A026002853 

 Si vous n'esties ma Mere, avec rayson je patienterais disant: Elle est bien asses riche pour m'assister, mais helas! n'estant pas ma Mere elle ne m'a.yme pas..

  A026002853 

 Si vous ne pouvies, je vous excuserois disant: Il est vray qu'elle est ma Mere et qu'elle me cherit comme son filz, mais la pauvrette manque d'avoir et de pouvoir.

  A026002854 

 Puis donq, tres douce Vierge, que vous estes ma Mere et que vous estes puyssante, comment vous excuseray je si vous ne me soulages et ne me prestes vostre secours et assistance? Voyes, ma Mere, que vous estes contrainte de m'accorder ce que je vous demande..

  A026002862 

 O bienheureuse Vierge Marie, digne Mere de Dieu et fidele Dispensatrice de toutes les graces qu'il veut nous distribuer en cette vie, je vous supplie, par l'amour de vostre cher Filz, nostre Sauveur Jesus Christ, de m'obtenir de vostre divin Espoux, le Saint Esprit, une lumiere celeste et un bon conseil pour connoistre ce que je dois faire et comment je dois me conduire pour la gloire de Dieu et l'advancement de mon salut..

  A026002863 

 J'espere, o Sainte Vierge, recevoir par vostre moyen cette faveur du Ciel, car apres Dieu, j 'ay mis en vous toute ma confiance..





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